Regard de Parents D'enfants Ayant Un Trouble Du Spectre de L'autisme Sur Les Intervenantes Et Les Services Du Milieu Scolaire: Des Réalités Multiples
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Regard de Parents D'enfants Ayant Un Trouble Du Spectre de L'autisme Sur Les Intervenantes Et Les Services Du Milieu Scolaire: Des Réalités Multiples
2024 13:29
Revue de psychoéducation
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C. Boucher2 Résumé
Abstract
Introduction
Dans son rapport spécial sur les services gouvernementaux destinés aux
enfants présentant un trouble envahissant du développement, le Protecteur du
citoyen (2009) recense les lois applicables aux droits fondamentaux de ces enfants.
Concernant le réseau de l’éducation, en plus de la LIP, la Convention relative aux
droits des personnes handicapées (2006) ainsi que la Charte québécoise des droits
et libertés de la personne sont mentionnées. La première « rejette l’exclusion des
enfants handicapés sur le fondement de leur handicap, réaffirme le principe de
l’accès à l’enseignement primaire gratuit obligatoire et à l’enseignement secondaire.
Elle invite, en outre, à mettre en place des aménagements raisonnables en fonction
des besoins de chacun. » (p. 29). La seconde « garantit les droits et libertés
fondamentales dans les rapports entre les personnes et prohibe toute forme de
discrimination, notamment fondée sur un handicap. » (p. 29). Ce cadre légal régit
donc le droit à l’éducation des enfants présentant un TSA. Il invite à l’évaluation des
besoins de l’enfant et ne garantit pas l’intégration de l’enfant en classe ordinaire,
notamment lorsque l’école et les parents jugent que ce type de classe n’est pas
dans son intérêt ou qu’il y a « contrainte excessive » ou atteinte considérable des
droits des autres élèves (MELS, 2011). En cas de litige à propos d’une décision
rendue, le parent peut faire une demande de révision au conseil des commissaires
de la commission scolaire (Protecteur du citoyen, 2009). Outre ce cadre légal
privilégiant la scolarisation des élèves en classe ordinaire, la Politique de la réussite
éducative (MEES, 2017) encadre la conception de l’éducation pour tous les élèves
et témoigne des orientations gouvernementales. Les trois axes de la Politique
visent ainsi à « l’atteinte du plein potentiel » des élèves (axe 1), la mise en place
d’un « milieu inclusif, propice au développement, à l’apprentissage et à la réussite »
4
Par l’adoption du projet de loi 40 par l’Assemblée nationale du Québec en février 2020, les
commissions scolaires sont maintenant appelées « centres de services scolaire » (PL 40, Loi
modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la
gouvernance scolaires, 1re sess, 42e lég). Dans ce texte, l’appellation commissions scolaires
est utilisée par les participant-e-s que nous avons rencontré-e-s.
206
(axe 2), et à mobiliser les partenaires pour atteindre cette réussite (axe 3). Il revient
donc aux centres de services scolaire d’évaluer les besoins des élèves HDAA afin
d’adapter les services éducatifs pour optimiser leurs chances de réussite et de
participation sociale.
Le partenariat famille-école
Ainsi, des bris et des tensions dans la collaboration entre les parents et les
intervenantes survenant dès le début de la scolarisation sont documentés (Fahmi
et Poirier, 2020; Hodges et al., 2020; Tissot, 2011; Tucker et Schwartz, 2013). Les
parents mentionnent avoir peu de place dans les processus décisionnels, notamment
par rapport à la décision du type de classe fréquenté (Kurth et al., 2020; Poirier et
Vallée-Ouimet, 2015). Ces décisions peuvent d’ailleurs reposer sur le point de vue
de l’enseignante (Segall et Campbell, 2014) et être prises sans impliquer les parents
(Fahmi et Poirier, 2020), ce qui démontre en partie les limites de la mise en place du
processus de partenariat famille-école. LaBarbera (2017) a d’ailleurs démontré que
les parents et le personnel scolaire, dont les enseignantes, ne perçoivent pas leur
implication de la même façon quant au processus de collaboration. Bien que les deux
groupes d’acteurs soient favorables à la collaboration et qu’ils reconnaissent que
le milieu scolaire fasse des efforts afin de faciliter ce processus, les enseignantes
perçoivent leurs pratiques plus favorablement que ce qu’en pensent les parents
(LaBarbera, 2017).
Objectif
Méthode
Afin de répondre à cet objectif, nous avons effectué une analyse qualitative
des données secondaires tirées de deux projets de recherche5,6. Le premier portait
5
Le soutien à l’exercice des rôles familiaux et sociaux des familles de jeunes enfants présentant un
trouble du spectre de l’autisme (TSA), projet de recherche dirigé par la chercheuse Catherine des
Rivières-Pigeon et financé par l’Office des Personnes Handicapées du Québec (2013-2015).
6
Dynamiques et réseaux familiaux en lien avec la situation financière et la gestion de l’argent chez
les parents d’enfants présentant un trouble du spectre de l’autisme (TSA), recherche dirigée par
la chercheuse Catherine des Rivières-Pigeon et financée par le partenariat de recherche ARIMA
(2015-2016).
210
sur les tâches réalisées par les parents d’enfants ayant un TSA (des Rivières-
Pigeon et al., 2015) et le second projet dirigé par des Rivières-Pigeon (2015-2016)
portait sur les dynamiques de leurs réseaux de soutien.
Échantillon
Des deux projets de recherche plus larges, les entrevues effectuées auprès
des familles dont l’enfant était scolarisé en milieu primaire ont été conservées. Les
familles dont l’enfant était en milieu de garde ont été exclues de cette étude en
raison du peu de liens qu’elles avaient avec le milieu scolaire. Au total, 21 familles
ont été sélectionnées. Ceci représente 18 mères, une belle-mère, neuf pères et
un beau-père. Comme il y avait deux enfants ayant un TSA dans trois des familles
sélectionnées, 24 enfants sont représentés dans cette étude. Comme le DSM-
5 regroupe depuis 2013 différents libellés diagnostiques autrefois utilisés pour
caractériser le TSA de l’enfant, les parents pouvaient utiliser différents termes :
syndrome d’Asperger, trouble envahissant du développement (TED), autisme
et trouble du spectre de l’autisme. Afin de faciliter la lecture et de respecter la
nomenclature du DSM-5, le terme TSA est utilisé dans cette étude. Les enfants
des familles retenues pour constituer notre échantillon présentaient aussi différents
troubles associés : anxiété, TDAH, syndrome de Gilles de la Tourette, trisomie 21,
déficience intellectuelle, trouble du comportement, trouble de langage, dysphagie,
épilepsie, diabète et asthme. Ils étaient âgés entre 6 et 11 ans et fréquentaient
différents types de classe. Deux enfants fréquentaient une école spécialisée, 10
étaient scolarisés dans une classe spéciale d’une école ordinaire, 11 étaient intégrés
en classe ordinaire avec ou sans accompagnement et un enfant avait fréquenté ces
trois types de classe. Les familles provenaient de différentes régions administratives
du Québec, soit Montréal, Québec, Lanaudière, Laurentides, Laval et Montérégie.
Ainsi, les enfants fréquentaient des écoles différentes et des commissions scolaires
différentes.
Procédures
Les deux projets de recherche plus larges desquels les entretiens sont tirés
comportaient des dispositifs méthodologiques différents afin de répondre à leurs
objectifs de recherche spécifiques. Des entretiens semi-structurés étaient toutefois
réalisés dans les deux cas, et ce par la première auteure accompagnée d’une autre
assistante de recherche. La collecte de données du premier projet de recherche était
effectuée à l’aide d’un iPod dans le but de recueillir des éléments visuels permettant
aux participant-e-s de se remémorer les différentes tâches effectuées auprès de
leur enfant et d’en saisir les différentes dimensions (Courcy et al., 2016). Ainsi,
les participant-e-s étaient rencontrés à deux reprises. Entre les deux rencontres,
nous leur demandions de documenter leurs tâches à l’aide de photos, de vidéos
ou d’enregistrement audio. Cette méthode a permis de recueillir les propos des
parents sur leur engagement dans une multitude de tâches, dont celles liées au
milieu scolaire. Lors des entretiens effectués dans le deuxième projet de recherche,
un tableau et une cartographie des relations identifiées par les parents étaient plutôt
dressés par l’assistante de recherche menant l’entrevue afin de faire un portrait du
réseau des familles à trois périodes de la vie de l’enfant. Les parents étaient donc,
entre autres éléments, invités à discuter de leurs relations avec les intervenantes
211
du milieu scolaire un an avant le diagnostic, autour de la période du diagnostic et
dans la dernière année. Compte tenu de la méthode utilisée dans le premier projet
de recherche où les participant-e-s étaient rencontré-e-s à deux reprises afin de
discuter des données recueillies à l’aide du iPod, 32 entretiens en sont tirés alors
que 13 proviennent du deuxième projet. Dans les deux projets de recherche, les
entrevues d’une durée moyenne de 1 heure 30 minutes ont été transcrites par une
assistante de recherche. Les données nominatives telles que les noms et les lieux
sont fictifs afin de préserver la confidentialité des participant-e-s.
Résultats
L’analyse des entretiens effectués avec les parents d’enfants ayant un TSA
a permis de faire émerger trois catégories de résultats. La première présente la
variation des expériences d’une famille à l’autre et au sein d’une même famille d’une
année à l’autre, la deuxième illustre les éléments qui influencent la satisfaction des
mères et des pères d’enfants présentant un TSA à l’égard des intervenantes du
milieu scolaire et la troisième catégorie de résultats porte sur les éléments qui
influencent la satisfaction des parents à l’égard des services scolaires. Afin de
faciliter la présentation de ces deux dernières catégories, un schéma présente les
résultats en introduction de chacune de ces sections.
Selon plusieurs, il est impossible de prendre pour acquis que l’enfant ira
bien en classe d’une année à l’autre ou qu’il y aura une évolution positive les années
subséquentes. La variation d’une année à l’autre pouvait s’expliquer de différentes
façons selon les parents que nous avons rencontrés, que ce soit par l’approche de
l’enseignante avec l’enfant ou l’impression générale que l’équipe-école appuyait les
démarches du parent :
Figure 1.
Le besoin
que l’enseignant(e)
Le besoin d’une comprenne que des
meilleure connaissance adaptations sont
du TSA nécessaires en classe
Le besoin que les
apprentissages soient La nécessité
une priorité d’adapter davantage De petites
L’importance de adaptations peuvent
la formation les interventions aux
La compétence besoins particuliers faire « toute la
des intervenant(e)s de l’enfant différence »
L’utilisation
d’une approche
pédagogique adaptée Les interventions
en TSA ne sont pas
Les éléments de universelles
satisfaction et d’insatisfaction
des parents à l’égard des
L’appréciation intervenant(e)s du milieu
de l’utilisation d’une scolaire
l’égard des intervenantes du milieu scolaire
Au début, les profs étaient choqués. Ils pensaient que je leur disais
qu’ils n’étaient pas bons. Ce n’est pas ça. Tu veux bien faire, mais
tu n’as pas la formation. Ce n’est pas de ta faute. Toi tu fais ton
maximum. Tu donnes tout. Mais tu manges des volées tous les
jours. Et tu ne sais pas quoi faire. Ce n’est pas toi qui n’es pas
bonne. […] Ils ne sont pas assez formés. (Mère d’Adam, 10 ans,
et d’Elliot, 8 ans)
Cette même mère indiquait qu’il était difficile d’obtenir des services
spécialisés pour sa fille puisque le psychologue de l’école était du même avis que
l’enseignante : « […] c’est le psychologue qui m’a dit à la dernière rencontre qu’il
ne pouvait pas croire et accepter le diagnostic d’Asperger de ma fille… » (Mère
de Julia, 10 ans). Dans un autre cas, l’enseignante du préscolaire refusait de
soutenir la mère dans ses démarches diagnostiques : « Quand il y a eu la demande
d’évaluation de la clinique vers 5 ans, d’évaluation pour l’autisme, elle a dit : ‘‘Moi je
ne vais pas remplir ces documents-là, il n’est pas autiste votre enfant.’’ » (Mère de
Vincent, 6 ans).
Des mères et des pères ont aussi fait part d’une insatisfaction à l’égard
des intervenantes du milieu scolaire lorsque celles-ci n’offraient pas suffisamment
de temps d’enseignement à l’enfant. Ces parents étaient insatisfaits du fait que
les apprentissages n’étaient pas davantage priorisés en classe. Un père disait à
ce sujet que le temps d’enseignement offert à son fils en milieu spécialisé était
insuffisant pour lui permettre de progresser à un rythme satisfaisant et qu’il prenait
au contraire du retard par rapport aux autres enfants de son âge :
Il peut avoir deux sur dix dans une dictée quand il est en classe.
Mais en faisant ça à l’extérieur de la classe, il a eu 20 sur 20! Ce
n’est pas toujours ça, mais en général, il a de très bons résultats
quand il est tranquille. […] Ce n’est pas grand-chose, hein? Mais
c’est important. (Mère de Jules, 8 ans)
D’un autre côté, un père expliquait que les outils d’intervention généralement
utilisés en autisme, tel que les pictogrammes, ne pouvaient pas s’appliquer de
façon universelle : « Puis ce qui fonctionne le mieux c’est d’écrire ce qu’on veut puis
il va le lire, mais dans leur système, c’est des paniers avec des pictogrammes. […]
L’enseignante utilise beaucoup les pictogrammes, mais ils ne fonctionnent pas avec
mon fils. » (Père de Charles, 7 ans)
La stabilité des intervenantes. Des mères et des pères que nous avons
rencontrés ont décrit la satisfaction et les bénéfices qu’eux-mêmes et leur enfant
pouvaient retirer d’une stabilité du personnel scolaire. La mère de Victor, 7 ans,
espérait en ce sens que son fils aurait la même enseignante que sa fille avait
eue l’année précédente puisque les deux enfants présentaient la même condition
médicale associée au TSA. Comme elle le disait : « Sinon, tout expliquer, ça va
être à recommencer ». Une autre mère nous démontrait aussi l’importance de la
stabilité du personnel dans le parcours scolaire de son fils :
[…] c’est à 7 ans que là, ça n’a pas été des bons professeurs. Ils
ont changé beaucoup, beaucoup. Il y en a une qui faisait quatre
jours et l’autre faisait une journée. Celle qui faisait quatre jours est
217
tombée en maladie pendant plusieurs mois donc ils ont eu des
remplaçantes [… ] c’était le bordel total. (Mère de Théo, 8 ans)
Figure 2.
L’appréciation des
scolaires
Avoir accès à
ces services en milieu interventions proactives et
scolaire plutôt qu’au de l’implication de tous les
privé intervenant(e)s
associées d’accompagnement en
classe ordinaire
Les éléments
Un besoin de satisfaction et
de soutien de d’insatisfaction des
professionnel(le)s parents à l’égard des La classe
services scolaires spécialisée perçue
Or, ce type d’expérience positive n’était pas vécue par la majorité des
familles que nous avons rencontrées. Au contraire, une mère indiquait que l’école
lui demandait d’attendre le diagnostic, illustrant un travail de collaboration déficient,
voire inexistant :
Plusieurs pères et mères ont dit apprécier le fait que les intervenantes de
l’école soient proactives et mettent en place des interventions pour réponde aux
besoins de l’enfant avant et après l’évaluation diagnostique. Ces intervenantes
étaient notamment appréciées lorsqu’elles mettaient en place les recommandations
des professionnelles et qu’il ne revenait pas seulement aux parents de revendiquer
des adaptations. Un père témoignait en ce sens du travail de collaboration et des
impacts concrets de celle-ci, soit l’ajustement des pratiques du milieu scolaire :
Pour d’autres familles, l’attente de services pour l’enfant s’était étirée sur
plusieurs années, donnant l’impression aux parents que leur enfant perdait un
temps précieux. Par exemple, il a fallu trois ans d’attente à une mère avant d’avoir
du soutien pour les difficultés que son fils vivait à l’école et le soutien était insuffisant.
Dans une autre famille, l’idée de devoir scolariser son enfant dans une
classe spécialisée était vue comme un deuil à faire, une démarche de scolarisation
de dernier recours sur laquelle le parent avait peu de pouvoir de décision.
En contre-exemple, une famille a plutôt été déçue que son fils soit intégré
dans une classe ordinaire à son entrée à l’école alors que ce n’était pas ce que le
médecin avait recommandé :
Enfin, une mère dont l’enfant était accompagné 28h par semaine montrait
que l’intégration en classe ordinaire était possible avec une grande implication de la
part de la famille, de l’école et des services communautaires :
222
Tu sais, on s’est vraiment impliqués aussi pour faire les choses by
the book. On a rencontré la directrice, mon fils a été invité à faire
le tour de l’école et il a rencontré son enseignante à l’avance. On
a vraiment tout fait… Avant, l’organisme qui s’occupe des autistes
dans la région offrait un service. Sur invitation des classes, ils
pouvaient se rendre en classe et expliquer c’est quoi, l’autisme. À
chaque année, on le faisait faire… [Mon garçon], c’est comme un
exemple parfait de l’intégration. (Mère de Logan, 10 ans)
Autrement, des parents ont fait valoir leur appréciation des services
lorsqu’une professionnelle était présente et disponible pour soutenir l’enseignante.
Une mère indiquait à cet effet que la psychoéducatrice de l’école était là pour
soutenir et former les enseignantes, ce qui était perçu très aidant : « Oui! Ben elle
[la psychoéducatrice] fait son possible pour… Elle est très très aidante, elle va
essayer de former les professeurs si on voit que ça ne fonctionne pas, on essaie de
mettre des choses en place. » (Mère de Jacob, 8 ans)
Discussion
Références