Jean-Jacques Crèvecoeur - Relations Et Jeux de Pouvoir

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Jean-Jacques Crevecceur

préface de Paule Salomon

a)
FEQuINoxE 2
RELATIONS ET
JEUX DE POUVOIR

Comprendre, reperer et desamorcer


les jeux de pouvoir par la DYNARSYS

FEQUINOXE |
Diffuseurs
Belgique & Luxembourg :
Vander Diffusion, 312/28, Av. des Volontaires - 1150 Bruxelles
Tél. : 02/762 98 04 - Fax : 02/762 06 62
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Laval (Québec) H7S 1Z6
Tél. : (450) 687-1210 - Fax : (450) 687-1331

ISBN : 2-87412-000-6

Copyright : Equinoxe 21, 1999 - Tous droits réservés

Aucun extrait de ce livre ne peut étre reproduit sous quelque forme et


par quelque moyen que ce soit (électronique ou mécanique), y compris
par les systémes de récupération, de stockage et de diffusion d’infor-
Jean-Jacques Crévecoeur

RELATIONS ET
JEUX DE POUVOIR

Comprendre, reperer et desamorcer


les jeux de pouvoir par la DYNARSYS

FEQuINoxE S|
Relations et jeux de pouvoir
Relations et jeux de pouvoir

Cette réédition revue et corrigée n’a pu étre


réalisée que grace aux compétences et a |’en-
thousiasme conjugués de :

Ananou Thiran

* co-création de la DYNARSYS
(Dynamique Relationnelle Systé-
mique), démarche sur base de
laquelle ce livre a été écrit ;
e recherches documentaires ;
e recherches et commentaires biblio-
graphiques.

Philippe Wauman

e illustrations originales (les ours).

et

Anne Ledieu

¢ restructuration et refonte des


1EXtES |
* mise en page, corrections et relec-
tures.

Qu’ils soient chaleureusement remerciés pour


la qualité de leur travail...

VII
Relations et jeux de pouvoir

Du méme auteur, chez le méme éditeur

Collection « Connais-toi toi-méme »

¢ De l’amour du pouvoir a la Puissance de I’Amour (1993-


épuisé)
¢ Relations et jeux de pouvoir (1999 - 3° édition corri-
gée du volume ci-dessus)

Collection « Deviens ce que tu es »

¢ Evoluer pour guérir (1996)


¢ Les enfants de l’autonomie (1997)
e Le couple en éveil (1997)
¢ Etre pleinement soi-méme (1998)
e Le choix de vivre (1999)
¢ Lvalchimie du pouvoir (a paraitre)
¢ La voie du cceur (a paraitre)
* Crises et mutations (a paraitre)

|
EQuINoxE 21
Chateau de Tongerloo
72/3, Rue de la Station
B - 1350 Orp-le-Grand
(Belgique)
Tél. : +32.19.635.831
Fax : +32.19.634.730

VIll
L’homme rit de sa grandeur
d’avoir maitrisé l’atome,
mais l’homme n’a rien
maitrisé du tout
et il n’est qu’un idiot.

Ce n’est que
lorsquw’il aura apprivoisé
. le pouvoir de l’'Amour
tan b eee "il aura maitrisé
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Relations et jeux de pouvoir

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Sommaire

Sommaire
Préface de la 1°° édition par Paule Salomon XV

Prologue de I|’auteur |

Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir


relationnels 15
Introduction 127
Repére n° | : La pression exercée 19
Repere n° 2 : La distorsion explicite-implicite 20
Repére n° 3 : La complicité circulaire 4]
Repere n° 4 : Les projets et les attentes
implicites 63
Repére n° 5: La dépendance réciproque 95
Repére n° 6 : L’inadaptation a la réalité 115
Repére n° 7 : Le caractére répétitif — 131
Conclusion 147
Résumé : Les 7 repéres 152

Etape n° 2: Comprendre I’origine incons-


ciente des jeux de pouvoir 157
Introduction 159
Découverte n° 1 : La peur de la rupture 165
Découverte n° 2 : La peur de se découvrir 179

XI
Relations et jeux de pouvoir

Découverte n° 3 : La peur du changement 19]


Découverte n° 4 : La peur de la mort 209
Découverte n° 5 : La peur de s’incarner 24
Découverte n° 6 : La peur de vivre pei |
Découverte n° 7 : Pouvoir, névrose et guérison 269
Conclusion 289
Résumé : Les 7 découvertes 294

Etape n° 3 : S’ancrer dans le principe


de réalite 299
Introduction 301
Ancrage n° | : Mon propre corps 307
Ancrage n° 2 : Mes permissions 311
Ancrage n° 3 : Mes émotions Bes
Ancrage n° 4 : Mes besoins 331
Ancrage n° 5: Le Soi 345
Ancrage n° 6 : La relation ici et maintenant he
Ancrage n° 7 : Les faits objectifs are]
Conclusion 365
Résumé : Les 7 ancrages 370

Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir


relationnels 375
Introduction 377
Stratégie n° 1 : Désamorcer les pressions 379
Stratégie n° 2 : Accepter sa propre réalité 387
Stratégie n° 3: Reconnaitre les étapes
du changement 393
Stratégie n° 4 : Aménager son environnement 399

XII
Sommaire

Stratégie n° 5 : Faire confiance aux ressources


de l'autre 405
Stratégie n° 6 : Se faire confiance 415
Stratégie n° 7 : Développer un autre regard 423
Conclusion 43]
Résumé : Les 7 stratégies 434

Etape n° 5 : Déployer sa puissance


au quotidien 439
Introduction 44]
Principe n° 1 : Me préparer et préparer l'autre 443
Principe n° 2 : Aligner la parole sur le ressenti,
les pensées et les actes 449
Principe n° 3 : Accepter les confrontations 455
Principe n° 4 : Expliciter et faire expliciter
les projets et les attentes 461
Principe n° 5 : Respecter les besoins de chacun 467
Principe n° 6 : Reconnaitre et accepter la réalité 475
Principe n° 7 : Boucler, pardonner et remercier 481
Conclusion 487
Résumé : Les 7 principes 490

Epilogue de |’auteur 493


Annexes 501
I. La Dynarsys, en bref 503
II. Bibliographie commentée Sit
If. Ligne éditoriale sya
IV. Charte éditoriale yao
V. Histoires de pouvoir a2
VI. Adresses utiles oo

XH
Relations et jeux de pouvoir

A différents endroits du
texte, vous trouverez ce petit des-
sin :

Chaque fois que vous le ren-


contrerez, considérez-le comme
une invitation a vous arréter pour
réfléchir, prendre des notes, faire
le point, faire des liens avec votre
réalité quotidienne, tirer des ensei-
gnements.

En faisant cela, vous aug-


menterez considérablement le
bénéfice de votre lecture !

XIV
Préface

Preface de la
premiere edition
Comment passer de l’amour du pouvoir a la
Puissance de l’Amour ? Nous sommes, la, au ceur de la
difficulté de passage qui se pose pour chacun d’entre nous
et pour la conscience collective de la planéte. Comment
passer de la peur a la confiance, de la domination autori-
taire et esclavagiste a la coopération ? Tous les « pas-
seurs » de notre temps apportent leur savoir-faire et leur
savoir-étre a cet endroit précis ou achoppent les bonnes
volontés. Ce livre de Jean-Jacques Créveceur intervient
en direct sur cette ligne de fracture.

Reconnaissons que toute intervention sur la


conscience collective est un pouvoir, et sans doute faut-il
apprivoiser ce terme. Le pouvoir n’est pas synonyme
d’abus, de menace et de destruction, il est une énergie qui
prend la couleur de l’intention de celui qui Vutilise. Et la
bonne intention ne suffit pas, encore faut-il que l’intention
s’ajuste a la réalité concernée. L’enfer est pavé de bonnes
intentions qui tournent au pire ou qui restent ineffectives.
Le paradis a besoin d’« intentions bonnes » alimentées de

XV
Relations et jeux de pouvoir

l’énergie pour leur donner naissance. Ou puiser cette


énergie ? Soit dans la haine, soit dans l'amour, les deux
faces de la méme médaille.

Dans la haine, nous avons peur, nous sommes seul,


nous nous sentons menacé, nous allons attaquer pour ne
pas étre attaqué, tuer pour ne pas étre tué, nous dévelop-
pons une énergie de survie ou tous les coups sont permis,
nous sommes au stade archaique de notre évolution. Ce
qui n’était, au début, qu’un réflexe de défense devient un
systéme de vie, nous nous posons en nous opposant, nous
sommes toujours plus puissant pour parer a toute attaque,
nous n’existons que par la défense... Et nous n’avons
jamais assez de puissance car rien ne peut combler notre
peur profonde de l’Autre, donc de nous-méme. Nous
sommes seul, désespérément seul et vide, affamé d’un
amour impossible que nous ne savons méme plus imaginer,
ou que nous idéalisons pour mieux le rendre impossible.
Nous aimons le pouvoir pour lui-méme avec une sorte de
boulimie. Nous perdons de vue qu’il n’est qu’un moyen
pour passer a autre chose, nous perdons de vue que la sur-
vie n’a de sens que par la vie et la « Sur-Vie », que l’exis-
tence physique cherche l’Amour et le spirituel, l’Amour et
la lumieére.

Aujourd’hui, les neuf dixiémes de l’Humanité sont


encore encastrés dans la survie et la peur. Les relations
sont teintées de compétition, de domination, de lutte. La
planéte Terre vit dans une guerre ouverte et larvée, guerre
armée, guerre économique, psychologique et méme amou-

XVI
Préface

reuse. Quelques vainqueurs paradent sur une armée de


vaincus, d’esclaves, de victimes. Et ces vainqueurs sont
eux-mémes les victimes de la solitude du pouvoir et du
désert de l’avoir, coupé de 1’étre.

La conscience collective dénonce aujourd’hui majo-


ritairement l’absurdité de la guerre et des conflits. Les
consciences individuelles émergent et refusent de plus en
plus l’absurdité des conflits familiaux. Les couples éclatent
plutot que de rester ensemble dans l’affrontement perma-
nent. Mais personne, encore, ne semble savoir comment
entrer dans l’ére d’une navigation sur les eaux calmes de
la paix intérieure et extérieure.

D’ores et déja, pourtant, nous pouvons diagnosti-


quer le poison : il s’agit du rapport dominant-dominé dans
les relations et peut-étre tout particuliérement entre les
hommes et les femmes. Depuis des millénaires, les formes
de civilisations et de religions cherchent a gérer cette dif-
férence homme-femme le plus souvent en l’accentuant, et
en lui donnant une signature d’opposition plus que de
complémentarité. L’exemple historique-est clair : toute
relation dominant-dominé débouche sur une révolte a plus
ou moins long terme du dominé a l’égard du dominant, sur
un conflit, sur une inversion des roles parfois, sur un dur-
cissement des positions souvent. Toute relation dominant-
dominé tue l’amour. Comment sortir de ces comportements
archaiques, comment passer a un rapport de coopération
créative et responsable ? La encore, la bonne volonté ne
suffit pas. Nous héritons de trés vieux modéles, nous en

XVII
Relations et jeux de pouvoir

héritons par la conscience collective, réactivée en nous


par les comportements parentaux, familiaux au sens large.
Nous répétons encore et encore les ancrages des généra-
tions qui nous ont précédés. La peur est un trés lourd héri-
tage qui a aussi son sens comme réflexe de survie. Tout
comme la volonté de pouvoir est, de maniére basale, une
volonté de vivre. Mais le bonheur de vivre sollicite chacun
sur l’échelle de l’évolution. Sexe, amour, lumiére. Le sens
d’une vie se mesure a sa capacité d’élever son plaisir au
niveau du partage et de l’ouverture des consciences et des
biens.

Pour mieux comprendre, il est utile ici de parler en


termes de centres d’énergie, que la tradition orientale
appelle cakras. Ces centres d’ énergie ne sont pas mysté-
rieux. Ils sont perceptibles a toute personne qui leur
accorde suffisamment d’attention. Sans entrer dans le
détail, disons que le centre du pouvoir se situe dans la
région du ventre, alors que le centre de l’Amour se situe un
peu au-dessus de la poitrine sur un axe médian.
Actuellement, l’Humanité se vit de facon diurne au niveau
du ventre et se cherche un passage au niveau du ceur. Ce
passage est d’ordre a la fois collectif et individuel. Nous
sommes tous concernés, nous sommes tous en difficulté
pour faire ce passage et nous avons besoin de nous encor-
der pour les moments difficiles.

L’ombre du pouvoir nous guette et nous nous diri-


geons vers la lumiére de la Puissance. Nous savons bien
que chaque chose peut étre bonne pourvu qu’elle soit uti-

XVIII
Préface

lisée a sa juste place, a sa juste dose. Il ne s’agit pas de se


condamner a l’impuissance sous prétexte que la Puissance
a des aspects dangereux. Nous avons besoin de mettre la
Puissance au service de l’Amour ; et c’est alors que s’ac-
complit la mutation, la transmutation. L’action illuminée
par l’Amour démultiplie les possibles, ouvre un chemin de
réalisation plus magique et plus souple, irrésistible de
créativité. L’action est inspirée.

Le dessein est clair désormais. Comment passer d’une


vie dominée par la peur a une vie guidée par l’amour. Au
moins a 50 %, soyons lucides sur nos forces et nos fai-
blesses. C’est ici qu’intervient le travail de Jean-Jacques
Créveceur qui nous propose des outils d’une grande préci-
sion pour repérer nos schémas de comportement. La ou
nous avons peur, nous manipulons. La ou nous désirons,
nous manipulons. Nous n’en avons méme plus conscience.
Ces comportements sont devenus intégrés a notre personna-
lité comme une pollution insidieuse et normalisée. Deux
grandes catégories de comportements se manifestent : le
comportement dominateur qui s’arrange pour prendre le
pouvoir dans la relation et le comportement victime qui se
fait complice de son aliénation. Le jeu se perpétue parce
que les uns et les autres se cherchent, s’aimantent magnéti-
quement. Sur le plan professionnel comme sur le plan fami-
lial, beaucoup de relations fonctionnent sur un mode sado-
masochiste et, parfois, alternativement, une fois dans un
sens, une fois dans l’autre. L’intensité destructive de ce_
mode relationnel est aussi addictif qu’une drogue et néces-
site un véritable sevrage. Une dépendance réciproque s’ins-

XIX
Relations et jeux de pouvoir

talle accompagnée d’une frustration qui porte en germe


l’éclatement de la relation’en conflit a plus ou moins long
terme. Il arrive aussi que la relation s’enlise et tourne a vide
sur ce mode conflictuel.

La sortie de ce cercle vicieux commence avec la


prise de conscience, la focalisation de l’attention. Le fait
de repérer intellectuellement les mécanismes des jeux de
pouvoir ne suffit certes pas, mais ce premier pas est impor-
tant, décisif parfois. Il attire l’attention sur une couche
profonde de la communication, les attentes et les projets
qu’on peut avoir sur quelqu’un, indépendamment de ce
que l’on exprime. Mais agir au niveau du comportement
correspond au fait de vouloir guérir une maladie en sup-
primant les sympt6mes. Quels sont les causes de ces com-
portements empoisonnés ? Pourquoi des relations d’amour
et de respect dégénérent-elles en violence et en agressivi-
té ? Encore et toujours, j’ai peur, dira Jean-Jacques
Créveceur, peur de l’autre, peur de moi, peur de la réali-
té, peur du changement, peur de la mort, peur de ma vul-
nérabilité, des limites de mon corps, peur de vivre. Ma
peur me fait régresser dans des comportements inadaptés
d’agression ou de soumission qui ont pour but de me ras-
surer et qui ne font que m’enliser. Le salut vient de la répé-
tition frustrante des échecs et du désir d’amélioration, de
Pespoir... de la connaissance, de l’ouverture de la
conscience...

L’acceptance, l’acceptation de soi-méme et de tout ce


qui est, introduit a un nouveau mode de pensée, a une

XX
Préface

logique du paradoxe, qui constitue l’une des clés de ce pas-


sage d'une vie défensive, peureuse et agressive a une vie
rayonnante et heureuse. La culpabilité et le jugement sont
les instruments d’oppression par excellence dans la relation
dominant-dominé et ils ont été si bien intériorisés par tous
qu’ils sont devenus les acteurs de la division intérieure, de
la guerre que nous nous menons a nous-méme par critique
intérieur interposé. Plusieurs personnages sont en lutte a
l’intérieur de nous. L’alignement, le centrage, la confiance
dans sa graine de sagesse personnelle, tous ces éléments
vont contribuer a développer la Puissance de l’Amour.

Ce livre est comme un manuel de base a lire et a


relire, qui donne des balises sur le parcours. Il se pré-
sente avec une volonté de dépasser les limites d’une lec-
ture passive et d’une vérité proposée ; il invite a la
réflexion, a la participation, et sa pédagogie est ludique.
Il s’agit donc d’un bon outil a utiliser pour rebondir dans
sa propre évolution, pour forer dans les couches pro-
fondes de son mensonge personnel, pour se remettre en
face de la blessure initiale et pour développer ses res-
sources.

Je suis persuadée aujourd’hui qu’il est possible


d’agir a plusieurs niveaux, d’une part sur nos comporte-
ments en les modifiant, d’autre part sur les causes qui
nous manipulent et enfin de s’éveiller notamment par la
pratique de la respiration pour libérer de nouvelles res-
sources, développer sa joie de vivre et changer de niveau
de perception. Tenir compte du conscient, de lincons-

XXI
Relations et jeux de pouvoir

cient et de l’énergétique dans le processus de la libération


intérieure. A sa maniére, ce livre propose tous ces
aspects.

Paule Salomon'

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Prologue
de l’auteur
Relations et jeux de pouvoir

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Prologue

Ce livre sur le pouvoir et la puissance! n’est pas mon


ceuvre, mais le fruit et l’ceuvre de la vie. Mon seul mérite
est de m’étre mis a l’écoute des enseignements de la vie.
Ma seule démarche est d’avoir suivi le chemin qu’elle
m indiquait.

Ce livre est le reflet du chemin que j’ai emprunté, ces


dix derniéres années. I] est aussi le reflet des legons que
j ai pu tirer des expériences vécues. Ses pages sont char-
gées des rencontres que j’ai faites, du cheminement que
j'ai Suivi, des connaissances que j’ai acquises, des expéri-
mentations que j’ai effectuées et de l’enseignement que j’ai
diffusé.

Les rencontres

Lorsque j’ai rencontré Ananou Thiran, en novembre


1980, je n’avais pas vingt ans. Immédiatement, nous avons
eu l’intuition et la conviction profondes que notre ren-
contre était comme des retrouvailles, un rendez-vous pris
pour accomplir ensemble une tache... Nous ne nous
sommes pas trompés sur ce point. Par contre, nous étions
loin d’imaginer ce que le destin nous réservait comme

1 Lors de sa premiére édition, ce livre s’intitulait De /’amour du pouvoir a


la Puissance de l’Amour. Le prologue, écrit par ’auteur en 1993, a été
conservé tel quel.
Relations et jeux de pouvoir

épreuves pour nous sculpter, nous polir, nous dégrossir,


nous tailler ! Des années de vie de couple qui furent un
véritable enfer, truffées de jeux de pouvoir et de déchire-
ments... Une vie professionnelle ot, par trois fois, le
spectre de la faillite frappa a notre porte. Des tentatives d’as-
sociation qui se sont soldées par des conflits et des ruptures.
Avec, toujours au fond de nous-mémes, cette lumiére de res-
pect inconditionnel qui nous disait que tout cela avait un
sens profond.

La grace de notre rencontre, c’est que nous parta-


gions cette méme soif de recherche du sens, cette méme
exigence 4 comprendre ce qui nous arrivait, cette méme
discipline a tirer, encore et toujours, les enseignements de
tout ce que nous vivions... Avec le souci d’adapter de
mieux en mieux nos comportements aux lois de la vie,
dans toutes ses dimensions (matérielle, physique, émotion-
nelle, mentale, écologique, artistique et spirituelle)...

Pendant tout ce temps, notre premiére préoccupation


fut de sortir de ces cercles vicieux relationnels dans les-
quels nous nous sentions prisonniers et coincés. Nous
étions trés conscients de l’importance de ces jeux de pou-
voir qui nous frustraient et nous déchiraient. Nous consta-
tions quotidiennement a quel point chacun, 4 sa maniére,
avait une emprise sur |’ autre. Nous nous sentions contrélés
Yun par l’autre, au-dela de toute limite supportable.
Pourtant, nous ne comprenions rien a la dynamique dans
laquelle nous étions impliqués. Mais nous voulions en sor-
tir. Nous savions qu’il devait exister un moyen...
Prologue

Le cheminement

Nous avons cherché ensemble, pendant plus de dix


ans, et cette recherche n’est pas terminée. Tous les jours
encore, nous découvrons des éléments sur la nature des
jeux de pouvoir et l’essence de la puissance qui, jusque-la,
nous avaient échappé... C’est pourquoi je considére que ce
livre est inachevé : il constitue simplement un arrét sur
image, un bilan (au sens comptable du terme) établi au
cours de 1’été 1993... A l’heure ot vous lisez ces lignes,
sachez que ce livre est déja dépassé par la vie qui n’a cessé
de nous apporter son lot de découvertes et d’enseigne-
ments.

C’est la raison pour laquelle ni Socrate, ni Jésus-


Christ n’ont écrit de livres. La vie est un éternel mouve-
ment dont jamais aucun livre ne pourra rendre compte.
Ecrire, c’est prendre le risque d’enfermer la vie, de figer le
mouvement et le temps. C’est aussi prendre le risque de
théoriser un vécu, de systématiser une philosophie et un
amour de la vie.

La seule maniére de pouvoir échapper a ce piége de


mort, c’est de vous inviter a lire ce livre avec le cceur, et
non avec la téte. Et pour qu’il ne reste pas lettre morte,
mettez-le en expérimentation dans votre vie quotidienne,
aprés en avoir compris le sens et l’essence. Sinon, il ne
s’agira que d’un livre de plus, avalé a la hate, comme un
hamburger dans un fast-food. Ce livre est 4 vivre en méme
temps qu’il est a lire...
Relations et jeux de pouvoir

C’est un cheminement qui nous a fait découvrir une


A une les clés qui permettent de passer du pouvoir a la puis-
sance. C’est la raison pour laquelle j'ai choisi d’écrire ce
livre comme un cheminement que je vous invite a suivre.
En effet, nous avons bien conscience que jamais nous n’au-
rons fini de nettoyer nos relations de tous ces parasites, de
tous ces piéges qui se créent en permanence. Tel Sisyphe
remontant inlassablement son rocher, nous sommes tous et
toutes appelés a une vigilance de chaque instant, pour
transformer la « matiére premiere et brute » du pouvoir en
« or alchimique » de la puissance...

Pour vous guider dans ce processus de lecture-


découverte, je procéderai de maniére progressive, en vous
posant beaucoup de questions. A l’instar de Socrate, mon
role sera tantot de vous faire accoucher des réponses qui
sont en vous, tantét de sculpter votre ame et votre per-
sonnalité par les enseignements que je vous proposerai.
C’est en cela que ce livre est également un reflet de notre
vie et de notre recherche, car nous avons véritablement la
conviction d’avoir été guidés par la vie et les événements
pour découvrir tout ce dont nous avions besoin...

Je vous inviterai méme a tenir un petit cahier de


notes, afin de consigner par écrit les expériences et décou-
vertes que vous ferez, grace ace livre. Dans ce cahier, vous
pourrez prendre le temps et le recul nécessaires pour faire
des liens, des paralléles, des analyses... Vous pourrez sur-
tout noter les situations relationnelles que vous vivrez afin
d’en tirer un maximum d’enseignements.
Prologue

Les connaissances

Les découvertes ne sont pas uniquement issues des


expériences ou du vécu ; elles viennent également des
nombreuses connaissances que nous avons eu la chance
d’acquérir, de travailler et de comprendre. Notre recherche
insatiable du sens nous a poussés a4 explorer des domaines
de savoir tres différents, chacun d’eux apportant a notre
quéte une piéce supplémentaire et complémentaire. C’est
pourquoi ce livre se veut le lieu symbolique d’une ren-
contre pluridisciplinaire et d’un décloisonnement des
savoirs. En effet, il est impossible de rendre compte de la
complexité du réel, si ce n’est en tentant de dresser la syn-
thése entre rationalité et intuition, entre science et philoso-
phie, entre religion et mystique.

Nos formations de base en mathématiques et en


physique théorique apportent a ce livre toute la rigueur de
l’observation et du raisonnement scientifiques. Ma forma-
tion complémentaire en philosophie lui donne ce regard et
cette distance critiques nécessaires a la cohérence du pro-
cessus. Dans la compréhension méme des mécanismes des
jeux de pouvoir, trois ans de recherche et de travail en psy-
chanalyse structurale nous ont ouvert les yeux sur le rap-
port entre inconscient et volonté de contréle dans la psy-
chogenése de |’enfant...

L’ analyse systémique m’a permis de voir les phéno-


ménes dans leur complexité et leur globalité et de com-
prendre la nature profonde des cercles vicieux relationnels. |
Relations et jeux de pouvoir

Les livres de Carl Gustav Jung m’ont ouvert les portes


d’un monde qui, jusqu’ alors; m’était totalement incon-
nu : celui de la démarche alchimique appliquée a la
psychologie et a la spiritualité. C’est grace a Jung que
j'ai compris que rien, dans notre inconscient, n’est a
rejeter, mais tout simplement a réaligner et a transmu-
ter... Plusieurs années de recherche en formation de
formateurs, ainsi que treize ans d’ animation m’ ont per-
mis de traduire la maieutique de Socrate de maniére
opérationnelle et efficace.

Parmi les fondements de ce livre et de cette


démarche, je me dois de dire la place centrale qu’occupent
notre démarche spirituelle et notre recherche intérieure,
depuis que nous nous connaissons, Ananou et moi. Le
Christ des Evangiles — débarrassé des images morali-
santes véhiculées par diverses traditions religieuses —
fut l'une de nos principales sources d’inspiration dans
l’approche de la notion de puissance. Ananou a complé-
té cette approche par sa connaissance et sa pratique du
symbolisme, de la mystique et de |’ exploration de l’in-
conscient collectif.

Enfin, nos formations en communication, en


management, en gestion des ressources humaines, en
dynamique mentale et en psychologie transperson-
nelle nous ont permis de développer la dimension com-
portementale et opérationnelle de la démarche qui vous
est proposée ici.
Prologue

Les expérimentations

Toutes ces connaissances, alliées aux enseignements


que nous avons tirés de nos échecs et de nos réussites,
n’ont été que des grilles de lecture pour comprendre et
démonter la logique sous-jacente des jeux de pouvoir. Elles
nous ont également servi d’hypothéses pour expérimenter
de nouvelles voies, pour emprunter les « chemins les moins
fréquentés », pour oser aller « par-dela le Bien et le Mal »,
avec notre intuition, notre ressenti et notre maitre intérieur
pour seuls guides.

En quittant les points de repére extérieurs et sécuri-


sants d’institutions comme 1’ Université, |’ h6pital, |’ Eglise,
V’employeur, il nous a fallu découvrir et développer notre
capacité 4 prendre en mains notre propre destinée..
Petit a petit, s’est forgée en nous une nouvelle éthique de
vie, fondée sur des repéres intérieurs. En sortant progressi-
vement des dépendances, nous avons expérimenté ce pe
voulait dire étre dans le cceur..

Telle est la vision contenue dans ce livre. En cela, son


propos va bien au-dela des théories de communication déve-
loppées en Occident depuis trente ans, car son objectif
dépasse de loin le simple changement de comportement : il
vise une véritable transformation intérieure de l’étre
humain, en lui permettant de nettoyer et de transmuter la
force d’amour qui est en lui. .
Relations et jeux de pouvoir

Dans cette perspective, nous espérons véritablement


contribuer a ce qu’un jour, les relations entre étres humains
se construisent sur le critere de respect de soi et de
autre, simultanément. Et résonnent en nos cceurs
quelques perles des Evangiles : « Ne faites pas a autrui ce
que vous ne voulez pas qu’on vous fasse », « Ne jugez pas,
et vous ne serez pas jugés », « Aimez vos ennemis »...

Les enseignements

Ce livre, enfin, est le reflet d’une pratique de forma-


teur auprés d’ hommes et de femmes vivant et travaillant en
Belgique ou en France, dans le cadre de leur entreprise ou
en privé. En trois ans et demi, j’ai eu l|’occasion de faire
vivre le passage du pouvoir a la puissance a plus de quatre
cents personnes sur pres de cinquante séminaires. Ayant tou-
jours conduit mes séminaires a la maniére d’un accoucheur
et d’un révélateur, j’ai davantage appris sur le pouvoir et la
puissance que les participants eux-mémes, car je vivais,
avec eux, en méme temps qu’eux, une démarche de co-nais-
sance, de naissance mutuelle.

C’est a travers tous ces séminaires que se sont clari-


fiées les étapes du processus. Ma vision s’est enrichie du
vécu de plusieurs centaines de personnes, en prise —
comme je l’avais moi-méme été — avec des problémes
relationnels, dans leur couple comme dans leur milieu pro-
fessionnel.

10
Prologue

Ma plus grande satisfaction fut de constater que nos


découvertes sur le pouvoir et la puissance aidaient vérita-
blement ces personnes 4 transformer la qualité de leur
vie relationnelle. Leur insistance et leurs encouragements
ont eu raison de mes réticences et j’ai fini par accepter
d’écrire ce livre.

Il me reste a souhaiter que ce livre contribue 4 vous


donner le gout d’une autre qualité de la vie. Car, a présent,
le temps est venu de porter ensemble les germes d’un
monde meilleur...

Jean-Jacques Crévecoeur
Feluy (Belgique),
ce 11 septembre 1993

11
Relations et jeux de pouvoir

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Etape n° 1

Les reperes
Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 4
Reperer les jeux
de pouvoir relationnels

15
Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Introduction

Avant toute chose et afin que vous ne vous sentiez pas


précipité dans ce premier chapitre sans le moindre point de
repere, il me semble important de vous dire, en quelques
mots, quels en sont les objectifs et la méthodologie.

1 pe est, comme le titre


: x de» pouvoir relationnels. Une
fois parvenu au terme de votre lecture, vous serez norma-
lement capable de procéder au repérage et a l’ analyse com-
plete de toute situation relationnelle de pouvoir. Autrement
dit, vous devriez étre capable, premiérement, d’ observer
une situation relationnelle, deuxiémement, d’en com-
prendre la dynamique interne, et troisiemement, d’identi-
fier la présence de piéges éventuels des jeux de pouvoir.
Tels sont les trois objectifs que vous pouvez d’ores et déja
vous fixer.

nou les atteindre, je vous propos

une démarche qui eae sear avant tout a votremeetin et


a votre intuition et remonte du particulier au général.

17
Relations et jeux de pouvoir

Nous partirons de situations concretes exposées


sous forme d’histoires dialoguées'. Dans un deuxieme
temps, nous tacherons d’ observer les dialogues en faisant
preuve d’un maximum d’objectivité afin d’éviter le piege
des interprétations. Ensuite, nous les analyserons pour en
comprendre la dynamique sous-jacente. Enfin, en nous
basant sur notre analyse, nous tenterons de dégager des
principes généraux, de tirer des enseignements tout en
sachant que ceux-ci ne pourront jamais étre considérés
comme définitivement acquis, mais qu’ils seront, comme
nombre de choses humaines, sujets a révision.

Ces quelques observations pratiques étant faites,


attaquons sans plus tarder la vaste problématique du repé-
rage des jeux de pouvoir relationnels.

1 Pour votre commodité et afin que vous puissiez les consulter dés que vous
en ressentez le besoin, ces dialogues sont repris en fin de volume (p. 529).

18
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Repere n° 1
La pression exercée

Pour démarrer cette premiére étape, je vous invite a


quelques réflexions intuitives sur le pouvoir. Celles-ci vous
permettront de découvrir une premiére caractéristique
commune a tous les jeux de pouvoir.

Concentrez-vous un instant sur le mot « pouvoir » et


voyez ce qu’il évoque pour vous...

« Pouvoir » est un mot utilisé dans beaucoup d’ex-


pressions différentes - « Avoir du pouvoir sur quelqu’un »,
« C’est un homme de pouvoir », « Cette femme a beaucoup
de pouvoir sur son mari », « Dans ce groupe, il y a plein
de jeux de pouvoir », « Ce patron d’entreprise a les pleins
pouvoirs ». On parle aussi du « pouvoir de la victime », du
« pouvoir du silence », du « pouvoir des médias », du
« pouvoir politique ». Au premier abord, le mot « pouvoir »
évoque donc des réalités extrémement différentes. Les jeux
de pouvoir semblent omniprésents dans notre vie. C’est
d’ailleurs la raison pour laquelle il est si difficile d’y
échapper. Pourtant, tout au long de cette premiére étape,
vous serez de plus en plus capable de découvrir les points

19
Relations et jeux de pouvoir

communs 4 toutes les situations de pouvoir. Cela vous per-


mettra d’en comprendre‘le mécanisme, je dirai méme d’en
comprendre la mécanique. La confusion qui entoure habi-
tuellement ce sujet tabou se dissipera peu a peu. Pour ce
faire, commencez par considérer ces quelques situations
tirées de la vie quotidienne’.

Histoire n° 1 : Les couches d’Anais

Alain : Chérie, Anais a 4a nouveau mouillé ses couches.


Je crois qu'il faudrait la changer.

Christelle : Oh, non. C’est la quatriéme fois que je la


change aujourd’hui. Et en plus, je suis en
pleine préparation du diner...

Alain : Tu n’as qu’a arréter ta cuisson pour la chan-


ger... L-heure du repas ne vient pas a cing
minutes !

Christelle : Tu en as de bonnes, toi ! Tu ne pourrais pas


t’en occuper de temps en temps, non ?

Alain (haussant le ton) : Ecoute, je n’ai pas que ¢a a faire.


Et puis, je suis fatigué ! Je n’ai eu que des pro-
blémes au bureau, aujourd’hui. Alors, si tu t’y
mets aussi !...

Christelle : Bon, allez, donne-la-moi. Je m’en occupe...

| Je vous invite a lire attentivement ces histoires, car elles nous serviront
de fil conducteur pendant tout ce chapitre. Je vous rappelle, pour que
vous puissiez les retrouver 4 tout moment, qu’elles sont reprises en fin
de volume.

20
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Si vous vous penchez sur votre passé, il vous est cer-


tainement déja arrivé de vivre ou, tout au moins, d’ avoir
été le témoin de ce genre de situations...

60-5

Je vais vous poser une premiére question. Qui, a
votre avis, a le pouvoir dans cette relation ? Et pour-
quoi ?...

Je vous propose, comme réponse provisoire (mais


d’autres sont possibles), qu’il s’agit d’ Alain. En effet, en
faisant pression sur Christelle, il exerce un pouvoir sur
elle... En quelques phrases et en haussant le ton, il arrive a
faire faire a Christelle ce au"il voudrait qu’ elle fasse. C’ est
d’ailleurs 1é . la plus co ae pai : fairee
a nd.

Un deuxiéme exemple permettra de préciser un peu


les choses...

Histoire n° 2 : Le travail de dactylographie

Georges: Salut, Francis ! Je peux entrer ? Je ne te


dérange pas ?

Francis: — Ben... tu as de la chance. J’allais sortir. Que


me vaut le plaisir de ta visite ?

Georges: Je venais, comme convenu, rechercher le tra-


vail de dactylographie que tu t’étais engagé a

21
Relations et jeux de pouvoir

réaliser lors de la derniére réunion de notre


association. Tu te souviens ? Le programme
de la féte du printemps que nous organisons
la semaine prochaine. Je dois l’amener a
l’imprimeur avant demain midi, dernier
délai...

Francis : Je m’étais engagé, je m’étais engagé... Tu en


as de bonnes, toi ! Dis plutét qu’on m’a forcé
la main !

Georges : On t’a forcé la main ! Comment ¢a ?


Explique-toi, je ne comprends pas...

Francis : Oui. Toi, Monsieur le Président, quand tu as


demandé : « Qui est disponible pour taper le
programme de la féte ? » Tout le monde sait
bien que je suis le seul a étre au chOmage pour
Vinstant. C’était clair que cette demande
m était adressée. Mais, maintenant, j’ai déci-
dé de ne plus me laisser faire. Fini de me faire
exploiter ! Soit vous me payez, soit vous allez
frapper a une autre porte pour faire faire vos
corvées.

Georges (commencant a s’inquiéter) : Mais, Francis, le


travail, tu l’as fait ou tu ne l’as pas fait ?

Francis : Ecoute, Georges, tu as encore jusqu’a demain


midi pour trouver une solution. Le brouillon
et la maquette sont dans cette chemise. Si tu
acceptes les honneurs, tu dois aussi assumer
les ennuis.

22
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Maintenant, tu m’excuseras, mais je dois


m’en aller...

Georges: Mais... Francis, tu ne vas pas nous laisser


tomber, quand méme ! Et tout ce que nous
avons vécu ensemble, alors, ¢a ne compte
plus ?

Francis : On en discutera plus tard, si tu veux. Moi, je


dois partir. Au revoir, Georges.

Voyez-vous, c’est le genre d’aventures qui arrivent


bien plus souvent qu’on ne le croit dans ces associations de
bénévoles. Les frustrations s’accumulent, puis se réglent a
travers des situations d’urgence similaires a celle que vous
terminez de lire.

Examinons la situation et voyons qui a le pouvoir et


pourquoi... Ici, en ne faisant pas ce a quoi il s’ était enga-
gé, Francis met son président devant le fait accompli.
Ce faisant, il acquiert un pouvoir qui, une fois encore, est
un pouvoir de pression sur Georges. Quoi qu’il arrive, a
l’issue de cet affrontement, c’est Georges qui hérite du pro-
bléme : il subit les conséquences des actes de Francis.
Dans ce sens, quelle que soit la solution choisie (payer
Francis pour taper le travail ou s’en charger lui-méme),
Georges semble perdant, et Francis, gagnant a tous les
coups. Par cette attitude, le subordonné hiérarchique va _
faire faire a son supérieur ce qu’il veut qu’il fasse, en
utilisant 4 nouveau la pression. I] a donc un pouvoir rela-
tionnel sur son supérieur, méme si, institutionnellement, il
recoit les instructions de celui-ci.

23
Relations et jeux de pouvoir

Prenons un dernier exemple afin de pouvoir identi-


fier clairement la premiére caractéristique d’un jeu de pou-
VOC

Histoire n° 3 : La sortie du cinéma

Marcel : Il était pas mal, ce film, hein, Caroline ?

Caroline : Bof... Ces histoires d’amour, ¢a se termine


toujours de la méme fagon.

Marcel : Oh, qu’est-ce que tu peux étre pessimiste, a la


fin. Avec toi, ’homme le plus jovial de la
Terre en arriverait a se piquer une déprime.

Caroline : Tu me parles de toi, la, Marcel ?

Marcel : De moi ? Tu rigoles ! Je suis bien au-dessus


de tout cela. Et pour te le prouver, je t’invite
a venir prendre un dernier verre dans mon
appartement. Histoire de se mettre en forme
pour une douce nuit caline tous les deux !

Caroline : C’est sympa de ta part, Marcel, mais pas ce


soir.

Marcel (en colére) : Pas ce soir ! Tu n’as que ¢a a la


bouche, depuis trois mois. J’en ai marre, a la
fin ! Si tu ne veux plus de moi, dis-le tout de
suite !

Caroline (toute douce) : Mais non, Marcel, ce n’est pas ce


que tu crois. Disons que j’ai juste besoin d’un
peu de recul pour y voir plus clair, c’est tout.

24
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Marcel : Et tu crois que c’est comme cela que notre


relation va s’améliorer ? Moi pas. Puisque
c’est comme ¢a, tu peux rentrer chez toi en
taxi. Et tu n’as qu’a m’appeler quand tu y ver-
ras plus clair... (// la quitte furieux, sans
regarder en arrieére).

Alors, selon vous, qui, de Marcel ou Caroline,


détient le pouvoir ? Pour ma part, je dirai qu’ici, les choses
sont peut-étre moins évidentes. On pourrait dire que
Caroline a le pouvoir, parce qu’elle se trouve en position
de décider seule de l’avenir de la relation amoureuse.
Quant a Marcel, on pourrait dire qu’il exerce, lui aussi, une
forme de pression en rompant la relation (peut-étre pour
que Caroline change d’avis ?). Ainsi, Marcel fait figure de
pantin complétement dépendant du bon vouloir de
Caroline, de son sc Uae ou de son refus de amour

Suitea tout ce ut precede, nous pouvons conelure

critéres eitlerentiies pour repérer la présence des jeux


de pouvoir relationnels...

Vous avez sans doute déja remarqué que, dans le


cadre de cette premiére étape, nous focalisons notre atten-
tion sur tout ce qui peut détruire, endommager, miner la

25
Relations et jeux de pouvoir

26
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

relation, malgré les bonnes intentions que nous pouvons


avoir les uns a l’égard des autres. En soi, le pouvoir n’est
pas mauvais. Loin de moi cette idée de vous faire rejeter
toute forme de pouvoir ! Pour vivre et pour créer, il est
méme nécessaire d’avoir un certain pouvoir. Le probléme,
c’est que la maniére dont les humains exercent habituelle-
ment le pouvoir est destructrice. Vous leconstaterez, la route
_est longue pour parvenir a I’‘exercice dun |pouvoir non des-
incoeonditionnel de soi et d’autrui. ‘
Tee =

Sachez aussi que, dans cette démarche, nous ne nous


occuperons que des jeux de pouvoir qui peuvent surgir
dans la relation entre deux personnes, qu’il existe ou non
des relations hiérarchiques entre elles. Les découvertes que
vous ferez tout au long de ce livre pourront s’appliquer
aussi bien aux relations professionnelles que privées, aux
rapports entre parents et enfants ou entre partenaires amou-
reux... Car, en fin de compte, ce qui détermine la qualité
de la relation entre deux personnes, c’est ce qui se passe
entre elles, et non leur situation hiérarchique, leurs liens
familiaux ou leur grade.

A la fin de chaque étape, je vous proposerai de tirer


les enseignements, de dresser une sorte de bilan provisoire
des découvertes que vous aurez faites’.

1 A partir d’ici, je vous invite 4 dédier un cahier 4 vos réflexions person-


nelles, aux enseignements que vous tirerez de la lecture de ce livre et aux
liens que vous ferez avec votre vie quotidienne. Faites-le chaque fois que
vous rencontrerez le petit ours dans le texte. Grace a cette pratique, vous
augmenterez fortement le bénéfice que vous retirerez de votre lecture.

27
Relations et jeux de pouvoir

A ce stade-ci, je voudrais vous poser deux


questions relativement simples. Vous étes-vous
déja trouvé en train de faire quelque chose que
vous n’aviez pas vraiment décidé de faire, sous
la pression de quelqu’un ? Ne vous étes-vous
jamais surpris a faire faire a quelqu’un
quelque chose qu’il n’avait pas l’intention de
faire, en faisant pression (méme gentiment) sur
lui ? Penchez-vous, quelques instants, sur la
maniére dont les choses s’étaient déroulées...

Si les réponses aux deux questions sont affir-


matives, vous étes sans aucun doute concerné
par le sujet de ce livre. Si vous voulez com-
prendre quelle dynamique permet aux jeux de
pouvoir d’exister, je vous encourage a pour-
suivre votre lecture et votre réflexion.
an

Dans la suite de ce chapitre, nous examinerons encore


d’autres situations de pouvoir, mais ne nous dispersons pas
trop pour l’instant. Examinons de plus prés, comment, dans
Vhistoire n° 1, Alain a réussi a avoir du pouvoir sur Christelle
en arrivant a lui faire faire ce qu’il voulait qu’elle fasse.

28
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Repere n° 2
La distorsion explicite-implicite

L’objectif de cette section est de dégager un deuxiéme


critére de repérage des jeux de pouvoir. Pour ce faire, je
vous propose de reprendre la premiére histoire avec les
mémes phrases, mais, cette fois, en inscrivant en italiques
sous chacune des répliques de celui qui a le pouvoir —
c’est-a-dire Alain — ce qui était sous-entendu dans ses
paroles. Considérez cela comme un exercice d’ imagination,
en sachant que d’autres options sont toujours possibles...

Histoire n° I : Les couches d’Anais

Alain : Chérie, Anais a a nouveau mouillé ses


couches. Je crois qu’il faudrait la changer.

<—> Je crois que tu devrais la changer.

Christelle : Oh, non. C’est la quatriéme fois que je la


change aujourd’hui. Et en plus, je suis en_
pleine préparation du diner... .

Alain : Tu n’as qu’a arréter ta cuisson pour la chan-


ger... Lheure du repas ne vient pas a cing
minutes !

29
Relations et jeux de pouvoir

Allez, ne prends pas ton diner comme preé-


texte... Tu ne m’auras pas avec des argu-
ments pareils. Je ne bougerai pas...

Christelle : Tu en as de bonnes, toi. Tu ne pourrais pas


t’en occuper de temps en temps, non ?

Alain (haussant le ton) : Ecoute, je n’ai pas que ¢a & faire.


Et puis, je suis fatigué ! Je n’ai eu que des
problémes au bureau, aujourd’ hui. Alors, si tu
t’y mets aussi !...

Fais bien attention, si tu insistes, c’est avec


moi que tu vas avoir des problémes...

Christelle : Bon, allez, donne-la-moi. Je m’en occupe...

C’est comme s’il y avait une distorsion entre le mes-


sage explicite (ce qu’on peut entendre, écrire, enregistrer) et
le message implicite (ce qu’on devine, ce qu’on ressent, mais
qui n’est pas dit). C’est comme si la distorsion entre explicite
et implicite était, elle-méme, a l’origine de la pression...

Message explicite

a
Message implicite

L’envoi d’un double


message met l’interlo-
cuteur dans la confusion ;
ce qui permet d’avoir
une meilleure emprise
sur lui...

30
i
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Réfléchissez a cela avec l’exemple qui suit.

Histoire n° 4 : La collaboratrice en retard

(Lise, la collaboratrice d’André, arrive au rendez-vous


avec quarante-cing minutes de retard).
André (regardant sa montre) : Je te remercie, Lise !

Lise (dont la montre était arrétée a l’heure du rendez-


vous) : Mais de quoi, André ?

André : Non, je te remercie, c’est tout !

Lise : Mais... je ne comprends pas...

André : Non ? Eh bien alors, merci d’étre arrivée a


Vheure !

Lise: Mais enfin, André, ¢a n’a vraiment pas |’air


d’aller. Tu es faché ou quoi ?

André : Oh, non, je vais trés bien. Mais, a présent, il faut


que je m’en aille. A l’occasion, quand tu auras
le temps, achéte-toi un code de politesse !

Lise est troublée, et 4 raison. Examinez le premier


message d’ André et les différents messages implicites que
l’on pourrait deviner dans cette situation.

Message explicite: Je te remercie, Lise.


Messages implicites : Je suis faché que tu sois en retard.
Tu aurais pu arriver a Vheure ! Ca
fait trois quarts d’heure que j at-
tends et je suis trés irrité...

31
Relations et jeux de pouvoir

Les messages implicites, ici, contiennent une grande


charge émotionnelle d’agressivité que Lise pergoit. Pourtant,
ce qu’elle entend, a travers les mots d’ André, ne correspond
pas 4 ce qu’elle ressent... Il y a donc une distorsion entre le
message explicite de remerciement et le message implicite de
reproche.

Je te remercie

Je suis faché !
André Tu aurais pu arriver Lise
= al’heure !

Face au double message


d’André, Lise ne sait pas
quel niveau de commu-
nication elle doit prendre
en considération

Si vous vous trouviez dans la position de Lise, quelle


conséquence cela aurait-il sur vous ? Et comment réagiriez-
vous ?

Cela engendrerait probablement une tension interne


due a l’incertitude d’interprétation. « Dois-je répondre a ce
que j’entends (remerciement) ou a ce que je ressens

32
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

(reproche) ? » D’ow la tension ressentie et la question un


peu angoissée : « Mais de quoi, André ? »...

Ce qui est intéressant, c’est le malaise de Lise. Alors


que rien d’objectif et d’ observable ne lui permet de détec-
ter un jeu de pouvoir de la part d’ André, son ressenti |’en
avertit tres rapidement. En réalité, l’inconfort intérieur de
Lise provient de la pression implicite — maissine réelle
— qu’exerce sur elle son collaborateur. ‘ive donc sou-

apital que vous reteniezeel car inevous serautile ulté-


rieurement. Grace a ce qui précéde, vous venez de décou-
vrir un moyen de faire pression sur quelqu’un.

Le double message est un moyen d’exercer une


pression — et donc un pouvoir — sur autrui.

Les deux messages étant contradictoires, votre inter-


locuteur sera bien en peine de choisir une réponse adaptée.

Je vous propose, maintenant, de vérifier, dans les


deuxiéme et troisiéme histoires, si celui qui a le pouvoir
émet un double message, et s’il y a une distorsion entre le
contenu explicite et le contenu implicite des informations
échangées. Je vous propose le méme exercice d’imagina-
tion, et donc de deviner ce que Francis, le secrétaire de
l'association voulait vraiment dire 4 Georges, son prési-
dent.

33
Relations et jeux de pouvoir

Histoire n° 2 : Le travail de dactylographie

Georges : Salut, Francis ! Je peux entrer ? Je ne te


dérange pas ?

Francis : Ben... tu as de la chance. J’allais sortir. Que


me vaut le plaisir de ta visite ?

Bon sang ! Je n’ai pas de chance ! J’aurais


di sortir plus tot pour éviter ta visite...

Georges : Je venais, comme convenu, rechercher le tra-


vail de dactylographie que tu t’étais engagé a
réaliser lors de la derniére réunion de notre
association. Tu te souviens ? Le programme
de la féte du printemps que nous organisons
la semaine prochaine. Je dois l’amener a
Vimprimeur pour avant demain midi, dernier
délai...

Francis : Je m’étais engagé, je m’étais engagé... Tu en


as de bonnes, toi ! Dis plut6t qu’on m’a forcé
la main !

Je ne me suis pas engagé. C’est toi qui m’as


imposé ce travail !

Georges : On t’a forcé la main ! Comment ca ?


Explique-toi, je ne comprends pas...
Francis : Oui. Toi, Monsieur le Président, quand tu as
demandé : « Qui est disponible pour taper le
programme de la féte ? » Tout le monde sait
bien que je suis le seul a étre au chOmage pour

34
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

instant. C’était clair que cette demande


m’était adressée. Mais, maintenant, j’ai déci-
dé de ne plus me laisser faire. Fini de me faire
exploiter ! Soit vous me payez, soit vous allez
frapper 4 une autre porte pour faire faire vos
corvées.

<—> C’est fini de me laisser exploiter. Ou tu me


paies, ou tu le fais toi-méme.

Georges (commencant a s’inquiéter) : Mais Francis, le tra-


vail, tu l’as fait ou tu ne l’a pas fait ?

Francis: Ecoute, Georges, tu as encore jusqu’a demain


midi pour trouver une solution. Le brouillon
et la maquette sont dans cette chemise. Si tu
acceptes les honneurs, tu dois aussi assumer
les ennuis.

<—> Non, je n’ai pas fait ce travail. Et si ce n’est


pas fait a temps, ce n’est pas mon probléme ;
c’est le tien...

Maintenant, tu m’excuseras, mais je dois


m’en aller...

Georges: Mais... Francis, tu ne vas pas nous laisser tom-


ber, quand méme ! Et tout ce que nous avons
vécu ensemble, alors, ca ne compte plus ?

Francis: On en discutera plus tard, si tu veux. Moi, je —


dois partir. Au revoir, Georges.

<—> Tu ne m’auras pas par les sentiments.


Débrouille-toi sans moi...

35
Relations et jeux de pouvoir

Faisons de méme pour le troisiéme dialogue et


voyons ce que pourraient sous-entendre les réponses de
Caroline a Marcel.

Histoire n° 3 : La sortie du cinéma

Marcel : Il était pas mal, ce film, hein, Caroline ?

Caroline : Bof... Ces histoires d’amour, ¢a se termine


toujours de la méme facon.

Non, je n’ai pas aimé ce film. Ca m’a


ennuyée...

Marcel : Oh, qu’est-ce que tu peux étre pessimiste, a la


fin. Avec toi, homme le plus jovial de la
Terre en arriverait a se piquer une déprime.

Caroline : Tu me parles de toi, 1a, Marcel ?

KS = C’est moi qui, ces temps-ci, t’ai plutét trouvé


déprimé...

Marcel : De moi ? Tu rigoles ! Je suis bien au-dessus


de tout cela. Et pour te le prouver, je t’invite
a venir prendre un dernier verre dans mon
appartement. Histoire de se mettre en forme
pour une douce nuit caline tous les deux !

Caroline : C’est sympa de ta part, Marcel, mais pas ce soir.


<> Qu’est-ce que tu peux étre collant, Marcel !
Je n’ai vraiment pas l’intention de passer la
nuit avec toi...

36
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Marcel (en colére) : Pas ce soir ! Tu n’as que ca a la


bouche, depuis trois mois. J’en ai marre, a la
fin ! Si tu ne veux plus de moi, dis-le tout de
suite !

Caroline (toute douce) : Mais non, Marcel, ce n’est pas ce


que tu crois. Disons que j’ai juste besoin d’un
peu de recul pour y voir plus clair, c’ est tout.

<—> Oui, exactement, Marcel, je ne veux plus de


tol, mais Je ne sais comment te le dire...

Marcel : Et tu crois que c’est comme cela que notre


relation va s’améliorer ? Moi, pas. Puisque
c’est comme ¢a, tu peux rentrer chez toi en
taxi. Et tu n’as qu’a m’appeler quand tu y ver-
ras plus clair... (/] la quitte furieux, sans
regarder en arriére).

Avez-vous maintenant une idée de l’origine de la


pression exercée par celui qui détien

ake
1m B=Q ra A }
JU

interlocuteur se trouve donc dépossédé d’un


nombre de ses moyens, perd sa propre force et, a mesure
que le dialogue évolue, il devient une proie de plus en plus
facile pour le pouvoir de |’ autre.

37
Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Le vieil adage romain : « Divide ut imperes »


( ) ne s’appliquerait
donc Hes seth s ala division d’un supe

cela n’explique pas tout. Pour pouvoir prendre


le pouvoir sur l’autre, il ne suffit pas de faire
pression sur lui et de lui envoyer un double
message... C’est ce que nous allons mainte-
nant tacher de découvrir... ‘

ye
———

39
Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Repere n° 3
La complicite circulaire

Dans cette nouvelle section, je vous propose de


découvrir un troisiéme critére de repérage des jeux de pou-
voir...

Pour ce faire, reprenons la premiére situation, ou


Alain prend le pouvoir sur Christelle en arrivant a ce
qu’elle change les couches d’Anais, alors qu’elle n’en a
manifestement pas envie... Cette fois, je vous propose
d’imaginer les messages implicites que Christelle aurait pu
faire passer a Alain...

Histoire n° 1 : Les couches d’Anais

Alain : Chérie, Anais a a nouveau mouillé ses


couches. Je crois qu’il faudrait la changer.

Christelle : Oh, non. C’est la quatriéme fois que je la


change aujourd’hui. Et en plus, je suis en~
pleine préparation du diner...

<—> Je te vois venir, mais tu ne m’auras pas. Je


n'ai vraiment pas l’intention de la changer.

41
Relations et jeux de pouvoir

Alain : Tu n’as qu’a arréter ta cuisson pour la chan-


ger... L’heure du repas ne vient pas a cinq
minutes !

Christelle : Tu en as de bonnes, toi ! Tu ne pourrais pas


t’en occuper de temps en temps, non ?

<—> Premiérement, tu n’as pas a me donner


d’ordres ! Deuxiémement, je voudrais que tu
t’en occupes.

Alain (haussant le ton) : Ecoute, je n’ai pas que ¢a a faire.


Et puis, je suis fatigué ! Je n’ai eu que des
problémes au bureau, aujourd’ hui. Alors, si tu
t’y mets aussi !...

Christelle : Bon, allez, donne-la-moi. Je m’en occupe...

<—> Cette fois, tu as gagné... Mais tu ne perds


rien pour attendre !

Que remarquez-vous ? Ne pourrions-nous pas faire


pour Christelle les mémes remarques que tout a l’heure
pour Alain (ou pour d’autres) ? Vous souvenez-vous de la
distorsion explicite-implicite qui permet de faire pression
sur l’autre ? Réexaminez les choses sous cet angle... Sans
doute, vu de l’extérieur, Alain semble étre arrivé a ses fins.
Mais est-ce grace 4 sa seule intervention ? Examinez la
réécriture de I’histoire que je vous propose ci-dessous...
Vous pourriez, bien entendu, en imaginer d’autres. ne
gauche, les messages explicites échangés par Alain et
Christelle ; 4 droite, leur dialogue implicite...

42
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Explicite Implicite

Alain : Chérie, Anais a 4 nou- Chérie, Anais a a nouveau


veau mouillé ses couches. Je mouillé ses couches. Je n’ai
crois qu'il faudrait la chan- pas envie de m’en occuper.
ger. Change-la.

Christelle : Oh, non. C’est la Non, je n’en ai pas envie, moi


quatriéme fois que je la non plus. Ca fait déja quatre
change aujourd’hui. Et en fois que je la change. Tu
plus, je suis en pleine prépa- pourrais le faire pour m’ai-
ration du diner... der.

Alain : Tu n’as qu’a arréter ta Allez, ne prends pas ton diner


cuisson pour la changer... comme prétexte pour me
L’heure du repas ne vient mettre cette corvée sur le
pas a cing minutes ! dos. Change-la toi-méme...

Christelle Tuyen Sas. de La, je la trouve vraiment mau-


bonnes, toi ! Tu ne pourrais vaise ! Tu ne fais jamais rien
pas t’en occuper de temps en pour m’aider...
temps, non ?

Alain (haussant le ton) Tu commences vraiment a


Ecoute, je n’ai pas que ca a m’énerver ! De toute facon,
faire. Et puis, je suis fati- Je ne le ferai pas. Et si tu ne
gué ! Je n’ai eu que des pro- veux pas la changer, gare
blémes au bureau, aujour- aux représailles !...
d’hui. Alors, si tu t’y mets
aussi !...

Christelle : Bon, allez, donne- Bon, tu as gagné. Je le ferai,


la-moi. Je m’en occupe... bien que je n’en aie pas
envie... Mais, d’une fagon
ou d’une autre, tu me le
paieras ! :

Au lu de cette formulation des messages implicites,


je vous invite a réfléchir 4 ces deux questions...

43
Relations et jeux de pouvoir

1. Qu’est-ce qui, dans l’attitude de Christelle, a


alimenté le jeu de pouvoir d’ Alain ?
2. Qu’est-ce que Christelle n’a jamais dit, et qui a
permis a Alain d’obtenir ce qu’il voulait ?

Si les choses ne sont pas encore tout a fait claires


dans votre esprit, lisez ces quelques réflexions...

Avez-vous remarqué que Christelle emploie |’impli-


cite pour résister a la pression d’ Alain ? C’est-a-dire qu’a
son tour, elle lui envoie un double message. Rappelez-
vous, dans le point précédent, nous avons vu qu’ envoyer un
double message a quelqu’un était une maniére de faire
pression sur lui ! Ainsi, Christelle résiste 4 la pression
d’Alain en faisant pression 4 son tour — sans en étre
consciente, d’ ailleurs.

FETT
Messages explicites
EAS

f 6
eee
Alain Messages implicites >
Christelle

En répondant a Alain de la
sorte, Christelle utilise exac-
tement le méme processus
de communication que son
compagnon...
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Et en essayant de se défendre « comme elle peut »,


elle ne réussit qu’a augmenter la colére de son compagnon,
et donc l’intensité de son jeu de pouvoir.

stant, Christelle a alimenté le jeu


de

Christelle n’a jamais dit explicitement qu’elle ne


voulait pas changer Anais. Et Alain en a profité pour
asseoir son pouvoir sur elle... En plus, Christelle ne pour-
ra méme pas reprocher a son mari de |’ avoir forcée a faire
quelque chose qu’elle ne voulait pas, car il pourra toujours
lui rétorquer : « Tu ne me l’as jamais dit ! »

En fait, Christelle a donné le pouvoir a Alain


d’avoir du pouvoir sur elle.

C’est ce que j’appellerai la complic


résistant au pouvoir de quelqu’un, je Paleente, Et en ne
lui posant pas explicitement mes limites,je lui permets de
me maltraiter.

45
Relations et jeux de pouvoir

On pourrait d’ailleurs représenter la situation de la


maniére suivante :

En cherchant a l’annuler,
on renforce involontaire-
ment et inconsciemment
le pouvoir de l’autre.
C’est la premiére facette
de la complicité circulaire.
cetant aU JEU de
gor Pou,Oy.
de l'autre, je lui
donne le pouvoir

% oO
Un,
Ojp e aly’
% pouvoit ©

Nous venons de voir qu’une premiére maniére d’ali-


menter le pouvoir de quelqu’un était d’y résister, mais
implicitement. Voyons, a présent, s’il y a d’autres maniéres
d’alimenter le pouvoir de quelqu’un, tout en étant son
complice ? Lisez attentivement cette nouvelle histoire...

Histoire n° 5 : La garde des enfants

Christian (sonne a la porte de sa voisine, a 18 heures) :


Bonsoir, Béatrice, tu vas bien ? Dis donc, tu
as l’air en pleine forme ! Tu es rayonnante !
? Ca fait vraiment plaisir a voir !
Béatrice (rougissante) : Heu... oui, c’est vrai que je ne
vais pas trop mal, en ce moment... (silence. )
Oh, Christian, excuse-moi, tu veux entrer ?

46
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Christian : A vrai dire, je n’ai pas beaucoup de temps.


Ou alors juste cinq minutes, pour te faire plai-
Sik:

Béatrice : Allez, entre, ne te fais pas prier... Et, a part


ca, quelles nouvelles ? Comment vont ta
femme et tes enfants ?

Christian : Ah, mais c’est un grand jour, aujourd’hui.


Figure-toi que, ce soir, j7emmeéne Nicole au
théatre. Tu sais, depuis le temps que je le lui
promettais ! Elle commengait a désespérer.
Ces derniers temps, j’étais plut6t devenu
« Monsieur courant d’air »...

Béatrice : Je suis sire que ta femme doit étre ravie de


pouvoir sortir avec toi, ce soir !

Christian : A part que, espace d’imbécile que je suis, j’ai


tout prévu, sauf une chose. J’ai été tellement
occupé que j’ai complétement oublié de pré-
voir la garde des enfants.

Béatrice : Ah bon, et alors ?

Christian : Et alors ? Si je rentre chez moi maintenant, et


que j’annonce a Nicole que notre soirée tombe
a l’eau, je vais me faire tuer ! Tu connais les
coléres de ma femme !

Béatrice : Oh oui ! Et qu’est-ce que tu vas faire ?

Christian : Je n’en sais rien. Je ne peux quand méme pas


laisser les enfants seuls. S’il leur arrivait
quelque chose, je m’en voudrais toute ma vie.

47
Relations et jeux de pouvoir

Béatrice : |Ecoute, si ca peut te dépanner, je connais une


jeune fille,trés bien pour le baby-sitting. Tu
veux que je l’appelle ?

Christian: Non, ca ne me parait pas étre une bonne


solution. Tu connais les enfants... Ils ne se
sentent en sécurité qu’avec quelqu’un qu’ ils
connaissent bien... Qu’est-ce qu’on pourrait
faire ? Tu ne vois rien d’ autre ?

Béatrice (en soupirant) : Dans ce cas, améne-les-m0ol, si ¢a


peut te dépanner.

Christian : Si tu me le proposes si gentiment, je ne peux


pas refuser. Tu es vraiment sympa, Béatrice !
Il faudra qu’un de ces jours, on tinvite a
diner a la maison, hein, qu’en penses-tu ?

Dans ce cas-ci, on peut dire que c’est Christian qui


exerce le pouvoir sur Béatrice. D’ ailleurs, nous retrouvons
bien, chez lui, les deux caractéristiques mises en lumiére
précédemment : |’exercice d’une pression et |’envoi d’un
double message.

En effet, il obtient ce qu’il veut sans le demander en


utilisant des moyens de pression tels que laflatterie («tu
es rayonnante »), | (« elle commengait a
désespérer »), (« espéce d’imbécile que
Je suis »), (« je vais me faire tuer »), le
if (« je ne peux quand méme pas les laisser
seuls »), Vimplication de l'autre dans son probléme
(« qu’est-ce qu’on pourrait faire ? »).

48
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Par ailleurs, son discours est truffé de doubles mes-


sages : « tu as l’air en pleine forme ! » cache « tu n’as pas
intérét a me dire que tu es trop fatiguée pour garder mes
enfants » ; « j’ai complétement oublié la garde des
enfants » est une fagon de dire « veux-tu garder mes
enfants ce soir ? » ; « tu connais les coléres de ma femme »
signifie implicitement « tu es de mon cété dans ce conflit
potentiel » ; « je m’en voudrais toute ma vie » pourrait bien
suggérer « je t’en voudrais toute ma vie d’avoir refusé » ;
« ils ne se sentent en sécurité qu’avec quelqu’un qu’ils
connaissent bien » débouche logiquement sur « toi, par
exemple, ils te connaissent » ; quant au « si tu me le pro-
poses Si gentiment », c’est une fagon de prendre ses pré-
cautions en disant « ce n’est pas moi qui te l’ai demande,
c’est toi qui t’es proposée spontanément. Apres, il ne fau-
dra pas venir te plaindre... »

Manifestement, face a ce jeu de pouvoir, Béatrice n’a


pas opposé la moindre résistance. Au contraire, 4 aucun
moment, une demande explicite n’a été formulée. Elle finit
par proposer ses services. Or, tout le jeu de pouvoir de
Christian se fonde justement sur le fait que jamais, il ne lui
demande clairement et explicitement de garder ses enfants.
Comprenez-vous l’avantage que cela lui procure ?
Réfléchissez... Si, un jour, sa voisine lui reproche d’étre la
« bonne poire », d’étre toujours 1a pour les dépannages de
derniére minute, d’étre obligée de garder les enfants, il sera
facile 4 Christian de tirer son épingle du jeu en lui répon-
dant : « Mais je ne t’ai jamais rien demandé ! » Il pourrait
méme profiter de l’occasion pour encore accroitre la pres-

49
Relations et jeux de pouvoir

sion sur sa voisine en la culpabilisant : « Comment ? C’est


donc chaque fois a contreceeur que tu m’as proposé de me
rendre service ? Et moi qui croyais que c sees amitié !
Je suis vraiment décu ! » LE, Acce ‘
ans cejeudepouvoir, Béatrice
t plus elle entrera dans le jeu, plus | ristian se sentira
autorisé 4 exercer du pouvoir sur elle.

Ainsi, 1a aussi, elle se rend complice du pouvoir que


son voisin a sur elle. En répondant a la demande non for-
mulée, Béatrice lui permet d’exercer une pression psycho-
logique sur elle. On pourrait représenter cette forme de
complicité comme suit :

En acceptant d’entrer dans


le jeu de pouvoir de l’autre,
on le renforce involontaire-
ment et inconsciemment.
C’est une autre facette de
la complicité circulaire.

je
“cot le Jude ng, Woy,

de l'autre, je lui

Stel aba
ay, . oo
"ir Ca
% pouvoit

Ainsi, Béatrice, en acceptant d’y entrer, alimente le


jeu de Christian, le renforce et se rend complice du pouvoir
qu’il a sur elle.

50
e
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Remarquez d’ailleurs qu’en disant « j’ai compleéte-


ment oublié la garde des enfants », Christian ne fait qu’ ex-
primer une affirmation et pas une question. En énongant
une affirmation, i] met sa voisine dans l’impossibilité de lui
répondre par oui ou par non' et, ainsi, évite le risque d’es-
suyer un refus. Mais, en plus, en ne formulant aucune
demande, il se ps a Sue: comme n “etantWEE res-

sonnes susceptibles d’ sareea la réalisation de |’ objectif).


Ici, Christian ne fait rien de tout cela. I] se contente d’ énon-
cer le probleme, puis se tait. En fait, il agit comme s’il
attendait que son interlocutrice prenne en charge la
recherche d’une solution (c’est elle qui propose la solution
de la baby-sitter, puis celle d’assumer elle-méme la garde
des enfants).

Amusons-nous maintenant, comme nous I|’avons fait


pour le dialogue entre Alain et Christelle, a réécrire |’épi-
sode en mettant en paralléle les alOnieS explicite et
implicite...

Explicite Implicite

Christian (sonne a la porte de Bonsoir, Béatrice. Je voudrais


sa voisine, a 18 heures) : te mettre en de bonnes dis-
Bonsoir, Béatrice, tu vas positions. Tout a V’heure, tu
bien ? Dis donc, tu as I’air n’auras pas intérétaprétex-

1 En effet, répondre par oui ou par non n’est possible que si une question a
été explicitement posée.

51
Relations et jeux de pouvoir

en pleine forme ! Tu es ter que tu es fatiguée pour


rayonnante ! Ca fait vrai- garder les enfants !
ment plaisir a voir ! ‘

Béatrice (rougissante) Ce n’est pas tout a fait le cas,


Heu... oui, c’est vrai que je en ce moment. Je suis fati-
ne vais pas trop mal, en ce guée. Mais enfin, je ne vou-
moment... (silence.) Oh, drais pas te décevoir, alors,
Christian, excuse-moi, tu disons que je vais bien...
veux entrer ?

Christian : A vrai dire, je n’ai Si le fait que j’entre peut te


pas beaucoup de temps. Ou mettre en de meilleures dis-
alors juste cinq minutes, positions, allons-y, rentrons.
pour te faire plaisir...

Béatrice : Allez, entre, ne te J'ai bien compris que tu es en


fais pas prier... Et, a part train de jouer au jeu de la
¢a, quelles nouvelles ? séduction avec moi. Allez,
Comment vont ta femme et que me veux-tu, a la fin ?
tes enfants ?

Christian : Ah, mais c’est un Je ne vais tout de méme pas te


grand jour, aujourd’hui. le dire tout de suite, ce que
Figure-toi que, ce soir, j’em- je veux. Je voudrais que tu
méne Nicole au théatre. Tu prennes conscience de l’im-
sais, depuis le temps que je portance de Venjeu de cette
le lui promettais ! Elle com- soirée au thédatre... Et puis,
mengait a désespérer. Ces j espere que tu te mettras a
derniers temps, j’étais plutét la place de ma femme qui est
devenu « Monsieur courant toujours seule, la pauvre, tu
d’air »... la comprends !

Béatrice : Je suis sire que ta C’est vrai que ¢a ne me


femme doit étre ravie de déplairait pas d’étre a la
pouvoir sortir avec toi, ce place de ta femme, ce soir...
soir ! Mais, qu’est-ce que tu me
veux ? Je ne comprends tou-
jours pas ou tu veux en
venir...

52
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Christian : A part que, espéce La, je te fais plaisir en me trai-


dimbécile que je suis, j’ai tant moi-méme d’imbécile et
tout prévu, sauf une chose. en te donnant le pouvoir sur
J’ai été tellement occupé moi, car c’est de toi que
que jai complétement dépend mon bonheur ou
oublié de prévoir la garde mon malheur. Acceptes-tu de
des enfants. me Ssauver ?

Béatrice : Ah bon, et alors ? Je te vois venir, gros filou !

Christian : Et alors ? Si je Ah, tu as besoin de me sentir


rentre chez moi maintenant, encore plus dépendant de toi
et que j’annonce a Nicole et de te sentir plus indispen-
que notre soirée tombe a sable encore ? O.K. Tu ne
l'eau, je vais me faire tuer ! vas quand méme pas me
Tu connais les coléres de ma laisser tomber dans cette
femme ! situation !

Béatrice : Oh oui ! Et qu’est- Tu es dans l’embarras, main-


ce que tu vas faire ? tenant. Allez, crache le mor-
ceau et dis ce que tu attends
de moi !

Christian : Je n’en sais rien. Je Ce qui est clair, en tout cas,


ne peux quand méme pas c’est que, ce solr, je sors et
laisser les enfants seuls. S’il qu’il y aura quelqu’un pour
leur arrivait quelque chose, garder mes enfants. Si ce
je m’en voudrais toute ma n'est pas toi, je t’en voudrai
vie. énormément !

Béatrice : Ecoute, si ¢a peut te Bon, d’accord. C’est vrai que


dépanner, je connais une ca me fait plaisir de te
jeune fille trés bien pour le materner, mais il y a tout de
baby-sitting. Tu veux que je méme des limites a la prise
Vappelle ? en charge! Tu ne m’attireras
pas aussi facilement dans
ton piége.

Christian : Non, ¢a ne me Ah, non ! Je n’ai pas envie de


parait pas étre une bonne débourser un franc pour

53
Relations et jeux de pouvoir

solution. Tu connais les faire garder mes enfants. En


enfants... Ils ne se sentent plus, c’est avec toi que je
en sécurité qu’avec quel- veux jouer... Tu sais, main-
qu’un qu’ils connaissent tenant que tu as accepté de
bien... Qu’est-ce qu’on me prendre en charge, il fau-
pourrait faire ? Tu ne vois dra assumer jusqu’au bout.
rien d’autre ?

Béatrice (en soupirant) : Dans Bon, ¢a va, tu as gagné.


ce cas, améne-les-mol, si ¢a Comme ¢a, si, un jour, j’ai
peut te dépanner. besoin de toi, tu ne pourras
pas refuser, car, désormais,
tu as une dette envers moi.

Christian : Si tu me le pro- Moi ? Je ne t’ai rien demandé,


poses si gentiment, je ne donc je n’ai aucune dette
peux pas refuser. Tu es vrai- vis-a-vis de toi. On est bien
ment sympa, Béatrice ! Il d’accord sur ce point, hein ?
faudra qu’un de ces jours, on Tu le fais uniquement parce
t’invite a diner a la maison, que tu es sympa. Toutefois,
hein, qu’en penses-tu ? c’est vrai que je me sens un
peu coupable de t’avoir
forcé la main. Tu viendras
manger a la maison et
comme ¢a, on sera quittes.

Apres lecture de ceci, je ne sais pas si vous vous étes fait


la méme réflexion que moi. Pour ma part, je me suis demandé
ce que deviendraient nos relations si la télépathie était monnaie
courante. Avoir de telles pensées accessibles a tous deviendrait
tres vite plutét génant. Mais peut-étre serait-ce aussi un excel-
lent antidote a toute une série de jeux de pouvoir !

Nous avons suffisamment d’éléments pour faire la


synthese de cette section consacrée au troisitsme moyen

54
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

dont nous disposons pour repérer un jeu de pouvoir rela-


tionnel : l’examen de la complicité circulaire... Je vous
invite donc a tirer avec moi les enseignements des analyses
que nous venons d’effectuer.

accepter de rentrer dans le


jeu e renforce également (on a pu
ocerte? entre Christian et Béatrice’).

= - Que l’on résiste ou que l’on


force le pou’? ; ;
accepte le pouvoir de I’ autre,
le résultat est identique : on
ccenle le pour, Oir
l’alimente et on le renforce...

ie.
"Nforce le pou NS

Mais alors, me direz-vous, existe-t-il un moyen d’en


sortir ? Si résister ne fait qu’ aggraver la situation et si accep-
ter l’aggrave également, comment désamorcer les jeux de
pouvoir que nous subissons de la part de notre entourage ? A

1 Histoire n° 1 : Les couches d’ Anais.


2 Histoire n° 5 : La garde des enfants.

55
Relations et jeux de pouvoir

cela, je vous répondrai qu’ilfaut trouver une troisieme voie,


autre que la rébellion ot la soumission. En quoi consiste-t-
elle ? En tout cas, pas en un compromis... Mais, patience !
Il vous faut encore découvrir d’autres choses avant de pou-
voir apporter une réponse satisfaisante a cette question beau-
coup plus complexe qu’elle n’y parait au premier abord.

Le deuxiéme enseignement que nous pouvons tirer


de l’examen de ces deux épisodes, c’est qu’il y a quelque
chose de trés troublant dans les phénoménes de pouvoir.
Dans notre cheminement de réflexion etSie tout se
ie jusqu’ a présent comme si ait, 7

ivoir. En effet, Christelle essaie d’obteart d’ Alain ce


qu’elle veut sans le lui dire explicitement. Elle tente donc de
le manipuler, et, pour obtenir ce qu’elle veut, exerce des
pressions sur lui, en lui envoyant en permanence des
doubles messages. C’est également ce que nous avons
observé dans le comportement de Béatrice, qui essaie
d’obtenir de Christian ce qu’elle veut, c’est-a-dire qu’il
« §’abaisse » a formuler sa demande pour prendre le des-
sus sur lui. Cette constatation — a savoir que les deux par-
ties en présence utilisent les mémes outils — nous force a
pousser plus loin nos recherches pour découvrir le moyen
infaillible de reconnaitre et de repérer la présence de jeux
de pouvoir dans les relations interpersonnelles.

Vérifions, trés rapidement, si les deux constats que


nous venons de faire (le fait que celui qui « subit » le pou-
voir d’une part, le renforce, et, d’autre part, en exerce un

56
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

également) se vérifient dans les autres exemples traités jus-


qu’a présent. Examinons, a chaque fois, la position de celui
dont nous avons dit qu’il n’avait pas le pouvoir ou qu’il
subissait le pouvoir de |’ autre.

Quand Georges se rend chez Francis pour reprendre


le travail de dactylographie promis! (complicité circulaire),
il accepte, sans protester, de subir les conséquences du chan-
gement d’humeur de son secrétaire. A aucun moment, il ne
communique explicitement a Francis sa colére (distorsion
entre explicite et implicite) ; 4 aucun moment, il ne s’appuie
sur le fait que Francis avait pris un engagement explicite
(complicité circulaire). Par ailleurs, il utilise le chantage
affectif pour essayer d’obtenir un changement de position
de Francis (pression psychologique). En d’autres termes,
Georges joue un jeu de pouvoir vis-a-vis de Francis et, de ce
fait, devient complice du jeu de pouvoir qu’il subit.

A la sortie du cinéma’, Marcel s’enfonce de plus en


plus profondément dans un jeu d’implicite, ou jamais il ne
parle de sa réalité a lui. I] ne dit pas que le pessimisme de
Caroline le déprime, il n’exprime pas clairement son envie
de passer la nuit avec elle (double message), il ne dit pas
qu’il a peur qu’elle le délaisse ou I’abandonne (il dit méme
le contraire : « Si tu ne veux plus de moi, dis-le tout de
suite ! »). Adoptant une telle attitude, il ne donne a Caroline
aucune information qui lui permettrait justement « d’y voir

1 Histoire n° 2 : Le travail de dactylographie.


2 Histoire n° 3 : La sortie du cinéma.

Au
Relations et jeux de pouvoir

plus clair ». Ainsi, Marcel crée lui-méme la situation qu’il


redoute le plus, 4 savoir la rupture (puisqu’il la quitte,
furieux, alors qu’il craignait justement qu’elle le laisse tom-
ber). Il renforce donc le pouvoir de Caroline en y résistant.
Il est, lui aussi, complice de ce qu’il subit.

Le cas de Lise! est peut-étre plus délicat. Il est clair


qu’elle ressent un malaise provoqué par le double message
d’ André (c’est ce qui lui fait dire : « ¢a n’a vraiment pas
l’air d’aller »). Le malaise est d’ailleurs un des indices les
plus fiables dont nous disposions pour détecter la présence
des jeux de pouvoir. Malgré cela, Lise ne fait rien, ni pour que
VPambiguité soit levée, ni pour exprimer son malaise. Elle
accepte d’entrer dans le jeu de son interlocuteur et, ce faisant,
le renforce. Et en le renforcant, elle devient complice.

Finalement, la conclusion que l’on pourrait tirer 4 ce


stade-ci, serait :

Ceci constitue peut-étre une trés mauvaise nouvelle


pour vous, car, si vous accordez du crédit 4 cette conclu-
sion,

1 Histoire n° 4 : La collaboratrice en retard.

58
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Au lieu de dire « I] exerce du pouvoir sur moi », il


serait peut-étre plus adapté de se demander « Qu’est-ce
hez moi, lui permet d’avoir du pouvoir sur moi ? »,
ou encore « quoi suis-je complice de son pouvoir et
-ce que je le renforce ? »
- poak
/

Mais vous verrez que cette mauvaise nouvelle en


cache une excellente, qui vous permettra justement de
désamorcer les jeux de pouvoir dont vous vous sentez pri-
sonnier.

Prenez a présent le temps de faire votre propre


bilan... Ne vous est-il jamais arrivé de subir le
pouvoir de quelqu’un ? Si c’est le cas, je vous
propose de vous remémorer une scéne bien
précise que vous avez vécue, ou vous avez eu le
sentiment d’étre victime du pouvoir de
autre...

A présent, analysez le comportement que vous


avez eu a la lumiére de ce qui vient d’étre dit.
En quoi, vous aussi, vous étes-vous rendu com-
plice de ce que vous avez subi ? En ne faisant
pas ce qu’il fallait, en résistanta la pression
ou en l’acceptant. Examinez cela sans porter
de jugement sur vos actes...

59
Relations et jeux de pouvoir

60
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Au stade actuel de notre réflexion sur les jeux de


pouvoir interpersonnels et suite aux exercices que nous
venons de faire sur les dialogues initiaux, vous pourriez
légitimement vous demander qui, en définitive, a le pou-
voir... En effet, dans les quelques exemples que nous
venons de passer en revue, et selon les trois criteres déja
établis (exercice d’une pression, distorsion entre explicit
et implicite, Es GHrulaire) | : ¢

t, contrairement aux apparences, ce pouvoir n’est


pas négligeable ! Vous découvrirez par la suite quels avan-
tages chacun des protagonistes tire de son pouvoir. Mais
poursuivons, si vous le voulez bien, et allons plus en pro-
fondeur dans la compréhension de la dynamique relation-
nelle systémique entre deux personnes.

61
Relations et jeux de pouvoir

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Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Repere n° 4
Les projets et
les attentes implicites

En laissant cheminer votre pensée et votre réflexion


au fil de ces pages, vous vous étes certainement déja
demandé quel est le mobile de tous ces jeux de pouvoir, ce
qui sous-tend toute cette dynamique complexe entre deux
personnes. Pour découvrir la réponse, il nous suffira de
nous interroger sur ce que la personne perd si elle ne joue
plus de jeu de pouvoir ? Vous comprendrez rapidement ce
dont il s’agit.

Reprenons quelques phrases parmi les différentes


situations qui vous ont été présentées jusqu’ici. Quand,
dans la premiére histoire', Alain dit a Christelle : « Je crois
qu’il faudrait la changer », nous avons vu qu’il pourrait lui
dire en méme temps, mais implicitement : « Je crois que tu
devrais la changer » ou « Je n’ai pas l’intention de la
changer », ou encore « Tu es responsable des soins a pro-
diguer a Anais, pas moi ». On pourrait se demander ce
qu’ Alain perdrait 4 dire explicitement ce qu’il cherche a

1 Histoire n° 1 : Les couches d’ Anais.

63
Relations et jeux de pouvoir

communiquer et qu’il ne fait sentir qu’implicitement.


Imaginez la scene :

Alain : Chérie, Anais a mouillé ses couches. Je


crois que tu devrais la changer, surtout que
je n’ai pas lintention de le faire. Apres
tout, c’est toi qui es responsable des soins a
prodiguer 4 ta fille, pas moi !

Christelle : Et pourquoi moi ? Qu’est-ce que c’est que


ces principes ? Tu peux participer a la vie
du ménage ! Je ne suis pas ta servante,
apres tout ! Je sacrifie déja ma vie profes-
sionnelle a |’éducation d’ Anais. Il ne faut
quand méme pas exagérer !

Il apparait donc clairement que si Alain cessait de


jouer ce double jeu, il risquerait de vivre un conflit, une
rupture ou encore une situation oU il ne pourrait plus se
décharger de ses responsabilités. Son double jeu cache
donc une intention implicite (celle d’éviter le conflit),
un projet implicite (celui de se décharger de ses respon-
sabilités), une attente implicite (celle que sa femme
change elle-méme Anais). Cette notion de projet ou
d’attente implicites constitue en fait le troisieme niveau
de la relation, ot se construit une dynamique relation-
nelle systémique' entre les deux personnes.

1 Cette notion de dynamique relationnelle systémique est un des points cen-


traux de la démarche portant le méme nom, en abrégé : DYNARSYS.

64
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Alain Je crois qu’il faudrait


la changer Christelle

Je crois que tu devrais >


la changer

[Projet qu’elle
comprenne par elle-méme

et qu’elle fasse ce
qu'il veut]

Si vous revenez au dialogue imaginé ci-dessus, vous


constatez aisément qu’en explicitant son projet ou son
attente, Alain provoque presque instantanément la rébellion
de Christelle qui refuse d’étre considérée comme la « bonne
a tout faire », celle qui est 1a pour s’occuper des enfants, du
ménage, des repas, des lessives et du bien-étre de son mari.
Un tel dialogue risque fort de dégénérer en conflit, a moins
qu’ Alain ne céde et n’aille changer Anais. Alors, qu’est-ce
qui a fondamentalement changé ? En fait, les intentions
cachées d’ Alain par rapport a Christelle sont brusquement
devenues explicites. Tant qu’ Alain avait un projet implicite
sur Christelle, il restait apparemment le maitre de la situa-
tion. Devenant explicite, il perd ce pouvoir.

Examinons 4 présent si le fait d’avoir un projet ou


une attente implicites sur quelqu’un entraine nécessaire-

65
Relations et jeux de pouvoir

ment que l’on a du pouvoir sur lui... Réflechissons-y en


considérant les quelques réflexions qui suivent.

, avoir un projet ou une attente impli-


cites sur quelqu’un peut signifier « vouloir obtenir quelque
chose de l’autre sans le lui dire ou le lui demander ».
Couramment, on appelle cela « manipuler l’autre ». La
manipulation est l’une des stratégies décrites dans le pre-
mier repére de notre enquéte. Vous souvenez-vous ? II
’¢ ut de fat pression
ae
yur
2
obtenir
BEE
Nghe mene
=> chose sans

-Deuxiémement, lefait d’utiliser des doubles mes-


sages démontre bien que |’on a un projet implicite sur
l'autre, par exemple, celui de le déstabiliser, ou d’éviter le
conflit, ou encore que |’autre comprenne par lui-méme.

-Troisigmement, pour que le projet implicite devienne


effectivement un pouvoir, une emprise, la complicité de
l'autre — souvent involontaire et inconsciente — est une
nécessité absolue. Dans ce cas précis, le projet implicite
d’ Alain était de faire prendre 4 Christelle toute la respon-
sabilité des soins de l’enfant. La transformation du projet
en pouvoir s’est faite en deux temps : tout d’abord quand
Christelle y a résisté (en résistant, elle fait exister ce projet,
elle le rend réel), et ensuite, quand elle a accepté d’y entrer.
La complicité de Christelle a fait de ce projet implicite un
jeu de pouvoir. Le troisiéme repére est donc bien 1a. A
remarquer que Christelle, en résistant, avait le projet impli-
cite de faire cesser le jeu d’ Alain ; en acceptant, son projet

66
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

implicite était d’éviter un conflit. Nous retrouvons donc


bien la symétrie des attitudes...

Messages explicites

Alain Messages implicites ni Christelle

Pour qu’un jeu de pouvoir


puisse exister dans la
durée, il est nécessaire
que les deux partenaires
jouent, l’un vis-a-vis
[Rapports de force, de l’autre, la méme
p rojets et attentes {| dynamique relationnelle...

Vous pourriez alors me demander si un projet ou une


attente explicites sont également une forme de jeu de pou-
voir... Sur base de la scéne que nous avons imaginée il y a
quelques instants, vous pourrez trés rapidement tirer vous-
méme les enseignements. Quelle différence observez-vous,
en termes de conséquences, entre garder implicite son pro-
jet et ’expliciter ?

D’abord, la probabilité d’ obtenir un refus 4 un projet


implicite est beaucoup plus faible que s’il est explicite.—
Comme je vous |’ai fait remarquer auparavant, en disant
« Je crois quwil faudrait la changer », Alain formule une
affirmation, pas une question. Or, a une affirmation, il est

67
Relations et jeux de pouvoir

impossible — ne fat-ce que pour des raisons grammati-


cales — de répondre. par oui ou par non. Ensuite, tant
qu’ Alain n’a pas dévoilé ses intentions, Christelle est dans
V’impossibilité de réagir, d’une maniére ou d’une autre.
Elle se retrouve pieds et poings liés au projet implicite de
son partenaire. Deux options s’offrent a elle.

Premiére option. Comme la situation n’est pas claire,


Christelle choisit d’attendre qu’Alain soit plus explicite.
Remarquez qu’il s’agit 1a d’une attente implicite. Mais
plus elle attend, plus elle est engagée dans le jeu et plus il
lui sera difficile de s’en dégager... Une belle illustration de
cette attente est le comportement de Béatrice’ qui a immé-
diatement compris le projet de Christian relatif a la garde
des enfants. Il n’empéche qu’elle s’est retrouvée piégée a
son propre jeu et a di trouver elle-méme une solution au
probleme.

Deuxiéme option. Face 4 une communication nim-


bée d’un tel flou artistique, Christelle décide de passer a
Vattaque sans plus attendre. Mais monter aux barricades
pour repousser |’ oppresseur, alors que ce dernier n’a encore
rien dit de ses intentions, c’est risquer de se retrouver trés
vite en porte-a-faux. Alain aurait trop beau jeu de lui
répondre avec une voix empreinte d’étonnement et de
déception : « Mais, chérie, je n’ai jamais dit cela ! Qu’est-
ce que tu vas t’imaginer, la ? » La culpabilité que cette
réponse pourrait engendrer chez Christelle serait pour

1 Histoire n° 5 : La garde des enfants.

68
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Alain l'occasion révée de contre-attaquer par un autre jeu


de pouvoir : « Maintenant, si tu tiens vraiment a changer
Anais, je ne vais certainement pas m’y opposer ! »

Enfin, le fait de garder implicites son projet ou son


attente permet a Alain de ne pas perdre la face, quelle que
soit issue de l’affrontement. En d’autres termes, quoi
qu’il arrive, Alain ne se considérera pas comme respon-
sable. Si le projet aboutit, Christelle ne pourra jamais
reprocher a son mari de lui avoir forcé la main : elle est
seule responsable (« Mais, chérie, je ne t’ai jamais rien
demandé »). Alain est automatiquement lavé de toute cul-
pabilité a l’égard de sa femme. Si le projet échoue, il sauve
la face et ne perd rien (en apparence, du moins). Si, un jour,
Christelle veut savourer sa victoire en lui disant qu’il n’est
quand méme pas arrivé a ses fins, il pourra toujours rétor-
quer : « Mais chérie, je n’attendais rien de toi ».

De tout ce qui précéde, nous pouvons avancer que :

Examinons 4a présent si la proposition inverse est


également vraie : tout jeu de pouvoir est-il un projet ou une
attente implicites sur |’ autre ? En effet, si l’on peut affirmer
que tous les chevaux sont des mammifeéres, il est faux de~ ;
dire que tous les mammiféres sont des chevaux. De méme,
ce n’est pas parce que nous venons de conclure qu’un pro-
jet implicite était un jeu de pouvoir que cela signifie néces-

69
Relations et jeux de pouvoir

sairement que tout jeu de pouvoir est un projet implicite. Si


tel était le cas, nous pourrions considérer que nous avons
découvert un quatriéme critére de repérage des jeux de
pouvoir.

La méthode sera identique a celle que nous avons uti-


lisée jusqu’a présent : partir d’exemples concrets, les analy-
ser et, ensuite, en tirer des enseignements. J’en profite pour
vous rappeler que, depuis que nous avons découvert la
notion de complicité circulaire, on ne peut plus se limiter a
lobservation et a |’étude de celui des deux partenaires qui,
en apparence, détient le pouvoir. Chacun a sa fagon exerce
un pouvoir sur l’autre, l'un plus visible, l'autre moins.
Examinons toute une série de comportements et interro-
geons-nous. En quoi le comportement que nous avons iden-
tifié comme un jeu de pouvoir cache-t-il un projet implicite
sur |’autre ou une attente implicite par rapport a l’autre ?

Histoire n° I : Les couches d’Anais


Réplique de Christelle

Message explicite: | Tu ne pourrais pas t’en occuper de


temps en temps, non ?

Message implicite: — J’en ai marre que tu ne la changes


jamais.

[Projet implicite] : [Culpabiliser Alain pour qu’il


s’occupe d’Anais. |

70
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Histoire n° 2 : Le travail de dactylographie


Réplique de Francis

Message explicite : Fini de me faire exploiter ! Soit


vous me payez, soit vous allez
frapper a une autre porte pour faire
faire vos corvées.

Message implicite : Vous allez payer tout ce que vous


m’avez fait subir...

[Projet implicite] : [Mettre Georges devant le fait


accompli pour obtenir ce qu’il
veut.|

Histoire n° 2 : Le travail de dactylographie


Réplique de Georges

Message explicite : Et tout ce que nous avons vécu


ensemble, alors, ¢a ne compte
plus ?

Message implicite : Tu n’as pas le droit de faire cela a


des amis.

[Projet implicite] : [Jouer sur les sentiments d’amitié


de Francis pour qu’il change sa —
position. |

71
Relations et jeux de pouvoir

Histoire n° 3 : La sortie de cinéma


Réplique de Marcel

Message explicite : Avec toi, l’homme le plus jovial de


la Terre en arriverait a se piquer
une déprime.

Message implicite : Je suis déprimé par tes réflexions


pessimistes. Je ne les supporte plus.

[Projets implicites] : [Faire comprendre a Caroline son


agacement, mais sans la confron-
ter directement. |

[Faire en sorte qu’elle ne se fache


pas.|

Histoire n° 3 : La sortie de cinéma


Réplique de Caroline

Message explicite : C’est sympa de ta part, Marcel,


mais pas ce soir.

Message implicite : Qu’est-ce que tu es collant,


Marcel ! Quand comprendras-tu
que tu m’agaces a me relancer tout
le temps ?

[Projets implicites] : [Faire comprendre a Marcel son


agacement, mais sans le confronter
directement. |

[Se débarrasser de lui momentané-


ment. |

72
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Dans les deux derniers exemples, un point est inté-


ressant a relever. Pour ce faire, je vous invite a relire les
projets implicites de Marcel et ceux de Caroline.

Avez-vous remarqué la symétrie ? Chacun veut


faire comprendre a l’autre, de maniére implicite, son
agacement. Ce genre de jeux de pouvoir en miroir arrive
bien plus souvent que vous ne le pensez. Chaque parte-
naire nourrit, vis-a-vis de l’autre, le méme projet impli-
cite, mais poursuit des buts parfois diamétralement
opposés. Dans ce cas précis, Marcel envoie son message
d’irritation a Caroline pour qu’elle cesse de le repousser
et qu’elle accepte de s’engager davantage dans sa rela-
tion avec lui. Caroline lui envoie le méme message pour
qu il cesse de lui faire des avances et qu’il accepte une cer-
taine distance dans la relation. Par contre, ils se rejoignent
sur un point : aucun des deux ne désire un affrontement
direct qui pourrait précipiter la rupture.

Il y anéanmoins un probleme : plus Marcel met d’éner-


gie pour alimenter son projet implicite, plus Caroline résiste.
Et plus elle résiste, plus elle encourage Marcel a accroitre la
pression pour obtenir ce qu’il veut. Plus il accroit la pression,
plus elle se sent coincée, et moins elle est explicite (donc, plus
la distorsion explicite-implicite est importante, plus le jeu de
pouvoir se renforce), ce qui augmente encore la force du pro-
jet de Marcel et renforce d’autant la résistance de Caroline...
Et cela continue jusqu’a ce que la relation craque, parce que
la pression exercée de part et d’ autre est beaucoup trop gran-
de. On retrouve donc la notion de complicité circulaire qui

79
Relations et jeux de pouvoir

était notre troisiéme critére de reconnaissance des jeux de


pouvoir. Le langage commun donne le nom de « cercle
vicieux » ou d’« escalade de la violence » a ce phénomene...

Marcel Caroline

[Projet qu'elle
/ cesse de le repousser]

avances

oe [Projet qu’il cesse


de faire des avances]

Par conséquent, voulant éviter la confrontation,


Marcel et Caroline ont tous deux mis en place volontaire-
ment les conditions idéales de la rupture, tout simplement
parce que, pour éviter une confrontation, ils ont eu recours
au double message. On ne dit pas ce qu’on pense a I’ autre,
mais.l’autre le pergoit malgré tout. Cette distorsion expli-
cite-implicite crée une tension interne chez l’autre. Si ce
dernier veut la dissimuler, il se voit, 4 son tour, contraint
d’utiliser le double message, mais avec une distorsion et une
tension interne encore plus grandes. De ce qui précéde, nous
pouvons tirer la conclusion suivante :

74
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Tout cela parce qu’on a chacun un projet ou une


attente implicites sur l’autre : qu’il ne se fache pas, qu’il ne
soit pas blessé, qu’il ne rompe pas la relation. Tous ces pro-
jets sont ressentis par l’autre comme une pression exercée
sur lui, pression a laquelle il résistera ou cédera. Mais dans
les deux cas (résister ou accepter), il les alimentera jusqu’au
moment ou cela deviendra insoutenable. En voyant cela, on
a raison de dire que « les chemins de l’enfer sont pavés de
bonnes intentions ». Il nous faut donc compléter notre
conclusion de la remarque suivante :

ps“ , n ém
e s’ils
a

ssentis comme

Que pouvons-nous tirer comme enseigne-


ments de tout ce que nous venons de mettre en
lumiére ? Je vous propose de méditer sur les
notions fondamentales que vous venez de
découvrir, car c’est la que réside une bonne-
partie du neud. C’est a cause de la présence
de ces cercles vicieux qu’il est difficile de sor-
tir des jeux de pouvoir. Vous en arriverez méme
a un point ou vous ne pourrez méme pas avoir
comme projet implicite que l'autre sorte de son
jeu de pouvoir, car ce projet est déja un jeu de
pouvoir. Et il alimentera nécessairement le jeu
que vous voulez désamorcer !

73
Relations et jeux de pouvoir

td
; ie >

A présent, revenons, si vous le voulez bien, a la petite


analyse que nous avions entamée pour vérifier si tout jeu de
pouvoir implique un projet ou une attente implicites sur
l’autre et reprenons le dialogue entre Christian et Béatrice a
propos de la garde des enfants'. Je vous propose de procéder
un peu différemment. Au lieu d’étaler 4 chaque fois les trois
niveaux de la relation (message explicite, message implicite
et projet implicite), étiquetons quelques jeux de pouvoir déja
mentionnés dans les commentaires, et voyons si l’on peut
supputer la possibilité d’un projet ou d’une attente implicites.

tu es rayonnante ») :
— qu'elle soit dans de bonnes dispositions pour
accepter ;
— qu'elle ne puisse recourir au prétexte de la fatigue
pour ne pas garder les enfants.

elle [la femme de Christian] commencait a


désespérer ») :
— augmenter la pression de la demande par une
amplification des conséquences probables en cas de refus ;
— qu'elle se mette a la place de la femme de Christian
pour comprendre |’importance de cette sortie ;
— qu’elle se sente coupable si elle refuse.

1 Histoire n° 5 : La garde des enfants.

76
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

‘Lauto-accusation (« espéce d’imbécile que je


SUIS »):
— qu'elle se sente supérieure a Christian et qu’ elle
lui vienne en aide (« il a dit s’abaisser a venir mendier un
service ; grdce a moi, son couple est sauvé ! ») ;
— quelle soit prise de pitié pour Christian et
qu’elle ait envie de lui venir en aide (péché avoué n’est-il
pas a moitié pardonné ?).

« Je vais mefaire tuer ») :


— qu'elle le sauve de la menace qui péese sur lui ;
— qu'elle se sente impliquée dans la situation de
vie ou de mort dans laquelle se trouve Christian ;
— qu'elle se sente forcée d’accepter.

« Je ne peux quand méme pas


laisser les enfants seuls ») :
— qu'elle ait peur ;
— qu'elle se sente personnellement responsable de
la sécurité des enfants ;
— qu'elle ait pitié des pauvres enfants abandonnés
par des parents indignes ;
— qu’elle se sente forcée d’accepter pour des rai-
sons humanitaires.

(« qu’est-ce qu’on pourrait faire ? »):


— qu'elle se sente personnellement responsable de
la recherche d’une solution au probléme de Christian (il ne
dit pas « qu’est-ce que je pourrais faire », mais « qu’est-ce
qu’on pourrait faire ») ;

77
Relations et jeux de pouvoir

— qu’elle accepte de garder les enfants pour se


débarrasser du poids du probléme qui pése sur ses €paules.

Je crois que nous avons a présent suffisamment de


matériaux pour pouvoir travailler sur notre question. Tous
les jeux de pouvoir que nous avons examinés recelaient
bien un ou plusieurs projets implicites sur l’autre. Nous
avons donc effectivement démontré notre hypothese :

D’ailleurs, nous pourrions méme dire que les trois


premiers criteres que nous avons décodés (pression exer-
cée, distorsion explicite-implicite, complicité circulaire) ne
sont que des cas particuliers du quatriéme critére (présence
d’un projet ou d’une attente implicites).

En effet, qu’est-ce donc qu unre comana


sinon le projet de faire céder |’autre 4 ma volonté ?

Et_a quoi sert


a ce n’est a cacher le projet de ne pas étre découvert
et dévoilé par l’autre ?

Enfin, | ne pourrait-elle pas


ressembler étrangement au projet de maintenir la relation
par l’alimentation du jeu de |’ autre ?

78
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Voyez-vous, cette notion de projet implicite ou d’at-


tente implicite est vraiment fondamentale et essentielle
pour la compréhension et le repérage des jeux de pouvoir.
Vous aviez déja découvert — nous y reviendrons dans une
étape ultérieure — que le malaise ressenti dans une rela-
tion était un signe avertisseur trés fiable de la présence
d’un jeu de pouvoir. Ce malaise nous avertit qu’une pres-
sion s’exerce sur nous. En réalité, cette pression vient du
Sas hains JME a sur nous pais es est " ene

pression provoquée par le « prove! » Geter is


te la tension provoquée par la distorsion Oe mple.
ne! Vous disposez ainsi de deux signaux avertisseurs de la

Je voudrais maintenant vous poser cinq questions.


Vous répondrez en vous basant sur les exemples proposés.

Premiere question : Le fait d’avoir un projet explicite


ou une attente explicite sur quelqu’un est-il un jeu de pou-
voir ?

1 Cette notion de projet implicite sur l'autre constituant le troisiéme niveau


de la relation n’est habituellement pas mentionné par les théories clas- ~
siques de communication et est un apport spécifique de la DYNARSYS.
Négliger cette notion transforme souvent les outils de communication en
outils de manipulation...

79
Relations et jeux de pouvoir

Pour répondre, examinez ce petit dialogue :

Histoire n° 6 : La prise en charge du dossier

Daniele : Claude, depuis que j’ai obtenu ces nou-


velles responsabilités dans le département,
je ne parviens plus a suivre tous les projets.
Mon souhait est que tu prennes en charge
tout le dossier de la restructuration informa-
tique du réseau commercial. Cela suppose-
ra que tu suives les séminaires de formation
relatifs 4 ce travail et que tu déménages
avec ta famille.

Claude : Suivre ces séminaires ne me pose aucun pro-


bleme. Par contre, déménager est inaccep-
table pour moi, pour |’instant. Est-ce la seule
solution ?

Daniele : Je crains que oui !

Claude : Bien, alors, je te demande de m’accorder un


délai de réflexion afin de pouvoir en parler
avec ma femme. On se revoit demain ?

Daniele : Entendu ! Sache que j’ai d’ autres solutions en


réserve, mais j’ai préféré commencer par toi !

Daniele a comme projet de faire prendre en charge


par son collegue Claude un dossier important. Ce projet est
explicite. Est-ce un jeu de pouvoir ? Pour répondre, pas-
sons en revue les quatre critéres :

80
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

1. Daniéle exerce-t-elle une pression implicite sur


Claude ? Non.
i) Daniele envoie-t-elle 4 Claude un double mes-
sage ou l’on sent une distorsion entre explicite
et implicite ? Non.
3. Y a-t-il entre eux une complicité circulaire qui
ferait augmenter la tension de part et d’ autre ?
Non.
4. Daniele a-t-elle un projet implicite ou une
attente implicite par rapport a Claude ? Peut-
ere:

Bien entendu, |’explicite peut toujours dissimuler cer-


taines choses. Mais en tout cas, dans le texte, il n’y en a
aucun indice. En ce qui concerne la quatri¢éme question, une
hésitation peut se justifier. Apparemment, Daniele n’a pas
de projet implicite sur Claude quant a la prise en charge de
ce dossier. C’est clair et explicite, et Claude a la possibilité
de se positionner clairement. I] n’est pas emprisonné dans
un flou relationnel inconfortable... Néanmoins, un projet
explicite peut en cacher un autre, qui, lui, peut étre impli-
cite : par exemple, Daniéle pourrait avoir comme projet de
se débarrasser de son collégue qu’elle trouve trop envahis-
sant, ou trop dangereux pour la promotion qu’elle vise, ou
encore trop séduisant ou trop séducteur a son goit... En réa-
lité, elle pourrait présenter les choses de manieére explicite et
apparemment détachée, mais cette attitude pourrait bien dis-
simuler le projet qu’il accepte ou le projet qu’il se sente
dans l’impossibilité de refuser. Conclusion :

$1
Relations et jeux de pouvoir

Un projet explicite n’est pas, en lui-méme, un jeu


de pouvoir. I] peut cependant en cacher un autre, impli-
cite, qui constitue un jeu de pouvoir sur un autre plan.

Deuxiéme question qui découle directement des


observations précédentes : Suffit-il d’expliciter ce qui était
implicite pour sortir des jeux de pouvoir ?

Si vous avez bien suivi le raisonnement pour


répondre a la premiére question, la réponse devrait vous
paraitre simple : c’est non. I] est nécessaire de rendre le
dialogue le plus explicite possible, mais cela reste insuffi-
sant. Il faudra, en plus, nettoyer la relation de tous les pro-
jets et attentes implicites que nous avons les uns sur les
autres. Pour nous en convaincre, changeons quelque peu le
scénario entre Christian et Béatrice...

Histoire n° 5 : La garde des enfants

Christian: Je vais étre trés franc avec toi, Béatrice. Je


suis tres ennuyé de venir sonner si tard a ta
porte, mais je n’ai personne pour garder les
enfants, ce soir. Je serais trés embarrassé de
ne pas trouver de solution ; alors, j’ai pensé a
toi, en me disant que tu étais la personne la
plus susceptible d’accepter. Es-tu d’ accord de
les garder, ce soir ?

Béatrice: Ecoute, Christian, je ne peux quand méme


pas te faire ce coup-la, n’est-ce pas ? Allez,
ameéne-les-moi, si ¢a peut te dépanner.

82
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Difficile de faire plus explicite... Et pourtant, méme


si la conversation se passe « bien » (on pourrait les imagi-
ner en train de sourire et de blaguer ensemble), ressentez-
vous le jeu de pouvoir ? Ressentez-vous qu’a I’ intérieur de
lui, Christian n’est pas du tout prét 4 recevoir un refus ? II
a le projet qu’elle ne dise pas non, ou qu’elle accepte, ce
qui revient presque au méme... Béatrice le ressent'
d’ailleurs trés bien ; c’est ce qui lui fait dire : « Je ne peux
quand méme pas te faire ce coup-la, n’est-ce pas ? » Elle
répond au projet de Christian par un autre projet : celui de
ne pas le décevoir, de ne pas le blesser ou encore de ne pas
le mettre dans une situation douloureuse. Et plus d’un s’est
laissé piéger ! Voir quelqu’un souffrir nous est souvent
insupportable. C’est pourquoi nous jouons tous, a un
moment ou a un autre, au sauveur. En faisant cela, nous
6tons a |’autre la possibilité de vivre une expérience certes
douloureuse, mais qui pourrait se révéler trés riche en
enseignements, mais cela, c’est une autre histoire. Dans ce
dialogue entre Christian et Béatrice, nous retrouvons, a un
niveau trés subtil, toutes les caractéristiques des jeux de
pouvoir : pression, double message, complicité circulaire
et projets implicites. Conclusion :

Il ne suffit pas d’expliciter ce qui était implicite


pour sortir des jeux de pouvoir. Seul le nettoyage du
troisiéme niveau de la relation (projet ou attente impli-
cites par rapport a l’autre) sera déterminant...

1 Ce barométre intérieur est décidément bien utile.

83
Relations et jeux de pouvoir

Troisiéme question, toujours dans la méme ligne :


Ne pas avoir de projet implicite sur I’ autre entraine-t-il que
la relation soit vierge de tout jeu de pouvoir ?

Pour plus de clarté, nous analyserons la scéne sul-


vante avant de répondre :

Christian: Béatrice, jai une demande a te formuler. Est-


ce que tu veux bien garder mes enfants, ce
soir ? Sache que cela ne me pose pas de pro-
bleme si tu me réponds non, car je pourrai
toujours me débrouiller autrement.

Béatrice: Ben... javais prévu de faire autre chose, ce


soir, a la maison. Mais, pour te faire plaisir, je
vais les prendre. Ce n’est quand méme pas si
dramatique que cela...

Christian : Oui, mais tu es sfire que cela ne te dérange pas ?

Béatrice: Non, non, ga ira. Je m’arrangerai...

Si vous étiez 4 la place de Christian, que ressentiriez-


vous ? Vous allez chez votre voisine sans avoir le moindre
projet implicite sur elle ; vous formulez votre demande
explicitement ; vous étes méme prét a recevoir un refus. Et
que fait-elle, de son cété ? Elle met en place un jeu de pou-
voir en se mettant dans la position de changer ses plans pour
faire plaisir 4 Christian, elle tente d’avoir un projet sur lui.
Si celui-ci tombe dans le panneau, il se sentira responsable
et redevable de la frustration de Béatrice qui s’est sacrifiée
pour lui, ce qui risque de créer chez lui, de maniére trés sub-

84
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

tile, un sentiment (inconscient) de dette A son égard. A par-


tir de la, il y a complicité circulaire entre les deux person-
nages. Un jeu de pouvoir a donc été créé, simplement parce
que la personne a qui la demande était adressée s’est sentie
obligée (pour des raisons liées 4 ses propres croyances) d’y
répondre positivement... Conclusion :

Il ne suffit pas de n’avoir aucun projet implicite


sur l’autre pour éliminer tout risque de jeu de pouvoir
relationnel. Il faut également tenir compte de la per-
ception de l’autre.

Remarquez que ce genre de jeux de pouvoir est plus


pernicieux que d’autres. En effet, le projet implicite de
Béatrice sur Christian est trés probablement inconscient
chez elle ; le sentiment de dette ressenti par Christian (qui
nourrit le projet implicite de ne pas la décevoir ou de ne pas
la blesser) l’est tout autant. Pourtant, ces projets vont
engendrer, de part et d’autre, une tension interne dont I’ ori-
gine et la présence seront presque impossibles a détecter. A
la longue, cette tension risque de se transformer en animosi-
té chez l’un et chez |’autre, sans qu’aucun n’en comprenne
la raison. Cette haine sans fondement apparent risque de
provoquer un énorme sentiment de culpabilité qui ne fera
qu’ aggraver la tension existante a I’intérieur de chacun. A
un moment donné, cela deviendra tellement insupportable
que la seule solution sera la rupture relationnelle.
Inconsciemment, cette rupture est une tentative de mettre
fin a l’origine de la tension interne en coupant avec la per-
sonne qui me renvoie constamment a ma frustration.

85
Relations et jeux de pouvoir

Demandez-vous a présent si, dans votre propre


vie (personnelle ou professionnelle), vous avez
déja éprouvé des sentiments d’aversion a
l’égard de personnes qui « avaient tout fait
pour vous ! » Comment le mécanisme s’est-il
enclenché ? Quelle en a été l’issue ? Quelle
part de responsabilité vous attribuez-vous,
dans cette histoire ? Les explications qui pré-
cédent vous aident-elles a comprendre et a
décoder le processus ?

Quatriéme question, suscitée par ce que nous


venons de découvrir : Si, malgré nos efforts, l’autre s’en-
ferme encore dans un jeu de pouvoir vis-a-vis de nous,
peut-on I’aider a changer, sans le lui dire ?

Ma réponse est la suivante : si l’autre ne vous a fait


aucune demande explicite dans ce sens, vous n’avez pas le
droit de l’aider 4 changer, méme si vous étes convaincu que
cela lui permettrait d’améliorer sa santé, la qualité de son
existence, d’avoir moins de conflits, etc. Tout cela ne serait
encore qu’un projet implicite sur lui, projet qu’il ressentira
comme une pression, ce qui engendrera nécessaire-
ment sa résistance et son refus de changer.

86
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

-comportements que vous voudriez justement voir dispa-


raitre. Vous risquez de retarder son processus d’évolution. |
De plus, ses énergies étant mobilisées pour résister 4 votre
projet, il n’en disposera plus pour commencer 4 s’intros-
pecter ou pour introduire le changement dans sa vie.

Cette situation est d’ailleurs trés fréquente dans les


couples ou les équipes de travail ot |’un des partenaires
entame un cheminement d’évolution personnelle ou de
développement individuel. Trés vite, celui-ci va exprimer a
son conjoint ou a son collégue son désir de le voir lui aussi se
lancer dans une démarche similaire. Ses motivations peuvent
étre multiples : désir de vivre la méme chose, d’étre sur la
méme longueur d’ondes, désir de partager quelque chose
d’ important, peur de voir apparaitre une distance, peur de ne
plus se comprendre ou de n’avoir plus rien a se dire, désir que
l'autre se sente bien parce qu’on |’apprécie, etc. Le résultat
est toujours le méme chez |’autre : refus, blocage, critique,
opposition. Jusqu’au jour ot le projet du premier disparait,
par lassitude ou par dépit... Et c’est alors que le miracle se
produit : celui qui semblait fermé a « toutes ces choses »
commence a s’y intéresser et 4 évoluer d’une maniére extra-
ordinairement rapide ! On peut en conclure ceci :

En aucun cas, les principes d’amélioration de la


qualité relationnelle ne peuvent servir d’instrument ou
d’alibi pour faire changer I’autre contre son gré ou a
son insu.

87
Relations et jeux de pouvoir

Avez-vous vous-méme déja vécu ce type de conflit ? De


quel c6té vous trouviez-vous ? Comment cela s’est-il termine ?

Abordons maintenant sans plus tarder la cinquiéme


et derniére question de cette importante étape de décou-
verte des projets et des attentes implicites : Mais alors, la
solution pour ne plus tomber dans les jeux de pouvoir
n’est-elle pas de ne plus venir en aide a ceux qui se com-
portent de maniére inadaptée ?

Pour y répondre, imaginons ce dialogue entre deux


collegues de bureau...

Histoire n° 7 : La conférence a Lille

Héléne : Bonjour, Yves ! Dis, j’ai appris par Marie-


Anne que tu allais écouter la conférence du
docteur Hamer a Lille... Tu en as de la
chance, dis donc ! Moi qui réve de l’en-
tendre depuis si longtemps !

Yves : C’est vrai que sa théorie sur l’origine psy-


chologique du cancer est séduisante. En plus,
c’est la premiére fois dans l’histoire qu’on en
fait la démonstration scientifique !
Héléne : Oui, c’est une véritable révolution coperni-
cienne dans le domaine de la cancérologie. Et

88
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

c’est tellement plus simple et pertinent. Cet


homme est un génie ! Dommage qu’il donne sa
conférence si loin et que je n’aie pas de voiture.

Yves : Oh, tu sais, moi, quand je suis mordu par


quelque chose, je serais prét 4 tout pour réali-
ser mon objectif. Quitte a y aller 4 pied !

Héléne : Oui, mais 250 km, ¢a fait un peu loin. Ah, si


je pouvais trouver un moyen de m’y rendre,
c’est sir, je n’hésiterais pas.

Yves : C’est en tout cas ce que je te souhaite. II te


reste deux jours pour trouver... Cela ne me
parait pas impossible ! Bonne chance,
Hélene !

Sans doute vous sentez-vous offusqué par |’attitude


d’ Yves... C’est vrai qu’on aurait tendance a dire : « Mais
quel salaud, ce type ! Il a trés bien compris la demande
(implicite) d’Héléne, et il fait comme si de rien n’était ! »
Il faut dire, pour expliquer le contexte, qu’ Yves revenait
d’un séminaire de communication organisé par son entre-
prise. Au cours de celui-ci, il avait appris ane pas se char-
ger des problémes d’autrui, 4 ne pas répondre a une
demande implicite et 4 ne pas jouer au sauveur. Tous ces
principes rejoignent en grande partie ce que vous avez
découvert dans votre cheminement depuis le début de votre
lecture. Alors, ot! se pose le probleme ? Commengons par
analyser le comportement d’ Yves et passons-le au crible
des différents critéres de repérage des jeux de pouvoir que
nous connaissons déja...

89
Relations et jeux de pouvoir

L’intention d’Yves est probablement excellente,


mais toute son attitude pourrait se résumer a une attente
implicite a légard d’Héléne. Il attend, sans le dire,
qu’Héléne lui formule sa demande explicitement.
Malheureusement, il s’agit encore d’un jeu de pouvoir qui
va engendrer une pression sur l’autre, qui se sert d’un
double langage et qui, par la Somlientse d’ Saves: ne fait ans
renforcer lese
j d’Héléne A >, nous avior
idetr quelqt

mplicite sasilpenous”
heh UULIUU ft

arcs

[Attente qu’Héléne
sorte de son jeu de pouvoir]

[Attente qu’Yves
comprenne par lui-méme]

Décidément, vous voyez que je n’avais peut-étre pas


tort de vous prévenir de la complexité des jeux de pouvoir.

90
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Et ce ne sont pas les outils de communication qui, 2 eux


seuls, permettent d’en sortir et de les désamorcer. Tout
simplement, ils ne travaillent pas sur ce niveau de la rela-
tion... Ils travaillent sur les niveaux explicite et implicite
de la communication (les deux premiers niveaux), et non
sur les projets et les attentes qu’on peut avoir les uns sur les
autres. Il va donc a nouveau nous falloir trouver une troi-
siéme voie pour pallier cette difficulté.

Nous voici au bout de |’exploration du quatriéme cri-


tére. [1 est de loin le critére extérieur le plus important pour
repérer les jeux de pouvoir : Y a-t-il un projet implicite ou
une attente implicite de la part d’un des deux, ou des deux
partenaires ? Si la réponse est oui, a coup sir, vous pouvez
conclure a la présence d’un jeu de pouvoir.

Quels enseignements en tirez-vous pour votre


propre vie personnelle, affective, profession-
nelle et associative ? Consacrez un peu de
temps 4 faire le point... Il y a du pain sur la
planche, n’est-ce pas ?

A ce stade du livre, il est possible que vous vous sen-


tiez découragé par l’exigence de cette lecture. L’étude des

91
Relations et jeux de pouvoir

92
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

phénomeénes de pouvoir ne pourrait-elle pas étre menée


plus rapidement ou plus simplement ? II est vrai que ce
chapitre requiert de votre part attention, concentration et
persévérance...

Bien sir, je pourrais passer plus vite sur un certain


nombre de considérations. Avec comme conséquence que
mon propos verse dans la réduction ou la caricature. Mon
expérience de professionnel m’a, en effet, appris que la
gestion des relations humaines est trop complexe pour se
réduire a l’utilisation de recettes simplistes ou a la mani-
pulation d’ outils sans mode d’emploi.

Si vous étes arrivé jusqu’ici, je tiens a vous féliciter


d’ avoir investi |’ énergie nécessaire pour oser affronter dans
les nuances la complexité des relations interpersonnelles.
Si, par contre, vous étes sur le point d’abandonner votre
lecture, je vous conseille de passer sans attendre a |’étape
2 ou 3. Ce livre a, en effet, été concu pour que chacune des
cing étapes puisse étre lue indépendamment l’une de
l’autre. Vous reviendrez plus tard a la fin de cette premiere
eiape..

Derniére remarque : les cing étapes se cl6turent par


cing résumés qui, mis bout 4 bout, vous donneront rapide-
ment une vision globale du propos de ce livre.

Si vous décidez de poursuivre votre lecture dans


l’ordre, avant d’aborder les trois derniers critéres de repé-
rage des jeux de pouvoir, je tiens a vous encourager a

93
Relations et jeux de pouvoir

poursuivre votre lecture active jusqu’au bout et a consacrer


le temps nécessaire a répondre a chacune des questions que
je vous pose. II s’agit pour vous d’une occasion de vous
connaitre vous-méme et de faire le point sur votre vie rela-
tionnelle. Ici, ni la performance ni la vitesse ne comptent ;
la seule chose importante, c’est la profondeur avec laquelle
vous allez vivre votre lecture. Vous pourrez ainsi vous offrir
a vous-méme un trés beau cadeau.

Alors, en route pour la découverte des derniers cri-


teres. Vous verrez, ils seront plus simples a appréhender,
sans, pour autant, étre dénués d’intérét.

94
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Repere n° 5
La dependance réciproque

Vous vous en souvenez sans doute, a la fin de notre


exploration de la complicité circulaire, nous avons décou-
vert que chacun des deux partenaires a un pouvoir de type
particulier. L’un des deux détient un pouvoir visible,
Vautre, un pouvoir beaucoup plus subtil. Nous avons
remarqué que les jeux de pouvoir s’exer¢aient avec une
intensité égale, sans quoi, il n’y aurait pas d’équilibre.

pouvoir

“Cntre-poun™\“

95
Relations et jeux de pouvoir

La question est danc de savoir quel avantage chacun


retire de sa position, qu’il soit dominant ou dominé, persé-
cuteur ou persécuté, sauveur ou victime. En d’autres
termes, que son pouvoir soit visible ou invisible, on peut
supposer que si cette situation se maintient, c’est que cha-
cun y trouve son compte. Partons d’un des exemples deja
cités pour tenter d’y voir clair. Je vous propose de
reprendre la scéne qui se déroule entre Marcel et Caroline’.

Histoire n° 3 : La sortie du cinéma

Marcel : Il était pas mal, ce film, hein, Caroline ?

Caroline : Bof... Ces histoires d’amour, ¢a se termine


toujours de la méme fagon.

Marcel : Oh, qu’est-ce que tu peux étre pessimiste, a la


fin. Avec toi, ’homme le plus jovial de la
Terre en arriverait a se piquer une déprime.

Caroline : Tu me parles de toi, 14, Marcel ?

Marcel : De moi ? Tu rigoles ! Je suis bien au-dessus


de tout cela. Et pour te le prouver, je t’invite
a venir prendre un dernier verre dans mon
appartement. Histoire de se mettre en forme
pour une douce nuit caline tous les deux !
Caroline : C’est sympa de ta part, Marcel, mais pas ce
solr.

1 Pour rappel, il vous est possible de relire les histoires en fin de ce volume.

96
a
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Marcel (en colére) : Pas ce soir ! Tu n’as que ca a la


bouche, depuis trois mois. J’en ai marre, a la
fin ! Si tu ne veux plus de moi, dis-le tout de
suite !

Caroline (toute douce) : Mais non, Marcel, ce n’est pas ce


que tu crois. Disons que j’ai juste besoin d’un
peu de recul pour y voir plus clair, c’est tout.

Marcel : Et tu crois que c’est comme cela que notre


relation va s’améliorer ? Moi, pas. Puisque
c’est comme ¢a, tu peux rentrer chez toi en
taxi. Et tu n’as qu’a m’appeler quand tu y ver-
ras plus clair... (// la quitte furieux, sans
regarder en arriére).

Maintenant que nous nous sommes remis la scéne en


mémoire, je vous invite a répondre a une double question.
Quel avantage Caroline tire-t-elle de son pouvoir visible
(celui de décider seule de l’avenir de la relation) ? Quel
avantage Marcel retire-t-il de son pouvoir invisible (celui
de la victime qui subit sans pouvoir réagir) ?

Commencons par Caroline. C’est probablement par


son pouvoir de domination, de décision, qu’elle tient
Marcel sous sa dépendance. Comme vous |’ avez certaine-
ment deviné, l’avantage de Caroline, c’est de contrdéler
Marcel au gré de sa fantaisie. Cette volonté de controle —
c’est-a-dire de vouloir que I’autre pense, agisse, ressente
comme je le voudrais — se retrouve d’ailleurs dans la plu-
part des jeux de pouvoir. Ici, Caroline contr6le les pensées,
les actes et les sentiments de Marcel. Et pour cause, elle

97
Relations et jeux de pouvoir

contrdle ses pensées en définissant ce qui se passe dans la


relation (« Mais non, Marcel, ce n’est pas ce que tu
crois. ») ; elle contréle ses actes en provoquant la rupture
(il en arrive a la quitter furieux, ce qui a pour conséquence
qu’il ne passera pas la nuit avec elle, et c’est ce qu’elle
voulait) ; elle contréle ses sentiments en faisant en sorte
qu’il soit déprimé.

Quant a Marcel, quel bébéfice peut-il bien retirer de


ce jeu ou il est dépendant ? Aucun, auriez-vous tendance a
répondre. Dire que l’un a du pouvoir sur l’autre, et que
lautre n’en a pas puisqu’il le subit est, en effet, une
croyance profondément ancrée dans le chef des gens.
Pourtant, maintenant que vous connaissez le critére de
complicité circulaire, vous devriez pouvoir modifier votre
vision. Marcel a au moins le pouvoir de donner a Caroline
la permission d’avoir du pouvoir sur lui, ce qui, en soi, est
déja énorme. Sans la complicité de Marcel, Caroline perd
tout contrdle sur lui. Ce qui veut dire, si vous y réfléchis-
sez bien, que Marcel tient Caroline sous sa dépendance,
parce que c’est grace a lui, et a lui seul, qu’elle peut exer-
cer son pouvoir sur lui. Donc, pour nous résumer, en étant
dépendant, Marcel tient Caroline sous sa dépendance...
C’est amusant, non ? La régle qui en découle peut s’énon-
cer comme suit :

Les deux partenaires bénéficient tous deux du


méme avantage de pouvoir se tenir mutuellement sous
la dépendance lun de l’autre, et donc de pouvoir
mutuellement se controler.

98
e
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Les avantages secondaires que chacun retire de cette


double dépendance sont également identiques pour les
deux partenaires. Ils sont au nombre de trois.

Tant que l'un contréle l'autre, et tant qu’il le tient


sous sa dépendance, il crée une attache qui lui garantit que
l'autre ne le quittera pas, qu’il ne rompra pas la relation
définitivement. Le dominant a la garantie que le dominé ne
partira pas, puisqu’il est dominé ; le dominé a la garantie
que le dominant ne partira pas non plus, puisqu’il a besoin
du dominé pour étre dominant. Poussée a |’extréme, cette
logique méne 4a la relation de maitre a esclave ou, vous
vous en rendez bien compte, |’un est aussi prisonnier que
l'autre. En effet, plus l’identification au rdéle est forte, plus
on a besoin de |’autre pour exister. Si l’un des deux meurt
(symboliquement ou physiquement), |’autre meurt égale-
ment. C’est sans doute pour cette raison que certains
couples trés conflictuels tiennent si longtemps : chacun en
retire plus d’avantages (contréle, maintien de la dépen-
dance, départ de |’autre empéché) que d’inconvénients
(conflits, tensions, malaises, etc.) Le premier bénéfice
secondaire est donc le suivant :

La dépendance réciproque cherche a éviter la


rupture relationnelle.

Un autre avantage secondaire de la mise en dépen-


-dance est celui-ci : personne n’est responsable de ses
actes. Rappelez-vous : tout jeu de pouvoir se fonde sur un
projet ou une attente implicites. Or, Caroline a le désir

99
Relations et jeux de pouvoir

non avoué de contr6ler Marcel au niveau de ses pensées,


de ses actes et de son ressenti. Tant que cela marche, elle
sera trés satisfaite. Quand cela ne marchera plus, ou
quand Marcel lui reprochera de le dominer, de le manipu-
ler ou d’essayer de le contrdéler, elle lui répondra qu’il se
fait des idées, qu’elle n’en a jamais eu |’ intention, qu’ elle
n’a jamais dit cela, qu’il devient paranotaque, etc. Mais
dans tous les cas, elle obtient ce qu’elle veut, c’est-a-dire
le contrdle de la relation sans devoir en assumer la res-
ponsabilité. Pour Marcel, il en va de méme. II sera, déja,
bien difficile de lui reprocher un quelconque jeu de pou-
voir (son pouvoir de victime dépendante étant beaucoup
moins visible), mais, en outre, dés que les événements
tourneront trop en sa défaveur, il pourra rejeter la respon-
sabilité de la faillite relationnelle sur Caroline (apres tout,
c’était elle qui, en permanence, décidait de l’avenir de la
relation)... De 1a, on peut conclure que :

La dépendance réciproque permet a chacun de ne


pas prendre la responsabilité de ce qui se passe dans la
relation.

Le dernier avantage de cette dépendance réciproque


découle directement du deuxiéme (la non-prise de respon-
sabilité). En lisant le dialogue, vous avez certainement
constaté que ni Caroline ni Marcel n’a le courage de s’as-
sumer lui-méme. C’est comme si chacun attendait que
l'autre le prenne en charge. Vous me direz que le cas de
Marcel est relativement clair, mais que celui de Caroline
est moins évident... Je vous répondrai que le texte contient

100
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

un indice non négligeable. Et de fait, pour faire savoir a


Marcel qu’elle ne souhaite pas avoir de relation amoureuse
avec lui, elle répond : « Pas ce soir ». Si vous lisez attentive-
ment le dialogue, il semble que cela fait trois mois qu’elle
donne invariablement la méme réponse a Marcel. En fait, elle
attend que Marcel lui fasse des avances pour lui répondre
« non ». Donc, finalement, elle dépend de Marcel pour lui
exprimer ses propres limites. Pour en avoir la preuve, ima-
ginez ce qui se passerait si Marcel décidait de ne plus lui
faire d’avances. Elle serait probablement perdue et, dés
lors, forcée soit de se prendre en charge et de s’assumer,
soit de subir une situation qu’elle n’aurait pas choisie.
Marcel et Caroline s’occupent donc de leurs besoins en
réagissant aux comportements de |’ autre ; aucun des deux
ne le fait de sa propre initiative. Nous formulerons donc le
troisiéme bénéfice secondaire comme suit :

La dépendance réciproque permet a chaque par-


tenaire d’étre pris en charge par I’autre pour satisfaire
ses propres besoins.

Voyez-vous a présent un peu plus clair sur les béné-


fices qu’il est possible de retirer d’une situation de pou-
voir ? Contréler, éviter la rupture, ne pas prendre de res-
ponsabilité relationnelle, étre pris en charge... Tous ces
avantages sont d’ailleurs des jeux de pouvoir. Vous pouvez
aisément le vérifier grace a la présence simultanée des
repéres que vous connaissez déja : le projet qu’on a sur
l'autre exerce une pression sur lui, il y a une distorsion
entre explicite et implicite (on ne dit pas qu’on cherche a

101
Relations et jeux de pouvoir

contrGler, 4 éviter la rupture, etc.), et l’on retrouve la com-


plicité circulaire ou la dépendance réciproque a tous les
instants.

~ =

=
Avant de passer @ la suite, je vous invite a mar-
quer une pause pour identifier, dans votre vie
relationnelle (personnelle, affective, profes-
sionnelle), des situations ou vous avez eu le
sentiment d’avoir quelqu’un sous votre dépen-
dance. Cela peut étre, par exemple, un malade
ou un handicapé, un débutant au bureau, un
enfant a probléme ou caractériel, un employé
ou un collaborateur dépressifs, un conjoint
éternellement victime ou peu sir de lui, etc. Il
est important que vous preniez le temps d’iden-
tifier précisément chaque situation.

A partir de ces exemples, considérez en quoi


cela vous permettait d’exercer un contréle sur
cette personne, d’éviter de rompre avec elle, de
vous déresponsabiliser en cas de probléme et
de ne pas avoir vous-méme a vous assumer.

Essayez, a présent, de voir en quoi vous étiez


dépendant de cette personne. Considérez éga-
lement comment cette personne vous contr6-
lait, s’arrangeait pour éviter la rupture, ne

102
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

prenait pas de responsabilité dans la relation


et était prise en charge par vous. Je vous
conseille de vous attarder particuliérement sur
les points ou la réponse ne vous semble pas
évidente parce que, généralement, la difficulté
augure d’une découverte intéressante...

Is00>

ee
Notre premier objectif étant d’ apprendre a repérer les
jeux de pouvoir relationnels, nous nous sommes mis a la
recherche des différents indices ou critéres permettant d’en
déceler la présence avant qu’il soit trop tard. Nous venons
de mettre le doigt sur la dépendance réciproque. II s’agit
maintenant de savoir si on peut définitivement la ranger
dans la catégorie des critéres de repérage...

Pour ce faire, je vous propose de passer globalement


en revue quelques-uns des cas qui nous ont servi
d’exemples jusqu’a présent et d’examiner si le fait d’ avoir
un projet implicite sur quelqu’un entraine nécessairement
une dépendance réciproque (d’une part, chez celui qui a le
projet ; d’autre part, chez celui qui répond au projet en
acceptant ou en résistant).

Dans la tension entre Alain et Christelle, le jeu


d’ Alain consiste a faire pression sur sa femme pour qu’elle
comprenne qu’elle doit changer Anais. Si Christelle ne
comprend pas, on pourrait imaginer le dialogue suivant :

103
Relations et jeux de pouvoir

Histoire n° 1 : Les couches d’Anais — variante

Alain : Chérie, Anais a a nouveau mouille ses


couches. Je crois qu’il faudrait la changer.

Christelle : Oui, je crois bien, effectivement, qu’il fau-


drait la changer...

Alain : Je pense méme qu’il ne faudrait pas tarder,


sans quoi elle risque de salir ses vétements.

Christelle : C’est vrai que c’est un risque, Alain. Mais,


dis donc, tu deviens vachement expert dans
les soins a prodiguer aux bébés ! Ca me fait
vraiment plaisir de découvrir que tu prends
part au ménage.

Alain : Eh bien, oui ! Tu vois : tout le monde évolue !


(Il rouvre son journal et poursuit sa lecture,
bien confortablement installé dans son fau-
teuil).

Voyez-vous, le projet implicite d’Alain ne peut se


réaliser que dans la mesure ot sa femme veut bien |’en-
tendre et accepter d’y entrer. Tant que ce n’est pas le cas,
et tant qu’ Alain ne sort pas de son jeu implicite, il doit se
résoudre a attendre que Christelle comprenne. I] est donc
completement dépendant d’elle.

Passons maintenant a Vanalyse du comportement de


Christelle. Elle aussi est dans le pouvoir : son projet impli-
cite est qu’ Alain comprenne qu’elle n’a pas |’intention de

104
e
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

changer Anais, et que c’est a lui de le faire. Elle devient


donc dépendante de la réaction d’ Alain. Comme lui non plus
ne bouge pas, la situation risque de rester bloquée jusqu’au
moment ou les pleurs d’ Anais deviendront insupportables a
lun ou a l’autre. Le premier qui cédera aura perdu a ce bras
de fer. En réalité, a plus long terme, il n’y aura aucun
gagnant dans cet affrontement, car le perdant fera payer
d’une facgon ou d’une autre son échec a son partenaire.

Nous avons donc une premiére preuve, ici, qu’un


projet implicite entraine pour celui qui le met en place une
situation de dépendance, puisque, pour le réaliser, il a
besoin de la complicité de l’autre. Son projet de mettre
l'autre sous sa dépendance et sous son contrdéle se retourne
donc contre lui. Pour vous en convaincre, il suffit d’imagi-
ner la situation suivante : deux personnes se baladent en
rue, le poignet de l’un relié par des menottes a celui de
l'autre. Méme si le premier porte un uniforme de gendarme,
il n’en est pas pour autant plus libre de ses mouvements, car
il suffirait que son prisonnier refuse de faire un pas de plus
pour le voir bien embarrassé... Ils sont donc aussi prison-
niers l’un que I’autre. Nous pouvons donc tirer la conclu-
sion suivante :

En cherchant (implicitement ou explicitement) a


rendre l’autre dépendant de soi, on se rend dépendant —
de lui.

Voulez-vous d’autres confirmations ? Continuons a


faire des démonstrations par |’absurde, supposons le

105
Relations et jeux de pouvoir

contraire de ce qui s’est réellement passé dans le but de


faire apparaitre la dépendance:

Dans le reproche implicite adressé par André a


Lise’, il est clair qu’en ne lui exprimant pas son reproche
explicitement et en fomentant le projet qu’elle se sente mal
a l’aise et coupable, André se rend dépendant de sa colla-
boratrice. Comme elle est de bonne foi’, elle n’a aucun
moyen de décoder ce qui ne va pas entre elle et lui.

Histoire n° 4 : La collaboratrice en retard

(Lise, la collaboratrice d’André, arrive au rendez-vous


avec quarante-cing minutes de retard).

André (regardant sa montre) : Je te remercie, Lise !

Lise (dont la montre était arrétée a Vheure du rendez-


vous) : Mais de quoi, André ?

André : Non, je te remercie, c’est tout!

Lise : Mais... je ne comprends pas...

André : Non ? Eh bien alors, merci d’étre arrivée a


Vheure !

Lise : Mais enfin, André, ¢a n’a vraiment pas |’ air


d’aller. Tu es faché ou quoi ?

1 Histoire n° 4 :; La collaboratrice en retard.


2D Rappelez-vous, sa montre est arrétée.

106
aT
a
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

André : Oh, non, je vais trés bien. Mais, a présent, il


faut que je m’en aille. A l’occasion, quand tu
auras le temps, achéte-toi un code de poli-
tesse !

Lise (se parlant a elle-méme) : Je ne comprends pas ce qui


lui prend ! I] s’est peut-étre disputé avec sa
femme, ce matin, ou il a peut-étre recu sa
feuille d’impdts ? Chaque année, c’est
comme ¢a !

Voyez-vous, icl comme dans le cas précédent, André


se rend dépendant de Lise en cherchant a la rendre dépen-
dante (par la culpabilité qu’il essaye d’induire chez elle).
Comme elle ne comprend rien, le piége se referme sur lui
et la solution qu’il choisit pour ne pas perdre la face est de
rompre la relation. Remarquez que rompre la relation peut
également étre un jeu de pouvoir, si cela cache I’attente
implicite que |’autre courre aprés soi ou que |’autre se
sente encore plus coupable. A nouveau, si ¢a ne marche
pas, André sera encore plus dépendant et coincé parce qu’il
espérait que sa collaboratrice vienne le rechercher. Revenir
de lui-méme vers elle signifierait pour André perdre davan-
tage la face... Génant, non ?

Quant a Lise, si elle ressent un malaise et ne fait rien


pour en identifier l’origine avec André — parce qu’elle
attend implicitement qu’il exprime les choses clairement
—, elle se met sous sa dépendance. Tant qu’il ne prendra
pas l’initiative d’expliquer la raison de son comporte-
ment, elle gardera son malaise sur |’estomac...

107
Relations et jeux de pouvoir

Prenons un dernier exemple.

Histoire n° 5 : La garde des enfants

[...]
Béatrice : Je suis sire que ta femme doit étre ravie de
pouvoir sortir avec toi, ce soir !

Christian : A part que, espéce d’imbécile que je suis, j’ai


tout prévu, sauf une chose. J’ai été tellement
occupé que j'ai complétement oublié de pré-
voir la garde des enfants.

Béatrice : Ah bon, et alors ?

Christian : Et alors ? Si je rentre chez moi maintenant, et


que j’annonce a Nicole que notre soirée
tombe a l’eau, je vais me faire tuer ! Tu
connais les coléres de ma femme !

Béatrice : Oh oui ! Et qu’est-ce que tu vas faire ?

Christian : Je n’en sais rien. Je ne peux quand méme pas


laisser les enfants seuls. S’il leur arrivait
quelque chose, je m’en voudrais toute ma vie.

Béatrice : Non. C’est vrai que tu ne peux pas les laisser


seuls. Te voila dans de beaux draps, Christian !
Christian : Oui, et je me demande vraiment ce que je vais
faire ! Il me reste une heure pour trouver
quelqu’un ou toute ma soirée sera foutue. Et
peut-étre méme mon couple...

108
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Béatrice: _ Eh bien, je ne voudrais pas étre a ta place en


ce moment, mon pauvre vieux. Mais, je te
connais, tu ne vas pas te laisser abattre pour si
peu. Je suis sire que ¢a va s’arranger. Mais,
ne perds pas trop de temps. Tu n’as plus
qu’une heure ! A bientét, Christian.

Christian: Euh!... A bientét, Béatrice. Et merci pour tes


encouragements...

Béatrice: C’était avec grand plaisir. Quand tu veux !

Belle démonstration, n’est-ce pas ? A ne pas vouloir


expliciter sa demande, Christian se retrouve pris a son
propre jeu. Il attendait de Béatrice une prise en charge de
son probleme, pour la rendre dépendante de lui. II n’en a
rien été et sa dépendance relationnelle apparait au grand
jour. Remarquez, comme d’habitude, que Béatrice, est elle
aussi dépendante de Christian. En effet, elle met en place
toute une série de stratagemes pour qu’il comprenne par
lui-méme qu’elle ne gardera pas ses enfants et qu’il ferait
mieux de « débarrasser le plancher ». Notez que, s’il
n’avait pas obtempéré, elle se serait retrouvée coincée a
attendre qu’il parte sans demander son reste.

Dans la version originale — ou Béatrice prend en


charge le probléme de Christian —, la situation de dépen-
dance existe également. Réfléchissez : en répondant a la~
demande de Christian sans que celle-ci ait été explicitée,
Béatrice joue au sauveur et le tient dans une dépendance
trés subtile, non parce qu’elle accepte de garder les enfants,
mais plut6t parce qu’elle lui évite de formuler sa demande

109
Relations et jeux de pouvoir

explicitement (probablement, parce qu’elle a comme pro-


jet de le mettre a l’aise, d’étre gentille avec lui ou d’étre
reconnue par lui). En faisant cela, il n’apprend pas a
prendre lui-méme en charge la recherche d’une solution.
Elle entretient la dépendance dans laquelle il se trouve.
Ainsi, il aura toujours besoin d’une bonne ame pour inter-
préter ses besoins et y répondre, jusqu’au jour ol personne
ne comprendra ce qu’il veut ou ce dont il a besoin. Et ce
jour-la, il sera incapable de dire son besoin ou son désir,
parce qu’il aura toujours vécu dans cette dépendance tres
subtile, mais extrémement fréquente.

Il est clair que le sauveur a trés bonne conscience en


agissant comme il le fait. Il a réellement le sentiment d’ai-
der |’autre et de lui rendre service. Malheureusement, il ne
fait qu’entretenir et renforcer la dépendance relationnelle
entre |’autre et lui. Cela est peut-étre dai au fait que, pour
se sentir exister, on a « grand besoin que l’on ait besoin de
nous »... Mais a long terme, ce n’est un cadeau ni pour la
personne aidée, ni pour la personne aidante ; les deux ayant
progressivement perdu leur autonomie.

Avez-vous déja vécu ce genre de situation ? Vous


arrive-t-il de venir en aide 4 quelqu’un avant qu’il n’ait for-
mulé une demande ? Parfois, quand on rend un service a
quelqu’un en pensant que c’était cela qu’il attendait et que
lui n’ose pas dire que ce n’ était pas du tout cela qu’il vou-
lait, on en arrive a des situations plut6t cocasses. L’enfer
est décidément pavé de bonnes intentions...

110
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Vous est-il également déja arrivé d’étre incapable de


formuler votre désir ou votre besoin, et, pour cette raison,
de vous sentir complétement dépendant de |’ autre ? Ou, au
contraire, pris en charge alors que vous ne le souhaitiez
pas ? Arrétez-vous et faites le point sur cette question de la
dépendance...

"al >

+e
Une derniére remarque avant de passer au sixiéme et
avant-dernier critére de repérage des jeux de pouvoir. Une
personne peut étre matériellement dépendante d’une autre
sans que s’installe automatiquement entre eux un quel-
conque jeu de pouvoir. Par exemple, les enfants sont maté-
riellement dépendants de leurs parents, les employés le
sont de leur employeur ainsi que de leur chef de service, le
conjoint qui ne gagne pas sa vie l’est de son mari ou de sa
femme. Mais j’ajoute que, méme dans le cas d’une
dépendance matérielle entre deux personnes, la non-
dépendance relationnelle peut étre vécue et mise en
place’. Les enfants peuvent apprendre a faire des
demandes explicites 4 leurs parents dés le plus jeune age,
sans quoi ils deviennent dépendants, et matériellement (ce
qui est normal), et relationnellement (ce qui engendre a la
longue frustrations, perte d’autonomie, jeux de pouvoir,
etc.) Les employés peuvent apprendre a demander ce dont

1 A ce propos, lire les deux ouvrages de Jean-Jacques Crévecceur : Les


enfants de l’autonomie [09] et Le couple en éveil [10] ov la notion d’ auto-
nomie relationnelle est développée.

111
Relations et jeux de pouvoir

112
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

ils ont besoin (moyens, informations, formations, descrip-


tion de fonctions) pour atteindre leurs objectifs et étre effi-
caces... Or, trop souvent, dans les entreprises, on les voit
attendre que le chef change ou qu’il comprenne ce dont ils
ont besoin. Et tant que rien ne bouge, ils attendent. IIs se
mettent en position de dépendance relationnelle 1a ot, au
départ, il n’y avait qu’une dépendance matérielle. Entre
conjoints, c’est pire encore ! L’illusion de la fusion et de la
symbiose leur fait croire qu’ils peuvent se comprendre sans
se parler. Pour beaucoup d’entre eux, |’idéal a atteindre est
le suivant : « S’aimer, c’est se comprendre d’un regard ! »
Au nom de cet idéal, combien de centaines et de milliers
de frustrations n’accumule-t-on pas en quelques années de
vie commune, tout simplement parce que l’autre n’a pas
compris ce qu’on attendait de lui... Et c’est ainsi que nais-
sent les ressentiments, la colére, la haine et l’escalade des
reproches et des accusations, parce qu’aucun des deux
n’est capable, n’a appris a prendre en charge ses propres
besoins et a faire les démarches explicites pour pouvoir les
satisfaire.

Quels enseignements tirez-vous du travail que


nous venons d’accomplir sur la dépendance
relationnelle ? Pour votre vie personnelle ?
Pour votre vie professionnelle ? Pour vos rela-
tions amicales et affectives ?

113
Relations et jeux de pouvoir

an
nea

Cette premiére étape — qui est de loin la plus diffi-


cile des cinq — touche bientét a sa fin. Concentrez-vous.
Il ne nous reste plus que deux critéres a identifier.

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Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Repere n° 6
L‘inadaptation a la réalité

L’exploration qui précéde nous aidera a découvrir |’ uti-


lisation possible d’un sixiéme critére. Celui-ci vous permet-
tra de repérer les jeux de pouvoir avec certitude... Pour ce
faire, je vous propose un petit exercice en plusieurs étapes.

Premiére étape : identifier les projets implicites.


Nous allons formuler en une phrase un projet ou une attente
implicites (parmi plusieurs) que nourrit chacun des person-
nages de nos petites histoires. Les réponses que je vous pro-
pose ne sont que des possibilités parmi d’ autres, mais cela
n’a aucune importance, puisque vous savez qu’il peut exister
simultanément plusieurs [projets ou attentes implicites| de
part et d’autre’.

Histoire n° 1 : Les couches d’Anais

Alain : [faire changer Anais par sa femme, Christelle]

Christelle : [faire changer Anais par son mari, Alain]

1 Je vous conseille de relire les différentes histoires reprises en fin de volume.

115
Relations et jeux de pouvoir

Histoire n° 2 : Le travail de dactylographie

Georges: [faire faire a Francis le travail promis]


Francis : [faire faire a Georges le travail promis]

Histoire n° 3 : La sortie du cinéma

Marcel : [faire en sorte que Caroline se rapproche de lui]

Caroline: [faire en sorte que Marcel s’éloigne d’elle]

Histoire n° 4 : La collaboratrice en retard

André : [rendre Lise mal a l’aise et coupable]

Lise : [attendre qu’André s’explique par lui-méme]

Histoire n° 5 : La garde des enfants

Christian: [faire garder ses enfants par Béatrice]

Béatrice: — [se faire reconnaitre par Christian en venant


a son secours ]

Histoire n° 6 : La prise en charge du dossier

Daniele: — [pas de projet implicite repérable]

Claude : [pas de projet implicite repérable]

116
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Histoire n° 7 : La conférence a Lille

Hélene : [se faire conduire par Yves a la conférence]

Yves : [attendre qu’Héléne formule elle-méme sa


demande ]

A partir de ces réponses, je voudrais vous proposer


de faire avancer notre réflexion d’un pas supplémentaire.

Deuxiéme étape : identifier les besoins. Nous


allons identifier ce que chacun recherche pour lui-méme a
travers son projet ou son attente implicites. Ici, il ne s’agit
plus d’un projet par rapport a |’ autre, mais bien par rapport
a soi-méme... Cela pourrait, par exemple, étre :

Histoire n° 1 : Les couches d’Anais

Alain : [ne pas étre dérangé]

Christelle : /étre aidée par Alain]

Histoire n° 2 : Le travail de dactylographie

Georges: [étre respecté]

Francis : [étre respecté et reconnu pour son travail]

Histoire n° 3 : La sortie du cinéma

Marcel : [avoir des preuves qu’il est aimé]

Caroline: [se sentir libre (€chapper a ce sentiment d’étre


envahie)]

117
Relations et jeux de pouvoir

Histoire n° 4 : La collaboratrice en retard

André : [étre respecté au niveau horaire et se calmer]

Lise : [étre rassurée a propos de ce qui se passe]

Histoire n° 5 : La prise en charge du dossier

Christian: /[étre aidé par Béatrice]

Béatrice: [se donner une bonne image d’elle-méme]

Histoire n° 6 : La prise en charge du dossier

Daniéle: = [atteindre efficacement ses objectifs profes-


sionnels ]

Claude : [travailler dans des conditions acceptables


pour lui]

Histoire n° 7 : La conférence a Lille

Héléene : [avoir un moyen pour se rendre a la confé-


rence ]

Yves: [se sentir bien dans la relation]

Que pouvez-vous en conclure ? Qu’y a-t-il donc der-


riére ces jeux de pouvoir, derriére ces projets ou ces attentes
implicites que nous avons relevés dans la premiére étape de
notre réflexion ? Qu’y a-t-il derriére toutes ces situations

118
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

destructrices (ou potentiellement destructrices) que nous


aurions tendance a dénoncer et 4 pointer d’un doigt accusa-
teur ? Quelle découverte avons-nous faite dans la deuxiéme
étape de cette recherche ? Tout se passe comme si, derriére
tout jeu de pouvoir, il y avait une intention positive.

Cette intention positive (€tre aidé, étre respecté, se


sentir aimé, ne pas étre dérangé, étre rassuré, se sentir bien,
etc...), c'est de chercher a satisfaire au mieux un ou plu-
sieurs besoins fondamentaux (besoin de soutien, de recon-
naissance, de sécurité, de confort, de respect). Trés bien, me
direz-vous, mais il n’y a pas que |’intention qui compte, il
y a aussi le résultat... Examinons cela de plus prés.

Troisiéme étape : vérifier la corrélation entre réa-


lisation d’un projet et satisfaction d’un besoin. A partir
du travail réalisé dans les deux étapes précédentes, véri-
fions deux éléments : 1° le projet implicite a-t-il pu se réa-
liser ? 2° le besoin a-t-il été satisfait ?

Histoire n° 1 : Les couches d’Anais

Alain : 1° projet réalisé, car c’est Christelle qui a


changé Anais ;
2° besoin satisfait, car il n’a pas été dérangé ;

Christelle : 1° projet non réalisé, car Alain n’a pas chan-


gé Anais ;
2° besoin non satisfait, car elle n’a pas été
aidée ;

119
Relations et jeux de pouvoir

Histoire n° 2 : Le travail de dactylographie

Georges : 1° projet non réalisé, car Francis n’a pas fait


le travail promis ;
2° besoin non satisfait, car il n’a pas été respecté ;

Francis : 1° projet réalisé, car c’est Georges qui va


faire le travail ;
2° besoin non satisfait, car il sera encore
moins respecté et reconnu apres cela ;

Histoire n° 3 : La sortie du cinéma

Marcel : 1° projet non réalisé, car Caroline ne s’est pas


rapprochée de lui ;
2° besoin non satisfait, car il n’a pas de preuve
qu’il est aimé ;

Caroline : 1° projet réalisé, car Marcel s’éloigne d’elle ;


2° besoin satisfait, car ainsi, elle ne se sent
plus envahie par Marcel ;

Histoire n° 4 : La collaboratrice en retard

André : 1° projet non réalisé, car Lise ne se sent pas


coupable ;
2° besoin non satisfait, car il n’est toujours
pas respecté, ni calmé ;

Lise: 1° projet non réalisé, car André n’a pas donné


spontanément d’explications ;
2° besoin non satisfait, car elle n’est pas ras-
surée sur ce qui se passe ;

120
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Histoire n° 5 : La garde des enfants

Christian : 1° projet réalisé, car ses enfants seront gardés


par Béatrice ;
2° besoin satisfait, car il est aidé par Béatrice ;

Béatrice : 1° projet réalisé, car elle recoit des compli-


ments de Christian ;
2° besoin satisfait, car ses actes correspondent
ainsi a l’image qu’elle veut avoir d’elle-méme ;

Histoire n° 6 : La prise en charge du dossier

Daniele : 1° pas de projet implicite repérable ;


2° besoin satisfait, car il y a de grandes
chances qu’ainsi, elle atteigne efficacement
ses objectifs professionnels ;

Claude : 1° pas de projet implicite repérable ;


2° besoin satisfait, car il pose explicitement
ses limites ;

Histoire n° 7 : La conférence a Lille

Héléne : 1° projet non réalisé, pour l’instant, puisque


Yves n’a pas réagi ;
2° besoin non satisfait, car elle n’a pas de
solution de rechange ;

Yves: 1° projet non réalisé, car Hélene n’a pas


explicité sa demande ;
2° besoin satisfait, car il s’est débarrassé sans
trop de mal de la pression exercée par Héléne.

121
Relations et jeux de pouvoir

Comme quoi, il faut de tout pour faire un monde ! Et il


semble que nous ne puissions méme pas faire de généralisa-
tion. Et pourtant, nous allons tirer des enseignements intéres-
sants. Pour cela, je vous propose de synthétiser les réponses
de la troisiéme étape en un petit tableau, ce qui vous permet-
tra d’avoir une vue globale de I’analyse réalisée.

projet réalisé ? besoin satisfait ?

Alain oui oui


Christelle non non

Georges non non


Francis oui non

Marcel non non


Caroline oui oul

André non non


Lise non non

Christian oui oui


Béatrice oui oui

Daniéle - oui
Claude - oui

Héléne non non


Yves non oul

122
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Si vous observez bien, toutes les configurations pos-


sibles, lorsqu’il y a jeu de pouvoir, sont représentées'. Une per-
sonne peut avoir réalisé son projet ou ne pas l’avoir réalisé, en
étant satisfaite au niveau de son besoin ou non. Dans I’interac-
tion entre deux personnes, il y a trois cas de figure : les deux
réalisent leur projet, aucune des deux n’y parvient ou I’une des
deux y réussit. Il en va de méme pour la satisfaction des
besoins : les deux peuvent étre satisfaites, aucune des deux ou
une des deux... Alors, qu’en est-il ? Pour tirer un enseignement
d’une telle diversité, je voudrais vous proposer un point de vue
différent. C’est la quatriéme étape de notre raisonnement.

Quatriéme étape : évaluer |’efficacité 4 long terme.


Interrogeons-nous sur I’efficacité a long terme de ce qu’ ont
obtenu ceux pour lesquels reviennent un ou deux « oui ».

Il est clair que, pendant un temps, cela marchera pour


Alain, jusqu’a ce que la situation devienne invivable pour
Christelle. Ce sera alors soit la rupture relationnelle, soit la
mise au pied du mur pour Alain avec, a la clé, |’obligation de
prendre une part active au ménage. Son projet ne pourra plus
tenir et son besoin de tranquillité ne pourra plus étre satisfait.
De toute fagon, on peut se douter que méme avant cela, il
subira déja les conséquences de sa domination sur Christelle.
Ne vous étes-vous jamais demandé pourquoi certaines
femmes dites frigides se révélaient des amantes extraordi-
naires avec un autre homme ? Derriére cette « frigidité », ne
se cacherait-il pas une fagon de se venger, de faire payer a leur

1 Nous excluons donc pour l’instant la relation entre Daniéle et Claude.

123
Relations et jeux de pouvoir

conjoint ce qu’elles subissent dans un autre domaine ? A long


terme, la stratégie d’Alain est inefficace, puisqu’elle se
retournera inévitablement contre lui.

Francis a réalisé son projet de faire faire le travail a


Georges, mais a manqué sa cible puisque son besoin de
reconnaissance (qui était l’origine principale de cette ten-
sion) n’a aucune chance, apres ce qui s’est passé, d’étre
satisfait. Il a donc scié la branche sur laquelle il était assis.
Stratégie inefficace a long terme également, puisqu’elle
ne régle pas la frustration de Francis.

Caroline, quant a elle, n’a rien mis en place dans la


relation avec Marcel pour que celle-ci change. Il y a fort a
parier que leur jeu d’attraction-répulsion se poursuive encore
un certain temps. II est probable que Marcel recommence ses
avances pour se sentir aimé, qu’elle les repoussera pour ne pas
se sentir envahie (méme si tous deux éprouvent quelque chose
l’un pour |’ autre, sinon ¢a ne durerait pas depuis trois mois),
avec le risque qu’a un moment, la frustration soit telle chez
l'un des deux que la rupture éclate... On peut encore
conclure a l’inefficacité 4 long terme de cette stratégie.

Christian et Béatrice pourront fonctionner trés long-


temps dans leur systéme, car leurs jeux sont complémentaires,
s’alimentent mutuellement et leurs besoins sont satisfaits.
Malgré tout, tous deux finiront par se sentir frustrés : ce sen-
timent de frustration viendra de l’apparition de ce que nous
avons appelé la dépendance relationnelle. A un moment, ni
l’un ni l’autre ne sera plus satisfait de ce genre de dynamique,

124
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

et cela risque alors d’étre la rupture. Conclusion : stratégie


inefficace a plus long terme pour les deux partenaires.

Yves, enfin, n’a obtenu qu’une paix bien provisoire


avec Héleéne, car cette derniére n’a pas compris en quoi son
comportement dérangeait Yves. De plus, il est trés pro-
bable qu’elle finira par en vouloir 4 son collégue, ce qui
risque d’entrainer des tensions entre eux. Donc, quoi qu’il
en soit, la stratégie d’ Yves n’est pas efficace a long terme.

Ce qui précéde nous montre que, souvent, les jeux de


pouvoir sont inefficaces a long terme. Grace 4 ce critére,
nous avons un nouvel instrument pour repérer la présence
d’un jeu de pouvorr. II suffira de se poser la question sui-
vante : Ce comportement est-il efficace et respectueux a
long terme ? Si la réponse est négative, nous sommes en
possession d’un indice supplémentaire...

Nous pouvons donc préciser notre derniere constata-


tion : derriére les jeux de pouvoir, il y a souvent une inten-
tion positive pour soi-méme, mais la réalisation de cette
intention est inadaptée a la réalité des besoins a satisfaire.
Le critére sera donc |’inadaptation a ce que j’appellerai
plus tard le principe de réalité. En résumé :

Un jeu de pouvoir est un comportement inadapté :


a la réalité. :

D’ailleurs, si vous y réfléchissez, on peut retrouver faci-


lement cette notion d’inadaptation 4 partir des autres critéres.

125
Relations et jeux de pouvoir

Obtenir quelque chose en faisant pression est proba-


blement efficace 4 court terme (cela permet méme d’obtenir
plus rapidement et plus sirement ce que l’on veut), mais,
souvent, cela risque d’entrainer une dégradation de la quali-
té relationnelle. Certains patrons et cadres en font la doulou-
reuse expérience. Obtenant tout ce qu’ils veulent en exergant
une pression sur leurs collaborateurs, ils en sont arrivés a
subir réguliérement la démotivation de ceux-ci, leur inertie,
leur mentalité de fonctionnaires. Ceci tend a prouver
qu’exercer une pression sur |’autre est un comportement
inadapté dans une perspective d’efficacité a long terme.

L’envoi d’un double message, avec une distorsion entre


les contenus explicite et implicite, a comme avantage d’éviter,
dans bien des cas, les confrontations directes. Cela permet
également de créer un malaise chez |’autre, malaise qui va le
perturber au point d’amoindrir son efficacité. A court terme,
cela marche. Malheureusement, ces distorsions ont pour
conséquence de ne rien régler, de ne rien clarifier dans les
relations, de laisser planer les sous-entendus jusqu’au moment
ou l’ambiguité de la situation se retournera contre celui qui l’a
engendrée (souvenez-vous des phrases du type : « Mais, je ne
t’ai jamais rien demandé », « Mais, je pensais que tu avais
tres bien compris », etc.). Ici aussi, le constat de |’inadaptation
a long terme d’un jeu de pouvoir s’impose...

La complicité circulaire ot chacun alimente et ren-


force le pouvoir de |’ autre (en y résistant, en entrant dans
le jeu, en attendant que I’autre cesse son jeu, etc.) est évi-
demment un comportement inadapté. En effet, si on a pour

126
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

objectif de désamorcer les jeux de pouvoir, s’en rendre


complice est vraiment l’inverse de ce qui devrait étre fait !

Avoir un projet ou une attente implicites par rap-


port a l’autre est également inadapté en termes d’efficacité
a long terme. Vous avez découvert, il y a quelque temps,
que cela créait une situation de dépendance qui, tét ou tard,
devient frustrante pour les deux parties en présence. De
plus, le fait que le projet ou I’attente soient implicites ne
permet pas toujours d’obtenir ce qu’on veut vraiment. Par
conséquent, cette stratégie est inefficace si on vise 4 satis-
faire au mieux ses besoins et ceux de |’autre.

Le phénoméne de dépendance que nous avons obser-


vé l’est aussi : les deux partenaires en relation perdent une
grosse partie de leur autonomie, de leur marge de manceuvre
et de leur capacité a choisir justement le comportement le
plus adapté... Souvenez-vous des relations entre maitre et
esclave oi aucun des deux n’a l’occasion d’étre lui-méme.

Avant d’en terminer avec ce sixiéme repére, je vou-


drais encore attirer votre attention sur un point. Nous avons
vu, dés le début, que la présence d’un jeu de pouvoir pou-
vait étre détectée par le malaise ou la tension que |’on peut
ressentir en son for intérieur. La question que je voudrais
vous poser est la suivante : Quelle conséquence ce stress
interne risque-t-il d’avoir sur la flexibilité du comporte-
ment de quelqu’un qui « subit » le pouvoir d’un autre (en
se rappelant que les deux ont un pouvoir, mais l’un de
maniére plus visible et l’autre de fagon plus invisible) ?—

127
Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Comment réagissez-vous quand vous étes en situation de


stress par rapport a quelqu’un ?

fea

rt
Certainement, plus le stress est grand, moins vous
€tes en possession de vos moyens de réflexion et plus vous
réagissez de maniére conditionnée et inconsciente, en
fonction des programmes inscrits en vous. Dans ce cas, on
peut dire que vous ne choisissez pas vraiment vos compor-
tements de maniére consciente. Je dirai que vous n’agissez
pas, mais que vous réagissez, ou plutdt que c’est votre
inconscient qui est aux commandes a ce moment-la !

Dans ces conditions, vous comprendrez qu’il y a peu


de chance que votre comportement soit adapté a la réalité
extérieure et a la satisfaction de vos besoins, puisque celui-
ci est déterminé par votre inconscient. Vous avez ainsi une
explication supplémentaire du caractere inadapté des jeux
de pouvoir. Cette dimension inconsciente est tellement
importante dans les phénomeénes de pouvoir que nous
consacrerons une étape compléte a en rechercher I’ origine
psychologique dans l’histoire de notre vie pour mieux les
déjouer par la suite. Sans cette approche, il vous sera
impossible de passer du pouvoir a la puissance, de passer
de la destruction et de |’inadaptation a la construction et a
l’efficacité. Votre démarche serait une approche suppres-
sive et extérieure des phénoménes de pouvoir, et vous
feriez de votre vis-a-vis un adversaire.

129
Relations et jeux de pouvoir

Pour parvenir a cette puissance de respect, il vous fau-


dra reconnaitre votre part de responsabilité dans les jeux de
pouvoir que vous exercez ou subissez. Vous en avez déja eu
un apercu en découvrant la complicité qui était la votre
lorsque, sans le savoir, vous alimentiez le pouvoir de |’autre.
Il vous faudra aller plus loin encore et reconnaitre que votre
adversaire le plus redoutable est votre propre inconscient !
Je ne vous en dis pas plus ; chaque chose en son temps...

A présent, quels enseignements tirez-vous de la


découverte de ce sixiéme repére, l’inadapta-
tion a la réalité ? Quels paralléles pouvez-vous
faire avec votre vie privée ou professionnelle ?
Commencez-vous a entrevoir a présent en quoi
votre comportement n’était pas adapté lorsque
vous n’avez pas obtenu le résultat escompté ou
que vos besoins n’ont pas été satisfaits dans
une situation relationnelle ? Accordez-vous le
temps de faire le point.

Maintenant, passons 4 la suite...

130
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Repere n° 7
Le caractere répétitif

Je vous invite a passer a la septiéme étape du repé-


rage de la présence des jeux de pouvoir. Vous aurez ainsi a
votre disposition tous les critéres nécessaires pour détecter
le plus rapidement possible ce qui pourrait, 4 un moment
donné, provoquer une dégradation de la relation, une frus-
tration ou une tension...

Je ne m/’attarderai pas longtemps sur ce dernier cri-


tére, et ce, pour trois raisons. La premiere est que ce point
de repére n’est qu’une conséquence des précédents ; par
conséquent, cette étude n’apportera pas un éclairage réel-
lement nouveau sur les jeux de pouvoir. La deuxieme rai-
son est que tous les jeux de pouvoir ne répondent pas a ce
critére. La troisiéme raison est que nous étudierons ce
repére de maniére beaucoup plus approfondie au cours de
la deuxiéme étape.

Néanmoins, je vous invite a vous livrer a un exerci-


ce de réflexion et de déduction, a partir de ce que vous
avez découvert précédemment. Ce sera l’occasion pour
-vous de vérifier votre compréhension des phénoménes et

131
Relations et jeux de pouvoir

de passer en revue les différents repéres dont vous dispo-


sez déja...

Ces bréves remarques préliminaires étant faites,


entrons, si vous le voulez bien, dans le vif du sujet.

Le septiéme critére de repérage concerne le caractere


répétitif des jeux de pouvoir. Je vous propose d’examiner
les liens qui existent entre les six premiers repéres et celui-
ci. En d’autres termes, en quoi et pourquoi le caractére
répétitif des piéges relationnels découle de la nature méme
des jeux de pouvoir ?

Pour illustrer notre propos, je vous propose une der-


niére histoire, tirée de la vie en entreprise. Eric Dupré est
le patron d’une société industrielle familiale employant
une centaine de personnes ; Damien est I’un de ses colla-
borateurs.

Histoire n° 8 : La tenue vestimentaire en entreprise

(Damien est dessinateur industriel dans la société d’Eric...


Collaborateur efficace et constant, sa particularité est
d’étre le seul a se rendre a son travail vétu d’un chandail,
d’un jeans et de baskets, ce qui dérange Eric...
Ce matin-la, Eric entre dans le bureau de Damien. )
Eric : Ah, Damien, je suis content de te voir !
Comment vas-tu ?

Damien: Trés bien, Monsieur Dupré, je vous remercie.

132
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Bias A propos, Damien, je voulais te demander...


As-tu remarqué la tenue vestimentaire de tes
collégues ?

Damien (mal a l’aise) ; Bien str, Monsieur Dupré, pour-


quoi ?

Eric : Oh, simplement pour que cela t’ inspire...


(Trois semaines plus tard, rien n’a changé dans la présen-
tation de Damien. )
Eric : Damien, je voulais te poser une petite ques-
tion. Comment tes collégues sont-ils
habillés ? Qu’est-ce que tu observes ?

Damien: — Eh bien, les hommes sont, pour la plupart, en


costume et cravate... Les femmes, pour la
plupart, sont en robe ou en jupe...

Eric : Trés bien. Et sais-tu pourquoi je trouve


important qu’ils soient habillés comme cela ?

Damien (de plus en plus mal a laise) : J imagine,


Monsieur Dupré...

Eric : Bon ! Eh bien, j’espere que tu pourras en tirer


les enseignements !
(Un mois plus tard, toujours pas de changement. A ce
moment, Eric Dupré envoie par courrier interne une cou-
pure de magazine sur l’importance de la tenue vestimen-
taire en entreprise. Une semaine plus tard, Eric remarque Pe
l’article affiché au mur du bureau de dessin de Damien,
mais sans modification dans ses habits...)
Eric : Damien, tu te souviens que je t’avais posé
une question sur la tenue de tes collégues ?

133
Relations et jeux de pouvoir

Damien (hésitant) : Oui, Monsieur Dupré. Et alors ?

Eric : Donne-moita réponse. Pourquoi est-ce impor-


tant pour moi qu’ils soient bien habillés ?

Damien (hésitant) : Je suppose, Monsieur Dupré, que, pour


votre image de marque et celle de la société, il
est important d’avoir une bonne présentation...

Eric : A la bonne heure, Damien. Enfin, tu as compris.


(Quinze jours plus tard, rien n’a changé... Eric, furieux,
convoque Damien dans son bureau, avec la ferme intention
de le licencier pour insubordination — ce qui est une faute
grave. )
Eric : Damien, je suis furieux. Ca fait presque trois
mois que j’essaye de te faire comprendre par
tous les moyens que j’attends de toi que tu
changes de tenue vestimentaire. Je t’ai laissé
le temps. Mais ma patience a des limites !
J’en ai plus qu’assez de me faire narguer par
toi de la sorte...

Damien (tombant des nues) : Que dites-vous, Monsieur


Dupré ? Vous vouliez que je change de
tenue ? C’est ¢a que vous vouliez ?

Eric : Mais bien sir ! Et ne fais pas l’innocent !


Pourquoi, a ton avis, t’ai-je posé toutes ces
questions a propos de tes collégues, et pour-
quoi t’ai-je envoyé cet article ?

Damien: |Comme-vous me parliez de mes collégues,


jen avais déduit que vous vouliez me sensi-
biliser 4 importance pour tous ceux qui sont

134
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

en contact avec la clientele d’étre impec-


cables. C’est d’ailleurs de cela que parlait
l’article. Comme je ne suis jamais en contact
avec les clients, je me suis dit : « Si, un jour,
Monsieur Dupré te demande de rencontrer un
client, mon petit Damien, tu as intérét a te
mettre sur ton 31 ! » Voila tout...

EaIG® Et tu n’avais donc pas compris ce que je vou-


lais ?

Damien : Franchement, non, Monsieur Dupré. Et je


suis désolé de vous avoir mis dans un tel état,
sans le savoir...

Je tiens a vous signaler, au passage, que cette histoire


(comme toutes celles que vous avez lues, d’ ailleurs) est tout
a fait authentique. Je n’ai rien inventé ! Méme si celle-ci
peut paraitre particuliérement invraisemblable...

Je vous invite a procéder par ordre et a examiner les


liens qui peuvent exister entre les caractéristiques des jeux
de pouvoir et le fait que souvent — mais pas toujours —,
ils présentent un caractére répétitif.

Examinons tout d’abord en quoi il y a complicité cir-


culaire entre Eric (le patron) et Damien (son dessinateur)...
En quoi le comportement de Damien renforce-t-il celui
d’Eric ? En quoi celui d’Eric renforce-t-il celui de Damien ?

Il est évident que Damien, malgré son malaise de ne


pas comprendre ce qu’Eric lui veut, ne fait rien pour obtenir

135
Relations et jeux de pouvoir

des éclaircissements. En ne demandant rien, il encourage


son patron a continuer a envoyer des messages et des
demandes implicites...

Eric, quant a lui, ne répond pas clairement aux interro-


gations de Damien et attend (implicitement) que son dessina-
teur comprenne par lui-méme qu’il doit changer sa tenue ves-
timentaire... Moins il est explicite, moins il encourage Damien
a rechercher des explications et des explicitations... Tous deux
sont responsables du malentendu et de |’éternisation de celui-ci.

Le cas d’Eric (le patron) étant le plus flagrant', je vous


propose de |’analyser. Quelle conséquence cette complicité
a-t-elle sur son comportement, en termes de répétition ?

La complicité (repére n° 3) de Damien dans cette


situation — c’est-a-dire le fait qu’inconsciemment il ali-
mente et renforce le jeu de son employeur — a pour
conséquence que le comportement d’Eric se répéte plu-
sieurs fois, de la méme maniére. On pourrait méme dire
que plus la complicité s’installe, plus l’intensité de la
force d’action et de réaction est grande. Et plus cette
intensité est grande, moins les protagonistes disposent
d’une marge de manceuvre pour mettre d’autres com-
portements en place. Autrement dit, si vous reprenez
Pillustration du troisitme repére, plus la pression
mutuelle augmente entre les deux personnages, plus ils
se retrouvent penchés |’un vers I’autre. Ils ont d’autant

1 Nous pourrions tirer les mémes conclusions du cas de Damien.

136
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

moins la possibilité de sortir du cercle vicieux dans


lequel ils s’enferment mutuellement...

Etant dans lincapacité de sortir des orniéres com-


portementales dans lesquelles ils se trouvent, les deux par-
tenaires sont condamnés a reproduire la méme dyna-
mique... La conclusion de notre raisonnement va de soi :

Dans une situation de pouvoir et étant donné la


complicité circulaire, le renforcement du comportement
de l’un empéche I’autre d’en sortir, ce qui entraine sa
répétition...

Si vous vous rappelez ce qui a été dit précédemment,


nous avions vu que la pression externe provoque un stress
interne (repére n° 1), et que celui-ci nous entraine a adopter
des comportements réflexes, inconscients, choisis en fonction
d’un programme inscrit en nous. Et qui dit programme, dit
nécessairement répétition’... Pour Eric, plus le temps avance,
plus la colére monte. Et plus la colére monte en lui, plus il va
reproduire son comportement habituel de communiquer de
maniére indirecte ses besoins et ses désirs. Nous dirons que :

La pression et le stress déclenchent des comporte-


ments réflexes, c’est-a-dire qui tendent a se répéter.

Examinons un second critére chez Eric. Quel projet


implicite a-t-il sur Damien ? Et quelle attente implicite a-t-il ?

1 Nous verrons cela en détail dans la deuxiéme étape.

137
Relations et jeux de pouvoir

Son projet implicite est facilement déductible


(puisque vous savez qu’il est dérangé). Le projet d’Eric est
que Damien modifie sa tenue vestimentaire, ou encore
qu’il se conforme aux habitudes des autres employés. Son
attente implicite est aussi que Damien comprenne par lui-
méme ce qu’on attend de lui.

Quelle conséquence le fait d’avoir un projet ou une


attente implicites entraine-t-il sur Eric ? Il est évident que le
caractére implicite (repére n° 2) de son attitude le place en
situation d’attente (repéere n° 4) jusqu’a ce que Damien
réagisse. Et tant qu’il n’obtient pas ce qu’il veut, Eric conti-
nue a attendre. C’est ainsi que la situation se fige et que les
deux acteurs sont plongés dans un immobilisme de plus en
plus profond... Ne vous est-il jamais arrivé de vous sentir
complétement paralysé dans une situation relationnelle, en
ayant conscience que le comportement que vous avez adop-
té n’était pas le bon, et pourtant de devoir constater, malgré
tout, que c’est cela méme que vous étiez en train de faire ?
Nous pouvons donc tirer la conclusion suivante :

L’attente implicite bloque totalement la situation,


et provoque dés lors la répétition des comportements...

Remarquez que la position d’attente d’Eric le place


dans une position de totale dépendance (repére n° 5) vis-a-
vis de Damien. A cause de cette dépendance, tant qu’ Eric ne
regoit pas de réponse positive a son attente, il est presque
réduit a renvoyer les mémes messages pour obtenir ce qu’il
veut. Je dis « presque », car vous avez vu qu’a la fin de

138
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

histoire, Eric change son comportement. Nous étudierons


cela dans quelques instants... Nous pouvons done ajouter
a notre précédente découverte que :

La dépendance confine 4 reproduire les mémes


attitudes jusqu’a l’obtention d’une satisfaction.

Enfin, on peut se demander si le comportement d’ Eric


était adapté (repére n° 6) pour satisfaire son besoin. Pour
répondre, il suffit de regarder comment les choses se sont
passées. La réponse est qu’en tout cas, dans la premiére
partie, il est inadapté. Voyons a présent quel lien on peut
faire entre le caractére inadapté du comportement d’Eric et
Sa répétition...

Si Eric choisit d’adresser des demandes implicites a


Damien, c’est qu’il est persuadé que sa facgon d’agir est la
seule susceptible de satisfaire ses besoins. Sinon, il ne le
ferait pas. Or, il ne regoit pas la réponse attendue. Son
besoin n’est donc pas satisfait et Eric est frustré, mais pas
suffisamment pour que cela remette en question sa
croyance : il reste convaincu que la seule maniére d’obte-
nir un changement chez Damien, c’est de reposer la
méme demande implicite... Comme cet acte n’est pas
plus adapté que la premiére fois, il ne recoit pas le feed-
back attendu ou espéré, et son besoin n’est toujours pas
comblé. Vous vous rendez compte qu’a ce petit jeu, la
situation risque de stagner pendant longtemps... En
conclusion, nous dirons que :

139
Relations et jeux de pouvoir

L’inadaptation d’un comportement engendre sou-


vent la non-satisfaction des besoins, donc une frustra-
tion. C’est cette frustration qui appelle la reproduction
du méme comportement dans l’espoir de satisfaire les
mémes besoins.

On pourrait comparer cette situation a celle bien


connue des chauffagistes. Si on place le thermostat du chauf-
fage central dans une piéce ou le radiateur est éteint, |’infor-
mation d’une température trop peu élevée va étre envoyée a
la chaudiére. Celle-ci va dés lors envoyer des calories sup-
plémentaires a l’ensemble de l’installation (c’est le feed-
back). Malheureusement, tant que le radiateur restera fermé
(comportement inadapté), la température de la piéce restera
basse et le thermostat enregistrera une insuffisance de tem-
pérature (frustration). Ce qui, bien sir, le déterminera a en
demander davantage a la chaudiére, et ainsi de suite...

Le thermostat
commande un appel
de chaleur
La chaudiére
chauffe l’eau
La vanne
est fermée

La température
baisse

140
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Quand cela s’arréte-t-il ? S’il n’y a pas de soupape de


sécurité, ce processus en forme de cercle vicieux se termine-
ra par l’explosion de la chaudiére (pour cause de surchauffe),
la rupture d’une canalisation ou |’épuisement du carburant.
Besoin non
satisfait

Comportement
inadapté

Solution
Recherche
de satisfaction

Répeétitif

Excepté si l’occupant de la maison se rend compte


par lui-méme de |’ élévation anormale de la température et
qu’il remédie a la situation. Encore faut-il que sa nouvelle
stratégie soit plus adaptée que la précédente : on peut, en
effet, imaginer qu’il coupe le thermostat (avec pour consé-
quence le refroidissement général de la maison), qu’il
coupe les vannes des radiateurs des piéces ou il se trouve
(ce qui n’élimine pas le risque de surchauffe de la chau-
diére), qu’il ouvre les fenétres ou encore qu’il rouvre le~
radiateur de la piéce ot se trouve le thermostat... Ce n’est
pas tout de constater |’inadaptation d’un comportement, il
faudra encore trouver la réponse la plus adaptée pour
résoudre la situation. C’est pour cela qu’il nous reste -

141
Relations et jeux de pouvoir

quatre étapes avant de pouvoir passer du pouvoir a la


Puissance, ou des comportements inadaptés a des compor-
tements plus adaptés...

On peut ainsi conclure, a partir des explications précé-


dentes, que répéter toujours le méme comportement est
inadapté et que cette simple répétition constitue un jeu de
pouvoir... Pensez a ceux qui parlent tout le temps ou a ceux
qui se taisent tout le temps... Les uns comme les autres
n’exercent-ils pas un énorme pouvoir sur leur entourage ?

Si vous faites le paralléle avec la métaphore du chauf-


fage central, n’est-ce pas ce qui se produit trés souvent dans
les relations ? Les jeux de pouvoir cessent et la répétition
prend fin soit lorsque la relation explose (la frustration a
atteint un degré tel qu’elle en devient insupportable), soit
parce qu’il y a rupture relationnelle (cela devient invi-
vable), soit parce qu’un des deux partenaires est épuisé (les
tensions ont été telles que le cercle vicieux s’arréte par
manque d’énergie pour alimenter la dynamique). Mais il
arrive aussi qu’un événement extérieur modifie les rapports
de force et qu’un changement de comportement en découle.
Pourtant, rien ne garantit que le nouveau comportement soit
plus adapté que le précédent... Si je m’en référe 4 mon
expérience, je peux vous assurer que c’est rarement le cas,
tout simplement parce que nous, humains, nous vivons
dans une espéce de léthargie permanente qui nous fait
davantage ressembler 4 des thermostats sans faculté de dis-
cernement qu’a des étres dotés d’une conscience suffisante
pour choisir de maniére adaptée les actions a poser...

142
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Au niveau des relations humaines, nous en sommes


encore a la préhistoire... Pour cette raison, il me semble
important de prendre le temps de bien comprendre com-
ment les choses se passent dans nos rapports humains
avant méme de chercher le reméde. Tel était l’objectif de
cette premiere étape qui touche 4a sa fin...

Nous avons donc découvert un septiéme et dernier


critére pour repérer la présence d’un jeu de pouvoir : le
caractére répétitif. Ce point de repére est, comme vous
l’avez compris, davantage un symptdme, une conséquence
de la nature des jeux de pouvoir que l’essence méme de
ceux-ci. C’est pour cela qu’il ne sera pas toujours apparent
dans les situations que vous observerez ou rencontrerez
dans votre vie privée ou professionnelle.

Par contre, si une situation se répéete réguli¢rement


dans votre existence, vous aurez 1a un indice fiable de la
présence d’un jeu de pouvoir.

Avant de clore ce chapitre, de le résumer et


d’en tirer les enseignements généraux, je vou-
drais vous inviter, une derniére fois, a prendre
le temps de mettre en paralléle ce qui vient
d’étre dit a propos du caractére répétitif des
jeux de pouvoir et certaines situations que
vous auriez vécues dans votre vie quotidienne

143
Relations et jeux de pouvoir

144
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

(privée ou professionnelle)... Tachez de vous


remettre en mémoire la maniére dont cela s’est
passé, comment cela s’est terminé et pourquoi.

Quels enseignements en tirez-vous? En quoi


votre vision des événements s’est-elle modifiée
suite a la découverte de ce dernier repére ?
N
me

Evaluez cela a votre aise et prenez éventuelle-


ment des notes...
Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Conclusion

Nous voici a la fin de la premiére étape... Au nombre


de pages parcourues, vous comprendrez vite que celle-ci
est une des plus longues.

La fin d’une étape est l’occasion de faire le bilan,


d’évaluer le chemin parcouru, d’en comprendre le sens.

Le but de |’étape que nous venons de traverser était


de repérer les jeux de pouvoir relationnels dans toute
situation mettant en présence deux individus : que ce soit
dans le couple, au travail, entre parents et enfants, entre
amis...

La spécificité de cette premiére étape est qu’a ce


stade de votre lecture, vous soyez capable d’ observer
une situation relationnelle, d’en détecter les piéges
potentiels et d’en comprendre la dynamique sous-
jacente. En d’autres termes, et pour employer une image,
avant de corriger les fautes d’orthographe et de gram-
maire dans le texte de nos histoires relationnelles, vous
avez appris a le lire et 4 en comprendre le sens. Vous
n’étes pas encore capable de corriger toutes les fautes,
mais vous étes déja conscient de leur présence et de leur

147
Relations et jeux de pouvoir

nature. C’est capital si vous voulez éviter le pi¢ge des


recettes universelles pour résoudre tous les maux rela-
tionnels.

La méthodologie que nous avons suivie, vous et moi,


est ce que j’appelle un processus d’accouchement. Si
vous le souhaitez, vous pouvez continuer a mettre ce pro-
cessus en application dans votre vie quotidienne... Comme
le disait un grand sage indien, « Life is the best teacher »
(« La Vie est le meilleur enseignant »)...

Ce processus de découverte passe toujours par les


mémes étapes'. Nous sommes partis de situations réelles,
vécues, pas de théories. En effet, il n’est pas possible de
tirer des enseignements sans vivre et expérimenter soi-
méme... a moins d’accepter de se mettre sous la dépen-
dance d’un maitre qui détient le savoir.

Ensuite, nous avons observé les dialogues avec un


maximum d’objectivité et de rigueur. Dans la relation, il
est crucial de pouvoir voir les choses telles qu’elles sont,
sans les faire passer par le filtre de nos interprétations.
Comment pourrait-on corriger un texte sans se baser sur les
phrases et les mots écrits ?

Puis, nous avons analysé les dialogues pour en com-


prendre la dynamique sous-jacente, pour évaluer en quoi

| Ce processus est inspiré de la méthodologie Alkimai qui fait partie de la


DYNARSYS. Si vous désirez une présentation plus complete, référez-vous
a l’annexe 1.

148
Etape n° | : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

ils étaient adaptés ou inadaptés par rapport a un critére


d’efficacité durable.

Enfin, nous en avons tiré les enseignements, c’est-


a-dire nous avons énoncé des principes généraux qui
semblent aptes a décrire et a expliquer ce qui s’est passé,
en sachant que ces principes et ces enseignements seront
toujours provisoires et sujets a révision. Dans le domaine
des relations humaines, comme dans celui des sciences, la
vérité absolue n’est jamais accessible.

Le processus que nous avons suivi tout au long de ce


chapitre pourrait étre représenté comme suit :

7. Transposition
4. Objectivation
des informations

1. Objectif

149
Relations et jeux de pouvoir

En guise de conclusion, je voudrais vous conter une


trés vieille histoire originaire, dit-on, de Chine.

Un paysan et son fils avaient pour toute richesse un seul


cheval. Un jour, le cheval sauta la barriére et s’enfuit
dans la campagne. Tout le village se lamentait : « Quel
malheur pour ces braves gens d’avoir perdu ce cheval
qui était leur seule richesse... » Et le paysan de
répondre avec sagesse : « Est-ce un bien ? Est-ce un
mal ? Je ne sais pas. »

La semaine suivante, le cheval revint de lui-méme a sa


pature, suivi d’une horde de trente chevaux sauvages. Le
fils sortit en hate et referma l’enclos. Tout le village
disait : « Quel bonheur que leur cheval soit parti, les
voila maintenant trés riches ! »... Et le paysan de
répondre : « Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Je ne sais
pas. »

Quelques jours plus tard, en essayant de dompter l’un


des chevaux, le fils fit une chute et se cassa la jambe. Le
village commentait : « Quel malheur que ces chevaux
sauvages : le fils est a présent immobilisé. Qui va culti-
ver les champs, maintenant ? » Et le paysan de
répondre : « Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Je ne sais
pas. »

Dix jours plus tard, la guerre fut déclarée a la province


voisine et on enréla tous les jeunes gens valides. Le fils
du paysan ne fut pas appelé, a cause de sa fracture. Et,
a nouveau, le village disait : « Quel bonheur qu’ il se soit
cassé la jambe. Sa vie sera sauve, malgré la guerre... »
Et le paysan de répondre : « Est-ce un bien ? Est-ce un
mal ? Je ne sais pas. »

150
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Je ne voudrais pas que vous terminiez cette étape


avec une vision négative des jeux de pouvoir. S’il est vrai
que ce phénomene constitue un parasite considérable dans
les relations et qu’il entratne bon nombre de tensions, de
conflits et de frustrations, il ne me semble pourtant pas
adapté d’associer le pouvoir 4 une mauvaise chose. Si votre
objectif est de vous respecter tout en respectant |’autre,
voyez-y simplement un comportement inadapté...

Et si vous vous posez la question de savoir si le pou-


voir est un bien ou un mal, relisez |’ histoire n° 8 (La tenue
vestimentaire en entreprise). Si le jeu de pouvoir entre Eric
et Damien n’avait pas duré trois mois, si Eric n’avait pas
senti sa frustration et sa colére monter, cela ne lui aurait
jamais donné 1|’énergie de changer son comportement de
facon plus adaptée et d’exprimer sa colére directement a
Damien. II ne se serait donc jamais produit de guérison
chez Eric. Alors, était-ce un bien ? Etait-ce un mal ?

Peut-étre pourrez-vous découvrir, dans la nature des


jeux de pouvoir et dans leur caractére répétitif, le cadeau
qui nous est offert par la vie, celui de nous présenter sans
cesse la méme lecon jusqu’a ce qu’on I’ait réellement com-
prise... Pour en tirer les enseignements... Et pour passer a
la suite. C’est ce que je vous invite a faire maintenant...

151
Relations et jeux de pouvoir

Résumé : Les 7 reperes

Un jeu de pouvoir se reconnait d’abord a la


pression exercée par quelqu’un pour obtenir
de l'autre ce qu’il veut. Cela se traduit souvent
par le ressenti d’un malaise chez celui qui
« subit » le pouvoir.

Souvent, c’est la distorsion entre les messages


explicite et implicite qui permet a un individu
d’exercer une pression et d’en manipuler un
autre...

Que j’entre dans son jeu de pouvoir ou que j’y


résiste, j’alimente la force de mon interlocu-
teur : non seulement, le maitre et l’esclave sont
tous deux complices des jeux de pouvoir, mais
en plus, tous deux ont du pouvoir l’un sur
l’autre.

Tout jeu de pouvoir se traduit par le fait


d’avoir un projet implicite sur l’autre ou une
attente implicite par rapport a l'autre...

152
Etape n° 1 : Repérer les jeux de pouvoir relationnels

Resume : Les 7 repéres

5. Le fait que les projets ou les attentes soient


implicites crée une situation de dépendance
entre les interlocuteurs, chacun attendant que
l’autre se comporte comme il le voudrait, mais
sans le lui avoir dit...

6. Un jeu de pouvoir se présente souvent sous


forme de comportements inadaptés a la réali-
té, c’est-a-dire peu efficaces a long terme et
peu satisfaisants pour mes besoins et ceux de
L’autre.

7. Enfin, certains jeux de pouvoir, de par leur


dynamique inconsciente et auto-entretenue,
resurgissent souvent de maniere répétitive...
Encore un indice pour repérer leur présence !

153
Relations et jeux de pouvoir

> avta*> “Yate ‘nang Bow /

SePcemive ep mate, oY ToGo wy ariel

44 SNORE eek peal oradtyee eewer.


~
ep
We 19 MGOsEd “aT HO comely, wg
Etape n° 2

Les decouvertes
Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 2
Comprendre l’origine incons-
Cliente des jeux de pouvoir

157
Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

Introduction

L’objectif de cette deuxi¢me étape sera d’identifier la


cause premiere des jeux de pouvoir, leur origine psycholo-
gique et inconsciente. En effet, vous vous étes certainement
fait la réflexion, en découvrant la nature des jeux de pouvoir,
que ceux-ci semblent se retrouver partout dans notre paysa-
ge relationnel... C’est comme si une force en nous nous
poussait — ou nous tirait — a répéter inlassablement les
mémes comportements inadaptés. Et ce, malgré toutes les
prises de conscience qu’on ait pu faire sur le sujet.

La question centrale de cette étape sera la suivante :


Pourquoi, malgré les meilleures intentions du monde,
deux individus en arrivent-ils presque toujours, a la
longue, a des situations frustrantes, conflictuelles ou
destructrices ?

Mais, avant d’aborder ce chapitre, je vous pro-


pose de reprendre votre cahier et de vous don-
ner le temps de faire votre propre bilan en
répondant aux questions qui suivent.

159
Relations et jeux de pouvoir

Vous l’avez sans daute déja observé dans votre


vie professionnelle, au départ, vous aviez de
bonnes intentions vis-a-vis de votre collabora-
teur, de votre patron, de votre secrétaire, de
votre collégue... Et pourtant, au fil du temps,
imperceptiblement, les choses se sont dégra-
dées. Pas avec tous, heureusement ! Mais avec
ceux avec qui ca a mal tourné, vous n’avez pu
dresser, un jour, qu’un constat d’échec. Sans
comprendre comment ni pourquoi cela s’ était
mis en place...

Idem dans votre vie privée, dans votre vie de


couple ou avec des amis. Lorsque vous avez
constaté que les relations n’étaient plus satis-
faisantes, ni pour vous, ni pour l'autre, les
dégdats et les blessures étaient déja considé-
rables. Et tout cela s’était mis en place subrep-
ticement, un peu comme une bombe a retarde-
ment qu’on a enclenchée un beau jour sans le
savoir et qui a lentement mais siirement miné
les fondements de la relation. Et quand la rela-
tion devient branlante, l’explosion lui donne le
coup de grace... Souvent, devant le désastre,
vous avez di vous demander comment vous en
étiez arrivés la, et, sans doute aussi, pourquoi
c était arrivé...

Dans le domaine éducatif, dans les relations


entre parents et enfants, entre éducateurs et

160
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

é€duqués, entre formateurs et participants,


entre thérapeutes et patients, le méme phéno-
méne se produit. Ce qui était, au départ, des
intentions de respect et d’amour a dégénéré en
ressentiment et en frustrations, voire méme en
violence et en agressivité. Face a ce constat
d’échec se pose alors la méme question
Comment cela s’est-il passé ? Et pourquoi ?

A chaque fois, c’est comme si quelque chose minait, sour-


noisement et a notre insu, le fondement de toutes nos relations.

161
Relations et jeux de pouvoir

Peut-étre en lisant ces lignes, vous dites-vous que


c’est une vision bien pessimiste de l’existence... Mais j’ai
pris le parti de montrer ce qu’habituellement, on refuse de
voir... Lors de la premiére étape, vous avez recueilli les élé-
ments qui vous permettent de repérer la mise en place des
jeux de pouvoir. Vous devez donc étre capable de répondre
a ma question : Comment les jeux de pouvoir se mettent-
ils en place ? Je suis certain que votre acquis vous aidera
déja a ne plus déclencher autant de bombes a retardement
dans vos relations. Au terme de cette deuxiéme étape, vous
serez capable de répondre 4 |’autre question : Pourquoi
existent-ils ? Cela vous permettra de désamorcer en vous-
méme ce qui vous pousse a parsemer la plupart de vos rela-
tions de bombes et de mines.

Alors, allons-y. La méthode que je vous propose sera


semblable a celle de la premiére étape. Nous allons partir
d’une histoire banale de la vie quotidienne... Mais, en
plus, nous partirons d’une hypothése qui nous guidera dans
notre enquéte sur |’origine inconsciente des jeux de pou-
voir.

Cette hypothése, c’est que si nous reproduisons un


certain nombre de jeux de pouvoir, malgré les tensions
et les frustrations qu’ils engendrent, c’est que nous en
retirons un avantage quelconque ou un bénéfice secon-
daire, comme l’appelle l’Analyse Transactionnelle.
Sinon, il y aurait longtemps déja que nous aurions changé
de stratégie.

162
Etape n° 2 : Comprendre 1’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

Voici le processus que nous allons suivre pour notre


raisonnement. Pour « dé-couvrir » le bénéfice caché, je
vous suggere de poser le comportement inverse et de
regarder ce que cela entraine... Vous comprendrez alors
tres vite quel était le bénéfice qui vous faisait agir de la
sorte auparavant. Exemple : je roule a vélo en tenant mon
guidon, mais je ne sais plus quel bénéfice le fait de tenir
mon guidon me procure... Pour le savoir, je lache mon gui-
don (c’est-a-dire je pose le comportement inverse) et j’ob-
serve ce qui se passe. Arrivé a un carrefour, 4 un signal
stop, il m’est impossible de m’arréter (puisque j’ai laché le
guidon), et j’entre en collision avec une voiture... Grace a
cette démonstration a contrario, je découvre qu’un des
bénéfices de mon comportement initial (tenir mon guidon)
était la possibilité de freiner... Mais cela, je n’ai pu le
découvrir qu’en expérimentant I’ inverse de ce que j’ai cou-
tume de faire.

C’est ainsi que nous procéderons. A partir d’une his-


toire' que vous découvrirez dans quelques instants, nous
allons inverser certaines données comportementales. Nous
allons ensuite réécrire |’histoire en une premiere variante,
ce qui nous permettra de faire une premiére découverte.
Nous pourrons en tirer des enseignements. Mais nous ne
nous arréterons pas 1a, car la structure de l’inconscient est
pareille 4 celle d’un oignon : elle se compose de couches
de plus en plus profondes. Ceci nous aménera a imaginer
d’autres variantes pour aller de plus en plus profond dans

1 Pour ce chapitre, nous utiliserons une seule et méme histoire.

163
Relations et jeux de pouvoir

la découverte des origines du pouvoir qui est en nous et,


finalement, aboutir 4 la cause.des causes, a la racine pre-
miére. Nous travaillerons donc a partir d’un exemple parti-
culier qui nous permettra, a travers les différentes versions
que nous ajouterons 4a I’ histoire, de déterminer |’ origine de
tous les jeux de pouvoir. Enfin, derniére remarque métho-
dologique, je ne saurais trop vous conseiller de prendre le
temps de dresser votre bilan personnel a chaque fois que je
vous renverrai a votre vécu, car cet apport me semble capi-
tal pour que vous profitiez au maximum de |’ apprentissage
qui vous est proposé au fil de ces pages.

164
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

Decouverte n° 1
La peur de la rupture

Comme je viens de vous le dire, |’ objet de cette deuxiéme


étape sera de découvrir successivement les origines de plus en
plus inconscientes des jeux de pouvoir. Mettons-nous au tra-
vail tout de suite et mettons a jour un premier élément. Pour
ce faire, prenons connaissance de |’histoire qui servira de fil
conducteur et de support a notre investigation.

Histoire n° 9 : Le cadeau d’anniversaire

(Isabelle et Fernand sont collégues de bureau. Isabelle


entre dans le bureau de Fernand, un lundi matin.)
Isabelle : Bonjour, Fernand. Alors, en forme ? Bien
remis de tes émotions de samedi ?

Fernand: Oh oui ! Et je te remercie encore de m’ avoir


invité a l’anniversaire de Vincent... C’était
vraiment super, ca m’a permis de le décou-
vrir ! Entre nous, tu as vraiment un homme en
or, tu sais !

Isabelle (rougissant) : Merci. Tu es vraiment trop gentil. Et


en plus, Vincent était ravi du cadeau qu’on lui

165
Relations et jeux de pouvoir

a offert, tous ensemble. Ca faisait tellement


longtemps~-qu’il révait d’un lecteur de com-
pact disc. Il m’a d’ailleurs chargée de bien te
remercier.

Fernand (étonné) : Me remercier, moi ? Mais, Isabelle, je


n’y suis pour rien... Moi, je lui ai offert un
bonsai... Tu sais, comme je ne connaissais
pas ses goats...

Isabelle (insistant) : Mais si, Fernand, tu as d’ailleurs signé


une carte d’anniversaire collective, en début
de soirée. Tu te souviens ? C’était dans le
petit hall, prés du portemanteau.

Fernand: Oui, et alors ?

Isabelle (commencant a s’énerver) : Et alors ? Eh bien, tu


n’as pas vu que cette carte était glissée dans
la boite du lecteur CD ? Ecoute, ne me dis pas
que tu n’avais pas compris, quand méme !

Fernand (interloqué) : Mais Isabelle, tu m’as quand méme


vu arriver avec mon bonsai, non ?

Isabelle (plus douce) : Oui. Et j’ai vraiment été trés tou-


chée par ta générosité ! Je me suis dit :
« Sacré Fernand, il connait 4 peine mon mari,
et voila qu’il lui offre deux cadeaux ! »
Franchement, j’en ai été émue !
Fernand :

Isabelle: Alors, j’ai fait les comptes... Nous étions dix


a signer la carte. Le lecteur a cofité dix mille

166
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

francs. Donc, tu es le dernier 4 me devoir


mille francs’...

Fernand (sortant son portefeuille, manifestement mal a


l’aise et contrarié) : Mais, Isabelle, la pro-
chaine fois, tu pourrais quand méme étre plus
claire, que je n’achéte pas deux cadeaux...

Isabelle: | Oui, Fernand... Mais s’il faut commencer a


tout t’expliciter, ot allons-nous ? C’est quand
méme évident qu’en signant une carte d’an-
niversaire, tu participes au cadeau, n’est-ce
pas ? Bon, allez, n’en parlons plus ! Je te pro-
mets que je ne dirai rien de tout cela a
Vincent, parce que, s'il savait, le pauvre, il
serait trés décgu. Et sache qu’en tout cas, moi,
je ne t’en veux pas.

Voila le début de l’histoire avec laquelle nous allons


cheminer tout au long de cette deuxiéme étape.

Commencons par vérifier que nous sommes bien en


présence de jeux de pouvoir. Passons en revue les repéres
que nous avons mis a jour dans le premier chapitre...

Repére n° 1 : Isabelle fait pression sur Fernand


pour obtenir qu’il paye (« ne me dis pas que tu n’avais pas
compris » ou « tu es le dernier a me devoir mille francs »).
Fernand fait également pression sur Isabelle pour obtenir

1 Pour bien mesurer I’enjeu, considérez que cette somme est exprimée en francs
belges. Pour information, 1.000 BEF = 170 FRF = 40 CHF = 50 $CAD.

167
Relations et jeux de pouvoir

de ne pas payer (« la prochaine fois, tu pourrais quand


méme étre plus claire »).

Repére n° 2: Il y a une distorsion entre explicite et


implicite dans le discours d’ Isabelle (« Vincent était ravi du
cadeau qu’on lui a offert, tous ensemble. ») comme dans
celui de Fernand (« Mais, Isabelle, la prochaine fois, tu
pourrais... » au lieu de lui exprimer son désaccord et son
malaise).

Repére n° 3 : Nous pouvons observer une complici-


té circulaire ot! chacun renforce et alimente le jeu de
Pautre : « Mais, Isabelle, tu m’as quand méme vu arriver
avec mon bonsai » alimente le jeu de pouvoir de la flatte-
rie, mais l’argument de Fernand ne porte pas ses fruits et se
retourne contre lui: « Oui. Et j’ai vraiment été trés touchée
par ta générosité ! »

Repére n° 4 : Isabelle a le projet implicite que


Fernand ne refuse pas de payer. Fernand, celui qu’ Isabelle
abandonne ce projet...

Nous avons 1a un exemple classique de jeux de pou-


voir entre deux personnes. Isabelle met Fernand devant le
fait accompli, Fernand accepte le chantage affectif
d’ Isabelle et entre dans son jeu. Les jeux de pouvoir s’ exer-
cent de part et d’autre, mais, pour la clarté du raisonne-
ment, nous nous limiterons a l’analyse du comportement
de Fernand.

168
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

La question a se poser dans cette deuxiéme étape, je


vous le rappelle, est de savoir pourquoi il a agi comme
cela, autrement dit, pourquoi il sort son portefeuille alors
que rien ne l’y oblige objectivement. Revenons également
a notre hypothése de départ : s’il l’a fait, c’est qu’il en a
retiré un avantage. Alors, lequel ? Pour répondre, procé-
dons comme convenu — c’est-a-dire supposer qu’il pose le
comportement inverse —, et imaginons qu’il ne paie pas.
C’est la variante n° 1 de ’histoire...

Histoire n° 9 — Variante n° 1:
Fernand refuse de payer

fe:]
Isabelle: Alors, j’ai fait les comptes... Nous étions dix
a signer la carte. Le lecteur a cofité dix mille
francs. Donc, tu es le dernier 4 me devoir
mille francs...

Fernand (en colére) : Il n’en est pas question... Et puis


quoi encore ? Tu m’invites a |’ anniversaire de
ton mari que je ne connais méme pas. Tu n’es
pas foutue d’étre claire sur l’achat du cadeau
de ton mari. Et maintenant, tu me mets devant
le fait accompli... Non mais, pour qui me
prends-tu ?

Isabelle (menacante) : Ecoute bien, Fernand. Si notre ami-


tié vaut moins que mille francs, eh bien, fran-
chement, je ne perds pas grand-chose a ne
plus te fréquenter ! Et ne compte plus sur moi

169
Relations et jeux de pouvoir

pour écouter tes jérémiades quand tu seras


déprimé.~

Fernand (désemparé) : Mais Isabelle...

Isabelle: Il n’y a pas de « mais » qui tienne. Et je te


prierai d’en rester 1a ! Salut ! (Elle sort du
bureau en claquant la porte).

Voyons ce qui arrive a Fernand lorsqu’il modifie son


comportement initial (remarquez en passant qu'il a rem-
placé un comportement de pouvoir par un autre) et quel est
l’avantage qu’il perd par rapport a la version originale.

Ce qu'il récolte, c’est une confrontation avec


Isabelle. Et ce qu’il perd, c’est la relation. Ce qui voudrait
dire que son jeu de pouvoir initial (accepter de payer, c’est-
a-dire céder a la pression d’Isabelle, donc alimenter son jeu
de pouvoir a elle) lui procurait un bénéfice non négli-
geable : celui d’éviter la confrontation avec Isabelle, ce
qui, par conséquent, le mettait a l’abri d’un risque de rup-
ture. Et vous constaterez avec moi qu’il ne s’agit pas
nécessairement d’un risque fondé ou réel, car rien ne dit
que, dans la réalité, les choses se passeraient vraiment
comme dans cette premiére variante. Nous pouvons donc
poser I’hypothése que le premier bénéfice d’un jeu de pou-
voir serait donc d’éviter la confrontation avec l’autre.

L’hypothése que nous venons d’émettre a été établie


a partir d’un cas particulier... Vérifions maintenant si
celle-ci concerne tous les jeux de pouvoir, donc si elle peut
étre érigée en régle générale... La question a résoudre sera

170
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

donc la suivante : La mise en place d’un jeu de pouvoir


vise-t-elle toujours a éviter la confrontation ? Pour plus de
certitude, examinons les différents critéres qui permettent
de détecter la présence d’un jeu de pouvoir, en général...

En faisant pression sur |’ autre (repére n° 1) pour lui


faire faire ce que je veux sans qu’il s’en apercoive, je
cherche a obtenir quelque chose sans éveiller ses soupcons
ou sa résistance. Je me protége ainsi d’une confrontation
directe avec lui, confrontation qui pourrait étre provoquée
par le fait que je lui impose ouvertement ma volonté.

D’ailleurs, pour éviter cette confrontation directe,


jutilise le double message (repére n° 2), ot |’explicite et
Vimplicite ne sont pas en cohérence. Par exemple, quand
Fernand dit a Isabelle : « Mais, Isabelle, la prochaine fois,
tu pourrais quand méme étre plus claire, que je n’achéte
pas deux cadeaux... », il ne dit pas réellement ce qu’il
pense (« Tu me mets devant le fait accompli, tu me
coinces ») ni ce qu'il sent (« Je suis frustré, en coleére,
décu »). Quand Isabelle fait signer une carte a Fernand a
son arrivée, le samedi soir, elle ne lui dit pas ce qu’elle
fait... Dans aucun cas, ni Fernand ni Isabelle ne prend la
responsabilité de ce qu’il pense, ressent ou fait. Pourquoi ?
Quel est le bénéfice tiré de ces jeux de pouvoir ? Il est clair
que moins j’exprime ma réalité, moins je suis présent dans
la relation. Et moins je suis présent devant |’ autre, moins je
risque une confrontation avec lui. Donc, nous nous « ins-
crivons aux abonnés absents » dans la relation en croyant
que cela nous évitera des problémes.

171
Relations et jeux de pouvoir

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle tant de per-


sonnes utilisent des expressions telles que : « On n’est pas
faché d’arriver » (au lieu de « Je suis contente d’arri-
uver »), « Came géne un peu, tu sais » (au lieu de « Ca me
géne beaucoup »), « Quelgue part, moi, a ta place, je ne
dirais pas cela » (au lieu de « Je ne suis pas d’accord avec
ce que tu dis »), « A_la limite, je dirai que tu me mets
devant le fait accompli » (au lieu de « Je me sens mis
devant le fait accompli »). Vous pouvez vous amuser a en
repérer d’ autres qui procédent du méme principe (prendre
le moins possible la responsabilité de sa réalité) dans le
seul but d’éviter une confrontation trop directe avec
autre.

Dans ce sens, la complicité circulaire (repére n° 3)


est une belle illustration d’une attitude ot je ne prends pas
la responsabilité de ma réalité. En effet, en alimentant le
jeu de l’autre et en laissant l’autre alimenter mon propre
jeu, je donne mon pouvoir a |’autre et je recois le sien.
C’est, en quelque sorte, ce que |’on appelle communément
un « échange de bons procédés ». Dans ces conditions,
devant tant de « bonne volonté » de part et d’ autre, com-
ment imaginer encore une confrontation ?

Méme remarque également a propos du projet ou de


’attente implicites (repére n° 4). Si j’explicite mon projet
ou mon attente a |’autre, je risque (c’est du moins ce que je
crois) un refus de sa part. Je crains de ne pas pouvoir réa-
liser les choses comme je le veux, parce que je lui donne la
possibilité de dire « non » 4 mon projet. Tandis qu’en ne

172
i
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

faisant aucune demande, au moins, je ne cours pas le risque


pas d’étre contré. Le bénéfice que j’en retire est donc de ne
pas étre confronté au refus de l’autre... Méme si l’incon-
venient est que j’obtiens rarement ce que j’attends, puisque
je ne l’ai pas exprimé clairement.

Quel bénéfice pourrais-je retirer de la dépendance


réciproque (repére n° 5) générée par les jeux de pouvoir ?
A nouveau, ma croyance est la suivante : plus je suis
dépendant de quelqu’un, plus je lui suis proche ; et plus
j en suis proche, moins il peut exister de conflit et de ten-
sion entre nous. D’autant plus que si je suis dépendant de
Vautre, l’autre est également dépendant de moi, a un autre
niveau. En outre, en situation de dépendance, on a intérét a
éviter le conflit avec celui (celle) dont on dépend. Donc, la
dépendance semble un excellent remede a la confronta-
tion...

Si nous reprenons l’histoire initiale vécue par


Fernand, nous comprenons tout de suite que payer alors
que rien ne l’y oblige est un comportement inadapté
(repére n° 6) a la satisfaction de son besoin de respect. Ce
qui veut dire que Fernand préfere se frustrer, ne pas se res-
pecter au niveau de ses besoins plutét que d’étre confronté
a la colére ou a la déception d’Isabelle. [1 est évident que
|’ avantage de ce choix inconscient se fera sentir pendant un
temps, mais qu’a long terme, cela risque de se retourner
contre lui (frustration, ressentiment), ou nuire a la rela-
tion...

173
Relations et jeux de pouvoir

Mais puisqu’il paie sans broncher, nous pouvons


aisément imaginer que Fernand’ s’est forgé une réputation
de « bonne poire » depuis pas mal d’années. En répétant
(repére n° 7) le méme scénario, son entourage finit par
connaitre par coeur son éventail de réactions. S’il changeait
d’attitude d’une fois 4 l’autre, cela provoquerait certaine-
ment des réactions de la part des gens qui |’entourent (ils
seraient perdus, désorientés). Ainsi, le caractére répétitif
est également avantageux en ce sens qu’il permet d’éviter
des confrontations.

La conclusion de tout cela est que le premier bénéfice


secondaire de tout jeu de pouvoir est d’éviter la confronta-
tion avec la réalité de I’ autre par peur de la rupture ! Ce qui
voudrait dire que derriére beaucoup de jeux de pouvoir, il y
a une peur : la peur de perdre la relation, d’étre abandonné,
d’étre rejeté, de découvrir que |’autre est différent de moi,
de me retrouver seul...

J’évite la Je risque J'ai


confrontation de perdre peur

Vous devinez immédiatement d’ou vient cette peur...


Il ne faut pas avoir fait dix ans de psychanalyse pour se
rendre compte que cela doit étre la peur que vivent tous les

174
a
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

bébés a la naissance. En effet, 4 ce moment de votre exis-


tence, que signifiait pour vous la perte de la relation ? Que
signifiait étre abandonné ?

Cela signifiait, purement et simplement, la mort...


La mort physique, réelle, car, 4 ce moment-la, vous étiez
complétement dépendant de la personne qui s’occupait de
vous. Il a suffi que, quelquefois, celle-ci ne vienne pas
immédiatement vous chercher lorsque vous pleuriez de
faim pour qu’une angoisse énorme vous envahisse : « Je
suis abandonné, je vais mourir »... .

Vu de l’extérieur, cela n’a l’air de rien. Mais ces


moments ont été tellement angoissants qu’ils ont laissé
chez la plupart d’entre nous des traces et des séquelles
inconscientes. Et aujourd’hui, alors que notre corps nous
prouve a tout instant que nous sommes adultes, notre struc-
ture inconsciente nous pousse continuellement a agir
comme si nous étions encore bébés. Vous savez comme
moi qu’un bébé, pour satisfaire ses besoins, est obligé de
faire pression par ses pleurs et par ses cris, de communi-
quer de maniére implicite (puisqu’il n’est pas encore doué
de parole), d’étre dans la dépendance d’autrui et de se
répéter encore et toujours, jusqu’a obtenir satisfaction...
Chez le nouveau-né, il est tout a fait naturel, vital et adap-
té d’agir de la sorte. Dans le cas d’un adulte doté d’ autres
moyens pour communiquer et satisfaire ses besoins fonda-
mentaux, adopter la méme stratégie n’est ni adapté, ni effi-
cace.

175
Relations et jeux de pouvoir

176
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Ce n’est pas adapté, parce que |’adulte répéte un


comportement qui, autrefois, était adéquat, mais ne |’est
plus. Il ne tient done pas compte du fait que sa réalité a
évolué depuis sa naissance. Les psychologues appellent
une névrose la répétition d’un ancien comportement sans
tenir compte des changements survenus... Nous y revien-
drons plus tard.

Ce n’est pas efficace, car nous venons de découvrir


que la plupart des jeux de pouvoir ont pour but d’éviter la
confrontation par peur de la rupture relationnelle. Or, tout au
long du premier chapitre, vous avez observé que, trés sou-
vent, le résultat a long terme des jeux de pouvoir se traduit
justement par des confrontations ou des ruptures... Cela
peut tout simplement s’expliquer par le fait qu’il y a, dans
les jeux de pouvoir, le projet implicite permanent que |’ autre
ne m’abandonne pas. La présence de ce projet va créer une
pression permanente qui, ressentie par |’ autre, le mettra mal
a l’aise, donc sur la défensive. D’ou, trés vite, apparition
d’une confrontation. Pour vous en convaincre, relisez
l’aventure entre Marcel et Caroline’, a la sortie du cinéma...

Quels enseignements tirez-vous de cette pre-


miére découverte ? Je vous suggére de
reprendre des jeux de pouvoir que vous avez

1. Histoire n° 3 : La sortie du cinéma.

177
Relations et jeux de pouvoir

e
|

vécus (au travail, ala maison, avec les enfants,


avec des amis), des situations ou vous vous
étes senti mal a l’aise et dont vous n’étes pas
parvenu a sortir... Essayez de reprendre
contact avec ce que vous ressentiez a ce
moment-la...

<<

Quel était le bénéfice que vous avez retiré de


votre comportement ? Que cherchiez-vous a
éviter ? Que craigniez-vous ?

Prenez le temps d’examiner cela, car cela vous — 2.

sera trés utile quand nous rechercherons, = R14


Pap fe ga étape, les moyens de sor-
officacement des jeux de Haecle relation-
“2 f _ Mat eer i Be { a . ' . :
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

Decouverte n° 2
La peur de se découvrir

Je vous avais dit que l’inconscient, c’est comme un


oignon : il posséde plusieurs couches. La premiére couche
concernait la peur de perdre la relation. Poussons plus loin
notre investigation et voyons ce qui se cache sous cette peur...

Pour cela, nous allons reprendre |’histoire d’ Isabelle


et Fernand 1a ot nous |’ avions laissée. Notre raisonnement,
jusqu ici, a été le suivant :

1. Nous nous sommes demandé quel était le pre-


mier bénéfice inconscient que Fernand retirait de son jeu
de pouvoir — jeu qui consistait, je vous le rappelle, a payer
alors que rien ne l’y obligeait...
2. Pour faire apparaitre le bénéfice, nous avons sup-
posé que Fernand ferait |’inverse de ce qu’il avait fait. Nous
avons remarqué au passage que |’inverse d’un jeu de pouvoir
est encore souvent un jeu de pouvoir (quand la victime devient
persécuteur, son pouvoir change simplement d’apparence)...
3. Nous avons observé, dans la variante n° 1, qu’en
inversant son comportement, il provoquait une confronta-
tion avec sa collégue.

179
Relations et jeux de pouvoir

4. Nous en avons déduit que le jeu de pouvoir ini-


tial de Fernand avait pour but*d’éviter une confrontation
avec Isabelle.
5. En évitant une confrontation avec Isabelle,
nous avons vu qu’il se protégeait de la peur de la rup-
ture.
6. Enfin, nous avons vérifié, non plus a partir d’un
exemple, mais sur base des critéres communs a tous les
jeux de pouvoir, que beaucoup de jeux de pouvoir sont
mis en place pour éviter la confrontation avec |’ autre, par
peur de perdre la relation et d’étre abandonné.

A nouveau, nous allons appliquer le méme processus


en imaginant une variante de la variante n° 1. Nous allons
donc supposer que ce qui s’est passé initialement, c’est la
variante n° 1, avec la rébellion de Fernand et la déclaration
de rupture d’ Isabelle.

Dans cette histoire, Fernand avait agressé Isabelle, il


n’avait pas vraiment dialogué avec elle. Le ton et les argu-
ments qu’il a employés montraient d’ ailleurs qu’il n’ avait
nullement l’intention d’écouter son point de vue. Nous
allons donc imaginer que, cette fois, il accepte la confron-
tation, mais avec une volonté de |’écouter. Il n’en reste
donc pas 1a.

L’objectif de cet exercice sera de découvrir la peur


plus profonde qui pourrait se cacher derriére la peur de la
confrontation avec l’autre. Examinons tout d’abord cette
question a partir d’un cas particulier. Pour ce faire, imagi-

180
e
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

nons que Fernand accepte la confrontation avec Isabelle.


Ce sera la variante n° 2'...

Histoire n° 9 — Variante n° 2:
Fernand accepte la confrontation avec Isabelle

Fernand (entrant dans le bureau d’Isabelle, quelques minutes


plus tard) : Isabelle, je voudrais te parler...

Isabelle (agacée) : Fernand, je t’ai demandé d’en rester 1a.


J’aimerais que tu respectes au moins cela...
Puisque c’est déja trop de te demander de
participer a un cadeau collectif...

Fernand (ferme) : Je sais, Isabelle, que tu m’as prié d’en


rester 1a. Mais moi, je ne suis pas d’ accord, ¢a
ne me convient pas.

Isabelle: Et tu crois que ton attitude me convient ?


C’est vrai que je n’ai pas été tout a fait claire.
Mais toi, Fernand, est-ce que tu m’as deman-
dé quelque chose quand je t’ai fait signer la
carte en te disant (maintenant, je m’en sou-
viens) : « C’est pour le cadeau de Vincent » ?

Fernand: Non, mais je n’imaginais pas que ¢a m’impli-


querait...

Isabelle: | Et quand Vincent est venu te remercier pour


tes « deux cadeaux », en te disant qu’il était

1 Cette variante fait suite 4 la variante n° 1.

181
Relations et jeux de pouvoir

trés heureux que sa femme ait des collégues


comme toi, que lui as-tu répondu ?

Fernand: Que ce n’était rien. Mais, tu sais, j’ai dit ca”


comme ¢a, sans y préter attention. Tu me
connais...

Isabelle: | Qu’aurais-tu pensé, si tu avais été a ma place,


en voyant un tel comportement chez toi ?

Fernand: Je n’en sais rien. Moi, en tout cas, je n’étais


pas d’accord de payer !

Isabelle: | Ainsi donc, tu avais quand méme compris !

Fernand: Non, ce n’est pas ce que je veux dire !

Intéressant comme retournement de situation, n’est-


ce pas ? Fernand n’était pas aussi innocent qu’il le laissait
Croires.:

Maintenant que nous connaissons la suite du dia-


logue, posons-nous la méme question que pour la variante
n° | : Qu’arrive-t-il 4 Fernand quand il fait l’inverse de ce
qu’il faisait, c’est-a-dire quand il passe d’ une confrontation
agressive a une confrontation avec écoute ? Que perd-il
comme avantage par rapport a la situation précédente ?

En acceptant d’aller voir Isabelle et de lui dire ce qui


ne lui convenait pas, Fernand lui a permis de dire égale-
ment ce qui ne lui convenait pas 4 elle. En trois répliques
assorties de faits et de questions directes, elle a renvoyé
Fernand a ses propres incohérences. Le voici donc non

182
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

plus tellement confronté 4 l’autre, mais bien a lui-méme,


avec, en sus, le risque que ses propres incohérences soient
révélées au grand jour. En agressant Isabelle, Fernand a de
grandes chances de récolter une de ces trois réactions de sa
part : la lutte, inhibition ou la fuite'. En effet :

— Soit Isabelle agresse a son tour, ce qui a pour


conséquence que toute l’énergie investie est dépensée dans
le conflit avec l’autre. II n’y a donc pas de place pour I’in-
trospection, puisque |’attention de chacun est focalisée sur
V’extérieur.

— Soit elle encaisse sans mot dire, et Fernand évite


une fois encore d’étre confronté a lui-méme. I] n’a aucun
retour de la part de son interlocuteur et son attention est
focalisée sur |’ autre.

— Soit elle fuit en claquant la porte, en détournant


la conversation, en feignant de ne pas entendre ou en tour-
nant tout a la dérision, ce qui a pour effet de dispenser
Fernand de toute remise en question. L’absence symbo-
lique ou physique d’Isabelle le conforte dans ses posi-
tions.

D’aprés cet exemple, on pourrait dire que le jeu de


pouvoir qui consiste 4 agresser l’autre procure a Fernand
l’avantage de ne pas étre confronté et de ne pas étre

1 Ces trois réactions ont été identifiées par Henri Laborit, dans L’inhibition
de l’action : biologie comportementale et physiopathologie [25].

183
Relations et jeux de pouvoir

renvoyé a lui-méme, car, comme nous |’avons vu dans la


variante n° 2, le risque qu’il court est d’étre mis face a ses
incohérences et a ses lachetés relationnelles...

En résumé, le deuxiéme bénéfice d’un jeu de pou-


voir serait donc d’éviter la confrontation avec soi-
méme.

Mais il est imprudent de tirer une conclusion défini-


tive a partir d’une seule observation. Nous allons donc
nous assurer que, dans tout jeu de pouvoir, il y a une volon-
té d’éviter la confrontation avec soi-méme. Nous allons
donc passer en revue les sept criteéres de définition d’un jeu
de pouvoir et vérifier notre hypothése avant de |’ériger en
principe général...

En quoi faire pression sur |’autre (repére n° 1)


m’évite d’étre confronté 4 moi-méme ? La réponse est
Claire : faire pression sur quelqu’un, c’est diriger toute ma
force contre lui, mais aussi vers lui. Mon attention étant
détournée de moi-méme vers |’autre, je n’ai donc pas a
regarder ce qui se passe chez moi, ce qui m’évite peut-étre
des surprises désagréables...

En quoi la distorsion entre mes messages explicite


et implicite (repére n° 2) m’évite d’étre confronté 4 moi-
méme ? Si vous vous en souvenez, la plupart du temps, cette
distorsion vient du fait que nous ne sommes méme pas
conscients de ce qui se passe en nous. Nos attentes, nos
€motions, nos besoins sont souvent implicites, simplement

184
= e a 7 a et
Etape n°
osetia 5
2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux
: .
de pouvoir

parce que nous ne sommes pas en contact avec cette dimen-


sion de nous-mémes. Cette « anesthésie » me confére
l’avantage de n’étre ni confronté, ni renvoyé 4 moi-méme...

En résumé, |’inconscience de |’implicite me permet


de nier qu'il existe. Je ne suis donc plus confronté a la
contradiction entre explicite et implicite, ce qui m’évite
toute remise en question de moi-méme.

En quoi la complicité circulaire (repére n° 3) m’évite


d’étre confronté a moi-méme ? En fait, si vous vous souve-
nez que la complicité circulaire revient 4 donner 4 |’ autre
la faculté d’avoir du pouvoir sur moi (et il va de soi que
autre me donne la méme faculté), aucun des deux ne
prend la responsabilité de ce qui lui arrive. Ce sera néces-
sairement la « faute de I’autre »... Et rejeter la responsabi-
lité sur l’autre est la meilleure fagon de ne pas devoir
reconnaitre ma propre responsabilité...

En quoi le fait d’avoir un projet implicite sur I’ autre


ou une attente implicite par rapport a lui (repere n° 4)
m’évite d’étre confronté 4 moi-méme ? En plus de tout ce
qui a été dit 4 propos des repéres n 2 et 3 — que l’on
retrouve dans la notion de projet implicite —, vous pouvez
remarquer que cette quatriéme caractéristique des jeux de
pouvoir focalise toute la tension vers l’autre. J’attends que
l'autre agisse comme je voudrais qu’il agisse, mais sans le
lui avoir dit explicitement. D’ailleurs, la plupart du temps,
je ne suis méme pas conscient que je suis en attente.

185
Relations et jeux de pouvoir

Aussi inconsciente que soit mon attente, je me


trouve dans une position de dépendance par rapport a
l’autre (repére n° 5)... Toute mon énergie étant mobilisée
par le contrdle que j’essaye d’avoir sur |’ autre, je perds le
contréle de ce qui se passe en moi...

On pourrait faire le méme exercice avec les deux


derniers repéres, mais je pense que vous avez compris la
logique. Le caractére inadapté (repére n° 6) de mes com-
portements m’empéchant d’étre en contact avec mes
propres besoins, je n’ai donc pas de contact avec moi-
méme... Quant a l’aspect répétitif de mes comportements
(repére n° 7), il me confine dans un univers connu que je
reproduis sans arrét, ce qui m’évite d’étre confronté 4 ma
véritable réalité qui, elle, change en permanence...

Nous pouvons donc maintenant conclure que tout


jeu de pouvoir — quel qu’il soit — m/’évite d’étre
confronté 4 moi-méme.

Mais ce n’est pas le tout de savoir cela... Quelle peur et


quel risque me poussent a éviter cette confrontation avec moi-
méme. Si vous vous référez 4 l’histoire de Fernand, vous
constaterez qu’en étant mis face a lui-méme, il court le risque
de découvrir qui il est vraiment, avec ses incohérences, ses
désirs de contréle, ses émotions, ses faiblesses, ses lachetés,
ses besoins, son caractére changeant... Et, 4 cause de cette
découverte, il se pourrait que toutes les images que Fernand
avait de lui-méme s’effondrent parce qu’il serait obligé d’ac-
cepter qu’elles ne sont pas conformes 4 la réalité...

186
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Ayant travaillé tant sur un exemple particulier


("histoire de Fernand) que sur les jeux de pouvoir en
général, nous pouvons conclure que repousser la confron-
tation avec l’autre m’évite d’étre confronté 4 moi-méme
et, ainsi, m’évite de devoir regarder mes défauts et mes
carences en face. Pour utiliser une formulation plus géné-
rale, nous dirons que :

Mes jeux de pouvoir me protégent de la peur de


perdre l’identité que je me suis forgée et de me décou-
vrir tel que je suis.

J’évite la Je risque
confrontation de perdre

avec moi-méme l'image de moi de me découvrir

Combien de fois, dans notre vie, n’avons-nous


pas mis en place des stratagémes (conscients
ou inconscients) pour que l’autre ne découvre
pas ce qu’était notre réalité ad ce moment-la,
mais surtout pour que nous-mémes, nous
n’ayons pas a soutenir le reflet que la vie nous
renvoyait de nos ombres et de nos obscurités ?

187
Relations et jeux de pouvoir

188 eid oes


Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Nous venons ainsi de découvrir une origine


encore plus inconsciente des jeux de pouvoir...
D’ou vient cette peur de se découvrir tel qu’on
est ? Nous le comprendrons dés que nous
aurons exploré la troisiéme couche de notre
inconscient qui, décidément, n’a pas fini de
nous dévoiler des surprises...

Mais avant cela, je voudrais vous suggérer de


reprendre certains comportements que vous
avez identifiés en lisant cette section et de vous
poser la question suivante : Quel(s) aspect(s)
de vous-méme ne vouliez-vous pas voir ou
découvrir, a ce moment-la ? Quel(s) avantage(s)
en avez-vous retiré(s) ?

Et quels enseignements tirez-vous du lien que


nous venons de découvrir entre le pouvoir et
l’évitement de la confrontation avec soi-
méme ?

189
Relations et jeux de pouvoir

|
wp mah aorta beth, sate thoupbate
oo $9 Aging. ahiriure
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Decouverte n° 3
La peur du changement

Nous avons déja exploré deux couches importantes


de la structure inconsciente commune 4a la plupart des indi-
vidus. Car, méme si les histoires de chacun sont différentes
et toujours uniques, la maniére dont elles ont structuré
notre psyché est assez semblable... Et beaucoup d’entre
nous dépensent une énergie colossale a lutter contre I’ an-
goisse d’étre abandonné par |’autre ou de découvrir des
parties de nous-mémes que nous n’avons pas spécialement
envie de voir...

A elles deux, ces peurs constituent une part trés


importante dans l’apparition des jeux de pouvoir relation-
nels. A ce stade-ci, vous comprenez déja un peu mieux
pourquoi nous sommes poussés, malgré nous, a agir avec
notre entourage de maniére aussi inadaptée. L’angoisse
inconsciente de perdre la relation (découverte n° 1) ou
celle de perdre notre identité (découverte n° 2) sont telles
qu’ elles priment sur notre souci d’efficacité relationnelle et
sur notre volonté de respect réciproque. Et cela d’autant
plus que le stress (interne ou externe) est intense !

191
Relations et jeux de pouvoir

Ce stress peut avoir beaucoup d’ origines différentes :


conflits, pression du temps, morale contraignante, inter-
dits, enjeux matériels ou relationnels importants, regles
floues, absence de repéres, peurs, dangers, frustrations
intenses, etc. Dans ces circonstances, un instinct de survie
se met en place et réactive les peurs et les angoisses
latentes en chaque homme... Et le choix de nos « ré-
actions » est guidé par cet instinct plut6t que par le
souci d’adapter notre réponse a notre environnement.
Ceci explique encore mieux pourquoi la plupart de nos
jeux de pouvoir sont inadaptés a la réalité... Mais ce n’est
pas tout. En effet, vous pourriez, si vous faites montre d’un
minimum de perspicacité, vous demander quelle est I’ ori-
gine de ces deux premiéres peurs... Ce sera l’ objet de notre
troisiéme exploration.

A présent, vous en connaissez le principe : repartir de


la variante n° 2, identifier, chez Fernand, un jeu de pouvoir
qui lui a permis d’échapper a la confrontation 4 lui-
méme et faire l"hypothése du comportement inverse pour
voir apparaitre le troisitme bénéfice caché de sa straté-
Siew

Dans la variante n° 2, en résistant aux arguments


d’Isabelle, l’attitude de Fernand a été celle du « oui,
mais ». Le « oui, mais » est aussi une belle forme de jeu de e
pouvoir dans la mesure ov il dit explicitement « oui »
(comme s’il était d’accord), alors qu’implicitement, il dit
« non ». De plus, c’est une certaine forme de dépendance
dans le sens ov il ne construit pas son discours a partir de

192
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

lui, mais en référence 4 la position de I’ autre. Son attention


est, une fois de plus, focalisée sur Isabelle, et non sur lui.

Par conséquent, nous allons supposer que non seule-


ment Fernand ne sort pas son portefeuille (hypothése de la
variante n° 1), que non seulement il accepte la confronta-
tion avec Isabelle (hypothése de la variante n° 2), mais
aussi avec lui-méme. II ne va donc plus résister aux argu-
ments et se regardera en face. Ce sera l’hypothése de base
de la variante n° 3 de l’histoire passionnée d’Isabelle et
Fernand’. Installez-vous ! Le spectacle continue...

Histoire n° 9 — Variante n° 3:
Fernand accepte d’étre confronté a lui-méme

ise]
Isabelle: Et tu crois que ton attitude me convient ?
C’est vrai que je n’ai pas été tout a fait claire.
Mais toi, Fernand, est-ce que tu m’as deman-
dé quelque chose quand je t’ai fait signer la
carte en te disant (maintenant, je m’en sou-
viens) : « C’est pour le cadeau de Vincent » ?

Fernand: Non, Isabelle, je ne t’ai rien demandé...

Isabelle: | Et quand Vincent est venu te remercier pour


tes « deux cadeaux », en te disant qu’il était.
trés heureux que sa femme ait des collégues
comme toi, que lui as-tu répondu ?

1 WLhistoire reprend au milieu de la variante n° 2 et en modifie la fin.

193
Relations et jeux de pouvoir

Fernand: Que cen était rien et que comme cela, il pen-


serait deux fois plus a moi qu’aux autres...

Isabelle: Alors, quand tu me dis que tu ne veux pas me


payer, moi, je ne comprends plus rien a ton atti-
tude... Es-tu au moins conscient de tout cela ?

Fernand: A présent, oui... Mais pas sur le moment.

Isabelle (sur un ton plus calme) : Mais alors, que s’est-il


passé, samedi ? Et ce matin ?

Fernand: Je n’ai pas eu le courage de te demander ce


que signifiait cette carte pour le cadeau d’an-
niversaire... Voila tout.

Isabelle : | Pourquoi donc ?

Fernand: Parce que si tu m’avais répondu : « C’est pour


offrir un cadeau collectif 4 Vincent », je sais
que je n’aurais pas osé refuser de signet...
C’est idiot, hein ? Mais mon amour-propre en
aurait pris un coup. Et puis, qu’est-ce que les
autres auraient pensé de moi ? Alors, j’ai
signé...

Isabelle: Malgré que tu n’étais pas d’accord ?

Fernand: Effectivement... Et ce qui me mettait trés mal


a l’aise n’était pas une question d’argent,
mais le principe de me sentir pris au piége.

Isabelle: | Et comment espérais-tu en sortir ?

Fernand: J’espérais que tu oublies... Ou que tu com-


prennes par toi-méme mon malaise et que tu ne

194
Etape n° : Comprendre |’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

viennes pas me réclamer l’argent... En bref,


jespérais que le temps fasse son ceuvre...

Isabelle : C’est ce que tu espérais ?

Fernand : C’est normal, non ? En tout cas, c’est la


moindre des délicatesses.

Isabelle : Tu as une dréle de conception de la délica-


tesse. Je ne trouve pas cela normal du tout.

Fernand : Pourtant, Isabelle, c’est comme cela que ma


mére a toujours agi avec moi. Quand je lui
devais de l’argent et qu’elle me savait dans
l’embarras, elle faisait semblant d’oublier...
Ca, au moins, c’était avoir de la psychologie.

Isabelle : Malheureusement, je ne suis pas ta mere...

Fernand : Mais mon ex-femme a toujours agi comme


cela vis-a-vis de moi, elle aussi. Et au
moment de la séparation, elle m’a tout laissé,
car j’étais sans emploi a cette €poque.

Tsabelle : Eh bien, mon petit Fernand, c’est fini, ce


temps-la...

Eh oui, certaines illusions ont la vie dure avant de


disparaitre. D’autant plus dure qu’elles sont partiellement
inconscientes chez celui (celle) qui les nourrit ou les _
entretient... Ceci dit, je reviens 4 mes moutons et vous
repose la méme question : Qu’est-ce que Fernand perd
comme avantage lorsqu’il cesse de résister aux arguments
de l’autre et qu’il accepte la confrontation avec lui-

195
Relations et jeux de pouvoir

méme ? Qu’est-ce qui a changé par rapport a la variante


Tee!

Vous remarquez qu’au fur et 4 mesure qu’il accepte


la confrontation avec lui-méme, il se met (et est mis) face
a ses comportements objectifs. Il n’a plus la possibilité de
se mentir ni d’échapper a sa réalité, telle qu’elle est. Et ici,
ce qui constitue sa réalité, ce sont — entre autres — ses
croyances' et sa vision du monde... Examinons-les, sur
base du dialogue ci-dessus.

Sa premiére croyance engendre certainement sa


peur de refuser. Nous retrouvons 1a, exprimée d’une autre
maniere, la peur de la confrontation avec |’ autre, au travers
du regard et du jugement qu’il pourrait poser sur nous,
avec un risque possible de rupture relationnelle... Les
croyances de Fernand sont donc : « Je ne peux pas dire
non » et aussi « Je dois répondre aux attentes que les autres
ont vis-a-vis de moi », ces attentes étant qu’il obéisse
(accepter de signer et de payer), qu’il soit convenable (ne
pas faire d’esclandre), qu’il ne dérange pas...

Fernand a une autre croyance qui semble trés


ancrée chez lui : « Quand j’ai une dette vis-a-vis de quel-
qu’un, et que celle-ci me met dans la difficulté, ceux qui
m’aiment me comprennent sans que j’aie a parler ou a
demander, et ils effacent ma dette... » Cela pourrait s’ ap-
peler la position de la victime attendant d’étre sauvée...

1 Une croyance est la généralisation d’une expérience particuliére.

196

E
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Et, jusqu’a présent, la réalité extérieure a renforcé sa


croyance (Fernand cite sa mére et son ex-femme). Vous
comprenez immédiatement, je suppose, que les relations
entre Fernand et sa mére ou son ex-femme sont des jeux
de pouvoir ou chacun est complice des piéges relation-
nels dans lesquels il est enfermé. Fernand ayant comme
attente implicite qu’on vienne le sauver en annulant tous
les effets pénibles et douloureux de la réalité extérieure et
matérielle... Sa mére ou son ex-femme ayant comme
projet implicite de ne pas le décevoir, de ne pas le faire
souffrir, de ne pas apparaitre méchantes ou cruelles...
L’attente de Fernand alimente les projets des deux
femmes qui, a leur tour, renforcent chez lui la croyance
que son attente implicite est légitime, et ainsi de suite.

Fernand espére donc qu’avec Isabelle’, les choses se


passent de la méme facgon. I] espére, implicitement et
inconsciemment, qu’ apres la soirée du samedi, elle com-
prenne et passe l’éponge. Malheureusement, il n’en est
rien, et Isabelle, au lieu de le protéger du contact avec la
« dure réalité », choisit un comportement qui, justement,
renvoie Fernand a lui-méme et a ses incohérences...

C’est au moment ou il accepte la confrontation a


lui-méme, tel qu’il est, que Fernand découvre que le
monde ne correspond pas nécessairement a ses attentes ou
A ses projets... Et, par la méme occasion, il découvre bru-

1 Notez au passage qu’Isabelle est également une femme qui compte pour
Fernand, puisqu’elle est sa confidente.

197
Relations et jeux de pouvoir

talement qu’il ne contréle pas toujours le monde qui


l’entoure.

Dans l’hypothése de la variante n° 3, quand Fernand


accepte d’étre confronté a |’ autre et 4 lui-méme, nous consta-
tons qu’il est également confronté au fait qu’il ne peut pas
controler la réalité et les autres comme il le voudrait. Il prend
ainsi conscience de ce que je pourrais appeler la résistance de
la matiére ou encore du principe de réalité. Fernand est
confronté au monde extérieur et a ses lois (économiques, phy-
siques, sociales, relationnelles, etc), alors que, jusqu’alors, il
avait surtout rencontré des gens dont la bonne intention était
d’adoucir sa confrontation avec le monde, jouant en quelque
sorte le role de tampons entre lui et le réel objectif...

C’est ainsi qu’agissent beaucoup de méres 4a |’égard de


leurs enfants, en les protégeant de la dure réalité de la vie.
Remarquez d’ ailleurs que ce comportement est adapté dans un
premier temps, car |’enfant est incapable de se défendre... Et
il est bon qu’au début de la vie de l’enfant, le monde extérieur
se réduise, de son point de vue, 4 quelques personnes qu’il
connait et qui le protégent. D’ot la tendance qu’a |’enfant de
croire qu’il peut contrdler le monde, puisque le monde, a ce
moment, se résume 4 quelques personnes qui acceptent son
contréle. Le probléme vient, une fois encore, de la répétition
de cette situation et de son prolongement bien au-dela de |’ Age
auquel l'enfant a besoin d’étre pris en charge’... Peut-étre
cette situation est-elle également due a l’absence des péres.

1 Si votre maman est encore en vie, ne la surprenez-vous pas quelquefois a


vous dire : « Couvre-toi, tu vas avoir froid », « Sois prudent », « Fais atten-
tion » ?

198
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Car si le role symbolique de I’ aspect maternel (aussi bien chez


la mere que le pére) est de protéger l’enfant, celui de |’ aspect
paternel (chez la mére comme chez le pére) est de l’envoyer
dans le monde et de |’initier ses lois, pour que |’ enfant crée
les conditions de son autonomie et de sa survie... Fernand a
donc manqué (comme la plupart d’entre nous) de la dimen-
sion paternelle dans son éducation pour oser affronter le
monde’...

Cette réflexion importante mérite sans doute que


vous vous y arrétiez quelques instants, histoire
de faire le point sur votre propre vie... Quel type
d’éducation avez-vous recu ? Vos parents vous
ont-ils plut6t protégé du monde ou vous ont-ils
appris a aller dans le monde tout en respectant
ses lois ? Comment vous comportez-vous vous-
méme en tant qu’éducateur de vos enfants ou de
ceux des autres ? Comment, si vous avez des col-
laborateurs qui travaillent pour vous, agissez-
vous envers eux ?

1 Lire a ce sujet l’excellent ouvrage de Guy Corneau, Pére manquant, fils


manqué [07].

199
Relations et jeux de pouvoir

Bien. Revenons aFernand et 4 toute notre réflexion


sur l’avantage caché derriére son jeu de pouvoir consistant
a éviter la confrontation avec lui-méme... Nous avons vu
qu’en acceptant d’étre confronté a lui-méme, ses croyances
se trouvaient remises en question et fortement relativisées.
De la sorte, Fernand a découvert qu’il ne pouvait plus
imposer sa croyance au monde extérieur. Autrement dit, le
monde ne se laisse plus contr6ler comme Fernand pouvait
le croire ou l’espérer auparavant. Nous pouvons donc
supposer que le troisiéme bénéfice d’un jeu de pouvoir
serait d’éviter la confrontation avec la réalité exté-
rieure pour continuer 4 croire que l’on peut contrdler le
monde...

Conclusion encore provisoire, puisque déduite d’un


seul cas particulier... Comme d’habitude, examinons-la
d’un point de vue général, et voyons si elle se vérifie 4 pro-
pos de n’importe quel jeu de pouvoir... Dans le méme
temps, il sera intéressant de s’interroger sur la peur qui se
trouve derriére ce désir d’échapper 4 la réalité...

Pour une raison méthodologique, je vous propose de


passer en revue les différents critéres de repérage, mais
dans l’ordre inverse...

Lorsque je répéte toujours le méme comportement


(repére n° 7), en quoi cela m’évite-t-il d’étre confronté au
monde extérieur ? Et en quoi cela me donne-t-il l’impres-
sion que je peux contréler le monde ?
a

200
~ : °4n.n — + > Ager
Etape n° 2 :
« *
Comprendre Il’ origine inconscient :
e des jeux de pouvoir
:

Si vous avez bien compris le raisonnement, il est évi-


dent qu’en répétant le méme comportement 4 longueur
d’année, j’agis comme si la réalité extérieure n’existait pas,
puisque c’est moi qui la crée. Quoi qu’il arrive a l’exté-
rieur, je reste identique 4 moi-méme... Donc, le réel
n’existe pas, il n’a pas d’influence sur moi... Si, en plus,
jimplique d’ autres personnes de mon entourage dans cette
répétition, et que cela marche au moins 4a court terme (par
exemple, je suis une pauvre victime au secours de laquelle
les autres doivent tout le temps accourir), j’ai l’impression
de pouvoir tout contréler... Pourquoi ? Par peur du chan-
gement qui me ferait perdre le contréle. Car si le monde est
en perpétuel changement, si des éléments nouveaux appa-
raissent a tout moment, il m’est impossible d’encore
contréler quoi que ce soit. Par contre, si je parviens a
reproduire des situations connues (qui font partie de ma
propre histoire), j’ai également les moyens de contr6ler la
situation. Cela peut étre vérifié avec les autres critéres.

En quoi le fait de poser des comportements inadaptés


(repére n° 6) m’évite d’étre confronté au monde extérieur et
me permet de garder le contrdle sur mon environnement ?

Cette question est presque une lapalissade, puisque


la notion méme d’inadaptation renvoie a la déconnexion
par rapport a la réalité. Celle-ci découle en effet de ce que
nous répétons toujours les mémes situations (du moins,
nous essayons). Pour ce faire, il ne faut surtout pas tenir
compte de la réalité qui nous entoure. De plus, notre
inadaptation peut trés souvent dérouter et désargonner

201
Relations et jeux de pouvoir

notre entourage, ce quit nous permet de le maintenir sous


controle !

En ce qui concerne les autres criteres, nous pouvons


refaire la méme démonstration que celle que nous avons
faite pour la premiére découverte — l’évitement de la
confrontation a l’autre par peur de perdre la relation —, si
ce n’est qu’ici, nous remplacerons |’ autre par le monde exté-
rieur... Et selon les mémes schémas, je fais pression sur le
monde, je joue avec lui un double jeu (implicite-explicite),
je lui donne de maniére complice le pouvoir d’avoir du
pouvoir sur moi, j’ai des projets et des attentes implicites
par rapport a lui, je me mets sous sa dépendance.

Comment cela se manifeste-t-il ? En général, j’agis


comme si mes actes posés dans la réalité ne pouvaient
avoir aucune conséquence sur moi... C’est ainsi que pas
mal de personnes vivent au-dessus de leurs moyens finan-
ciers, avec la croyance inconsciente qu’ils trouveront tou-
jours bien de quoi payer'... D’ autres conduisent leur voi-
ture comme s’ils disputaient le championnat du monde de
course automobile, mais sur des chemins ot les conditions
de sécurité — pour eux-mémes et pour autrui — sont loin
d’étre remplies... Certains fraudent avec le fisc, opérent
des détournements de fond, volent des biens, comme s’il
n’existait aucune loi... D’autres encore défient les lois élé-
mentaires de la nature en se langant dans des expéditions
ou le risque d’ accident ou de mort est trés élevé, voire cer-

1 Si vous étes banquier ou huissier, vous savez de quoi je parle.


4i
al
i

202
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

tain... Beaucoup agissent comme si le temps n’existait pas,


ou encore comme si la seule référence temporelle existante
était la leur. Ces personnages commencent toujours leur
travail a la derniére minute, arrivent toujours en retard (ou
au contraire a l’avance) et calculent les délais nécessaires
comme s’ils étaient les seuls 4 avoir besoin de temps’.

Ce ne sont que quelques exemples parmi de nom-


breux autres. Tous ont en commun une attitude de déni
des lois du réel, qu’il s’agisse des lois économiques (vivre
au-dessus de ses moyens), des lois de la mécanique et de la
cinétique (conduire a toute allure), des lois juridiques
(frauder et voler), des lois de la nature (entreprendre des
expéditions) ou des lois du temps. Et ce déni est, en soi, un
jeu de pouvoir, puisque, non seulement ce type de com-
portement est inadapté et répétitif, mais qu’en plus, j’agis
(explicitement) comme si les lois du réel n’existaient pas
alors que je sais (implicitement) que c’est faux, et que je
projette de faire de mes lois celles du monde.

Voyez-vous, c’est a cause de tout ce qui se cache en


germe derriére des attitudes de déni en apparence anodines
(la volonté de contréle et de toute-puissance) que nous
vivons tant de dictatures relationnelles, au niveau indivi-
duel... Par peur du changement, chacun cherche a imposer
4 l’autre ses lois et sa réalité. D’ ailleurs, les dictatures poli-
tiques et les régimes absolutistes du monde d’aujourd’hui

1 Les imprimeurs et les agences de publicité qui comptent ce genre d’indi-


vidus au nombre de leurs clients subissent quotidiennement les consé-
quences de cette conception du temps.

203
Relations et jeux de pouvoir

ne sont que |’amplification, 4 une échelle collective, de ce


phénoméne. Je dirai méme qu’ils n’en sont que le reflet...

En faisant le travail d’éradiquer en vous les racines


du pouvoir personnel, je suis persuadé que vous contribuez
a ne plus renforcer |’existence de régimes et d’organisa-
tions qui font fi des régles élémentaires du respect humain.
La racine des phénoménes collectifs se trouve dans l’in-
conscient de l’individu... Si chaque individu change son
comportement de maniére a ne plus alimenter le pouvoir de
ceux qui ne respectent pas l’étre humain, ces derniers
s’€puiseront trés vite, car ils ne pourront plus compter que
sur leurs propres forces... La clé de la guérison planétaire
commence toujours par des changements individuels...

Résumons-nous :

L’une des origines inconscientes des jeux de pou-


voir relationnels est la peur du changement et la peur
de perdre le controle sur l’environnement.

Nous voici donc au terme de cette troisiéme section,


en possession de trois origines inconscientes successives
du pouvoir. Nous pourrions dire qu’un jeu de pouvoir est
une triple stratégie inconsciente (et souvent inadaptée)
pour éviter :

1. d’étre confronté a l’autre, par peur de la rup-


ture qui pourrait me faire perdre la relation ;
2. d’étre confronté 4 moi-méme, par peur de me
=—
e

204
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

découvrir tel que je suis et de perdre ce que je crois étre


mon « identité » ;
3. d’étre confronté au monde extérieur, par peur du
changement qui pourrait me faire perdre le contréle.

J’évite la Je risque
confrontation de perdre

Nous avons méme vu qu’il y avait des liens entre les


différentes protections :

1. En €vitant la confrontation avec l'autre, je me


protege du risque d’étre confronté 4 moi-méme.
2. En évitant la confrontation avec moi-méme, je
me protége du risque d’étre confronté au monde extérieur.
3. La question est de savoir a quel risque m’ expose
la confrontation avec le monde ? Ce sera I’ objet de la qua-
triéme section de cette deuxiéme étape...

Je vous invite, avant de passer au point sui-


vant, a reprendre votre cahier et a faire des

205
Relations et jeux de pouvoir

206
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

paralléles avec votre propre vie... Quels com-


portements, parmi ceux que nous avons exami-
nés dans cette section, avez-vous identifiés
comme étant similaires aux vétres ? Quelles
conséquences cela a-t-il eu sur votre vie rela-
tionnelle ?

Is0 7.>

Quels sont les enseignements que vous en tirez


pour l’avenir ?

Quand vous vous sentez prét, passez au point suivant...

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Decouverte n° 4
La peur de la mort

Comme je vous |’annongais il y a quelques instants,


la question centrale de cette quatriéme section de décou-
verte sera d’identifier la source de la peur du changement,
autrement dit, de quel risque je me protége en refusant la
confrontation avec le monde extérieur.

Vous avez, en effet, compris qu’en refusant de se


confronter 4 la réalité, Fernand retirait un bénéfice caché
non négligeable : échapper a l’angoisse du changement en
mettant en place des stratégies de contrdle... Ce bénéfice,
vous avez pu l’identifier grace au processus qui vous est a
présent familier de supposer qu’il fait le contraire de ce
qu’il devrait faire pour conserver son avantage. Ainsi, ce
qui était caché apparait au grand jour, comme une image
dans le bain révélateur d’un photographe.

Ce qui a caractérisé le jeu de pouvoir de Fernand


dans la variante n° 3, c’est de refuser de reconnaitre que la
réalité existe et évolue continuellement. Il a refusé de voir
que ses croyances et sa conception du monde n’ étaient pas
universelles... Supposons donc qu’il accepte tout cela, et

209
Relations et jeux de pouvoir

observons ce qui en découle... Ce sera la variante n° 4 de


Vhistoire.

Histoire n° 9 — Variante n° 4:
Fernand accepte de remettre ses croyances en question

[eal
Fernand : J’espérais que tu oublies... Ou que tu com-
prennes par toi-méme mon malaise et que tu
ne viennes pas me réclamer l’argent... En
bref, j’espérais que le temps fasse son
ceuvre...

Isabelle : C’est ce que tu espérais ?

Fernand : C’est normal, non ? En tout cas, c’est la


moindre des délicatesses.

Isabelle : Tu as une drole de conception de la délicatesse.


Non, je ne trouve pas cela normal du tout !

Fernand : Ben, alors, qu’est-ce qui est normal, pour toi ?

Isabelle : Ce qui est normal, pour moi, c’est que, lorsque


tu as une dette, tu l’acquittes !

Fernand : Méme si je suis dans l’embarras ?

Isabelle : Méme dans ce cas-la !

Fernand : Eh bien, Isabelle, tu n’es vraiment pas drGle...


Mais alors, c’est quoi, pour toi, la délicatesse ?
Isabelle : Pour moi, la délicatesse, ce n’est certaine-
ment pas entrer dans la névrose de |’ autre et

210
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

plier a tous ses caprices, comme s’il s’ agissait


d’un gosse...

Fernand : Tu veux dire que c’est comme cela que tu me


percois ?

Isabelle : Parfois, oui, tout a fait. J'ai impression que


tu voudrais, 4 certains moments, que le
monde tourne comme toi, tu as décidé qu’il
devait tourner... Et sous des dehors trés sym-
pathiques ! On n/’a pas intérét a te résister,
crois-moi !

Fernand : Tu as des exemples ?

Isabelle : Oui, quand tu viens avec ton air de chien


battu dans mon bureau, parce que tu es dépri-
mé et que tu as besoin de me parler, je n’ai
pas intérét a t’envoyer paitre...

Fernand (songeur) : Je ne m’en étais jamais rendu compte...

Isabelle : Mais je peux te le dire, aujourd’hui. Ce


temps-la, Fernand, il est fini.

Fernand : Mais, pourquoi ?

Isabelle : Tout simplement parce que, moi, je ne veux


plus étre 4 ton service 24 heures sur 24.
J’accepterai de t’aider quand tu me le deman-
deras clairement et quand je serai disponible.

Fernand : Tiens, c’est nouveau, ¢a !

Isabelle : Oui, Fernand, c’est nouveau. Il faudra t’y


faire, mon vieux...

211
Relations et jeux de pouvoir

Fernand: Bon, ben, j’essayerai; mais ce sera dur, crois-


moi. Tu ne m’avais pas habitué a ce genre de
régime-la.

Isabelle: Dis plut6t que tu n’as jamais eu ce type de


rapport avec quelqu’un...

Fernand: Oui, c’est vrai, c’est plus juste. Je n’ai pas


Vhabitude de cela.

Voila la quatriéme variante des aventures d’ Isabelle


et Fernand. Ce que je voudrais vous faire remarquer, c’est
qu’ils ne sont toujours pas sortis des jeux de pouvorr, car il
y aencore des projets implicites de part et d’ autre. En effet,
toute l’attitude d’Isabelle est un jeu de pouvoir, dans la
mesure ot elle focalise toute la conversation sur le com-
portement de Fernand. En faisant cela, elle évite — trés
habilement — d’étre confrontée a l’autre, a elle-méme et a
la réalité extérieure'. Le projet implicite sous-jacent a cette
stratégie, c’est de parler de l’autre pour qu’on ne parle pas
de soi... J’appelle cela jouer au thérapeute avec |’ autre sans
y avoir été mandaté explicitement. Et Fernand, en acceptant
que le rapport prenne cette forme, renforce et alimente le jeu
d’Isabelle ; il se rend donc complice du jeu de pouvoir.

Et en méme temps, au fil des variantes, vous ressen-


tez peut-étre une amélioration dans la qualité des rela-
tions... Et vous avez raison. Tout en étant encore dans le
pouvoir tous les deux, ils évoluent déja vers ce que j’appel-

1 Souvenez-vous que toute cette affaire a démarré sur une initiative


d’Isabelle qui a mis Fernand devant le fait accompli, lors de la soirée d’an-
niversaire.

212
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

lerai plus tard la puissance et le respect inconditionnel. Je


peux vous assurer qu’il en va de méme dans la vie. On ne
sort pas comme cela, en une seule fois, d’un jeu de pouvoir
qui s’est entretenu pendant des mois ou des années. I] n’y a
que les puristes de la communication qui pensent cela...

Le chemin pour passer du pouvoir — c’est-a-dire


l’aspect destructeur et inadapté de nos comportements — a
la puissance — c’est-a-dire leur aspect constructeur et
adapté — ressemble de trés prés a |’évolution a laquelle
vous assistez dans le rapport entre Fernand et Isabelle...
On passe d’un jeu de pouvoir a un autre jeu de pouvoir,
mais en se rapprochant de plus en plus de la réalité, telle
qu’elle est, c’est-a-dire en acceptant de faire de plus en
plus face a l’autre, puis a soi-méme, aux lois du monde, et
ainsi de suite... C’est donc au coeur de vos jeux de pouvoir
que vous pourrez trouver la puissance de guérison' qui est
en vous... Nous y reviendrons a la fin de cette seconde
étape...

Une derniére chose, avant de passer a |’analyse pro-


prement dite... Avez-vous remarqué que chaque fois que
Fernand perd un bénéfice caché (bénéfice qui consistait a
éviter une confrontation), il regoit de plus en plus d’infor-
mations sur la réalité, en général ? On appelle cela faire des
prises de conscience... Ainsi, nous avons vu Fernand en
faire successivement a propos d’Isabelle, de lui-méme et

1 J'ai traité le theme des processus d’évolution et de guérison dans une série
de conférences réunies en un volume intitulé Evoluer pour guérir [08].

213
Relations et jeux de pouvoir

du monde extérieur... Osant affronter ce qui lui faisait


peur, il a regu des éléments qui,lui ont permis de progres-
ser en conscience sur un chemin de guérison. C’est comme
si ce qui lui faisait le plus peur était en méme temps ce
dont il avait le plus besoin pour évoluer.
an

Peut-étre y a-t-il la une clé a examiner et a uti-


liser dans votre propre vie. Identifiez les actes
que vous craignez le plus de poser et deman-
dez-vous si ce n’est-ce pas la ce dont vous avez
justement le plus besoin pour guérir certains
comportements de pouvoir. Octroyez-vous le
temps nécessaire pour y réfléchir...
af

Passons a présent a l’analyse de la variante n° 4 de notre


histoire. La question est toujours la méme'. Par rapport a la
variante précédente, Fernand a accepté la confrontation avec
le monde extérieur. I] a accepté de I’écouter, de le voir, de le
reconnaitre... D’ ailleurs, tout son comportement le prouve : il
ne cesse de poser des questions pour explorer ce monde exté-
rieur avec lequel il n’avait pas été consciemment en contact :
« Qu’est-ce qui est normal, pour toi ? », « C’est quoi, pour

1 Qu’est-ce qui a changé dans le comportement de Fernand ?

214
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

tol, la délicatesse ? », « C’est comme cela que tu me per-


cols ? », « Tu as des exemples ? », etc. Il manifeste donc bien
son désir d’aller a la rencontre du monde. La question, a pré-
sent, est de savoir quel inconvénient il recueille en agissant de
la sorte, c’est-a-dire, quel bénéfice caché il perd en acceptant
de se confronter a la réalité extérieure, telle qu’elle est.

Ici, la perception des choses devient plus subtile, car


nous pénétrons dans des couches beaucoup plus profondes
de l’inconscient. Dans le dialogue, nous avons quelques
indices de l’inconfort auquel Fernand est confronté :

— ce qu'il croyait « normal » — a savoir qu’on lui


fasse grace de ses dettes — est remis en question par la
position d’ Isabelle ;
— sa conception de la délicatesse est également
remise en question, a la réplique suivante ;
— lui qui se croyait adulte, s’entend traiter de
névrosé et de gosse capricieux qui veut faire tourner le
monde comme lui |’a décidé ;
— lui qui se croyait gentil et respectueux se rend
compte qu’il fait pression sur |’ autre en mettant en place un
scénario de victime (son « air de chien battu ») pour étre
certain d’obtenir son écoute ;
— lui qui avait l’habitude que tout le monde soit a
sa disposition s’entend dire par Isabelle que ce temps-la est
révolu.

Qu’est-ce que cela signifie et quel est le trait com-


mun entre ces cing points relevés dans le dialogue ? En

215
Relations et jeux de pouvoir

fait, si vous y réfléchissez bien, ce que Fernand est en train


de vivre est une remise én question de sa fagon de vivre et
de voir les choses. Et cette remise en question concerne ici
les trois éléments du principe de réalité que nous avons
rencontrés jusqu’a présent : |’autre, moi et le monde exté-
rieur. En effet, sa fagon de concevoir les relations « nor-
males » est remise en question... Sa fagon de se percevoir
lest aussi... Et il découvre brutalement que le monde a
changé parce que le temps qu’il a connu est bel et bien fini.

Fernand est donc cette fois confronté a ses propres


limites, dans le sens ou il fait le constat non seulement
que sa conception du monde n’est ni universelle, ni abso-
lue, mais en plus que son pouvoir sur |’autre, sur lui-
méme et sur le monde est limité et relatif. [Il se voit ainsi
forcé de reconnaitre qu’il n’est pas tout-puissant' et qu'il
ne contrdle pas tout... Son existence et ses croyances ne
sont que relatives a son histoire et 4 sa conception du
monde, sans plus. LVillusion d’étre la référence absolue
s’évanouit a travers la confrontation avec le principe de
réalité...

En fait, nous venons d’observer les conséquences


qu’entraine l’abandon par Fernand de son jeu de pouvoir

1 La névrose de toute-puissance s’installe chez l'enfant dés son plus jeune


age. Elle consiste a croire que le monde n’existait pas avant sa naissance,
qu’il a créé ce monde en naissant et qu’il le contréle entigrement. La
névrose de toute-puissance pourra engendrer chez l’enfant un lourd sen-
timent de culpabilité lorsqu’il découvrira que ce monde — dont il s’ima-
gine étre le créateur et qu’il croit contréler — est loin d’étre parfait et
contient le mal.

216
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

(éviter la confrontation avec le monde extérieur). En


d'autres termes, cela veut dire que garder son jeu de pou-
voir, c’est-a-dire éviter la rencontre et l’écoute du monde
extérieur, c’est obtenir le bénéfice de ne pas étre confronté
a ses limites, de ne pas perdre ses illusions de toute-puis-
sance. Voici la conclusion provisoire que nous pouvons
tirer de cette analyse : Le quatriéme bénéfice d’un jeu de
pouvoir serait d’éviter la confrontation avec ses propres
limitations et sa propre relativité.

Conclusion a vérifier, non plus sur un seul jeu de


pouvoir (celui de Fernand), mais sur les jeux de pouvoir en
général... Nous examinerons, en méme temps, quelle peur
se trouve a l’origine de ce quatri¢me bénéfice. Pourquoi
évitons-nous la confrontation a nos propres limitations et a
notre relativité ? Qu’est-ce qui, dans cette perspective,
nous effraie ?

Histoire de briser une certaine monotonie et de ne


pas encourager notre tendance a |’immobilisme, je vous
propose, pour cette recherche, de modifier quelque peu
notre maniére de procéder et d’aborder la question sous un
angle différent, mais complémentaire.

Tout d’abord, commencons par rassembler nos idées...

En bref, que cherchons-nous ? Nous cherchons a


démontrer que le bénéfice de tout jeu de pouvoir est d’ évi-
ter la confrontation avec ses propres limitations et sa
propre relativité.

217
Relations et jeux de pouvoir

Qu’avons-nous déja découvert ? Trois éléments.


Tout jeu de pouvoir est uhe stratégie mise en place :

1. pour éviter de vivre la rupture et de perdre la


relation ;
2. pour éviter de me découvrir moi-méme et de
perdre l’image que j’ai de moi ;
3. pour éviter de vivre le changement et de perdre
le contrdle.

Comment allons-nous procéder ? Nous partirons


de ce que nous avons découvert pour démontrer ce que
nous cherchons. Dans ce but, il nous faudra dans un pre-
mier temps répondre a trois questions :

Question 1 : En quoi la rupture et la perte de la rela-


tion me confrontent-elles 4 ma propre limitation et 4 ma
propre relativité ?
Question 2 : En quoi la découverte de qui je suis
vraiment et la perte de mon identité me confrontent-elles a
ma propre limitation et a ma propre relativité ?
Question 3 : En quoi le changement et la perte de
contrdle me confrontent-ils 4 ma propre limitation et 4 ma
propre relativité ?

Que pourrons-nous conclure ? Si nous trouvons une


réponse a chacune de ces trois questions, nous pourrons
effectivement dire que l’hypothése émise (éviter la confron-
tation avec mes propres limitations et ma propre relativité)
s’applique a tous les jeux de pouvoir, quels qu’ils soient...

218
Etape n° 2 : Comprendre l’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Commencons par examiner la premiére question : En


quoi la rupture et la perte de la relation me confrontent-
elles a ma propre limitation et 4 ma propre relativité ?

La réponse que je proposerai se base sur la logique et


la déduction. Tant que la relation fonctionne (de maniére
satisfaisante ou non), je peux vivre comme si rien ne pou-
vait m’arriver ou arriver a la relation. Quand tout va bien
(en apparence) entre l’autre et moi, je ne suis pas tenté de
me poser beaucoup de questions, et, petit a petit, je risque
de me reposer sur des certitudes, 4 propos de I’autre et de
la relation. Combien de fois n’entendons-nous pas ou ne
prononcons-nous pas des phrases comme celles-ci : « Je te
connais comme Si je t’avais fait », « Je savais que tu allais
me dire cela », « Nous deux, c’est pour la vie », « Il n’est
pas nécessaire que j’aille lui parler de ce projet, ce sera de
toute facon oui » ?

Par ailleurs, quand la relation se dégrade, nous res-


tons malgré tout dans le méme confort de certitudes : « De
toute maniére, il n’y a rien a tirer de ce gars-la », « Ce
gosse, il n’y a jamais moyen d’attirer son attention sur
quelque chose... Ce n’est pas aujourd’hui que cela va
commencer », « Ca fait longtemps qu’elle ne veut plus rien
entendre. Ca ne sert donc plus a rien d’encore discuter
avec elle... »

Ceci signifie que la plupart de nos relations sont


assorties d’appréciations, de reégles générales, de
croyances, de jugements basés ou non sur les expériences

219
Relations et jeux de pouvoir

antérieures avec chaque personne. Souvent, ces jugements,


ces appréciations, ces croyances résultent de généralisa-
tions que nous avons opérées a partir de deux ou trois ren-
contres. Nous cataloguons ainsi les personnes et les rela-
tions afin de nous sécuriser'. En effet, si l'autre se compor-
te conformément a |’image que j’ai de lui, cela me rassure,
car la réalité me prouve bien que tout se répéte, comme
prévu.
[J’attends que l’autre
se comporte en référence
aux images que j'ai de lui]

TN

[S’il répond a mon attente,


¢a me rassure et me conforte
dans ma croyance par rapport a lui]

C’est peut-étre fondamentalement pour cette raison


que les gens imprévisibles nous mettent si mal a I’ aise et
que nous les taxons volontiers de fous, d’extravagants,
d’artistes, d’ originaux, histoire de pouvoir 4 nouveau les
faire rentrer dans une de nos catégories connues...

Vous avez bien saisi que nous fondons la plupart de


nos relations sur des certitudes bien établies (et quasi

1 Il s’agit, encore et toujours, de cette fameuse peur du changement !

220
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

absolues) pour nous rassurer et échapper a la peur du chan-


gement. A présent, que se passe-t-il en cas de confronta-
tion avec la réalité de l’autre, telle qu’elle est (et pas telle
que je la crois) ? Ou que se passe-t-il en cas de rupture rela-
tionnelle ?

Premiérement, le passé ne se répéte plus comme


avant. Deuxiémement, ce que nous avions cru ne se véri-
fie pas, du moins cette fois-ci. Nous allons donc redoubler
nos jeux de pouvoir pour que l’autre rentre 4 nouveau
dans ses anciens schémas. Souvent, cela marche et tout
« rentre dans l’ordre » ! Mais si, malgré nos efforts, il per-
siste a ne plus entrer dans notre jeu, que se passe-t-il pour
nous ?

Nous nous rendons compte que nous ne contrélons


plus totalement la relation. Nous sommes donc confron-
tés a une limite chaque fois que |’autre n’agit plus comme
nous le prévoyions ou comme nous en avions implicite-
ment le projet. Cette limite est que nous n’avons plus le
pouvoir de figer l’autre dans le canevas que nous avions
défini. Notre pouvoir est donc limité. En outre, nos
croyances ne se vérifient pas toujours ; elles ne sont donc
plus ni universelles, ni absolues. Nous n’avons plus le
pouvoir de prédire et d’expliquer le comportement de
l’autre. La aussi, nous entrons en contact avec une limite
et avec le caractére relatif' de nos croyances et de nos
jugements.

1 Relatif est a prendre ici au sens de « non absolu, non universel ».

221
Relations et jeux de pouvoir

Par ailleurs, si vous avez déja vécu des ruptures rela-


tionnelles importantes (que ce soit sur le plan profession-
nel ou privé), vous avez dii remarquer que cette solitude
momentanée peut nous renvoyer 4 nous-méme, puisque
l'autre ne peut plus nous distraire. II s’agit d’une période
de confusion par laquelle nous devons passer et qui nous
fera toucher du doigt nos limites, nos manques et entraine-
ra souvent de nombreuses remises en question, a commen-
cer par nous-méme.

Conclusion : La rupture relationnelle a pour consé-


quences que je ne controle plus la relation, que mes
croyances sont remises en question et que je me trouve
dans la confusion. Je suis donc renvoyé a mes propres limi-
tations et a ma relativité.

Poursuivons notre démonstration en examinant a pré-


sent la deuxiéme question : En quoi la découverte de qui je
suis vraiment et la perte de mon identité me confrontent-
elles 4 ma propre limitation et 4 ma propre relativité ?

Ici, la réponse est beaucoup plus immédiate. Tant que


je me forge une image de moi-méme, tant que je crée et que
jentretiens pour moi-méme des croyances et des jugements,
je ne suis le résultat que de ce que je crée. Rien ne peut m’ ar-
river, puisque je me projette dans l’imaginaire. Par exemple,
je m’estime sympathique. J’interpréterai tous les feed-back
de la réalité comme des confirmations du fait que je suis
sympathique. Et si, de temps en temps, certaines personnes
me repoussent et me rejettent, je considérerai qu’elles n’ ont

222
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

rien compris 4 ma valeur, ni 4 mes qualités et que, par consé-


quent, elles ne valent pas la peine que je continue a m’y inté-
resser, ni a les fréquenter, et je changerai d’amis ou de rela-
tions, tout en restant convaincu que je suis sympathique...
Dans le méme ordre d’idées, en caricaturant cette attitude
inconsciente que nous présentons tous a des degrés divers, je
pourrai prétendre que je suis le meilleur pianiste, ou le
meilleur pilote, ou le meilleur manager du pays, tant que je
reste dans l’imaginaire... J’en serai méme tellement persua-
dé qu’il serait incongru et injurieux de me demander de le
prouver... Ace stade, je suis virtuellement sans limite.

A partir du moment oii je suis réellement confronté a


ce que je suis (et non a ce que je crois étre), je vais néces-
sairement étre confronté a mes limites, 4 mes ombres, a
mes peurs, a mes incapacités.

Une fois de plus, ce face a face avec moi-méme pro-


voquera une remise en question de mes croyances plus tel-
lement a propos des autres, mais 4 mon propos... Mon
pouvoir sur moi-méme n’étant pas aussi étendu que je le
croyais, je ne suis donc plus tout-puissant, je n’ai pas
toutes les potentialités, je perds mon caractére absolu pour
devenir un étre humain parmi d’ autres, avec ses qualités et
ses défauts, ce qui signifie également que les choses ont
changé pour moi.

Conclusion : La découverte de moi-méme dans le


réel me renvoie 4 mes limites, 4 mes ombres et a la fin de
ma toute-puissance.

223
Relations et jeux de pouvoir

Achevons notre démonstration par l’examen de la


troisitme question : En quoi le changement et la perte de
controle me confrontent-ils 4 ma propre limitation et a ma
propre relativité ?

Ici encore, la réponse sera assez directe. Dans la


mesure ou je nie le changement dans ma vie et dans le
monde, dans la mesure ou je m’arrange pour recréer sans
cesse les mémes scénarios du passé, j’acquiers dans le
méme temps une force de contréle incroyable. En effet,
grace a cette répétition, je deviens a la fois le scénariste,
le metteur en scéne, le réalisateur et l’acteur principal
d’une piéce dans laquelle je fais jouer les autres sans leur
avoir livré au préalable ni histoire, ni le texte. Dans ces
conditions, tout dans ma vie devient prévisible et contr6-
lable... Ma toute-puissance se fonde sur l’absence de
changement.

Quand je suis confronté au monde extérieur tel


qu’il est, je m’apercois trés vite que la nature méme de la
réalité, c’est le changement permanent... Si j’entre dans
cette réalité, il est clair que mon pouvoir sur les événe-
ments devient trés limité pour la simple raison que ce
n’est plus moi qui ai écrit la piéce. De plus, l’imprévisi-
bilité des €événements me renverra 4 mon impuissance...
D’ou, également, des remises en question de moi-méme
et de ma vision du monde, mais aussi le contact avec mes
limites et ma relativité : contrairement a ce que je pen-
sais, je ne suis pas aux commandes du monde...

224
Etape n° 2 : Comprendre l’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Conclusion : Le changement et la perte de contréle


entrainent également le renvoi 4 mes limitations et 4 ma
relativité !

Pour résumer cette triple démarche, nous dirons que :

1. la confrontation a l’autre et la rupture relation-


nelle me montrent que j’ai un pouvoir limité et relatif sur
la relation ;
2. la confrontation 4a moi-méme et la découverte de
ce que je suis réellement me montrent que j’ai un pouvoir
limité et relatif sur moi-méme ;
3. la confrontation avec le monde et le changement
me montrent que j’ai un pouvoir limité et relatif sur les
événements.

Dans les trois cas, cela entraine une remise en ques-


tion potentielle de mes croyances a propos de I’autre, de
moi et du monde extérieur, parce que je suis toujours ren-
voyé a moi-méme.

Symboliquement, cela signifie que chaque fois que


nous rencontrons une limite, nous vivons un processus de
mort, la mort de nos croyances, la mort de notre toute-
puissance, la mort de la relation contrélée, la mort de notre
pseudo-identité, la mort de la permanence. Notre propre
mort n’est-elle d’ailleurs pas notre ultime limite, la limite
définitive de notre incarnation dans un corps ? D’autant
plus que si je suis forcé de reconnaitre |’ existence du chan-
gement par rapport a |’ autre, 4 moi et au monde, cela signi-

225
Relations et jeux de pouvoir

fie que j’admets que le temps existe... Et si le temps existe,


si les aiguilles de Vhorloge cosmique se remettent a tourner,
je suis inexorablement entrainé dans la spirale du temps qui
s’écoule, me fait vieillir, et, finalement, mourir. Et c’est 1a ce
qui m’effraie...

Ainsi donc, nier nos limitations et notre relativité ne


serait qu’une facon de nier la limite ultime de notre exis-
tence sur Terre, c’est-a-dire nier notre mort. Et pour nier
notre mort physique, nous nions tout ce qui peut nous rap-
peler son existence, a savoir toutes ces morts, toutes ces
limitations, tous ces échecs que la vie nous propose d’ex-
périmenter et de traverser...

En résumé, la peur de la mort et la peur de perdre


la toute-puissance constituent une origine profonde des
jeux de pouvoir relationnels. Ce que nous pouvons repré-
senter par la synthése ci-dessous :

J’évite la Je risque
confrontation de perdre

avec mes limites la toute-puissance de la mort

226
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Le risque, quand on perd sa toute-puissance, c’est de


découvrir que nous sommes vulnérables, impuissants et
mortels. Et combien de stratégies de pouvoir ne mettons-
nous pas en place pour cacher notre vulnérabilité, dissi-
muler notre impuissance et camoufler notre vieillisse-
ment ?

Habituellement, notre conception du pouvoir est


fondée sur la croyance que celui qui se montre le moins
vulnérable a le pouvoir sur l’autre. Nous savons bien, a
présent, qu’il n’en est rien, car le plus fort comme le plus
faible exercent chacun des formes de pouvoir différentes
l'un sur l’autre, mais en intensité égale... Pourtant, cette
croyance reste fortement ancrée dans les esprits.
D’ailleurs, l’immortalité et le pouvoir de remonter dans le
temps n’ont-ils pas été deux des réves les plus convoités a
travers toute l’histoire de l’humanité' ? La plupart des
argumentaires publicitaires et des messages de notre socié-
té occidentale s’appuyent sur ces deux mythes universels :
tout nous pousse 4a rester éternellement jeunes pour conti-
nuer a étre acceptés par la société de consommation...

Quant a savoir d’ot vient cette peur de la mort que


tout étre humain porte dans son inconscient, je vous pro-
pose de le découvrir dans la cinquiéme section de cette
deuxiéme étape.

1 Ce sont d’ailleurs les deux thémes les plus exploités par la littérature et les
récits de science-fiction.

227
Relations et jeux de pouvoir

228
Etape n° 2 : Comprendre |’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

Mais avant d’entamer un nouveau point, je vous pro-


pose, comme de coutume, de reprendre votre cahier et de
tirer les enseignements de ce que vous avez découvert...

En vous référant a votre expérience, identifiez les


stratégies que vous mettez en place pour ne pas
étre confronté a vos limites ou pour les nier pure-
ment et simplement. Quand vous vous sentez vul-
nérable, le montrez-vous ? Quand vous vous sen-
tez impuissant, que faites-vous ? Quand la vie
vous renvoie a vous-méme, avez-vous plutot ten-
dance a rejeter la responsabilité sur l'autre ou a
reconnaitre votre propre part de responsabilité ?

Prenez le temps de bien examiner ces ques-


tions, car nous approchons de la cause pre-
miére de tous nos jeux de pouvoir...
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fe)

229
Relations et jeux de pouvoir

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f ss) mec «

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Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

Decouverte n° 5
La peur de s’incarner

Je voudrais vous rappeler que, dans cette deuxiéme


étape, nous sommes toujours a la recherche de I’origine
premiere des jeux de pouvoir. Nous nous sommes bien sir
tournés vers l’inconscient, car vous aviez certainement
remarqué que beaucoup de ces jeux surgissent dans notre
vie a notre insu, de maniére inconsciente...

Nous avons successivement détecté des causes


appartenant a des couches de plus en plus profondes de
l’inconscient : la peur de la rupture (découverte n° 1) qui
cache la peur de se découvrir soi-méme (découverte
n° 2), qui elle-méme camoufle la peur du changement
(découverte n° 3), cette derniére n’étant qu’un é€cran par
rapport a la peur de la mort (découverte n° 4)... Comme
beaucoup d’autres, vous vous étes probablement dit
« Mais, je n’ai pas peur de la mort, moi ! » Et vous avez
cent fois raison, car cette peur reste, chez la plupart d’entre
nous, inconsciente pendant une grande partie de notre vie,
jusqu’a ce que les événements — soit l’4ge ou la maladie,
soit la mort physique de nos proches — commencent a
nous mettre en contact avec la peur de notre propre mort...

231
Relations et jeux de pouvoir

A ce moment-la, il est. possible que cette peur devienne


partiellement consciente.

Et il est clair qu’en ce qui concerne la peur de la mort,


notre société occidentale qui nous pousse a rester jeunes et a
défier les lois du temps, ne fait qu’alimenter notre quéte
incessante de l’immortalité’. Différentes religions qui parlent
d’immortalité (pour d’ autres raisons) renforcent parfois, sans
le vouloir et sans le savoir, nos névroses de toute-puissance
et la négation de nos limitations. De plus, toute notre vie
s’est organisée autour du déni de la maladie et de la mort? :
nous évacuons ces deux réalités pour ne pas étre en contact
avec notre propre réalité d’étres vulnérables et mortels...
De cette maniére, nous échappons a |’angoisse de la mort
qui sommeille au fond de nous...

Pour l’instant, vous vous demandez peut-étre quel


lien il pourrait y avoir entre des réalités aussi inconscientes
et subtiles que la peur de la mort et les jeux de pouvoir
observables dans la vie quotidienne. Nous aborderons ce
point dans la derniére section de cette étape. Mais la ques-
tion ase poser a présent est de savoir d’ow vient cette peur
de la mort.

Pour ce faire, je vous propose de revenir 4 Fernand et


Isabelle. Une fois de plus, nous allons supposer que

1 Lire 4 ce propos Le choix de vivre [12] ov je traite du rapport de homme


au réel, au temps et a la mort.
2 Je vous conseille la lecture des ouvrages de Philippe Ariés [01-02-03], sur
le déni de la mort en Occident.

232
“ ¥ fo) om Z
Etape n°
¢ > ile
2 :
.
Comprendre I’ origine inconsciente des jeux
" of 5
de pouvoir

Fernand tire un bénéfice caché du fait de ne pas vouloir se


confronter a ses propres limites, par peur de la mort. S’il
n’en retirait aucun avantage, cela fait longtemps qu’il
aurait changé de stratégie. Pour découvrir ce bénéfice
cache, faisons l’hypothése qu’ilaccepte de reyarder en face
ses propres limites et observons ce qu’il perd... Et la saga
continue ! En piste pour la variante n° 5! !

Histoire n° 9 — Variante n° 5:
Fernand accepte d’étre confronté a ses limites

tise
Isabelle: Dis plutodt que tu n’as jamais eu ce type de
rapport avec quelqu’un...

Fernand: Oui, c’est vrai, c’est plus juste. Je n’ai pas


V’habitude de cela...
Mais alors, si tout ce que tu me dis est vrai,
qu’est-ce que je dois faire, a présent ?

Isabelle: | Ca, mon vieux, tu n’espéres tout de méme pas


que je t’apporte les réponses sur un plateau !
C’est trop facile, ¢a !

Fernand: Si je comprends bien, tu commences déja a


mettre en application ta stratégie du non-sau-
veteur ?

Isabelle: | Exactement ! Bravo pour ta perspicacité !

1 Ils’agit de la suite de la variante n° 4.

233
Relations et jeux de pouvoir

Fernand : Bon, alors, cela veut dire que mes dettes, je


dois les payer moi-méme, méme si je suis
dans l’embarras ?

Isabelle : Par exemple...

Fernand : Et si j’ai quand méme besoin de quelque


chose... Je ne sais pas, moi, un conseil, une
aide, un soutien, un renseignement, je ne
peux plus rien demander, alors ?

Isabelle : Je n’ai pas dit cela, Fernand.

Fernand : Si, c’est ce que tu m’as dit. Tu m/’as dit qu’il


fallait que je te le demande clairement...

Isabelle : Exact, et que j’y répondrais quand je serais


disponible...

Fernand : Oui, mais ga risque de devenir fatigant, a la


longue... Tu timagines ? Chaque fois que
j'ai besoin de quelque chose, aller le deman-
der ? Ce n’est plus une vie, ¢a !

Isabelle : Peut-étre, Fernand, mais en tout cas, cela me


permettra de savoir plus clairement ce que tu
veux, et donc de pouvoir te dire oui ou non...

Fernand : Ah, parce qu’en plus, tu oserais me dire non,


apres tout l’effort que j’aurais fait en te fai-
sant des demandes explicites ?
Isabelle : Bien sar. Mais, au moins, tout sera clair entre
nous.

Fernand : Mais si j’ai vraiment besoin de quelque chose ?

234
5
Etape n° : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Isabelle : Est-ce que je suis la seule qui puisse combler


et satisfaire tes besoins, Fernand ?

Fernand : Non, c’est vrai... Je pourrais peut-étre


m’adresser a quelqu’un d’autre, 4 ce
moment-la.

Isabelle : Je pense aussi.

Fernand : Ainsi donc, Isabelle, il n’y a plus personne


qui pourrait s’occuper de moi ?

Isabelle : Si, si!

Fernand : Et qui ? Toi ?

Isabelle : Non, non ! Quelqu’un de bien mieux placé


pour le faire... Toi, Fernand !

Fernand : Mince, alors ! Je n’y avais jamais pensé !


Mais, maintenant que tu le dis, c’est vrai que
je suis peut-étre le mieux placé pour m’occu-
per de moi...

Vous venez de découvrir la suite de histoire. Plus


celle-ci avance, plus Fernand perd de bénéfices cachés,
mais plus, aussi, il opére des prises de conscience impor-
tantes ! Et celle qu’il vient de faire par rapport a I’ origine
des jeux de pouvoir est capitale. Nous allons examiner cela
ensemble.

En acceptant ses limites, en acceptant que ses


croyances ne soient pas universelles et absolues, en accep-
tant la remise en question de ses valeurs, 4 quoi Fernand

235
Relations et jeux de pouvoir

est-il confronté ? Tout simplement au fait que les autres ne


sont plus la pour s’occuper de lui et que c’est a lui de s’oc-
cuper de ses propres besoins. Autrement dit, il est amené a
devoir se prendre en charge lui-méme.

Se prendre en charge, qu’est-ce que cela signifie,


pour lui ? D’aprés le dialogue, cela implique d’identifier
ses besoins et de pouvoir faire des demandes adaptées
dans le but de les satisfaire. Cela implique également de ne
pas se rendre dépendant d’une seule personne pour
satisfaire ses besoins.

Mais pour pouvoir faire tout cela — identifier ses


besoins, faire des demandes adaptées, étre seul responsable
de la satisfaction de ses besoins —, la premiére condition
a remplir est bien évidemment de se mettre a |’ écoute de
son corps, car c’est le corps qui nous relie a nos besoins.
En devant prendre en charge ses besoins de maniére auto-
nome, Fernand est confronté a son propre corps et a sa
propre incarnation.

D’ailleurs, nous avons dit, dans le point précédent,


que Fernand était mis face a ses limites, c’est-a-dire 4 sa
vulnérabilité, 4 son impuissance et a sa mortalité. Si vous
y réfléchissez, c’était déja une maniére d’introduire la
dimension d’incarnation dans un corps. Car si nous
n’avions pas de corps, nous serions invulnérables, tout-
puissants et immortels. Donc, en niant nos limites et tout
ce qu’elles impliquent, nous évitons la confrontation avec
notre corps. En d’autres termes, si nous revenons A la

236
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

notion de jeux de pouvoir — et, c’est clair, chez Fernand,


l’attente implicite que tout le monde le prenne en charge en
est un —, nous pouvons dire que le cinquiéme bénéfice
d’un jeu de pouvoir serait d’éviter la confrontation avec
notre corps et tout ce qu’il représente...

Pour vérifier cela de maniére plus générale, amu-


sons-nous a voir s’il est possible de continuer a générer des
jeux de pouvoir tout en restant en contact avec son corps et
ce qu'il représente...

I] n’est déja pas possible que je fasse pression (repeére


n° 1) sur l'autre tout en restant en contact avec mon corps et
en prenant soin de mes besoins, car, pour cela, il faudrait que
je sois a l’écoute de moi-méme tout en focalisant mon éner-
gie sur l’autre. Or, je ne peux pas diriger simultanément ma
conscience sur deux points aussi différents.

Pour la méme raison, il me sera impossible d’ avoir


un projet implicite sur |’autre (repére n° 4) tout en m’oc-
cupant de mes besoins.

Tout comme je ne pourrai pas donner de manieére


complice le pouvoir 4 |’autre d’avoir une emprise sur moi
(repére n° 3) si je suis centré sur mon corps et mes besoins.
Cette attitude va a l’encontre du respect de moi-méme.

Comment pourrais-je encore étre double dans ma


communication (explicite et implicite) (repere n° 2) tout
en étant ancré dans mon corps ? C’est impossible, parce

237
Relations et jeux de pouvoir

que mon corps, lui, ne peut se trouver dans deux réalités


différentes en méme temps : il.ne peut pas étre a la fois
douloureux et extatique, en manque et satisfait, ici et
ailleurs. En revanche, mon esprit peut le faire ! Donc, mon
corps me force 4 étre entier et cohérent, ce qui est incom-
patible avec la notion de jeu de pouvoir.

Pas question non plus de dépendance (repére n° 5) a


partir du moment ou je prends en charge mes besoins et
mon propre corps...

Le repére n° 6, l’inadaptation 4 la réalité, exprime en


lui-méme I’ incompatibilité entre un jeu de pouvoir et la prise
en charge de ses propres besoins, puisque prendre en charge
ses besoins, c’est justement une maniére adaptée d’agir.

Enfin, le caractére répétitif des jeux de pouvoir


(repére n° 7) ne tient évidemment pas compte de I’ici et
maintenant. Car, autant mon esprit peut se projeter ailleurs
et dans un autre temps, autant mon corps m’empéche
d’échapper a ce fameux principe de réalité...

Conclusion : Une bonne facgon de maintenir |’exis-


tence des jeux de pouvoir, c’est d’agir comme si nous
n’étions pas incarnés dans un corps et comme si nous
n’avions pas de besoins.

Il semble donc que la peur qui se trouve derriére


notre volonté d’éviter la confrontation avec notre corps
soit tout simplement la peur de nous incarner... D’ou

238
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

vient cette peur de l’incarnation, et en quoi est-elle


reliée 4 la peur de la mort que nous avons découverte
dans la section précédente ?

Pour cela, examinons ce qui s’est passé dans notre


premiere expérience d’incarnation, c’est-a-dire lors de
notre naissance. Je vous propose de faire un voyage imagi-
naire, dans un monde peut-étre moins inconnu que vous ne
le croyez... Je vous invite a vous laisser emporter par I’ his-
toire, comme vous le seriez en écoutant un conte de fée...
Pour |’instant, donnez-vous la permission de ressentir sans
juger ni faire d’ objections ; ceci est un voyage raconté de
maniere particuliére’ : acceptez-le comme tel...

Imagine-toi ramené a |’état de foetus, avant ta naissance...


Et, au lieu de voir cette réalité de l’extérieur, essaye de la
ressentir de l’intérieur. Ta conscience est localisée a l’in-
térieur d’un fetus. Il ne s’agit pas nécessairement de ton
histoire, a cette époque. Il s’agit d’une histoire a laquelle
tu peux t’identifier, l’espace de quelques minutes. Tu per-
cois donc toutes les choses différemment. Ressens bien ce
qui se passe... Cela fait des mois et des mois que tu te
développes dans le ventre de ta maman. Tu as fini par
t’habituer a ce milieu liquide et chaud dans lequel tu
baignes. Depuis le début, depuis le moment de ta concep-
tion, ton corps embryonnaire vit dans la méme tempéra-
ture. La luminosité est presque constante : tu percois bien
de temps en temps quelques variations dans ce clair-obs-
cur permanent, mais tellement atténuées... Idem pour les
sons et les bruits qui viennent de l’extérieur ou de ta
maman : le liquide amniotique qui t’enveloppe et te pro-

1 Ici, exceptionnellement, et pour que vous vous immergiez plus facilement


dans le récit, je me permettrai de vous tutoyer.

239
Relations et jeux de pouvoir

tége les a ramenés tous au méme niveau. Tes moindres


besoins sont satisfaits pleinement et instantanément... Il
faut dire que ce cordon ombilical, c’est une sacrée inven-
tion !

Ta relation avec maman est sans histoire et au beau fixe...


Méme si, parfois, certains de ses états d’ame ou de ses
pensées te perturbent. Mais cela fait des mois que tu es en
contact permanent avec maman. Et c’est bon !

De temps @ autre, lorsque ta conscience veut prendre un


peu de repos, elle s’éloigne de la Terre pour aller se res-
sourcer @ l’origine dont elle est issue. Ton Gme voyage ¢a
et la, elle va et vient, mais elle reste consciente de tout. A
ce moment de ton existence, tu possédes toujours une
conscience cosmique, et tu comprends le sens de ce qui se
prépare pour toi sur cette Terre. Tu en ressens quelques
appréhensions, mais tu te sens prét...

Puis, un jour, sans que tu t’y attendes vraiment, le ventre


de ta maman se met a te serrer plus fort. Son ceur bat
plus rapidement. Le tien aussi... Tu te sens compressé et
poussé en méme temps vers l’ouverture de son bassin. La
pression va en augmentant. Tu te sens de plus en plus
coincé, Tu ne peux plus te mouvoir comme avant. Ta téte
subit de telles contraintes que les os de ton crane rentrent
les uns sous les autres, comme les plaques tectoniques de
la croite terrestre... A présent, la douleur se fait de plus
en plus forte. Et tu te mets a avoir peur. Tu ne sais plus ce
qui va t’arriver. Ta conscience devient limitée. Tu ne com-
prends plus le sens de ce passage.

Ce tunnel que tu traverses te semble interminable... Les


pressions sont insupportables... Puis, brutalement, tu
bascules dans un autre monde. Tout se passe alors trés
rapidement : ta téte sort de ce tunnel dans lequel tu es
resté coincé pendant de longs moments... Tu as l’impres-
sion qu'elle est grosse comme un ballon, parce que plus

240
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

rien ne l’enserre. Tout le reste de ton corps est libéré, et


la, c’est le choc !

Brutalement, te voici passé d’un monde a un autre. Tout,


dans cet autre monde, est nouveau et agressif. Tu as perdu
le doux et chaud contact avec le liquide qui enveloppait
ton corps. Une lumieére violente t’agresse et t’aveugle. Tu
es abasourdi par les bruits et les voix qui t’environnent. Tu
découvres pour la premiere fois la sensation defroid et de
faim. Tu te sens coupé de ta maman et abandonné. En
quelques minutes, tu viens de perdre pratiquement tous les
points de repére qui t’avaient sécurisé pendant plusieurs
mois... Et une angoisse immense t’étreint. Pour la pre-
miére fois, tu te sens seul et tu pleures...

Voila le voyage imaginaire que je voulais vous invi-


ter 4a accomplir. Comme je vous 1’ai dit tout a l’heure, ne le
considérez pas comme une histoire objective, basée sur des
observations scientifiques. De plus, cette fagon de présen-
ter le vécu du bébé au moment de sa naissance est loin
d’étre universelle, car il y a certainement des milliers
d’autres maniéres de la vivre...

Ce qui, par contre, est universel, c’est la structure du


processus en lui-méme. Ce qui est commun, en effet, a toutes
les naissances, depuis l’origine de l’humanité, c’est le fait
que le bébé passe d’un monde a un autre. A partir du voyage
imaginaire que nous venons de faire, essayons de comprendre
ce qui caractérise ce processus d’incarnation, et donc, ce a
quoi est confronté le bébé dans cette expérience..

— A quoi le bébé est-il confronté au niveau rela-


tionnel lorsqu’il nait ? Il est confronté au changement en

241
Relations et jeux de pouvoir

passant de |’état de fusion a la distance et, ce faisant, il


perd la relation fusionnellé avec sa mere.

— Sur le plan de sa propre identité, de qui il est,


a quoi le bébé est-il confronté ? Il change d’identité et
passe d’une identité stable 4 une perception instable de lui
(j'ai faim >< je n’ai plus faim, j’inspire >< j’expire, je
veille >< je dors, etc.) Et, corollairement, il perd une cer-
taine conscience de lui-méme.

— Sur le plan de son environnement, a quoi est-il


confronté ? De quels changements fait-il l’expérience ? Il
change d’ univers et passe d’un monde permanent et conti-
nu (méme luminosité, méme niveau sonore, méme tempé-
rature, méme sensation tactile, besoins physiologiques tou-
jours instantanément satisfaits) 4 un monde changeant et
discontinu... Quant 4 la perte qu’il expérimente, c’est
celle de la permanence et de l’intemporalité du monde qui
V’entoure.

Au vu de ce qui précéde, on peut dire que, pour I’en-


fant, incarnation est synonyme d’un triple changement
et d’une triple perte.

Le climat émotionnel dans lequel le nouveau-né vit


ces changements et ces pertes — des agressions, finale-
ment — est chargé d’angoisse et de peur'. C’est ainsi que

1 C'est sans doute la raison pour laquelle les psychologues |’appellent le


traumatisme de la naissance.

242
Etape n° 2 : Comprendre |’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

l'enfant associera la notion d’incarnation non seulement a


celle de changement et de perte, mais aussi a celle de dan-
ger et d’abandon. La boucle est donc bouclée.

L’incarnation a été vécue dans la peur ; elle fait peur.


Or, l’incarnation est le premier processus de changement et
de perte que nous ayons expérimenté. Donc, tout processus
de changement et de perte vécu par la suite nous fera peur.
Et l’inconnu et la nouveauté me feront peur, qu’il s’agisse
de la relation a |’ autre, 4 soi-méme ou au monde extérieur...

Et la mort, dans tout cela, me direz-vous ? Si vous


comprenez que la naissance, a cause des changements et
des pertes qui y sont associés, n’est autre que notre pre-
miére expérience de mort, vous en déduirez facilement que
la peur de la mort trouve son origine dans la peur vécue a
la naissance. En d’autres termes, l’incarnation engendre
donc la peur de la mort, parce que s’incarner, c’est chan-
ger d’état et perdre la sécurité et la permanence...

Il y a encore un autre lien entre l’incarnation et la


peur de la mort. En effet, si je n’étais pas né, je n’aurais pas
de corps. Et si je n’avais pas de corps, je ne mourrais pas.
Mon incarnation, au moment de ma naissance, marque le
début du compte a rebours qui m’entraine inexorablement
vers le moment de ma mort. Donc :

L’incarnation engendre également la peur de la


mort, parce que naitre, c’est entrer dans la condition de
mortel.

243
Relations et jeux de pouvoir

On pourrait donc synthétiser toute cette section


comme suit :

J’évite la Je risque Jai


confrontation de livikests peur

5 avec mon corps V’intemporalité de l’incarnation

Pour échapper a l|’angoisse de mort, il va donc falloir


que je nie ce qui en constitue l’origine, c’est-a-dire le fait
que je suis incarné dans un corps... Qu’est-ce que cela
signifie, concrétement ? II suffit, pour y répondre, de consi-
dérer ce qui caractérise I’incarnation.

tre incarné, cela signifie :


avoir un corps de chair ;
étre limité et mortel ;
étre soumis aux lois de la physique et du temps ;
avoir ses défauts et ses qualités ;
Se
See
hp €étre séparé et différent des autres.

Reprenons, en les explicitant, chacune des affirma-


tions ci-dessus...

244
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Nier mon incarnation, c’est agir comme si je n’avais pas


de corps. Cela se traduit par toute une série de comportements
qui s’apparentent aux jeux de pouvoir : rationaliser tout, négli-
ger son corps, se surmener, agir comme si on n’avait pas de
besoins, ne pas réclamer l’argent di ou travailler bénévole-
ment (puisqu’on n’a pas de besoins), se réfugier dans la médi-
tation pour oublier ses frustrations, ne pas écouter ou exprimer
ses €motions (si je n’avais pas de corps, je n’aurais pas d’émo-
tions non plus), ne pas prendre en charge ses besoins, négliger
ou nier sa vie sexuelle. A travers ces exemples, reconnaissez-
vous certaines de vos tendances ?

Nier mon incarnation, c’est aussi agir comme si je


n’avais pas de limites et comme si je n’allais pas mourir.
Par exemple : s’attaquer a des problémes ou a des ques-
tions qui dépassent nos capacités, faire des efforts phy-
siques au-dela de nos forces et de notre résistance, se com-
porter comme si on avait toujours vingt ans, épouser un(e)
partenaire vingt, trente ou quarante ans plus jeune que soi
pour se donner I’illusion d’une éternelle jeunesse, prendre
des risques inconsidérés, comme si la mort ne pouvait pas
nous atteindre. Pouvez-vous, ici également, identifier cer-
taines tendances chez vous ?

fe

245
Relations et jeux de pouvoir

Nier mon incarnation, c’est également agir comme si


je n’étais pas soumis aux lois de la réalité physique et
temporelle. En plus de tous les comportements que je vous
avais décrits quand nous avons abordé la peur du change-
ment', tous les comportements régressifs peuvent aussi
entrer dans cette stratégie de déni. Un comportement
régressif, en effet, tend a reproduire des situations du
passé, appartenant de préférence a la période ot |’enfant
n’avait pas encore la notion de l’écoulement du temps,
c’est-a-dire pendant la grossesse et jusqu’a l’age de trois
ans environ. Par la reproduction de ces situations, |’ adulte
régresse inconsciemment a une époque ou le temps n’exis-
tait pas pour lui : agissant de la sorte, il nie le temps et
devient intemporel, donc, par la méme occasion, immor-
tel ! Les attitudes correspondantes sont : se faire prendre en
charge par les autres (comme un fcetus ou un bébé), ne rien
entreprendre ou ne rien créer dans la vie (comme un bébé),
attendre que tout vienne des autres et du monde, ne pas
exprimer ses besoins ou ses désirs, s’identifier 4 un ancétre
mort et reproduire son destin, se comporter de maniére non
responsable (c’est pas moi, c’est l’autre !), nier sa spécifi-
cité sexuelle (faire comme si nous avions les deux
sexes’)... Arrétez-vous également pour faire le point a ce
niveau...

1 Vivre au-dessus de ses moyens, conduire a toute allure, frauder et voler,


arriver toujours en retard ou en avance par rapport a ’heure fixée, etc.
2 Lenfant de moins de trois ans se vit en effet comme androgyne, c’est-a-
dire a la fois garcon et fille. Pour davantage de précisions, je vous renvoie
a mes deux ouvrages : Les enfants de l’autonomie [09] et Le couple en
éveil [10].

246
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir
Z 2 - O° 5 e. oes . : . . . . .

Nier mon incarnation, c’est encore ne pas recon-


naitre mes cdtés obscurs, ma part d’ombre, c’est faire
comme si je n’avais pas de défauts. Cela signifie, entre
autres : m’identifier a des images, a des projections, a des
idéalisations, nier ou camoufler mes défauts, mes obscuri-
tés, étre tout le temps souriant, vouloir sans cesse séduire
et tre reconnu, ne pas reconnaitre quand j’ai tort, me mon-
trer fort, ne pas dévoiler ma vulnérabilité, ne pas montrer
mes sentiments, etc. Ces tendances sont trés courantes,
plus encore chez les hommes que chez les femmes. Y
reconnaissez-vous certains de vos traits ?

Enfin, nier mon incarnation, c’est agir comme Si je


n’étais ni séparé, ni différent des autres. Cela se traduit
non seulement par des attitudes fusionnelles (mimétisme,
imitation, dépendance, recherche d’une communication ou
chacun se comprend sans devoir se parler, réduction de la
réalité de l’autre a sa propre réalité, etc.), mais aussi par
des attitudes de rejet (racisme, xénophobie, uniformisation
des individus, purifications ethniques, etc.) Cette tendance
sommeille en chacun de nous, car c’est une fagon de ne pas
se confronter a la réalité de |’autre et de nier 4 la fois mon
incarnation et la sienne...

247
Relations et jeux de pouvoir

(ge Pere eds, Sales oa

248
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

En conclusion, nous voyons bien que la peur de l’in-


carnation est a l’origine de nombreux jeux de pouvoir
relationnels.

Le probleme, c’est qu’en niant mon incarnation pour


évacuer la mort de mon existence, je nie aussi le fait que je
suis en vie. Par peur de la mort, je crée les conditions qui
vont tuer la vie en moi et autour de moi... Par peur de
mourir, j accélére mon processus de mort. C’est ce que
nous allons considérer 4 présent, dans le sixiéme point de
notre cheminement.

249
Relations et jeux de pouvoir
ra : Ste r eee « ‘ < .
Etape n° 2 : Comprendre |’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

Decouverte n° 6
La peur de vivre

Nous arrivons progressivement a la fin de cette


deuxieme étape. II nous reste a faire la synthése des décou-
vertes que nous avons recueillies tout au long de notre par-
cours, et a refaire convenablement le lien avec |’objet prin-
cipal de notre enquéte sur l’origine inconsciente des jeux
de pouvoir. Pour cela, il n’est peut-étre pas inutile de pro-
céder a une petite récapitulation.

Découverte n° 1 : Dans les jeux de pouvoir, j’évite


la confrontation avec autrui, par peur de la rupture rela-
tionnelle qui risque de me faire perdre la relation (et la
fusion) avec autrul ;
Découverte n° 2 : Dans les jeux de pouvoir, j’évite
la confrontation avec moi-méme, par peur de me découvrir
tel que je suis, ce qui risque de me faire perdre |’ image que
jai de moi ;
Découverte n° 3 : Dans les jeux de pouvoir, j’évite
la confrontation avec le monde extérieur, par peur du chan-_
gement qui risque de me faire perdre le contrdle ;
Découverte n° 4 : Dans les jeux de pouvoir, j’évite
la confrontation avec mes limites, par peur de la mort qui
risque de me faire perdre ma toute-puissance ;

251
Relations et jeux de pouvoir

Découverte n° 5 : Dans les jeux de pouvoir, j’évite la


confrontation avec mon corps et mes besoins, par peur de m’in-
carner, ce qui risque de me faire perdre mon intemporalité.

Nous avons aussi remarqué que les peurs s’enchai-


naient — au propre comme au figuré — les unes aux
autres.

1. La rupture relationnelle me fait peur parce


qu’elle me renvoie a moi-méme.
2. Me découvrir tel que je suis me fait peur parce
que cela va me forcer a changer.
3. Le changement me fait peur parce qu’il m’en-
traine inexorablement vers ma mort.
4. La mort me fait peur parce qu’elle me rappelle
mon incarnation.
5. Mon incarnation me fait peur, tout simplement
parce que cela a été une expérience traumatisante et brutale.

Tous nos comportements semblent donc condition-


nés par un événement fondamental (notre naissance et
notre incarnation) et par une émotion centrale (la peur).
Tout ceci a pour conséquence que nous ne vivons plus plei-
nement notre existence.

1. En évitant de me confronter a l’autre, il m’est


impossible de le rencontrer dans ce qui fait sa spécificité,
de le découvrir tel qu’il est, d’apprendre des choses A son
contact. Mais je n’ai pas, non plus, la possibilité de me
connaitre, puisque je ne suis pas renvoyé 4 moi-méme...

252
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

2. En évitant de me confronter 4 moi-méme, a


mes ombres, a mes défauts, je me coupe de mes racines et
de mon énergie vitale. Je passe a c6té de ce qui fait juste-
ment la richesse et le relief d’un étre humain. Je deviens
une image, une facade, pas un étre vivant. Je n’ai pas la
possibilité d’étre remis en question et donc d’évoluer en
conscience...
3. En évitant la confrontation avec le monde exté-
rieur, je vis dans ma bulle a essayer de répéter le passé et
a maintenir le statu quo sur tous les plans. Rien ne peut me
surprendre, car je contréle tout. Ce qui veut dire également
que rien ne peut me faire évoluer, ni vivre...
4. En évitant la confrontation avec mes limites,
jévacue la mort. Ce faisant, j’évacue tout processus de
transition, de passage et d’évolution dans ma vie. Je me
cristallise dans mes croyances et je cours aprés une toute-
puissance impossible a atteindre. J’arréte le mouvement de
la vie en voulant supprimer la mort de mon existence...
5. En évitant la confrontation avec mon corps et
mes besoins, je nie mes envies qui sont l’expression du fait
que je suis « en-vie ». Je me coupe de la possibilité de réa-
liser et de créer des projets et des ceuvres, par mépris de la
matiére incarnée. Je perds mon pouvoir créateur au nom
d’un idéal jamais réalisé...

Nous venons donc de découvrir que :

La peur de s’incarner engendre non seulement la


peur de mourir, mais aussi la peur de vivre pleinement.

253
Relations et jeux de pouvoir

Ceci signifie que les cinq stratégies mentionnées Ci-


dessus apportent a la fois des avantages et des inconvé-
nients. Grace aux jeux de pouvoir, nous gagnons une sécu-
rité inconsciente et une protection par rapport a nos peurs
et a nos angoisses. Par contre, nous perdons une vie pleine,
satisfaisante et épanouissante. En fait, il semble que, par
peur de nous incarner, nous mettons en place des stratégies
de « sur-vie » (dans notre relation a l’autre, 4 nous-méme et
au monde extérieur) et des stratégies de « sous-vie » (dans
notre rapport a la mort et 4 l’incarnation). Une fois ces stra-
tégies identifiées, vous pourrez facilement comprendre leur
lien avec les caractéristiques des jeux de pouvoir que nous
avons examinées dans la premiere étape. A ce moment,
toutes les piéces du puzzle seront rassemblées.

Voici comment je vous propose de_ procéder.


Reprenons le tableau récapitulatif de la section précédente :

J’évite la Je risque J’ai


confrontation de perdre peur

avec moi-méme Vimage de moi de me découvrir


avec le monde le contréle du changement
avec mes limites | la toute-puissance de la mort
avec mon corps P’intemporalité de l’incarnation

Comme nous avons découvert que la plupart de nos


comportements étaient fondés sur des stratégies d’évitement
et de déni, je vous invite 4 déduire de ce tableau les diffé-
rentes stratégies de sur-vie et de sous-vie correspondantes. ..

254
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Voici le raisonnement a suivre :

Dans ma relation a l’autre

L’objectif inconscient que j’ai en moi en perma-


nence est de conserver, de garder la relation avec |’autre,
puisque, nous l’avons vu, la peur de la rupture est
constamment présente...

Un des moyens pour atteindre cet objectif est de nier


la distance qui me sépare et me différencie de |’autre. En
effet, s’il n’y a plus de distance ou de différence entre lui et
moi, la relation est conservée. C’est un peu comme si nous
cherchions a annuler la séparation de la naissance, sépara-
tion qui a provoqué les angoisses que nous connaissons.

La stratégie de sur-vie qui s’installe souvent, c’est de


controler l’autre... En le contrdlant, je lui fais faire ce que
je veux qu’il fasse. Je le fagonne a mon image, ce qui me
permet de croire que je fusionne 4 nouveau avec lui... De la
méme facgon qu’un enfant met en place des stratégies de
contréle (pleurer, tomber malade, se faire mal, hurler, etc.)
pour ramener sa mére, puis son pére auprés de lui. Ainsi,
contréler les gens qui m’entourent est une excellente fagon
de maintenir la relation (ou en tout cas de le croire !).

Mais la conséquence de tout cela, c’est que je fige


l'autre dans ce que je veux qu’il soit, ce qui m’évite a la
fois les surprises, l’inconnu et les confrontations.
Jusqu’au jour ot |’autre, se sentant prisonnier, rompra la

255
Relations et jeux de pouvoir

relation pour échapper al’ eg et au jeu de pouvoir


que j’exerce sur lui.

De ceci, nous conclurons qu’en maintenant la rela-


tion par le biais de la stratégie de sur-vie, je mets en place
les conditions qui me la feront perdre...

Sur base du tableau de la page précédente, nous


remarquons que |’ objectif poursuivi correspond a ce que je
veux garder et que je risque de perdre, et le moyen de le
réaliser consiste 4 nier ce qui me fait peur. Si vous avez
compris en quoi la stratégie décrite ci-dessus fige la réali-
té, vous comprendrez également pourquoi il ne s’agit que
d’une sur-vie, et non d’une vie, pleine et satisfaisante.

Passons en revue les quatre autres origines des jeux


de pouvoir...

Dans ma relation avec moi-méme

Mon objectif est de conserver l’image que j’ai de


moi, celle a laquelle je me suis identifié. Ces images et ces
identifications sont issues de l’héritage que j’ai regu quand
Jétais enfant, des messages que les adultes (parents et pro-
fesseurs) m’ont transmis 4 propos de moi, des croyances
que je me suis forgées a partir de mes expériences vécues.
A partir de tout cela, je me suis défini et identifié 4 des
images : « Je suis timide », « Je suis intelligent », « Je ne
suis pas capable », « Je dois travailler dur dans la vie »,
« Le bonheur n’est pas fait pour moi », etc. La caractéris-

256
Etape n® 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

tique de la plupart de ces images, c’est que je les vis


comme des généralisations, des vérités toujours vraies
quelles que soient les circonstances. Je ne peux pas imagi-
ner que certains jours, je sois timide, et que d’ autres, je ne
le sois pas. Donc, méme si ma timidité m’encombre, sa
permanence me rassure...

Me découvrir tel que je suis vraiment signifierait


découvrir qu'il n’y a pas de régles générales dans mon
comportement, que tout est toujours fonction des circons-
tances. Et cela fait peur. Le moyen d’essayer d’atteindre
mon objectif serait de nier ce que je suis vraiment, avec
mes défauts et mes qualités, avec mes cétés obscurs et mes
cétés lumineux, avec mes comportements inadaptés et
adaptés...

Pour ce faire, la stratégie de sur-vie correspondante


est de rester identique 4 moi-méme, a tout prix, quoi qu’il
arrive et quelles que soient les circonstances.

La conséquence d’une telle stratégie est que, bien


évidemment, je me fige et m’enferme dans des schémas
dont je m’interdis de sortir. C’est ce qui fait dire a beau-
coup de personnes : « Ca, je ne peux pas le faire », « Ca,
je n’oserai jamais », « Ca, ce n’est pas mot », « Je ne pour-
rai jamais aller lui demander... » A force d’agir ainsi, ie
risque d’exercer une telle pression et un tel controle sur
moi-méme que je serai de plus en plus inadapte a la réali-
té qui, elle, continue a évoluer et 4 changer. Ce décalage
qui ne cesse de s’accentuer risque bien de me renvoyer de _

257
Relations et jeux de pouvoir

plus en plus durement a moi-méme, a mes incohérences et


aux parties de moi que je refusais de voir. Donc, finale-
ment, en cherchant a me fuir, je mets en place les condi-
tions ou je serai confronté 4 moi-méme encore plus dure-
ment.

Dans ma relation avec le monde extérieur

Dans ma relation avec le monde extérieur, mon objec-


tif sera de garder le contr6le sur les personnes, les événe-
ments et les lois du réel (économiques, juridiques, phy-
siques, etc.). Nous avons vu, au cours de cette deuxieéme
étape, qu’a l’origine, c’est le changement permanent — et
donc la nouveauté — de la réalité qui risque de me faire
perdre le contrdle...

Donc, le moyen de se donner l’illusion de garder le


contréle consiste a nier le changement, c’est-a-dire agir
comme s’il n’existait pas.

La stratégie de sur-vie correspondante la plus


répandue sera de répéter continuellement le passé. Cela
signifie que je m’arrangerai pour reproduire, dans ma vie
d’aujourd’hui, les mémes circonstances que celles de mon
passé, qu’elles aient été agréables ou non. Au moins, de la
sorte, je me retrouverai dans un contexte connu et inchan-
gé, et je pourrai croire (inconsciemment) que je suis a I’ori-
gine de tout ce qui m’arrive, ce qui revient 4 dire que je
controle tout...

258
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Mais la conséquence, vous vous en doutez, c’est que


toute cette stratégie de sur-vie a tendance, elle aussi, a
figer la vie, 4 l’enfermer dans un statu quo qui va a l’en-
contre de l’essence méme de la vie. En faisant cela, je
cours le risque d’un retour de flammes qui me montrera
bien que je ne peux pas manipuler les personnes, les évé-
nements et les lois du réel 4 ma guise. Plus je voudrai le
faire, plus forte sera la réaction du monde extérieur, et
moins j’aurai le contrdle. Une nouvelle fois, on se trouve
devant un paradoxe. La conclusion est par conséquent la
suivante : En cherchant a contréler le monde extérieur et
les €vénements, je mets en place les conditions qui me
feront perdre le contrdle.

Dans mon rapport avec la mort

Toujours en nous référant au méme tableau récapitu-


latif, il est aisé de définir l’ objectif suivant : conserver ma
toute-puissance et mon invincibilité. Souvenez-vous, nous
avons dit que la toute-puissance était reliée au fait de
n’avoir aucune limite et aucune limitation.

Or, l’ultime limite qui rend incontournables toutes


mes autres limites, c’est le fait — tout aussi incontournable
— que je vais mourir un jour. Le moyen de conserver ma
toute-puissance — c’est-a-dire de n’avoir aucune limite —,
c’est de nier la mort, donc agir et me comporter comme si
ni ma mort ni celle des autres n’existaient.

259
Relations et jeux de pouvoir

Pour mettre en ceuvre de maniére certaine ce déni de


la mort, la meilleure stratégie de sous-vie' est d’arréter le
temps... Arréter le temps, cela signifie s’attacher aux
choses, aux gens, aux événements, c’est résister a toute
forme de changement ou d’évolution, c’est rester accroché
a ses croyances ou a ses convictions, et cela méme quand
les événements me démontrent le contraire, c’est aussi nier
le fait que je vieillis ou que je tombe malade, et bien
d’autres choses encore... On trouve, entre autres, le reflet
de cette tendance collective dans de nombreuses produc-
tions cinématographiques de ces derniéres années, ou |’on
exploite le theme commun de la capacité de remonter ou de
descendre dans le temps, de l’arréter ou de recommencer
indéfiniment la méme journée’...

On peut aisément deviner quelle sera la conséquence


d’une telle stratégie : en niant la mort, en m’accrochant et en
m’attachant pour arréter le temps, non seulement je fige
mon existence, mais surtout je ne suis plus réellement
vivant, je ne suis plus que l’ombre de mon passé, des objets,
des croyances et des personnes auxquels je suis attaché...
Ainsi, en fuyant la mort et en niant tout ce qui m’y conduit
inexorablement, je mets en place les conditions qui font
de moi un « vivant-mort »...

1 J’appelle cela une stratégie de sous-vie, et pas de sur-vie, parce que,


contrairement aux trois premiers domaines que nous avons explorés, nous
ne luttons plus contre quelque chose, mais nous préférons une tactique qui
va dans le sens de la diminution, du frein, du retrait.
2 Ce dernier théme est celui du film The Groundhog day, traduit en francais
sous le titre Un jour sans fin.

260
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

Dans mon rapport avec l’incarnation

Terminons par le rapport a l’incarnation. Pour éviter


tout ce qui peut me rappeler le traumatisme de ma naissance,
mon objectif sera de conserver mon intemporalité.
Remarquez qu’arréter le temps est déja une maniére d’y par-
venir.

Mais ici, le moyen sera de nier carrément le fait que


je suis incarné, c’est-a-dire nier mon incarnation.

Outre toutes les stratégies que nous avons déja évo-


quées par rapport au corps délaissé et aux besoins négligés,
la stratégie de sous-vie la plus générale sera de ne pas
prendre la responsabilité de ce que je fais et de ce que
je suis', comme si je désinvestissais ma vie et mes rela-
tions. En rejetant la responsabilité de ce qui m/’arrive sur
les autres, sur les circonstances ou sur Dieu. En dissimu-
lant ce que je pense ou ce que je ressens pour ne pas avoir
d’ennuis... En me réfugiant dans le mental, dans la posi-
tion d’observateur des événements que je vis sans m’y
engager. En ayant la téte remplie de projets que je ne réa-
lise jamais... En ne prenant pas en main ma vie, mes
besoins et ma destinée, mais en en confiant le soin aux
autres...

1 Depuis la premiére édition de ce livre (1993), cette notion de non-prise


de responsabilité m’ est apparue tellement essentielle pour la compréhen-
sion de la dynamique des jeux de pouvoir que j’en ai fait un critére de
repérage supplémentaire, ce qui nous en donne huit au lieu de sept. Si
vous désirez prendre connaissance des résultats de mes récentes
recherches, vous pouvez consulter mon livre L’alchimie du pouvoir [13]. _

261
Relations et jeux de pouvoir

La conséquence, c’est qu’ici également, je ne suis


que l’ombre de moi-méme. Je perds toute ma puissance
créatrice par refus de m’incarner. De plus, mes besoins
fondamentaux seront de moins en moins satisfaits, vu que
je serai de moins en moins présent dans la vie et dans les
relations pour les faire respecter... Jusqu’a ce que mon
corps me rappelle a |’ ordre grace 4 une maladie aussi grave
que le cancer, la sclérose ou le SIDA.

Nous synthétiserons en disant qu’en cherchant a fuir


mon incarnation, je crée les conditions pour que je ne
puisse plus échapper a la réalité de mon corps.

La conclusion de toute notre réflexion est sans doute


que toutes ces stratégies mises en place pour nier nos peurs
inconscientes et pour conserver ce que nous risquons de
perdre sont trés peu efficaces. Nous pourrions méme aller
jusqu’a dire que nous obtenons I’inverse de ce que nous
voulons. Plus nous voulons supprimer une dimension de
notre structure inconsciente, plus nous devons faire pres-
sion sur elle... Or, plus nous le faisons, plus nous lui don-
nons force et pouvoir sur nous... Et donc plus pesante sera
sa présence dans notre vie.

Il semble, en outre, que tout se passe exactement


comme dans les jeux de pouvoir entre deux individus...
Vous vous souvenez certainement de la complicité circu-
laire : plus je résiste au pouvoir de |’ autre, plus je le ren-
force dans son pouvoir, et plus il exerce de force sur moi.

262
“= ; ° Z <4 Sark
Etape n°
os
2 : Comprendre I’ origine inconsciente
. r - .
des jeux de pouvoir

Ici, c’est pareil, si ce n’est que la complicité circulaire


s’établit entre mon inconscient et moi.

La personne La pression
fait pression renforce le
sur son propre pouvoir et l'emprise
inconscient. de l’'inconscient
sur la personne

— Je veux supprimer la distance qui me sépare de


lautre, en le contr6lant ? L’autre crée une distance et se
sépare de moi, pour échapper a mon controle...
— Je veux nier ce que je suis vraiment pour rester
fidéle 4 ce 4 quoi je me suis identifié ? Tout ce que j’avais
voulu cacher me concernant resurgit 4 mon insu, dans mes
comportements...
— Je veux éliminer le changement en répétant le
passé et en faisant rejouer 4 mon entourage des scénarios
que je suis seul 4 connaitre ? Plus j’abonderai dans ce sens,
plus le monde extérieur me résistera, et moins il me sera
possible de maintenir la permanence des événements...
— Je veux nier la mort et arréter le temps ? Je
deviens un « vivant-mort » dépassé par l’accélération du
temps...

263
Relations et jeux de pouvoir

— Je veux fuir mon incarnation, nier mon corps et


mes besoins ? La maladie et les‘épreuves issues du monde
matériel me remettront d’autant plus face a ma réalité cor-
porelle=.:

Peut-étre, a ce stade-ci, ne faites-vous pas encore trés


bien le lien entre les propos de ce sixiéme point et les jeux
de pouvoir. C’est normal, car, depuis le début de cette sec-
tion, nous sommes descendus de plus en plus profond dans
les couches de notre structure inconsciente.

Mais, avant de revenir une derniére fois a Fernand et


Isabelle, pour la conclusion de leurs aventures, je tiens 4 vous
rappeler que notre démarche a été strictement déductive.
Nous sommes partis de l’hypothése que si nous nous enté-
tons a reproduire des jeux de pouvoir dans nos relations, c’est
que nous y trouvons un bénéfice caché (malgré toute leur
inefficacité a long terme et leur aspect frustrant). Nous avons,
ensuite, de proche en proche, cherché 4 identifier ce bénéfice
caché et nous avons pu observer que, finalement, ce bénéfice
est toujours le méme. Ce que recherche notre inconscient,
c’est une protection, une sécurité par rapport 4 nos peurs et a
NOs angoisses inconscientes.

D’une peur a l’autre, nous sommes remontés 4 la


peur sans doute la plus fondamentale de l’étre humain :
la peur de vivre, tout simplement.

Les autres peurs ne sont, tout compte fait, que des


expressions plus superficielles de cette peur fondamentale.

264
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Ainsi donc, pour désamorcer les jeux de pouvoir relation-


nels et pour entrer dans la puissance de respect incondi-
tionnel, nous devrons tenir compte en permanence de deux
composantes qui alimentent leur existence. Nous devrons
trouver comment ne plus alimenter la dynamique relation-
nelle complice ot chaque partenaire alimente le jeu de
l’autre (c’était l'objet de la premiére étape). Nous devrons
également trouver comment négocier et collaborer avec
notre propre inconscient pour qu’il ne nous pousse plus a
réenclencher des jeux de pouvoir avec I’ autre (c’était I’ ob-
jet de la deuxiéme étape).

Maintenant que nous avons effectué la synthése


de cette deuxiéme étape, quels sont les ensei-
gnements que vous tirez de tout ce que vous
venez de découvrir ?

Si vous reprenez chacune des stratégies de sur-


vie ou de sous-vie décrites ci-dessus (controler
l’autre, rester identique a moi-méme, répéter le
passé, arréter le temps et ne pas prendre la res-
ponsabilité de mes actes et de mes paroles),
vous pourrez effectuer une relecture de cer-
tains de vos comportements. Quelle est-elle ?

265
Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

Je vous conseille méme de relire une deuxiéme fois


cette sixiéme section de découverte, pour bien en intégrer
le contenu. Nous en aurons besoin pendant les trois der-
niéres étapes qui nous attendent, afin de découvrir le che-
min de la puissance de respect de soi et d’autrui.

Et une fois que vous aurez pris le temps de le faire,


je vous invite a retrouver, pour la derniére fois, Fernand et
Isabelle, dans une conclusion en coup de théatre...

267
Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Decouverte n° 7
Pouvoir, nevrose et guérison

Nous avions laissé Fernand a un moment charniére


pour lui. Dans la variante n° 5 de son dialogue avec
Isabelle, il découvrait qu’il était le mieux placé pour s’oc-
cuper de lui et de ses besoins. Cette découverte, il I’ avait
faite parce qu’il avait accepté d’étre confronté a ses limites
et a sa mort. Grace a cela, il découvrait qu’il avait un corps,
des besoins et les moyens d’en prendre soin.

Forts de cette découverte, imaginons ce qu’il pourrait


en faire a présent dans cette question de cadeau d’anniver-
saire et de carte collective...

Histoire n° 9 — Conclusion :
Fernand pose un acte de guérison

fo,
Fernand: Mince, alors ! Je n’y aurais jamais pensé!
Mais, maintenant que tu le dis, c’est vrai que
je suis peut-étre le mieux placé pour m’occu-
per de moi...

269
Relations et jeux de pouvoir

Isabelle : Bravo, Fernand ! La; je crois que tu as fait un


grand pas dans ton évolution !

Fernand : Un grand pas, c’est vite dit, ga ! Une prise de


conscience, tout au plus... Mais le pas, ras-
sure-toi, je ne vais pas tarder a le poser...

Isabelle : Ah bon ? Et comment ?

Fernand (avec un grand sourire) : En ne te payant pas,


Isabelle !

Isabelle (fachée) : Voila que tu recommences a espérer


qu’on te remette tes dettes ! Moi qui te
croyais guéri, j’ai parlé trop vite !

Fernand (toujours trés calme) : Mais Isabelle, je suis


guéri ! Tu m’as permis de comprendre qu’en
fait, je n’ai aucune dette a ton égard.

Isabelle (outrée) : Comment cela, pas de dette 4 mon égard ?

Fernand : Tu m’as dit, il y a cing minutes, que si j’avais


une demande 4 te faire, il fallait que je te le
demande clairement et explicitement. C’est
bien cela ?

Isabelle (interrogative) : Oui...

Fernand : Et que c’était une des meilleures fagons de


prendre soin de mes besoins. C’est toujours
bien cela ?

Isabelle : Oui, Fernand. Mais ow veux-tu en venir ? II


s’agit ici de la dette que tu as 4 mon égard.
Donc il s’agit de mes besoins, pas des tiens !

270
5
Etape ne : Comprendre |’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Fernand : C’est bien 1a ot je veux en venir, Isabelle, a


tes besoins. Car, ce que tu voulais samedi
soir, c’était bien obtenir mon accord pour la
participation aux frais du cadeau d’anniver-
saire de ton mari. C’est exact ?

Isabelle : Effectivement, c’est ce que je voulais...

Fernand : Isabelle, m’as-tu fait une demande claire et


explicite pour prendre soin de ton besoin ?

Isabelle (embarrassée) : Euh... Non. Mais ¢’eiit été


quand méme la moindre des délicatesses de
ta part de comprendre, sans que je te le dise,
que j’attendais de toi que tu participes,
non ?

Fernand (avec un large sourire) : Je n’ai pas la méme


conception que toi de la délicatesse.
Par contre, quand tu es venue ce matin, dans
mon bureau, j’étais furieux parce que je me
sentais mis devant le fait accompli. Et cela,
ca ne me plaisait pas du tout. Mais comme
tu ne m’as fait aucune demande, je ne me
sens en aucune facon ton débiteur !

Isabelle : C’est vrai, mais si je te demandais de le


faire, au nom de notre amitié... Allez,
Fernand, sois sympa !

Fernand : Je regrette, Isabelle. Je ne me respecterais


pas en faisant cela. Et je garderais l’impres-
sion d’avoir été floué par toi. Et donc, je
continuerais a t’en vouloir et peut-étre, non,

271
Relations et jeux de pouvoir

sirement, j’en arriverais a saboter notre


relation. Et cela, je ne le veux pas.

Isabelle : Ainsi donc, Fernand, tu me laisses tomber ?

Fernand : Non, Isabelle, au contraire. Je me respecte et


je veux respecter l’avenir de notre relation,
car j’y accorde beaucoup de prix.

Isabelle (ironique, mais de moins en moins siire d’elle) :


Justement, ta part est de mille francs !

Fernand : Je peux reconnaitre que tu sois fachée contre


moi. Je peux méme l’accepter. Mais, pour
moi, notre relation vaut bien plus que cela. Je
ne payerai donc pas, parce que je ne me res-
pecterais pas.

Isabelle (aprés un silence) : O.K., Fernand. Finalement, tu


as raison. C’est moi qui n’ai pas été claire...
J’aurais dai te le demander. La prochaine fois,
je n’oublierai pas de le faire.

Fernand : Et moi, je m’engage 4a te dire clairement


quand je me sens mal 4 I’aise, sans attendre.
Mais je ne regrette pas que cela se soit passé
ainsi. (Il sort du bureau d’Isabelle.)

Isabelle : Ah Fernand, j’oubliais... Merci.

Fernand : Merci aussi. Grace a toi, je viens de guérir


quelque chose d’important en moi. Et cela, je
ne |’oublierai pas non plus...

272
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Le rideau tombe. Ce que vous venez de lire est a


"image de ce que nous allons explorer dans les trois der-
nieres étapes : comment passer du pouvoir, de la manipu-
lation, des jeux implicites 4 la puissance, c’est-a-dire a la
clarté relationnelle, au respect de soi et de l’autre. Nous
en avons ci-dessus une trés belle démonstration. Je vou-
drais donc en profiter pour vous inviter a tirer des ensei-
gnements de la maniére dont s’est déroulée, depuis le
début, |’histoire entre Fernand et Isabelle.

Commengons par nous poser les bonnes questions...


A partir de quand Fernand est-il sorti des jeux de pouvoir ?
Dans l’histoire d’origine, tout d’abord ? Dans les variantes
nes 1, 2, 3, 4 ou 5, ensuite ? Dans la conclusion, enfin ? Et
qu’est-ce qui lui a permis de sortir de ces jeux ? Et
Isabelle ? Quand est-elle sortie de ses jeux de pouvoir ?
Qu’est-ce qui lui a permis d’en sortir ?

En réalité, ma question est une question piége, car il


n’y a pas de réponse absolue et universelle. Dans la vie non
plus, d’ailleurs. En effet, sortir d’un jeu de pouvoir reléve
plus d’un processus continu que d’une frontiére précise que
l’on traverse 4 un moment donné. Et ce qui est intéressant,
dans l’histoire de Fernand et Isabelle, c’est qu’ils restent
tous les deux pendant trés longtemps dans des jeux de pou-
voir, mais qu’en méme temps, c’est le cheminement qu’ils
suivent ensemble (dans le pouvoir) qui les améne a une
guérison, non seulement de la relation, mais aussi de leurs
névroses respectives. Voyons cela de plus prés...

273
Relations et jeux de pouvoir

Dans l’histoire initiale (p. 165), le jeu de pouvoir de


Fernand est celui de la victime qui paye sans rien dire
(« Mais Isabelle, la prochaine fois, tu pourrais quand
méme étre plus claire, que je n’achéte pas deux
cadeaux »). Le bénéfice qu’il en retire est que, grace a cela,
il évite une confrontation avec Isabelle et il se protege du
risque d’une rupture.

Dans la variante n° 1 (p. 169), il sort de son jeu de


victime pour entrer dans une autre forme de jeu de pou-
voir : agresser Isabelle pour ne pas étre pris en défaut
(«...Tu n’es pas foutue d’étre claire [...] Non mais, pour
qui me prends-tu ? »). Son bénéfice est de ne pas étre ren-
voyé a lui-méme : il se protége de la peur de se découvrir
tel qu’il est.

Dans la variante n° 2 (p. 181), il quitte son jeu


d’agression pour le remplacer par un autre jeu de pouvoir :
résister aux arguments d’Isabelle en se justifiant (« Non,
mais je n’imaginais pas que » [...] « Mais, tu sais, j’ai dit
¢a comme ¢a » [...] « Moi, en tout cas »). Son bénéfice est
d’éviter d’étre confronté au principe de réalité qui |’ obli-
gerait 4 changer sa vision des choses.

Dans la variante n° 3 (p. 193), il accepte d’étre


confronté a lui-méme en cessant de résister aux arguments,
mais, par contre, un autre jeu de pouvoir se met en place :
celui d’imposer a Isabelle son systéme de croyances et de
valeurs (« C’est normal, non ? En tout cas, c’est la
moindre des délicatesses. »). En faisant cela, il est évident

274
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

qu il évite la remise en question de ses croyances et peut se


croire tout-puissant : il évite la mort de ses valeurs...

Dans la variante n° 4 (p. 210), il n’impose plus son


systeme de croyances, mais met en place un autre jeu de
pouvoir ou il se laisse prendre en charge par Isabelle qui
se met, elle, en position de « thérapeute »... Nous devons
reconnaitre qu’a partir d’ici, l’intensité du jeu de pouvoir
est de plus en plus subtile, car Fernand a déja accepté d’en-
trer dans la réalité sur pas mal de plans. Mais, d’ autre part,
il est clair que sa position lui permet de ne pas devoir faire
Veffort d’identifier lui-méme ses besoins. I] reste encore
dans une sorte de dépendance et d’intemporalité désincar-
néen}

Dans la variante n° 5 (p. 233), en cherchant a com-


prendre, en reformulant lui-méme, il manisfeste son accep-
tation de se prendre lui-méme en charge. Par contre, il
résiste encore a |’idée d’investir sa propre énergie, de
devoir passer a l’acte, de devoir prendre la responsabilité
de tous ses actes (« Chaque fois que j’ai besoin de quelque
chose, aller le demander ? Ce n’est plus une vie, ¢a ! » ).
Son bénéfice (trés subtil) est de se protéger de la peur de
vivre pleinement chaque instant...

Dans la conclusion de l’histoire (p. 269), il aban-


donne son dernier jeu de pouvoir pour poser I’acte adap-
té qui aura comme conséquence qu’il se respecte, qu’il
respecte la relation ainsi qu’Isabelle, méme si, sur le
moment, ce respect passe par un refus.

275
Relations et jeux de pouvoir

Quels enseignements pouvons-nous tirer de |’ana-


lyse de I’ évolution comportementale de Fernand ? Quelle
utilité cela pourrait-il avoir, sur le plan relationnel, dans
la conduite de notre vie privée et professionnelle ? Je
vous propose trois types de réponses.

Premiére réponse. Pour sortir de tous ses jeux de


pouvoir et atteindre un comportement adapté et respec-
tueux, il a fallu que Fernand adopte la méme attitude
intérieure dont la clé a été d’accepter de faire face a ses
peurs et de se confronter avec la réalité (celle de
l’autre, la sienne, celle du monde extérieur...). En effet,
en acceptant de faire face a chacune de ses peurs (l’une
apres |’ autre, en commengant par la plus superficielle), et
en posant des actes malgré tout, il a pu opérer des prises
de conscience qui lui ont permis de guérir ses peurs. Tout
simplement parce qu’il a pu constater dans le réel que
rien de catastrophique ne lui arrivait, une fois |’acte
posé...

Deuxiéme réponse. Fernand n’est pas passé du


pouvoir a la puissance instantanément. La guérison des
relations est un processus évolutif et progressif.
J’ajouterai méme que c’est grace a ses jeux de pouvoir
successifs qu’il a pu prendre conscience de tout ce qui
était inadapté dans sa vie, ses croyances et ses compor-
tements. Nous en revenons donc a notre observation de
la fin de la premiére étape : un jeu de pouvoir n’est, en
soi, ni un bien, ni un mal. Mais nous avancons d’un pas :
non seulement ce n’est pas un mal, mais en plus, c’est

276
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

une source précieuse d’informations qui permettront un


processus de guérison des relations !

Troisiéme réponse. Je voudrais attirer votre atten-


tion sur le fait que Fernand n’a réellement été guéri
que lorsqu’il a manifesté en actes sa prise de
conscience. Nous reviendrons a cette notion dans les
étapes suivantes'... Pour changer, on ne peut se conten-
ter de penser autrement ; il faut en plus concrétiser en
actes sa prise de conscience, l’incarner, sans quoi ni
l’autre ni moi ne serons convaincus de I’efficacité de la
nouvelle stratégie mise en place. La tendance sera alors
de reproduire (une fois de plus) le passé, ce qui nous
refoulera 4 nouveau dans une attitude de sur-vie ou de
sous-Vie...

Procédons a la méme analyse en ce qui concerne


Isabelle.

Dans V’histoire initiale (p. 165), le jeu de pouvoir


d’Isabelle consiste a faire pression sur Fernand en le met-
tant devant le fait accompli. Cela se passe en deux
temps : le samedi soir, en faisant signer une carte sans rien
préciser, et, le lundi matin, en venant réclamer |’ argent
comme un dii (« Donc, tu es le dernier a me devoir mille
francs... », « C’est quand méme évident qu’en signant une
carte d’anniversaire, tu participes au cadeau, n’est-ce

1 Pour plus d’informations, vous pouvez également consulter mon livre Evo-
luer pour guérir [08] dans lequel les processus de changement et de gué-
rison sont décrits de maniére détaillée.

277
Relations et jeux de pouvoir

pas ! »). Les bénéfices qu’ elle en tire : éviter une confron-
tation avec Fernand et s’assurer qu’il la paye.

Dans la variante n° 1 (p. 169), voyant que Fernand


ne répond pas a son attente implicite, elle exerce un chan-
tage affectif sur lui en rompant la relation (« Si notre ami-
tié vaut moins que mille francs », « Et ne compte plus sur
moi pour écouter tes jérémiades quand tu seras dépri-
mé »). C’est une autre maniére de faire pression sur
Fernand pour obtenir son argent, sans remettre elle-méme
en question son propre comportement initial.

Dans la variante n° 2 (p. 181), Isabelle abandonne


son chantage affectif pour entrer dans un autre jeu de pou-
voir : celui d’adresser des reproches 4 Fernand pour le
culpabiliser (« Et tu crois que ton attitude me convient ? »,
« Qu’aurais-tu pensé, si tu avais été a ma place ? »). Agir
de la sorte est une trés belle fagon, pour Isabelle, de ne pas
prendre la responsabilité de ce qu’elle pense ou ressent.
Elle ne dit pas : « Ton attitude ne me convient pas » ou « Je
ne suis pas d’accord avec ton attitude », mais : « Et tu
crois que... » Elle laisse donc a I’autre le pouvoir de devi-
ner son état d’esprit, mais ne l’explicite pas elle-méme !

Dans la variante n° 3 (p. 193), elle ne fait plus de


reproches, mais explore la réalité de Fernand en lui posant
des questions. D’un cété, on ne peut pas qualifier cela de
jeu de pouvoir ; cela permet méme de clarifier davantage
la situation relationnelle. Mais, d’un autre cété, il ne faut
pas oublier que, grace a cela, Isabelle camoufle sa respon-

278
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

sabilité dans la confusion et le malentendu. Le jeu de pou-


voir d’Isabelle est donc de s’intéresser 4 Fernand avec le
projet implicite d’éviter d’étre mise en cause dans ce pro-
bleme ; c’est donc une stratégie de déresponsabilisation
(« Que s’est-il passé, samedi ? Et ce matin ? », « Pourquoi
donc ? », « Et comment espérais-tu en sortir ? »), avec le
bénéfice d’éviter d’étre confrontée a elle-méme et a ses
propres incohérences...

Dans la variante n° 4 (p. 210), Isabelle pose ses


limites pour se faire respecter, en demandant 4 Fernand de
faire des demandes claires auxquelles elle répondra quand
elle sera disponible. I] n’y arien a redire a cela... Mais cela
fait toujours partie de la méme stratégie de déresponsabi-
lisation, ot elle continue a refuser de reconnaitre sa res-
ponsabilité. De plus, ici, elle joue au thérapeute avec
Fernand, alors qu’il ne lui a rien demandé. Elle occulte
donc tout un pan de la réalité. Avec toujours le méme béné-
fice que précédemment.

Dans la variante n° 5 (p. 233), Isabelle poursuit le


méme jeu de pouvoir qui consiste a ne pas reconnaitre sa
responsabilité. Dans le méme temps, méme si ses ques-
tions poursuivent |’ objectif de se protéger elle-méme (tant
qu’on parle de Fernand, on ne parle pas d’elle), elle rend
un service extraordinaire 4 son collégue par toutes les
prises de conscience qu’elle lui permet d’opérer, notam-
ment en lui disant qu’il est la personne la mieux placée
pour s’occuper de lui. Malgré la présence d’un jeu de pou-
voir trés subtil... :

279
Relations et jeux de pouvoir

Dans la conclusion de V’histoire (p. 269), Isabelle


est confrontée au changement de comportement de
Fernand. Elle s’apergoit que les prises de conscience
qu’elle l’a aidé a faire se retournent contre elle et qu’elle
est forcée de se remettre en question. Elle met alors en
ceuvre une série impressionnante de jeux de pouvoir dont
Vobjectif est de faire retomber Fernand dans ses
anciennes névroses. En quelques minutes, elle utilise tour
a tour la culpabilisation (« Voila que tu recommences a
espérer qu’on te remette tes dettes ! »), la dévalorisation
(« Moi qui te croyais guéri »), lamenace (« Comment cela,
pas de dette @ mon égard »), la rétorsion' (« Mais ¢’eiit
quand méme été la moindre des délicatesses de ta part de
comprendre, sans que je te le dise, que j’attendais de toi
que tu participes, non ? »), le chantage affectif (« [...] au
nom de notre amitié... Allez, Fernand, sois sympa ! »), la
victime (« [...] tu me laisses tomber ? »), ’opportunisme
(« Justement, ta part est de mille francs ! »). Finalement,
voyant que Fernand n’est retombé dans aucun de ses jeux
de pouvoir, elle accepte de reconnaitre sa responsabilité...
Son bénéfice, 4 ce moment, est l’enseignement qu’elle en
tire immédiatement (« La prochaine fois, je n’oublierai pas
de le demander »). Non seulement, elle n’en veut pas a
Fernand — parce que c’est face a elle-méme qu’elle s’est
retrouvée —, mais en plus, elle peut le remercier.

Pour conclure ce deuxiéme chapitre, j’aimerais faire


encore quelques remarques.

1 Par rétorsion, il faut entendre « renvoyer 4 l’autre le méme argument que


lui pour le faire plier ».

280
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

Premiere remarque. Comme nous l’avons déja


observé tout a l’heure chez Fernand, le fait qu’ Isabelle ait
été presque tout le temps dans des jeux de pouvoir n’a pas
du tout empéché qu’un processus d’évolution positive se
produise. La seule différence avec la réalité, c’est qu’ici
nous avons artificiellement accéléré les prises de
conscience successives de Fernand. Dans la réalité, le pro-
cessus est donc le méme, mais parfois beaucoup plus
lent... Méme un jeu de pouvoir peut faire évoluer les
deux partenaires dans le sens de la guérison, car celle-ci
est un processus, et non un état statique et aseptisé des rela-
tions a soi et a autrui.

Deuxieme remarque. Dans |’épisode final, la


réaction d’Isabelle peut, au premier abord, surprendre
quelqu’un qui n’aurait pas repéré chez elle un jeu de
pouvoir permanent durant toute l’histoire. Si l’aide
qu’elle apportait 4 Fernand était totalement désintéres-
sée, elle devrait se réjouir du progres opéré a chaque
prise de conscience importante. Mais ici, elle ne peut
qu’en étre mécontente et déstabilisée, puisque cette aide
camouflait un double jeu de pouvoir :
— celui de se déresponsabiliser dans la polémique
du cadeau d’anniversaire. Tant qu’on parle de Fernand,
Isabelle ne peut pas étre remise en question. C’est donc
une maniére de se protéger que de jouer au thérapeute avec
l’ autre ;
— celui de continuer a créer une relation de dépen-
dance entre elle et Fernand. II ne faut pas oublier qu’elle a
longtemps été sa confidente. Tant que Fernand ne voulait

281
Relations et jeux de pouvoir

pas se prendre en charge, elle continuait a lui étre utile et,


par conséquent, se sentait importante et indispensable.

Au moment ot Fernand rompt |’ équilibre en se pre-


nant en charge, Isabelle est non seulement remise en
question, mais en plus, elle perd son statut de sauveur
indispensable. Pour se protéger 4 nouveau, mais, surtout,
pour retrouver sa raison d’exister (qu’on ait besoin d’elle),
elle fera tout pour provoquer la rechute de Fernand dans
ses problémes, et recréer les conditions de la situation anté-
rieure.

Vous avez certainement déja observé ce phénoméne


autour de vous, dans les relations de couple comme dans
les entreprises ou les associations. On fait tout pour que
l’autre s’en sorte, jusqu’a ce qu’il s’en sorte vraiment. A ce
moment, on fait tout pour l’enfoncer a nouveau, et on est
reparti pour un tour...

Troisiéme remarque. Dans la conclusion de |’histoire,


la réaction excessive d’Isabelle peut se comprendre par le
stress que le changement de dynamique relationnelle a pro-
voqué en elle. En d’autres termes, son stress a réenclenché
plusieurs jeux de pouvoir. Muni de la démarche que nous
avons appliquée dans cette deuxiéme étape, vous en compre-
nez certainement la raison. Le stress — interne ou externe —
entre en résonnance avec les peurs inconscientes qui sont en
nous (peur de vivre, de s’incarner, de mourir, du changement,
de qui nous sommes, de la rupture) et les amplifie. Comme
ces peurs sont a l’origine des jeux de pouvoir, ceux-ci vont

282
4.
Etape n° Cw Poa a
2 : ComprendrePAMI’ origine
AH COIN inconsciente
ho 104 des jeux
i de pouvoir|

apparaitre d’autant plus facilement. Notre tache, dans les


tapes suivantes, sera de voir comment désamorcer ce phé-
noméne de résonnance qui peut gravement parasiter nos
relations.

Quatriéme remarque. I] faut encore souligner 1’at-


titude impeccable de Fernand dans la derniére partie de
cette histoire. Face a tous les jeux de pouvoir mis en place
par Isabelle, il aurait pu soit résister en contre-argumen-
tant, en se justifiant (et donc les amplifier et devenir com-
plice du jeu d’Isabelle), soit y entrer et retomber dans ses
anciens schémas (et donc également renforcer le jeu
d’Isabelle). Ce qui lui a permis d’éviter le piége, c’est le
fait qu’il est resté centré sur lui-méme et sur ses besoins
fondamentaux. En fait, il était plus en prise avec ses
propres tendances a rester dans une névrose ou un jeu de
pouvoir qu’en prise avec une adversaire extérieure sur
laquelle il devait « l’emporter ».

Cinquiéme remarque. Comme, dans cette histoire,


chacun a été renvoyé a lui-méme et 4 la réalité, il n’y a pas
de rancune entre les deux protagonistes. Un autre indice du
réglement satisfaisant de ce probléme est qu’il n’y a pas de
perdant dans la relation ; il n’y a pas un vainqueur et un
vaincu, mais deux personnes qui ont gagné en conscience,
qui se sentent respectées l'une par l’autre (méme si elles
n’obtiennent pas ce qu’elles veulent) et qui ont mis en
place les conditions a long terme d’une relation respec-
tueuse et satisfaisante pour l’un et pour l’autre... C’est ce
que, dans la suite de notre cheminement, j’appellerai vivre

283
Relations et jeux de pouvoir

et dialoguer en puissance. Et, croyez-en mon expérience, il


est possible de le vivre au quotidien.

Conclusion. Quels liens pouvons-nous finalement


établir entre les jeux de pouvoir et les peurs inconscientes
que nous avons identifiées ? C’est l’objet du dernier petit
travail que je vous propose d’effectuer maintenant. Pour
cela, nous reprendrons certaines des observations faites au
cours de la sixiéme section de cette étape.

Nous avons vu, par exemple, qu’en voulant garder la


relation tout en niant la distance et en essayant de contro-
ler l'autre, nous mettions en place les conditions qui vont
justement provoquer la rupture tant redoutée. Idem pour
les autres objectifs : en ne voulant pas étre remis en ques-
tion, je le serai, etc.

Qu’est-ce que cela signifie ? Si vous reprenez la pre-


miére phrase, vous constaterez trés vite que la stratégie
mise en place est un jeu de pouvoir (nier la distance et
vouloir controler l’autre). En méme temps, nous avons
démontré que ces stratégies étaient chacune |’expression
d’une névrose, c’est-a-dire d’un comportement qui a pour
origine une peur et que nous continuons a poser, méme s’il
est devenu inadapté.

Les jeux de pouvoir ne sont rien d’ autre que des com-


portements qui, les premiéres fois ot ils ont été posés,
étaient les plus adaptés a la réalité du moment. Ils avaient
pour fonction de protéger I’ enfant (1’ adolescent ou 1’ adulte)

284
Etape n° 2 : Comprendre |’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

que nous étions d’un danger subjectif ou objectif... Comme


l’expérience s’est révélée concluante, nous avons continué
a recourir a la méme stratégie chaque fois que le méme type
de circonstances apparaissait... en oubliant de vérifier si les
circonstances ou si nos capacités avaient changé ou non.

Les comportements qui, auparavant, étaient tout a fait


adaptés sont progressivement devenus inadaptés a la réalité
parce que celle-ci a continué a évoluer, sans que nous ne
nous en rendions compte... En devenant inadaptés, nos
comportements sont devenus des névroses. A cause de leur
inadaptation, ces névroses sont devenues de moins en
moins efficaces pour nous assurer le respect et la satisfac-
tion de nos besoins et de ceux de |’autre. Les névroses se
sont transformées en jeux de pouvoir, responsables de la
dégradation des relations 4 nous-méme et a autrui...

Les névroses, de par leur caractére répétitif, ne font


qu’approfondir les frustrations. Tant que leur bénéfice
caché (se protéger des peurs originelles) a plus d’impor-
tance au niveau inconscient que la frustration ressentie,
rien ne change... Mais a force de se répéter, encore et tou-
jours, nos névroses finissent par provoquer des frustrations
plus grandes que le bénéfice de protection dont jouit |’in-
conscient. C’est alors que, malgré la peur — mais grace a
la frustration —, nous osons expérimenter de nouvelles
voies. Ainsi, nos névroses sont également la clé de notre
guérison, parce que ce sont elles qui nous représentent
sans cesse la méme lecon de vie, jusqu’a ce que nous
l’ayons comprise, résolue et intégrée.

285
Relations et jeux de pouvoir

286
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

Apres cette derniére réflexion, il est temps de


refermer ce chapitre en vous invitant, une der-
niére fois, a tirer les enseignements de toutes
les découvertes que vous y avez faites.
a4

Bsje tiens vraiment a vous féliciter d’étre parvenu


jusqu’a ce stade, car la démarche que nous avons entre-
prise ensemble est loin d’étre aisée... Mais je vous pro-
mets que la récolte sera aussi abondante que précieuse...
eo

~
( 2 Torie a ‘

: it, (>= Hie Silt - bin i . e+e i- 2 Lee “ay 4 i


Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

Conclusion

Nous voici a la fin de la deuxiéme étape, certaine-


ment la plus éloignée de quelque chose d’immédiatement
observable ou opérationnel, mais, en méme temps, tout a
fait fondamentale pour la préparation des trois derniéres
étapes du cheminement qui vous est proposé dans ce livre.

Le but de ce chapitre était de découvrir l’origine


inconsciente des jeux de pouvoir relationnels, de maniére
générale.

La BE cité de cette deuxiéme vals était HeaSesue

d’étre en mesure de corriger les fautes d’usage et de gram-


maire, vous avez d’abord dé apprendre a lire et 4 comprendre
le sens : c’était la spécificité de notre premier travail. A pré-
sent, pour pouvoir corriger intelligemment les fautes rela-
tionnelles dans le texte de votre histoire, il faut aussi que vous

289
Relations et jeux de pouvoir

compreniez la logique qui sous-tend les regles orthogra-


phiques et grammaticales. »

Sans cela, entrer dans la puissance ne serait qu’un


fatras invraisemblable de régles apprises par coeur, sans en
comprendre la fonction. Cela aurait pour conséquence de
plaquer de « nouveaux » comportements sur des anciens,
sans avoir préalablement négocié et coopéré avec notre
inconscient, ce qui reviendrait, comme le dit l’expression
populaire, 4 mettre un emplatre sur une jambe de bois...

Or, ici, mon objectif est de faire bien plus que vous
fournir des régles relationnelles prétes a |’emploi... Je sou-
haite vous donner

$ aurez c¢ nté; Car il n’y a pas une seule


eer de sortir am pouvoir, comme, d’ailleurs, il n’y a pas
une seule fagon d’entrer dans la puissance... Et ce simple
détail, bien peu de théories de communication |’ ont com-
pris jusqu’a présent, me semble-t-il. C’est sans doute pour
cela également qu’elles se révélent peu efficaces et peu
opérantes quand on se trouve en presence de jeux de pou-
voir et de manipulation...

une pression plus forte sur les senvldipes spontanées qu’on


veut voir disparaitre chez soi. En outre, vous savez trés bien,

290
= x ‘ fe . a * an . A > “
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

maintenant, que c’est la maniére la plus sire de voir réap-


paraitre ces mémes tendances renforcées, a l’insu de ceux
qui ont voulu les camoufler... Je ne voudrais pas que la
démarche que je vous propose en soit réduite a cela...

La méthodologie de ce deuxiéme chapitre était


encore un processus d’accouchement, puisque nous
sommes partis d’une situation réaliste (l’histoire de
Fernand et Isabelle) pour analyser l’interaction entre les
personnages et en tirer des enseignements. Le cheminement
avait ceci de particulier qu’il s’est basé sur une By POLG Sc
que nous avons suivie out au3 long de i aoe .. Not ous avons 4

que nous en retirions we urs bénéfices


sats

utilisé un procédé révélateur trés cnc : ae ts que


Fernand faisait, dans chaque variante, le contraire de ce qu’il
avait fait dans la précédente et voir quel bénéfice il perdait...

Nous avons également eu a coeur de vérifier si nos


conclusions tirées sur base d’un seul exemple particulier
s’ appliquaient a tous les jeux de pouvoir. C’est 1a que nous
avons eu recours aux sept critéres de repérage et de défini-
tion des jeux de pouvoir découverts dans la premiére étape.

La conclusion de cette seconde étape, je vous I’offri-


rai encore sous forme d’une petite histoire que Watzlawick'

1 Paul Watzlawick [34-35] est l’un des péres des théories modernes de com-
munication. Il est également l’un des fondateurs de |’Ecole de Palo Alto et
l’auteur de livres aussi intéressants que divertissants.

291
Relations et jeux de pouvoir

raconte dans un de ses livres, pour expliquer ce qu’est une


névrose... C’est ’histoire du cheval névrosé. —

L’expérience est réalisée avec un cheval enfermé dans


son box. Les expérimentateurs l’avaient équipé d’une
sonnette et avaient placé une plaque électrifiée sous
l’antérieur gauche du cheval. Trois secondes aprés que
la sonnette retentissait, ils envoyaient a l’animal une
décharge électrique a travers la plaque. La premiére
fois, le réflexe du cheval fut de lever la jambe pour
mettre fin au désagrément que lui occasionnait la
décharge.

Apres avoir répété plusieurs fois l’expérience dans les


mémes conditions, le cheval prit V’'habitude de lever la
jJambe au moindre coup de sonnette, ce qui lui permet-
tait de ne plus ressentir les décharges électriques. On
peut qualifier, dit Watzlawick, ce comportement d’adap-
té et sain.

Quand les expérimentateurs constatérent que le cheval


avait acquis le réflexe, ils continuérent a faire retentir la
sonnette dans le box, mais déconnectérent la plaque du
circuit électrique

Ne serions-nous pas tous comme ce cheval, a repro-


duire une masse de comportements qui, a une certaine
€poque, étaient adaptés, mais qui, aujourd’hui, ne le sont
plus, tout simplement parce que nous n’avons pas pris la
peine de vérifier si, entre-temps, la réalité n’ avait pas chan-

292
Etape n° 2 : Comprendre I’ origine inconsciente des jeux de pouvoir

gé ? Et ne nous entétons-nous pas dans certains comporte-


ments par peur d’étre 4 nouveau confrontés aux mémes
souffrances, aux mémes angoisses... Nous avons érigé cer-
taines de nos expériences particuliéres en croyances uni-
verselles. Peut-étre est-ce cela qui nous tue, nous et nos
| relations.. in

|
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Relations et jeux de pouvoir

Résumé : Les 7 découvertes

1. La plupart de mes comportements consistent a


éviter la confrontation avec Il’autre. Ainsi, je
ete Seas la peur a ruptur ation

2. En évitant de rencontrer l'autre en veérité,


J ’échappe a la confrontation avec moi-méme.
Ainsi, je me protege de lapeur de me décou-

3. Pour ne pas étre face a ce que je suis, j’agis


comme si la réalité et le temps n’existaient
pas... Ainsi, je me protég

4. En fuyant la confrontation avec l’autre, avec


moi-méme et avec le monde, je me donne I’illu-
sion que j’ai un pouvoir illimité et absolu sur
tout... Ainsi, je me protege

294
Etape n° 2 : Comprendre I’origine inconsciente des jeux de pouvoir

Resume : Les 7 découvertes

5. En évacuant la mort de mon existence et en


oubliant mon corps et mes besoins, je nie le fait
méme que je suis en vie... Ainsi, j

6. Par peur de mourir, je mets en place des stra-


tégies de sur-vie... Par peur de m’incarner, des

295
Relations et jeux de pouvoir

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Etape n° 3

Les ancrages
Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 3
S’ancrer dans le
principe de realite

299
Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Introduction

Dans la premiére étape, nous avons mis en exergue


l’aspect potentiellement destructeur et inadapté des jeux de
pouvoir. Dans la seconde, nous avons découvert que tout
jeu de pouvoir avait pour origine les peurs logées dans
notre structure inconsciente...

Vous me direz sans doute que la solution au probleme


est enfantine et qu’il suffit, tout bonnement, de les suppri-
mer de notre inconscient, avec |’espoir ou |’ objectif de les
remplacer ou de les reprogrammer. Mais, autant vous le
dire tout de suite, cette solution radicale, bien que naturel-
lement tentante, n’est ni réaliste, ni adaptée, car éradiquer
ces peurs équivaudrait 4 nier nos ombres' (puisque nos
peurs appartiennent a une partie de nous que nous n’avons
pas vraiment envie de voir)

plus, nos peurs font


re structure inconsciente. Vouloir les extraire
de notre inconscient équivaudrait 4 supprimer notre colonne
vertébrale et ce qui constitue notre personnalité...

1 Cette notion d’ombre a été développée par Carl Gustav Jung (1875-1961)
a travers toute son ceuvre. Elle est a prendre tant au sens d’inconscient qu’a
celui d’aspect désagréable de la personnalité.

301
Relations et jeux de pouvoir

Je vous propose donc une autre option, davantage en


coherence avec la Apes iatwe la ee ripenous

ne s’agit none pas de lejuger, nifide leg een neest


rai — nous le savons — que ces jeux de pouvoir repré-
sentent un danger a long terme pour la relation’. Mais il est
également vrai qu’ils font partie de la réalité relationnelle.
Sans eux, il n’y aurait tout simplement plus de relations.

Je vous propose donc de les considérer comme une


matiere premiere sur laquelle nous pourrons construire nos
relations. Les alchimistes appelleraient cela une matiére
brute a partir de laquelle une transmutation peut s’ opérer. A
force de travailler cette matiére brute, il sera possible de la
métamorphoser en un joyau de plus en plus raffiné.

Il n’y a donc rien a rejeter dans nos comporte-


ments, ni dans notre histoire, quoi que nous ayons vécu. II

1 Souvenez-vous, je vous avais parlé de bombes a retardement, de mines, qui


peuvent saper la relation de maniére invisible avant qu’elle ne s’effondre.

302
Etape n° 3 : S’ancrer dans le principe de réalité

y a simplement a opérer une alchimie pour qu’un jour, |


notre « fumier relationnel » devienne la « pierre philoso- —
phale » de la communication, pour que le « plomb » qui
donne tout son poids a notre vie devienne |’« or alchi-
mique » qui fait rayonner notre étre’.

La question centrale de cette troisiéme étape tournera


autour des conditions 4 mettre en place pour que ce
« processus alchimique » puisse s’opérer. Pour ce faire, je
suggeére de prendre comme point de départ a notre réflexion
les conditions qui créent, entretiennent et renforcent les
jeux de pouvoir. Selon moi, trois catégories de conditions
répondent a cette définition.

1. Les conditions qui viennent de moi, c’est-a-


dire essentiellement ma structure inconsciente et mes dif-
férentes peurs qui me poussent, entre autres, a avoir des
projets et des attentes implicites par rapport a |’ autre ;
2. Les conditions qui viennent de |’autre, c’est-
a-dire de sa structure inconsciente et de ses peurs que je
ressentirai comme une pression, une emprise, une mani-
pulation ;
3. Les conditions qui viennent du contexte exté-
rieur, en particulier les facteurs de stress et de flou qui
permettent a toute une série de jeux de pouvoir de se mettre
en place (via les implicites et la pression du temps).

1 Tout ce langage alchimique a été introduit en psychologie par Jung comme


une allégorie symbolique des processus d’évolution et de guérison chez les
individus [21]. J'ai moi-méme eu recours a ce langage dans le chapitre 3
de L’alchimie du pouvoir [13].

303
Relations et jeux de pouvoir

Le point commun 4 ces trois conditions, c’est l’insta-


bilité que j’éprouve dans les trois cas, 4 cause de la pression
qui s’exerce sur moi (qu’il s’agisse de mon inconscient, de
l’autre ou du monde extérieur). La meilleure image que je
puisse vous donner est illustration de la complicité circu-
laire que nous avons vue dans |’étape n° | :

pouvoir

(a) y\'
Ntre-pouwN™

Les deux personnages exercent une telle pression


Pun sur l’autre qu’ils deviennent complétement dépen-
dants l’un de l’autre pour conserver leur équilibre... En
effet, ils sont dans une position d’équilibre instable oi la
seule maniére de tenir est de maintenir la pression de part
et d’autre. Autrement dit, pour ne pas tomber — et ne pas
tre confronté a la réalité —, chaque partenaire est obligé
de rester dans ses jeux de pouvoir. Ce qui a pour seul résul-
tat de renforcer ceux de l’autre... Ce type de raisonnement
vous est a présent familier.

304
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Pour revenir aux conditions a mettre en place pour


désamorcer les jeux de pouvoir, il me semble que la pre-
miéere chose a faire est de sortir de cette dynamique
d’équilibre instable entretenue par les pressions respec-
tives. Pour le dire de fagon positive, il nous faudra trouver
les moyen de créer un équilibre stable TIS one du

Dans cette étape, je vous propose une méthodologie


un peu différente de celle que nous avons suivie jusqu’a
présent. Il ne s’agira plus, pour vous, d’effectuer une
recherche intellectuelle et rationnelle, mais d’expérimenter
Jesmoyen anere votreéquilibresurnebaseside
e but des exercices qui vous seront proposés est triple :

1. Ne plus étre déstabilisé par votre propre incons-


cient ; .
2. Ne plus étre déstabilisé par les jeux de pouvoir de
lautre ;
3. Ne plus étre déstabilisé par les circonstances exté-
rieures.

Une fois cette question résolue, vous pourrez direc-


tement vous ancrer sur votre base afin de déjouer beaucoup
plus aisément les piéges de la relation (ce sera |’étape
n° 4)
et déployer votre puissance au quotidien (nous verrons cela
dans 1’étape n° 5).

305
Relations et jeux de pouvoir

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Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Ancrage n° 1
Mon propre corps

Le premier ancrage que je vous proposerai d’expéri-


menter dans les jours qui viennent

debout. A quoi cela va-t-il vous servir ? I faudra que vous


en fassiez l’expérience par vous-méme, mais je vous assu-
re qu’il est beaucoup plus facile de faire face a une agres-
sion physique ou verbale (ou une pression, ou un chanta-
ge, etc.) quand votre corps est bien en équilibre plutét
qu’en déséquilibre.

Observez les maitres en arts martiaux ; leur attitude


est trés instructive : les pieds écartés a la largeur du bassin,
les genoux légérement fléchis, le dos bien droit, face a leur
adversaire.

1 Pour les trois derniéres étapes de ce livre, je ne saurais trop vous recom-
mander de saisir toutes les occasions qui se présentent a vous pour expéri-
menter les nombreux exercices proposés... Par ailleurs, continuez a consi-
gner dans votre cahier les enseignements que vous en tirerez.

307
Relations et jeux de pouvoir

308
4
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Exercice assis

Consigne : Je vous propose de lire ce para-


graphe jusqu’au bout, puis de déposer le livre
et de faire l’expérience immédiatement.

Asseyez-vous, de préférence sur une chaise.


Une fois assis, mettez-vous dans toutes sortes
de positions (jambes croisées, puis décroisées,
bras de méme, les jambes allongées devant
vous, replié sur vous-méme, complétement
penché sur la droite, puis sur la gauche, etc.).
Amusez-vous et essayez. En méme temps, met-
tez-vous a l’écoute de votre centre de gravité
(il se trouve au niveau de votre nombril) et
repérez dans quelle position vous vous sentez
le plus en contact avec celui-ci.

La position dans laquelle vous devriez vous


sentir le plus en équilibre est celle représentée
ci-contre. Les jambes décroisées, les pieds
paralléles bien en contact avec le sol (c’est
important pour créer un sentiment de sécuri-
té'), le dos bien droit, face a l’interlocuteur, les
bras décroisés avec les mains posées a plat.

1 Rappelez-vous : l’origine inconsciente des jeux de pouvoir sont les peurs. —

309
Relations et jeux de pouvoir

Exercice debout

Méme consigne : lisez entiérement ce para-


graphe, puis déposez ce livre et faites la
recherche immédiatement. Cette fois, je vous
propose de vous mettre debout et d’expérimen-
ter toute une série de positions différentes. En
méme temps, mettez-vous a l’écoute de votre
centre de gravité (au niveau de votre nombril)
et observez dans quelle position vous vous sen-
tez le plus en contact avec celui-ci.

Ase
Méme si vos mains vous encombrent, la position
dans laquelle vous devriez vous sentir le plus en
équilibre est aussi celle décrite sur la figure de
la page 308. Les jambes et les pieds paralléles
bien en contact avec le sol, les genoux trés légé-
rement fléchis, le dos bien droit, face a l’inter-
locuteur, les bras le long du corps.

Comment utiliser cela ? Ma suggestion est que


dans les huit jours qui viennent, chaque fois
que vous rencontrez quelqu’un, pensez immé-
diatement a vous mettre dans votre position
d’équilibre_ corporel. Pendant I ’entrevue,
observez |’évolution de votre qualité de parole,
mais aussi d’écoute... Nous en reparlerons
dans la derniére étape...

310
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Ancrage n° 2
Mes permissions

Apres avoir mis votre cor ps en équilibre, il es

effet, les deux premiéres étapes vous ont


montré a quel point la pression et le stress pouvaient ampli-
fier nos peurs inconscientes. Avec la conséquence que nous
sommes beaucoup plus souvent dans la réaction que dans
action.

Lorsque nous sommes dans la réaction, l’incons-


cient se précipite sur les commandes et nous pousse a
mettre en place des comportements parfaitement connus.
Par besoin de sécurité, nous reproduisons notre passé, nous
essayons de rester identiques 4 nous-mémes, nous demeu-
rons dans nos croyances.

Comme je vous le faisais remarquer au début de cette


étape, le déséquilibre dans lequel nous nous retrouvons
peut avoir trois origines différentes : soi-méme, |’ autre et le
contexte extérieur. Les cinq premiers ancrages que nous
envisagerons ici vous permettront de ne pas étre désargon-
né par les éléments émanant directement de vous.

311
Relations et jeux de pouvoir

Dans notre vie relationnelle, malgré notre volonté de


ne plus nous laisser embarquer dans les jeux de pouvoir —
qu’ils émanent de nous ou d’autrui —, notre propre per-
sonnalité et notre inconscient nous jouent souvent des
tours pendables... Par exemple, Fernand, au début de son
histoire avec Isabelle’, n’ osait pas refuser de signer la carte
de peur d’étre rejeté ou ridicule. Plus tard, nous l’avons
vu sortir son portefeuille alors qu’il n’avait pas envie de
payer, de peur d’étre jugé comme « pas sympa » par
Isabelle... Plus loin dans histoire, nous apprenons qu’il
trouvait normal et évident qu’on lui remette ses dettes
quand il se trouvait en difficulté : je vous avais dit qu’il
s’agissait la d’une croyance, c’est-a-dire d’une expérien-
ce particuliere qu'il avait généralisée a un moment
donné...

Ainsi, a l’origine d’un certain nombre de jeux de


pouvoir et de comportements inadaptés, se trouvent ce
que je vais appeler des croyances, des images et des mes-
sages qui pésent constamment sur nous. En voici
quelques exemples.

1. Sima croyance est que « les autres sont toujours


mieux que moi » (croyance héritée de mon enfance ov les
adultes en savaient plus que moi, puisqu’ils étaient plus
agés), image inconsciente, présente en moi, sera celle ot
je suis tout petit et autre beaucoup plus grand. Souvent,
cette image va s’accompagner d’un message du type : « Tu

1 Histoire n° 9 : Le cadeau d’ anniversaire

312
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

n’es bon @ rien », « Laisse parler les autres », « Attends


qu’on te dise ce que tu dois faire »...

Des qu’une situation nouvelle (nouveau patron,


nouvelle rencontre personnelle, nouvelle mission profes-
sionnelle) et/ou stressante se présentera, mes peurs
inconscientes seront immédiatement réactivées. En réac-
tion, je vais mettre en place une (ou plusieurs) de mes
stratégies de survie (ou de sous-vie) : reproduire mon
passé et rester identique 4 moi-méme, en me montrant
fidéle 4 ma croyance, en filtrant la réalité au travers de
mon image et en acceptant de me soumettre aux messages
qui résonnent dans ma téte... Et mon jeu de pouvoir sera
de me positionner en victime soumise.

2. Sima croyance est que « tout doit toujours étre


parfait », Vimage de moi sera celle d’une personne tou-
jours responsable et les messages intérieurs seront : « On
n’est jamais mieux servi que par soi-méme », « Sois par-
fait », « Ne délégue rien a personne », « Ne fais confiance
a personne », etc... En situation de stress, mes jeux de
pouvoir seront la méfiance, le perfectionnisme, la supério-
rité, le mépris, pour n’en citer que quelques-uns.

3. Autre croyance : « Dans la vie, il faut toujours


faire plaisir aux autres ». L’image qui y est associée est
« Je suis un monstre si je dis non a quelqu’un »... Les mes-
sages seront, par exemple, « Sois gentil », « Fais passer les
autres avant toi », « Oublie-toi », « Tu ne peux pas dire
non »... Le jeu de pouvoir qui pourrait en découler serait,

313
Relations et jeux de pouvoir

par exemple, accepter alors que je voudrais refuser, ne


jamais faire de demandes explicites, jouer au sauveur
méme quand I’autre ne me demande rien.

Avez-vous compris ce qui nous déstabilise a |’inté-


rieur ? Ces croyances, ces images, ces messages sont
comme une contrainte potentielle qui s’exerce sur nous
dés l’apparition d’un stress externe (émanant de |’ autre ou
du contexte).

Si cela vous parle, identifiez quelques-unes de


vos croyances. Je vais vous donner un indice
qui vous aidera a les reconnaitre sans trop de
peine : une croyance s’accompagne souvent de
mots tels que « toujours », « jamais », « tout »,
« rien », « évident », « normal »... Faites cet
exercice, car il vous sera utile plus loin.

Alors, que faire ? me direz-vous. Pour y répondre,


prenons un exemple de croyance : « Je suis timide ».

Peut-étre vous dites-vous que ce n’est pas une


croyance, mais un fait ! Eh bien, non. Un fait est quelque
chose d’observable, par exemple : « Je n’ai pas pris la
parole pendant cette réunion », « Je ne regarde pas mon
interlocuteur dans les yeux », etc. Dire « Je suis timide »,
c’est coller sur les faits une interprétation présentée

314
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

comme toujours vraie. Implicitement, cette phrase signi-


fie qu’en toute circonstance, dans tous les cas, je suis tou-
jours timide !

Croyance :
(issue d'une interprétation) : (Je suis timide)

Je n’ai pas pris


la parole pendant
_cette reunion

c’est-a-dire si je
me bats pour faire disparaitre ma timidité, je choisis la
meilleure fagon de renforcer le trait que je veux éliminer.
En plus, c’est la meilleure facon de ne pas changer,
car, en

Si je continue a m’identifier a cette croyance, rien


ne risque de changer non plus, parce qu’en disant « Je suis
timide », c’est comme si j’établissais mathématiquement
l’équation suivante :

« Je » = « timide ».

Si, maintenant, je supprime le membre « timide »,


cela signifie que je supprime également |’ autre membre de
l’égalité, c’est-a-dire « Je »... Autrement dit, inconsciem-

315
Relations et jeux de pouvoir

ment, tuer ma timidité équivaut a la mort du « Je ». Et vous


savez a présent combien fa peur de la mort est présente en
chacun de nous.

du
type : « Je dois parler en public », « dois sortir de ma
coquille », « Il faut que je m’ouvre »

ni . C’est sans doute pour cela


que tant de bonnes résolutions restent sans lendemain.
D’autant plus que la force de notre inconscient est nette-
ment supérieure a celle de notre conscient. Cela revient a
étre assis sur un iceberg et essayer d’en dévier la course a
Vaide d’une pagaie...

Comme aucune de ces trois solutions n’est satisfai-


sante, la stratégie que je vous propose d’expérimenter
concrétement,
L’idée de départ sera de ne pas lut-
ter contre lui, de ne pas vous identifier 4 vos croyances (Je
= quelque chose) et de ne plus prendre de résolutions
volontaristes (il faut, je dois, etc.). Alors, comment faire ?

Me désidentifier

Au lieu de dire, « je suis timide » (identification entre


« je » et « timide »),

exemple : « Je fais rarement le premier pas vers


l'autre », « J’ai peur de parler en réunion », « Le regard

316
Etape n° 3 : S’ancrer dans le principe de réalité

des autres a un certain impact sur moi »... En exprimant


ma réalité de cette fagon, je serai déja moins confronté a la
peur de mourir lorsque ma timidité disparaitra, puisque je
n’y serai plus identifié.

Je vous propose de faire un exercice immédiate-


ment. Dans un premier temps, écrivez une série
de croyances que vous avez a votre propos.
af

Dans un deuxiéme temps, votre travail consiste


a traduire de maniére objective (c’est-d-dire en
vous basant sur votre perception) les croyances
que vous avez énoncées a votre propos, ily aun
instant. Donc, au lieu d’écrire « je suis », écri-
vez ce que vous faites, dites ou sentez...
a7

Au lieu de vouloir changer mon inconscient sur toute


la ligne et entrer en compétition avec une force cent fois
plus grande que la mienne, jevais l'accepter telqu’ilest,

1 A Vorigine, la notion de permission a été développée par les travaux de


I’ Analyse Transactionnelle [05-06].

317
Relations et jeux de pouvoir

318
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

' ah. ©
en général, t e fois, excep-
. La nuance
est que je ne remets pas en question la régle générale : je
m’octroie une exception.

Concrétement, cela donne ceci : « Je reconnais et


J accepte qu’en général, j’ai tendance a donner raison aux
autres. Mais, pour cette réunion avec mon chef de service,
Je me donne la permission de lui exprimer ce que je
pense ». Autre exemple : « Je reconnais et j’accepte que
J aime les choses bien faites, mais, pour ce travail, je me
donne la permission de lui faire confiance » ou encore « je
me donne la permission de faire des erreurs »..

pour vous-méme,
draient...

Comment utiliser cela ? Avant chaque ren-


contre importante, ou au saut du lit, vous pou-
vez vous préparer mentalement et créer votre
équilibre et votre sécurité inconsciente en déci-
dant de ne pas vous identifier a ce qui va se
passer et en vous donnant des permissions.
Essayez, c’est simple, mais trés puissant !

319
Relations et jeux de pouvoir

a
fi! Be wf Py Mae A zhi g he : » Zz % *Y

mal f , > oe
ae ay Hug. sii ee 2 ee rs=i

nm, 1

eae f=
hit ft hon

a 4 et <etei
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Ancrage n° 3
Mes emotions

Un troisieme facteur de déséquilibre, pour la plupart


d’entre nous, ce sont nos émotions. Qu’il s’agisse de
colére, de peur, de tristesse, de joie exubérante, quand
elles s’expriment avec une forte intensité, cela nous per-
turbe et nous parasite. Les émotions sont donc également
source de déséquilibre et de déstabilisation. Avec, pour
conséquence, une amplification de nos angoisses incons-
cientes qui nous précipiteront probablement dans des
comportements inadaptés et des jeux de pouvoir...

Le jugement négatif

Tout d’abord, notre éducation nous a appris a considé-


rer expression des émotions comme déplacée, déran-
geante, voire méme inconvenante’. Combien de fois
n’avons-nous pas entendu nos parents nous dire : « Un grand

321
Relations et jeux de pouvoir

garcon (une grande fille), ca ne pleure pas », « Quest-ce


que tu es laid(e) quand tu es en colére ! », « Mais non, mon
grand (ma grande), tu ne dois pas avoir peur... », « Arréte
de sauter comme ¢a partout ; Papa regarde la télévision et il
ne faut pas le déranger » ? Il s’agit la d’un bel échantillon de
messages contraignants qui seront a l’origine des croyances
que nous avons a propos de la vie...

Trés vite, l’enfant que nous étions a constaté que


expression de ses émotions le mettait presque chaque fois
en conflit avec son entourage immédiat.
(« Arréte de pleurer »), niées
(« Mais non, tu n’as pas mal ») ou détournées (« Allez, n’y
pense plus et ca passera ! »), le conflit avec l’entourage
s’est mué en conflit interne : « Qu’est-ce qui est réel ? Ce
que je ressens (la colére, la tristesse, etc.) ou ce qu’ils me
disent (ce n’est rien, tais-toi, etc.) ? » Conflit que nous
avons, la plupart du temps, résolu en accordant plus de cré-
dit a ce que les autres disaient de nous qu’a ce que nous
ressentions. Simplement par peur d’étre rejetés ou aban-
donnés. Is €

t (chez moi ou chez Pautre), je suis_

plutét
ales juger...
1 J'ai développé cette question dans le chapitre 2 du livre Etre pleinement
soi-méme [11].

322
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

La perte des moyens

L’autre raison de la déstabilisation, c’est que nos


us privent de nos moyens. Souvent, quand les
émotions 1 it (qu’elles viennent de nous ou
d’autrui),

de raisonner... Pourquoi ?

Je vous donne une image qui vous permettra de com-


prendre le phénoméne. Je prends comme convention que
notre réalité personnelle peut étre décrite selon trois
dimensions différentes et complémentaires : ce que je fais
et ce que je dis (mes comportements externes), ce que je
pense (mes processus internes) et ce que je ressens (mes
états internes)'. Je vous propose de représenter cela sous
forme d’une petite figure :

Processus Comportements
internes *», externes

Je pense

Je ressens

Etats
internes

1 La Programmation Neuro-Linguistique (P.N.L.) a fréquemment recours a


cette représentation [30].

323
Relations et jeux de pouvoir

Lorsque nous sommes en équilibre stable, notre énergie


disponible est répartie uniformément entre les trois dimen-
sions de notre personnalité... Introduisons a présent une
notion qui nous sera trés utile par la suite : celle de centre de
gravité énergétique'. La position de ce centre de gravité est le
point d’équilibre des « masses » énergétiques. Dans le cas
d’un équilibre stable, le centre de gravité se trouve au milieu
du cercle. Ceci est représenté par une deuxiéme figure :

Energie
disponible
Centrede __.\---"~
gravité
Je ressens

A ce moment, nous consommons une grande quantité


d’énergie pour alimenter et/ou contenir notre émotion ;
quant a notre centre de gravité, il descend dans la zone
« Je ressens ». On pourrait représenter cette situation
comme suit :

1 Cette notion, quant a elle, a été introduite et développée par la DYNAR-


SYS.

324
>
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

_ Energie
disponible
Centre de _
gravité ;

Malgré tout, j’ai souvent observé que, dans ce cas,


la plupart des gens se réfugient dans le mental : ils ratio-
nalisent, ils se font une raison, ils partent dans de grandes
considérations intellectuelles. Cette observation ne contre-
dit pas l’explication qui précéde. En tout cas, pas pour
moi!. Pour vous en convaincre, il suffira de ressentir si les
paroles de la personne sont fortement chargées en énergie
ou pas. J’ai observé, pour ma part, qu’elles avaient trés peu

1 C’est ici qu’il faut bien faire la nuance entre le centre de gravité qui est une
notion énergétique, corporelle, avec laquelle on ne peut pas tricher, et le
point de conscience qui est une notion plus mentale. I] est donc tout a fait
possible de placer sa conscience dans la zone des processus internes tan-
dis que l’é mobilisée dans la zone des états internes..

325
Relations et jeux de pouvoir

d’impact, et qu’elles étaient incapables de désamorcer un


jeu de pouvoir..

4s émotions (soit parce que je 16s vejente) soit parce


qu fellsme font perdre mes moyens) ? Je vous propose
deux moyens complémentaires : écouter vos émotions et
vous appuyer sur votre centre de graviteé.

Etymologiquement, « émotion » vient du latin ex-


movere qui signifie « mouvement hors de ». Les émotions
sont donc faites pour s’exprimer, s’extérioriser. Quand ce
n’est pas le cas, il peut naitre en nous une tension interne
permanente et un stress qui risquent de porter préjudice a
notre santé!

—»

J’ai soif et on refuse de me servir a boire ? Je vais


en ressentir de la colére ou de la tristesse. J’ai réalisé un
travail, et mon supérieur hiérarchique signe celui-ci 4 ma
place, sans me donner aucun signe de reconnaissance ? Ce
sera la déception, la tristesse ou la rancceur... Mon
conjoint rentre de plus en plus tard, le soir, sans me donner
d’explications ? Je vais commencer a avoir peur. Mon fils

1 Pas mal de chercheurs qui travaillent dans le domaine de la santé com-


mencent a s’en rendre compte.

326
Etape n° 3 : S’ancrer dans le principe de réalité

me remercie pour |’aprés-midi que j’ai passé avec lui ?


Mon cceur va s’emplir de joie...

Lorsque mes besoins sont satisfaits, des émotions


agréables vont se manifester. Lorsqu’i
seront des émotions désagréables'... ‘

L’expérimentation que je vous propose, c’est


simplement de vous mettre a l’écoute de vos
émotions, sans les juger ni les rejeter. Si cet
exercice vous parait difficile, utilisez l’ancrage
dans les permissions pour l’effectuer. Dans les
prochaines semaines, en toute circonstance,
écoutez-les et dites-vous qu’elles sont en train
de vous avertir sur une question.
fondamentale : l’état de satisfaction ou de non-
satisfaction de vos besoins. Dans le méme
ordre d’idées, je vous invite a poser le méme
regard sur les émotions de l'autre... Qu’est-ce
qui risque de changer, a votre avis ?

1 Remarquez que je parle d’émotions agréables et désagréables, mais pas


d’émotions positives ou négatives, puisqu’en tant qu’indicateurs, les émo-
tions ont toujours un réle utile.

327
Relations et jeux de pou
voir
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Je voudrais vous faire une autre suggestion. Quand


nous avons parlé du centre de gravité, vous avez vu qu’une
grosse partie de |’énergie était mobilisée dans la zone « Je
ressens » dés qu’une émotion intense apparaissait. Nous
avons vu l’inconvénient de cette situation : la perte de
moyens sur le plan de la pensée, de I’action et de la parole.

Je vous propose a présent d’ app


la méme situation

Comprenez-vous le principe ? II s’agit d’ observer


apparition des émotions, d’accepter de les écouter et de
s’ancrer, de s’appuyer a |’endroit de soi-méme ou le maxi-
mum d’énergie est mobilisé. Ceci, c’est le principe.
Expérimentez-le déja au niveau de votre propre €coute per-
sonnelle. Pour ce qui est de la mise en ceuvre, vous la
découvrirez dans la derniére étape...

329
Relations et jeux de pouvoir

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y
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Ancrage n° 4
Mes besoins

Nous sommes a mi-parcours de cette troisieme étape


et je voudrais vous en rappeler |’ objectif it d
ible pour ne2 plus étre
déstabilisé par les jeux de pouvoir. Nythen dit, que vous
ne soyez plus dépendant de l’autre et qu’il ne soit plus
nécessaire de faire pression sur lui pour maintenir votre
équilibre...

En abordant la réalité émotionnelle, j’ai déja fait


allusion a la notion de besoin. Je vous ai dit que lorsqu’un
besoin était satisfait (frustré), une émotion agréable (désa-
gréable) apparaissait. Partons d’un exemple simple pour
essayer de découvrir les différentes caractéristiques d’un
besoin afin de pouvoir le distinguer d’un désir ou d’une
envie. Le besoin de se nourrir me semble parfait.

Les caractéristiques d’un besoin

1. A moins d’étre un grand mystique ou un grand


yogi ayant une maitrise particuliére de votre corps, si vous
ne mangez pas pendant un certain laps de temps, des

331
Relations et jeux de pouvoir

troubles physiologiques et psychiques apparaitront inévita-


blement. Si vous ne recommencez pas a vous alimenter, la
frustration de votre besoin entrainera la mort... Par consé-
quent, oneigouelite que la premiére caractéristique d’un
besoin, ¢’ 1
peine d’occasionner ala personne un déséquilibre a plus
ou moins long terme...

2. Imaginons maintenant que vous voyant sous-ali-


menté, un membre de votre entourage décide de manger a
votre place. I est clair que votre situation ne changera en
rien. Ainsi, la deuxiéme téristique d’un besoin, c’est

Autrement dit, une tierce personne


ne peut avoir un besoin a ma place..

3. Si cette méme personne, toujours bien intention-


née, me conseille de m’enfermer chez moi pour me sentir
en sécurité, et de dormir a longueur de journée, cela ne
j'ai faim’... Donc, un

Méme si cela semble moins évident 4 premiére vue,


les autres besoins fondamentaux — le besoin de sécurité
(affective ou physique), de reconnaissance, d’estime de soi,
de respect, pour n’en citer que quelques-uns — répondent
aux mémes critéres : ils doivent absolument étre satisfaits,
ils concernent la personne a 100 % et ne sont pas interchan-

1 Malgré l’adage « Qui dort dine. »

332
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

geables... La seule différence, c’est qu’il faudra parfois plus


de temps avant de remarquer les effets négatifs des frustra-
tions sur le plan physique ou psychique.

Résumons les caractéristiques d’un besoin dans le


tableau ci-dessous :

Caractéristiques
d’un besoin

doit étre satisfait

concerne |’ individu a
100 % dans sa formulation

nest pas échangeable


avec un autre besoin

Les caractéristiques d’un désir

Avant d’examiner la maniére dont vos besoins peu-


vent constituer, pour vous, une base d’équilibre stable
sur laquelle vous reposer, il serait bon de faire la dis-
tinction entre un besoin et un désir.

Pour ce faire, je vous propose de considérer le petit


exercice qui suit. Supposez que vous avez faim (encore !)
et que vous n’avez pas d’argent pour acheter de la nourri-
ture. Quels sont les solutions possibles pour satisfaire votre
besoin de manger ? Voici celles que je propose :

333
Relations et jeux de pouvoir

Aller au resto du coeur

Voler dans un magasin Se faire inviter chez des amis

Faire un petit boulot Faire les poubelles


d’un restaurant

Dormir
Cueillir des fruits

Mendier
dans la rue Chanter sur les
places publiques
S’introduire dans
une féte privée Emprunter de |’argent

Jetiner Participer 4 une séance


de dégustation

Ramasser des champignons

Ce ne sont, bien entendu, que quelques possibili-


tés parmi d’autres... Néanmoins, je voudrais attirer
votre attention sur quelques points.

Premier constat : les solutions « cueillir des


fruits » et « ramasser des champignons » sont trés sem-
blables. Ce qui déterminera mon choix si les deux
opportunités se présentent, ce sera mon envie ou mon
désir. En d’ autres termes,

Voila établi le rapport entre un besoin et un


désir

Deuxiéme constat
. C’est évident,

334
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

me direz-vous... Sur le papier, sans nul doute. Mais,


dans la réalité, j’ai rencontré énormément de personnes
frustrées, incapables d’imaginer une alternative pour
satisfaire leur(s) besoin(s). En établissant un lien uni-
voque entre un besoin et une seule solution (ou un seul
désir), nous nous mettons fortement en dépendance par
rapport a cette solution. Un peu comme si, au bord de la
déshydratation, nous refusions un verre d’eau parce que
nous voulions (désirions) un jus d’orange...

pea

Solution o

335
Relations et jeux de pouvoir

ay Gad r of J

3. S’il existe plusieurs solutions ou plusieurs désirs


associés 4 un méme besoin, nis
un autre (ce qui n’est pas le cas du besoin, nous l’avons vu).

Caractéristiques Caractéristiques
d’un besoin d’un désir

ne doit pas toujours


étre satisfait

peut impliquer
des tierces personnes

peut étre remplacé


par un autre désir

Par exemple, « j’ai besoin de me divertir » est une


phrase qui exprime bien un besoin, parce qu’il n’y a que
moi qui suis impliqué dans sa formulation (pas nécessai-
rement dans sa réalisation). Par contre, « j’ai envie de sor-
tir au cinéma avec toi, ce soir » est expression d’un désir
(puisque « avec toi » représente une solution particuliére
parmi d’autres pour satisfaire le méme besoin).

Si je confonds les deux, en disant « j’ai besoin de


sortir au cinéma avec toi, ce soir », je me mets dans un jeu
de pouvoir vis-a-vis de ’ autre, et ce pour plusieurs raisons.
Je crée une distorsion explicite-implicite (repére n° 2) en

336
5
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

présentant explicitement les choses comme un besoin,


alors qu’en implicite, il s’agit d’un désir. Je fais pression
(repere n° 1) sur l'autre en donnant a un désir l’apparence
d’un besoin (car chacun sait, au fond de lui, qu’un besoin
doit étre satisfait). J’établis une situation de dépendance
(critére n° 5) en confondant mon désir avec mon besoin.
Puisque je crois que mon désir est un « besoin », je pense
que je ne peux changer |’expression de mon « besoin ». Si
l’autre me dit qu’il n’a pas envie de sortir avec moi, comme
je ne peux rien y changer, je serai frustré et coincé. Si
jétais conscient qu’il ne s’agissait que d’un désir, je me
donnerais déja la permission de rechercher d’ autres solu-
tions pour satisfaire mon besoin. C’est-a-dire inviter quel-
qu’un d’autre, ou y aller seul, ou aller me Bree dans
les bois, par exemple. nS! %

critére n° 6). Or, tant que le


base ne sera pas Satisfait, nous aurons tendance
a répéter (critére n° 7) la méme demande, la méme
expression du désir qui risque d’entrainer la méme frus-
tration. Et ainsi de suite. On nomme cela un cercle
vicieux.

Pour répondre a cette question, reprenons


l’exemple précédent (avoir faim sans avoir d’ argent).

“ad Premiére condition pour se donner des chances


d’étre satisfai Sans cela,

337
Relations et jeux de pouvoir

la recherche d’une solution est plus qu’aléatoire (puis-


qu’on ne connait pas le probleme a résoudre).

vie. Si vous avez choisi la solution du petit boulot et


qu’aprés deux heures, personne ne vous a embauché, il est
temps d’envisager une autre solution, comme, par
exemple, se faire inviter chez des amis. Si les amis ne sont
pas la, vous pourriez tenter la cueillette des fruits. Pas de
chance, nous sommes au printemps, etc.

Pour gagner cette souplesse, la troisiéme condition


est de ne pas confondre ou de ne pas identifier son besoin
a une des solutions... Car, si vous oubliez que, derriére la
recherche d’un petit boulot, il y a un besoin a satisfaire, vous
risquez de passer a coté d’un verger regorgeant de pommes
sans le voir... Et c’est bien 14 tout le probléme !

En effet, la plupart du temps, nous agissons sans étre


conscients des besoins qui nous poussent 4 rechercher des
solutions. Du coup, nous nous enfermons et nous nous enté-
tons a toujours vouloir les satisfaire de la méme maniére...

engendre

renforce

338
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

J’espere avoir été assez clair sur ce point fondamen-


tal. Mais nous aurons encore I’ occasion d’y revenir d’ici la
fin de ce livre.

Revenons, a présent, au propos spécifique de cette


étape. Je vous rappelle que nous sommes 4 la recherche des
moyens qui fonderont notre équilibre sur une base stable.
En quoi les besoins peuvent-ils y contribuer ?

Ma réponse est la suivante : si mes besoins doivent


toujours étre satisfaits, s’ils me concernent a 100 % et
s’ils ne peuvent étre remplacés par autre chose, si je
m’ancre dans mes besoins, je me fonde sur quelque
chose de stable qui ne dépend que de moi ! Une fois
mon besoin identifié, je peux m’y relier et me fixer
l’objectif d’agir en sorte qu’il soit comblé. Tant qu’il
ne l’est pas, je continuerai a chercher la stratégie la plus
adaptée.

Pratiquement, comment identifier son besoin et


s’y ancrer ?

Ce que je veux est issu de ma réflexion et exprime


une solution que je recherche (avec mon mental), donc un
désir. Or, dans une situation frustrante, il y a fort a parier

339
Relations et jeux de pouvoir

que je serai perturbé par mes émotions. C’ est la raison pour


laquelle, en pleine crise, il me sera difficile d’exprimer ce
que je veux...

Par contre, ce que je ne veux pas ou ce que je ne


veux plus m’arrive directement des « tripes », sans passer
par une réflexion, et exprime une réalité beaucoup plus
proche de mon besoin.

A partir de ces deux petits principes, on peut établir


la stratégie suivante.

Poser ses limites

Choisissez une situation relationnelle (dans


votre vie privée ou professionnelle) ou vous
devez négocier quelque chose avec quelqu’un.
Il peut s’agir de répartir les taches ménagéres
avec votre conjoint, de négocier un contrat
avec un Client, de remettre les choses au point
avec votre supérieur hiérarchique, etc.

Ainsi, vous expliciterez,


pour vous-méme, les limites a partir desquelles
vous ne vous sentez pas respecté quant a vos
besoins. En d’autres termes, vous tracez les
limites de ce qui est inacceptable pour vous.
Vos phrases peuvent, par exemple, étre formu-
lées comme suit :

340
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

— Jene veux pas m’occuper seul(e) des enfants le


week-end ;
— Jene veux pas rompre la relation avec lui (elle) ;
— Je ne veux pas travailler en dessous de 500
francs de l’heure ;
— Jene veux plus travailler avec des objectifs non
définis ;
— Je ne veux plus faire systématiquement des
heures supplémentaires...

Comme vous le voyez dans la figure ci-dessous,


avec toutes ces limites, vous définissez un
cadre a l’intérieur duquel toutes les solutions
sont acceptables pour vous.

Besoin de B
Besoin de A 4

Une des solutions


possibles

En recensant toutes les solutions possibles susceptibles de


satisfaire un besoin, je pourrai presque toujours trouver une
solution qui satisfasse @ 100 % le besoin de l'un et de autre.

341
Relations et jeux de pouvoir

342 2
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Passons maintenant au deuxiéme point :

Avant de rencontrer votre interlocuteur, enga-


gez-vous vis-a-vis de vous-méme a plusieurs
choses :

Vous vous engagez a SE aque


fois qu’il franchira une de vos limites ;
2: Vous vous donnez la ission de ne pas
nécessairement J. te
33 Vous v Za n ques-
ue vous vous étes fixées pen-
dant le cours de la négociation (vous le ferez
apres la rencontre, en vue d’une réunion ulté-
rieure) ;
Au cas ou vous n’aviez pas envisagé certains
aspects de la question, vous v donnez la
permission d de réflexion
et de revoir la personne plus tard.

Si vous mettez ces conseils en application, la peur de


vous « faire avoir » disparaitra presque complétement. En
effet, trop souve

343
Relations et jeux de pouvoir

L’avantage, c’est qu’en définissant ce que vous ne


voulez pas, vous vous donnez les moyens d’étre respecté a
100 % au niveau de vos besoins et vous vous ouvrez a une
multitude de solutions possibles acceptables pour vous...

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Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Ancrage n° 5
Le Soi

Quand vous pratiquerez réguliérement les quatre pre-


miers processus d’ancrage approchés dans cette étape, une
autre découverte vous attendra... Peut-étre étes-vous déja
conscient de cette dimension, peut-étre pas. Je tiens, dans
tous les cas, a vous expliquer de quoi il s’ agit...

Lorsque vous vous ancrez dans votre corps, lorsque


vous vous donnez des permissions, lorsque vous écoutez
vos émotions vous avertir des déséquilibres présents,
lorsque vous posez vos limites, vous vous sentez tres
calme, trés serein. Vous avez une sensation de force tran-
quille et rayonnante, de stabilité souple, de puissance res-
pectueuse. Une douce chaleur envahit votre corps. II arrive
méme parfois que des frissons parcourent différents
endroits de votre corps...

A ce moment, quelque chose d’autre prend le _


relais... Il ne s’agit pas de votre structure inconsciente,
mais plutét d’un lieu en vous dépositaire d’une sagesse et —
d’une connaissance auxquelles vous n’aviez pas accés
jusque-la. Certaines traditions appellent ce phénomene

345
Relations et jeux de pouvoir

contacter son guide intérieur'... D’autres parlent du


développement de I’ Intuition... Les Orientaux parlent
du centre de l’énergie vitale, du Chi... Jung a introduit
dans ses travaux la notion du Soi en opposition au petit
moi [20-33].

Lorsqu’on fait cette expérience d’étre en contact


avec le Soi, on se trouve connecté a une dimension trans-
personnelle’, 4 une espéce d’inconscient collectif... C’est
alors que beaucoup d’étres humains font cette expérience
de découvrir de nouvelles idées ou de nouveaux concepts
en les disant. Un peu comme si quelque chose de plus
grand que nous parlait a travers nous...

Il ne s’agit pourtant pas d’un phénoméne paranor-


mal et il ne faut pas en faire tout un mystere. II s’agit
simplement d’étre conscient de son existence et du fait
que le Soi est également un élément sur lequel vous pou-
vez vous appuyer pour fonder la stabilité de votre équi-
libre...

Depuis que je pratique le métier de formateur-accou-


cheur, j’ai été frappé de constater que tous les étres
humains sans exception avaient, au fond d’eux-mémes,
cette source d’amour inconditionnel, ce réservoir de poten-
tialités et de talents, cette capacité intuitive...

1 J'ai développé cette notion dans une conférence (A l’écoute de son guide
intérieur) et un livre (La voie du ceur [14}).
2 Le terme « transpersonnel » est issu d’un courant de psychologie holis-
tique d’origine américaine, dont l’initiateur est Stanislas Grof, médecin,
psychiatre et philosophe mondialement réputé pour ses travaux [18].

346
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Malheureusement, la maniére dont la plupart vivaient et


géraient leur vie relationnelle les empéchaient de contacter
cette dimension.

Jung comparait l’énergie du Soi a l’énergie nucléaire.


Sur le plan physique, les hommes utilisent cette énergie
dans deux buts trés différents : pour les bombes, d’une
part, pour les centrales électriques, d’autre part... Dans le
premier cas, cette énergie fabuleuse et colossale a des
effets extrémement destructeurs. Dans le second cas,
parce qu’elle est canalisée dans une structure faite de
barres de cadmium, elle est utilisée a des fins construc-
trices (produire de |’ électricité qui permet d’accomplir une
infinité de taches)'...

L’énergie et la sagesse contenues dans le Soi sont


également immenses. Quand celles-ci sont libérées de
maniére anarchique, elles peuvent se révéler trés destruc-
trices pour la personne et son entourage. Pensons aux
conséquences parfois désastreuses de la passion amou-
reuse ou de pratiques méditatives accomplies sans prépa-
ration : a |’instar d’un fusible incapable de supporter |’in-
tensité du courant, il arrive que l’individu « disjoncte »
complétement...

Par contre, si l’énergie du Soi est canalisée, ses effets


deviennent créateurs et constructeurs. Pour poursuivre

1 Je ne parle ici que du plan énergétique, sans considérer le probleme plus


que préoccupant des déchets radioactifs.

347
Relations et jeux de pouvoir

l’analogie avec la centrale nucléaire, le canalisateur sera


notre structure inconsciente, c’est-a-dire tous les scénarios
comportementaux que nous avons enregistrés de notre
naissance jusqu’a ce jour... A partir de 14, deux situations
peuvent se présenter.

Premiere situation : je suis stressé, je suis déstabili-


sé, je ne suis ancré ni dans mon corps, ni dans mes per-
missions, ni dans mes émotions ou mes besoins... De cette
fagon, les charges émotionnelles (et, en particulier, les
peurs) associées 4 mes expériences seront réactualisées et
amplifiées. En « enflant », les émotions envahiront tout
lespace de mon inconscient et bloqueront la circulation
des énergies en moi. En particulier, il me sera impossible
d’accéder a l’énergie du Soi, a cause de la barriére placée
par mon inconscient ; c’est la raison pour laquelle mes
actes seront déterminés de maniére réflexe et viseront a
reproduire mon passé... A ce moment, je suis coupé du
Soi. Ce n’est pas l'amour qui me guide, mais les peurs
inconscientes...

Symboliquement, on pourrait représenter cette situa-


tion par le schéma ci-contre. Les scénarios que nous avons
enregistrés dans notre histoire constituent la structure
inconsciente au coeur de laquelle se trouve le Soi. Mais le
rayonnement de notre centre est bloqué par les couches
émotionnelles qui se sont gonflées...

348
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Charges émotionnelles
gonflées par le stress

d aca
€ 4 ang,

x a7 \
iO = ¢

% yz

~ Scénarios
comportementaux

Deuxiéme situation : je suis calme et serein parce que


je me suis ancré. Dans ce cas, les charges émotionnelles ne
constituent plus un obstacle et l’énergie du Soi peut couler au
travers de ma structure inconsciente. Elle est canalisée par
mes expériences passées et par ma personnalité. Je suis donc
relié au Soi qui va m’inspirer les actes justes a poser... Pour
reprendre la méme symbolique, voici 4 quoi pourrait res-
sembler cette deuxiéme situation :

Charges émotionnelles A
au repos et calmes

4
J
,
foes _ .i
4 ,
.
ee

Scénarios
comportementaux

349
Relations et jeux de pouvoir

350
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Trois conséquences découlent de cela.

La premiére, c’est que mon inconscient se trouve


tout a coup réhabilité dans un rdle fondamental, celui de
canaliser et d’incarner les énergies d’amour et de sagesse
qui se trouvent en tout étre humain. Et plus la personnalité
sera forte, plus elle pourra supporter des courants élevés !
Autrement dit, plus j’aurai été capable d’exercer des jeux
de pouvoir intenses, plus je pourrai déployer la puissance
de respect dans ma vie.

La deuxieme concerne l’importance d’étre incarné


dans sa personnalité et dans son ego pour pouvoir, un
jour, faire rayonner la puissance de respect inconditionnel.
Alors que beaucoup de philosophies orientales et de reli-
gions préchent la négation, la mort de l’ego, je me suis rendu
compte a quel point il était important d’avoir une forte per-
sonnalité, d’étre bien dans la matiére (qu’il s’agisse du
contact avec la terre ou de l’implication dans le monde des
affaires et de l’argent) et dans son corps. Ce n’est pas en
fuyant le corps, l’argent, le monde, les pulsions instinctives
que nous acquerrons une structure suffisamment forte pour
canaliser la puissance de respect que nous sommes tous
appelés a faire rayonner en tant qu’étres humains. Sur mon
chemin, j’ai rencontré beaucoup plus de témoins du respect
rayonnant et incarné dans les entreprises que dans les
églises et les communautés spirituelles.

La troisiéme conséquence, c’est que ce processus ou


je deviens canal de |’énergie de respect est une des auto-

351
Relations et jeux de pouvoir

thérapies les plus puissantes que je connaisse : en passant


4 travers ma structure inconsciente, l’énergie du Soi opére
un nettoyage en profondeur de toutes les couches émotion-
nelles associées a notre histoire, un peu comme de |’eau
claire emportant sur son passage les déchets et les boues de
notre passé.

Comment mettre cela en application ? En posant


des actes ou vous respectez votre réalité et celle de |’ autre,
tout simplement. En étant ancré, évidemment. Car, de cette
fagon, vous amorcez une pompe, vous mettez en mouve-
ment vos propres énergies. Jusqu’au moment ou le Soi
viendra prendre le relais... Ace moment, vous recevrez au
centuple ce que vous aurez investi... Mais le premier pas,
vous seul pouvez le faire...

352
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Ancrage n° 6
La relation ici et maintenant

Nous venons de passer en revue cing maniéres com-


plémentaires de nous ancrer dans notre propre réalité. Vous
avez découvert comment établir, avec vous-méme, des
relations a la fois stables, solides et souples... Rapidement,
je voudrais encore vous inviter a expérimenter deux dimen-
sions, deux moyens de ne pas étre déstabilisé par les pres-
sions internes ou externes...

La premiére que nous allons traiter ici concerne la


relation avec votre interlocuteur.

Dans cette relation, il arrive fréquemment que des


perturbations surviennent et vous désarconnent... Ces per-
turbations sont au nombre de quatre ; je les nomme la
diversion, la fuite, les tiers et les absents.

La diversion

Ce phénoméne est trés courant. La stratégie —


consciente ou inconsciente — de |’un des deux partenaires
(ou des deux) est de parler d’autre chose au moment ou

553
Relations et jeux de pouvoir

la tension relationnelle s’intensifie («« A part ¢a, comment


va ta femme ? »), dintroduire des données qui n’ont
aucun rapport avec le sujet de la discussion (« Ce que tu me
dis me fait penser au discours de de Gaulle en Algérie »),
de ressortir de vieilles affaires non terminées pour se
défendre, au moment ot 1’on est a court d’ arguments (« Tu
viens me réclamer de l’argent, alors qu’il y a cing ans, tu
n’as jamais voulu rembourser ton pére ! »)... En termes
d’efficacité, la diversion est trés peu favorable a une relation
ou l’on puisse a la fois atteindre ses objectifs, satisfaire ses
besoins et ceux de l'autre...

La fuite

De maniére assez semblable, la fuite vise le méme


objectif : éviter d’aborder les vraies questions. Mais le pro-
cédé est beaucoup plus subtil : certains parlent du passé
(« Cane s’est jamais fait jusqu’a présent, pourtant, tout va
bien »), du futur (« C’est inutile d’encore parler avec ce
type. Je n’attends qu’une chose : mon nouveau patron. Avec
lui, je suis stir que ¢a ira mieux »), d'autres rationalisent
la situation en se réfugiant dans le mental ou refusent tout
simplement la confrontation (« Si tu es venu pour me par-
ler de cela, tu peux t’en aller »)...

Les tiers

Autre source de perturbations dans la relation, les


tierces personnes présentes qui interviennent (pour cal-
mer le jeu ou, au contraire, mettre de I’ huile sur le feu), qui

354
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

sont prises a partie par un ou par les deux protagonistes


(« J’ai raison, pas vrai, Julie ? ») ou qui introduisent leur
propre problématique dans la discussion, alors que celle-
ci n’a rien a voir... Ici aussi, la relation est trés difficile a
gérer et on risque de trés vite se retrouver déstabilisé...

Les absents

Une derniére catégorie de parasites, la plus insidieuse


sans doute, est celle qui consiste a faire parler les absents
(« Henri m’a dit qu’il était tres faché contre toi... Moi aussi,
d’ailleurs, mais pas pour les mémes raisons... »), a faire
parler les morts (« Ah, si ton pauvre pére voyait ¢a ! ») ou
a parler des absents (« Tu ne connais pas la derniére trou-
vaille de Fernande ? »)... Dans tous les cas, ces processus
sont générateurs de malaise puisque l’interlocuteur qui
recoit le message n’a aucun moyen de vérifier la véracité
de ce qui est dit... Il ne peut donc pas régler le probleme
en direct et se retrouve bel et bien coincé dans un jeu de
pouvoir...

Alors, que faire, non seulement pour ne pas étre


déstabilisé, mais en plus, pour trouver dans la relation une
base solide sur laquelle se reposer et s’appuyer ?
Expérimentalement, je me suis rendu compte qu’il y avait
un moyen trés simple... Je vous propose de |’éprouver sans
tarder...

1. Se préparer. Si c’est moi qui prends l’initiative,


dans la mesure du possible, je me prépare, en

355
Relations et jeux de pouvoir

356
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

fixant clairement ce que je ne veux pas. Je cla-


rifie pour moi-méme les attentes ou les projets
que j’ai par rapport a l’autre. Je cerne bien
l’objectif de la rencontre.
Se donner des permissions. Dans tous les cas,
Je me donne la permission d’exprimer a l’autre
tout malaise que je ressens dans la relation. Le
faire auparavant, ou en début de journée, aide
grandement a ne pas s’enliser dans les orniéres
de la relation.
Ne tenir compte que de ce qui nous concerne
directement, mon interlocuteur et moi-méme.
Cela signifie que chaque fois que |’autre tente
une maneuvre de diversion ou de fuite, chaque
fois que des tierces personnes (présentes ou
absentes) interviennent dans le dialogue, je me
donne la permission de recentrer la conversa-
tion. Quant a moi, je me donne également cette
discipline de ne parler que de ce qui concerne
l’autre et moi...
S’ancrer dans Vici et maintenant. Cela signi-
fie s’appuyer sur les données dont on dispose
ici et maintenant dans la relation, en veillant a
ce que chacun se sente respecté au niveau de
ses besoins...

Je vous propose de choisir une rencontre avec


quelqu’un que vous devez voir prochaine-
ment... Mettez en application les deux pre-
miers points de ce processus et allez-y... Par la

357
Relations et jeux de pouvoir

suite, n’oubliez pas d’analyser ce qui s’est


passé et d’en tirer les enseignements...
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Ancrage n° 7
Les faits objectifs

Beaucoup de conflits et de jeux de pouvoir trouvent


leur origine dans le fait que chacun interpréte la réalité en
fonction de ses propres filtres... Etre confronté a quel-
qu’un qui n’a pas la méme vision ou la méme conception
des événements que soi-méme peut étre trés déstabili-
sant.

D’ailleurs, beaucoup de conflits naissent de cette


simple différence d’interprétation du réel... Nous sélec-
tionnons des éléments particuliers dans chaque événe-
ment vécu, nous écoutons nos réflexions pendant que
l’autre parle, nous donnons des sens différents aux mots
que nous entendons et, bien souvent, nous essayons
d’échapper aux lois et aux régles...

Alors, que faire ? L’objectivité absolue n’étant


qu’une utopie, comment trouver, dans les faits et le
contexte, un fondement stable et sécurisant ?

359
Relations et jeux de pouvoir

Se mettre d’accord sur la méme histoire

Si vous souhaitez étre dans des conditions confor-


tables pour vivre la relation, la premiére chose a faire est
de vous mettre d’accord avec votre interlocuteur sur les
événements tels qu’il les a percus et tels que vous les
avez percus. Faites-le explicitement, avant méme d’expri-
mer votre accord ou votre désaccord. Car si vous ne parlez
pas de la méme histoire, comment pourriez-vous trouver
une solution qui respecte chacun ?

Ecouter l’autre sans préparer la réponse

C’est fou les choses qu’on peut se raconter pendant


que l’autre nous parle ! Résultat : la plupart du temps,
nous n’entendons pas ses mots a lui, mais les n6tres...
Par la suite, nous sommes préts 4 mettre notre main au feu
qu’il avait dit telle ou telle chose. Et c’est aussi comme
cela que les conflits naissent.

Un autre phénomeéne, c’est que nous entendons


Vimplicite de ce que |’autre dit, et pas l’explicite. Cela
aussi peut déboucher sur des tensions et des conflits.
Souvent enfin, nous recherchons déja une solution pen-
dant que |’autre nous parle et bien avant qu’il ait fini d’ex-
poser la situation... Conséquence : la solution proposée
est sept fois sur dix inadaptée et inacceptable...

Le seul conseil que je puisse vous donner est le suivant.


Répétez-vous cette petite phrase avant chaque conversation :

360
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

« Je n'ai et ne recherche aucune solution pen-


dant que l'autre parle. »

Par ailleurs, efforcez-vous d’ écouter ses paroles et ses


mots, et non l’interprétation que vous en faites. En cette
matiére, l’ancrage corporel peut vous étre d’une trés grande
utilité. Si vous n’en avez pas encore fait l’expérience, c’est
le moment ou jamais !

Rendre les mots concrets

Ce n’est pas le tout d’écouter les mots de I’autre,


encore faut-il les comprendre... Souvent, derriére les
mémes mots, nous mettons des réalités tres différentes.
Ce danger est d’autant plus grand que les mots utilisés sont
abstraits.

En effet, vous risquez peu de problémes d’incompré-


hension avec des mots comme « table », « pomme » ou
« maison ». La probabilité s’accroit déja un peu plus avec
« meuble », « fruit », « habitation » (ce sont des mots déja
plus généraux, mais se référant a des objets). Quand on
entre dans l’univers des mots du type « motivant », « pou-
voir », « belle », les conceptions varient sur une échelle
beaucoup plus étendue. Et ne parlons pas de concepts tout
a fait abstraits comme « amour », « Dieu », « spirituel »,
« épanouissement »...

La maniére la plus simple et la plus efficace de ne


pas étre déstabilisé par les interprétations personnelles de

361
Relations et jeux de pouvoir

362
i.
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

chacun, c’est de préciser le sens des mots importants


(quand on parle soi-méme) ou de le faire préciser (quand
on recgoit le message). Parfois, les seules questions
« Qu’entends-tu par la ? » ou « Que veux-tu dire ? » per-
mettent d’ancrer le dialogue sur une base beaucoup plus
sécurisante pour |’un et |’autre.

Se reférer aux écrits, aux régles et aux lois

Méme — et peut-étre surtout — entre amis, il est bon


et sécurisant pour les deux parties de coucher certains
accords par écrit et de se référer a des régles explicites
de fonctionnement et aux lois existantes en la matiére...

L’avantage d’établir des éléments par écrit est trés


souvent de se rendre compte qu’on en a oublié certains. En
outre, il est beaucoup plus difficile de mettre l’autre devant
le fait accompli (c’est-a-dire de garder certaines régles
implicites) lorsque les accords sont écrits... La discussion
entre Fernand et Isabelle’ n’aurait jamais eu lieu si la
régle : « Qui signe paye » (adage populaire resté inconnu)
avait été explicitée et écrite !

Concrétement, a quoi ces derniéres réflexions vont-


elles vous étre utiles ?

Ce dernier ancrage devrait vous servir a ne pas


accepter de situations floues et implicites... En vous

1 Histoire n° 9 : Le cadeau d’anniversaire.

363
Relations et jeux de pouvoir

ancrant dans les faits « objectifs » (dans le sens ot les deux


parties s’accordent sur une interprétation commune), beau-
coup moins de jeux de pouvoir pourront vous déstabiliser,
puisque vous disposerez d’une référence sur laquelle
prendre appui...

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fed neal <a a piven sitet
+
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Conclusion

La troisieme €tape se termine. II est possible que


vous l’ayez lue et traversée en une heure ou deux. Mais ce
passage pourrait aussi vous avoir pris beaucoup plus de
temps, car chaque ancrage est une pratique a acquérir, ce
qui ne se fait pas en deux temps trois mouvements, mais
peut parfois prendre plusieurs semaines. Je peux vous
assurer que toutes les personnes qui mettent cela en pra-
tique sont trés satisfaites du résultat !

Le but de cette étape était que vous puissiez trouver


un équilibre en vous-méme pour ne plus étre déstabilisé
par les jeux de pouvoir. Le but était aussi que vous acqué-
riez les premiers éléments pour sortir de la dépendance
relationnelle, sans plus avoir besoin d’exercer un contre-
pouvoir sur |’autre pour maintenir votre équilibre... Cette
base solide vous servait 4 découvrir un ancrage par rap-
port 4 vous-méme, a |’ autre et au contexte...

La spécificité de cette étape était essentiellement


d’améliorer votre relation avec vous-méme. En effet, plus
vous serez ancré, plus vous serez installé en vous et plus il
vous sera aisé de rayonner. Simplement parce que vous ne
serez plus I’ otage de vos peurs inconscientes. Pour accomplir

365
Relations et jeux de pouvoir

le travail qui est proposé dans ce livre, il ne faut pas néces-


sairement se sentir anormal ou «.avoir des problemes ».

Votre cheminement est de devenir progressivement


plus conscient d’ éléments et de phénoménes qui, jusqu’ ici,
étaient passés inapercus dans votre vie. C’est ainsi que vous
étes en train de reculer votre seuil de conscience...

Ce processus de prise de conscience va dans le sens de


vous incarner davantage, d’accepter le fait que vous ayez un
corps, des émotions, des besoins... Paradoxalement, plus
vous serez ancré et proche de la terre, plus vous pourrez éle-
ver votre conscience et votre maitrise des processus relation-
nels.

La progression de cette étape a suivi le chemin sui-


vant : nous sommes partis de l’ancrage le plus tangible, le
plus immédiat et le plus proche de nous vers le plus éloi-
gné. Si vous pratiquez les différents ancrages qui vous ont
été proposés, vous commencerez 4 guérir cette coupure
d’avec vous-méme.

Coupure qui vous empéchait d’étre en contact avec


votre corps...
Coupure qui vous empéchait de coopérer avec votre
inconscient...
Coupure qui vous empéchait d’entendre le message
de vos émotions...
Coupure qui vous empéchait de prendre soin de vos
besoins...

366
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Coupure qui vous barrait la route de votre source


d’énergie vitale, le Soi.

Avec pour conséquence de créer de multiples cou-


pures dans la relation avec l’autre... La qualité de votre
relation avec autrui n’étant qu’un reflet de la qualité de la
relation que vous entretenez avec vous-méme... Dans ce
sens, on peut dire que « nous aimons toujours notre pro-
chain comme nous-méme ».

Dans ce chemin vers la puissance, il y a un


(ré)apprentissage important a faire : celui de vous fier a
vous-méme, a ce que vous ressentez et éprouvez... Méme
si votre lieu de travail est l’entreprise, l’administration ou
l’école... Il est temps que vous (ré)appreniez a vous aimer
vous-méme, a vous respecter vous-méme, a vous accepter
vous-méme... Sans cela, la Terre continuera a souffrir de la
violence qui s’étend comme une gangrene sur toute sa sur-
face...

Pour conclure, je voudrais encore vous offrir un


cadeau, venu d’une autre époque, mais qui, cependant, est
encore d’actualité. C’était en Gréce, il y a pres de deux
mille cing cents ans...

Un jour, quelqu’un vint trouver Socrate et lui dit :


— Il faut que je te raconte comment ton ami s’est
conduit.
— Un instant, dit le sage. As-tu passé ce que tu as a
me dire a travers les trois tamis ?
— Quels tamis ?

367
Relations et jeux de pouvoir

— Le premier, celui de la vérité, L’as-tu vu toi-méme


ou te l’a-t-on raconté ?
— Non, je l’ai entendu raconter.
— Bien, bien ! Mais sans doute l’as-tu fait passer a
travers le second tamis, celui de la bonté ? Si ce que tu
veux me raconter n’est pas tout a fait vrai, c’est au
moins quelque chose de bon ?
— Heu, non, au contraire...
— _ Essayons le troisiéme tamis : voyons s’il est utile de
me raconter ce que tu as envie de me dire...
— Utile ? Pas précisément.
— Alors, dit Socrate en souriant, si ce que tu as a me
dire n’est ni vrai, ni bon, ni utile, je préfere ne pas le
savoir. Et quant a toi, je te conseille de l’oublier !

Une autre fagon de s’ancrer dans le principe de réa-


lité est de faire passer notre parole a travers les trois tamis
de Socrate.

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Etape n° 3 : S’ancrer dans le principe de réalité

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Relations et jeux de pouvoir

Resume : Les 7 ancrages

Pour pouvoir déjouer les situations de pouvoir et


entrer dans la puissance de respect, je trouve ma
position d’équilibre corporel, ici et maintenant :
Je m’ancre dans mon corps.

Je prends mes distances par rapport aux


croyances, aux images et aux messages contrai-
gnants qui pésent sur moi. Je me prépare en me
désidentifiant et en m’accordant des permis-
sions : Je m’ancre dans mes permissions.

Mes émotions sont d’excellents indicateurs de


mon état de satisfaction ou de frustration.
Jutilise donc l’énergie qu’elles mobilisent et
je m’appuye sur mon centre de gravité : je
m’ancre dans mes émotions.

J’ai confiance en ce que je sens que je ne veux


pas. Je respecte mes besoins, mes limites et
mon intégrité : Je m’ancre dans mes besoins.

370
Etape n° 3: S’ancrer dans le principe de réalité

Resume : Les 7 ancrages

5. Je me mets a l’écoute de mes intuitions et de


mon guide intérieur. J’accorde ma confiance a
mes ressources et mes talents cachés. Je me
connecte a@ ma source intérieure d’amour
inconditionnel : je m’ancre dans le Soi.

6. Je ne traite avec mon interlocuteur que de ce


qui nous concerne, lui et moi. Je n’accepte pas
que des absents ou des tiers interférent dans
notre relation : Je m’ancre dans la relation
présente.

7. Enfin, je me repose sur les faits tels qu’ils se


sont passés, sur ce qui s’est réellement dit et
sur les régles explicites : je m’ancre dans les
faits objectifs.

371
Relations et jeux de pouvoir

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Etape n° 4

Les strategies
Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 4
Dejouer les jeux de
pouvoir relationnels

375
Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

Introduction

Vous avez, a présent, tous les éléments dont vous


avez besoin pour sortir des jeux de pouvoir et entrer dans
la puissance de respect et d’amour inconditionnel...

La premiere chose dont vous aviez besoin, c’ était de


comprendre comment les jeux de pouvoir se mettent en
place. Vous deviez étre capable également d’en repérer la
présence, en utilisant les différents critéres de repérage ;
c’est ce que je vous ai proposé dans la premiére étape.

La deuxiéme chose dont vous aviez besoin, c’ était


d identifier l’origine inconsciente des jeux de pouvoir,
pour comprendre que votre premier adversaire n’est pas
extérieur 4 vous, mais au-dedans de vous, enfoui dans le
secret de votre structure de personnalité. Vous vous étes
rendu compte qu’a |’origine de la plupart de nos compor-
tements se cache un enchainement de peurs, liées a notre
histoire et notre petite enfance... C’était l’objet de la
deuxieme étape.

La troisiéme chose dont vous aviez besoin, c’ était de


trouver en vous les moyens de ne plus étre déstabilisé
par les pressions des autres ou de votre propre inconscient.

377
Relations et jeux de pouvoir

Je vous ai donc invité, dans la troisiéme étape, a explorer


différents types d’ancragé, a vivre comme autant de points
de repére stables dans l’univers mouvant et parfois mena-
cant des relations interpersonnelles.

Dans cette étape, je vous propose d’explorer les


stratégies aptes 4 déjouer les pieges de la relation. Je
reprendrai donc, une a une, les peurs que nous avons iden-
tifiées comme étant a l’origine des jeux de pouvoir. A
chaque peur inconsciente, nous avions associé un piége.

Il s’agira, pour nous, de découvrir quelle stratégie


peut déjouer chacun des pié¢ges mentionnés lors de la
seconde étape... Jusqu’a ce que les peurs guérissent et se
transmutent en énergie de respect et de vie. C’est la raison
pour laquelle les sections des étapes 2 et 4 pourront étre
mises en paralléle...

Le chemin de cette quatri¢me étape exigera beau-


coup de vous ; il vous faudra devenir ce que la tradition
samourai appellait un « guerrier impeccable ». Ouvrez
votre conscience et vous trouverez ce qui doit étre fait...

378
Etape n° 4: Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

Strategie n° 1
Desamorcer les pressions

Ainsi que je vous le disais dans l’introduction, notre


démarche va se calquer sur le cheminement que nous avons
suivi dans la deuxiéme étape, lorsque nous avons recherché
l’origine inconsciente des jeux de pouvoir... Nous repren-
drons, une a une et dans I’ordre, les différentes peurs pour
en identifier les piéges potentiels et établir des liens avec
leurs origines respectives. L’objectif de ce travail est que
vous deveniez plus efficace encore pour les déjouer.

La peur de la rupture est la premiere origine des


jeux de pouvoir que nous ayons découverte... En termes de
comportements, celle-ci se traduit, nous l’avons vu, par la
volonté d’éviter la confrontation avec _ 1l’autre.
Concrétement, cela signifie que beaucoup de relations sont
régies par des projets et des attentes implicites de l’un vis-
a-vis de |’ autre.

Le piége principal de ces projets ou de ces


attentes implicites, c’est qu’on y réagit souvent soit en
entrant dans le jeu, soit en y résistant. Avec, pour consé-
quence, le renforcement du jeu initial. Une fois de plus,

379
Relations et jeux de pouvoir

je vous renvoie a la figure ci-dessous, qui illustre la


complicité circulaire. En cherchant a se dégager de
l’emprise de notre interlocuteur, nous ne faisons que la
réniorcer-a:

,_sen’ au JOUjeu de p Quy


<n %

de l'autre, je lui
donne le pouvoir

Oo
bee 3 ce))
Clr Rae
% pouvoit

Si nous nous référons a cette illustration, quelle est


la meilleure stratégie pour briser ce cercle vicieux ?

La réponse la plus logique, c’est d’arréter de pous-


ser en sens opposé. Traduit en termes comportementaux,
nous dirons : ne plus faire pression par les jeux de pou-
voir, c’est-a-dire abandonner, soi-méme, tout projet ou
toute attente implicites par rapport a l’autre. L’effet,
comme illustré ci-dessous, est immédiat : si j’arréte de
pousser ou de résister, le projet de l’autre s’effondre !

380
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

Cette figure représente symboliquement


ce qui Se passe lorsqu’une des deux
personnes décide de ne plus alimenter
le jeu de pouvoir de l'autre : celui-ci
s’effondre de lui-méme...

Concrétement, comment cela se traduit-il ? Que


signifie « arréter de pousser sur l’autre », si tout ceci est
symbolique et figuré ?

1. Si Pautre a un projet implicite ou exerce une


pression sur moi, la stratégie consiste a ne pas renforcer
son action sur moi.

Prenons quelques exemples :


— il me fait des reproches ? Je commence par le
laisser parler, sans essayer de me justifier (me justifier
alimenterait sa dynamique) ;
— elle me fait une demande implicite ? Je me pose
la question de savoir si elle m’a fait une demande explici-
te. Si la réponse est négative, je ne fais rien ;
— mon patron exige toujours des réponses immé-
diates ? Je lui demande un délai de réflexion et je ne
prends pas position ;

381
Relations et jeux de pouvoir

— ma fille de cing ans pleure pour obtenir un mor-


ceau de chocolat ? Je ne joue pas au pére (a la mere) sur-
protecteur (surprotectrice) et j’attends qu’elle me le
demande autrement ;
— mon collégue me lance un défi sur le plan de la
compétition ? Je le laisse faire la course seul...

Attention ! Ne prenez pas ceci pour des recettes


toutes faites. Nous n’en sommes encore qu’a la quatrieme
étape et pour |’instant, ce que je vous propose, c’est de ne
plus résister ou de ne plus entrer dans un jeu complice...

Cette expérience est donc incompléte a deux points de


vue :
— d’abord, en appliquant les réponses 4 la lettre,
vous risquez encore d’étre dans le pouvoir (si votre
attente est que l’autre cesse son jeu ou qu'il fasse une
demande explicite)...
— ensuite, dans les réponses, pour |’ instant, vous ne
cherchez qu’une seule chose : ne pas renforcer, ni alimen-
ter le jeu de l’autre... Ce qui veut dire que, si vous en res-
tez la, vous risquez de ne rien construire dans la relation
et de ne pas étre respecté...

Mais pour savoir exactement que faire, il vous faudra


patienter jusqu’a la derniére étape. Dans les années soixante,
les premiers objecteurs de conscience appliquaient une
stratégie défensive non violente a |’égard des forces de
police qui les chargeaient : ils appelaient cela « faire le
mou »... Rien de tel pour désarmer I’agressivité de 1’ ad-

382
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

versaire, mais beau jeu de pouvoir quand méme (puisqu’


ils
avaient le projet implicite de désarmer |’autre) !

2. Si c’est moi qui ai un projet ou exerce une pres-


sion sur l’autre, la stratégie consiste 4 ne plus avoir de
projet implicite sur lui, tout simplement.

Prenons quelques exemples :


— au lieu de demander a ma fiancée si elle a envie
d’aller au cinéma avec moi, je lui dis que j’en ai envie ;
— _ au lieu de lui faire des reproches et de porter des
jugements sur mon mari, je lui exprime ce que je ne veux
plus ;
— au lieu de demander réguliérement a mes col-
légues leur avis sur ce que je dois faire, je me positionne
clairement, quitte a faire des erreurs ou a perdre du
temps...

Comme vous pouvez le voir, l’idée est de cesser de


m’occuper des autres et de commencer a m’occuper de
moi. En adoptant ce comportement, il est clair que je
risque moins de faire pression sur eux... Symboliquement
(voir illustration), je suis debout...

Mais ici encore, cette attitude — non nuancée et non


complétée par les principes de puissance que vous décou-
vrirez dans la cinquiéme étape — deviendrait rapidement un
jeu de pouvoir : celui de l’égocentriste. Je vous demande
donc de prendre ceci comme une étape intermédiaire néces-
saire, mais pas suffisante.

383
Relations et jeux de pouvoir

384
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

En résumé, cette premiere stratégie peut étre repré-


sentée comme suit :

Confrontation évitée | Peur inconsciente Stratégie consciente


(voir étape 2) (voir étape 2) pour déjouer le jeu de pouvoir

avec l’autre de la rupture désamorcer les pressions relationnelles

Avant de créer quoi que ce soit avec |’autre, il faut


d’abord nettoyer tout ce qui encombre la relation. Au
risque de passer pour un égoiste pendant un temps...
Examinez, a présent, comment et avec qui vous pourriez
mettre cette premiére stratégie en application dans votre
vie.

385
Relations et jeux de pouvoir


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Etape n° 4: Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

Strategie n° 2
Accepter sa propre réalité

Le deuxieme nettoyage a opérer, c’est par rapport a


soi-méme. En effet, vous vous en étes apercu dans la
deuxieme étape, il y a autant de pressions qui émanent de
moi-méme que de |’extérieur...

La peur de se découvrir tel qu’on est apparaissait


comme la deuxiéme origine des jeux de pouvoir... En
termes de comportements, nous faisons beaucoup pour ne
pas étre confrontés 4 nous-mémes. Par conséquent, nous
sommes coupés de nous-mémes, inconscients de ce qui se
passe a l’intérieur, comme anesthésiés...

Deux piéges principaux découlent de cette peur.


D’une part, cette coupure et cette inconscience créent, a
notre insu, une distorsion entre notre message explicite (et
conscient) et notre message implicite (souvent incons-
cient)... D’autre part, lorsque nous découvrons (volontai-
rement ou non) cette face cachée de nous-mémes, nous
entrons dans un processus de culpabilisation, de rejet de
nous-mémes, d’autocritique. Ce processus va nous pous-
ser a poser des actes complétement inadaptés'.

387
Relations et jeux de pouvoir

Quelle stratégie adopter pour déjouer ces deux


piéges par rapport a soi-méme ? Référons-nous a toutes les
réflexions qui ont déja été faites jusqu’ici...

La réponse la plus cohérente avec la philosophie qui


vous a été proposée, c’est d’accepter ma réalité telle qu’elle
est, car, en l’acceptant, je pourrai progressivement me
mettre 4 mon écoute et n’exercerai plus de pression sur moi-
iMenicre

Concrétement, prenons quelques exemples d’expé-


rimentations possibles...

1. Si je n’ai pas conscience de ma face cachée, je


risque d’envoyer, sans le savoir, une série de doubles mes-
sages. Pour devenir plus « conscient », je peux :
— d’abord, oser me regarder franchement dans un
miroir (contrairement a lillustration de la page 188),
comme s’il s’agissait de quelqu’un d’autre... Peut-étre,
dans mon expression, découvrirai-je des aspects (agréables
et désagréables) insoup¢onnés ;
— ensuite, me regarder dans le miroir des autres.
Je peux, par exemple, demander a de bons amis, mais aussi
a de « bons ennemis » comment ils me percoivent (en posi-
tif et en négatif) ;
— si quelqu’un me fait un reproche, je temporise
ma défense et je me demande ce qui, chez moi, a déclen-

1 Cela peut prendre différentes formes, comme, par exemple les stratégies de
manipulation et de déni, se positioner en sauveur, en victime, en persé-
cuteur, etc.

388
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

ché sa réaction (méme si celle-ci me parait injuste ou


injustifiée) ;
— je peux également me donner la permission
(ancrage n° 2) de ressentir ce qui se passe en moi, et I’ac-
cepter comme une réalité, sans jugement...

Vous pourriez imaginer d’autres moyens, car ils sont


nombreux et variés. L’idée centrale de cette démarche est
de considérer que toute personne (ou tout événement) peut
me renvoyer un feed-back riche en informations...

Ce qui me parait importani dans cette attitude, c’est


que je ne rejette pas immédiatement la responsabilité ou la
faute sur les autres, méme s’ils ont tort. Cela me permet de
ne pas alimenter la dynamique circulaire (stratégie n° 1),
mais aussi de recueillir bien des éléments utiles 4 mon évo-
lution...

2. Si je suis confronté a4 ma face cachée, que faire


pour ne pas entrer dans une attitude de rejet, de déni, d’au-
toaccusation ou de culpabilité malsaine ? Ici, également, je
peux :
— accepter que mes découvertes font partie inté-
grante de moi et constituent ma personnalité et mon unicité ;
— me donner la permission (ancrage n° 2) de ne
pas étre parfait ;
— me dire que c’est le stade actuel de mon évolu-
tion ;
— reconnaitre que c’est dans ma face cachée et
inconsciente que se trouve la plus grosse partie de mon

389
Relations et jeux de pouvoir

390
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

énergie, énergie dont j’ai besoin pour reconstruire autre


chose dans ma vie (souvenez-vous du role canalisateur de
la structure inconsciente, en analogie avec le coeur d’une
centrale nucléaire) ;
— considérer que tous mes jeux de pouvoir sont la
matiére premiere, brute a partir de laquelle je vais opérer
la transmutation...

Sans doute, ceci ne vous semble encore ni trés


concret, ni opérationnel. Pourtant, je vous assure que la
pratique de ces stratégies désamorce déja la plupart des dif-
ficultés relationnelles. En effet, pour entrer dans la puis-
sance, il ne suffit pas de vouloir changer son comporte-
ment ; ce serait 4 nouveau exercer une pression sur nous-
mémes... Il s’agit plutét d’investir Il’énergie dans le sens de
ne plus vouloir reproduire les mémes comportements...
En résumé, cela signifie :

Confrontation évitée | Peur inconsciente Stratégie consciente


(voir étape 2) (voir étape 2) pour déjouer le jeu de pouvoir

accepter ma propre réalité

Pour le dire autrement, le travail consiste davantage


a nettoyer, 4 désencombrer, a élaguer, a alléger la dyna-
mique dans laquelle vous étes inscrit plutdt qu’a faire des

391
Relations et jeux de pouvoir

efforts pour appliquer des techniques et des outils de com-


munication’, 0

Je vous propose également de penser a la maniére


dont vous pourriez mettre en application les stratégies que
je vous ai proposées ici...
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

Strategie n° 3
Reconnaitre les étapes
du changement

Une autre difficulté vous attend sur le chemin qui vous


méne du pouvoir a la puissance, celle de discerner a quelle
phase de changement vous vous trouvez, et d’interpréter cor-
rectement les états de bien-étre ou de malaise que vous res-
sentez au cours des différentes phases de |’évolution...

Nous avons, si vous vous en rappelez, identifié la


peur du changement comme troisiéme origine des jeux de
pouvoir... I] s’agissait d’éviter d’étre confronté au monde
extérieur, a ses lois et au changement permanent.
Concrétement, le sympt6me, en termes de jeux de pouvoir,
consistait a répéter le passé et a rester identique a soi-méme.

Le piége principal de cette peur du changement,


c’est de confondre |’ origine de ce qu’on ressent a différents
moments du processus de transition entre un comporte-
ment et un autre. Dit comme cela, ce n’est peut-étre pas
encore trés clair pour vous. L’idée principale que je vou-
drais développer dans ce qui suit est qu’un malaise n’est
pas nécessairement le signe que l’on se trompe...

393
Relations et jeux de pouvoir

C’est la raison pour laquelle il nous faudra faire


ceuvre de discernement... La stratégie que j’aimerais vous
faire découvrir est d’apprendre a reconnaitre les étapes
du changement’.

avec le monde du changement reconnaitre les étapes du changement

Pour ce faire, je voudrais vous proposer un petit tableau


que vous pouvez compléter vous-méme. II s’agit d’identifier
les avantages et les inconvénients d’un comportement de pou-
voir (ou de tout comportement inadapté), puis de faire de
méme avec un comportement de puissance (ou plus adapté)...
Chaque colonne recoit un numéro, comme suit :

Comportement inadapté Comportement plus


a la réalité adapté a la réalité
Inconvénients Avantages Inconvénients Avantages

2) 1 © 4)

Passons rapidement en revue les caractéristiques de


chaque colonne.

1 J'ai développé ce theme de maniére trés approfondie dans le livre Evoluer


pour guérir [08].

394
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

Colonne 1 : comme je vous le disais dans la


deuxiéme étape, étre dans le pouvoir ne comporte pas
que des désavantages. Cela présente aussi des avantages,
mais, le plus souvent, a court terme :je contrdéle la rela-
tion, mon identité est conservée, je ne suis pas confronté
a la réalité et, par conséquent, pas remis en question, la
situation m’est connue, je reste dans la dépendance...

C’est la raison pour laquelle, tres souvent, quand je


suis en situation de pouvoir, j’éprouve un sentiment de
confort et de sécurité, sentiment qui m’encouragera a
reproduire le méme comportement. Méme si, nous |’avons
vu, ce type de stratégie est inadapté a long terme dans une
optique d’autonomie et de respect de soi et d’autrui...

Colonne 2 : les inconvénients a plus long terme


des jeux de pouvoir apparaissent comme des conséquences
de leur inadaptation. I] peut s’agir de maladie, de frustra-
tions relationnelles, de conflits, de ruptures et d’une sensa-
tion de déséquilibre due aux tensions permanentes...

J’éprouve alors un sentiment d’inconfort, de malai-


se et de frustration. Cette fois, mon ressenti me poussera
a changer de stratégie pour ne plus subir les conséquences
négatives de mes comportements.

Colonne 3 : ainsi, j;opte pour un comportement


plus adapté, qui, je l’espére, n’aura plus les conséquences
que je vis pour le moment. Mais, souvent, ce que j’expéri-
mente A court terme (c’est-a-dire dans un premier temps)

395
Relations et jeux de pouvoir

396
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

est encore désagréable, tout simplement A cause de la


nouveauté de ce que je vis : je me sens alors maladroit,
mon entourage me rejette et ne me reconnait plus ; moi-
méme, j'ai l’impression de ne plus étre le méme, je perds
le contréle...

Alors que j’ai fait l’effort de changer, j’éprouve


encore, malgré tout, un désagréable sentiment de
malaise et d’insécurité...

Ma réaction probable, dans ce cas — et c’est ici


quintervient le piége a déjouer —, sera de retourner 4 mon
ancien comportement, méme Si je sais que je vais subir les
mémes frustrations. Mais, entre deux situations inconfor-
tables, je préférerai celle qui m’est connue.

Le probléme vient du fait que nous confondons


deux types d’inconvénients : ceux qui découlent de l’in-
adaptation d’un comportement (et qui m’en avertissent)
avec ceux qui proviennent de la nouveauté d’un compor-
tement. Dans le premier cas, il s’agit de désavantages a
long terme, dans l’autre, d’inconfort a court terme...
Cette troisiéme colonne est ce que j’appellerai symboli-
quement |’ épreuve initiatique, le passage par la mort
avant la renaissance.

Colonne 4 : pour entrer dans la puissance et jouir de


ses avantages 4 long terme, ce moment d’épreuve est un
passage obligé. C’est le moment ot I’on abandonne les
anciens scénarios de pouvoir et de contrdle, ou l’on se

397
Relations et jeux de pouvoir

retrouve comme le personnage de J’illustration en page


384, désarconné, en perte d’équilibre, sans repére...

Ce n’est que par la suite que je pourrai faire l’expé-


rience de la satisfaction profonde, de la santé, de la sta-
bilité relationnelle, de l’équilibre... En résumé :

Comportement inadapté Comportement plus


a la réalité adapté a la réalité
Avantages Inconvénients Avantages

— frustration — identité conservée — perte diidentité — satisfaction


— maladie — contréle — perte de contréle — santé
— rupture — affection des autres — rejet par les autres — Stabilité relationnelle
— déséquilibre — inconnu — équilibre

ol Bie 4)

Lapplication pratique de ceci, c’est le discerne-


ment. Une sensation de bien-étre ne veut pas nécessaire-
ment dire que vous étes dans la puissance ; un malaise ne
signifie pas non plus nécessairement que vous étes dans le
pouvoir. Le tout est de pouvoir reconnaitre 4 quelle étape
du processus vous vous trouvez...

< an

398
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

Strategie n° 4
Ameénager mon environnement

Les trois premieres stratégies que nous avons envi-


sagées concernaient les piéges issus de la dynamique
relationnelle avec |’autre (désamorcer les pressions), de
la relation avec moi-méme (accepter sa propre réalité) et
des processus de changement (reconnaitre les étapes du
changement). A partir d’ici, les piéges seront plus subtils,
mais tout aussi dangereux. Je vous rappelle que tous sont
reliés 4 une des peurs que nous avons identifiées dans la
deuxiéme étape...

La peur de la mort était la quatri¢me de la liste.


Nous avions vu que, par « mort », il fallait entendre toute
mort symbolique vécue pendant l’existence... Nous avions
d’ailleurs associé la notion de limitation a celle de mort ;
nos comportements visant a éviter toute confrontation avec
nos limites, afin de sauvegarder notre illusion de toute-
puissance...

Le piége issu de cette peur des limitations est que


nous sommes souvent mal préparés a affronter celles-ci.
Nous avons, en effet, appris 4 éviter les limites, et, dans ce

399
Relations et jeux de pouvoir

domaine, nous avons acquis énormément de compétences !


Par contre, quand nous ne pouvons plus y échapper, nous
sommes totalement désarmés et démunis, parce que nous
ne savons que faire...

Quelles sont les stratégies possibles pour pallier cet


inconvénient ? Comment faire face a la pression du temps
ou de l’espace, ou encore aux contraintes des régles et des
usages relatifs aux milieux que je fréquente ?

Le principe de ces stratégies sera de tenir compte de


mes différentes limitations, tout en ne m’y laissant pas
enfermer... Voyons concrétement ce que cela signifie...

|. Face a la pression du temps, je risque de me sen-


tir stressé, ce qui va provoquer en moi un blocage (voir le
schéma de la page 349) et enclencher des comportements
réflexes. Or, vous n’étes pas sans savoir qu’il y a peu de
chances qu’un comportement réflexe soit toujours adap-
té... Ce que je peux faire pour éviter cela, c’est :
— demander un délai de réflexion ou de réponse,
ne fiit-ce que de dix minutes (car il y a parfois de vraies
situations d’urgence). Cela me permettra de ne pas ressen-
tir la pression implicite (et peut-étre complétement imagi-
- naire) de |’ attente de I’autre ;
— quand je dois avoir un entretien important avec
quelqu’un, je fixe un moment ow je me sens disponible et
ou l’autre l’est également. II n’y a rien de plus désastreux
que de régler des problémes importants entre deux portes
ou dans un couloir ;

400
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

— Je fixe aussi des priorités, je me consacre aux


affaires importantes et je me donne la permission de ne
pas étre « sur-humain » ;
— je prends réguliérement des rendez-vous avec
moi-méme, en les inscrivant et en les maintenant dans mon
agenda.

2. Face a la pression de l’espace, l’idée est la


méme. Si le lieu dans lequel je me trouve ne me convient
pas, j'ai la possibilité d’agir sur mon environnement et de
le modifier.
Par exemple :
— si j’ai besoin de calme pour un travail ou une
rencontre, je m’installe dans une piéce ou je ne serai pas
dérangé, je branche mon répondeur téléphonique avec
un message clair (« Je suis présent, mais pas dispo-
nible »), je demande a ma secrétaire de ne laisser passer
aucun appel ;
— simon interlocuteur accepte d’étre constamment
interrompu (par des appels téléphoniques ou autres), je lui
demande explicitement d’agir en sorte que nous ne
soyons pas dérangés. Si c’est impossible, je lui demande
un autre rendez-vous a un moment ou il sera disponible ;
— simon interlocuteur m’invite 4 m’asseoir sur une
chaise plus basse que la sienne, je lui demande un autre
siége en lui expliquant mon inconfort...

Il y a, bien évidemment, des centaines d’ autres situa-


tions auxquelles vous pouvez étre confronté. L’important,
c’est de comprendre qu’il est toujours possible de

401
Relations et jeux de pouvoir

402
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

demander que les choses changent, méme s’il n’est pas


toujours possible d’ obtenir ce que vous désirez.

3. Face aux contraintes des régles et des usages


relatifs aux milieux fréquentés, il arrive que je me sente
limité, que j’aie l’impression de ne plus étre moi-méme et
de ne plus pouvoir |’étre... Il est clair que je ne peux pas
changer ces régles (puisqu’elles régissent souvent une col-
lectivité) : je ne peux pas décider qu’ partir de maintenant,
je roule a gauche ou que les hommes s’habilleront tous en
jaune dans l’entreprise ot je travaille... Par contre, je
peux :
— poser explicitement des questions sur les régles
en usage dans le milieu ou je suis regu (souvent, par peur
du ridicule, nous restons dans l’inconfort plutét que de
demander un repére) ;
— une fois les régles connues, je ne cherche pas
a les remettre en question. En revanche, je cherche a
savoir jusqu’ou s’étend ma zone d’autonomie maxi-
male ;
— si, une fois explicités, certains usages font
atteinte a certaines des limites a partir desquelles je ne me
sens plus respecté, j’exprime ma limite et je formule une
demande aux personnes qui sont habilitées a modifier la
régle. Si cela s’avére impossible, je mets en balance mon
besoin d’étre respecté avec mon envie de rester présent.
Et je choisis.

403
Relations et jeux de pouvoir

Cette section peut donc étre résumée comme suit :

Confrontation évitée | Peur inconsciente Stratégie consciente


(voir étape 2) (voir étape 2) pour déjouer le jeu de pouvoir

avec jan | ela

aménager mon environnement

Dans ce qui vient d’étre dit, ’idée centrale est que


la liberté ne consiste pas a faire ce que je veux. N’en faire
qu’a ma téte risque, au contraire, de totalement me priver
de ma liberté. La liberté consiste plut6t 4 reconnaitre et
accepter l’existence de régles et 4 trouver le moyen de
développer mon autonomie a l’intérieur de ce cadre, tout
en me respectant...

404
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

Strategie n° 5
Faire confiance aux
ressources de |’autre

Un autre piége qui vous attend est celui de I’ affecti-


vité et de |’émotivité' vécues sans discernement. II trouve
sa réalisation dans le fait que nous ne supportons pas voir
Vautre souffrir. Par conséquent, dés que cela arrive, nous
jouons immédiatement au saint-bernard, au sauveur, au
surprotecteur, et souvent au détriment de l’autre qui ne
manquera pas de nous le reprocher plus tard...

A Vorigine de ce piége trés courant se trouve la peur


de s’incarner. A premiére vue, le lien ne parait peut-étre pas
évident, je vous le concéde bien volontiers. Je vous invite
donc a me suivre pas 4 pas dans le raisonnement suivant...

Si vous vous en souvenez, pour échapper a la peur de


nous incarner, nous mettons en place des stratégies de
sous-vie, comme je les avais appelées. Celle relative au

1 Le sens de ces deux termes n’a rien a voir avec celui d’« émotion ». Par
affectivité ou émotivité, j’entends une attitude d’amplification des émo-
tions vécues sans discernement. Cette attitude résulte souvent de méca-
nismes de projection, de fusion ou d’identification.

405
Relations et jeux de pouvoir

refus de l’incarnation concernait le fait de « ne pas


prendre la responsabilité de ce que je vis » (p. 261)... Je
vous avais également parlé du fait d’agir comme si je
n’étais pas incarné. Reproduire les conditions de ma vie
avant mon incarnation — c’est-a-dire pendant la gestation
— est la meilleure fagon de mettre ce principe en ceuvre.
Pendant cette période, j’étais en fusion avec |’autre (en |’oc-
curence, ma mére) et j’étais tout-puissant, puisque, n’étant
pas encore né, la mort n’avait aucune emprise sur moi...

Reproduire dans la vie adulte ces deux caractéris-


tiques de la vie foetale va entrainer des conséquences qui se
transformeront inmanquablement en piéges relationnels...

1. Si je me vis encore en fusion avec quelqu’un, s’il


souffre, j’aurai (inconsciemment) l’impression que c’est
moi qui souffre. Comme je n’ai pas appris 4 me réconcilier
avec mes propres souffrances et mes propres morts, il va
falloir que j’interrompe au plus vite cette souffrance qui est
aussi la mienne... Cela débouchera rapidement sur une
intervention de ma part, dont le seul objectif est de stopper
et de supprimer la douleur de |’ autre.

En quoi ce comportement est-il inadapté ?


— d’abord, parce que j’interviens par rapport a
l'autre avec un projet implicite, sans lui demander son
avis ou son accord ;
— ensuite, parce qu’une attitude de suppression du
sympt6me élimine des informations qui peuvent lui étre
trés utiles ;

406
Etape n° 4: Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

— de plus, parce que je court-circuite un proces-


sus d’évolution dans lequel l’autre aurait pu trouver sa
propre solution, sil en avait eu le temps. En allant a son
secours, je le place sous ma dépendance...
— enfin, parce que je suis dans une situation de
confusion ou je nie totalement nos réalités respectives, a
autre et 42 moi-méme. Je suis donc coupé de moi-méme,
de l’autre et du réel objectif...

2. Si je me vis comme tout-puissant, inconsciem-


ment, je me considére comme étant a Il’origine de tout ce
qui existe... L’expression « je te connais comme si je
t’avais fait » en dit long a cet égard. Mais le probléme,
quand on est créateur du Ciel et de la Terre, c’est qu’on
S’apercoit, tot ou tard, qu’on est aussi a l’origine du bien et
du mal. Le mal, c’est la laideur, la pauvreté, la violence, la
mort, la souffrance, la guerre. Ainsi, je suis responsable de
l’existence du mal dans le monde...

La conséquence est que mon sentiment de culpabili-


té sera proportionnel a ce qu’était ma toute-puissance. En
effet, toute personne qui souffre vit cette souffrance a
cause de moi. II faut donc que je répare au plus vite ce dont
je suis responsable. Cela débouche généralement sur le
méme type d’intervention que dans le premier cas, mais
avec pour mobile, cette fois, de racheter mes fautes et de
me déculpabiliser...

En quoi ce type de comportement est-il inadapté ?


— d’abord, parce que j’interviens par rapport a
l'autre sans tenir compte de sa réalité, mais pour avoir la

407
Relations et jeux de pouvoir

conscience tranquille (nous ne sommes pas loin de la cari-


cature des dames patronnesses) ;
— ensuite, parce que cette culpabilité va m’empé-
cher de discerner ce qui est le plus adapté pour |’ autre et
pour moi ;
— enfin, parce qu’en faisant cela, je renforce ma
névrose de toute-puissance et de toute-culpabilité, mais je
ne suis absolument pas incarné...

A présent, examinons les piéges qui se cachent der-


riére les phantasmes de fusion et de toute-puissance...

La fusion : l’autre est moi ; je suis l’autre

Dans le rituel du mariage, il est dit quelque chose


comme: « Et les deux s’uniront pour ne former qu’un » —
et ’humoriste de rajouter : « Reste a savoir lequel... »
Cette phrase est souvent mal interprétée, car il ne s’agit pas
de ne former qu’une seule personne, mais un couple. Ce
qui veut dire que, pour former un couple, il faut étre deux
personnes a part entiére...

Le piége de la fusion est de ne plus distinguer les


réalités respectives, et, en particulier, les besoins respec-
tifs. Avez-vous jamais rencontré deux personnes qui
avaient strictement les mémes besoins, simultanément et
en permanence ? Cet idéal de la fusion, aussi attirant soit-
il, ne débouche que sur des frustrations, des rancceurs, de
la haine... Car, en plongeant dans la confusion, je prends
le risque de ne plus avoir de besoins propres... Je prends
donc aussi le risque de ne pas les voir satisfaits...

408
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

Lidéalisation : l'autre est tout pour moi ; je suis


tout pour lui

Beaucoup d’amoureux révent de s’entendre dire un


jour : « Tu es tout pour moi... » Ils ignorent a quel point
cette phrase est |’un des piéges les plus cruels de la relation
interpersonnelle... Piége pour celui qui la prononce. Mais
pi€ge aussi pour celui qui la recoit'.

Celui qui la prononce accepte volontairement de se


mettre totalement sous la dépendance de |’ autre quant a
la satisfaction de ses moindres besoins (matériels, cultu-
rels, intellectuels, sexuels, professionnels, d’épanouisse-
ment, de sécurité). Celui qui la regoit endosse la responsa-
bilité totale de la satisfaction de tous les besoins de
lautre... Ce qui entraine, également pour lui, une dépen-
dance compléte vis-a-vis de |’autre : il ne peut plus vivre
sa vie pour lui, il doit la vivre pour l’autre... Et ce, jus-
qu’au jour ou |’un des deux craque.

Le sauveur aux bonnes intentions

Le sauveur aux bonnes intentions interviendra tou-


jours avec le méme leitmotiv : écourter au maximum la
souffrance de |’ autre, et a tout prix. Cette attitude — trés
semblable a celle de la médecine moderne — court-cir-

1 Ace propos, consulter le chapitre que j’ai consacré aux jeux de pouvoir
dans le couple, dans Le couple en éveil [10].

409
Relations et jeux de pouvoir

cuite totalement le processus par lequel un individu peut


effectuer les prises de conscience nécessaires a son évolu-
tion. Il n’a donc plus la possibilité de se rendre compte de
l’inadaptation de ses comportements (colonne 2 du tableau
de la page 398), ni de traverser |’ épreuve initiatique (colon-
ne 3 du méme tableau) qui pourrait le mener a la guérison.
Ici aussi, la conséquence est non seulement la dépendan-
ce, mais aussi le maintien dans l’incompétence a se
prendre en charge...

Le surprotecteur

La stratégie du surprotecteur n’est pas de couper la


souffrance, mais de tout faire pour qu’elle n’apparaisse
pas, et, si elle apparait, de la prendre sur lui. Le surprotec-
teur joue donc le rdle de tampon et de filtre entre son pro-
tégé et la réalité extérieure, ce qui fera trés vite de lui une
victime frustrée qui ne tardera pas a en faire le reproche a
son protégé... Les conséquences sont les mémes : dépen-
dance et maintien dans l’incompétence...

Si vous m’avez compris jusqu’ici, il devrait vous étre


facile d’établir une stratégie pour déjouer ces piéges
importants de la fusion et de la culpabilité...

J’aimerais vous en proposer quatre, complémen-


taires...

— tout d’abord, en toute circonstance, je prendrai


100 % de la responsabilité de ma réalité et, en méme

410
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

temps, je prendrai 0 % responsabilité de la réalité de


Pautre. Ce que je vis m’appartient ; ce que |’ autre vit lui
appartient. Ce qui ne m’empéche pas de le soutenir et de
l’accompagner, mais en respectant avant tout ce qu’il vit,
comme il le vit ;
— cela implique que je lui donne inconditionnelle-
ment le droit 4 l’erreur et le droit 4 ’expérience. A moi
de bien poser mes limites pour que ses expériences res-
pectent mon intégrité ;
— quand l’autre souffre, mon attitude est de l’ac-
compagner dans un processus et un cheminement, pour
qu il ait les moyens de trouver par lui-méme le sens et |’en-
seignement contenus dans |’expérience ;
— a tout moment, il me faudra respecter la dis-
tance, la différence et la spécificité de |’ autre...

L’idée fondamentale est donc d’avoir foi en les


capacités de guérison et d’évolution de chaque indivi-
du. Il y a beaucoup plus de ressources en |’ autre que vous
ne |’imaginez...
Confrontation évitée | Peur inconsciente Stratégie consciente
(voir étape 2) (voir étape 2) pour déjouer le jeu de pouvoir

avec moncorps | del’incarnation faire confiance aux ressources de |’autre

Loin de moi l’idée de faire une apologie de la souf-


france. Je ne dis pas qu’il faut souffrir pour évoluer. Par

411
Relations et jeux de pouvoir

412
Etape n° 4: Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

contre, je reconnais que, dans la plupart des processus


d’évolution, la souffrance se trouve sur le chemin, soit
comme indicatrice d’une inadaptation, soit comme révéla-
trice d’un inconfort au moment de sauter dans |’inconnu...

Je vous invite a envisager toutes les possibilités


d’ implications des stratégies qui viennent de vous étre pro-
posées, car personne n’échappe a ce piége de la fusion et
de la culpabilité...

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Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 4: Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

Strategie n° 6
Se faire confiance

La peur de vivre pleinement a été identifiée


comme étant sans doute l’origine la plus profonde et la
plus inconsciente des jeux de pouvoir... A cause d’elle,
cela fait longtemps que nous n’utilisons plus nos capacités
et nos ressources (car les utiliser signifierait accepter de
vivre). Et c’est ainsi que nous avons perdu confiance en
elles.

Le piége de cette perte de confiance dans nos res-


sources, c’est que nous préférons nous raccrocher a des
techniques et nous en rendre dépendants plutét que d’ écou-
ter la voix de la sagesse qui est toujours en nous, et qui
attend...

Comment se manifeste, concrétement, ce piége de la


dépendance a des techniques ? De différentes manieéres,
toutes plus subtiles les unes que les autres... Mais atten-
tion ! Mon propos n’est pas de dénoncer les techniques en
elles-mémes, mais bien |’attitude inadaptée de ceux qui
s’en rendent dépendants.

415
Relations et jeux de pouvoir

Les techniques de communication

Vous savez comme moi que « /a plus belle fille du


monde ne peut donner que ce qu’elle a'»... Il en va de
méme pour les techniques. Une technique n’est jamais
qu’un outil, une procédure, avec un mode d’emploi. Le
danger, c’est d’en attendre plus que ce qu’il peut apporter.
Un peu comme si j’attendais d’un marteau qu’il puisse non
seulement enfoncer des clous et casser des briques, mais
aussi repeindre les fenétres et réparer le téléviseur ! Les
techniques de communication ne peuvent modifier les com-
portements qu’en surface, car elles n’agissent que sur les
deux premiers niveaux de la relation et, habituellement, ne
travaillent pas sur la racine, sur la cause premiere de nos
problémes relationnels.

Jv ___.
Messages explicites > |

domaine d’efficacité des


outils classiques de
Messages implicites communication

domaine d’efficacité
[Rapports de force,
projets et attentes de la DYNARSYS
implicites]

| Ne voyez surtout pas, dans cette citation, la moindre allusion sexiste ou


machiste.

416
Etape n° 4: Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

En ayant recours a des outils, nous mettons un vernis


sur une réalité qui, elle, n’a pas été transformée. Nous
créons alors une sorte de dédoublement de personnalité :
celle de l’intérieur qui ne sait toujours que faire de ses
ombres et celle de l’extérieur qui parle et se comporte avec
les mots et les gestes du formateur qui l’a formée... Vous
vous doutez que, dans ces conditions, aucun jeu de pouvoir
ne peut étre désamorcé, puisque sa nature est de se trouver
a la racine des comportements, et non a leur surface...

C’est la raison pour laquelle, dans ce livre, je ne vous


présente pas de recette toute faite. L’ objectif que je me suis
fixé est de vous indiquer des pistes, de vous faire découvrir
des principes ou des stratégies. Votre role 4 vous est de les
incarner avec vos propres mots, vos propres phrases, votre
propre histoire...

Les préceptes moraux ou spirituels

Si la plupart des techniques de communication sont


par trop comportementales, les préceptes moraux ou spiri-
tuels, quant 4 eux, sont souvent recus de maniere unique-
ment mentale... Le grand danger de toute approche exclu-
sivement spirituelle est de devenir un refuge pour notre
peur de nous incarner'.

Beaucoup d’enseignements philosophiques ou spiri-


tuels sont compris par leurs adeptes comme une valorisa-

1 Ace propos, consulter mon livre Le choix de vivre BAL

417
Relations et jeux de pouvoir

tion de l’Ame et de l’esprit au détriment au corps, de la


matiére et de tout ce qui les symbolise : l’argent, le sexe, le
pouvoir, les conflits'...

Au cours de votre cheminement, vous avez compris


importance d’accepter, de reconnaitre et de travailler avec
vos ombres et tout ce qui vous pése en vous, car c’est la
que se trouve la matiére premiere a partir de laquelle il
vous sera possible d’élever véritablement votre niveau de
conscience...

Les approches psychologisantes

Enfin, le pi¢ge des approches que j’appelle psycho-


logisantes, c’est de faire croire qu'il suffit d’avoir pris
conscience de son probléme ou d’en avoir identifié la cause
originelle pour étre guéri. En ce qui me concerne, j’estime
qu’il n’y a vraiment guérison qu’a partir du moment ow la
personne manifeste dans ses comportements le change-
ment qui s’est produit dans sa conscience...

Le seul critére de vérification d’une guérison, c’est le


corps et les actes visibles et observables, et non les paroles,
aussi belles soient elles... Le Christ disait d’ ailleurs 4 juste
titre : « On reconnait l’arbre a ses fruits ». Je ne peux que

1 Cette tendance est la conséquence naturelle de l’influence de la philoso-


phie de Platon (V¢ siécle avant J.C.) qui estimait que la chute de l’Ame dans
le corps était une déchéance. Le judéo-christianisme — ow le mal et le
péché sont indissociablement liés au corps, 4 la matiére et au sexe — est
venu renforcer cette conception. Lire 4 ce sujet le livre édifiant de Guy
Bechtel, La chair, le diable et le confesseur [04].

418
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

vous encourager a4 mettre cette phrase en application dans


votre vie...

Quelle stratégie pourrait déjouer ces piéges de la


dépendance aveugle aux techniques ?

Ce que je vous propose d’expérimenter, c’est de


considérer que :
— les techniques de communication vous apportent
des outils dont vous pourriez tirer des principes relation-
nels, sans contenu particulier, principes qu’il vous faudra
(re)découvrir via votre expérience, vos essais et vos
erreurs, avec vos mots et votre histoire ;
— les préceptes moraux ou spirituels reposent sur
des principes spirituels qu’il vous faudra également
retrouver dans une recherche intérieure, dans un face a face
authentique avec vous-méme ;
— les approches psychologisantes éclairent des
principes psychologiques qui ne sont 1a que pour faire
comprendre le sens du vécu, pas pour le guérir...

Confrontation évitée | Peur inconsciente Stratégie consciente


(voir étape 2) (voir étape 2) pour déjouer le jeu de pouvoir

avec la Réalité | la vie « pleine » se faire confiance

419
Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 4: Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

Toute technique, toute approche systématique est


une cristallisation et une codification de signes qui, au
départ, étaient en chacun de nous. Les lois et les béquilles
extérieures existeront tant que tous les étres humains n’au-
ront pas retrouvé le contact avec leur source de sagesse
intérieure... En effet, lorsque vous serez connecté a vos
propres ressources, vous sentirez ce qui est juste, a la fois
pour vous et pour l’autre...

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Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 4: Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

Strategie n° 7
Deévelopper un autre regard

A la fin de la deuxiéme étape, je vous avais indi-


qué le lien existant entre le pouvoir, les névroses et la
guérison. Je vous avais suggéré que les névroses étaient
a la fois cause de dégradation des relations et occasion
d’évolution... Car, a force d’étre sans cesse confrontés
et reconfrontés aux mémes problémes, nous finissons
par comprendre le caractére inadapté de nos stratégies et
nous les changeons...

A condition, bien stir, de ne pas tomber dans le piége


de juger ce que nous vivons et de juger ceux qui nous
compliquent l’existence... En me posant en juge, je risque
de m’enfermer dans des comportements stéréotypés : je ne
me permettrai pas de vivre telle expérience, je m’interdirai
d’agir de telle maniére avec telle personne, tout cela, parce
queje me juge ou que je la juge...

La stratégie que j’aimerais partager avec vous est


le développement d’un autre regard sur vos expé-
riences « négatives » ou douloureuses, pour qu’elles
deviennent, pour vous, des opportunités de croissance...

423
Relations et jeux de pouvoir

Ne pas juger

Pourquoi est-il important de ne pas juger ? Non


pas pour des raisons morales, mais tout simplement
parce que ce n’est pas efficace sur le plan personnel et
relationnel. Souvenez-vous de ce qui a déja été Evoqué
précédemment... Si je me juge, je me colle une éti-
quette ayant valeur de vérité permanente, du style : « Je
= bon arien »... Dans ce systéme, je dois avant tout res-
ter identique 4 moi-méme et, par conséquent, toute une
série de comportements me seront interdits ou inacces-
sibles. Je m’enferme donc dans certains comporte-
ments dont je ne sors pas...

Par ailleurs, si je juge l’autre, cela veut dire que je


m’attends toujours aux mémes attitudes de sa part...
En réaction a cette attente, je vais me comporter en pré-
vision de ce que je crois qu’il va faire. Et je risque d’in-
duire chez lui ce que je crains le plus. Par exemple, si je
juge mon chef de service agressif, je vais entrer dans
son bureau sur la défensive. Etant dans cette disposition
d’ esprit, je vais exercer une pression implicite sur lui qui
le poussera a m’agresser, ce qui me confirmera que
javais raison a son sujet.

Conclusion : je m’enferme a nouveau dans les


mémes comportements.

424
Etape n° 4: Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

1
Je le juge comme
agressif

4 2
En reaction, Je suis sur
ii Magresse la défensive

&.
J’exerce une pression
implicite sur lui

Ecouter les résonnances

Comment ne plus étre dans le jugement de soi et


dans la critique de |’autre ? Une premiere étape est déja de
reconnaitre et d’accepter que c’est ma réalité, ici et main-
tenant (stratégie n° 2)... Par contre, cela devient beaucoup
plus complexe quand |’attitude de quelqu’un d’ autre m’ir-
rite, me rend furieux, me met en colére, m’attriste, etc. Il
est difficile, dans ce cas, de ne pas juger ou de ne pas cri-
tiquer... Je voudrais vous faire comprendre, par une image,
ce qui se passe a ce moment.

Imaginez deux cordes de guitare qu’on aurait accor-


dées sur le méme ton, sur la méme fréquence. Vous ne grat-
tez que la premiére, sans toucher |’autre. Instantanément,
vous observerez que la deuxiéme corde se met également a
vibrer. Pour vérifier, étouffez la premiére corde, et vous

425
Relations et jeux de pouvoir

continuez A entendre le son de la deuxiéme corde... On


appelle ce phénoméne une résonnance.
Mi La Ré Sol Si Mi Mi La Ré Sol Si Mi

Résonnance
entre les deux
cordes

Corde grattée Corde libre

Guitare n° 1 Guitare n° 2 bien


accordée sur la premiére

Par contre, si vous refaites l’expérience avec deux


cordes désaccordées, rien ne se passera.

Mi La Ré Sol Si Mi Mi# La# Ré# Sol# Si# Mit

| Pas de résonnance
entre les deux
cordes

Corde grattée Corde libre

Guitare n° | Guitare n° 2 désaccordée


par rapport a la premiére
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

Conclusion : pour qu’il y ait résonnance, il faut que


les deux cordes soient sur la méme fréquence.

Entre les étres humains, c’est pareil. Supposez que


Christine rencontre son ami Paul qui commence 4 critiquer
certaines personnes inconnues de Christine. Cette attitude
la dérange et la rend furieuse. Un peu plus tard, elle ren-
contre un de ses collégues et lui dit : « Je viens de rencon-
trer un type qui n’arréte pas de critiquer les autres.
Pourtant, si ce bonhomme se regardait dans un miroir, il se
rendrait trés vite compte qu’iln’y a pas plus idiot que lui...
Avec ses petites lunettes et sa moustache, il est ridicule. Et
en plus, il se croit intéressant et intelligent. Alors ld, il se
fait de douces illusions... »

Voyez-vous le paralléle entre l’attitude de Paul et


celle de Christine ? En réalité, Christine n’est pas
consciente qu’elle agit exactement comme Paul. Elle a
occulté cette partie d’elle-méme qui la dérange... Le com-
portement de Paul met en résonnance I’ aspect d’ elle-méme
qui est sur la méme fréquence : il réveille un de ses traits de
caractére inconscients. Vu qu’elle ne l’accepte pas chez
elle, elle ne l’accepte pas chez lui. Elle n’a pas compris que
ce qui se jouait dans la relation était un phénomeéne ou deux
tendances identiques vibraient sur la méme fréquence...

Comment utiliser cela pratiquement ? Ma suggestion


est la suivante. Chaque fois que quelque chose vous touche
émotionnellement (positivement ou négativement), au lieu
de critiquer l’ autre, demandez-vous quelle partie de vous la

427
Relations et jeux de pouvoir

428
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

personne qui se trouve en face de vous vous révéle a tra-


vers son attitude. C’est un instrument amusant et instructif
pour se connaitre soi-méme ! C’est la parabole de la paille
et de la poutre, version non culpabilisante ! Mais attention :
il ne faut Vutiliser que pour soi-méme, jamais pour les
autres. Car dire « Si je t’énerve, c’est parce que je ne suis
que le miroir de ce que tu ne veux pas voir chez toi ! »
serait un jeu de pouvoir.

Sortir de la dualité « bien-mal »

Enfin, je vous rappelle des choses déja évoquées pré-


cédemment : au lieu de raisonner en termes de bien et de
mal, je vous propose de voir les événements en termes
d’adapté et d’inadapté par rapport a un objectif. C’est
nettement moins culpabilisant... Il s’agit d’une autre fagon
de sortir du jugement pour entrer dans une perspective
d’évolution. Relisez la petite histoire du fermier chinois, a
la page 150. Rien n’est jamais bien ou mal ; tout dépend de
la référence sur laquelle on se base.
a7

429
Relations et jeux de pouvoir

oViG Ree ba

& 2forist
_—
Etape n° 4 : Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

Conclusion

Nous voila presque arrivés au bout de notre parcours.

Le but de cette quatri¢me étape était que vous appre-


niez le discernement et que vous puissiez, en conscience,
déjouer les piéges de votre inconscient...

La spécificité de cette étape était de vous faire décou-


vrir comment désamorcer les jeux de pouvoir, comment
éviter de les alimenter, comment transmuter les obs-
tacles en occasions d’évolution... En résumé, |’ optique
était de vous permettre d’ameéliorer la qualité de la relation
avec votre inconscient.

La structure de cette partie était calquée sur la


deuxiéme étape : nous avons vu en quoi les piéges pro-
viennent de nos peurs inconscientes. Je trouvais important
de les prendre une par une et de découvrir, pour chacune
d’elles, une stratégie adaptée qui déjoue les conséquences
des névroses, tout en les reconnaissant...

Pour conclure sur les piéges, voici une histoire que


m’a fait partager un de mes amis.

431
Relations et jeux de pouvoir

Un jour, je fis le réve que j’allais changer le monde.


Dans mon réve, un vieil homme me demanda par quoi
jallais commencer..
— Par mon continent, l'Europe, lui répondis-je.
— Eten Europe, par quel pays vas-tu commencer ?
— Par mon pays, la Belgique.
— Trés bien. Et en Belgique, que vas-tu commencer a
changer ?
— Maville, Bruxelles.
— Eta Bruxelles, par quoi vas-tu commencer ? |
— Parma rue, et plus précisément, par ma famille...
— Etdans ta famille, qui vas-tu changer en premier ? |
— Je crois, vieil homme, que c’est par moi que je vais
commencer, car c’est ce qui m’est le plus accessible
actuellement.
— _ Tres bien, dit le vieil homme. Peut-étre que, si tous
font comme toi, un jour, le monde changera vraiment...
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Relations et jeux de pouvoir

Résumé : Les 7 strategies

J’évite d’entrer dans le jeu de l'autre ou de lui


résister. Je n'ai plus de projet ou d’attente
implicites par rapport a ses comportements :;je
désamorce la dynamique des jeux de pouvoir.

J’accepte de regarder l’image que me renvoie


la réalité extérieure et je me mets a l’écoute de
ma face cachée : je me réconcilie avec mes
ombres et mes obscurités, en les reconnais-
sant et en les acceptant.

Dans mon processus d’évolution, je distingue


les enjeux a court terme de ceux a long terme.
Je discerne également l’origine de mon bien-
étre ou de mon malaise en rapport avec mes
comportements... Je reconnais les étapes du
changement.

Dans le contexte de la relation, je n’accepte ni


la pression du temps ou de l’espace, ni la
contrainte des régles et des usages : j’aménage
mon environnement.

434
Etape n° 4; Déjouer les jeux de pouvoir relationnels

Resume : Les 7 stratégies

5. Je ne confonds pas ma réalité avec celle de


l’autre. Je reconnais que ma culpabilité ou mes
bonnes intentions a son égard ne sont pas
nécessairement adaptées : J’ai confiance dans
les ressources de guérison de l’autre.

6. Je ne me laisse illusionner ni par les tech-


niques de communication, ni par les préceptes
moraux ou spirituels, ni par les explications
psychologisantes : j’agis en référence a ce que
Je suis.

7. Je ne me laisse plus ni limiter ni enfermer par


mes jugements, mes critiques ou la dualité
« bien-mal » : je me libére des conditionne-
ments et des jugements en changeant mon
regard sur les choses.

435
Relations et jeux de pouvoir

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Etape n° 5

Les principes
Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 5
Deployer sa puissance
au quotidien
Relations et jeux de pouvoir
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Introduction

Avec cette cinquiéme et derniére étape, nous arrivons


au terme de notre périple. Au long des chapitres précé-
dents, nous avons vu ce qu’étaient les jeux de pouvoir,
nous avons découvert leur origine inconsciente, nous avons
appris a nous ancrer dans la réalité et nous sommes main-
tenant capables de déjouer leurs piéges...

Il nous reste, a présent, a apprendre comment canali-


ser cette force qui est en nous pour construire et créer des
relations respectueuses 4 la fois de nous-mémes et d’au-
trui... Cette force que nous utilisions pour asseoir notre
pouvoir, nous allons désormais l’utiliser pour batir nos
relations sur le respect inconditionnel...

Pour reprendre la métaphore alchimique, je dirai que


c’est en reconnaissant et en acceptant le pouvoir qui est en
vous que vous pourrez le « transmuter » en puissance
d’étre. Ce qui était ombre en vous deviendra lumiere, ce
qui était lourd et brut comme le plomb sera a |’image de
lor le plus pur...

Concrétement, cette derniére étape suivra la méme


structure que celle de la premiére étape. Nous reprendrons

441
Relations et jeux de pouvoir

chaque critére de repérage, chaque caractéristique d’un jeu


de pouvoir pour examiner comment transformer ce qui
était une entrave en une occasion de croissance et d’évolu-
tion...

Nous reprendrons également chacune des histoires


qui avait illustré le premier chapitre pour la réécrire en
mettant en application tout ce que nous avons découvert
jusqu’a présent. Histoire de boucler toutes les boucles pour
pouvoir refermer ce livre en toute sérénité.

Bonne exploration et, surtout, bon entrainement !

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Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Principe n° 1
Me preparer et préparer |’autre

Faire pression était la premiére caractéristique des


jeux de pouvoir, vous vous en souvenez. La question ici est
de savoir comment créer une relation qui respecte l’un et
l'autre, sans pression entre les deux partenaires...

Je vous propose de reprendre |’histoire de la garde


des enfants et d’examiner comment Christian pourrait s’y
prendre pour ne pas créer de pression entre lui et
Béatrice...

Histoire n° 5 : La garde des enfants — Variante

Christian (sonne a la porte de sa voisine, a 18 heures) :


Bonsoir, Béatrice. Je te dérange ?

Béatrice: Non, je t’en prie. Je n’ai pas encore commen-


cé la préparation du diner.

Christian: Béatrice, je passais te voir parce que j’ai


quelque chose a te demander...

Béatrice : Oui, Christian, je t’écoute.

443
Relations et jeux de pouvoir

Christian : Cette demande, je la fais 4 toi. Et sache que je


suis prét a entendre un « oul » ou un « non ».
Si ta réponse est négative, j’ai d’autres solu-
tions...

Béatrice : Bon, d’ accord.

Christian : Je voulais te demander si tu avais la possibi-


lité de garder mes enfants ce soir, et si tu en
avais envie.

Béatrice : Ecoute, ca ne m’arrange pas tellement, mais,


pour te faire plaisir, je veux bien les
prendre...

Christian : Dois-je comprendre par 1a que tu n’en as pas


envie ?

Béatrice : A vrai dire, pas vraiment. Parce que c’est


aujourd’hui que mon fiancé rentre de mission
de Il’étranger.

Christian : Alors, dans ce cas, je préfére que tu me dises


« non ».

Béatrice : Oui, mais moi, je me sens coupable de te lais-


ser tomber.

Christian : Béatrice, je n’ai aucun probléme avec le fait


que tu me dises « non ». Je préfére méme
cela. Notre relation en sera d’autant plus
claire. Ainsi, je saurai que ton « oui » sera un
vrai « Oui » et que ton « non » sera un vrai
« non ». Et, au moins, il n’y aura pas de res-
sentiment entre nous...

444
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Béatrice: _ Bon, alors, je préfére te dire non pour ce soir.

Christian : Merci pour ta réponse. Et passe une excel-


lente soirée...

A travers la réécriture de la scéne, on voit que


Christian a préparé Béatrice en lui donnant des permis-
sions explicitement. En effet, il ne suffit pas de ne pas avoir
de projet implicite sur Béatrice (ce projet pourrait étre, par
exemple, qu’elle accepte, qu’elle se sente obligée, etc.),
encore faut-il qu’elle le sache explicitement et qu’elle soit
mise dans des conditions ou ses propres croyances, ses
propres messages contraignants ne fassent pas pression sur
elle... D’ou la préparation effectuée par Christian :
— vérifier la disponibilité de Béatrice (« Je te
dérange ? »);
— annoncer directement |’objet de sa visite (« j’ai
quelque chose a te demander »). Par contre, des phrases du
type « que fais-tu, ce soir ? » ou « es-tu libre, ce soir ? »
pourraient mettre trés mal a l’aise l’interlocuteur qui sent
déja peser sur lui la menace d’étre coincé ;
— expliciter que je n’ai pas d’attente par rapport
a la réponse (« je suis prét a entendre un “oui” ou un
“NON => je
— explorer la disposition matérielle (« as-tu la
possibilité de garder mes enfants ? ») et psycholonuue
(« en as-tu l’envie ? ») ; pee
— donner a Béatrice la permission de ae ae
de maniére inhabituelle par rapport a ses croyances (« je
préfere que tu dises “non” » et « je n’ai aucun probléme
avec le fait que tu dises “non” ») ; :

445
Relations et jeux de pouvoir

446
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

— remercier Béatrice de la qualité de l’entrevue,


méme si la réponse est négative, car le processus, lui, est
constructif...

Pour pouvoir faire en sorte que Béatrice ne ressente


aucune pression de sa part, Christian a di lui-méme se pré-
parer en se donnant des permissions, en s’ancrant cor-
porellement et en acceptant de ne pas avoir de projet ou
d’attente implicites.

Concrétement, voici comment il a pu procéder :


— se donner des permissions, c’est se dire des
phrases du type :
e Je me donne la permission d’exprimer ce
que je ressens.
¢ Je me donne la permission de ne pas me
justifier ou me défendre.
e Je me donne la permission de prendre du
temps pour lui répondre, de ne pas réagir.
e Je me donne la permission de prendre
100 % de la responsabilité de ma réalité.
¢ Je me donne la permission de prendre 0 %
de la responsabilité de sa réalité.
— s’ancrer corporellement, c’est penser a mettre
son corps en position d’équilibre stable 4 chaque nouvelle
rencontre ;
— ne pas avoir de projet implicite par rapport a
l’autre, c’est se demander avant la rencontre :
¢ Suis-je prét a recevoir une réponse néga-
tive ?

447
Relations et jeux de pouvoir

e Aji-je un projet ou une attente par rapport


a lui (elle) ? Lequel ?
¢ Suis-je prét a expliciter a l'autre tout ce
que je ressens et ce que je pense, méme si c'est
difficile a exprimer ?

Voyez-vous, l’expérience m’a prouvé que moins


jessaye d’enjoliver ou d’atténuer mon message, mieux
celui-ci passe et est accepté par mon interlocuteur, car il
sent que j’exprime 1a, ma réalité telle quelle, sans projet...
Et il la regoit comme un don de vérité et d’authenticité...

Ce principe est une premiere piste. Il y a beaucoup


d’autres maniéres pour le mettre en ceuvre. A vous d’ex-
plorer, dans votre vie, comment vous préparer et préparer
autre pour qu’il y ait le moins de pression possible entre
vous deux... Bonne recherche !

448
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Principe n° 2
Aligner la parole sur le ressenti,
les pensées et les actes

La distorsion explicite-implicite était la deuxiéme


caractéristique des jeux de pouvoir. A cause de cette dis-
torsion, celui qui recoit un double message se trouve désta-
bilisé, se demandant s’il doit répondre a l’explicite ou a
Vimplicite... Cette déstabilisation, nous l’avons vu, risque
d’amplifier les peurs inconscientes qui sont a l’origine des
jeux de pouvoir.

Comment éliminer d’une relation cette distorsion


entre les éléments explicites (les actes et les paroles) et
implicites (le ressenti et les pensées) ? Pour répondre a
cette question, reprenons l’histoire de cette pauvre Anais
qui n’a toujours pas été changée et voyons la maniére dont
Christelle répond a Alain...

Histoire n° 1 : Les couches d’Anais — Variante —

Alain : Chérie, Anais a a nouveau mouillé ses


couches. Je crois qu’il faudrait la changer.

449
Relations et jeux de pouvoir

Christelle (sereine) : Merci de me le dire, Alain. Veux-tu


t’en occuper, parce que moi, je suis en pleine
préparation du diner ?

Alain (en soufflant) : Ecoute, chérie, je travaille, moi, pen-


dant la journée... Alors si, en plus, il faut que
je m’occupe de ta fille en rentrant, ¢a ne va
plus !

Christelle: Je ne suis pas d’accord, Alain. D’abord,


Anais est notre fille. Et je n’accepte pas que
tu dises : « Je travaille, moi, pendant la jour-
néebn

Alain (se fachant) : Oui, parce que s’il fallait compter uni-
quement sur tes revenus, je ne sais pas ol on
en serait ! Alors, tu changes ta fille !

Christelle (en colére également) : Alain, je ne me sens pas


du tout respectée quand tu me dis ga. Et je
suis furieuse contre toi !

Alain (ironique) : Oh, écoute, hein, tes états d’ ame, on n’en


a rien a faire.

Christelle (quitte sa cuisine et vient se poster devant Alain,


en pleurant) : O.K., Alain, c’est vrai que tu
rapportes beaucoup plus d’argent que moi
dans le ménage. Je reconnais aussi que, pour
Vinstant, je me sens fatiguée et pas trés
capable de t’aider financiérement. Mais
quand tu me dis des choses pareilles, je me
sens blessée et complétement impuissante. Je
n’ai pas envie de changer Anais, mais je ne

450
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Sais pas comment te le faire comprendre... Je


me sens bloquée et découragée, parce que tu
es toujours le plus fort...
(Alain ne répond rien. Il semble perdu dans ses pensées.)
Christelle : Alors, je te le demande, Alain : veux-tu aller
changer Anais ? Je ne me respecterais pas en
acceptant de le faire maintenant.

Alain : Bon, allez, je comprends que tu puisses étre


fatiguée. Donne-la-moi, je vais la changer...

Voici, chez Christelle, une autre fagon de déployer sa


puissance dans la relation : dire sa réalité exactement
telle qu’elle est, sans 1’amplifier, la dissimuler ou la mini-
miser... Dans cette version-ci, elle a aligné les différentes
dimensions de son étre (je ressens, je pense, je fais, je dis)
dans |’ici et maintenant, ce qui a mis fin au jeu de pouvoir
d’ Alain. Examinons les différentes étapes dans le détail, en
mentionnant a chaque fois dans quel secteur se trouve son
centre de gravité :

Processus Comportements
internes ~~, ~~ externes

'
'

Etats
internes

451
Relations et jeux de pouvoir

452
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

— elle exprime sa demande (JE PENSE) : « Veux-


tu t’en occuper ? », et explicite ce qu’elle fait (JE FAIS) :
« Je suis en pleine préparation du diner » ;
— elle fait connaitre son désaccord (JE PENSE) :
« Je n’accepte pas que tu dises... » ;
— elle exprime sa frustration et son sentiment
(JE RESSENS) : « je ne me sens pas du tout respectée » et
« je suis furieuse contre toi » ;
— dans son intervention commengant par « O.K.,
Alain... », elle exprime sa réalité telle qu’elle est, sans
chercher a dominer. En effet, méme si, dans la premiére
partie, elle aligne l’explicite avec l’implicite, il reste encore
un projet implicite sur Alain : celui de le faire céder en se
montrant forte... Mais ce projet bascule et elle entre com-
plétement dans la puissance de respect au moment ou elle
dit : « Je n’ai pas envie de changer Anais, mais je ne sais
pas comment te le faire comprendre... Je me sens bloquée
et découragée, parce que tu es toujours le plus fort ».
— elle termine en réitérant sa demande de
maniére explicite (JE PENSE) et en exprimant sa limite
(JE RESSENS).

Voyez-vous, l’un des paradoxes de la puissance est


qu’a vouloir étre fort, on entre dans le pouvoir, et qu’a accep-
ter d’étre victime ou a cacher sa faiblesse, on est encore dans
le pouvoir. Par contre, en reconnaissant et en acceptant
notre réalité, au moment ot cela se produit (qu’il s’agisse
de notre fragilité ou de notre assurance, de notre malaise ou
de notre bien-étre), les jeux de pouvoir s’estompent pour
faire place a la puissance de la vérité et de la coherence...

453
Relations et jeux de pouvoir

C’est au moment ou vous étes totalement vrai, c’est-


a-dire relié A votre centre de gravité, que vos paroles
deviennent créatrices et puissantes, car elles puisent leur
énergie 1a ot il y en a le plus. Il ne s’agit plus de verbiage,
ni de paroles creuses comme nous avons l’habitude d’en
entendre ou d’en émettre, mais d’un verbe créateur...

C’est un apprentissage qui va bien au-dela des tech-


niques de communication ot l’on apprend a parler au
« je ». Il s’agit ici de m’aligner sur ce que je suis. Alors,
la fragilité n’est plus une faiblesse, le silence n’est plus une
fuite, les paroles ne sont plus du verbiage, reconnaitre ses
propres qualités n’est plus de l’orgueil, la force n’est plus
de la domination... I] s’agit simplement de la puissance de
rayonnement d’un étre en cohérence avec lui-méme.
an

454
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Principe n° 3
Accepter les confrontations

Troisiéme caractéristique des jeux de pouvoir : la


complicité circulaire. Si vous vous souvenez, cette
notion avait été introduite quand nous avions remarqué
que chaque protagoniste alimentait, sans le savoir, le jeu
de pouvoir de l’autre. A l’origine de cette alimentation
complice et de ce renforcement bilatéral, nous avions
trouvé la résistance a la pression d’une part, son accepta-
tion d’ autre part.

Si les relations se construisent sur ce modeéle de la


complicité circulaire (et inconsciente), c’est parce que
nous évitons de nous confronter directement avec
l'autre. De ce fait, tout le rapport se joue dans |’ implicite
et renforce les pressions et les projets existants.

C’ est ce qui se passait, entre autres, dans le dialogue


entre André et Lise. Voyons comment Lise peut s’en sor-
tir et désamorcer le cercle vicieux dans lequel elle s’est
enfermée...

455
Relations et jeux de pouvoir

Histoire n° 4 : La collaboratrice en retard —


Variante

(Lise, la collaboratrice d’André, arrive au rendez-vous


avec quarante-cing minutes de retard).
André (regardant sa montre) : Je te remercie, Lise !

Lise (dont la montre était arrétée a l'heure du rendez-


vous) : Mais de quoi, André ?

André (sur un ton trés sec) : Non, je te remercie, c’est tout !

Lise Mais... je ne comprends pas...

André (ironique) : Non ? Eh bien alors, merci d’étre arri-


vée a lheure !

Lise André, je me sens tres mal quand tu me dis


cela. J’ai impression que tu m’en veux.

André : Qu’est-ce que tu vas chercher, Lise ? Non,


simplement, je te dis merci.

Lisec André, je suis sire de ne pas me tromper. Je


ressens un malaise entre toi et moi. Je te
demande donc d’accepter de me dire ce qui te
géne chez moi.

André : Ce qui me géne, c’est que tu arrives souvent


en retard.

Lise: Mais, 4 ma montre, il est trois heures trente.

André : A la mienne, il est quatre heures et quart. Et


puis, surtout, ce qui me géne, c’est que,

456
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

depuis trois mois, j’attends la proposition de


contrat que tu m’avais promise. Je n’ai tou-
jours rien vu venir...

Lise : C’est vrai, André. Je n’ai pas encore tenu


cette promesse. Pour étre franche avec toi, si
je ne l’ai pas encore fait, c’est parce queje me
sens coincée par ce contrat que tu m’as pro-
posé de rédiger. Je ne le sens pas juste, mais
je n’avais pas osé te le dire, de crainte de ta
réaction...

André : Donc, tu n’étais pas d’accord avec notre


arrangement verbal ?

Lise= Ca m’est difficile de te le dire. Et j’ai peur de


ta réaction. Mais, effectivement, je me sens
flouée dans cet accord.

André : Bon. Eh bien, alors, parlons-en. Moi, je ne


tiens pas a avoir un conflit avec toi parce que
cet accord ne te convient pas...

L’attitude de Lise, ici, a été d’accepter la confron-


tation directe avec André et avec elle-méme. Elle a donc
décidé de ne pas entretenir plus longtemps ce silence com-
plice 4 propos d’une double situation qui ne lui convenait
plus : le reproche implicite d’André a propos de son
retard et l’arrangement verbal dans lequel elle se sentait-
coincée sans savoir comment le dire...

Pour savoir comment Lise a procédé, reprenons les


moments clés de ce dialogue :

457
Relations et jeux de pouvoir

458
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

— dans un premier temps, Lise écoute son ressen-


ti et lui fait confiance (« je me sens trés mal. J’ai l’impres-
sion que tu m’en veux »), malgré le déni d’ André
(« Qu’est-ce que tu vas chercher... ») ;
— apres la réfutation d’André, elle aurait pu laisser
tomber. Mais, a nouveau, elle s’ancre dans ses émotions et
s’appuye sur |’énergie mobilisée par elles pour lui redire son
malaise (« Je suis stire de ne pas me tromper... »). Elle
aurait pu dire : « Tu me mens », ou « Ce n’est pas vrai »,
ou encore « Tu es bien stir que tu ne m’en veux pas ? »
Mais dans ce cas, elle repartait dans une complicité ot elle
conférait 4 André le pouvoir de décider si, oui ou non, il y
avait un malaise entre eux ;
— lorsqu’André lui dit la vraie raison de son
malaise, elle ne fuit ni ne se réfugie dans des prétextes.
Elle reconnait les faits (« Je n’ai pas encore tenu cette
promesse. »), elle explicite son malaise (« je me sens
coincée ») et son opinion a propos du contrat (« Je ne le
sens pas juste ») ;
— enfin, elle reste alignée avec sa réalité, en osant
dire : « je n’avais pas osé te le dire, de crainte de ta réac-
tion... », « Ca m’est difficile de te le dire. Et j’ai peur de ta
réaction ».

Une fois encore, tout ce processus désamorce la


colére, le malaise et le jeu de pouvoir dans lesquels André
lui-méme était enfermé. Qu’un seul adversaire se débar-
rasse de son armure, et c’est la pacification et la « déses-
calade » dans la relation. Mais attention ! II ne s’agit pas
de laisser tomber les armes dans une attitude de vaincu ou

459
Relations et jeux de pouvoir

de soumission. Si Lise a réussi ce passage, c’est parce


qu’elle s’est appuyée sur son centre de gravité et qu’elle a
exprimé sa réalité en puissance. Sans cela, elle n’aurait fait
qu’augmenter la colére et l’agressivité d’ André...

Décidément, vivre dans la puissance est un véri-


table paradoxe et une voie étroite, subtile entre le pouvoir
de domination et le pouvoir de soumission. Voie étroite,
mais aussi voie du cceur ou je ne renie rien de la force qui
est en moi, mais ou je la canalise et la transmute au service
du respect inconditionnel de moi et de |’ autre...
an

460
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Principe n° 4
Expliciter et faire expliciter
les projets et les attentes

Le fait d’ avoir un projet implicite ou une attente


implicite par rapport a l’autre était la quatriéme carac-
téristique des jeux de pouvoir. A ce propos, une double
question se pose : Comment ne plus avoir de projet ou
d’attente implicites ? Comment agir, face a quelqu’un qui
a des projets ou des attentes implicites ?

La réponse, je vous propose de la découvrir dans le


dialogue entre deux collégues de bureau (Hélene et Yves),
a propos de la conférence du Docteur Hamer...

Histoire n° 7 : La conférence a Lille — Variante

Héleéne : Bonjour, Yves ! Dis, j’ai appris par Marie-


Anne que tu allais écouter la conférence du
Docteur Hamer A Lille... Tu en as de la
chance, dis donc ! Moi qui réve de l’en-
tendre depuis tellement longtemps.

Yves: C’est vrai que sa théorie sur l’origine psy-


chologique du cancer est séduisante. En plus,

461
Relations et jeux de pouvoir

c’est la premiére fois dans I’ histoire qu’on en


fait la démonstration scientifique !

Héléne : Tu sais, j’ai tout lu de lui... Dommage que sa


conférence soit si éloignée géographique-
ment, et que je n’aie pas de voiture.

Yves: Et pourquoi me dis-tu cela, Héléne ?

Héléne : Oh, comme ga... Tu sais, si je pouvais trou-


ver une bonne 4me qui me propose de m’em-
mener avec elle, ce serait chouette, non ?

Yves: Et qu’attends-tu de moi, Héléne ?

Héléne : Allez, Yves, ne fais pas innocent. Tu I’as


bien compris.

Yves : Ecoute, Héléne, pour que notre relation soit


claire, et pour étre sir de répondre correcte-
ment a tes attentes, je souhaite que tu me
dises exactement ce que tu attends de moi.
Peux-tu me le dire ?

Héléne : En réalité, ¢a me géne un peu, parce que je


crains que tu refuses...

Yves (un peu impatient) : Héléne, je te demande explicite-


ment de me dire ce que tu as 4 me demander.
Moi, de mon cété, je peux te dire que, si ¢a
ne me convient pas, je te dirai non. Donc,
vas-y !

Héléne (génée) : Ma demande, c’est de savoir si tu accep-


terais de nous emmener, mon copain et moi,
a cette conférence...

462
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Kves.< Héléne, je suis vraiment désolé pour toi,


mais je prends déja trois autres personnes
avec moi. Je n’ai donc plus qu’une place
libre. Puis-je faire autre chose pour toi ?

Héléne : Peut-étre... Connais-tu quelqu’un d’ autre qui


va a cette conférence, et qui accepterait de
nous emmener ?

Yves : Bien sir ! Je crois que Marie-Anne a enco-


re trois places dans sa voiture. Demande-le-
lui.

Héléne : Merci Yves. Tu es super ! Et bon travail d’ici


la !

Si vous avez relu la version initiale de cette histoire,


vous aurez sans doute noté qu’ Yves et Héléne avaient des
projets et des attentes l’un par rapport a l’autre. Héléne
attendait qu’ Yves |’ invite a l’accompagner ; Yves attendait
implicitement qu’ Héléne fasse une demande claire...

Dans cette version-ci, Yves clarifie toute la relation


aussi bien de son cété que du cété d’ Héléne. Il explicite ses
attentes et demande explicitement a Héléne d’expliciter les
siennes. Comme vous le remarquez, il suffit qu’une seule
personne modifie son comportement pour que toute la
dynamique relationnelle soit transformée. Examinons le
travail effectué par Yves :
— il explore de maniére générale la situation
d’Héléne (« Et pourquoi me dis-tu cela ? ») ;
— suite a la réponse ambigué d’Héléne (« trouver
une bonne Gme »), il formule sa question de maniére

463
Relations et jeux de pouvoir

464
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

beaucoup plus spécifique : « Qu’attends-tu de moi ? ».


Dans cette phrase, il y a deux éléments importants :
°* « Qu’est-ce que tu attends » est une question
ouverte, ce qui permet a Yves de ne pas s’enfer-
mer dans son interprétation de l’implicite, et a
Héléne de préciser avec ses mots ce qu’elle
attend effectivement. Dire : « Ce que tu attends,
c’est que je t’emméeéne, c’est ca ? » aurait mis
Yves dans une position de sauveur — je dis a
la place de |’autre ce qu’il est incapable de dire
— et Héléne en position de victime — je ne
suis pas capable de le dire moi-méme, et en
plus, ce n’est pas tout a fait ca que je voulais,
mais je n’ose pas le lui dire ;
¢ «de moi » est l’autre élément important. Dire
simplement : « Qu’attends-tu » laisse la porte
ouverte a toute une série de stratégies d’évite-
ment. Le « de moi » focalise I’ attention sur les
éléments présents dans la relation (ancrage
n° 4)
— comme Héléne ne veut toujours pas répondre,
Yves explicite alors sa propre attente (« je souhaite que
tu me dises exactement ce que tu attends de moi ») ;
— vu la géne d’Héléne, il la prépare en lui disant
qu’il est préta refuser si ca ne l’arrange pas. Remarquez
qu’il s’agit de la position complémentaire a ce que nous
avons vu dans le premier principe de cette étape; 7
— une fois la demande formulée par Héléene, Yves
lui répond clairement. Comme la réponse est négative, il
explore a nouveau s’il peut faire autre chose... Cette atti-

465
Relations et jeux de pouvoir

tude permet de respecter totalement Héléne, car peut-étre


n’a-t-elle pas envie d’une*autre solution. Il ne donne cette
information que parce qu’Héléne la lui a demandée.

Voila un point trés important pour mettre en ceuvre la


puissance de respect de soi et d’autrui. De cette maniere,
comme le montre |’ illustration ci-dessous, chacun prend la
responsabilité de sa réalité, de mani¢re autonome, et non
plus dans la dépendance...

Dans cette nouvelle


dynamique, chacun
prend 100 % la responsa-
bilité de sa réalité.
L’équilibre de chaque
partenaire ne dépend
plus que de lui...

Et ne négligez pas la puissance de ces simples ques-


tions : « Qu’attends-tu de moi ? » ou « As-tu quelque
chose a me demander ? » Elles ont débloqué plus d’une
situation inextricable !
aa an

466
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Principe n° 5
Respecter les besoins
de chacun

Justement, cette notion de dépendance réciproque


était le cinquiéme critére de repérage que nous avions
découvert a propos des jeux de pouvoir. Dans les étapes
précédentes, vous avez déja découvert un certain nombre
de principes utiles pour sortir de la dépendance. La ques-
tion suivante que je vous propose d’aborder est de savoir
comment créer les conditions de l’autonomie pour soi et
pour I’autre...

Je vous propose de le découvrir par la pratique, en


situation de négociation entre Claude et Daniéle. Voyons
comment Claude s’y prend pour qu’il n’y ait aucune
dépendance de part et d’autre...

Histoire n° 6 : La prise en charge du dossier —


Variante

Daniéle: Claude, depuis que j’ai obtenu ces nouvelles


responsabilités dans le département, je ne
parviens plus 4 suivre tous les projets. Mon

467
Relations et jeux de pouvoir

souhait est que tu prennes en charge tout le


dossier de la restructuration informatique du
réseau commercial. Cela supposera que tu
suives les séminaires de formation relatifs a ce
travail et que tu déménages avec ta famille.

Claude : Peux-tu me préciser ce que cela suppose


comme investissement en temps ?

Daniele : Au niveau formation, cing jours. C’est une


mission qui devrait durer deux ans, et le tra-
vail principal s’effectuerait 4 Strasbourg, a
500 kilométres d’ic1.

Claude : Et en quoi est-ce important pour toi que je


déménage, si la mission ne s’étend que sur
deux ans ?

Daniele : Eh bien, je me suis dit que ce serait mieux


pour ta femme et tes enfants. Ainsi, ils pour-
ront te voir plus souvent...

Claude : Encore une question, Daniéle : qu’est-ce que


¢a apporte a la société que le travail principal
s’effectue a Strasbourg ? Y a-t-il une raison
pour que je ne puisse pas piloter ce projet a
partir d’ici ?

Daniele : Disons qu’il serait nécessaire de contrdler


Vimplémentation du systéme, en fin de mis-
sion...

Claude : Oui, mais cela, ¢a prend trois mois !

Daniele : Effectivement.

468
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Claude : Done, si je comprends bien, ton objectif est


que je prenne en charge la restructuration
informatique du réseau commercial et que je
contréle personnellement l’implémentation
du systéme. C’est bien cela ?

Daniele : Oui.

Claude : En ce qui me concerne, je veux bien prendre


en charge ce dossier, mais je ne veux pas étre
obligé de déménager. Par ailleurs, je ne veux
pas non plus devoir supporter moi-méme des
frais supplémentaires (déplacement, hétel,
etc.). Enfin, je ne veux pas étre éloigné du
siége plus de trois mois, car j’ai besoin de
garder des contacts avec mes collégues pour
les autres projets sur lesquels je travaille...

Daniele : Ce sont des limites non négociables ?

Claude : Tout a fait !

Daniele : Bien. J’en parlerai a notre patron, et je te don-


nerai la réponse demain.

Claude : Daniéle, quand tu me proposes cela, je me


sens un peu mal 4 I’ aise, car j’ai l’ impression
d’étre écarté de la négociation. Et ¢a, je ne le
veux pas.

Daniele : Oui, tu as raison. On y va ensemble a 14


heures ?

Claude : O.K. A tout a ’heure.

469
Relations et jeux de pouvoir

Vous avez, sous les yeux, une maniére de négocier en


veillant 4 ce que les besoins de chacun soient respectes et
qu’ils soient pris en charge par chacun. C’est une mise en
application de l’ancrage n° 4 (s’ancrer dans ses besoins),
mais ou la tache d’expliciter ses limites se complete par
celle de faire expliciter a |’ autre ses limites et ses besoins.
Voyons cela de plus pres :
— aprés que Daniéle a eu exposé son projet (expli-
cite) et proposé des solutions, Claude lui pose des ques-
tions précises pour rendre la demande plus concréte
(« quel investissement en temps ? ») ;
— Claude devine trés vite que Daniéle lui présente
ses solutions 4 elle (souvenez-vous du rapport entre besoin
et solutions). Il explore donc le(s) besoin(s) qui est (sont) a
Vorigine de ces solutions (« en quoi est-ce important pour
toi que je déménage ? » et « qu’est-ce que ¢a apporte a la
société ? »). Remarquez que ces deux questions sont des
questions clés pour identifier les besoins de quelqu’un a par-
tir de l’expression d’une solution ;
— Claude reformule le besoin de Daniéle a la fin
de son exploration et avant d’exprimer ses besoins propres
(« Donc, si je comprends bien, ton objectif est... »), ce qui
permet a Danieéle de se sentir sécurisée et reconnue...
— ensuite, il explicite ses propres limites en disant
ce qu’il ne veut pas (« étre obligé de déménager, de sup-
porter des frais supplémentaires ») et ses besoins (« j’ai
besoin de garder des contacts... ») ;
— enfin, il reste ancré dans ses émotions et s’en
sert pour exprimer 4 Daniéle qu’il ne veut pas étre mis a
Pécart...

470
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Pour résumer le principe général de cette entrevue,


Claude a eu le souci permanent de négocier sur base des
besoins de chacun plutét que sur base des solutions ame-
nées par l’un ou I’autre.

Les avantages de cette approche sont que :


— les limites acceptables de chacun deviennent
connues des deux parties ;
— les interlocuteurs ne sont pas étriqués dans la
recherche d’un compromis entre deux ou trois solutions
isolées ;
— larecherche de la solution se fait dans I’ intersec-
tion des deux cadres des besoins, ce qui permet de trouver
un arrangement qui satisfasse chaque partie a 100 % !

On pourrait symboliser le processus de négociation


sur base des solutions comme suit :
Solution 1
x tees a

< Solution2 ~ ?
x
229 2 Ss

as Siar Solution 3 ee
Sas SP CSSee

Cette figure montre que


négocier a partir de solutions
non seulement appauvrit la
créativité, mais coince égale-
ment les interlocuteurs en
réduisant le nombre de
conclusions possibles...

471
Relations et jeux de pouvoir

Yee
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N\

472
Etape n° 5: Déployer sa puissance au quotidien

Par contre, le processus de négociation sur base des


limites et des besoins pourrait étre représenté comme suit :

. Besoin de B
Besoin de A

Une des solutions


possibles

En recensant toutes les solutions possibles susceptibles de


satisfaire un besoin, je pourrai presque toujours trouver une
solution qui satisfasse a 100 % le besoin de l'un et de l’autre.

Passons a présent aux deux derniers principes qui


vous permettront de déployer votre puissance dans les rela-
tions... a,
Relations et jeux de pouvoir

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4 Shi) SORa: SGin 3G 3 ipornare 2007
? f ae 22 eS :
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Principe n° 6
Reconnaitre et accepter la réalité

Le sixieme critére de repérage des jeux de pouvoir


était leur caractére inadapté. L origine de celui-ci venait
du fait qu’en situation de stress ou de tension, nous réagis-
sons en fonction de nos anciens schémas comportemen-
taux plutdt qu’en fonction de la réalité présente.

Comment agir de maniére adaptée est donc une ques-


tion directement reliée a l|’épanouissement de cette puis-
sance de respect que nous recherchons ensemble depuis le
début de cette étape. Je vous la laisse découvrir d’abord
dans I’histoire de Georges et Francis, a propos du fameux
travail de dactylographie.

Histoire n° 2 : Le travail de dactylographie —


Variante

Georges: Je venais, comme convenu, rechercher le tra-


vail de dactylographie que tu t’étais engagé a
réaliser lors de la derniére réunion de notre
association.

475
Relations et jeux de pouvoir

Francis : Je m’étais engagé, je m’étais engagé... Tu en


as de bonnes, toi ! Dis plut6t qu’on m’a forcé
la main.

Georges : Tu as l’air faché, Francis...

Francis : Bien sir que je suis faché, et contre toi en


plus. Car c’est toi, Monsieur le Président, qui
m’as forcé la main en demandant innocem-
ment : « Qui est disponible pour taper le pro-
gramme de la féte ? »

Georges (ferme) : Francis, je te sens trés en colere...

Francis : Bien sir, j’en ai marre de me faire exploiter !

Georges : Tu as le sentiment de te faire exploiter ?

Francis (en colére) : Oui, parfaitement ! Et me faire exploi-


ter, ce n’est rien encore. Mais si, au moins, on
pouvait reconnaitre ce que je fais, ce serait
déja trés bien. Parce qu’aux fétes officielles,
il n’y en a que pour Georges. Et tu crois que
Georges pense a ses copains, 4 ce moment-
la ? Tu parles !

Georges : En fait, Francis, ce que tu me reproches, c’est


de ne pas reconnaitre ton travail devant les
autres ?

Francis : Exactement. Je fais tout ¢a gratuitement, en


plus, et je ne regois méme pas un merci !
Georges : Et c’est pour cela que tu n’as pas fait le tra-
vail, cette fois-ci ?

476
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Francis : Comme cela, j’espérais que tu comprennes...

Georges: Je voudrais te dire ce que je ressens, Francis.


D’abord, je suis confus vis-a-vis de toi. C’est
vrai que je ne t’ai jamais donné de signes de
reconnaissance. Et je le regrette...

Francis: | Ca me touche que tu me dises cela...

Georges: En méme temps, je suis mal a ]’aise et faché


contre toi, parce que, malgré tout, tu t’étais
engagé a faire ce travail et j’ai le sentiment
etre COINCE: ..
(S’ensuit une discussion sur les modalités de réalisation
du travail de sorte que chacun soit respecté dans ses
besoins. )

Voila donc comment, cette fois, Georges a traité le


processus relationnel dans un souci de reconnaitre la réa-
lité telle qu’elle est, 4 chaque instant, pour s’y adapter le
mieux possible...

Avant d’analyser briévement cette histoire, j’aime-


rais clarifier une question avec vous : la notion de réalité.

Qu’est-ce que la réalité, tout compte fait ? Selon moi,


la réalité comporte trois dimensions : la mienne, celle de
l’autre et le contexte.

— Ma réalité, c’est l’endroit ou se trouve mon


centre de gravité énergétique ici et maintenant : par
exemple, si je suis furieux, ma réalité, c’est la colere ;

477
Relations et jeux de pouvoir

478
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

— la réalité de l’autre, c’est l’endroit od se trouve


son centre de gravité énergétique ;
— le contexte, c’est l’environnement physique, les
lois, tout ce qui s’est passé ou dit entre |’autre et moi jus-
qu’a présent, etc.

le contexte
(l'environnement physique,
les lois, I'historique, etc.) _

Avoir un comportement adapté a la réalité, c’est


prendre en compte les trois dimensions a chaque instant et
choisir l’acte a poser en fonction de celles-ci. C’estce que
Georges a fait, pratiquement tout au long de la conversation :
— quand Francis est faché, il reconnait et accepte
sa réalité en lui disant : « Tu as l’air faché », puis « je te
sens trés en colére » ;
— quand Francis dit qu’il en assez de se faire exploi-
ter, l’acte adapté a la réalité n’est pas de nier, mais biende
reconnaitre : « Tu as le sentiment de te faire exploiter ? » ;
— quand Georges commence a comprendre I’ enjeu
relationnel, il reformule : « En fait, Francis, ce que tu me
reproches, c’est de ne pas reconnaitre... » ;

479
Relations et jeux de pouvoir

— quand des émotions surgissent en lui, la réalité la


plus présente devient ce que Georges ressent : l’acte le plus
adapté a la réalité globale, c’est d’exprimer (« je suis
confus », « je regrette », « je suis mal a l’aise », etc.) ;
— enfin, il n’oublie pas non plus le contexte en rap-
pelant 4 Francis qu’il faut trouver une solution pour le tra-
vail de dactylographie.

Voyez-vous, ce sixiéme principe est simple (en théo-


rie, du moins) : il suffit de se poser réguliérement la ques-
tion « Mais quelle est la réalité la plus présente, pour l’ins-
tant : un déséquilibre de mon centre de gravité, un désé-
quilibre de son centre de gravité ou est-ce le contexte qui
requiert le plus d’attention pour l’instant ? », et d’agir en
fonction de cette réalité, c’est-a-dire dans le sens d’une cla-
rification de part et d’autre, quel que soit l’objet de cette
explicitation...

De cette maniére, en posant des actes alignés avec


cette réalité, ici et maintenant, vous opérez une transmu-
tation des énergies présentes dans la relation : un véritable
processus de guérison s’ouvre devant vous. Essayez. C’ est
extraordinaire ! Il suffit d’expliciter et de dire ce qui est, au
fur et 4 mesure...

480
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Principe n° 7
Boucler, pardonner et remercier

La derniére caractéristique des jeux de pouvoir


était leur répétitivité... Outre toutes les raisons que vous
avez déja découvertes sur la raison de la répétition de
nos jeux de pouvoir, je voudrais vous en suggérer une
derniére.

Quand la vie nous propose une legon a apprendre,


elle prend souvent la forme d’une épreuve, d’un obstacle,
d’un probléme. Un peu comme si nous étions testés en
permanence au niveau de nos capacités a traverser cette
épreuve — comme lors des examens scolaires. Notre atti-
tude habituelle est d’essayer d’éviter l’épreuve (ces
fameuses peurs d’affronter le réel). En agissant de la sorte,
nous ratons une occasion d’ apprendre quelque chose et de
progresser dans nos compétences.

Mais les mémes examens nous seront réguli¢rement


représentés jusqu’a ce que nous affrontions la réalité et que
nous trouvions la solution pour résoudre la difficulté sans
lignorer. Une maniére d’enrayer la répétition des mémes
situations d’échec serait de reprendre les affaires non

481
Relations et jeux de pouvoir

achevées! et de « boucler les boucles ». Comme Marcel et


Caroline.

Histoire n° 3 : La sortie du cinéma — Epilogue

(Le lendemain matin, aprés avoir passé une trés mauvaise


nuit, Marcel se présente au domicile de Caroline.)
Marcel : Caroline, par rapport 4 ce qui s’est passé hier
soir, je voudrais t’exprimer ce que j’al res-
senti et que je ne tai pas dit a ce moment-
la... Acceptes-tu de m’écouter maintenant ?

Caroline : Ecoute, Marcel, on ne va pas revenir la-des-


sus. Le passé, c’est le passé. Oublie ¢a et ne
te tracasse pas autant. Ce n’est pas si grave, tu
sais... Tous les couples ont leurs moments de
crise.

Marcel : Peut-étre. Mais, moi, je te dis qu’il est impor-


tant pour moi de t’exprimer comment j’ai
vécu la fin de soirée, a la sortie du cinéma...

Caroline : Bon, allez, entre. Je t'écoute... (Elle le fait


entrer.)

Marcel : En fait, je voulais te dire que j’ai trés peur,


Caroline. J’ai trés peur que tu m’abandonnes.
Et je ne te l’ai jamais dit comme ¢a. Alors,
jessaye de te le faire comprendre de toute

1 Cette notion d’affaires non achevées — unfinished business — a été déve-


loppée par Elisabeth Ktibler-Ross, dans ses travaux sur l’accompagnement
des mourants [24].

482
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

une série de maniéres, mais apparemment


peu efficaces...

Caroline (étonnée) : Tu tiens tellement 4 moi, Marcel ?

Marcel : Oui, Caroline. Et quand tu me repousses


comme tu le fais, je suis trés triste et je me
sens tres déprimé. Et ¢a, je ne te l’ai jamais
dit non plus, parce que tu m’as toujours dit
que tu étais attirée par les hommes forts. Eh
bien, non ! Je ne suis pas fort et ¢a me va loin
lorsque tu refuses de me voir...

Caroline : Je suis aussi trés triste d’entendre cela,


Marcel. Moi qui prenais ta froideur pour de
Vindifférence et un manque d’amour, je
tombe des nues. Dire que j’étais préte a te
quitter a cause de cela !

Marcel : Je veux te demander pardon, Caroline, par-


don de ne pas avoir été vrai.

Caroline : Moi aussi, Marcel, je te demande pardon, car


j'ai joué le méme jeu. Mais je veux aussi te
remercier, parce qu’en revenant ici, ce matin,
tu m’as permis de comprendre une grande
lecon de vie : c’est qu’on a toujours intérét a
exprimer clairement ce qu’on ressent, sans
attendre...

Marcel : Merci aussi a toi, Caroline. Sans ta résistance,


je n’aurais jamais été forcé de plonger dans
mes profondeurs. Grace 4 toi, j’ai découvert
que j’avais des émotions...

483
Relations et jeux de pouvoir

484
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Je voudrais faire peu de commentaires 4 propos de


cette belle histoire que vous pourriez transposer a toute
situation relationnelle (et pas seulement amoureuse).

— Jinsiste d’abord sur le fait que Marcel fait cette


démarche uniquement pour lui, parce que c’est impor-
tant pour lui (« f’exprimer ce que j'ai ressenti », « c’est
important pour moi de t’exprimer »). S’il le faisait pour
Caroline ou pour sauver la relation, il aurait un projet
implicite qui mettrait en péril toute sa démarche. II ne
tombe pas non plus dans le piége de laisser 4 Caroline le
soin de décider (une fois de plus) s’il est important qu’ils
se parlent. Il ne dit d’ailleurs pas : « Penses-tu que nous
devrions en parler ? »...
— dans sa démarche de boucler quelque chose de non
achevé, il ne vient pas avec |’intention de trouver des causes,
des excuses ou des solutions pour que ¢a ne se reproduise
plus. Il reste centré sur ce que lui a vécu, tel qu’il l’a vécu
(« j’ai tres peur... », « Je suis triste et déprimé... », « je ne
suis pas fort »). En cela, il est totalement dans la puissance,
puisque sa parole est alignée avec sa réalité...
— la démarche de pardon n’est pas un processus
par lequel on efface le passé et la mémoire des événe-
ments : il s’agit d’une démarche ou les deux partenaires
acceptent ensemble de poser un autre regard sur ce qui
s’est passé et d’y donner un sens. De la sorte, les difficul-
tés deviennent des opportunités de croissance ; =
— ce qui permet de voir le vécu relationnel
comme un cadeau et de remercier |’ autre pour ce qu’il
m’a permis d’ apprendre, trés souvent a son insu !

485
Relations et jeux de pouvoir

Voila. Ce dernier processus concerne les unfinished


business, c’est-a-dire les affaires non terminées. Combien
de relations ne se sont-elles pas rompues dans notre vie
sans que nous ayons eu la possibilité de boucler la boucle
avec la personne concernée et de pouvoir vivre avec elle le
pardon et le remerciement ? Avec, pour conséquence, une
énergie de ressentiment qui traine en nous et qui nous
pompe une quantité énorme d’ énergie...

Faudra-t-il attendre le jour de notre mort pour éprou-


ver le désir et le besoin de refermer toutes ces boucles ? Je
ne saurais que vous encourager a ne pas attendre ce jour
pour vivre cette démarche extraordinairement libératrice...
Mais, en cette matiére, vous seul étes juge...
an

486
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Conclusion

Nous voici arrivés au terme de notre périple...

L’enjeu était de voir comment transformer notre pay-


sage relationnel en métamorphosant nos relations de pou-
voir en relations respectueuses de soi et d’autrui.

Avant que vous ne refermiez ce livre, je tiens 4 vous


faire part de quelques derniers conseils qui pourraient vous
étre utiles si vous avez choisi d’emprunter la voie que nous
avons explorée...

1. Transmuter Il’énergie du pouvoir en une puis-


sance rayonnante de respect est un travail dont
vous ne verrez jamais la fin... Chaque jour
vous apportera son lot de nouveaux jeux de
pouvoir, que ceux-ci émanent de vous ou des
autres. Il vous faudra donc faire preuve de
vigilance a tout instant...

487
Relations et jeux de pouvoir

Pour intégrer toutela richesse des découvertes


que vous avez faites au travers des cing étapes,
je vous conseille d’avancer pas a pas et de
mettre en application un ancrage, une Stratégie,
un principe a la fois. Faute de quoi, vous risquez
d’étre gagné par le découragement et d’aban-
donner...

Chaque jour (dés le matin, de préférence),


accordez-vous la permission de faire des expé-
riences : accueillez avec autant d’attention les
réussites que les échecs. Vous avez le droit de
ne pas étre parfait : vous étes sur Terre pour
apprendre et évoluer vers toujours plus de
conscience et de respect...

Si les événements ne se passent pas comme


vous l’auriez voulu, si vous vous apercevez
trop tard que vous étes retombé dans des jeux
de pouvoir, donnez-vous la permission d’aller
revoir la personne concernée et de lui dire
comment vous avez vécu les choses... Rien,
dans la relation, n’est jamais définitivement
perdu : il vous est toujours possible de pardon-
ner et de guérir les blessures récentes ou
anciennes...

488
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Ne faites surtout pas des jeux de pouvoir une


obsession. Car le stade supréme de la puis-
sance, c’est de vous apercevoir a l’instant
méme que vous étes dans le pouvoir et de
reconnaitre, sans vous juger, que vous en étes
la... Si la puissance découle de l’alignement
avec votre réalité, étre aligné avec votre pou-
voir devient synonyme de puissance...

Continuez a vous regarder avec humour et cul-


tivez ce don, car, croyez-moi ceux qui peuvent
rire d’eux-mémes n’ont pas fini de s’amuser...

Enfin, renforcez quotidiennement la confiance


en ce que vous sentez, la confiance en votre
guide intérieur ou en votre intuition : il y a
beaucoup plus de sagesse en vous que vous ne
l’imaginez... Ne l’oubliez jamais !

sie

489
Relations et jeux de pouvoir

Résume : Les 7 principes

Déployer ma puissance au quotidien, c’est me


préparer aux rencontres et clarifier le cadre
relationnel. Ainsi, je crée des conditions de
sécurité pour moi et pour l’autre.

Je m’exprime a partir de mon ressenti et de


mon centre de gravité. De ce fait, je mets mes
paroles en cohérence avec mon ressenti, mes
pensées et mes actes. Alors, ma parole devient
verbe créateur et je suis aligné avec mon étre
profond.

J’ose affronter les conflits et les tensions de


mon existence. J’ose également confronter
mon interlocuteur, quand c’est nécessaire pour
moi. Ainsi, j’aborde les difficultés comme des
opportunités de croissance...

Je prends 100 % de la responsabilité de ce que


Je ressens, pense, dis et fais. Je prends 0 % de la
responsabilité de ce que l’autre ressent, pense,
dit et fait. Ainsi, j’explicite et je fais expliciter
les éléments présents dans la relation.

490
Etape n° 5 : Déployer sa puissance au quotidien

Resume : Les 7 principes

J’écoute et j identifie mes besoins, je pose mes


limites et je les explicite a l autre. J’ explore ses
besoins et ses limites. Ainsi, Je respecte incon-
ditionnellement la réalité de chacun.

Je reconnais et j’accepte la réalité telle qu’elle


est, sans la juger. J’exprime mes émotions et je
reconnais celles de l'autre. Ainsi, je transmute
V’ombre en lumiere.

J’identifie les personnes avec qui je n’ai pas


bouclé la boucle. Je décide de régler ces
« unfinished business ». Ainsi, je peux pardon-
ner et remercier mes adversaires.

491
Relations et jeux de pouvoir


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Epilogue
de l’auteur

493
Relations et jeux de pouvoir
Epilogue

Est-il possible ou souhaitable, aprés de telles paroles,


de conclure ? Je ne le pense pas, car conclure, c’est mettre
un terme, une fin 4 quelque chose qui se veut le reflet de la
vie... Vie qui est mouvement, vie qui est changement, a
tout instant...

Les Tibétains disent que « la seule chose immuable


dans l’Univers, c’est le changement ». Je ressens quoti-
diennement a quel point c’est vrai. Comme je vous le
disais dans le prologue, a l’heure ot: vous tenez ce livre
entre vos mains, sachez qu’il est déja dépassé...

Il est dépassé parce que, malgré les deux ans et demi


qu’il m’a fallu pour l’écrire, malgré trois versions intégra-
lement jetées a la poubelle, malgré le travail de réécriture
pour la seconde édition, malgré un travail de recherche per-
manente depuis plus de quatorze ans, a l’heure ou j’écris
ces lignes, je le trouve déja incomplet... Chaque jour nous
apporte en effet son lot de découvertes et de surprises, au
fil de nos expériences personnelles et de notre pratique
professionnelle... Avec comme conséquence la démarche
de la DYNARSYS en constante évolution...

Ce livre est dépassé parce que, malgré les nombreuses


corrections de style, je le trouve imparfait. Les mots d’une
langue, quelle qu’elle soit, ne pourront jamais rendre, dans

495
Relations et jeux de pouvoir

toute sa force et dans toute sa richesse, la complexité du


réel... La vie m’a, en effet, appris qu’en matiére de relations
humaines, une seule explication ne pourra jamais étre la
seule valable. Si c’ était réalisable, il serait nécessaire d’ex-
primer l’ensemble des interprétations possibles d’ une méme
réalité simultanément, car il n’existe dans ce domaine aucun
point d’ observation absolu.

Ce livre est également dépassé simplement parce


qu’il est figé dans une forme particuli¢re, achevé a un
moment particulier et parce qu'il aurait été possible de
l’écrire de mille autres manieres...

Alors, comment dépasser ce triple paradoxe de


l’incomplétude, de l’imperfection et de l’immobilisme ?
A mon avis, simplement, en passant a l’action...

Si vous vous mettez réellement en recherche, si vous


travaillez 4 incarner les principes de puissance dans
votre vie quotidienne, alors, trés vite, vous repousserez les
limites de ce livre et irez bien plus loin que les horizons
qu’il vous a ouverts...

Si vous faites de ce livre un véritable manuel, un


instrument de travail, a lire et a relire, si vous l’anno-
tez, si vous le commentez, si vous exprimez une vision
différente de celle qui vous a été présentée, alors vous
dépasserez cet ouvrage, et ses imperfections seront A
Pimage de la vie que vous aurez insufflée dans ces
quelques pages...

496
Epilogue

Si vous vous mettez a écrire votre propre histoire, si


vous conférez a ce livre le statut de simple balise sur un
chemin qui, lui, s’allonge a l’infini, peu importent les
mille autres fagons dont il aurait pu @tre écrit...
L’important n’est pas la mousse que le temps a déposée sur
les bornes du chemin, mais l’invitation a suivre une piste et
les points de repére que ces balises constituent dans le
dédale de notre vie embrumée et parfois somnolente...

Si tel est le sens que vous accordez 4 ce livre, vous le


dépasserez et irez jusqu’a la borne suivante, ol vous
attend, un peu plus loin, un autre passeur... Jusqu’a ce que
vous constatiez, un jour, que vous n’avez plus besoin des
repéres de personne, parce que vous aurez trouvé les vOtres
propres.

C’ est 1a ce que je vous souhaite de vivre, du fond du


coeur. Car ma conviction profonde, c’est que notre res-
ponsabilité en tant qu’étres humains, c’est de prendre
notre propre destinée en mains, de maniére autonome,
souveraine et responsable...

497
Relations et jeux de pouvoir

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Postface
Relations et jeux de pouvoir
Annexes

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501
Relations et jeux de pouvoir
Annexe | ; La Dynarsys, en bref

|. La Dynarsys, en bref

Le présent volume de la collection « Connais-toi toi-


méme » ne présente qu’une petite partie des thémes cou-
verts par la DYNARSYS. Il nous a donc paru important de
vous en faire une présentation plus exhaustive, afin que
vous puissiez appréhender de maniére précise les fonde-
ments théoriques et épistémologiques du sujet développé
dans ce livre.

A. Les étapes de développement de la DYNARSYS

La DYNARSYS est issue de recherches effectuées


depuis 1982 par deux chercheurs belges de formation plu-
ridisciplinaire, Jean-Jacques Crévecceur et Ananou Thiran.
Il s’agit d’une démarche globale qui développe trois axes
complémentaires :

¢ Axe I : nettoyer la relation a soi-méme et a


l’autre en repérant et en désamorgant les piéges
relationnels et les jeux de pouvoir. L’objectif de
ce premier axe est d’apporter aux individus les
moyens de se respecter inconditionnellement tout
en respectant l’autre, en travaillant sur les fonde-
ments inconscients et dynamiques de la relation.

503
Relations et jeux de pouvoir

¢ Axe 2 : étre capable de révéler les potentiali-


tés inexploitées des individus a la maniére d’un
accoucheur. L’objectif de ce deuxiéme axe est
de fournir a toute personne ayant un role d’ac-
compagnement (parent, formateur, thérapeute,
cadre, manager, enseignant, éducateur, etc.) la
maitrise consciente des processus méthodolo-
giques mettant en wuvre cette démarche d’ac-
coucheur...

¢ Axe 3 : encourager les processus d’autoforma-


tion continue, de maniére autonome et dans
une perspective d’intégration a long terme.
L’objectif de ce troisiéme axe est de permettre
aux individus d’intégrer un apprentissage de
maniére durable et autonome, et de le traduire
en comportements observables.

Enseignée depuis 1989 a plus de 2.000 personnes


tant dans le cadre de la vie professionnelle que privée, la
DYNARSYS est considérée aujourd’hui par la plupart
des professionnels comme une approche puissante et
tout a fait originale. Celle-ci, en effet, apporte aux prin-
cipales techniques de communication et de management
les éléments qui leur manquaient pour étre plus effi-
caces : la capacité de repérer et déjouer les jeux de pou-
voir et de manipulation, la capacité de faire accoucher
Pindividu et de révéler ses potentialités, la capacité de
rendre l’autre totalement autonome dans son processus
d’évolution et de croissance.

504
Annexe | : La Dynarsys, en bref

L'Institut Dynarsys forme, depuis octobre 1995, des


maitres-praticiens en DYNARSYS. Ceux-ci pourront inter-
venir soit comme formateurs en entreprise, soit comme thé-
rapeutes, soit comme animateurs de stages de croissance
individuelle.

B. Les grands reperes chronologiques

1982 : Les fondements de la recherche

Début des travaux de recherche personnels par Jean-


Jacques Crévecoeur et Ananou Thiran, dans des domaines
comme l’analyse systémique (Ecole de Palo Alto, Edgar
Morin), la psychologie des profondeurs (C.G. Jung), la psy-
chanalyse structurale (Institut des Sciences Humaines
Appliquées), les thérapies globales et préventives, la formation
de formateurs, le symbolisme comparé, la sophrologie et les
techniques de travail sur les Etats Modifiés de Conscience...

1989-90 : Les premiers séminaires (axe 1)

Début des séminaires visant une meilleure relation a


soi et 4 l’autre, au travers d’une démarche concernant le
désamorcage des jeux de pouvoir relationnels et le déploie-
ment de la Puissance de 1’étre intérieur.

1991 : Les formations méthodologiques (axe 2)

Premiéres formations de formateurs et de thérapeutes


par la méthodologie Alkimai. Cette méthode permet de faire

505
Relations et jeux de pouvoir

accoucher les individus des ressources qu’ils portent en eux


et de révéler leurs potentialités inexploitées. Depuis lors,
elle a été également enseignée a des managers et des
parents.

1993 : L’intégration dans la durée (axe 3)

Démarrage d’un programme d’entrainement aux


relations humaines, étalé dans le temps, destiné a intégrer
dans la vie quotidienne des comportements relationnels
permettant de se respecter tout en respectant |’ autre.

1995 : L’ouverture de l'Institut Dynarsys

Synthése des trois axes de la DYNARSYS et ouver-


ture du Dynarsys Institute, destiné a former en 2 a 4 ans des
praticiens et des maitres-praticiens en Dynamique
Relationnelle Systémique.

C. La methodologie particuliére de la DYNARSYS

Les nombreux contacts qu’Autonomie &


Développement entretient avec les professionnels du
management et de la communication ainsi qu’avec les
entreprises l’ont convaincu d’une chose. La DYNARSYS
répond a un réel besoin car elle complete trés bien, sans les
rejeter, ce qui existe déja sur le marché (Programme
Neuro-Linguistique, Analyse Transactionnelle, Méthode
Gordon, etc.).

506
Annexe | : La Dynarsys, en bref

La DYNARSYS représente en effet une démarche


puissante qui allie trés concrétement respect de soi et de
autre avec efficacité personnelle ou managériale, qui
aborde les situations 4 leur fondement en formant systé-
matiquement les individus a penser globalement et a agir
en termes de processus. Plus spécifiquement :

¢ la DYNARSYS est la seule démarche qui


donne réellement les moyens concrets et opé-
rationnels d’agir sur le troisiéme niveau de la
relation (celui qui concerne la dynamique rela-
tionnelle, les jeux de pouvoir et de manipula-
tion), comme le montre la figure ci-dessous :

— ||
Messages explicites .

< Messages implicites 5

Rapports de force}
projets et attentes

¢ la DYNARSYS est une des rares démarches qui


ait mis en place de maniére consciente et rigou-
reuse un processus méthodologique inspiré de
la maieutique de Socrate pour conduire les indi-

507
Relations et jeux de pouvoir

vidus de l’expérience aux enseignements de


celle-ci. Le processus Alkimait compte sept
étapes principales :

7. Transposition
4. Objectivation
des informations
1. Objectif

¢ la DYNARSYS est une des rares démarches


qui propose systématiquement un étalement de
l’apprentissage dans le temps et un processus
d’autoformation continue :

508
Annexe I : La Dynarsys, en bref

Une chose est certaine, en tout cas. La DYNARSYS


est accueillie de fagon trés favorable dans beaucoup de
milieux, tout simplement parce que son approche et sa
méthodologie ont les moyens de garantir des changements
observables et durables de comportements, au quotidien.

D. Les créateurs de la DYNARSYS

Photo
Bernard
Bailly
:

Jean-Jacques Crévecceur (né en 1961) et Ananou


Thiran (née en 1960) sont partenaires, tant dans la vie pri-
vée que professionnelle. Mariés depuis 1982, parents de
trois filles, ils ont consacré toute leur vie a la recherche de
processus améliorant la qualité de vie relationnelle a soi et
aux autres. Tous deux de formation scientifique au départ
(lui est physicien et elle, mathématicienne), ils se sont trés
vite passionnés pour les sciences humaines (philosophie,
psychologie, pédagogie, symbolisme, thérapies holis-
tiques). L’originalité de leur démarche est d’avoir fait de

509
Relations et jeux de pouvoir

leur vie quotidienne leur laboratoire de recherche. Le fon-


dement de celle-ci est de considérer que toute expérience
— qu’il s’agisse d’un échec ou d’une réussite — est une
source potentielle d’enseignements, d’apprentissage et
d’évolution.

C’est donc au travers de leurs propres difficultés


relationnelles (dans leur couple, avec leurs enfants, avec
leurs amis, dans leur vie professionnelle), au travers de
leurs propres blessures et souffrances qu’ils ont exploré de
nouveaux sentiers de guérison, de respect de soi et de
l’autre. Dans ce sens, la DYNARSYS résulte de la confron-
tation permanente entre |’expérience quotidienne vécue en
pleine conscience et une approche théorique pluridiscipli-
naire maitrisée dans tous ses aspects.

La force et la richesse de leur partenariat tient dans


leur volonté d’étre les explorateurs inlassables de nou-
velles voies de conscience, d’autonomie et de réalisation.
Acceptant de remettre en question ce qu’ils pensent en per-
manence, cette attitude leur a permis d’étre, en quelques
années, a l’origine d’une démarche puissante, réputée et
reconnue internationalement...

510
Annexe II : Bibliographie commentée

ll. Bibliographie commentée

Afin que ce livre devienne réellement pour vous un


outil de travail et une occasion d’approfondir les voies
ouvertes au fil de ses pages, nous avons choisi de vous pré-
senter les principales sources bibliographiques sur les-
quelles nous nous sommes appuyés pour effectuer nos
recherches en DYNARSYS.

Nous ne prétendons pas du tout proposer ici une


bibliographie exhaustive, mais plut6t une vision partielle et
partiale des livres qui ont été importants dans notre chemi-
nement de recherche...

Les nombres entre crochets que vous trouvez dans le


texte renvoient aux livres et articles cités ci-dessous. Je
vous souhaite beaucoup de plaisir 4 approfondir votre
recherche a partir de cette bibliographie...

Ananou Thiran

511
Relations et jeux de pouvoir

[01] ARIES Philippe, Essais sur lV’histoire de la mort en


Occident. Du Moyen Age a nos jours, Paris, Seuil, 1975,
222 p.
[02] ARIES Philippe, L’homme devant la mort, Paris, Seuil, 1977,
641 p.
[03] ARIES Philippe, Images de V’homme devant la mort, Paris,
Seuil, 1983, 276 p.
Philippe Ariés a consacré ses recherches a V’histoire des atti-
tudes de l’homme occidental devant la mort. Il nous livre
l’essentiel de ses découvertes : comment on est passé lente-
ment, progressivement, de la mort familiére, « apprivoisée »
(Moyen Age), a@ la mort refoulée, maudite, « interdite »
(aujourd’hui). Il démontre que la tentation de |’Occident,
aujourd’hui, est de fuir et de nier la mort.
[04] BECHTEL Guy, La chair, le diable et le confesseur, Paris,
Plon, coll. « Le doigt de Dieu », s.d.
La cause principale de désaffection entre l’Eglise catho-
lique et les chrétiens est son intransigeance en matiére de
sexualité. Pourquoi cette constante obsession du « péché
de chair » ? Pourquoi le clergé, par le biais de la confes-
sion, a-t-il toujours cherché a contréler la vie privée des
fidéles ? L’historien Guy Bechtel tente ici de poser un dia-
gnostic...
[05] BERNE Eric, Des jeux et des hommes, Paris, Stock, s.d.
[06] BERNE Eric, Que dites-vous aprés avoir dit bonjour ?,
s.Ln.d., Tchou.
Médecin, psychiatre et psychanalyste, Eric Berne est
connu comme le créateur de l’Analyse Transactionnelle.
Les bases de cette approche, a l’origine psychothérapeu-
tique, étaient déja posées en 1957 et se sont développées
depuis @ partir des concepts d’Etats du Moi (Parent-
Adulte-Enfant), de Jeux psychologiques et de Scénarios.
[07] CORNEAU Guy, Pére manquant, fils manqué. Que sont les
hommes devenus ?, Montréal, L7Homme, 1989, 184 p.
Cet ouvrage ne traite pas seulement de l’absence physique du
pere ; il s’interroge sur le silence qui isole aujourd’hui les

512
Annexe II : Bibliographie commentée

peres des fils et qui donne a ces derniers l’impression d’avoir


été mal paternés. De formation junguienne, Guy Corneau
rompt le silence. Il pose un regard neufet chaleureux sur les
hommes d’aujourd’ hui.
[08] CREVECCEUR Jean- -Jacques, Evoluer pour guérir, Orp-le-
Grand, Equinoxe 21, coll. « Conférences en Dynarsys »,
1996, 327 p.
Ce livre aborde des questions fondamentales relatives aux
concepts de santé et de maladie : pourquoi « tombons-nous »
malades ? Par quels mécanismes ? Quels sont les étapes du
processus de guérison (qu’elle soit physique, psychologique,
spirituelle) ? Quels en sont les piéges et les écueils ?
Comment retrouver les voies de guérison que nous portons
tous en nous ?
[09] CREVECCEUR Jean-Jacques, Les enfants de l’autonomie,
Orp-le-Grand, Equinoxe 21, coll. « Conférences en
Dynarsys », 1997, 319 p.
Cet ouvrage part du postulat suivant : l’enfant nait avec
toutes les potentialités et le role des parents ou des éduca-
teurs se limite a celui de révélateurs ou d’accoucheurs...
L’auteur y donne nombre de conseils pratiques a l’éducateur
désireux de mettre en place les processus d’accouchement
psychologique, d’accompagner Il’enfant dans ses crises de
croissance (3 ans, 7 ans, 11 ans et 18 ans) et de lui éviter les
blessures émotionnelles. Il y invite également les adultes a
guérir leur propre enfant intérieur.
[10] CREVECC:UR Jean-Jacques & THIRAN Ananou, Le couple en
éveil, Orp-le-Grand, Equinoxe 21, coll. « Conférences en
Dynarsys », 1997, 360 p.
Se basant sur leur propre cheminement, les auteurs montrent
comment faire du quotidien d’un couple un véritable chemin
initiatique pour améliorer sa relation a l’autre, mais surtout
pour réaliser son propre processus d’individuation. La
sexualité, les jeux de pouvoir dans le couple et les différences
homme-femme y sont abordés sans tabou, dans un langage
clair, franc et direct.

513
Relations et jeux de pouvoir

[11] CREVECCUR Jean-Jacques, Etre pleinement soi-méme,


Orp-le-Grand, Equinoxe 21, coil. « Conférences en
Dynarsys », 1998, 320 p.
Il est utopique de construire une relation satisfaisante avec
les autres si l’on n’a pas une relation satisfaisante avec soi-
méme. Tel est le message fondamental délivré par ce livre.
L’auteur y aborde les questions suivantes : comment créer les
conditions d’une communication claire, efficace et respec-
tueuse ? Comment vivre avec ses émotions et en faire ses
meilleures alliées ? Comment étre soi-méme en se libérant
des images du passé, des croyances limitantes, des dépen-
dances ?
[12] CREVECC:UR Jean-Jacques, Le choix de vivre, Orp-le-
Grand, Equinoxe 21, coll. « Conférences en Dynarsys », a
paraitre en 1999, 320 p.
En tant qu’étres, nous sommes appelés a vivre notre condi-
tion humaine dans le monde temporel et matériel... S’agit-il,
comme le pensait Platon, d’une déchéance, d’une chute de
l’Gme dans un corps ? Cet ouvrage tente d’apporter un éclai-
rage neuf sur cette question fondamentale. L’argent peut étre
un merveilleux révélateur du travail a faire sur nous.
Accepter le temps qui s’écoule inexorablement vers la mort
est peut-étre la meilleure fagon de s’incarner et de vivre.
Accomplir sa légende personnelle en étant impliqué dans la
société ne sont pas forcément choses incompatibles...
[13] CREVECEUR Jean-Jacques, L’alchimie du pouvoir, Orp-le-
Grand, Equinoxe 21, coll. « Conférences en Dynarsys », a
paraitre, 320 p.
Comment repérer et désamorcer les jeux de pouvoir qui s’in-
sinuent dans nos relations et les détruisent ? Pourquoi les
mettons-nous en place ? Quelle est leur origine inconsciente
et pourquoi la peur domine-t-elle notre vie ? Enfin, comment
transformer nos parts de ténébres, d’obscurité et de défauts
en amour, en conscience et en lumiére ? Un ouvrage qui
aborde les phénoménes relationnels a leur racine et a leur
fondement et un excellent complément a Relations et jeux de
pouvoir, le livre de référence de Jean-Jacques Crévecceur.

514
Annexe II: Bibliographie commentée

[14] CREVEC:UR Jean- -Jacques, La voie du ceur, Orp-le-


Grand, Equinoxe 21, coll. « Conférences en Dynarsys »,
paraitre, 320 p.
Quels sont les piéges et les illusions du chemin intérieur ou
spirituel ? Comment retrouver sa propre autonomie en se
mettant a l’écoute de son guide intérieur, et non sous la coupe
d’un gourou ou d’un maitre spirituel ? Comment réaliser
lalignement et l’unité de notre étre en restant solidement
ancré dans le principe de réalité ?
[15] CREVECUR Jean-Jacques, Crises et mutations, Orp-le-
Grand, Equinoxe 21, coll. « Conférences en Dynarsys »,a
paraitre, 320 p.
En cette fin de siécle, |’Occident est secoué par de multiples
crises qui pourraient faire croire a son agonie. A travers trois
phénoménes marquants (les sectes, l’impasse et l’échec des
sciences exactes, la crise économique), l’auteur propose de
voir en cette crise un processus de mutation qui pourrait
déboucher sur une renaissance...
[16] DE ROSNAY Joél, Le macroscope. Vers une vision globale,
Paris, Seuil, coll. « Points Civilisation », n° 80, 1975, 249 p.
Joél de Rosnay explique dans ce livre remarquable de péda-
gogie, de simplicité et de clarté les concepts de base de l’ap-
proche systémique : la boucle rétroactive, le systéme, les
effets de retard, etc.
[17] DIDOT Nelly et MORAT Bernard, D’un monde a un autre,
Paris, Inter Editions, 1993, 131 p.
Ce livre se présente sous la forme d’un voyage pratique
autour de la PNL en 80 jours. Le lecteur y trouvera abon-
dance d’exemples et d’exercices. Un « must » pour qui veut
s’améliorer au quotidien.
[18] GROF Stanislas, Psychologie transpersonnelle, Paris, Rocher,
1984.
Explorateur mondialement connu de la conscience et des
états modifiés de conscience, fondateur du courant de psy-
chologie transpersonnelle, Stanislas Grof expose dans ce

515
Relations et jeux de pouvoir

livre les grandes lignes de sa conception de l’étre humain au


frontiére du normal et du paranormal.
[19] HAPEL Bruno, Métaphysique de la communication. Le silence
du silence, Paris, Editions de la Maisnie, 1990, 61 p.
Qualifier notre société de « société de la communication »,
c’est manifester son ignorance du véritable sens de ce terme
pour l’abaisser a la réalité d’une pseudo-communication.
S’interroger sur le sens premier du langage, c’est rechercher
l’écho de la Tradition primordiale qui nous porte, en l’occur-
rence la Tradition hindoue. C’est en effet a travers ses plus
grands représentants que le mot « communication » retrou-
ve son sens essentiel, a savoir l’expression de transcendance
effective de l'homme, de réalisation spirituelle.
[20] JUNG Carl Gustav, Ma vie, s.l., Gallimard, coll. « Témoins »,
1973, 532 p.
Quatre ans avant sa mort, Jung éprouve le besoin de racon-
ter ce qui lui semblait l’essentiel de son existence a sa colla-
boratrice, Aniela Jaffé, a qui il confie, en majeure partie, la
rédaction de cet excellent ouvrage. Ce livre est a la fois l’au-
toanalyse d’un des grands penseurs de notre siécle et l’expo-
sition de ses théories sur l’au-dela, les mythes, les symboles,
L’inconscient collectif et la religion.
[21] JUNG Carl Gustav, Psychologie et alchimie, Paris, Buchet-
Chastel, 1970, 705 p.
Cet ouvrage est un véritable monument de la vie et de l’es-
prit : il nous montre que l’alchimiste, en affrontant les
énigmes de la matiére, affrontait en fait sans le savoir les
énigmes les plus briilantes et les plus solennelles de sa vie.
Les archétypes étant la matiére premiére de toutes les struc-
tures mentales, cet ouvrage donne des éclaircissements dans
tous les domaines, de la science a la philosophie, en passant
par la psychologie et la métaphysique.
[22] KLEIN Mélanie, Essais de psychanalyse 1921-1945, s.1., Payot,
1968, 453 p.
Ce volume rassemble les articles fondamentaux de l’ceuvre de
Mélanie Klein. Elle est V’initiatrice des travaux sur la psy-
chogenése de l’enfant.

516
Annexe II : Bibliographie commentée

[23] KOURILSKY-BELLIARD Francoise, Du désir au plaisir de


changer. Comprendre et provoquer le changement, Paris, Inter
Editions, 1995, 324 p.
Il s’agit d’un ouvrage @ la fois théorique et pratique qui per-
met, a travers une approche systémique et PNL, d’appréhen-
der le changement par les outils de la communication et, qui
plus est, de le faire de maniére agréable.
[24] KUBLER-ROSS Elisabeth, Les derniers instants de la vie,
Geneve, Labor et Fides, 1975, 279 p.
Dans ce livre, le Docteur Elisabeth Kiibler-Ross relate les
différentes étapes qu’elle a pu discerner dans son accompa-
gnement des mourants : la peur, le refus et l’isolement, l’irri-
tation, le marchandage, la dépression, l’acceptation, I’espoir.
Elle partage son expérience a travers quelques témoignages
et aussi par des réactions de participants a ses séminaires sur
la mort et l’agonie.
[25] LABORIT HENRI, L’inhibition de V’action : biologie compor-
tementale et physiopathologie, Paris, Masson, 1986.
Henri Laborit, se basant sur l’étude des maladies mentales
dans le Pacifique Sud, écrit que les transformations rapides
des valeurs sont sources d’angoisse. Il décrit quatre types de
comportements de base : la consommation, la défense (fuite
ou lutte), l’action adéquate et l’inhibition de l’action. Cette
derniére serait pour lui a la base de toutes les maladies.
[26] MORIN Edgar, La méthode (Tome 1). La Nature de la Nature,
Paris, Seuil, coll. « Points Sciences humaines », n° 123, 1977,
482 p.
La méthode est l’a@uvre majeure d’Edgar Morin. L’>homme a
besoin d’une méthode de connaissance assez puissante pour
traduire la complexité du réel, reconnaitre l’existence des
étres et approcher le mystére des choses. Dans ce premier_
volume, il s’agit de concevoir la relation entre ordre,
désordre et organisation, de ne pas réduire le phénomene a
ses éléments constitutifs, de ne pas V’isoler de son environne-
ment et de ne pas dissocier le probleme de la connaissance de
la nature de celui de la nature de la connaissance.

517
Relations et jeux de pouvoir

[27] MORIN Edgar, La méthode (Tome 2). La vie de la vie, Paris,


Seuil, coll. « Points Anthropologie », n° 175, 1980, 458 p.
Ce deuxiéme tome étudie la. « révolution biologique »
ouverte par la découverte de |’ADN. Toute la démarche de
Morin est de repenser la biologie avec les outils de la pensée
complexe et de l’approche systémique.
[28] MORIN Edgar, La méthode (Tome 3.1). La connaissance de la
connaissance, Paris VI, Seuil, 1986, 246 p.
Ce tome est une anthologie de la connaissance. Il examine
les conditions, possibilités et limites de la connaissance
humaine concue dans sa nature a la fois cérébrale, spiri-
tuelle et culturelle.
[29] MORIN Edgar, La méthode (Tome 3.2). Les idées. Leur habi-
tat, leur vie, leurs meeurs, leur organisation, s.l. [Paris], Seuil,
coll. « Points Essais », n° 303, 1991, 264 p.
Ce quatriéme tome, qui fait suite au précédent, examine la
notion d’idée d’abord sous l’angle culturel et social (écolo-
gie des idées), ensuite sous l’angle de l’autonomie-dépen-
dance du monde des idées (noosphére) et de l’organisation
des idées (noologie).
[30] PAGOT-LOBEL Jacqueline & NOYT Charles-Louis, PNL,
Programmation Neuro-Linguistique : de l’espace vital a la
vision, Paris, Mercure de France, 1992, 295 p.
Le leadership : motivation ou manipulation ? A travers les index
de conscience (le faire, le penser et/ou les sentiments), les
auteurs nous démontrent ce qui crée et entretient des relations
respectueuses et ce qui fait que certains individus conférent a
d’autres du Pouvoir ou de la Puissance sur eux-mémes.
[31] SALOMON Paule, La femme solaire. La fin de la guerre des
sexes, Paris, Albin Michel, 1991, 340 p.
Paule Salomon dresse une véritable carte de différents modes
relationnels entre l’homme et la femme, modéles qui ont évo-
lué du matriarcat de la déesse mére @ la soumission de la
femme dans le systéme patriarcal, puis vers l’équilibre et la
coopération entre les sexes.

518
Annexe II: Bibliographie commentée

[32] SALOMON Paule, La sainte folie du couple, Paris, Albin


Michel, 1994, 398 p.
Paule Salomon analyse en sept étapes la relation homme-
femme et son évolution qui méne du « couple archaique » —
que nous rejouons tous — au « couple éveillé » vivant
l'amour en conscience. Illustré d’exemples concrets, ce livre
montre les écueils, les frustrations issues du milieu familial et
qui peuvent étre dépassés par une analyse de soi, une écoute
attentive de ses désirs et paradoxes. C’est un nouvel art d’ai-
mer que propose l’auteur.
[33] TARDAN-MASQUELIER Ysé, JUNG. La sacralité de lV’expé-
rience intérieure, Paris, Droguet et Ardant, coll. « Références »,
1992, 222 p.
Jung était un précurseur de ce que nous vivons aujourd hui,
a savoir un retour vers lintériorité et la spiritualité.
Devancant nombre de requétes de notre temps, il en est deve-
nu une des références en matiére de pensée. Dans ce livre,
Ysé Tardan-Masquelier veut nous livrer une bonne connais-
sance de sa pensée et nous doter de discernement a la
lumiére de l’anthropologie religieuse.
[34] WATZLAWICK Paul, La réalité de la réalité. Confusion, dés-
information, communication, Paris VI, Seuil, coll. « Points
Essais » n° 162, 1978, 237 p.
Ce qu’on appelle réalité n’est, selon lV’auteur, que la résul-
tante des compromis, détours, et aveuglements réciproques, a
travers quoi passe l’information : la somme des « confu-
sions, désinformations et communications » qui surgissent
entre €tres parlants. Paul Watzlawick donne de sa
« Pragmatique de la communication » un vaste éventail
d’illustrations, dont celle du cheval névrosé.
[35] WATZLAWICK Paul, HELMECK BEAVIN Janet & JACK-
SON Don D., Une logique de la communication, Paris VI,
Seuil, 1972, 280 p.
Les trois auteurs poursuivent une recherche a Palo Alto qui
souligne le réle prééminent du langage dans la pathologie et
la thérapeutique, car communiquer est inévitable et toute
communication est interaction.

519
Relations et jeux de pouvoir

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Annexe III: Ligne éditoriale d’Equinoxe 21

lll. Ligne editoriale

Equinoxe 21 est une maison d’édition belge fondée


en 1993, initialement sous un autre nom.

Au travers des différentes collections, nos ouvrages


poursuivent une méme intention : aider les individus a
vivre leur vie de maniére plus consciente et plus autonome,
plus efficace et plus respectueuse...

Dans un langage délibérément dépouillé de tout jar-


gon, optant pour des textes accessibles et imagés, les
objectifs poursuivis par nos publications sont :
- de donner une compréhension plus profonde
de 1’étre humain, de ses relations avec lui-
méme et avec les autres .
- de donner des points de repére plutot que des
recettes toutes faites pour inviter le lecteur a
une recherche et a une réflexion personnelles ;
- d’ouvrir les consciences sur les menaces qui
pourraient hypothéquer gravement le libre
arbitre, l’intégrité et la dignité des personnes
au cours du 2le siécle ;
- d’éveiller les ceurs a de nouveaux modeles et
de nouvelles voies incarnés par les explora-

521
Relations et jeux de pouvoir

teurs de la conscience et des potentialités


humaines ; ;
- d’élargir les points de vue en provoquant des
rencontres interdisciplinaires pour penser le
> monde sib globalement tout en agissant loca-
lement..

Tout cela parce que, pour nous, |’enjeu majeur du


21° siécle est de trouver et de maintenir un équilibre entre
toutes ces dimensions au coeur desquelles évolue 1|’étre
humain.

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02 Rone seiG 2oc uu) zivinengog Aitajde


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“tu oaeG astiseaoe vb. wisn aes ab
Annexe IV : Charte éditoriale

IV. Charte ethique des éditions

La cohérence : nous donnons notre préférence aux


auteurs qui partagent ce qu’ils vivent et qui vivent ce qu’ils
partagent, de maniére cohérente.

L’indépendance : en tant qu’éditeur, nous refusons


de céder a toute forme de pression et de nous faire le porte-
parole de quelque groupe d’intérét que ce soit.

L’engagement : nous voulons publier des auteurs enga-


gés, qui ne craignent pas d’affirmer leurs convictions plutét
que de se réfugier derriére le rempart de I’ objectivité.

Le respect inconditionnel : nous choisissons de ne


publier que des ouvrages qui respectent inconditionnelle-
ment |’étre humain dans sa dignité et dans son autonomie.

L’ouverture : nous voulons donner voix a la multi-


plicité des langages et des points de vue, pour autant qu’ils
aillent dans le sens de la vie et qu’ils fassent grandir 1’ étre
humain.

523
Relations et jeux de pouvoir

La pluridisciplinarité ; reconnaissant que la vérité


ne sera jamais unique, nous voulons permettre a différentes
disciplines de dialoguer et de se fertiliser entre elles.

La qualité : en tant qu’éditeur, nous misons résolu-


ment tant sur la qualité des textes que sur la forme, dans un
souci de respect des auteurs comme des lecteurs.

Ota, eno eel tanitte'b eng TSU GES OM. ip .e " 4


Sinetse isi haga 2! schmeb ssiguits satb sup
Annexe V : Histoires de pouvoir

V. Histoires de pouvoir

Histoire n° 1 : Les couches d’Anais

Alain : Chérie, Anais a 4 nouveau mouillé ses


couches. Je crois qu’il faudrait la changer.

Christelle : Oh, non. C’est la quatriéme fois que je la


change aujourd’hui. Et en plus, je suis en
pleine préparation du diner...

Alain : Tu n’as qu’a arréter ta cuisson pour la chan-


ger... L’yheure du repas ne vient pas a cing
minutes !

Christelle : Tu en as de bonnes, toi ! Tu ne pourrais pas


t’en occuper de temps en temps, non ?

Alain (haussant le ton) : Ecoute, je n’ai pas que ¢a a faire.


Et puis, je suis fatigué ! Je n’ai eu que des
problémes au bureau, aujourd’ hui. Alors, si tu
t’y mets aussi !...

Christelle : Bon, allez, donne-la-moi. Je m’en occupe...

525
Relations et jeux de pouvoir

Histoire n° 2 : Le travail de dactylographie

Georges : Salut; Brancis ! Je peux entrer 7? Je ne te


dérange pas ?

Francis : Ben... tu as de la chance. J’allais sortir. Que


me vaut le plaisir de ta visite ?

Georges : Je venais, comme convenu, rechercher le tra-


vail de dactylographie que tu t’étais engagé a
réaliser lors de la derniére réunion de notre
association. Tu te souviens ? Le programme
de la féte du printemps que nous organisons la
semaine prochaine. Je dois l’amener a |’im-
primeur avant demain midi, dernier délai...

Francis : Je m’étais engagé, je m’étais engagé... Tu en


as de bonnes, toi ! Dis plutét qu’on m’a forcé
la main !

Georges : On t’a forcé la main ! Comment ¢a ?


Explique-toi, je ne comprends pas...

Francis : Oui. Toi, Monsieur le Président, quand tu as


demandé : « Qui est disponible pour taper le
programme de la féte ? » Tout le monde sait
bien que je suis le seul a étre au chOmage pour
Vinstant. C’était clair que cette demande
m’était adressée. Mais, maintenant, j’ai déci-
dé de ne plus me laisser faire. Fini de me faire
exploiter ! Soit vous me payez, soit vous allez
frapper a une autre porte pour faire faire vos
corvées.

526
Annexe V : Histoires de pouvoir

Georges (commengant a s’inquiéter) : Mais, Francis, le


travail, tu l’as fait ou tu ne I’as pas fait ?

Francis : Ecoute, Georges, tu as encore jusqu’a demain


midi pour trouver une solution. Le brouillon
et la maquette sont dans cette chemise. Si tu
acceptes les honneurs, tu dois aussi assumer
les ennuis.

Maintenant, tu m’excuseras, mais je dois


m’en aller...

Georges : Mais... Francis, tu ne vas pas nous laisser


tomber, quand méme ! Et tout ce que nous
avons vécu ensemble, alors, ¢a ne compte
plus ?

Francis : On en discutera plus tard, si tu veux. Moi, je


dois partir. Au revoir, Georges.

Histoire n° 3 : La sortie du cinéma

Marcel : Il était pas mal, ce film, hein, Caroline ?

Caroline : Bof... Ces histoires d’amour, ¢a se termine


toujours de la méme facon.

Marcel : Oh, qu’est-ce que tu peux étre pessimiste, a la


fin. Avec toi, l’homme le plus jovial de la
Terre en arriverait 4 se piquer une déprime.

Caroline : Tu me parles de toi, 1a, Marcel ?

Marcel : De moi ? Tu rigoles ! Je suis bien au-dessus


de tout cela. Et pour te le prouver, je t’invite

527
Relations et jeux de pouvoir

a venir prendre un dernier verre dans mon


appartement. Histoire de se mettre en forme
pour une douce nuit caline tous les deux !

Caroline : C’est sympa de ta part, Marcel, mais pas ce


solr.

Marcel (en colére) : Pas ce soir ! Tu n’as que ¢a a la bouche,


depuis trois mois. J’en ai marre, a la fin ! Si tu
ne veux plus de moi, dis-le tout de suite !

Caroline (toute douce) : Mais non, Marcel, ce n’est pas ce


que tu crois. Disons que j’ai juste besoin d’un
peu de recul pour y voir plus clair, c’est tout.

Marcel : Et tu crois que c’est comme cela que notre


relation va s’améliorer ? Moi, pas. Puisque
c’est comme ga, tu peux rentrer chez toi en
taxi. Et tu n’as qu’a m’appeler quand tu y ver-
ras plus clair... (Jl la quitte furieux, sans
regarder en arriére).

Histoire n° 4 : La collaboratrice en retard

(Lise, la collaboratrice d’André, arrive au rendez-vous


avec quarante-cing minutes de retard).
André (regardant sa montre) : Je te remercie, Lise !

Lise (dont la montre était arrétée a l’heure du rendez-


vous) : Mais de quoi, André ?

André : Non, je te remercie, c’est tout !

Lise : Mais... je ne comprends pas...

528
Annexe V : Histoires de pouvoir

André : Non ? Eh bien alors, merci d’étre arrivée 2


Vheure !

Lise : Mais enfin, André, ¢a n’a vraiment pas I’air


d’aller. Tu es faché ou quoi ?

André : Oh, non, je vais trés bien. Mais, a présent, il


faut que je m’en aille. A l’occasion, quand tu
auras le temps, achéte-toi un code de politesse !

Histoire n° 5 : La garde des enfants

Christian (sonne a la porte de sa voisine, a 18 heures) :


Bonsoir, Béatrice, tu vas bien ? Dis donc, tu
as l’air en pleine forme ! Tu es rayonnante !
Ca fait vraiment plaisir a voir !

Béatrice (rougissante) : Heu... oui, c’est vrai que je ne


vais pas trop mal, en ce moment... (silence.)
Oh, Christian, excuse-moi, tu veux entrer ?

Christian : A vrai dire, je n’ai pas beaucoup de temps. Ou


alors juste cing minutes, pour te faire plaisir...

Béatrice : Allez, entre, ne te fais pas prier... Et, a part


ca, quelles nouvelles ? Comment vont ta
femme et tes enfants ?

Christian : Ah, mais c’est un grand jour, aujourd’ hui.


Figure-toi que, ce soir, j;emmene Nicole au
théAatre. Tu sais, depuis le temps que je le lui
promettais ! Elle commengait a désespérer.
Ces derniers temps, j’étais plut6t devenu
« Monsieur courant d’air »...

529
Relations et jeux de pouvoir

Béatrice : Je suis sire que ta femme doit étre ravie de


pouvoir sortir avec toi, ce soir !

Christian : A part que, espéce d’imbécile queje suis, j’ai


tout prévu, sauf une chose. J’ai été tellement
occupé que j’ai complétement oublié de pré-
voir la garde des enfants.

Béatrice : Ah bon, et alors ?

Christian : Et alors ? Si je rentre chez moi maintenant, et


que j’annonce a Nicole que notre soirée
tombe a l’eau, je vais me faire tuer ! Tu
connais les coléres de ma femme !

Béatrice : Oh oui ! Et qu’est-ce que tu vas faire ?

Christian : Je n’en sais rien. Je ne peux quand méme pas


laisser les enfants seuls. S’il leur arrivait
quelque chose, je m’en voudrais toute ma vie.

Béatrice : Ecoute, si ¢a peut te dépanner, je connais une


jeune fille trés bien pour le baby-sitting. Tu
veux que je l’appelle ?

Christian : Non, ¢a ne me parait pas étre une bonne


solution. Tu connais les enfants... Ils ne se
sentent en sécurité qu’avec quelqu’un qu’ils
connaissent bien... Qu’est-ce qu’on pourrait
faire ? Tu ne vois rien d’autre ?

Béatrice (en soupirant) : Dans ce cas, améne-les-moi, si ¢a


peut te dépanner.

Christian : Si tu me le proposes si gentiment, je ne peux


pas refuser. Tu es vraiment sympa, Béatrice !

530
Annexe V : Histoires de pouvoir

Il faudra qu’un de ces jours, on t’invite a


diner a la maison, hein, qu’en penses-tu ?

Histoire n° 6 : La prise en charge du dossier

Daniele : Claude, depuis que j’ai obtenu ces nouvelles


responsabilités dans le département, je ne
parviens plus a suivre tous les projets. Mon
souhait est que tu prennes en charge tout le
dossier de la restructuration informatique du
réseau commercial. Cela supposera que tu
suives les séminaires de formation relatifs a ce
travail et que tu déménages avec ta famille.

Claude : Suivre ces séminaires ne me pose aucun pro-


bléme. Par contre, déménager est inaccep-
table pour moi, pour I’instant. Est-ce la seule
solution ?

Daniele : Je crains que oui !

Claude : Bien, alors, je te demande de m’accorder un


délai de réflexion afin de pouvoir en parler
avec ma femme. On se revoit demain ?

Daniele : Entendu ! Sache que j’ai d’autres solutions en


réserve, mais j’ai préféré commencer par toi !

Histoire n° 7 : La conférence a Lille

Héléne : Bonjour, Yves ! Dis, j’ai appris par Marie-


Anne que tu allais écouter la conférence du

531
Relations et jeux de pouvoir

docteur Hamer 4 Lille... Tu en as de la chance,


dis donc ! Moi qui réve de l’entendre depuis si
longtemps !

Yves : C’est vrai que sa théorie sur |’ origine psy-


chologique du cancer est séduisante. En plus,
c’est la premiére fois dans l’histoire qu’on en
fait la démonstration scientifique !

Héléne : Oui, c’est une véritable révolution coperni-


cienne dans le domaine de la recherche sur le
cancer. Et c’est tellement plus simple et per-
tinent. Cet homme est un génie ! Dommage
qu’il donne sa conférence si loin et que je
n’aie pas de voiture.

Yves: Oh, tu sais, moi, quand je suis mordu par


quelque chose, je serais prét a tout pour réali-
ser mon objectif. Quitte a y aller a pied !

Héléne : Oui, mais 250 km, ¢a fait un peu loin. Ah, si


je pouvais trouver un moyen de m’y rendre,
c’est sir, je n’hésiterais pas.

Yves : C’est en tout cas ce que je te souhaite. II te


reste deux jours pour trouver... Cela ne me
parait pas impossible ! Bonne chance, Héléne !

Histoire n° 8 : La tenue vestimentaire en entreprise

(Damien est dessinateur industriel dans la société d’Eric...


Collaborateur efficace et constant, sa particularité est
d’étre le seul a se rendre a son travail vétu d’un chandail,
d’un jeans et de baskets, ce qui dérange Eric...

532
Annexe V : Histoires de pouvoir

Un matin, Eric entre dans le bureau de Damien. )


Erieng Ah, Damien, je suis content de te voir !
Comment vas-tu ?

Damien: _ Trés bien, Monsieur Dupré, je vous remercie.

Erics: A propos, Damien, je voulais te demander...


As-tu remarqué la tenue vestimentaire de tes
collegues ?

Damien (mal a laise) : Bien str, Monsieur Dupré, pour-


quoi ?

Eric : Oh, simplement pour que cela t’inspire...

(Trois semaines plus tard, rien n’a changé dans la présen-


tation de Damien.)
Eric : Damien, je voulais te poser une petite ques-
tion. Comment tes collégues_ sont-ils
habillés ? Qu’est-ce que tu observes ?

Damien: — Eh bien, les hommes sont, pour la plupart, en


costume et cravate... Les femmes, pour la
plupart, sont en robe ou en jupe...

Eric : Trés bien. Et sais-tu pourquoi je trouve


important qu’ils soient habillés comme cela ?

Damien (de plus en plus mal a laise) : Jimagine,


Monsieur Dupré...

Eric : Bon ! Eh bien, j’espére que tu pourras en tirer


les enseignements !

(Un mois plus tard, toujours pas de changement. A ce


moment, Eric Dupré envoie par courrier interne une cou-

533
Relations et jeux de pouvoir

pure de magazine sur l’importance de la tenue vestimen-


taire en entreprise. Une semaine plus tard, Eric remarque
l'article affiché au mur du bureau de dessin de Damien,
mais sans modification dans ses habits...)
Eric : Damien, tu te souviens que je t’avais posé
une question sur la tenue de tes collégues ?

Damien (hésitant) : Oui, Monsieur Dupré. Et alors ?

Eric : Donne-moi ta réponse. Pourquoi est-ce impor-


tant pour moi qu’ils soient bien habillés ?

Damien (hésitant) : Je suppose, Monsieur Dupré, que, pour


votre image de marque et celle de la société, il
est important d’ avoir une bonne présentation...

Eric A la bonne heure, Damien. Enfin, tu as com-


pris.

(Quinze jours plus tard, rien n’a changé... Eric, furieux,


convoque Damien dans son bureau, avec la ferme intention
de le licencier pour insubordination — ce qui est une faute
grave.)
Eric : Damien, je suis furieux. Ca fait presque trois
mois que j’essaye de te faire comprendre par
tous les moyens que j’attends de toi que tu
changes de tenue vestimentaire. Je t’ai laissé
le temps. Mais ma patience a des limites !
J’en ai plus qu’assez de me faire narguer par
toi de la sorte...

Damien (tombant des nues) : Que dites-vous, Monsieur


Dupré ? Vous vouliez que je change de
tenue ? C’est ¢a que vous vouliez ?

534
Annexe V : Histoires de pouvoir

BAG? Mais bien str ! Et ne fais pas l’innocent !


Pourquoi, a ton avis, t’ai-je posé toutes ces
questions a propos de tes collégues, et pour-
quoi t’ai-je envoyé cet article ?

Damien : Comme vous me parliez de mes collégues,


jen avais déduit que vous vouliez me sensi-
biliser a l’importance pour tous ceux qui sont
en contact avec la clientéle d’étre impec-
cables. C’est d’ailleurs de cela que parlait
article. Comme je ne suis jamais en contact
avec les clients, je me suis dit : « Si, un jour,
Monsieur Dupré te demande de rencontrer un
client, mon petit Damien, tu as intérét a te
mettre sur ton 31 ! » Voila tout...

Eric: Et tu n’avais donc pas compris ce que je vou-


lais ?

Damien : Franchement, non, Monsieur Dupré. Et je


suis désolé de vous avoir mis dans un tel état,
sans le savoir...

Histoire n° 9 : Le cadeau d’anniversaire

(Isabelle et Fernand sont collégues de bureau. Isabelle


entre dans le bureau de Fernand, un lundi matin.)
Isabelle : Bonjour, Fernand. Alors, en forme ? Bien
remis de tes émotions de samedi ?

Fernand : Oh oui ! Et je te remercie encore de m’avoir


invité A l’anniversaire de Vincent... C’était
vraiment super, ¢a m’a permis de le décou-

535
Relations et jeux de pouvoir

vrir ! Entre nous, tu as vraiment un homme en


or, tu sais !

Isabelle (rougissant) : Merci. Tu es vraiment trop gentil. Et


en plus, Vincent était ravi du cadeau qu’on lui
a offert, tous ensemble. Ca faisait tellement
longtemps qu’il révait d’un lecteur de com-
pact disc. Il m’a d’ailleurs chargée de bien te
remercier.

Fernand (étonné) : Me remercier, moi ? Mais, Isabelle, je


n’y suis pour rien... Moi, je lui ai offert un
bonsai... Tu sais, comme je ne connaissais
pas ses gofts...

Isabelle (insistant) : Mais si, Fernand, tu as d’ ailleurs signé


une carte d’anniversaire collective, en début
de soirée. Tu te souviens ? C’était dans le
petit hall, prés du portemanteau.

Fernand: Oui, et alors ?

Isabelle (commengant a s’énerver) : Et alors ? Eh bien, tu


n’as pas vu que cette carte était glissée dans
la boite du lecteur CD ? Ecoute, ne me dis pas
que tu n’avais pas compris, quand méme !

Fernand (interloqué) : Mais Isabelle, tu m’as quand méme


vu arriver avec mon bonsai, non ?

Isabelle (plus douce) : Oui. Et j’ai vraiment été trés tou-


chée par ta générosité ! Je me suis dit :
« Sacré Fernand, il connait 4 peine mon mari,
et voila qu’il lui offre deux cadeaux ! »
Franchement, j’en ai été émue !

536
Annexe V : Histoires de pouvoir

Fernand :

Isabelle : Alors, j’ai fait les comptes... Nous étions dix


a signer la carte. Le lecteur a coaité dix mille
francs. Donc, tu es le dernier 4 me devoir
mille francs...

Fernand (sortant son portefeuille, manifestement mal a


l’aise et contrarié) : Mais, Isabelle, la pro-
chaine fois, tu pourrais quand méme étre plus
claire, que je n’achéte pas deux cadeaux...

Isabelle : Oui, Fernand... Mais s’il faut commencer a


tout t’expliciter, ot allons-nous ? C’est quand
méme évident qu’en signant une carte d’an-
niversaire, tu participes au cadeau, n’est-ce
pas ? Bon, allez, n’en parlons plus ! Je te pro-
mets que je ne dirai rien de tout cela a
Vincent, parce que, s’il savait, le pauvre, il
serait trés décu. Et sache qu’en tout cas, moi,
je ne t’en veux pas.

537
Relations et jeux de pouvoir

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Annexe VI : Adresses utiles

Vi. Adresses utiles

— Si une formation en Dynamique Relationnelle


Systémique intéresse votre entreprise ;
— si vous voulez étre informé des conférences et
des séminaires en Dynamique Relationnelle
Systémique organisés pour le grand public
dans votre pays ;
—si vous souhaitez contacter Jean-Jacques
Crévecceur en tant qu’auteur, formateur ou
conférencier ;

contactez-nous et nous nous ferons un plaisir de


transmettre |’information :

Equinoxe 21
Chateau de Tongerloo
72, Rue de la Station
B - 1350 Orp-le-Grand (Belgique)
TEP 4F3249.635.331
Fax : +32.19.634.730

539
Relations et jeux de pouvoir

Mise en pages et typographie :


Autonomie & Développement sprl

Achevé d’imprimer au deuxiéme trimestre 1999


pour le compte d’Equinoxe 21
sur les presses ;
de I’ Imprimerie L’Eclaireur 4 Beauceville (Québec)
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omen vabypee 7 tL teT Beer
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De aD ei
Chercheur, formateur et conférencier, Jean-
Jacques Créveceeur se consacre depuis plus de
15 ans a l’étude des phénoménes de pouvoir et
de dépendance ainsi qu’aux processus d’appren-
tissage et de changement individuel.
Expert auprés du patronat francais, il partage
son temps entre la recherche, la formation de
dirigeants et l’écriture. Son but : permettre aux
individus de reprendre le pouvoir sur leur propre
vie, de maniére responsable et autonome...
Il est €galement reconnu, avec Ananou Thiran,
comme le co-créateur de la Dynamique
Bailly
Bernard
Photo
: Relationnelle Systémique (Dynarsys).

Relations et jeux de pouvoir


Préface de Paule Salomon

Dés sa premiére édition, ce livre a été accueilli tant par le public que par les
professionnels comme un ouvrage de référence sur un theme quasiment
absent des théories de communication : les phénoménes de pouvoir, d’em-
prise, de manipulation et de mise en dépendance dans les relations.

A travers un dialogue permanent avec le lecteur, s’appuyant sur de nom-


breux exemples de la vie quotidienne et professionnelle, ce livre pose trois
questions fondamentales :

— comment et pourquoi un jeu de pouvoir se met-il en place anotre insu


ou contre notre gré, malgré nos bonnes intentions ?
— comment repérer les jeux de pouvoir que nous subissons dans la dyna-
mique de nos relations, avant qu’ils n’explosent comme autant de
bombes 4 retardement minant notre existence ?
— comment désamorcer ces phénoménes de pouvoir, sans tomber dans le
travers des techniques de communication manipulatrices qui ne feraient
que renforcer la dégradation des relations ?

C’est une véritable éthique relationnelle basée sur de nombreuses années de


recherche et de pratique professionnelle que nous propose ici |’ auteur. Un
ouvrage indispensable pour tous ceux qui souhaitent (re)construire des
relations authentiques !
ISBN 2- ereis=-000-6

9 1182874" 20008

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