FAILLY Anaïs Mémoire EMC
FAILLY Anaïs Mémoire EMC
FAILLY Anaïs Mémoire EMC
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1. Partie théorique
1.1Comment enseigner l'EMC aujourd'hui ?
Le terme d’instruction civique fait son apparition suite à la Révolution française. Avec
la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, former des citoyens
devient un des enjeux de l’école. Sous l’ancien régime, l’éducation était religieuse puisque
majoritairement délivrée par l’Eglise. De plus, les disparités, en termes d’alphabétisation
notamment, étaient très importantes entre les villes et les campagnes. Afin de remédier à cela,
la Constitution de 1791 garantit que « il sera créé et organisé une Instruction publique commune
à tous les citoyens » (Institut français de l’éducation). Condorcet, élu président du Comité
d’Instruction Publique, prône la liberté et l’indépendance de celle-ci face à tout pouvoir afin de
lutter pour l’égalité des citoyens et la formation de l’esprit critique. « Et pourquoi donc ne pas
vouloir qu'une instruction bien dirigée les rende d'avance plus difficiles à séduire, plus disposés
à céder à la voix de la vérité ? » (1793, p.214) dit-il. Il explique que l’éducation ne doit être
qu’instruction et que celle-ci doit avoir pour but les progrès des lumières, le développement des
capacités de tous et le perfectionnement de l’humanité. Comme l’étymologie l’indique, instruire
c’est outiller, armer et selon Condorcet, le devoir de l’instruction : « Est d'armer contre l'erreur,
qui est toujours un mal public, toute la force de la vérité. » Tout en ajoutant qu’elle « pas le
droit de décider où réside la vérité, où se trouve l'erreur » (1791, p.38). Il condamne de ce fait
les cours de moral qui étaient l’apanage de l’éducation et promeut une formation civique et
pratique à l’école primaire. Un plan d'éducation nationale proposé en 1792 par Lepeletier de
Saint-Fargeau est présenté par Robespierre. Selon celui-ci, l’instruction ne suffit pas, il faut
éduquer le citoyen et l’état doit se charger d’inculquer une morale. C’est en fait un catéchisme
républicain qui est instauré. Si la dimension d’instruction civique est maintenue sous l’Empire,
c’est une instruction morale et religieuse qui est dispensée tout au long du 19ème siècle.
En 1882, l’école devient laïque et les cours de religion sont interdits par la loi. La morale
laïque remplace alors officiellement la morale religieuse. C’est à ce moment-là que Jules Ferry
introduit à l’école « l’instruction morale et civique » dans le but d’inculquer aux élèves les
valeurs et les idéaux républicains ainsi que ceux issus de la révolution française tels que la
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liberté, l’égalité, la fraternité, le respect des droits de l’homme…Il s’agit alors pour le maître
d’école d’user de toute une collection d’exemples concrets et marquants afin de former des
citoyens éclairés, défenseurs de la république. Cependant, la morale laïque reste délivrée de
manière dogmatique par l’instituteur. Celui-ci promeut des règles de conduite bien définies,
destinées à guider les actions et les pensées des élèves. Ainsi, dans sa lettre de 1883 aux
instituteurs, Jules Ferry ne sollicite plus le fonctionnaire pour délivrer cet enseignement, il fait
appel au « père de famille dans toute la sincérité de sa conviction et de son sentiment. » (MEN,
2011, p.3). Des modèles et des contre-modèles doivent être exposés aux élèves afin de susciter
chez eux de l’admiration pour les premiers et de la désapprobation envers les seconds. Il s’agit
de les moraliser, de les ranger du côté du bien. Dans les instructions ministérielles de 1887,
l’instruction morale et civique est définie comme : « l’art d’incliner la volonté libre vers le bien.
» et le rôle de l’instituteur est d’inculquer « les préceptes de haute moralité. » (MEN, 2011, p.6).
C’est seulement en 1945 que les cours d’instruction morale et civique sont étendus au
secondaire à raison d’une heure par semaine, puis seulement d’une heure par quinzaine en 1948.
En effet, à la fin de la seconde guerre mondiale, les esprits sont marqués au fer rouge par la
Shoah et l’importance d’une instruction civique pour tous est réaffirmée. Cependant, cet
enseignement pose des difficultés dans sa pratique du fait de programmes et d’horaires
surchargés ainsi que du manque de formation des enseignants. En 1955, l’instruction civique
est remplacée par l’éducation civique.
Dans les années 1960, une baisse importante de sa pratique dans les classes est constatée.
Fortement contestée, on lui reproche de véhiculer les préjugés de l’époque et elle est accusée
d’inculquer une morale stigmatisante, culpabilisante et manichéenne. La réforme de 1969 fait
disparaître cet enseignement du primaire puis la réforme Haby de 1977 le supprime au collège.
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1.1.2 Les programmes officiels
Dans les premiers programmes, parus en 1882, l’instruction morale et civique est au cœur
de l’école républicaine. Il s’agit de souder la nation en enracinant la République et en formant
ses futurs défenseurs. En maternelle, il est question pour le maître d’école de « gagner
l’affection des élèves » (MEN, 2011, p.9). Entre 5 et 7 ans, il doit porter une attention toute
particulière aux enfants « chez lesquels il a observé quelque défaut ou quelque vice naissant. »
(MEN, 2011, p.9). Pour ce qui est des élèves de 7 à 9 ans, c’est le sentiment de peur qui est
utilisé puisque l’instituteur doit user d’exemples caricaturaux afin de leur inspirer autant de
compassion pour les victimes du mal que d’horreur pour le mal lui-même. Il est également
question de « les élever (…) au sentiment religieux » (MEN, 2011, p.9). Après 9 ans, la
culpabilisation est explicitement préconisée afin de s’assurer du respect des lois morales
puisque celles-ci sont définies auprès de l‘élève comme « un devoir que nul ne le contraint à
remplir, mais auquel il ne peut faillir sans se sentir coupable envers lui-même et envers Dieu »
(MEN, 2011, p.10). Dans les thèmes prescrits par les programmes, les manuels de l’époque font
la part belle aux grands principes chrétiens (morale individuelle et familiale) au patriotisme et
à la République (morale sociale). Il s’agit de modeler les futurs citoyens à l’aune de la société
républicaine : « Cette éducation n’a pas pour but de faire savoir, mais de faire vouloir (…) Elle
n’entreprend pas d’analyser toutes les raisons de l’acte moral, elle cherche avant tout à le
produire, à le répéter, à en faire une habitude qui gouverne la vie. » (MEN, 2011, p.6).
Par ailleurs, au vu des références explicites à Dieu, on peut se questionner sur la laïcité
de ces programmes et donc de cet enseignement. Si aucune religion n’est prônée au détriment
des autres, le respect et la crainte de Dieu sont cependant inspirés aux élèves.
Dans les programmes de 1923, des cours de morale sont dispensés jusqu’à 11 ans,
l’instruction morale et civique prend ensuite le relais. Dorénavant, les élèves doivent être
familiarisés avec « l’organisation politique, administrative et judiciaire de la France » (MEN,
1923, p.17) et les droits et les devoirs du citoyen doivent leur être explicités.
Cet enseignement restera en application à l’école primaire jusqu’en 1969 avant de disparaître
des programmes. Dans les faits, il se cantonnera souvent à des cours de morale et il sera même
parfois remplacé par des heures supplémentaires d’histoire géographie.
C’est en 1985 que cet enseignement réapparait dans les programmes sous l’appellation «
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Education civique ». La morale disparaît de l’intitulé mais pas de l’enseignement puisque celui-
ci se veut : « Eminemment moral » (MEN, 1985, p.20) selon les textes officiels. De plus, le
terme d’« Education » remplace celui d’ « Instruction ». Ce choix terminologique est explicité
dans les textes officiels : « Éduquer le citoyen, ce n'est ni scruter la conscience ni régenter la
volonté, c'est éclairer sa liberté pour qu'elle puisse trouver elle-même ses voies. L'éducation
civique ne prend jamais la forme de l'endoctrinement ou de l'exhortation, elle invite à la
responsabilité, elle est toujours une éducation à la liberté. » (MEN, 1985, p.20). L’éducation
civique est enseignée à raison d’une heure par semaine quelque-soit le cycle, alors que
précédemment cet enseignement était intégré à d’autres (histoire géographie ou découverte du
monde). Ce sont les règles essentielles de la vie démocratique qui sont abordées de manière
progressive afin de former des citoyens éclairés.
Dans les programmes de 2002, 30 minutes de débat hebdomadaire sont prescrites sous
l’intitulé « Vivre ensemble » (MEN, 2002, p.49) au cycle 2 afin d’aider l’élève à construire sa
personnalité et à prendre sa place au sein du groupe classe. Au cycle des approfondissements,
en plus de 30 minutes de débat hebdomadaire réglé dans « Vie collective » une heure
d’éducation civique est à répartir dans tous les champs disciplinaires (MEN, 2002, p.71). En
effet, l’éducation civique est définie comme un domaine transversal dans les textes officiels car
elle est considérée comme l’apprentissage d’un comportement plutôt que comme l’acquisition
d’une somme de savoirs. Elle a pour objectif d’élargir l’horizon de l’élève qui découvre les
multiples facettes du citoyen qui est à la fois un citoyen dans sa commune, un citoyen français
et européen, mais également un citoyen du monde.
Dans les programmes de 2008, l’intitulé « Vivre ensemble » ne concerne plus que la
maternelle où il est question d’« apprendre les règles de civilité et les principes d’un
comportement conforme à la morale » (MEN, 2008, p.14). Le terme « d’Instruction civique et
morale » est réintroduit au cycle 2. Il est alors décrié car interprété comme annonciateur du
retour des cours de morale injonctif et du catéchisme républicain au détriment de
l’apprentissage du débat. Cependant, selon Benoit Falaize, chargé d'étude et de recherche à
l'INRP, « ce terme veut marquer la rupture avec les pratiques et les injonctions éducatives de ce
qui était appelé le « vivre ensemble » dans les anciens programmes. » L’objectif principal de
cet enseignement étant dorénavant de « privilégier une meilleure compréhension de la société
dans laquelle nous vivons. » (2008). Cette ambition transparait dans l’intitulé puisqu’il s’agit
bien d’instruction civique et morale et non plus d’instruction morale et civique.
Dans la circulaire du 25 août 2011, l’importance de l’enseignement civique et moral est
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réaffirmée. L’étude de situations concrètes et de dilemmes ainsi que la réflexion collective
doivent en être les supports privilégiés afin « d’exercer le jugement moral » de l’élève et de lui
permettre de « placer le respect d’autrui au sommet de ses valeurs » (MEN, 2011 b).
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relayé en France par Michel TOZZI puis François GALICHET entre autres.
Espérons que l’inquiétude dont Michel TOZZI faisait part il y a de ça une quinzaine d’année à
propos de la philosophie à l’école ne se vérifie pas : « Que se passerait-il si elle venait à être
institutionnalisée, devenant matière obligatoire, avec des notes ? Question piège, car la
scolarisation d’une innovation, c’est à dire son obligation et sa banalisation signe souvent le
déclin de l’intérêt des élèves… et des enseignants qui la portent. » (2001, p.20)
1.2.1 le constructivisme
Les travaux du psychologue suisse Jean Piaget ont permis de comprendre la psychologie
du développement. Il fut le premier à montrer que les enfants ne sont pas moins intelligents que
les adultes mais qu'ils raisonnent différemment. Comment ces premiers modes de penser
évoluent-ils jusqu’à ceux de l’âge adulte ? C’est la question qui a occupé J.Piaget une grande
partie de sa vie. Il défendit une position constructiviste et interactionnelle où le sujet construit
le milieu à l’intérieur de lui en même temps qu’il se construit en interaction avec le milieu. Il a
ainsi décrit quatre stades de développement de 0 à 15 ans. Le stade sensori-moteur où l’enfant
acquiert la notion de permanence de l’objet, le stade préopératoire caractérisé par le début du
langage et de la pensée symbolique, le stade opératoire concret au cours duquel il devient
capable de conceptualiser et de créer des raisonnements logiques et enfin le stade des opérations
formelles permettant les raisonnements hypothéticodéductifs et l’établissement de relations
abstraites. Selon lui ce serait à partir de 15 ans que les enfants seraient en mesure de traiter des
questions morales.
Ces stades de développement cognitif ainsi décrits constituent des frontières, où à chaque
franchissement l’enfant doit reconstruire tout l’édifice des connaissances apprises jusque-là.
L'enfant se développerait suite à des conflits cognitifs engendrés par la rencontre de situations
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inconnues qui produiraient un déséquilibre des structures établies. L’enfant cherche à le
résoudre par assimilation et accommodation pour trouver un nouvel équilibre. Selon la théorie
de J.Piaget, c’est donc le développement biologique, conditionné par les facteurs
génétiques, qui serait à l’origine du développement cognitif duquel dépendrait le
développement moral. Cependant plusieurs reproches ont été faits à ces travaux qui donnent
une vision trop simpliste du développement, où les régressions et retours en arrière (dans les
stades) n’existent pas. Ce modèle ne prend pas ou peu en compte les influences sociales sur les
apprentissages et le rôle du langage est sous-estimé. C’est en particulier la subordination des
apprentissages au développement qui posera problème à certains chercheurs dans ce domaine.
1.2.2 Le socioconstructivisme
On sait aujourd’hui que les enfants se posent des questions très tôt. V.Trovato (2004),
docteur en sciences de l'éducation décrit l'évolution cognitive differemment. Selon lui, l'enfant
développe au cours des deux premières années ses aptitudes physiques et cherche à comprendre
son environnement par son activité propre et les réactions de ses proches. Il va ensuite montrer
à l'adulte les objets nouveaux et les situations inconnues pour en partager l'émotion et en
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comprendre le sens. Dans ce processus de découverte et d'appropriation du sens, l'enfant
découvre peu à peu les mots. Il entre dans la période des « pourquoi ? ». Pour l'auteur c'est le
début de la philosophie chez les enfants.
Si J.Piaget affirme que les stades de développement bloquent l’accès des enfants à la
rigueur de la pensée et à l’abstraction de la philosophie, V.Trovato (2004) dans ses recherches
montre que l'enfant a une capacité d'étonnement qui est à l’origine du questionnement
philosophique. L’auteur pense qu’« il faut profiter de ce que le courant de la culture n’a pas
encore fini d’emporter pour apprendre aux enfants éducables et donc raisonnables (capables de
raison) à préserver cet étonnement et à le convertir en esprit critique». (2004, p.22). V.Trovato
ajoute que « l'enfant a naturellement cette soif de connaître, de comprendre le monde qui
l'entoure et de lui donner du sens » (2004, p.25). Le langage joue ici un rôle dans la structuration
de la pensée. L'auteur précise même que «la plupart de toutes les idées philosophiques viennent
de l'enfance, des contes, des peurs, des histoires des enfants » (2004, p.23). Cela rejoint l'idée
de Karl Jasper qui explique que «la majeure partie des questions des enfants sont des questions
philosophiques » et que « l'enfant en tant qu'être humain est porteur d'un questionnement
existentiel » (cité par V. Trovato, 2004, p.7). De ces dires on perçoit alors tout l'enjeu de l'EMC
à l'école qui a pour but d'entretenir cette capacité de réflexion chez les enfants : une réflexion
par eux-mêmes, une mise en mots et une formulation de leurs interrogations. J. Derrida
proposait il y a plus de 30 ans d'implanter en France la philosophie à l'école primaire avec l'idée
de supprimer les ruptures entre l'enfant et l'adolescent, entre l'enfant et l'adulte dans le cadre de
cet enseignement. Ce philosophe évoque le « droit à la philosophie » (cité par V.Trovato, 2004,
p.9) qui entraîne l'enfant à penser par lui-même et assure une libération sur le plan humain.
De ces réflexions, il serait donc important de retenir de ne pas donner de réponses toutes
faites aux questions philosophiques des élèves, mais plutôt de les laisser y réfléchir en leur
permettant de confronter leurs arguments afin de développer leurs capacités de réflexion. V.
Trovato explique que dans la pratique de la philosophie avec les enfants que : « L'adulte suivra
avec l’enfant une procédure d’investigation philosophique qui permettra à ce dernier d'acquérir
une attitude de raisonnement et de réflexion vis-à-vis du monde extérieur. » (2004, p.9).
Comme l'explique un document Eduscol (2015), la D.V.P entre dans la catégorie des
débats réglés. L'objectif est de réfléchir au sens des choses, en dehors de toute prise de décision
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et sans viser l'action. Cette réflexion implique le partage de questions existentielles, de revoir
son rapport au monde, aux autres et à soi-même. La discussion à visée philosophique (DVP)
n'est ni un apprentissage de la démocratie, contrairement au conseil de classe, ni un lieu de
parole. Il s'agit d'accéder à la pensée en ce qu'elle ouvre à l'universel : ce qui vaut à tout autre
que moi. On exclura donc la simple juxtaposition des opinions et la simple expression du « moi
je ». Il existe différents points de départ possibles pour une D.V.P. On peut se servir d'une photo,
d’un dessin ou d’un support écrit comme une œuvre de littérature jeunesse, des mythes
philosophiques ou encore une citation philosophique. On peut aussi partir d'un événement
actuel survenu dans la classe ou dans le monde. Il est également possible d'amorcer un débat
par une question choisie par les élèves ou une question philosophique proposée par l'enseignant,
qu'il s’agisse d'une question simple ou d'un dilemme moral (M.Tonolo, communication
personnelle). Nos recherches sont principalement axées sur les D.V.P réalisées après un travail
sur une œuvre de littérature de jeunesse. Cette entrée est particulièrement intéressante selon N.
Le Mignant (2012). En effet, l’œuvre de littérature de jeunesse permet à l’élève de s’identifier
aux différents personnages, ce qui lui permettrait donc de se projeter dans l’action et de vivre
les dilemmes par procuration. Comme le cite l’auteure cela « permet au lecteur de s’interroger
sur son rapport au monde, aux autres, à lui-même ». (2012, p.37)
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De plus, en acceptant d’être contredit et en intégrant l’avis de ses camarades, l’enfant s’exerce
à communiquer de façon constructive et respectueuse avec autrui et il s’habitue à nuancer son
jugement.
D’autre part, l’enfant réfléchit à des questions existentielles qui sont souvent au cœur de
ses préoccupations conscientes ou inconscientes. Cela lui permet de toucher du doigt la
complexité de monde qui l’entoure. Il comprend peu à peu que les grandes questions
universelles n’ont pas de réponse unilatérale. Contrairement aux questions scientifiques, il n’y
a pas de bonne ou de mauvaise réponse et différentes conceptions du monde et de la vie sont
compatibles. Cet apprentissage permet de lutter contre les préjugés et les différentes formes de
manipulation susceptibles d’altérer le jugement d’un individu.
A travers la pratique des D.V.P, l’élève acquiert des capacités langagières spécifiques
puisqu’il apprend à s’exprimer au sein d’un groupe, à convaincre ainsi qu’à justifier ses
arguments. Il développe également une pensée réflexive qu’il apprend à approfondir et à
remettre en question. Il comprend peu à peu que s'il n’y a pas de bonne réponse en philosophie,
toutes les idées ne se valent pas pour autant : encore faut-il qu’elles soient fondées et justifiables.
Les D.V.P permettent également de donner du sens à l’école en tant que rempart contre
l’ignorance, l’aveuglement et l’intolérance.
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écrit, argumentation, débats) et les sciences en différenciant par exemple la croyance, de la
conviction et du savoir scientifique. Cette interdisciplinarité donne du sens aux apprentissages.
Enfin, cette activité d'échange qu'est la D.V.P induit un autre rapport au professeur qui
n’a pas la « bonne réponse » et qui doute lui aussi. Sa parole ne fait pas office de vérité. Il se
met en retrait pour laisser une plus grande place à l’élève. Tout ceci contribue plus globalement
à donner du sens à l'école en instaurant un rapport au savoir moins dogmatique.
Selon Michel Tozzi (1994), philosopher c’est « articuler, dans le mouvement et l’unité de
la pensée impliquée, sur des notions et des questions fondamentales à tout homme, des
processus interdépendants de problématisation, d’affirmations et de questions, de
conceptualisation de notions, d’argumentation rationnelle de thèses et d’objections ». M.Tozzi
(1994) distingue trois préoccupations que les élèves doivent s'approprier et que l'enseignant doit
garantir lors d'une D.V.P réalisée en classe. Tout d'abord la problématisation : les élèves doivent
peu à peu être capables de s'interroger sur leurs opinions et relativiser leurs croyances pour
pouvoir confronter leurs idées à d'autres. Problématiser c'est aussi la capacité d'avoir une
attitude de recherche, dans un but d'accéder au plus près à la vérité. Le deuxième processus
décrit par M.Tozzi (1994) est la conceptualisation qui consiste à mettre des mots sur les notions
dont on parle, à savoir les définir de manière précise. La conceptualisation d'une notion est à
distinguer de la définition d'un mot (dont le sens est apporté par dictionnaire) puisqu’elle
correspond plutôt à une représentation personnelle intérieure qui rend compte de sa propre
expérience et de sa vision du monde. L’argumentation constitue le troisième processus décrit
par M. Tozzi (1994). Elle permet de fonder son discours sur des arguments rationnels, de
pouvoir répondre aux éventuelles objections ou encore de se confronter à d'autres thèses
soutenues.
On trouve dans l'ouvrage de François Galichet (2004) les conditions à respecter lors d'une
D.V.P. Il explique qu’il est important de faire émerger des confrontations de points de vue et
que la parole doit être distribuée pour qu'il y ait échange d'arguments. De plus chaque élève doit
pouvoir disposer du même temps de parole que les autres s'il la réclame et l'enseignant ou
l'animateur du débat doit s'assurer que ces conditions soient respectées. L'auteur précise ensuite
les quatre caractéristiques essentielles d'un débat que sont : l’« universalité », l' «implication»,
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l' «irréalité », et la «totalisation» (2004, p 8 et p.9). Cela signifie que les arguments énoncés
doivent avoir une portée universelle et donc être acceptés de tous et valoir pour autre que celui
qui les avance. L'objectif majeur est de répondre à des questions que tout le monde se pose, en
y réfléchissant ensemble pour s'approcher de la vérité.
L'enseignant qui anime la D.V.P a un rôle complexe. Sans interventions excessives, le
déroulement et l'orientation du débat dépendent de lui. Il doit alterner différents types
d’interventions et adopter une posture d'étayage en incitant les plus timides à participer tout en
canalisant les autres. Il encourage les élèves à approfondir, à structurer ainsi qu'à préciser leurs
propos en donnant des exemples. Par ailleurs il doit s'assurer que les arguments pertinents qui
peuvent être énoncés ne soient pas mis de côté par le groupe et à l'inverse, que les idées non à
propos ne parasitent pas le débat. Mais cela ne suffit pas puisqu'il est également garant de la
problématisation des idées. D'autre part, si les élèves se retrouvent à court d'idées, il lui incombe
de relancer le débat d'où l'importance de bien préparer les différents enjeux de la question en
amont. Pour que les conditions citées plus haut soient garanties et que l’enseignant puisse se
retirer de la discussion, le débat peut être géré par les élèves eux-mêmes avec plus ou moins de
rôles dispensés. On peut nommer par exemple un distributeur de parole, un élève micro qui
passe le bâton de parole, un ou plusieurs secrétaires qui sont la mémoire du débat, des
observateurs…
1.4 Problématisation
J’ai observé chez beaucoup d’élèves de ma classe de CE1 et de CM1 une grande difficulté
à se décentrer et à envisager les choses autrement qu’au travers d’une perspective individuelle
et égocentrée. En effet, beaucoup d’entre eux manquent d’empathie et font systématiquement
passer leurs intérêts personnels avant ceux des autres, même quand il s’agit de l’intérêt général.
Or, je considère que l’un des rôles de l’école est d’aider l’élève à développer ses capacités
d’empathie et d’altruisme, d’autant plus au sein de la société actuelle à laquelle on reproche de
souffrir d’un individualisme exacerbé. J’ai donc tenté d’orienter ma pédagogie et mon autorité
en ce sens. Si j’ai pu observer quelques progrès, il me semble que c’est d’une part par imitation
et d’autre part pour répondre à mes attentes et se conformer aux normes que j’ai instaurées. Il
me paraît donc essentiel d’enseigner les valeurs d’empathie et d’altruisme en éducation morale
et civique afin de permettre une réflexion individuelle et collective qui sera susceptible d’amor-
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cer des changements de conception et de comportements profonds. Cependant, je souhaite évi-
ter d’aborder ces valeurs de manière frontale, afin que les élèves ne soient pas tentés de se
conformer à ce qu’ils imaginent que j’attends d’eux.
J’ai donc décidé de mener une séquence d’éducation civique et morale sur le thème de
la planète à l’aide de discussions à visées philosophiques. Les élèves seront ainsi amenés à se
questionner sur l’origine des nombreux problèmes auxquels la Terre est confrontée aujourd’hui
et sur le rôle individuel et collectif qu’ils peuvent jouer dans son avenir.
Mais dans quelle mesure une séquence d’EMC sur le thème de la planète permet-elle
un décentrement de soi ? Comment enseigner les valeurs d’empathie et d’altruisme au travers
de ce thème ?
2 Expérimentation
« L’homme qui plantait des arbres » est une courte nouvelle écrite en 1953 par Jean
Giono, écrivain et cinéaste français. L'auteur raconte l'histoire d'Elzéard Bouffier qui a décidé
de consacrer le reste de sa vie à planter des arbres dans une région aride et désertée de la vallée
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de la Durance. Ce berger, à la force de caractère hors du commun, parvient à redonner vie aux
villages alentours qui se voient peu à peu reconstruits et repeuplés. La forêt qu'il a plantée
s'étend sur plusieurs kilomètres et a permis le retour de l'eau et d'une végétation abondante. Le
narrateur, témoin de cette transformation, exprime toute l'admiration et le respect qu'il voue à
ce « vieux paysan sans culture qui a su mener à bien cette œuvre digne de Dieu » (Giono, 2010,
p.36). Il a d'ailleurs contribué à protéger la forêt du bûcheronnage en faisant appel à un ami
capitaine forestier. Il décrit Elzéard comme un homme exceptionnel qui a trouvé dans sa
besogne la clé de l'harmonie et d'un bonheur serein. Cette œuvre a pour avantage non
négligeable d'être dans le domaine public, ce qui m'a permis de distribuer des tapuscrits.
Dans « L’homme qui plantait des arbres », Elzéard Bouffier est un « héros ordinaire ».
C'est un homme simple, dont les actions sont admirables et les qualités exemplaires. Ce sont
ces qualités sur lesquelles je souhaiterais que les élèves s'interrogent : le respect, l'humilité,
l'empathie, la solidarité, la patience, l'altruisme et la générosité.
Qui plus est, cette histoire invite à aimer la Terre, les arbres et l'humanité dans son
ensemble. On ne peut s'empêcher de se demander ce que serait le monde avec plus de personnes
comme Elzéard Bouffier. Elle questionne donc le lecteur sur son rapport aux autres et à la nature
et le pousse à se demander ce qu'il pourrait faire pour la planète. Ces réflexions naissent certes
chez un lecteur adulte, mais il me semble que les élèves peuvent se poser ces questions à leur
niveau, suite à la lecture du livre pour quelques-uns et au cours des débats pour d'autres. Et si
tout cela n'éveille rien chez certains d'entre eux, peut-être que les liens se feront plus tard dans
le cadre d'une autre histoire ou d'une expérience personnelle par exemple, ce qui est tout aussi
porteur.
Par ailleurs, l'école dans laquelle j'enseigne est située dans un petit village montagnard.
Il est donc facile pour les élèves d'imaginer à quoi ressemblerait leur vie dans un environnement
dépourvu de végétation, avec des maisons délabrées et inhabitées pour la plupart.
Premièrement, j’attends de cette séquence qu’elle incite les élèves à questionner leur
rapport au monde en les conduisant à éprouver plus de respect pour les arbres, la terre, la nature.
Je souhaiterais qu'à l'aide de la progressivité proposée dans la succession des questions
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philosophiques abordées, ils puissent toucher du doigt le fait que respecter la terre, c'est
respecter ses hôtes actuels et futurs. Ainsi, je suppose que si les enjeux de la notion de respect
de la planète sont conscientisés, problématisés et explicités, cela conduira à un plus grand
respect de l'autre et éventuellement de soi. De ce fait, cela développera leur empathie et leur
tolérance vis à vis d'autrui. Ensuite, j'estime que cette séquence pourrait leur permettre
d'appréhender le fait que nous vivons tous au sein d’un groupe, d’une société, d’un
environnement avec lesquels nous entretenons des relations d’interdépendance. Dans l’idéal,
cela leur permettrait de prendre conscience que chacun peut agir à son niveau pour le bien de
la planète et de tous ses hôtes présents et à venir. J’espère alors qu’ils seront en mesure de se
décentrer, afin de laisser plus de place à l’autre et de raisonner à l’échelle collective et non plus
uniquement individuelle.
Dans un deuxième temps, j’ai également pour objectif que cette séquence renforce le
sentiment d'appartenance au groupe classe en atténuant le clivage existant entre les CE1 et les
CM1. Je pense que les réflexions menées ainsi que les débats où tous participeront permettront
aux deux groupes de communiquer, d'échanger, et de s'enrichir mutuellement. Cela pourrait
avoir un effet bénéfique sur le climat de classe et sur les relations qu'entretiennent les élèves
entre eux.
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posent problème et qu'il soit difficile pour eux de se représenter l'endroit où se déroule l'histoire.
J'ai donc prévu de rester avec eux et de les accompagner dans leur travail.
En outre, il est à craindre que les CE1 se lassent beaucoup plus rapidement et participent
moins que les CM1 lors des débats, voir qu'ils aient du mal à suivre le fil de la discussion ainsi
qu'à comprendre certains arguments amenés. En effet, il existe un écart considérable entre les
capacités d'expression, d'argumentation et de conceptualisation d'un enfant de 9 ans et celles
d'un enfant de 7 ans.
D'autre part, je me demande s’il ne sera pas compliqué pour des enfants de leur âge de
prendre le recul nécessaire afin de se représenter comme une infime partie de la Terre tout en
comprenant que chaque action s'ajoute à celle des autres pour devenir quelque chose de
beaucoup plus grand, en mesure de faire avancer les choses. Dans le même ordre d'idée, je ne
suis pas sûre que tous parviennent à concevoir l'importance insoupçonnée des végétaux et des
animaux dans l'équilibre de la vie terrestre. En effet, même si nous avons étudié en sciences
l’importance écologique des végétaux, il reste cependant difficile pour certains de concevoir le
fait que nous ne pouvons pas vivre sans eux.
Pour finir, si ce thème est d'actualité, il est cependant éloigné de leur réalité quotidienne
et de leurs expériences de vie contrairement à un sujet tel que l'amitié ou la liberté par exemple.
Je me demande donc s’ils vont s'y intéresser et s'investir dans les débats.
Diverses représentations sont susceptibles d'émerger au cours des débats. Tout d'abord,
il est possible que certains élèves fassent un amalgame entre la « Terre » en tant que planète et
la « terre » en tant que sol sur lequel on se déplace. Il faudra donc veiller à ce que le lien entre
le mot Terre et la planète Terre du système solaire soit fait. Cependant, même si ce lien est
explicité, il est probable que les caractéristiques valables pour le premier soient appliquées au
deuxième inconsciemment. Certains élèves pourraient alors avoir un discours du type : « On a
tous un petit bout de la terre puisque ma maison et mon jardin sont à ma famille, c'est notre
propriété ». Il sera donc essentiel que ces élèves comprennent que quand on parle de la Terre
lors des débats, on fait référence à l’écosystème Terre.
Il est également probable que certains se représentent les êtres humains comme auto-
suffisant et donc indépendants de leur environnement. Ces élèves risquent alors d’avoir une
conception instrumentalisée de la Terre, de la nature et des animaux, dont nous pourrions
disposer à loisir comme nous le ferions avec des biens de consommation. L’enjeu sera alors
17
qu’ils prennent conscience de l’interdépendance qui existe entre l’homme et ce qui l’entoure.
Une autre représentation qui risque fort d’émerger est celle de l’homme tout puissant,
maître de la Terre, roi du Vivant. L’homme qui aurait tous les droits sur son environnement sans
aucun devoir. Il sera alors important qu’ils parviennent à prendre un peu de recul et à envisager
l’être humain comme partie d’un tout, comme un maillon de la chaîne. Cela leur permettra de
décentrer leur point de vue afin de percevoir dans un premier temps que nous partageons notre
environnement avec d’autres êtres vivants, certains même invisibles. Dans un second temps, il
faudra qu’ils puissent expliciter le fait que la Terre d’aujourd’hui est celle qui a été habitée par
nos ancêtres mais également que la Terre que nous laisserons sera celle des générations futures.
Nous avons donc de ce fait des devoirs moraux et éthiques envers la planète qui nous abrite en
tant qu’êtres humains dotés d’une conscience, de connaissances et de la capacité d’agir
volontairement sur notre environnement. Notre supériorité intellectuelle nous offre plus de
possibilités mais nous donne de ce fait plus de responsabilités.
Pour finir, lors des derniers débats, il est possible que l’idée selon laquelle ce n’est pas
à eux de « réparer les erreurs des autres » émerge. Leur discours pourrait ainsi être qu’eux n’ont
rien fait de mal puisqu’ils n’ont pas pollué la Terre ni porté atteinte au vivant. D’autres
pourraient penser que ce n’est pas à nous en tant qu’individu d’agir car la portée de nos actions
est infime face à l’ampleur du phénomène. Ce serait donc aux chercheurs, aux politiques, aux
Etats d’engager de concert des actions de grande envergure. Il faudra donc mettre en lumière le
fait que le mode de vie de chacun à un impact direct sur l’environnement et que c’est notre
responsabilité à tous qui est engagée. La force des petites actions individuelles et collectives
ajoutées sera également à expliciter.
2.2 Présentation de la séquence
La séquence que je vais vous présenter fait travailler spécifiquement deux des quatre
dimensions de la culture morale et civique présentées dans les nouveaux programmes d’EMC
(MEN, 2015 c). Ces deux dimensions sont la sensibilité : soi et les autres, ainsi que le jugement :
penser par soi-même et avec les autres. Les objectifs et les compétences visés en sont donc issus.
Les deux dimensions restantes que sont le droit et la règle ainsi que l’engagement seront
également travaillées tout au long de cette séquence de manière plus générale.
18
jugements moraux ; en confrontant ses jugements à ceux d'autrui dans une discussion ou un
débat argumenté.
- Identifier et exprimer en les régulant ses émotions et ses sentiments.
- Différencier son intérêt particulier de l'intérêt général.
2.2.2 Les connaissances, capacités et attitudes visées.
Voici les compétences visées spécifiquement par cette séquence pour les élèves de CE1
et de CM1(MEN, 2015 c).
2.2.2.1 CE1
- Identifier et partager des émotions, des sentiments dans des situations et à propos d'objets
diversifiés : textes littéraires, œuvres d'art, la nature, débats portant sur la vie de la classe.
- Se situer et s'exprimer en respectant les codes de la communication orale, les règles de
l'échange et le statut de l'interlocuteur.
- Exposer une courte argumentation pour exprimer et justifier un point de vue et un choix
personnel.
- S’affirmer dans un débat sans imposer son point de vue aux autres et accepter le point de vue
des autres.
- Différencier son intérêt particulier de l'intérêt général.
2.2.2.2 CM1
- Partager et réguler des émotions, des sentiments dans des situations et à propos d'objets
diversifiés : textes littéraires, œuvres d'art, documents d'actualité, débats portant sur la vie
de la classe.
- Manifester le respect des autres dans son langage et son attitude.
- Prendre part à une discussion, un débat ou un dialogue : prendre la parole devant les autres,
écouter autrui, formuler et apprendre à justifier un point de vue.
- Nuancer son point de vue en tenant compte du point de vue des autres.
- Distinguer son intérêt personnel de l'intérêt collectif.
2.2.3 Déroulement prévu de la séquence
SEANCE 1 : Etude de « L’homme qui plantait des arbres », Jean GIONO, 1953.
Les objectifs spécifiques de cette séance sont d’être capable de lire un texte résistant ainsi que
d’effectuer le résumé d’une lecture dans le but de simplifier l’histoire.
19
Voici le déroulement prévu : les CM1 sont par groupes de deux, chaque binôme lit un chapitre
de l’œuvre et le résume en ayant pour objectif de permettre aux CE1 de mieux comprendre
l’histoire. Cela leur permettra de se confronter au texte, de découvrir les deux personnages
principaux et de s’imprégner de l’atmosphère créée par Jean Giono dans cette œuvre. Les CE1
sont également par groupes de deux. La moitié des binômes a le 1er chapitre et l'autre moitié le
dernier. Ils doivent surligner tout ce qui se rapporte au paysage et dessiner l'endroit décrit. En
effet, je pense qu’ils ne sont pas en mesure de comprendre seuls les chapitres et se concentrer
sur les éléments relatifs au paysage me semble être un objectif plus pertinent. De plus, cela me
permettra de mettre l’accent sur un des éléments clé de l’histoire : la transformation du village,
en comparant les dessins se rapportant au premier et au dernier chapitre. Débattre de leur
pertinence sera un bon moyen de vérifier si les élèves ont bien compris l’histoire. De plus, il
sera intéressant de les comparer aux deux paysages en pop-up présents dans cette édition.
SEANCE 2 : Etude de « L’homme qui plantait des arbres » Jean GIONO, 1953.
Les objectifs spécifiques de cette séance sont de comprendre le déroulement de l’histoire et les
relations entre les personnages ainsi que d’être capable de faire des inférences. Le déroulement
prévu est le suivant : des élèves volontaires de CM1 viennent lire l’œuvre et à l’issue de chaque
chapitre, un résumé est choisi. Un dessin de CE1 est également choisi à la fin la du 1er puis du
dernier chapitre avec pour critère de sélection la conformité aux descriptions faites dans le livre.
Des questions ayant trait au vocabulaire et aux formulations utilisées sont posées tout au long
de la lecture. Puis à l’issue de celle-ci, je leur pose des questions de compréhension générale de
l’œuvre : Qui est le narrateur ? Que fait-il ? Comment rencontre-t-il Elzéard Bouffier ? Qui est
Elzéard Bouffier et où vit-il ? Que fait-il de ses journées ? Pourquoi ? Que pense le narrateur
de ce berger ? Combien de temps s'écoule entre le début de l'histoire et la fin ? Qu'est-ce qui a
changé ? Je prévois de mener cette séance en deux temps afin que cela ne soit pas trop long : la
lecture de l’œuvre le matin et les questions de compréhension générale l’après-midi.
SEANCE 3 : Débat d’interprétation - « Pourquoi Jean Giono a-t-il écrit cette œuvre ? »
J'ai choisi cette question car beaucoup de sous-questions en découlent et elles pourront être
abordées lors du débat. Je pourrais alors m'assurer que les inférences nécessaires à la
compréhension fine de l'histoire soient explicitées par les élèves. Voici quelques-unes des sous-
questions qui pourraient être soulevées lors du débat : « ce qu’a fait le vieillard a-t-il changé
quelque-chose ? Pour qui ? Y-a-t-il beaucoup de personnes comme lui ? Est-ce un homme
ordinaire ou un héros comme on en voit souvent dans les histoires ? Le narrateur a-t-il un rôle
important dans l'histoire ? Pourquoi ? » De plus, une des réponses principales à cette question
20
est que Jean Giono veut nous faire aimer les arbres, la nature et la Terre avec ce livre, ce qui
permettrait d’introduire la question du débat de la séance qui suit.
SEANCE 4 : DVP - « Peut-on aimer la Terre ? »
Avec ce débat, il serait opportun que les élèves s’interrogent sur la différence qui existe entre
l’amour que l’on peut porter aux êtres humains et celui que l’on peut ressentir pour la Terre et
qu’ensuite ils tentent de caractériser ce dernier. Je souhaite qu’ils parviennent à concevoir le
fait qu’aimer la Terre c’est la respecter elle, ainsi que tout ce qui y vit et par inclusion soi-même
et les autres, car il existe une étroite interdépendance entre la Terre et l’ensemble des orga-
nismes vivants qui la peuplent. Dans l’idéal, ce débat les amènerait à appréhender le fait que
respecter la Terre c’est respecter la vie. Je voudrais qu’au travers de cette question, ils puissent
commencer à décentrer leur point de vue en trouvant des raisons désintéressées d’aimer la Terre.
Cependant, j’ai conscience que cela risque d’être compliqué en début de séquence et avec une
question de ce type qui induit forcément une réponse personnelle et centrée sur l’homme
puisque c’est nous qui aimons.
SEANCE 5 : DVP - « A qui appartient la terre ? »
L’objectif spécifique de ce débat est d’inciter les élèves à prendre du recul, à envisager les
choses au travers d’une perspective plus large. Je pense qu’ils vont assez facilement dire que la
Terre appartient à tous. Il faudrait qu’ils parviennent à préciser ce « tous ». Est-ce tous les êtres
humains qui y vivent aujourd’hui ? Et les autres êtres vivants ? Et ceux qui n’existent pas en-
core ? Je souhaiterais alors qu’ils se questionnent sur le fait que nos actions et nos modes de vie
mettent la Terre et par extension toute la biosphère en danger alors que nous avions établi
qu’elle ne nous appartenait pas. En définitif nous appartient elle plus à nous qu’au reste du
monde du vivant ? Et pour quelles raisons ? Certains pourraient alors avancer que nous sommes
plus importants car plus intelligents, plus nombreux et plus développés. Il sera alors intéressant
de les inciter à se questionner sur la pertinence de l’argument de l’intelligence. Est-ce que cela
nous confère plus de droits sans devoirs associés ? Cela permettrait de faire la transition avec
la question du prochain débat. La carte mentale que j’ai réalisée afin de préparer ce débat est en
annexe (annexe 1).
SEANCE 6 : Débat. « Pourquoi la Terre est-elle en danger aujourd’hui ? »
A travers cette question, je pense que les élèves pourraient arriver à différents niveaux de ré-
flexion. Le premier niveau serait de constater les dangers actuels encourus tels que la pollution,
le réchauffement climatique, les espèces en voie de disparition… Le niveau supérieur serait de
dire qu’elle est danger à cause de nous. Car nous l’avons abimée. Un premier point de vue
21
pourrait être que nous nous comportons comme si elle nous appartenait, comme si nous pou-
vions en faire ce que nous voulons, idée qui aura peut-être été amenée à la fin du débat précédent.
Un autre point de vue serait que nous sommes de plus en plus nombreux et que nos modes de
vie sont néfastes pour la planète. Il serait bon que les élèves puissent aller encore plus loin dans
leur réflexion afin d’évoquer l’idée que si la Terre est en danger aujourd’hui en particulier, c’est
aussi dû au fait que nous ne nous en sommes pas réellement inquiétés avant. Il serait alors
intéressant de leur demander si nous nous inquiéterions de l’avenir de la Terre si l’espèce hu-
maine n’était pas menacée. Et si eux s’en inquièteraient. Le dernier niveau de réflexion consis-
terait alors à se demander si la situation serait différente si nous étions depuis toujours respec-
tueux de ce qui nous entoure de manière désintéressée, sans faire passer notre propre intérêt
d’abord. Quelle en serait la signification pour nous et notre rapport au monde ? Pour la Terre ?
Pour les animaux et les végétaux ? Je pourrais alors leur parler de la vision du monde qu’avaient
les indiens d’Amérique, ainsi que du mode de vie de certaines communautés en Inde dont les
individus mettent un point d’honneur à ne jamais rien détruire. Ce qui permettrait d’introduire
le débat de la séance suivante.
SEANCE 7 : Débat. « Devons-nous protéger la terre ? Pourquoi ? »
L’objectif spécifique de cette séance, issu du sous domaine d’enseignement de l’EMC
« le droit et la règle », est de « comprendre les notions de droits et devoirs, les accepter et les
appliquer » (MEN, 2015c). Je pense que cette question amènera les élèves à se demander au
cours du débat si nous pouvons nous passer de la Terre, et si inversement elle, peut se passer de
nous. Puis plus précisément à s'interroger sur l'avenir de l'Homme au cas où la Terre devenait
inhabitable, une autre planète serait-elle vivable ? J’espère qu’ils pourront alors débattre sur le
sens d’un tel devoir de protection. Est-ce une obligation ? Une responsabilité ? Ou de manière
plus générale un devoir moral des êtres humains ? Et pourquoi ? Car nous connaissons les
risques encourus et leurs conséquences dramatiques ? Car nous avons le pouvoir d’agir ? Afin
de rattacher cela à ce qu’ils connaissent, je pourrais alors leur demander de commenter une
phrase que certains d’entre eux connaissent peut-être : « de grands pouvoirs impliquent de
grandes responsabilités » (Benjamin Parker dans la première bande dessinée de Spider-Man
ainsi que dans la narration des adaptations cinématographiques). La carte mentale que j’ai
réalisée afin de préparer ce débat est en annexe (annexe 2).
Avant chaque débat, la question posée sera notée au tableau. Les élèves devront tenter d'y
22
répondre en argumentant sur le recto d'une demi-feuille. Je pense que cela leur permettra
d'amorcer une réflexion individuelle tout en se positionnant. Ensuite, ils s’assiéront en cercle
au fond de la classe afin de faire du débat une activité à part, avec ses propres codes.
L’animateur aura une chaise afin de se différencier du reste du groupe. Les secrétaires et
l’observateur se tiendront en dehors du cercle. Afin d’éviter que le débat ne soit trop long pour
les CE1 (une des difficultés envisagées plus haut), j'ai prévu de laisser la possibilité à ceux qui
le souhaitent de retourner à leur place au bout de 15 minutes afin de faire un dessin en lien avec
le débat, tout en continuant à écouter ce qu'il se dit. Puis, une dizaine de minutes plus tard, ils
pourront revenir dans le cercle afin de présenter leur travail au reste du groupe et de participer
à la fin du débat. Cela pourra permettre d'éviter qu'ils ne se lassent et leur réalisation constituera
un support pour s'exprimer. Cependant, l'éventuel problème de compréhension lié à la
différence de maturité existant entre les CE1 et les CM1 n'est pas réglé.
A la fin de chaque débat, les élèves seront invités à répondre à nouveau à la question de
départ au verso de la demi-feuille. Cela leur permettra de constater des éventuels changements
dans leur réponse. De plus, ces traces écrites feront office d’évaluations diagnostiques et
formatives et elles seront un des moyens qui me permettront d’évaluer l’évolution des
conceptions des élèves.
23
rencontre avec Elzéard. Un autre groupe a ajouté une voiture et des jolies maisons alors que le
village est décrit comme désert et en ruines.
Les CM1 ont eu du mal à se lancer dans la lecture car ils trouvaient le texte ardu et beaucoup
de mots leur posaient problème. Certains binômes lisaient à tour de rôle à mi-voix pour se
rassurer ce qui gênait leurs voisins. Pour ce qui est de la tâche à effectuer, les élèves ont bien
compris ce qu’ils devaient faire malgré les consignes très générales car un travail sur le résumé
avait déjà été effectué au cours de la période précédente.
Lors de la 2ème séance, la lecture par les paires n’a pas fonctionné. Deux élèves ont
essayé mais la complexité du texte et des formulations a rendu la tâche difficile. La lecture était
hachée et monotone. Les élèves ne comprenant pas toujours ce qu’ils lisaient, les intonations
n’étaient pas mises. Il était de ce fait d’autant plus difficile pour les auditeurs de comprendre
l’histoire et de rester concentrés. J’ai donc lu. La sélection des dessins et des résumés a bien
joué son rôle puisqu’elle a permis de simplifier l’histoire et de vérifier la bonne compréhension
des évènements et des enjeux par les différents binômes mais également par toute la classe lors
des moments des choix qui devaient être justifiés et argumentés au regard du texte et des élé-
ments essentiels à sa compréhension. Ils étaient très attachés au fait qu’il n’y ait pas de phrases
recopiées telles quelles et que le résumé soit simple à comprendre. Ils avaient plus de difficultés
à repérer les petites incohérences, je les ai donc aidés à les mettre en évidence.
24
ne peut pas se marier avec la Terre, mais on peut se marier sur la Terre. » La conception utili-
taire de l’amour de la Terre est ensuite réapparue puisqu’une élève de CM1 est revenue sur
l’argument « on l’aime car sans elle on ne peut pas vivre ». Afin de les pousser à aller plus loin
dans leur raisonnement, je suis alors intervenue pour leur demander si « on aime parce qu’on a
besoin ». Une CE1 a alors répondu « on l’aime parce qu’elle est belle et qu’elle nous aime aussi
», une CM1 a ajouté « parce qu’elle nous a fait » et un CM1 a répondu « les singes ont évolué,
ce n’est pas la Terre qui nous a fait ». Une élève de CM1 a renchéri « on l’aime parce qu’on
peut aller de partout sur elle ». Je suis donc intervenue à nouveau pour dire « donc à une excep-
tion près, vous aimez tous la Terre parce que vous en avez besoin et qu’elle vous est utile ».
Une CM1 a alors dit « on l’aime parce qu’elle est gentille, forte, puissante », un autre a repris
l’argument « parce qu’elle est belle ». Une CE1 a alors dit « parce qu’elle ne nous a rien fait »
et d’autres se sont ralliés à cet argument en disant « elle, elle ne nous a rien fait de mal, au
contraire » ou encore « oui, c’est vrai, on n’a pas de raison de ne pas l’aimer ». Le débat s’est
achevé sur cette idée.
La question à visée philosophique traitée lors du 3ème débat était « A qui appartient la
terre ? ». Les élèves se sont très rapidement accordés à dire qu’elle appartenait à tout le monde,
et ils ont pu préciser « aux êtres humains mais aussi aux animaux et aux plantes ». Un élève de
CM1 a dit « elle n’appartient à personne » et d’autres ont renchéri « elle appartient à l’univers
», « elle appartient à la galaxie et à tout l’univers car c’est là qu’elle s’est formée ». Ils ont
ensuite dévié sur le fait que comme elle est à tout le monde il ne faut pas la polluer et que c’est
pour ça « qu’on n’en fait pas ce qu’on en veut ». Une élève de CM1 a même dit : « La Terre
appartient aux êtres vivants parce qu’elle est sous leur responsabilité » malheureusement,
l’élève n’a pas su développer son argument, elle a seulement pu dire « c’est nous qui devons ne
pas la polluer ». Il est dommage que je n’aie pas réussi à faire rebondir les élèves sur cet argu-
ment car je souhaitais les amener à l’idée d’une responsabilité morale envers la Terre que notre
conscience et notre savoir nous confère. Le débat a à nouveau tourné autour du fait que l’homme
pollue par ses actions au quotidien et que « ce n’est pas bien car polluer la Terre ça lui fait du
mal » alors que «la Terre ne nous a rien fait ». Une élève de CE1 a alors dit « mais on est obligé
de faire du mal à la Terre » et une CM1 a renchéri « on est obligé de polluer ». J’ai tenté de leur
demander si cela signifie que la terre nous appartient plus à nous qu’au reste du vivant mais à
nouveau, ils sont restés sur des constats du type « Mais, la pollution c’est pas bien parce que ça
va faire un réchauffement climatique » ou encore « Après les déchets qu’on jette vont dans la
mer et les petites tortues les mangent ». Une élève de CM1 a alors résumé tout ce qui a été dit
25
«si on pollue on fait mal à la Terre, aux animaux, à tout le monde en fait » et un autre élève de
CM1 a ajouté que certaines espèces pouvaient même être amenées disparaître. J’ai tenté de faire
avancer le débat en les questionnant à nouveau sur le fait que si on met la Terre et les animaux
en danger, est-ce parce qu’on a le droit de le faire et que l’on est plus important qu’eux ?
Un élève de CE1 a alors répondu « Et bien c’est la Terre au lieu que c’est les gens le plus
important ! C’est la Terre qui est la plus importante ». Mais les autres ont à nouveau développé
les mêmes arguments que précédemment. Je suis intervenue encore une fois en reposant la
même question. Il y a eu un début de réflexion amené par deux élèves : «au contraire c’est les
animaux qui sont supérieurs car ils sont arrivés en premier, ce n’est pas nous », « nous aussi on
est sur la Terre, on est quand même important ! » et à nouveau un retour aux conséquences de
la pollution pour la Terre et pour nous. Après d’autres relances de ma part, certains ont alors pu
dire que «si on fait du mal à la Terre, c’est pour vivre » et la distinction entre «se nourrir » et «
vouloir être riche » et « avoir de belles maisons » a pu être amenée. Les élèves ont ainsi remis
en cause notre mode de vie actuel, certains ont évoqué l’idée d’un monde sans argent et d’un
mode de vie similaire à celui des hommes de Cro-Magnon (sûrement car nous l’avions étudié
en classe) et d’autres ont pointé du doigt que l’argent n’était pas forcément le problème car «
on polluerait encore plus car comme ce serait gratuit on aurait encore plus de choses ».
Dans le débat qui suit : « Pourquoi la Terre est-elle en danger aujourd’hui ? », les ré-
ponses ont beaucoup tourné autour du fait que c’est car nous polluons trop. Il y a eu quelques
élèves qui ont assimilé la Terre aux êtres humains en disant que les attentats mettent la Terre
en danger. Le fait que nous ne pouvons pas nous passer de la Terre a ensuite été mis en évidence.
Puis il a été dit que la Terre, elle, pouvait se passer de nous puisqu’au temps des dinosaures
nous n’existions pas. Et qu’en tant que planète, elle pouvait se passer de tous les êtres et orga-
nismes vivants mais qu’elle perdrait alors sa particularité, ce qui la différencie tant des autres
planètes de l’univers : la vie. Je leur ai demandé comment serait la vie sur Terre s’il ne restait
que nous et nos constructions et plus aucun des autres organismes vivants. Ils sont alors arrivés
à la conclusion que ce ne serait pas agréable et qu’on passerait notre temps « sur le canapé
devant la télé ». Je leur ai soufflé l’idée que beaucoup plus de choses seraient payantes et un
élève a dit « Mais si tout était payant, on peut vivre en payant mais sinon on ne peut plus vivre
». J’ai ensuite tenté de donner une nouvelle direction au débat en leur demandant pourquoi on
dit que la Terre est en danger aujourd’hui alors qu’avant on n’en parlait pas. Certains ont com-
26
mencé par dire qu’« avant les hommes polluaient moins ou encore que cela faisait moins long-
temps que l’homme existait et qu’il avait moins eu le temps de polluer ». Une CM1 a ajouté qu’
« avant on ne savait pas qu’on polluait ».
Pour finir, le dernier débat autour de la question « devons-nous protéger la Terre » a été
porteur. Les élèves ont bien fait ressortir la nécessité d’agir, en « faisant sa part » pour le bien
de la Terre et de tous ces hôtes actuels ainsi que pour ceux qui la peupleront plus tard. La
transcription de ce débat est en annexe (annexe 3).
27
15h30 à 16h30. Je pense que les élèves n’étaient plus assez disponibles intellectuellement pour
effectuer une tâche de ce type qui demande beaucoup d’efforts et de concentration. De plus,
l’œuvre choisie est beaucoup trop compliquée pour permettre aux CE1 la lecture et la compré-
hension d’un chapitre entier, même en binômes. Il aurait fallu que le groupe de CM1 soit com-
plètement autonome, afin que je puisse réellement guider les CE1 dans leur lecture. Qui plus
est, la consigne « dessiner le paysage décrit dans le chapitre » n’était pas assez précise car
certains élèves ont rajouté des éléments inventés à leur production afin de « rendre le dessin
plus joli », sans réaliser que cela pouvait être gênant. Quant à la 2ème séance, les élèves de CE1
présentaient d’importantes difficultés de compréhension globale. Cependant, les discussions
mises en œuvre afin de choisir les résumés et les dessins les plus pertinents ont semblé les aider
à mieux comprendre l’histoire. Les élèves de CM1 ont pour leur part dénoté d’un manque de
compréhension fine qui était prévisible et qui semble avoir été remédié par le questionnement
et la confrontation des points de vue.
Tout d’abord, j’ai réalisé que deux des questions posées étaient des questions fermées
auxquelles il est possible de répondre par oui ou par non : « Peut-on aimer la Terre ? » et «
Devons-nous protéger la Terre ? ». Les élèves savaient qu’ils devaient justifier leurs réponses,
puisque j’ai vraiment insisté là-dessus de manière systématique mais la formulation des
questions n’induit pas aisément une conceptualisation des notions en jeu. Il aurait sûrement
mieux valu que je pose des questions amenant à la conceptualisation du type « Qu’est-ce
qu’aimer la Terre ? », « Comment aimer la Terre ? » ou encore « Protéger la Terre, est-ce un
devoir ou un choix ? ». De plus, les autres questions ne rendent pas ce processus plus aisé. A la
question « Pourquoi la Terre est-elle en danger aujourd’hui », beaucoup sont restés sur des
réponses factuelles en énonçant un constat, sans en chercher les causes profondes. Et même
quand je les y incitais, peu d’élèves y parvenaient et leurs arguments étaient rarement repris par
d’autres. Une question plus orientée comme « en quoi sommes-nous responsables de ce qui
arrive à la Terre ? » leur aurait peut-être permis d’approfondir leur réflexion.
28
2.4.2.2 Le déroulement des débats.
Le manque de confrontation des points de vue est à mon avis également lié au
fait que les élèves sont allés beaucoup moins loin dans leur réflexion que ce que j’avais prévu.
Ils sont généralement restés au 1er voire au 2ème niveau de réflexion alors que j’en avais
généralement planifié quatre, voire parfois cinq. Or, c’est souvent dans les plus hauts niveaux
de réflexion qu’une réelle problématisation était amenée et clairement identifiable. Dans cette
partie, je vais évoquer trois débats en particulier. Si je prends pour exemple le débat « Peut-on
aimer la Terre ? », je suis assez satisfaite de certains arguments donnés, notamment ceux qui
apparaissent à la fin du débat puisqu’ils permettent une prise de recul en concevant que l’on
puisse aimer la Terre pour ce qu’elle est et non pas seulement parce qu’elle nous est utile et
nécessaire. Ils ont de plus entamé une réflexion sur ce que signifie aimer la Terre et en quoi cela
diffère de l’amour que l’on porte à un être humain. Cependant, ils n’ont pas abordé l’idée
qu’aimer la Terre, c’est aussi la respecter et que cela conduit naturellement au respect de tous
les êtres vivants. Je n’ai pas su les y amener et je n’ai pas voulu leur imposer ce point de vue.
Par contre, l’idée qu’« il faut protéger la Terre » est tout de même apparue dans certaines traces
écrites lors du dernier débat « Devons-nous protéger la Terre ? » Il me paraît maintenant évident
qu'au cours de la discussion, les élèves ont eu du mal à parvenir à cette idée puisque la question
les incitait plus à parler des raisons qui les amenaient à aimer la Terre.
Concernant le débat : « A qui appartient la Terre », le manque de conceptualisation
relative à la notion de Terre transparait alors que je pensais que cela était clair pour tous puisque
nous en avions discuté collectivement avant de commencer le débat « Peut-on aimer la Terre ?».
Un élève a par exemple dit que la Terre appartenait à la commune. De plus, beaucoup avaient
des raisonnements du type «la Terre appartient à tout le monde car on vit dessus » ou « elle a
dit qu’il ne faut pas l’écrabouiller mais on est obligé de l’écrabouiller sinon on devrait voler »
qui laissent clairement penser qu’ils assimilent la Terre au sol sur lequel nous marchons. Il est
donc logique que les élèves ne soient pas parvenus à l’idée de respect de l’écosystème Terre
dans le débat précédent. Et il est également compréhensible que certains se soient arrêtés à
l’idée que la Terre nous appartient à tous car « c’est notre maison ». S’ils avaient fait le lien
entre la Terre et la notion d’écosystème Terre, il leur aurait été plus facile de percevoir
l’ambiguïté qui émane du fait de « posséder la Terre » puisque cela signifie posséder les
végétaux et les espèces animales qui y vivent et par extension, posséder «la vie » en quelque
sorte.
Le débat « Pourquoi la Terre est-elle en danger aujourd’hui ?» n’a pas été concluant
29
puisque les élèves ont fait le constat des problèmes environnementaux auxquels nous sommes
confrontés et ont éprouvé de grandes difficultés à aller au-delà et à émettre des hypothèses quant
à l’origine de ces problèmes. Je pense que c’est essentiellement dû à la question qui invite au
constat et qui n’incite pas à la problématisation comme je l’ai évoqué plus haut.
Je pense que ma posture au cours des différents débats a eu un grand impact sur leurs
déroulements. En effet, ayant lu l’ouvrage de François Galichet « pratiquer la philosophie à
l’école », je savais pertinemment que je devais limiter mes interventions afin que les élèves
prennent la main sur le débat et réalisent que l’objectif est de réfléchir tous ensemble autour
d’une question où il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Cependant, en réécoutant les
débats, je me suis rendue compte que j’intervenais trop souvent et je n’avais pas réalisé
auparavant à quel point j’étais présente. Cela n’a pas dû aider les élèves, notamment les plus
scolaires, à sortir du schéma classique au sein duquel ils s’efforcent de donner la réponse
attendue par l’enseignant.
Beaucoup de mes interventions auraient pu être évitées. Certaines d’entre elles avaient
pour but de relancer le débat et de permettre des confrontations d’opinion et elles n’auraient pas
eu lieu d’être si les questions avaient induit plus clairement une problématisation. Ensuite, un
grand nombre de mes prises de paroles étaient des répétitions et des éclaircissements de ce que
les élèves disaient ainsi que des bilans de tout ce qui avait été dit auparavant. Cela aurait pu être
évité si j’avais mis en place le rôle élève de reformulation des idées. J’y ai pensé mais je
craignais que ce rôle que je considérais comme essentiel au bon déroulement du débat soit trop
compliqué à prendre en charge par les élèves. Avec le recul, je me dis qu’il vaut mieux un élève
qui a du mal à reformuler correctement plutôt qu’un enseignant qui intervient tout le temps et
brise le rythme du débat. J’intervenais également pour rappeler à l’ordre certains élèves qui se
tenaient mal ou qui discutaient avec leurs voisins au lieu d’écouter. A l’origine, j’avais laissé
cette tâche à l’animateur mais cela posait problème car ce n’était pas toujours fait avec
bienveillance, j’ai donc décidé de m’en charger. Mais à nouveau, cela aurait pu être réglé par
une meilleur caractérisation des rôles en amont. Il aurait fallu préciser que l’animateur se doit
d’être aussi juste dans ces remontrances que dans la distribution de la parole et qu’il doit
toujours s’adresser à ses camarades avec respect et bienveillance, peu importe le comportement
de ces derniers.
Le reste de mes interventions consistait à recentrer le débat ainsi qu’à mettre en valeur
30
voire parfois étayer les prises de paroles, notamment les arguments intéressants. Je suis mitigée
à propos de ces interventions-là. Je pense que certaines avaient lieu d’être, notamment lorsque
des élèves très réservés et peu sûrs d’eux intervenaient et également lorsque des arguments très
pertinents méritaient d’être mis en valeur. Cependant d’autres étaient accessoires et ne faisaient
que renforcer ma présence au sein du débat, ce qui n’est pas souhaitable. De plus, trop de
commentaires du type « ah oui, c’est intéressant » ou « c’est un bon argument » laissent penser
que j’attends des réponses bien précises.
Les élèves étaient donc sûrement moins investis que ce qu’ils auraient pu l’être, je peux
en effet constater une différence notable avec les conseils de classe ou je n’interviens
pratiquement pas. Cependant, il est bon de noter que lors des conseils de classe, je me suis peu
à peu effacée afin de les rendre autonome et presque entièrement en charge de ce moment pour
finalement m’asseoir dans le cercle et lever la main comme eux afin de proposer des idées ou
donner mon avis. Le fait que ce ne soit pas le cas lors des débats a pu accentuer l’écart qu’ils
percevaient entre mes deux rôles au sein de ces deux pratiques.
D’autre part, je n’ai pas explicité les liens entre les différents débats et il me paraît
maintenant évident que la plupart des élèves n’ait pas pu le faire d’eux-mêmes. De ce fait, ils
ne reprenaient pas les arguments précédemment admis et les débats ne s'articulaient pas
logiquement. Cela a également contribué à nuire à la construction d’un raisonnement individuel
et collectif approfondi passant par les trois étapes définies par M.Tozzi (1994) : la
problématisation, la conceptualisation et l’argumentation. De manière générale, j’aurais dû
préciser que l’intérêt de tous ces débats était de pouvoir admettre des choses, affiner sa pensée
et réutiliser ce qu’on avait découvert auparavant pour répondre plus facilement à d’autres
questions ayant trait au même thème. Plus spécifiquement, il aurait fallu qu’avant chaque débat,
les élèves prennent un moment pour relire la trace écrite du débat précédent et qu’une réflexion
collective soit menée sur le lien entre la nouvelle question et celle du débat précédent.
Afin de préparer les débats en amont, j’ai réalisé une carte mentale retraçant les
différents cheminements de pensée possibles et explicitant les grands enjeux en lien avec la
question posée avant chaque discussion. Je me suis efforcée de faire apparaître différents
niveaux de réflexion (voir les annexes 1 et 2). Cela m’a permis d’avoir en tête les différentes
directions dans lesquelles pouvaient s'engager les élèves ainsi que des manières de relancer le
débat. De plus, j’ai ainsi pu mettre en valeur les interventions porteuses au regard de ma carte
31
mentale. Mais c’est à double tranchant puisque à l’inverse, je me focalisais parfois trop sur ce
que j’avais préparé en attendant des élèves qu’ils prennent une des directions prévues et je pense
avoir parfois coupé court à des interventions très pertinentes. Par exemple, dans le cadre du
dernier débat autour de la question « Devons-nous protéger la Terre ? », j’ai fait réfléchir les
élèves sur un dilemme inspiré de François Galichet (2004, p. 95) : « une usine produit des
vêtements et rejette dans un lac les surplus de colorants entrainant une pollution de l’eau et la
mort de nombreux poisson. Cette usine emploie 45 ouvriers. Que feriez-vous à la place du
maire ?». Un élève a répondu qu’il fallait que l’usine n’utilise plus de colorants et produise
uniquement des vêtements en coton. Je n’ai pas rebondi sur cet argument alors qu’il aurait été
très intéressant de leur demander comment nous pourrions inciter l’usine à faire cela (se
concerter et décider de ne plus acheter de vêtements colorés par exemple). En outre, je n’avais
pas prévu suffisamment d’éléments de problématisation, je n’avais que des questions. Or, des
dilemmes, des exemples ou encore des citations m’auraient permis de relancer le débat de
manière bien plus efficace, comme cela a été le cas lors du dernier débat.
32
bilan à l’issu de chaque débat afin de féliciter ceux qui avaient bien participé et plus particuliè-
rement les élèves chez qui ce n’était pas habituel. Je regardais ensuite sur la grille, et je mettais
au défi les enfants qui n’avait pas du tout participé d'intervenir au moins une fois lors du pro-
chain débat. Je le leur rappelais la séance suivante. En parallèle, il est fort possible que la pra-
tique presque hebdomadaire des conseils de classe ait donné le temps nécessaire à certains
élèves pour vaincre leur timidité. Néanmoins, il reste deux élèves qui n’ont pas levé la main
pour demander la parole de toute la séquence. Afin qu’ils puissent également contribuer à
l’avancée du débat, je leur ai demandé lors des deux dernières séances de réaliser une produc-
tion à présenter au cours du débat et j’ai été étonnée de la pertinence de leurs travaux, preuve
que leur effacement n’était pas un signe de désinvestissement ni d’incompréhension (annexe 4).
Compte tenu de ma problématique spécifique qui était de permettre un décentrement de
soi, j’ai pu constater que certains arguments amenés dénotaient d’une prise de recul, notamment
à la fin des débats et plus particulièrement lors des dernières séances. En effet les élèves
concevaient un monde dont l’homme ne serait pas le centre et beaucoup ont formulé ou écrit
l’idée que nous avons chacun à notre niveau notre rôle à jouer dans la protection de la Terre et
de ses hôtes. De plus, ces dires ont été appuyés par une curiosité accrue de la part des élèves
envers le thème de la planète et de l’écocitoyenneté et de manière générale, les élèves font plus
attention aux actions et aux comportements néfastes pour la planète. J’ai pu le constater grâce
à diverses remarques du type «je suis venu en vélo ou à pied à l’école » ou encore « avec mes
parents on a fait une randonnée et on a ramassé des déchets qui trainaient » Ils laissent
également transparaitre une volonté d’action avec des idées comme « faire moins de
photocopies de leçons et les copier » ou « toujours éteindre la lumière dans la classe parce que
ce n’est pas la nuit ». Autre exemple, lors d’une séance d’arts plastiques, un élève n’a pas voulu
utiliser de papiers de couleur pour décorer sa création et beaucoup l’ont suivi (soit en n'en
prenant pas, soit en ne prenant qu’une teinte au lieu des 3 possibles). Il m’est cependant difficile
de déterminer dans quelle mesure cette séquence a permis un décentrement de soi global de la
part des élèves ainsi qu’un plus grand respect d’autrui. Si de manière générale, j’ai pu observer
une amélioration en termes d’écoute et de respect de l’autre, comment savoir si cela est
directement en lien avec la séquence menée ? En effet, de nombreux autres facteurs sont à
prendre en compte tels que l’environnement familial de chaque élève, ses expériences de vie
hors de l’école et à l’école ou encore mon influence et celle de ma collègue par exemple.
33
2.5 Propositions d'améliorations
34
dilemme les concernant directement et où ils aient à faire un vrai choix entre leur intérêt
personnel et l’intérêt général (celui de la classe ou celui de la planète). Et ce avant et après la
séquence afin de pouvoir évaluer l’évolution des comportements.
35
BIBLIOGRAPHIE
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publique. Repéré à http://classiques.uqac.ca/classiques/condorcet/cinq_memoires_instruc-
tion/Cinq_memoires_instr_pub.pdf
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Le café pédagogique. Entretien de François Jarraud. Repéré
àhttp://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/schumaines/educationcivique/Pages/
2008/91_Instructioncivique_et_morale.aspx
Marsollier, Christophe. (2012). Chapitre 1 : élaborer des cartes heuristiques lors des débats
philo à l’école. Pourquoi ? Comment ? In La philosophie à l’école pour apprendre à vivre
ensemble. (pp. 13-41).Le Harmattan.
Dans cet ouvrage, plusieurs enseignants s’expriment autours de leurs expérimentations
innovantes. Ils livrent ainsi le fruit de leurs recherches quant au lien existant entre
l’enseignement de la philosophie à l’école primaire et l’éducation au vivre ensemble.
36
Ministère de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
(1923). Programmes et instructions officiels - Instruction morale et civique - cours supérieur
(onze à treize ans). Repéré à http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_1923.pdf
37
Ministère de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. (2015
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ment moral et civique - Annexe Programme d'enseignement moral et civique pour l'école élé-
mentaire et le collège (cycles 2, 3 et 4) - Principes généraux. Repéré à http://www.educa-
tion.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=90158
Picard, Michel. (1986). La lecture comme jeu. Essai sur la littérature. Paris : Editions de Minuit.
Tozzi, Michel. (1994). Penser par soi-même Initiation à la philosophie. Chroniques sociales,
Tozzi, Michel. (2006) Débattre avec les mythes à l’école et ailleurs. Chroniques sociales.
38
approches de la philosophie : la méthode lipmanienne.
39
Table des matières des annexes
40
Annexe 1 - Carte mentale : « A qui appartient la Terre ? »
1
Annexe 2 - Carte mentale : « Devons-nous protéger la Terre ? »
2
Annexe 3 - Transcription du débat : « Devons-nous protéger la Terre ? »
Durée : 29 min.
1-CE1 : Il faut faire sa part et c’est comme ça que la Terre n’explosera pas.
PE : Peux-tu expliquer ce que cela veut dire à l’aide du texte que tu as lu ?
1-CE1 : Il faut faire sa part, par exemple quand une lumière est allumée il faut l’éteindre. Il faut
faire sa part pour protéger la planète.
2-CM1 : Oui on peut le faire parce qu’il y a beaucoup de pollution
3-CM1 : On peut le faire et on doit le faire pour éviter de polluer la Terre, des trucs comme ça.
4-CM1 : Aussi au lieu d’utiliser des voitures à essence ou à pétrole il vaut mieux en utiliser des
électriques parce que ça ne pollue pas.
5-CM1 : Ben oui on doit la protéger.
PE : Essaie d’expliquer pourquoi.
5-CM1 : Si on ne la protège pas il va y avoir la fin du monde, la Terre sera détruite.
6-CM1 : Je reviens au sujet d’Elise, si c’est électrique ça consomme de l’électricité.
7-CM1 : Oui mais l’électricité ça peut être produit par le solaire et le solaire c’est produit par le ciel.
PE : Par le soleil.
8-CM1 : Je n’ai pas compris ce qu’il a dit ?
PE : Il dit que l’électricité peut être produite avec l’énergie solaire et dans ce cas cela ne pollue pas
comme l’énergie fournie par les éoliennes, ce sont des énergies renouvelables.
8-CM1 : Mais Marine avait dit quoi déjà ?
3-CM1 : On peut protéger la Terre en évitant de polluer.
4-CM1 : Quand on voit des papiers qui traînent, si on se promène en forêt on prend un sac poubelle
et des gants et on les ramasse.
PE : Nous étions arrivés à la conclusion que la Terre ne nous appartenez pas, pourquoi c’est à nous,
les êtres humains, de protéger la Terre ?
9-CE1 : Parce que c’est nous qui l’avons polluée, on doit réparer la bêtise qu’on a faite.
PE : Notre devoir est donc de réparer nos bêtises, nos erreurs. Mais ce n’est pas toi, 9-CE1, qui a
pollué la Terre alors est ce quand même à toi de réparer ?
10-CM1 : Oui c’est notre rôle parce qu’on pollue chaque jour un tout petit peu.
PE : Comment tu pollues chaque jours un tout petit peu ?
9-CE1 : Les vaches pettent et ça pollue
3
PE : C’était un exemple mais ce n’est pas ce qui pollue le plus !
10-CM1 : Par exemple d’aller tous les jours à l’école en voiture, on pourrait y aller à pied ou en
vélo.
PE : Oui on pollue dès qu’on prend la voiture, quand on prend un bain, que les produits chimiques
s’écoulent et salissent l’eau qu’il faut ensuite nettoyer et cela coûte de l’énergie. La production de
cette énergie pollue car elle n’est pas souvent produite par le solaire ou les éoliennes.
Est-ce uniquement pour nous que nous devons protéger la Terre ?
7-CM1 : Ce n’est pas forcement pour nous mais c’est pour tout le monde !
PE : C'est-à-dire : tout le monde ?
4-CM1 : Ce n’est pas seulement pour nous mais nous on vit dessus et si on ne le fait pas on va tous
mourir.
PE : Disons que nous risquons d’être en danger. Mais est-on les seuls concernés ?
11-CM1 : C’est pour les êtres vivants, les végétaux et tout ce qui vit sur la Terre.
PE : Est-ce pour les êtres vivants présents maintenant qu’on doit protéger la Terre ?
9-CE1 : C’est aussi pour les prochains qui vont venir, ils n’ont pas envie de vivre sur une Terre
polluée.
PE : Quelqu’un a dit : « La Terre ne nous appartient pas, nous l’empruntons à nos enfant ».
7-CM1 : C’est égoïste !
6-CM1 : C’est Elise comme elle a dit de prendre un sac poubelle et des gants quand on se promène
en forêt mais au bout d’un moment c’est pénible d’avoir un sac poubelle et des gants.
3-CM1 : oui c’est pénible, c’est d’autres personnes qui y mettent et nous on passe derrière eux.
7-CM1 : Oui mais Victorien, ça veut dire que tu es égoïste !
9-CE1 : il faut faire des efforts parce que si à chaque fois qu’il y a des saletés on laisse ceux qui ont
fait les saletés les réparer, ben ça ne va jamais se réparer.
4-CM1 : Nous quand on fait des chantiers, quand on construit des maisons, quand on fait tout ça on
pollue mais si on arrête des gens vont devoir vivre dans la rue ! Après pour les enfants qu’on va
faire ça va être une vie nulle alors que nous on aura vécu une vie bien.
5-CM1 : Hugo dit qu’on est égoïste mais si on a en marre au bout d’un moment, qu’on a ramasser
beaucoup de fois on est pas égoïste parce que ce n’est pas nous qui salissons mais c’est nous qui
devons ramasser. Au bout d’un moment c’est un peu pénible.
Et si tu vois quelqu’un qui jette un papier tu dis : « Ah non là tu le ramasses parce que sinon on va
devoir le faire à ta place ! Et sa pollue ! »
6-CM1 : Des fois y a des gens sur les routes et les chemins, ce n’est pas bien parce qu’ils jettent
leurs papiers de gâteaux ou des mouchoirs.
4
12-CM1 : Aussi, il faut bien faire d’autres choses aussi parce que sinon la Terre il y en aura plus, et
nous on va disparaître.
13-CM1 : Aussi on peut bien faire ça pour la Terre parce que c’est elle qui nous a construits, qui
nous nourrit, qui fabrique les arbres. Il faut bien faire ça pour elle sinon elle n’existera plus et nous
non plus.
PE : J’ai quelque chose à vous raconter et vous me direz ce que vous en pensez. Dans un petit
village, il y a un magnifique lac ou les habitants vont souvent pour piqueniquer et il y a une grande
usine de vêtements employant 45 des villageois. Mais le problème c’est que cette usine rejette les
colorants utilisés pour les vêtements dans le lac et après quelques années de nombreux poissons
meurent car les colorants sont toxiques. Que feriez-vous à la place du maire ?
7-CM1 : Ben, arrêter !
9-CE1 : L’usine doit rejeter les colorants autre part.
PE : Ce n’est que déplacer la pollution.
9-CE1 : Arrêter l’usine.
14-CE1 : Il faut qu’elle arrête de faire des habits ou soi que... Je ne sais pas.
5-CM1 : Tu peux mettre les poissons du lac dans une autre rivière.
PE : Mais le lac reste pollué.
15-CE1 : Tu fais des barrages pour que les poissons ne reviennent pas et ça fait qu’un tout petit
endroit pollué.
16-CE1 : Tu mets un tuyau pour que les colorants aillent dans la forêt.
PE : Dans ce cas tu pollues la forêt.
4-CM1 : tu mets un barrage au-dessus du lac pour emmener les déchets dans la rivière en dessous
du lac comme ça le lac reste propre.
17-CE1 : Si tu les mets dans une poubelle ça sert à rien car ça va polluer quand même.
18-CE1 : Ils ont cas prendre moins de colorants pour pas avoir à en jeter.
Anaïs : Ce que propose 18-CE1 ce n’est pas de fermer l’usine ou de rejeter les colorants ailleurs
mais qu’ils changent leur façon de faire, qu’ils trouvent une autre méthode. C’est une bonne solu-
tion.
19-CM1 : Au lieu de jeter leurs colorants, ils peuvent les réutiliser.
20-CM1 : Ils le feraient s’ils pouvaient. Il faut fermer l’usine.
19-CM1 : On peut creuser un énorme trou pour y mettre tous les colorants.
Anaïs : Les colorants vont se diffuser, les arbres vont les absorber et mourir.
7-CM1 : Ils peuvent déplacer l’usine ou bien ne pas faire des habits colorés, en coton par exemple.
5
9-CE1 : Ils mettent des barrages partout et ils mettent les poissons ailleurs et on laisse tomber ce
lac-là.
6-CM1 : Il faut mettre les 45 personnes au chômage.
Anaïs : Explique-toi Yanis.
6-CM1 : ça ne polluera plus le lac.
5-CM1 : il faut fermer l’usine et leur trouver un autre métier.
Anaïs : Pourquoi as-tu choisis cette solution ?
5-CM1 : parce que si ça pollue beaucoup ça peut être la fin du monde avec les voitures qui polluent
aussi et tout le reste. Donc tu leur trouves un autre métier
Anaïs : 5-CM1 veut dire que la pollution d’un lac peut paraître une petite chose mais l’accumulation
de toutes ses petites choses peut être catastrophique pour notre monde.
20-CM1 : Moi je mettrai les gens au chômage car ils n’en mourront pas et les poissons ils morts et
ils sont aussi importants que nous.
9-CE1 : On met les 45 personnes au chômage, la Terre elle est plus importante que nos habits et
puis avant nos ancêtres ils étaient tout nus !
1-CE1 : Il faut fermer l’usine parce que les poissons, il y en a des milliers qui meurent et les 45
personnes ça ne va pas les tuer de prendre un autre métier. Ca ne leur fait pas du mal.
10-CM1: En plus il y a des espèces de poissons qui peuvent être en voie de disparition.
11-CM1 : Et au bout d’un certain temps ça polluera aussi la forêt.
14-CE1 : Moi je préfère mettre les 45 personnes au chômage parce que au moins les poissons il sont
pas pollués et il vaut mieux être protégés que pollués
21-CE1 : Je reviens au sujet de Lisaé, c’est bien de protéger les poissons parce que sinon il y en
aura de moins en moins et euh, du coup après on pourra plus manger des poissons. Et aussi à la télé
il y avait un film, enfin une émission sur les animaux qui disparaissent.
4-CM1 : Moi je ne préfère pas fermer l’usine parce qu’après il n’y aura plus d’habits. On pourrait
aussi faire une grande cuve en béton dans l’eau.
Anaïs : mais si tu n’as le choix qu’entre fermer l’usine ou continuer à polluer le lac ?
4-CM1 : Moi je n’ai pas envie que les poissons meurent, du coup je préfère que les personnes soient
au chômage, mais les gens jettent aussi leurs papiers et leurs plastiques et ça tue aussi les poissons.
Du coup après c’est toujours pareil et c’est la même chose si l’usine elle pollue ou si c’est les gens
qui polluent.
3-CM1 : Ben des fois on tue bien aussi les poissons pour les manger !
14-CE1 : Les poissons ils peuvent les mettre dans un autre lac.
6
5-CM1 : En fait, la comme dit Lisaé, il y a des milliers de poissons qui meurent. Mais il y a toujours
des poissons qui meurent, avec ceux qui pêchent, c’est obligé.
4-CM1 : Moi je n’ai pas envie que les poissons meurent, mais je ne veux pas mettre les personnes
au chômage. Parce qu’un travail c’est important, ça fait vivre une famille.
11-CM1 : Oui mais la pollution ça ne tuera pas que des poissons, ça peut provoquer un réchauffe-
ment climatique, faire fondre les glaciers. Du coup il n’y aura pas que les poissons qui mourront, il
y aura aussi les pingouins et après il y aura trop d’eau les petites îles vont disparaitre.
10-CM1 : Oui mais moi je ne suis pas d’accord avec Victorien, parce que c’est vrai que des poissons
meurent à cause de la pêche et des déchets, mais l’usine ça peut empirer bien plus.
22-CE1 : Je reviens au sujet de Marion, si on les met dans un autre lac les poissons ils peuvent
mourir, si après ils sont trop nombreux.
14-CE1 : Je sais que c’est hors sujet mais Estéban il faut qu’il dise le nom de famille des deux …
quand il interroge sinon on ne sait pas.
PE : Cela a bien fonctionné jusque-là, il regarde la personne qu’il interroge.
16-CE1 : Mais sinon on vide le lac et on met l’eau dans une rivière à côté.
20-CM1 : ça pollue quand même. Je reviens au sujet de Liv, sans l’usine, il y a beaucoup moins de
poissons qui meurent.
9-CE1 : oui, Elise disait que ça ne change rien de laisser l’usine mais après les poissons ils vont
mourir beaucoup beaucoup plus vite.
4-CM1 : Si on arrête l’usine, beaucoup moins de poissons vont mourir mais les poissons du lacs
continueront à mourir quand même, tous les gens jettent des papiers, des sacs plastiques, des ca-
nettes même des chaussettes et des chaussures des fois. Du coup ça pollue encore plus ça pollue, et
il y a pleins de poissons qui meurent.
PE : Alors je peux me dire que comme que tout le monde jette ses papiers dans la nature je peux le
faire aussi parce que ça ne va rien changer.
10-CM1 : Il ne faut pas faire ça parce que si tout le monde se dit ça on va polluer de plus en plus.
PE : Bien sûr, tu as raison, Chaque personne doit se sentir concerner et agir du mieux possible pour
que notre Terre reste belle et accueillante pour les générations futures. Nous allons clore le débat
là-dessus
7
Annexe 4 - Productions d'élèves : « Devons-nous protéger la Terre ? »
8
Annexe 5 – DVP au CM1 : Grille d'auto-positionnement
Education morale et civique CM1
9
Je donne mon avis Souvent, je donne Souvent, j’es- J’argumente toutes
sans jamais m’expli- juste mon avis sans saye d’argumen- mes idées (je les ex-
quer. expliquer ou je ne ter (d’expliquer plique) et souvent je
(oui/ non . je suis donne que des mes idées) donne aussi des
d’accord/ je ne exemples. même si je n’y exemples.
pense pas …) arrive pas tou-
jours
Ce que je dis n’a ja-Ce que je dis est en J’ai donné 1 ou 2 J’ai donné 3 fois ou
mais de lien avec ce lien avec ce qui a été fois mon avis sur plus mon avis sur ce
qui a été dit avant dit (ça suit le reste, ce que mes ca- que mes camarades
par les autres. comme dans une his- marades ont dit. ont dit.
toire), mais je ne
donne pas mon avis
sur ce que disent mes
camarades.
La plupart du temps, On comprend ce que Ce que je dis est Je m’exprime très
on ne comprend pas je veux dire mais c’est clair, je termine bien, mes phrases
ce que j’essaye de mal dit et souvent je mes phrases sont bien construites
dire. ne finis pas mes même si parfois et j’utilise le bon vo-
phrases. elles ne sont pas cabulaire.
très bien cons-
truites.
Je pense exactement J’ai souvent du mal à En général, ça ne Je trouve que quand
la même chose à la accepter qu’on ne soit me dérange pas on est pas d’accord
fin du débat pas d’accord avec qu’on ne soit pas avec moi, ça m’aide
qu’avant. Les autres moi. Mais j’ai quand d’accord avec à avancer et je m’en
n’ont pas changé même changé un peu moi et le débat a sers pour construire
mon point de vue. de point vue pendant changé mon mes idées et mon
le débat. point de vue sur point de vue.
la question.
Remarques générales sur MON COMPORTEMENT et sur CE QUE JE DIS ou ce que JE VOU-
DRAIS DIRE :
______________________________________________________________________________
Remarques générales sur LE DEBAT : sur son déroulement et sur ce qui est dit par tous les parti-
cipants :
______________________________________________________________________________
Remarques générales sur LES ELEVES QUI ONT UN RÔLE (animateur, secrétaire, observa-
teurs, reformulateurs) :
10
Année universitaire 2015-2016
Titre du mémoire : L'enseignement moral et civique à l’école primaire, écocitoyenneté et décentrement de soi.
Auteure : Failly Anaïs
Résumé :
Dans un contexte sociétal où l’importance de la vie en collectivité est réaffirmée, des valeurs telles que
l’empathie et le respect sont au centre des préoccupations de l’école d’aujourd’hui et plus
particulièrement du domaine de l’enseignement moral et civique. Traiter du thème de la protection de
la planète en EMC est une manière d’enseigner ces valeurs tout en sensibilisant les élèves à l’éco-
citoyenneté. Ainsi, la séquence intitulée « à qui appartient la planète » menée dans une classe de 29
élèves de CE1 et CM1 permettra à ces derniers de s’interroger sur l’avenir de la Terre en se souciant
du futur de l’humanité et de la biosphère, ainsi que de se questionner sur le rôle que chacun d’entre
nous doit jouer. Recourir aux discussions à visée philosophique renforcera l’exigence de l’écoute et du
respect mutuel. De plus cela permettra la mise en œuvre d’un raisonnement argumenté au travers d’une
initiation aux pratiques philosophiques.
Mots clés : EMC, DVP, cycles 2 et 3, CE1 et CM1, écocitoyenneté, avenir de la Terre, empathie,
décentrement de soi.
Summary
In our particular social context which is characterised by a renewed importance of life in the
community, moral values such as empathy and respect are at the heart of existing school concerns and
more specifically of moral and civic education. To deal with the protection of earth is a way to teach
those values while focusing on ecology at the same time. Thus, the sequence entitled « whom is the
planet ? » led in a grade 2 and a grade 4 classroom will encourage pupils to question the planet’s future,
to care about the future of humankind, and the whole biosphere and to interrogate the roles that each
of us must play. Resorting to philosophically directed discussion will strengthen the importance of
attentive listening and mutual respect. Furthermore, this will enable pupils to develop a reasoned
argument through an introduction to philosophical practices.
Key words : Moral and civic education, philosophically directed discussion, grade 2 and grade 4,
ecology, planet’s future, empathy, de-centering oneself.