Modélisation de La Dynamique Du Paysage Forestier de La Réserve Spéciale D'ambatovaky (Nord-Est de Madagascar)
Modélisation de La Dynamique Du Paysage Forestier de La Réserve Spéciale D'ambatovaky (Nord-Est de Madagascar)
Modélisation de La Dynamique Du Paysage Forestier de La Réserve Spéciale D'ambatovaky (Nord-Est de Madagascar)
1 Universitéd’Antananarivo, Ecole Supérieure des Sciences Agronomiques, Département des Eaux et Forêts, Antananarivo, Madagascar.
2 Universitéde Liège, Gembloux Agro-Bio Tech, Gembloux, Belgique.
*Auteur correspondant: Email: [email protected]
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Reçu le 23.03.1 7 et accepté pour publication le 1 9.06.1 7
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Tableau 1
Liste des images utilisées et leurs caractéristiques
Des prétraitements ont été opérés afin de réajuster Sur le tableau de la matrice de confusion, les erreurs
les valeurs radiométriques et spectrales et de de classifications sont totalisées. Il existe deux types
minimiser les variabilités atmosphériques tenant d’erreurs: les erreurs d'omission dans le cas où des
compte la nature multi date des images utilisées. Les points de référence d'une catégorie sont attribués à
calibrations ont été ainsi appliquées sur les bandes une autre catégorie; et les erreurs de commission
multispectrales afin de transformer les valeurs DN dans le cas contraire où les points d'une catégorie lui
(Digital Number) en des unités radiance et ToA (Top sont attribués par erreur. En complément de ces deux
of Atmospheric) réflectance. Le DOS (Dark Object types d’erreur, la valeur du coefficient kappa (κ) a été
Subtraction) a été par la suite implémenté afin de calculée (25). Ce coefficient mesure l’intensité de la
ramener les valeurs spectrales à zéro ou en d’autres concordance réelle entre deux jugements catégoriels
termes de réduire les effets de diffusion appariés; il est proche de 0 lorsque la concordance
atmosphérique à un seuil minimal (9). est peu significative et de 1 lorsque la
Par la suite, une classification supervisée a été concordance est très forte.
effectuée avec l’image datée de 201 4, en utilisant le Les caractéristiques spectrales des classes
l’algorithme du maximum de vraisemblance via le d’occupation du sol obtenues suite à la classification
logiciel de traitement d’image ENVI. C'est une finale de l’image Landsat 201 4 ont été utilisées
classification par zones d'entraînement comme base pour une classification supervisée par
représentatives formées par les points relevés sur maximum de vraisemblance des images datées de
terrain des principaux types d’occupation du sol, 2004 et de 1 996. Sur base des cartes multi-dates
respectivement 1 22, 87 et 69 observations pour les obtenues, la simulation de l’évolution future des
classes «forêt», «savoka» et «champs de culture». classes d’occupation de la zone d’étude a été réalisée
En effet, dans cette analyse de l’évolution globale de à l’aide de l’élaboration d’une matrice de transition (5,
l’occupation du sol, trois classes thématiques ont été 27) et de l’utilisation d’une chaîne de Markov (29, 30).
retenues. Il s’agit: d’une classe «forêt» (Photo 1 ) La matrice de transition a servi à construire une
regroupant les forêts naturelles et les forêts pour les matrice de probabilités annuelles qui représente le
cultures de sous-bois, notamment pour la vanille; changement d’état d’une classe sur l’horizon d’un an
d’une classe «savoka» (2) (Photo 2) associant les (30). Les taux des superficies des classes du
végétations secondaires de quelques années et paysage en 1 996 ont été transcrits en un vecteur. En
d’une classe «champ de culture», constituée par des considérant l’occupation du sol comme un processus
rizières, des champs de manioc et patate douce entre stochastique (22) et les différents changements
autres et les jachères d’un à deux ans (Photo 3). comme des états de cette chaîne (31 ), le produit de la
Les jeunes jachères ont été incluses dans la classe matrice de probabilités annuelles et du vecteur
«champs de culture» car elles comportent représentant la composition du paysage d'une année
essentiellement des plantes herbacées, entre autres particulière en utilisant une chaîne de Markov de
Lantana camara, Aframomum angustifolium, Rubus premier ordre permet de simuler la superficie des
sp. (1 7), et par conséquent, elles ont été souvent classes du paysage à une date ultérieure. La
confondues avec les champs de culture au cours de simulation obtenue a été vérifiée et validée en
la classification de l’image Landsat. comparant la composition paysagère simulée avec
La carte obtenue a été vérifiée au cours d’une celle observée respectivement sur les images 2004 et
mission de validation sur le terrain en mois d’avril 201 4 par l’intermédiaire des tests χ2. L’année 2050 a
201 5 permettant d’élaborer une matrice de confusion été choisie comme année de projection dans la
et de calculer l’indice Kappa, pour estimer l’exactitude simulation. Ce choix a été basé sur les objectifs
de la classification. La matrice de confusion est un d’Aïchi (7), qui est un plan stratégique en faveur de la
tableau à double entrée dans lequel sont confrontés biodiversité stipulant que «d’ici 2050, la diversité
la réalité sur le terrain et le résultat de la biologique est valorisée, conservée, restaurée et
classification. Il permet d'évaluer l'intensité de la utilisée avec sagesse, en assurant le maintien des
liaison entre des données de référence et le résultat services fournis par les écosystèmes, en maintenant
de la classification. la planète en bonne santé et en procurant des
avantages essentiels à tous les peuples». 31 5
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(Rakotondrasoa, 201 5)
Photo 1 : Forêt Dense Humide Sempervirente de la Réserve Spéciale
d’Ambatovaky.
(Rakotondrasoa, 201 5)
Photo 2 : «Savoka» à Ambavala (formations secondaires apparaissant
quelques années après la mise en culture temporaire).
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pas significativement différentes entre les années
Résultats 1 996 et 2004 (χ2= 28,67; p>0,05). Par contre, la
Matrice de confusion et Indice de Kappa relative à différence des distributions est significative entre les
la classification de l’image de 201 4 années 2004 et 201 4 (χ2=1 32,29; p<0,05): il y a eu
L’évaluation de la classification de l’image de 201 4 donc un changement significatif pour la deuxième
est représentée par la matrice de confusion (Tableau période. Le changement majeur d’occupation du sol
2). Les valeurs en diagonale indiquent le nombre de de la Réserve au cours de la période 2004-201 4 a été
pixels bien classés (la classification effectuée sur une augmentation d’environ 47% de la superficie des
ordinateur correspond à la réalité sur terrain) et ceux «savoka» ainsi qu’une augmentation de 43% de la
hors diagonale le nombre de pixels mal classés pour classe «champs de culture » qui sont respectivement
chaque unité d'occupation du sol. Le rapport de la passés de 4489 ha à 6592 ha et de 1 053 ha à 1 501
somme des pixels bien classés sur le total de pixels ha.
utilisés dans la classification nous donne le Pour la totalité de la période d’étude (1 996-201 4), les
pourcentage de classification global qui est de l'ordre distributions de la proportion des classes d’occupation
de 84,1 %. En effet, sur les 1 26 points GPS collectés du sol présentent une différence significative (χ2=
sur terrain, 1 06 correspondent à la classification. 31 ,92; p<0,05) : on assiste à une nette régression de
L’analyse de cette matrice permet aussi d’avancer la superficie forestière (20753 ha en 1 996 et 1 71 31
que le niveau de précision de la classe «savoka» a ha en 201 4, soit une perte de 1 7,5% correspondant à
été le plus faible: sur les 57 points GPS collectés un taux annuel de déforestation de 0,9%). Si on
dans cette catégorie, 45 correspondent à la raisonne selon deux périodes, les taux de
classification de l’image satellite, soit 79%; le reste a déforestation annuels de la RSA sont de 0,6% entre
été confus aux deux autres types d’occupation du sol. 1 996 et 2004 et de 1 ,3% entre les années 2004 et
Ce niveau de précision serait dû à l'hétérogénéité 201 4.
structurale et spécifique de la physionomie du Dynamique du paysage
«savoka» en fonction de son âge. En effet, on La figure 3 illustre les changements observés de 1 996
distingue trois types de savoka selon leur âge, à à 201 4 dans une partie de la zone d’études.
savoir: (i) savoka jeune de deux à cinq ans qui peut Les changements d’occupation de sol survenus dans
atteindre deux à trois mètres de hauteur avec RSA pendant les deux périodes 1 996-2004 et 2004-
quelques arbustes; (ii) savoka d’âge moyen de cinq à 201 4 sont présentés dans les tableaux 4 et 5. Chaque
dix ans à l’intérieur duquel les arbustes commencent valeur des tableaux correspond à la proportion de
à dominer en éliminant peu à peu les plantes l’aire convertie de la classe indiquée sur la ligne vers
herbacées; et (iii) savoka vieux de plus de 1 0 ans la classe en tête de colonne; et les valeurs en gras
avec une dominance des arbustes et de Ravenala indiquent les taux de permanences des classes. A
madagascariensis et d’autres espèces pionnières titre d’exemple (pour la première ligne du tableau 4):
telles que Harungana madagascariensis et Albizzia sur 82,3% de la surface du paysage qu’occupait la
lebbeck (1 7). forêt en 1 996, 75,5% sont restés intacts; 5,5% ont été
L'indice de Kappa est un indice qui permet de dégradés et convertis en «savoka» et 1 ,3% convertis
«retirer» la portion de hasard ou de subjectivité de en champs de culture.
l'accord entre les techniques. Après calcul, l’indice Selon les tableaux 4 et 5, la forêt s’est révélée être la
Kappa est égal à 82%. D’après Pontius, une étude de classe qui a subi la plus grande conversion, plus
l’occupation du sol peut être validée si κ> 50% (25); précisément des régressions. En effet, sur les 82,3%
cela permet de conclure que le résultat de la qu’occupait la forêt en 1 996; 5,5% ont été convertis
classification de l’image 201 4 est statistiquement en «savoka» et 1 ,3% en «champs de culture» en
acceptable. 2004. Ainsi, en 2004, la proportion restante de la
Cartographie d’occupation du sol par époque «forêt» était de 78,0%. Avec la dégradation
Les classifications des images Landsat ont permis continuelle des forêts, cette proportion n’a pas cessé
d’obtenir trois cartes d’occupation du sol datées de de diminuer et la forêt n’occupait plus que 67,9% de
1 996, 2004 et 201 4 (Figure 1 ) avec chacune trois la RSA;
classes. Concernant la classe «champs de culture», sa
Les proportions des classes d’occupation du sol du superficie reste plutôt stable (5,5% en 1 996, 4,2% en
paysage de la RSA pour les trois années d’études 2004 et 6,0% en 201 4). Par contre, si on examine
sont présentées dans le tableau 3. On en déduit que bien les tableaux 4 et 5, on peut voir que le taux de
le paysage de la RSA est dominé par la classe permanence de cette classe (sur les diagonaux, en
«forêt», mais avec une régression notable (d’environ gras) est faible. Autrement dit, la population exploite
82 à 68 %). Les 1 8% à 32% restants sont formés par les terrains seulement pendant quelques années et
les « savoka » et les «champs de culture». Les tests change de terrains à cultiver au fur et à mesure du
χ2 indiquent que les distributions de la proportion des temps.
différents types d’occupation du sol de la RSA ne sont
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Photo 3 : Champs de culture à Ambinaniroa (culture de riz pluvial
sur «tavy» ou culture sur brûlis).
Tableau 2
Matrice de confusion de la classification de l’image de 201 4
Tableau 3
Proportions des classes d’occupation du sol du paysage de la Réserve Spéciale
d’Ambatovaky pour les trois années d’étude
(Les données sont issues des cartes élaborées à partir des images Landsat datées de 1 996, 2004 et 201 4)
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(Obtenue sur base des cartes d’occupation du sol issues des classifications des images
LANDSAT datées de 1 996, 2004 et 201 4 de la Réserve Spéciale d’Ambatovaky)
Figure 3 : Illustration des changements observés au niveau de la
Réserve Spéciale d’Ambatovaky entre 1 996 et 201 4.
Tableau 4
Matrice de transition illustrant, en pourcentage (%) la
surface des types d’occupation du sol du paysage de
la RSA [données de 1 996 (lignes) et 2004
(colonnes)].
Tableau 5
Matrice de transition illustrant, en pourcentage (%) la
surface des types d’occupation du sol du paysage de
la RSA [données de 2004 (lignes) et 201 4
(colonnes)].
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(Obtenu à partir de l'utilisation de la Chaine de Markov sur base des cartes d’occupation du sol datées de
1 996, 2004 et 201 4 de la Réserve Spéciale d’Ambatovaky)
Figure 4: Dynamique de l’occupation du sol de la Réserve Spéciale
d’Ambatovaky de 1 996 à 2050.
(Rakotondrasoa, 201 2)
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d’aire protégée. Les actions de conservation ne se de la production agricole ne peut plus suivre les
limitent pas à la seule protection des ressources évolutions démographiques du milieu rural (20). En
naturelles, mais elles sont inséparables des actions effet, les populations dictées par leurs besoins accrus
de développement économique et social. Une sont contraintes à conquérir de nouveaux terrains
croissance démographique non accompagnée d’une pour l’agriculture de subsistance dans certaines
croissance économique pourrait être fatale à la régions à Madagascar (1 0).
pérennisation des ressources naturelles, car, dans ce Dans le cas d’Ambatovaky, la population riveraine
contexte, la population devra avoir recours aux défriche la forêt pour la convertir en champs de
ressources naturelles. En effet, la zone d’étude culture qu’elle abandonne après quelques années
présente un taux de croissance démographique pour défricher une autre partie de la forêt. Cette
annuel élevé d’environ 2,8% entre 2011 et 201 4 (35). pratique tend à réduire annuellement la superficie des
Cet accroissement démographique engendre de différents types de forêts humides à Madagascar. En
sérieux problèmes d’insuffisance de parcelles effet, la déforestation des forêts primaires du versant
culturales et de migration. Cette difficulté est Est peut en grande partie être attribuée à la culture
ressentie progressivement par les familles paysannes sur brûlis (20)
qui exploitent les mêmes parcelles dont elles ont
héritées de leurs parents et grand-parents. La Conclusions
migration se manifeste par le déplacement vers les Dans cette étude, nous avons déterminé la
régions plus fertiles et surtout à la périphérie des dynamique spatio-temporelle du paysage forestier de
forêts primaires. la Réserve Spéciale d’Ambatovaky. Des
Les tendances obtenues suite à la simulation à partir classifications des images Landsat datées de 1 996,
de la chaîne de Markov de premier ordre, ont révélé 2004 et de 201 4 ont permis de produire des cartes
une diminution de la superficie forestière de la RSA. d’occupation du sol de la RSA. Ces cartes ont
Ces tendances partent de l’hypothèse selon laquelle constitué une base pour la modélisation de l’évolution
les facteurs potentiels et les variables qui de la dynamique du paysage forestier de la RSA. Il en
influenceront la dynamique du paysage garderont la ressort que la couverture forestière de la zone d’étude
même emprise que celle de la période de 1 996 à régressera au fur et à mesure de temps malgré son
201 4. Il en découlerait que la couverture forestière va statut d’aire protégée. La perte de la forêt se
diminuer au profit principalement des «savoka», des manifestera au profit des champs de culture, qui sera
formations secondaires post-culturales (1 ). laissés après quelques années d’exploitation et se
L’augmentation de la superficie des «savoka» convertira en « savoka ». Cette situation peut être en
découle du développement et de l’extension du relation avec la pression démographique élevée
«tavy» (photo 4). Notre hypothèsee stipulant que «les entraînant une insuffisance des terres agricoles
pratiques culturales, notamment l’agriculture disponibles. Notre recherche a mis en évidence que
itinérante sur brûlis ou «tavy», favorisent la les actions de conservation ne doivent pas se limiter à
régression du couvert forestier du paysage la seule protection des ressources naturelles, mais
d’Ambatovaky, malgré son statut d’aire protégée» est qu’elles sont inséparables des actions de
ainsi acceptée. La limitation spatiale incite les développement économique et social de la population
paysans à cultiver le riz sur «tavy». Le fond du riveraine.
problème réside donc dans le fait que l'intensification
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F. Malaisse, Belge, PhD, Professeur honoraire, Université de Liège, Gembloux Agro-Bio Tech, Gembloux, Belgique; Membre ARSOM.
J. Bogaert, Belge, PhD, Professeur ordinaire, Université de Liège, Gembloux Agro-Bio Tech, Gembloux, Belgique; Professeur ERAIFT, Knshasa, R.D. Congo;
Membre ARSOM.
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