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V.10-55390–Août 2010–300

La valorisation des produits


traditionnels d’origine
Guide pour la création d’un consortium de qualité

ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR LE DÉVELOPPEMENT INDUSTRIEL


Service d’appui au secteur privé et à la promotion des investissements et de la technologie
M. Fabio Russo
Centre international de Vienne, Boîte postale 300, 1400 Vienne (Autriche)
Courriel: [email protected], Site Web: www.unido.org/exportconsortia
La valorisation des produits
traditionnels d’origine

Guide pour la création d’un consortium de qualité

ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR LE DÉVELOPPEMENT INDUSTRIEL


Vienne, 2010
Copyright© 2010 Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI)

Ce document a été préparé par le Service d’appui au secteur privé et à la promotion des investisse-
ments et de la technologie de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel
(ONUDI) sur la base du travail réalisé par Nuria Ackermann, consultante à l’ONUDI, et sous la direc-
tion de Fabio Russo, spécialiste principal du développement industriel à l’ONUDI. L’auteur souhaite
remercier Gilles Galtieri, consultant à l’ONUDI, pour sa collaboration, et Gerardo Patacconi, chef du
groupe pour la qualité, les normes et la conformité à l’ONUDI, pour ses précieux commentaires.

Ce document n’a pas fait l’objet d’une mise au point rédactionnelle de la part des services d’édition des
Nations Unies. Les appellations et les documents cités dans la présente publication ne reflètent à aucun
égard une opinion du secrétariat de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel
concernant le statut juridique d’un pays, d’un territoire, d’une ville, d’une zone, ou de ses autorités, ou
concernant le tracé de frontières ou limites. Les opinions, chiffres et estimations figurant dans le présent
document sont de la responsabilité des auteurs et ne doivent pas nécessairement être considérés comme
étant ceux de l’ONUDI ou comme impliquant son approbation. Les appellations “pays développé” ou
“pays en développement” sont employées à des fins statistiques et n’expriment pas nécessairement une
opinion quant au stade de développement de tel pays ou de telle zone. La mention d’une entreprise ou
d’une marque commerciale ne signifie pas que celle-ci ait l’aval de l’ONUDI.

Le texte original espagnol du présent document a été traduit par des services extérieurs.
SOMMAIRE

Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

1. Protection légale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.1. Les indications géographiques: un labyrinthe juridique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.2. L’art de jouer sur plusieurs fronts. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

2. Les groupements de valorisation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19


2.1. La réinvention collective de la tradition. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.2. La promotion du développement rural. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.3. Les consortiums de qualité — liberté d’action et dépendance . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

3. La création d’un consortium de qualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27


3.1. De quel produit partir?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
3.2. Comment lancer une initiative?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
3.3. Comment élaborer le cahier des charges?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
3.4. Comment mettre en œuvre le cahier des charges?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
3.5. Quels services sont offerts par le consortium de qualité?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
3.6. Comment promouvoir le produit traditionnel d’origine?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
3.7. Comment élargir le consortium de qualité?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
3.8. Selon quels critères opter pour une indication géographique?. . . . . . . . . . . . . . . . . 51
3.9. Quels appuis externes chercher?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

Bibliographie citée. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

Annexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

ENCADRÉS
ENCADRÉ 1 Systèmes de protection d’indications géographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
ENCADRÉ 2 Moyens légaux de protection de produits traditionnels d’origine. . . . . . . . . . . . . 10
ENCADRÉ 3 Indications géographiques institutionnalisées (IGI), marques de certification
et marques collectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
ENCADRÉ 4 Mexique: le fromage Cotija de Jalmich. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
ENCADRÉ 5 Établissement séquentiel d’un consortium de qualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
ENCADRÉ 6 Suisse: le pain de seigle du Valais. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
ENCADRÉ 7 Italie: la pomme “Melinda” du Val di Non. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
ENCADRÉ 8 Le mouvement Slow Food . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

iii
Introduction
La tendance prédominante dans les marchés agro-industriels révèle un intérêt croissant de la
part des consommateurs envers des produits traditionnels et étroitement liés à un lieu d’origine
déterminé. Dans les pays développés, aussi bien que dans ceux en voie de développement,
les clients finals montrent de plus en plus une propension à acheter des produits alimentaires
ou agro-industriels ayant leurs racines dans les différentes cultures populaires, même si cela
a pour conséquence de devoir payer des prix plus élevés. La préférence envers ce qui est
perçu comme authentique et typique est, en grande mesure, une réaction face aux change-
ments rapides qu’entraîne la globalisation. La croissance du commerce international, la pro-
lifération des entreprises multinationales, avec leurs produits standardisés, et l’homogénéisation
progressive de l’offre ont provoqué une réaction de “retour aux sources” chez un grand
nombre de consommateurs. Ceux-ci refusent de voir la simple valeur utilitaire d’un bien et
ils sont prêts à payer un prix plus élevé pour consommer des produits fidèles à leurs racines
et conservant la qualité d’antan, et qui n’ont pas été “souillés” par une modernisation qui
semble hors de contrôle aux yeux de beaucoup d’entre eux (Van de Kop et Sautier: Van de
Kop et al. 2006; FAO 2008).

Pour les producteurs et les petites et moyennes entreprises du secteur agro-industriel, cette
nouvelle tendance représente une grande opportunité, car elle leur permet de ne pas devoir
entrer en compétition au niveau du prix avec des produits génériques et standardisés. Au
contraire, elle les récompense pour bien faire ce que, dans une certaine mesure, ils ont tou-
jours fait: produire, en utilisant des méthodes artisanales, des produits traditionnels fortement
enracinés dans une région et ayant des caractéristiques spéciales. Dans les pays du Sud de
l’Union européenne (UE), le potentiel commercial de ce qui sera dorénavant dénommé
“produit traditionnel d’origine” a été reconnu très tôt.

Depuis plusieurs siècles, quelques vins français identifiés par le nom géographique de leur
région de provenance — par exemple, le bordeaux — ont bénéficié de certains privilèges
précisément associés à leur lieu d’origine. De plus, le précurseur des produits traditionnels
d’origine officiellement protégés, tels que ceux qui sont connus aujourd’hui, est apparu
dès 1666. Cette année-là, le parlement de Toulouse décréta: “Seuls les habitants de Roquefort
ont l’exclusivité de l’affinage du produit. Il n’existe qu’un Roquefort, et c’est celui qui est
affiné à Roquefort de temps immémorial dans les grottes de cette ville…” (Cambra Fierro
et Villafuerte Martín 2009: 330, libre traduction). Cependant, si les produits traditionnels
d’origine existent depuis longtemps en tant que réalités historiques, culturelles, économiques
et sociales, ce n’est qu’au début du xxe siècle que ces produits ont fait une apparition légale
proprement dite en Europe (Cambra Fierro et Villafuerte Martín 2009; Van Caenegem 2003).
À cette époque ont commencé à apparaître dans les pays méditerranéens de plus en plus de
groupements régionaux d’opérateurs économiques ruraux qui avaient pour objet principal la
coordination de la production d’aliments et de vins typiques de très grande qualité et la

1
La valorisation des produits traditionnels d’origine

certification de leur origine pour promouvoir leur commercialisation. Les initiatives privées
collectives ont rapidement obtenu l’appui et la reconnaissance officielle publique. La France
a été le premier pays au monde à établir un système national pour protéger et garantir la
qualité des produits traditionnels d’origine, en particulier des vins; une première loi approuvée
en 1919 en a jeté les bases.

Depuis lors, l’action privée et l’action publique sont en grande mesure allées de pair dans
les pays européens méditerranéens. Les acteurs économiques de zones rurales spécifiques se
sont petit à petit organisés en groupements pour renforcer collectivement l’avantage concur-
rentiel d’un bien agroalimentaire local donné. En même temps, ils ont lutté pour obtenir
l’appui légal de l’État pour défendre l’authenticité du produit face à l’adultération et la
falsification. Peu à peu, de plus en plus de pays ont modifié leurs cadres légaux pour octroyer
une protection spéciale aux produits traditionnels d’origine au moyen de l’introduction des
“indications géographiques”. Ces marques officielles d’origine et de qualité figurent sur
l’emballage de produits certifiés comme le Parmigiano Reggiano italien, le café de Colombie
et le fromage Feta grec. Ils représentent autant un moyen de sauvegarde légale face aux
­copies frauduleuses qu’un instrument de promotion et de marketing pour attirer les consom-
mateurs raffinés. Sans compter les vins et les spiritueux, l’UE compte déjà plus de 750 pro­
duits agroalimentaires à indication géographique, avec une grande concentration dans la
région méditerranéenne. Quatre-vingt-dix pour cent des boissons et des aliments proviennent
de six pays: Allemagne, Espagne, France, Grèce, Italie, Portugal (Cambra Fierro et Villafuerte
Martín 2009; FAO 2008).

Depuis qu’elles ont été recueillies et définies par l’Accord de l’Organisation mondiale du
commerce (OMC) de 1994 sur les “Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent
au commerce” (ADPIC), les indications géographiques ont connu un grand essor dans les
pays en voie de développement et en transition (Paus 2008). Cependant, dans la pratique,
les indications géographiques, en tant que figure légale, sont aujourd’hui encore relativement
peu étendues en dehors du contexte européen. Mais de plus en plus de gouvernements,
d’institutions privées et d’organisations d’opérateurs économiques sont intéressés par la
­promotion des produits traditionnels d’origine, car ils sont conscients de leur potentiel.

Dans ce contexte, la principale préoccupation des acteurs concernés est souvent d’obtenir
rapidement une indication géographique. Cependant, on ne pense pas assez qu’une indication
géographique ne sert qu’à identifier et à protéger un produit ayant des caractéristiques spé-
ciales et ainsi à promouvoir sa commercialisation. Or ce n’est jamais un prodigieux moyen
qui peut à lui seul doter de qualité un produit traditionnel d’origine ni créer pour lui, à partir
de rien, une demande sur les marchés. De fait, ce qui a permis à certains produits typiques
de pouvoir conquérir les marchés a été surtout une stratégie inlassable de valorisation ­collective
développée au sein d’associations d’opérateurs économiques. Les indications géographiques
ont certainement contribué à ce succès, mais il est difficile de leur en imputer clairement la
responsabilité principale. On attribue trop souvent des avantages aux indications géographiques
qui n’ont rien à voir avec cet instrument légal en lui-même mais plutôt avec les projets col-
lectifs de différenciation, qui mènent à son obtention et qui se poursuivent par la suite. Dans
un contexte où les revenus de différents opérateurs économiques indépendants sont liés à la
réputation d’un même produit traditionnel d’origine sur le marché, l’association entre les
producteurs concernés, la standardisation conjointe de la qualité du produit, le contrôle du
respect des procédures de production établies et le marketing collectif sont tous des com-
posantes clés du succès. C’est pour cette raison que lancer un projet pour la demande d’une
indication géographique, alors qu’il n’existe pas encore d’“infrastructure” productive et organi-
sationnelle, peut parfois équivaloir à commencer à construire une maison par le toit.

2
Guide pour la création d’un consortium de qualité

En poussant plus loin la métaphore, à la fin du processus de construction, le toit peut revêtir
plus ou moins d’importance.

La création d’une organisation collective représente donc le cœur des efforts de promotion
des produits traditionnels d’origine. Plus concrètement, l’un des types d’association le plus
répandu dans ce contexte est le consortium de qualité. C’est un groupement de producteurs
et d’entreprises indépendants ayant pour but de valoriser un produit traditionnel d’origine;
il agit comme une plate-forme pour la coordination équitable et équilibrée d’intérêts et
d’efforts tout au long d’une même filière. La portée des bénéfices que les divers membres
peuvent obtenir de leur participation au projet conjoint dépend en grande mesure des
dynamiques de coopération et du fonctionnement de l’organisation collective. De même,
l’impact socioéconomique au niveau local et les processus de développement rural peuvent
être renforcés ou limités en fonction du mode d’organisation et de la structure de l’initiative
collective. Cela dit, il s’agit d’aspects qui ont tous pu être observés dans d’autres types de
projets d’associations d’entreprise.

L’ONUDI a une grande expérience dans ce domaine, car, depuis des années, elle promeut
et développe la création de systèmes productifs locaux et de réseaux d’entreprises dans le
monde entier. Il est bon de signaler plus particulièrement le programme de promotion de
consortiums d’exportation qui a été conçu pour faciliter l’accès de petites et moyennes entre-
prises (PME) aux marchés internationaux. Ici, le rôle de l’ONUDI a toujours été centré sur
l’assistance aux PME dans leurs processus de regroupement, dans la préparation de stratégies
de marketing conjointes, et a contribué à la mise en place de projets collectifs de mise à
niveau et d’amélioration de la qualité pour renforcer la compétitivité. Dans le cadre des divers
projets qui ont été développés en Amérique latine, en Asie et dans les pays du Nord de
l’Afrique, ce sont surtout des consortiums d’exportation dans le secteur manufacturier et les
services qui ont été créés; cependant, au cours des dernières années, l’attention a de plus en
plus été posée sur les besoins des opérateurs du secteur agro-industriel Le système de
co­opération et d’appui mutuel, qui constitue l’essence du succès des consortiums d’exportation,
a permis aussi à de petits producteurs du secteur agro-industriel de pénétrer ensemble de
nouveaux marchés. Récemment, un intérêt accru a pu être observé parmi les contreparties
et les bénéficiaires des projets de l’ONUDI pour le développement de stratégies associatives
plus différenciées et plus axées sur la valorisation de produits traditionnels d’origine. Pour
répondre à cette demande, l’ONUDI va promouvoir, dans le futur, la création de consortiums
de qualité dans le secteur agroalimentaire; ce document doit être vu comme un premier pas
dans cette direction.

Dans les pages suivantes seront abordés, du point de vue pratique, les facteurs dont il faut
tenir compte pour pouvoir appuyer efficacement la promotion et la valorisation d’un produit
traditionnel d’origine. Si ce document est essentiellement consacré aux processus de regroupe-
ment, il a été considéré comme essentiel de clarifier les concepts et d’élucider les implications
juridiques des indications géographiques, en les mettant surtout en perspective avec la législa-
tion relative aux marques. La première partie du document est donc consacrée aux aspects
juridiques. La deuxième définit et aborde d’une façon générale les groupements de valorisa-
tion et de promotion de produits traditionnels d’origine et souligne le rôle de ces groupements
dans les dynamiques de développement rural. Une première introduction aux consortiums de
qualité y est également présentée. La troisième partie, qui constitue la composante
méthodologique du document, traite des différents aspects dont il faut tenir compte pendant
le processus de création et de développement d’un consortium de qualité. Dans cette section
sont analysés les facteurs qui déterminent, d’une part, la portée des bénéfices socioéconomiques
pouvant être obtenus par les différents membres d’un consortium grâce à leur engagement

3
La valorisation des produits traditionnels d’origine

dans l’initiative conjointe et, d’autre part, le niveau de succès du produit traditionnel d’origine
sur le marché. Plus concrètement, les éléments suivants sont abordés: les caractéristiques
souhaitables du produit à promouvoir; les modalités pour lancer une initiative de valorisation
collective; les procédures pour élaborer et mettre en œuvre ensemble des normes de produc-
tion partagées; les services pouvant être offerts par un consortium de qualité; les manières
de promouvoir collectivement le produit; les aspects liés à l’élargissement du consortium de
qualité; les critères selon lesquels il est possible d’opter pour une indication géographique;
l’importance des appuis externes. Bien que le document comprenne des réflexions théoriques,
il est orienté vers l’action et centré sur des éléments qui s’appliquent sur le terrain. Les
nombreux exemples réels auxquels le texte fait référence répondent à cet objectif.

Ce document est exclusivement axé sur les produits traditionnels d’origine, mais il n’empêche
que plusieurs des aspects traités peuvent être étendus aux produits biologiques, écologiques
ou issus du commerce équitable. Ces derniers misent sur un autre type de valeur ajoutée et
ils essayent de satisfaire un autre genre de besoin mais, dans une certaine mesure, la stratégie
de vente et le processus de structuration du consortium sont très similaires. De même, il est
utile de préciser que, si la grande majorité des produits traditionnels d’origine provient du
secteur alimentaire ou, par extension, du secteur agro-industriel, il en existe aussi plusieurs
autres qui appartiennent au secteur manufacturier, comme certains tissus typiques de fabrica-
tion artisanale. Le présent document aborde surtout les produits de la première catégorie,
mais il n’est pas dit pour autant que les informations présentées ne puissent être également
applicables à des stratégies de valorisation collective d’autres biens.

4
1.  Protection légale
Comme tous les autres types d’articles de vente, les produits traditionnels d’origine peuvent
également être enregistrés sous la législation des marques dans n’importe quel pays. Cependant,
en parlant de protection légale de produits typiques liés à un territoire spécifique, la première
idée qui vient à l’esprit est celle des “indications géographiques”. Or ce qui est entendu par
le concept de “marque” est largement connu en raison de la très grande diffusion acquise
dans le commerce par ce type de label; mais, qu’est-ce exactement qu’une indication
géographique? Répondre à cette question et clarifier les implications légales de cette figure
juridique face aux marques commerciales, voilà le principal objectif des pages suivantes.

1.1. Les indications géographiques:


un labyrinthe juridique
Le concept d’ “indication géographique” fait référence
à un droit de propriété intellectuelle, reconnu par les
législations de divers pays et organismes internatio­
naux, qui protège et identifie des produits provenant
d’un lieu géographique déterminé, dont les caractéris-
tiques et la réputation sont essentiellement liées à
l’origine territoriale. Les noms des produits enregistrés
comme indications géographiques sont habituellement
des toponymes ou des désignations pour des produits
génériques se combinant avec le nom d’un pays, d’une région ou d’un lieu déterminé comme
Roquefort, Habanos ou café de Colombie. Parfois, les dénominations traditionnelles — mais
pas spécifiquement géographiques — peuvent également être protégées comme des indications
géographiques si le lien avec un territoire est évident; le fromage Feta grec est très probable-
ment l’exemple le plus connu. Même s’il existe des biens industriels technologiquement
avancés ayant une indication géographique, par exemple, les montres “de Suisse”, la majorité
des produits certifiés appartient au secteur alimentaire ou agro-industriel (Anders et Caswell
2009; O’Connor et Co. 2007; Eidgenössisches Institut für Geistiges Eigentum 2003). Dans
la pratique, les produits ayant obtenu la reconnaissance de leur singularité ont en général un
label d’authenticité qui permet aux consommateurs de les reconnaître comme des produits
à indication géographique; cela aide à les positionner dans un segment de marché plus élevé
que celui occupé par les articles substitutifs moins chers et moins sophistiqués n’ayant pas
ce label. De plus, l’enregistrement d’une indication géographique protège le produit contre
les imitations et les copies frauduleuses.

Il est toutefois difficile de définir précisément ce qu’est l’ “indication géographique” car il


n’existe pas de définition universellement acceptée, ce qui n’est pas sans rappeler le domaine

5
La valorisation des produits traditionnels d’origine

du dessin industriel où les lois diffèrent largement d’un pays à l’autre (Escudero 2001). Selon
l’accord ADPIC, qui est d’appliqué dans les 149 pays signataires de l’OMC et qui est, sans
aucun doute jusqu’à ce jour, le document multilatéral le plus important dans ce domaine,
“on entend par indications géographiques des indications qui servent à identifier un produit
comme étant originaire du territoire d’un État Membre, ou d’une région ou localité de ce
territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du
produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique.” (Art. 22). Dans la
pratique, ce qui est ou ce qui n’est pas une indication géographique est nécessairement une
question d’interprétation. Ce sont les autorités compétentes d’un État donné qui doivent
décider si les attributs ou la réputation d’un produit sont dus essentiellement à l’origine terri­
toriale et si le produit en question doit être enregistré dans le pays, et s’il mérite une ­protection
spéciale en vertu de sa provenance (Thevenod-Mottet cité dans: Gerz et al. 2008).

L’accord ADPIC fixe l’obligation des pays Membres d’établir les moyens légaux nécessaires
pour empêcher la concurrence déloyale et l’attribution trompeuse des indications géographiques,
mais il ne spécifie pas les systèmes de protection devant être mis en œuvre. De fait, il existe
une grande variété de schémas juridiques et il existe même de grandes divergences entre les
systèmes légaux des grandes destinations d’exportation. Alors que des pays comme les États-
Unis ou l’Australie réglementent les indications géographiques au moyen de normes appli-
cables aux marques commerciales, l’UE a établi un système spécifique sui generis (législation
spéciale) pour ce type de droits de propriété intellectuelle qui offre une protection bien plus
large que celle accordée aux marques. De plus, certains pays recourent davantage aux lois de
défense du consommateur ou relatives à la concurrence déloyale et à l’attribution trompeuse
pour protéger les produits traditionnels d’origine. Cependant, ces régimes juridiques, plutôt
que de protéger une indication géographique en tant que telle, servent avant tout de remède
au cas par cas pour une utilisation indue de celle-ci.

Le fait qu’un signe déterminé ou qu’une certaine marque remplisse ou non la fonction
d’indication géographique dépend de ce qui a été établi par les diverses lois nationales. À titre
d’exemple, un produit des États-Unis traditionnel d’origine, protégé au moyen d’une marque
de certification, peut être considéré comme ayant une indication géographique aux États-Unis,
alors que, pour l’UE, un produit uniquement enregistré sous la législation des marques ne
sera jamais reconnu comme une indication géographique. Pour l’UE, un produit typique ne
pourra être qualifié de droit comme indication géographique que s’il est protégé sous le système
sui generis. D’autre part, il existe des pays, par exemple le Mexique, où certains types de
marques, tout comme la protection sui generis, sont considérés comme étant des moyens légaux
pour la reconnaissance officielle des indications géographiques (Cambra Fierro et Villa­fuerte
Martín 2009; OMPI 2002; Olives Cáceres 2007; Poméon 2007; Riveros et al. 2008).

Actuellement, on constate deux tendances dans le monde en ce qui concerne la protection


légale des indications géographiques. D’une part, les divers États, et en particulier l’UE, faci-
litent de plus en plus la reconnaissance mutuelle des systèmes nationaux respectifs de régle-
mentation plutôt que d’exiger l’équivalence juridique pleine (Marette et al. 2007). Et, d’autre
part, de plus en plus de pays — comme la Colombie, la Mongolie, le Venezuela et la Corée
du Nord — s’éloignent du système de marques et adoptent ou créent des systèmes sui generis
pour protéger les indications géographiques (Olives Cáceres 2007; O’Connor et Co. 2007).

Face à l’impossibilité de définir avec exactitude et d’une manière globale le concept d’indication
géographique, désormais les indications géographiques protégées en tant que telles dans leurs pays
d’origine à travers n’importe quel système juridique seront dénommées “indications géographiques
reconnues”, alors que la sous-catégorie d’indications géographiques existant au niveau mondial,

6
Guide pour la création d’un consortium de qualité

qui sont enregistrées sous un système sui generis dans leurs pays respectifs, recouvre les “indica-
tions géographiques institutionnalisées”. Selon cette définition, toutes les “indications géographiques
institutionnalisées” sont des “indications géographiques reconnues”, mais toutes les “indications
géographiques reconnues” ne sont pas des “indications géographiques institutionnalisées”, du fait
que tous les pays n’ont pas établi de système sui generis de protection.

ENCADRÉ 1. Systèmes de protection d’indications géographiques

o
raditi nnels
st Toutes les IGR1 protègent des produits traditionnels
IGR1
d’o

d’origine, mais tous les produits traditionnels


uit
Prod

rigin

d’origine n’ont pas le statut juridique d’IGR.


IGI2
e

Toutes les IGI2 sont des IGR. Mais toutes les IGR ne
sont pas des IGI, car tous les pays n’ont pas un
­système sui generis (législation spéciale).

Source: modèle adapté; Thevenod-Mottet cité dans: Gerz et al. 2008


1
IGR = Indications géographiques reconnues 2 IGI = Indications géographiques institutionnalisées

A) Indications géographiques reconnues sous la législation des marques

Selon ce système légal, il n’existe pas d’IGI. Les IGR


Produits
sont protégées sous la législation des marques.
Autres
produits/ Marques IGR traditionnels Toutes les IGR sont des marques, mais toutes les mar-
services d’origine ques enregistrées n’ont pas le statut d’IGR. Les pro-
duits traditionnels d’origine ne peuvent être protégés
que comme des marques, avec ou sans statut d’IGR.
Source: élaboration de l’auteur

B) Indications géographiques reconnues sous un système sui generis

Produits Selon ce système légal, toutes les IGR sont des IGI,
traditionnels car il n’existe que la protection sous le système sui
Autres
d’origine generis (législation spéciale).
produits/ Marques
services Les IGI sont protégées sous un système qui diffère de
IGI
celui des marques. Les produits traditionnels d’origine
peuvent être protégés comme des ­marques et/ou
des IGI. Un produit protégé uniquement sous une
Source: élaboration de l’auteur marque ne peut avoir le statut d’IGR; l’enregistrement
comme IGI est indispensable.

C) Indications géographiques reconnues sous un système mixte

Produits Selon ce système légal coexistent les modèles A) et


traditionnels B). Il existe des IGR protégées sous le système des
Autres marques et des IGR protégées sous le système sui
IGR d’origine
produits/ Marques generis.Toutes les IGR ne sont pas des IGI, car toutes
services ne sont pas protégées sous le système sui generis.
IGI
Les produits traditionnels d’origine peuvent être
protégés comme des marques, avec ou sans statut
Source: élaboration de l’auteur d’IGR et/ou comme des IGI.

7
La valorisation des produits traditionnels d’origine

1.2.  L’art de jouer sur plusieurs fronts


Les exigences et les conditions à remplir par un produit et son nom pour obtenir la protec-
tion varient beaucoup selon les pays; par conséquent, il est habituel qu’un même produit soit
reconnu sur quelques marchés comme étant une indication géographique, tandis que, sur
d’autres, son nom pourra obtenir seulement, dans le meilleur des cas, une protection en tant
que marque commerciale. Alors que, dans des pays tels que la Thaïlande, la Malaisie ou
l’Indonésie, les produits de fabrication artisanale et industrielle peuvent également aspirer à
une indication géographique, dans les États de l’UE seuls les produits agricoles et agro­
alimentaires peuvent être reconnus (Wattanapruttipaisan 2009).

L’accord ADPIC fait aussi la différence entre les diverses catégories de produits, et il établit
des règlements et des niveaux de protection différents en fonction de celles-ci. Les vins et
les liqueurs bénéficient de garanties bien plus larges que celles accordées à tous les autres
produits (Art. 23). En général, l’ADPIC exige seulement que les désignations des produits
n’induisent pas les consommateurs en erreur en ce qui concerne le lieu de production. Les
désignations “thé de Ceylan produit en Malaisie” ou “fromage Mozzarella de bufflonne produit
en Colombie” sont autorisées, puisqu’elles indiquent clairement la véritable origine du produit
et que, par conséquent, elles ne créent aucune confusion. Cependant, dans le cas des boissons
alcoolisées, l’utilisation du nom protégé est absolument interdite pour des produits réalisés
en dehors des limites du terroir d’origine. Il n’est donc pas permis de vendre du “champagne
allemand” ni du “vin Chianti produit au Chili” (Grazioli cité dans: Gerz et al. 2008). Mais,
là encore, il existe des différences entre les cadres juridiques des différents pays ayant signé
l’accord ADPIC. Toutes les législations nationales ne sont pas aussi permissives; dans le cas
des systèmes sui generis, il est fréquent que les noms de toutes les indications géographiques
sans exception soient complètement protégés.

L’accord ADPIC établit également d’autres exceptions en ce qui concerne la protection des
indications géographiques qui rendent l’application du traité encore plus flexible. D’une part, la
sauvegarde des indications géographiques dans un pays ne doit pas aller à l’encontre des droits
de marques identiques ou similaires déjà existantes, ou de droits d’utilisation établis de bonne
foi. Et, d’autre part, un produit ayant une désignation spécifique pourra être reconnu comme
indication géographique uniquement si le terme faisant l’objet de la demande d’enregistrement
n’est pas un nom générique dans un pays donné; cet aspect est illustré ci-après.

Le mot “Emmental” désigne une zone géographique située en Suisse, qui a donné son nom
à un fromage connu par ses trous caractéristiques et qui provient de cette région. Le fromage
“Emmentaler” a été enregistré en 2002 en Suisse comme indication géographique; mais il ne
pourra jamais obtenir la même protection sur les autres marchés européens, car l’UE considère
que le terme “Emmentaler” et les traductions qui en existent à ce jour ont acquis un caractère
générique. Par conséquent, la désignation en tant que telle ne peut pas être enregistrée, à
moins qu’elle ne soit combinée avec un autre lieu de provenance additionnel, comme dans
le cas du fromage allemand protégé “Allgäuer Emmentaler”.

C’est presque tout le contraire qu’il faudrait dire en ce qui concerne le thé rouge “Roiboos”
d’Afrique du Sud. Sur le marché national, ce nom est considéré comme un terme générique
et, pour l’instant, il ne peut aspirer à aucun type de protection de la marque. Cependant,
jusqu’à il y a quelques années, une entreprise d’Afrique du Sud exportait le produit aux
États-Unis sous la protection de la marque commerciale légalement enregistrée “Rooibos”.
En principe, ce thé aurait de bonnes chances d’être reconnu par un grand nombre de pays
importateurs comme indication géographique, mais la législation et le contexte national

8
Guide pour la création d’un consortium de qualité

d’Afrique du Sud ont, jusqu’à présent, représenté un empêchement. En effet, selon l’accord
ADPIC, un produit ne peut faire l’objet d’une demande d’enregistrement, comme indication
géographique dans d’autres États ayant signé l’accord, que s’il est déjà protégé au niveau
national (Gerz et Bienabe cités dans: Van de Kop et al. 2006).

Face à un panorama juridique global si varié et différent, et lorsqu’il faut décider de miser
ou non sur la promotion d’un produit traditionnel d’origine, il est important de distinguer
nettement entre le potentiel commercial inhérent à ce produit et les perspectives qu’il a
d’obtenir une indication géographique sur le marché national et sur les marchés d’exportation.
De plus, le fait d’engager une procédure destinée à obtenir une indication géographique ou
une autre marque garantissant tant le nom que les caractéristiques du produit (voir encadrés 2
et 3) procède souvent d’une décision plus tactique que stratégique, car parfois les marques
commerciales communes peuvent aussi être une excellente voie pour protéger un produit et
pour contrôler un marché.

Le cas du café d’Éthiopie en est l’exemple. Dans le cadre d’une initiative publique et privée
nationale menée par le Bureau éthiopien de la propriété intellectuelle, une analyse a été
effectuée concernant le type de protection légale le plus approprié en vue d’une commerciali-
sation réussie des célèbres cafés produits dans certaines zones spécifiques de ce pays; la
conclusion a été que les marques commerciales communes offrent de bonnes garanties. Le
gouvernement éthiopien a présenté, dans 34 pays, une demande d’enregistrement des trois
marques “Harrar/Harar”, “Sidamo” et “Yirgacheffe” pour les cafés provenant de zones
géographiques homonymes. Dans l’UE, les trois marques commerciales ont déjà une protec-
tion, alors que, jusqu’à présent, au Japon et aux États-Unis, seulement deux dénominations
sur les trois ont pu être déposées (Schüßler 2009).

Toutefois, il faut préciser que l’enregistrement de noms géographiques comme marques com-
merciales communes est juridiquement limité à des cas très spécifiques et que, par conséquent,
ce n’est pas toujours faisable. L’enregistrement est possible lorsqu’une désignation géographique
n’est pas considérée comme telle dans le pays où est demandée la protection ou bien lorsque
le nom géographique a acquis une signification secondaire, ou encore lorsqu’il est compris
comme un mot imaginaire (OMPI 2001).

Les organismes qui sont derrière les produits traditionnels d’origine et qui ont conquis les
marchés internationaux ne se sont pas concentrés exclusivement sur une seule voie juridique
pour protéger leurs produits et les désignations qui leur correspondent; ils se sont au contraire
montrés flexibles et créatifs pour s’adapter aux différents cadres juridiques des pays
d’exportation. C’est ainsi que, par exemple, la société gouvernementale mixte hispano-cubaine
“Habanos S.A.”, chargée de la commercialisation des cigares légendaires en provenance de
l’île des Caraïbes, certifie la qualité et l’origine de ses produits au moyen du label “Habanos”,
indication géographique institutionnalisée à Cuba. Les divers cigares de l’entreprise sont com-
mercialisés sous différentes marques commerciales globales, multilocales, locales et de niche,
mais toutes les boîtes portent le label “Habanos”. Ce nom a pu à son tour être enregistré
dans de nombreux pays comme indication géographique, mais certainement pas dans tous;
dans de nombreux États, le label d’origine du produit a dû être aussi protégé au moyen d’une
simple marque commerciale (El Benni et Reviron 2009).

Le secret du succès des produits traditionnels d’origine consiste donc à jouer la carte juridique
appropriée selon les circonstances et les besoins du moment. L’objectif stratégique ne doit pas
être d’obtenir une indication géographique, mais d’augmenter la part de marché; et donc, par-
fois, les marques commerciales en tant que telles peuvent aussi se révéler d’excellentes alliées.

9
La valorisation des produits traditionnels d’origine

Les encadrés 2 et 3 indiquent les caractéristiques des divers moyens légaux qui sont le plus
souvent utilisés pour protéger les produits traditionnels d’origine: les indications géographiques
(institutionnalisées), les marques de certification et les marques collectives. Tous ces modes
de protection juridique ont des avantages et des inconvénients devant être soigneusement
évalués. De fait, l’enregistrement d’une indication géographique (institutionnalisée) n’est pas
une simple question de viabilité juridique, c’est également une question de volonté et de
priorité. Plus loin dans ce document, le paragraphe 3.8 analyse, d’une manière détaillée, les
éventuelles implications socioéconomiques de l’enregistrement de ce type de label.

ENCADRÉ 2. Moyens légaux de protection de produits traditionnels d’origine

Dans les paragraphes suivants sont expliquées les implications légales des divers modes de
protection légale de produits traditionnels d’origine qui existent; une distinction est essen-
tiellement faite entre indications géographiques institutionnalisées et marques. Bien que le
but soit d’offrir la vue la plus générale possible du panorama juridique global actuel, les
différences entre les systèmes de protection nationaux existants empêchent d’effectuer
des descriptions qui encadrent tous les systèmes juridiques. Les informations présentées
dans cet encadré et dans le suivant peuvent donc être valables pour certains pays et moins
pour d’autres.

Indications géographiques institutionnalisées (IGI)


Alors que les marques sont des signes très souvent arbitraires qui signalent le titulaire et/
ou le fabricant d’un produit, et qu’elles servent à différencier les produits/services de celui-
ci de ceux des autres entreprises, les indications géographiques ont pour fonction de
mettre en évidence l’origine géographique d’un produit et les caractéristiques qui en
découlent. À la différence des marques, les indications géographiques ne se basent pas
uniquement sur la créativité humaine, mais elles sont aussi en relation directe avec la
­topographie, le climat et d’autres facteurs naturels. C’est la raison pour laquelle leur délo-
calisation est interdite; les indications géographiques institutionnalisées ne peuvent être ni
vendues ni cédées. De plus, au contraire des marques, elles ne confèrent aucun droit exclu-
sif de propriété privée à leurs titulaires, mais elles ont un caractère public et collectif. Tous
les producteurs qui opèrent dans le lieu désigné par l’indication géographique et dont les
produits respectent des standards de production déterminés sont autorisés à l’utiliser;
conjointement à l’indication géographique, les opérateurs économiques concernés peuvent
également utiliser leurs propres marques commerciales individuelles.
En général ce sont les producteurs d’une zone qui, tout à fait volontairement, présentent
la demande d’institutionnalisation de l’indication géographique aux autorités compétentes.
Cependant, l’initiative peut parfois venir d’un organisme public. La demande d’enregistrement
doit être accompagnée des spécifications du produit (cahier des charges) qui fera l’objet
de protection: nom du produit; description du produit, des matières premières, de
l’emballage et de l’étiquetage; description de la méthode de production; histoire du produit
et évidences de son caractère traditionnel; définition des limites de la zone géographique
pertinente; justification du lien étroit entre le territoire et le produit; normes de qualité et
systèmes d’inspection. Tout le long de la procédure administrative qui s’ensuit, les divers
niveaux concernés de l’administration de l’État analysent et approuvent les spécifications
pour leur conférer ensuite un caractère juridique. Après la clôture d’une procédure

10
Guide pour la création d’un consortium de qualité

d’opposition, l’indication géographique est déposée et publiée dans le journal officiel. La


protection juridique des indications géographiques institutionnalisées n’est pas mise en
œuvre conformément au droit général des marques, mais elle est fondée sur un acte de
droit public (loi, décret, arrêté). Lorsqu’une indication géographique est institutionnalisée,
les marques commerciales homonymes déjà existantes perdent leur exclusivité, bien
qu’elles puissent continuer d’être utilisées. Au contraire de ce qui est établi par la législa-
tion des marques, l’existence de droits de propriété intellectuelle antérieurs n’empêche
pas l’enregistrement d’une indication géographique institutionnalisée.
La protection conférée par une indication géographique institutionnalisée est généralement
effective si subsistent les conditions l’ayant motivée; par conséquent, il n’est normalement
pas nécessaire de renouveler périodiquement l’enregistrement comme dans le cas des
marques. De plus, la portée de la protection octroyée par les indications géogra­phiques
institutionnalisées est bien plus large que celle offerte par les marques. Les indications géo-
graphiques institutionnalisées protègent contre toute utilisation commerciale directe ou
indirecte du nom enregistré; elles interdisent l’utilisation indue, l’imitation ou l’évocation du
nom enregistré, y compris l’utilisation en combinaison avec des mots comme “style” ou
“type” ou sa traduction dans une autre langue; elles interdisent toute pratique pouvant
induire le public en erreur en ce qui concerne la véritable origine du produit, y compris les
fausses indications sur l’emballage intérieur ou extérieur, le matériel publicitaire ou les docu-
ments relatifs au produit. En raison des vastes droits et garanties qu’entraîne une indication
géographique institutionnalisée, les frais encourus pour obtenir une large protection sont
bien inférieurs à ceux concernant les marques; sous la législation des marques, il existe plu-
sieurs registres différents, obligatoires pour le même degré de protection. De plus, dans de
nombreux pays, l’enregistrement d’une indication géographique ­institutionnalisée n’entraîne
aucun type de frais administratifs.
Utiliser une indication géographique institutionnalisée sans autorisation ou d’une manière
contraire à ce qui est prescrit constitue un délit et engage la responsabilité pénale et civile
de la personne concernée. Contrairement au cas d’une marque, pour laquelle seul son
titulaire peut présenter la demande pour infraction et en en assumant les coûts, dans le cas
des indications géographiques institutionnalisées, ce sont souvent les organismes de droit
public, eux-mêmes, qui agissent ex officio. Ceux-ci peuvent entamer des actions judiciaires
pour utilisation frauduleuse, même en l’absence de recours de la partie lésée.
Les institutions publiques établissent généralement aussi les structures et les mécanismes
adéquats destinés à vérifier si les articles protégés par une indication géographique institu-
tionnalisée sont produits, transformés et commercialisés conformément aux spécifications
enregistrées. Ce sont généralement les organismes de certification publics ou privés accré-
dités par le ministère compétent qui se chargent d’inspecter et de superviser toutes les
étapes du processus de production et de commercialisation; les frais d’inspection sont
normalement à la charge des producteurs concernés (OMPI 2002; OMPI 2001; Olives
Cáceres 2007).
La terminologie utilisée dans les différents traités internationaux et dans les législations
nationales en matière d’indications géographiques institutionnalisées fait souvent la distinc-
tion entre le concept d’“indication géographique” en tant que tel et la sous-catégorie
“appellation d’origine”. Ces deux figures juridiques se ressemblent beaucoup, bien qu’en
théorie la deuxième soit un peu plus restrictive que la première. Toutefois, dans la pratique
les différences sont souvent moindres en fonction du mode par lequel les deux concepts

11
La valorisation des produits traditionnels d’origine

sont définis dans les législations nationales. L’UE, qui dispose du cadre réglementaire le
mieux développé dans ce domaine, a établi la différenciation suivante:

Indication géographique protégée (IGP)


Le nom d’une région, d’un lieu déterminé ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays, qui
sert à désigner un produit agricole ou une denrée alimentaire: a) originaire de cette
région, de ce lieu déterminé ou de ce pays; b) dont une qualité déterminée, la réputation
ou d’autres caractéristiques peuvent être attribuées à cette origine géographique; c) dont
la production et/ou la transformation et/ou l’élaboration ont lieu dans l’aire géographique
délimitée.

Appellation d’origine protégée (AOP)


Le nom d’une région, d’un lieu déterminé ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays, qui sert
à désigner un produit agricole ou une denrée alimentaire: a) originaire de cette région, de
ce lieu déterminé ou de ce pays; b) dont la qualité ou les caractéristiques sont essentielle-
ment ou exclusivement dues à l’environnement géographique avec ses facteurs naturels et
humains; c) dont la production et la transformation et l’élaboration ont lieu dans l’aire
géographique délimitée.
Ces définitions s’appliquent uniquement dans l’UE, car ce qui est considéré comme une
“indication géographique” dans un pays peut être une “appellation d’origine” dans un autre.
Le café de Colombie est protégé sous une “appellation d’origine” dans son pays de prove­
nance, mais il a dû être enregistré comme ”indication géographique protégée” dans l’Ancien
Continent pour une raison très simple: selon les normes de production, il n’est pas obliga-
toire que la torréfaction du café de Colombie ait lieu dans “l’aire géographique délimitée”
(El Benni et al. 2009).

Législation des marques


Bien au-delà du fait que toute entreprise individuelle puisse recourir à la protection d’un
produit traditionnel d’origine au moyen d’une marque commerciale conventionnelle, il
existe d’autres catégories de labels revêtant une importance particulière pour les pro-
ducteurs qui souhaitent mettre en place une stratégie de valorisation conjointe. Plus
­concrètement, les groupements d’opérateurs décident souvent de travailler avec des
marques de certification ou des marques collectives. Ces deux types de marques offrent
deux avantages essentiels: en premier lieu, leur utilisation est potentiellement ouverte à un
grand nombre de producteurs et d’entreprises indépendants; en deuxième lieu, ces labels
ne servent pas seulement à protéger le nom d’un produit traditionnel d’origine, mais ils
permettent également de faire foi de ses caractéristiques et de ses attributs. Bien évidem-
ment, l’enregistrement d’un produit traditionnel d’origine sous la législation des marques
n’est pas nécessairement l’équivalent de sa reconnaissance comme indication géographique
et il n’est pas toujours possible de l’inscrire sous un nom lié au territoire.
Seuls quelques pays protègent les indications géographiques au moyen du système de
marques. Dans certains contextes nationaux, les marques commerciales conventionnelles
représentent un moyen légal de protection basé sur l’origine, mais les marques de certifica-
tion et les marques collectives sont davantage diffusées pour les motifs mentionnés plus
haut. Le nom à contenu géographique d’un produit traditionnel d’origine peut être enre­
gistré comme marque et il obtiendra ainsi, dans quelques pays, le statut d’indication

12
Guide pour la création d’un consortium de qualité

géographique; mais uniquement si cela ne suppose pas une violation de droits antérieurs
de propriété intellectuelle. Les garanties et les droits conférés par ce type de protection
sont exactement les mêmes que ceux dont peut bénéficier tout autre produit enregistré
sous la législation des marques. C’est pourquoi les limitations de ce système, par rapport à
la large protection assurée par une législation sui generis, font souvent l’objet de critiques.

Marque de certification (ou de garantie)


Une marque de certification est un signe distinctif qui garantit qu’un produit/service
donné respecte les standards et les caractéristiques préétablies par le titulaire de la
­marque. Ce dernier peut être une entreprise indépendante ou une association privée
dûment autorisée par les autorités publiques, ou une institution publique ou semi-­
publique compétente en matière de certification. Le titulaire, qui ne pourra en aucun cas
certifier ses propres produits/services, est obligé de contrôler et de vérifier périodique-
ment si les produits/services labellisés par des tiers remplissent les conditions fixées,
comme l’origine, la matière première, le mode de production, la qualité, etc. Le lien
­contractuel unissant le titulaire et les utilisateurs de la marque est celui de la licence
d’utilisation. Les producteurs qui respectent les exigences préétablies recevront
l’autorisation du titulaire d’utilisation de la marque et, en général, ils ne pourront pas être
exclus. Généralement, les utilisateurs des marques de certification identifient également
leurs produits avec leurs propres marques commerciales.
Pour que le titulaire puisse enregistrer sa marque de certification auprès des autorités
compétentes, la demande doit être accompagnée d’un règlement d’utilisation de la ­marque,
qui, dans quelques pays, devra avoir été approuvé au préalable par l’organisme public admi-
nistratif responsable. Le règlement d’utilisation doit établir les caractéristiques certifiées par
la marque, les produits/services faisant l’objet de certification, les mesures de contrôle et
de vérification préalables et postérieures à l’émission de la licence d’utilisation et le régime
de sanctions pour non-respect. La marque de commerce équitable “Fair Trade” et celle de
santé dentaire “Sympadent” ou encore celle de respect de préceptes religieux ”Halal” sont
des exemples de marques de certification largement utilisées dans le secteur agro-­industriel.
Mais il existe également des marques de certification qui protègent des produits tradition-
nels d’origine en certifiant la provenance et les normes de production applicables pour un
produit donné.
Aux États-Unis plus particulièrement, les marques de certification sont diffusées comme
moyen légal pour reconnaître et protéger des indications géographiques. Le titulaire est en
général un État fédéral ou une association de producteurs; de par la loi, tous les opérateurs
économiques ayant un intérêt légitime et produisant au sein de la zone géographique de
production définie dans le règlement d’utilisation ont le droit d’utiliser la marque. Nom-
breux sont les produits européens à indication géographique institutionnalisée dans l’UE
qui sont enregistrés aux États-Unis sous une marque de certification garantissant tant
l’origine que les qualités; par exemple, les fromages Manchego d’Espagne et Roquefort de
France entrent dans cette catégorie (Babcock et Clemens 2004; García Muñoz-Nájar 2006;
OMPI 2002; OMPI 2001).

Marque collective
Une marque collective est un signe distinctif qui certifie que les produits/services des
membres d’un organisme public ou privé déterminé, ayant une personnalité juridique

13
La valorisation des produits traditionnels d’origine

propre sont conformes aux standards et aux caractéristiques préétablis par le titulaire de
la marque, qui est précisément l’organisme collectif. Normalement, le titulaire n’utilise pas
la marque à des fins commerciales, mais il s’en sert pour faire de la publicité et pour pro-
mouvoir les produits/services de ses membres qui vendent sous le label collectif. L’organisme
exerce un contrôle interne et certifie que les articles labellisés ont certaines caractéris-
tiques, par exemple, l’origine géographique, la zone de production, la matière première, le
mode de production, la qualité ou simplement l’appartenance du produit à l’organisme; les
associés voulant utiliser la marque se soumettent volontairement au contrôle interne et
s’engagent à respecter les conditions fixées. En général, la marque collective ne peut être
transmise à des tiers. Pour que le titulaire puisse enregistrer sa marque collective auprès
des autorités compétentes, la demande doit être accompagnée d’un règlement d’utilisation
de la marque. Le règlement d’utilisation doit établir les caractéristiques du produit/service,
les conditions d’utilisation de la marque, les personnes autorisées à utiliser la marque, les
conditions d’affiliation à l’organisme, les mesures de contrôle de l’utilisation correcte de la
marque et le régime de sanctions en cas de non-respect. Il est habituel que les associés
utilisent leurs propres marques commerciales conjointement à la marque collective.
Dans le domaine des produits traditionnels d’origine, les marques collectives sont relative-
ment communes; et pas uniquement dans les pays où elles servent d’instrument légal pour
la reconnaissance officielle d’une indication géographique. Les organisations collectives
respectives optent souvent d’abord pour la protection de leurs produits traditionnels
d’origine à travers une marque collective, tout en laissant une porte ouverte à la possibilité
d’obtenir plus tard la protection selon le système sui generis. Les raisons peuvent en être le
manque d’un cadre réglementaire sui generis suffisamment défini pour les indications
géographiques dans le pays ou le simple intérêt de commencer rapidement à opérer sous
un label commun, sans attendre les longues démarches nécessaires à l’enregistrement
d’une indication géographique institutionnalisée. Par ailleurs, de nombreux groupements
de producteurs considèrent que les marques collectives sont le meilleur moyen de proté-
ger leur produit sur le marché. C’est ainsi que, par exemple, à l’opposé des indications
géographiques (institutionnalisées) les marques collectives permettent de limiter le ­nombre
d’utilisateurs du label commun, puisqu’elles ne peuvent être utilisées que par les membres
de l’organisme titulaire. Bien qu’en théorie il ne soit pas toujours facile d’éviter que de
nouveaux opérateurs économiques à intérêt légitime soient affiliés à l’organisation titulaire,
dans la pratique, il est généralement simple de décider et aussi de contrôler le quota de
producteurs autorisés à utiliser le label.
Les marques collectives représentent également un bon instrument de protection des
produits agro-industriels qui ne peuvent prétendre devenir des indications géographiques
institutionnalisées dans un certain pays pour des motifs très divers tels que le manque de
renommée du produit, le faible potentiel économique ou le niveau limité de l’engagement
des opérateurs du secteur. Les associations de producteurs italiens et les chambres ita­
liennes de commerce enregistrent de plus en plus de marques collectives géographiques
pour protéger différents produits alimentaires traditionnels contre les imitations et les
­falsifications (Olivieri 2004; García Muñoz-Nájar 2006; OMPI 2002; OMPI 2001).

14
Guide pour la création d’un consortium de qualité

ENCADRÉ 3. I ndications géographiques institutionnalisées (IGI), marques


de certification et marques collectives

IGI Marque de certification Marque collective


Objet Identification et protec- Certification des qualités, Elle indique que 1) les
tion de la véritable des attributs, de l’origine, utilisateurs de la marque
origine d’un produit, des méthodes de produc- sont membres de
de ses qualités et de la tion etc. de produits/ l’organisme titulaire; et,
réputation qui y est liée. services de tiers. La le cas échéant, que
certification de l’origine 2) tous les produits/
n’est pas obligatoire. services de ces membres
partagent certaines
caractéristiques (origine,
qualités, méthodes de
production, matières
premières etc.).
L’identification de l’origine
n’est pas obligatoire.

Fonction Protéger tant les Protéger le titulaire contre Protéger le titulaire


producteurs que les l’utilisation frauduleuse de contre l’utilisation
consommateurs contre la marque. frauduleuse de la
l’utilisation frauduleuse marque.
du nom du produit.

Titulaire Souvent un État au nom Un organisme tiers, qui Un organisme collectif


des producteurs de la ne peut utiliser la marque dont les membres
zone. L’IGI est un bien pour ses propres produits/ utilisent la marque.
public. services. Le titulaire est
parfois un organisme
public.

Utilisateurs Tous les producteurs Tous les producteurs qui Tous les producteurs
d’une zone qui respec­ respectent le règlement membres de l’organisme
tent le cahier des charges. d’utilisation sont autorisés titulaire. L’affiliation à
Il n’est pas possible à utiliser la marque. l’organisme peut être
d’exclure des produc­ L’organisme titulaire ne restreinte et donc de
teurs. Les producteurs peut généralement pas même pour l’utilisation
locaux qui ne respectent exclure de producteurs. de la marque.
pas le cahier des charges
perdent le droit
d’utilisation du nom
protégé.

Enregistrement Ministère national Bureau des marques. Bureau des marques.


compétent.

Base légale Protection basée sur un Protection basée sur Protection basée sur
acte de droit public (loi, l’enregistrement auprès du l’enregistrement auprès
décret, arrêté). Bureau des marques. du Bureau des marques.

15
La valorisation des produits traditionnels d’origine

IGI Marque de certification Marque collective

Définition Définition générale Définition élaborée par Définition élaborée par


établie au niveau de l’État le titulaire qui établit le titulaire qui établit
ou international et qui les conditions que les si la simple affiliation à
spécifie les caractéristi- produits/services de tiers l’organisme collectif est
ques communes des doivent observer pour suffisante pour utiliser
produits ayant une pouvoir utiliser la marque la marque ou si les
indication géographique de certification. membres doivent
(par ex. UE: IGP + AOP, respecter des conditions
voir page 12). additionnelles pour être
utilisateurs.

Administration Souvent partagés entre Uniquement le titulaire. Uniquement le titulaire.


et contrôle organismes publics et Coûts de certification Coûts de certification
privés. Coûts de certifi- pouvant être élevés pour limités pour les utili-
cation souvent élevés les utilisateurs. sateurs s’il est opté pour
pour les utilisateurs. des pratiques de
contrôle interne et
d’autocontrôle.

Portée de la Exclusivité de l’utilisation Protection du nom en Protection du nom en


protection du nom pour produits combinaison avec un combinaison avec un
identiques ou similaires élément graphique. Il n’est élément graphique.
et pour les attributs du généralement pas possible Il n’est généralement
produit. d’obtenir l’exclusivité pour pas possible d’obtenir
une désignation l’exclusivité pour une
Le nom est protégé
géographique. désignation
contre toute imitation
géographique.
ou évocation, même si Les tiers peuvent utiliser le
la véritable origine est nom dans les traductions Les tiers peuvent utiliser
indiquée. et dans des expressions le nom dans les traduc-
avec “style” et “type”. tions et dans des
Les tiers ne peuvent pas
expressions avec “style”
continuer d’utiliser le
et “type”.
nom dans les traductions
ni dans des expressions
avec “style” et “type”.

Relation Enregistrement possible Enregistrement possible Enregistrement possible


avec d’autres même s’il existe des uniquement s’il ne porte uniquement s’il ne porte
marques droits de marques pas atteinte à des droits pas atteinte à des droits
préexistants ou déjà en de marques préexistants de marques préexistants
usage établis de bonne ou déjà en usage établis ou déjà en usage établis
foi. Les marques préa­ de bonne foi. de bonne foi.
lables à l’IGI perdent
Enregistrement sur la base L’enregistrement
leur exclusivité.
du principe du premier n’empêche pas que la
Enregistrement basé sur déposant. désignation devienne un
les principes de légitimité terme générique.
L’enregistrement
de l’intérêt dans l’usage.
n’empêche pas que la
L’enregistrement désignation devienne un
empêche que la désigna- terme générique.
tion ne devienne un
terme générique.

16
Guide pour la création d’un consortium de qualité

IGI Marque de certification Marque collective


Obligation Droit sur le nom même Droit sur le nom s’il est Droit sur le nom s’il est
d’usage s’il n’est pas utilisé (par utilisé. utilisé.
ex. lorsqu’un aliment
protégé ne peut être
vendu sur le marché pour
des raisons sanitaires ou
phytosanitaires).

Lieu de La production doit avoir Production uniquement Production uniquement


production lieu dans la zone établie. dans la zone établie, si dans la zone établie, si
La délocalisation de prévu de cette manière prévu de cette manière
toutes les phases de dans le règlement dans le règlement
production est impossible. d’utilisation. d’utilisation.

Base de la Protection souvent ex Uniquement sur la base Uniquement sur la base


protection officio et sur la base d’actions privées de la part d’actions privées de la
d’actions privées des du titulaire (coûts très part du titulaire (coûts
différents producteurs élevés). très élevés).
concernés.

Durée de la Souvent illimitée si les Souvent dix ans (besoin Souvent dix ans (besoin
protection conditions ayant motivé de rénovation). de rénovation).
l’enregistrement sont
toujours valables.

Coûts Coûts d’enregistrement Coûts d’enregistrement Coûts d’enregistrement


souvent peu élevés ou élevés. élevés.
même inexistants.
De plus: De plus:
- Paiement pour rénova- - Paiement pour rénova-
tion enregistrement. tion enregistrement.
- Paiement multiples - Paiement multiples
enregistrements (traduc- enregistrements
tions de nom, etc.). (traductions de nom,
- Frais des actions légales etc.).
privées pour utilisation - Frais des actions légales
frauduleuse. privées pour utilisation
frauduleuse.

Marketing L’IGI, en tant que signe Coûts élevés de publicité. Coûts élevés de publicité.
de la qualité, réduit les
Dans quelques pays, la
coûts de marketing des
marque de certification ne
producteurs si les clients
peut être utilisée pour du
connaissent bien le
matériel promotionnel,
concept d’IGI.
mais seulement pour le
produit dont les caractéris­
tiques sont certifiées.

Exemples Fromage Feta, jambon Oignon Vidalia, pomme Rhum dominicain,


de Parme de terre Idaho pomme Melinda

Sources: Thevenod-Mottet cité dans: Reviron et al. 2009 24-25; OMPI 2002; OMPI 2001; Addor et Grazioli 2002; O’Connor
et Co. 2007; Olives Cáceres 2007
Pour plus d’information concernant les systèmes légaux de 160 pays, consulter O’Connor et Co. 2007 (Partie II)

17
2.  Les groupements de valorisation

2.1.  La réinvention collective de la tradition


Même si l’accord ADPIC n’établit rien à ce sujet et même si dans quelques pays les entre-
prises et/ou les producteurs individuels peuvent faire la demande d’une indication géographique,
dans beaucoup d’autres pays, seuls les groupements d’opérateurs économiques peuvent obtenir
la certification (Reviron et al. 2009). Dans l’UE, par exemple, l’établissement d’une organisa-
tion collective représentant des opérateurs économiques qui produisent le bien faisant l’objet
d’une certification est, dans la pratique, une condition sine qua non pour obtenir une indica-
tion géographique institutionnalisée (Paus 2008). Dans la réalité, il existe de nombreux
groupements dont le produit traditionnel d’origine n’a pas obtenu de label distinctif, mais il
est rare de trouver des articles à indication géographique sans aucun type d’organisation col-
lective pour les garantir. En particulier, en ce qui concerne le secteur agro-industriel, les
ouvrages consacrés à ce sujet ont largement souligné le rôle essentiel des groupements dans
la valorisation et la promotion de produits traditionnels d’origine.

Au sein d’une organisation collective — appelée ici groupement de valorisation — les membres
d’une même filière ne créent pas de nouvelle proposition alimentaire ou agro-industrielle; ils
ne font qu’adapter leur produit artisanal préexistant, à première vue pas vraiment compétitif,
aux exigences de qualité d’un segment de marché élevé. Par exemple, au moyen d’une stra-
tégie de marketing de niche, un succulent produit traditionnel, mais apparemment sans grande
valeur ajoutée, n’est plus un simple aliment de la culture populaire d’une région spécifique;
il devient, aux yeux du client final, un mets hautement différencié pour lequel il vaut la peine
de payer un surprix. Le pilier essentiel de la stratégie et la raison ultime de la différenciation
du produit sont l’origine et le lien indéfectible avec la zone géographique de provenance. En
définitive, “la stratégie de produit ou filière a pour objectif la commercialisation de la culture
locale, “l’encapsulation” du terroir dans un produit qui peut être commercialisé directement...”
(Ray 1998 cité dans: Acampora et Fonte 2007: 195, libre traduction).

Les groupements de valorisation développent une “stratégie à contre-courant” qui, dans une
certaine mesure, leur permet de se dégager de leur environnement compétitif naturel et de
réduire l’exposition aux fluctuations des prix dans les marchés internationaux de produits
agro-industriels de base. Les opérateurs agricoles d’une région peuvent oublier la forte
­concurrence des prix entre eux et joindre leurs efforts afin d’élever les standards de qualité
du “vieux” produit, de le réinventer et de renforcer sa nouvelle image sur la base d’une
marque partagée liée au territoire, laquelle peut être ou ne pas être une indication géographique.
L’établissement d’un groupement de valorisation permet d’unir les ressources et d’obtenir un
niveau de production optimal. Cela, d’une part, justifie les frais à débourser pour la création
et le maintien de cette image différenciée nécessaire pour augmenter les bénéfices économiques
et, d’autre part, permet d’atteindre le volume critique indispensable pour accéder à des canaux

19
La valorisation des produits traditionnels d’origine

de distribution exigeants (Reviron et Paus cités dans: Gerz et al. 2008; Barjolle et al. 2005;
Bramley et Kirsten 2007).

Le modèle de développement qui vient d’être présenté décrit l’approche et la logique


qu’inspirent de nombreuses réflexions sur les produits traditionnels d’origine et, plus concrète-
ment, ceux qui ont une indication géographique; le point de départ est souvent un produit
traditionnel d’origine “archétypique”, indissolublement lié à son environnement physique,
social et culturel, et qui n’est pas toujours en harmonie avec les produits traditionnels d’origine
existant dans le monde réel. En effet, de nombreux groupements de valorisation sont créés
autour de produits très industrialisés et compétitifs. Ces groupements sont normalement
intégrés par de grandes entreprises économiquement dynamiques, dont le premier but est
d’obtenir rapidement une indication géographique pour créer des barrières institutionnelles
s’ajoutant à celles déjà existantes de type technique ou géophysique. L’objectif est de renforcer
légalement la position monopoliste du produit traditionnel sur le marché, d’empêcher que les
concurrents externes continuent d’utiliser la même désignation pour un produit donné et,
par conséquent, de déplacer la concurrence “vers l’intérieur” de la région officielle de produc-
tion en la limitant aux opérateurs de la zone et à leurs marques individuelles respectives. La
Tequila mexicaine — premier produit non européen protégé par une indication géographique
institutionnalisée — constitue un bon exemple d’article industriel très détaché de son territoire
d’origine et du système de production l’ayant vu naître. Cependant, il convient de dire qu’en
général les sociétés disposant de marques consolidées et de grandes ressources n’ont en prin-
cipe pas besoin de s’adapter à une stratégie commune au sein d’un groupement ni de se
soumettre à des règles collectives ni en définitive de renoncer à la liberté dont elles jouissent
en travaillant individuellement (Bowen et al. 2009; Belletti et al. 2002; Marescotti 2003;
Cambra Fierro et Villafuerte Martín 2009; Acampora et Fonte 2007).

Dans un autre ordre d’idées, il faut également signaler que la création d’une organisation,
l’émergence correspondante d’économies d’échelle et l’existence d’une stratégie de niche col-
lective ne font que clarifier la possibilité d’obtenir, dans une zone donnée, de bons revenus
pour un grand nombre d’opérateurs agricoles produisant un même produit; cependant, il n’y
a pas de réponse à la question sur comment ceux-ci parviennent à faire face à la concurrence
sur les marchés cibles. L’explication est à chercher dans le mode de structuration et de ges-
tion d’un groupement déterminé; cela sera l’un des aspects traités dans des paragraphes qui
suivent (Barjolle et Chappuis 2000).

Les fonctions développées par une organisation collective peuvent être nombreuses et variées;
elles dépendent, entre autres, de la forme juridique, du nombre de membres, des marchés et
des canaux de distribution du produit traditionnel d’origine, de l’existence d’une indication
géographique, etc. Alors que certaines associations maintiennent un profil très bas et ont des
responsabilités très limitées, d’autres jouent un rôle essentiel pour leurs membres. Le groupe-
ment de valorisation est souvent très actif quant à la définition et à l’établissement des stan-
dards de qualité et des procédures d’élaboration du produit “réinventé”. Ces normes sont
fixées dans ce qui est appelé le “cahier des charges”1, que tous les membres s’engagent à
respecter et à appliquer. L’organisation se charge de veiller au respect et à l’application de
ce document et aide les producteurs pour qu’ils puissent respecter les nouveaux standards
de qualité. De plus, parmi les principales fonctions du groupement figurent également le
développement de marchés et la promotion et la défense du label commun sous lequel un

1
L’expression “cahier des charges” est généralement utilisée pour se référer aux normes qui réglementent l’utilisation d’une indica-
tion géographique institutionnalisée. En se référant à une marque, on parle généralement de règlement d’utilisation. Ici, les termes “cahier
des charges” sont avant tout utilisés pour désigner les règles de production agréées entre tous les membres du consortium de qualité,
indépendamment du fait que l’on souhaite protéger un produit traditionnel d’origine par indication géographique ou par une marque.

20
Guide pour la création d’un consortium de qualité

produit traditionnel d’origine a été enregistré. Dans ce contexte, de nombreuses organisations


collectives choisissent de miser sur l’obtention d’une indication géographique. Cela implique
normalement la réalisation d’un travail de relations publiques et l’exercice de la pression
politique nécessaire à obtenir la reconnaissance de l’État. Après avoir obtenu la protection,
le groupement se charge de la représentation et de la tutelle de l’indication géographique.
Chacun de ces points sera approfondi dans la suite de ce document.

2.2. La promotion du développement


rural
Les groupements de valorisation se situent très souvent
dans des zones rurales socioéconomiquement margi­
nales, dont les caractéristiques géographiques ­naturelles
rendent difficile — voire empêchent — la production
en masse et à faible coût de produits agro-industriels.
Pour les agriculteurs et pour les petites et moyennes
entreprises (PME) de transformation qui opèrent dans
ces régions, il est pratiquement impossible de faire face
individuellement à la concurrence de produits indus-
triels standardisés et bon marché; la coopération relative à une stratégie de différenciation y
devient donc un besoin de tout premier ordre pour pouvoir subsister (Barjolle et Chappuis
2000; Barjolle et al. 2005). La collaboration des opérateurs ruraux dans le cadre d’une asso-
ciation jette les bases pour permettre de transformer une faiblesse en une force, car ce
ca­ractère unique et spécial des produits traditionnels d’origine est souvent conféré par les
conditions géophysiques compliquées. Les groupements sont considérés comme des outils
pour promouvoir le développement rural, car ils permettent l’exploitation du potentiel latent
de régions peu compétitives sur le plan économique, là où la mécanisation est difficile ou
coûteuse. La Champagne (France), par exemple, a toujours été une région pauvre et
économiquement déprimée. Pour faire face aux difficiles conditions climatiques, les viticulteurs
se sont vus obligés de développer des techniques et des modes de production spécifiques. À
ce jour, la région est largement connue et bénéficie d’une économie dynamique grâce aux
ventes de ce vin effervescent si célèbre et si spécial de la région (Van de Kop et Sautier cités
dans: Van de Kop et al. 2006; FAO 2008).

Il est possible d’atteindre des impacts simultanés dans plusieurs domaines de développement
rural à travers la promotion des produits traditionnels d’origine. En premier lieu, les méthodes
d’élaboration artisanale, généralement utilisées pour produire des produits typiques, entraînent
souvent un taux d’emploi et une sécurité de l’emploi plus élevés, car ils impliquent des sys-
tèmes de production extensifs qui valorisent les connaissances et les capacités locales et
autochtones. Le maintien de l’emploi dans les régions agricoles permet de freiner l’exode
rural. Par ailleurs, les produits traditionnels peuvent également servir de “produits phares”
de leur région d’origine et augmenter ainsi la visibilité de régions auparavant marginales. De
fait, ceux-ci peuvent contribuer à développer le tourisme rural, par exemple, au moyen de
routes gastronomiques (Addor et al. 2003; FAO 2008; Wiskerke 2007).

Le parcours du fromage français à indication géographique Comté est très révélateur. La


filière de ce produit permet d’employer cinq fois plus de personnes que celle du fromage
générique emmental, dont la production est totalement industrielle et qui est élaboré dans la
même zone. De plus, la qualité de l’emploi créé par la production du Comté est bien meil-
leure que celle de son rival. Par conséquent, l’exode rural dans la zone de production de

21
La valorisation des produits traditionnels d’origine

l’aliment à indication géographique représente uniquement la moitié du pourcentage prédomi-


nant dans des régions limitrophes. L’excellente intégration du Comté dans son environnement
territorial a également permis de développer le tourisme grâce à une alliance publique-privée
qui se trouve reflétée dans les itinéraires gastronomiques du Comté (Gerz et Dupont cités
dans: Van de Kop et al. 2006).

Par ailleurs, les groupements de valorisation sont habituellement considérés comme des outils
précieux pour renforcer un secteur agricole plus diversifié et orienté vers le bénéfice et
l’innovation. En effet, les acteurs économiques, dont les produits ont atteint un certain renom
sur les marchés grâce à leur excellente qualité, sont généralement prêts à investir dans
l’amélioration ou, le cas échéant, dans l’élargissement de la gamme de leurs articles afin de
conserver leur position concurrentielle. Les procédures de contrôle de la qualité — très sou-
vent mises en place dans le cadre d’un groupement, de sorte que les membres appliquent le
cahier des charges commun de manière satisfaisante — représentent également un avantage.
Les vérifications et les inspections touchant plusieurs maillons, voire tous les maillons, de la
filière, contribuent à augmenter la sécurité du produit et facilitent la mise en place de ­systèmes
de traçabilité (Addor et al. 2003; FAO 2008; Wiskerke 2007).

Un autre point méritant d’être souligné est le rôle essentiel que peuvent jouer les groupe-
ments de valorisation dans la préservation du legs culinaire, culturel et écologique d’une
région déterminée. Ces associations ne sont pas uniquement des moyens utiles pour conserver
le savoir-faire et les connaissances traditionnelles engagés dans le processus d’élaboration ou
de fabrication d’un produit déterminé; elles peuvent également contribuer à maintenir la
biodiversité, l’écosystème et les paysages. En effet, les processus de production ancestraux
respectent généralement l’environnement; dans la pratique, tous les produits traditionnels
d’origine ne sont bien sûr pas élaborés selon des méthodes anciennes ou d’une manière
extensive. Mais le bilan final des impacts obtenus grâce aux groupements est normalement
toujours constatable. Les cas d’étude existants indiquent “que les alliances d’aliments certifiés
sur la base de l’origine ont des “externalités négatives” réduites et des “externalités positives”
élevées sur le territoire de production rurale” (Barjolle et al. 2005: 117; libre traduction).

Les autorités gouvernementales des pays faisant la promotion des produits traditionnels
d’origine et disposant de systèmes de protection d’indications géographiques sont générale-
ment conscientes des multiples bénéfices qui en découlent. Par exemple, l’un des objectifs
clairs de la politique de l’UE en matière d’indications géographiques est précisément de
promouvoir le développement rural. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que la recon-
naissance officielle d’une indication géographique pour un produit typique ne fait que ren-
forcer les impacts socioéconomiques qui s’obtiennent par la stratégie de valorisation de
celui-ci; elle ne les crée pas. Les bénéfices ou, le cas échéant, les préjudices, sont toujours
préalables à l’enregistrement et dérivent du projet misant sur la différenciation en elle-même,
ainsi que de l’articulation et du fonctionnement d’un groupement donné (Reviron et Paus
cités dans: Gerz et al. 2008; Bramley et Kirsten 2007; El Benni et Reviron 2009; Marescotti
2003; Barjolle et al. 2007).

ENCADRÉ 4. Mexique: le fromage Cotija de Jalmich

Lorsque le projet de valorisation et de protection du fromage Cotija authentique a été


lancé, à la fin des années 1990, sa disparition semblait très probable. À cette époque, les
rancheros (fermiers) de la Sierra mexicaine de Jalmich produisaient ce fromage depuis déjà

22
Guide pour la création d’un consortium de qualité

plus de 400 ans, un produit qui doit son nom à un village de la région. Cet aliment si typique
avait toujours été très ancré dans le système socioéconomique des rancheros, basé sur
l’élevage, la culture itinérante de maïs et la production saisonnière de fromage affiné à
partir de lait de vache. Longtemps, cet aliment a même constitué un pilier essentiel de
l’économie locale; mais l’urbanisation et la modernisation ont provoqué l’abandon progres-
sif des fermes et la dégradation des conditions de vente du fromage artisanal typique,
celui-ci devant soudain faire face à la concurrence d’imitations industrielles plus économi-
ques de fromages appelés “type Cotija”. À la fin du xxe siècle, seules 200 familles marginales
de fermiers continuaient l’exploitation agropastorale traditionnelle.
Dans les zones isolées de la Sierra de Jalmich, où il n’existe que très peu d’opportunités
économiques et où les conditions géophysiques difficiles ne permettent pas de mettre en
œuvre des méthodes de production intensives et industrielles, les habitants se trouvaient
devant l’alternative de continuer avec le système socioéconomique traditionnel ou
d’émigrer. Les trois promoteurs de l’initiative de valorisation — deux académiciens et un
homme politique municipal mexicains — estimèrent que le seul moyen de préserver la
culture fermière et le patrimoine historique s’y associant était d’inverser le processus de
dévalorisation du fromage Cotija authentique et de lui rendre son importance économi-
que de manière à assurer des revenus décents aux producteurs. Même si, au début, l’objectif
principal était d’obtenir une indication géographique pour l’aliment typique de façon à le
protéger et à le différencier des copies industrielles, il s’est rapidement avéré clair que le
problème à aborder était bien plus complexe.
Protéger légalement la typicité du fromage fait à base de lait frais n’était pas suffisant. Il
fallait également améliorer la régularité de la qualité du produit et assurer sa sécurité sani-
taire pour le rendre compétitif sur le marché. Ce n’est qu’en innovant que la tradition
pouvait être maintenue. De plus, il était indispensable de sortir les fermiers de l’isolement
et de l’oubli de la part des institutions en le regroupant au sein d’organisations pour la
défense collective du fromage Cotija.
Les trois promoteurs commencèrent leur projet avec huit fermiers qui voyaient dans cette
initiative une voie leur permettant à la fois de préserver leur style de vie et d’éviter d’émigrer.
L’un des premiers objectifs fut d’élaborer le cahier des charges pour le fromage Cotija.
En collaboration avec les producteurs, les promoteurs réinventèrent le produit, en associant
les pratiques de production ancestrales et le savoir-faire local avec les connaissances
scientifiques.
En 2001, les premiers producteurs décidèrent de formaliser le processus associatif qui se
mettait en marche progressivement dans la Sierra de Jalmich grâce aux trois promoteurs.
L’Association régionale des producteurs de fromage Cotija (ARPQC — sigle en espagnol)
vit alors le jour; l’organisme est donc, depuis lors, un organe de coopération collective des
fermes et une représentation officielle face aux institutions publiques. Au fil des années
suivantes, l’ARPQC a connu une forte croissance puisque que, à ce jour, elle compte parmi
ses membres presque la moitié des 200 fermes existantes.
En parallèle, en 2002, à partir de l’initiative des trois coordinateurs, 25 groupes de proxi-
mité ont été constitués, servant de plates-formes organisationnelles informelles afin que
toutes les familles des fermiers de la région puissent se faire entendre et contribuer à
l’identification des facteurs conditionnant la commercialisation du fromage Cotija, et donc
le développement local. Il s’avéra rapidement que l’introduction de nouvelles pratiques

23
La valorisation des produits traditionnels d’origine

d’élaboration du fromage et d’exploitation de l’élevage n’était pas suffisante; il était égale-


ment essentiel d’améliorer les technologies de production des fermes, et d’étendre
l’infrastructure publique ainsi que la couverture des services de base.
À mesure que l’initiative avançait, elle attirait de plus en plus l’attention d’individus et
d’organismes publics qui souhaitaient s’engager dans le développement de la production
de fromage. Il était donc nécessaire de coordonner les diverses activités d’appui technique,
financier, administratif et commercial des divers acteurs. C’est dans ce but qu’en 2003 a été
créée l’association “Pro Sierra de Jalmich” qui regroupait des représentants de tous les
organismes engagés dans le processus de valorisation du fromage Cotija: les promoteurs,
l’ARPQC, les groupes de proximité, les institutions politiques municipales et nationales ainsi
que les organismes publics de développement rural, productif et commercial.
À cette époque et en coopération avec l’ARPQC, les coordinateurs ont commencé les
démarches destinées à la protection légale de l’appellation “Cotija”. La demande d’indication
géographique institutionnalisée a été refusée car le nom du fromage traditionnel était
­considéré comme étant devenu un terme générique. Cependant, la demande d’en­
registrement de la marque collective “Cotija région d’origine” a été approuvée en 2005.
Étant donné qu’au début il a été impossible d’établir les procédures de certification néces-
saires à garantir le respect du règlement d’utilisation de la marque, celle-ci ne pouvait pas
être utilisée pour les activités commerciales qui, de toute façon, ne dépassaient pas l’échelle
locale. Cependant, son obtention permit de faire de la publicité pour le produit et d’en
améliorer la réputation.
Grâce à la persévérance, l’amélioration de la qualité a pu progresser au fil des années.
L’engagement des producteurs et des acteurs publics dans le projet a permis d’introduire
progressivement de bonnes pratiques de traite et d’élaboration du fromage, avec une
institutionnalisation des contrôles sanitaires du bétail, une amélioration de l’équipement de
production des fermes et un élargissement des infrastructures routières. En même temps,
l’aspect promotionnel du fromage Cotija n’a pas été oublié. Grâce à ses promoteurs, cet
aliment traditionnel, qui s’était vu de plus en plus oublier, commença à réapparaître dans de
nombreuses foires locales et nationales. L’année 2006 marqua un tournant lorsqu’un mor-
ceau de fromage Cotija affiné se vit décerner le prix du “meilleur fromage étranger” à
l’occasion d’un concours international organisé en Italie.
La croissance du pouvoir de négociation des fermiers face aux grossistes — auxquels ils
avaient toujours vendu — a été possible grâce à la conjugaison d’une augmentation
progressive de la qualité et d’une prise de conscience graduelle de la valeur réelle du
produit de la part des producteurs. Le prix du fromage Cotija augmenta de 50 % dans la
vente en gros pendant les premières années de l’initiative, passant de 30-40 pesos/kg à
60-70 pesos/kg; tous les producteurs de Jalmich ont pu bénéficier de cette augmentation,
y compris ceux qui s’étaient le moins engagés envers le projet et qui n’avaient pas voulu
intégrer l’ARPQC.
L’initiative a obtenu récemment deux nouveaux succès. À la fin de l’année 2008 a eu lieu
l’inauguration du Centre de production du fromage Cotija, la plus grande cave d’affinage
de fromages du Mexique. Les fermes disposent enfin des installations et de l’équipement
technologique appropriés pour que la conservation, la coupe et l’emballage de cet ali-
ment puissent être mis en œuvre dans d’excellentes conditions sanitaires. D’autre part,
à la mi-2009, après plusieurs années de démarches, la norme officielle mexicaine

24
Guide pour la création d’un consortium de qualité

(NOM)* pour le fromage Cotija artisanal affiné a été publiée. Il s’agit d’un véritable repère
historique car les NOM existant jusqu’alors pour les fromages prévoyaient l’utilisation de
lait pasteurisé pour leur élaboration. Le fromage originaire de Cotija ne pouvait donc pas
y trouver sa place. Mais, maintenant, le Cotija authentique pourra être lancé sans obstacles
sur les marchés aux niveaux national et international. Un accord a été signé récemment
avec une importante enseigne de la distribution mexicaine pour l’achat de Cotija à
200 pesos/kg. De plus, les activités de promotion extérieure, actuellement en cours grâce
à l’aide publique, devraient servir à exporter le fromage au prix de 400 pesos/kg.
La NOM du Cotija pose les fondements permettant de combattre la concurrence déloyale
de produits industriels sur la base de la spécificité et de l’unicité du fromage. L’Institut mexi-
cain de la propriété industrielle a récemment fait savoir que, d’ici à quelques années,
l’attribution d’une indication géographique institutionnalisée à cet aliment typique entrerait
dans le domaine du possible; il ne reste qu’à rehausser encore davantage les standards
d’hygiène dans les fermes. Il y a encore un autre défi à relever, celui de la pleine appropria-
tion de l’initiative de la part des producteurs et de l’ARPQC qui les représente, étant
donné que, jusqu’à présent, le rôle des promoteurs reste toujours très important.
Source principale: Pomeón 2007
Autres sources: Agence Réforme 2009; Medios Libres 2009; Quadratin 2008; Semanario Guía 2009; Semanario
Guía 2008
* Les normes officielles mexicaines (NOM) fixent les règles, les attributs et les procédures de production et
d’élaboration de différents produits au niveau national.

2.3.  Les consortiums de qualité — liberté d’action et dépendance


Il existe une grande variété d’organisations collectives veillant sur les produits traditionnels
d’origine; mais les consortiums de qualité représentent l’une des formes les plus communes.
En effet, dans l’UE, les consortiums de qualité2, suivis des coopératives, constituent la structure
d’organisation la plus répandue (Barjolle et al. 2005). Ces deux formes d’organisation se
retrouvent également dans les pays en voie de développement et en transition, même si, dans
ce cas-là, les structures associatives privées ont souvent moins de poids; de leur côté, les accords
bilatéraux directs entre opérateurs économiques et l’intervention publique jouent un rôle très
important dans les processus de gestion et de promotion des produits traditionnels d’origine
(Paus 2008).

Les consortiums de qualité sont des alliances volontaires de producteurs individuels,


d’entreprises ou de coopératives d’une même filière avec, pour objectif, la “création” et la
promotion d’un produit de qualité à haute valeur ajoutée. L’union autour d’un même produit,
pour lequel tous les membres du consortium sont engagés dans le processus de production
et/ou de commercialisation, engendre des relations multilatérales de dépendance entre eux.
Les consortiums représentent un moyen formel de coordination de ces relations de dépen-
dance et de coopération stratégique à long terme, sans qu’il soit nécessaire de développer
une structure d’intégration hiérarchisée. Le consortium ne développe généralement pas
2
Le type d’organisation dénommé consortium de qualité dans ce document est connu sous des noms divers dans différents pays.
En Italie, le terme utilisé est “Consorzio di Tutela” plutôt que “Consorzio di Qualitá”; en France, on parle normalement de “Syndicat
de défense” ou d’“Organisme de défense et de gestion”; pour leur part, les pays ibéro-américains emploient habituellement les mots
“Consejo Regulador”. Ces termes s’utilisent généralement pour désigner des structures associatives veillant sur les indications géo-
graphiques institutionnalisées. Mais, dans ce document, le concept de consortium de qualité est employé pour se référer à un certain
type d’organisation approprié à la définition mentionnée ci-avant, indépendamment de l’existence d’une indication géographique
institutionnalisée.

25
La valorisation des produits traditionnels d’origine

d’activités commerciales; les membres maintiennent donc leur autonomie financière et


juridique et conservent leur liberté d’action commerciale, technique et de gestion dans les
marges fixées par le cahier des charges commun et, le cas échéant, par le règlement interne
établi3 (Barjolle et al. 2005; Barjolle et al. 2007; Reviron et al. 2004). La marge d’indépendance
gardée par les opérateurs économiques est bien supérieure à celle d’autres types d’alliances
tels que les coopératives. En raison de la flexibilité relative offerte par ces groupements, le
coût pour en être membre est comparativement peu élevé.

Les consortiums de qualité peuvent être essentiellement subdivisés en deux types d’organisations,
indiqués ci-après:

• Le consortium interprofessionnel est intégré par des membres de différents maillons d’une
même filière, comme les producteurs de matières premières, les entreprises de transfor-
mation primaire, les entreprises de transformation secondaire et même, parfois, les gros-
sistes ou les détaillants. En Europe, les consortiums interprofessionnels sont les plus
répandus (Reviron et al. 2009; Barjolle et al. 2005).
• Le consortium professionnel est uniquement intégré par les opérateurs d’un même maillon
de la filière; dans la pratique, ce type d’organisation est généralement composé d’entreprises
de transformation et il apparaît normalement en cas de lien faible entre celles-ci et les
producteurs primaires d’un produit donné. Très souvent, le consortium professionnel appa-
raît dans des secteurs où une ou deux entreprises dominent clairement le marché; tout en
ayant souvent une part de marché supérieure à 70%, celles-ci ont intérêt à collaborer avec
d’autres entreprises plus petites pour arriver à des accords sur la qualité du produit et
pour renforcer leur position dans les négociations avec les institutions publiques. Cepen-
dant, les expériences recueillies dans quelques cas d’étude semblent indiquer que les
­consortiums professionnels sont souvent confrontés à des problèmes de faiblesse au niveau
de l’organisation et de la gouvernance. Lorsque le cahier des charges du consortium inclut
des clauses qui concernent plus d’un maillon de la filière, il peut arriver qu’un consortium
professionnel se transforme en alliance interprofessionnelle. Dans le cas du fromage italien
Parmigiano Reggiano, ce qui était auparavant un consortium d’entreprises de transforma-
tion est devenu, à un moment donné, une organisation interprofessionnelle plus large afin
d’intégrer aussi les affineurs (Reviron et al. 2009: 17; Paus 2008).
• La taille des consortiums varie considérablement; il en existe des petits, comptant quelques
douzaines de membres, et aussi des plus grands qui en regroupent des centaines; en
principe, les consortiums interprofessionnels ont tendance à être plus grands. Les
­consortiums sont généralement des associations ou des fondations à but non lucratif,
ayant une personnalité juridique propre et veillant à la représentativité paritaire des intérêts
économiques et sectoriels impliqués. Lorsque le produit traditionnel d’origine obtient le
statut d’indication géographique institutionnalisée, les consortiums — dans le cadre de
certaines législations nationales — peuvent devenir, dans une certaine mesure, les prin-
cipaux dépositaires de cette indication et ils peuvent se transformer en organismes de
droit public. La gestion des consortiums est effectuée par une assemblée de délégués, où
sont représentés tous les maillons de la filière, et d’un conseil de direction normalement
composé d’un président, d’un secrétaire et de plusieurs membres. Au sein du groupement,
toutes les décisions sont prises de façon collective et démocratique; mais cela n’empêche
pourtant pas les divers groupes d’opérateurs représentés de chercher à influencer les
décisions. Quant au financement, les revenus des consortiums proviennent généralement
des cotisations de leurs membres, de paiements pour services et d’aides publiques ­(Belletti
et al. 2007; Reviron et al. 2009).

3
Dans ce contexte, le consortium Melinda est évidemment une exception (voir p. 48).

26
3.  La création d’un consortium de qualité
Il existe de nombreuses variantes de consortiums de qualité, ce qui rend difficile l’établissement
de directives standard qui pourraient être largement appliquées dans différents pays. De plus,
la majorité des cas étudiés provient d’Europe, la région où sont nés les premiers groupements
et où ils sont les plus répandus encore aujourd’hui. Il n’est pas toujours fructueux d’essayer
d’extrapoler les expériences européennes à d’autres continents. Dans les paragraphes suivants,
on ne prétend pas donner des prescriptions à suivre, mais plutôt souligner les considérations
pratiques clés dont il faut tenir compte pour promouvoir et guider la création d’un consortium
de qualité.

On peut dire la même chose de la structuration chronologique d’un projet de valorisation


­collective d’un produit typique. Il est difficile d’établir de manière générale les étapes séquen-
tielles devant être complétées l’une après l’autre, car il est évident que toutes les filières des
divers produits concernés ne sont pas structurées de la même façon, ou encore que tous n’ont
pas les mêmes niveaux d’intégration entre acteurs et qu’ils n’ont pas les mêmes caractéristiques
techniques. De plus, les objectifs primaires des opérateurs engagés dans la stratégie de valorisa-
tion conjointe peuvent varier considérablement d’un projet à un autre. Ces considérations ont
motivé l’organisation des chapitres suivants par thème plutôt que par ordre chronologique.

Dans tous les cas, si l’on fait en sorte d’établir avec toutes les précautions d’usage les modèles
séquentiels destinés à refléter les parcours des divers groupements, on distingue grosso modo
deux parcours possibles; l’un pouvant être qualifié de “court” et l’autre, de “long”.

Lorsque les membres d’une filière disposent dès le début de larges ressources techniques,
financières, commerciales et relationnelles, il peut être approprié de travailler selon une
approche méthodologique initiale “courte” qui donne la priorité à l’enregistrement rapide
d’un label collectif (indication géographique ou bien une autre marque à usage partagé). À
l’origine, le consortium de qualité est une plate-forme pour coordonner et mener à bien le
processus d’obtention du label; cela implique au minimum l’élaboration du cahier des charges,
la mise en place des démarches administratives nécessaires et, le cas échéant, le développe-
ment des activités de promotion et de lobbying nécessaires pour obtenir une indication
géographique. Cependant, et au plus tard après avoir obtenu le label, le rôle du consortium
devient plus important. Il doit en effet assumer des responsabilités additionnelles puisque, si
le groupement ne fonctionne pas correctement, l’indication géographique — ou, le cas ­échéant,
la marque — n’obtiendra probablement pas l’impact recherché. Les cas d’étude sur le pain
de seigle suisse (voir p. 33) ou la pomme Melinda (voir p. 48) pourraient s’inscrire plutôt
dans ce type de parcours “court”.

De plus, lorsque les opérateurs concernés par l’élaboration d’un certain produit traditionnel
d’origine n’ont pas les connaissances, les capacités ou les moyens de production nécessaires

27
La valorisation des produits traditionnels d’origine

pour répondre aux exigences habituelles des marchés, l’obtention d’une indication géographique
ou de tout autre label collectif peut difficilement s’ériger en priorité. Ce doit plutôt être un
objectif à long terme. Du point de vue méthodologique, le groupement collectif a tout d’abord
la fonction de coordonner, de soutenir et de mettre en place les activités nécessaires à la
valorisation collective du produit, et pour en faire un article pouvant être vendu à plus grande
échelle. Le consortium peut évidemment décider d’enregistrer un label collectif lors d’une
étape initiale, mais il n’y aurait que peu d’effets pratiques, cela pour deux raisons: si les
opérateurs de la filière ne respectent pas le cahier des charges, ils n’auront pas automatique-
ment le droit de travailler avec le label en question. Par ailleurs, si le titulaire du label ne
dispose pas des mécanismes de contrôle nécessaires pour garantir que celui-ci est utilisé
conformément au cahier des charges, aucun utilisateur potentiel ne pourrait être autorisé à
l’utiliser dans le commerce. Le cas du fromage Cotija illustre bien le point qui précède et
sert d’exemple pour le type de parcours “long” (voir p. 22).

La différence principale entre les deux types de parcours séquentiels correspond au moment
de l’enregistrement effectif du label collectif et au rôle méthodologique initial attribué au
consortium de qualité. Cependant, les deux parcours coïncident avec un autre moment. Après
que le produit traditionnel d’origine a été réinventé au sein du consortium et après son
enregistrement sous un label commun, les défis auxquels se voit confronté le groupement
sont en principe les mêmes. L’encadré 5 reconstruit approximativement les étapes devant être
suivies, en général, pour mettre en marche un consortium de qualité; il est évident que beau-
coup de ces points sont également applicables à d’autres formes d’association et qu’ils ne
sont pas limités au consortium de qualité en tant que type de groupement spécifique.

28
ENCADRÉ 5. Établissement séquentiel d’un consortium de la
Guide pour qualité
création d’un consortium de qualité

Analyse du potentiel du produit traditionnel d’origine (spécificité, demande, réputation, volume de


production, structure de production)

Réunions initiales d’information pour promouvoir le consortium de qualité (intégration démocratique


de représentants de tous les maillons de la filière, recherche de leaders du processus associatif, travail avec
des associations de producteurs qui existent déjà)

Définition collective d’objectifs (objectifs économique: défense du nom traditionnel du produit, différentia-
tion, maintien d’un système de production extensif, pénétration de nouveaux marchés, amélioration des
revenus de producteurs primaires; objectifs non économiques: maintien des traditions, biodiversité, lutte
contre la bio-piraterie, valorisation du territoire; objectif juridique: indication géographique, marque
collective, marque de certification)

Structuration informelle de l’association d’opérateurs économiques (élection de représentants, désigna-


tion du conseil de direction, élaboration d’un règlement interne, premiers apports de capital)

Élaboration collective du cahier des charges (en fonction des objectifs économiques, non économiques et
juridiques; aspects techniques et scientifiques + savoir faire pratique pour assurer la différentiation, la
qualité et la salubrité du produit)

Élaboration collective du plan d’amélioration (planification des changements techniques, organisationnels


et structurels nécessaires à répondre aux standards du cahier des charges)

Début de la mise en œuvre du plan d’amélioration au niveau individuel/ collectif qui culmine plus tard
avec la mise en oeuvre du cahier des charges (normalisation, traçabilité , technologies de production,
gestion d’entreprise, innocuité du produit  recherche de soutien finacier et technique externe)

Constitution juridique du consortium

Enregistrement du label collectif (analyse comparative des avantages/inconvénients de l’indication géogra-


phique par rapport à la marque; pour démarches d’une indication géographique: lobbying institutionnel,
fixation d’une aire de production et, le cas échéant, renégociation du cahier des charges avec des tiers)

Élaboration d’un business plan (activités de promotion, marketing collectif )

Recrutement d’un directeur pour le consortium

Début de la mise en œuvre du business plan ( recherche de partenaires commerciaux compatibles avec
les objectifs économiques et non économiques, recherche d’alliances territoriales)

Obtention du label collectif (marque ou indication géographique)

Mise en marche de mécanismes de certification internes et/ou externes pour contrôler le respect du
cahier des charges (en fonction des ressources économiques disponibles; aide aux membres du consortium
pour obtenir la certification  recherche de soutien financier et technique externe)

Plein fonctionnement du consortium (coordination des transactions entre opérateurs, amélioration conti-
nue de la qualité, contrôle de l’opportunisme, gestion des volumes de production, promotion, etc.)

Note: l’ordre chronologique des étapes pour l’établissement d’un consortium de qualité peut varier.
Source: élaboration de l’auteur (dessins: http://design-download.blogspot.com/)

29
La valorisation des produits traditionnels d’origine

3.1.  De quel produit partir?


Pour qu’un produit traditionnel d’origine puisse avoir du
succès sur le marché, il est important qu’il ait une grande
spécificité liée au milieu géographique dans lequel il est
produit (facteurs naturels, climatiques et/ou humains).
Cela a été révélé par une étude empirique élaborée à partir
d’un échantillon de produits à indication géographique. Il
est important que l’article de vente soit très différencié et
que ses caractéristiques ou, le cas échéant, ses attributs
organoleptiques et aussi sa désignation permettent de le
distinguer clairement et objectivement des produits stan-
dard de substitution. Il est essentiel que le consommateur
perçoive et puisse faire la différence, qu’il associe le territoire en question avec le produit (Barjolle
et Sylvander 1999; Boutonnet et Damary cités dans: Gerz et al. 2008).

Si, dès le début, la stratégie de valorisation conçue envisage l’obtention d’une indication
géographique, l’article doit respecter des conditions additionnelles. En effet, pour qu’un produit
puisse éventuellement être enregistré sous cette modalité légale, il doit déjà avoir une certaine
popularité et un certain renom parmi un grand nombre de consommateurs en tant que produit
de qualité d’une certaine région. De même, dans l’UE et dans de nombreux autres pays ayant
suivi le modèle juridique européen, les produits pour lesquels on veut opter pour une indica-
tion géographique doivent avoir une certaine tradition démontrable (Reviron et al. 2009).

Toutefois, dans la pratique, la notoriété et l’enracinement d’un produit ne sont pas néces-
sairement des données complètement objectives. Derrière un produit ancestral, il y a toujours
un fond historique où se confondent la légende et les données empiriques. Il faudrait même
ajouter que, “grâce à une campagne de publicité calculée pour créer l’impression de profondes
racines culturelles, les produits peuvent devenir célèbres du jour au lendemain. Un bon
exemple en est le jambon d’Aoste, Aoste n’étant guère plus qu’une marque commerciale.”
(Berard et Marchenay 2008: 23; libre traduction). D’autre part, même dans les cas où le legs
historique associé à un aliment n’offre aucun doute, la popularité du produit peut être aug-
mentée au moyen de sa “réinvention” réussie à des fins promotionnelles dans le cadre d’un
consortium de qualité. Dans une grande mesure, c’est la stratégie de différenciation en elle-
même, suivie par le consortium de qualité qui, peu à peu, fera augmenter la notoriété du
produit. Par conséquent, lorsqu’il s’agit d’établir un consortium de qualité, l’exigence du
renom doit être considérée d’une manière équilibrée.

De plus, il peut être utile de travailler avec un produit pouvant réussir à obtenir, ou ayant
déjà obtenu, d’autres labels de garantie complémentaires (produit biologique, commerce
équitable, etc.). À travers différentes certifications, il est possible de répondre simultanément
aux besoins et aux désirs de groupes de clients hétérogènes et donc de couvrir des segments
de marché plus larges. Il ne faut cependant pas perdre de vue qu’il est rarement possible
d’accumuler les surprix pouvant être obtenus de chaque label. Il ne faut pas non plus
oublier qu’il peut souvent y avoir des synergies entre plusieurs processus de certification,
contribuant à diminuer les coûts de mise en œuvre et de contrôle. Les produits tradition-
nels d’une zone géographique donnée sont fréquemment réalisés de manière biologique et
soutenable. En outre, de nombreux consortiums de qualité fonctionnent démocratiquement,
répondent à grands traits aux conditions nécessaires à la certification de commerce équitable
et commercialisent des produits pour cette niche de marché (Marette 2009; FAO 2008;
Reviron et al. 2009). En Indonésie, par exemple, dans le cadre d’une importante initiative

30
Guide pour la création d’un consortium de qualité

dont l’objectif final était d’enregistrer le café Kintamani Bali Arabika comme indication
géographique, la certification biologique pour ce produit a été obtenue d’abord (Gerz cité
dans: Gerz et al. 2008).

Par ailleurs, il est également important de tenir compte de la structure productive du produit
traditionnel d’origine. Toute stratégie de valorisation conjointe exige des sacrifices de la part
des opérateurs économiques concernés, et pas uniquement en termes économiques. Ils doivent
investir du temps, faire des efforts pour coordonner leurs activités avec les autres acteurs
impliqués, être prêts à apprendre et à appliquer de nouvelles pratiques de production ou des
innovations techniques permettant d’améliorer la qualité. Et même lorsqu’il est possible de
recourir à d’importantes aides externes de type financier et technique, il existe toujours un
coût d’opportunité pour les producteurs. Dans quelques contextes locaux, les pressions
socioéconomiques peuvent être si fortes que la réinvention collective du produit devient un
besoin. Dans d’autres cas, il peut exister des limites dans la motivation et l’intérêt des acteurs
concernés à s’impliquer ensemble; et pas uniquement lorsqu’il s’agit d’opérateurs économiques
bien établis sur le marché.

Comme cela a pu être observé dans des contextes ruraux européens, les producteurs primaires
peu compétitifs peuvent également avoir une raison de ne pas vouloir participer à l’initiative.
C’est ainsi que, par exemple, les agriculteurs d’un certain âge qui travaillent seuls dans leurs
champs, sans appui familial et sans successeurs pour leurs fermes, se montrent souvent réticents
à s’engager dans des projets ambitieux (Vuylsteke et al. 2003). Il ne faut pas oublier non plus
que de nombreux produits traditionnels ont peu d’importance économique pour leurs zones
d’origine respectives et pour leurs producteurs. Très souvent, les principaux revenus des opéra-
teurs impliqués ne dépendent pas du produit et celui-ci n’est destiné qu’à la consommation
propre ou à l’obtention d’un revenu additionnel. Dans ces cas-là, il peut être difficile d’obtenir
que les producteurs s’engagent dans un projet de différenciation et d’amélioration de la qualité.
Cependant, par fierté des traditions, en raison de la préoccupation envers la biodiversité ou
de l’intérêt pour maintenir les pratiques ancestrales, ces producteurs semi-professionnels peu-
vent chercher une voie associative pour protéger le legs historique. Mais bien sûr, dans ces
contextes-là, le consortium de qualité ne représente pas nécessairement la forme d’organisation
la plus adéquate (Marescotti 2003; Tregear 2004; Carbone 2003).

Il est évidemment impossible de prévoir avec exactitude le degré possible d’intérêt des divers
groupes d’opérateurs ou encore d’en établir une typologie commune; mais ce n’est pas là
l’objectif de la réflexion précédente. De plus, même si la motivation des acteurs engagés est
a priori très élevée, il est également évident que celle-ci n’est pas une donnée inaltérable. À
travers des incitations appropriées et une bonne coordination, il est possible de vaincre les
réticences qui peuvent surgir au sein d’un certain maillon de la filière, comme l’illustre bien
le cas du jambon de Teruel (voir p. 40).

3.2.  Comment lancer une initiative?


En Europe, la grande majorité des consortiums de qualité existants a vu le jour grâce à la
détermination et à l’initiative de quelques professionnels appartenant à la filière d’un produit
donné. Souvent, les projets ont pu compter sur l’appui d’autorités publiques, mais celles-ci
n’ont pas représenté la force motrice du processus. Le cas du pain de seigle du Valais a été
l’exception à la règle (voir p. 33). Ce qui précède s’oppose à la tendance prédominante dans
les pays en voie de développement, où les consortiums de qualité sont normalement le fruit
de l’initiative d’institutions publiques, d’organismes multilatéraux et d’ONG. Ces dernières

31
La valorisation des produits traditionnels d’origine

ont souvent un rôle clé dans les pays du Sud, en tant que promotrices du processus de
regroupement d’opérateurs agricoles et d’artisans. Très souvent, ce sont des employés de ces
organismes qui servent de médiateurs entre les producteurs concernés et qui facilitent la
coordination d’éventuelles divergences d’intérêts. En Europe, le promoteur du processus de
regroupement existe également, mais en général ce sont les propres membres du consortium
en gestation qui embauchent un professionnel pour les guider et leur servir de médiateur
pour le travail conjoint entre les différents maillons de la filière (Reviron et al. 2009).

Disons que les consortiums de qualité commencent généralement par être des groupes de
discussion informels et temporaires, où la vision d’un producteur ou d’une entreprise leader
oriente généralement la direction de la discussion. Dans un premier temps sont identifiés les
objectifs, les intérêts et les valeurs partagés; les motivations et les attentes des différents
opérateurs en ce qui concerne le consortium de qualité à créer sont également éclaircies.
Habituellement, d’importantes décisions stratégiques sont prises dès les premières réunions
informelles, qui seront répercutées de différentes manières sur les divers acteurs et maillons
de la filière. Par conséquent, lorsque l’objectif final d’une initiative est d’établir un consortium
interprofessionnel, il faut dès le début que tous les représentants de tous les niveaux de la
filière participent; c’est le seul moyen de s’assurer que tous les acteurs se sentiront ensuite
engagés de la même manière envers le projet. La tâche d’unir les différents acteurs autour
d’un projet commun est considérablement facilitée lorsqu’il existe une possibilité de travailler,
non pas avec des opérateurs individuels, mais avec des associations ou des structures collec-
tives préexistantes, même si celles-ci ont peu de poids (Sautier et Van de Kop cités dans:
Van de Kop et al. 2006; Barjolle et al. 2005; Reviron et al. 2009; Boutonnet et Damary cités
dans: Gerz et al. 2008; Wiskerke 2007).

Indépendamment de ce que peuvent être réellement les groupes d’acteurs économiques, il y


a en général deux grands ensembles. D’une part, quelques entreprises de transformation
artisanale ou industrielle et, d’autre part, un grand nombre de producteurs primaires dispersés.
Les premiers, bien que concurrents, se sentent la plupart du temps unis entre eux, car ils
font partie d’un même collectif professionnel. Au contraire, les producteurs primaires sont
en principe peu organisés; ils peuvent même éprouver des difficultés à percevoir qu’en fait
ils partagent certains intérêts stratégiques. Le plus souvent, ces opérateurs ne comprennent
pas toutes les dimensions du projet en commun et ont une attitude défensive et hostile
lorsqu’ils doivent observer des normes de production et des standards de qualité plus rigides
(Casabianca et al. 2000).

Le rôle du promoteur revêt donc une importance particulière dans ce contexte. À l’occasion
des premières réunions, il doit s’assurer que tous les participants disposent du même niveau
d’information. Lors de la discussion de thèmes aussi importants que le produit à réinventer,
les obligations des membres et les objectifs non strictement économiques du projet, il est
essentiel que les acteurs des divers maillons de la filière prennent conscience de la portée
éventuelle et des conséquences potentielles des décisions qui seront prises; c’est seulement
de cette manière qu’ils pourront faire valoir leurs intérêts dès le début (Barjolle et al. 2005;
Reviron et al. 2009; Boutonnet et Damary cités dans: Gerz et al. 2008).

Dans le cas de la Tequila mexicaine, par exemple, une grande majorité de paysans produisant
l’agave — ingrédient à la base de la boisson — ignorent encore, alors que le label d’origine
a été obtenu depuis longtemps, ce que signifie réellement le concept d’“indication
géographique”. En raison de leurs connaissances limitées, les paysans n’ont jamais pris
­conscience de l’importance du rôle qu’ils pourraient jouer dans la création de valeur ajoutée
s’ils valorisaient leurs pratiques de culture traditionnelles. Le manque d’information entre les

32
Guide pour la création d’un consortium de qualité

producteurs et leur capacité d’influence limitée au sein du groupement interprofessionnel de


la Tequila sont toujours allés de pair (Bowen 2007).

Il faut observer que le leadership fort d’un ou de plusieurs acteurs de la filière peut représenter
un facteur déterminant de succès lorsqu’il s’agit d’établir un consortium de qualité solide et
bien intégré. Cependant, il est nécessaire d’éviter dès le début que l’apparition de quelques
leaders n’empêche l’implication des producteurs primaires dans la gestion du groupement
(Roep et al. 2006).

ENCADRÉ 6. Suisse: le pain de seigle du Valais

L’idée de valoriser le pain de seigle typique est née dans le cadre d’une large stratégie de
développement rural que le canton suisse du Valais commença à élaborer au cours des
années 1990. À travers la promotion du produit traditionnel, on prétendait soutenir les
opérateurs économiques locaux, améliorer la visibilité du canton pour attirer les touristes
et affronter la menace de disparition de l’aliment élaboré et de son ingrédient de base, le
seigle. En effet, la survie de ce pain ne semblait pas garantie; un pain qui, durant des siècles,
avait été partie intégrante du régime alimentaire régional, le seigle étant la seule céréale
adaptée à un climat alpin hostile. Il fut donc décidé de profiter des nouvelles habitudes
alimentaires d’une partie croissante de la population se montrant de plus en plus soucieuse
d’acheter des produits sains, et de relancer le pain des “paysans pauvres” comme un ­produit
­diététique de niche, fortement différencié.

En 1997, un premier groupe, minuscule, de discussion, constitué de représentants de la


Chambre d’agriculture, du Ministère de l’agriculture cantonal, de deux moulins à farine
régionaux et de l’association régionale de boulangers se forma. Les acteurs s’accordèrent
sur le fait que, pour affronter le problème essentiel — le déclin de la production de
­seigle — et pour améliorer la compétitivité des opérateurs économiques, il était nécessaire
d’élaborer et de vendre d’une manière coordonnée un pain de seigle artisanal standardisé;
tous les acteurs partageaient des valeurs identiques et ils étaient motivés par la volonté de
promouvoir les ressources de la région. Dès ce premier stade, il fut décidé que l’obtention
d’une indication géographique serait une option à considérer dans un deuxième temps.

Au fil des longs mois suivants, le groupe de discussion commença à effectuer les tests
techniques nécessaires à l’élaboration du cahier des charges du produit; il profila aussi la
structure du consortium interprofessionnel tel qu’il existe à ce jour. Pour que l’initiative
puisse avancer, l’alliance fut élargie; il manquait des artisans boulangers locaux et, surtout,
des cultivateurs de seigle. En 2000, lorsque la production de seigle atteignit son niveau
historique le plus bas, l’intégration des agriculteurs dans le groupement était devenue un
besoin vital urgent. Le fait de ne pas avoir intégré les producteurs dès le début avait été
une erreur difficile à corriger; ceux-ci avaient toujours montré une attitude opportuniste
envers le projet et le motif principal de leur participation à l’association a toujours été le
surprix reçu pour le seigle par rapport à d’autres céréales.

À la fin des années 1990, l’alliance commença à fonctionner efficacement au niveau de la


production et de la promotion, mais ce fut seulement en 2001 que le consortium inter-
professionnel “Association du pain de seigle du Valais AOC” (www.walliserroggenbrot.ch)
fut établi officiellement et qu’un administrateur professionnel indépendant fut embauché.
En 2002 commença la certification du produit par l’Organisme intercantonal de

33
La valorisation des produits traditionnels d’origine

certification, conformément au cahier des charges élaboré au préalable par les acteurs. Il
ne m
­ anquait plus que l’obtention de l’indication géographique.
Le processus d’enregistrement se confronta à l’opposition inattendue de la part d’agents
concurrents sur le marché. Plus particulièrement, un important détaillant suisse, qui vendait
une copie industrielle du produit, insistait sur le fait que la désignation “pain de seigle du
Valais” n’était guère plus qu’un terme générique. L’appui de l’initiative de la part du Minis-
tère fédéral de l’agriculture fut l’élément clé pour vaincre les entraves légales et obtenir
l’indication géographique en 2004.
À cette date, les premiers résultats du projet apparurent. La production de seigle avait plus
que doublé en seulement trois ans et le consortium comptait déjà 90 membres bénéficiant
du surprix que les consommateurs payaient pour le produit typique avec une importante
valeur ajoutée. Surtout pour les petits boulangers et les deux moulins à farine membres,
l’initiative contribuait nettement à améliorer leur positionnement concurrentiel dans un
contexte de concurrence industrielle croissante et de concentration de la distribution au
niveau national. La stratégie de marketing régionale, axée sur la typicité et l’enracinement
local de l’aliment, avait un grand succès et l’obtention de l’indication géographique contri-
bua ultérieurement à renforcer l’image du produit auprès des résidents et des touristes.
Les membres du consortium n’ont jamais été les seuls à se préoccuper de faire connaître
le pain de seigle; d’autres appuis de très grande valeur ont été fournis par les efforts publics
et ceux de la presse régionale faisant de la publicité aux aliments traditionnels du canton
du Valais ou encore par les activités de promotion de l’Association suisse pour les ­indications
géographiques (www.aoc-igp.ch).
Toutes les étapes de l’initiative ont pu compter sur l’appui organisationnel, technique, légal,
logistique et financier de différents organismes publics, ce qui a été vital pour sa réussite.
Néanmoins, le projet, né par suite d’une impulsion venue “d’en haut”, a été développé par
les opérateurs privés concernés, qui se sont immédiatement engagés envers lui et qui ont
pu établir un groupement collectif fort et bien structuré. Le consortium fonctionne de
manière démocratique et inclusive; il est composé d’environ 80 producteurs de seigle,
2 moulins régionaux et plus de 60 boulangers artisans et industriels. Les membres du comité
de direction représentent les trois maillons de la filière. Parmi les principales responsabilités
du groupement figurent: la définition du cahier des charges et le développement des ­normes
de qualité; l’interaction avec l’organisme de certification pour la gestion et le paiement cen-
tralisé du processus de contrôle; la défense de l’indication géographique; la rédaction de
contrats types pour les transactions commerciales entre les membres; la fixation de prix
indicatifs pour la vente du pain de seigle; l’offre de services d’assistance technique aux mem-
bres; la promotion du produit; la recherche de nouveaux membres pour élargir l’alliance;
l’interaction avec des institutions publiques et avec d’autres initiatives gastronomiques.
Maintenant que la demande potentielle pour le pain de seigle du Valais semble être pratique-
ment couverte au niveau régional et que le produit est renommé dans toute la Suisse, le
consortium s’est posé la question de savoir s’il ne serait pas bon de commencer à vendre le
produit à l’échelle nationale à travers des canaux de distribution plus longs. En agrandissant le
rayon géographique de vente du produit, l’initiative pourrait finalement arriver à s’autofinancer;
mais il existe des risques dans l’établissement de relations commerciales avec de nouveaux
associés physiquement éloignés et peu engagés envers les valeurs ­socioculturelles du projet;
ce sont des risques qui doivent être évalués dans le futur.
Sources: Reviron 2005; Reviron cité dans: Gerz et al. 2008; www.walliserroggenbrot.ch

34
Guide pour la création d’un consortium de qualité

3.3. Comment élaborer le cahier


des charges?
Le cahier des charges représente les bases de l’action
collective et du consortium de qualité. Bien au-delà du
fait que la codification du produit soit généralement
une condition essentielle permettant d’enregistrer
celui-ci comme marque collective, marque de certifica-
tion ou indication géographique, la rédaction du cahier
est essentielle à la garantie et à la protection des spéci-
ficités d’un produit traditionnel d’origine. La bonne
réputation d’un produit avec des propriétés reconnues
ne peut être commercialement exploitée que si l’on maintient les standards de qualité qui y
sont associés (Thevenod-Mottet cité dans: Gerz et al. 2008). Le document n’est pas exacte-
ment une norme technique; c’est plutôt la description des pratiques devant être respectées
et celles n’étant pas permises tout le long de la filière d’un produit typique. Il est évident
que le niveau de détail du cahier ne doit jamais être tel qu’il puisse dévoiler les secrets de
production qui permettraient de copier l’article (Reviron 2009).

Même si les clauses précises du document sont souvent rédigées à un stade plus avancé du
processus d’établissement du groupement, les principes guidant les futurs accords sont nor-
malement abordés dès l’étape initiale. Le cahier des charges est la preuve que, même s’ils
peuvent être concurrents entre eux, les opérateurs agricoles sont réellement intéressés par le
projet conjoint et veulent s’y engager, puisque la coopération entre les membres du consortium
s’organisera autour de ce document (Reviron et al. 2009; Barjolle et al. 2006).

Le cahier des charges ne représente théoriquement qu’un peu plus que l’écriture des tradi-
tions et des coutumes préexistant dans une zone et relatives à l’élaboration d’un produit
typique. Mais, dans la pratique, son élaboration est bien plus complexe. Un produit tradition-
nel artisanal est presque, par définition, un produit non standardisé; il est donc normal que
dans une même zone coexistent des pratiques de production différentes quant aux matières
premières et aux méthodes de transformation (Berard et Marchenay 2008). “La définition du
processus de production n’est pas un fait donné, mais le résultat de l’union de l’expérience
et de la négociation entre les différents membres impliqués. Et même lorsque les critères sont
objectifs, les normes techniques sont une construction sociale complexe […].” (Barjolle et al.
2005: 108; libre traduction). Les divers acteurs doivent conjointement établir les attributs du
produit qui en constituent l’essence et qui en font ce qu’il est; ils doivent établir quelles en
sont les caractéristiques secondaires qui, par conséquent, peuvent être laissées au libre choix
de chaque opérateur sans devoir être codifiées. Ce qui est explicité tout autant que ce qui
n’est pas considéré dans le cahier des charges peut affecter positivement ou négativement
certains groupes d’acteurs économiques. C’est pourquoi le processus de codification entraîne
fréquemment d’importants conflits, surtout lorsque les opérateurs concernés sont très hété-
rogènes quant à leur taille, au degré d’industrialisation et aux canaux de distribution utilisés
(Tregear et al. 2004).

Parfois, par exemple, “le produit traditionnel”, que les entreprises de transformation plus
grandes souhaitent protéger sous un certain nom communément utilisé dans une région au
moyen d’une indication géographique, est diamétralement opposé aux caractéristiques du
produit que les petits opérateurs agricoles fabriquent sous la même désignation. Dans le cas
des fromages, par exemple, il est assez fréquent que des conflits naissent entre, d’une part,

35
La valorisation des produits traditionnels d’origine

des opérateurs industriels intéressés par la codification d’un produit fait à base de lait pasteurisé
et, d’autre part, des producteurs artisans préoccupés par la continuation de la production de
leur fromage “traditionnel” avec du lait non traité (Moity-Maizi cité dans: Gerz et al. 2008).

Les spécifications du cahier des charges doivent être, d’une part, suffisamment claires et bien
définies pour étayer la différenciation du produit sur la base de sa qualité et, d’autre part,
elles doivent être suffisamment flexibles et inclusives pour garantir que tous les acteurs
économiques peuvent être intégrés dans le projet commun sans devoir renoncer à une stratégie
commerciale propre sur la base de leurs marques individuelles. L’une des clés du succès d’un
consortium de qualité est précisément le maintien d’un équilibre entre le contrôle ferme et
la flexibilité; de cette manière, il est possible de préserver la concurrence entre les entreprises
membres et de couvrir divers segments de marché (Barjolle et Sylvander 1999). De plus,
lorsqu’il s’agit d’élaborer le cahier des charges, il est également nécessaire de laisser une
marge d’action suffisante pour que les opérateurs du consortium puissent à tout moment
s’adapter à de nouveaux changements technologiques et juridiques ou à d’inattendues ten-
dances du marché. “Les IG [indications géographiques] ont l’avantage de permettre l’inclusion
de nouveaux attributs (par exemple de nouveaux systèmes de sécurité alimentaire, de bien-
être animal ou de protection de l’environnement) tout en préservant les attributs de base sur
lesquels est fondée la différenciation de l’IG, de façon que les surprix ne soient pas dilués…”
(Babcock et Clemens 2004: 14; libre traduction).

Cependant, ce que le cahier des charges ne spécifie pas peut se révéler tout aussi probléma-
tique que ce qui y est trop détaillé. Si le cahier omet de mentionner les pratiques tradition-
nelles à utiliser pour produire la matière première, le pouvoir d’influence des producteurs
primaires sur les décisions d’un consortium interprofessionnel peut se voir fortement réduit
dans le futur. De fait, le pouvoir de négociation des divers acteurs dans une même chaîne
productive est généralement proportionnel à leur contribution à la création de la valeur ajoutée
globale. Par conséquent, il est nécessaire, dès le début, d’identifier et de codifier les facteurs
touchant à la qualité du produit et qui dépendent du travail des producteurs de la matière
première. La contribution des acteurs des divers maillons de la filière doit être valorisée et
reconnue par le cahier des charges pour assurer la cohésion entre tous les opérateurs
économiques. Le cahier doit renforcer la reconnaissance des relations de dépendance mutuelle
existant entre tous les membres; il peut ainsi être évité que certains groupes soient mis en
marge dans le futur par rapport à la prise de décision sur des aspects clés comme celui de
la distribution des bénéfices tout le long de la filière (Boutonnet et Damary cités dans: Gerz
et al. 2008; Bowen 2007).

À tout moment, il faut s’assurer que le cahier des charges est élaboré de manière participa-
tive, afin que puissent se créer entre les divers acteurs des liens forts qui débouchent sur
un accord. Dans ce contexte, il faut tenir compte du fait que “atteindre un accord ne
si­gnifie pas arriver à un compromis (ou à conclure un bon marché), mais plutôt créer la
solidarité entre les divers acteurs et réconcilier leurs intérêts” (Casabianca et al. 2000: 324;
libre traduction). Étant donné qu’il peut souvent être difficile pour les producteurs primaires
de faire entendre leur voix lors des négociations avec des entreprises de transformation plus
grandes, dans le cas des consortiums interprofessionnels, il est recommandé que les discus-
sions relatives aux caractéristiques du produit à réinventer aient lieu tout d’abord au niveau
horizontal; de cette manière, les représentants des différents maillons de la filière pourront
mieux faire valoir leurs intérêts, lorsque plus tard ils auront à définir ensemble le contenu
du cahier (Boutonnet et Damary cités dans: Gerz et al. 2008). Il est, de plus, important
que tous les acteurs comprennent bien la différence entre les deux types de standards
généralement abordés dans un cahier des charges: les stipulations spécifiques volontaires en

36
Guide pour la création d’un consortium de qualité

relation directe avec l’authenticité et la tradition, et les stipulations de caractère plus régle-
mentaire ou conventionnel qui garantissent la salubrité et facilitent la commercialisation du
produit (Casabianca et al. 2000).

Il convient de préciser que, bien qu’il soit certain que les producteurs primaires se situent
souvent dans une position moins avantageuse face aux entreprises de transformation, il est
aussi évident que, dans certains cas, la situation est inversée. Lorsqu’il y a un manque de
matière première sur le marché, les producteurs primaires ont en principe de meilleures cartes
à jouer. Par exemple, cette situation se présente dans le cas de l’huile de graine de courge
autrichienne, protégée par une indication géographique. Le cahier des charges n’établit pas
de critères clairs de qualité pour les graines de courge, ce qui aboutit à un problème sub-
stantiel pour les entreprises de transformation d’huile. Cependant, face à la difficulté de
trouver des agriculteurs en nombre suffisant qui souhaitent fournir cette matière première
appréciée, les entreprises de transformation sont dans une situation de relative faiblesse
(Schwarz 2008).

Sur un autre plan, il convient également de souligner que la rédaction du cahier des charges
peut avoir une influence sur l’atteinte des objectifs non économiques du consortium de
qualité et qu’elle peut avoir un impact tant positif que négatif sur son environnement. Le
cahier des charges de l’huile d’argan — produit marocain qui vient d’obtenir le label
d’indication géographique — établit le besoin de planter de nouveaux arganiers; étant donné
que ce type d’arbre remplit une fonction importante dans la lutte contre la désertification,
la mise en place du cahier peut avoir un effet écologique bénéfique (Reviron et al. 2009).
La Tequila mexicaine représente le cas contraire. Alors que, traditionnellement, neuf types
d’agaves différents avaient toujours été utilisés pour la production de la boisson alcoolisée,
l’inclusion d’une seule variété de la plante dans le cahier a signifié une institutionnalisation
de la ­monoculture et a contribué à réduire la biodiversité (Bowen 2007).

Dans tous les cas, lorsqu’il s’agit d’élaborer le cahier des charges, il ne faut jamais perdre de
vue le facteur coût. Le document n’a aucune valeur si ses clauses ne sont pas mises en œuvre
et si l’application pratique n’est pas scrupuleusement réalisée. Il est donc essentiel de tenir
compte du fait que l’obéissance aux prescriptions du cahier implique des coûts plus ou moins
élevés. Les frais auxquels les opérateurs doivent faire face dépendent dans une grande mesure
de la rigueur imposée par le cahier des charges.

3.4. Comment mettre en œuvre


le cahier des charges?
Indépendamment du moment de la formalisation du
consortium de qualité, c’est dans une certaine mesure
la phase de mise en œuvre du cahier des charges qui
marque le début du fonctionnement du groupement et
qui représente la première grande épreuve à surmonter
pour l’alliance.

Les membres du consortium ne doivent pas seulement


adapter leurs processus de production et leur structure
aux exigences du cahier; ils doivent également adopter un nouveau modèle organisationnel
basé sur des normes convenues; c’est quelque chose qui peut s’avérer difficile pour des

37
La valorisation des produits traditionnels d’origine

agriculteurs et des petites entreprises artisanales. Tout cela implique des coûts en temps et
en argent. De plus, si un membre décide de ne se consacrer que partiellement à l’élaboration
du produit “réinventé”, il peut se voir forcé de maintenir des lignes de production indépen-
dantes. Au-delà de l’inefficacité pouvant se révéler dans ce cas au niveau de la gestion, il est
également possible que l’opérateur agro-industriel se voie obligé d’investir dans de nouveaux
biens pour produire, stocker ou transporter séparément les deux types de produits (Belletti
et al. 2007).

Cependant, la seule application méticuleuse du cahier des charges n’est pas toujours suf-
fisante pour atteindre les objectifs du consortium; et surtout, elle ne l’est pas pour pouvoir
obtenir certains labels de qualité. En effet, il est généralement nécessaire de contrôler et
d’assurer en interne et/ou en externe que tous les associés obéissent aux procédures établies.
Même si, en principe, un simple autocontrôle de la part des membres peut être considéré
comme un moyen valable pour garantir les standards de qualité préfixés, il n’en est pas
de même en cas de marque collective et de marque de certification; dans ces situations-là,
le contrôle des activités des utilisateurs du label de la part du titulaire — le cas échéant,
du consortium lui-même — devient alors une pratique légalement indispensable. Le même
principe est parfois valable en ce qui concerne les indications géographiques; il faut cepen-
dant préciser que, dans ce contexte, de nombreuses législations nationales ne se satisfont
pas des procédures de supervision au sein du groupement; elles exigent au contraire qu’un
organisme de certification indépendant se charge de l’évaluation de la conformité du
produit. Dans l’UE, par exemple, seuls les produits contrôlés par des organismes externes
peuvent opter pour une indication géographique institutionnalisée; les consortiums de
qualité européens n’ont plus la capacité légale pour agir en tant que garants exclusifs de
la qualité.

Pour les membres du consortium, devoir se soumettre au système d’inspection et de vérifica-


tion interne ou externe n’est pas toujours simple et peut même représenter une véritable
entrave. Les membres du groupement se voient soudain obligés d’assumer les coûts psy-
chologiques impliqués par l’acceptation du contrôle et d’adhérer à la logique d’obéissance
propre aux systèmes de certification et de traçabilité. Toutefois, le revers de la médaille est
précisément que le contrôle strict de la procédure de production crée les conditions néces-
saires pour que la confiance se développe et soit maintenue parmi les membres du consor-
tium. Ceux-ci, même concurrents entre eux, se sentent unis par le respect des normes de
qualité communes. Pour ne pas mettre en danger cette loyauté entre les différents opérateurs,
il est important que les membres qui ne respectent pas les pratiques accordées soient répri-
mandés ou, dans les cas extrêmes, exclus du groupement (Belletti et al. 2007; Barjolle et
Chappuis 2000).

Un système de contrôle et de certification correctement mis en place peut permettre que


les petits opérateurs agricoles d’un consortium arrivent à vendre leurs produits à des dis-
tributeurs à la fois importants et exigeants; mais cela uniquement et exclusivement lorsque
ces derniers considèrent que le système de qualité est suffisamment strict dans son ensemble
(Barjolle et Chappuis 2000). C’est pourquoi il peut être recommandé qu’un organisme de
certification indépendant soit chargé des inspections, car c’est le seul moyen de pouvoir
garantir que le système de contrôle a une totale crédibilité. Cependant, la pertinence de
recourir aux services d’un organisme externe doit être analysée par le consortium en fonc-
tion du marché cible, du cadre légal et des ressources financières disponibles. Un système
de contrôle de la qualité indépendant ne mène pas, à lui seul, à une position commerciale
plus avantageuse pour les membres.

38
Guide pour la création d’un consortium de qualité

Le cas échéant, l’organisme de certification externe doit se charger de préparer le dénommé


plan de contrôle où sont spécifiés dans le détail les types de procédures, les contrôles et les
inspections nécessaires à la garantie du respect du cahier des charges. Le plan de contrôle
peut inclure deux types d’inspections. D’une part, des vérifications in situ et des révisions
documentaires pour contrôler si les activités, les techniques et les procédures suivies respec­
tent les normes auto-imposées; et, d’autre part, les contrôles analytiques de type chimique,
physique ou sensoriel pour vérifier si le produit répond aux paramètres fixés. Il est évident
que les stipulations du plan de contrôle et, par conséquent, les coûts administratifs et
d’inspection qui y sont associés, dépendent directement du contenu du cahier des charges.
Ce dernier détermine également, en grande mesure, quels maillons de la filière feront l’objet
de contrôle et donc quels seront les opérateurs économiques qui devront directement assumer
les frais généralement liés à la certification. En fait, il n’est pas toujours nécessaire d’examiner
en détail et séparément chacune des étapes ou activités du processus de production; toutes
les inspections sont parfois concentrées sur un seul niveau de la filière, alors que d’autres
maillons sont seulement obligés d’avoir un registre documentaire pour assurer la traçabilité
(Belletti et al. 2007).

Opter pour les services d’un organisme de certification indépendant n’a de sens que lorsque
les opérateurs concernés par les inspections ont une réserve financière suffisamment grande.
Dans la création d’un consortium, il est important d’analyser dès le début cet aspect; en
particulier si l’on souhaite opter pour un label de qualité qui prévoit, pour son obtention, un
système de certification indépendant. Dans un tel cas, il est nécessaire, dès le début, d’inclure
dans tous les calculs et dans tous les plans les frais devant être assumés par les membres par
la suite pour l’octroi du certificat de conformité de la qualité. De plus, il faut s’assurer que
le cahier des charges objet de certification n’établit pas de conditions dont le contrôle ­suppose
de payer des montants excessifs.

Afin d’éviter que les frais d’inspection ne soient trop élevés, voire qu’ils ne puissent pas être
payés par les petits producteurs et les artisans, il faut considérer s’il est bon de permettre
certaines pratiques de contrôle interne en plus des contrôles externes; c’est quelque chose
d’habituel pour les produits biologiques. Quand un système de contrôle interne a été cor-
rectement mis en place au sein d’un consortium, l’organisme de certification indépendant ne
doit pas contrôler chaque opérateur impliqué, mais uniquement un échantillon d’entre eux
ou uniquement ceux qui appartiennent au dernier maillon de la filière (Boutonnet et Damary
cités dans: Gerz et al. 2008). Le café du Honduras à indication géographique Marcala est
contrôlé avec ce système qui garantit une traçabilité parfaite du produit depuis les champs
jusqu’aux dépôts pour l’exportation. L’organisation collective se charge de l’exécution de
toutes les inspections et supervisions nécessaires tout le long de la chaîne agroalimentaire;
l’organisme de certification externe n’intervient qu’à la dernière étape, en délivrant la quali-
fication finale du lot de café prêt pour l’exportation et en contrôlant le conditionnement et
l’étiquetage (Consejo Regulador del Café Marcala 2007).

3.5.  Quels services sont offerts par le consortium de qualité?


La gamme de services offert par le consortium de qualité à ses membres dépend, entre autres,
des objectifs établis par les associés, de leur degré d’engagement envers le projet commun,
du nombre de membres de l’alliance, des ressources disponibles et, bien sûr, de la structure
organisationnelle. En fait, les tâches assumées par un consortium interprofessionnel vont au-
delà de celles développées par une alliance professionnelle, car celui-ci joue un rôle clé dans
la coordination des relations entre les divers maillons de la filière. D’autre part, le degré de

39
La valorisation des produits traditionnels d’origine

professionnalisation de l’alliance, en tant qu’organisation, détermine également les services


qu’elle-même peut offrir. Pour que le consortium puisse fonctionner de manière satisfaisante,
il est nécessaire d’embaucher, tôt ou tard, du personnel professionnel stable qui non seule-
ment soit chargé de gérer et d’intervenir dans les opérations de tous les jours, mais aussi
fasse avancer le groupement dans ses énoncés stratégiques; ces professionnels ne doivent donc
pas seulement avoir une capacité de leadership au niveau individuel, mais ils doivent aussi
disposer d’un certain degré d’autonomie institutionnelle (Roep et al. 2006; Barjolle et al.
2005; Clara 1999). Ci-après sont donc présentés les grands domaines d’action des consortiums
de qualité, sans qu’il s’agisse d’une liste exhaustive:

A. Coordination des transactions entre opérateurs


Un consortium professionnel se consacre en premier lieu à la coordination horizontale entre
ses membres, mais il essaie aussi de faciliter les relations commerciales de ses associés avec
d’autres maillons de la filière extérieurs au groupement; par exemple, il est habituel que
l’organisation intervienne directement ou indirectement dans l’achat d’intrants.

D’autre part, le centre de l’activité d’un consortium interprofessionnel est la coordination


verticale. Dans le cadre d’un groupement interprofessionnel, les membres négocient et fixent
les conditions servant de cadre à la gestion des transactions commerciales qui sont dévelop-
pées entre opérateurs économiques appartenant à différents niveaux de la filière. Il est habituel
d’élaborer des contrats types que les associés peuvent utiliser postérieurement pour les activités
d’achat et de vente entre eux, sans avoir besoin d’y introduire de grandes modifications. Le
système est avantageux pour tous les intéressés car il réduit énormément les coûts de transac-
tion. De plus, les contrats types acquièrent une importance particulière pour les producteurs
primaires. Ceux-ci opèrent généralement sur la base d’accords verbaux, ce qui ne leur offre
pas beaucoup de garanties et les rend vulnérables face aux entreprises de transformation;
surtout dans le cas de denrées périssables, il est essentiel d’avoir des relations commerciales
stables et sûres avec les clients de confiance. De plus, les consortiums interprofessionnels
interviennent généralement dans la résolution de conflits à caractère commercial entre les
membres, à travers un système d’arbitrage. Les parties en désaccord évitent ainsi d’avoir à
assumer des coûts économiques dus au recours aux tribunaux civils (Barjolle et al. 2005;
Barjolle et Chappuis 2000).

Le rôle important que peut arriver à jouer un consortium interprofessionnel en tant que
coordinateur de transactions entre divers maillons de la filière est évident dans le cas du
jambon à indication géographique de la ville espagnole de Teruel. Il fut un temps où la
demande de jambon était très forte sur le marché, mais où les éleveurs de porcs se montraient
réticents à augmenter leur production, car ils craignaient, d’une part, les coûts élevés de
l’élevage et, d’autre part, l’éventuelle instabilité des revenus ainsi qu’une plus grande dépen-
dance vis-à-vis des abattoirs et/ou des producteurs de jambon. En fait, les porcs nécessaires
à l’élaboration de cet aliment typique ont des caractéristiques si spécifiques que cela limite
fortement les possibilités de les vendre sur d’autres marchés ou à travers d’autres canaux. Le
consortium et le gouvernement régional intervinrent pour servir de médiateurs entre les
acteurs et améliorer les flux d’information entre les différents niveaux de la filière. De plus,
pour stabiliser l’offre de viande de porc, un contrat type fut rédigé, pouvant être utilisé par
les éleveurs et les abattoirs dans leurs relations d’achat et de vente. Dans ce contrat étaient
inclus le prix d’achat minimum, les quantités du produit et les dates de livraison (Chappuis
et Sans 2000).

40
Guide pour la création d’un consortium de qualité

B. Qualité, amélioration et contrôle du produit


Le consortium ne fait pas que veiller au cahier des charges; il s’occupe également de la ges-
tion et de l’amélioration continue des caractéristiques du produit. Même si le cahier est le
reflet des spécifications de production, celles-ci ne sont pas statiques et, en cas de besoin,
elles doivent être adaptées et perfectionnées. Par conséquent, les consortiums s’occupent
souvent d’identifier les technologies et les procédures de production plus adaptées afin de
raffiner les spécificités de l’article final de vente; cela se fait très souvent sur la base de résul-
tats de recherches de marché préalables. Quelques alliances vont au-delà et développent
elles-mêmes des activités de R&D destinées à maximiser la qualité et à réduire les coûts de
production. Il existe également des consortiums qui offrent à leurs associés des services de
conseil ou des cours de formation dans le but d’améliorer les attributs du produit fini. Par
ailleurs, certains groupements décident de mettre en place des centres techniques pilotes pour
fournir des services de type industriel (Barjolle et al. 2005; Barjolle et Chappuis 2000;
­Chappuis et Sans 2000).

Afin d’assurer une qualité optimale, les consortiums professionnels s’occupent souvent des
propriétés des matières premières que les membres achètent à des fournisseurs ne faisant pas
partie de l’alliance. Les consortiums interprofessionnels, quant à eux, coordonnent et inter-
viennent en général dans les négociations entre les divers maillons de la filière, afin que les
producteurs et/ou les entreprises de transformation produisent conformément aux standards
de qualité requis par leurs clients directs appartenant à l’alliance.

Dans ce contexte, identifier, mesurer et rétribuer correctement les apports des divers opéra-
teurs à la création de la valeur ajoutée globale est une tâche essentielle. Très souvent, les
consortiums interprofessionnels mettent en œuvre des systèmes de classification et de rétribu-
tion sur la base de la qualité afin de faciliter les transactions entre les différents niveaux de
la filière. Les prix des matières premières et/ou des produits transformés, commercialisés dans
le cadre du groupement, sont négociés et fixés collectivement à l’avance en fonction de cer-
taines caractéristiques objectives qui en déterminent la qualité. Le prix reçu par un opérateur
pour un lot de son produit varie et dépend chaque fois de ce que celui-ci respecte, dans une
plus ou moins grande mesure, certains standards préétablis. Au-delà d’une plus grande trans-
parence des activités commerciales, le système de classification garantit également à tous les
membres du consortium — tant les clients que les fournisseurs — une procédure de paiement
équitable, ce qui évite les conflits. En outre, à travers le système de classification, des incita-
tions économiques sont créées pour continuer d’améliorer les propriétés du produit (Barjolle
et al. 2005).

Il faut également souligner le rôle important que les consortiums peuvent développer par
rapport à la procédure de contrôle et de certification de la qualité. D’une part, les groupe-
ments se chargent souvent, au moyen d’une équipe propre de superviseurs, de la réalisation
de certaines, voire de toutes les inspections et les vérifications nécessaires à l’obtention du
label final de conformité. D’autre part, les consortiums interagissent très souvent avec
l’organisme certifié externe, le cas échéant. Étant donné que la certification collective est
souvent l’option financière la plus avantageuse, très souvent les groupements gèrent et cen-
tralisent le paiement des frais de contrôle externe pour tous leurs membres et ils interviennent
également dans les procédures administratives en relation avec cette certification. Par exemple,
c’est ainsi qu’en général, en échange des honoraires correspondants, les consortiums apportent
leur aide et offrent leur assistance aux membres pour la préparation des documents néces-
saires pour assurer la traçabilité, les mettant ensuite directement à disposition de l’organisme

41
La valorisation des produits traditionnels d’origine

externe. Cette manière de procéder ne permet pas seulement d’accélérer les démarches; en
diminuant l’implication de l’organisme externe, elle permet également de réduire les frais de
certification (Belletti et al. 2007; Couillerot et al. 2009).

De plus, les consortiums peuvent aussi utiliser leur pouvoir de négociation pour obtenir de
meilleurs tarifs de certification et pour s’accorder, en interne ou en externe, sur une struc-
turation des coûts plus adaptée aux besoins des membres économiquement plus faibles. Ce
fut le cas de l’huile d’olive extra vierge italienne à indication géographique “Toscano”. Les
frais de la certification indépendante étant trop élevés, les entreprises les plus petites ne
pouvaient pas participer au projet. Le consortium interprofessionnel est donc intervenu: d’une
part, il a pu négocier une réduction des coûts fixes exigés pour l’activité de contrôle externe
et, d’autre part, il a établi un système interne de redistribution des frais de certification.
Profitant des cotisations payées par toutes les entreprises associées, le consortium commença
à subventionner les coûts variables d’inspection que ces petites entreprises devaient affronter.
Les consortiums peuvent donc coordonner et avoir une influence sur la répartition des frais
de certification tant horizontalement que verticalement en gérant de manière appropriée les
cotisations payées par les associés (Belletti et al. 2007).

C. Stratégie commerciale et de marketing


Les consortiums de qualité se chargent de mettre en œuvre les décisions stratégiques que
leurs membres prennent en relation avec la commercialisation de l’aliment ou du bien typique,
et de gérer le marketing mix adapté à ce but. Les variables produit, distribution, prix et com-
munication représentent les outils opérationnels permettant d’atteindre les objectifs fixés par
les associés. Le consortium optimise les attributs tangibles et intangibles du produit; il en
fixe annuellement le prix final indicatif, en fonction des coûts et du positionnement souhaité,
choisit les marchés objectifs et les canaux de distribution les plus adéquats pour parvenir au
client final; il développe et promeut la marque ou, le cas échéant, l’indication géographique
à travers des activités diverses. Les économies d’échelle importantes, qui naissent au sein d’un
consortium en termes financiers et de savoir-faire, permettent de réduire les coûts de la
promotion et de mettre en œuvre des stratégies de marketing ambitieuses que les membres
ne pourraient jamais assumer seuls.

L’élaboration d’outils de communication, la participation à des foires, le lancement de cam-


pagnes publicitaires à travers différents moyens de communication, l’organisation d’évènements
et d’expositions en relation avec le produit sont autant d’exemples d’activités fort nombreuses
qu’un consortium peut développer. Dans tous les cas, ce sont les membres eux-mêmes qui
décident jusqu’où ils souhaitent rendre uniforme la stratégie de marketing pour le produit
traditionnel d’origine commun à tous et, par conséquent, ce sont eux qui marquent les limites
dans lesquelles doit se développer le travail de promotion du consortium. La fonction du
consortium consiste uniquement à faciliter et à aider la commercialisation des produits des
différents opérateurs, sans pour autant dévaloriser leurs marques individuelles.

D. Gestion de volumes de production


Dans le cadre de nombreux consortiums, des accords sont établis entre les opérateurs
économiques pour contrôler les volumes de production. L’objectif est d’éviter les fluctuations
de l’offre et donc celles de la valeur du produit, ce qui rendrait impossible le maintien d’un

42
Guide pour la création d’un consortium de qualité

positionnement sur un segment de marché élevé. En fait, une brusque réduction des prix du
produit fini pousserait les acteurs de la filière à produire au-dessous des standards de qualité
requis, mettant ainsi en danger, à long terme, la réputation de la marque ou de l’indication
géographique. Même si la pertinence de la gestion des volumes avec l’introduction des quotas
de production pour les divers membres est claire, sa mise en application dans la pratique
n’est jamais simple, car de telles procédures peuvent aller à l’encontre des lois antimonopole
de divers pays (Chappuis et Sans 2000; Roep et al. 2006). Cependant, lorsqu’il est possible
de gérer la quantité avec l’approbation de l’État, comme dans le cas du fromage français
Comté à indication géographique, le contrôle des volumes offre des avantages indiscutables.
L’organisation interprofessionnelle du Comté restreint la production du fromage en vendant
aux différents opérateurs concernés un nombre limité de plaques de caséine, sans lesquelles
il est impossible de commercialiser légalement le produit. Chaque année, le nombre de plaques
augmente en fonction de la demande de fromage attendue. Pour le consortium, la vente de
ces labels obligatoires ne suppose pas uniquement un moyen de gérer les volumes de produc-
tion, c’est également une manière de financer les autres activités: 95% de ses revenus
­proviennent de cette source (Bowen 2007).

Ce ne sont pas seulement les autorités de l’État qui s’opposent parfois à des pratiques de
contrôle de la quantité. Au sein du consortium, il peut également y avoir des voix en désac-
cord, car l’octroi de quotas de production va au-delà du contrôle de ce que produisent les
membres et de comment ils produisent; il conditionne aussi et engage les décisions futures,
limitant leur liberté d’action. Le consortium doit donc trouver une voie permettant de ­concilier
et d’adapter des intérêts opposés, et aussi de regrouper tous les acteurs autour de la stratégie
structurante de l’organisation collective. Dans le cas du consortium professionnel italien du
jambon de San Daniele, le problème éventuel a été résolu, d’une part, en recourant au
relâchement de quotas pour les entreprises exportatrices du groupement et, d’autre part, en
attribuant des quotas plus larges aux entreprises de transformation membres avec des frais
d’approvisionnement plus élevés que la moyenne (Clara 1999; Barjolle et Chappuis 2000).

E. Distribution équitable des bénéfices entre opérateurs


Certains consortiums interprofessionnels contribuent à une distribution plus équitable des
bénéfices obtenus par le produit fini entre les différents maillons de la filière. Ils utilisent
plusieurs moyens. En premier lieu, les organisations collectives peuvent jouer un rôle dans la
collecte et la diffusion d’informations fiables sur les prix appliqués sur les marchés locaux ou
internationaux. En particulier, les producteurs primaires ne disposent généralement pas
d’information sur ce qu’ils peuvent faire payer pour leurs matières premières ou sur le prix
final payé par le consommateur. En remédiant à ce manque de données fiables, les consor-
tiums peuvent aider les opérateurs dans leurs décisions de vente et leur faciliter l’obtention
de transactions profitables (Barjolle et al. 2007; Barjolle et al. 2005; Reviron et al. 2004).

Prenons l’exemple de la Fédération nationale des cultivateurs de café de Colombie (FNC),


qui détient les droits sur la première indication géographique extracommunautaire protégée
dans l’UE, le “café de Colombie”. Même si la FNC fonctionne davantage comme une
co­opérative que comme un consortium, il est intéressant de souligner ici son rôle en tant que
canal d’information pour ses membres. Cette organisation fixe les prix d’achat du café en
fonction du cours du jour à la Bourse de New York. Les producteurs primaires ont la pos-
sibilité d’être informés des rétributions courantes sur le plan international et de choisir libre-
ment, en fonction des prix en vigueur, s’il vaut mieux vendre la matière première à

43
La valorisation des produits traditionnels d’origine

l’organisation collective ou s’il est préférable de commercialiser directement leurs produits à


des commerçants indépendants (Schüßler 2009; El Benni et Reviron 2009).

Il existe également une autre forme d’intervention pour le consortium concernant la distribu-
tion des bénéfices. Dans le cadre de l’organisation interprofessionnelle, il est possible d’organiser
des négociations entre les divers niveaux de la filière pour arriver à des accords obligatoires
sur les prix qui seront appliqués pour les activités commerciales entre opérateurs membres.
Les rétributions partielles doivent être en étroite relation avec la valeur finale du produit fini
sur le marché; les augmentations du montant final du produit doivent être reflétées dans les
augmentations des prix perçus par les différents opérateurs. Une fois de plus, le consortium
du Comté est aussi un exemple positif dans ce sens. Les prix partiels et le prix final du fro­
mage sont directement liés grâce à un système de calcul utilisé au sein de l’organisation
­collective, qui valorise équitablement les apports des différents maillons de la filière; lorsque
le prix moyen du Comté augmente, les producteurs primaires de lait et les entreprises de
transformation en sont bénéficiaires presque à part égale (Bowen 2007). Une redistribution
équitable des bénéfices permet à tous les opérateurs de se sentir engagés envers le projet
­commun et de travailler pour optimiser le produit et en étendre la commercialisation.

F. Contrôle de l’opportunisme
Le consortium doit vérifier si tous les membres se soumettent aux normes auto-imposées et
au cahier des charges, en utilisant des mécanismes de contrôle social, des règlements écrits
et des mesures disciplinaires, y compris l’exclusion du groupement. Il faut éviter que quelques
associés adoptent des stratégies individualistes quant à la qualité, l’offre quantitative et le
marketing du produit, ce qui pourrait éventuellement mettre en danger la réputation et le
positionnement du produit sur le marché. Mais cette tâche n’est pas toujours facile, puisqu’en
principe le consortium n’a pas l’autorité légale nécessaire pour imposer et exécuter ses déci-
sions. C’est ainsi que, par exemple, le consortium ne dispose pas des moyens de pression
nécessaires pour assurer que tous les membres respectent le prix final indicatif établi collec-
tivement pour les ventes du produit. Cependant, comme il est démontré dans le cas du
consortium Melinda (voir p. 48), il est possible de compenser le manque de pouvoir par des
mécanismes créatifs.

Dans tous les cas, il convient de souligner que la capacité de gestion et de contrôle de
l’organisation ne doit pas dériver de son pouvoir hiérarchique sur les associés, mais de sa
capacité à collaborer avec eux. Les consortiums ne naissent pas comme des organismes d’audit
et de pouvoir; ce sont des alliances de coordination d’intérêts communs. En qualité d’associations
légalement autonomes, les consortiums doivent essayer d’atteindre la légitimité et un large
consensus autour de la stratégie conjointe afin de pouvoir être opérationnels (Clara 1999).

Il est vrai que, dans les pays de l’UE comme dans d’autres pays ayant un système juridique
similaire, les consortiums bénéficient d’importantes facultés juridiques face aux opérateurs
économiques, après avoir obtenu l’indication géographique institutionnalisée. Mais c’est juste-
ment pour cette raison que quelques consortiums “sont devenus davantage des instruments
de contrôle et d’audit des entreprises et des processus de production que des organismes
d’appui aux entreprises pour se différencier, commercialiser et s’orienter vers les consom-
mateurs d’une manière efficace” (Cambra 2009: 345). Lutter contre l’opportunisme, contre
la concurrence illégitime et contre l’utilisation frauduleuse de l’indication géographique sont
des tâches essentielles que le consortium doit développer, mais qui ne doivent pas devenir sa
fonction principale.

44
Guide pour la création d’un consortium de qualité

3.6. Comment promouvoir le produit


traditionnel d’origine?
La promotion du produit commun représente l’une des
fonctions essentielles d’un consortium de qualité,
comme nous l’avons déjà mentionné. Si le groupement
commet une erreur dans sa politique de marketing, s’il
est trop centré sur le produit et néglige le marché, le
projet commun peut difficilement atteindre ses objec-
tifs. En fait, une bonne qualité, nettement perceptible,
de l’article commercialisé est un élément essentiel,
mais cela ne suffit pas. “La fierté envers le produit et
la loyauté envers les techniques traditionnelles de pro-
duction peuvent générer des qualités de produit pouvant être hautement valorisées, mais ce
n’est absolument pas une garantie pour une stratégie de ventes consistante et de succès.”
(Albisu, L. M. cité dans Rangnekar 2004: 33; libre traduction). Une stratégie de marketing et
de commercialisation bien conçue et bien mise en œuvre peut se révéler tellement détermi-
nante qu’elle peut parfois arriver à compenser le manque de spécificité d’un bien ou d’un
aliment. C’est ainsi que, par exemple, la pomme de terre britannique à indication géographique
Jersey Royal, tout en n’ayant pas d’attributs très différenciés, se vend bien sur les marchés
grâce à la bonne gestion commerciale et à une excellente coordination avec les grossistes et
les détaillants (Wilson et al. 2000; Barjolle et Sylvander 1999).

Les détails de la politique de promotion et les activités concrètes à développer par un


c­ onsortium de qualité doivent être pensés et planifiés en vertu des caractéristiques du produit,
des ressources financières, humaines et de temps disponibles, des priorités des membres, etc.
Cependant, étant donné que tous les produits traditionnels d’origine partagent certaines
qualités, il est important de souligner quelques points dont il faut tenir compte au moment
de la conception du marketing mix.

Le succès d’un consortium de qualité est en grande mesure fondé sur la cohérence et l’équilibre
entre deux vecteurs: 1) la différenciation du produit et l’efficacité de la communication com-
merciale; 2) la cohésion des membres et la cohérence de la structure organisationnelle. Étayer
ces deux axes, voilà le principal objectif à atteindre; pour ce faire, il est nécessaire d’appliquer
une approche graduelle et méditée (Roep et al. 2006; Wiskerke 2007). La stratégie d’enregistrer
rapidement un label quelconque et/ou d’obtenir précipitamment une certification de qualité
pour le produit, dans le but de le lancer rapidement sur le marché, peut impliquer des
sa­crifices quant au degré de différenciation, au contrôle de la distribution et au marketing.
Avant de commencer la commercialisation du produit “réinventé” à plus grande échelle, il
est donc essentiel que le projet conjoint ait atteint de hauts niveaux de cohérence interne et
que tous les membres soient en accord avec des objectifs communs à long terme (Vuylsteke
et al. 2008; Roep et al. 2006; Arfini et al. 2008).

La sélection des canaux de distribution ne doit pas se faire de façon précipitée ni circonstan-
cielle; elle doit au contraire être le fruit d’une analyse soigneuse et de relations solides.
L’expérience montre que les initiatives obtenant de meilleurs résultats économiques sont celles
qui parviennent à établir des alliances dès les premières phases, ou même à intégrer éventuel-
lement dans le consortium des grossistes ou des détaillants qui ne partagent pas seulement
la préoccupation pour la qualité, mais aussi la vision du produit enraciné dans le territoire
(Vuylsteke et al. 2008; Roep et al. 2006).

45
La valorisation des produits traditionnels d’origine

En ce qui concerne la distribution, le consortium doit également décider, tôt ou tard, si les
membres sont autorisés ou non à procéder à des ventes directes, en marge des canaux de distri-
bution spécifiquement sélectionnés par le groupement. Si l’on tient compte des attributs des
produits traditionnels d’origine, il est souvent recommandable que leur commercialisation ne se
fasse pas seulement à travers les grossistes et les détaillants conventionnels, comme les chaînes
de supermarchés ou les boutiques de produits gourmets. En particulier dans les zones touristiques,
des canaux de distribution plus courts permettent d’établir un lien entre le consommateur et la
région d’origine du produit; ils peuvent en renforcer l’image en tant qu’aliment ou, le cas échéant,
en tant que bien typique et authentique. Bien évidemment, dans le cas des ventes directes à la
ferme et de commercialisation individuelle sur les marchés artisanaux ou de produits frais, le
consortium doit vérifier si les membres respectent les normes collectives sur la qualité et les prix.
Dans ce sens, les ventes individuelles doivent d’abord être un composant du ­marketing mix plutôt
qu’une concession face à la stratégie promotionnelle et commerciale commune (Van de Kop et
Sautier cités dans: Van de Kop et al. 2006; Barjolle et al. 2005).

Pour parvenir à un bon positionnement du produit et apporter de la notoriété à la marque


partagée ou au label commun d’identification, l’élément clé est l’effort de communication
conjoint et coordonné entre le consortium et les différentes entreprises membres. Tous les
acteurs doivent s’engager dans la stratégie de promotion, car tous contribuent, de par leurs
actions, à la réputation du produit. Mais cela ne doit à aucun moment impliquer que les ­divers
opérateurs aient à renoncer aux activités de marketing centrées sur le développement de leurs
propres marques individuelles. En fait, lorsque l’importance du label collectif est trop grande
et qu’elle réduit celle des labels individuels, on court le risque que les entreprises ayant des
marques reconnues se désintéressent du projet d’ensemble. Ce type de situation pourrait même
diminuer la crédibilité de la marque partagée qui, d’une certaine manière, prétend être représen-
tative du produit typique d’une zone géographique particulière.

Par ailleurs, la stratégie de communication du consortium ne doit pas se limiter à faire de


la publicité au label collectif; dans la mesure du possible, elle doit essayer d’informer sur les
diverses qualités des produits englobés sous un même signe distinctif partagé. Dans le cas
du vin, par exemple, les différents viticulteurs n’ont pas intérêt à ce que le client reconnaisse
uniquement la marque commune ou, le cas échéant, l’indication géographique, et ne perçoive
pas les grandes différences qui existent entre un vin jeune et un vin grande réserve (Cambra
Fierro et Villafuerte Martín 2009).

De nombreux consortiums de qualité ne se concentrent pas pour rendre visible une marque
commerciale partagée; au contraire, ils développent une stratégie de communication visant à
obtenir la reconnaissance du produit en tant qu’indication géographique. Dans les pays où il
n’existe pas de cadre juridique protégeant ce type de droits de propriété intellectuelle, les
consortiums doivent déployer leur projet comme cause d’intérêt commun afin d’exercer la
pression politique nécessaire permettant d’établir les conditions légales pertinentes. Dans tous
les cas, la stratégie de marketing ne doit pas être trop axée sur l’enregistrement d’une indica-
tion géographique, puisque la certification officielle, à elle seule, n’entraîne pas automatique-
ment d’importantes augmentations de la demande. Ce n’est pas pour l’indication géographique
en tant que telle que le consommateur est prêt à payer un surprix, mais pour la promesse
de qualité qui est associée dans son esprit à la protection légale; tout cela en tenant pour
acquis que le client connaît le concept d’indication géographique et sait ce que cela signifie,
ce qui n’est pas toujours le cas (El Benni et Reviron 2009).

En fait, même dans l’UE, où les indications géographiques ont une tradition juridique com-
parativement de longue date, nombreux sont les consommateurs qui ne connaissent toujours

46
Guide pour la création d’un consortium de qualité

pas le label distinctif des produits protégés ou bien qui ne savent pas ce que cela implique
exactement (Gerz et Dupont cités dans: Van de Kop et al. 2006; Cambra Fierro et Villafuerte
Martín 2009). De plus, et en particulier sur des marchés comme le marché européen — où
l’on peut observer une plus grande prolifération de boissons et d’aliments à indication
géographique —, la certification est une aide, mais elle n’est pas suffisante pour permettre à
un produit de se faire remarquer. En réalité, même parmi les articles à label distinctif, il existe
une importante concentration des parts de marché. En 2004 en Italie, les dix aliments phares
ont représenté 82 % des ventes totales nationales et extérieures de produits à indication
géographique, alors que les 130 autres marques italiennes certifiées sur la base de l’origine
n’ont facturé que les 18 % restantes. Dans le cas, par exemple, du jambon de Parme ou encore
du Parmigiano Reggiano, les consommateurs connaissent et reconnaissent les aliments davan-
tage comme des marques renommées que comme des produits à indication géographique
(Marette 2009).

Plus le niveau de méconnaissance de la notion des indications géographiques parmi les


­consommateurs est élevé, plus la bonne orientation du consortium vers le marché est impor-
tante; pour attirer des consommateurs raffinés, il est nécessaire de mettre en œuvre une
stratégie de marketing élaborée qui ne repose pas sur une hypothétique force prodigieuse des
certifications d’origine.

Mais si l’enregistrement d’une indication géographique ne suppose pas en lui-même une


garantie de succès en termes de ventes, la bataille légale par la reconnaissance d’une indi-
cation géographique (institutionnalisée) peut énormément augmenter la visibilité d’un
produit et, par conséquent, sa demande. Et même avant d’obtenir le label, les conflits qui
naissent habituellement entre les divers acteurs pour des raisons de reconnaissance légale
(voir section 3.8) finissent parfois par sortir dans les grands titres locaux et augmentent à
la fois le degré de connaissance et les chiffres de ventes du produit faisant l’objet du désac-
cord (Perret et Devautour cités dans: Gerz et al. 2008). Le processus de certification ou
d’institutionnalisation ne doit donc pas être nécessairement vu ni uniquement géré comme
une simple démarche destinée à protéger des droits intellectuels; il s’agit plutôt de l’ingrédient
d’une campagne de communication plus étendue, destinée à augmenter la popularité et la
reconnaissance du produit.

Il convient aussi de rappeler que les indications géographiques ont généralement un impact
plus fort sur la décision d’achat dans un contexte de proximité géographique relative, c’est-
à-dire sur le plan national. Sur les marchés internationaux d’exportation, le consommateur
se laisse généralement davantage guider par la célébrité d’une marque ou par l’image du pays
d’origine d’un produit (Cambra Fierro et Villafuerte Martín 2009). Par ailleurs, au niveau
strictement local, la décision d’achat ne se voit pas non plus influencée par l’indication
géographique; le client comprend les qualités des produits de sa région et achète en fonction
de celles-ci. Dans le cas de l’huile d’olive italienne à indication géographique “Toscano”, le
nom lié à l’origine ne joue pas un rôle décisif parmi les consommateurs locaux traditionnels,
car ceux-ci connaissent le produit typique de première main et ils ont tout d’abord confiance
en sa qualité. Cependant, en dehors de la région Toscane, l’étiquette “Toscano” contribue à
attirer et à fidéliser les consommateurs italiens éloignés sur le plan géographique et culturel
(Rangnekar 2004).

Il est important que le consortium adapte sa stratégie de communication et de distribution


aux divers contextes territoriaux d’opération. Selon le marché cible auquel sont destinés les
différents lots, l’un ou l’autre des attributs tangible ou intangible du produit revêt plus ou
moins d’importance.

47
La valorisation des produits traditionnels d’origine

ENCADRÉ 7. Italie: la pomme “Melinda” du Val di Non

“Melinda” est une marque de pommes largement connue, appartenant à un consortium


italien homonyme. Son histoire illustre comment une structuration associative adéquate
peut être la clé du succès d’un produit traditionnel d’origine sur les marchés. Bien avant
que ne s’établisse le consortium, les pommes en provenance de l’aire géographique ita-
lienne Val di Non avaient déjà une certaine notoriété. Les plus de 5 000 petits arbori­
culteurs de la zone appliquaient des techniques de production similaires et, depuis les
années 1950 et 1960, ils étaient membres de différentes coopératives agricoles locales qui
se chargeaient de conditionner les pommes et de les vendre. L’idée d’unir ultérieurement
leurs forces à travers une alliance de coopératives est née à la fin des années 1980. À cette
époque, l’Italie commercialisait trois fois plus de pommes en provenance du Val di Non que
cette zone géographique n’en produisait réellement; de plus, la concurrence du marché de
produits frais, de plus en plus influencé par le processus de globalisation, devenait toujours
plus forte. C’est ainsi que les gérants des 17 coopératives de pommes existant à ce
moment-là décidèrent de créer le consortium Melinda qui, au fil des années, allait couvrir
de plus en plus de fonctions. Le processus de développement de l’alliance allait être tou­
jours marqué par le leadership démocratique et flexible composé de deux à six de ces
gérants qui allaient montrer d’excellentes capacités leur permettant de pallier les tensions
et de dissiper les méfiances.

Il fut tout de suite convenu de travailler ensemble sous la marque collective “Melinda —
Val di Non” qui servirait à la fois de label d’origine et de qualité. Si les pommes vendues
auparavant par les coopératives étaient bonnes, elles devaient dès lors être meilleures.
De fait, l’étiquette “Melinda”* était uniquement réservée aux pommes produites con-
formément aux conditions très strictes du règlement d’utilisation de la marque, qui
comprenait des normes de “production intégrée” afin de garantir le respect des ­r ythmes
biologiques naturels. Les arboriculteurs qui ne réussissaient pas à passer les contrôles
des coopératives étaient sanctionnés et leurs produits ne pouvaient pas être commer-
cialisés pendant toute la saison. Dans ce contexte, le rôle joué par plusieurs organismes
publics spécialisés devint essentiel, en raison de l’appui technique et de la formation
accordés aux horticulteurs membres afin de faciliter leur adaptation aux nouveaux
­standards de qualité.

Au début des années 1990, les responsabilités du consortium étaient encore relativement
limitées. Il se contentait de se charger de la promotion de la marque “Melinda”, de l’achat
du matériel de conditionnement et de la vente du produit à travers trois canaux de distri-
bution secondaires qui ne représentaient pas plus de 30% de la production: exportation,
grande distribution italienne et industrie. Les diverses coopératives continuaient de se
charger du reste des ventes de manière totalement indépendante, jouissant également
d’une liberté totale pour fixer les prix. Les gérants des coopératives avaient alors une
double fonction professionnelle; d’une part, ils continuaient à travailler pour leurs groupe-
ments respectifs et, d’autre part, ils occupaient collégialement les différents postes de haute
direction et de contrôle opérationnel au sein du consortium. Un mécanisme de rotation
et de recomposition des groupes permettait d’éviter la formation de blocs d’intérêts parmi
les représentants des différentes coopératives locales.

* S’il est vrai qu’au début “Melinda — Val di Non” figurait sur l’étiquette, les pommes sont surtout connues sous le nom
de “Melinda”.

48
Guide pour la création d’un consortium de qualité

La stratégie de coopération fut un succès et les pommes “Melinda” furent rapidement bien
reçues par le marché. Cependant, la division de responsabilités entre les deux niveaux
d’intégration associative démontra rapidement son manque de cohérence. Les diverses
coopératives maintenaient toujours entre elles la concurrence des prix, alors qu’elles ven-
daient des pommes de même qualité et surtout de même désignation. Ces comporte-
ments pouvaient bien sûr entacher le renom de la marque collective “Melinda”. C’est pour
cette raison qu’au milieu des années 1990 le consortium décida d’introduire un prix uni-
taire de référence pour toutes les pommes commercialisées directement par les coopéra-
tives. De plus, un système de classification et de rétribution sur la base de la qualité fut
introduit, qui serait maintenu dans le futur pour stimuler l’excellence. Cependant, le sys-
tème ne récompensait que de façon modérée les meilleurs; car tous les arboriculteurs
contribuaient à part égale au financement du consortium et au maintien du renom
”Melinda” sur le marché. Quant au prix de référence, le consortium établit également un
mécanisme d’encouragement corrigé, basé sur l’individualisation des pertes et la collectivi-
sation des bénéfices. Les coopératives n’étaient toujours pas obligées d’appliquer l’indication
de prix de l’alliance, mais elles avaient de bonnes raisons de le faire. Si elles vendaient au-
dessous du prix fixé, elles ne recevaient aucune indemnisation; si elles vendaient au-dessus
de ce prix, elles devaient donner la différence au consortium, et le montant total accumulé
était ensuite redistribué parmi les différentes coopératives, membres du consortium, en
fonction de la qualité du produit vendu.

Le mécanisme du prix unitaire servit à augmenter globalement les bénéfices, mais, quel-
ques années plus tard, le comité de direction du consortium considéra que le moment
était venu d’aller plus loin dans le processus de centralisation. La structuration en place
empêchait les éventuelles économies d’échelle et de spécialisation d’être pleinement
exploitées; de plus, elle ne permettait pas d’en finir avec les comportements opportunistes
et la concurrence des prix. Le changement de l’organisation du “système Melinda” fut éga-
lement stimulé par les généreuses aides économiques que l’Union européenne com-
mençait à offrir pour les grandes alliances de producteurs qui concentraient la gestion de
l’offre et celle de la logistique dans une seule structure stable. Le premier pas dans cette
direction fut la centralisation de toute l’activité de commercialisation qui, dès lors, allait être
totalement assumée par le consortium.

Les coopératives continuaient d’avoir leur autonomie patrimoniale et avaient toujours à


leur charge le contrôle de la qualité et du conditionnement des pommes, mais elles ne
pouvaient plus intervenir dans le marketing mix. Avec cette innovation, la condition de
dédoublement professionnel — qui était celle des gérants des coopératives auparavant —
fut encore plus accentuée; il était clair qu’il s’agissait d’une situation d’organisation peu
durable. Peu de temps après eut donc lieu un changement vers une centralisation concer-
nant également la logistique. Les gérants des coopératives devenaient des employés exclu-
sifs du consortium et occupaient différents postes opérationnels à responsabilité en son
sein. La supervision de la qualité était maintenant entre les mains du consortium; et il fut
enfin possible d’homogénéiser complètement les pratiques de contrôle et d’inspection des
pommes. À ce moment-là en tout cas, il y avait très peu d’infractions aux normes du règle-
ment d’utilisation. Les arboriculteurs s’étaient adaptés aux exigences de la production inté-
grée. De plus, dans un contexte rural comme celui du Val di Non, où l’image professionnelle
et la réputation sociale d’un agriculteur sont très liées, la pression communautaire évitait les
cas de fraude intentionnelle.

49
La valorisation des produits traditionnels d’origine

À la fin des années 1990, le fonctionnement du consortium ressemblait de plus en plus à


celui d’une entreprise, alors que les fonctions des coopératives se retrouvaient très limi-
tées. Cependant, dans le processus de décision du consortium, la composante de la démo-
cratie fédérative était toujours très présente, car c’étaient les représentants des différentes
coopératives qui en régissaient les organes de direction. De plus, pour donner plus de voix
à la base, une grande assemblée extrastatutaire fut établie, à caractère consultatif et inté-
grant environ 5% des arboriculteurs. Ce qui a abouti au développement et au succès du
consortium fut en grande mesure la capacité des leaders du projet “Melinda” à maintenir
un dialogue continu avec les plus de 5 000 petits agriculteurs et de les intégrer dans les
prises de décision cruciales. Dans ce contexte, il a été également essentiel d’éliminer
d’anciennes rivalités microlocales et de stimuler la naissance d’une nouvelle identité terri-
toriale parmi les cultivateurs qui appartenaient à des communautés et des coopératives
géographiquement proches, mais qui étaient néanmoins très différents. En même temps
que se développaient de nouvelles techniques productives, commerciales et organisation-
nelles sous la dénomination “Melinda — Val di Non”, une nouvelle identité territoriale, plus
large et plus liée au Val di Non, émergeait. Les piliers du projet “Melinda” étaient bien
ancrés dans leur environnement territorial; le processus de modernisation et d’innovation
n’interférait pas dans la réalité sociale du Val di Non, marqué traditionnellement par de
petites structures productives familiales.
L’enracinement historique et territorial des pommes du “Val di Non” a été officiellement
confirmé lorsque celles-ci ont reçu le statut d’indication géographique en 2003, grâce aux
efforts du consortium. La reconnaissance de l’unicité du produit a été un motif d’orgueil,
même si elle n’a pas modifié l’essentiel de la stratégie publicitaire du consortium qui
­continuait de donner pleinement la priorité à la promotion de la marque collective. En fait,
grâce au grand effort de communication qui avait été mené toutes ces années, “Melinda”
était devenue célèbre sur les marchés, et les consommateurs se souvenaient fort bien de
la marque.
Au cours de ces dernières années, le projet ”Melinda” n’a fait que se développer. Le
consortium a assumé davantage de responsabilités et a étendu ensuite son domaine
d’activité. À ce jour, les pommes du Val di Non sont exportées dans 27 pays. Et mainte-
nant, la ­marque “Melinda” ne commercialise plus uniquement ces fruits, mais également
des ­produits élaborés à partir de la pomme.
Source principale: Parri et al. 2002
Autres sources: Arfini et al. 2008; Martini 2000; OMPI 2004; www.melinda.it

3.7. Comment élargir le consortium


de qualité?
Après avoir atteint un certain chiffre d’affaires grâce
au produit commun, les membres du consortium
doivent décider s’ils veulent élargir leurs opérations
et augmenter le volume des ventes; cela entraîne
forcément l’admission de nouveaux associés. En prin-
cipe, le nombre des membres d’un consortium ne
détermine pas son degré de cohérence; les grandes
organisations comme les petites peuvent être bien ou

50
Guide pour la création d’un consortium de qualité

mal gérées et structurées. Généralement, un petit consortium nécessite des niveaux


d’engagement et d’efforts de coordination plus limités de la part de ses membres pour pouvoir
fonctionner correctement et le rapport coût/efficacité en est plus avantageux. Mais il est
également évident que la portée commerciale potentielle est plus modeste (Roep et al. 2006;
Barjolle et Sylvander 1999).

En tout cas, élargir le consortium ne doit pas être une fin en soi, et surtout cela ne doit pas
mettre en danger les piliers servant de base à l’organisation collective: la transparence, la
confiance mutuelle et l’égalité entre les membres; l’alignement d’intérêts et d’objectifs parta-
gés; la distribution équitable des coûts, des bénéfices et du pouvoir de décision (Roep et al.
2006). Dans ce contexte, il faut savoir que le fait d’intégrer de nouveaux membres dans un
consortium peut créer des tensions. Les nouveaux associés se sentent souvent attirés avant
tout par les avantages économiques qu’ils espèrent obtenir et ils ne partagent pas toujours la
vision et les principes directeurs qui ont originairement uni les membres fondateurs. Ceux-ci,
pour leur part, se méfient des nouveaux venus qui bénéficient d’un chemin tout tracé par les
autres, sans avoir à assumer de risques (Barjolle et al. 2005; Reviron et al. 2009). La décision
relative à l’admission de nouveaux opérateurs économiques peut être prise avec plus ou moins
de liberté selon le système de tutelle choisi pour le produit. Si le produit est protégé par une
marque collective, décider du nombre de membres, et donc du nombre d’utilisateurs du label,
ne pose généralement pas de gros problèmes dans la pratique. Mais ce n’est pas forcément
le cas lorsqu’il s’agit d’une marque de certification et encore moins pour une indication
géographique reconnue (Barjolle et al. 2005).

En fait, selon les cadres légaux d’un grand nombre d’États, une indication géographique peut
être utilisée par tous les opérateurs économiques situés dans la zone géographique en ques-
tion et qui respectent le cahier des charges et/ou les autres conditions pertinentes. Toutes les
législations nationales n’établissent pas que les acteurs concernés doivent appartenir obliga-
toirement au consortium ou à l’organisation collective pour être autorisés à faire usage du
label. Mais cela n’empêche pas que de nombreux opérateurs choisissent librement de faire
partie du groupement officiel qui veille sur l’indication géographique, puisqu’aux yeux de
nombreux producteurs le fait d’être membre de l’organisation collective représente d’énormes
avantages, comme des démarches plus simples pour la certification (Raynaud et al. 2002;
Belletti et al. 2007). S’il est vrai que, pour réguler les nouvelles affiliations et pour concilier
les niveaux d’offre et de demande du produit, les consortiums établissent généralement une
liste d’attente, il n’en demeure pas moins que l’enregistrement d’une indication géographique
peut entraîner une perte relative du contrôle du nombre de membres.

3.8.  Selon quels critères opter pour une indication géographique?


En fonction du cadre légal en vigueur dans le pays où opère un consortium de qualité, il
sera plus ou moins simple, faisable et accessible d’obtenir la reconnaissance et la protection
d’une indication géographique pour un produit. Dans certains pays, obtenir ce type de label
peut correspondre à relativement peu de démarches, alors que, dans d’autres, le processus
peut être très complexe et demander de grands efforts en termes de temps et de coûts, en
particulier si les lois nationales ne prévoient pas encore les indications géographiques comme
figure juridique. De plus, les conditions et les obligations qui doivent être respectées par les
producteurs pour obtenir la reconnaissance, par exemple quant aux frais d’enregistrement
ou aux procédures de certification de qualité, varient d’un pays à l’autre. Il est donc impos-
sible d’établir des critères toujours valables, pouvant faciliter la prise de décision quant à

51
La valorisation des produits traditionnels d’origine

opter ou non pour la protection d’une indication géographique. Cependant, la grande expé­
rience accumulée par les pays de l’UE dans ce domaine démontre que les indications
géographiques (institutionnalisées) ne sont pas nécessairement la panacée, comme nous allons
le démontrer ci-après.

Pour commencer, tous les types de produits ne sont pas appropriés de la même manière pour
obtenir un bénéfice d’une indication géographique. Certains produits — dont la nature permet
de bien les vendre à travers des canaux de distribution courts à des consommateurs locaux
et à des touristes, et qui, pour des raisons diverses, ne peuvent être produits en grandes
quantités mais qui sont déjà suffisamment connus pour pouvoir bénéficier d’importants surprix
sur leur marché objectif — ne vont pas forcément améliorer leur vente ni leur positionnement
avec une indication géographique. Du moins, ce ne sera pas au point de couvrir les frais
additionnels dérivant directement ou indirectement du contrôle de la qualité et de la certifi-
cation obligatoires. Cet aspect ne semble pas toujours être pris en compte; de fait, à cause
d’un manque d’information, le désir d’enregistrer des produits sous la modalité légale en
question a donné lieu à ce qu’il existe — et cela, même dans l’UE — de nombreux cas
d’indications géographiques officiellement reconnues et qui par la suite sont à peine utilisées
dans le commerce à cause du manque d’intérêt de la part des utilisateurs potentiels (Carbone
2003; Marescotti 2003).

En outre, les produits traditionnels d’origine, qui sont commercialisés pour la plus grande
part au niveau local, ne sont pas nécessairement confrontés à de grands problèmes associés
à l’utilisation frauduleuse du nom lié au territoire. Il semble être parfois justifié de craindre
l’effet contraire que peut avoir la reconnaissance de l’indication géographique. En fait, s’il est
vrai que la protection officielle sert à combattre plus efficacement une utilisation indue de la
désignation, la fraude est parfois stimulée par le plus grand renom et les meilleurs prix obte-
nus par le produit grâce à l’indication géographique sur les marchés (Marescotti 2003; Tregear
2004; Gerz et Fournier cités dans: Van de Kop et al. 2006).

De plus, lorsqu’un consortium décide de protéger un nom lié au territoire du produit ainsi
que les normes de production pertinentes comme indication géographique, les stipulations
du cahier des charges élaboré au préalable peuvent devenir l’objet de luttes farouches. Perdre
la bataille relative à la codification technique n’est pas un problème mineur pour les inté­
ressés, étant donné qu’aucun opérateur ayant des pratiques de production qui ne soient pas
en harmonie avec le cahier n’est autorisé à utiliser l’indication géographique. Pour certains
d’entre eux, selon la désignation concrète avec laquelle ils souhaitent protéger le produit,
l’enregistrement de l’indication géographique institutionnalisée peut vouloir dire que, du jour
au lendemain, ils n’auront plus le droit de vendre leur produit sous son nom traditionnel,
celui qu’ils utilisaient depuis toujours. De plus, il peut également y avoir des producteurs et
des entreprises de transformation opportunistes qui craignent de rester en dehors de ce qui
promet d’être une affaire lucrative. Par conséquent, ils lutteront pour que le cahier des charges
établisse des conditions qui leur soient favorables.

Mais, très souvent, le conflit n’existe pas simplement entre les opérateurs économiques directe-
ment intéressés; ce sont également les institutions publiques et privées qui interviennent,
voyant dans l’indication géographique un bon moyen de stimuler le développement économique
local. Cependant, les administrations régionales, les communes ou les chambres de commerce,
ne sont pas toujours de bons alliés pour un consortium de qualité. L’expérience démontre
que ces institutions encouragent une définition ample et imprécise du cahier des charges dans
le but d’inclure le plus grand nombre d’opérateurs possible; mais cela peut avoir des effets

52
Guide pour la création d’un consortium de qualité

négatifs, au moins d’un point de vue commercial. Le produit peut arriver à perdre sa spéci-
ficité, son caractère distinctif, ses qualités typiques et, en définitive, la source essentielle de
sa valeur ajoutée (Tregear 2004; Belletti et al. 2002).

La même chose peut se produire en ce qui concerne la démarcation du territoire. La délimi-


tation géographique de la zone où peut légalement être élaboré un produit sous le nom
protégé devient une affaire cruciale lorsque la décision de demander la reconnaissance officielle
a été prise. Être “dans” la zone délimitée ou “en dehors” a d’énormes conséquences pour
les opérateurs économiques, et il n’est pas toujours simple d’en fixer les lignes de démarca-
tion: quelques produits sont très liés à un écosystème déterminé et seuls quelques producteurs
connaissent et mettent en pratique les techniques appropriées pour leur élaboration; cepen-
dant, dans bien d’autres cas, les conditions écologiques ou le savoir-faire productif sont large-
ment diffusés (Reviron et al. 2009). Il est très commun que les pressions de la part d’acteurs
publics et privés obligent à établir la démarcation territoriale la plus étendue possible; souvent
bien plus vaste que le domaine de production historique. Pour les opérateurs des zones de
production traditionnels, cela veut dire qu’ils doivent alors faire face à plus de concurrence
interne. De plus, cela signifie que d’autres acteurs économiques sont pleinement autorisés à
utiliser la dénomination reconnue qui fait référence à une zone où ceux-ci n’opèrent pas.
Ainsi, l’un des nombreux motifs pour lesquels les agriculteurs italiens de Lari, un village
toscan, n’ont pour l’instant pas voulu protéger leurs fameuses cerises avec une indication
géographique est justement la crainte de devoir élargir la zone géographique de production
officielle, permettant ainsi que les producteurs d’autres villages puissent soudain offrir légi-
timement des “cerises de Lari”. L’alternative de changer le nom déjà si connu pour celui de
“cerises des monts de Pise” a été aussi préoccupante, car cela aurait impliqué de renoncer à
la réputation historique du produit et de perdre le leadership de l’initiative (Marescotti 2003;
Tregear 2004).

De plus, établir une zone légale de production très large peut entraîner une redistribution
interne de la rente perçue pour l’origine du produit. Ce phénomène a pu être observé dans
le cas de l’huile d’olive italienne en provenance de la vaste région de la Toscane. Alors qu’en
règle générale les zones de production déjà renommées ont subi un préjudice dû à la recon-
naissance de l’indication géographique, celle-ci a eu des effets très positifs pour les entreprises
plus dynamiques et situées dans les zones de production traditionnellement moins connues,
mais qui ont su pénétrer des marchés plus éloignés. Ce type de développement n’est pas
nécessairement négatif, mais il faut en tenir compte et l’intégrer dès le début dans les calculs
de coût et de bénéfice (Belletti et al. 2002).

Il ne faut pas non plus perdre de vue que, une fois l’indication géographique obtenue, il
est possible que le nombre de producteurs augmente dans la zone. De nombreux investis-
seurs industriels d’autres aires peuvent être attirés par les grandes marges de bénéfice
pouvant être escomptées. Par conséquent, les marques individuelles commercialisées sous
une même indication géographique augmentent, ce qui accroît aussi la concurrence interne
entre les opérateurs. Une profusion d’initiatives industrielles peut parfois représenter une
sérieuse menace pour les producteurs traditionnels de la zone. “Si l’on contemple le
parcours [des indications géographiques], l’institutionnalisation peut aider de puissants
acteurs externes (entreprises de la grande distribution, entreprises de transformation,
commerçants) à extraire des ressources et de la valeur ajoutée de l’aire d’origine, ce qui
constitue plus une menace qu’une incitation pour le développement local.” (Marescotti
2003: 4, libre ­traduction; Cambra Fierro et Villafuerte Martín 2009; Tregear 2004; ­Acampora
et Fonte 2007; Carbone 2003).

53
La valorisation des produits traditionnels d’origine

Bien sûr, tous les opérateurs locaux ne bénéficient pas toujours de l’indication géographique.
Très souvent, ceux qui finissent par être exclus sont les acteurs qui ont moins de capital social,
économique et technologique; ceux-ci n’ont pas souvent la capacité qui leur permettrait de
mettre en application le cahier des charges ou bien ils ne peuvent pas payer les frais de la
certification obligatoire. Non seulement ces acteurs, mis en marge car non autorisés à vendre
leur produit sous le nom protégé, ne peuvent pas obtenir le surprix de l’indication géographique,
mais parfois leurs produits perdent de leur valeur (Vuylsteke et al. 2003; Sautier et Van de
Kop cités dans: Van de Kop et al. 2006; Marescotti 2003; Acampora et Fonte 2007).

Dans ce contexte, un danger possible peut être le manque d’information, sur le cadre légal,
entre les opérateurs qui ne participent pas directement à l’initiative pour l’obtention de
l’indication géographique institutionnalisée. En Bosnie Herzégovine, par exemple, la future
protection légale du fromage traditionnel “Livanjski” dans les termes souhaités par une asso-
ciation de petites entreprises de production de fromage fermier, pourrait entraîner de sérieux
problèmes inattendus pour les entreprises dont la taille est réduite et qui produisent et com-
mercialisent avec succès un produit industriel homonyme. Beaucoup d’entre elles ignorent
les conséquences que peut entraîner l’enregistrement d’une indication géographique institu-
tionnalisée pour ceux qui ne respectent pas le cahier des charges. Ils ignorent qu’ils ne pour-
ront plus vendre le produit comme “Livanjski” ni comme fromage “type Livanjski”; ils pensent
au contraire que seul le droit d’afficher l’indication géographique leur sera refusé. Le manque
d’information explique très probablement le fait qu’aucun conflit n’ait surgi parmi les divers
groupes d’opérateurs quant au contenu des normes de production qui seront jointes à la
demande d’enregistrement. Il faut également signaler qu’une future exclusion de ces entre-
prises de l’utilisation de l’indication géographique n’aurait pas seulement des effets préjudi-
ciables sur ces dernières; par extension, cela aurait des conséquences sur toute l’économie
locale (Bernardoni et al. 2008).

En résumé, s’il est vrai qu’une indication géographique peut être un excellent instrument
permettant d’augmenter la compétitivité des opérateurs locaux, ce n’est certainement pas
toujours le cas, et cela ne l’est jamais pour tous; il existe des gagnants et des perdants. Les
membres d’un consortium de qualité doivent donc tenir compte des avantages et des incon-
vénients de l’enregistrement; ils doivent évaluer, en fonction de leurs priorités, si les bénéfices
attendus compensent les sacrifices. D’une manière générale, une bonne partie des problèmes
qui naissent de la décision d’opter pour une indication géographique n’apparaît pas si un
consortium se limite à travailler avec une marque collective ou de certification; mais il est
néanmoins vrai que le potentiel commercial et la portée de la protection légale au moyen de
l’indication géographique (institutionnalisée) sont bien plus importants.

3.9.  Quels appuis externes chercher?


Comme cela a été dit précédemment, dans les pays en voie de développement ou en transi-
tion, la grande majorité des initiatives destinées à la création de consortiums de qualité part
non pas des opérateurs concernés, mais plutôt d’institutions publiques ou d’ONG. De nom-
breux projets arriveraient difficilement à terme sans l’appui public et sans un promoteur
externe au processus de regroupement. Mais l’expérience européenne a également révélé
l’importance revêtue, pour une grande majorité d’organisations collectives, par les aides
externes, tant publiques que privées. La réinvention d’un produit traditionnel d’origine
im­plique de grands investissements de temps et d’argent qui, souvent, ne peuvent pas être
réalisés de façon individuelle par les opérateurs économiques.

54
Guide pour la création d’un consortium de qualité

Étant donné que, en particulier au début d’une initiative de ce type, les banques commerciales
se montrent souvent réticentes à accorder les crédits nécessaires, l’appui financier d’autres
organismes externes devient essentiel pour que les producteurs puissent financer les innova-
tions techniques, organisationnelles et structurelles nécessaires. Non moins importants sont
l’assistance technique et l’appui en matière légale pour la définition des critères et l’élaboration
des normes du cahier des charges. De même, après l’élaboration, la mise en application du
cahier implique de nombreuses difficultés; et, là encore, des organismes externes peuvent
aider les opérateurs au moyen de formations techniques ou de services de conseil. De plus,
tout schéma d’appui qui implique la réduction des frais de certification pour les acteurs
concernés peut revêtir une importance particulière, car, pour un très grand nombre d’entre
eux, les coûts d’inspection représentent une barrière infranchissable. Les systèmes de certifica-
tion publics subventionnés, par exemple, peuvent être une voie valable dans ce contexte
(Wiskerke 2007; Roep et al. 2006; Boutonnet et Damary cités dans: Gerz et al. 2008).

Dans un autre ordre d’idées, il faut souligner, en relation avec les produits typiques alimen-
taires, que de nombreuses initiatives dépendent énormément de la bonne volonté des institu-
tions publiques d’accorder des exemptions légales. Certains produits traditionnels d’origine
doivent leurs caractéristiques organoleptiques à des pratiques de production et de transforma-
tion anciennes qui peuvent être en conflit avec la législation en matière de sécurité alimentaire.
Si les autorités publiques ne montrent pas suffisamment de flexibilité, le projet peut échouer
alors même qu’il n’en est qu’à ses débuts (Wiskerke 2007; Roep et al. 2006; FAO 2008).

Et même lorsque le projet est déjà en marche, l’aide externe, tant publique que privée, peut
faire la différence. Les subventions pour l’élaboration d’outils de communication ou le lance-
ment de campagnes de marketing peuvent être aussi importantes que le financement du salaire
d’un expert chargé de gérer le groupement et de promouvoir la commercialisation du produit.
En ce qui concerne le marketing, la légitimation publique de l’initiative peut également être
d’une très grande importance; et son obtention n’est pas toujours difficile, étant donné le
rôle important des produits traditionnels d’origine dans la promotion du développement
économique local (Wiskerke 2007; Roep et al. 2006).

Mais il est vrai que tous les produits typiques ne se prêtent pas de la même façon à la créa-
tion de liens avec d’autres secteurs économiques ni au développement du bien-être local. Par
conséquent, tous les produits ne réussissent pas à susciter le même intérêt de la part d’acteurs
tiers ni à remplir les fonctions d’élément agglutinant pour une vaste stratégie de développe-
ment territorial intégré. Pour qu’un produit puisse jouer un rôle de catalyseur dans le cadre
d’une stratégie territoriale intégrée, il faut qu’il ait un net contenu symbolique et identitaire
pour toute la communauté locale et pas uniquement pour les membres de la filière. Le produit
doit représenter un marqueur culturel qui serve à valoriser le territoire dans son ensemble et
à projeter l’identité régionale à l’extérieur. Pour cela, il doit y avoir des liens étroits entre le
produit, l’histoire locale et les divers aspects de la vie communautaire. De plus, le produit
doit être associé aux traditions locales et aux ressources naturelles, paysagères ou artistiques
(Acampora et Fonte 2007; Tregear 2004; Belletti et al. 2002; Barjolle et al. 2007).

Si les ressources techniques et financières ou le savoir-faire nécessaires à l’obtention et/ou à


la production de l’aliment ou du bien typique sont facilement accessibles à un grand nombre
d’acteurs locaux, le produit peut s’ériger plus facilement en un élément d’identité et renforcer
la cohésion sociale et le sens d’appartenance des habitants. Cela est également applicable à
l’extension géographique de l’aire d’origine du produit; si elle est réduite, l’enracinement dans
le territoire peut être plus intense et l’effet agglutinant plus prononcé. De même, lorsque le
produit ou bien les matières premières destinées à sa transformation sont nettement visibles

55
La valorisation des produits traditionnels d’origine

et caractérisent le paysage d’une localité, il est bien plus faisable de développer une stratégie
territoriale autour d’un aliment ou d’un bien artisanal. Dans ce sens, les fruits traditionnels
d’origine accrochés à de beaux arbres peuvent avoir un grand attrait pour les visiteurs et ils
peuvent être d’excellents marqueurs culturels. De plus, ces aliments ont un autre avantage;
en effet, les ressources nécessaires à l’acquisition et à l’exploitation de vergers sont compara-
tivement réduites. En revanche, la charcuterie de porc traditionnelle d’origine est en principe
un catalyseur de développement territorial moins approprié. Les éleveurs internes de porcs
ne sont généralement pas très visibles et la production demande un équipement et des
­connaissances techniques très spécialisés dont seuls quelques professionnels disposent (Tregear
2004; Belletti et al. 2002).

Les stratégies intégrées de valorisation territoriale unissent de larges collectivités économiques,


politiques, scientifiques et sociales dans la promotion conjointe de la zone à partir du produit
typique qui représente le marqueur culturel. Celui-ci sert de pivot sur lequel est centré le
développement territorial et il s’érige en union centrale d’un vaste choix de biens et de ser-
vices locaux. La notoriété du produit profite également à la valorisation des autres produits
typiques et au patrimoine naturel, historique et artistique de la zone. À leur tour, la recons­
truction de l’identité territoriale et le renforcement de l’image locale de qualité contribuent
à améliorer la commercialisation du produit traditionnel d’origine. Bien évidemment, pour
que ce cercle vertueux puisse se former, le produit typique doit avoir un attrait spécial pour
les visiteurs et les touristes et il doit se vendre sur le territoire en question, surtout directe-
ment ou à travers des canaux de distribution courts. Les routes gastronomiques sont un
exemple de moyen largement répandu de valorisation globale d’un territoire à partir d’un
aliment ou d’une boisson traditionnels. Les visiteurs peuvent suivre les traces du produit
typique tout en profitant des plaisirs culinaires, de la nature, du patrimoine culturel et du
folklore. Le cercle des acteurs locaux engagé dans ces parcours est très large et comprend
les opérateurs de la filière jusqu’aux agences touristiques, en passant par les musées, les res-
taurants et les hôtels, les producteurs de produits artisanaux, les associations culturelles, les
associations environnementales, les institutions scientifiques, etc. (Acampora et Fonte 2007;
Belletti et al. 2002).

Il existe un large éventail d’acteurs locaux et extra-locaux potentiellement intéressés par une
participation à une stratégie de développement local centrée sur un produit traditionnel
d’origine; il serait donc quelque peu artificiel de vouloir en établir une liste limitée. Mais les
intérêts hétérogènes qui se rassemblent autour d’un marqueur culturel ne doivent pas obliga-
toirement devenir compatibles ou converger. Comme mentionné dans la section précédente,
les priorités des membres du consortium de qualité peuvent parfois être totalement à l’opposé
par rapport aux plans de valorisation territoriale d’autres opérateurs ou d’organismes publics
ou privés. Alors que la commercialisation du produit traditionnel d’origine est au centre des
préoccupations des membres de la filière, pour les autres acteurs, ce produit ne représente
parfois qu’un instrument servant à dégager des dynamiques territoriales de développement
bien plus grandes. En fait, la commercialisation efficace du produit traditionnel d’origine peut
même être moins importante que le potentiel en tant qu’étendard de la zone (Belletti et al.
2002; Tregear 2004).

En définitive, les membres du consortium de qualité doivent faire une analyse au cas par cas
pour savoir s’il est souhaitable d’impliquer certains acteurs dans le projet, selon que ceux-ci
partagent les mêmes objectifs et la même vision de développement territorial. Établir de vastes
alliances peut aider à cimenter l’initiative et à augmenter les revenus économiques; mais cela
peut également générer un effet contraire et contribuer à ce que le projet perde sa ligne
initiale et finisse par servir davantage les buts de tiers que les siens.

56
Guide pour la création d’un consortium de qualité

ENCADRÉ 8. Le mouvement Slow Food

En matière de promotion de produits agroalimentaires traditionnels, Slow Food est


devenu une référence presque obligée. Ce mouvement international, dont le siège est en
Italie, est né en 1989 et s’est consacré dès lors à la tutelle du patrimoine œnogastrono-
mique mondial. Actuellement, le réseau compte environ 83 000 associés répartis dans
plus de 120 pays et faisant partie de l’une des 800 délégations territoriales, généralement
connues sous le nom de “convivium”. Il y a déjà longtemps que Slow Food n’est plus
consi­déré comme un simple bastion contre le modèle culturel associé au fast-food ni
comme une plate-forme d’hédonistes qui revendiquent les savoureux délices du banquet.
En fait, le travail effectué par le mouvement va bien au-delà de l’organisation de dégusta-
tions ou de voyages œnogastronomiques. Slow Food organise de grands évènements et
est responsable de la réalisation du “Salone del Gusto”, la plus grande foire au monde de
produits traditionnels et de haute qualité qui a lieu tous les deux ans à Turin (Italie). Le
mouvement est également à l’origine de la création de la première Université euro-
péenne de sciences gastronomiques qui offre des programmes de formation conformes
aux normes académiques italiennes. La branche éditoriale de Slow Food a mis sur le mar-
ché de nombreuses publications sur les traditions culinaires et quelques guides gastrono-
miques qui sont devenus de véritables best-sellers.
La fondation Slow Food pour la biodiversité fut créée en tant qu’organisme statutaire et
économique différencié au sein du mouvement dans le but d’aider à la fois la conservation
d’espèces animales et de plantes sylvestres ou cultivées, et la préservation de produits
typiques locaux susceptibles d’être oubliés. La fondation a trois grands domaines d’action.
Le prix Slow Food pour la défense de la biodiversité récompense exclusivement les per-
sonnes et les organismes ayant contribué à la conservation des espèces qui sont à la base
du legs culinaire d’un pays. De son côté, le projet Arche du goût consiste essentiellement
en une base de données de produits agroalimentaires d’excellence qui sont menacés de
disparaître. Un comité scientifique est chargé de récupérer et de cataloguer les produits
traditionnels méritant une protection spéciale et de recueillir des informations sur leur
histoire, les techniques de production, et leur potentiel commercial. À ce jour, plus de
750 produits du monde entier ont été inclus dans l’Arche. Le grand succès obtenu par la
base de données des produits en “voie d’extinction” a donné lieu à la création des “senti-
nelles” qui doivent être vues comme une réponse opérationnelle aux défis lancés par
l’Arche du goût. Grâce aux 320 sentinelles qui existent dans le monde, Slow Food est
devenu dans certains endroits le fer de lance de la promotion et de la valorisation de
­produits typiques locaux.
Le concept de sentinelle englobe toute une série de projets à petite échelle et très diffé-
rents, dont le but est la sauvegarde de produits agroalimentaires en voie de disparition.
Slow Food aide les producteurs artisans afin de protéger les techniques de production
ancestrales, d’améliorer la qualité et les possibilités de commercialisation de produits tradi-
tionnels, et de conserver le patrimoine économique, culturel et écologique qui s’y associe.
Un projet est parfois centré sur le dernier dépositaire du savoir-faire pour l’élaboration
d’un produit typique déjà oublié, mais, en règle générale, la sentinelle est synonyme
d’ombrelle organisationnelle qui couvre un ou plusieurs groupes de producteurs locaux
produisant de petites quantités d’un même aliment lié à un territoire déterminé. Slow
Food assiste ses bénéficiaires de plusieurs façons: il sert d’intermédiaire dans les processus

57
La valorisation des produits traditionnels d’origine

de regroupement, il intervient dans l’élaboration d’un cahier des charges, il contribue à


l’introduction d’améliorations techniques et technologiques, il aide à la recherche de
nouveaux canaux de distribution et à promouvoir le produit parmi les consommateurs
potentiels. Bien que les sentinelles aient surgi comme des initiatives de type culturel, au fil
du temps, elles ont adopté une logique entrepreneuriale et de marché, mais en restant
toujours fidèles aux principes de la tradition et de l’authenticité. De fait, de nombreux ali-
ments protégés par la fondation et qui n’étaient en principe destinés qu’à l’autoconsommation,
ont commencé à être commercialisés grâce à une sentinelle. Dans la pratique, développer
de nouvelles niches pour les aliments en voie d’extinction signifie souvent contacter des
restaurants locaux ou commencer à vendre sur les marchés de produits frais. Cependant,
Slow Food a cherché des voies de plus en plus innovatrices dans ce sens.
Il y a quelques années, le mouvement brisa pour la première fois un tabou et intervint pour
que quelques-uns de ses produits sentinelles puissent apparaître sur le grand marché de la
consommation de masse. C‘est en Italie qu’un premier accord avec une chaîne connue de
la grande distribution agroalimentaire a permis de faire connaître des aliments régionaux
qui étaient tombés dans l’oubli. L’entreprise s’engagea non seulement à exposer certains
produits typiques dans ses rayons, mais également à informer le consommateur sur les
spécificités de l’article en vente et à lui en offrir la dégustation. De plus, une clause de
l’accord assura le respect de la chaîne quant aux limitations particulières de ces produits
en termes de volumes de production et de saisonnalité.
Récemment, Slow Food Italie a inventé une nouvelle formule promotionnelle pour valori-
ser les produits d’origine en voie d’extinction et pour les protéger contre la concurrence
déloyale. La marque ”Sentinelle Slow Food”, enregistrée par le mouvement, est destinée à
faciliter la commercialisation des produits typiques, et son utilisation est réservée aux sen-
tinelles italiennes qui en font la demande et remplissent les conditions fixées par le titulaire.
Les producteurs artisans doivent être membres d’une association, d’un consortium ou
d’une coopérative, ils doivent respecter les normes du cahier des charges de la sentinelle
en question et ils doivent se soumettre à des procédures de contrôle de la part du
mouvement.
En règle générale, les éléments caractérisant le travail effectué par Slow Food sont une
approche multidisciplinaire, la recherche de solutions non prédéfinies et la capacité
d’adaptation à des besoins divers, des contextes régionaux différents et des cultures dis-
semblables. Le mouvement ne travaille pas de façon isolée et, en fait, il bénéficie de la
collaboration et de l’appui d’institutions publiques, d’entreprises privées ou d’autres fonda-
tions. De plus, les produits protégés par Slow Food bénéficient souvent aussi, de manière
parallèle et indépendante, d’une promotion de la part d’autres organismes nationaux et
internationaux comme dans le cas de l’huile d’argan du Maroc, qui a aussi bénéficié de
l’assistance de l’ONUDI. Sans être toujours le seul acteur intéressé à sauver les derniers
bastions de la culture œnogastronomique ancestrale d’une région, le mouvement Slow
Food offre des réponses et des approches créatives très appréciées.
Sources: Fonte et al. 2006; Fonte 2006; Van der Meulen 2008; www.slowfood.es; www.slowfoodaustria.at;
www.slowfood.it; www.fondazioneslowfood.it; www.présidislowfood.it

58
Conclusions
Une stratégie de valorisation collective autour d’un produit traditionnel d’origine permet de
se libérer de la concurrence de prix et d’étayer des bases compétitives solides fondées sur la
qualité et la différenciation. En particulier dans un environnement rural, de nombreux petits
producteurs artisans sont pris entre deux feux lorsqu’ils doivent faire face à une double con-
currence, celle des autres produits artisanaux traditionnels et celle des produits industriels
standardisés. La fuite en avant avec le pari sur la réinvention collective d’un produit typique
très lié au territoire devient, dans quelques contextes régionaux économiquement déchus, la
meilleure, voire l’unique, voie pour protéger des emplois, obtenir des revenus dignes et freiner
l’exode rural. Lorsque les conditions géographiques et environnementales d’un lieu rendent
impossible l’introduction de systèmes de production intensifs, il ne reste qu’à concentrer les
efforts, opter pour une stratégie offensive de niche, devancer l’immobilisme et passer de la
simple production au marketing. Dans un contexte où de nombreux producteurs d’une zone
se voient contraints de fabriquer un même bien typique, le développement local oblige à
rompre partiellement les dynamiques de marché et à les remplacer par la coopération.

Le point de départ de toute stratégie de valorisation est la reconnaissance d’un produit tra-
ditionnel d’origine non pas comme une simple denrée agro-industrielle générique, mais
comme un potentiel article haut de gamme. Le défi consiste donc à perfectionner le produit
typique et à le transformer en un bien apprécié qui réponde à l’attente d’une clientèle exi-
geante et prête à payer pour une qualité élevée et pour ces attributs intangibles, inhérents
aux produits traditionnels d’origine: l’authenticité et le lien territorial. Améliorer qualitative-
ment le produit, en créer une image différenciée et obtenir un positionnement élevé dans
l’esprit du consommateur, tout cela requiert de grands investissements en termes de temps
et d’argent. Mais la coordination d’efforts et la concentration de ressources au sein d’un
­consortium de qualité rendent possible l’accumulation du capital productif, financier et tech-
nologique nécessaire pour pouvoir mettre en œuvre la stratégie de valorisation conjointe.

Cependant, il serait injuste de réduire l’utilité de ces groupements à une simple question
d’économies d’échelle. S’il est vrai qu’un consortium de qualité a tendance à attirer en
particulier l’intérêt de petits opérateurs économiques, pour autant ce type de groupement
ne représente pas un simple outil temporaire pour l’augmentation de la compétitivité des
plus “faibles”. Les consortiums de qualité naissent avec la vocation de durer dans le temps
et ils ne sont pas appelés à se dissoudre une fois que leurs membres ont atteint un bon
positionnement sur le marché. L’union autour d’un même article de vente crée des relations
de dépendance à long terme entre tous les membres, qui doivent être formellement coordon-
nées. Qui plus est, les consortiums de qualité peuvent remplir des fonctions difficiles à
remplacer par de simples transactions de marché entre un nombre très élevé d’opérateurs
économiques. La redistribution équitable des bénéfices tout le long d’une filière, le contrôle
des volumes de production pour se maintenir collectivement sur un haut segment de marché

59
La valorisation des produits traditionnels d’origine

ou l’institutionnalisation de pratiques de production respectueuses des traditions et de


l’environnement sont des exemples de réalisations impossibles à obtenir sans une structure
de concertation.

Un projet de coopération technique pour la promotion d’un consortium de qualité peut


conjuguer le développement du progrès économique et l’augmentation de la compétitivité
avec la sauvegarde du legs historique, culturel et écologique d’une région. Et c’est bien de
là que découle l’intérêt de l’ONUDI à fournir son appui à la création de ce type de groupe-
ment dans les pays en voie de développement. Cependant, comme cela a été exposé dans ce
document, il existe de nombreux facteurs dont il faut tenir compte lorsqu’il s’agit d’établir
et de promouvoir un consortium de qualité. À la base, il existe trois vecteurs qui doivent
guider toute intervention et qui sont déterminants pour le succès de tout groupement en
termes de développement durable: l’accueil favorable du produit traditionnel d’origine par le
marché, la gestion équitable des divers intérêts socioéconomiques présents tout le long de la
filière et l’impact positif du projet commun au niveau local. Pour pouvoir atteindre simultané-
ment ces trois objectifs, il faut faire très attention aux questions suivantes:

• Le produit traditionnel d’origine faisant l’objet de valorisation doit se caractériser par sa


singularité et il doit représenter une source importante de revenus pour les opérateurs
économiques engagés dans sa production.
• Le processus de regroupement doit être mené par un promoteur; ce dernier doit, d’une part,
servir d’intermédiaire entre les opérateurs économiques des divers maillons de production
qui entrent en jeu; d’autre part, il doit s’assurer que tous les acteurs ont le même niveau
d’information sur la portée potentielle du projet. C’est le seul moyen pour que tous les
groupes puissent faire valoir leurs intérêts dès le début.
• Le cahier des charges doit être suffisamment strict pour étayer la différenciation du produit
et suffisamment flexible pour maintenir la concurrence commerciale entre les membres. Le
document doit reconnaître la contribution de chaque maillon de la filière à la création de la
valeur ajoutée globale; il doit fixer les mesures permettant d’atteindre les objectifs non
économiques du consortium (protection de la biodiversité, des méthodes de production
ancestrales, du legs culinaire et culturel, etc.).
• Ce n’est qu’une fois que les membres sont dans la position d’appliquer le cahier des charges
et que cette application peut être contrôlée qu’il convient d’opter pour l’enregistrement d’un
label collectif.
• Les indications géographiques comme les marques collectives et les marques de certification
représentent des moyens légaux convenant à la protection d’un produit traditionnel d’origine
dans le cadre d’un consortium de qualité. D’une part, l’utilisation de ces labels est ouverte à
un grand nombre d’opérateurs économiques indépendants et, d’autre part, les trois labels
permettent non seulement de protéger le nom du produit, mais aussi d’attester ses carac­
téristiques qualitatives. Opter pour l’un ou l’autre des moyens légaux de protection n’est pas
seulement une question de viabilité juridique, cela dépend également des priorités socio­
économiques des membres. Et surtout, l’enregistrement d’une indication géographique
institutionnalisée peut avoir des effets négatifs imprévus tant pour les membres du consor-
tium (perte de spécificité du produit, augmentation de la concurrence interne) que pour les
­producteurs externes (effet d’exclusion).
• Il est nécessaire d’avoir un contrôle rigoureux de la mise en œuvre du cahier des charges de
la part de tous les membres, cela pour plusieurs raisons: le cahier représente une condition
légale pour pouvoir utiliser certains labels collectifs; il jette les bases permettant une garantie
à long terme des standards de qualité du produit; et il permet de cimenter la confiance parmi

60
Guide pour la création d’un consortium de qualité

les membres du consortium. La certification externe n’entraîne pas toujours des bénéfices
tangibles et, dans tous les cas, il vaut toujours mieux qu’elle soit accompagnée de pratiques
de contrôle interne afin de réduire les coûts.
• Le consortium de qualité peut offrir différents services qui permettent de renforcer le succès
du produit sur le marché et d’assurer une distribution équitable des coûts, des bénéfices
ainsi que du pouvoir de décision tout le long de la filière. Quelques exemples en sont les
contrats types, le système de redistribution basé sur la qualité, la coordination de la certifica-
tion collective, la gestion de la distribution des bénéfices entre les membres ou le contrôle de
l’offre quantitative.
• Pour pouvoir bien se positionner sur le marché, une promotion efficace du produit tradition-
nel d’origine est tout aussi importante que la grande qualité de celui-ci. Tous les membres
doivent suivre une même stratégie de communication et de marketing conjointe, orientée
vers le renforcement de l’image du produit comme le bien typique étroitement lié à un ter-
ritoire. En particulier, les canaux de distribution courts ne doivent pas être dédaignés, car ils
permettent d’établir un lien entre le consommateur et la région d’origine du produit.
• Bien que le nombre de membres d’un consortium ne détermine pas son degré de cohérence
interne, un élargissement peut faire naître des tensions entre les anciens et les nouveaux
membres et, par conséquent, l’élargissement doit être le fruit d’une décision méditée. En
fonction du label sous lequel le produit aura été enregistré, cette décision pourra être prise
avec plus ou moins de liberté.
• Pour le démarrage d’un consortium, il est essentiel de disposer de l’aide initiale externe de
caractère technique, légal, financier et promotionnel. De plus, lorsque le produit traditionnel
d’origine représente un marqueur culturel pour une région, celui-ci peut agir comme élé-
ment fédérateur et catalyseur d’une vaste stratégie de promotion territoriale qui engage de
nombreux organismes publics et privés. Dans ces cas-là, le consortium doit s’assurer que la
commercialisation effective du produit typique n’est pas compromise par les objectifs
­ambitieux de développement local de tiers.

61
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68
Annexe
Cahier des charges
Produit avec indication géographique institutionnalisée — France

CAHIER DES CHARGES consolidé


de L’APPELLATION D’ORIGINE PROTÉGÉE
“Roquefort”
Version 2006

1) SERVICE COMPÉTENT DE L’ÉTAT MEMBRE


Institut national de l’origine et de la qualité (INAO)
51 rue d’Anjou 75008 Paris
Tél.: (33) (0)1 53 89 80 00
Fax: (33) (0)1 42 25 57 97
Courriel: [email protected]

2) GROUPEMENT DEMANDEUR
Nom: Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels
de Roquefort
Adresse: 36 avenue de la République BP 348 12103 Millau Cedex
Tél.: (33) (0)5 65 59 22 00
Fax: (33) (0)5 65 59 22 08
Composition: producteurs et transformateurs

3) TYPE DE PRODUIT
Classe 1-3 – Fromages

4) NOM DU PRODUIT
Roquefort

5) DESCRIPTION DU PRODUIT
Le Roquefort est un fromage à pâte persillée, préparé et fabriqué exclusivement avec
du lait de brebis cru et entier conformément aux usages locaux, loyaux et constants.

69
La valorisation des produits traditionnels d’origine

La pâte non pressée et non cuite, ensemencée avec des spores de Penicillium roqueforti,
à croûte humide, renferme 52 grammes minimum de matière grasse pour 100 grammes
de fromage après complète dessiccation et 55 grammes minimum de matière sèche
pour 100 grammes de fromage affiné.

C’est un cylindre de 19 à 20 centimètres de diamètre, de 8,5 à 11,5 centimètres de


hauteur et dont le poids varie entre 2,5 et 3 kilogrammes.

La pâte est onctueuse et bien liée, veinée de bleu uniformément, le bouquet, très
particulier avec une légère odeur de moisissure et la saveur, fine et prononcée.

6) DÉLIMITATION DE L’AIRE GÉOGRAPHIQUE


Au début du xxe siècle, aux termes de la loi du 26 juillet 1925, ayant pour but de
garantir l’appellation d’origine du fromage de Roquefort, l’aire de production de lait
de brebis était assez vaste, puisqu’elle comprenait “les zones actuelles françaises de
production et les zones de la France métropolitaine présentant les mêmes caractéris-
tiques de races ovines, d’herbage et de climat”, la zone d’affinage étant, depuis l’arrêt
du parlement de Toulouse de 1666, circonscrite à la commune de Roquefort-sur-­
Soulzon et limitée, par jugements successifs et notamment ceux du 21 juillet 1904 et
du 22 décembre 1921, aux seules caves de Roquefort situées dans la zone des éboulis
du Combalou.

Les décrets de 1979 puis de 1986 définissaient en application de la loi de 1925 une
aire géographique s’étendant sur le sud du Massif central et dans l’ancienne province
du Rouergue ainsi que certaines régions voisines, c’est-à-dire dans de nombreux dépar-
tements, compte tenu de la faiblesse des troupeaux, contraints de se satisfaire d’une
nourriture rare dans des zones arides et sèches.

Les efforts développés par les professionnels pour développer l’élevage des brebis ont
permis de restreindre progressivement l’aire d’approvisionnement en lait. Aujourd’hui,
le lait est collecté uniquement dans la zone correspondant au “rayon” qui comprend
560 communes ou parties de communes.

Cette zone correspond à la moyenne montagne du sud du Massif central, ainsi


qu’aux zones de piémont et aux bassins intra-montagnards. Un point de collecte
ou une laiterie existe sur les petites régions agricoles retenues depuis au moins
trente ans et des élevages produisent toujours aujourd’hui du lait destiné à la fabri-
cation du Roquefort. Le système d’élevage sur cette zone est caractéristique du
Roquefort (exploitation de la race Lacaune depuis de nombreuses années et système
non transhumant).

Il s’agit d’une grande partie du département de l’Aveyron et d’une partie des dépar-
tements limitrophes: Aude, Lozère, Gard, Hérault et Tarn, soit les communes ou parties
de communes suivantes:

[...]

70
Guide pour la création d’un consortium de qualité

7) ÉLÉMENTS PROUVANT QUE LE PRODUIT EST ORIGINAIRE


DE L’AIRE GÉOGRAPHIQUE
Chaque opérateur remplit une “déclaration d’aptitude” enregistrée par les services de
l’INAO et permettant à ce dernier d’identifier tous les opérateurs. Ceux-ci doivent
tenir à la disposition de l’INAO des registres ainsi que tout document nécessaire au
contrôle de l’origine, de la qualité et des conditions de production du lait et des
fromages.

Dans le cadre du contrôle effectué sur les caractéristiques du produit d’appellation


d’origine, un examen analytique et organoleptique vise à s’assurer de la qualité et de
la typicité des produits présentés à cet examen.

8) DESCRIPTION DE LA MÉTHODE D’OBTENTION DU PRODUIT


1. La production du lait et la fabrication doivent être effectuées dans l’aire géographique.

2. Les opérations de maturation, de stockage, de découpage, de conditionnement, de


préemballage et d’emballage des fromages sont effectuées exclusivement dans la ­commune
de Roquefort-sur-Soulzon.

3. Les fromages sont préparés et fabriqués exclusivement avec du lait de brebis mis
en œuvre à l’état cru et entier.

4. Le lait utilisé doit provenir de troupeaux laitiers composés de brebis appartenant


à la race Lacaune. Les brebis “noires”, issues d’animaux correspondant au standard de
la race Lacaune, sont également admises. Un délai de mise en conformité de cinq ans
(à compter du 22 janvier 2001) est ouvert.

5. Les brebis doivent être élevées traditionnellement avec une alimentation à base
d’herbe, de fourrage et de céréales provenant au moins aux trois quarts, évalués en
matière sèche, de l’aire géographique de production.

6. Cette disposition pourra faire l’objet de mesures dérogatoires accordées par les
services de l’INAO pour les périodes de sécheresse, aléas climatiques ou autres circons-
tances exceptionnelles. Un complément azoté est autorisé.

7. L’élevage en stabulation permanente exclusive de même que l’élevage “hors sol”


sont interdits. En période de disponibilité d’herbe, dès que les conditions climatiques
le permettent, le pâturage est obligatoire et quotidien.

8. Le lait de brebis ne peut être livré par les producteurs aux laiteries moins de
vingt jours après l’agnelage et doit provenir de deux traites complètes par jour.

9. Il ne peut être stocké à la ferme au-delà de vingt-quatre heures, sauf cas particulier.

10. Après filtrage, le lait est stocké au froid.

11. Seuls les laits correspondant aux présentes dispositions peuvent approvisionner
les ateliers affectés à la fabrication du Roquefort.

71
La valorisation des produits traditionnels d’origine

12. La fabrication du fromage s’effectue avec le lait cru et entier, non normalisé en
protéines et matières grasses. Tout traitement physique autre qu’une filtration destinée
à éliminer les impuretés macroscopiques est interdit. Le réchauffage du lait pour
atteindre la température d’emprésurage est autorisé. L’adjonction de ferments lactiques
est autorisée.

13. L’emprésurage doit avoir lieu au plus tard quarante-huit heures après la traite la
plus ancienne, à une température comprise entre 28°C et 34°C. Il est réalisé avec de
la présure.

14. L’ensemencement s’effectue avec des poudres et cultures de Penicillium roqueforti


préparées à partir de souches traditionnelles isolées dans le microclimat des caves de
la zone délimitée de la commune de Roquefort-sur-Soulzon.

15. Le lait est coagulé, le caillé est divisé et brassé.

16. La conservation, par maintien à une température négative, des matières premières
laitières, des produits en cours de fabrication, du caillé ou du fromage frais est interdite.

17. Le moulage du caillé est effectué après pré-égouttage.

18. L’égouttage est réalisé sans pressage.

19. Après égouttage, le fromage est marqué, en creux, pour permettre une identification.

20. Un ensemencement en flore de surface peut être pratiqué.

21. Le salage est effectué à sec.

22. Le report de caillé est interdit.

23. Le piquage, destiné à aérer la pâte du fromage, est réalisé en cave ou en laiterie.
Le délai entre le piquage et la réception en cave d’affinage est au maximum de deux
jours; toutefois, ce délai peut être prolongé de deux jours supplémentaires en cas
­d’interruption des réceptions en caves d’affinage, consécutive aux jours fériés.

24. La conservation sous atmosphère modifiée des fromages frais et des fromages en
cours d’affinage est interdite.

25. Le fromage est affiné et maturé pendant une période minimale de quatre-vingt-dix
jours à compter de son jour de fabrication. Au cours de cette période, il est procédé à
un affinage, suivi d’une maturation à température dirigée. L’affinage est réalisé dans les
caves situées dans la zone des éboulis de la montagne du Combalou (commune de
Roquefort-sur-Soulzon), délimitée par le jugement du tribunal de grande instance de
Millau du 12 juillet 1961, parcourue naturellement par les courants d’air frais et humide
provenant des failles calcaires, dites “fleurines”, de cette montagne.

26. Le fromage est exposé à nu dans lesdites caves pendant la durée nécessaire au
bon développement du Penicillium roqueforti. Cette durée ne peut en aucun cas être
­inférieure à deux semaines.

72
Guide pour la création d’un consortium de qualité

27. Une maturation lente sous emballage protecteur se poursuit dans ces caves ou
dans des salles à température dirigée où les fromages sont entreposés.

28. La mise sous emballage protecteur s’effectue exclusivement dans les caves visées
définies ci-dessus.

29. Les opérations de maturation, de stockage, de découpage, de conditionnement,


de préemballage et d’emballage des fromages sont effectuées exclusivement dans la
­commune de Roquefort-sur-Soulzon.

9) ÉLÉMENTS JUSTIFIANT LE LIEN AVEC LE MILIEU GÉOGRAPHIQUE


L’origine de la fabrication du Roquefort est très ancienne. On retrouve des faisselles
à fromages dans les gisements préhistoriques de la région.

En 1070, le cartulaire de l’abbaye de Conques, en Aveyron, atteste que depuis le Haut


Moyen Age la plupart des rentes et fermages s’estiment en argent et/ou en fromage
de Roquefort.

En 1411, une charte de Charles VI reconnaît la nécessité vitale de défendre le Roque-


fort “en un pays où ne pousse ni pied de vigne, ni grain de blé”.

En 1666, un arrêt du parlement de Toulouse confirme tous les privilèges accordés


successivement par Charles VI, Charles VII, François ler, Henri II, Louis XIII et
Louis XIV pour la défense du Roquefort et concède aux habitants de Roquefort-sur-
Soulzon le monopole de l’affinage du fromage de Roquefort “tel qu’il est pratiqué de
temps immémorial dans les grottes du village”.

En effet, les caves d’affinage de Roquefort, situées sous le site même du village de
Roquefort-sur-Soulzon, sont entièrement creusées dans des éboulis au pied des falaises
calcaires du Combalou qui, au cours des siècles, ont été le siège de fractures et d’ef-
fondrement. Par les fissures de ces éboulis arrive un courant d’air frais, plus ou moins
violent, qui crée des conditions biologiques uniques au monde.

Au xviiie siècle, le Roquefort reçoit les plus grands éloges de Voltaire, et surtout de
Diderot et d’Alembert qui le proclament “roi des fromages” en 1782.

Malgré la Révolution, les privilèges royaux accordés au Roquefort sont maintenus par
la Convention qui décide que “ne sera Roquefort que ce qui sortira des caves de
Roquefort”.

Par la suite, de nombreux jugements, notamment ceux de juillet 1904 du tribunal de


première instance de la Seine, et de décembre 1921, du tribunal civil de Saint-Affrique,
limitent à la seule zone des éboulis du Combalou l’affinage des fromages de
Roquefort.

Enfin, les fabricants de Roquefort obtiennent du Parlement le vote de la loi du


26 juillet 1925 qui a pour but de garantir l’appellation d’origine de ce fromage.

73
La valorisation des produits traditionnels d’origine

L’aire d’appellation correspond à l’esprit de la loi de 1925, les secteurs retenus ayant
des usages de production de lait de brebis et de fabrication.

L’affinage, qui a lieu exclusivement dans les caves naturelles des éboulis du plateau du
Combalou, confère, comme expliqué plus haut, au Roquefort sa saveur originale.

Les poudres et cultures de Penicillium roqueforti destinées à l’ensemencement de la pâte


du fromage sont préparées à partir de souches traditionnelles existant dans le micro-
climat des caves naturelles de la commune de Roquefort.

La conjonction d’un territoire difficile et ingrat, d’un don de la nature avec les caves
du Combalou au milieu de vastes étendues déshéritées, dont seule la rusticité de la
brebis peut s’accommoder, et de l’opiniâtreté et du talent d’hommes rudes, industrieux
et patients qui pendant des générations se sont transmis leur savoir-faire, explique la
réussite d’un fromage qui, “fils de la montagne et du vent, apporte sur votre table un
peu de l’âme du Rouergue”.

10) RÉFÉRENCES CONCERNANT LA STRUCTURE DE CONTRÔLE


Nom: Institut national de l’origine et de la qualité (INAO)
Adresse: 51 rue d’Anjou 75008 Paris
Tél.: (33) (0)1 53 89 80 00
Fax: (33) (0)1 53 89 80 60

L’Institut national des appellations d’origine est un établissement public à caractère admi-
nistratif, jouissant de la personnalité civile, sous tutelle du Ministère de l’agriculture.

Le contrôle des conditions de production des produits bénéficiant d’une appellation


d’origine est placé sous la responsabilité de l’INAO.

Le non-respect de la délimitation de l’aire géographique ou d’une des conditions de


production entraîne l’interdiction de l’utilisation, sous quelque forme ou dans quelque
but que ce soit, du nom de l’appellation d’origine.

Nom: Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression


des fraudes (DGCCRF)
Adresse: 59 boulevard Vincent–Auriol 75703 Paris Cedex 13
Tél.: (33) (0)1 44 87 17 17
Fax: (33) (0)1 44 97 30 37

La DGCCRF est un service du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

11) ÉLÉMENTS SPÉCIFIQUES DE L’ÉTIQUETAGE


Les fromages mis en vente doivent être conditionnés dans des emballages portant le
nom de l’appellation d’origine “Roquefort”, inscrit en caractères de dimensions au moins
égales aux deux tiers de celles des caractères les plus grands figurant sur l’étiquetage.

74
Guide pour la création d’un consortium de qualité

L’apposition du logo comportant le sigle INAO, la mention “Appellation d’origine


contrôlée” et le nom de l’appellation est obligatoire dans l’étiquetage des fromages
bénéficiant de l’appellation d’origine contrôlée.

Ces indications sont également apposées sur les caisses et autres emballages contenant
ces fromages.

La marque collective du groupement demandeur dite “Brebis rouge”, créée en 1930,


figure également sur l’étiquetage.

À l’exception de cette marque confédérale ainsi que des autres marques de fabrique ou
de commerce particulières ou des raisons sociales ou enseignes, l’addition au nom de
l’appellation “Roquefort” de tout qualificatif ou de toute autre mention est interdite.

12) EXIGENCES NATIONALES


Décret relatif à l’appellation d’origine contrôlée Roquefort.

Extrait du document complet qui est consultable sur le site:


http://ec.europa.eu/agriculture/quality/door/registeredName.html?denominationId=626

75
Imprimé en Autriche
V.10-55390–Août 2010–300

La valorisation des produits


traditionnels d’origine
Guide pour la création d’un consortium de qualité

ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR LE DÉVELOPPEMENT INDUSTRIEL


Service d’appui au secteur privé et à la promotion des investissements et de la technologie
M. Fabio Russo
Centre international de Vienne, Boîte postale 300, 1400 Vienne (Autriche)
Courriel: [email protected], Site Web: www.unido.org/exportconsortia

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