Se Donner Toutes Les Chances - Natacha Calestrémé
Se Donner Toutes Les Chances - Natacha Calestrémé
Se Donner Toutes Les Chances - Natacha Calestrémé
Youtube : @natachacalestreme3242/videos
Instagram : @natachacalestreme
Facebook : Natacha Calestrémé
ISBN : 978-2-226-48236-5
REPRENDRE CONFIANCE
Comprendre la maladie et les enjeux du soin
CHAPITRE 1
N. C. : C’est-à-dire ?
T. J. : Lorsque je pratiquais à l’université la chirurgie urologique – la
chirurgie des voies urinaires –, beaucoup de femmes consultaient pour des
symptômes tels que des envies fréquentes d’uriner et une sensation de
brûlure lors de la miction *1. Le diagnostic de cystite était posé. Cette
inflammation de la vessie est très souvent due à une infection, à la présence
d’une bactérie. Mais parfois, à l’examen des urines, il n’y a pas de trace
d’infection. On parle alors de « cystite interstitielle ». Certains médecins
étaient décontenancés face à ces cas sans cause objectivable. Beaucoup
disaient : « C’est dans la tête, elles sont stressées, mais il n’y a rien, on va
leur prescrire un anxiolytique. » Pourtant, lorsque je réalisais un examen
endoscopique de la vessie de ces patientes, je constatais que le revêtement
interne de l’organe présentait des signes évidents d’inflammation. Je leur
prescrivais donc un médicament pour réduire l’inflammation, mais
j’essayais aussi de comprendre ce qui l’avait provoquée. Je leur posais des
questions. Le plus souvent, ces patientes constataient un lien entre certains
événements stressants et douloureux de leur vie et leurs crises de cystite. Il
y avait un rapport évident entre leur vécu émotionnel et les symptômes
inflammatoires dont elles souffraient. Il était donc important de les soulager
en traitant l’inflammation vésicale tout en leur proposant en même temps de
réduire leur stress, par exemple en pratiquant du sport, de la relaxation, de
la méditation, du yoga, du taï-chi ou du qi gong et, éventuellement, en
entamant une psychothérapie afin de les aider à comprendre ce qui les avait
perturbées.
Le « délégué narcissique »
N. C. : Donc, la bonne posture pour le soignant, ce serait une présence
et une écoute ?
G. O. : Une posture d’écoute, mais active quand même. Permettre à la
personne d’accéder à ses ressources et lui permettre de les visualiser. C’est
pour cela qu’il faut créer un climat écosystémique où, si j’ose dire, on « fait
venir du monde dans la pièce ». En consultation, en alcoologie, pour les
addictions, il y a du monde dans la pièce ! Je fais intervenir des témoins
extérieurs, ils ne sont pas là, ce sont des témoins imaginaires, mais les gens
adorent jouer. Je fais entrer quelqu’un – le problème de la personne – et j’en
fais une créature narrative. Parfois, je la leur fais décrire pour que la
personne, progressivement, se désassocie de ce qui l’enfermait, de ce qui la
cuirassait complètement, de ce qui l’empêchait de respirer. Je vois des gens
qui me disent : « Ce que vous m’avez dit la semaine dernière, docteur, ça
m’a beaucoup aidé. » alors que je n’ai rien dit du tout. Pour ne pas gêner la
personne, je réponds : « Je trouve intéressant que vous ayez entendu ça. »
Ce qui se passe, je ne le contrôle pas.
Ensuite, pour l’aider, très souvent, je me sers d’un délégué narcissique,
la créature narrative évoquée précédemment : « Vous me faites penser à
Julie qui m’a raconté une histoire tout à fait comparable, et, en parlant avec
Julie, je me suis aperçu que… » On raconte une autre histoire, qui peut être
arrangée, peu importe, et qui permet à la personne de se décoller d’elle-
même, d’entendre l’histoire de Julie, et que cette dernière va s’en sortir. Et
comment s’en est-elle sortie ? Parce qu’elle a pu accéder à elle-même par le
biais de telle ou telle technique, telle ou telle approche. Cela ne tombe
jamais dans l’oreille d’un sourd. D’ailleurs, généralement, on me demande
toujours : « Vous avez des nouvelles de Julie, au fait ? » Le personnage est
entré en eux, ils s’y identifient. Et cela évite de rester piégé dans le
symptôme.
N. C. : Écouter, pour ne pas coller une idée toute faite sur la personne ?
G. O. : Oui. Il faut éviter l’interrogatoire sans écoute véritable, où l’on
pose des questions prévisibles et où l’on se sert des réponses pour cocher
des cases, comme le ferait un robot.
Dans son célèbre ouvrage Le corps n’oublie rien, Bessel van der Kolk, professeur
de psychiatrie américain, spécialiste du syndrome de stress post-traumatique,
enseignant à l’université de Boston, explique que, dans le domaine psychiatrique,
le traitement proposé au malade dépend très souvent de l’état d’esprit du praticien
au moment où une personne vient le consulter. « Si son psychiatre se focalise sur
ses changements d’humeur, il la jugera bipolaire et lui donnera du lithium ou du
valproate. S’il est plus touché par son désespoir, il dira qu’elle souffre d’une
dépression majeure et la mettra sous antidépresseurs. S’il se concentre sur son
agitation et son manque d’attention, il pourra lui attribuer un trouble du déficit de
l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et lui prescrire de la Ritaline ou
d’autres stimulants. Enfin, s’il lui suppose un passé traumatique et que le discours
[du patient] semble le confirmer, il pourra lui diagnostiquer un syndrome de stress
post-traumatique. Aucun de ces diagnostics ne sera totalement faux, mais aucun
n’expliquera non plus qui est exactement cette personne et ce dont elle
souffre. […] Comprendre ce qui « ne va pas » chez un patient dépend plus de
la mentalité du praticien (et dans certains pays, de ce que paieront les
assurances) que de faits objectifs vérifiables 21. »
De fait, concernant son « mal de vivre », il n’est pas rare que le patient reçoive
quatre ou cinq diagnostics différents et autant de traitements… qui peuvent
soulager, un temps, les désordres de ses comportements mais qui n’agissent en
rien sur l’origine de sa souffrance. Prenons l’exemple d’une peur viscérale d’être
violenté sexuellement ou d’être abandonné, aucun de ces médicaments ne va
guérir cet inceste ou cette blessure d’abandon si c’est ce qui s’est produit.
Autre point : un diagnostic peut être perçu comme une étiquette collée sur le
front (vous êtes « hyperactif », « haut potentiel »…) et influencer les
comportements de l’individu et la manière dont il se définira, jusqu’à la fin de ses
jours. On voit bien que les mots du médecin, son diagnostic autant que ses
recommandations, ont un impact considérable sur le malade.
Les mots du médecin : une prescription
médicale
N. C. : Concernant l’impact du discours du médecin, je me souviens
d’avoir lu dans votre livre, La Solution intérieure. Vers une nouvelle
médecine du corps et de l’esprit 22, une étude sur l’effet placebo *2 qui
montrait que la conviction du médecin en l’efficacité du traitement qu’il
propose au patient influence beaucoup la guérison de celui-ci…
Thierry Janssen : Dans une approche matérialiste du vivant, tout ce qui
favorise la guérison du malade mais qui n’est pas mesurable et objectivable
par la science devient embarrassant. À l’université, nous étudiions et
testions l’efficacité de nos traitements médicaux ou chirurgicaux en
cherchant à prouver que nos résultats n’étaient pas uniquement dus à l’effet
placebo. C’était absurde car, sans remettre en cause l’effet bénéfique de
certaines molécules ou de certaines techniques chirurgicales, l’effet placebo
devrait être considéré comme un atout supplémentaire dans le soin.
À l’époque, en tant que chirurgien, j’avais été impressionné par une
étude réalisée auprès de patients qui souffraient d’arthrite au genou. Cette
étude comparait l’efficacité d’un geste chirurgical réel qui consistait à
retirer le cartilage abîmé et celle d’une simple incision cutanée qui laissait
croire aux patients que l’opération avait été effectuée. De manière très
surprenante, il n’y avait pas de différence significative entre les résultats
obtenus dans le groupe de patients réellement opérés et ceux du groupe
placebo, ni en termes de soulagement de la douleur ni en termes de mobilité
du genou. D’autres études réalisées auprès de patients opérés du cœur ou
ayant bénéficié de l’implantation de cellules souches au niveau du cerveau
pour traiter la maladie de Parkinson ont montré la même absence de
différence entre les résultats des groupes traités et ceux des groupes
placebo 23. Cela pose beaucoup de questions. Au lieu d’opposer l’effet d’un
médicament ou d’une technique chirurgicale à l’effet placebo, il serait
beaucoup plus utile d’essayer de comprendre comment la molécule ou
le geste chirurgical agit de concert avec les ressources propres du
patient, des ressources où le sens attribué au traitement proposé et la
conviction de son efficacité jouent un rôle essentiel. C’est d’autant plus
important que l’effet placebo a son contraire : l’effet nocebo, qui est
l’impact négatif des mots du thérapeute sur la santé du patient. La première
fois que j’en ai pris réellement conscience, ce fut grâce à l’expérience
malheureuse d’une dame soignée par chimiothérapie et radiothérapie pour
un cancer du sein. Après de longs mois de traitement, sa tumeur n’était plus
détectable. Son médecin lui dit : « Vous savez, ça va très probablement
revenir. » Elle me téléphone en colère et me dit : « J’étais tellement
heureuse de m’être débarrassée de cette tumeur, après tout ce que j’ai subi
pour y arriver ! Et ce médecin me casse le moral en me disant que ça va
revenir ! » Je la réconforte, non pas en la coupant de la réalité en prétendant
que cela ne reviendra jamais, car on sait que l’on peut observer des
récidives, mais en l’encourageant à se réjouir du présent, en profitant de ces
émotions agréables, de ces pensées positives, pour stimuler le système
immunitaire et conforter cette guérison et en tout cas cette rémission.
Quand elle revoit son médecin, celui-ci insiste : « Non, moi je suis sûr que
ça va revenir parce que j’ai eu plusieurs cas qui ressemblent au vôtre et ils
ont tous récidivé, donc on va refaire un traitement. » La peur s’est installée
en elle, et, le lendemain, elle a fait une pneumonie.
SE DONNER TOUTES
LES CHANCES
S’ouvrir à d’autres thérapies
CHAPITRE 9
MÉTHODE TIPI®
Pour une émotion qui n’est plus active mais qui reste un souvenir douloureux, ou
pour une phobie, sollicitez un thérapeute formé, pour une séance. Cet
accompagnement se fait en cabinet, en visioconférence ou par téléphone.
Mais on peut utiliser cette méthode pour soi-même, par soi-même, à l’instant où
l’on ressent une émotion. Voici les différentes étapes :
1. Je prends conscience d’une émotion (n’importe laquelle) que je suis en train
de vivre, à l’instant.
2. Je ferme les yeux.
3. Je porte mon attention sur les sensations « physiques » présentes n’importe
où dans mon corps (si j’ai trois sensations, c’est parfait !).
4. Je laisse ces sensations évoluer ensemble, à leur guise, en accueillant tout
ce qui se présente comme évolution. Le processus est très rapide (entre dix
secondes et une minute au maximum).
5. Je ré-ouvre les yeux quand les sensations ont disparu et que je me sens
calme.
6. Je repense à ce qui a provoqué mon émotion : et, étonnamment, je suis
plus tranquille.
N. B. : Cette méthode fait actuellement l’objet d’une étude menée par le CHU de
Montpellier 12.
G. O. : Ramener le patient à son corps est essentiel. Je demande souvent
aux patients de me montrer où est leur ressenti, pour les reconnecter et les
réassocier à leur corps.
« Je suis en colère, ça me serre au niveau de la gorge.
– Montrez-moi où avec votre main. »
Le seul fait d’avoir fait cela les réassocie à leur corps. Je leur fais
évaluer l’émotion au début, à titre indicatif :
« La colère telle que vous me la décrivez, ce serait à combien sur une
échelle de 1 à 10 ?
– Le curseur est à 5. »
Puis, après la séance Tipi®, les gens disent d’eux-mêmes : « C’est à 1,
ou à 0, je n’ai plus rien. » Je leur demande ce qu’ils en déduisent. Ils sont
un peu surpris : « C’est bizarre, c’est un peu magique quand même. » Ce à
quoi je réponds : « Ce n’est pas magique du tout. Vous descendez dans
votre corps, vous observez ce qui se passe en vous et cela se modifie. Cela
vous a appris que votre conscience vous permet de modifier vos émotions et
votre ressenti. »
CHAPITRE 10
La mission de l’épigénétique
N. C. : L’ADN reste complexe pour le non-initié. Plus simplement, en
quoi l’épigénétique concerne-t-elle notre santé ?
I. M. : Il est admis que l’inné (le génome) peut se transmettre de
génération en génération. Reste à savoir si nos acquis (l’incidence des
expériences de vie et de l’environnement) peuvent également être transmis.
Par exemple, si une femme a subi une agression sexuelle qui a provoqué de
possibles altérations de son état psychique (dépression, peur des hommes,
culpabilité de n’avoir pas su se défendre, troubles de l’alimentation…),
peut-elle transmettre sa peur, sa culpabilité, ses désordres psychologiques
ou alimentaires à sa descendance… biologiquement… sans que cette
transmission ne soit due à un comportement dysfonctionnel ?
Il est connu et admis en psychiatrie clinique que les désordres
psychiques affectent souvent les familles sur plusieurs générations. Mais les
mécanismes biologiques en jeu dans cette transmission restent flous.
Comprendre les processus à l’œuvre est la mission des recherches sur
l’hérédité épigénétique.
LA TRANSMISSION DES EFFETS DE NOS ÉPREUVES
SUR NOTRE DESCENDANCE
Dans les années 2000-2010, d’autres études sont menées sur des femmes d’une
soixantaine d’années qui ont connu la famine aux Pays-Bas en 1944 alors qu’elles
étaient enceintes. Cette privation alimentaire a affecté leur santé, celle de leurs
enfants à venir, mais aussi celle de leurs petits-enfants. Les auteurs d’une de ces
études 16 ont observé chez ces milliers de personnes une augmentation des
maladies cardiovasculaires, du diabète et de l’obésité. Que la première et la
deuxième génération soient touchées (parce qu’elles ont subi la famine en tant
qu’adultes ou dans le ventre de leur mère) est intéressant et attendu, mais que la
troisième génération (qui n’a jamais connu la famine) le soit également, est plus
frappant car cela suggère que les cellules reproductrices du premier bébé ont
elles aussi été touchées. Là encore, l’influence « négative » des conditions de vie
(famine) à travers les générations paraît confirmée sur le plan biologique. Et
nombre d’articles titrent à l’époque : « La troisième génération a été marquée
avant de voir le jour ! »
Isabelle Mansuy attire à nouveau mon attention sur le fait que ces études
évoquent de façon trop catégorique une transmission épigénétique. Car
l’implication des facteurs épigénétiques dans la transmission des effets
d’expériences de vie n’a pas encore été confirmée chez l’être humain. On ne peut
écarter le fait que le « comportement » des mères qui ont vécu le traumatisme
suffise à induire des modifications biologiques et comportementales chez leur
descendance, sans que cela implique les cellules reproductrices. D’autant que le
comportement des pères peut aussi intervenir. Plusieurs voies de transmission
peuvent exister. Par exemple, si la grand-mère touchée par la famine est devenue
obèse par compensation des carences liées à ses privations, elle a pu à travers
sa boulimie donner des habitudes alimentaires à sa descendance. Pour que la
transmission soit considérée comme « épigénétique », il aurait fallu étudier des
enfants de la troisième génération qui auraient grandi dans une autre famille avec
des habitudes alimentaires saines dès la naissance, pour qu’aucun comportement
alimentaire éventuellement pathologique de ses parents ou grands-parents
n’influence sa manière de se nourrir. Ce genre d’expériences est difficile à mener
chez l’être humain. Ce que démontrent ces études est tout de même
remarquable : sur le plan des symptômes, il est désormais établi qu’une
épreuve vécue par un parent peut avoir des effets sur trois générations : le
parent, ses enfants et ses petits-enfants.
N. C. : D’autant que des expériences ont été menées sur des animaux et
que l’aspect psychologique n’entrerait pas en ligne de compte.
G. O. : Je ne vois pas les choses ainsi. Pour moi, l’animal n’est pas une
machine, à l’inverse de ce que prétendait à tort Descartes. Donc, si ce n’est
pas une machine, il a aussi une dimension émotionnelle. Je l’ai bien vu en
soignant des chevaux ou des animaux d’une façon générale. La façon dont
on s’occupe d’eux, je dirais émotionnellement et affectivement, va jouer un
rôle. Il n’y a pas si longtemps, au XIXe siècle, l’animal était considéré
comme un meuble, une chose. Or, c’est un être sensible. Et dans la mesure
où il existe une sensibilité, l’effet placebo, autrement dit l’effet d’attente
qu’on prenne soin d’eux, peut jouer, bien évidemment.
Dans le Bulletin de l’Ordre national des médecins paru fin 2022, le Pr Bruno
Falissard, psychiatre, professeur de santé publique et directeur du Centre de
recherche en épidémiologie et santé des populations à l’Inserm, indique :
« Efficaces ou non, ces soins complémentaires ont trouvé une place dans le
monde de la médecine académique. Les patients y recourent largement. […] En
tant que psychiatre, je suis enclin à une vision assez pragmatique : voyons ce qui
est dangereux, ce qui est tolérable. La plupart de ces soins non
conventionnels s’exercent à la lisière de la maladie, dans une zone qui ne
relève pas nécessairement de la médecine. Tant que ces pratiques ne
prétendent pas se substituer à celle-ci, elles ont sans doute leur place 46. »
Le Dr Claire Siret, médecin généraliste et présidente de la section Santé publique
du Conseil national de l’Ordre des médecins, ajoute : « Où s’arrête le bien-être, où
commence la santé ? […] C’est d’abord une question de langage. Si je
recommande à un patient atteint d’un cancer d’aller faire des promenades en forêt
ou de pratiquer le yoga, je peux effectivement lui faire du bien. Si je lui propose la
même chose en substitution à sa chimiothérapie, je le condamne. Ce n’est ni le
yoga ni la balade en forêt qui constituent une dérive, mais bien la place
qu’on leur donne, le pouvoir qu’on leur attribue. 47 »
On le voit, faire la part des choses reste subtil. Et comme ces pratiques ne sont
pas encadrées, on abandonne le patient à sa navigation sur Internet. Livré à lui-
même, il n’a personne à qui se référer. Le médecin est le premier (et parfois le
seul) à pouvoir alarmer le malade sur un soin qui ne serait pas adapté, à identifier
une dérive sectaire ou une emprise. Pour qu’un tel conseil puisse être apporté, le
patient doit avoir confiance en son médecin et le sentir suffisamment ouvert pour
se confier sans craindre d’être jugé. Ainsi, Chantal Gatignol, conseillère santé à la
Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives
sectaires), indique : « Le fait que les médecins soient plus ouverts aux pratiques
non conventionnelles à visée thérapeutique, leur permet de maintenir le dialogue
avec les patients et d’être mieux à même d’identifier les dérives 48. »
C’est donc en s’y intéressant et non en les rejetant de manière globale et
arbitraire que l’on peut éviter les dérives. Comme l’écrit le Pr Daniel Bontoux *1
en 2013 dans un rapport de l’Académie nationale de médecine : « On ne peut
tolérer une situation où le public se passionne et s’interroge sur ces
pratiques pendant que le corps médical s’en désintéresse ou se borne à les
mépriser. Pour bien conseiller le malade qui l’interroge, le médecin doit en savoir
plus long que lui sur la question 49. »
En résumé, si les pratiques non scientifiques ne se substituent pas à la médecine
conventionnelle, si on les étudie, si l’on note les résultats de leurs bienfaits, si l’on
instaure une relation d’écoute et d’alliance thérapeutique, n’aurait-on pas plus de
chance d’aller mieux ?
1. Les approches qui interrogent la psyché (l’âme en grec ancien) et qui sont
sollicitées le plus souvent dans la recherche d’un mieux-être psychologique et
social et dont certaines peuvent œuvrer à la disparition d’une douleur physique :
les psychothérapies, l’hypnose, la sophrologie, les thérapies
transgénérationnelles, l’EMDR, l’EFT (Emotional Freedom Techniques), les
thérapies cognitivo-comportementales, la méditation…
2. Les thérapies manuelles, qui font appel aux mains du thérapeute d’une
manière non invasive, généralement dans la recherche de la disparition d’une
douleur physique et qui peuvent amener un bien-être psychologique :
l’ostéopathie, le massage, la chiropractie, la kinésithérapie, la réflexologie, le
shiatsu…
N. C. : On pourrait considérer davantage le massage comme un confort
que l’apport d’un bien-être. Et pourtant, en 2002, après l’effondrement du
World Trade Center, une enquête 51 du psychiatre Spencer Eth a mis en
évidence que ce qui avait aidé deux cent vingt-cinq rescapés à surmonter le
drame était, en priorité et dans cet ordre : l’acupuncture, les massages, le
yoga et l’EMDR. Pourquoi ?
T. J. : Au sujet des thérapies manuelles, le simple fait de toucher le
corps d’une personne avec une intention bienveillante induit un relâchement
musculaire et stimule la branche parasympathique du système nerveux
autonome. Cela réduit considérablement le niveau de stress, le taux de
cortisol. Les défenses immunitaires sont stimulées, la production de facteurs
de croissance augmente, les mécanismes réparateurs de l’organisme sont
activés.
3. Les approches biologiques, dont les éléments actifs peuvent contenir des
composés végétaux, animaux, minéraux et qui sont utilisées pour un apaisement,
un mieux-être de l’humeur et dont certaines sont sollicitées pour un gain en
immunité ou pour leurs qualités antibiotiques, anti-inflammatoires ou antivirales :
la phytothérapie, l’aromathérapie, les élixirs floraux…
Ces études scientifiques prouvent qu’il existe un procédé biochimique qui, à partir
d’une croyance de guérison, peut intervenir sur la douleur… mais rien n’explique
le miracle de ses effets sur l’arthrite, la dépression ou la guérison de maladies
complexes. L’effet placebo et les ressources d’autoguérison qui l’accompagnent
restent encore à ce jour un mystère.
Effet placebo, pouvoir du mental
et autoguérison
N. C. : On a tendance à évaluer les bienfaits des médecines non
conventionnelles en se fiant exclusivement à leur valeur scientifique…
qu’elles ne peuvent apporter. Puisque cet effet placebo montre qu’on ne
peut pas tout expliquer, ne devrait-on pas prêter davantage attention aux
témoignages de leur efficacité ?
T. J. : Certaines pratiques ne sont accompagnées, en effet, d’aucune
explication scientifique en l’état actuel des connaissances. J’ai
personnellement été témoin de guérisons que l’on peut qualifier de
miraculeuses. Celles-ci seront probablement expliquées par la science, un
jour, lorsque nous aurons davantage de compréhension du vivant. En
attendant, il serait dommage de nier leur existence. Les constatations et les
faits devraient toujours primer sur la démonstration scientifique. En ce
qui concerne les guérisons miraculeuses, mon analyse est que celles-ci se
produisent souvent, peut-être toujours, lorsque le malade a une confiance
absolue en ce qui est censé apporter la guérison : la vie, Dieu, son médecin,
le traitement. Cette confiance s’appelle la foi. Mais ce n’est pas parce que la
foi est présente que la guérison se produit forcément. C’est probablement la
conjonction de plusieurs facteurs qui peut expliquer l’inexplicable.
Trouver du sens
N. C. : Peut-on dire que l’on vient plus facilement à bout de l’épreuve
ou de la maladie dès lors qu’on lui a donné un sens ?
Jacques Besson : Je vais vous répondre par deux exemples historiques.
Le premier concerne Aaron Antonovsky (1923-1994), un sociologue
américano-israélien qui a étudié après-guerre des femmes israéliennes
rescapées des camps de concentration nazis. Il a utilisé ses compétences
médico-sociales pour analyser ce qui s’était passé dans ces camps. Et il est
arrivé à la conclusion que pour survivre, il faut être doué de cohérence,
c’est-à-dire :
– premièrement, être capable de comprendre ce qu’il se passe dans le
monde ;
– deuxièmement, avoir suffisamment confiance en soi pour savoir que
l’on peut gérer sa vie (avec l’aide d’un tiers ou pas), en intégrant la
confiance en plus grand que soi ;
– troisièmement, avoir la certitude que ce qui arrive a du sens.
Si vous pouvez répondre positivement à ces trois notions, vous êtes en
cohérence, alors vous êtes capable de salutogenèse, du latin salus (qui
désigne à la fois la santé et le salut : la libération). La salutogenèse
recherche ce qui pourrait nous libérer – ce qui amène la santé –,
contrairement à la pathogenèse, qui recherche les causes de la maladie.
Cette manière de voir les choses fait toute la différence. La médecine qui ne
s’appuie que sur la science est obnubilée par la pathogenèse (le symptôme)
et elle y répond avec la biologie moléculaire, la chirurgie, la génétique, etc.
La médecine qui s’intéresse uniquement à l’aspect psychique va elle aussi
chercher l’origine du pathos, les blessures de la petite enfance, etc. Tout
cela est formidable, mais il ne suffit pas d’expliquer notre
dysfonctionnement biologique et/ou notre passé pour aller mieux. La
salutogenèse, c’est chercher dans l’avenir du patient des attracteurs de
sens.
Et pourtant notre médecine s’est construite en étant tournée vers le
passé. Je suis un spécialiste des maladies du désespoir : la schizophrénie,
l’héroïnomanie, la clochardisation. Et j’ai bien vu que l’enjeu, pour aider
le patient à guérir, est de chercher des attracteurs de bien-être dans son
avenir. Freud disait : « le but de la psychanalyse, c’est de permettre au
patient de retrouver sa capacité d’aimer ». L’idée n’est pas de le changer,
c’est d’aider l’individu à aller vers lui-même. Je demande souvent à mes
patients :
« Sur une échelle de 0 à 10, quel est votre niveau de bien-être ?
– Zéro…
– Qu’est-ce qu’il vous faudrait pour aller à 1 ? »
Et ainsi de suite.
Souvent en psychiatrie, une fois qu’on a guéri les symptômes, le patient
sort de l’hôpital ; on le renvoie à « son désert de pierre et de glace »,
comme disait le pasteur et psychanalyste suisse Oskar Pfister (1873-1956).
Or, le patient mérite mieux. La salutogenèse, c’est aussi faire preuve d’un
peu d’humilité quand on est soignant. En ce qui me concerne, j’ai assez vite
renoncé à vouloir guérir le patient parce que je me considère comme un
simple accompagnateur et que sa guérison ne m’appartient pas.
N. C. : Voulez-vous dire par là que le soignant doit éviter de se placer
dans la toute-puissance ?
J. B. : Oui, mais pas seulement. Traiter la maladie est une chose, mais
permettre à la personne de redonner un sens à sa vie, cela dépasse le
processus de guérison. Quand un patient a plaisir à suivre un cours de
guitare parce qu’il a appris à jouer trois notes, je suis heureux. Quand un
autre ne gagnera plus d’argent – cela, je le sais, parce qu’il n’en est plus
capable – mais qu’il prend plaisir à nettoyer la forêt… on a redonné un sens
à sa vie.
Elle précise également que les acides aminés présents dans les protéines
animales et végétales modulent les effets de méthylation de l’ADN *1… mais qu’il
faut éviter les excès. Les valeurs nutritionnelles quotidiennes indiquées varient en
fonction de la personne, de son poids et de son activité mais l’on ne devrait pas
dépasser 90 grammes de protéines (animales et/ou végétales) par jour pour une
personne de 90 kilos, 50 grammes pour une personne de 50 kilos 11.
Les graines, fruits secs, huiles, ails et épices boostent les défenses immunitaires
et sont favorables à l’équilibre nerveux. Le thé, vert en particulier, a une action
anti-inflammatoire qui a été prouvée 12.
La médecine de demain
Imaginer la guérison
N. C. : Quels seraient vos conseils à une personne qui a envie de se
donner toutes les chances d’être en bonne santé ?
G. O. : C’est connu depuis Hippocrate, l’alimentation est la première
médecine. Le sommeil semble très important aussi, voire primordial, car on
peut se priver d’une bonne alimentation mais pas d’une bonne qualité de
sommeil pour avoir une santé acceptable. Le lieu où je vis, la qualité de
l’air que je respire sont également importants pour ma santé. Ensuite, les
liens affectifs que j’établis avec les autres, l’attachement que j’ai pour eux,
mes émotions à leur contact sont prépondérants. S’il y a des soucis sur ce
point, une psychothérapie, une technique psycho-comportementale 17…
celle qui parle au patient, peut aider. Ces points constituent mon
environnement et ils vont avoir un impact, favorable ou pas, sur mon
immunité.
Considérons maintenant que je suis malade. Je vais aller voir un
médecin pour stopper la prolifération des éléments pathogènes s’il y en a ;
je le consulte aussi pour ne plus souffrir, puisque, on l’a vu, la douleur
fatigue, épuise et déprime. Puis je me poserai la question miracle déjà
évoquée : « D’après moi, quelle sera, dans les yeux de mes proches, la
représentation de ce que serait ma guérison et qu’est-ce que cette dernière
me permettra de faire ? » J’essaierai de me projeter dans un futur où le
problème n’existe plus. À nouveau, imaginons un individu qui vient
d’apprendre qu’il a un cancer. Il est un peu sidéré et une fois qu’il a passé le
choc traumatique, il a très envie de guérir. Grâce à la question miracle, il
imagine qu’un grand guérisseur céleste, pendant la nuit, est venu le guérir
complètement. Il se lève le matin et il ne sait pas qu’il est guéri. À quoi va-
t-il s’apercevoir qu’il est guéri ? Qu’est-ce que ça va changer dans sa vie ?
Qui va s’en apercevoir en premier ? À qui il va l’annoncer ? Qu’est-ce qu’il
va jeter ? Qu’est-ce qu’il va acheter pour fêter ça ? Il est important de
développer une scénographie de la guérison. Il faut que l’image de la
guérison soit suffisamment prégnante pour qu’elle devienne tangible,
qu’elle le rejoigne. Sans une scénographie, c’est difficile. Les sportifs qui
font le Tour de France… un alpiniste… ils se représentent tous au sommet !
Ils ont vu tout le déroulé de l’ascension avant de se lancer. Ils ont peut-être
même prévu des retards ou certains incidents. Ils imaginent l’ensemble du
parcours et le visualisent ; comme pour la voltige aérienne, les gestes sont
répétés cent fois, c’est intégré en eux.
C’est sur ce processus de guérison que je vais m’appuyer. Je deviens le
metteur en scène de ma propre guérison. Alors, attention, ce n’est pas parce
qu’on visualise notre guérison que tout rentre dans l’ordre, mais cela permet
d’ancrer à l’intérieur de soi un résultat qui nous relie à l’espoir. Cela ne se
substitue pas à une démarche médicale classique, mais cela favorise tous les
processus déjà évoqués et que l’on n’explique pas, mais qui peuvent très
certainement aider à la guérison.
N. C. : L’espoir serait-il générateur de guérison ?
G. O. : Oui. Je pense que l’espoir est créateur de guérison. Mais, en
tant que médecins, la guérison ne nous appartient pas.
N. C. : Elle appartient au patient ?
G. O. : Oui, mais pas seulement… Selon moi, elle appartient à cette
alchimie qui associe : le désir de guérir du patient, son implication, son
rôle, sa manière de se projeter dans le futur ; l’écoute du soignant qui
permet une alliance thérapeutique, une confiance qui favorise une voie
thérapeutique adaptée ; et aussi l’œuvre de l’invisible liée au mystère de
la vie, à la complexité du vivant. À partir de là tout est possible. Voilà
pourquoi il faut rester humble en matière de guérison.
Conclusion
RÉAGIR
Natacha Calestrémé – A. L.
Notes
1. Caryle Hirshberg et Marc Ian Barasch, Guérisons remarquables [1995], traduit de l’anglais
(États-Unis) par Claude Farny, Paris, Robert Laffont, 1996.
2. Henry K. Beecher, « The powerful placebo », Journal of the American Medical
Association, vol. 159, no 17, 24 décembre 1955, p. 1602-1606.
3. David J. Scott, Christian S. Stohler, Christine M. Egnatuk et al., « Individual differences in
reward responding explain placebo-induced expectations and effects », Neuron, vol. 55, no 2,
juillet 2007.
4. Viktor Frankl, Nos raisons de vivre [1988], traduit de l’anglais par Georges-Elia Sarfati,
Paris, InterÉditions, 2009.
5. Id., Le Thérapeute et le Soin de l’âme [1955], traduit de l’anglais par Georges-Elia Sarfati,
Paris, InterÉditions, 2019.
6. Patrice Queneau et Damien Mascret, Le malade n’est pas un numéro !, Paris, Odile Jacob,
2004.
7. Isabelle Mansuy, Jean-Michel Gurret et Alix Lefief-Delcourt, Reprenez le contrôle de vos
gènes. Améliorez votre vie et celle de vos descendants avec l’épigénétique, Paris, Larousse,
2019.
8. Perla Kaliman, María Jesus Alvarez-López, Marta Cosin-Tomas et al., « Rapid changes in
histone deacetylases and inflammatory gene expression in expert meditators »,
Psychoneuroendocrinology, vol. 40, février 2014.
9. Dawson Church, Garrett Yount, Kenneth Rachlin et al., « Epigenetic effects of PTSD
remediation in veterans using clinical emotional freedom techniques: a randomized controlled
pilot study », American Journal of Health Promotion, vol. 32, no 1, janvier 2018.
10. Isabelle Mansuy, op. cit.
11. Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), « Les valeurs nutritionnelles de
référence », août 2022 : – https://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/dietary-reference-values
12. Ibidem.
13. Rédigé par John Helliwell, professeur à l’University of British Columbia et rédacteur en
chef du World Happiness Report [Rapport mondial sur le bonheur].
14. Michel Le Van Quyen, Les Pouvoirs de l’esprit, Paris, Flammarion, 2015.
15. Ibid.
16. Stanislas Deve, « Se forcer à sourire nous rendrait plus heureux », site pourquoidocteur.fr,
22 octobre 2022.
17. Techniques psycho-comportementales comme l’EFT (Emotional Freedom Techniques),
l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing, c’est-à-dire désensibilisation et
retraitement par les mouvements oculaires) ou encore la méthode Tipi® (acronyme de
Technique d’identification des peurs inconscientes).
1. James W. Pennebaker, Opening up. The Healing Power of Confiding in Others, New York,
William Morrow and Company, 1990.
2. Par John Helliwell, professeur à l’University of British Columbia et rédacteur en chef du
World Happiness Report [Rapport mondial sur le bonheur].
DE LA MÊME AUTEURE
Romans
Copyright
Médecines plurielles
Les experts
Transfert et contre-transfert
La mission de l’épigénétique
La transmission des effets de nos épreuves sur notre descendance
Notre vécu impacte le corps
Un bond en avant grâce aux dernières études
Trouver du sens
Conclusion
Remerciements
Notes
*1. Eye Movement Desensitization and Reprocessing, c’est-à-dire désensibilisation et
retraitement par les mouvements oculaires.
*1. Organisation mondiale de la santé.
*2. Antidouleurs tels que l’aspirine, le paracétamol et autres…
*1. Miction : le fait d’uriner.
*2. Fibromyalgie : maladie caractérisée par des douleurs diffuses dans tout le corps (« J’ai mal
partout. »), associées à une grande fatigue.
*1. Voir l’encadré « Transfert et contre-transfert ».
*1. Voir l’encadré « L’incroyable histoire de l’effet placebo ».
*2. Voir l’encadré « L’incroyable histoire de l’effet placebo ».
*3. Voir l’encadré « Transfert et contre-transfert ».
*1. Tipi est l’acronyme de Technique d’identification des peurs inconscientes.
*1. Le génome humain est composé d’environ 20 000 gènes (dont le code est lu pour
synthétiser des protéines) qui représentent seulement 1 à 2 % de l’ADN, et de « longues
séquences entre les gènes » qui représentent les 98-99 % restants de l’ADN, et dont on parle si
peu, et qui permettent de réguler le génome.
*2. L’épigénome est un complément du génome qui peut être modifié ou qui peut « muter » à
cause de facteurs environnementaux.
*1. Oncologues : médecins spécialistes des tumeurs et des cancers.
*2. Croyance d’attente : voir chapitre 8.
*1. Pr Daniel Bontoux : doyen de la Faculté de médecine et de pharmacie de Poitiers et
membre de l’Académie nationale de médecine.
*1. « Histoire démoralisée » signifie ici une histoire qui paraît ne pas avoir de sens.
*1. Méthylation de l’ADN : voir encadré .
*1. Burn-out (de l’anglais) : surmenage, syndrome d’épuisement professionnel.