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Continuité

Architecture et espaces publics

La quète de l’équilibre
Odile Roy

Numéro 74, automne 1997

Vieux-Québec

URI : https://id.erudit.org/iderudit/17030ac

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Éditeur(s)
Éditions Continuité

ISSN
0714-9476 (imprimé)
1923-2543 (numérique)

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Citer cet article

Roy, O. (1997). Architecture et espaces publics : la quète de l’équilibre.
Continuité, (74), 46–49.

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«
t. ' f i e Conservatoire, un ensemble restauré, reconstruit etàcjçandi par

Au début des années 80, la Ville de Québec adoptait une série p a r Odile Roy

L
a double reconnaissance du
de mesures destinées à conserver et à mettre en valeur Vieux-Québec en tant qu'arron-
dissement historique et ville du
patrimoine mondial suppose
l'architecture du Vieux-Québec. Une nouvelle réflexion d'importantes responsabilités.
Les citoyens, les professionnels
de l'architecture et de l'aménagement
sur les valeurs et les composantes essentielles à l'identité ainsi que l'administration municipale doi-
vent se les partager.
de Varrondissement historique vient aujourd'hui enrichir Les citoyens et les citoyennes doivent
s'engager à prendre soin de cet héritage
pour le laisser aux générations futures. A
cette politique de gestion. Résultats et prospectives. travers leurs projets, les professionnels de

2 numéro soixante-quatorze D o s s i e r
l'architecture et de l'aménagement doivent Elle a également rendu possible la réalisa-
savoir transmettre les éléments essentiels à tion de projets exemplaires : restauration,
l'identité de ce lieu à la fois magique et reconstruction d'édifices incendiés, agran-
mémorable. Enfin, l'administration munici- dissements d'édifices existants, insertion
pale doit définir et diffuser une vision glo- de nouvelles constructions. Voici quel-
bale et cohérente de l'évolution de l'arron- ques-unes de ces interventions.
dissement historique. Elle veille aussi à la
qualité des interventions effectuées sur TROIS RENAISSANCES
l'architecture et sur la ville. Un travail ardu, L'édifice abritant le commerce GAP est
si l'on considère qu'il faut conserver un souvent cité en exemple pour son intégra-
juste équilibre entre les intérêts de la col- tion à la rue Saint-Jean. La qualité de
lectivité et ceux des particuliers. cette réalisation tient à l'emploi réinventé
des matériaux et des composantes archi-
U N QUARTIER tecturales propres au quartier : la maçon-
EN ÉVOLUTION nerie de calcaire en pierre de taille, le
Dans les années 60, l'essor des banlieues parapet et la corniche métallique couron-
commence à attirer les habitants hors du nant la façade, ainsi que l'oriel, cette fenê-
centre de Québec. En dix ans, le Vieux- tre faisant saillie à l'étage supérieur. Le
Québec perd les trois quarts de ses rési- traitement de la transition entre l'espace
dents : le bâti se détériore, et le quartier public du trottoir et l'espace commercial,
est livré à des projets pour touristes et tra- par un seuil légèrement en retrait,
vailleurs. Des édifices à bureaux occupent reprend également une utilisation des
dorénavant de nombreuses parcelles de devantures commerciales de la rue Saint-
terrain destinées jadis à l'habitation et, Jean. Enfin, l'affichage commercial, au
pour faire place au réseau d'autoroutes, un lieu d'être traité comme une composante
secteur entier est démoli. étrangère, fait partie de la conception de
Au début des années 80, la Ville de la façade.
Québec met sur pied une politique desti- Le Conservatoire de la rue Saint-Denis
née à protéger adéquatement le Vieux- est quant à lui un bel exemple de récupé-
Québec. Elle vise à contrer les démolitions ration d'un immeuble incendié. De par sa
et les projets qui ne respectent pas l'envi- position stratégique, en bout d'îlot et à la
ronnement historique ainsi que la détério- limite de la ville habitée, l'immeuble est
ration progressive des bâtiments négligés. important dans le paysage du quartier. Il a
Concrètement, cette politique de gestion été restauré, partiellement reconstruit et
de l'arrondissement historique comprend agrandi pour loger des unités d'habitation.
trois grands volets : une aide financière L'emploi des matériaux, les formes de toi-
pour la restauration des édifices ; le regrou- tures et la distribution des ouvertures
pement, au sein d'une même unité admi- dans les façades crée un dialogue intéres-
nistrative, des professionnels municipaux sant avec l'histoire. Les immeubles du
dont l'action est centrée sur le patrimoine côté sud de la rue Saint-Denis ayant été
et sur le Vieux-Québec ; la publication démolis à la fin du XVIIe siècle pour faire
d'un premier guide d'intervention, le place aux glacis de la Citadelle, l'édifice
Guide pour la conservation et la mise en bénéficie d'un dégagement important. Le
valeur de l'architecture du Vieux-Québec promeneur peut en percevoir en entier les
(voir l'article Une vision à partager). volumes et les façades.
Cette stratégie a d'abord rendu possible le Enfin, le Capitole constitue une interven- L'édifice abritant le commerce GAP sur la
développement d'outils de gestion inno- tion exemplaire de restauration architectu- rue Saint-Jean. Une insertion conçue par
vateurs qui ont plus tard servi de modèles rale dans le Vieux-Québec. La place René Camache, architecte.
à plusieurs autres villes désireuses de pré- D'Youville, où il est situé, constitue en Photo : B. Lafrance
server leur patrimoine. Certaines d'entre quelque sorte un nœud entre la vieille
elles ont mis de l'avant des programmes ville et ses faubourgs ; elle est encadrée
d'aide financière et d'autres ont publié par plusieurs édifices monumentaux qui
des guides d'intervention. Elles y étaient témoignent des diverses périodes de
encouragées par les résultats positifs de développement de Québec. Cette inter-
l'expérience québécoise. En effet, cette vention a permis la sauvegarde d'un
politique de gestion de l'arrondissement monument exceptionnel à Québec ainsi
historique a permis d'améliorer considéra- que l'insertion ingénieuse sur la place
blement le paysage architectural du d'une étroite façade pour l'hôtel. Cet
Vieux-Québec, principalement par la res- ensemble est aussi remarquable pour les
tauration d'édifices résidentiels détériorés. relations qui s'établissent entre les élé-

D o s s numéro soixante-quatorze u
 Le Capitole, façade de l'hôtel e t du théâtre histoire. Ils sont des lieux privilégiés de
sur la place D'Youville. Un p r o j e t conçu par prise de contact avec les valeurs de ce
les architectes Denis Saint-Louis, Bernard S.
quartier. Les mesures de protection des
Gagné et Jean-Gilles Lemieux.
qualités des espaces publics permettent
Photo : B. Lafrance
d'apprécier à la fois les paysages urbains
ments préexistants et les nouvelles com- et naturels. Ces mesures doivent égale-
posantes, dans un jeu subtil de va-et-vient ment tenir compte de l'architecture des
entre l'histoire et la contempora- édifices qui encadrent ces espaces ainsi
néité. Il faut également souligner la quali- que du degré d'ensoleillement et du
té des espaces extérieurs, tels la terrasse mobilier urbain.
du café, et leur contribution à l'animation Dans le Vieux-Québec, les panoramas et
de la place. les perspectives visuelles sont remarqua-
Ces trois exemples s'illustrent pour la bles et ils commandent une attention
qualité de leur architecture, autant dans particulière. La façade fluviale de la
leur composition et leurs matériaux que Basse-Ville, la falaise et les remparts, la
dans leurs détails de réalisation. Mais, silhouette de la Haute-Ville, les vues
d'abord et avant tout, ils constituent tous cadrées vers le fleuve ou vers le bassin
les trois des apports enrichissants à Louise dans l'axe des rues comptent
l'ensemble du Vieux-Québec, et s'inscri- parmi les richesses de l'arrondissement
vent dans l'évolution du quartier dans un historique. C'est pourquoi tout projet sus-
esprit de continuité et de cohérence. ceptible de modifier la perception et la
lisibilité de ces espaces devrait faire l'ob-
PAYSAGES ET ESPACES PUBLICS, DES jet de simulations visuelles pour en déter-
RICHESSES À PROTÉGER miner l'impact.
À partir du milieu du XXe siècle, une ten-
dance à l'élargissement de la notion de U N NOUVEAU GUIDE D'INTERVENTION
patrimoine nous a permis de prendre Dans ses efforts pour rester au fait des
conscience des valeurs multiples et com- pratiques les plus récentes en matière de
plexes des villes historiques. Ces vieilles gestion des villes historiques, la Ville de
villes représentent davantage que la Québec a entrepris depuis peu une
somme de leurs monuments. Leur valeur réflexion sur les valeurs et les compo-
réside autant dans les relations du bâti santes essentielles à l'identité du Vieux-
avec les espaces non construits que dans Québec. Cette réflexion mènera à la
les bâtiments publics, institutionnels ou conception d'un nouveau guide d'interven-
résidentiels. tion. Tout en tirant profit de l'expérience
En tant qu'ensemble historique, le Vieux- acquise au cours des vingt dernières années
Québec constitue réellement un tout et en poursuivant le travail de conserva-
cohérent dont l'équilibre dépend de la tion et de mise en valeur de l'architecture
synthèse des éléments qui le composent. des édifices, ce nouveau guide permettra
Si le bâti du quartier se présente aujour- d'assurer une meilleure protection des
d'hui dans un bien meilleur état qu'au qualités urbaines de l'arrondissement his-
début des années 80, l'expérience a torique.
démontré le besoin de considérer, au-delà Ce guide s'adressera d'abord aux proprié-
de l'apparence extérieure et de l'architec- taires d'édifices situés dans l'arrondisse-
ture des édifices, la qualité des paysages ment historique et aux professionnels de
urbains et des espaces publics. Ces consi- l'architecture qui les conseillent. Mais il
dérations prennent une importance parti- sera également utile aux architectes et aux
culière dans le cas des projets situés aux urbanistes municipaux ainsi qu'aux mem-
limites du quartier, inscrits à l'intérieur de bres de la Commission d'urbanisme et de
panoramas ou de perspectives visuelles conservation qui doivent examiner les pro-
remarquables. jets avant de donner le feu vert à leur
Les espaces publics sont constitués réalisation. Le but premier de ce docu-
d'espaces libres tels les rues, les promena- ment est de diffuser et de faire partager
des piétonnières, les places et les parcs; une vision cohérente de l'arrondissement
ils témoignent tous de la permanence de historique.
la trame urbaine du quartier à travers son Plus concrètement, ce guide expliquera
Perspective visuelle sur le fleuve et la rive les principes que la Ville suit et entend
sud de Québec dans l'axe de la rue Petit- suivre pour la conservation et la mise en
Champlain et de l'escalier Casse-Cou. valeur du Vieux-Québec. À une série de
Photo : B. Lafrance principes généraux (voir l'encadré Des

numéro soixante-quatorze D o s s i e r
principes à respecter !) s'ajouteront plu-
sieurs groupes de principes spécifiques.
Ils s'appliqueront aux interventions
d'entretien, de restauration, d'agrandisse-
ment et de démolition, ainsi qu'à l'inser-
tion de nouvelles constructions. Ces prin-
cipes constituent en quelque sorte des
règles d'action, des attitudes fondamenta-
les à adopter avant d'intervenir.
Enfin, ce document énoncera des critères
d'intervention. Ces critères, sous forme
d'exigences et de recommandations, ser-
viront de balises à la planification des
interventions et d'outils pour l'évaluation
des projets. D'abord établis en fonction
de certaines caractéristiques de la forme sensibiliser, informer, conserver et restaurer Façade fluviale, falaise et remparts,
urbaine et du paysage, ils tiendront comp- ce patrimoine architectural et urbain uni- silhouette de la Haute-Ville : des vues
te également de l'aménagement des espa- que en Amérique du Nord. À la Ville de à protéger.
ces publics et des parcelles privées, de la Québec, on espère que ce nouveau guide Photo : B. Lafrance
végétation urbaine, des vestiges archéolo- s'inscrira dans la continuité de ces efforts.
giques et, évidemment, de l'architecture
des édifices. Odile Roy est architecte-consultante en patri-
Si le Vieux-Québec nous apparaît tel qu'il moine. Elle a été chargée de l'élaboration du
est aujourd'hui, c'est grâce à la conjugaison nouveau guide d'intervention pour le Vieux-
des efforts de tous les intervenants qui, Québec.
depuis plusieurs années déjà, s'appliquent à

D E S PRINCIPES À RESPECTER î
1. Conserver l'identité du Vieux-Québec
Cette identité est définie par cinq composantes essentiel-
les, selon le cadre proposé par la Charte internationale
pour la sauvegarde des villes historique (ICOMOS, 1987) :
• la forme urbaine constituée de la trame et du parcel-
laire ;
• les relations entre les divers espaces urbains ;
• les relations de la ville avec son environnement natu-
rel ou créé par l'homme ;
• la forme et l'aspect des édifices ;
• les vocations diverses de la ville acquises au cours de
son histoire.
2. Assurer la continuité et la cohérence de l'évolution du
quartier
O n considère ainsi le Vieux-Québec comme un ensem-
ble historique en constante évolution et non comme un
objet terminé, complet, figé dans le temps. Cette évolu-
tion suppose des transformations effectuées dans un
esprit de continuité et de cohérence. Elles permettent
d'enrichir le milieu tout en maintenant son identité. Emile Gilbert & associés
3. Connaître avant d'intervenir
La connaissance de l'histoire et de l'évolution du quartier
a r c h i t e c t e s
ainsi que des transformations apportées aux édifices et
aux sites est essentielle à la réalisation d'interventions qui
assureront la continuité dans l'évolution du quartier. Sans 50, côte Dinan Québec
cette connaissance, les décisions et la planification ne (Québec) G l K 8N6
peuvent s'inscrire dans une vision globale et cohérente.
4. Collaborer avec tous les intervenants
Tout projet touchant l'arrondissement historique doit
être conçu dans le cadre d'une étroite collaboration tél. : (418) 694-9041
entre les intervenants privés et publics, une collabora- téléc. : (418) 694-9051
tion entreprise dans un esprit de critique constructive.

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