Accidents de travail, circonstances et prise en charge :

Région de Boumerdès – Algérie.

Fatima ABADLIA
Médecin conseil, Caisse Nationale des Assurances Sociales (CNAS)

1. Définition
Est considéré comme accident de travail, tout accident ayant entraîné une lésion
corporelle imputable à une cause soudaine, extérieure, et survenue dans le cadre de la relation
de travail.
Ainsi, même l’accident survenu pendant le trajet effectué par l’assuré pour se rendre à son
travail ou en revenir, est considéré comme accident de travail (et ce, quelque soit le moyen de
transport utilisé).

2. Objectif
Notre objectif, en établissant cette étude statistique n’est pas seulement de faire connaître
cette triste réalité en nombre, mais aussi et surtout de fournir aux gestionnaires, aux
travailleurs, aux préventeurs, un outil leur permettant une meilleure connaissance de la
fréquence, de la nature, de la gravité des accidents dans chaque branche d’activité économique,
les catégories de travailleurs qui ont été victimes, les machines et matériels avec lesquels ils se
sont produits, ainsi que d’autres facteurs influant sur le risque auquel sont exposés les
travailleurs.
La politique de lutte et de prévention, dépend en partie des renseignements fournis par ces
statistiques, qui nous permettent de mesurer les résultats obtenus par rapport aux efforts
engagés et d’ajuster les programmes d’action.

3. Présentation de la wilaya de Boumerdès

La wilaya de Boumerdès regroupe 32 communes. Géographiquement elle est limitée, au
nord, par la mer Méditerranée ; à l’Ouest par la capitale, Alger (50 km) ; à l’Est et au Sud par
les wilaya de Tizi-Ouzou et Bouira.
Elle s’étend sur une superficie de 1558 Km2, à caractère beaucoup plus agricole
qu’industriel.
La population totale est de 750 000 habitants dont 70% moins de 30 ans.
Le nombre total d’assurés sociaux affiliés à la CNAS, agence de Boumerdès est de
294 869, répartis entre les différents secteurs : Bâtiment, PME et PMI, transport, éducation et
santé.
Notre centre, de contrôle médical prend en charge à lui seul, 21 000 assurés sociaux.

4. Méthodes et variables utilisées

L’étude a porté sur l’analyse des dossiers médico-sociaux et l’interrogatoire des
accidentés de travail de la région Est de la circonscription de Boumerdès (Mener ville) lors de
leur passage obligatoire au contrôle médical de la Caisse Nationale des Assurés Sociaux,
durant les années 2004 et 2005. Plusieurs variables sont prises en compte: le secteur d’activité,
l’âge, le sexe, la partie du corps touchée, l’horaire, lieu de l’accident, la durée de prise en
charge et indemnisation.

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5. Résultats escomptés
Seuls les accidents de travail déclarés à la sécurité sociale, et qui avaient nécessité une
interruption de travail, ont été considérés par notre étude. Les accidents ne nécessitant pas de
repos sont aussi déclarés à la CNAS mais non concernés par notre étude vu leur nombre
négligeable (12 cas).

5.1 Répartition selon le sexe

92%

Hommes
Femmes

Le risque d’accident de travail est plus élevé chez les hommes (car plus soumis au risque
par leurs activités très variées et plus dures, telles que le secteur du bâtiment et travaux
public,…). Les 8% de femmes de notre échantillon sont des enseignantes, secrétaires et
beaucoup plus des femmes de ménage.
Il existe des métiers réservés pour les hommes, et d’autres par contre dominés par les
femmes, exemple :
– L’Entreprise Nationale des Grands Ouvrages d’Art (ENGOA) compte un effectif de
2 502 travailleurs dont seulement 62 femmes (maîtrise et cadres).
– Le secteur de la santé compte 60% de femmes.
– Le secteur de l’enseignement, 65% de femmes.
Les hommes travaillent donc plus souvent dans des secteurs d’activités - tels que les
travaux publics et bâtiment - plus exposés aux risques, tandis que les femmes sont beaucoup
plus présentes dans des secteurs à moindre risque.

5.2 Selon l’âge

RÉPARTITION DES ACCIDENTS DE TRAVAIL SELON L’ÂGE DE LA VICTIME:

Âge de la victime Nombre Pourcentage %

Moins de 20 ans 03 1,8
20 à 25] 04 2,4
]25 à 30] 12 7,4
]30 à 35] 19 11,8
]35 à 40] 18 11,1
]40 à 45] 33 20,4
]45 à 50] 48 29,8
]50 à 55] 20 12,4
Plus de 55 04 2,4
Total 161 100

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50 % des accidentés de travail sont âgés de 40 à 50 ans. Les 2/3 des accidents surviennent
chez les assurés âgés de 30 à 50 ans. Selon l’inspection du travail, c’est la tranche d’âge la plus
dominante, précisément dans le domaine du bâtiment et travaux publics.
Les moins de 20 ans sont des jeunes apprentis affectés des Centres de formation
professionnelle vers les entreprises.

5.3 Selon le lieu de travail

Nbre de jours Nbre de cas ayant

Lieu de l’accident Nombre % accordées et nécessité une IPP Observations
régularisés (rente)
Trajet 64 40 2 852 24 02 décès
Ateliers 58 36 2 148 25 -
Lieu de travail occasionnel,
32 20 1 069 09 -
( ex : chantier)
Non précisé 07 4 210 00 -
Total 161 100 6 279 58 -

Conformément à la définition de l’accident de travail et tenant compte de la

réglementation algérienne, l’accident survenu pendant le trajet effectué par l’assuré pour se
rendre à son travail ou en revenir, est aussi considéré comme accident de travail (et ce, quelque
soit le moyen de transport utilisé). Comme illustré dans le tableau ci-dessus, le plus grand
nombre d’accidents (40%) survient lors des trajets, chez les assurés effectuant des trajets
quotidiens ou hebdomadaires et même mensuels (pour les assurés qui viennent de l’intérieur du
pays à la recherche du travail), suivi des accidents de travail au niveau des ateliers (36%), puis
sur les des lieux de travail occasionnels, chantiers (20%).
Concernant les 02 décès, pour le premier, il s’agit d’un accident de la circulation, l’assuré
a été heurté par un véhicule en sortant pour manger à midi. Quant au deuxième décès, il s’agit
d’un acte terroriste : en sortant du travail à 17 h, le défunt a été arrêté par un faux barrage et
assassiné.
Quant aux dépenses de la caisse, après étude et enquête auprès des services de prestations,
ce sont les accidents de trajet suivis des accidents dans les ateliers qui ont nécessité les plus
longues périodes d’indemnités journalières ; surtout pour les accidents de travail graves
occasionnant une longue période d’impotence fonctionnelle exemple :
– un gardien diabétique qui a traversé les ateliers, blessé et amputé du gros orteil, puis le 1/3
inférieur de la jambe, est à sa 3eme année d’arrêt de travail ;
– un maçon qui a fait une chute de la 4ème dalle, occasionnant un traumatisme crânien plus
fractures des deux fémurs, nous l’avons consolidé après 4 ans d’arrêt de travail avec une
rente (IPP) de 25%.

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5.4 Selon le siège

Nbre d’accidents Nbre d’indemnités

Siège des lésions avec arrêt de % journalières (jours) Observations
travail perçus
Tête 11 07 493
Membre supérieur
09 5,5 820
(épaule, bras, avant bras)
Mains 72 45 1 964
Tronc, colonne
12 8 910
(Dorso- lombaire)
Membres inférieurs 06 3,7 712
Pieds 49 31 1 380
Les deux décès
Polytraumatisme
02 1,2 00 (plusieurs organes
(localisations multiples)
touchés)
Total 161 100 6 279

La partie du corps la plus touchée:

– les mains en premier (45%) : il s’agit beaucoup plus de fractures des os du poignet et des
phalanges, chez les manœuvres du secteur du bâtiment et des amputations des doigts chez
les menuisiers. C’est pourquoi nous remarquons, le plus grand nombre de jours
d’interruption de travail.
– Les pieds viennent en seconde position (31%), soit il s’agit de chute plein pied ou avec des
objets manipulés ou machines et outils. Lors de notre passage dans quelques entreprises,
nous avons remarqué que le port de chaussures de sécurité et des gants n’est pas respecté
par la majorité des travailleurs.
– Les traumatismes du tronc et surtout de la colonne vertébrale dorso-lombaire (08%)
occasionnés par le port de charges lourdes, très fréquents chez les salariés des travaux
publics et bâtiment.

5.5 Répartition selon le mois, le jour et l’heure

a) Répartition selon le mois

Le nombre d’accidents de travail ne varie pas tellement selon les mois de l’année, à part
une baisse durant les mois de congé (Juillet – Août).

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b) Répartition selon le jour

38
40
35
30 20
25
15
20 12
15 9

10 3 2
5
0
Samedi Dimanche Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi

La répartition des accidents de travail par jour indique que le premier jour de la semaine
de travail (samedi) enregistre le plus grand nombre d’accidents (38%), beaucoup plus
constitués d’accidents de trajet (salariés venant de loin) ; ensuite une tendance à la baisse les
autres journées ouvrables avec une reprise le dernier jour, le mercredi (15%), où nous
constatons un bon nombre d’accidents de trajet, et même, sur les lieu de travail, dû au manque
de concentration et fatigue de fin de semaine.
Les accidents de travail du week-end (jeudi, vendredi) sont rares, seules les équipes de
sécurité et entretien assurent la permanence au niveau des entreprises.

c) Répartition selon l‘heure

30
25
20
% 15
10
5
0
6h-7h59 8h-9h59 10h- 12h- 14h- 16h- 18h-20h heure
11h59 13h59 15h59 17h59

Le plus grand nombre d’accidents de travail (45%) survient pendant les trois premières
heures de travail, avec un pic vers 11 heures (28,5%) ; nous pensons en premier lieu à une
hypoglycémie et ses effets secondaires (baisse de la concentration et maladresse).

d) Répartition selon la gravité.

Parmi les accidents de travail cités, 58 (36%), ont laissé des séquelles de gravité
différente, c’est pourquoi ils ont été indemnisés avec un taux d’IPP (Impotence Partielle

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Permanente) variant de 1% à 25%. Quant aux 2 décès, une rente mensuelle de 100 %, de
réversion est versée aux ayant droits des défunts, en plus du capital de décès

1,2 %

36%

IPP entre 1 et 25%

Pas d'IPP

Les assurés bénéficiant d’une rente d’accident de travail de moins de 10%, perçoivent une
capitalisation, c’est-à-dire une rente calculée selon leur ancienneté et versée en une seule fois.
Quant aux accidentés bénéficiant d’une IPP supérieure à 10%, ils la perçoivent mensuellement
avec un délai de révision allant d’une année à deux ; ainsi, selon l’évolution des séquelles, le
médecin conseil révise le taux vers la hausse ou la baisse.

d) Répartition selon la catégorie professionnelle

Qualification professionnelle Nombre %

Apprentis 5 3
Ouvrier spécialisé 45 28
Ouvrier professionnel 40 25
Manœuvre 24 15
Cadre technique 20 12

Les catégories les plus touchées sont celles des ouvriers spécialisés (28%) et ouvriers
professionnels (25%), qui effectuent les opérations les plus délicates (travail en hauteur,
soudures…), suivi des manœuvres (15%). Concernant les apprentis, ils ne sont pas nombreux à
être recrutés, car la plupart des entreprises refusent de signer leurs contrats pour éviter de les
prendre en charge en cas de risque.

Conclusions
Notre étude a porté sur 161 cas d’accidents de travail, ayant nécessité des interruptions de
travail, au sein d’une population de 21 000 assurés ; ceci correspond à un taux d’incidence de
7‰ (7 pour mille), qui est considéré comme un phénomène important auquel il faut faire face.
– La moyenne d’âge des accidentés est de 48 ans.
– Les hommes sont plus concernés par les accidents de travail (92%) que les femmes (8%).
– Les parties du corps les plus atteintes sont les membres supérieurs, particulièrement les
mains (45%), et les membres inférieurs plus précisément les pieds (31%).
– Les accidents de travail surviennent beaucoup plus en début et fin de semaine (spécialement
les accidents de trajet) avec un taux élevé entre 10h et 11h du matin.
– Le secteur le plus touché est celui du bâtiment, d’autant plus que la région de Boumerdès
est en plein chantier depuis le séisme de 2003 qui avait détruit la moitié de la ville. L’État a

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fait appel à plusieurs entreprises publiques et privées pour sa reconstruction;

malheureusement, nous constatons que les entrepreneurs recrutent leurs ouvriers et maçons
sans exiger la qualification. Ces derniers travaillent sans matériels de sécurité adéquats.
– Plusieurs accidents de travail graves ont nécessité une longue période d’indemnisation
journalière par la caisse de sécurité sociale, jusqu’à 4 années, en plus de la prise en charge à
100% des frais médicaux et les rentes (IPP) attribuées pour les accidentés qui ont gardé des
séquelles importantes.
– Quant aux deux décès, des rentes à 100% en plus du capital de décès, ont été reversées aux
ayants–droits des victimes.
À l’échelle nationale, le nombre des accidents qui avait connu une baisse entre 1999 et
2001 (46 923 et 42 572), a augmenté en 2003 (49 629) pour passer à 50 000 en 2005. Par
contre, le nombre d’accidents de travail mortels est quasi constant entre 2003 et 2005 (723 à
720).
On retiendra que le nombre de décès qui avait connu une progression alarmante de 1992 à
1995, spécialement les accidents de trajet, dus essentiellement aux conditions extra-
professionnelles en relation avec les conditions sécuritaires qu’a traversé le pays, a connu une
baisse de 10% entre 1995 et 2005.
Les services de médecine de travail existent uniquement dans les grosses entreprises. Les
instituts d’hygiène et sécurité qui étaient implantés dans chaque ville et qui travaillaient en
étroite collaboration avec les entreprises publiques pendant les années 1980 et 1990 ont été
dissous à la fin des années 90 et remplacés par le seul Institut National des Risques
Professionnels, situé au niveau de la capitale. Ces instituts avaient pourtant démontré leur
efficacité par le contrôle régulier des conditions de travail des salariés, les études de postes, les
séances de sensibilisation offertes aux salariés.
Le service de prévention de la Caisse Nationale de Assurés Sociaux (C.N.A.S) a
décentralisé ses activités à travers ses différentes agences reparties à travers le pays, dont
l’objectif est de :
– étudier les déclarations d’accidents de travail émanant des entreprises,
– identifier la gravité et les facteurs accidentogènes,
– prévoir des actions là où existent des irrégularités sur les lieux de travail,
– faire des recommandations et vérifier par la suite si elles ont été appliquées, conformément
à la loi 88-07 de janvier 88 qui stipule que l’entreprise doit veiller sur le respect du port de
matériel de sécurité. Un autre décret exécutif (du 07.12.2002) porte sur les conditions
d’organisation, d’instruction, d’information et de formation des travailleurs dans le
domaine de la prévention des risques professionnels ; ceci, non seulement pour protéger la
santé des travailleurs, mais en même temps pour stopper l’hémorragie financière engendrée
par ces accidents de travail.
Selon le bilan 2006, présenté par l’organisme de prévention des risques professionnels du
bâtiment et des travaux publics, 1/3 des décès dus aux accidents de travail, soit 241 cas,
provient du secteur du bâtiment et des travaux publics, particulièrement sur chantier. Un
chantier est un « guêpier », disent les professionnels, d’où une attention particulière à accorder
au cours de prévention et sécurité dans le cadre de formation dispensée dans les centres et
instituts, sans oublier le recrutement des professionnels.

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