Ecrire Un Roman Policier
Ecrire Un Roman Policier
Ecrire Un Roman Policier
Biographie auteur
Né à la Bastille un 14 juillet, Alain Bellet a écrit de nombreux ouvrages
dans des genres littéraires diff érents. Auteur de plusieurs romans noirs, de
romans historiques pour la jeunesse, de nouvelles et de récits, de
documentaires historiques et de livres consacrés à l’Histoire de France, il
conduit de nombreux ateliers d’écriture et chantiers littéraires.
Groupe Eyrolles
61, bd Saint-Germain
75240 Paris cedex 05
www.editions-eyrolles.com
Pourquoi écrire ?
L’idée de se lancer dans l’écriture d’un livre répond souvent à un désir, à
une envie forte d’exprimer ses pensées ou ses critiques à l’égard du monde
qui nous entoure.
Paroles d’éditeur…
Raconter la vie
Vous allez raconter une histoire. Vous serez auteur certes, mais aussi
conteur. Pour rencontrer immédiatement l’adhésion d’un lecteur, vous
devez admettre que le matériau essentiel dune histoire concerne l’humain et
ses caractéristiques propres (la fameuse nature humaine !) et non la réalité
froide d’un délit ou d’un crime.
Se posent alors les questions des conduites humaines de vos
personnages, des registres des relations tissées, de la nature des humanités
brassées par une intrigue.
Paroles d’écrivain…
Le crime à la une
L’histoire sociale cahotante du XIXe siècle est ponctuée d’affaires
célèbres et de crimes épouvantables que la scène du mélodrame popularise.
Plus tard, le roman peu onéreux et le cinéma exploiteront sans vergogne
meurtres et cambriolages spectaculaires.
Dans L’Auberge des Adrets, l’illustre Frédérick Lemaître (immortalisé
par Les Enfants du paradis, film de Marcel Carné) interprétait le rôle de
Robert Macaire, un bandit affairiste et sans scrupule que les spectateurs du
« boulevard du Crime » affectionnaient particulièrement. Ils s’identifiaient à
ce voleur pouvant ressembler à n’importe quel tire-laine alentour.
Pourquoi imaginer, inventer de fond en comble de sombres histoires que
la réalité nous livre chaque jour avec une régularité époustouflante ? Des
figures monstrueuses ou plus attachantes s’imposent. Les petits journaux
illustrés constituent l’âge d’or de la presse. On sait désormais à peu près lire
dans les milieux populaires des grandes villes et tous les malfrats aux
sombres desseins deviennent de croustillants sujets de conversations,
d’émois, d’affects.
Sur la première page, le dessinateur de presse noircit les traits du
criminel, il expose ses armes, effraie à l’envi.
Le lecteur tremble, se mobilise, s’émeut. La gravure souligne en quelque
sorte la posture même de la victime représentée ou celle de son assassin. De
terribles détails induisent volontiers du lyrisme et exploitent à souhait une
théâtralisation du meurtre commis : les yeux qui roulent, la bouche ouverte,
le sang qui coule à flots…
De la présentation outrée du réel au roman, un genre vient de naître. La
criminalité sous toutes ses facettes va peu à peu devenir un centre d’intérêt,
déjà présent dans certains romans d’Émile Zola, d’Eugène Sue, de Balzac
bien sûr.
Edgar Allan Poe invente le « roman policier » dès 1843 avec plusieurs
nouvelles littéraires dont Double Assassinat dans la rue Morgue traduit par
Charles Baudelaire, dans lequel le premier des détectives privés de la
littérature, le chevalier Dupin, va résoudre ce que la police officielle n’a pu,
n’a su faire.
Le premier pas est fait. Dans les années qui suivent, le roman policier se
structure, se développe et, en tant qu’objet d’étude, il va rencontrer ses
analystes.
Le professeur de littérature Anne Pambrun le définit comme « un récit
rationnel dont le ressort dramatique est un crime, vrai ou supposé ».
Le nom générique roman policier englobe plusieurs genres bien
spécifiques avec leurs contraintes précises et leurs références propres.
Le roman d’enquête
Le roman d’enquête met en scène un policier ou un détective privé. Il
devient au fil des ans l’archétype du genre. Un délit ou un crime a eu lieu,
un enquêteur est chargé de trouver le coupable. Le livre l’accompagnera du
début à la fin, le lecteur devenant le complice du raisonnement, des
questionnements… Les plus fameux personnages de détective viennent du
roman d’enquête : Sherlock Holmes, Hercule Poirot, etc.
Le roman noir
Par-delà l’intrigue, le roman noir critique la société, ses déviances et ses
dysfonctionnements. Il donne à voir l’état du monde, les tensions sociales et
leurs conséquences.
Les humains en mouvement en sont souvent les victimes et se débattent
dans une urgence de résister, une nécessité de survivre. L’archétype de la
figure du détective privé dans le roman noir reste le personnage de Dashiell
Hammett : Sam Spade.
Le roman de cambriolage
Ce roman exalte une aventure extraordinaire. Le voleur intrépide séduit
toujours son lecteur. Le personnage sera plaisant, humain, souvent altruiste
et enchanteur à la Arsène Lupin.
Le héros est usé, ravagé, on ne sait pas exactement s’il va mourir ou s’il
va tuer. Les rôles se mélangent, la morale s’est joliment éclipsée, juste le
temps immémorial de la crise, crise économique, crise des valeurs, crise de
la confiance absolue en des jours meilleurs. « La vie est dégueulasse »,
disent-ils tous, dans l’urgence d’un témoignage littéraire.
Depuis les années 1980, le roman noir à la française a acquis ses lettres
de noblesse avec Jean-François Vilar, Didier Daeninckx, Jean-Claude Izzo
ou Thierry Jonquet. Il s’est fortement politisé. Les désillusions des
soixante-huitards, l’écroulement du communisme, la mondialisation et le
règne sans partage de l’univers de la communication offrent un cadre
général à des dizaines d’auteurs.
Les dérèglements sociaux, économiques, financiers et bientôt
climatiques donnent autant de thèmes nouveaux pour y glisser un autre
dérèglement, moral ou psychologique à l’échelle des individualités.
La société urbaine a créé de nouvelles pathologies et, en retour, celles-ci
peuvent offrir de belles moissons pour la littérature policière.
La bribe littéraire
Sans aucune logique d’intrigue ou de construction, elle permet de
travailler d’une façon autonome la description d’un lieu, l’approche d’un
portrait physique ou psychologique, une scène dialoguée entre deux
personnages antagoniques, l’évocation d’un crime, par exemple. Ce n’est
pas une histoire complète mais des morceaux choisis pouvant être utilisés
plus tard dans le cadre d’un travail de plus longue haleine.
Poursuivez le début d’une bribe ci-dessous au choix :
• Jamais un port n’avait ressemblé à celui où je déambulais par mégarde, les yeux perdus dans les
gréements de la flotte de plaisance qui attendait le retour des beaux jours… L’océan me narguait…
• Cette femme n’était qu’un regard azur où tous les paquebots du monde s’échoueraient à marée
basse, un matin déraisonnable…
• Ses mains tremblaient, la posture de son corps sentait le malheur ordinaire, des années noires, les
coups du père, peut-être, pour un oui ou pour un non, comment juger ?
La nouvelle littéraire
Par ailleurs, vous pouvez écrire en peu de temps une nouvelle policière,
c’est-à-dire une histoire achevée.
La nouvelle littéraire est un texte court qui se caractérise par une intrigue
simple et la mise en place de très peu de personnages. On rentre de plein
fouet dans une histoire avec une situation de départ, sans trop se soucier de
l’espace et du cadre temporel, pas davantage de l’histoire et de la
description physique et psychologique des personnages. Le but recherché
sera de créer une tension absolue vers un effet unique. Un début rapide, un
développement permettant la mise en place dune action ou d’un suspense,
puis la conclusion ou chute du texte.
S’entraîner à écrire des nouvelles constitue une démarche sérieuse qui
permet de mettre en avant pour chaque nouveau texte un contexte ou un
thème singulier. Par exemple, retrouver les ambiances singulières d’un lieu,
dune ville, d’un milieu spécifique, ébaucher l’étude de caractère d’un
personnage, la description d’un délit, d’un crime, travailler les réactions de
témoins, etc.
Les ingrédients de base, nécessaires, pour venir à bout dune nouvelle
littéraire sont les suivants : une situation de départ, un personnage principal,
une perturbation inattendue, l’élément perturbateur permettant la mise en
tension, comme le nomment les enseignants de français, un corps d’histoire
plus ou moins resserré, et une fin ménageant toujours un effet de surprise
pour le lecteur.
Votre livre va s’enraciner, prendre appui dans une époque (la nôtre ou
bien un autre temps…) et ses contradictions sociales. Cela oblige à ne pas
trop s’éloigner du réel et à mettre le vraisemblable au poste de commande.
Que voulez-vous traiter ? Que voulez-vous démontrer ?
Paroles d’écrivain…
Le roman puzzle
Ces questions sous-tendent la nécessité de connaître ce que l’on veut
exprimer, dire, montrer, démontrer. Un roman à suspense n’aura pour souci
que de tenir son lecteur en haleine, en l’invitant dans une sorte de jeu de
société où les pièces volontairement mélangées par l’enquêteur devront être
remises en ordre pour pouvoir résoudre l’affaire et fermer le livre, satisfait.
C’est le roman policier « puzzle ».
Toutes les pièces doivent s’articuler et la moindre information ne doit
être donnée que pour servir l’intrigue, la résolution du problème. Un
personnage ne sera traité sur le fond que si sa personnalité ou ses actes
donnent l’un des éléments du mystère à comprendre.
Un univers dévoilé
Une question se pose alors. Quand on construit, structure, articule au
millimètre près une histoire, une autre frustration peut apparaître : la place
que l’on laisse réellement à l’écriture, à sa propre littérature. Où va exister
votre jubilation ? Dans le labyrinthe de l’intrigue conduite, ou davantage
dans la forme littéraire choisie et le travail sur la langue ?
Un livre est un chantier : il faut rassembler les matériaux de
construction, maîtriser l’établi… Synopsis, scénario ficelé, improvisation,
c’est selon chacun… Le plus souvent le livre va résoudre une intrigue
« policière » posée dès le premier chapitre. Un vol, un meurtre, une
disparition…
• Qui a volé ?
• Qui a tué ?
• Qui a enlevé ?
La suite s’organise dans l’ombre ou la lumière de l’enquêteur, au gré de
ses interrogations, de ses états d’âme et des regards qu’il porte sur le monde
et sur ses semblables.
L’intrigue d’un livre est l’histoire que l’on imagine. Elle peut se résumer
en quelques lignes. Une situation, un événement, le lent cheminement d’un
enquêteur pour comprendre et retrouver la logique de l’acte et le
coupable…
Vous allez interpeller de futurs lecteurs et leur conter, avec plus ou
moins de talent, une histoire. Pour ce faire, vous allez puiser vos matériaux
dans votre imaginaire, dans vos connaissances accumulées, enfin dans une
solide documentation. Sans cesse, vous serez amené à poser au lecteur des
questions partielles qui permettront de maintenir sa curiosité en éveil, ainsi
que sa volonté de découvrir ou de connaître les événements à venir. De la
tension s’impose alors pour que l’attention demeure vivace. Une question
essentielle doit habiter l’esprit d’un auteur : celle de l’univers investi. Quel
univers avez-vous envie d’arpenter ? Dans quel univers allez-vous faire
voyager votre lecteur ?
Ensuite, comme une image, comme pour un film, vous allez être conduit
à montrer, dévoiler un contexte, un décor, une gigantesque toile de fond.
Les scénaristes américains parlent à ce propos d’« exposition », c’est-à-dire
l’ensemble des éléments objectifs qu’un spectateur ou lecteur doit connaître
ou maîtriser très vite, pour rentrer dans l’histoire, suivre le film ou le fil des
pages.
Paroles d’écrivain…
Recomposer du réel
Le roman policier historique impose une connaissance précise de la
période choisie, allant d’une maîtrise du contexte social, urbain, politique et
légal, à la connaissance des comportements, des modes de vie, de la
psychologie des personnages mis en mouvement. Par ailleurs, l’écriture
dans les parties dialoguées devra tenir compte de la réalité de la langue de
l’époque abordée (lexique, syntaxe).
Recomposer du réel, c’est tenter de traverser le temps et de redonner vie
à un ensemble d’éléments qui vont signer l’époque. La vraisemblance
s’impose à chaque paragraphe, à chaque élément de décor, dans la
temporalité même de l’histoire de fiction que l’on invente, pour approcher
un réel, et pourquoi pas des personnalités ayant existé. Jean-François Parrot
s’invite ainsi chez la marquise de Pompadour ; dans un polar pour enfants,
Le chevalier Du Guesclin mène l’enquête, j’entraîne Du Guesclin dans une
enquête sur le vol de documents royaux…
Il faut ainsi veiller à étudier méthodiquement les points suivants en
fonction de votre choix d’enraciner votre intrigue dans une époque ou dans
une autre. Répondre à une série de questions permet d’approcher une réalité
à réanimer.
Paroles d’écrivain…
Paroles d’écrivain…
L’histoire du crime
Le premier des trois niveaux de construction est évidemment la
recherche du criminel par exemple, c’est-à-dire la quête de la vérité,
l’intrigue proprement dite. Les thèmes possibles de l’intrigue principale
sont innombrables ; cependant, méfiez-vous des sujets trop récurrents :
meurtres en série, enlèvement d’un milliardaire, traite des jolies femmes
blanches, trafic de drogue… Sortez des thématiques trop souvent traitées,
répétées, voire rabâchées de livre en livre.
De nombreux romans policiers jonglent sans cesse entre le réel et la
fiction. En effet, les faits divers quotidiens constituent une source fabuleuse
d’histoires pouvant être traitées, prolongées par la fiction.
Dans ce cas, l’acte criminel réel deviendra un élément déclencheur.
Restera à l’auteur à maquiller la réalité et à mettre en mouvement un
personnage principal, souvent l’enquêteur.
Puis, l’intrigue s’organisera peu à peu sur les pas du personnage que
vous avez imaginé. Les grandes affaires criminelles ont souvent été utilisées
comme point de départ dune inspiration : les crimes de Landru, les
massacres du bon docteur Petiot, la prise d’otage des enfants de Neuilly…
Dans ce sens, les intrigues des romans écrits par d’anciens policiers comme
l’inspecteur Borniche, Hugues Pagan ou le Chinois de Marseille partent de
vrais dossiers criminels.
D’une manière similaire, certaines bavures politiques et policières des
dernières décennies feront l’objet de romans passionnants et efficaces,
comme par exemple les massacres d’Algériens jetés dans la Seine à Paris en
octobre 1961 (Meurtres pour mémoire de Didier Daeninckx ou Les Caves
de la Goutte d’Or de Gérard Streiff…).
Enfin des événements politiques locaux ou internationaux fournissent
également matière à intrigues, comme la chute de la dictature militaire en
Argentine (Bastille tango de Jean-François Vilar).
Les personnages principaux et la structure générale de votre projet de
roman constituent la base même du livre à venir. Ils doivent être en parfaite
adéquation l’un vis-à-vis de l’autre pour que le récit soit cohérent.
Paroles d’écrivain…
Paroles d’écrivain…
L’ensemble de la production de romans policiers des
années 1980 portant sur la guerre d’Algérie ou sur les
rafles anti-juives a fonctionné comme un miroir tendu à la
La construction du récit
La structuration du livre en chapitres assez courts va sans cesse
permettre aux trois niveaux de construction d’avancer, de s’entrelacer… La
structure générale du récit devra alors mettre en mouvement une véritable
triangulation entre les trois niveaux de l’histoire et c’est cette articulation
bien dosée qui va donner son rythme à l’ouvrage.
Une focalisation spécifique pour chaque chapitre s’impose, comme un
éclairage singulier montrant avec force une partie restée auparavant dans
l’ombre, dans le suggéré… Ainsi, des milieux sont dévoilés, des décors
deviennent de véritables personnages.
Les trois pans de l’histoire se répondent en écho, ils s’enrichissent en
entrelacs l’un l’autre, au service du livre dans son ensemble. Aucun de ces
trois pans ne doit apparaître comme une digression. La force et la maîtrise
de l’auteur feront en sorte de les articuler, décuplant ainsi la motivation et la
passion de celui qui lira l’ouvrage.
Si vous découvrez le plaisir de donner vie à des personnages, mais aussi
à des lieux, à des ambiances, à des phénomènes climatiques, amusez-vous à
anthropomorphiser tous ces éléments, à les rendre vivants comme des
personnages. Ainsi une ville peut-elle rire, pleurer, respirer, de même
qu’une forêt peut se détendre pour mieux vous accueillir en elle et une pluie
d’été oser prétendre vous alléger…
La métaphore arrive alors sans prévenir et vous autorise sans peine à
enrichir votre langue, votre vocabulaire, loin des lieux communs
stéréotypés et des formules creuses.
Paroles d’écrivain…
L’écriture elle-même
Nous reviendrons plus loin sur ce sujet. Néanmoins, chaque personne
qui commence à écrire un texte doit s’interroger sur les registres de langage
quelle souhaite utiliser.
Nous verrons que ceux-ci dépendent de vos choix narratifs, des milieux
sociologiques que vous avez choisi d’aborder ou de faire traverser à vos
personnages, de l’importance des parties dialoguées. En effet, un dialogue
doit particulièrement bien refléter la manière de parler, précise et réaliste,
des personnages. Et, selon les caractéristiques propres de ces derniers,
différents niveaux de langue devront être choisis et utilisés.
Une langue familière ne pourra par exemple exister que dans la bouche
d’un narrateur à la première personne du singulier, selon la personnalité que
vous aurez choisi de lui donner, ou dans des dialogues collant au plus près
des réalités des personnages « vivant » dans le récit. Le vraisemblable est
aussi rendu par le choix du registre de langue que vous allez utiliser : à
bonne distance d’un discours plaqué, pour coller au plus près de la réalité
d’un personnage, pour transmettre une émotion, éclairer un événement,
dénoncer ce qui vous semble odieux, applaudir une bonne idée ou une
victoire, assumer une défaite.
Paroles d’écrivain…
Le « il » narrateur
Le « il » narrateur met en scène, raconte les événements : il est le
conteur de l’histoire. Il s’agit de la forme « Il était une fois… » des contes
de fées de l’enfance.
La narration pourra alors alterner entre de l’action rapide, des
descriptions un peu longues, l’expression d’une temporalité, une mise en
place, un rapport au temps et à l’espace.
La narration au « il », quand elle est extérieure à l’action racontée, va
toujours organiser les événements présentés dans le récit. Elle oblige
cependant l’auteur à la distance, et à utiliser un registre lexical neutre,
correct, froid.
On peut trouver trois types de « il » :
• un narrateur qui sait tout ce qui se passe, en tout lieu, en tout temps et
dans la tête de tous ses personnages – il est alors dit « omniscient » ;
• un narrateur dit « externe », c’est-à-dire qui raconte les événements de
façon « extérieure », comme s’il n’en connaissait que les apparences ;
• enfin un narrateur dit « interne », dont le foyer est la conscience d’un
personnage de l’histoire.
Le narrateur omniscient
La construction narrative omnisciente (utilisation de la troisième
personne du singulier) est extérieure à l’action. Le narrateur en sait alors
plus que les personnages eux-mêmes, il peut prévoir leurs réactions,
indiquer leurs états d’âme : il sait tout.
Cette construction permet à l’auteur d’ouvrir simultanément des univers
différents. Le « il » est libre de tout dire, tout imaginer, sans vraie
cohérence. Le « il » est comme un dieu suspendu au dessus du monde qui
organise soudain une histoire. Le narrateur extérieur tire les ficelles des
marionnettes choisies pour la grande geste du drame imaginé par l’auteur.
La narration se structure alors au fil du récit. Le lecteur découvre des
personnages, leurs actes, leurs pensées, leur histoire. L’auteur précise,
affine, revient. La narration se rappelle la mère du personnage, la neige,
l’enfance…
« Novacek émergea progressivement à l’air libre… Il se mit à
marcher à contre-courant des touristes venus respirer place
Wenceslas, après le piétinement sur le pavé des ruelles engorgées
qui montent du quartier de la Vieille Ville. Quelques flocons
commençaient à danser devant ses yeux. Il se souvint que dans
son enfance sa mère les appelait les confettis du ciel. »
Didier Daeninckx, Un château en Bohême
Le narrateur externe
Comme le narrateur omniscient, le narrateur externe n’est pas un
personnage de l’histoire ; il ne raconte pas les faits de l’intérieur. À
l’inverse du narrateur omniscient qui sait tout, le narrateur externe ne
connaît de l’histoire que les apparences. Il ne sait en aucun cas ce qui se
passe dans la tête des personnages dont il décrit tout bonnement les faits et
gestes.
Ce type de narration ne donne aucun accès direct à la psychologie des
personnages, il faut donc savoir faire appel à des procédés divers pour
donner au lecteur des informations quant aux intentions et sentiments des
personnages.
La narration décrit, pose les actes. Les personnages vivent. On ne sait
pas ce qu’ils pensent de leur vie, de leur histoire, de leurs actions.
Le texte est froid, distant, efficace.
Le narrateur interne
La focalisation interne avec un narrateur au « il » est parfois utilisée :
c’est une posture à mi-chemin entre le choix de la narration interne à
l’histoire avec un narrateur qui dit « je » et une narration absolument
objective et extérieure à l’histoire.
La narration embrasse le point de vue d’un personnage en particulier et
raconte l’histoire à travers le filtre de ses sensations, de ses sentiments, tout
en n’étant pas aussi personnelle que si le narrateur disait « je ».
Cette narration permet de changer de focalisation au cours du texte : on
peut changer de point de vue selon les chapitres, en faisant tout de même
attention à ne pas perdre votre lecteur.
Après avoir longuement hésité, j’ai opté pour ce type de narration moi-
même, pour le roman Fausse Commune, me permettant ainsi d’éclairer les
questionnements, les affects, les débats intérieurs, parfois vifs, troublants et
houleux, des principaux personnages.
Trois exemples tirés du même ouvrage, avec des focalisations
différentes :
Le « je » narrateur
Le choix d’une narration interne au « je », venant de l’intérieur même de
l’histoire racontée, permet toutes les audaces. La narration à la première
personne du singulier, le « je », installe d’emblée une ambiance, elle permet
l’introspection, elle découvre sans cesse les états d’âme de celui qui
raconte.
Évidemment, loin d’une littérature nombriliste actuelle, ce n’est jamais
l’auteur qui se raconte au « je ». L’écrivain choisit juste la voix qui lui
convient le mieux, l’angle, le point de vue du personnage le plus à même de
raconter l’histoire.
Cette narration seule permet d’adopter un ton très personnel, dicté par la
personnalité du personnage qui raconte.
Quelques exemples :
Ce parti pris littéraire souvent choisi par les auteurs de romans organisés
autour d’un personnage principal légèrement « décalé » aux états d’âme
interlopes offre au lecteur une densité, une noirceur, une humanité
désabusée ou compassionnelle que la narration au « il » atténue ou élude
pour rester à la surface de l’action et d’elle seule.
La plupart des récits mettant en scène une enquête conduite par un
détective privé, gouailleur, désabusé et souvent irascible, sont racontés par
lui-même. Le « je » confère une couleur forte, une tonalité qui berce le
lecteur…
Le personnage devient un conteur d’histoires terribles et l’adhésion du
lecteur redevenu enfant est souvent immédiate. Dans l’histoire même du
roman policier américain, on peut retrouver parmi de nombreux auteurs le
« récit du privé » toujours en doute, plus ou moins alcoolique, prêt à jeter
l’éponge par découragement endémique.
La palette de personnages
Dès lors, la question des indices s’impose, celle des suspects aussi.
Le suspect connaît-il sa victime ?
Est-ce un motif d’intérêt ?
À quel événement relier cela ?
Le choix du héros
Quel type de héros pourrait être votre personnage principal ? Si
l’histoire du roman policier est peuplée de vrais flics et de détectives privés
à la voix d’outre-tombe nécessairement alcooliques, depuis quelques
années, les enquêteurs peuvent ressembler à vous et moi. Écrivain,
photographe, coiffeuse, militant syndical, avocat, médecin, webmaster,
chasseur de têtes, coach d’industrie, livreur de pizzas, vendeur de
téléphones mobiles, tout est possible. Mais dans ce cas, l’un des
personnages secondaires sera nécessairement un fonctionnaire de police,
une sorte d’interface avec le réel…
Ensuite, pensez aux personnages qui vont aider ou encombrer votre
héros. Ils vous permettront au long de l’enquête de faire vivre votre récit au
moyen de parties dialoguées. Ce sont parfois des silhouettes nécessaires
pour faire exister votre histoire, à d’autres moments des personnages
davantage construits, acteurs importants des histoires parallèles, des
intrigues croisées, contrepoints nécessaires du roman. Les personnages
secondaires doivent avoir une place à part entière, et pas seulement être les
faire-valoir du héros.
Posez-vous toujours la question de la motivation du personnage
principal. Que cherche-t-il dans la vie inventée ? Que veut-il au fond ?
Résoudre un crime ? Meubler sa vie vide depuis le départ de sa compagne,
le décès de son fils dans un accident ? Quel sera son moteur profond, en
pleine conscience ou par effet, par écho ? Enfin n’oubliez pas que la
création des personnages secondaires doit se trouver au service de votre
histoire, de la crédibilité même de votre intrigue et de son principal
protagoniste.
Paroles d’écrivain…
Le climat du roman
Les personnages, l’intrigue centrale, le contexte choisi, tout cela
participe d’une couleur, d’un climat particulier qui rencontrera l’adhésion
ou le rejet de votre éventuel lecteur. Ce que je nomme ici « climat » est
aussi l’atmosphère dans laquelle évoluent l’intrigue et ses protagonistes.
C’est l’ambiance, la couleur générale de l’ouvrage qui déclencheront ou
non les réactions émotives et affectives d’un lecteur. L’émotion, en effet,
constitue l’un des moteurs de l’adhésion du lecteur à un roman policier.
Paroles d’écrivain…
Lancer l’intrigue
Dans le roman policier de facture classique, le premier chapitre sera
toujours utilisé pour jeter un crime ou un délit en pâture au lecteur. Soit il
est montré, décrit, presque mis en scène, soit il est annoncé avec une
importante extériorité (un article de presse comme dans la série Le Poulpe,
un flash télé, un coup de téléphone, un mail anonyme, un SMS de corbeau
branché…).
L’intrigue commence ensuite réellement au deuxième chapitre avec la
mise en mouvement d’un fouilleur de vérités, un enquêteur fonctionnaire,
un détective privé, un curieux de la vie n’ayant pas froid aux yeux comme
Gabriel Lecouvreur, le personnage mythique du Poulpe, imaginé par Jean-
Bernard Pouy et confié ensuite à plus de cent cinquante auteurs, chacun
plantant une intrigue dans le contexte de son choix en respectant cependant
la « bible » des personnages principaux et quelques passages obligés
comme un bistrot, les visites à la chérie coiffeuse…
Dans ce cas, le respect d’un cadre et de quelques contraintes,
contrairement à ce que l’on peut penser, donne une importante liberté
d’action et d’écriture. La bible à respecter permet d’avancer au lieu de subir
des pannes d’imagination ou des failles de structure.
Lorsque j’ai écrit Danse avec Loulou, le personnage du Poulpe était déjà
riche de près de cinquante livres et cette épaisseur donnée et investie par
autant d’auteurs m’a permis de travailler davantage la structure du récit et le
contexte du monde culturel de la danse contemporaine que j’avais choisi
comme toile de fond.
Savoir raconter une histoire n’est pas donné à tout le monde. Écrire non
plus, quoi que l’on en pense. Un roman ne se réduit pas au récit d’une
aventure bien ficelée qui emporte l’adhésion d’un lecteur. Un roman
policier, un polar est constitué d’une intrigue, d’intrigues mêlées. Celles-ci
sont portées par des personnages que l’on doit faire évoluer, vivre, dans les
mains de la personne qui vous lit. Notre outil majeur pour convaincre,
toucher, émouvoir, ce sont les mots, notre rapport au verbe. C’est aussi le
lieu de rendez-vous avec la langue, le lieu d’exposition du travail d’écriture
d’un auteur. L’établi d’un écrivain mérite toutes les visites possibles.
Conduire l’orchestre
Pour composer un roman, il faut avant tout savoir que vous êtes le chef
d’orchestre d’une machinerie qui va vous échapper dès lors que le texte
prendra de l’importance, c’est-à-dire une autonomie relative à votre égard.
Ne vous en inquiétez pas, la création littéraire née de votre imaginaire et de
votre écriture deviendra peu à peu extérieure à vous-même.
Certains auteurs élaborent des plans précis, établissent des synopsis
détaillés, d’autres se lancent plus directement dans les mots, une fois le
cadre général arrêté.
Vous venez d’imaginer votre intrigue, vous commencez à fréquenter vos
personnages, vous avez choisi votre décor, votre époque. Maintenant,
l’atelier vous attend.
Après avoir déterminé votre structure narrative et le temps du récit,
lancez-vous sur quelques pages, pour une sorte d’essai. N’oubliez jamais
que vous disposez de trois sortes d’écrits :
• la narration : c’est l’histoire que vous racontez (au passé ou au présent
selon votre choix préalable) ;
• les parties dialoguées entre des personnages (toujours rédigées au
présent) ;
• la voix intérieure : le monologue intérieur d’un personnage qui pense
(écrit également au présent).
Si le genre du roman policier semble privilégier l’intrigue et l’histoire
racontée, le texte devient le théâtre de votre propre sensibilité. Des mots
jetés dans l’urgence peuvent être dans l’approximation, dans le lieu
commun aussi. Un récit quel qu’il soit ne saurait être réduit à votre premier
jet. Un roman en chantier devra revenir souvent sur l’établi des mots avant
de recevoir de votre part le label Fin.
Si l’écriture nous permet de raconter une histoire, n’oubliez jamais
qu’elle assume une autre fonction : elle est sans cesse un lieu de fabrication
d’images proposées au lecteur. Ce sont des mots qui montrent, ce sont des
mots qui priorisent ce que vous voulez exprimer, montrer ou, au contraire,
taire ou cacher.
Si tout peut être dit dans un texte, très vite il vous faudra acquérir
plusieurs réflexes nécessaires à mes yeux.
Le sens de l’épure
Tout n’est pas à dire, tout n’est pas à décrire. En quelques images
composées, en quelques lignes nécessaires, vous trouverez l’essentiel. Ce
n’est pas le nombre de pages d’un livre qui fait la qualité dune œuvre
romanesque, mais sa densité, son organisation, la diversité de ses focales. Il
convient d’aller à l’essentiel et, parfois, une ambiance, une situation, un
sentiment montré s’écrivent en peu de mots.
• Le grand café de la gare agonisait et, dans un sifflement strident, le train à grande vitesse traversait
la ville comme pour en annoncer la future décadence.
• Leurs regards suffisaient, leurs mains se pressaient l’une contre l’autre, de l’amour se moissonnait
dans le silence complice de deux êtres sans importance.
L’ellipse
Tout n’est pas à dire, raconter, décrire. Pour donner un rythme soutenu à
un récit, il vous faut apprendre à sauter, couper, faire « cut » comme disait
Nicholas Ray dans son film Lightning Over Water (Nick’s Movie) coréalisé
avec Wim Wenders. Il faut juste s’arrêter dans les parties nécessaires à la
compréhension du texte. Il est inutile de décrire la vie complète d’un
personnage et d’évoquer des moments où il ne se passe rien. En coupant, on
crée une tension de lecture, laissant au lecteur le loisir d’imaginer la partie
non écrite.
Les dialogues
Les parties dialoguées d’un roman évitent tout d’abord d’être
uniquement dans la narration. Indéniablement, si elles sont difficiles à
écrire, elles donnent du rythme au texte, cassent la monotonie d’une trop
longue narration et font vivre et parler vos personnages. De plus, si le
roman est écrit à la première personne du singulier, les dialogues vont vous
permettre d’éviter de tout évoquer dans un style narratif. De plus, pour une
narration au passé, les dialogues au présent induisent des ruptures de
rythme et peuvent relancer l’attention d’un lecteur…
Un bon dialogue sera court, tendu, efficace. Évitez les trop longs
monologues où le lecteur perd souvent l’identité de celui qui parle. Il est
vrai que l’on peut utiliser des incises (« dit l’inspecteur », « répéta le
suspect », « ajouta l’inspecteur », etc.). Mais si on les utilise trop, une
certaine lourdeur s’installe…
• Je regardais la jeune Portugaise depuis de longues minutes. Soudain, j’osai :
— Vous êtes en France depuis combien de temps ?
— Un an et demi, monsieur le commissaire…
Elle tremblait légèrement. Je la savais en situation irrégulière mais ce n’était pas mon problème.
J’ajoutai :
— Vous parlez bien le français. L’homme que je recherche a dû vous dire quelques mots, non ?
— Je ne l’ai pas compris, je vous promets, me répondit-elle, visiblement angoissée.
— Vous mentez ! dis-je d’une voix péremptoire, agacé.
La jeune femme ignorait encore que je la soupçonnais depuis plusieurs semaines…
Le style
On ne peut connaître son style avant d’avoir écrit de nombreux livres, et
encore. Cependant, quelques manières d’écrire deviennent vite lisibles par
chacun. Avec des phrases courtes, ciselées, l’action avance. Des phrases
longues, des réflexions humaines, l’état d’âme d’un personnage ou du
narrateur permettent au lecteur de s’installer près de celui qui se livre.
L’utilisation renouvelée de métaphores personnelles, à la place des lieux
communs populaires nés de proverbes ou de formules langagières passées
dans le patrimoine lexical collectif (« boire comme un Polonais », « blond
comme les blés », « mentir comme un arracheur de dents », etc. : à proscrire
tout cela !), signe le début d’un style personnel. De la même manière, la
pratique aux ciseaux de l’ellipse fait découvrir son auteur.
Certains auteurs de romans noirs soigneront leurs intrigues, d’autres
leurs plumes. Entre le raconteur d’histoire et l’écrivain, le travail sur la
langue fait toujours la différence.
Les lourdeurs de style, les répétitions non contrôlées, les descriptions
sans saveur ni odeur ni couleur se travaillent au fur et à mesure d’une
pratique de création littéraire.
L’essentiel reste l’authenticité d’une écriture, sa concision, son
efficacité. Le talent d’un auteur n’est pas inné, il résulte toujours d’un
travail, d’une analyse de ce qui est produit, de l’opportunité du choix d’un
vocabulaire.
Plus qu’un autre type d’ouvrage romanesque, le polar oblige à une réelle
structure, appuyée sur de solides charpentes. L’intrigue se doit d’être la
mieux construite et imaginée possible. La construction de votre récit ne
pourra être maîtrisée que si vous en avez choisi le point de vue narratif et le
temps du récit qui vous semble le plus à même de répondre à vos désirs, ou
de correspondre à vos compétences.
L’élaboration des personnages mérite toute votre attention car chacun
d’entre eux devra être vraisemblable, je dirais vivant !
Une fois l’intrigue conçue, les personnages choisis, l’heure s’impose.
L’ouverture d’un roman et notamment son incipit vont déterminer l’intérêt
d’un lecteur, ne l’oubliez jamais, tout comme il importe de ménager les
éléments de rupture, de perturbation d’une situation.
Par-delà l’histoire inventée, votre écriture fera ou ne fera pas l’affaire.
Elle sera le lieu d’expression de votre imaginaire. Dès lors, réfléchissez à ce
qui doit être exprimé, ce qui peut être suggéré, ce qui devrait être tu.
L’épure, l’ellipse, des registres de langue différents s’imposeront à vous.
Très vite, un style se forgera : votre style. La lourdeur massive d’une
histoire criminelle aura peut-être besoin d’une légèreté de traitement. Ou
l’inverse. Un style s’installe vite lorsque la langue est juste. Maintenant, des
questions essentielles restent encore à intégrer, ne les négligez pas : prêtons-
y attention ensemble.
TROISIÈME PARTIE
Les questions majeures
Garder la réalité et ses contraintes à
l’esprit
• la dictature chilienne :
• la guerre d’Algérie :
• la toxicomanie :
• la Rome antique :
• le franquisme :
La société réelle sera votre théâtre. Vraie ville ou décor reconstitué dans
l’imaginaire ? Attention, si vous choisissez de vrais lieux, il faut les
connaître, les faire reconnaître par votre lecteur et toujours être crédible…
Depuis plusieurs décennies, la ville tentaculaire et les banlieues
anxiogènes de tous les malheurs servent de décors à de nombreuses
intrigues où la pauvreté, le chômage, la violence et la drogue semblent des
passages obligés. À cette occasion, faites attention aux caricatures, aux
lieux communs, aux poncifs.
Une cité excentrée peut aussi protéger un amour, aider à grandir, receler
des trésors d’humanité. Il convient de se méfier des clichés convenus, des
images colportées par le tout médiatique qu’un auteur redistribue parfois
dans un texte sans même y penser.
Paroles d’écrivain…
Écriture et humanisme
Même si certains puristes du genre estiment qu’une histoire policière ne
doit pas être mélangée avec d’autres éléments, incontestablement les
lecteurs aiment trouver de « l’humain » et des questionnements existentiels
en contrepoint d’une intrigue. Dans ce domaine, cependant, trop de romans
évoluent avec une lourdeur manifeste. Les relations humaines taillées à la
serpe et la domination machiste ne constituent pas des passages obligés du
genre littéraire que vous avez choisi !
Il convient de laisser les vieux archétypes des représentations féminines
de côté pour vous lancer sur des pistes plus originales.
En effet, des centaines de romans policiers nous offrent toujours la
même gamme de personnages féminins :
• la vamp décolorée ;
• la pute sympathique, plus vraiment jeune ;
• la pauvre victime, sans grâce et chosifiée ;
• l’entraîneuse brésilienne (ancien footballeur) ;
• la mère de famille trompée et sans le sou ;
• l’étudiante brillante et un peu chaude ;
• la bourgeoise désagréable menant une double vie ;
• la chanteuse à la voix cassée ;
• la demi-mondaine vénale ;
• la bourgeoise odieuse, sans valeurs morales.
Évitez les poncifs et les idées toutes faites. Les relations entre les
femmes et les hommes, qu’elles soient hétéro ou homosexuelles, hantent la
plupart des ouvrages de tous les genres. Comment les aborder sans tomber
dans les pièges évoqués ci-dessus ? Par les personnages, bien sûr ! Si vous
éprouvez l’envie de créer une femme flic, la préférez-vous mère de famille
lesbienne ou rockeuse marchant vers Saint-Jacques-de-Compostelle ? Des
chapitres entiers ne seront pas évidemment les mêmes, votre construction
d’ensemble non plus.
Vous devez aborder les relations humaines d’une manière simple,
réaliste, loin de tout manichéisme. Et au lieu de renforcer ce qui tire vers le
bas, essayez de proposer un soupçon d’harmonie, d’espérance, dans un
monde bien rude.
Il faut toujours se méfier des caricatures, des lieux communs, des idées
préconçues que l’on distille dans un livre presque automatiquement. Il faut
peser la valeur et le signifiant de tout ce que l’on va écrire. Si un polar
s’insurge contre une faille sociétale, ne renforcez pas les automatismes des
places distribuées sans vous.
Paroles d’écrivain…
Paroles d’écrivain…
Paroles d’écrivain…
Il importe de toujours écrire un livre qu’on aimerait lire.
Ces quelques chapitres ont tenté de brosser l’univers et les grands courants
du roman policier avant de rentrer plus précisément dans une sorte
d’accompagnement pour qui veut s’essayer dans le genre.
Je crois avoir insisté au cours de ces pages sur le travail de la langue, sur
l’écriture elle-même, sur l’univers urbain, le milieu étudié.
La structure apparaît essentielle ; avant d’écrire un récit, amusez-vous à
traduire l’idée des trois niveaux de l’intrigue (au minimum) en élaborant un
schéma, un conducteur, qui vous fera découvrir le squelette de votre
histoire. Un cadavre de plus, en somme !
Maintenant, commencez votre manuscrit, avancez, achevez-le. Les
premiers jets aboutis, un long travail de réécriture vous attend. Ne le
négligez pas, c’est à ce moment-là que débutera réellement votre travail
littéraire.
Voici quelques règles à toujours garder en tête lorsque vous vous
pencherez sur votre manuscrit.
A
Aragon, Louis 81
Artaud, Antonin 114
B
Balzac 11
Baudelaire, Charles 11
Bellet, Alain 67
Benacquista, Tonino 34
Benson, Stéphanie 53, 60, 77, 110, 114
Bertillon, Dr 13
Borniche, Inspecteur 56
Burma, Nestor 21
C
Carné, Marcel 10
Céline, Louis-Ferdinand 82
Chandler, Raymond 18, 41, 100
Chinois de Marseille 56
Christie, Agatha 17–18
Cook, Robin 114–115
D
Daeninckx, Didier 8, 23, 27, 44, 56, 59, 65
Delacorta 34
Delteil, Gérard 103
Domas, Thierry 8
Doyle, Conan 14–15
Dupin, Chevalier 11
F
Fandor 15
Fantômas 15
Flaubert, Gustave 91
G
Gaboriau, Émile 13–14
Goodis, David 19, 22
H
Hammett, Dashiell 12, 18–19, 22
Himes, Chester 22
Holmes, Sherlock 12, 14, 54
I
Izzo, Jean-Claude 23
J
Jonquet, Thierry 23, 68, 97
Juve, Commissaire 15
L
Lacenaire, Pierre-François 10
Laclavetine, Jean-Marie 82
Landru 55
Larsen, Frédéric 36
Le Floch, Nicolas 13, 48
Le Poulpe 83
Leblanc, Maurice 15
Lecouvreur, Gabriel 83
Lemaître, Frédérick 10
Leroux, Gaston 15
Livrozet, Serge 27, 40, 56, 104, 119
Louvet, Michel 87, 99–910, 116
Lupin, Arsène 13, 15
M
Macaire, Robert 10
Maigret, Jules 22, 100
Malet, Léo 21–22
Manchette, Jean-Patrick 22–23, 66
Mosconi, Patrick 103
N
Nerval, Gérard de 114
P
Pagan, Hugues 56
Pambrun, Anne 12
Paquet, Dominique 57
Parot, Jean-François 48
Pécherot, Patrick 104
Pennac, Daniel 68
Petiot, Dr 55
Poe, Edgar Allan 11
Poirot, Hercule 12, 17
Pouy, Jean-Bernard 68, 83
Prudon, Hervé 103
R
Ray, Nicholas 88
Raynal, Patrick 6, 55, 61, 79, 114
Reboux, Jean-Jacques 103
S
Simenon, Georges 22, 66, 100
Spade, Sam 12
Streiff, Gérard 56, 103
Sue, Eugène 11
V
Vargas, Fred 98, 104
Vian, Boris 27
Vilar, Jean-François 23, 56
Villard, Marc 104
W
Watson, Dr 54
Wenders, Wim 88
Z
Zola, Émile 11
Index des œuvres citées
A
Au bonheur des ogres 68
B
Bastille tango 23, 56
Belleville-Barcelone 104
C
Ceux qui vont mourir
te saluent 104
Chili incarné 103
Corrida aux Champs-Élysées 22
Coup de lune 34
D
Danse avec Loulou 83
Descente aux enfers 19
Double Assassinat dans la rue Morgue 11
E
En douceur 82
F
Fatale 66
Fausse Commune 66–67
J
J’étais Dora Suarez 115
J’irai cracher sur vos tombes 27
Je ne suis pas coupable 18
L
L’Auberge des Adrets 10
L’Escarboucle bleue 15
L’Homme à l’oreille croquée 68
La Cerise sur le gâteux 103
La Corde au cou 14
La Nuit apache 103
La Porte de derrière 104
La Position du tireur couché 23
La Vie de ma mère ! 68
La vie est dégueulasse 21
Le 17 juillet 1994 entre 22 et 23 heures 34
Le chevalier Du Guesclin mène l’enquête 46
Le Fantôme de la rue Royale 48
Le Pendu de Saint-Pholien 66
Le soleil n’est pas pour nous… 21
Les anges meurent aussi 36, 100
Les Caves de la Goutte d’Or 56, 103
Les Enfants du paradis 10
Les Nouveaux Mystères de Paris 21
Les Orpailleurs 97
Lightning Over Water 88
M
Maigret et le corps sans tête 22
Meurtres pour mémoire 56
Q
Quelques remarques sur le roman de mystère 41
S
Sueur aux tripes 21
U
Un château en Bohême 65
V
Vinyle Rondelle ne fait pas le printemps 103
Voyage au bout de la nuit 82
Index des notions
A
Action 21, 32, 35, 64, 68–70, 90–91
Antihéros 13
C
Chute 18, 32, 34–35
Climat 78, 120
Complaisance 18, 118
Construction du récit 59
Contre-emploi 74, 97
Coup de théâtre 34
Crime 6, 10, 12, 14, 18, 21, 45, 47, 54–55, 76–77, 97, 100, 118
Critique sociale 102
D
Dialogue 60, 69–70, 88–90
E
Élément perturbateur 32
Enquête 33, 44, 53–54, 58–59, 99
Enquêteur 12–13, 26, 33, 42, 54–55, 77–78, 83, 97–99, 109
Épure 87
F
Fait divers 9–10, 25, 55, 113
Femmes 109–111
Fiction 18, 25, 46, 55, 57, 61, 100–102, 107
I
Imaginaire 6, 27–28, 42, 85
Incipit 81–82
Intrigue 13, 25, 28, 32, 40–43, 46–47, 53, 55–56, 58, 74, 76–78, 81, 83, 85–
86, 98, 100, 106–107, 111–113, 116–118, 120
N
Narrateur 60, 64, 67, 90
~ externe 65 131
~ interne 69–71
~ omniscient 91
Nouvelle 32–34
P
Personnage 13–14, 32, 73–74, 78, 85–90, 97–99, 106, 111, 117, 120
~ féminin 111
~ principal 17, 24, 26, 32, 53–57, 68, 76–77, 83, 97
~ secondaire 75, 77
Progression 60
Protagoniste 18, 77–78
R
Réel 11, 25, 27, 39, 45, 55, 77, 98, 100
Roman
~ d’enquête 12, 76
~ de cambriolage 13
~ noir 7–8, 12, 19, 23, 25, 54, 114
~ policier historique 13, 45, 48
~ puzzle 40
S
Structure narrative 86
Style 36, 61, 89–90
Suspect 24, 54, 76, 78, 98–99, 101
Suspense 7, 24, 32, 40, 55
T
Témoin 25, 32, 75, 84
Temps du récit 69–70, 86, 120
Transgression 9, 114–115, 118
V
Vérité 8, 17, 33, 55, 121
Ville 14, 60, 105–106
Vraisemblable 7–8, 17, 39, 61, 75, 99–910, 121
Vraisemblance 46, 90, 97 132
Bibliographie
Documentaires
Paris de Papa, Paris de 1945 à 1970, Terres éditions, à paraître en août
2009.
Paris lumière, photos Patricia Baud, Atlas, 2009.
Encyclopédie des rois de France, collectif, Philippe Auguste, éditions Atlas,
2009.
Vie d’ici en ville, mémoires vives, photos Patricia Baud, Centre régional
d’Art contemporain de Basse-Normandie, 2008.
La Belle aux bois des forges, photos de Patricia Baud, 2007.
L’Usine de ma vie, photos de Patricia Baud, Cherche-Midi, 2005.
P’tits Enfants du bassin minier, photos de Patricia Baud, L’Œil d’or, 2005.
Mosaïques, photos de Patricia Baud, L’Œil d’or, 2005.
Paris, capitale des arts et des révoltes, Alfil, 2000.
L’Art pour mémoire, photos d’Éric Larrayadieu, CCAS, 1995.
Achères, c’est mon nom… !, photos de Patricia Baud, In Fine, 1993.
Champ social, livre collectif, Maspero, 1977.
Récits littéraires
Histoires d’en Risle : Les Dominos de Montfort, photos de Hugo Miserey,
Krakoen, 2006.
Jeanne et André : Un couple en guerre, L’Œil d’or, 2005.
Dans la brume de l’Aude, roman, Companhs de Caderonne, 2001.
Voyage en grande terre, photos Patricia Baud, Brut de Béton, 1998.
Nuit agenaise, récit, photos de Patricia Baud, La Barbacane, 1997.
Jeanne et André, un couple en guerre, La Barbacane, 1991.
Romans pour la jeunesse
Virée nomade, Monde Global, à paraître en 2009.
Fleurs de pavé, un printemps d’Haussmann, Oskar Jeunesse, 2009.
Les Chevaliers de la Table ronde, album, Auzou, 2009.
Le chevalier Du Guesclin mène l’enquête, illustrations de Marcelino
Truong, Oskar Jeunesse, 2008.
La Dicteuse de lois, récit, réédition, Encre Bleue, 2002.
La Dicteuse de lois, récit, Balzac (Canada), 1999.
Les Mutins du Faubourg, roman historique, Magnard, 1999.
Le Noyé du canal Saint-Martin, roman historique, Magnard, 1998.
Le Gamin des barricades, roman noir historique, Milan, 1996.
La Machine à histoires, illustrations de Charly Barat, Le Verger, 1994.
Matelot de la Royale, roman historique, Milan, 1992.
Le Petit Camisard, roman historique, Nathan, 1991.
Sommaire
Avant-propos
Le roman et sa structure
La structure du roman policier classique : deux histoires mélangées
La charpente du roman noir : trois niveaux de construction mêlés
L’histoire du crime
La vie des personnages
L’arrière-plan, un élément fort
La construction du récit
L’écriture elle-même
Les points de vue de la narration
Choisir son narrateur
Le « il » narrateur
Le « je » narrateur
Choisir le temps du récit
Comment construire vos personnages ?
Méfiez-vous des modèles
Le personnage : un être vivant !
Le choix du héros
Du cœur et des tripes
Connaître le mort mieux que quiconque
Le climat du roman
Comment commencer à écrire ?
Soigner son incipit
Lancer l’intrigue
L’écriture, lieu d’expression de l’imaginaire
Conduire l’orchestre
Le sens de l’épure
Le jeu des focales différentes
L’ellipse
Les dialogues
Le style
Les différents registres de langue
La correction par la mise en bouche
Annexes