Formationemploi 5031
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Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/formationemploi/5031
DOI : 10.4000/formationemploi.5031
ISSN : 2107-0946
Éditeur
La Documentation française
Édition imprimée
Date de publication : 30 avril 2017
Pagination : 7-14
ISSN : 0759-6340
Référence électronique
Arnaud dupray, Danielle Guillemot et Ekaterina Melnik-Olive, « Introduction : La formation continue en
contexte : l’entreprise et ses salariés au cœur des enjeux », Formation emploi [En ligne], 137 | Janvier-
Mars 2017, mis en ligne le 30 avril 2017, consulté le 30 octobre 2020. URL : http://
journals.openedition.org/formationemploi/5031 ; DOI : https://doi.org/10.4000/formationemploi.5031
Danielle Guillemot
Responsable du Département Formation et Certification au Céreq
Ekaterina Melnik-Olive
Chargée d’études au Céreq, membre associée à Aix-Marseille Univ., CNRS, LEST, Aix-en-
Provence, France
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DOSSIER
Selon l’approche économique standard, les entreprises financent une formation si elles
en attendent un retour, au travers de l’augmentation de la productivité du salarié. Mais
elles limiteront l’investissement dans la formation des salariés s’il y a un risque, qu’une
fois formés, ceux-ci partent travailler dans d’autres entreprises. Elles peuvent aussi pré-
férer se comporter en « passager clandestin » en recrutant des salariés déjà formés plutôt
que de supporter les coûts d’une formation transférable d’une entreprise à l’autre.
Or, le besoin en personnel qualifié conduit les entreprises à s’organiser, notamment par
branche d’activité, pour mutualiser des dispositifs de formation susceptibles de bénéfi-
cier à l’ensemble des entreprises de la branche ; dans ce cas, c’est l’organisation profes-
sionnelle ou les partenaires sociaux, les syndicats de salariés cherchant à promouvoir la
qualification de leurs mandants, qui participent à la régulation pour améliorer l’investis-
sement global en formation. Ainsi, des formes de régulation s’imposent, même dans les
pays les plus enclins à laisser le « marché » décider des investissements en FPC.
Si en France, comme dans beaucoup d’autres pays, les pouvoirs publics et les orga-
nisations professionnelles ou paritaires jouent bien un rôle régulateur, la faiblesse des
investissements en formation continue, dans certains segments de l’économie, et la per-
sistance des inégalités d’accès montrent bien les difficultés de cette régulation.
La problématique de la régulation de la formation peut se décliner aussi au niveau de
l’entreprise avec son contexte, ses pratiques managériales ou encore les modalités du
dialogue social mises en place. Les décisions des entreprises en matière de formation
peuvent s’appuyer sur une rationalité plus complexe que le seul retour immédiat sur
investissement, prenant en compte diverses dimensions, comme par exemple les pers-
pectives de développement à long terme ou encore la motivation des salariés. La for-
mation peut être mobilisée pour être le support de la mise en œuvre du partage d’une
culture professionnelle ou de valeurs d’entreprise. à l’opposé, elle peut préparer des rup-
tures professionnelles et contribuer à amortir le coût d’un plan social. Ainsi, les objectifs
assignés à la formation continue en entreprise peuvent être multiples : accroître l’effi-
cacité, favoriser l’innovation, répondre aux obligations légales, accompagner le change-
ment, motiver et fidéliser ses salariés, faciliter les mobilités, ou encore améliorer l’image
de l’entreprise.
Dans un esprit pluridisciplinaire, ce dossier réunit des travaux mobilisant des approches
issues de la science politique, de l’économie et de la socio-économie. Les textes apportent
un regard renouvelé sur la question de la régulation sociale de la formation continue.
Au travers d’investigations empiriques qualitatives et quantitatives originales, ces ques-
tions sont abordées sous deux angles différents. Le premier met l’accent sur le contexte
sociétal et la variété des enjeux des acteurs impliqués. Les formes de régulation de la
formation passent d’abord par son financement, la nature des différents acteurs pouvant
y participer, mais aussi les modalités de coordination entre organismes et acteurs qui
gèrent les fonds. Le second angle s’intéresse à la façon dont ces régulations se déclinent
dans les pratiques de formation des entreprises, avec un accent mis sur l’organisation et
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son contexte. Ici, le questionnement porte sur les stratégies et les comportements des
entreprises en matière de FPC, analysés dans le cadre élargi des pratiques de gestion des
ressources humaines et des compétences.
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internes de mise en œuvre de la formation, lesquelles vont affecter les manières dont
celle-ci se décline qualitativement (apport en congruence avec les aspirations des sala-
riés, levier de mobilités,…).
Le texte de J. Vero et J.-C. Sigot questionne le rôle de l’organisation dans la mise en place
des conditions permettant aux salariés de devenir acteurs de leurs propres parcours profes-
sionnels. Les pratiques des entreprises sont analysées à l’aune de la théorie des capacités de
A. Sen. Les auteurs distinguent les types de configurations organisationnelles en fonction
de quatre dimensions structurantes de l’espace des possibles : la diversité des objectifs
assignés à la formation par l’entreprise, les opportunités offertes en termes de forma-
tion, les formes de participation au dialogue en entreprise, la pluralité des réalisations en
termes de formation pour le salarié (au-delà de la simple adaptation au poste). Le rôle de
la formation en entreprise dans la sécurisation des parcours des salariés renvoie à l’idée
que la formation doit s’inscrire dans un objectif qui satisfasse à la fois le salarié et l’entre-
prise. Suivant sa rationalité économique, l’entreprise cherche en effet à ce que la formation
rejoigne ses objectifs. Les organisations « capacitantes » seraient alors ces organisations
vertueuses où il est possible pour le salarié d’engager une formation qui réponde aussi à
son propre objectif professionnel.
Les pratiques vertueuses en matière de gestion des compétences et de la formation en entre-
prise sont également mises en discussion par le texte d’E. Melnik-Olive et H. Couprie.
L’article analyse les différences d’accès à la formation et à la promotion en entreprise selon
le genre, en fonction des outils managériaux et des pratiques de formation dans les entre-
prises. à la suite de travaux déjà anciens (Béret et Dupray, 1998) les auteures ne cherchent
pas à identifier une relation de causalité entre formation et promotion, les deux mou-
vements étant le plus souvent concomitants. En revanche, une attention renouvelée est
accordée, dans cet article, au contexte organisationnel dans lequel les salarié.e.s se forment
(ou pas) et peuvent (ou non) évoluer. Les auteures identifient trois clés de lecture permet-
tant de décrire le contexte organisationnel favorable à l’égalité des chances de promotion
entre les hommes et les femmes : la transparence de l’information, la réflexion structurée
autour des enjeux de la formation et du développement des compétences, et le dialogue
avec les salariés et leurs représentants. Il ressort des analyses une différenciation dans la
façon dont les salarié.e.s accèdent à la formation et à la promotion. Des mécanismes de
sélection différents peuvent en effet être mis au jour selon que la formation représente une
nécessité (en termes d’adaptation au poste) ou un outil d’incitation (fidélisation, moti-
vation) des salariés présélectionnés. C’est dans cette dernière logique que promotion et
formation sont le plus associées. En outre, l’article souligne que les inégalités d’accès à la
promotion en entreprise, observées entre les femmes et les hommes, sont considérable-
ment réduites par des pratiques d’entreprises répondant simultanément aux critères de
transparence, de réflexion stratégique et de dialogue autour de la formation.
Dans la continuité de l’article précédent, mais dans une optique différente, le texte de
B. Cart, V. Henguelle et M.-H. Toutin relève des usages différenciés de la formation par
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le champ de l’enquête étendu aux entreprises d’au moins trois salariés constituent autant
d’éléments nouveaux pour améliorer la connaissance de la formation continue en entre-
prise, en France. Nul doute que ce nouveau dispositif permettra de prolonger et d’appro-
fondir les analyses développées dans ce dossier.
n Bibliographie
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