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réalités pédiatriques # 181_Octobre 2013

Revues générales
Thérapeutique

Antidépresseurs inhibiteurs
de recapture de la sérotonine

RÉSUMÉ : Les indications pédiatriques des antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine sont
l’épisode dépressif majeur et le trouble obsessionnel-compulsif. L’évaluation du rapport bénéfice/risque est
compliquée par le risque d’événements indésirables rares mais potentiellement graves tels que des idées ou
comportements suicidaires survenant sous traitement. Ces risques doivent être évalués au regard de l’impact
de symptômes psychopathologiques souvent durables ou à potentiel de rechute sur le développement de
l’enfant et de l’adolescent. Cet article propose une mise au point des principales données relatives à l’efficacité
et la tolérance de ces molécules qui varient selon les indications.

[ Introduction deux Caisses d’assurance maladie, est


de 0,5 %. À partir de l’âge de 14 ans, les
Chez l’enfant et l’adolescent, les anti­ taux de prescription deviennent plus
dépresseurs inhibiteurs de la recapture importants chez les filles que chez les
de la sérotonine (ISRS) ont une autori­ garçons mais augmentent avec l’âge dans
sation de mise sur le marché en France les deux sexes. À 18 ans, le taux de pres­
dans l’épisode dépressif majeur de cription atteint 2,2 % chez les filles, soit
l’enfant à partir de 8 ans (fluoxétine) et environ le double de celui des garçons
dans le trouble obsessionnel compulsif du même âge [1]. Les résultats des études
(sertraline, fluvoxamine). Leur mise sous épidémiologiques montrent une relation
surveillance renforcée est relative à leurs inverse entre le nombre de suicides chez
effets psycho-comportementaux, notam­ les adolescents et le taux de prescription
ment le risque d’apparition d’idées ou de des antidépresseurs sérotoninergiques,
comportements suicidaires sous traite­ mais ne permettent pas de déduire un
ment. La tolérance endocrinologique des rapport de cause à effet [2].
➞ D. PURPER-OUAKIL
PUPH, Médecine Psychologique de ISRS, particulièrement leur impact sur
l’Enfant et de l’Adolescent (MPEA)

[ Cpharmacologiques
le déroulement de la puberté, fait égale­
Hôpital Saint-Eloi, MONTPELLIER.
ment l’objet de vigilance. Cet article a aractéristiques
pour objectif de faciliter l’évaluation du des ISRS
rapport bénéfice/risque de ces molécules
dans différentes indications et d’amélio­ Les ISRS comprennent la fluoxétine
rer l’information donnée aux familles. (Prozac), la fluvoxamine (Floxyfral),
la paroxétine (Deroxat), la sertraline

[
(Zoloft), le citalopram (Seropram) et
 rescription
P l’esci­talopram (Seroplex). Le mode
des antidépresseurs d’action de ces antidépresseurs est une
chez l’enfant et l’adolescent inhibition de la recapture synaptique de
la sérotonine. Les ISRS se différencient
En France, le taux de prescription des par leur spécificité et leur potentiel inhi­
ISRS en population pédiatrique, estimé biteur : in vitro, la sertraline et la paroxé­
en 2004 à partir de bases de données de tine sont des inhibiteurs plus puissants

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Thérapeutique

que la fluoxétine, et la sertraline est le >>> Dans le trouble obsessionnel- des essais conduits dans les troubles
seul ISRS qui inhibe significativement compulsif (TOC) de l’enfant et de l’adoles­ anxieux non TOC que les antidépres­
la recapture de la dopamine. cent, plusieurs méta-analyses confirment seurs démontrent le meilleur rapport
l’efficacité des antidépresseurs sérotoni­ bénéfice/risque. Ce rapport est le moins
La demi-vie est également variable selon nergiques par rapport au placebo [3, 5]. bon dans le traitement de l’épisode
les molécules : la fluoxétine a une demi- Ces études ne mettent pas en évidence dépressif majeur et intermédiaire dans
vie de 8 jours avec des doses répétées mais de différences significatives entre les le TOC. Dans les études où différents
son métabolite actif, la norfluoxétine, a différents ISRS pour lesquels des études bras de traitement ont été testés, les trai­
une demi-vie comprise entre 7-19 jours. contrôlées sont disponibles (fluoxétine, tements combinés (TCC/soins courants
Les autres ISRS ont une demi-vie entre 12 sertraline, fluvoxamine, paroxétine). En + antidépresseur) sont supérieurs aux
et 36 heures. Les taux plasmatiques sont revanche, elles confirment l’efficacité monothérapies, que ce soit pour l’EDM,
variables et non corrélés à l’effet théra­ supérieure de la clomipramine, un anti­ le TOC ou les autres troubles anxieux.
peutique, ce qui rend inutile leur usage dépresseur tricyclique, dans cette indi­
en pratique courante. Le métabolisme des cation. Les ISRS sont actuellement le
ISRS est hépatique par l’intermédiaire des
isoenzymes du cytochrome P450 (impli­
traitement pharmacologique de première
intention du TOC chez l’enfant et l’ado­
[ Tolérance : généralités
quant surtout l’isoenzyme CYP2D6). Des lescent. Le traitement combiné associant Les ISRS sont mieux tolérés que les
variations génétiques des enzymes du thérapie cognitivo-comportementale (de antidépresseurs de première généra­
métabolisme, des récepteurs sérotoni­ type exposition avec prévention de la tion (tricycliques et IMAO) et moins
nergiques et des transporteurs peuvent réponse) et antidépresseurs est la moda­ dangereux en cas de surdosage. Les
être impliquées dans la survenue d’effets lité ayant montré le bénéfice thérapeu­ effets secondaires les plus fréquents
adverses, dans les effets thérapeutiques et tique le plus important [6]. sont observés dans 10-30 % des essais
dans les interactions médicamenteuses. réalisés en population pédiatrique. Ils se
>>> Dans les troubles anxieux autres manifestent surtout en début de traite­
que le TOC (anxiété de séparation, ment, et leur apparition est prévenue par
[ Données d’efficacité anxiété sociale, trouble d’anxiété géné­
ralisée), il y a des données d’efficacité
l’augmentation progressive de la posolo­
gie. Ce sont les effets gastro-intestinaux
>>> Dans l’épisode dépressif majeur significatives pour certains ISRS (sertra­ (nausées, dyspepsie, diarrhée), les varia­
de l’enfant et de l’adolescent, une line, fluoxétine, fluvoxamine et paroxé­ tions pondérales, l’irritabilité, l’insom­
méta-analyse de 88 essais cliniques tine) et pour un inhibiteur de recapture nie, la sédation, l’impatience motrice,
d’antidépresseurs a montré que seule de la sérotonine et de la noradrénaline la bouche sèche. Les effets occasionnels
la fluoxétine avait un bénéfice théra­ (IRSNA), la venlafaxine. Néanmoins, sont le virage de l’humeur, la survenue
peutique supérieur au placebo, bien que aucune de ces molécules n’a une AMM de crises d’épilepsie, les rashs ou réac­
la venlafaxine et la sertraline semblent dans l’indication des troubles anxieux tions allergiques, les troubles sexuels.
avoir une utilité chez les adolescents de l’enfant ou de l’adolescent [3].
dans les analyses en sous-groupe [3]. Le syndrome “amotivationnel” est
L’effet placebo élevé dans les essais Le nombre de patients qu’il est néces­ parfois difficile à distinguer d’une
cliniques et le caractère non repré­ saire de traiter (number needed to treat symptomatologie dépressive séquel­
sentatif des patients participant à ces [NNT]) pour observer un effet théra­ laire : il comprend une perte de l’initia­
essais (exclusion des patients ayant peutique significatif est estimé à 6 dans tive, des troubles mnésiques subjectifs,
un risque suicidaire par exemple) le TOC (contre 10 dans les troubles une sensation de distance avec le
limitent la portée de ces données. Les dépressifs majeurs et 3 dans les troubles monde environnant. Des syndromes
données comparant plusieurs modali­ anxieux non TOC). En revanche, le extrapyramidaux, une sécrétion inap­
tés de traitement montrent que dans la nombre de patients traités pour observer propriée d’hormone antidiurétique et
dépression de l’adolescent, la thérapie un effet indésirable à type d’idéation ou des syndromes du canal carpien sont
cognitivo-comportementale est la plus de tentative de suicide (number needed décrits avec la fluoxétine. Le syndrome
sûre en termes d’effets secondaires, que to harm [NNH]) est de 200 dans le TOC sérotoninergique est généralement
le traitement combinant cette thérapie à (contre 112 dans les troubles dépressifs lié à des associations de traitements
la fluoxétine permet d’accélérer l’effet majeurs et 143 dans les troubles anxieux sérotoninergiques : il se caractérise
thérapeutique ; quant au traitement par non TOC), ce qui donne une idée du par une agitation, des troubles gastro-
fluoxétine seule, il est la modalité théra­ rapport bénéfice/risque dans ces diffé­ intestinaux, des frissons et des trem­
peutique la moins coûteuse [4]. rentes indications [3]. C’est donc lors blements. En termes de surdosage, des

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données récentes relatives aux rapports


“nombre de décès par nombre de pres­ POINTS FORTS
criptions” et “nombre de décès par POINTS FORTS
nombre de tentatives de suicides par
ingestion d’anti­dépresseurs” confir­ û Les indications pédiatriques des ISRS sont l’épisode dépressif majeur de
ment que la toxicité des ISRS est moins l’enfant de moins de 8 ans pour la fluoxétine et le trouble obsessionnel
importante que celle des antidépres­ compulsif pour la sertraline et la fluvoxamine.
seurs tricycliques et d’autres classes û L’information et la surveillance portent sur les effets secondaires
d’antidépresseurs [7]. fréquents mais également sur les effets psycho-comportementaux,
plus rares mais possiblement sévères, tels que les idées et
comportements suicidaires.

[ Ecomportementaux
ffets psycho-
des ISRS
û En cas d’exposition prolongée aux ISRS avant la puberté, un bilan
endocrinien est recommandé chez le garçon.

La suicidalité émergeant sous traite­


û Le rapport bénéfice/risque des ISRS varie selon les indications.
ment concerne l’apparition d’idées ou
d’actes suicidaires survenant au cours

[ Metodalités
d’un traitement. On y associe parfois les
automutilations sans visée suicidaire au traitement. Les idées et actes suici­ de prescription
explicite. Le risque de survenue d’idées daires étant susceptibles de survenir surveillance des ISRS
et de comportements suicidaires chez au-delà du premier mois de traitement ;
les enfants et adolescents (et adultes une surveillance appropriée doit donc Les traitements par ISRS sont augmen­
jeunes) traités par antidépresseurs a être maintenue après la phase aiguë [9]. tés et diminués progressivement chez
fait l’objet d’une mise en garde, dès l’enfant­et l’adolescent. Le bilan préthé­
2002, par le Medicines and Healthcare Les mécanismes associés à la suicidalité rapeutique comprend un examen
products Regulatory Agency (MHRA) émergeant sous traitement sont incon­ clinique avec mesure du poids, de la
au Royaume-Uni [8]. Les données issues nus. L’activation comportementale taille, du pouls et de la tension artérielle.
de 24 essais cliniques, analysées par la (avec anxiété, irritabilité, agitation) La surveillance est clinique, avec une
Food and Drug Administration (FDA) induite par les antidépresseurs au cours attention particulière aux effets psycho-
aux États-Unis, montrent que le risque de des premières semaines de traitement comportementaux (virage de l’humeur,
survenue d’événements en relation avec est une hypothèse possible. Cependant, irritabilité/hostilité, suicidalité). Dans la
le suicide (tentatives de suicide, idéation les données issues des essais cliniques plupart des indications, l’efficacité doit
suicidaire) est multiplié par 1,8 (de 1,7 à chez l’enfant et l’adolescent n’ont être évaluée entre 8 et 12 semaines de
2,2 selon les antidépresseurs) chez les pas permis de mettre en évidence des traitement, en raison de la possibilité
jeunes patients traités par antidépresseur prodromes à type d’activation et ont de réponses thérapeutiques tardives.
par rapport à ceux recevant un placebo. surtout mis en relation la suicidalité En raison de données précliniques
émergente sous traitement avec l’amé­ montrant des effets de certains ISRS sur
Cette analyse a concerné neuf antidé­ lioration insuffisante de la symptoma­ la maturation sexuelle chez le rongeur,
presseurs ISRS et non ISRS chez plus de tologie dépressive [9]. une surveillance et un bilan endocri­
4 500 patients. Les indications compre­ nien sont recommandés chez les enfants
naient l’épisode dépressif majeur Une étude prospective chez des prépubères exposés à long terme aux
(16 essais), le TOC (2 essais), le trouble enfants et adolescents en population antidépresseurs sérotoninergiques [11].
d’anxiété généralisée (2 essais), la phobie clinique a montré une diminution des
sociale (1 essai) et le trouble de déficit idées et comportements suicidaires
de l’attention/hyperactivité (1 essai).
Pour l’ensemble des études, le RR est de
dans les trois premiers mois du trai­
tement antidépresseur, passant de
[ Conclusion
1,95 (IC95 % : 1,28-2,98). La différence 47,1 % à 22,9 %. La persistance de ces En l’état actuel des choses, la décision de
de risque (RD) qui estime l’augmen­ comportements au cours du traitement prescription d’antidépresseurs reste un
tation absolue de risque due au traite­ était associée à la sévérité initiale de problème complexe qui nécessite autant
ment est de 2-3 % ; c’est-à-dire que sur la suicidalité, à la présence de traits que possible le recours à un avis spécia­
100 patients traités, on pourrait attendre psychotiques et d’un trouble de la lisé. L’évaluation du rapport bénéfice/
chez 2 à 3 sujets des effets suicidaires liés personnalité borderline [10]. risque doit tenir compte des données

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Thérapeutique

disponibles relatives aux traitements 6. POTS. Cognitive-behavior therapy, sertra­


Bibliographie line, and their combination for children and
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