These DINTRICH Marine Sans Annexe
These DINTRICH Marine Sans Annexe
These DINTRICH Marine Sans Annexe
THÈSE DE DOCTORAT
Soutenue à Aix-Marseille Université
le 9 Juin 2023 par
Marine Dintrich
L’inclusion scolaire des élèves en situation de
handicap dans le premier degré : quelles ressources
pour la formation et pour les enseignants ?
Discipline Composition du jury
Sciences de l’Éducation
Teresa ASSUDE Présidente du jury
École doctorale
ED356 Cognition, Langage, Éducation Professeure des universités
Aix-Marseille Université
Laboratoire/Partenaires de recherche
UR 4671 : Apprentissage, Didactique, Jean-Michel PEREZ Rapporteur
Évaluation, Formation (ADEF) Professeur des universités
Université de Lorraine
Je soussignée, Marine Dintrich, déclare par la présente que le travail présenté dans ce
manuscrit est mon propre travail, réalisé sous la direction scientifique de Caroline Ladage, dans
le respect des principes d’honnêteté, d'intégrité et de responsabilité inhérents à la mission de
recherche. Les travaux de recherche et la rédaction de ce manuscrit ont été réalisés dans le
respect à la fois de la charte nationale de déontologie des métiers de la recherche et de la charte
d’Aix-Marseille Université relative à la lutte contre le plagiat.
Ce travail n'a pas été précédemment soumis en France ou à l'étranger dans une version
identique ou similaire à un organisme examinateur.
2
Liste de publications et participation aux conférences
3
Résumé
L’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap dans les écoles du premier degré
nécessite des adaptations en classe et engendre des besoins en formation des enseignants. Cette
recherche s’intéresse au processus d’évolution du curriculum de la formation des enseignants à
l’école inclusive depuis sa mise à l’épreuve sur le terrain à travers les ressources utilisées et leurs
processus d’actualisations. Afin d’étudier la question de l’offre de ressources élaborées à
l’attention et par les enseignants pour l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap au
sein de leurs classes, le cadre de référence théorique privilégié est l’approche didactique et plus
particulièrement la théorie anthropologique du didactique, proposée par Chevallard (2007). Ce
cadre conceptuel est pris comme base pour une recherche qui s’inscrit dans une démarche
compréhensive et interdisciplinaire des phénomènes déterminant la diffusion et de
transposition didactique (des savoirs et des praxéologies) observables pour la production et
l’actualisation de ressources didactiques à destination des enseignants en formation initiale et
continue.
L’enquête s’appuie sur une méthode de recherche mixte articulant des démarches qualitatives
et quantitatives. D'une part, une enquête par entretiens afin de connaitre la nature des rapports
aux ressources ainsi que les perceptions des ressources relatives à l'inclusion scolaire grâce aux
discours libres des formateurs d’Instituts Nationaux Supérieurs du Professorat des Écoles
(INSPE) et des professionnels de Centres Médico Psychopédagogiques (CMPP). D’autre part, une
enquête par questionnaire recueillant 814 participations, afin d’élargir la compréhension de la
diffusion et la perception de ces ressources au sein d’une population enseignante élargie. Les
résultats mettent en lumière qu’il existe une prédominance de rapports personnels aux
questions que suscite l’école inclusive, sur des rapports institutionnels qui peinent à se
construire et à être diffusés, là où les enseignants témoignent de formations lacunaires ou
absentes. En ce sens, les praxéologies développées par les formateurs d’INSPE pour dispenser
les enseignements relatifs à l’école inclusive, celles aussi développées par les enseignants pour
assurer l’inclusion scolaire des ESH en classe et celles enfin développées par les professionnels
de CMPP pour accompagner les enfants en situation de handicap et collaborer avec les
enseignants, ne sont pas homogènes ; du fait des rapports personnels entretenus avec l’inclusion
scolaire, d’un manque de partage et d’une diversification nécessaire pour s’adapter aux
caractéristiques des situations et des contextes. Ce qui complexifie l’identification de savoirs de
référence, voire de ressources de référence, permettant de proposer une formation adéquate
aux besoins du terrain.
Mots clés
Inclusion scolaire – élèves en situation de handicap – formation – enseignants – didactique –
ressources
4
Abstract
The educational inclusion of students with disabilities in primary schools requires adaptations
in the classroom and generates teacher training needs. This research focuses on the process of
evolution of the teacher training curriculum for inclusive schools since its testing in the field
through the resources used and their updating processes. In order to study the issue of the
supply of resources developed for and by teachers for the educational inclusion of students with
disabilities in their classes, the preferred theoretical frame of reference is the didactic approach
and more particularly the anthropological theory of didactics proposed by Chevallard (2007).
This conceptual framework is taken as a basis for research that is part of a comprehensive and
interdisciplinary approach to the phenomena determining the dissemination and didactic
transposition (of knowledge and praxeologies) observable for the production and updating of
didactic resources intended for teachers in initial and continuing education.
The survey is based on a mixed research method combining qualitative and quantitative
approaches. On the one hand, a survey by interviews in order to know the nature of the
relationship to resources as well as the perceptions of resources relating to school inclusion
thanks to the free speeches of trainers from the National Higher Institutes of School Teachers
(INSPE) and professionals from Medico-Psycho-pedagogical Centers (CMPP). On the other hand,
a survey by questionnaire collecting 814 participations, in order to broaden the understanding
of the distribution and perception of these resources within a wider teaching population. The
results highlight that there is a predominance of personal relationships to the questions raised
by the inclusive school, over institutional relationships that struggle to be built and
disseminated, where teachers testify to incomplete or absent training. In this sense, the
praxeologies developed by the INSPE trainers to provide lessons relating to inclusive schooling,
those also developed by teachers to ensure the school inclusion of SWD in the classroom and
those finally developed by CMPP professionals to accompanying children with disabilities and
collaborating with teachers are not homogeneous; because of the personal relationships
maintained with inclusive education, a lack of sharing and the diversification necessary to adapt
to the characteristics of situations and contexts. This complicates the identification of reference
knowledge, or even reference resources, making it possible to offer training appropriate to the
needs in the field.
Keywords
School inclusion – students with disabilities – training - teachers – didactics – resources
5
« La plus belle histoire de l’homme c’est sa diversité. »
La société inclusive, parlons-en ! Charles Gardou (2012)
6
« La connaissance progresse en intégrant en elle l’incertitude, non en l’exorcisant. »
La Méthode La vie de la vie (1977), Edgar Morin
7
Remerciements
En premier lieu, je tiens à adresser mes remerciements les plus sincères à ma directrice de
thèse, Caroline Ladage, sans qui cette aventure doctorale n’aurait pu voir le jour. Je la remercie
infiniement pour son investissement, son accompagnement de qualité, sa bienveillance sans faille
et ses précieux conseils qui m’ont permis de me dépasser,
A mes cher.e.s collègues doctorants, qui malgré la distance géographique qui peut nous
séparer les uns des autres, ont rendu cette aventure plus douce,
Maintenant, mes pensées se tournent vers ma famille qui, tout au long de ce travail, m’a
apporté un soutien infaillible, dans les moments de joie comme dans les moments de doute. A vous,
Nanou et Papi, à toi Maman, à toi Rémi,
Je remercie enfin tous mes ami.e.s et collègues de travail qui, de près ou de loin m’ont
toujours soutenus dans ce projet, avec bienveillance et sans jugement, m’offrant par-ci, par-là, les
moments de décompression et d’évasion indispensables.
8
Table des matières
Avant-propos ................................................................................................................... 13
Introduction générale ....................................................................................................... 17
PREMIERE PARTIE : Contexte de la recherche ................................................................... 19
Chapitre 1 - Vers l’inclusion scolaire ................................................................................. 20
1.1. Les prescriptions supranationales.......................................................................................................... 20
1.1.1. De la reconnaissance des droits de l’enfant au droit à l’enseignement des enfants handicapés :
le principe d’intégration................................................................................................................................ 20
1.1.2. Intégrer les élèves en marge du système éducatif : émergence du mouvement inclusif ........... 21
1.1.3. Les principes directeurs de l’inclusion scolaire ............................................................................ 22
1.1.4. Synthèse sur le niveau international ........................................................................................... 23
1.2. Le cadre juridique français ..................................................................................................................... 24
1.2.1. De l’enfance anormale à l’enfance inadaptée (1900 à 1975) ...................................................... 24
1.2.2. L’école de l’intégration ................................................................................................................ 25
1.2.3. L’émergence du modèle inclusif : la loi du 11 février 2005 ......................................................... 26
1.2.4. La loi pour une refondation de l’école de la République ............................................................. 34
1.2.5. Les Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire (ULIS) .................................................................. 40
1.2.6. La loi du 29 juillet 2019 pour une école de la confiance ............................................................. 42
1.2.7. Le renforcement de l’école inclusive ........................................................................................... 43
1.2.8. Les Comités Interministériels du Handicap (CIH) ........................................................................ 47
1.2.9. La Conférence nationale du Handicap du 11 février 2020 .......................................................... 49
Chapitre 5 - La recherche sur la formation initiale des enseignants du premier degré ....... 82
5.1. L’évolution de la formation initiale des enseignants ............................................................................. 82
5.2. La formation initiale des enseignants à l’école inclusive ....................................................................... 84
10
9.2.3. Modèle d’analyse de contenu et traitement des données ........................................................ 134
9.3. Deuxième dispositif : les entretiens avec les professionnels de CMPP ............................................... 136
9.3.1. Construction de la grille d’entretien .......................................................................................... 136
9.3.2. Constitution et description de la population de recherche ....................................................... 137
9.3.3. Modèle d’analyse de contenu et traitement des données ........................................................ 139
Chapitre 12 - Résultats et analyse des entretiens avec les professionnels de CMPP ........ 176
12.1. Connaissance personnelle et institutionnelle de l’inclusion scolaire ................................................. 177
12.2. La collaboration avec les professionnels de la communauté éducative de l’éducation nationale .... 181
12.3. La collaboration avec les enseignants ................................................................................................ 183
12.4. Les ressources des professionnels de CMPP ...................................................................................... 185
12.5. Les ressources mises à disposition des enseignants dans le cadre de la collaboration
interprofessionnelle .................................................................................................................................... 188
12.6. Synthèse des résultats des entretiens avec les professionnels de CMPP .......................................... 191
12
Avant-propos
Cette thèse prend racine au cours de mon activité professionnelle en tant qu’assistante de
service social au sein d’un Centre Médico-Psychopédagogique (CMPP). Les CMPP sont des
établissements qui accueillent des enfants et des adolescents. Ils ont pour mission principale de
prendre en compte la souffrance de l’enfant ou de l’adolescent et, dans un souci de prévention,
de faciliter les relations avec son environnement familial, scolaire et social. Ils sont dotés d’une
équipe pluri professionnelle qui se compose d’un médecin en charge d’élaborer le projet de soin
de l’enfant, de psychomotriciens, d’orthophonistes, de psychologues, de secrétaires, d’un
assistant de service social et parfois, d’un éducateur et d’un enseignant spécialisé. Les
professionnels assurent des consultations ambulatoires.
Au sein de cette équipe, ma mission principale était de faire le lien entre le CMPP et les
professionnels des services et établissements extérieurs qui intervenaient auprès des enfants
que nous accompagnions. C’est la raison pour laquelle j’ai souvent eu l’occasion de travailler en
collaboration avec les professionnels de l’éducation nationale, afin de favoriser l’inclusion
scolaire des Élèves à Besoins Éducatifs Particuliers (EBEP) suivis au CMPP ; notamment ceux
reconnus en situation de handicap. En effet, j’étais chargée de me rendre dans les écoles ou les
collèges afin de représenter l’équipe du CMPP, le plus souvent, lors du dispositif dit des Équipes
de Suivi de Scolarisation (ESS) durant lesquelles le Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS)
des élèves ayant une reconnaissance handicap était réévalué. Organisées par les enseignants
référents à la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), ces réunions étaient
la plupart du temps composées d’au moins un représentant légal, parfois de l’élève concerné, du
ou des enseignants de ce dernier, du directeur de l’école ou de l’établissement, ainsi que d’autres
acteurs intervenant auprès de l’élève. Il s’agissait d’un temps où chaque professionnel ainsi que
le ou les représentant(s) légal(aux), échangeaient sur les potentialités et besoins de l’élève, son
évolution, mais aussi sur ses difficultés sur le plan des apprentissages, du comportement et des
relations sociales.
Cependant, j’ai pu constater que pour les enseignants, ces temps d’échanges étaient finalement
l’occasion de faire part de certaines de leurs difficultés quant aux adaptations pédagogiques à
mettre en place pour favoriser l’inclusion d’un EBEP dans le champ du handicap. J’ai pu
rencontrer des enseignants qui verbalisaient se sentir démunis, exprimant de manière plus ou
moins explicite un besoin de soutien par des professionnels « spécialistes » des troubles
rencontrés par l’élève. D’ailleurs, à l’issue de ces réunions, des enseignants m’interpellaient
13
souvent pour obtenir des informations sur les adaptations pédagogiques à mobiliser pour l’élève
concerné. Cela ne relevait pas de mon champ de compétences mais je leur proposais de contacter
directement le ou les thérapeutes de l’enfant afin qu’ils puissent échanger des conseils, des
astuces ou des outils pédagogiques.
Ainsi, au fur et à mesure que j’assistais à ces réunions mon questionnement en lien avec la
formation des enseignants relative à l’accueil des Élèves en Situation de Handicap (ESH) en
classe ordinaire a émergé : qu’est-ce qui fait que les enseignants soient autant en demande de
soutien pour l’accompagnement de ces élèves ? Quelles ressources ont-ils à leur disposition pour
les accompagner ? Ont-ils été formés pour accueillir des EBEP dans le champ du handicap dans
leur classe ?
Après avoir longuement échangé avec différents professionnels de la communauté éducative, je
me suis intéressée à la littérature, à la recherche de constats, afin de me rendre compte de
l’ampleur du phénomène que j’étais en train d’observer sur le terrain.
14
l’élève, et ensuite, pour obtenir des conseils sur les adaptations pédagogiques qu’ils pouvaient
mettre en place pour accompagner au mieux ce dernier.
Afin de délimiter notre1 sujet de recherche, notre choix de s’intéresser spécifiquement aux ESH
a évidemment soulevé différentes questions. La question du diagnostic, auquel les enseignants
n’ont pas accès pour raison de secret médical, nous permet de dire que lorsqu’il y a une
reconnaissance de la MDPH, la société reconnaît, de fait, le handicap ou les difficultés
rencontrées par l’élève. En effet, la MDPH est compétente pour étudier et statuer sur le dossier
d’un enfant qui présente des difficultés ou un handicap. La question du diagnostic ne se pose
donc plus. L’enseignant est simplement informé de la présence reconnue d’un handicap ou d’un
besoin particulier. Il ne connaît toutefois pas le diagnostic, à moins que les parents ou les
représentants légaux choisissent de le lui dire.
Par ailleurs, notre réflexion a été de se dire que, s’intéresser aux EBEP, reviendrait à s’intéresser
à tous les élèves, quels qu’ils soient, sans pouvoir réellement objectiver ce qui fait appel à la
perception que l’enseignant a de l’élève.
C’est pourquoi nous avons fait le choix de nous intéresser spécifiquement aux EBEP dans le
champ du handicap, sans pour autant omettre l’existence des autres besoins éducatifs
particuliers.
Nous avons ainsi choisi d’étudier, dans cette thèse, l’inclusion scolaire des ESH sous le prisme de
la formation des enseignants du premier degré et, plus particulièrement, de l’étude des
ressources mises à disposition des enseignants en formation initiale et celles sur lesquelles ils
déclarent s’appuyer ou qu’ils élaborent lorsqu’ils sont sur le terrain pour favoriser l’inclusion de
ces élèves.
L’inscription en doctorat a été effective en octobre 2019, au sein de l’école doctorale ED 356
Cognition, Langage, Éducation et de l’unité de recherche UR 4671 Apprentissage, Didactique,
Évaluation, Formation (ADEF) en sciences de l’éducation (SCE).
La posture du Doctorant-Praticien-Chercheur
Lors de mon inscription en doctorat, ma posture d’assistant de service social réflexive s’est donc
transformée en Doctorant-Praticien-Chercheur (DPC), c’est-à-dire « un chercheur encore
praticien […] entre deux mondes, dans une liminalité qui lui impose une temporalité propre,
puisqu’il est simultanément, et non successivement, praticien et chercheur » (Saint-Martin (de)
et al., 2014, « la posture spécifique du DPC »). Le fait de mener ma recherche dans un monde
professionnel en lien étroit avec mon domaine d’activité (De Lavergne, 2007) m’a poussée à
opérer un travail de distanciation, notamment en faisant des choix méthodologiques me
permettant de me démarquer de mon terrain professionnel. J’ai donc choisi de me distancier de
mes implications professionnelles en enquêtant sur des lieux différents de mon lieu de travail.
1 A présent, j’emploierai le nous « de modestie » pour désigner la communauté scientifique qui a participé à
l’élaboration du projet de thèse et qui m’a accompagnée tout au long de cette recherche doctorale.
15
Ma posture de DPC a pu se relativiser par le fait d’avoir choisi de m’intéresser à des
professionnels de formation différente de la mienne et exerçant dans un domaine d’intervention
différent du mien qu’est celui de l’enseignement.
Dans un premier temps, j’ai donc fait le choix d’interroger des formateurs d’INSPE. Ma posture
particulière de DPC n’a pas eu là, d’impact quant à l’accès au terrain ni au recueil de données,
puisque j’étais distanciée de mon domaine d’intervention. De la même manière, lors de la
réalisation du questionnaire en ligne à destination des enseignants du premier degré, qui
apparaît dans la partie méthodologie, ma posture de DPC n’a pas été présente et n’a pas eu
d’impact sur les réponses des enseignants.
En revanche, lorsque j’ai fait le choix d’élargir mon projet de recherche en interrogeant des
professionnels de CMPP qui interviennent dans le cadre de la collaboration avec ceux de
l’Éducation nationale pour l’inclusion scolaire des ESH, les effets de ma posture de DPC ont été
plus importants. L’accès au terrain a été facilité par mon réseau professionnel qui a pu me mettre
en relation avec d’autres professionnels, d’autres CMPP. A ce moment-là, ma posture de DPC a
eu des effets importants sur mon lieu de travail notamment dans la relation avec certains de mes
collègues du CMPP : « Ainsi, le DPC porte-il en lui une critique implicite de ses collègues, rendant
parfois d’autant plus difficile le travail commun, qu’il n’a pas encore acquis la légitimité
scientifique du chercheur. » (Saint-Martin (de) et al., 2014, « Les relations avec les acteurs »).
C’est pourquoi, au fil de ma recherche, ce travail de distanciation du DPC m’a conduit à me sentir
étrangère dans mon milieu professionnel, au point de faire le choix de quitter mon activité
professionnelle à la fin de ma deuxième année de thèse pour un poste de formatrice en travail
social. Lors de ma dernière année de thèse, je laisse alors ma posture de DPC pour une posture
plus distanciée de mon champ de recherche.
16
Introduction générale
En 2012-20132, en France, seulement 90 900 ESH étaient scolarisés en classe ordinaire, dans le
premier degré. Près de dix ans plus tard, en 2021-20223, c’est 158 505 ESH qui sont scolarisés à
l’école primaire ordinaire, soit 57,3 % de plus qu’en 2012-2013. Incontestablement, ces chiffres
font transparaitre les efforts et l’engagement fournis par les politiques publiques et le système
éducatif français pour inclure scolairement tous les enfants, sans aucune distinction ni
discrimination. La question de l’école inclusive apparait alors comme une question vive pour la
société, nécessitant de nombreuses adaptations. Dans cette perspective, la formation des
enseignants vise à être renforcée et harmonisée, notamment par la loi de 2013 pour une
refondation de l’école de la République et celle de 2019 pour une école de la confiance. Une
attention plus grande est alors accordée aux contenus des formations, au fil des réformes qui
remplacent successivement les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM) par les
Écoles Supérieures du Professorat et de l’Éducation (ESPE) et depuis 2019 par les Instituts
Nationaux Supérieurs du Professorat et de l’Éducation (INSPE).
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17
développées pour assurer l’école inclusive (les praxéologies inclusives). Ensuite, nous nous
référons à la Théorie de la Transposition Didactique (TTD) des savoirs et des praxéologies, aussi
bien externe pour étudier les choix des contenus et comment les connaissances circulent entre
les institutions, qu’à la transposition didactique interne, pour repérer et analyser l’utilisation et
les adaptations qui sont opérées par les formateurs et les enseignants. Une autre
conceptualisation qui intéresse notre thèse est celle de la théorie des rapports aux savoirs et aux
objets (Chevallard, 2003) pour étudier la question des ressources à partir de la perspective des
rapports personnels et institutionnels des acteurs. Enfin, la notion de praxéologie,
particulièrement utile à l’étude de la didactique, devrait nous permettre d’appréhender les
pratiques émergeantes pour la mise en œuvre de l’école inclusive au cœur de notre thèse et de
parler de praxéologies de l’inclusion scolaire ou de praxéologie inclusives.
Dans une première partie, nous nous attachons à contextualiser notre recherche. Pour cela,
après avoir resitué l’émergence et l’évolution de la place accordée aux élèves en situation de
handicap à l’école ordinaire, nous abordons l’évolution de l’organisation de la formation initiale
puis continue des enseignants du premier degré.
La deuxième partie propose une revue de littérature scientifique qui s’intéresse d’une part aux
recherches en éducation portant sur la manière dont la société a construit différents rapports au
handicap et plus particulièrement à la scolarisation des ESH et d’autre part, aux recherches
réalisées sur la formation des enseignants notamment au en lien avec l’inclusion scolaire. Puis,
sont abordées les recherches portant sur les ressources sur lesquelles les enseignants peuvent
s’appuyer, et la collaboration interprofessionnelle.
La troisième partie apporte un éclairage théorique avec la présentation des différents outils
issus de la TAD mobilisés dans la thèse, puis présente nos questions de recherche et nos
hypothèses.
La quatrième partie décrit les dispositifs méthodologiques mis en place pour la recherche et
enfin, une cinquième partie est consacrée à la présentation et à la discussion des résultats au
regard des questions de recherche et hypothèses de cette recherche.
18
PREMIERE PARTIE : Contexte de la recherche
19
Chapitre 1 - Vers l’inclusion scolaire
Ce premier chapitre vise à appréhender et comprendre l’émergence et l’évolution de la place
accordée aux enfants en situation de handicap à l’école jusqu’au principe de l’inclusion scolaire,
d’abord à travers les prescriptions supranationales, puis ensuite à travers le cadre juridique
français. Cette contextualisation met également en perspective l’écart temporel qu’il existe entre
l’émergence des principes directeurs de l’inclusion scolaire au niveau international et européen
et la prise en compte de ces derniers, plus de 20 ans après, dans la législation française.
Le principe de l’inclusion scolaire est apparu dans les prescriptions supranationales, au niveau
international et européen. Dès les années 1924, une attention est portée à tous les enfants et
plus particulièrement aux enfants handicapés. C’est ensuite au début des années 1980, que
l'Assemblée générale des Nations Unies adopte le Programme d'action mondial concernant les
personnes handicapées. Il prône la pleine et entière participation à la vie sociale des personnes
handicapées et le droit à l’enseignement obligatoire pour tous les enfants y compris pour ceux
qui présentent des incapacités les plus graves. Puis, bien que les années 1990 assurent le droit
et l’égalité d’accès à l’éducation des élèves aux besoins spéciaux, les années 2000 posent
officiellement les principes directeurs pour l’inclusion scolaire.
Le plus ancien et premier texte relatif aux droits de l'enfant est la Déclaration de Genève,
promulguée en 1924 par la Société des Nations (SDN). Bien que portant attention à tous les
enfants, elle s’intéresse particulièrement à une catégorie, se limitant toutefois « au stéréotype de
l'enfant "arriéré", d'autres handicaps ou difficultés n'étant pas pris en compte » (Ramel &
Vienneau, 2016, p. 28). Ce n’est que 35 ans plus tard, en 1959, qu’héritière de la SDN,
l'Organisation des Nations Unies (ONU) adopte la Déclaration des droits de l'enfant qui devient
le premier grand consensus international sur les principes fondamentaux des droits de l'enfant.
S’intéressant à tous les enfants, ces deux conventions portent une attention particulière aux
enfants handicapés (Ramel & Vienneau, 2016).
Dans les années 1970, le droit des personnes handicapées se développe à travers la Déclaration
des droits du déficient mental en 1971 et la Déclaration des droits des personnes handicapées
promulguée par l'ONU en 1975. La première stipule que les personnes mentalement retardées
bénéficient des mêmes droits que les autres êtres humains, ainsi que des droits spécifiques
correspondant à leurs besoins dans les domaines médical, éducatif et social ; la seconde fixe la
norme pour un traitement égal et pour l'accès aux services, contribuant ainsi à développer les
aptitudes des personnes handicapées et à accélérer leur intégration sociale :
Il y est demandé que des mesures soient prises pour favoriser la plus large autonomie
possible de la personne handicapée (art. 5) et la prise en compte de ses besoins
particuliers "à tous les stades de la planification économique et sociale" (art. 8). Il s’agit
également de lui reconnaître "les mêmes droits fondamentaux que ses concitoyens du
20
même âge, ce qui implique de manière principale celui de jouir d’une vie décente, aussi
normale et épanouie que possible" (art. 3) (Ramel & Vienneau, 2016, p. 29).
Ainsi, par ces deux déclarations qui prônent l’égalité des droits et l’accès à des droits spécifiques,
en fonction des besoins médicaux, éducatifs et sociaux, la personne handicapée tend, peu à peu,
à être considérée comme un sujet à part entière dans la société. Il s’agit du principe d’intégration.
Au début des années 1980, l'assemblée générale des nations unies adopte le Programme d'action
mondial concernant les personnes handicapées. Ce dernier « entend promouvoir des mesures
propres à assurer la pré vention de l'incapacité , la ré adaptation et la poursuite des objectifs qui
sont la "participation pleine et entiè re" des handicapé s à la vie sociale et au dé veloppement et
l’égalité » (ONU, 1982, p. 3) et rappelle que les enfants handicapés doivent avoir le même droit
à l’enseignement que les autres. En effet, le programme stipule que, « dans toute la mesure du
possible, l’enseignement des personnes handicapées devrait se faire dans le cadre du système
général d’enseignement » (ONU, 1982, p. 28). Puis, il précise que « la législation sur
l’enseignement obligatoire devrait s’appliquer aux enfants présentant des incapacités de tous
types, y compris les plus graves » (ONU, 1982, p. 28).
Finalement, jusqu'en 1990, l'ONU se préoccupe de la reconnaissance des droits des personnes
handicapées, en les considérant comme des membres à part entière de la société. Puis, il s’agit
de réintégrer les enfants et les jeunes qui ont longtemps été exclus, en leur permettant de
bénéficier d’une éducation et de soins spécialisés (Ramel & Vienneau, 2016). Ainsi, la prise en
compte des droits éducatifs de toutes catégories d’ESH ou présentant des difficultés
d’apprentissage et d’adaptation semble peu à peu dessiner les contours de l’inclusion scolaire
même.
21
Vienneau, 2016, p. 31). S’appuyant sur la Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous
(UNESCO, 1990), cette déclaration marque une étape déterminante dans l’histoire de la
scolarisation des ESH en ce qu’elle proclame la reconnaissance internationale du droit à une
éducation inclusive et non plus simplement à une éducation intégrée. En effet, l’éducation
inclusive vise à faire pleinement et entièrement participer les élèves ayant des besoins éducatifs
spéciaux à la vie scolaire et sociale, tandis que l’éducation intégrée pouvait uniquement se
limiter à une intégration physique au sein de l’école ordinaire.
La Déclaration de Salamanque met alors en avant l’éducation comme un droit fondamental de
chaque enfant et précise que
chaque enfant a des caractéristiques, des intérêts, des aptitudes et des besoins
d’apprentissage qui lui sont propres, les systèmes éducatifs doivent être conçus et les
programmes appliqués de manière à tenir compte de cette grande diversité de
caractéristiques et de besoins (UNESCO, 1994, paragr. viii).
Cette déclaration, adoptée par plus de 300 représentants de 92 gouvernements et de 25
organisations internationales, affirme alors que
l’école devrait accueillir tous les enfants, quelles que soient leurs caractéristiques
particulières d’ordre physique, intellectuel, social, affectif, linguistique ou autre. Elle
devrait recevoir aussi bien les enfants handicapés que les surdoués, les enfants des rues
et ceux qui travaillent, les enfants des populations isolées ou nomades, ceux des minorités
linguistiques, ethniques ou culturelles ainsi que les enfants d’autres groupes défavorisés
ou marginalisés (UNESCO, 1994, p. 6).
La Déclaration de Salamanque et le cadre d’action pour les besoins éducatifs spéciaux (UNESCO,
1994), proposent de « travailler à la création d’écoles pour tous c’est-à-dire d’établissements
accueillant tous les enfants exaltant les différences, épaulant les élèves dans leur apprentissage
et répondant aux besoins individuels de chacun » (UNESCO, 1994, paragr. iii). Pour la première
fois, le terme « inclusion » apparaît, principalement associé aux besoins spéciaux des enfants
(Ramel & Vienneau, 2016). « Ce discours trouvera dès lors un écho dans la plupart des pays
occidentaux et fera son chemin dans les politiques nationales » (Ramel & Vienneau, 2016, p. 32).
Ainsi, si les années 1990 prônent le droit et l’égalité d’accès à l’éducation des élèves aux besoins
spéciaux, les années 2000 posent officiellement les principes directeurs pour l’inclusion scolaire.
Le Forum mondial sur l’éducation, organisé par l’UNESCO en 2000, adopte un cadre d’action
visant à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement. Dans cette déclaration du
Millénaire, « les dirigeants mondiaux s’engagent à combattre la pauvreté, la faim, la maladie,
l’illettrisme, la dégradation de l’environnement et les discriminations à l’égard des femmes »
(OMS, 2018, « Principaux faits »). Le cadre d’action désigne huit objectifs que les États Membres
de l’ONU sont convenus de réaliser d’ici l’année 2015 notamment l’accès de tous les enfants à un
enseignement primaire gratuit et obligatoire.
En 2001, le programme phare de l’Éducation Pour Tous consacré au droit à l’éducation des
personnes handicapées met en avant l’inclusion (Ramel & Vienneau, 2016) et en 2005, les
principes directeurs pour l’inclusion : assurer l’accès à l’EPT de l’UNESCO doivent « permettre
22
de rendre les plans nationaux d’éducation/l’Education Pour Tous […] plus inclusifs, dans le but
d’assurer l’accès à une éducation de qualité à TOUS les apprenants » (UNESCO, 2005, p. 5).
Enfin, la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées de 2006 a
été adoptée par 153 pays et ratifiée par 107 dont la France en 2010. Elle préconise l’éducation
inclusive dans son article 24 et dispose que les États Parties veillent à ce que les enfants et les
personnes handicapées ne soient pas exclus, sur le fondement de leur handicap, du système
d'enseignement général.
Pendant longtemps, l’inclusion a été essentiellement associée à la question du handicap dans les
prescriptions supranationales (Ramel & Vienneau, 2016). Mais la volonté des rédacteurs était
que toute définition de l’inclusion devrait souligner qu’il s’agit de tenir compte de tous les
apprenants et ne pas répondre seulement à la diversité et aux besoins d’un enfant au
détriment d’un autre. […] L’éducation inclusive doit donc s’inscrire dans une perspective
d’éducation pour tous, sans se limiter à une catégorie d’enfants » (Ramel & Vienneau,
2016, p. 33).
Ainsi, en 2009, les principes directeurs pour l’inclusion dans l’éducation définissent l’éducation
inclusive comme un processus
qui vise à prendre en compte et à satisfaire la diversité des besoins de tous – enfants,
jeunes et adultes – par une participation accrut à l’apprentissage, à la vie culturelle et à la
vie communautaire, et par une réduction du nombre de ceux qui sont exclus de
l’éducation ou exclus au sein même de l’éducation. (UNESCO, 2009, p. 9).
La reconnaissance des droits de l’enfant en 1924 par la Déclaration de Genève a marqué le début
d’une préoccupation concernant les enfants « arriérés » de l’époque. Tout au long du XXe siècle,
cette préoccupation s’est élargie des enfants handicapés jusqu’aux enfants à besoins éducatifs
spéciaux.
Le principe de l’intégration a été instauré dans les années 1970 considérant les personnes
handicapées comme des personnes à part entière dans la société. Dans le domaine scolaire, il
s’agissait de réintégrer les enfants qui ont longtemps été exclus du système éducatif, leur
permettant de bénéficier d’une éducation et de soins spécialisés (Ramel & Vienneau, 2016).
Cependant, la recherche scientifique contribuera à le mettre en lumière, cela n’impliquait pas
que les enfants pouvaient pleinement participer à la vie sociale de l’école.
Vingt ans plus tard, l’attention est portée plus largement à la prise en compte des droits éducatifs
de toutes catégories d’ESH ou présentant des difficultés d’apprentissage et d’adaptation.
L’objectif est alors de créer un accès universel à l’éducation de base pour tous les enfants, jeunes
et adultes avant la fin de la décennie. L’école se voit ainsi dans le devoir de relever le défi
d’inclure tous les élèves sans distinction. Les années 90 marquent ainsi l’émergence du principe
de l’inclusion, venant remplacer peu à peu celui de l’intégration, en vigueur pendant longtemps.
Bien que l’inclusion ait longtemps été associée à la question du handicap, la volonté était plus
largement de prendre en compte les besoins éducatifs de tous les élèves.
23
Ces prescriptions supranationales ont alors conduit les pays occidentaux à mettre le cap sur
l’inclusion scolaire, rappelant leur responsabilité dans la mise en œuvre d’un système scolaire
permettant l’accès à une éducation de qualité à tous les apprenants (Ramel & Vienneau, 2016).
Dans cette partie il s’agit de mettre en évidence l’évolution des prescriptions institutionnelles
françaises en matière de scolarisation des enfants en situation de handicap. Le cadre juridique
français s’est construit en partie sous l’influence des textes internationaux qui ont conduit notre
société à relever le défi de s’inscrire dans le mouvement inclusif (Gardou, 2014).
En France, trois grandes vagues d’injonctions législatives marquent la scolarisation des enfants
en situation de handicap, dont nous proposons de rendre compte à travers les différents textes
nationaux qui régissent le cadre juridique français, à savoir les textes législatifs, réglementaires
et administratifs.
Il faudra attendre 1975 pour que la loi sur l’orientation en faveur des personnes handicapées
propose une politique spécifique à cette population et marque le début de la seconde vague
d’injonctions législatives relatives à la scolarisation des enfants en situation de handicap.
Bien que cette loi ne propose pas de définition législative du handicap, elle vise à définir et à
garantir les droits des personnes handicapées en consacrant le statut social de la personne
handicapée. En effet,
devant l’absence de consensus dans les milieux médicaux et éducatifs sur cette notion, le
législateur décide de contourner la difficulté en ne donnant pas de définition précise du
handicap, mais en contraignant les professionnels aux points de vue divergents à
s’accorder sur chaque cas individuel (Mazereau, 2012, p. 33).
Au sujet de l’éducation, la loi pose le principe de l’enseignement obligatoire et place au premier
rang la scolarisation en milieu ordinaire. Les enfants et adolescents handicapés « satisfont à cette
obligation en recevant soit une éducation en milieu ordinaire, soit, à défaut, une éducation
spéciale, déterminée en fonction des besoins particuliers de chacun d’eux » (Caraglio, 2017,
p. 31). En ce sens, l’esprit de la loi s’inscrit dans le principe de l’intégration même si l’expression
d’« intégration scolaire » ne figure pas explicitement dans le texte.
Dans les années 1980, les textes internationaux, notamment ceux proposés en anglais par l’OMS
sous le titre « International Classification of Impairments, Disabilities, and Handicaps. A manual of
classification relating to the consequences of disease » (World Health Organization, 1980), font
évoluer les orientations françaises vers la promotion des mesures d’intégration en milieu
ordinaire et la transformation du milieu spécialisé. Par conséquent, la loi d’orientation sur
l’éducation de 1989 est fondamentale en ce qu’elle garantit à chacun le droit à l’éducation : « Le
droit à l’éducation est garanti à tous […]. L’intégration des jeunes handicapés est favorisée. Les
établissements et services de soins et de santé y participent » (Caraglio, 2017, p. 34). Dans cette
même perspective, la circulaire n° 91-304 du 18 novembre 1991 vient substituer les classes
spéciales (classes de perfectionnement, classes pour handicapés sensoriels, classes pour
handicapés moteurs, etc.) par les Classes Localisées d’Intégration Scolaire (CLIS) dans certaines
écoles élémentaires et exceptionnellement en maternelle. Ces classes accueillent de façon
différenciée
des élèves handicapés physiques ou handicapés sensoriels ou handicapés mentaux qui
peuvent tirer profit, en milieu scolaire ordinaire, d’une scolarité adaptée à leur âge et à
leurs capacités, à la nature et à l’importance de leur handicap. L’objectif des CLIS est de
permettre à ces élèves de suivre totalement ou partiellement un cursus scolaire ordinaire
(circulaire n° 91-304 du 18 novembre 1991).
25
Ainsi, jusqu’au début des années 2000, les textes législatifs français s’inscrivent dans une
dynamique d’intégration et de reconnaissance des droits de la personne handicapée. Malgré la
difficulté pour l’école de s’adapter de façon à accueillir des ESH, « le temps n’est plus où
l’institution scolaire pouvait s’exonérer de cette responsabilité éducative » (Caraglio, 2017,
p. 36).
Vingt ans après la loi de 1975, et trente ans après que le modèle de l’intégration prévalait dans
les institutions scolaires françaises, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des
chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées , a permis de passer d’une
pédagogie spécialisée centrée sur les troubles et la pathologie, à une pédagogie prenant en
compte la personne, comme sujet de droit, à travers une dimension systémique (Bataille &
Midelet, 2018) et avec comme principe fondamental la non-discrimination. Cette loi réforme et
remplace la loi de 1975. Il ne s’agit pas d’une simple amélioration de cette dernière mais plutôt
d’une véritable refondation (Gohet, 2007).
En effet, en 2003, le Président de la République de l’époque, Jacques Chirac, sensible aux
questions du handicap, décide au début de son quinquennat, de rénover la politique du handicap
et en fait une priorité présidentielle. Cette volonté politique est alors soutenue par de
nombreuses associations de personnes handicapées, de parents d’élèves et d’associations plus
spécialisées ou plus diversifiées (Poucet, 2016).
Dans le même temps, tandis que l’Éducation nationale travaillait sur un projet de circulaire
générale « sur l’adaptation et l’intégration » afin d’actualiser les réseaux d’aides spécialisées, le
projet de loi s’est inscrit
dans la suite du débat ayant eu lieu autour de la loi du 4 mars 2002 "relative aux droits
des malades et de la qualité du système de santé". Celle-ci dite loi Kouchner répondait
notamment à une question liée à une actualité alors brulante : devait-on compenser le fait
d’être né handicapé ? (Poucet, 2016, p. 40).
Le projet de loi, déposé le 28 janvier 2004, au Sénat puis à l’Assemblée nationale a été voté
solennellement le 3 février 2005 et promulgué le 11 février (Poucet, 2016). Le texte de loi
définitif du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées se compose alors d’une centaine d’articles et apporte
des modifications qui touchent quinze codes dont celui de l’éducation, de la santé publique et de
l’action sociale et des familles (Calin, 2005). « Par ailleurs, il ne faut pas oublier que décrets et
circulaires ont été ensuite rédigés pour mettre en œuvre la loi : ils sont au nombre de 80 – c’est
dire l’ampleur du travail mené et sa complexité » (Poucet, 2016, p. 42).
Au moyen de la loi du 11 février 2005, la société s’accorde pour la première fois sur une
définition législative du handicap :
Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction
de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en
raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions
physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un
trouble de santé invalidant (CASF, art. L. 114).
26
Cette définition, élaborée dans un contexte de « démédicalisation partielle associée à une prise
en compte de l’environnement, et enfin celui des engagements internationaux concernant la
lutte contre les discriminations » (Caraglio, 2017, p. 13), ne définit plus le handicap comme un
écart à la norme. Ce dernier est désormais considéré par une atteinte importante et durable de
la personne dans une ou plusieurs de ses fonctions humaines. Il s’agit de prendre en compte les
conditions environnementales du handicap et de changer le regard social porté sur les
personnes handicapées (Calin, 2005).
De plus, « cette nouvelle législation a pour ambition de répondre aux trois attentes exprimées
par les citoyens handicapés : l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire national, des
réponses de proximité, une simplification et une clarification des procédures » (Gohet, 2007,
p. 6-7). Pour y parvenir, la loi s’articule autour de deux grandes innovations : une consacrée à la
création d’un droit à la compensation et une autre consacrée à la création de nouvelles
structures et de nouvelles instances que sont principalement les Maisons Départementales pour
les Personnes Handicapées (MDPH) et les Commissions des droits et de l’autonomie des personnes
handicapées (CDAPH).
Un droit à la compensation
Le droit à la compensation représente une grande innovation de la loi, qui considère que
toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale,
qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus à
tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. L’État est garant de l’égalité
de traitement des personnes handicapées sur l’ensemble du territoire et définit des
objectifs pluriannuels d’actions (CASF, art. L. 114-1).
Ainsi, le principe posé par la loi est que « la personne handicapée a droit à la compensation des
conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou
son mode de vie » (CASF, art. L. 114-1-1). Ce droit, dû par la collectivité aux personnes
handicapées, consiste à répondre à l’ensemble des besoins de la personne et se traduit par une
prestation de compensation. Pouvant compléter d’autres prestations sociales, cette prestation
« a le caractère d'une prestation en nature qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en
nature ou en espèces » (CASF, art. L. 245-1). Elle peut concerner des biens et des services.
28
Une équipe pluridisciplinaire évalue les besoins de compensation de la personne
handicapée et son incapacité permanente sur la base de son projet de vie et de références
définies par voie réglementaire et propose un plan personnalisé de compensation du
handicap. Elle entend, soit sur sa propre initiative, soit lorsqu'ils en font la demande, la
personne handicapée, ses parents lorsqu'elle est mineure, et la personne chargée de la
mesure de protection juridique s'il s'agit d'un majeur faisant l'objet d'une mesure de
protection juridique avec représentation relative à la personne. Dès lors qu'il est capable
de discernement, l'enfant handicapé lui-même est entendu par l'équipe pluridisciplinaire.
L'équipe pluridisciplinaire se rend sur le lieu de vie de la personne soit sur sa propre
initiative, soit à la demande de la personne handicapée […] (CASF, art. L. 146-8).
Le décret n° 2005-1587 du 19 décembre 2005 relatif à la MDPH précise toutefois que l’équipe
pluridisciplinaire peut se composer de
professionnels ayant des compétences médicales ou paramédicales, des compétences
dans les domaines de la psychologie, du travail social, de la formation scolaire et
universitaire, de l’emploi et de la formation professionnelle. Sa composition doit
permettre l’évaluation des besoins de compensation du handicap, quelle que soit la
nature de la demande et le type du ou des handicaps ; cette composition peut varier en
fonction des particularités de la situation de la personne handicapée (CASF, art. R. 146-
27).
À l’issue de son évaluation, l’équipe pluridisciplinaire propose un plan personnalisé de
compensation du handicap à la CDAPH. Ce plan personnalisé de compensation
comprend des propositions de mesures de toute nature, notamment concernant des
droits ou prestations […], destinées à apporter, à la personne handicapée, au regard de
son projet de vie, une compensation aux limitations d'activités ou restrictions de
participation à la vie en société qu'elle rencontre du fait de son handicap. Le plan
personnalisé de compensation comporte, le cas échéant, un volet consacré à l'emploi et à
la formation professionnelle ou le projet personnalisé de scolarisation […] (CASF, art. R.
146-29).
Il est également transmis à la personne handicapée ou à son représentant légal afin que ces
derniers puissent faire part de leurs observations qui seront prises en compte par la CDAPH.
31
était systématiquement exclu de tous les projets, pédagogiques ou autres, le concernant » (Calin,
2005, p. 198).
En résumé, la loi de 2005 a permis de passer d’une pédagogie spécialisée référée à l’étiologie des
troubles à une pédagogie centrée sur la personne comme sujet de droit, éducable dans ses
dimensions corporelles, affectives et cognitives (Bataille & Midelet, 2018). L’élève handicapé est
désormais considéré dans son environnement et sa dimension systémique. Remplaçant la loi de
1975 tout en s’inscrivant dans sa continuité, la loi de 2005 a grandement participé à la
refondation des droits des personnes handicapées. Plus particulièrement, avec la mise en œuvre
33
d’un système scolaire permettant l’accès à une éducation en milieu ordinaire des élèves
handicapés, la loi a mis le cap sur l’inclusion scolaire encouragée par les instances
internationales. « Même si le terme inclusion n’est pas explicitement utilisé dans la loi du 11
février 2005, les valeurs et les principes d’action qui y sont présents renvoient à une philosophie
de société inclusive et de droits humains » (Le Capitaine, 2013, p. 125).
Ce n’est que huit ans après la loi du 11 février 2005, qu’un projet de Loi d’orientation et de
programmation pour la refondation de l’école de la République est présenté par le ministre de
l’Éducation nationale en janvier 2013. Le postulat de départ s’appuie sur les résultats
insatisfaisants du système éducatif français.
Les résultats des élèves sont en baisse, notamment pour ce qui concerne la maîtrise de la
langue française, les écarts se creusent entre les élèves ayant les meilleurs résultats et
ceux - de plus en plus nombreux - qui obtiennent les résultats les plus faibles (Légifrance,
2013, p. 6).
« Issu d’un long travail de concertation associant tous les acteurs de l’éducation, ce projet de loi
traduit les engagements du gouvernement pour la construction de l’École de demain, une école
juste pour tous et exigeante pour chacun » (Assemblée Nationale, 2013, « Extrait du compte
rendu du Conseil des ministres du 23/01/13 »). C’est ainsi que la Loi d’orientation et de
programmation pour la refondation de l’école de la République, promulguée le 8 juillet 2013, fait
figurer pour la première fois la notion d’inclusion scolaire. Son article 2 « reconnaît que tous les
enfants partagent la capacité d'apprendre et de progresser. Il veille à l'inclusion scolaire de tous
les enfants, sans aucune distinction ».
En effet, cette loi, dite « loi Peillon » a pour objet de faire de l’école un lieu de réussite,
d’autonomie et d’épanouissement pour tous, et notamment, de permettre et d’améliorer l’accès
à une scolarité ordinaire pour les élèves en situation de handicap. Elle insiste sur de grands
principes comme la lutte contre les inégalités sociales et territoriales, l’inclusion scolaire, la
mixité sociale, la participation des parents et l’affirmation d’une « communauté éducative ».
L'éducation est la priorité nationale. Le service public de l'éducation est conçu et organisé
en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l'égalité des chances et à lutter
contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative.
Il reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d'apprendre et de progresser. Il
veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction. Il veille
également à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements
d'enseignement. Pour garantir la réussite de tous, l'école se construit avec la participation
des parents, quelle que soit leur origine sociale. Elle s'enrichit et se conforte par le
dialogue et la coopération entre tous les acteurs de la communauté éducative (C. éduc.,
art. L. 111-1).
Par « communauté éducative », le législateur entend le rassemblement de tous les acteurs qui
participent à la mise en œuvre de l’école inclusive. « Elle réunit les personnels des écoles et
établissements, les parents d'élèves, les collectivités territoriales, les associations éducatives
34
complémentaires de l'enseignement public ainsi que les acteurs institutionnels, économiques et
sociaux, associés au service public de l'éducation » (C. éduc., art. L. 111-3).
Dans la perspective de relever le défi de l’inclusion scolaire, la loi met l’accent sur la scolarisation
des élèves en marge du système éducatif, en renforçant les actions de soutien aux élèves en
difficulté, qui présentent des besoins éducatifs particuliers. En effet,
elle a pour but de renforcer l'encadrement des élèves dans les écoles et établissements
d'enseignement situés dans des zones d'environnement social défavorisé et des zones
d'habitat dispersé, et de permettre de façon générale aux élèves en difficulté, quelle qu'en
soit l'origine, en particulier de santé, de bénéficier d'actions de soutien individualisé (C.
éduc., art. L. 111-1).
Finalement, « l’enjeu est de permettre à chaque é lè ve d’acqué rir des compé tences qui lui
permettront d’accé der à une formation adapté e à ses attentes et à ses besoins » (Légifrance,
2013, p. 7). Pour cela la loi a travaillé sur trois axes principaux que sont l’organisation de la
scolarité en cycles, le développement du numérique à l’école et la formation initiale des
enseignants.
Par ailleurs, le projet de loi stipule que les ressources numériques sont un moyen d’enrichir le
contenu des enseignements de manière considérable. C’est pourquoi l’objectif est de permettre
aux professeurs d’accroître le contenu de leurs enseignements avec de nouvelles ressources
issues du numérique. Toutefois, l’enjeu majeur est d’assouplir le droit français en matière de
propriété intellectuelle de façon à élargir le domaine de l’exception pédagogique. En effet,
jusqu’alors, celle-ci
est limitée à des "extraits d’œuvres" issus d’une publication papier et exclut les extraits
provenant d’un support numérique. Grâce à l’élargissement du champ de cette exception
pédagogique, les enseignants pourront, par exemple, dorénavant utiliser directement les
ouvrages édités sous forme numérique, alors qu’ils devaient auparavant les scanner ou
en saisir le contenu (MEN, 2013, p. 4).
Ainsi, par une modification de l’article L122-5 du code de la propriété intellectuelle, l’article 55
de la loi « propose donc d’une part d’élargir l’exception pédagogique aux sujets d’examen et de
concours organisés dans la prolongation des enseignements et d’autre part de permettre aux
enseignants d’utiliser des extraits d’œuvres disponibles via une édition numérique de l’écrit »
(Légifrance, 2013, p. 39).
Afin de ne pas oublier l’existence des Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire (ULIS) qui ne
font ni partie de la loi de 2013, ni de celle de 2019, il nous semble important de les mentionner
à ce stade de notre analyse du cadre juridique français, étant donné qu’elles font pleinement
partie du cadre de la scolarisation des ESH.
A l’origine, la circulaire n°91-304 du 18 novembre 1991 créée les Classes d’Intégration scolaire
(CLIS) pour remplacer les classes de perfectionnement en vigueur jusqu’alors. Ces classes sont
destinées aux enfants qui présentent un handicap mental ou aux « élèves pour lesquels il est
possible d’établir une relation déterminante "entre des difficultés scolaires importantes et des
troubles ou retards du développement mental exprimés par une simple déficience intellectuelle
ou des états déficitaires" » (Dorison, 2006, p. 58). Une reconnaissance de handicap par la CDES
est alors nécessaire pour qu’un enfant soit accueilli en CLIS. La CLIS compte pour une classe dans
le calcul du nombre de classes dans l’école, mais l’effectif est limité à 12 élèves. Ces classes sont
confiées à des instituteurs ou à des professeurs des écoles spécialisés.
L’organisation et le fonctionnement des CLIS n’ont pas subi de grands changements dans la
circulaire n° 2002-113 du 30 avril 2002 et la circulaire n° 2009-087 du 17 juillet 2009, si ce n’est
40
la modification de l’acronyme « Classes d’Intégration Scolaire » par « Classe localisée pour
l’intégration scolaire ». Les MDPH se chargent désormais de l’orientation des enfants en CLIS.
Puis, le 21 août 2015, une circulaire relative aux ULIS stipule qu’à partir de la rentrée 2015,
l’appellation CLIS sera remplacée par « Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire » (ULIS). Il s’agit
d’un dispositif ouvert qui constitue une des modalités de mise en œuvre de l’accessibilité
pédagogique. Les élèves orientés en ULIS sont ceux qui, en plus des aménagements et
adaptations pédagogiques et des mesures de compensation mises en œuvre par les équipes
éducatives, nécessitent un enseignement adapté dans le cadre de regroupements. Au regard du
PPS de l’élève, les CDAPH, peuvent l’orienter vers une ULIS « qui offre aux élèves la possibilité
de poursuivre en inclusion des apprentissages adaptés à leurs potentialités et à leurs besoins et
d’acquérir des compétences sociales et scolaires, même lorsque leurs acquis sont très réduits »
(circulaire n°2015-129 du 21 août 2015).
La constitution du groupe d’élèves d’une ULIS ne doit pas viser une homogénéité absolue des
élèves, mais une compatibilité de leurs besoins et de leurs objectifs d’apprentissage, condition
nécessaire à une véritable dynamique pédagogique. En ce sens, la circulaire propose une liste
des dénominations des ULIS, permettant à l'autorité académique de réaliser une cartographie
des ULIS en mentionnant les grands axes de leur organisation et offrant à l'ensemble des
partenaires une meilleure lisibilité :
- TFC : troubles des fonctions cognitives ou mentales ;
- TSLA : troubles spécifiques du langage et des apprentissages ;
- TED : troubles envahissants du développement (dont l'autisme) ;
- TFM : troubles des fonctions motrices ;
- TFA : troubles de la fonction auditive ;
- TFV : troubles de la fonction visuelle ;
- TMA : troubles multiples associés (pluri-handicap ou maladie invalidante) (circulaire
n°2015-129 du 21 août 2015, art. 1-1).
De plus, elle précise que
L'enseignant affecté sur le dispositif est nommé coordonnateur de l'Ulis. Cette fonction
est assurée par un enseignant spécialisé, titulaire du CAPA-SH ou du 2CA-SH. Il appartient
à l'autorité académique compétente d'arrêter pour chaque Ulis la ou les options qui
ouvrent droit à exercer dans l'Ulis considérée, le cas échéant.
L'action du coordonnateur s'organise autour de 3 axes :
- l'enseignement aux élèves lors des temps de regroupement au sein de l'Ulis ;
- la coordination de l'Ulis et les relations avec les partenaires extérieurs ;
- le conseil à la communauté éducative en qualité de personne ressource (circulaire
n°2015-129 du 21 août 2015, art. 1-4).
Le rôle du coordonnateur est d’organiser
le travail des élèves en situation de handicap dont il a la responsabilité en fonction des
indications portées par les PPS et en lien avec l'équipe de suivi de la scolarisation (ESS).
Enfin, s'il n'a pas prioritairement vocation à apporter un soutien professionnel aux
enseignants non spécialisés, il est cependant, dans l'établissement, une personne
ressource indispensable, en particulier pour les enseignants des classes où sont
scolarisés les élèves bénéficiant de l'Ulis, afin de les aider à mettre en place les
41
aménagements et adaptations nécessaires (circulaire n°2015-129 du 21 août 2015, art.
1-4).
Enfin, le projet de l’ULIS peut prévoir l’affectation par l’inspecteur d’académie, d’un auxiliaire de
vie scolaire collectif (AVSco). Ce dernier travaille sous la responsabilité du coordonnateur de
l’Ulis :
Il participe à l'encadrement et à l'animation des actions éducatives conçues dans le cadre
de l'Ulis. Il participe à la mise en œuvre et au suivi des projets personnalisés de
scolarisation des élèves et il participe à ce titre à l'équipe de suivi de la scolarisation. Il
peut intervenir dans tous les lieux de scolarisation des élèves bénéficiant de l'Ulis en
fonction de l'organisation mise en place par le coordonnateur. Il peut notamment être
présent lors des regroupements et accompagner les élèves lorsqu'ils sont scolarisés dans
leur classe de référence (circulaire n°2015-129 du 21 août 2015, art. 1-2).
Le 5 décembre 2018, le projet de loi pour une école de la confiance fait le constat que les lois
successives depuis la fin du XIXe siècle ont permis d’inscrire l’instruction obligatoire dans les
principes de la République que sont la liberté, l’égalité et la fraternité : « l’égalité entre tous les
enfants de France, sans distinction aucune » (Assemblée nationale, 2019, p. 3).
Dans ce prolongement, le gouvernement porte aujourd’hui l’ambition républicaine de
concrétiser l’obligation d’instruction dès l’âge de trois ans, considérant que « l’école maternelle,
née d’un souci d’égalité sociale a progressivement affirmé son identité et sa place singulière dans
le système éducatif français » (Assemblée nationale, 2019, p. 3). En effet, elle constitue le
tremplin vers la réussite en préparant les apprentissages fondamentaux dispensés à l’école
primaire et tend à réduire les inégalités sociales entre les élèves.
En portant à l’âge de trois ans l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire, ce projet
de loi s’inscrit dans la tradition républicaine des lois scolaires de la République. Il offre
également à l’école et à ses partenaires, en particulier les collectivités territoriales, des
leviers pour se projeter vers l’avenir : renforcer l’ouverture de notre école sur le monde,
les innovations pédagogiques et faire de l’évaluation un outil de connaissance au service
de la communauté éducative, du progrès de chacun et de l’égalité entre tous (Assemblée
nationale, 2019, p. 4).
Conscient que ces objectifs inspirent l’action quotidienne des professeurs, le gouvernement se
donne également pour objectif de renforcer la formation de ces derniers afin d’élever le niveau
général. « Dans ce cadre, le pré-recrutement doit être un levier d’attractivité du métier de
professeur qui doit demeurer ce qu’il a toujours été une voie de promotion, d’ascension et de
justice sociale » (Assemblée nationale, 2019, p. 4).
Ainsi, promulguée le 26 juillet 2019, la loi pour une école de la confiance, aussi appelée « loi
Blanquer », a permis d’assurer une scolarisation de qualité à tous les élèves de la maternelle au
lycée et d’affermir le socle de formation des personnels de l’éducation, en particulier les
professeurs. Elle a également procédé à de nombreux changements terminologiques,
remplaçant le mot « handicapé » par « en situation de handicap », les mots « inclusion scolaire »
42
par « scolarisation inclusive », « intégration dans la société » par « dans une société inclusive »
(loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019, art. 27) ou encore rajoutant la notion de « besoins éducatifs
particuliers » et « élèves à haut potentiel » (C. éduc., art. L721-2). Ces changements viennent
attester et renforcer la volonté des pouvoirs publics de s’inscrire dans un paradigme inclusif.
Garantir une scolarisation de qualité à tous les élèves qui prenne mieux en compte leurs
singularités et leurs besoins éducatifs particuliers est l’esprit du chapitre IV de la loi consacré au
renforcement de l’école inclusive : créer un accompagnement humain au plus près des besoins
pédagogiques de chaque élève et renforcer la formation et le statut des accompagnants.
43
scolaires de l’éducation nationale est donc organisée par convention « afin d'assurer la
continuité du parcours de scolarisation des ESH qu'ils accompagnent et de déterminer les
conditions permettant l'intervention dans les établissements [scolaires] » (CASF, art. L. 312-1).
Mais « à terme, les PIAL bénéficieront de l’appui des professionnels du secteur médico-social,
coordonné en "pôle ressources", qui interviendront dans les établissements scolaires » (MEN,
2022, « L’école inclusive : le PIAL qu’est-ce que c’est ? »). Pour cela, des équipes mobiles d’appui
médico-social aux établissements scolaires seront créées pour la scolarisation des enfants en
situation de handicap.
La mise en place de ces é quipes vise à apporter aux é tablissements scolaires et leurs
professionnels, l’appui de l’expertise existant au sein des établissements et services
médico-sociaux (ESMS) grâ ce à des professionnels mobilisé s à cet effet. Cette dé marche
rejoint le développement de "fonctions ressources" au sein des ESMS dans le cadre de la
transformation de l’offre médico-sociale en faveur du virage inclusif, et pourra faire
l’objet d’engagements réciproques dans le cadre des conventions entre les ARS et les
Rectorats, ou de leur renouvellement (circulaire N° DGCS/SD3B/2019/138 du 14 juin
2019, p. 3).
44
Le constat de l’hétérogénéité entre les formations initiales des professeurs dispensées par les
différents ESPE sur le territoire national conduit le gouvernement à repenser les exigences de
cette formation, sa gouvernance et son ancrage dans l’enseignement. Par conséquent, la loi se
donne pour objectif d’homogénéiser la formation et de la rendre plus efficace sur l’ensemble du
territoire. Pour cela, elle transforme les ESPE par les Instituts Nationaux Supérieur du
Professorat et de l’Education (INSPE) dans chaque académie et confie au ministre chargé de
l’Enseignement supérieur et de l’Éducation nationale la création d’un nouveau référentiel de
formation des professeurs. « Cette évolution tient compte de trois "invariants" : le caractère
universitaire de la formation, la mastérisation et l’alternance durant l’année de stage entre
formation universitaire et exercice en responsabilité » (MEN, 2020, « Une formation plus
homogène et plus efficace sur l’ensemble du territoire, au sein des INSPE »). Ainsi, les INSPE
préparent les futurs enseignants et personnels d'éducation aux enjeux du socle commun de
connaissances, de compétences et de culture, à ceux de l'éducation aux médias et à l'information
et à ceux de la formation tout au long de la vie. Ils organisent des formations de sensibilisation à
l'égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les discriminations, à la manipulation
de l'information, à la lutte contre la diffusion de contenus haineux, au respect et à la protection
de l'environnement et à la transition écologique, à la scolarisation des élèves à besoins éducatifs
particuliers, dont les élèves en situation de handicap et les élèves à haut potentiel, ainsi que des
formations à la prévention et à la résolution non violente des conflits. Ils préparent les
enseignants aux enjeux de l'entrée dans les apprentissages et à la prise en compte de la difficulté
scolaire dans le contenu des enseignements et la démarche d'apprentissage. […]. Ils préparent
aux enjeux d'évaluation des connaissances et des compétences des élèves (C. éduc., art. L721-2).
Par ailleurs, les INSPE ont pour mission de développer et de promouvoir des méthodes
pédagogiques innovantes. « Ils forment les étudiants et les enseignants à la maîtrise des outils et
ressources numériques, à leur usage pédagogique ainsi qu'à la connaissance et à la
compréhension des enjeux liés à l'écosystème numérique » (C. éduc., art. L721-2).
Les contenus de la formation initiale spécifiques concernant la scolarisation des ESH font
l’objet d’un cahier des charges défini par un arrêté ministériel de l’éducation nationale et
de l’enseignement supérieur (C. éduc., art L721-2).
Enfin, dans l’objectif d'améliorer la prise en compte des besoins des élèves, les académies et
départements peuvent renforcer les plans de formation avec des modules spécifiques portant
sur les positionnements respectifs des AESH et des professeurs ou encore sur les
problématiques liées à la prise en charge des ESH (circulaire n° 2019-087 du 28 mai 2019).
En définitive, la loi pour une École de la confiance poursuit le mouvement impulsé par les lois de
2005 et de 2013 de faire de l’école, une école toujours plus inclusive. L'école primaire reste plus
que jamais la priorité du ministère chargé de l'Éducation nationale. Il s'agit de tout mettre en
œuvre pour permettre à chaque élève de bien commencer son parcours scolaire.
46
1.2.8. Les Comités Interministériels du Handicap (CIH)
Le CIH, créé par décret du 6 novembre 2009, est « chargé de définir, coordonner et évaluer les
politiques conduites par l'État en direction des personnes handicapées ». Sous la présidence du
Premier ministre, il réunit l'ensemble des membres du gouvernement concerné.
La tenue du CIH est l’opportunité de mettre en lumière l’ensemble des actions menées
par les associations représentatives des personnes handicapées et par les collectivités
territoriales, notamment les conseils départementaux. Ces derniers, tout comme le
Gouvernement, sont au cœur du dispositif devant inclure plus largement les personnes
handicapées (Ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées,
2017, « Présentation générale »).
Le CIH s’est réuni pour la première fois le 25 septembre 2013 avec pour objectif de relever le
défi de l’égalité. En effet,
Jamais la politique du handicap n’avait suscité une telle coopération interministérielle. La
politique du handicap ne prend toute sa force que dans la coopération et la transversalité.
Les inégalités liées au handicap se manifestent dans la plupart des domaines ; il est donc
essentiel d’agir partout (Ministère de la santé et de la prévention, 2013, « Le défi de
l’égalité »).
A partir du deuxième CIH, en 2016, un CIH a eu lieu chaque année afin de mettre en œuvre des
actions concrètes pour simplifier la vie quotidienne des personnes en situation de handicap en
France ainsi que celle de leurs aidants.
« Depuis 2017, le handicap est l’une des grandes priorité s du quinquennat. Notre conviction est
qu’une socié té inclusive est à la fois facteur d’é mancipation individuelle et de progrè s social »
(CIH, 2020, p. 3). Dans cette perspective, le CIH du 16 novembre 2020 fixe quatre objectifs :
Objectif 1 : Investir sur les jeunes générations en situation de handicap
Objectif 2 : Simplifier les démarches et renforcer le pouvoir d’agir des personnes en
situation de handicap
Objectif 3 : Mieux soutenir et améliorer la vie
Objectifs 4 : Transformer la société (CIH, 2020, p. 2).
Dans le cadre de notre travail, nous nous intéressons plus particulièrement au premier objectif
qui concerne en partie l’école inclusive. Ainsi, le CIH qui s’est déroulée le 5 juillet 2021, énonce
que :
L’école de la République doit assurer à tous les élèves une scolarisation de qualité et
prendre en compte leurs singularités et leurs besoins éducatifs particuliers. Les élèves en
situation de handicap doivent pouvoir bénéficier d’un égal accès au service public de
l’éducation et d’un accompagnement adapté, quel que soit leur lieu de scolarisation (CIH,
2021, p. 10).
Pour atteindre cet objectif, le gouvernement prévoit, tout d’abord, de renforcer de la coopération
entre l’Éducation nationale et le secteur médico-social avec le développement des PIAL et le
déploiement d’Équipes Mobiles d’Appui à la Scolarisation (EMAS). Ensuite, la pérennisation et
l’enrichissement de la plateforme Cap école inclusive, qui contient des ressources et supports
pédagogiques adaptés aux élèves en situation de handicap, sera désormais accessible à tous. Et
47
enfin, une commission d’affectation spécifique sera créée au sein de chaque académie pour
trouver des solutions de scolarisation pour chaque élève en situation de handicap.
Depuis la rentrée 2021, une formation de tous les nouveaux enseignants à l’école inclusive est
obligatoire dans le cadre de leur formation initiale (module de formation obligatoire d’au moins
25h) (CIH, 2021), la coopération entre l’Éducation nationale et le secteur médico-social sera
renforcée avec la généralisation sur tout le territoire des PIAL ainsi que la création de 54
nouvelles EMAS. Toutefois, le dossier de presse du CIH ne donne pas d’éléments de précision
quant à la mise en œuvre de ces perspectives. En revanche l’arrêté du 25 novembre 2020 fixe le
cahier des charges de la formation initiale spécifique relative à l’éducation inclusive et à la
scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers. Ainsi, il s’agit de développer les
compétences professionnelles des futurs enseignants plus particulièrement sur :
1. L’acquisition d'une culture commune des fondements de l'école inclusive (prévention,
adaptation, éducabilité, etc.) ;
2. La compréhension des principaux concepts qui orientent la politique relative à une
éducation inclusive ;
3. Le développement de la capacité à observer, analyser, élaborer et co-construire en
équipe des réponses pédagogiques et didactiques aux besoins éducatifs particuliers
des élèves ;
4. Le développement des pratiques pédagogiques dans le but de prendre en compte la
diversité des élèves et la gestion de l'hétérogénéité des publics ;
5. La référence aux objectifs du socle commun de connaissances, de compétences et de
culture dans la prise en compte les besoins éducatifs de tous les élèves ;
6. La connaissance des différents dispositifs, structures et modalités d'accompagnement
possibles ;
7. La connaissance des différents partenaires concourant à la scolarisation inclusive, au
projet de l'élève et aux modalités de travail partenarial ;
8. Le développement de pratiques permettant la participation effective de tous les
élèves à l'ensemble des activités d'enseignement et de vie scolaire ;
9. La co-construction des ressources et outils, notamment numériques qui favorisent les
apprentissages des élèves à besoins éducatifs particuliers (arrêté du 25 novembre
2020).
Il est également précisé que
Les contenus, en référence explicite à l'école inclusive, sont ventilés, soit au sein des UE
de compétences communes soit dans un module spécifique nécessairement articulé aux
autres éléments de culture commune.
La formation est adossée aux stages d'observation organisés en classe ordinaire ou dans
des dispositifs de scolarisation inclusive.
Des modules spécifiques d'approfondissement optionnels peuvent être également
proposés en supplément de ces contenus et selon le choix des étudiants et des
fonctionnaires stagiaires se destinant aux métiers du professorat et de l'éducation (arrêté
du 25 novembre 2020).
48
Dans le prolongement des mesures prises lors du CIH 2021, celui qui s’est déroulé le 3 février
2022, acte des mesures supplémentaires pour 2022 :
1. Renforcement de la coopération entre l’Éducation nationale et le secteur médico-social :
généralisation sur tout le territoire des PIAL, mobilisation des 166 EMAS déployés dans
tous les territoires pour apporter une expertise aux établissements et à la communauté
éducative, poursuite de l’organisation d’ateliers territoriaux sur le thème de l’école
inclusive ;
2. 4000 AESH supplémentaire à la rentrée 2022 ;
3. Poursuite du déploiement des unités d’enseignement autisme en maternelle et en
élémentaire pour favoriser la scolarisation des enfants autistes en milieu ordinaire avec
un objectif d’au moins 380 dispositifs visé pour 2022 ;
4. Poursuite du déploiement de l’Université inclusive (CIH, 2022, p. 6).
Dès le vote de la loi du 11 février 2005, le législateur a prévu la tenue d’une Conférence nationale
du handicap (CNH), tous les trois ans, à compter du 1er janvier 2006, pour entretenir l’impulsion
donnée par la loi. Organisée à l’initiative du gouvernement et sous l’autorité du Président de la
République, cette conférence réunit de nombreux acteurs agissant dans le champ du handicap
ainsi que des associations représentatives des personnes handicapées, afin de débattre des
orientations et des moyens politiques les concernant. Ces rendez-vous permettent de consolider
et d’amplifier les travaux et actions menés par le CIH.
En 2016, si la quatrième CNH faisait déjà l’objet d’un point d’étape positif pour l’école inclusive,
pour celle de 2020, le gouvernement « a marqué clairement sa volonté de faire du handicap, qui
est l’affaire de tous, un véritable enjeu de société » (CNH, 2020, p. 6).
Ainsi, la cinquième CNH qui s’est tenue le 11 février 2020, à l’occasion des quinze ans de la loi
du 11 février 2005, fait état d’un travail engagé depuis 2018 entre le gouvernement et le conseil
national consultatif des personnes handicapées à travers les CIH Quatre objectifs
prioritaires sont ainsi fixés :
- Donner le pouvoir d’agir aux personnes handicapées ;
- Adapter la société pour qu’elle devienne enfin accueillante et accessible ;
- Rattraper le retard de la France sur le champ de l’autisme au sein des troubles du neuro-
dé veloppement ;
- Reconnaitre l’engagement des proches aidants (CNH, 2020, p. 8).
Pour cela, au premier plan des 12 engagements du gouvernement « réussir l’école inclusive ».
Pour cela, il est envisagé que « fin 2020, tous les nouveaux enseignants seront formés pour mieux
prendre en compte les besoins éducatifs particuliers » et qu’un « livret numérique de parcours
inclusif » sera créé afin de regrouper l’ensemble des adaptations qui sont nécessaires aux enfants
en situation de handicap, y compris celles notifiées par la MDPH.
En résumé, les CNH mettent en évidence l’importance d’impulser, d’évaluer et de faire évoluer
la politique sociale en faveur des personnes en situations de handicap.
49
Chapitre 2 - L’organisation progressive de la formation initiale des
enseignants
Ce deuxième chapitre a pour objectif de mettre en perspective, à travers les différents
évènements et mouvements politiques à l’œuvre, l’évolution de la formation initiale des
enseignants, des écoles normales aux INSPE, en passant par la création des IUFM et des ESPE.
Dès la fin du XVIIIe siècle et tout au long du XIXe siècle, les autorités politiques ont exploré
différentes voies pour instruire et éduquer les jeunes français issus des catégories populaires,
portant une attention particulière aux enfants des milieux ruraux. Mais cette volonté a mis la
question de la formation des instituteurs au premier plan : « est-il nécessaire de former les
maîtres des écoles du peuple dans des écoles spéciales ? Et cette formation doit-elle être une
affaire d’État ? » (Grandière & Paris, 2016, « Quelle nécessité de former des maîtres ? »). À cette
époque, trois voies pouvaient permettre d’accéder au métier d’instituteur : la voie de
l’apprentissage auprès de maîtres chevronnés, peu coûteuse, avec la possibilité de découvrir et
de s’adapter au terrain ; la voie de la formation par l’Église ; la voie de l’État par la formation des
maîtres dans des écoles spécialisées, couteuses, mais avec l’avantage de recruter efficacement
des maîtres pour les nombreuses écoles de villages isolées et peu attractives (Grandière, Paris,
2016).
Les assemblées révolutionnaires qui cherchent à s’inspirer de modèles tels que ceux des États
allemands ne trouvent aucune section du comité d’instruction publique pour réfléchir à cette
formation. C’est finalement par une initiative locale, prise par le préfet de Strasbourg au début
du XIXe siècle, que le concept de classe ou d’école normale va émerger et réussir à former les
instituteurs au sein des lycées. Cette formation en quatre ans comprend la préparation concrète
des élèves dans une classe d’application. Mais ce modèle ne se généralise pas sur le territoire
national. La situation de l’instruction élémentaire en France évolue lentement, le manque de
maîtres bien formés est considérable et la profession est peu attractive. « Il fallait que l’État
prenne la main, fasse des choix, et utilise la puissance publique pour les mettre en œuvre »
(Grandière & Paris, 2016, « La Société pour l’instruction élémentaire »).
En 1829, le ministère de l’instruction publique conduit les départements à établir des écoles
normales et fait de la formation des instituteurs une affaire d’État. Cette dynamique sera
poursuivie par les ministres de l’instruction publique Montalivet puis Guizot. En effet, au début
des années 1830, Guizot prépare une grande loi et œuvre à construire l’édifice :
pression continue et rigoureuse sur les préfets pour qu’ils agissent auprès des conseils
généraux ; règlement des écoles normales qui fera longtemps référence (décembre
50
1832) ; encouragement à la production de livres de méthode ; publication du Manuel
général de l’instruction primaire qui donne à la fois des informations officielles, des
explications de méthode, et des leçons préparées et modèles. D’ailleurs, la presse
pédagogique connaît au même moment un véritable essor. Le métier d’instituteur change
d’image sociale (Grandière & Paris, 2016, « Loi Guizot »).
En 1833, la loi Guizot impose aux communes de plus de 500 habitants d’entretenir une école
primaire et un instituteur. Elle poursuit deux principes que sont la liberté de l’instruction
primaire qui sera privée ou publique et l’organisation d’un enseignement primaire public. De
plus, elle officialise les écoles normales comme instance de formation des instituteurs et impose
que chaque département entretienne une école normale :
telles sont donc les caractéristiques essentielles des écoles normales primaires
françaises : établissement laïque doté d’un personnel spécial, elles assurent le
recrutement départemental des instituteurs, mais sont intégrées à l’appareil scolaire
centralisé d’État. Elles associent la formation générale culturelle et la formation
professionnelle en un double cursus long au sein duquel les études pédagogiques sont
complétées par des travaux à l’école annexe […] » (Laprévote, 1984, p. 22).
Cette loi apporte surtout une amélioration de la condition de l’instituteur qui bénéficie à présent
d’un logement et d’un salaire fixe assurés par la commune, tandis que jusqu’alors ce dernier ne
percevait qu’une rétribution mensuelle des familles au prorata de ce qu’il avait enseigné à
l’enfant.
L’instituteur est désormais considéré comme « fonctionnaire ». Son identité est attachée à son
savoir et à la mission qui lui est confiée par l’État. L’enseignement primaire élémentaire devient
gratuit pour les enfants des familles pauvres. Pratiqué le plus souvent dans une classe unique,
sans souci des niveaux, il permet aux enfants les plus faibles d’être soutenus par les autres.
Dans un pays où un adulte sur deux est encore analphabète, la loi Guizot va contribuer de
manière décisive à répandre l’instruction.
À la fin des années 1830 et jusqu’en 1850, l’image des écoles normales se dégrade dans un climat
de crise sociale et politique. Cependant, l’État et l’université ne sont pas prêts à abandonner le
réseau des écoles qu’ils ont créé dans la mesure où n’y a guère d’autres possibilités pour
développer l’enseignement élémentaire dans les campagnes (Grandière & Paris, 2016). De plus,
la qualité des maîtres formés dans ces écoles normales est revendiquée dans le rapport au roi
du 1er janvier 1848 :
Ce sont de véritables instituteurs primaires qui sortent de ces écoles normales, c’est-à-
dire des jeunes gens habitués à la vie régulière, frugale, modeste, se résignant avec
bonheur à l’honnête simplicité de leur condition, et ayant puisé dans les exemples et les
conseils de leurs supérieurs la solidité de raison et la fermeté de principes qui doivent les
soutenir un jour dans la tâche pénible qui leur est réservée (Grandière & Paris, 2016,
« Salvandy »).
À la fin des années 1840, le comte Alfred de Falloux, catholique libéral et ministre de l’Instruction
publique, mène un combat sans relâche pour la liberté de l’enseignement. Le 15 mars 1850, il
élabore et vote avec les députés de la seconde République une loi qui porte son nom, autorisant
l’enseignement confessionnel et congrégationniste au niveau des écoles primaires et
secondaires.
51
Art. 17. – La loi reconnaît deux espèces d’écoles primaires ou secondaires :
1° Les écoles fondées ou entretenues par les communes, les départements ou l’État, et qui
prennent le nom d’Écoles publiques ;
2° Les écoles fondées et entretenues par des particuliers ou des associations, et qui
prennent le nom d’Écoles libres (Loi Falloux, 1850, art. 17).
Au sujet de la formation des instituteurs, des mesures défavorables aux écoles normales sont
prises, permettant aux congrégations catholiques d’ouvrir en toute liberté un établissement
secondaire avec les enseignants de leur choix. Ainsi, les élèves-maîtres des écoles normales sont
mis en concurrence avec les instituteurs stagiaires recrutés par les conseils municipaux et les
religieux issus des noviciats. Les conditions d’admission à l’exercice d’instituteur primaire d’un
établissement public ou libre sont favorables aux religieux. Le brevet de capacité est demandé
aux instituteurs laïcs tandis que le titre de ministre d’un des cultes reconnus par l’État suffit pour
les religieux. Ainsi, le système éducatif français sort du monopole étatique confié à l’université
au début du XIXe siècle par Napoléon Ier.
Le temps de formation des maîtres est allongé à trois ans au lieu de deux sans ajouter de
connaissances nouvelles. Le programme est divisé en deux parties : une partie obligatoire et une
autre facultative.
Les programmes d’enseignement pour les écoles normales (juillet 1851) traduisent la
volonté politique exprimée par la loi Falloux de maintenir les instituteurs à leur modeste
rang, de faire barrage à la présomption et à l’orgueil, d’empêcher ces "demi-savants" de
perturber l’ordre social et politique (Grandière & Paris, 2016, « Programmes
d’enseignement »).
Il faut attendre les années 1860 pour que les écoles normales reprennent peu à peu leur
légitimité face aux congrégations religieuses. Il s’agit de contribuer au perfectionnement de
l’école laïque.
Mais afin de montrer la solidité du corps des écoles normales ainsi que leur attachement à une
formation intellectuelle, sous la protection de l’État, assurant des conditions de vie honorables,
un concours est organisé. Le décret du 2 juillet 1866 concrétise alors le renouveau des écoles
normales.
Plusieurs mesures techniques et symboliques montrent enfin l’attention du ministre vers
les écoles : rétablissement de conditions d’admission qui les favorisent : entrée à seize
ans, concours d’entrée de nouveau requis (supprimé par la loi Falloux) ; allongement du
temps de vacances ; assouplissement des contraintes (la surveillance en particulier) qui
pèsent sur les directeurs et maîtres adjoints, qui, de plus, sont mieux rémunérés »
(Grandière & Paris, 2016, « Renouveau des écoles normales »).
Pendant 40 ans, les écoles normales ont fait l’objet de nombreux débats et remises en question.
En effet, alors que dans les années 1830, la loi Guizot officialisait la formation des instituteurs
comme une affaire d’État en créant des écoles normales dans chaque département et en
améliorant les conditions des instituteurs, vingt ans plus tard, la loi Falloux prend des mesures
défavorables aux écoles normales, laissant en grande partie les écoles primaires aux mains des
congrégations religieuses. Il faudra attendre la fin des années 1870 pour que le système éducatif
français prenne un nouveau tournant, sous la troisième République.
52
2.3. Les écoles normales de la troisième République (1879-1914)
53
Jusqu’en 1905, les élèves-maîtres doivent à la fois acquérir de nouvelles connaissances et
apprendre à les enseigner ce qui entraine des difficultés. C’est pourquoi en 1905, le régime des
études se fonde sur le mode successif et non plus sur le mode simultané. Ainsi,
le décret du 4 août 1905 place le brevet supérieur en fin de deuxième année. La formation
normale est donc divisée en deux périodes bien distinctes, la préparation au brevet en
deux ans, puis la pratique du métier en troisième année (Grandière & Paris, 2016, « La
réforme de 1905 »).
À la fin de la troisième année, un « mémoire » sur un sujet de pédagogie leur est demandé et sert
à l’épreuve orale du certificat de fin d’études normales. L’épreuve pratique se déroule dans une
classe de l’école annexe.
Les grandes lois scolaires de la République donnent aux maîtres une visibilité sociale
jamais égalée : gratuité de l’école élémentaire, obligation scolaire, laïcité de l’école
républicaine. S’ajoutent à ces grandes décisions qui soldent des décennies de débats des
mesures encore significatives de cette volonté du pouvoir de renforcer la conscience
identitaire des maîtres, et leur image dans la société (Grandière & Paris, 2016, « Grandes
lois scolaires »).
La réforme de 1905 ne donne pas les résultats escomptés. En 1920, Paul Lapie, directeur de
l’Enseignement primaire met en évidence les nombreuses critiques faites aux écoles normales
en ce qu’elles ne préparent pas assez les élèves-maître à leur pratique future, malgré la présence
des écoles annexes d’application.
La réforme Lapie vise à consolider l’ordre primaire, à sauvegarder ses différents éléments
(écoles primaires, écoles normales et écoles annexes, écoles primaires supérieures) et à
organiser la formation de ses maîtres. Ainsi, comme avant 1905, la formation est à nouveau
menée sur le mode simultané : culture générale et préparation professionnelle. Le brevet
supérieur est toujours en fin de troisième année. La méthode d’enseignement est
essentiellement basée sur des observations et des expériences, et non pas sur des discours et
des enseignements théoriques :
La pratique des nouveaux programmes de 1920 ne cherche plus –théoriquement-
l’accumulation des connaissances, qui caractériserait « l’esprit primaire », mais la
formation de l’esprit des jeunes élèves-maîtres, leur capacité à construire une démarche
intellectuelle (Grandière & Paris, 2016, « La réforme Lapie »).
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, il faut reconstruire l’édifice de l’instruction
publique et proposer un enseignement unique pour tous les enfants. La formation des
instituteurs tend à se rapprocher de l’enseignement secondaire dans l’objectif de relever leur
niveau d’études.
De plus, le recrutement des élites dans un milieu social beaucoup plus large que la seule
bourgeoisie est devenu une priorité après 1918 ; la question se pose en conséquence de
mettre en continuité les enseignements primaire et secondaire (Grandière, 2012, p. 66).
54
Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, ces deux systèmes ont persisté en France, disposant
chacun d’une filière autonome et complète : « il existait un "primaire" du secondaire (les
"petites classes des lycées"), un "secondaire" du primaire (les cours primaires
supérieurs), un "supérieur" du primaire consacré à la formation des professeurs des
écoles normales d’instituteurs alors que le supérieur du secondaire (les classes
préparatoires aux grandes écoles, l’université et les grandes écoles) commençait après le
baccalauréat (Fraisse, 2010, p. 62).
En effet, jusqu’en 1939, projets et commissions vont se succéder : tantôt l’idée est de déplacer
les écoles normales en les intégrant dans les lycées, tantôt il est question de les supprimer, mais
elles seront maintenues. « Finalement, alors que les menaces de guerre se précisaient, la grande
réforme quitta peu à peu l’actualité, laissant derrière elle beaucoup d’amertume » (Grandière &
Paris, 2016, « L’échec de la réforme des écoles normales primaires »).
2.5. Les écoles normales : l’enseignement primaire des années 1940 à 1968
Dans les années 1940, pendant le régime de Vichy, la formation des instituteurs est jugée
insuffisante. Tandis que le baccalauréat devient obligatoire pour les instituteurs, les écoles
normales sont supprimées pour devenir des instituts de formation professionnelle en 1941, « où
les élèves-maîtres suivaient une année de formation professionnelle après un baccalauréat
préparé dans les lycées » (Prost, 1999, p. 13). En effet, la loi du 18 novembre 1940 décrète que
les élèves-maîtres et maîtresses de l’enseignement primaire public sont recrutés par un
concours annuel puis envoyés comme internes dans des classes de seconde au lycée afin d’y
préparer le baccalauréat (Grandière & Paris, 2016). « C’est une fermeture brutale, anti
républicaine, et très symbolique des allégations portées à l’encontre du corps des instituteurs
quant à leurs responsabilités dans la situation désastreuse du pays » (Grandière & Paris, 2016,
« Seconde guerre mondiale. Vichy. »)
Cependant, les instituts de formation professionnelle, aussi appelés instituts Vichy ont très peu
fonctionnés. Les écoles normales sont alors rétablies par l’arrêté Wallon du 20 août 1944
(Grandière & Paris, 2016). Toutefois, les travaux d’une réforme générale de l’enseignement sont
repris par le gouvernement provisoire à travers une nouvelle commission dite « Plan d’Alger » :
formation générale au lycée, obtention du baccalauréat, refus de l’organisation
pédagogique hybride des écoles normales où culture générale et formation pédagogique
sont entremêlées, communauté de culture entre les maîtres des divers degrés, et
nécessité d’une formation pédagogique pour tous, y compris pour les maîtres du
secondaire (Grandière & Paris, 2016, « Seconde guerre mondiale. Vichy. »).
C’est après la Libération que les écoles normales ouvrent à nouveau leurs portes et « les
circulaires du 3 et du 26 septembre 1945 maintiennent l’obligation du baccalauréat, tout en
souhaitant de nouveau faire de ces écoles des lieux de promotion pour les enfants du peuple
cantonnés à l’enseignement primaire » (Legris, 2014, p. 56).
La formation des enseignants devient alors un enjeu majeur avec la croissance démographique
d’après-guerre. C’est pourquoi, dans l’intervalle, il a fallu recruter de nombreux instituteurs, qui
pour la plupart étaient des remplaçants sans formation. « Le niveau de qualification des maîtres
des écoles recule donc globalement » (Prost, 1999, p. 15).
55
La crise de recrutement est sévère après-guerre : de nombreux départements doivent
organiser plusieurs concours faute de candidats suffisants ; de plus, la pépinière
traditionnelle des EN, les EPS, est passée dans le second degré. Le ministère organise
même en novembre 1945 une énième titularisation des maîtres titulaires du seul brevet
élémentaire recrutés pendant la guerre faute de mieux (Grandière & Paris, 2016, « La
"résurrection" des écoles normales »).
La formation est désormais organisée sur quatre ans : deux ans pour préparer le baccalauréat et
deux ans de formation professionnelle. Le concours se situe à deux niveaux, au brevet pour les
élèves qui préparent, à l’école normale, le baccalauréat, et après baccalauréat, pour une entrée
en troisième année. Ce recrutement en troisième année vise aussi à accueillir les remplaçants
mis devant les élèves sans formation, pour réaffirmer la volonté jamais réalisée que tous les
maîtres doivent passer par l’école normale (Grandière & Paris, 2016).
« Dans les années 1960, l’enseignement primaire se vide de son élite que constituent les
normaliens au profit d’un second degré en pleine restructuration qui connait à ce moment une
explosion de ses effectifs » (Legris, 2014, p. 62). En effet, il est reproché aux écoles normales de
proposer une formation trop centrée sur la préparation du baccalauréat, et de recruter en fin de
troisième année.
Dans la circulaire du 18 octobre 1968, « il est proposé une formation des instituteurs pendant
deux ans en recrutant après le baccalauréat, ce qui renforcerait la culture générale, mais
également la formation pédagogique théorique et pratique des candidats » (Prost, 2014, p. 68).
La volonté d’ouvrir les écoles normales à l’université émerge à travers deux heures de cours
hebdomadaire à la faculté, ainsi que l’importance des stages avec 8 semaines en début de
2e année et des stages de 15 jours en première année.
Les changements pédagogiques semblent alors remarquables « dès lors qu’une partie de la
formation, davantage didactique, se déroule à l’université » (Legris, 2014, p. 69). En revanche,
rien n’est précisé : ni les cours, ni le programme, ni la forme. Ces cours se mettront difficilement
en place (Grandière & Paris, 2016).
Le colloque d’Amiens de mars 1968 constitue un grand évènement médiatique, afin de
sensibiliser l’opinion publique, la presse, les milieux dirigeants, à un problème majeur de société
que représente la formation des enseignants. Il apparait alors nécessaire d’offrir une formation
universitaire aux instituteurs, sur une durée de trois ans. L’importance du stage de
responsabilité s’impose dans l’objectif de motiver les jeunes maîtres, leur permettant ainsi d’être
au contact des élèves. « L’alternance, qui joue un rôle central, vient directement des formations
d’adultes qui se développent à l’époque » (Prost, 2014, p. 129).
Mais en 1969, la formation des maîtres du premier degré connait une profonde modification
puisque la formation des enseignants du second degré devient différente de celle des
instituteurs en étant constituée de trois années de formation pour l’une et deux années pour
l’autre (Prost, 1999). Mais ce nouveau régime de formation ne constitue cependant pas une
rupture nette.
56
En 1972, on reconnaît aux instituteurs un droit à 36 semaines de formation continue au
long de leur carrière. Les écoles normales basculent de la préparation au baccalauréat,
progressivement supprimée, à la formation professionnelle, et d’une formation
strictement initiale à une formation mixte, à la fois initiale et continue, les normaliens en
formation professionnelle remplaçant dans leurs classes, les instituteurs en formation
permanente (Prost, 1999, p. 16).
« La formation des maîtres du premier degré s’inscrivait alors dans un cadre différent, celui des
écoles normales d’instituteurs sans lien avec les universités » (Roussel, 2017, p. 111), tandis que
l’université a toujours eu un rôle essentiel dans la formation des maîtres notamment du
secondaire (Prost, 2014). Ainsi, l’idée d’inclure l’université dans la formation des instituteurs
faisait petit à petit son chemin. D’ailleurs, l’avancée de la recherche en sciences de l’éducation et
notamment en didactique des mathématiques a fait progresser le rapprochement entre la
formation des maîtres et les universités (Prost, 2014). Toutefois, « l’adjectif universitaire
impliquait une transformation institutionnelle importante, puisque les formations du premier
degré et de l’enseignement technique étaient assurées hors de l’université […] » (Dugast, 2014,
p. 212).
C’est ainsi qu’en 1979 est créé le Diplôme d’Études Universitaires Générales (DEUG)
« enseignement du premier degré ». Cette nouvelle formation sur trois années était constituée
de 30 unités, dont 10 organisées par l’université et 20 par les écoles normales (Bourdoncle,
2014).
Mais en 1982, ce système est abandonné au profit « d’un DEUG à dominante : les unités générales
subsistent et les unités disciplinaires sont regroupées autour d’une ou deux options » (Prost,
1999, p. 19). En 1986, avec le gouvernement de droite, le recrutement des enseignants s’effectue
au niveau DEUG suivi de deux années de formation professionnelle. Cette nouvelle voie va
conduire à la création des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM). L’idée est
que
l’enseignement est un métier qui s’apprend, mais que, pour le moment, cette demande
n’est pas satisfaite : les écoles normales sont trop scolaires pour de futurs enseignants
désormais plus âgés et plus diplômés. […]. Il faut transformer à la fois les structures et les
contenus de formation » (Dugast, 2014, p. 217).
Les textes fondateurs des IUFM sont peu nombreux. L’article 17 de la loi d’orientation de 1989
énonce la création, dans chaque académie à partir du 1er septembre 1990, d’un IUFM, rattaché à
une ou plusieurs universités de l’académie afin de « garantir la responsabilité institutionnelle de
ces établissements d’enseignement supérieur par l’intervention des personnes et la mise en
œuvre des moyens qui leur sont affectés ». Établissements publics d’enseignement supérieur, les
IUFM sont placés sous la tutelle du ministre de l’Éducation nationale et organisés selon des
règles fixées par décret en Conseil d’État. Dans le cadre des orientations définies par l’État, les
IUFM conduisent les actions de formation professionnelle initiale des personnels enseignants.
Celles-ci comprennent des parties communes à l’ensemble des corps et des parties spécifiques
57
en fonction des disciplines et des niveaux d’enseignement. Aussi, les IUFM participent à la
formation continue des personnels enseignants et à la recherche en éducation.
Les règles d’organisation et de fonctionnement des instituts universitaires de formation des
maîtres sont fixées par le décret du 28 septembre 1990.
En 1991, les IUFM sont alors implantés dans chaque académie et viennent progressivement
remplacer les écoles normales (formation des instituteurs), les centres pédagogiques régionaux
(formation des professeurs de collèges et lycées) et les écoles normales nationales
d’apprentissage (formation des professeurs de lycées professionnels). Cette création fait suite
aux revendications portées par les enseignants du premier degré, pour la création d’un corps
unique des maîtres. La volonté législative est donc d’homogénéiser le niveau académique de
recrutement des enseignants à la licence, « de créer des institutions communes de formation et
de faire converger les évolutions de carrière et de rémunération » (Mérieu, 2000, « préface »).
Ainsi,
Institutionnellement, tous les enseignants, désormais baptisés « professeurs » - les
instituteurs deviennent des « professeurs d’école » - sont recrutés à la licence et
bénéficient du même cursus : une année de préparation au concours de recrutement et
une année de formation professionnelle en alternance (Mérieu, consulté en 2021, paragr.
2).
Sur le plan pédagogique, la formation s’articule donc autour de trois grands axes que sont les
savoirs disciplinaires, la gestion des apprentissages et le fonctionnement du système scolaire.
L’objectif étant de former les enseignants au savoir-enseigner et non pas seulement aux savoirs
disciplinaires, c’est-à-dire aux contenus d’enseignement (Altet, 2012).
Désormais, la formation des professeurs « est encadrée par des formateurs ayant plusieurs
statuts et points de vue sur le métier : universitaires, formateurs de terrain, inspecteurs,
enseignants-experts, spécialistes dans différents domaines spécifiques (l’informatique, la voix,
etc.) » (Mérieu, consulté en 2021, paragr. 2).
Toutefois, malgré les efforts institutionnels, les IUFM n’arrivent pas à réaliser les missions qui
leur étaient affectées. La mise en place d’une formation commune n’a pas eu lieu entre les
différents corps. « Les parcours ont été simplement juxtaposés dans la même institution »
(Mérieu, consulté en 2021, paragr. 3). Par ailleurs, « l’attente est forte, notamment dans
l’articulation théorie/pratique, et les stages sont jugés insuffisamment préparés ou exploités. On
souligne le manque de conseils pour gérer les situations difficiles, et des échanges insuffisants
avec des enseignants en poste » (Bon, 2014, p. 241).
Près de quinze ans après la création des IUFM, un projet de loi pour l’avenir de l’École, exprime
de nouveaux objectifs parmi lesquels : élever le niveau de formation des élèves, donner à tous
les mêmes chances, améliorer l’enseignement des langues, et favoriser l’insertion
professionnelle. Il s’agit d’un projet de modernisation de l’école qui modifie le Code de
l’Éducation. La loi Fillon, d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, sera donc
promulguée le 23 avril 2005. Le statut de l’IUFM passe de celui d’établissement public à
caractère administratif à celui d’École interne à l’université de rattachement. À ce titre, « on
58
envisage la disparition des formateurs permanents, les formateurs des IUFM devront avoir un
lien direct, soit avec la recherche (pour les enseignants-chercheurs), soit avec la pratique de la
classe (pour les professeurs du 1er et 2d degrés) » (Bon, 2014, p. 268).
Puis,
un arrêté de décembre 2006 précise le cahier des charges de la formation des maîtres qui
doit entrer en vigueur le 1er septembre 2007. Il confirme le continuum de formation :
licence comprenant des modules de préprofessionnalisation, concours, formation à
l’exercice du métier, avec possibilité de délivrance de crédits ECTS prenant place dans le
cursus licence-master-doctorat de l’université ; obligation pour les étudiants d’un ou
deux stages d’observation pour s’inscrire au concours (Bon, 2014, p. 268).
Ainsi, à partir de 2008, chaque IUFM dépendra directement d’une université française et « le 21
janvier 2010, un arrêté impose le master pour se présenter au concours » (Bon, 2014, p. 272).
En effet, le 2 juillet 2010, la réforme de la masterisation est adoptée. Elle entraine l’augmentation
du niveau de qualification des enseignants qui seront désormais recrutés en Bac +5 au lieu de
Bac +3 et modifie profondément les modalités de recrutement et de formation des enseignants
(1er et 2d degré).
Cependant, trois ans plus tard, le système de formation des enseignants est remis en question,
considéré comme inadapté. Les futurs enseignants sont sélectionnés uniquement sur la base de
leurs mérites académiques et non pas sur leurs compétences professionnelles. La formation ne
forme pas les enseignants au savoir-faire en classe :
les défauts du système ont été maintes fois mis en évidence : disparité territoriale des
modèles de formation ; absence d’une vraie formation professionnelle et d’une alternance
étroite ; absence d’adossement systé mique de la formation à la recherche ; la nature du
concours n’est pas clairement tranchée (Légifrance, 2013, pp. 61-62).
Ainsi, en 2013, le projet de loi pour la refondation de l’école de la République vise à mettre en
place une nouvelle formation initiale et continue aux métiers du professorat et de l’éducation et
faire évoluer les pratiques pédagogiques. Cette formation renouvelée a pour objectif de faire
acqué rir à tous les futurs enseignants, un haut niveau de qualification et un corpus de savoirs et
de compé tences indispensables à l’exercice du mé tier. Ainsi, la Loi d’orientation et de
programmation pour la refondation de l’école de la République, promulguée le 8 juillet 2013,
créée les ESPE, venant remplacer les IUFM.
Au sein des ESPE, la formation s’appuie sur un référentiel métier déterminé par le ministère de
l’Éducation nationale. Ce référentiel se veut prescriptif tout en respectant l’autonomie des
établissements. Les épreuves du concours (admissibilité et admission) programmées pendant la
première année de master s’appuient sur des compétences acquises durant le master. Les
lauréats des concours bénéficient du statut de fonctionnaire stagiaire durant la deuxiè me anné e
de master. La formation s’appuie é galement sur une activité d’initiation à la recherche
permettant à l’é tudiant de se sensibiliser à la dé marche scientifique dans son champ
disciplinaire. La dimension professionnelle de la formation (stages, alternance, analyse de
pratique, geste professionnel...) permet aux étudiants de bénéficier d’une entrée progressive
dans le métier.
59
2.9. Des ESPE aux INSPE
La Loi pour une école de la confiance promulguée le 28 juillet 2019 prévoit le remplacement des
ESPE par les Institut Nationaux Supérieurs du Professorat et de l’Éducation (INSPE) dans chaque
académie et le réajustement des maquettes de formation des masters Métiers de l’Enseignement,
de l’Education et de la Formation (MEEF). Cette loi a pour objectifs de créer une formation plus
homogène et plus efficace sur l’ensemble du territoire au sein de l’INSPE ; une ouverture à
l’international renforcée ; l’affirmation d’un continuum de formation ; le renforcement de la part
du temps de formation assurée par des praticiens.
Jusqu’à la rentrée universitaire 2019, les étudiants souhaitant devenir enseignants s’inscrivaient
dans un master MEEF, à partir d’une grande diversité possible de filières d’une licence
universitaire en trois ans. La première année de ce master était essentiellement consacrée à la
préparation des épreuves écrites et orales du concours de recrutement des professeurs des
écoles. Dans la nouvelle organisation de la formation des professeurs des écoles, prévue par la
loi, le concours ne sera plus situé lors de la première année de master, mais lors de la seconde.
Pour le ministère, il était surtout nécessaire de promouvoir une formation dans laquelle une plus
grande expérience de terrain, c’est-à-dire de l’enseignement en établissement avant la
titularisation afin de permettre aux futurs professeurs, ainsi mieux formés, de faire face aux
difficultés rencontrées ordinairement lors de leur première affectation. Une formation plus
pratique, fondée en partie sur le modèle traditionnel du compagnonnage qui accorde une place
plus grande aux professeurs jugés expérimentés (Merle, 2020).
60
Chapitre 3 - L’organisation de la formation continue des enseignants
du premier degré
A la manière du chapitre précédent, ce troisième chapitre vise à appréhender cette fois
l’organisation et l’évolution de la formation continue des enseignants du premier degré à partir
des années 1960 à aujourd’hui.
La nécessité d’une formation professionnelle continue des instituteurs apparaît dans les
années 1960 au regard du renouvellement des savoirs savants et du monde de l’entreprise qui
développait pour son personnel des formations récurrentes.
Ainsi,
à moins de se singulariser, l’Éducation nationale ne pouvait rester à l’écart d’un
mouvement qui s’imposait comme une évidence dans la société et qui aboutit à la loi de
1971 sur la formation continue dans le cadre de l’éducation permanente (Prost, 2014,
p. 163).
Dans cette loi, est inscrit que la formation professionnelle continue fait partie de l’éducation
permanente :
elle a pour objet de permettre l’adaptation des travailleurs au changement des techniques
et des conditions de travail, de favoriser leur promotion sociale par l’accès aux différents
niveaux de la culture et de la qualification professionnelle et leur contribution au
développement culturel, économique et social (loi n° 71-575 du 16 juillet 1971, art. 1er).
Les formations permanentes proposées ont alors pour objectif d’apporter un complément de
formation aux maîtres afin de leur permettre d’exercer de nouvelles fonctions. En 1972, la
circulaire n° 72-240 relative à la formation continue prévoit un crédit de formation de
36 semaines à tout instituteur en activité à temps plein, à répartir sur sa carrière.
À cette période, avec l’évolution des savoirs technologiques, « dans l’enseignement primaire, la
linguistique et les mathématiques modernes rendent périmés le français et le calcul » (Prost,
2014, p. 165). Ce saut épistémologique rend la formation des instituteurs insuffisante et il
apparaît indispensable de former les instituteurs qui enseignaient déjà. Ainsi, « dans un monde
en évolution rapide, il s’agit bien d’une formation continue ou permanente au sens propre du
terme : son but est de faire évoluer les maîtres pour renforcer et rénover l’enseignement » (Prost,
2014, p. 165). « Le Rapport Joxe (1972) décrit la formation continue comme une nécessité
professionnelle : les enseignants ont besoin de cours de recyclage et d’information sur les
nouveautés en éducation et les avancées de leur discipline » (Sacilotto-Vasylenko, 2007, p. 114).
Cette formation continue est alors confiée aux écoles normales qui en sont responsables et qui
proposent des stages de douze ou six semaines aux enseignants qui souhaitent se former.
Sans né gliger d'é tudier avec tous les maı̂tres les aspects gé né raux de la ré novation
pé dagogique, chacun des stages organisé pourra privilé gier une direction particuliè re
relative soit à un contenu, soit à une mé thode, soit, é ventuellement, à un niveau
d`enseignement. En fonction des besoins locaux, ces stages pourront également
61
concerner des aspects particuliers tels que l'enseignement des enfants étrangers, la
pédagogie des classes uniques, etc. (Deygoût, 1972, p. 4).
Le détail de l’offre de formation en terme de contenu n’est pas accessible en accès libre.
Au début des années 1980, les conditions sociopolitiques et institutionnelles ont permis
l’évolution « autonome » de la formation continue et les mutations professionnelles identitaires
des acteurs (Peyronie, 1989). Le rapport Peretti de 1982 donne une priorité radicale à la
formation continue qui apparaît comme le meilleur moyen de faire évoluer l’éducation nationale.
Alain Savary, ministre de l’Éducation de l’époque,
adopta les propositions relatives à la formation continue où il voyait, comme de Peretti,
le seul moyen efficace de réformer en profondeur l’enseignement, car il ne croyait pas aux
transformations imposées d’en haut. La formation continue mettrait en mouvement les
maîtres, et les changements impossibles à prévoir qui en résulteraient seraient à la fois
positifs et acceptés, parce qu’enracinés dans l’expérience locale des acteurs (Prost, 2014,
p. 171).
C’est dans ce contexte que sont créées les MAFPEN. Ce sont des institutions indépendantes,
considérées comme importantes dans l’évolution de la formation continue et de la recherche
pédagogique en France.
L’objectif est de promouvoir une nouvelle formation, centrée sur les besoins du terrain et des
enseignants. Le ministre décrit alors les orientations et les priorités des MAFPEN pour la
formation continue de cette pé riode en rappelant qu’il s’agit de donner à tous les personnels les
moyens d’exercer leurs métiers dans les meilleures conditions (Guglielmi & Savary,1999).
En 1995, le rapport de l’IGAENR a montré que 65 % des formés étaient satisfaits de la
formation et 20 % en partie satisfaits. Environ 70 % ont déclaré réutiliser les apports de
la formation reçue. En effet, les MAFPEN ont su développer la formation continue grâ ce à
un rapprochement avec le terrain et grâ ce à une recherche collaborative en é ducation
(Sacilotto-Vasylenko, 2007, p. 120).
Cependant, entre les difficultés budgétaires et l’absence de moyen pour remplacer les
enseignants en formation, les acteurs, dont l’investissement dans la formation continue n’était
pas reconnu institutionnellement, se sont peu à peu désengagés (Sacilotto-Vasylenko, 2007).
En 1998, une lettre adressée aux recteurs annonce la suspension brutale des MAFPEN et le
changement des principes de la formation continue des enseignants. Ce sont les IUFM qui
ré cupè rent la mission de la formation continue et de recherche en é ducation. Trois principes
doivent dé sormais s’appliquer à tous les personnels de l’é ducation : « é chapper à la
détermination du seul diplôme initial, valoriser l’expérience professionnelle, accompagner la
mobilité, […] » (BOEN, 1999, p. II).
62
3.3. La mise en œuvre des PNP et des PAF
Les actions de formation sont désormais envisagées au niveau national et au niveau académique.
« Les actions nationales sont décrites dans un programme national de pilotage (PNP) et
prennent les formes de conférences universitaires, de séminaires nationaux et d’universités
d’été » (Sacilotto-Vasylenko, 2007, p. 134) ; tandis qu’au niveau académique, c’est le recteur qui
a pour mission l’analyse des besoins et l’élaboration du cahier des charges de la formation
continue (Sacilotto-Vasylenko, 2007).
Sa mise en œuvre est confiée à l’IUFM qui doit s’appuyer sur le contrat d’objectifs fixés
par le Recteur, l’ordonnateur des dépenses. L’IUFM fait un appel aux candidatures
individuelles et élabore une offre de formation présentée dans le plan académique de
formation (PAF) (Sacilotto-Vasylenko, 2007, p. 138).
Toutefois, les IUFM rencontrent des difficultés dans la formation continue des enseignants
notamment en raison de « l’absence de débat de fond sur la nécessite de concevoir la formation
continue comme partie intégrante du travail enseignant […] » (Cros, 2005, p. 202).
Le 27 juillet 2001, une circulaire renforce les principes de 1998 en annonçant des mesures
d’amélioration, dans le but de renouveler et redynamiser la formation continue des enseignants
et des personnels d’éducation et d’orientation. Celle-ci « doit effectivement permettre à
l’enseignant de renouveler, de développer ses compétences disciplinaires spécifiques et de
mieux exercer son métier d’enseignant » (Le BO., n°32, 2e partie, para. I).
À partir de 2008, l’intégration des IUFM aux universités, puis la réforme importante de la
masterisation en 2010 avec la mise en place d’un master d’éducation, d’enseignement et de
formation mettent à mal la formation continue et initiale des enseignants (Étienne, 2015).
Jusqu’en 2008, « aucun texte général concernant la formation continue des enseignants fixant
les priorités nationales n’a été publié au Bulletin Officiel de l’Education Nationale (BOEN), à la
différence de ce qui s’est passé pour la formation continue des personnels non enseignants du
ministère » (MEN, 2010, p. 21). Le décret n° 2008-775 du 30 juillet 2008 relatif aux obligations
de service et aux missions des personnels enseignants du premier degré énonce dans son
article 2 que dix-huit heures sont consacrées à des actions de formation continue et pour au
moins la moitié d’entre elles, à de l’animation pédagogique.
En 2010, le rapport de l’IGEN-IGAENR propose une évaluation visant à identifier et à caractériser
l’évolution des objectifs et des modalités de mise en œuvre de l’action publique en ce qui
concerne la formation continue des enseignants des premiers et seconds degrés de 1998 à 2009.
Les principaux constats mettent en lumière l’inadéquation croissante entre les attentes des
enseignants et celle des décideurs, le pilotage tant au niveau national qu’au niveau académique
est perfectible ainsi qu’une organisation de la formation qui n’est pas totalement efficiente. Des
axes d’amélioration sont alors proposés : accroître la responsabilité des établissements et des
bassins parallèlement au développement des formations sur site ; favoriser un maillage
générationnel entre les jeunes enseignants et leurs collègues confirmés ; intégrer la dimension
« formation continue » dans la politique de gestion des ressources humaines ; mettre en synergie
63
les partenariats ; redéfinir le pilotage aux niveaux central et académique ; faire évoluer l’outil
statistique de recueil de l’information ; un essai d’esquisse pour repenser le dispositif de
formation continue des enseignants.
Trois ans plus tard, le rapport d’actualisation du bilan de la formation continue des enseignants
fait état d’une hétérogénéité entre académies en ce qui concerne les logiques d’organisation et
de pilotage de la formation continue. Aussi, « la formation continue sert souvent de variable
d’ajustement budgétaire et on peine à l’envisager comme un outil de pilotage et un objectif
prioritaire » (MEN, 2018, p. 11). Ce rapport ne fait pas de nouvelles préconisations, mais
actualise et complète les préconisations du rapport de 2010 en tenant compte des évolutions
institutionnelles récentes et des projets en cours.
Cependant, le projet de loi pour la refondation de l’École de la République de 2013 amène
l’urgence d’un redéploiement de la formation initiale. « Ce qui inquiète, c’est "l’oubliée : la
formation continue" (Alin, 2013), d’autant plus qu’elle a été malmenée, voire abandonnée ; au fil
des ans depuis 2005 » (Étienne, 2015, p. 40).
En effet, bien que
le code de l’éducation (Art. L. 721-2) confie aux ESPE la mission d’organiser des actions
de formation continue des personnels enseignants des premiers et seconds degrés et des
personnels d’éducation, force est de constater que ceci a peu avancé du fait de l’urgence
et de la nécessité de réussir avant tout la réforme de la formation initiale (Filâtre, 2016,
p. 2).
En 2017, le rapport diagnostic de l’IGAEN et de l’IGAENR sur la formation continue des
professeurs du premier degré met en évidence que
L’organisation même de la formation est assurée pour l’essentiel dans le cadre des "dix-
huit heures d’animation pédagogique et d’actions de formation" en circonscription. Ces
dix-huit heures se répartissent en neuf heures de présentiel et neuf de formation à
distance via la plateforme M@gistère. Les heures en présentiel sont regroupées en
séances d’une heure et demie voire de deux heures, quelques fois le mercredi après-midi,
mais le plus souvent le soir après la classe ce qui n’est pas propice à la meilleure attention,
y compris pour des adultes. Quant aux formations à distance, les conditions de réussite
ne sont pas garanties puisque le tutorat de ces temps de formation n’est pas systématique
(Cristofari et al., 2017, « synthèse »).
La formation continue de l’ensemble des personnels vise à doter les agents des compétences
professionnelles indispensables à une constante adaptation aux évolutions du système éducatif
et à l’accompagnement des élèves. Elle constitue un point d’appui essentiel dans la construction
et la réussite du projet professionnel individuel.
En 2019, la circulaire n° 2019-133 énonce les principes applicables à la formation continue des
personnels du ministère et propose le schéma directeur de la formation continue des personnels
de l’éducation nationale 2019-2022. Ce schéma vise trois objectifs : se situer dans le système
éducatif ; se former et perfectionner ses pratiques professionnelles afin de s’adapter aux
évolutions des métiers ; être accompagné dans ses évolutions professionnelles.
Si jusqu’alors, chaque enseignant était encouragé à se former régulièrement, à compter de la
rentrée de septembre 2019, est posé le principe que la formation continue est obligatoire pour
chaque enseignant. L’offre de formation continue qui sera mise en place pour répondre à cette
64
nouvelle obligation participera au développement professionnel et personnel des enseignants
et pourra donner lieu à l’attribution d’une certification ou d’un diplôme. Dans le 1er degré, les
enseignants sont tenus de suivre au moins 9 heures de formation continue chaque année. Il peut
s’agir de formation à distance sur des supports numériques.
Une enquête menée en 2021 par le Conseil National d'Evaluation du Système SColaire (CNESCO),
en partenariat avec France Éducation Internationale et Réseau Canopé, propose un état des lieux
des politiques en France et à l’étranger sur le thème de la formation continue et du
développement professionnel des personnels de l’éducation. Elle met en évidence que bien que
la formation continue des personnels de l’éducation se soit fortement développée depuis 2010,
elle présente des effets limités sur les pratiques pédagogiques des enseignants et, par
conséquent, sur les acquis des élèves.
Ceci s’explique surtout par le fait que les dispositifs de formation, certes existants, sont
peu efficaces (temps de formation trop courts sans application sur le terrain, besoins
ré els des personnels à former peu pris en compte, faible attractivité de formations très
majoritairement non diplômantes, car formation dite « maison », non prise en compte des
efforts de formation continue dans la carrière, faible évaluation de la qualité des
formations et de leurs effets...). Ceci a conduit la moitié des personnels à avoir recours à
des formations hors Éducation nationale (Mons et al., 2021, p. 14).
65
5. Accompagner les encadrants dans l'exercice de leurs responsabilités pédagogiques et
managériales, afin de consolider leur posture et leur permettre de développer
l'ensemble des compétences transversales nécessaires à l'exercice de leur fonction et
à la mise en œuvre des projets de transformation ;
6. Consolider les connaissances, les compétences et les usages du numérique, afin de
faire du numérique un outil et un levier du développement professionnel (circulaire
du 11 février 2022, « Structuration et déploiement »).
Ces priorités se traduisent chaque année dans les Plans Nationaux de Formation (PNF) et le PAF
au niveau territorial. De plus, à partir de janvier 2022, sur chaque territoire académique, une
école académique de la formation continue est créée.
Sous l'autorité des recteurs, les directeurs des nouvelles écoles, en lien avec les directeurs
des ressources humaines, mettent en place un pilotage académique des actions de
formation, en s'appuyant sur tous les responsables et acteurs de l'académie, en tenant
compte des spécificités propres au premier degré et, le cas échéant, de la dimension
régionale. L'école académique vise à rendre l'offre de formation plus structurée, plus
lisible, plus cohérente et accessible à tous les échelons du territoire, pour l'ensemble des
personnels de l'éducation, de la jeunesse et des sports à la rencontre de l'expression de
leurs besoins. Les PAF sont élaborés en prenant appui sur l'analyse des demandes
individuelles et collectives collectées dans l'académie (circulaire du 11 février 2022,
« mise en œuvre territoriale »).
66
Synthèse et éléments de conclusion de la première partie
En conclusion de cette première section, nous pouvons tout d’abord dire que les trois vagues
d’injonction législatives françaises ont largement été influencées par les textes internationaux.
Le droit à l’enseignement des enfants handicapés a évolué à travers trois grands principes que
sont la ségrégation, l’intégration et l’inclusion.
Au début du XXe siècle, l’éducation spéciale a été créée pour désengorger les asiles. Les enfants
« anormaux » étaient alors placés dans des classes de perfectionnement, à l’écart du milieu
ordinaire. Ce principe de séparation a perduré en France, malgré l’évolution internationale,
jusqu’en 1975 où émerge le principe de l’intégration. Le système éducatif français place alors au
premier rang la scolarisation en milieu ordinaire des enfants handicapés. Toutefois, l’éducation
spéciale est conservée pour les cas les plus graves. Vingt ans plus tard, la loi du 11 février 2005
marque un nouveau tournant en ce qu’elle considère l’enfant handicapé comme sujet de droit,
éducable dans ses dimensions corporelles, affectives, cognitives, tout en tenant compte de son
environnement. Elle instaure des principes fondamentaux relatifs aux personnes handicapées
tels que le droit à la compensation et la création des MDPH et des CDAPH. Dans le domaine de
l’éducation, elle institue la règle de l’établissement de référence, définit le projet personnalisé de
scolarisation et crée les équipes de suivi de scolarisation, afin d’offrir aux ESH un parcours de
scolarisation en milieu ordinaire adapté à leurs besoins et qui s’inscrit dans une logique de
continuité. La philosophie portée par cette loi impulse de manière implicite un changement de
paradigme vers une société inclusive. Ce mouvement a continué d’évoluer jusqu’en 2013 avec la
loi pour la refondation de l’école de la République qui officialise pour la première fois la notion
d’« inclusion scolaire ». Ayant pour objectif de faire de l’école un lieu de réussite, d’autonomie et
d’épanouissement pour tous, cette loi insiste sur de grands principes comme la lutte contre les
inégalités sociales et territoriales, l’inclusion scolaire, la mixité sociale, la participation des
parents et l’affirmation d’une communauté éducative. Elle prévoit toutefois des dispositions
spécifiques afin de permettre et d’améliorer l'accès des ESH à une scolarité ordinaire notamment
la coopération entre le ministère de l’Éducation nationale et le secteur médico-social ou encore
des moyens humains, matériels et pédagogiques. Enfin, la loi de 2019 pour une école de la
confiance poursuit l’objectif d’assurer une scolarisation de qualité à tous les élèves, prenant
mieux en compte la singularité et les besoins éducatifs particuliers de chacun.
Ainsi, pendant plus d’un siècle, les prescriptions législatives françaises relatives à la
scolarisation des ESH ont permis de passer d’une pédagogie spécialisée centrée sur les troubles
et la pathologie, à une pédagogie prenant en compte l’élève dans sa singularité, comme sujet de
droit présentant des besoins éducatifs singuliers.
A propos de la formation initiale des enseignants, quatre grandes périodes marquent son
évolution : les écoles normales de 1830 à 1990, les IUFM jusqu’en 2013, les ESPE jusqu’en 2019
puis les INSPE, aujourd’hui en vigueur.
Depuis la création des écoles normales en 1833, la formation des enseignants suscite bien des
débats d’un point de vue politique ainsi que de nombreuses réformes. Bien que la création des
écoles normales ait permis de faire de la formation des enseignants une affaire d’État et
d’améliorer leurs conditions, ces écoles seront longtemps critiquées en ce qu’elles ne préparent
pas assez les élèves-maîtres à leur pratique future.
67
Après la seconde guerre mondiale, avec la croissance démographique d’après-guerre, il est
urgent de recruter des enseignants. Cependant, la question de l’attractivité du métier dans le
premier degré est au cœur des préoccupations : le second degré connaît un essor important lié
à sa restructuration, les enseignants qualifiés du premier degré partent pour le second degré et
le premier degré se retrouve à devoir recruter des enseignants sans qualification. Redynamiser
la formation des enseignants du premier degré devient donc une priorité, avec l’idée d’inclure
l’université dans la formation des instituteurs du premier degré et de renforcer la dimension
didactique. C’est pourquoi, en 1990, la création des IUFM naîtra d’une volonté politique et
législative d’homogénéiser le niveau académique de recrutement des enseignants à la licence.
Le rattachement des IUFM à l’université prendra effet en 2008 et la réforme de la mastérisation
s’effectuera en 2010. Le niveau de recrutement des enseignants s’é lè ve alors à Bac+5. Par
consé quent, afin de faire acqué rir à tous les futurs enseignants un haut niveau de qualification
et un corpus de savoirs et de compé tences indispensables à l’exercice du mé tier, les IUFM sont
remplacés par les ESPE en 2013. La formation s’appuie désormais sur un référentiel métier
déterminé par le ministère de l’Éducation nationale. Toutefois, malgré ce référentiel commun, la
formation des enseignants apparaît trop hétérogène sur le territoire, d’une ESPE à l’autre. C’est
pourquoi, la loi pour une école de la confiance promulguée en 2019, a pour ambition de créer une
formation plus homogène et plus efficace sur l’ensemble du territoire ce qui va aller de pair avec
le remplacement des ESPE par les INSPE dans chaque académie. Le ministère souhaite
promouvoir une formation qui propose plus de pratique au sein des établissements scolaires
avant la titularisation, afin de permettre aux futurs professeurs de faire face aux difficultés
rencontrées ordinairement lors de leur première affectation.
Concernant la formation continue, comme pour la formation initiale, quatre grande périodes
marquent son évolution : la mise en œuvre de la formation continue dans les années 1960, la
création des MAFPEN puis des PNF, PAF entre 1980 et l’an 2000, les différentes mesures
d’amélioration et rapports d’actualisation jusqu’en 2019, puis, l’instauration du caractère
obligatoire de la formation continue pour chaque enseignant à partir de la rentrée 2019.
La mise en perspective historique que nous avons réalisée nous permet de constater tout
d’abord que le passage du principe d’intégration à celui de l’inclusion en France s’est effectué
avec un décalage de près d’une vingtaine d’années par rapport aux prescriptions
supranationales : alors que la Déclaration de Salamanque employait pour la première fois le
terme d’inclusion en 1994, il aura fallu attendre 2013 pour voir ce terme inscrit dans la
législation française. Ainsi, cet écart temporel qui existe entre les prescriptions supranationales
et nationales relatives à l’inclusion scolaire, nous interroge sur ce qui est réellement effectif sur
le terrain en matière d’inclusion scolaire.
Les grandes périodes de réformes de la formation initiale et continue des enseignants
correspondent sensiblement à celle de l’évolution historique de la scolarisation des ESH. Ceci
nous invite à penser qu’un tel changement ne peut se faire sans un changement en profondeur
de la formation des enseignants aux prises avec les réalités de l’inclusion. Or, ce n’est que pour
la rentrée 2021, qu’une formation de tous les nouveaux enseignants à l’école inclusive, d’au
moins 25 heures, devient obligatoire dans le cadre de leur formation initiale ; soit huit ans après
la loi de 2013 qui introduit pour la première fois le terme d’inclusion.
68
DEUXIÈME PARTIE : Revue de la littérature scientifique
La revue de la littérature scientifique proposée dans cette deuxième partie s’intéresse dans un
premier temps à la recherche en éducation portant sur le handicap et la manière dont la société
a construit, successivement, différents rapports au handicap et à l’idée de répondre aux droits et
aux besoins en éducation des enfants en situation de handicap. Elle s’intéresse ensuite aux
recherches réalisées sur la formation des enseignants à leur formation dans le contexte de la
classe ordinaire. Cette revue de la littérature scientifique mène alors à s’intéresser aux
recherches portant sur les ressources sur lesquelles ils peuvent s’appuyer et ouvre sur les
recherches étudiant les collaborations interprofessionnelles pouvant exister.
69
Chapitre 4 - Les recherches sur la scolarisation des élèves en
situation de handicap
Après un bref rappel de la construction historique de la notion de handicap, la revue de la
littérature scientifique que nous avons menée sur la scolarisation des élèves en situation de
handicap révèle cinq thématiques majeures. Tout d'abord une place importante est accordée à
la mise en perspective historique de l’évolution de cette scolarisation, dont les analyses
proposées par les chercheurs souvent se complètent. Nous y reconnaîtrons des analyses des
éléments de contexte juridique et historique cités dans la première section. Ensuite, les
recherches traitent plus spécifiquement de l’évolution des terminologies – entre intégration et
inclusion –, qui au-delà d’un changement de termes, révélerait un changement de paradigmes
institutionnels. Troisièmement, les auteurs analysent l’inclusion comme dépendante des
évolutions sociétales avec l’émergence de la notion d’EBEP. Quatrièmement, ils discutent les
définitions d’école et d’éducation inclusive et enfin, cinquièmement, certains relèvent le
paradoxe de l’inclusion. Nos critères de sélection des références bibliographiques
correspondent essentiellement aux recherches sur le contexte français en tout ou au moins en
partie, centrées sur les écoles du premier degré (maternelles et élémentaires) et les ESH.
Dans la mesure où notre recherche porte particulièrement sur l’inclusion scolaire d’élèves en
situation de handicap, il est important d’étudier ce qu’on entend par handicap. La notion de
« handicap » s’est élaborée tout au long du XXe siècle. Comme le rappelle Caraglio (2017), cette
notion est issue étymologiquement de la contraction de l’expression anglaise « hand in cap »
signifiant « la main dans le chapeau » en référence à un jeu de paris et de hasard. Elle est ensuite
appliquée au domaine des courses hippiques pour désigner un système d’égalisation des
chances, imposant un désavantage aux meilleurs chevaux en les dotant d’une charge supérieure
à celle attribuée aux chevaux médiocres. Puis, l’usage du terme handicap s’étend au monde du
sport, dont le principe est d’ajouter une difficulté supplémentaire au plus fort afin de rétablir
l’équilibre des chances entre les concurrents (Caraglio, 2017). Lefébure et Dougny (2017) notent
qu’à l’origine, le mot « handicap » n’avait aucune connotation d’infériorité, de manque ou
d’incapacité. Toutefois, dans les années 1945, après la Seconde Guerre mondiale, le terme
« handicap » se substitue aux termes d’invalides, infimes ou mutilés. À ce propos, Stiker (2017)
met en avant que « l’infirme » n’est alors plus un malheureux individu puisqu’il commence à être
un ayant droit de la société collective. Tout comme Bonjour (2006) qui corrobore cette idée,
exprimant que « la personne handicapée devient une personne à qui il faut faire une place, une
personne citoyenne qui attend de la société plus de reconnaissance que de charité » (p. 89).
Poursuivant la réflexion sur le handicap, Caraglio (2017) évoque que ce terme apparaît
officiellement en France dans la loi du 23 novembre 1957 sur le reclassement professionnel des
travailleurs handicapés. Stiker (2007) précise, quant à lui, que la loi définit le « travailleur
handicapé » comme une « personne qui subit des désavantages plus grands que les autres
citoyens, eu égard à sa ou ses déficience(s) » (p. 56). Winance (2008) corrobore cette idée en
stipulant plus largement que, durant les années 1970, la notion de handicap « met l’accent sur
70
les conséquences sociales dues à la déficience, sur le désavantage qui en découle pour la
personne. Il désigne l’écart à la norme sociale […] » (p. 378).
En 1975, bien que la loi d’orientation pour les personnes handicapées ne définit pas la notion de
handicap, la CIH de 1980, établie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la définit comme
la conséquence sociale d’une maladie. En effet, elle tend à distinguer certaines conséquences de
maladie en trois notions : déficience, incapacité, désavantage social ou handicap (Stiker, 2017,
p. 23).
Ainsi, selon Stiker (2017), avec les préconisations de la loi de 1975 et la CIH de l’OMS de 1980,
la société devait effectuer les efforts nécessaires pour rendre accessibles les biens et espaces
communs.
Près de vingt ans plus tard, en 2001, Winance (2008) met en avant que, suite à la revendication
des personnes en situation de handicap souhaitant participer à la vie ordinaire et mettant en
avant les obstacles environnementaux et sociaux auxquels elles sont confrontées, la
Classification Internationale de Fonctionnement du handicap (CIF) conceptualise le handicap
comme une dimension de la santé. En effet, considérant le handicap non plus comme la
conséquence sociale d’une maladie mais liée à la santé, « […] la CIF élargit son point de vue : elle
s’intéresse à l’état de santé de la personne, de toute personne, et cherche à en décrire les
différentes facettes, biologique, psychologique et sociale » (Winance, 2008, p. 406). Pour l’OMS
(2001), il s’agit d’un « terme générique pour les déficiences, les limitations de l’activité et
restriction à la participation » (p. 3).
Finalement, ce n’est que le 11 février 2005, que la loi pour l’égalité des droits et des chances, la
participation et la citoyenneté des personnes handicapées donne pour la première fois, une
définition législative du handicap :
Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction
de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en
raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions
physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un
trouble de santé invalidant.
La dimension et la prise en compte de l’environnement constituent la spécificité et la nouveauté
de cette définition législative du handicap. En effet, pour Stiker (2017), « les facteurs déficitaires,
les facteurs personnels tant de capacité individuelle que de vécu, de désir, d’expérience,
d’habitudes de vie, les facteurs environnementaux, les facteurs sociaux et politiques, tous
agissent et coagissent » (p. 29).
D’ailleurs, cette définition fera émerger des débats sémantiques sur la dénomination à employer
pour désigner les personnes handicapées, dont Gohet (2007) fait état :
les uns parlent de "personnes en situation de handicap", donnant ainsi la priorité aux
causes environnementales qui sont à l’origine du handicap ; les autres retiennent la
formule "personnes handicapées" mettant ainsi l’accent sur les incapacité s qui sont à la
source de leurs difficultés. La loi a retenu l’expression "personnes handicapées". La
formule "personnes en situation de handicap" tend cependant à s’imposer
progressivement (p.5).
71
Selon Suau (2020), parler de personne en situation de handicap et non plus de personne
handicapée, permet de repositionner au premier plan l’environnement de la personne qui peut
la mettre face à des difficultés handicapantes.
L’évolution de la notion de handicap et des terminologies employées pour désigner les
personnes en situation de handicap mis en avant par les auteurs, nous conduit à souligner dans
la partie suivante la prédominance dans la recherche scientifique de la mise en perspective
historique de la scolarisation des ESH et des débats terminologiques pour nommer ces derniers.
En 2012, Mazereau étudie l’évolution des lois-cadres qui ont régi la scolarisation des élèves en
situation de handicap, tout au long du XXe siècle. L’auteur fait un rappel de l’évolution de la
scolarisation des élèves en situation de handicap avant la loi de 1975, avec le principe de la
séparation, instauré par la loi de 1909, séparant ainsi les « anormaux d’écoles » des « anormaux
d’asiles », notamment avec la création des classes de perfectionnement. Caraglio (2017) rappelle
qu’en 1905, Binet et Simon produisent un test d’intelligence, nécessaire à l’établissement du
diagnostic de « débilité » ainsi qu’à l’orientation de l’élève. Les « anormaux d’école », élèves en
grande difficulté scolaire dits « débiles » ou « perfectibles », étaient alors orientés vers les classes
de perfectionnement, tandis que les « anormaux d’asile » étaient repérés par des « stigmates
corporels » qui les confinaient au sein des asiles (Mazereau, 2012).
Hugon (1984) résume qu’à cette période, la règle de l’éducation spéciale était la mise à l’écart
puisque cette dernière devait s’exercer à l’extérieur de l’école ordinaire et la création de ces
classes était une réponse apportée à l’entrée dans le système scolaire de nouvelles populations
d’enfants à la suite de la promulgation de l’obligation scolaire. Mazereau (2012) note qu’ensuite
« la défense de l’équité ségrégée s’est rapidement déplacée, dans les discours, vers l’équité
égalitaire à travers la revendication de l’enseignement unique » (p. 32). Caraglio (2017) explique
qu’après la seconde guerre mondiale, dans les années 1945, le secteur de l’enseignement
spécialisé est segmenté en deux grands champs : le champ associatif de la santé et des affaires
sociales prenant en charge les enfants « anormaux » et l’Éducation nationale. A l’Éducation
nationale, Plaisance (2010) précise que l’intégration en classe ordinaire se décline soit de
manière « individuelle », soit de manière « collective » en regroupant des enfants en classe
spéciale selon le type de handicap. En ce sens, le remplacement des classes de perfectionnement
par les CLIS s’accompagne d’une redéfinition des critères d’admission des élèves. Ainsi, « les
classes ordinaires se trouvent de fait face à la nécessité de conserver en leur sein des élèves
autrefois susceptibles d’être orientés vers l’enseignement spécialisé » (Mazereau, 2012, p. 34).
A ce propos, Plaisance (2010), évoque que les préconisations consistaient déjà, à cette époque,
à passer progressivement de l’éducation traditionnelle « spéciale » à l’éducation « inclusive »,
mais aussi du vocabulaire du handicap à celui des « besoins éducatifs particuliers » (BEP).
Nous pouvons suivre les propos de Mazereau pour rappeler que la réflexion sur le handicap s’est
développée dans les années 1945, après la Seconde Guerre mondiale, et a conduit à la loi du 30
juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées, « emblématique de la prise en
main par l’État de la production de la catégorie du handicap comme nouvelle branche de l’action
72
publique » (p. 33). Cette loi apporte, pour la première fois, la reconnaissance nationale du
handicap, sans le définir. D’ailleurs, Mazereau le justifie : du fait de « l’absence de consensus dans
les milieux médicaux et éducatifs sur cette notion, le législateur décide de contourner la difficulté
en ne donnant pas de définition précise du handicap » (p. 33).
Mazereau constate également qu’en 1989 s’opère une refonte globale et progressive de
l’ensemble des structures de l’enseignement spécialisé, désormais articulé à celles de
l’adaptation scolaire et de la classe ordinaire (p. 34). En effet, bien qu’amorcée par la loi de 1975,
l’intégration scolaire est fixée par la loi de 1989 d’orientation sur l’éducation en ce qu’elle
garantit le droit à l’éducation pour tous, comme une mission de l’école.
Ainsi, « bien que l’école peine souvent à adapter ses structures et ses modes de fonctionnement
à l’accueil des élèves en situation de handicap, le temps n’est plus où l’institution scolaire pouvait
s’exonérer de cette responsabilité éducative » (Caraglio, 2017, p. 36).
Pendant trente ans, le principe d’intégration a prévalu dans l’institution scolaire, là où il
s’agissait d’intégrer l’enfant en situation de handicap à chaque fois que cela était possible, du
moment que l’institution n’avait pas à mettre en œuvre d’adaptations scolaires. De ce fait, ce
modèle demandait des efforts considérables, voire insoutenables, aux enfants en situation de
handicap, et écartait de l’é cole tous ceux qui ne pouvaient, par compensations, parvenir à la
norme supposée de normalité (Gaulot, 2018, p. 77).
C’est ainsi que ces évolutions concernant la scolarisation des élèves en situation de handicap ont
peu à peu conduit le pouvoir exécutif à se préoccuper des questions relatives plus
particulièrement au handicap dans les années 2000 (Mazereau, 2012).
Dès le début des années 2000, et notamment à partir de 2005, de nombreux débats ont émergé
dans la littérature scientifique à propos des terminologies employées pour désigner la place faite
aux ESH dans l’école et les classes ordinaires. Les notions d’intégration d’abord et d’inclusion
ensuite sont au cœur de ces débats, au regard du contexte législatif de l’époque.
Rappelons que, venant remplacer les lois de 1975 et 1989, la loi du 11 février 2005 reconnaît à
tout enfant porteur de handicaps le droit d’être inscrit en milieu ordinaire, dans l’école la plus
proche de son domicile qui devient l’établissement de référence, et instaure le principe de la
non-discrimination. Notons les termes employés dans la loi : « intégration », « intégration
scolaire », « intégration dans la société », « intégration des élèves handicapés », alors qu’à partir
de la loi de 2013 c’est la notion d’inclusion qui sera choisie par le législateur.
Garel (2010) et Bruchon (2014) présentent d’abord l’intégration scolaire comme la possibilité
pour l’ESH d’être accueilli en milieu ordinaire. Ce dernier doit se conformer et s’adapter aux
normes de l’école. Pillant (2019) complète cette idée en exprimant que « l’intégration c’est
lorsqu’un individu qui appartient à une minorité d’individus "différents" s’adapte aux normes et
aux valeurs de l’ensemble de la société » (p. 15). Pour lui, l’intégration serait un double processus
« d’une part, une catégorisation discriminante de ce qui fait différence, d’autre part un
renforcement du semblable présumé capable d’absorber les différences, de les assimiler »
(p. 14).
73
A la différence de l’intégration, Garel (2010) présente la notion d’inclusion scolaire comme
permettant à l’école de s’adapter aux possibilités de l’élève et non à l’élève de se conformer aux
normes de l’école. Pour l’auteur, les difficultés éducatives, dans le cadre d’une éducation
inclusive, doivent être considérées comme liées au contexte. Bruchon (2014) corrobore ces
propos en soutenant que « l’inclusion scolaire serait, en quelque sorte, une intégration plus
poussée et l’école inclusive, une école plus accueillante, plus bienveillante, en particulier pour
les enfants en situation de handicap » (p. 2).
Voici quelques exemples autour des notions d’intégration et d’inclusion que la littérature a
largement débattues. Pour De Saint Martin (2019) : « si l’intégration demande à l’individu de
s’adapter à la société, l’inclusion exige de la société son adaptation au handicap » (p. 77). Gaulot
(2018) partage ce point de vue : « alors que l’inté gration tentait de rendre la personne
handicapé e apte à inté grer une société faite pour les personnes "normales", l’inclusion tente de
mettre la société en état d’ê tre accessible à toute personne et rejette toute exclusion » (p. 69-70).
Un auteur comme Le Capitaine (2013) se focalise également sur la différence majeure entre
intégration et inclusion et les analyse dans leur rapport à la norme : « là où l’intégration
n’interrogeait pas la norme établie, l’inclusion fait varier la norme pour y inclure toutes les
singularités » (Le Capitaine, 2013, p. 127). Cette variabilité de la norme dans l’inclusion est aussi
notée par Pillant (2019) quand ce dernier précise que l’inclusion « cherche à faire toute sa place
à la diversité qui constitue notre réalité sociétale actuelle en prônant un "vivre-ensemble" basé
sur la singularité, la rencontre, la participation et la promotion de notre production du commun »
(p. 21). Ainsi, l’inclusion scolaire permet à l’élève, non seulement d’être accueilli en milieu
ordinaire, mais c’est l’école qui doit s’adapter à lui, considérant ses difficultés comme liées à
l’environnement et non pas comme intrinsèques à lui.
Bien qu’utilisée couramment dans la langue française, l’expression « inclusion scolaire » est
identifiée comme une innovation récente (Plaisance, 2010). « En français, le mot "inclusion"
signifie "état de quelque chose qui est inclus dans un tout, un ensemble". Ce terme vient du latin
inclusio ; emprisonnement » (Bouquet, 2015, p. 16). Ce paradoxe étymologique est discuté par
Bataille et Midelet (2018), considérant l’inclusion scolaire comme une appartenance entière à la
communauté scolaire. En effet, selon Bruchon (2014), l’inclusion désigne un état qui signe une
appartenance, une inscription de parties dans un tout. Pour Bouquet (2015) qui poursuit sa
réflexion et rejoint cette idée, l’inclusion « désigne l’affirmation des droits de toute personne à
accéder aux diverses institutions communes et destinées à tous, quelles que soient leurs
éventuelles particularités » (p. 20). Ainsi, selon Ebersold (2009), l’école devient alors un moyen
de construire une société réceptive aux différences et à l’accueil de la diversité. Suau (2020)
complète ces propos en disant qu’« il s’agit d’abord d’un principe éthique puisque tout enfant a
un droit à fréquenter l’école ordinaire, s’opposant ainsi à une exclusion en fonction de ses
caractéristiques » (p. 24).
Cette distinction entre intégration et inclusion conduit certains auteurs à parler d’un
changement de paradigme. C’est le cas d’Ebersold, en 2009, qui tente de montrer comment
l’inclusion allait s’opérer par un changement paradigmatique engendrant un glissement de
perspective dans l’institution scolaire. Si à l’origine le terme d’inclusion soulignait la volonté de
scolariser les enfants présentant une déficience ou un trouble d’apprentissage en milieu
ordinaire, il désigne désormais l’exigence faite au système éducatif d’assurer la réussite scolaire
74
et l’inscription sociale de tout élève indépendamment de ses caractéristiques individuelles ou
sociales (p. 79).
L’idée de changement de paradigme et non d’un simple glissement de termes se retrouve chez
des auteurs comme Bruchon (2014) qui met en avant par exemple une place nouvelle donnée
aux familles afin qu’elles puissent toutes conquérir un pouvoir d’agir pour favoriser la réussite
des enfants ; et non pas s’arrêter à une simple inclusion physique de l’élève en classe ordinaire,
qui renverrait au principe d’intégration. C’est tout le système éducatif qui doit évoluer pour
s’adapter aux ESH. On retrouve un autre exemple de cette idée chez Le Capitaine (2013), qui
parle d’inversion de paradigme et de révolution conceptuelle. Il s’agit d’un changement profond
sur la manière de concevoir la place des personnes en situation de handicap dans la société. Pour
Ebersold (2015), le concept d’inclusion en vient alors à dépasser la question du handicap pour
acquérir une dynamique plus globale conduisant la société à être plus réceptive à la différence
ce qui mène les politiques inclusives à revendiquer alors une conception systémique du monde
social : « À l’origine, le terme d’"inclusion", reflétait la volonté de scolariser les enfants reconnus
handicapés en milieu ordinaire en vue de changer les représentations à leur égard, et, plus
généralement, de renforcer la réceptivité de la société à la différence » (Ebersold, 2015, p. 68).
Pour Pillant (2019) « individuation et socialisation sont un seul et même processus » (p. 21). Il
note un changement de vision, prônant l’inclusion comme un « vivre-ensemble », considérant
chaque individu avec ses singularités en s’appuyant sur un principe de déstigmatisation, là où
l’intégration renforce le principe de discrimination.
Pour ces différents auteurs, nous notons qu’ils insistent sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une simple
évolution de termes, entre intégration et inclusion, mais d’un réel changement de paradigme
appelant des évolutions sociétales et des décisions politiques nécessitant de véritables
évolutions fonctionnelles de l’école. Issus de champs disciplinaires différents tels que la
philosophie, l’anthropologie, la sociologie ou les sciences de l’éducation, ils partagent l’idée selon
laquelle l’inclusion est devenue une responsabilité collective de la société et impose les
organisations et les établissements d’ajuster leur projet d’établissement et de service,
d’organiser les projets personnalisés afin de créer une dynamique globale. Partant de là il s’agit
pour les auteurs cités de repenser le système éducatif afin de faire évoluer les mentalités et les
perceptions quant à la scolarisation des élèves en situation de handicap en milieu ordinaire. Plus
encore, cette évolution les conduit à réfléchir à la scolarisation des élèves qui présentent des
besoins éducatifs particuliers, au-delà du champ du handicap.
La loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République dite « loi Peillon » a pour
objet de faire de l’école un lieu de réussite, d’autonomie et d’épanouissement pour tous, et
notamment, de permettre et d’améliorer l’accès à une scolarité ordinaire pour les élèves en
situation de handicap. Cette loi entérine le terme d’inclusion, remplaçant celui d’intégration, en
vigueur jusqu’alors.
Durant la période 2005-2013, nous notons dans les écrits scientifiques, l’apparition de nouvelles
terminologies en lien avec les évolutions législatives supranationale relatives à la scolarisation
des ESH et la volonté d’une école plus réceptive aux différences. En effet, les travaux de Bataille
75
et Midelet (2014) qui traitent des élèves ayant des spécificités et de la diversité des élèves,
mettent en évidence le fait que le vocable « inclusif » est souvent réservé en France aux
personnes en situation de handicap. Ainsi, pour les auteurs, dans le cadre scolaire, l’inclusion
serait un terme employé pour désigner spécifiquement la scolarisation des ESH. Cependant,
pour Bouquet (2015), le terme d’inclusion dans le champ du handicap vise à prendre en compte
la dimension sociale du handicap et à poser la reconnaissance de la diversité. Elle montre « que
l’inclusion est non seulement une politique, mais est perçue aussi comme une valeur, comme
une éthique prônant la justice sociale et la cohésion de la communauté » (p. 25).
Ainsi, la réflexion sur la notion d’inclusion scolaire convoque différents champs disciplinaires et
conduit les auteurs à proposer et analyser de nouvelles terminologies pour désigner d’une part,
l’évolution de la scolarisation et de la place des élèves en situation de handicap et d’autre part,
la prise en compte de la diversité de tous les élèves, au-delà du champ du handicap, à l’école.
Ebersold (2009), pour qui l’inclusion scolaire consiste à faire de l’école un moyen de construire
une société réceptive aux différences et à l’accueil de la diversité, introduit dans ses travaux la
notion d’EBEP. Il défend une vision beaucoup plus large de l’inclusion, au-delà du champ du
handicap. Il définit la notion d’EBEP comme des élèves pouvant « présenter une déficience, être
surdoués, vivre dans les endroits isolés ou dans des communautés nomadiques, appartenir aux
minorités ethniques, culturelles ou linguistiques ou encore provenir de milieux défavorisés »
(p. 75). Katz et al. (2021) rejoignent Ebersold en expliquant qu’à travers l’emploi de la notion de
BEP, les situations de difficultés et de handicap ne sont plus classées d’après des critères de
définition exclusivement médicaux mais également à partir de déterminants sociaux (p. 98).
Selon Bonvin (2023), « cette notion inclut notamment les élèves en difficultés scolaires ou encore
les élèves issu·es de l’immigration, ce qui questionne les attentes scolaires tant sur le plan
scolaire que socioculturel » (paragr. 2).
Ebersold et Détraux (2013) renvoient cette notion à l’idée que tout enfant a des besoins
individuels spécifiques. Ils se réfèrent au concept de "specific need" de Warnock, qui « couvre un
champ très large, désignant tantôt des besoins physiologiques élémentaires (faim, soif) et tantôt
de simples besoins matériels non vitaux » (Ebersold & Détraux, 2013, p. 104). Les auteurs notent
ici le risque d’une confusion « entre besoin en général, besoin particulier, déficience ou trouble
de l’apprentissage et allocation de ressources complémentaires » (p. 107).
Ils mettent l’accent sur le fait que la notion de besoin éducatif peut être interprétée de plusieurs
manières :
Alors que certains voient quasi exclusivement dans le besoin éducatif, la résultante d’une
déficience ou une maladie, d’autres y incluent également les élèves dont le besoin éducatif
résulte de l’interaction entre les capacités d’apprentissage des intéressés et les normes
scolaires, et d’autres encore y voient aussi la résultante de difficultés sociales (p. 104).
Pour Thomazet (2012), l’emploi du terme de BEP, « suppose de penser la différence à l’école en
termes de réponse aux difficultés scolaires et non sur la base de l’origine des difficultés » (p. 14).
D’ailleurs, sur le plan scolaire, le Warnock Report distingue déjà en 1978 trois types de besoins
que sont les « besoins d’aménagement pour accéder aux enseignements, besoins
d’aménagement dans les programmes et besoins d’attention particulière à l’organisation sociale
et au "climat émotionnel" dans lesquels les apprentissages prennent place » (cité par Thomazet,
2012, p. 14).
76
Pour Thomazet (2012) la notion de BEP permet de centrer le raisonnement sur les besoins et
non plus sur l’origine de troubles. Woollven (2021) rejoint cette idée que la logique poursuivie
à travers l’emploi de BEP est qu’il s’agit de prendre en compte des besoins pédagogiques,
mettant à l’écart la dimension médicale qui existait jusqu’alors.
En ce sens, Charrier (2013), elle aussi, insiste sur le fait qu’il faut apporter une attention
particulière à la terminologie utilisée pour nommer les ESH. Pour l’auteure, l’utilisation de la
notion de BEP permet d’avoir une vision beaucoup plus large qui prend en compte la diversité
des élèves et non pas seulement les ESH par le fait que « le mot handicap n’est pas mentionné
sous l’intitulé d’élèves à besoins éducatifs particuliers, ce dernier renvoyant aussi bien aux
enfants du voyage ou aux enfants non francophones qu’à ceux en situation de handicap »
(Charrier, 2013, p. 142). Cela permet à Reverdy de dire en 2019, que « c’est comme si la notion
de besoin particulier remplaçait les anciennes catégorisations de handicap, mais en créant une
"super catégorie" très large répondant à toute une gamme de difficultés d’apprentissage, avec
des risques de stigmatisation » (p. 16). C’est ainsi que Reverdy (2019) corrobore et complète les
propos de Charrier (2013) et d’Ebersold et Détraux (2013) par le fait que cette notion permet
de prendre en compte l’interaction de la personne avec son environnement, conduisant alors le
système scolaire à proposer des réponses pédagogiques aux besoins des élèves. Ce qui rejoint
également la réflexion de Bataille et Midelet (2018) sur la mise en œuvre d’une pédagogie
différenciée qui pourrait profiter à la diversité des besoins des élèves, au-delà des ESH.
Cette attention portée à la notion de BEP et plus particulièrement sur celle d’EBEP, amène
certains auteurs, notamment Bouquet (2015) et Ebersold et Détraux (2013), à alerter sur le fait
qu’il s’agit encore d’une notion floue, rarement définie, peu précise et mal stabilisée dans la
littérature, connaissant différentes interprétations en fonction des pays et « qui peine à faire le
lien entre la grande difficulté et la situation de handicap » (Gossot, cité par Bouquet, 2015, p. 21).
En effet, en 2021, des auteurs comme Ebersold et Amagnague interrogent la réalité ou la
pertinence même de cette notion. Pour eux,
ce flou est source de confusion : il conduit à distinguer les élèves en situation de handicap
de ceux à besoins éducatifs particuliers, comme si les élèves en "situation de handicap"
n’avaient pas de besoins éducatifs et comme si les élèves à "besoins éducatifs" n’étaient
pas confrontés à des situations de handicap restreignant leur accès à l’école (Ebersold &
Armagnague, 2021, p. 40).
Ils expriment que lorsque le besoin éducatif particulier résulte d’un problème de santé, une
reconnaissance institutionnelle est alors nécessaire pour compenser ce besoin, tandis que
lorsque le BEP résulte d’autres facteurs (origine sociale, allophonie, HPI, etc.), les aménagements
et le soutien proposés relèvent de la responsabilité de l’éducation nationale (Ebersold &
Armagnague, 2021).
Ainsi, pour les auteurs cités ci-dessus, les ESH semblent toujours considérés comme une
catégorie à part des EBEP puisque ce qui les distingue est la reconnaissance institutionnelle de
leur handicap ou de leur situation handicapante sur un temps déterminé.
D’ailleurs, Woollven (2021) pense même qu’en France, les BEP sont synonymes de handicap :
« l’existence du handicap en tant que catégorie administrative (comme un ensemble de statuts,
de dispositifs et de droits) en fait la seule catégorie pertinente lorsqu’il s’agit d’envisager des
modalités pratiques de prise en charge de certains élèves » (Woollven, 2021, p. 60). L’auteure
77
argumente ses propos par le fait qu’en France il n’existe « aucune donnée statistique spécifique,
seuls les élèves "en situation de handicap" sont systématiquement recensés (DEPP, 2019) »
(Woollven, 2021, p. 60). Le handicap reste donc le principal référentiel d’action publique dans
ce domaine. Rufin et Payet (2021) rejoignent l’idée de Woollven en évoquant la proximité qu’il
existe entre les termes de BEP et de handicap : « altération et entrave pour le BEP, déficience et
limite de capacités pour le handicap » (p. 70). En effet, pour ces auteurs
Les élèves relevant du handicap n’entrent pas entièrement dans la catégorie plus large du
BEP qui pourrait atténuer leur stigmatisation et les rapprocher d’une scolarité ordinaire
; ils demeurent des élèves à part. De l’autre, le rapprochement des élèves à BEP « simple »
de ceux porteurs de handicap alimente également leur stigmatisation (Rufin & Payet,
2021, p. 70).
Finalement, l’étude de ces recherches nous amène à dire que même si les BEP recouvrent une
diversité de situations, ils continuent à s’inscrire dans un registre déficitaire, à partir des
difficultés et des troubles des élèves.
De plus, il est intéressant de noter que les auteurs étudiés se sont questionnés sur la
terminologie d’EBEP à partir de 2013. Or, cette appellation a été institutionnalisée dans les
textes officiels en 2016. En effet, le ministère de l’Éducation nationale, l’introduit dans la
circulaire du 8 août, relative à la scolarisation des élèves en situation de handicap, sans pour
autant la définir. Dans l’introduction, il est simplement précisé que le droit à l’éducation pour
tous « impose au système éducatif de s'adapter aux besoins éducatifs particuliers des élèves »
afin de développer un regard positif sur les différences. D’ailleurs, la loi pour une école de la
confiance en 2019 confirme cette acception élargie de la scolarisation des élèves en difficulté
scolaire en remplaçant l’expression « élèves handicapés » par « EBEP ». Plus récemment encore,
à l’occasion de la cinquième CNH en février 2020, la notion de BEP a également été employée
sans être définie.
Cette réflexion autour de la terminologie des EBEP est contextualisée par les auteurs au système
français. Ebersold et Détraux (2013), Bouquet (2015), ainsi que Reverdy (2019) précisent que
le concept de BEP n’englobe pas les mêmes types d’élèves entre différents pays européens. Les
EBEP peuvent donc être des élèves présentant des profils singulièrement différents en fonction
des pays.
Un autre axe de questionnement repéré dans la littérature scientifique porte sur la manière dont
les auteurs discutent les notions d’école et celle d’éducation inclusive. En effet, nous constatons
auprès des auteurs la volonté de définir le terme d’école inclusive et de rendre compte de la
transformation de l’institution scolaire à travers le paradigme de l’inclusion. C’est ainsi qu’en
2014, Bruchon propose la définition suivante de l’école inclusive :
d’une part, une école qui scolarise, sans distinction et sans condition, tous les enfants
présents sur le territoire national dont, bien entendu, les enfants qui présentent ce que,
maintenant, on appelle des "besoins éducatifs particuliers" ; et donc, d’autre part une
école qui prend en compte les diversités, particularités et singularités des élèves, y
compris quand ces diversités et particularités nécessitent des accompagnements
78
spécifiés ; et ce pour faire accéder tout le monde à une culture commune pour vivre
ensemble dans une égalité de droits et de dignité (p. 3).
Pour cet auteur, l’école inclusive introduit l’idée qu’il est nécessaire de transformer toute
l’institution scolaire « pour qu’elle n’exclut pas, mais inscrive tous les enfants dans un tout, un
espace social, lieu commun de l’enfance voire de l’adolescence : l’école » (p. 3).
D’autres auteurs comme Bouquet (2015), Garel (2010) et De Saint Martin (2018), parlent
davantage d’éducation inclusive pour envisager l’inclusion de la manière la plus large possible
et pour insister sur le fait que l’éducation inclusive concerne tous les acteurs de l’école et pas
uniquement les enseignants. Il s’agit alors de modifier l’organisation et le fonctionnement du
système éducatif en montrant une responsabilité de tous les acteurs de l’école et pas uniquement
celle de l’enseignant qui accueille l’élève « différent » dans sa classe (De Saint Martin, 2018).
Caraglio (2017), corrobore ces propos et précise que l’éducation inclusive implique la mise en
œuvre des conditions pédagogiques permettant de réduire les obstacles d’apprentissage.
Plaisance, Belmont, Vérillon et Schneider (2007) complète avec l’idée que l’éducation inclusive
vise à éviter au maximum la stigmatisation et que, pour cela, dans le fonctionnement ordinaire
de l’école, il y ait à disposition un ensemble de soutiens dont tous les élèves pourraient avoir
besoin. Et « cela n’exclut pas pour autant que certains élèves puissent bénéficier par ailleurs de
soins médicaux ou de thérapies, en dehors de l’école » (Plaisance et al., 2007, p. 161).
Ces définitions d’école et d’éducation inclusives amènent les auteurs à identifier la nécessité
d’évolutions du système éducatif à deux titres. D’une part Bataille et Midelet (2014) évoquent la
scolarisation des élèves en situation de handicap comme une opportunité pour l’école afin de
faire évoluer les pratiques vers la différenciation pédagogique : les aménagements prévus
initialement pour les élèves en situation de handicap peuvent bénéficier à tous les élèves ayant
des spécificités. D’autre part, ces mêmes auteurs affirment que « l’enseignant doit mettre en
œuvre des gestes professionnels adaptés pour répondre à cette diversité de profils des élèves »
(Bataille & Midelet, 2014, p. 94).
Cette évolution terminologique qui accompagne ce qui est désigné pour certains par la notion
de « paradigme de l’inclusion » (à titre d’exemple : Bruchon, 2014 ; Le Capitaine, 2013 ; Ebersold,
2015 ; Pillant, 2019), questionne certains auteurs, plus particulièrement en sciences de
l’éducation et en sociologie, qui tentent de mettre en lumière l’aspect contradictoire de ce
nouveau modèle qu’est l’inclusion.
Si l’inclusion est perçue par certains auteurs comme un changement paradigmatique qui conduit
l’institution scolaire à s’adapter aux besoins éducatifs particuliers des élèves, dont ceux des ESH,
certains soulèvent un aspect paradoxal à cette inclusion. C’est le cas de Plaisance (2010) qui
questionne le placement des ESH à l’intérieur d’un même lieu. Pour lui, cela ne signifie pas
nécessairement la fin des mesures d’exclusion. En effet, « les apparences peuvent être
trompeuses et dissimuler des formes subtiles de mise à l’écart » (p. 5). L’idée que l’inclusion
renvoie à la notion de fermeture, à travers l’étymologie du mot, est soulignée par l’auteur et
complétée par Bouquet (2015) qui s’appuie sur l’origine latine du terme, inclusio qui signifie
emprisonnement ; alors que la conception usuelle française de ce terme « désigne l’affirmation
79
des droits de toute personne à accéder aux diverses institutions communes et destinées à tous,
quelles que soient leurs éventuelles particularités » (cité par Bouquet, 2015, p. 20). Le Capitaine
(2013) précise que, pour lui, la notion d’inclusion a un statut paradoxal en ce qu’elle donne une
place de droit et d’égalité à tous dans une société qui reste inégalitaire, normative et qui prône
la performance et la compétition. Caraglio (2017) rejoint les propos de Le Capitaine (2013) sur
le fait que malgré la volonté de la société de devenir plus inclusive, la performance et la
compétition restent de mise. Il s’agit alors de se demander si la société souhaite privilégier la
perfection, la compétition et la performance, mettant ainsi à l’écart les personnes en situation de
handicap, ou si, pour devenir plus inclusive, l’école doit également le devenir (Caraglio, 2017).
Pour exemple, la recherche de Priolet (2019) compare deux situations, qui se sont déroulées à
trente ans d’écart, décrivant la prise en charge dans une classe ordinaire d’école élémentaire
d’élèves relevant d’une ULIS. Celle-ci montre que si auparavant l’élève devait sortir de sa classe
pour recevoir individuellement des aides, désormais, l’élève bénéficie d’aides au sein même de
sa classe de scolarisation ordinaire. Mais Priolet (2019) note qu’il est toutefois difficile de passer
du paradigme d’intégration à celui d’inclusion, car malgré la scolarisation en ULIS, l’élève passe
la moitié de son temps de scolarité dans sa classe de référence, son inclusion sociale ne va donc
pas de soi si l’enseignant n’engage pas une coopération entre les élèves. Ainsi, l’élève travaillera
à son rythme, mais sans interagir avec les autres élèves.
Pour Rufin et Payet (2021), « l’école inclusive entend ne plus séparer une partie des élèves en
raison d’une déficience particulière, mais elle suppose leur repérage, leur identification et leur
prise en charge par des moyens et des professionnels spécialisés » (p. 78). Les auteurs
soutiennent ainsi l’idée selon laquelle l’école inclusive produit l’inverse de ce qui est souhaité,
ne remettant pas en cause la norme qui permettrait de réduire les écarts entre les élèves
« ordinaires » et ceux à BEP.
L’inclusion scolaire engendre donc potentiellement des tensions dans le système pouvant
dissimuler des aspects d’inégalités sociales et conduire à de l’exclusion. La dénonciation faite par
Goyer et Borri-Anadon (2019) de ces rapports sociaux inégalitaires « permet d’éviter que le
paradigme inclusif ne se limite qu’à des changements cosmétiques ne servant qu’à reproduire le
statu quo » (p. 202). Ainsi, les nouveaux termes comme « diversité », « citoyenneté » et
« besoins » apparaissent sous une forme d’euphémismes du discours, qui dissimuleraient des
aspects d’inégalités sociales.
À travers ces différentes mises en perspectives prenant appui sur les évolutions historiques et
terminologiques, nous avons pu mettre en évidence les sujets centraux de la recherche qui
aborde principalement l’évolution de la scolarisation des ESH, ainsi que le changement de
paradigme – en lien avec l’évolution législative –, allant de la perception de la place accordée aux
élèves en situation de handicap à la volonté de la société puis de l’école de mieux prendre en
compte la diversité et la spécificité de ces élèves.
À ce stade il est cependant important de noter dans cette revue de littérature, la quasi-absence
– à l’exception de travaux récents (Assude & Tambone, 2019 ; Chevallier-Rodrigues et al., 2019 ;
Thomas, 2021) – d’enquêtes de terrain pouvant fournir des données empiriques sur des
situations effectives d’inclusion scolaire. Plaisance notait déjà en 2010, que les données
existantes concernant les réalités inclusives pour les enfants en situation de handicap étaient
très lacunaires et insatisfaisantes. Cette quasi-absence de données empiriques empêche à notre
80
sens toute élaboration concertée de la formation de l’ensemble des acteurs du système scolaire
que cette inclusion exige. Nous faisons donc le choix, dans la partie suivante, de porter notre
revue de la littérature sur la question de la formation des enseignants à l’école inclusive. C’est en
effet en ce sens que concluent les travaux récents de Kohout-Diaz et al., 2020 ; Noeppel & Goulet,
2019 ; Garel, 2020.
81
Chapitre 5 - La recherche sur la formation initiale des enseignants du
premier degré
La loi pour une École de la confiance du 26 juillet 2019 fait état d’une hétérogénéité entre les
formations délivrées dans les différentes écoles de formation des enseignants en France et vise
à homogénéiser la formation initiale des enseignants sur l’ensemble du territoire national
(incluant un nouveau référentiel de formation, des volumes horaires identiques, une
préprofessionnalisation en trois ans). Cette loi a également permis d’engager à la fois une
transformation de l’organisation de l’accompagnement des ESH, avec l’appui des professionnels
du handicap, et une amélioration des conditions de recrutement, de formation et de travail de
leurs accompagnants.
Nous n’avons repéré qu’un nombre restreint d’articles portant sur la formation initiale des
enseignants en général et plus spécifiquement de la formation de ces enseignants aux questions
d’inclusion. Ces articles débutent dans leur quasi-totalité par un rappel de l’évolution historique
de la formation. On remarque ici une approche similaire que celle repérée dans notre première
section, qui traitait en premier lieu d’un historique de l’évolution législative de la scolarisation
des ESH. Nous notons que les articles portant sur la formation initiale des enseignants abordent
peu la place de la formation à l’école inclusive, tandis que les articles qui traitent de la question
de l’inclusion interrogent la formation des professionnels qui en découle.
83
Ajoutons à cela les auteurs qui insistent sur la difficile entrée dans le métier enseignant. Ils
abordent l’idée que les savoirs construits en formation initiale et les réalités de terrain
conduisent les néo-enseignants à composer avec « la réalité des élèves, les positions des
collègues ou de l’administration » (Perez-Roux, 2016, p. 10). Pour cet auteur, l’univers concret
de l’enseignement met les jeunes professionnels dans des situations inconfortables, de doute,
pour lesquelles ils doivent agir souvent dans l’urgence. C’est pourquoi les enseignants doivent
être « bien formés ainsi que l’ensemble des personnels qui sont, de fait, tous appelés à un
moment ou à un autre de leur carrière, à enseigner à des enfants handicapés » (Poucet, 2016,
p. 43).
Il nous apparaît ainsi important de s’intéresser aux recherches qui portent sur la formation des
enseignants prenant en compte la question de la formation à l’inclusion scolaire, à laquelle les
enseignants se retrouveront inévitablement confrontés sur le terrain.
La cinquième CNH qui s’est tenue le 11 février 2020, à l’occasion des quinze ans de la loi du 11
février 2005, fait figurer au premier plan des 12 engagements du gouvernement la réussite de
l’école inclusive : « fin 2020, tous les nouveaux enseignants seront formés pour mieux prendre
en compte les besoins éducatifs particuliers ». Cet engagement s’inscrit dans la même
perspective que la loi du 26 juillet 2019 dont le chapitre IV est entièrement consacré à l’école
inclusive. Nous l’avons vu, la volonté des pouvoirs publics est d’assurer une scolarisation de
qualité à tous les élèves de la maternelle au lycée, prenant mieux en compte leurs singularités et
leurs besoins éducatifs particuliers.
Nous notons que, depuis la loi de 2005, les auteurs qui se sont penchés sur la formation initiale
des enseignants à l’école inclusive, s’accordent pour dire que les enseignants ne sont pas ou très
peu formés à ces questions, d’où la nécessite de réajuster la formation (Charrier, 2013).
Dans son enquête, Ménager-Wawrzynowicz (2016) constate que « les enseignants interrogés se
disent non formés et rapidement démunis face au handicap, or, ces comportements peuvent
renforcer le stigmate du handicap en créant des différences "visibles" avec les autres élèves »
(p. 12). Reverdy (2019) corrobore ce constat en observant que les enseignants se déclarent
démunis face à la très forte hétérogénéité dans leur classe qu’ils doivent gérer au quotidien.
Baillat et Niclot (2017), quant à eux, observent qu’une grande partie des enseignants déclarent
se sentir moins bien préparés aussi bien sur le plan théorique que sur le plan pratique. En
s’appuyant sur un ensemble de rapports, Suau (2020) précise que « même si les enseignants se
disent favorables à l’accueil de ce public, ils se disent non préparés et ne pas savoir comment
accueillir des élèves avec des troubles du comportement ou avec des retards plus ou moins
prononcés… » (p. 38).
Une recherche menée en 2016 par Noël a permis de montrer que « la majorité des jeunes
enseignants interrogés considèrent les difficultés ou déficits comme inhérents à l’élève qui
nécessite de ce fait une pédagogie "particulière" dont le spécialiste est garant » (Noël, 2016,
p. 30). Alors qu’à l’inverse, d’autres recherches ont pu montrer que certains professeurs
perçoivent les difficultés scolaires comme des besoins spécifiques nécessitant un
fonctionnement à deux vitesses dans la classe afin de mettre tous les élèves en situation de
84
réussite (Barry, 2014). Durant (2021) relève que lorsque les aménagements ne suffisent pas à
atténuer les difficultés de l’élève, ce dernier est considéré comme n’étant pas à sa place à l’école
ordinaire et l’établissement spécialisé est alors encore reconnu comme la réponse la plus
adaptée à ses besoins. Dans sa recherche, Sarralié (2019) met en évidence que les enseignants
sont inquiets lorsqu’ils doivent inclure un ESH dans leur classe : ils craignent de ne pas savoir
faire. Leur inquiétude se manifeste de différentes façons : certains focalisent de manière
excessive sur les difficultés « réelles ou supposées, de l’élève en situation de handicap » (Sarralié,
2019, p. 139), d’autres adoptent une posture de compassions ou encore considèrent qu’ils
doivent faire comme les autres pour justifier l’absence d’aménagement.
Toutefois, en 2012 Garnier démontrait que les enseignants qui ont déjà connu une expérience
de travail avec un élève en situation de handicap sont plus favorables que les autres enseignants
à l’inclusion. L’auteur repère donc deux profils d’enseignants : ceux qui pensent que le handicap
est lié à la personne, et ceux qui donnent une influence prépondérante aux interactions entre
l’élève et l’environnement. À ce sujet, Fortier, Noël, Ramel et Bergeron (2018), qui se sont
intéressés à la question du sens donné par les enseignants en formation ou en exercice à
l’intégration scolaire et à l’éducation inclusive, relèvent que la formation initiale des enseignants
semble maintenir voire renforcer une représentation biomédicale de la déficience et du
handicap, contraire à la vision de l’inclusion dont parlait Garnier en 2012.
La nécessité de formation des enseignants à l’école inclusive est présente dans les textes
législatifs. La circulaire du ministère de l’Éducation nationale du 8 Août 2016 annonce un
module spécifique dispensé par les ESPE afin de permettre aux enseignants d’acquérir des
connaissances relatives à la scolarisation des ESH ainsi qu’à la dynamique de l’école inclusive.
Dans le cadre du programme « Éducation et formation 2020 » relatif aux objectifs des systèmes
éducatifs entérinés par le Conseil Européen, l’enseignement inclusif constitue un des axes
prioritaires (Escalié & Legrain, 2020).
Or, Ménager-Wawrzynowicz (2016), conseillère pédagogique en Adaptation scolaire et
Scolarisation des enfants en situation de Handicap (ASH), alerte sur le fait que, malgré les
prescriptions institutionnelles, il y a un manque de formation initiale, qui amène les enseignants
à être plus réactifs qu’adaptatifs face au handicap. Mazereau (2014) justifie ce manque par le fait
qu’il n’y a pas d’intérêt porté à l’égard des élèves à besoins particuliers. Pour lui, « tout se passe
donc comme si la compensation par le recours aux aides humaines que sont les auxiliaires de vie
scolaire restait la seule réponse envisagée dans le cadre d’une politique d’amélioration des
conditions d’accueil des élèves handicapés à l’école » (Mazereau, 2014, p. 23). Dans les résultats
de son enquête, Durant (2021) pointe aussi le manque de formation qui constitue un obstacle à
l’inclusion scolaire et rejoint les propos de Mazereau en disant que « sans formation spécifique
et faute de préparation, ces enseignants ont dû s’adapter et bricoler avec ingéniosité et leurs
descriptions sont riches d’innovations et de tâtonnements, le plus souvent réalisées avec l’aide
de l’auxiliaire qu’ils considèrent indispensable » (Durand, 2020, paragr. III.A.).
Escalié et Legrain (2020) rejoignent l’idée selon laquelle les enseignants sont peu sensibilisés au
cours de leur formation aux différents dispositifs qui existent pour répondre à l’enjeu d’un
enseignement inclusif : « il s’agit de penser l’écologie de la classe en vue d’installer un climat de
confiance et de bienveillance et favoriser l’implication de tous les élèves » (p. 76).
85
En ce qui concerne les enseignements relatifs à l’école inclusive en formation initiale, Ménager-
Wawrzynowicz (2016) repère des variations entre lieux de formation. En effet, concernant le
handicap cette dernière varie selon les départements : elle peut, de façon minimaliste, prendre
la forme d’une simple information de ce qu’est l’ASH ou d’une présentation de la loi du 11 février
2005 et des différentes structures de l’ASH. Elle peut aussi être une option choisie parmi
d’autres, ce qui veut dire que bon nombre d’étudiants ne seront pas formés au handicap (p. 11).
Savournin, Brossais, De Léonardis, Chevallier-Rodriguez et Courtinat-Camps (2020), qui portent
une réflexion sur la formation des enseignants à partir d’une recherche qualitative sur
l’expérience de l’inclusion scolaire selon le point de vue de différents professionnels de collège,
considèrent qu’aujourd’hui, la formation proposée aux enseignants doit, non seulement aborder
des contenus liés aux pratiques de l’école inclusive, mais « dans des volumes horaires
conséquents et ouverts à la fois sur les apports de la recherche et sur ceux des spécialistes et
professionnels partenaires de l’école. » (p.28). Or,
la part très importante accordée aux domaines disciplinaires dans les cursus de
formation initiale ne permet pas que soit prise en compte l’appropriation des enjeux et
des méthodes de l’école inclusive sinon dans des domaines transversaux le plus souvent
restreints. (Savournin et al., 2020, p. 32).
En effet, selon l’ancien directeur de l’Institut National Supérieur de formation et de recherche
pour l’éducation des jeunes Handicapés et les Enseignements Adaptés (INSHEA), José Puig, « la
durée de formation initiale en la matière varierait entre 6 heures et 40 heures selon les ÉSPÉ, la
formation continue étant "réduite à peau de chagrin" en raison des difficultés de remplacement
des enseignants » (Cité par Savournin et al., 2020, p. 32).
En 2012, Grimaud et Saujat faisaient déjà ces constats : « que ce soit en formation initiale ou
continue, les temps consacrés à la question du handicap et aux gestes professionnels permettant
de scolariser un élève handicapé sont extrêmement rares » (p. 8). Ils mettent d’ailleurs en
évidence que l’institution ne fournit pas aux enseignants de formation ni de dispositifs leur
permettant de développer des pratiques spécifiques en faveur des élèves en situation de
handicap qu’ils accueillent dans leur classe. De la même manière, Ebersold et Détraux (2013) qui
évoquent les difficultés rencontrées par les enseignants pour adapter leurs pratiques aux
particularités des EBEP, pointent les lacunes des systèmes de formation des enseignants
« puisque la formation initiale des enseignants n’aborde que très peu les difficultés
d’apprentissage auxquelles sera inévitablement confronté tout enseignant dans sa classe »
(p. 103).
Cependant, Charrier (2013) nuance les propos de Grimaud et Saujat (2012) et d’Ebersold et
Détraux (2013) en témoignant que :
de ma place d’enseignante, je connais les contenus que j’ai transmis et je sais que les
étudiants ont le bagage adéquat pour comprendre intellectuellement la situation des
élèves dont ils ont la charge et qu’ils connaissent les adaptations pédagogiques adéquates
à chaque cas singulier. Cependant, cette information semble être loin d’être suffisante
pour leur permettre d’accueillir sereinement ces élèves en situation de handicap
(Charrier, 2013, p. 140).
Nous relevons qu’au-delà d’énoncer la nécessité de former les enseignants, certains auteurs
amènent des propositions de perspectives d’évolution de la formation initiale à l’école inclusive.
86
Pour Akkari et Barry (2018), une réflexion de fond est à mener, car l’école inclusive ne peut se
limiter qu’à la coprésence en classe d’élèves aux profils diversifiés. En effet, les auteurs soulèvent
le fait que la réussite scolaire des EBEP passe nécessairement par une transformation des
postures pédagogiques. Garel (2010) insiste également sur le fait qu’une formation des
enseignants « mieux adaptée aux besoins des enfants, attentive à leurs difficultés spécifiques et
à leurs capacités, serait un levier pour que se construisent des apprentissages féconds » (p. 161).
Il donne un exemple pouvant être présenté en formation : la pédagogie différenciée peut se
conjuguer à une pédagogie de groupe, pour tous les élèves d’une classe afin de déstigmatiser et
renforcer le lien social entre les élèves.
Brun, Hache et Ladage (2020) ajoutent à cela l’importance de mieux prendre en considération
les caractéristiques des formations, en termes de contenus et de durées, qui ont un impact sur
l’évolution des gestes professionnels des enseignants en classe.
C’est une des raisons qui nécessite que le milieu ordinaire doit, comme le soulignent certains
auteurs, pouvoir s’appuyer sur le milieu spécialisé qui acquiert des compétences depuis des
décennies (Ménager-Wawrzynowicz, 2016). En accord avec Ménager-Wawrzynowicz (2016),
Reverdy (2019) encourage un rapprochement entre enseignants ordinaires et enseignants
spécialisés afin de développer une culture commune amenant à un coenseignement.
L’importance que la formation des enseignants et leur professionnalisation prennent en compte
la différence et la diversité, est soutenue par Macaire (2019).
Bataille et Midelet (2018) soulignent que le référentiel de compétences professionnelles des
métiers du professorat et de l’éducation précise que, pour que l’école soit inclusive,
« l’enseignant doit "adapter son enseignement et son action éducative et travailler avec les
personnes-ressources en vue de la mise en œuvre du ‘projet personnalisé de scolarisation’ des
élèves en situations de handicap" » (p.8). A cela peut on peut ajouter qu’au-delà des
connaissances et expériences personnelles des enseignants, d’autres dimensions comme les
représentations personnelles peuvent entrer en jeu. Ainsi selon Fortier et al. (2018), il apparaît
important d’aider les enseignants à prendre conscience de leurs représentations afin de voir
comment elles facilitent ou font obstacle à l’émergence de pratiques inclusives. Dans une visée
inclusive,
il s’agira de les inviter à envisager le rôle de leurs représentations dans la prise en compte
des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers et plus largement de la diversité des
élèves ainsi que dans leur cheminement vers l’adoption d’une vision biopsychosociale,
collective et évolutive (Fortier et al., 2018, p. 27).
Il est enfin intéressant de noter que Ménager-Wawrzynowicz (2016) pointe le manque de
ressources mises à disposition des enseignants en formation initiale concernant le handicap, qui
pourraient toutefois développer leur réflexivité. À ce sujet Charrier avait écrit en 2013 que pour
que l’école devienne inclusive, la formation des enseignants doit être le lieu de transmissions de
ressources, même s’il existe des disparités entre les académies. Altet, quant à elle, insistait déjà
en 2012 davantage sur la notion de compétences professionnelles et sur la nécessité de former
les futurs enseignants à être capable de mobiliser et d’utiliser efficacement un ensemble de
ressources pour faire face à des situations problèmes.
Notons que la nature précise et les contenus de ces ressources ne sont que rarement abordés et
que les recherches empiriques sont encore rares. Il est important de noter que ce sont plus
87
particulièrement le manque de formation ainsi que le manque de ressources mises à disposition
des enseignants en formation initiale sur le handicap qui sont discutés.
Enfin, rappelons ici d’une part les discussions des scientifiques sur le caractère nécessairement
large et transversal de cette notion d’inclusion scolaire, en inadéquation avec une approche
disciplinaire. D’autre part la quasi-absence de données empiriques disponibles et partagées
autour des pratiques professionnelles pour l’inclusion scolaire, ce qui freine, voire empêche le
lien entre théorie et pratique telle qu’encouragée notamment par Bourdoncle (2009) en vue d’un
processus de professionnalisation, principe également au cœur de l’enseignement supérieur
adossé à la recherche.
88
Chapitre 6 - Des ressources pour l’enseignement
Au regard de ce qui précède sur la question de la formation des enseignants à la mise en œuvre
du service de l’école inclusive nous avons vu émerger dans la littérature l’idée de ressources
proposées aux enseignants, sur lesquelles ils peuvent s’appuyer pour trouver des éléments de
réponse aux besoins des situations dans lesquelles ils pourraient être amenés à rencontrer des
difficultés. Cette notion de ressource est au cœur du questionnement de notre thèse dont l’enjeu
est de comprendre quelles sont les ressources proposées aux enseignants : de quelle manière
sont-elles mobilisées en formation et sur le terrain ? Il est de ce fait important d’étudier la
manière dont la recherche en sciences de l’éducation et de la formation définit et analyse la
notion de ressource.
Parmi les recherches scientifiques portant sur la notion de ressource en éducation nous nous
sommes particulièrement intéressé à quatre orientations dans les recherches, d’abord, celles
faisant ressortir l’ambiguïté et la polysémie du terme de ressource et des différents types de
ressources en éducation ; ensuite nous avons identifié que des auteurs mettent évidence le fait
que certaines ressources sont difficilement mobilisables ; puis, plusieurs auteurs concluent que
les enseignants font du « bricolage » de ressources et enfin, la dernière orientation présente la
collaboration interprofessionnelle comme une ressource pour la formation et pour les
enseignants.
Dans le sens commun, la notion de ressource se définit différemment selon si elle est employée
au singulier ou au pluriel. En effet, « étymologiquement, on peut distinguer "la ressource", qui
est plutôt une force interne (capacité interne), "des ressources", qui sont des moyens externes.
Ces moyens aident à renouveler les capacités internes. » (Ratompomalala & Bruillard, 2019,
paragr. 9). Rabardel, considère la ressource comme le « produit de l’activité humaine, élaboré
pour s’inscrire dans une activité finalisée » (cité dans Gueudet & Trouche, 2010, p. 58). Adler
(2010), qui a travaillé à conceptualiser la notion de ressources pour la formation des maîtres dès
1996, propose de penser les ressources au sens du verbe re-sourcer qui signifie nourrir à
nouveau ou différemment : « j’utilise ici ressource à la fois comme substantif et comme verbe,
comme objet et comme action que nous exploitons dans notre pratique » (p. 2).
Dans le champ de l’éducation, Priolet et Mounier (2018) s’interrogent sur la place occupée par
les ressources dans les classes, notamment les manuels scolaires, et sur l’utilisation des guides
pédagogique par les enseignants. Ils donnent une définition du terme ressource en éducation
qui rejoint celle d’Adler (2010) par le fait que les enseignants peuvent s’appuyer sur les
ressources de leur choix pour mener à bien leur pratique professionnelle. De la même manière,
Gueudet et Trouche (2008) qui étudient le travail documentaire réalisé par les enseignants,
considèrent leur activité à travers un ensemble de ressources dans une acception générale au
même titre qu’Adler (2000) : « ce qui re-source l’activité des enseignants » (Gueudet & Trouche,
2008, p. 7). Pour Tuffery-Rochdi (2016), utiliser le terme de ressources en éducation dans le
sens du verbe, permet « de ne pas limiter l’étude à l’offre des ressources, mais de prendre en
compte l’usage de ces ressources et leur impact sur le développement professionnel de
89
l’enseignant » (Tuffery-Rochdi, 2016, p. 88). Baron et Zablot (2017) étudient les différents
modes d’apparition collective d’enseignants produisant des ressources numériques et
corroborent les propos des auteurs précédemment cités. Pour eux, les ressources ont un
caractère essentiel en ce qu’elles permettent aux enseignants de mener leur activité
professionnelle. Elles « offrent un large spectre d’opportunités, à condition que les personnes
qui les mettent en œuvre aient reçu une formation suffisante pour les utiliser. « D’une manière
générale, la conception de ressources peut être considérée comme l’expression de leur liberté
pédagogique » (Baron & Zablot, 2017, p. 42). Priolet et Mounier (2018) corroborent ces propos
sur la liberté pédagogique dont disposent les enseignants.
Baron et Dané (2007) qui s’intéressent à la pédagogie et aux ressources numériques en ligne,
évoquent les risques de confusion liés à l’emploi du « terme de ressource » souvent « associé à
divers qualificatifs à la signification imprécise : multimédias, numériques, éducatives,
pédagogiques, libres… […] » (« Pédagogie et ressources numériques en ligne : quelques
réflexions »). En effet, pour Baron et Zablot (2017) les ressources éducatives
[…] ne constituent pas seulement des supports d’aide pour les enseignants (ni même des
moyens de substitution permettant d’échapper au travail de préparation des cours). Elles
représentent souvent des instruments pour l’apprentissage que les enseignants doivent
s’approprier pour l’accompagnement des élèves dans le processus de développement de
nouvelles connaissances (p. 43).
Ajoutons que Ratompomalala et Bruillard (2019) mettent en évidence que la notion de ressource
n’est pas simple à délimiter. En effet, pour les auteurs qui travaillent sur la gestion des ressources
éducatives par les enseignants de sciences, s’il est possible d’avoir une vision large considérant
que tout ce qui entoure un enseignement peut être une ressource, lorsqu’il s’agit de comprendre
le travail des enseignants sur les ressources éducatives, cela n’est pas aisé à partir d’une telle
vision (Ratompomalala & Bruillard, 2019, paragr. 7). Ainsi, ils définissent la ressource comme
liée aux pratiques et aux environnements de travail ; « c’est une entité matérielle, actualisée dans
une pratique face aux élèves ou transmise aux élèves, ou un service mis en œuvre dans le cadre
d’un enseignement » (Ratompomalala & Bruillard, 2019, paragr. 10).
Puimatto (2014), quant à lui, note que la question des ressources est abordée pour la première
fois dans la législation en 2013 dans l’article 19 de la loi de programmation et de refondation de
l’École de la République qui précise : « [sont à la charge de l’État... les...] dépenses de
fonctionnement à caractère directement pédagogique [...], dont celles afférentes aux ressources
numériques, incluant les contenus et les services, spécifiquement conçues pour un usage
pédagogique, [...] ». Pour l’auteur, « une "ressource éducative" est un moyen de répondre à une
question éducative » (Puimatto, 2014, p. 2). Aillerie et Rakotomalala (2020) qui s’intéressent aux
pratiques informationnelles des enseignants complètent les propos de Puimatto en disant que
la ressource est au service de la pratique enseignante et que « qualifiée comme telle en fonction
de ses besoins par l’enseignant, elle mêle contenus liés à la vie de tous les jours et matériel
spécifiquement dédié à la pratique professionnelle » (p. 141).
Les ressources institutionnelles sont souvent abordées par les auteurs qui les définissent
sensiblement de la même manière. Dans une revue de littérature réalisée à partir des recherches
centrées sur la notion de ressource dans le cadre des pratiques enseignantes, Reverdy (2014)
évoque que « les ressources institutionnelles (ou curriculum materials) sont celles qui respectent
le curriculum imposé par l’administration éducative centrale ou décentralisée » (p. 4). Pour elle,
les ressources institutionnelles sont bien définies et correspondent aux programmes officiels,
aux manuels scolaires et guides pédagogiques et aux ressources numériques de l’institution. En
2020, Aillerie et Rakotomalala ont mené une étude dont l’objet « […] se rapporte à des ressources
institutionnelles mises en ligne à l’occasion de la rénovation des programmes scolaires. Celles-
ci se composent essentiellement de textes, mais comportent également des images fixes et
animées » (p. 141). Les auteurs corroborent la définition apportée par Reverdy et montrent que
les enseignants se tournent en premier lieu vers les ressources institutionnelles selon le « haut
degré de fiabilité qu’ils leur accordent, en termes de validité de l’information comme en termes
de conditions juridiques d’utilisation de la ressource » (p. 147). Ces ressources sont ainsi
utilisées par les enseignants afin de mettre en œuvre dans leur classe, le programme scolaire
prescrit (curriculum materials). Elles ont pour fonction d’étayer l’interprétation que l’enseignant
fait du programme afin d’adapter les situations d’enseignement. Cela rejoint l’explicitation de
Reverdy (2014) qui parle des transformations que subit le programme conçu par le
gouvernement (curriculum prescrit), jusqu’au moment où il est mis en œuvre par les
enseignants en classe (curriculum réel). Entre le curriculum prescrit et le curriculum réel,
Reverdy (2014) parle du « curriculum interprété » qui résulte de l’appropriation par les
enseignants du curriculum prescrit. Ainsi, chaque niveau du curriculum (prescrit, interprété et
réel) est accompagné de diverses ressources qui apportent un éclairage et des explicitations
pour la compréhension de ce dernier et sa mise en œuvre. « Le programme reste la principale
(res)source du travail de l’enseignant, mais peut être abordé directement ou à travers le prisme
d’un ou plusieurs manuels scolaires » (Reverdy, 2014, p. 5).
Nous relevons que les auteurs abordent et s’intéressent aux ressources institutionnelles selon
deux formes : la forme imprimée et la forme numérique
À titre d’exemple, concernant les ressources institutionnelles imprimées, Priolet et Mounier
(2018), qui interrogent la place du manuel scolaire de mathématiques dans l’activité
enseignante de professeurs des écoles en France au début du XXIe siècle, mettent en avant que
le manuel scolaire ainsi que le guide pédagogique sont considérés soit comme support
91
d’enseignement, soit comme support pour la conception de la séance (Priolet & Mounier, 2018).
Reverdy (2014) classe dans les ressources institutionnelles imprimées, les manuels scolaires,
les textes authentiques tels que les programmes scolaires officiels ainsi que les articles de revues
professionnelles. Cette forme de ressources semble facilement identifiable contrairement aux
ressources institutionnelles numériques.
Baron et Dané (2007) s’intéressent spécifiquement aux ressources numériques en éducation et
citent la définition de Bibeau : il s’agit de « l'ensemble des services en ligne, des logiciels de
gestion, d'édition et de communication (portails, logiciels outils, plates-formes de formation,
moteurs de recherche, applications éducatives, portfolios) » (« Différentes tensions autour de la
notion de ressource numérique en éducation »). Dix ans plus tard, Baron et Zablot (2017) ont
travaillé plus particulièrement sur la constitution de réseaux de communautés d’enseignants et
ont mis en évidence qu’au-delà de constituer des supports d’aide pour les enseignants, les
ressources numériques « représentent souvent des instruments pour l’apprentissage que les
enseignants doivent s’approprier pour l’accompagnement des élèves dans le processus de
développement de nouvelles connaissances » (p. 43). Priolet et Mounier (2018) relèvent
toutefois que l’utilisation d’Internet par les enseignants est fréquente pour préparer les séances
« laissant ainsi supposer que ce recours aux technologies numériques constitue désormais un
passage obligé pour les enseignants lors de la phase de préparation des séances » (p. 88).
Finalement, nous constatons que même si les ressources numériques ont une place
prédominante dans la pratique des enseignants, il apparaît difficile de repérer spécifiquement à
quoi correspondent les ressources numériques institutionnelles. D’ailleurs, face à la multiplicité
des ressources numériques en éducation, Baron et Dané (2007) interrogent leur fiabilité et leur
pertinence :
On se trouve donc devant une tension intéressante, relative au statut des ressources
utilisables en éducation : certaines ont été validées par une institution hiérarchique ou
marchande, d'autres sont issues d'une communauté tirant parti des nouveaux modes de
communication par Internet (…) (Baron & Dané, 2007, « Pédagogie et ressources
numériques en ligne : quelques réflexions »).
En ce sens, nous pouvons nous interroger sur la difficulté que les enseignants peuvent
rencontrer pour choisir des ressources pertinentes car cela suppose de développer un esprit
critique et des compétences dans les démarches d’enquête.
Dans la littérature, les auteurs n’abordent pas directement les ressources personnelles des
enseignants, mais interrogent ce que les enseignants font des ressources.
Tout d’abord, Priolet et Mounier (2018) rappellent que « la liberté pédagogique dont dispose
l’enseignant lui laisse ainsi le choix d’interagir ou pas avec des ressources dans sa pratique
professionnelle » (p. 95). Baron et Zablot (2017) complètent en disant que les enseignants
peuvent exprimer leur liberté pédagogique en concevant leurs propres ressources.
Selon Horsley, « les standards s'inspirent de l'idée que c'est la façon dont les enseignants
utilisent les ressources pédagogiques qui est essentielle, en facilitant ou en contraignant
l'apprentissage des élèves » (cité par Bruillard, 2013, p. 31). Au nombre de sept, ces standards
92
correspondent à l’accès et la mise à disposition des ressources, leur préparation, leurs
caractéristiques, leur personnalisation et leur adaptation, le lien entre les ressources et les
programmes nationaux, leur utilisation en classe ainsi que la création de nouvelles ressources
par les enseignants. Messaoui (2018) rejoint cette idée de standards amenée par Horsley en
précisant que
les ressources sont la matière première du professeur. Il les recherche, les rassemble, les
transforme, les nourrit de ses préoccupations didactiques, de sa connaissance des élèves,
pour concevoir, au terme de ce travail documentaire, un document qui constitue la
matière du travail avec les élèves (p. 2).
Gueudet et Trouche (2008) ainsi que Bruillard (2013) soutiennent également le fait que l’activité
principale d’un enseignant est de concevoir, de rechercher, de sélectionner et de modifier de la
matière pour son enseignement, en se nourrissant des ressources disponibles. Ratompomalala
et Bruillard (2019) ajoutent que
L’enseignant, qui a l’opportunité d’acquérir des ressources les accumule, les classe et les
collectionne en vue d’une utilisation future. Puis, avant leur utilisation, il les retravaille et
les didactise, afin de les adapter à ses objectifs, au contexte, ou à ses activités
d’enseignement et à ses élèves. C’est de leurs collections et à partir de leur réseau de
confiance que les enseignants vont puiser les ressources qui sont au cœur de leur métier
d’enseignant (paragr. 14).
Aillerie et Rakotomalala (2020) corroborent les propos des auteurs précédemment cités en
précisant que c’est surtout sur les temps en dehors de la classe, chez lui, que l’enseignant a
recours à une documentation multiple qui « suppose des opérations de recherche, de sélection,
d’exploitation, de stockage des informations collectées, aboutissant à la production
professionnelle (fiches élèves, notes et formalisations de séances pédagogiques, documents
d’évaluation, etc.) » (p. 139).
Ce travail sur les ressources que font les enseignants est considéré par Bruillard (2013) comme
« […] une clé essentielle dans l’évolution de l’identité professionnelle des enseignants et dans
leur développement professionnel, sur le plan individuel et collectif » (p. 33). En effet,
l’ouverture à de nouvelles ressources permet aux enseignants de se développer
professionnellement (Gueudet & Trouche (2008).
Pour pouvoir interpréter et s’approprier le curriculum prescrit, nous observons dans les
recherches étudiées que les enseignants ont un fort rapport institutionnel aux ressources en ce
qui leur accorde un haut degré de fiabilité. La mise en œuvre par les enseignants du curriculum
prescrit se traduit en amont par une recherche puis une sélection d’un certain nombre de
ressources imprimées ou numériques. Les ressources institutionnelles imprimées apparaissent
plus facilement identifiables que celles en format numérique. Une fois que l’enseignant a
exploité, modifié et s’est approprié des ressources, celles-ci deviennent alors des ressources
personnelles puisqu’il les aura adaptées aux besoins de sa pratique professionnelle en classe.
Reverdy (2014) soutient alors l’idée selon laquelle, la relation que l’enseignant entretient avec
les ressources nourrit plus au moins son activité : « Entre l’enseignant et les ressources, c’est une
interaction : les ressources influencent les enseignants par leurs contraintes, leurs manières
d’être abordées, et les enseignants mobilisent les ressources selon leurs perceptions et les
décisions qu’ils prennent » (p. 19). Aussi, « ce sont les programmes scolaires et leurs évolutions
93
ainsi que le(s) niveau(x) enseigné(s) qui conditionnent sans surprise la mobilisation des
ressources » (Aillerie & Rakotomalala, 2020, p. 150).
Pour finir, en 2013, Leroyer s’était intéressée aux interactions entre l’enseignant et les supports
d’enseignement édités, supposées au cœur du travail de préparation des enseignants. L’analyse
des résultats de son enquête conduit l’auteure à établir une proposition de conceptualisation de
typologies d’enseignants selon leur rapport aux supports édités. Elle repère et décrit ainsi trois
types d’enseignants : concepteur, adaptateur et utilisateur. Cela signifie que le type de rapport
que l’enseignant entretient aux ressources influence le degré d’utilisation de ces dernières.
Aujourd’hui, les enseignants étant confrontés à un public plus hétérogène, avec des attentes et
besoins différents, se retrouvent à devoir proposer « des documents plus diversifiés, plus
interactifs, adaptés à une multiplicité de supports » (Bruillard, 2013, p. 30). Cependant, nous
constatons que très peu d’auteurs se sont penchés sur la question des ressources spécifiquement
conçues pour favoriser l’inclusion scolaire des ESH et EBEP.
Seuls, Katz et al. (2021) mettent en évidence que les enseignants dénoncent les écarts qui existe
entre les discours et les moyens réellement alloués par les tutelles. En effet, si les ressources
pour l’accueil des ESH et EBEP sont officiellement prévues par les politiques publiques, elles
restent toutefois difficilement mobilisables, non seulement sur le plan administratif, mais aussi
dans la mise en œuvre du fait du manque de personnel mis à disposition.
Katz et al. (2021) pointent également que les directives ministérielles, conduisent l’enseignant
à « trouver par lui-même "une réponse adaptée" aux cas les plus problématiques. Il est incité,
comme le répètent les inspecteurs, à mettre en œuvre des "pratiques innovantes" et des "projets
ambitieux" » (p. 103). C’est ainsi que les enseignants font du « bricolage » insatisfaisant, n’étant
pas formés pour s’adapter aux catégories mobilisées par l’institution (Katz et al., 2021).
Enfin, les ressources « manquantes » sont définies par Chevallard et Cirade (2010) comme des
ressources « qui, parfois pour une longue période, font défaut, non pas seulement à tel ou tel
professeur, mais, collectivement, à la profession dont il est membre. » (Chevallard & Cirade,
2010, p. 41).
Plusieurs auteurs constatent que les enseignants « bricolent » en ce qui concerne la mobilisation,
l’utilisation, l’adaptation voire la conception de ressources pour favoriser l’inclusion scolaire des
ESH.
En effet, Savournin et al. (2020) expliquent que « […] de nombreux enseignants mettent en
œuvre des aménagements dans leur classe et font preuve d’initiatives pédagogiques, mais leurs
pratiques restent confidentielles y compris auprès des collègues de leur établissement » (p. 36).
Cependant, les auteurs affirment que « la "socialisation de l’expérience professionnelle"
permettrait de passer de l’invention pédagogique (dimension personnelle) à l’innovation
pédagogique (dimension collective) » (p. 36). Toutefois, Damani (2016), qui a étudié les
pratiques des enseignants dans leur usage ou leur non-usage des réseaux sociaux notamment
94
Facebook exprime que : « on repère sans doute ici une part de bricolage des enseignants,
bricolage rendu d’autant plus nécessaire qu’il n’existe pratiquement pas de textes institutionnels
pour accompagner les pratiques pédagogiques sur les réseaux sociaux au moment du recueil de
données » (p. 3). Ces propos sont en lien étroit avec la réflexion menée par Priolet et Mounier
(2018) au sujet de la formation des enseignants : « Les professeurs de notre échantillon
considèrent qu’ils sont peu préparés à l’utilisation du manuel scolaire ; selon trois d’entre eux,
cette question n’a même jamais été abordée au cours de leur formation initiale ou continue »
(p. 96). Cependant, si pour les enseignants, les ressources apparaissent comme essentielles leur
permettant de mener leurs pratiques professionnelles et leur offrant un large spectre
d’opportunités, encore faut-il « que les personnes qui les mettent en œuvre aient reçu une
formation suffisante pour les utiliser […] » (Baron & Zablot, 2017, p. 42).
Ainsi, le fait que les enseignants ne soient pas suffisamment formés à l’utilisation des ressources
les conduit à s’en saisir ou pas et les utiliser selon leurs besoins personnels pour l’enseignement.
C’est donc en cela que les enseignants « bricolent » puisqu’ils font preuve d’initiatives
didactiques et pédagogiques sans que celles-ci ne soient partagées au sein d’un collectif.
4 https://www.gouvernement.fr/action/l-ecole-inclusive
5 https://www.education.gouv.fr/bo/13/Hebdo38/REDE1324999C.htm
95
que ce travail en équipe ne va pas toujours de soi, que ce soit entre les acteurs au sein de l’école,
qu’entre écoles et structures spécialisées (Ebersold, Plaisance & Zander, 2016).
La collaboration interprofessionnelle est un phénomène complexe et l’étude de la littérature
scientifique à ce sujet met en évidence qu’il existe une grande confusion au sujet de sa définition
(Lapierre, Gauvin-Lepage & Lefebvre, 2017). Dans son travail de thè se sur la structuration de la
collaboration interprofessionnelle dans les services de santé de premiè re ligne au Qué bec,
D’amour en 1997 a défini la collaboration interprofessionnelle comme :
La structuration d’une action collective à travers le partage de l’information et la prise de
décision dans les processus cliniques. Elle résulte d’un processus d’interactions entre les
acteurs, des acteurs avec la structure organisationnelle et de ces deux éléments avec des
structures englobantes. Cette définition met l’accent sur un processus, sur les acteurs, sur
la formalisation des relations ainsi que sur les influences externes à l’aire du travail
(p. 104).
Robidoux (2007) complète cette définition de la collaboration interprofessionnelle par le fait
qu’il s’agit d’un type d’interaction « […] qui réunit des membres d'au moins deux groupes
professionnels autour d'un but commun, à travers un processus de communication, de décision,
d’intervention et d’apprentissage […] » (p. 12). Finalement, dans la collaboration
interprofessionnelle, il s’agit de prendre en considération la complexité du phénomène à l’étude
ou à propos duquel l’intervention s’effectue (Couturier & Belzile, 2018). Elle est
faite d’un ensemble de relations et d’interactions qui permettent ou non à des
professionnels de mettre en commun, de partager leurs connaissances, leur expertise,
leur expérience , leurs habiletés pour les mettre, de façon concomitante au service des
clients et pour le plus grand bien des clients (cité par Kosremelli Asmar & Wacheux, 2007,
p. 4).
Schmitz, Atzeni, et Berchtold (2020) corroborent ces propos en indiquant que la collaboration
interprofessionnelle,
telle qu’elle est définie par l’OMS, est une forme d’interaction qui permet à des personnes
d’horizons différents de parvenir à une compréhension commune, une compréhension
qu’ils n’avaient pas auparavant et qu’ils n’auraient pas pu avoir les uns sans les
autres (p. 293).
À partir de ces éléments de définition, Couturier et Belzile (2018) proposent d’identifier trois
degrés d’interactions que sont la pluriprofessionnalité, la multiprofessionnalité et
l’interprofessionnalité. La pluriprofessionnalité suppose que la coprésence d’acteurs suffit à
répondre aux besoins, la multiprofessionnalité exige que la coprésence des acteurs fasse l’objet
d’un effort de coordination des acteurs entre eux de façon à accroître l’efficience et l’adéquation
de la réponse collective aux besoins de l’usager ; tandis que l’interprofessionnalité s’appuie « sur
la coprésence et la coordination pour transformer des acteurs concernés, tant en matière
d’identité et de responsabilités que de compétences » (Couturier & Belzile, 2018, « une synthèse
des rapports entre acteurs et objets »).
Nous ne rentrerons pas davantage dans le détail de ces différentes acceptions ici, ni dans les
débats qui les entourent. Nous nous intéressons spécifiquement à la dimension
d’interprofessionnalité, faisant l’objet récemment d’un intérêt grandissant dans la recherche sur
les conditions de fonctionnement des milieux professionnels, en ce qu’elle va au-delà de la seule
96
coordination. Il est noté que les acteurs qui s’inscrivent dans cette dimension apprennent à se
connaître et se reconnaître dans leur fonction respective (Couturier & Belzile, 2018).
Concrètement, cela permet de mobiliser les compétences les plus adaptées à la prise en
considération de toutes les dimensions de la situation d’une personne. Selon Fortier (2003), les
modes de collaboration varient en fonction de la complexité des besoins de la personne, mais
aussi de la capacité et de la possibilité des différents professionnels de moduler leur
collaboration.
Dans le cadre de l’inclusion scolaire, Rousseau et al (2017) montrent que la collaboration est une
condition essentielle dans la mise en œuvre des pratiques inclusives, pour lesquelles il est
indispensable de définir la notion d’inclusion scolaire. Dans ce contexte, l’inclusion se traduit
selon Rogers par « l’engagement de tous les acteurs de l’éducation vers une même mission, soit
l’apprentissage, plutôt que le rassemblement de tous ces acteurs sous un même toit » (cité par
Rousseau et al, 2017, p. 26). Cela permet, pour Ouellet, Caya et Tremblay (également cité par
Rousseau et al, 2017), d’obtenir un portrait plus juste des élèves, mais également une
intervention plus pertinente et cohérente. Emery (2014), soutient l’idée selon laquelle une
meilleure coordination entre l’école ordinaire et les partenaires des différences services qui
interviennent dans le cadre de l’inclusion à travers des rencontres plus régulières entre
professionnels permettraient de créer une culture commune. Pour lui, « la collaboration entre
professions différentes est préconisée par la complexité des besoins particuliers des enfants »
(Emery, 2014, p. 42).
Face au manque de consensus dans la littérature scientifique et les textes législatifs à propos de
la terminologie employée pour désigner le fait que les acteurs qui travaillent auprès d’un élève
en situation de handicap doivent œuvrer ensemble dans un but commun, nous parlerons, dans
le cadre de ce travail, de collaboration interprofessionnelle. En effet, nous considérons que
l’école inclusive constitue aujourd’hui une Institution au sein de laquelle collaborent les
professionnels de l’éducation nationale, du secteur médico-social, du libéral, les parents, et les
acteurs susceptibles d’intervenir auprès des élèves en situation de handicap.
97
partenaires internes et externes à l’éducation nationale, piloter et développer les partenariats et
mettre en œuvre des actions éducatives collaboratives.
Toutefois, bien que les pouvoirs publics aient l’ambition de développer les pratiques
collaboratives des enseignants notamment dans le cadre de l’inclusion scolaire, la littérature
scientifique met en évidence certains obstacles à la mise en œuvre de cette collaboration
interprofessionnelle.
Tout d’abord Khasanzyaniva et Niclot (2020), qui ont étudié la question de la formation initiale
et continue des enseignants pour développer la collaboration avec les familles et avec les acteurs
sociaux, mettent en évidence que les enseignants stagiaires expriment un besoin réel de
formation à ce sujet. Pour cela, les auteurs proposent de développer des formations locales en
formation continue et d’initier les professeurs stagiaires aux pratiques collaboratives (séances
de formation auxquelles participent des acteurs associatifs, proposées en formation initiale).
Ainsi, la formation tant initiale que continue des enseignants mérite d’être réajustée afin de
permettre aux enseignants de mieux appréhender la collaboration interprofessionnelle dans
une visée inclusive.
Un autre aspect pouvant freiner la mise en œuvre de cette collaboration est mis en avant par
certains auteurs à travers la question du diagnostic. En effet, Katz et al. (2021) affirment que
« s’agissant de leurs élèves suivis médicalement ou psychologiquement, les professeurs des
écoles n’ont pas accès aux diagnostics et apparaissent de fait comme incompétents » (p. 104).
Les auteurs mettent cependant en exergue que « les professeurs des écoles interrogés
définissent à contrario leur métier par des compétences délimitées, non substituables avec celles
des spécialistes médicaux, travailleurs sociaux ou collègues spécialisés avec lesquels ils sont par
ailleurs amenés à collaborer » (Katz et al., 2021, p. 104). Si pour Thomazet (2012), « l’étiquette »
ou plutôt le diagnostic donne peu d’informations sur les besoins des ESH, Suau (2020) précise
en plus que les métiers du soin et de l’enseignement ont des règles qui parfois interagissent de
manière contradictoire, « comme c’est le cas du secret professionnel qui met l’enseignant dans
l’embarras… » (p. 59).
Finalement, cet espace commun qualifié d’inter-métiers ou d’inter-professionnalités est un
espace professionnel où la différence est centrale et cela peut faire obstacle à la collaboration
interprofessionnelle.
Dans le cadre de l’école inclusive, la collaboration interprofessionnelle étant désormais imposée
aux enseignants (Katz et al., 2021), ces derniers doivent travailler avec les professionnels
présents dans la classe (AESH), hors de la classe (équipe pédagogique, directeur) et hors de
l’école (parents, professionnels des services sociaux et médico-sociaux, ESS). Toutefois, ces
mêmes auteurs relèvent que cette collaboration « […] s’apparente pour les professeurs des
écoles à une réduction de leur autonomie professionnelle, en réalité grandement arrimée à
l’espace de la classe » (Katz et al., 2021, p. 105).
98
Synthèse et éléments de conclusion de la deuxième partie6
À travers cette revue de littérature, il apparaît que l’évolution de la scolarisation des ESH s’est
placée au cœur des débats scientifiques dès 2005, conduisant les auteurs à évoquer une
évolution de paradigmes, au-delà d’une simple évolution de termes, entre intégration et
inclusion. D’un point de vue épistémologique, on remarque que la recherche scientifique sur les
terminologies a évoluée plus vite que celle employée dans la législation et les textes
institutionnels. Alors même que légalement, en 2005, le principe de l'intégration était toujours
en vigueur, les auteurs développaient déjà le principe de l'inclusion et mettaient en évidence
l’importance des différences entre intégration et inclusion.
Si les discussions dans la littérature scientifique posent ainsi un certain cadre à ce qui est
attendu des écoles et dans les classes ordinaires, leur opérationnalisation n’est que peu
discutée du point de vue des connaissances et praxéologies à faire apprendre aux
enseignants en formation initiale et continue (Dintrich, Hache & Ladage, 2022,
paragr. 10).
Dans la littérature étudiée, nous observons que les recherches portant sur la formation initiale
des enseignants abordent peu la question de l’inclusion. Il y est question de la préoccupation de
former les enseignants aux évolutions potentielles du métier, en lien avec celles de la société.
Nous pouvons dire que l’inclusion scolaire est l’une de ces évolutions, mais cela n’est pas abordé
explicitement dans ces textes. Ce sont donc les articles traitant de l’école inclusive qui étudient
la formation spécifique des enseignants à cette thématique, mais les recherches empiriques sont
encore peu nombreuses. En effet, « la formation, dans son processus d’universitarisation et de
professionnalisation des enseignants, nécessite les apports de la recherche empirique, peu
présente jusqu’ici » (Dintrich et al., 2022). Il est important de noter que ce sont plus
particulièrement le manque de formation ainsi que le manque d’homogénéité du contenu de
formation sur l’ensemble du territoire qui sont discutés.
La problématique de l’inclusion scolaire étant récente, cela signifie que nous sommes,
tant du point de vue de la formation que de la recherche, dans les prémices d’une
construction de réponses aux difficultés rencontrées lors de l’accueil, à l’école, d’élèves à
besoins éducatifs particuliers (EBEP). Or, pour construire ces réponses, il faut renforcer
la dialectique existant entre formation et recherche. La formation, dans son processus
d’universitarisation et de professionnalisation des enseignants, nécessite les apports de
la recherche empirique, très peu présente jusqu’ici. Il y a une réelle difficulté à former à
un métier lorsqu’il n’y a pas eu de travaux empiriques sur la professionnalisation et les
questions qui se posent aux personnes exerçant le métier. De la même façon, la formation
étant actuellement lacunaire, il est difficile pour la recherche de réaliser des études sur
cet objet récent qui relève davantage d’initiatives personnelles du fait des enseignants
eux-mêmes, voire des équipes pédagogiques. (Dintrich et al., 2022, p. 151)
6 Une partie des éléments de conclusion de cette section ont déjà pu aboutir à la publication d’un ACL.
99
Nous pouvons pointer ici le manque de ressources partagées, tant pour la formation, que pour
la recherche et les professionnels. La revue de la littérature couvrant une période de près de
trente ans (de 1992 à 2020) et attestant d’un changement important du rapport de la société
française aux EBEP, met ainsi en lumière l’urgence d’enrichir les ressources, pour une mise en
œuvre didactique et pédagogique mieux comprise et davantage partagée du cadre de référence
des textes officiels régissant l’école inclusive.
Bien que la notion de ressource apparaisse comme polysémique et ambiguë dans la littérature,
dans le champ de l’éducation, les ressources revêtent un caractère essentiel en ce qu’elles
permettent aux enseignants d’exercer leur activité professionnelle. Nous avons pu identifier
deux grands types de ressources que sont les ressources institutionnelles et les ressources
personnelles. Ces ressources se retrouvent sous la forme imprimée ou numérique. Afin
d’interpréter et s’approprier le curriculum prescrit, la littérature scientifique montre que les
enseignants ont un fort rapport institutionnel aux ressources en ce qui leur accorde un haut
degré de fiabilité.
Les recherches mettent en lumière que la mise en œuvre par les enseignants du curriculum
prescrit se traduit en amont par une recherche puis une sélection d’un certain nombre de
ressources imprimées ou numériques. Après se les être appropriées, l’enseignant les exploite et
les modifie selon les besoins de sa pratique en classe. Ce processus de transformation des
ressources conduit en la création et la conception de ressources personnelles à l’enseignant. La
littérature souligne toutefois que le manque de formation des enseignants à l’utilisation des
ressources les amène à s’en saisir ou pas pour les utiliser selon leurs besoins personnels pour
l’enseignement. Dans le cadre de l’école inclusive, peu d’articles évoquent la question des
ressources bien que des écarts entre les discours et les moyens réellement alloués par les tutelles
soient relevés. Il a été noté que les enseignants « bricolent », et estimé que ce « bricolage »,
insatisfaisant, fait écho à la fois au manque de formation sur les ressources, mais également à
l’accueil aujourd’hui inévitablement complexe d’ESH en classe ordinaire.
Le dernier élément qui est ressorti comme essentiel de cette revue de littérature est la
collaboration interprofessionnelle, considérée comme une ressource pour favoriser la
scolarisation inclusive. En effet, bien qu’il existe un manque de consensus dans la littérature
scientifique et les textes législatifs à propos de la terminologie employée pour désigner le fait
que les acteurs qui travaillent auprès d’un ESH doivent œuvrer ensemble dans un but commun,
nous observons que l’école inclusive constitue aujourd’hui une institution au sein de laquelle
collaborent les professionnels de l’éducation nationale, du secteur médico-social, du libéral, les
parents, et les acteurs susceptibles d’intervenir auprès des ESH. Cependant, le manque de
formation initiale et continue des enseignants à propos des pratiques collaboratives et les règles
de certaines professions qui parfois interagissent de manière contradictoire – comme c’est le cas
à propos du secret professionnel et la question du diagnostic –, sont des éléments qui constituent
des obstacles majeurs à la mise en œuvre de la collaboration interprofessionnelle.
C’est dans cette perspective que nous situons notre approche didactique, à commencer par la
compréhension par les formateurs eux-mêmes de la manière dont se construisent les
programmes de formation et l’organisation des contenus au sein des INSPE (Dintrich et al.,
2022), des ressources qui sont mises à leur disposition pour enseigner, pour ensuite s’intéresser
100
à ce que déclarent les enseignants à propos des praxéologies sur le terrain et la question des
ressources qui sont à leur disposition et auxquelles certains contribuent à les construire et à les
diffuser. Dans l’enquête que nous menons il est également important d’étudier les types de
ressources qui contribuent à la construction des é quipements praxé ologiques des
professionnels de CMPP, ainsi que les ressources que ces professionnels déclarent mettre à
disposition des enseignants dans le cadre de l’accompagnement des ESH (collaboration
interprofessionnelle).
101
TROISIÈME PARTIE : Cadre de référence théorique
102
Introduction
Le cadre de référence théorique de la didactique nous est apparu très tôt comme le plus
pertinent pour structurer le questionnement et l’enquête et sur la formation des enseignants à
la mise en œuvre du service de l’école inclusive, ainsi que sur les ressources qui leur sont
proposées ou qu’ils élaborent eux-mêmes. Comme expliqué dès l’introduction générale, le choix
de la démarche méthodologique de notre recherche a été de partir d’un positionnement
épistémologique en didactique, identifié au préalable, afin de guider l’enquête à mener sur les
praxéologies existantes ou à créer au sein de certaines institutions sociales en vue de la
réalisation de l’école inclusive. Pour repérer et questionner les praxéologies à enseigner aux
professeurs des écoles – et les gestes professionnels des formateurs pour ce faire –, la pertinence
de ce choix a été confirmée à l’issue de la recherche documentaire et de la revue de la littérature
scientifique menée. Ce travail a également mis en lumière l’intérêt d’une recherche en didactique
qui soit ouverte à une diversité d’approches disciplinaires. En effet, la problématique étudiée de
la formation à l’école inclusive concerne à la fois le niveau de la société et celui du système
scolaire, le milieu professionnel au sens large, les formateurs, les enseignants et les
professionnels du secteur médico-social. Le travail de construction d’un objet de recherche au
mieux adapté aux questionnements issus du terrain a ainsi révélé toute la complexité du
phénomène de l’école inclusive, nécessitant un cadre théorique initial pour démarrer l’enquête
aussi bien dans sa phase exploratoire du contexte sociétal concerné, que dans la réalisation de
la revue de la littérature scientifique.
La complexité de l’étude de l’offre de ressources élaborées pour l’inclusion scolaire des ESH – y
compris son utilisation et son actualisation – nous a amenée à nous orienter au sein même du
champ de la recherche en didactique, plus particulièrement sur l’approche anthropologique du
didactique. Nous inscrivons donc ce travail dans le courant de la Théorie Anthropologique du
Didactique (TAD) telle qu’initiée par Yves Chevallard (2007), dans la mesure où elle opère sans
distinction de disciplines ou de contextes et qu’elle offre une base conceptuelle à l’enquête
invitant aux ajustements disciplinaires dans une démarche d’interdisciplinarité. En
encourageant la possibilité de s’appuyer sur d’autres approches disciplinaires et connaissances
au fil de l’enquête menée, l’approche anthropologique du didactique est prise dans notre
recherche comme « cadre théorique [qui] fonde l’enquête conduite » et dont nous étudierons ses
« fonctions aux différentes étapes » et la question de savoir en quoi il « oriente […] la manière
d’aborder un phénomène en le construisant en objet de recherche » (Albero & Paivandi, 2022,
p. 357).
Le rapport au cadre théorique que nous adoptons s’inscrit de ce fait dans une « démarche
d’articulation épistémique / empirique », décrite par Albero et Paivandi (2022) comme « plus
en prise avec le terrain, engageant une relation alternée entre élaboration du protocole
d’enquête, recueil de matériaux empiriques et conceptualisations » (p. 372). Le rôle de la TAD
comme cadre théorique n’est donc pas de servir de base à une démarche strictement
hypothético-déductive, mais de permettre d’identifier des hypothèses de travail dans une visée
heuristique : « Dans ces conditions, les hypothèses initiales ont une fonction heuristique dans la
mesure où elles soutiennent le raisonnement d’enquête et la construction du protocole de
recherche (délimitation, cohérence, pertinence, validité). » (p. 372). Jusqu’ici la revue de la
103
littérature scientifique que nous avons menée a révélé l’intérêt pour l’enquête menée, de
différentes conceptualisations, notamment celle autour des conceptualisations de la notion de
ressource ou encore celle sur la collaboration interprofessionnelle. Nous nous appuyons dans
notre démarche sur l’alternance décrite par Albero et Paivandi (2022, p. 372) entre « moments
déductifs (résultats de la revue de la littérature, influence du cadre théorique initial et des
conceptualisations en construction) et moments inductifs (influence des matériaux empiriques
et de leur mise en forme à des fins d’intelligibilité) », qui, comme le soulignent les auteurs,
conduisent « à des allers-retours entre consolidation du cadre théorique et explorations (terrain,
revue de la littérature, matériaux). »
Nous attendons de la TAD de nous permettre d’étudier les phénomènes de diffusion et de
transposition didactique (des savoirs et des praxéologies) observables pour la production et
l’actualisation de ressources didactiques à destination des enseignants en formation initiale et
continue. Cette formulation de la question de recherche est à présent mise à l’épreuve d’une
analyse plus poussée des conceptualisations de notre cadre théorique en prenant en compte les
résultats de l’enquête documentaire et de la revue de la littérature scientifique déjà menées
jusqu’ici.
Dans cette partie dédiée au cadre de référence théorique, nous nous appuyons sur différents
éléments théoriques de la TAD déjà brièvement annoncés dans l’introduction générale, à
commencer par les définitions données à la didactique, essentielles pour préciser le type de
travail de recherche mené. En TAD la didactique est définie comme : « la science de la diffusion
(et de la non-diffusion, voire de la rétention) des connaissances, savoirs et pratiques dans un
groupe humain déterminé – une classe scolaire, "la" société, une institution, etc. » (Chevallard,
2003). Cette définition offre un premier niveau de référence pour étudier les phénomènes de
diffusion des connaissances et des praxéologies dans la société, car comme le précise Chevallard
(2010), il s’agit de « la science des conditions et des contraintes de la diffusion (et de la non-
diffusion) des praxéologies au sein des institutions de la société » (p. 137). Ainsi nous étudions
les conditions de la diffusion sociale des connaissances pour comprendre les transitions dans la
structuration du métier d’enseignant et la manière dont s’organisent les évolutions du
curriculum de la formation initiale (Ladage, Dintrich, Hugo & Péninque, 2022)7. Ce premier
niveau d’analyse, réalisé à l’aide de l’outil théorique de l’échelle de codétermination didactique,
devra nous permettre de structurer l’étude des conditions et des contraintes de la circulation
institutionnelle et personnelle des savoirs et des praxéologies de l’école inclusive.
Nous nous référons également à la Théorie de la Transposition Didactique (TTD), aussi bien à la
transposition didactique externe pour étudier les choix des contenus et comment les
connaissances circulent entre les institutions, qu’à la transposition didactique interne, pour
repérer et analyser l’utilisation et les adaptations qui sont opérées par les enseignants. L’une des
questions centrales de cette analyse théorique est de comprendre quelle est la capitalisation du
vécu des enseignants aux prises avec la mise en œuvre de l’école inclusive au sein de collectifs
7 Communication au CITAD7 : 7th International Conference on the Anthropological Theory of the Didactic, 19-23
juin 2022 : « La TAD et l’étude des questions didactiques et pédagogiques face aux situations sociales de
transformation qui ne cessent de travailler et de renouveler les sociétés humaines »
104
d’enseignants, mais aussi au contact de toutes les catégories d’autres professionnels intervenant
autour des ESH.
Solidaire à ces théorisations, une autre conceptualisation qui intéresse notre recherche est celle
de la théorie des rapports aux savoirs et aux objets (Chevallard, 2003) pour étudier la question
des ressources à partir de la perspective des rapports personnels et institutionnels des
enseignants, des formateurs des INSPE et des professionnels de CMPP. Le cadre de référence de
la TAD questionnait dans notre contexte de recherche la prédominance de rapports personnels
aux questions que suscite l’école inclusive, sur des rapports institutionnels qui peinent à se
construire et à être diffusés auprès des professeurs des écoles.
Enfin, la conceptualisation autour de la notion de praxéologie et l’analyse praxéologique telle
que proposée en TAD, devront nous permettre dans une approche exploratoire et
compréhensive d’étudier aussi bien les techniques d’enseignement que les enseignants
déclarent utiliser dans le cadre de l’inclusion scolaire des ESH, que leurs discours justificatifs des
choix de leurs techniques et la manière de les accomplir.
Tout au long de la présentation du cadre théorique nous proposerons de situer les travaux de
recherche sur l’école inclusive réalisés avec le cadre de la didactique et analyserons de quelle
manière nous proposons d’y contribuer.
105
Chapitre 7 - Le choix des approches théoriques de la TAD
La perspective théorique de la TAD que nous avons adoptée pour construire la problématique
de la recherche et pour guider la manière dont celle-ci sera menée nous amène à interroger les
phénomènes sous un angle précis. La TAD telle qu’elle est pensée par Yves Chevallard, propose
une théorie générale de la didactique, entendue comme une conceptualisation qui a une portée
générale et qui ne se limite pas à un domaine particulier. Notons ici que le contexte initial à partir
duquel Chevallard a élaboré la théorie est le champ disciplinaire des mathématiques, dont
l’emprunte reste très forte dans la suite des travaux menés par Chevallard lui-même et par les
chercheurs qui contribuent à la mise à l’épreuve et à l’évolution des théorisations de la TAD
(comme en témoigne l’ouvrage de Bosch, Chevallard, García et Monaghan, intitulé Working with
the Anthropological Theory of the Didactic in Mathematics Education, 2019). L’ouverture aux
autres disciplines est pourtant bien présente aussi bien au sein les colloques dédiés à la TAD8
que dans les publications (comme en témoignent par exemple le chapitre dans cet ouvrage de
Ladage, Achiam et Marandino, intitulé Research on ATD outside mathematics). Ce sont les travaux
de ce type qui témoignent de la généralisation possible de la théorie à une diversité de champs
disciplinaires et plus généralement à l’étude de questions et de phénomènes appelant
l’inscription des recherches dans plusieurs champs disciplinaires, dans une démarche
interdisciplinaire, ou codisciplinaire comme la TAD le propose pour souligner la mise en tension
des disciplines. Nous verrons à ce titre que la théorie de la transposition didactique offre un
exemple très intéressant de l’intérêt des conceptualisations en didactique pour un grand nombre
de chercheurs. Les adaptations qu’ils proposent de la théorie, selon les contextes d’utilisation
disciplinaires ou professionnels, témoignent de débats scientifiques constructifs menant à la
reconnaissance de la théorie comme l’une des conceptualisations fondatrices en didactique. Un
autre élément majeur témoignant de l’ouverture disciplinaire de la TAD tient dans son objet
même, à savoir l’approche anthropologique du didactique qui, par définition, s’intéressant à
toute activité humaine et à ses modes de diffusion et de transmission, n’y inscrit pas des
frontières disciplinaires pour l’analyser.
Nous ne retenons pas l’ensemble des théorisations qui se sont développées dans ce courant actif
depuis la fin des années 1970. Dans ce qui suit nous présentons un choix d’élaborations
théoriques de la TAD, retenues comme les plus pertinentes pour analyser les phénomènes
faisant l’objet de la problématique étudiée. L’ordre de la présentation ne constitue pas une mise
en perspective historique du courant scientifique, il est construit dans l’objectif de dégager un
modèle d’analyse en vue de son opérationnalisation dans la méthodologie de la recherche qui
fera l’objet de la quatrième partie.
8 Les colloques de la TAD mentionnent systématiquement dans leurs appels à contribution s’intéresser à la
didactique des mathématiques en ajoutant « et des autres disciplines ».
106
7.1. L’analyse didactique et l’échelle de niveaux de codétermination
didactique
7.1.1. La et le didactique
9 https://dictionnaire.lerobert.com/definition/didactique
107
7.1.2. L’échelle des niveaux de codétermination didactique
Afin d’étudier les conditions et les contraintes qui pèsent sur la formation des enseignants à
l’inclusion scolaire des ESH dans le premier degré et la mise en œuvre de l’inclusion scolaire,
l’échelle des niveaux de codétermination didactique est l’un des outils théoriques clés de la TAD
pour schématiser les phénomènes repérables qui conditionnent le didactique à plusieurs
niveaux. Chevallard le schématise de la manière suivante (p. 8) :
Il y intègre un niveau pour la pédagogie, sans y faire figurer la didactique. La raison pour laquelle
la didactique elle-même ne figure pas comme un niveau sur cette échelle, c’est que c’est elle
justement qui schématise ce qui conditionne le didactique et rappelle donc qu’à chaque échelon
existe des conditions et des contraintes spécifiques. Voici comment il l’argumente :
Le surgissement du didactique dans une situation sociale se traduit par la création de
conditions supposées accroître la probabilité de survenue d’un apprentissage donné. De
ce point de vue, la TAD permet de situer clairement la didactique dans un univers
autrefois livré sans partage à la pédagogie. Elle le fait en s’aidant de l’échelle des niveaux
de codétermination didactique […] (Chevallard, 2010, p. 138).
Ici encore il y a lieu de souligner que les définitions des termes employées dans le schéma -
discipline, pédagogie, école –, dépassent celles du sens commun. En effet Chevallard précise à
leur propos dans la suite du même texte, que ces termes :
ne sont pas superposables exactement aux réalités de sens commun (pour telle ou telle
institution) dont elles empruntent le nom. À cet égard, un bref commentaire à propos de
la notion de discipline paraît utile. Dès lors qu’il n’est pas dans une phase labile de son
existence, tout contenu d’apprentissage est soumis, dans une institution donnée, à un
système de règles qui en norme les usages (et en définit corrélativement les mésusages) :
c’est un tel système que, en TAD, on nomme une discipline. Dans le cas de l’école au sens
courant du mot, lorsque le contenu à apprendre relève de l’une des matières scolaires,
cette discipline peut certes être identifiée en première approximation à ce que l’usage
scolaire désigne par ce mot. Mais en chaque cas, c’est-à-dire pour chaque enjeu didactique
108
considéré, il conviendra de repérer les contraintes disciplinaires – c’est-à-dire les
conditions non modifiables imposées par la discipline – touchant l’enjeu didactique, qui
s’imposeront alors à tout geste didactique admissible à son propos (p. 4).
Chevallard insiste ensuite sur l’importance de tenir compte des conditions et contraintes au
niveau de la discipline elle-même puisqu’elle est « le fruit d’une transposition didactique
toujours à l’œuvre », et qu’elle est loin d’être toujours « tenue pour nécessaire, transcendante,
transparente, intouchable et non problématique à la fois » (p. 4).
Ainsi, l’étude des conditions et contraintes qui pèsent sur le didactique (sur l’organisation d’un
système didactique) à chaque niveau de l’échelle offre un cadre de référence pour structurer et
approfondir l’analyse de ce qui est favorable ou de ce qui peut gêner la diffusion des praxéologies
ou des champs praxéologiques à l’étude, à tous les niveaux de l’échelle : la discipline, la
pédagogie, l’école (au sens large, d’enseignement particulier), la société voire la civilisation.
Dans notre recherche, nous étudions les conditions de la diffusion sociale des connaissances
relatives à l’inclusion scolaire des ESH à travers la manière dont s’organisent les évolutions du
programme de la formation initiale des enseignants du premier degré et l’utilisation des
ressources.
Une première conceptualisation de l’idée d’une transposition didactique des savoirs a été
introduit en 1975 par le sociologue Michel Verret qui s’intéressait à la façon dont toute activité
humaine, ayant pour visée la transmission de savoirs, faisait pour mettre en forme ces savoirs et
les « rendre enseignables », afin qu’ils puissent être appris. À la fin des années 1970 et au cours
des années 1980, Chevallard s’intéresse à cette conceptualisation dans le champ de
l’enseignement des mathématiques et développe une conceptualisation spécifique à cette
discipline en s’intéressant aux différents processus de transposition didactique à l’œuvre au sein
de la société et des institutions d’enseignement. D’où vient le savoir faisant l’objet des
enseignements dans les systèmes d’enseignement ? Telle est la première question que se pose
Chevallard et dont l’étude donnera naissance à la théorie de la transposition didactique (TTD).
Il formalise donc pour la première fois le processus de transposition didactique, dans le champ
des didactiques : « la transposition didactique a lieu quand des éléments du savoir savant
passent dans le savoir enseigné » (Chevallard, 1982, p. 7). Et il s’interroge alors pourquoi de tels
flux sont nécessaires. Pour Chevallard, il n’y a pas d’enseignement sans transposition didactique
puisque pour pouvoir être enseignés, les savoirs doivent être rendus enseignables. En effet, pour
devenir des objets d’enseignements, les savoirs subissent un certain nombre de transformations.
D’abord, ils sont décontextualisés de leur sphère de production pour être recontextualisés dans
la sphère scolaire. Ils ne doivent plus répondre à des questions de recherche mais à des objectifs
d’enseignements. Aussi, les savoirs sont dépersonnalisés, c’est-à-dire que les auteurs à l’origine
de l’élaboration intellectuelle du savoir ne sont pas cités à l’exception de certains tels que Thalès
ou Pythagore.
Chevallard distingue les transformations du savoir qui ont lieu à l’extérieur du système
d’enseignement (on parle également de transposition didactique externe), de celles que
109
l’enseignant est amené à faire dans le quotidien de la classe (transposition didactique interne).
La transposition didactique externe, aussi appelée curriculum formel ou prescrit, correspond à
la transformation des savoirs savants en savoir à enseigner (par exemple les programmes
d’enseignement ou manuels scolaires). Cette transposition didactique externe conduit à une
mise en texte du savoir, organisée sous forme de programmation pour l’enseignement et
l’acquisition du savoir (Reuter et al., 2013). La transposition didactique interne désigne les
adaptations réalisées par l’enseignant, c’est le curriculum réel. Nous nous intéressons
particulièrement à cette distinction du fait qu’elle nous amène à questionner le fonctionnement
du système d’enseignement dans sa globalité, ainsi qu’en interaction avec son environnement
sociétal, ce qui concerne donc aussi le service de l’école inclusive.
En lien avec notre recherche, nous allons voir que la TTD externe nous incite à tenter d’étudier
non seulement les choix des contenus à enseigner mais aussi la manière dont les connaissances
sur les questions de l’école inclusive circulent entre les institutions, tandis que la TTD interne
nous invite à l’étude de l’utilisation des contenus et des adaptations qui sont opérées par
l’enseignant afin d’inclure les ESH en classe ordinaire.
Outre les transformations que les savoirs à enseigner subissent et que nous venons de décrire
dans les grandes lignes, il faut noter que Chevallard met en lumière une instance essentielle dans
les décisions prises quant aux savoirs à enseigner qu’il nomme noosphère et qu’il décrit de la
manière suivante :
Car à la périphérie du système d’enseignement, que l’on nommera alors système
didactique stricto sensu […], il faut faire sa place à une instance essentielle au
fonctionnement didactique, sorte de coulisses du système d’enseignement, et véritable
sas par où s’opère l’interaction entre ce système et l’environnement sociétal (1982, p. 8).
En effet, en plus des rôles des savants et des représentants du système d’enseignement
(l’instance de pilotage ministériel) œuvrant dans les processus de transposition, Chevallard
propose de remonter les processus en amont des décisions prises par le système d’enseignement
au sens strict, et qu’il appelle périphérie du système d’enseignement,
Là se trouvent tous ceux qui, aux avant-postes du fonctionnement didactique, s’affrontent
aux problèmes qui naissent de la rencontre avec la société et ses exigences ; là se
développent les conflits, là se mènent les négociations, là mûrissent les solutions. Toute
une activité ordinaire s’y déploie, en dehors même des périodes de crise (où elle
s’accentue), sous forme de doctrines proposées, défendues et discutées, de production et
de débats d’idées – sur ce qui pourrait être changé et sur ce qu’il convient de faire. Bref,
on est ici dans la sphère où l’on pense – selon des modalités parfois fort différentes – le
fonctionnement didactique.
On est tenté à la lumière de cette description de faire le lien avec la définition que Chevallard
donnera par la suite de la didactique comme science des conditions et des contraintes de la
diffusion des connaissances et des praxéologies dans la société.
Chevallard propose le schéma suivant pour montrer le sas que constitue la noosphère entre
l’environnement de la société et le système scolaire stricto sensu.
110
Figure 2 - représentation de la place de la noosphère par rapport au système d'enseignement (p. 9)
Il ajoute que décrire avec précision les phénomènes qui se jouent dans la noosphère est
impossible, tant ils sont complexes. Lorsqu’il s’interroge comme on l’a vu plus haut sur le
pourquoi des flux de savoir qui proviennent de l’environnement vers le système d’enseignement,
il souligne que c’est par le truchement de la noosphère que passent ces flux.
Ce qui nous intéresse dans l’analyse que Chevallard propose est l’enjeu de la compatibilité du
système d’enseignement avec son environnement : « Le problème premier qui doit être résolu
pour que le système d’enseignement existe, c’est-à-dire pour que l’enseignement soit possible,
est celui de la compatibilité du système avec son environnement » (1982, p. 9). Cette
compatibilité se joue sur différents plans, dont celui des savoirs, qui ne doivent être
« suffisamment proche du savoir savant » d’un côté – pour ne pas provoquer un désaveu de la
part des savants –, mais de l’autre « suffisamment éloigné du savoir des parents, […] c’est-à-dire
du savoir banalisé dans la société » (1982, p. 10), pour ne pas « mettre en cause la légitimité du
projet d’enseignement, en en dégradant la valeur ». L’auteur conclut que « dans les deux cas
l’usure du savoir enseigné entraîne à terme l’incompatibilisation du système d’enseignement
avec son environnement » (1982, p. 10), d’où l’importance des flux de savoir. Que ce soit par la
transposition didactique qui se passe à l’extérieur du système d’enseignement ou de celle qui
opère à l’intérieur, « le système didactique est un système ouvert. Sa survie suppose sa
compatibilisation avec son environnement. Elle lui impose de répondre aux exigences qui
accompagnent et justifient le projet social dont il doit être l’actualisation » (1982, p. 4).
La seconde partie du processus de transposition est définie par ce que Chevallard nomme la
transposition didactique interne ou le curriculum réel, qui désigne le phénomène de
transformation des savoirs à enseigner en savoirs enseignés (transformation des programmes
en contenus effectifs de l’enseignement). Elle relève alors de ce qui se réalise à l’intérieur du
111
système didactique, de la marge d’interprétation, voire de création de l’enseignant. En effet, le
travail interne de la transposition didactique, s’effectue à « […] l’intérieur même du système
d’enseignement, bien après l’introduction officielle des éléments nouveaux dans le savoir
enseigné » (Chevallard, 1982, p. 12).
Concernant les savoirs enseignés, Chevallard identifie ce qu’il nomme un déséquilibre entre le
système d’enseignement et la société, du fait que l’enseignant est régulièrement confronté à une
dualité qui existe entre élèves et savoir enseigné :
l’usure du savoir, c’est le savoir devenu vieux par rapport à la société. Il s’agit du
déséquilibre entre le système d’enseignement et la société ; c’est aussi dualement, la
société devenue vieille (usée), à travers ses enfants par rapport au savoir (Chevallard,
1982, p. 13).
Ce déséquilibre que Chevallard désigne comme crise de l’enseignement, conduit les élèves à ne
plus absorber ce savoir, ce qui provoque des problèmes d’apprentissage. Pour y remédier, il
s’agit donc de changer le savoir. Or, une telle modification relève de la compétence de la
noosphère et correspond à ce qu’est une réforme. Mais tant que l’occasion d’une réforme des
programmes ne se présente pas, l’enjeu pour l’enseignant est tout de même de faire en sorte de
réduire l’écart entre le système d’enseignement et la société et donc, de réduire les difficultés
d’apprentissage. Pour cela, Chevallard évoque que l’enseignant peut être amené à supprimer des
« pans entier du savoir enseigné » (1982, p. 13) ou bien réorganiser le savoir : « Seul devant sa
classe, il songera à retoucher son cours, en général selon une combinatoire simple (par exemple,
il intervertira deux éléments, la continuité avant les limites, alors que jusqu’ici il avait fait
l’inverse) » (p. 13). La TTD ainsi décrite à grand traits pour en rappeler les fondements, a été
élaborée en prenant le plus souvent appui sur l’enseignement des mathématiques au
programme du système d’enseignement. La conceptualisation n’exclut pas l’élargissement de
son champ d’application d’abord à d’autres disciplines, ensuite, dans une perspective
anthropologique à toute diffusion de savoirs, au sens large. Ceci nous permet donc de mobiliser
la théorie, par extension, d’une part au niveau de l’enseignement proposé au sujet de l’école
inclusive aux futurs enseignants, et d’autre part de les interroger sur les adaptations éventuelles
des transpositions didactiques des savoirs à enseigner en classe ordinaire.
Dans le cadre de l’inclusion scolaire des ESH, l’enseignant est inévitablement confronté aux
difficultés d’apprentissage de ces élèves qui doivent pourtant suivre le programme scolaire de
leur classe d’âge. Il se retrouve donc à devoir adapter son enseignement selon ses connaissances
et son expérience personnelles relatives au handicap. En effet, nous l’avons vu précédemment
dans la revue de la littérature, la formation initiale des enseignants étant lacunaire concernant
les enseignements relatifs à l’école inclusive, les enseignants, une fois en poste, font avec ce qu’ils
ont.
La TTD nous amène à dire à ce stade, que l’école inclusive, qui s’inscrit comme une évolution
majeure dans la société, nécessite que les programmes de formation initiale et continue des
enseignants soient réélaborés afin d’y intégrer davantage de contenus concernant les
connaissances professionnelles nécessaires pour assurer le service de l’école inclusive. Cela
favoriserait, par ailleurs, l’institutionnalisation des expériences des professionnels de l’école
inclusive, jusqu’à présent encore à dominante personnelle, peu partagée et peu questionnée. En
nous appuyant toujours sur le cadre théorique de la TAD nous proposons d’étudier cette
112
question à la lumière de la conceptualisation que Chevallard propose de la théorie des rapports
aux savoirs.
Au sein de la recherche en sciences humaines et sociales différents auteurs ont proposé des
conceptualisations de la notion de rapport au savoir que les personnes, mais aussi les
institutions peuvent développer. La question est envisagée en lien avec les apprentissages et la
notion est généralement prise au sens large – incluant connaissances, compétences, etc. –, mais
là où les approches diffèrent c’est au niveau de la mise en perspective du sujet (de la personne
ou de l’institution).
En France, le démarrage des recherches en sciences de l’éducation autour de la notion de rapport
au savoir peut être situé à partir de la fin des années 1980, avec Jacky Beillerot qui écrit une
thèse en 1987 intitulée Savoirs et rapport au savoir : disposition intime et grammaire sociale, dans
laquelle il étudie une double inscription des rapports aux savoirs : sociale et psychique.
Beillerot a lui-même étudié l’origine des recherches sur la notion, qu’il situe dans les années
soixante, dans les champs de la psychanalyse, de la sociologie critique et de la formation
d’adultes (Beillerot, 1989).
Différents chercheurs ont travaillé avec Beillerot pour approfondir les problématiques
inhérentes au rapport au savoir (dont les phénomènes d’échec scolaire) au sein d’une équipe de
recherche (intitulée Savoirs et rapports au savoir à l’université Paris-Ouest Nanterre). Parmi ces
chercheurs, citons Claudine Blanchard-Laville, qui propose une description intéressante de
l’évolution de ces travaux et leur positionnement par rapport à d’autres recherches en sciences
de l’éducation, notamment celles de Chevallard :
Depuis mon entrée en 1991 dans l’équipe de recherche Savoirs et rapport au savoir, créée
en sciences de l’éducation à l’Université Paris-Ouest-Nanterre par mon ami et collègue
Jacky Beillerot, je m’intéresse à la notion de rapport au savoir. Au sein de notre équipe,
cette notion est apparue comme pouvant fédérer un certain nombre de travaux de
recherche concernant les savoirs et leurs modalités de transmission. Elle est
progressivement devenue l’un des concepts organisateurs majeurs de nos propres
recherches. D’autres équipes en sciences de l’éducation ont aussi porté une grande
attention à la notion de rapport au savoir, comme l’Équipe Escol à Paris-VIII avec des
auteurs comme Bernard Charlot, Élizabeth Bautier et Jean-Yves Rochex ou, du côté de la
didactique des mathématiques, avec les travaux d’Yves Chevallard, mais leurs
déclinaisons de cette notion se distinguent de la nôtre par les théories du sujet que leurs
approches convoquent, théories qui ne font pas droit en priorité au sujet de l’inconscient.
Pour notre part, la notion de rapport au savoir a toujours été entendue, depuis les
premiers travaux de J. Beillerot (1987), comme se référant à un sujet dont la psychanalyse
contribue à nous faire connaître le développement de la vie psychique (2013, p. 123).
Nous ne rentrerons pas dans une étude approfondie de ce courant de pensée qui situe les
recherches sur le rapport au savoir à partir de « soubassements psychanalytiques » (Beillerot,
113
Blanchard-Laville & Mosconi, 1996 p. 73), pour ouvrir la voie vers quelques autres références
permettant de préciser le positionnement théorique de notre recherche en TAD dans le champ
des sciences de l’éducation.
Afin de situer les différentes approches en sciences de l’éducation nous prenons appui sur Le
traité des didactiques qui consacre une entrée à la notion de rapport à, tout en l’associant à celle
de représentations. Selon ce traité « la notion de représentations a été définie pour parler des
systèmes de connaissances qu’un sujet mobilise face à une question ou à une thématique, que
celle-ci ait fait l’objet d’un enseignement ou pas. » (Reuter et al., 2021, p. 211). Il énonce par
ailleurs que « celle de rapport à éclaire ce qui se joue entre les apprenants et les contenus de
savoirs dans des contextes d’enseignement et d’apprentissages » et il précise que « celle-ci peut
se construire sur différents plans : cognitif, psychologique, affectif… » (2021, p. 211). Les deux
notions sont analysées dans le contexte scolaire, avec le regard centré d’une part sur l’élève pour
en comprendre les apprentissages, d’autre part sur l’enseignant dont les pratiques peuvent
varier selon sa prise en compte des représentations et des rapports à. Les auteurs du traité notent
que les deux notions « permettent d’organiser les réflexions autour du sujet didactique et des
processus d’apprentissage à partir de savoirs initiaux susceptibles d’évoluer » (2021, p. 212). Ils
relèvent cependant que la notion de représentation ne tient pas compte de la variabilité du
contexte comme le fait la notion de rapport à :
Selon la situation dans laquelle une question ou un problème est posé, le sujet ne mobilise
pas les mêmes modèles explicatifs. Plusieurs modèles de pensée, parfois contradictoires,
peuvent cohabiter chez un même sujet. Selon la situation, ce sera l’un d’entre eux qui sera
mobilisé (2021, p. 214).
Le contexte de production est ainsi déterminant de l’état de connaissance mobilisé par un sujet.
Les auteurs du traité soulignent que les didacticiens prennent en compte cette variabilité du
contexte et notent que la notion de rapport à « peut mettre en lumière des tensions chez le sujet
pris entre un rapport au savoir attendu dans l’espace scolaire et un rapport au savoir construit
sur d’autres espaces institutionnels » (2021, p. 214). Il est intéressant de noter à ce stade dans
le texte que nous suivons, la référence à Chevallard, chez qui ils repèrent – dans son chapitre
d’ouvrage écrit en 2003 dans le livre Rapport au savoir et didactiques coordonné par Maury et
Caillot – qu’il éclaire le rapport personnel au savoir avec les espaces institutionnels dans lesquels
ils sont nécessairement élaborés (p. 214). Citons une dernière mise en tension repérée par les
auteurs du traité, pour qui « contrairement aux représentations, [le rapport à] peut être désigné
comme un contenu d’enseignement. En tant que tel, il peut faire l’objet d’explicitations qui ont
pour objectif des appropriations par les élèves de ce contenu » (p. 216).
Il n’en est pas moins que le rapport au savoir d’une personne peut être étudié sous différentes
dimensions allant au-delà de la prise en compte du seul contenu d’enseignement.
Ainsi Bautier et Rochex décrivent deux registres non exclusifs dans le rapport au savoir : le
registre identitaire dans lequel « le savoir prend sens par référence à des modèles, à des attentes,
à des repères identificatoires » (1998, p. 34) (pourquoi j’apprends) et le registre épistémique
qui se définit « en référence à la nature de l’activité que le sujet met sous les termes apprendre
et savoirs » (p. 34) (qu’est-ce qu’apprendre ?). D’autres dimensions sont identifiées, comme la
dimension sociale au savoir, qui pour Charlot met en lumière que « le rapport au savoir d’un
enfant est très lié à son appartenance sociale » (Charlot, 1991). Charlot, Bautier et Rochex (1992,
114
p. 122) définissent le rapport social au savoir comme « l’ensemble d’images, d’attentes et de
jugements qui portent à la fois sur le sens et la fonction sociale du savoir et de l’école, sur la
discipline enseignée, sur la situation d’apprentissage et sur soi-même ».
Revenons à présent à Chevallard dont il faut noter qu’à la même époque, il s’intéresse plus
particulièrement à la genèse des rapports au savoir, entendu aussi comme autant de rapports à
des objets qu’une personne a pu rencontrer et construire au cours de sa vie dans une pluralité
d’institutions. Il est important de préciser ici, comme nous le verrons plus loin, le sens très large
qu’il donne à la notion d’objet, concernant aussi bien les objets concrets qu’abstraits (tel un
théorème, mais aussi telle la notion de père). Ceci l’amène à s’intéresser à tout type
d’apprentissage, en lien avec son approche anthropologique de l’étude des phénomènes
didactiques.
Afin de comprendre plus précisément la manière dont les conditions et les contraintes pèsent
sur la construction et la circulation de connaissances et de praxéologies dans la société,
Chevallard (1989) a développé la théorie des rapports personnels et institutionnels aux objets,
associée à la notion d’assujettissement (Chevallard, 1989 ; 2003). Il s’agit pour le didacticien
d’analyser les rapports (absents, existants ou à construire) que les personnes et les institutions
entretiennent à l’objet du champ praxéologique étudié. L’explicitation des différentes notions
que nous exposons ci-après, s’appuie sur un des textes fondateurs de Chevallard (2003), qui
propose une approche anthropologique du rapport au savoir et didactique des mathématiques.
115
La troisième notion fondamentale est donc celle de personne, « couple formé par un individu x
et le système de ses rapports personnels aux objets ». Pour expliquer ces changements induits
par la personne, Chevallard s’appuie sur une quatrième notion fondamentale, celle d’institution :
Une institution I est un dispositif social "total", qui peut certes n’avoir qu’une extension
très réduite dans l’espace social (il existe des "micro-institutions"), mais qui permet – et
impose – à ses sujets, c’est-à-dire aux personnes x qui viennent y occuper les différentes
positions p offertes dans I, la mise en jeu de manières de faire et de penser propres (p. 2).
Chaque institution véhicule ses propres rapports aux objets et attend des sujets qu’ils se
conforment à ces derniers afin de justifier de son existence et de son fonctionnement dans la
société. Ainsi, d’une manière générale, les rapports personnels des individus seront assujettis,
au cours du temps, à de multiples institutions au sein desquelles existent des rapports
institutionnels à divers objets. Il se crée ainsi ce que Chevallard définit par une dynamique
cognitive, du fait du changement cognitif qui s’opère pour une personne au fil de ses positions
dans des institutions, impliquant à chaque fois des évolutions de ses rapports aux objets et aux
œuvres de ces institutions. C’est ici que Chevallard s’appuie sur la notion d’assujettissement :
Dès sa naissance, tout individu est ainsi assujetti à – c’est-à-dire à la fois soumis à et
soutenu par – de multiples institutions, telle sa famille, dont il devient le sujet. En
particulier, l’infans est assujetti d’emblée à cette institution qu’est le langage, et plus
précisément à cette langue, bien qu’il ne la parle pas encore : il ne peut y échapper, et, en
même temps, c’est elle qui lui permettra de parler, qui lui donnera sa « puissance »
linguistique. D’une manière générale, c’est par ses assujettissements, par le fait qu’il est le
sujet d’une multitude d’institutions, que l’individu x se constitue en une personne.
Pour comprendre la manière dont une personne devient assujettie d’une institution, la notion
de rapport institutionnel est ainsi également fondamentale. Rappelons tout d’abord qu’une
institution accueille des individus qui deviennent des sujets de celle-ci et qui occupent des
positions différentes en son sein : un élève ou un professeur au sein de l’école par exemple. Dans
une position institutionnelle donnée, l’institution met alors en avant un rapport institutionnel à
un objet donné pour les sujets qui occupent cette position. Pour Chevallard, si une personne veut
être un « bon sujet » de l’institution, elle doit conformer ses rapports personnels à ceux de
l’institution. Cependant, le rapport institutionnel d’un sujet à un objet ne pourra en soi être
uniquement celui donné par l’institution pour la position occupée par ce dernier. En effet,
considérant que toute personne émerge d’une pluralité de rapports institutionnels, le rapport
d’un sujet à un objet ne peut être totalement engendré par son assujettissement à une seule
institution, à une position particulière au sein de cette institution. C’est en cela que la personne
apparaît toujours en quelque sorte comme un « mauvais sujet » de l’institution, parce que ses
assujettissements antérieurs constituent un rapport personnel non conforme au rapport
institutionnel pour la position occupée.
Chevallard souligne l’importance des rôles des personnes dans une institution :
D’une manière générale, nos rapports "personnels" sont ainsi le fruit de l’histoire de nos
assujettissements institutionnels passés et présents. Réciproquement, une institution I,
et les différentes œuvres O auxquelles elle sert d’habitat, ne sauraient exister sans sujets.
Ceux-ci sont les acteurs de l’institution I, et donc des œuvres O qui vivent dans I, et font
116
que celles-ci continuent d’y vivre. Il y a ainsi une dialectique des institutions, des œuvres
et des personnes (p. 3).
Il note aussi inversement l’importance des rôles des institutions pour les sujets en son sein :
Instituer, c’est, en français, mettre sur pied, établir, fonder, ordonner, régler : le rôle des
personnes dans la création des institutions est ainsi attesté par le langage courant. Mais
leur rôle dans le fonctionnement des institutions n’est pas moins essentiel. Inversement,
privées d’institutions et d’œuvres – ce qui est la définition même de l’exclusion –, les
personnes cesseraient bientôt d’exister, la désagrégation de la personne étant le prélude
à la mort, sociale et peut-être biologique, de l’individu (p. 3).
Ce qui nous paraît important enfin de relever dans la théorie du rapport au savoir proposée par
Chevallard, c’est qu’elle met en lumière cette pluralité de rapports aux objets que personnes et
institutions développent. Il en découle tout d’abord une relativité bien évidemment personnelle,
mais aussi institutionnelle de la connaissance :
La relativité institutionnelle de la connaissance est marquée à la fois par l’existence d’une
diversité pratiquement illimitée de façons de "connaître" un objet o et par l’inexistence
d’un "bon rapport" universel, reconnu tel en toute institution […] (p. 4).
Il en résulte également l’existence de négociations de la conformité des rapports personnels et
institutionnels, ainsi que cette dynamique cognitive propre aux institutions : « Ainsi les sujets
d’une institution, qui permettent déjà à celle-ci de vivre, contribuent-ils en même temps à la faire
évoluer, en exerçant une pression institutrice sur les rapports institutionnels » (p. 5).
Au regard de cette théorie de la connaissance nous pouvons dire tout d’abord que ce qui
conditionne l’inclusion scolaire des ESH sont en réalité les rapports qu’entretiennent les
personnes, mais aussi les institutions au handicap et à l’éducation (en milieu ordinaire).
Dans notre recherche, nous considérons comme objet (ou plus particulièrement comme œuvre)
au sens de Chevallard, l’école inclusive et, plus précisément, l’inclusion scolaire des ESH. Nous
souhaitons comprendre quels sont les rapports personnels que les formateurs d’enseignants -
enseignants et professionnels de la communauté éducative (professionnels de CMPP) -
entretiennent à cet objet. Comment ont-ils construit ces rapports et quels sont les rapports
institutionnels qu’ils connaissent ou ont connu, sachant que ces professionnels occupent tous
une position p particulière dans une institution à laquelle ils sont assujettis : INSPE, Éducation
nationale, secteur associatif, conseil départemental, etc.
121
Chapitre 8 - De la problématique de la recherche à la formulation
des hypothèses
Dans ce chapitre, nous nous attachons à présenter nos questions de recherche à partir de notre
questionnement inaugural. Puis, nous formulons trois hypothèses de travail qui guideront la
suite de notre recherche dans l’objectif d’apporter des éléments l’intelligibilité au phénomène
étudié. Enfin, nous précisons les outils théoriques qui seront mobilisés pour analyser des
données.
L’objectif visée dans l’enquête menée au démarrage de notre thèse, était d’apporter un éclairage
sur les processus de production et d’évolution de la formation des enseignants à la mise en
œuvre de l’école inclusive, sous le prisme de l’inclusion scolaire des élèves en situation de
handicap à l’école maternelle et élémentaire ordinaire (premier degré), jusqu’à son élaboration
sur le terrain à travers les ressources que les professionnels déclarent utiliser. Notre question
inaugurale interrogeait les ressources mises à disposition des enseignants pour l’école inclusive,
toujours au regard de l’inclusion scolaire des ESH. Cela nous a amené à nous intéresser à la
perception et au vécu des formateurs exerçant en INSPE ; sur les dynamiques de construction
des programmes de formation initiale des enseignants du premier degré et, plus spécifiquement
sur les types de ressources mis à disposition des enseignants en formation pour l’apprentissage
de la mise en œuvre de l’inclusion scolaire des ESH en classe ordinaire.
Notre étude du contexte et de la revue de littérature scientifique nous a amené à constater que
les enseignants ne sont pas suffisamment formés à l’inclusion scolaire des ESH et qu’il existe une
part importante d’activités spontanées et non problématisées au regard d’une didactique
partagée et négociée au cœur du métier.
Le cadre de référence théorique nous amène à ce stade à centrer la recherche sur quatre grands
axes de questionnements.
Le premier axe se situe au niveau des enseignants du premier degré, chargés de la mise en œuvre
du service de l’école inclusive et, plus spécifiquement de l’inclusion scolaire des ESH : Comment
opèrent-ils ? Quelle est la nature des praxéologies mises en œuvre par les enseignants ? S’agit-il
de praxéologies institutionnalisées, ou développées à titre personnel ?
Le deuxième axe se situe au niveau de l’organisation de la formation du point de vue
institutionnel. De quelle manière les programmes de formation initiale des enseignants sont-ils
construits ? Que représentent les enseignements relatifs à l’inclusion scolaire des ESH au regard
de l’ensemble de la formation ? Quelles sont les ressources que les formateurs (et l’institution)
mettent à disposition des enseignants en formation pour l’accompagnement de ces élèves-là ?
Le troisième axe concerne la contribution des formateurs à INSPE. Quels récits les formateurs
font-ils de leurs propres expériences et connaissances de l’école inclusive ? Quels sont les
dispositifs pédagogiques mis en place par les formateurs pour la formation des enseignants à
l’inclusion scolaire des ESH ? Quelles sont les difficultés rencontrées par les formateurs quant
aux enseignements relatifs à l’école inclusive ?
122
Notre revue de la littérature scientifique a fait émerger l’importance de la collaboration
interprofessionnelle ce qui nous amène à formuler un quatrième axe de questionnement :
Comment s’organise la collaboration entre les professionnels du secteur médico-social et de
ceux de l’EN ? Quels sont les rapports qu’entretiennent spécifiquement les professionnels de
Centres Médico Psychopédagogiques (CMPP) avec l’EN dans le cadre de l’inclusion scolaire des
ESH ?
Dans le prolongement de cet axe de questionnement, nous interrogerons la frontière entre
collaboration interprofessionnelle et accompagnement, ainsi que la nécessité de penser le
développement de ressources collaboratives pour l’accompagnement des enfants en situation
de handicap à partir des champs d’expertise de chaque professionnel.
123
institutionnel apparaît comme l’une des réponses les plus attendues aux difficultés identifiées
par la littérature scientifique.
De la même manière que pour les formateurs d’INSPE, le deuxième élément que nous
questionnons correspond aux rapports personnels prédominants des professionnels de CMPP à
propos de l’inclusion scolaire. Dans le cadre de la collaboration interprofessionnelle avec les
enseignants, les ressources que les professionnels de CMPP transmettraient aux enseignants
dépendraient alors de leur propre expérience plutôt que de rapports (via les ressources)
institutionnels qui seraient le résultat d’un partage entre professionnels au sujet des pratiques
relatives à l’inclusion scolaire.
Le troisième élément questionné dans l’hypothèse de rapports personnels dominants, est le fait
que, solidaires à ceux des formateurs d’INSPE et des professionnels de CMPP, les rapports
personnels des enseignants relatifs à l’inclusion scolaire, prédominent les rapports
institutionnels et peuvent interférer sur les pratiques inclusives en classe et l’utilisation des
ressources.
Ainsi, la professionnalisation des enseignants relative à l’école inclusive est contrainte de se
construire en grande partie en référence à l’expérience personnelle du terrain, ce qui pose, nous
l’avons vu, de nombreuses questions.
Afin d’alimenter nos hypothèses de travail et avant de décrire les dispositifs méthodologiques
de notre recherche, il apparait nécessaire de faire le point sur les trois éléments du cadre
théorique que nous allons mobiliser plus particulièrement pour l’analyse.
Pour commencer, l’outil de la Théorie de la Transposition Didactique (TTD) nous permettra de
guider le repérage complexe de phénomènes transpositifs externes et internes.
124
L’objectif n’est pas d’étudier les processus de la TTD mais de s’intéresser à la manière dont sont
vécus les programmes de formation par les formateurs d’INSPE et les enseignants et ainsi,
d’identifier les dynamiques de rapports institutionnels et personnels au sujet de l’école inclusive.
En ce sens, nous nous intéressons aux questions que posent la transposition didactique des
connaissances et des praxéologies de l’école inclusive en vue de l’adaptation nécessaire pour la
scolarisation des ESH et à BEP, en général. Cela implique alors que nous ne l’analysons pas d’un
point de vue disciplinaire qui pourrait faire l’objet de recherches plus spécifiques. La TTD nous
inciterait également à nous intéresser aux processus d’identification des savoirs et praxéologies
de référence dans l’élaboration des programmes de formation et la manière dont les expériences
de terrain arrivent ou non à les alimenter. Ce type d’enquête n’est cependant pas aisé au regard
des personnes et institutions auprès de qui il y aurait lieu d’enquêter, ce qui dépasse ce qui nous
a été possible de mettre en œuvre dans le cadre de cette recherche doctorale.
En lien avec la TTD qui nous guide dans le repérage de phénomènes transpositifs, nous nous
intéressons plus généralement à l’une des définitions de la didactique proposée par Chevallard :
« la didactique est la science des conditions et des contraintes de la diffusion sociale des
complexes de praxéologies et des entités qui les composent. » (Chevallard, 2011a, p. 43). Cette
définition nous amène ainsi à étudier les conditions et les contraintes qui pèsent sur la diffusion
de connaissances et des praxéologies relatives à l’école inclusive, aux différents niveaux de
l’échelle de niveaux de codétermination didactique développée dans le chapitre 7.
Ensuite, nous nous appuyons sur la théorie du rapport au savoir (étudié par Chevallard comme
une théorie des rapports aux objets en général) pour étudier les rapports institutionnels et
personnels que les professionnels entretiennent (et déclarent entretenir) à l’école inclusive et,
plus particulièrement à l’inclusion scolaire des ESH. La pluralité de rapports aux objets des
personnes et des institutions conduit à une relativité personnelle et institutionnelle de la
connaissance. En ce sens, la théorie des rapports au savoir en TAD nous incite à dire que ce qui
conditionne l’inclusion scolaire des ESH, ce sont les rapports que les personnes et les institutions
entretiennent au handicap et à l’éducation en milieu ordinaire, marqué par ses particularités.
C’est ce qui nous a amené à formuler notre première hypothèse, qui suppose une prédominance
des rapports personnels au phénomène inclusif, car l’institution est dans l’impossibilité de
fournir un savoir de référence stabilisé et homogène du fait de la diversité des situations et des
besoins des ESH et à BEP. En effet, les besoins en connaissances au sujet de l’école inclusive étant
très complexes et le plus souvent fortement déterminés par les contextes, cela nécessiterait
différentes voies de diffusion que la formation à elle seule ne peut assurer. Ceci questionne la
possibilité d’accès à des connaissances et des ressources au sens large comme éléments de
réponses aux questions qui se posent aux professionnels interrogés.
Ces dimensions s’inscrivent dans une démarche exploratoire et compréhensive. Afin d’explorer
nos questionnements et hypothèses, nous proposons, pour chaque dispositif méthodologique,
un modèle d’analyse qui précise les types de questions posées pour explorer les différentes
dimensions théoriques mobilisées.
125
Conclusion de la troisième partie
Dans cette partie, nous notons l’importance de la formulation des hypothèses pour déterminer
des critères de sélection des données et identifier ce qu’on peut apprendre par l’enquête (Van
Campenhoudt et al, 2017). Les mêmes auteurs précisent que
la conceptualisation, ou construction des concepts, constitue une construction abstraite
qui vise à rendre compte du réel. À cet effet, elle ne retient pas tous les aspects de la réalité
concernée mais seulement ce qui en exprime l’essentiel du point de vue des objectifs de
la recherche. Il s’agit donc d’une construction sélection. La construction d’un concept
consiste à désigner les dimensions qui le constituent et, ensuite, à en préciser les
indicateurs, grâce auxquelles ces dimensions pourront être mesurées (p. 196).
Nous présentons la construction de notre modèle d’analyse dans la partie qui suit, relative à la
méthodologie de la recherche en annonçant que seront expliqués les indicateurs
(caractéristiques) que nous retenons pour vérifier les hypothèses.
Notre questionnement de départ était très large et malgré les reformulations réalisées à la suite
des enquêtes exploratoires menées et le cadrage théorique en TAD, nous sommes consciente
qu’il ne sera pas possible d’étudier chaque axe de questionnement de manière approfondie.
Notre travail visera de ce fait avant tout une meilleure compréhension des phénomènes à l’étude,
sans objectif d’exhaustivité ou de vérification d’hypothèses, dont le rôle dans le cadre de cette
recherche était d’anticiper des relations entre des phénomènes observables dans la mise en
œuvre de l’école inclusive et les discours l’accompagnant.
126
QUATRIÈME PARTIE : Les dispositifs méthodologiques de la
recherche
127
Introduction
En suivant le cadre de référence théorique de la TAD, notre recherche se centre sur quatre
grands axes de questionnements se situant à plusieurs niveaux : les enseignants du premier
degré chargés de la mise en œuvre de l’inclusion scolaire des ESH, l’organisation de la formation
du point de vue institutionnel, la contribution des formateurs d’INSPE, et enfin la collaboration
entre les professionnels de CMPP et ceux de l’EN. Aussi, nous avons construit deux hypothèses
de travail que nous allons explorer par l’intermédiaire des dispositifs méthodologiques
présentés dans cette partie.
Après avoir défini les concepts centraux guidant la recherche dans la partie précédente nous
présentons dans cette partie l’approche adoptée pour le recueil de données empiriques pouvant
contribuer à l’intelligibilité des phénomènes étudiés. Pour introduire notre cadre théorique de
référence nous avons précisé que nous adoptons une « démarche d’articulation épistémique /
empirique » (Albero & Paivandi, 2022), afin de se trouver plus en prise avec le terrain et pour
avancer l’enquête menée entre moments déductifs et moments inductifs. Pour observer la
population concernée cette approche peut s’appuyer sur des méthodes quantitatives et
qualitatives dont nous présentons nos choix dans ce qui suit.
Notre objectif est de « comprendre la signification pour la population étudiée des événements,
des situations et des actions dans lesquelles elle est impliquée, ainsi que l’analyse qu’elle fait de
ses expériences » (Maxwell, 1999, p. 42). En effet, nous souhaitons décrire et comprendre la
perception des acteurs ainsi que leur expérience et le sens qu’ils donnent à leurs actions dans le
cadre de l’inclusion scolaire des ESH. Selon Schurmans, l’approche compréhensive se focalise
sur le sens. Cela signifie de
prendre en compte la spécificité de l’humain, autrement dit ne pas considérer ce dernier
seulement comme un agent déterminé par des forces extérieures à lui, mais le tenir
également comme un acteur qui construit des significations à partir de la place qu’il
occupe dans le monde, et qui, produisant des faits sociaux, contribue à la reproduction
des déterminismes. (Cité par Charmillot & Serferdjeli, 2002, p. 188).
Ainsi, pour Charmillot et Serferdjeli (2002), la démarche compréhensive « implique un
mouvement de va-et-vient entre modèle théorique et matériel empirique et intègre la mise en
œuvre d’une exploration étendue […] » (p. 199).
Afin d’explorer nos questions de recherche, notre enquête s’appuie sur une méthode de
recherche dite mixte. En effet, les questions de recherche qui nécessitent plusieurs types de
méthodes et de sources de données sont nombreuses dans le domaine des sciences sociales.
Ainsi, les méthodes de recherche mixtes permettent « de mettre au service d’une question de
recherche des méthodologies de recherche d’orientation à la fois quantitatives et qualitatives ;
(…) de répondre à des questions de recherche nécessitant plusieurs sources de données »
(Briand & Larivière, 2020, p. 775) ; mais aussi « elles permettent au sein d’un même projet de
recherche d’obtenir une richesse d’informations et d’approfondir le sujet de l’étude » (p. 775).
En effet, le choix de cette démarche se porte sur le fait qu’elle permet de recueillir des données
différentes mais complémentaires sur le sujet.
128
Ainsi, cette partie présente trois dispositifs mis en place au cours de notre étude. Ces trois
dispositifs nous ont permis de récolter des données qualitatives et quantitatives auprès de
formateurs exerçant en INSPE, d’enseignants du premier degré et de professionnels exerçant
dans le secteur médico-social, plus précisément en CMPP. Les dispositifs ont été mis en œuvre à
des moments différents, nous permettant ainsi d’alterner entre moments déductifs et inductifs
et ainsi enrichir notre questionnement par la recherche de conceptualisations complémentaires,
pertinentes au regard des données empiriques recueillis.
Dans un premier dispositif, nous avons donné la parole aux formateurs d’INSPE qui
interviennent dans différents établissements, afin de recueillir leurs perceptions sur la manière
dont se construit le curriculum de formation initiale des enseignants et mieux connaître les
savoirs enseignés aux futurs enseignants au sujet de l’école inclusive, en particulier à propos de
l’inclusion scolaire des ESH.
Dans un second dispositif, nous avons donné la parole aux professionnels de CMPP, dans
l’objectif d’obtenir des données sur la manière dont ils perçoivent l’inclusion scolaire des ESH et
mieux connaître le travail de collaboration professionnelle qui existe, ou pas, avec les
enseignants.
Dans un troisième dispositif, nous avons choisi d’interroger des enseignants qui exercent dans
des écoles publiques du premier degré – via un questionnaire, afin de recueillir des données à
partir d’une variété la plus importante de contextes scolaires –, sur la manière dont ils
perçoivent l’inclusion scolaire des ESH, les moyens qu’ils déclarent avoir pour inclure des EBEP,
les formations qu’ils suivent ou ont suivies en lien avec l’inclusion scolaire ainsi que les
ressources qu’ils déclarent utiliser pour l’accueil de ces élèves en classe ordinaire.
Précisons toutefois que notre recherche s’étant déroulée de mars 2020 à juin 2021, les périodes
de confinement liées à la pandémie de la Covid-19 ne nous ont pas facilité l’accès au terrain.
129
entretiens menés auprès des formateurs exerçant en INSPE et le second, aux entretiens menés
auprès des professionnels de CMPP.
Nous avons choisi de réaliser des entretiens semi-directifs afin d’approfondir des zones d’ombre
que nous avions repérées dans la littérature scientifique. Dans une visée exploratoire et
compréhensive, cette technique de collecte de données permet au chercheur d’interroger les
interviewés de façon souple en posant
[…] des questions ouvertes visant à encourager la personne interviewée à décrire sa
réalité sociale, ce qu’elle pense, ce qu’elle vit ou ce qu’elle a vécu tout en portant une
attention à l’interprétation de la signification du phénomène étudié. (cité par Gallagher &
Marceau, 2020, p. 12)
Il s’agit d’un moment d’échange entre le chercheur et l’interviewé, d’un dialogue s’appuyant sur
le principe de l’écoute et de l’empathie (Imbert, 2010). « Plus précisément, l’intervieweur joue
le rôle d’un facilitateur pour encourager la personne à verbaliser, à s’exprimer. » (Gallagher &
Marceau, 2020, p. 12).
L’intérêt pour nous d’utiliser ce type d’entretien est son aspect cadrant permettant de poser des
questions précises sur les points problématiques que nous souhaitons aborder. « Le chercheur
centrera davantage l’échange autour de ses hypothèses de travail, sans exclure pour autant les
développements parallèles susceptibles de les nuancer ou de les corriger. » (Van Campenhoudt
et al., 2017, p. 242). Pour cela, il créé une série de questions-guides qu’il posera à l’interviewé
dans l’ordre qui lui apparaîtra le plus pertinent durant l’entretien :
Le chercheur s’efforcera simplement de recentrer l’entretien sur les objectifs chaque fois
qu’il [l’interviewé] s’en écarte et de poser les questions auxquelles l’interviewé ne vient
pas par lui-même, au moment le plus approprié et de manière aussi naturelle que
possible. (pp. 242-243).
Dans le cadre de notre recherche, la méthode par entretien poursuit deux objectifs : l’ « analyse
du sens que les acteurs donnent à leur pratique et aux évènements auxquels ils sont confrontés »
(p. 244) et l’analyse des difficultés qu’engendre l’inclusion scolaire dans les pratiques sur le
terrain et la manière dont elles sont abordées durant leurs formations (initiales et/ou continue).
Les sections qui suivent, présentent dans un premier temps les entretiens avec les formateurs
INSPE et, dans un second temps, les entretiens avec les professionnels de CMPP.
130
9.2. Premier dispositif : les entretiens avec les formateurs INSPE
Notre premier dispositif d’entretiens vise à interroger des formateurs exerçant en INSPE. Nous
souhaitons obtenir des informations sur la manière dont les formateurs d’INSPE perçoivent
l’inclusion scolaire des ESH et l’expérience qu’ils déclarent en avoir. Ensuite, nous souhaitons
connaître leurs perceptions à propos de la construction des maquettes de formation initiale des
enseignants et la place que prennent les enseignements relatifs à l’école inclusive. L’objectif est
de mieux comprendre quels sont les savoirs enseignés et les ressources transmises aux futurs
enseignants à propos de l’inclusion scolaire des ESH. Ce premier dispositif devrait ainsi nous
permettre de vérifier si dans la mise en œuvre des praxéologies pour l’inclusion scolaire des
ESH, les rapports personnels des formateurs prédominent (hypothèse 1) et si cela entraine une
hétérogénéité des rapports aux ressources, à mobiliser et à transmettre dans les enseignements
relatifs à l’école inclusive (hypothèse 2).
Au regard de notre revue de littérature et des axes de questionnement qui ont émergés, nous
avons identifié quatre thèmes majeurs sur lesquels les entretiens pouvaient nous apporter des
connaissances.
Le premier thème abordé correspond à la perception de l’inclusion scolaire des ESH par les
formateurs. Nous souhaitons connaître la manière dont les formateurs définissent l’inclusion
scolaire des ESH, les limites à l’inclusion scolaire des ESH qu’ils perçoivent, ainsi que l’expérience
qu’ils déclarent avoir avec des ESH ou des situations d’inclusion scolaire. Les éléments de
réponses peuvent nous donner des indications sur les types de rapports qu’ils déclarent
entretenir avec l’inclusion scolaire ainsi que l’intensité de ces rapports.
Le second thème concerne la formation initiale des enseignants à l’école inclusive. Nous
interrogeons ainsi les formateurs sur la manière dont se construit le curriculum de formation
initiale des enseignants, sur le temps que représentent les enseignements relatifs à l’éducation
inclusive au regard de l’ensemble de la formation, les personnes qui y participent au sein de
l’INSPE et s’il s’agit d’une organisation interne à l’INSPE ou si la formation est basée sur des
ressources ministérielles. Comme pour le premier thème, nous cherchons à obtenir des
informations sur les types de rapports que les formateurs d’INSPE déclarent avoir à propos cette
fois de l’organisation de la formation initiale des enseignants ainsi que le degré d’intensité de
ces rapports.
Le troisième thème correspond aux dispositifs pédagogiques mis en place pour la formation des
enseignants à l’inclusion scolaire des ESH à travers les ressources mises à disposition des
étudiants dans le cadre des enseignements, la manière dont la question de l’inclusion scolaire
des ESH est enseignée par les formateurs et les difficultés que ces derniers peuvent relater dans
la formation des futurs enseignants à cette inclusion. Enfin, le quatrième thème s’intéresse à la
formation continue des enseignants à la question de l’école inclusive et les différences qui
existent dans les enseignements de formation initiale et continue. Ces deux derniers thèmes
questionnent les praxéologies de référence et les ressources que les formateurs déclarent
utiliser dans le cadre des enseignements à l’école inclusive, en formation initiale et continue. Les
131
informations recueillies doivent nous permettre d’analyser la variété de praxéologies citées et
le degré de précision des éléments constitutifs que les interviewés sont en mesure de donner,
ainsi que le degré déclaré d’utilisation des ressources selon la nature de la ressource.
Tout d’abord, nous tenons ici à préciser que la constitution de l’échantillon s’est faite en mars
2020, lors du premier confinement lié à la pandémie de la Covid-19. Ce contexte n’a pas rendu
aisé l’accès au terrain qui n’a pu se faire qu’à distance.
Ainsi, pour constituer notre échantillon de formateurs, nous avons effectué une recherche de
profils de formateurs de différents INSPE de France via le réseau social professionnel LinkedIn®.
Nous avons retenu 18 profils sur des critères de qualité et de complétude de leurs profils. En
premier lieu, nous avons fait une sélection de profils à travers la fonction qu’indique exercer la
personne. Cela nous a permis de retenir les profils : « formateur INSPE ». Ensuite, nous avons
consulté individuellement chaque profil en regardant successivement les parties « formation »,
« expérience » et « infos ». La section formation de l’interface web nous a donné quelques
informations sur le parcours de formation de la personne : master MEEF mention professorat
des écoles (PE), doctorat en science de l’éducation, en sociologie, Certificat d'Aptitude
Professionnelle aux Pratiques de l'Éducation Inclusive (CAPPEI), etc. La section expérience est
celle qui nous a permis de faire notre seconde sélection. En effet, nous nous sommes intéressée
au parcours professionnel de la personne et avons regardé, dans un premier temps, dans quel
INSPE de France la personne exerce afin de constituer un échantillon de personnes qui exercent
dans plusieurs INSPE du territoire national. Ensuite, dans le cadre de notre objet de recherche,
nous avons sélectionné prioritairement les profils qui indiquent « professeur des écoles
spécialisé », « formateur ASH (Adaptation scolaire et Scolarisation des élèves en situation de
Handicap) ». Toutefois, nous avons également sélectionné des profils indiquant uniquement
« formateur INSPE » car notre objectif est aussi de voir comment des formateurs qui ne sont pas,
à priori, formés à l’inclusion scolaire peuvent transmettre ou pas des ressources aux futurs
enseignants à ce sujet.
La troisième étape de notre échantillonnage s’est faite lorsque nous avons envoyé un message
individuel aux formateurs sélectionnés pour leur présenter notre recherche et leur proposer un
entretien. En effet, certains ont pu répondre ne pas intervenir dans la formation initiale des
enseignants. Nous ne les avons donc pas interrogés. Au total, sur les 18 profils sélectionnés, dix
ont répondu favorablement à notre sollicitation.
Du fait de la crise sanitaire Covid-19, les entretiens se sont déroulés à distance dont 9 par
téléphone et un par visioconférence. Leur durée moyenne a été de 45 minutes allant de 27 min
à 1h14. Après accord des professionnels, les entretiens ont été enregistrés puis retranscrits, ce
qui a permis au chercheur de garder une posture d’écoute face à l’interrogé. Le fait que les
entretiens se soient déroulés à distance, la prise en considération des propos de l’interrogé s’est
faite essentiellement par des acquiescements vocaux lorsqu’il s’agissait des entretiens
téléphoniques. Des hochements de tête ont pu être ajoutés lors de l’entretien par
visioconférence.
132
Les formateurs interrogés exercent dans cinq INSPE différents implantés dans quatre régions de
France : Ile de France, Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon, Auvergne Rhône-Alpes et Provence
Alpes-Côte d’Azur. La moyenne d’âge est de 45,5 ans. Les formateurs INSPE pouvant avoir des
statuts différents, précisons que quatre ont une formation initiale de professeur des écoles et un
est titulaire d’un CAPES d’EPS. Les autres formateurs qui composent notre échantillon sont : un
professeur agrégé, un inspecteur de l’Éducation nationale rattaché à l’INSPE, un professeur
certifié classe normale, deux maîtres de conférences, un en sociologie et un en sciences de
l’éducation.
Parmi les sept formateurs de formation initiale enseignants, deux ont passé le CAPPEI en
formation continue, un a passé l’agrégation et trois la formation de maître formateur. Pour les
formateurs ayant une formation initiale différente du milieu de l’enseignement, un a passé le
concours de professeur d’anglais en formation continue, puis le master de formateur et est en
thèse depuis 2 ans ; un autre formateur a soutenu une thèse de sociologie, à la suite de son cursus
en ethnologie-anthropologie. Nous notons qu’un formateur initialement professeurs des écoles
a poursuivi sa formation continue en licence sciences de l’éducation puis en master éducation
inclusive, différent du CAPPEI.
Les formateurs interrogés assurent plusieurs missions et responsabilités. Ils interviennent
auprès des futurs enseignants du premier et du second degré, en formation initiale, continue ou
encore en formation CAPPEI. Par ailleurs, un formateur est chargé de mission éducation
inclusive, un autre est directeur du département philosophie et sciences humaines et sociales
qui intègre et coordonne les enseignements relatifs à l’école inclusive, trois déclarent intervenir
dans des enseignements transversaux relatifs à l’éducation inclusive (troubles dys, troubles du
comportement), et cinq dispensent des enseignements disciplinaires ou en tronc commun entre
les 4 mentions du master MEEF.
133
Fonction au sein
Entretiens Age Formation initiale Formation continue
de l’INSPE
Entretien 1 :
43 Enseignant EPS CAPPEI Professeur agrégé
Jules
Maîtrise en sciences de Certification pour devenir Inspecteur de
Entretien 2 : l’environnement et formateur -concours l'éducation
49
Valentin géographie – Professeur des inspecteur de l’éducation nationale rattaché à
écoles nationale l'INSPE
Entretien 3 :
49 CAPES EPS Professeur agrégé Formateur INSPE
Gabriel
Professeur d'anglais -
Entretien 4 : Professeur certifié
52 Secteur de l'hôtellerie master formateur - Thèse
Éric classe normale
en cours depuis 2 ans
Professeur des
Entretien 5 :
34 Professeur des écoles CAPPEI - Maître formateur écoles - formateur
Philippe
INSPE
Professeur des
Entretien 6 : Licence de philosophie -
53 Maître formateur écoles, formateur
Sacha Professeur des écoles
INSPE
L3 sciences de l'éducation -
Entretien 7 : Licence de sciences physiques
43 M2 éducation inclusive - DU Formateur INSPE
Benoît - Professeur des écoles
adolescents difficiles
Maître de
Entretien 8 :
52 Doctorat de sociologie / conférence en
Sabine
sociologie
Concours professeur des Professeur des
Entretien 9 : Maîtrise de langues
42 écoles - doctorat sciences écoles, formateur
Jade étrangères appliquées
de l'éducation INSPE
Maître de
Bac comptabilité-gestion -
Entretien Master 2 - thèse en conférence en
39 cursus universitaire
10 : Alain sociologie sciences de
ethnologie anthropologie
l'éducation
Tableau 1 - récapitulatif des profils des formateurs d'INSPE interrogés
134
Thèmes Dimensions théoriques / Indicateurs
Questionnements -
Thème 1 :Connaissance et Dimensions théoriques : - Définition de l’inclusion scolaire
expérience de l’inclusion - Limites de l’inclusion scolaire
- Rapports personnels et
scolaire des ESH - Expérience avec des ESH
institutionnels
- TTD à travers l’étude des
conditions et des contraintes de la
diffusion des praxéologies
Questionnement : Quels récits les
formateurs font-ils de leurs
propres connaissances et expériences de
l’école inclusive ?
Thème 2 : Organisation de Dimensions théoriques : - Construction des programmes
la formation initiale des de formation
- Phénomènes transpositifs
enseignants à l’école - Personnes qui participent à la
- Rapports personnels et
inclusive construction des programmes
institutionnels
de formation
Questionnement : Quelle compréhension - Organisation interne ou externe
les formateurs en INSPE déclarent-ils avoir à l’INSPE
à propos des mécanismes de production - Temps que les enseignements
des programmes de formation des relatifs à l’école inclusive
enseignants du premier degré ? représentent sur l’ensemble de
la formation
Thème 3 : Les dispositifs Dimensions théoriques : - Types de ressources que les
pédagogiques mis en formateurs déclarent
- Rapports personnels et
place pour la formation transmettre aux enseignants en
institutionnels
des enseignants à formation au sujet de l’école
- TTD à travers l’étude des
l’inclusion des ESH inclusive
conditions et des contraintes de la
diffusion des praxéologies - Manière dont les formateurs
enseignent la question de
Questionnements : Quels sont les l’inclusion scolaire des ESH
dispositifs pédagogiques mis en place par - Difficultés rencontrées par les
les formateurs pour la formation des formateurs dans la formation
enseignants à l’inclusion scolaire des ESH ? des futurs enseignants à
Quelles sont les difficultés rencontrées par l’inclusion scolaire des ESH
les formateurs quant aux enseignements
relatifs à l’école inclusive ?
Thème 4 : La formation Dimensions théoriques : - Différences déclarées par les
continue des enseignants formateurs entre les
- Rapports personnels et
à l’école inclusive enseignements en formation
institutionnels
continue et formation initiale à
- TTD à travers l’étude des
propos de l’inclusion scolaire
conditions et des contraintes de la
des ESH
diffusion des praxéologies
Questionnement : Quels différences
existent-ils entre les enseignements
relatifs à l’école inclusive en formation
initiale et en formation continue ?
Tableau 2 - synthèse des thèmes et indicateurs de la construction du modèle d'analyse des entretiens avec
les formateurs d'INSPE
135
dimensions théoriques explorées correspondent aux rapports personnels et institutionnels qu’à
la TTD à travers l’étude des conditions et des contraintes de la diffusion des praxéologies que les
formateurs déclarent à propos de la mise en œuvre en vue de l’inclusion scolaire d’ESH. La
mobilisation de ces dimensions théoriques devrait nous permettre d’alimenter une partie de la
première hypothèse qui est que dans la mise en œuvre de praxéologies pour l’inclusion scolaire
d’ESH, il y a une prédominance des rapports personnels des formateurs en INSPE. Pour cela,
dans la colonne « indicateurs », les dimensions théoriques sont précisées et nous avons indiqué
les types de questions posées pour obtenir les informations recherchées.
Après avoir retranscrit tous les entretiens, « le processus d’analyse s’amorce par une lecture et
une relecture de la transcription des données et l’écoute de l’enregistrement des entrevues afin
de s’imprégner des données et de développer une vision globale du point de vue des
participants » (Gallagher & Marceau, 2020, p. 15). A l’issue de cette étape, nous avons suivi la
grille d’analyse comportant les différents thèmes structurant l’entretien et ceux repérés
séparément dans chaque entretien.
Nous avons ensuite procédé à une analyse de contenu qui
consiste à soumettre les informations recueillies à un traitement méthodique, par
exemple : les regrouper par thèmes pertinents selon les hypothèses, les comparer les
unes aux autres et les mettre en relation, ou encore les organiser selon une structure qui
leur donne sens […]. (Van Campenhoudt et al., 2017, p. 198-199)
Ainsi, à partir des quatre principaux thèmes repérés, nous avons défini des sous-thèmes que
nous présenterons plus loin dans la présentation des résultats.
Nous avons utilisé Excel pour structurer notre analyse et faciliter l’analyse de contenu
thématique grâce à fonction « filtre » proposée par le logiciel.
L’objectif de ce deuxième dispositif est de donner la parole cette fois à des professionnels de
CMPP qui accompagnent des EBEP dans le champ du handicap. Comme pour le premier, ce
dispositif vise à nous permettre de vérifier si dans la mise en œuvre des praxéologies pour
l’inclusion scolaire des ESH, les rapports personnels des professionnels de CMPP prédominent
(hypothèse 1) et si les rapports aux ressources qu’ils mobilisent dans leur propre pratique pour
accompagner les ESH et celles qu’ils transmettent aux enseignants, sont hétérogènes (hypothèse
2).
La grille d’entretien, composée de dix questions, a été construite autour de trois thèmes
principaux.
Le premier a pour objectif de recueillir des informations sur la perception que les professionnels
de CMPP ont de l’inclusion scolaire des ESH, leur connaissance ou non du cadre législatif relatif
à l’inclusion scolaire et la façon dont ils sont informés ou non de son évolution. Les données
recueillies devraient nous permettre d’obtenir des indications sur les types de rapports que les
136
professionnels déclarent entretenir à l’inclusion scolaire des ESH ainsi que le degré d’intensité
de ces rapports.
Le second thème interroge les professionnels de CMPP sur la collaboration avec les
professionnels de l’Éducation nationale, plus particulièrement les enseignants. En effet, la
littérature scientifique n’aborde pas la question de la collaboration et des rapports
qu’entretiennent les professionnels de CMPP avec les enseignants ou personnels de l’Éducation
nationale. Seul le cadre législatif (loi du 8 juillet 2013) évoque la nécessité pour les différents
acteurs de l’inclusion scolaire des ESH de coopérer ensemble, sans préciser de quels
professionnels il s’agit. Ainsi l’objectif de ces questions est de pouvoir faire le lien entre ce qui
est prescrit par la loi et le discours des professionnels sur leur quotidien. Les éléments de
réponses pourront nous informer sur les types de rapports que les professionnels déclarent
avoir à propos de la collaboration interprofessionnelle avec l’EN ainsi que les praxéologies qu’ils
déclarent mettre en œuvre pour y parvenir.
Pour finir, le troisième thème aborde la question des ressources, sous deux angles : d’abord les
ressources mobilisées par les professionnels de CMPP dans leur pratique, puis les ressources
mises à disposition des enseignants pour accompagner l’inclusion scolaire des ESH en classe
ordinaire, dans le cadre de la collaboration interprofessionnelle. En effet, la revue de la
littérature scientifique ayant mis en évidence que la collaboration interprofessionnelle pouvait
être considérée comme une ressource pour l’inclusion scolaire des ESH, nous souhaitons savoir
s’il existe un partage de connaissances et de ressources entre les professionnels de CMPP et les
enseignants dans le cadre de l’inclusion scolaire des ESH. Les informations recueillies devraient
nous permettre d’une part d’étudier les types de rapports que les professionnels de CMPP
déclarent avoir avec les ressources ainsi que le degré déclaré d’utilisation de ces ressources et,
d’autre part, d’analyser les praxéologies que les professionnels déclarent mettre en œuvre afin
de transmettre des ressources aux enseignants pour favoriser l’inclusion scolaire des ESH.
Notre posture de DPC nous permet d’accéder au terrain facilement bien qu’au moment de
l’enquête, en avril 2020, nous sommes confiné en raison de la pandémie Covid-19. En effet, nous
avons pu mobiliser notre réseau professionnel pour interroger des professionnels de 3 CMPP
différents implantés dans une grande ville du sud de la France.
Nous avons contacté les professionnels par mail ou par téléphone afin de leur présenter notre
recherche et convenir d’un rendez-vous pour ceux qui étaient intéressés pour répondre à nos
questions. Notre critère de sélection est que les professionnels exercent en CMPP. Nous avons
privilégié les professionnels de CMPP différents pour recueillir des éléments de discours
émanant de contextes variés.
Au total, notre échantillon se compose de 11 professionnels aux profils variés : deux éducateurs
spécialisés, deux secrétaires médicales, une psychologue, une enseignante spécialisée et cinq
assistantes de service social.
137
Après avoir procédé à une phase test de notre grille d’entretien avec deux répondants, les
entretiens se sont tous déroulés par téléphone. La durée moyenne a été de 28 minutes. Tous les
entretiens ont pu être enregistrés après avoir obtenu l’accord des répondants.
Parmi les professionnels interrogés, près de la moitié ont une formation initiale différente de
leur fonction pour laquelle ils ont été formés par la voie de la formation continue. Les six autres
occupent un poste qui correspond à leur formation initiale. Cependant, parmi ces six
professionnels, il apparaît que quatre d’entre eux ont fait ou sont en cours de formation continue
afin de développer leurs compétences.
La moyenne d’âge est de 48 ans et l’ancienneté au CMPP est en moyenne de 10,2 ans, allant de 5
à 18 ans.
138
économie sociale et
familiale
Entretien 55 Pas de formation initiale École d’assistant de Assistante de 17 ans
10 : Olivia ans service social en 2000. service social
Entretien 34 Maitrise de psychologie - CAPEI enseignante Enseignante 2 ans
11 : Justine ans Master MEEF spécialisée spécialisée
Tableau 3 - profils des professionnels de CMPP interrogés
De la même manière que pour les entretiens avec les formateurs en INSPE, nous nous sommes
appuyé sur la référence de Van Campenhoudt et al. (2017) pour construire le modèle d’analyse
des entretiens avec les professionnels de CMPP. Nous avons ainsi repris les dimensions
théoriques énoncées dans le chapitre 8 afin d’explorer nos hypothèses de travail et les avons
rattachées aux trois principaux thèmes repérés préalablement, à partir desquels nous avons
construit notre grille d’entretien. Dans les indicateurs, nous avons précisé les dimensions
théoriques et indiqué les types de questions posées pour obtenir les informations recherchées.
Notons que même si les thèmes 1 et 3 sur la connaissance et l’expérience de l’inclusion scolaire
des ESH et les ressources transmises aux enseignants sont quasi identiques aux thèmes 1 et 3
du tableau 2 pour l’analyse des entretiens avec les formateurs INSPE, le thème 2, correspondant
à la collaboration interprofessionnelle avec les enseignants dans le cadre de l’accompagnement
des ESH, se distingue des autres thèmes abordés avec les formateurs INSPE en ce qu’il n’aborde
pas la formation des enseignants mais la manière dont s’organise, dans la pratique, la
collaboration entre les professionnels de CMPP et ceux de l’Éducation nationale et notamment
les enseignants. Ainsi, le modèle d’analyse des entretiens avec les professionnels de CMPP est
représenté de manière synthétique dans le tableau 4 suivant :
139
Thèmes Dimensions théoriques / Indicateurs
Questionnements
Thème 1 : Connaissance et Dimensions théoriques : - Définition de l’inclusion
expérience de l’inclusion scolaire scolaire
- Rapports personnels et
des ESH dans le cadre de la - Connaissance du cadre
institutionnels
collaboration avec l’EN législatif relatif à l’inclusion
- TTD à travers l’étude des
scolaire des ESH
conditions et des contraintes
de la diffusion des - Prescriptions et
praxéologies commandes
institutionnelles au niveau
Questionnement : Quels récits les de l’institution employeur
professionnels de CMPP font-ils de - Formations proposées par
leurs connaissances et leurs propres l’institution
expériences et de l’inclusion scolaire
des ESH dans le cadre de la
collaboration avec l’EN ?
Thèmes 2 : Collaboration Dimensions théoriques : - Relations de collaboration
interprofessionnelle avec les que déclarent entretenir les
- Rapports personnels et
enseignants sur le profil des ESH professionnels de CMPP
institutionnels
avec ceux de l’EN
- TTD à travers l’étude des
conditions et des contraintes - Discours des professionnels
quant au degré
de la diffusion des
praxéologies d’l’importance qu’ils
attribuent aux enseignants
Questionnements : Comment dans la prise en charge des
s’organise la collaboration entre les ESH
professionnels de CMPP et de ceux de - Exemples d’actions de
l’EN ? Quels sont les rapports collaboration
qu’entretiennent les professionnels de
CMPP avec ceux de l’EN dans le cadre
de l’inclusion scolaire des ESH ?
Thèmes 3 : Ressources pour Dimensions théoriques : - Ressources sur lesquelles
l’inclusion scolaires des ESH les professionnels de CMPP
- Rapports personnels et
déclarent s’appuyer pour
institutionnels
l’accompagnement des ESH
- TTD à travers l’étude des
conditions et des contraintes - Ressources que les
professionnels de CMPP
de la diffusion des
praxéologies déclarent transmettre aux
enseignants pour
Questionnements l’inclusion scolaire des ESH
Dans le cadre de l’inclusion scolaire et dans le cadre de la
au regard de votre fonction, sur collaboration
quelles ressources (ou type de
ressources) vous appuyez-vous pour
accompagner les jeunes en situation
de handicap ?
Dans le cadre de la collaboration avec
les enseignants, quelles sont les
ressources que vous mettez à leur
disposition pour l’accompagnement
des élèves en situation de handicap ?
Pour quelle visée ?
Tableau 4 - synthèse des thèmes et indicateurs du modèle d'analyse des entretiens avec les professionnels
de CMPP
140
A titre d’exemple, nous pouvons lire le tableau de la manière suivante : pour le thème 3 qui
correspond aux ressources pour l’inclusion scolaire des ESH, les dimensions théoriques
explorées sont les rapports personnels et institutionnels et les praxéologies du point de vue des
ressources. La mobilisation de ces dimensions théoriques devrait nous permettre d’alimenter
une partie de la première hypothèse sur la prédominance de rapports personnels des
professionnels de CMPP dans la mise en œuvre de praxéologies pour l’inclusion scolaire d’ESH
et d’apporter des éléments d’éclairage sur la nécessité de penser le développement de
ressources collaboratives pour l’accompagnement des ESH à partir des champs d’expertise de
chaque professionnel. La colonne « indicateurs » précise les dimensions théoriques. Il s’agit de
pouvoir analyser l’intensité déclarée des rapports personnels et institutionnels, le degré déclaré
des professionnels à propos des ressources qu’ils déclarent utiliser pour accompagner les ESH,
ainsi que la variété de praxéologies déclarées et/ou citées dans le cadre de la transmission de
ressources aux enseignants pour l’inclusion scolaire des ESH.
Nous avons retranscrit tous les entretiens avant de réaliser l’analyse comportant les différents
thèmes structurant l’entretien en suivant le modèle d’analyse.
Nous avons ensuite procédé, comme pour les entretiens avec les formateurs d’INSPE à une
analyse de contenu par thématique. Ainsi, à partir des trois principaux thèmes repérés, nous
avons défini des sous-thèmes que nous présenterons plus loin dans la présentation des résultats.
Nous avons ici également utilisé Excel pour structurer notre analyse et faciliter l’analyse de
contenu thématique.
Pour conclure ce chapitre, ces deux dispositifs d’enquête nous ont conduit à construire deux
modèles d’analyse distincts. Les thèmes relatifs à la connaissance et l’expérience de l’inclusion
scolaire des ESH ou encore aux ressources transmises aux enseignants se rejoignent et nous
permettent d’avoir des points de comparaison à propos des rapports que les formateurs et
professionnels de CMPP entretiennent à l’inclusion scolaire. En revanche, d’autres thèmes
abordés se distinguent en ce que nous cherchons à recueillir des données au sujet de la
construction des maquettes de formation et des enseignements relatifs à l’école inclusive auprès
des formateurs, tandis que nous cherchons à connaître la nature des rapports des professionnels
de CMPP à propos de la collaboration interprofessionnelle avec les professionnels de l’Éducation
nationale et notamment les enseignants.
141
Chapitre 10 - L’enquête par questionnaire
Dans ce chapitre, nous présentons notre troisième dispositif d’enquête qui correspond au
questionnaire à destination des enseignants du premier degré.
Nous nous intéressons dans notre recherche, à la manière dont la perception et l’expérience
personnelle ou professionnelle des enseignants, relatives à l’inclusion scolaire des ESH, ainsi que
les niveaux et types de formation suivis, viennent déterminer l’utilisation, l’adaptation ou la
création de ressources pour favoriser l’inclusion des ESH. Ainsi, nous visons à comprendre des
variations de comportements en fonction de certains facteurs déterminants, identifiés au regard
du cadre de référence théorique privilégié, ainsi que ceux émergeant des questions ouvertes
intégrées dans la démarche d’enquête à visée exploratoire, afin de rester à l’écoute de
dimensions inattendues. Notre objectif est de produire des connaissances sur les facteurs
pouvant influencer la recherche et la mobilisation de ressources (de tous types) pour favoriser
l’inclusion scolaire des ESH en classe ordinaire dans le premier degré.
Souvent utilisé dans le domaine de la sociologie, l’outil du questionnaire « […] intervient dans un
processus de production des données chiffrées destinées à mesurer et/ou à comprendre un
phénomène social. » (Van Campenhoudt et al., 2017, p. 237) Bien que le recueil de données par
questionnaire n’a pas pour fonction de décrire les conduites des acteurs sociaux de manière
détaillée, il vise à « rendre compte du sens d’une activité ou d’une opinion en en dévoilant le sens
social. » (De Singly, 2011, p. 15). L’objectif pour le chercheur est de comprendre ce qui pousse
les acteurs à agir dans le monde social c’est-à-dire de repérer l’ensemble des facteurs sociaux
qui déterminent la conduite de ces derniers (De Singly, 2011, p. 17). Ainsi, dans une démarche
explicative, il s’agit d’abord de tâcher d’expliquer ce que les acteurs font à partir de ce qu’ils sont,
puis de rendre compte de ce qu’ils disent de ce qu’ils font à partir de ce qu’ils sont et de ce qu’ils
font (De Singly, 2020, p. 21).
Contrairement aux outils de recherche dits « qualitatifs », « l’intérêt principal de l’enquête par
questionnaire est de rassembler une grande quantité d’informations, aussi bien factuelles que
subjectives, auprès d’un nombre important d’individus » (Parizot, 2012, p.93).
Il semble par ailleurs important de préciser que
l’enquête par questionnaire à perspective sociologique se distingue du simple sondage
d’opinion par le fait qu’elle vise la vérification d’hypothèses et l’examen des relations
entre variables que ces hypothèses suggèrent. C’est pourquoi ces enquêtes sont
généralement beaucoup plus élaborées et consistantes que ne le sont les sondages. (Van
Campenhoudt et al., 2017, p. 237).
Le questionnaire vient, par ailleurs, répondre à une démarche de recherche mixte articulant une
approche quantitative et qualitative. En ce qui nous concerne, la démarche est d’abord
quantitative et déductive pour les dimensions déjà explorées dans les autres dispositifs que nous
venons de décrire à partir du cadre théorique de la didactique et pour lesquelles nous souhaitons
142
mieux connaître le rapport personnel et institutionnel que les enseignants entretiennent avec
l’inclusion scolaire des ESH et plus largement des EBEP. Ensuite, la démarche est également
qualitative et inductive, pour laisser place au discours des enseignants sur leur expérience et
leurs pratiques relatives à l’objet étudié
Nous souhaitions réaliser une enquête nationale afin de recueillir un grand nombre de réponses
de la part des enseignants exerçant dans une variété de contextes des établissements du premier
degré, susceptibles d’accueillir des ESH en classe ordinaire, et ainsi obtenir une certaine
représentativité des témoignages. Pour cela, nous avons récupéré les données disponibles et en
accès libre sur le site du MEN10 et avons sélectionné toutes les écoles publiques du premier degré
de métropole et des territoires d’outre-mer. Au total, nous avions les coordonnées de 43 296
établissements scolaires publics du premier degré appartenant à 33 académies différentes. Afin
de créer un échantillon de population le plus représentatif possible en limitant les biais de
sélection, nous avons réalisé un échantillonnage probabiliste des établissements en
sélectionnant un échantillon de cette population par randomisation. Pour réaliser une sélection
des établissements par échantillonnage aléatoire simple, nous avons fait le choix, à l’aide d’Excel,
d’effectuer des extractions aléatoires au niveau de chaque académie sélectionnant 20 % des
établissements du premier degré. Notre échantillon final est alors composé de 8 647
établissements. La liste des académies et les effectifs correspondants sont reproduits dans le
tableau 5 ci-après :
10 https://data.education.gouv.fr
143
24 Grenoble 2452 490
25 Dijon 1621 325
26 Créteil 2544 508
27 Corse 249 50
28 Clermont-Ferrand 817 163
29 Caen 840 168
30 Bordeaux 2442 488
31 Besançon 1022 204
32 Amiens 1342 268
33 Aix-Marseille 1669 333
Totaux 43296 8647
Tableau 5 - liste des académies, obtenue par échantillonnage
Le questionnaire a été conçu et élaboré à partir du logiciel Sphinx Declic 2 entièrement en ligne
sur les serveurs de l’université. La fonction de diffusion n’étant pas disponible avec la version en
ligne, nous avons procédé à l’envoi du lien du questionnaire par courrier électronique à partir
de notre adresse universitaire. Pour des raisons de limitation du nombre d’envois journaliers
autorisés par les serveurs à 500 courriers électroniques, nous avons réalisé l’envoi du
questionnaire académie par académie. Le corps du mail a été rédigé pour les directeur.e.s des
établissements comme suit :
En introduction du questionnaire, nous avons précisé l’objet comme suit pour les enseignants :
144
Dans le cadre d’une recherche de thèse au sein de ADEF (Université Aix- Marseille), nous
nous intéressons à la question de l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap dans
le premier degré. Les réponses que vous ferez seront entièrement anonymes. Les réponses
ne sont pas destinées à être publiées hors champs de la recherche en éducation.
Dans la première partie de notre questionnaire, nous interrogeons le profil des enseignants.
Nous abordons ensuite cinq grands thèmes qui constituent les cinq autres parties du
questionnaire :
1- L’inclusion scolaire
2- Les prescriptions institutionnelles
3- Votre expérience
4- Votre formation initiale et continue
5- Les ressources pour l’inclusion scolaire des ESH
Bien que le questionnaire ait pour vocation de traduire « une vision simplifiée de la réalité
sociale assumée par le chercheur et inscrite dans son modèle d’analyse » (Van Campenhoudt et
al., 2017, p. 237), nous avons choisi de limiter le degré de standardisation de notre questionnaire
par l’utilisation des différentes structures de questions (Van Campenhoudt et al., 2017). En effet,
Le besoin de poser plusieurs questions pour approcher une notion ou une dimension des
notions étudiées repose sur deux principes :
-L’imperfection de la mesure, étant donné les conditions de déroulement de toute
l’enquête ;
-L’imperfection de l’indicateur, étant donné le fait qu’aucune question ne peut jamais
approcher de manière entièrement satisfaisante la notion. (De Singly, 2020, p. 28).
En ce sens, il nous est apparu nécessaire de recourir à plusieurs indicateurs afin d’étudier le
rapport des enseignants du premier degré à l’inclusion scolaire des ESH. Ainsi, nous avons
formulé au total 78 questions dont 43 questions fermées (32 questions à échelles, 10 questions
à choix unique et 1 question à choix multiple) et 7 questions ouvertes. Parmi les questions
fermées, 28 ont une question semi-ouverte qui leur est rattachée. Ce choix se justifie par le fait
que
toute pratique inclut la manière dont le pratiquant se motive pour agir, la justifie. […].
Cette dimension "subjective" du monde social est une dimension qui ne peut pas être
exclue à moins d’avoir une vision sociologique déformée de la société, oubliant que ces
causalités subjectives ont des effets. (De Singly, 2020, p. 66).
De Singly précise alors que « les questions fermées sont celles où les personnes interrogées
doivent choisir entre des réponses déjà formulées à l’avance. Les questions ouvertes sont celles
où, au contraire, les personnes interrogées sont libres de répondre comme elles le veulent » (p.
66). C’est la raison pour laquelle, selon cet auteur, lors de la rédaction du questionnaire, il est
pertinent de trouver un équilibre entre questions ouvertes et questions fermées. Néanmoins, la
comparaison entre l’inventaire des mots employés par les enseignants pour évoquer par
exemple les moyens dont ils disposent pour inclure les EBEP ou les ressources qu’ils élaborent
pour favoriser l’inclusion scolaire de ces élèves, et la liste des termes utilisés dans une question
145
fermée, montre combien l’arbitrage entre ces deux techniques est difficile. D’autant plus lorsque
l’objectif de l’enquête est de comprendre la manière dont les enseignants utilisent les ressources
dans le cadre de l’inclusion scolaire des ESH et des EBEP, il apparaît pertinent d’opter pour une
question ouverte.
En ce sens, si nous avons privilégié les questions fermées afin d’apporter des éléments de
réponses et de vérification de nos hypothèses, nous avons souvent rattaché aux questions
fermées, une question ouverte afin que les enseignants puissent préciser leur réponse à la
question fermée qui précède.
Concernant les propositions de réponses aux questions fermées, nous avons construit des listes
de réponses en nous appuyant sur la revue de la littérature (Garel, 2010 ; Pillant, 2019 ; Ebersold,
2009), la législation (Loi 2005, 2013 et 2019) et les résultats des entretiens. Ainsi, pour la
définition de l’inclusion scolaire, nous avons fait les propositions de réponses suivantes :
- L’adaptation de l'école aux possibilités de l'élève ;
- Faire la place à la diversité ;
- Prendre en considération les difficultés de l'élève comme liées à l'environnement social et
familial ;
- Une obligation légale ;
- Aménager la scolarité des élèves ;
- Favoriser la réussite de tous les élèves ;
- Permettre à un élève en situation de handicap physique d'être scolarisé en milieu ordinaire ;
- Permettre à un élève en situation de handicap mental d'être scolarisé en milieu ordinaire ;
- Assurer la réussite et l'inscription sociale de tout élève indépendamment de ses
caractéristiques individuelles ou sociales.
Pour les différents types de profil d’EBEP, étant donné qu’il n’existe pas une liste exhaustive et
officielle, nous avons retenu et utilisé les BEP les plus couramment identifiés dans la revue de
littérature citée plus haut :
- En situation de handicap physique ;
- En situation de handicap sensoriel ;
- En situation de handicap mental ;
- Avec des troubles autistiques ;
- Avec des troubles dys ;
- Avec des problème/troubles du comportement ;
- En grande difficulté d’apprentissage ;
- Intellectuellement précoces / à haut potentiel ;
- Malades (PAI) ;
- En situation familiale difficile ;
- En situation sociale difficile ;
- Allophones (nouvellement arrivés en France) ;
- Allophones (en France depuis plus d’un an) ;
- Issus du voyage
146
Précisons que dans la mesure où nous nous intéressons spécifiquement aux ESH, nous aurions
pu utiliser uniquement « ESH », sans élaborer une liste d’élèves à BEP de façon plus générale.
Cependant, compte tenu du fait que l’inclusion scolaire concerne désormais tous les EBEP, les
omettre aurait certainement constitué un biais important car chaque besoin particulier
(pouvant être reconnu ou non comme un handicap) conduisent à la mobilisation de ressources
et de moyens différents par les enseignants.
Pour certaines questions, nous avons opté pour le format des réponses par échelles (Likert
paires), lorsque les options de réponses suivaient une progression logique (degrés d’accord, de
fréquence ou de satisfaction). Cependant, afin de respecter le principe des questions qui ont du
sens pour les individus interrogés et de ne pas les contraindre à répondre n’importe quoi (De
Singly, 2020), nous avons, à chaque fois, ajouté une proposition de réponse « ne se prononce
pas ». En effet, pour Parizot (2012),
Rédiger un questionnaire suppose, quoi qu’il en soit pour le chercheur, de faire des
compromis entre d’une part ses souhaits concernant l’ampleur et la précision des
informations à obtenir et, d’autre part, la réalité de ce que les personnes enquêtées
peuvent – et aussi acceptent – de dévoiler. (p. 113).
De manière générale, nous avons veillé à ce que la formulation des questions ne conduise pas à
des réponses à priori bien qu’il soit difficile de lutter contre l’effet du questionnaire (De Singly,
2020).
La construction du questionnaire a ensuite été pensée de la manière suivante :
Ressources institutionnelles
- Sites web (Académie)
- Site web (Ministère)
- Cap école inclusive
- Canopé
- Éduscol
- CNESCO (Centre national d'étude des systèmes scolaires)
- Plateformes pédagogiques institutionnelles (M@gistère, ...)
11 https://renoir.uca.fr/
149
- Manuels d'éditeurs
- Documentation pédagogique
- Sites internet spécialisés
- Articles et revues scientifiques
- Livres scientifiques et spécialisés
- Revues professionnels
Ressources numériques/réseaux sociaux
- Sites ou blogs d'enseignants
- Réseau social Facebook
- Réseau social Linkedin
- Réseaux sociaux autres
- Plateformes de vidéos type Youtube
Ressources humaines
- AESH (AVS) Enseignant.e ULIS
- Enseignant.e RASED
- Référent.e de scolarité MDPH (enseignant.e référent.e)
- Psychologue de l'éducation nationale
- Professionnel.le.s du secteur médico-social (CMP, CMPP, SESSAD, ITEP, IME,...)
- Professionnel.le.s du secteur libéral (orthophonistes, psychomotriciens,...)
- Directeur.rice de l'établissement
- Équipe enseignante de votre école
- Collègues enseignant.e.s (en dehors de votre école)
- Parents
Après chaque question fermée correspondant à un type de ressource, nous avons formulé une
question ouverte afin que les enseignants puissent préciser s’ils utilisent d’autres ressources de
ce type.
Ensuite, nous avons demandé aux enseignants de s’exprimer sur leur fréquence d’élaboration
(jamais – parfois – souvent – très souvent – ne se prononce pas) de ressources pour l’inclusion
scolaire des ESH, seul, avec les parents ou avec différents professionnels de la communauté
éducative que nous avons identifié préalablement : AESH (AVS), Enseignant.e ULIS, Enseignant.e
RASED, Référent.e de scolarité MDPH (enseignant.e référent.e), Psychologue de l'éducation
nationale, Professionnel.le.s du secteur médico-social (CMP, CMPP, SESSAD,...), Professionnel.le.s
du secteur libéral (orthophonistes, psychomotriciens,...), Directeur.rice de l'établissement,
Équipe enseignante de votre école, Collègues enseignant.e.s (en dehors de votre école). Comme
pour les questions précédentes, nous avons ajouté une question ouverte : « Si vous élaborez des
ressources avec d'autres personnes, merci de préciser ».
Pour compléter, nous leur avons demandé à partir de deux questions ouvertes : « Si vous
élaborez des ressources vous-même ou avec d'autres personnes, merci de donner un exemple
d'une ressource que vous avez conçue » et « Quelles sont les ressources sur lesquelles vous vous
appuyez le plus ?
150
Enfin, une dernière question ouverte les interroge sur les ressources qui leur manquent pour
inclure les ESH.
La formulation des questions du questionnaire a été pré-testée pour leur compréhension auprès
de deux enseignants volontaires qui ont rempli le questionnaire en direct au téléphone avec le
chercheur. Cela a permis de réajuster immédiatement les questions lorsque celles-ci
n’apparaissaient pas suffisamment claires pour les répondants.
Il s’agit d’une phase importante qui permet d’échanger avec les enseignants sur la clarté des
questions, sur ce qu’ils comprennent de telle ou telle question. Cela permet ainsi de réguler le
questionnaire en fonction des retours et remarques faites afin d’éviter un maximum les biais
d’incompréhension ou de contre-sens par rapport à ce que le chercheur souhaite obtenir comme
information.
Par exemple, nous avons dû ajouter une question supplémentaire après la question « Parmi les
élèves reconnu.e.s en situation de handicap par la MDPH, combien ont une notification
AESH (AVS) ? ». En effet, au moment du test, une enseignante a posé la question « Comment
comptabilise-t-on les élèves qui devraient avoir une AESH (notification MDPH- mais qui n’en ont
pas (en pratique) ? ». Ce questionnement nous a ainsi permis d’ajouter la question : « Parmi ces
élèves (ceux qui ont une notification MDPH pour un AESH) combien en ont un.e réellement au
quotidien dans la classe ? ».
Aussi, à propos de la formation continue, nous avons précisé « formation continue
institutionnelle » pour évoquer les formations proposées par l’institution car l’enseignant
interrogé aurait eu tendance à penser que les échanges avec ses collègues pouvaient être
considérés comme de la formation continue.
Enfin, un dernier exemple, nous avons également précisé « Malgré le fait que vous n’ayez pas
accès aux diagnostics des élèves » pour que les enseignants puissent évaluer approximativement
le nombre d’EBEP dans leur classe.
Tous les courriers électroniques ont été envoyés en mai 2021 sur une période de 14 jours
consécutifs. Nous remarquons un pic de répondants à chaque envoi journalier du questionnaire.
Cela nous laisse penser que, soit l’objet du questionnaire les intéressait et ils ont répondu
rapidement, soit il ne les intéressait pas et ils n’ont pas répondu. Le temps moyen de saisi du
questionnaire a été de 40 minutes.
151
Figure 3 - dates auxquelles les enseignants ont répondu au questionnaire
153
l'inclusion scolaire - Rapports personnels et - Degré de fréquence à laquelle les
des ESH institutionnels enseignants déclarent travailler avec
- Accès aux ressources (TTD différents professionnels de la
à travers l’étude des communauté éducative pour l’inclusion
conditions et des scolaire des ESH
contraintes de la diffusion - Degré de fréquence à laquelle les
des praxéologies) enseignants déclarent élaborer des
Questionnements : ressources avec différents
professionnels de la communauté
Quelles sont les ressources que
éducative pour l’inclusion scolaire des
les enseignants déclarent
ESH
utiliser pour favoriser
l’inclusion scolaire des ESH ? - Exemple de ressources conçues par les
Avec quelle(s) personne(s) ou enseignants seuls ou avec d’autres
professionnel(s) collaborent- personnes
ils ? Quelle(s) ressources les - Les ressources sur lesquelles les
enseignants sont-ils amenés à enseignants déclarent s’appuyer le plus
élaborer afin d’inclure les - Les ressources manquantes aux
ESH ? Quelles sont les enseignants
ressources qui leur
manquent dans le cadre de
l’inclusion scolaire ?
Tableau 6 - synthèse des thèmes et indicateurs de la construction du modèle d'analyse du questionnaire
Comme nous l’avons fait pour les entretiens avec les formateurs et les professionnels de CMPP,
nous pouvons, à titre d’exemple, lire le tableau de la manière suivante : pour le thème 5 qui
correspond aux ressources des enseignants pour l’inclusion scolaire des ESH, les dimensions
théoriques explorées sont les rapports personnels et institutionnels ainsi que l’accès aux
ressources à travers la TTD et l’étude des conditions et contraintes de la diffusion des
connaissances et des praxéologies dans la société. La mobilisation de ces dimensions théoriques
devrait nous permettre d’alimenter une partie de la première hypothèse sur la prédominance de
rapports personnels des enseignants dans la mise en œuvre de praxéologies pour l’inclusion
d’ESH et d’apporter des éléments de réponse à la deuxième hypothèse sur le rapport aux
ressources pour l’inclusion scolaire des enseignants. La colonne « indicateurs » précise les
dimensions théoriques. Il s’agit de pouvoir analyser la présence ou non et la nature des rapports
personnels et institutionnels, le degré déclaré des enseignants à propos des ressources qu’ils
déclarent utiliser pour accompagner les ESH, ainsi que la variété de praxéologies dans le cadre
de l’utilisation et de la conception de ressources.
Nous avons recueilli 866 participations au questionnaire, issus d’une participation volontaire et
anonyme des sujets interrogés. Après nettoyage des données obtenues comme explicité plus
haut (participations vides, incomplètement renseignées, etc.), nous avons conservé 814
questionnaires remplis.
154
Notre population se compose de 89,4 % (n = 728) de femmes contre seulement 10,6 % (n = 86)
d’hommes. Ces chiffres rejoignent sensiblement ceux du bilan social du ministère de l'Éducation
nationale, de la Jeunesse et des Sports12 qui met en évidence que les femmes représentaient, en
2020-2021, 83,9 % de la population enseignante dans les écoles publiques du premier degré.
A propos de l’année de naissance, la moyenne des réponses est 1975. De même, l’année de
naissance médiane est 1975 ce qui correspond à un âge médian de 44 ans. Là encore, ces
résultats coïncident à ceux du bilan du ministère de l’Éducation nationale 2020-2021, qui
annonce un âge moyen des enseignants de 42,9 ans. Ainsi, nous pouvons dire que notre
échantillon spontané de répondants représente relativement la population nationale
d’enseignants du premier degré en 2020.
En ce qui concerne la répartition des répondants par académie, dans la mesure où nous avons
fait le choix de ne pas leur demander leur académie de rattachement afin de conserver
l’anonymat, la seule information que nous avons c’est l’académie de formation initiale. Il apparait
ainsi que 12,4 % (n = 101) des enseignants expriment avoir suivi leur formation initiale à
l’académie de Lyon, 9,2 % (n = 75) à l’académie de Versailles, 6,1 % (n = 50) à l’académie
d’Orléans-Tours et 5,5 % (n = 45) à l’académie de Bordeaux. Les académies de Normandie et
d’Aix-Marseille apparaissent de manière quasi-égale à 4,8 % (n = 39) et 4,7 % (n = 38). Notons
qu’il s’agit là d’une information partielle car un enseignant n’exerce pas obligatoirement dans
l’académie dans laquelle il a effectué sa formation initiale.
Concernant le type de poste occupé, 740 enseignants interrogés déclarent occuper un poste à
titre définitif, c’est-à-dire un poste fixe dans une académie, contre 73 enseignants qui expriment
occuper un poste à titre provisoire, ce qui signifie qu’ils sont affectés pour une année sur un
poste dans une académie. Une fois l’année écoulée, l’enseignant a la possibilité de revenir sur
son ancien poste, de rester là où il se trouve ou de changer d’établissement.
A propos des statuts occupés par les 814 enseignants interrogés, 495 déclarent être professeur
des écoles titulaires, c’est-à-dire qu’ils ont obtenu le concours de l'éducation nationale pour
exercer le métier d'enseignant dans un établissement scolaire français. Ensuite, il apparaît que
241 répondants expriment être chargés de direction, ce qui signifie qu’ils peuvent être
déchargés de classe à temps plein ou bien qu’ils continuent à assurer un certain temps de service
en classe en plus de leur fonction de direction. Notre population compte également 66
professeurs des écoles titulaires d’un CAPPEI et 30 professeurs titulaires d’un Certificat
d'Aptitude aux Fonctions d'Instituteur ou de Professeur des Ecoles Maître Formateur
(CAFIPEMF). Les professeurs des écoles stagiaires, titulaires remplaçants brigade, titulaires de
secteur, titulaires de zone de remplacement, vacataires et titulaires d’une certification FLS
apparaissent sous représentés.
Enfin, une dernière question de caractérisation de la population consistait à nous éclairer sur
l’expérience des répondants selon les niveaux de classe. La lecture globale du tableau 7 ci-
dessous fait ressortir une répartition des réponses à tous les niveaux. À titre d’exemple de
lecture du tableau, nous constatons que la plupart des réponses se concentrent autour de zéro à
12 https://www.education.gouv.fr/bilan-social-du-ministere-de-l-education-nationale-de-la-jeunesse-et-des-
sports-2020-2021-326665
155
deux ans d’expériences selon les niveaux. Si 27,9 % (n = 227) enseignants déclarent ne jamais
avoir travaillé en ULIS, 30,5 % (n = 248) en RASED et 31,7 % (n = 258) en UPE2A, il apparait
aussi qu’aucun enseignant déclare avoir enseigné 4, 5, 6, 8, 9 et 10 ans et plus en UPE2A. A
l’inverse, 12 % (n = 98) d’enseignants expriment avoir enseigné 10 ans et plus en PS, 11,7 %
(n = 95) en MS, 11,5 % (n = 94 en GS et 12,3 % (n = 100) en CE2.
De plus, l’analyse à plat des données fait apparaître que 78,5 % (n = 639) des répondants
exercent dans des établissements qui se situent hors REP. Seuls 9,2 % (n = 75) et 8,7 % (n = 71)
des enseignants interrogés déclarent respectivement exercer en REP et REP+. Le nombre
d’année d’enseignement en REP et REP + s’étend d’1 à 43 ans. La durée moyenne d’enseignement
s’élève à 10,7 ans : 10,96 ans pour les enseignants de REP et 10,7 pour les enseignants de REP+.
La durée médiane d’enseignement en REP et REP + est de 8 ans. L’écart-type correspondant à la
durée d’enseignement en REP et REP+ s’élève à 8,41, ce qui signifie que le nombre d’années
156
d’enseignement en zone REP et REP+ est assez hétérogène. Cette hétérogénéité est visible sur la
figure de nuages de points suivante :
Série1
Parmi les 639 enseignants qui déclarent exercer hors REP, 337 déclarent n’avoir jamais enseigné
en éducation prioritaire. Néanmoins, 301 expriment y avoir déjà enseigné, en moyenne 4,91 ans.
La médiane est égale à 3 ans. L’écart-type de 4,56 montre que le temps d’enseignement en
éducation prioritaire n’est pas homogène. En effet, nous constatons que majoritairement, les
enseignants restent en éducation prioritaire entre 1 et 10 ans. Au-delà de 10 ans, le nombre de
réponses apparait très peu représenté.
157
A propos de la taille de l’établissement, nous constatons que 610 enseignants enseignent dans
des établissements de 10 classes et moins. La répartition des répondants selon la taille de leur
établissement d’exercice est représentée dans le tableau 8 suivant :
Effectifs% Obs.
Non-réponse 5 0.6%
Inférieur à 5 classes 286 35.1%
Entre 6 et 10 classes 324 39.8%
Entre 11 et 15 classes 153 18.8%
Entre 16 et 20 classes 39 4.8%
Entre 21 et 25 classes 4 0.5%
Entre 26 et 30 classes 2 0.2%
Plus de 30 classes 1 0.1%
Total 814 100%
S
CE 2
CP 2
S
CP 2
CE CP
1
CP S
E1
E2
CM /MS
CM
CM
CM
CE
/G
M
G
P
/C
/C
/T
S/
C
S/
/C
PS
1/
PS
1/
G
1/
2/
2/
PS
M
CE
Il apparaît également que 51 enseignants déclarent enseigner dans une classe à triple niveaux.
Le tableau 10 ci-dessous propose une synthèse de ces résultats :
158
Précisions - triple niveaux
25
20
20
15 12
10
5 5
5 2 1 1 1
0
E1
1
CP
S
E2
2
2
GS
CM
CM
CM
TP
/C
/C
S/
S/
S/
/G
CP
1/
1/
/M
2/
E1
/M
CM
CM
CE
PS
/C
PS
S/
PS
1/
CP
2/
1/
CE
CE
CE
Figure 8 - répartition des classes à triple niveaux
159
Synthèse et éléments de conclusion de la quatrième partie
A partir d’une méthode de recherche mixte, nous avons présenté dans cette quatrième partie,
trois dispositifs méthodologiques visant à explorer nos questions de recherche et hypothèses.
Les deux premiers dispositifs mis en place dans notre étude visent à recueillir des données
qualitatives à travers des entretiens semi-directifs. Le premier donne la parole à 10 formateurs
qui exercent en INSPE, le second interroge 11 professionnels qui exercent en CMPP. Dans les
deux dispositifs, nous cherchions à recueillir la perception des professionnels relative à
l’inclusion scolaire des ESH et à connaître les ressources qu’ils transmettent en formation aux
futurs enseignants ou sur le terrain aux enseignants pour favoriser l’inclusion scolaire.
Dans le premier dispositif, nous questionnons plus spécifiquement les formateurs d’INSPE sur
leur perception relative à la construction du programme de formation initiale des enseignants
et la place que représentent les enseignements relatifs à l’école inclusive sur l’ensemble de la
formation. Dans le second dispositif en revanche, nous interrogeons les professionnels de CMPP
sur le travail de collaboration professionnelle avec les professionnels de l’Éducation nationale,
plus particulièrement les enseignants, mais aussi sur les ressources qu’ils mobilisent dans leur
propre pratique pour accompagner les ESH.
Le troisième dispositif décrit la mise en œuvre d’un questionnaire à destination d’enseignants
qui exercent dans des écoles publiques du premier degré, sur la manière dont ils perçoivent
l’inclusion scolaire des ESH, les moyens qu’ils déclarent avoir pour inclure ces élèves et, plus
largement, ceux à BEP, les formations qu’ils suivent ou ont suivies en lien avec l’inclusion scolaire
ainsi que les ressources qu’ils déclarent utiliser pour l’accueil de ces élèves en classe ordinaire.
Au total, 814 participations ont été recueillies.
Afin d’analyser les données recueillies, nous avons construit un modèle d’analyse reprenant
chaque thème abordé dans les trois outils d’enquête. Pour chacun des thèmes, nous avons repris
les dimensions théoriques développées dans le chapitre 8, dans l’objectif de rendre
opérationnelles et d’apporter des éléments de vérification à nos hypothèses de travail mais aussi
d’apporter des éléments de réponses à nos questions de recherche.
160
CINQUIÈME PARTIE : Résultats, analyse et discussion
161
Chapitre 11 - Résultats et analyse des entretiens avec les formateurs
INSPE
Dans ce chapitre, nous présentons les résultats du premier dispositif d’enquête expliqué au
chapitre 9. Rappelons que dans une visée compréhensive, dix entretiens ont été réalisés auprès
de formateurs exerçants en INSPE afin d’explorer des zones d’ombre de la littérature
scientifique. Ainsi, nous avons fait le choix de poser des questions ouvertes plus ou moins
précises afin de laisser la personne interrogée libre de s’exprimer. Nous n’avons pas cherché à
faire expliciter l’interviewé car nous souhaitions privilégier la spontanéité du discours. Nous
avons réalisé une analyse thématique des discours en repérant et en regroupant les segments
de discours comprenant des affirmations représentatives simples, pertinentes avec l’un des
thèmes étudiés,
L’analyste va en effet faire appel, pour résumer et traiter son corpus, à des dénominations
appelées "thèmes" (ou "thématisations" et aussi parfois "sous-thèmes" pour se référer à
la décomposition de certains thèmes). Il s’agit, en somme, à l’aide des thèmes, de
répondre petit à petit à la question générique type, rencontrée dans divers projets
d’analyse : qu’y a-t-il de fondamental dans ce propos, dans ce texte, de quoi traite-t-il
? (Paillé & Muchielli, 2021, p. 269).
Les cinq principaux thèmes qui structurent l’analyse de contenu que nous proposons sont ceux
que nous avions préalablement repérés pour construire notre grille d’entretien puis repris dans
notre modèle d’analyse expliqué ci-dessus dans le chapitre 9 et dont les thèmes sont les
suivants :
- Thème 1 : Connaissance et expérience de l’inclusion scolaire
- Thème 2 : Construction des maquettes de formation
- Thème 3 : Les ressources mises à disposition des enseignants en formation
- Thème 4 : Les difficultés rencontrées par les formateurs
- Thème 5 : Les différences entre enseignements en formation initiale et formation
continue
Pour chaque thème notre analyse a permis d’identifier plusieurs sous-thèmes que nous
présentons dans ce qui suit.
Toutefois, afin de ne pas alourdir la présentation des résultats, nous faisons le choix d’exposer
ceux qui apparaissent de manière significative et lorsque cela nous paraît pertinent, nous
exposons également certains éléments de discours apparus spontanément. Par souci de clarté
162
de l’exposé, nous procédons à la présentation des résultats puis de l’analyse successivement
thème par thème.
Précisons, pour finir, que ce chapitre a fait l’objet d’un article, publié en 2022 dans la revue
Éducation et socialisation, reprenant les résultats du dispositif et les premiers éléments
d’analyse.
Ce thème relève la manière dont les formateurs définissent l’inclusion scolaire, les limites qu’ils
en perçoivent et l’expérience qu’ils expriment avoir déjà eu ou pas avec des ESH.
163
à rentrer dans le détail et au niveau notionnel, on est pas du tout dans les mêmes
pratiques en fait (entretien 10, Alain, l. 948).
Ce thème questionne les formateurs sur leurs connaissances à propos de la manière dont se
construisent les maquettes de formation ainsi que sur la place que prennent les enseignements
relatifs à l’école inclusive dans la formation initiale des enseignants.
166
L’un d’entre eux souligne : « on reste finalement dans des maquettes qui colportent un fort
rapport à l’institution et puis un fort assujettissement et qui coupe quand même l’originalité et
la prise d’initiatives par les étudiants et les formateurs » (entretien 1, Jules, l. 62).
167
Néanmoins, deux formateurs déclarent que l’éducation inclusive est abordée dans le cadre de
l’analyse des questions professionnelles (QP) et, bien que les étudiants aient le choix avec
d’autres thématiques, un d’entre eux précise :
Moi ce que je pourrais vous dire c’est que c’était une préoccupation qui est très forte au
niveau des professeurs des écoles stagiaires puisqu’en fait la QP école inclusive avec la
QP climat scolaire sont les deux questions professionnelles qui sont les plus choisies par
les étudiants (entretien 7, Benoît, l. 647).
Autrement, les questions relatives à l’inclusion scolaire sont traitées lors des ateliers d’analyse
de la pratique, selon quatre formateurs : « […] c’est une question qui revient fréquemment aussi,
la prise en compte des élèves à besoins particuliers, dans le cadre de l’analyse de l’activité »
(entretien 7, Benoit, l. 651).
A propos des enseignements relatifs à l’école inclusive, le discours des formateurs met en
évidence qu’il existe une hétérogénéité entre les INSPE. En effet, bien que leur discours reste
assez flou sur le nombre d’heures exact, nous constatons que ces enseignements peuvent varier
d’une dizaine à une vingtaine d’heures sur l’ensemble du master, voire ils peuvent être
optionnels. En revanche, les formateurs sont majoritairement d’accord pour dire que les
enseignements relatifs à l’école inclusive sont insuffisants compte tenu de tout ce qui devrait
être abordé. Cela rejoint le discours tenu par les formateurs dans le thème 1 au sujet des limites
à l’inclusion scolaire des ESH. En effet, pour eux, la première limite à l’inclusion scolaire des ESH
concerne la formation des enseignants, ce qui rejoint le fait qu’ils considèrent que le volume
horaire consacré à ces enseignements est trop insuffisant.
Ces éléments d’analyse nous laissent penser que les formateurs sont peu impliqués dans la
construction des programmes de formation. Leur rapport semble plutôt personnel. Cette
insuffisance pointée des enseignements relatifs à l’école inclusive est paradoxale avec la
perception qu’ils ont de l’école inclusive et de l’importance qu’elle prend dans les prescriptions
législatives actuelles. D’ailleurs, cela questionne le positionnement de l’institution INSPE à ce
sujet.
168
11.3. Les ressources mises à disposition des enseignants en formation initiale
à l’INSPE
Ce thème s’intéresse aux ressources que les formateurs déclarent mettre à disposition des
enseignants en formation et qui selon les cas sont des ressources institutionnelles ou des
ressources qu’ils ont eux-mêmes conçues. Les sous-thèmes correspondent à cinq types de
ressources que nous avons repérées dans le discours des formateurs.
169
Sites internet institutionnels
Le second type de ressource identifié renvoie à la transmission de sites internet institutionnels
tels que Canopé, Éduscol, Cap École Inclusive, CNESCO, CNAM, ou encore les sites des rectorats
et académies, afin que les étudiants puissent aller chercher de l’information. Un formateur
complète :
Il y a le cartable fantastique, il y a le site de l’INSHEA qui est online, fin la partie numérique.
Il y a les ressources du CNED, l’accessi dys et l’accessi je ne sais plus comment ça s’appelle
pour les problèmes de comportement. Il y a le cartable des compétences psychosociales,
en terme de ressources en ligne, bon c’est déjà pas mal (entretien 5, Philippe, l. 424).
Si certains formateurs déclarent transmettre les liens internet, un formateur précise qu’il ne
télécharge pas les documents disponibles sur les sites institutionnels, mais il explique aux
étudiants comment y accéder afin qu’ils soient en capacité de les retrouver une fois qu’ils seront
sur le terrain.
Études de cas
Par ailleurs,
huit formateurs disent s’appuyer sur des études de cas en situation d’enseignement et
des exemples concrets pour traiter la question de l’inclusion scolaire. Ce quatrième type
de ressources leur permet alors d’échanger avec les étudiants et d’apporter des éléments
de réflexion, voire des exemples d’adaptations : « Je les avais mis en situation où ils
avaient des petits scénarios avec des élèves et on essayait de retrouver comment on peut
aider les élèves » (entretien 9, Jade, l. 892).
Un autre formateur déclare également mettre les étudiants en situation d’ESS ou de rencontre
avec les parents (entretien 10, Alain).
Deux formateurs évoquent que les études de cas sont issues de supports existants sous forme de
film/vidéo ou écrite ; tandis que pour trois autres formateurs, ce sont des situations que les
stagiaires décrivent :
C’est déjà analyser les situations qui sont présentées, autrement que par un simple
ressenti, essayer de conceptualiser un petit peu tout ça quoi, de pas rester dans la simple
crainte, inquiétude ou surprise de l’étudiant et puis rappeler les textes aussi, rappeler
justement que l’inclusion, on est plus dans l’intégration mais qu’on est bel et bien dans
l’inclusion et que ce n’est pas une option, fin voilà, rappeler un certain nombre de choses
(entretien 4, Eric, l. 334).
170
Un formateur se rappelle :
[…] je me souviens d’une séance ou tout à coup ils se sont mis à me parler des EBEP et des
EBEP face auxquels ils se sentaient démunis et qui sont souvent justement cette espèce
de zone grise des élèves qui ne sont pas encore diagnostiqués (entretien 6, Sacha, l. 569).
Dans ce type de situation, un formateur souligne qu’il peut donner des pistes mais que parfois,
la limite rencontrée correspond au fait qu’il y a toujours une part de subjectivité retranscrite par
l’enseignant et qu’il ne voit pas l’élève décrit (entretien 3, Gabriel). Toutefois, un autre formateur
évoque la possibilité de donner des pistes de solutions quand certaines pistes sont attendues,
afin de rassurer le stagiaire.
Aussi, il s’agit de s’adapter pour partir des besoins des étudiants qui font part de leurs difficultés
avec certains élèves, afin de proposer une réflexion de groupe et des ressources pour pouvoir
trouver des solutions concrètes (entretien 6, Sacha).
Articles de recherche
Enfin, les articles de recherche constituent le cinquième type de ressource évoqué par cinq
formateurs interrogés. Un d’entre eux « puise beaucoup dans la nouvelle revue de l’adaptation à
la scolarisation INSHEA » (entretien 5, Philippe, l. 403). D’autres déclarent transmettre une
bibliographie, des ouvrages, inciter les étudiants à explorer Cairn ou encore les orienter vers la
médiathèque de l’INSPE. Un formateur précise communiquer des articles de recherche sur
l’adaptation pédagogique ou qui abordent différents thèmes tels que « les valeurs qui tournent
autour de l’école inclusive, la question de l’efficacité qui se pose, la question […] sur un certain
nombre d’élèves qui vont poser plus de difficultés aux enseignants que d’autres (entretien 7,
Benoit, l. 665).
Nous relevons également qu’un formateur insiste sur le fait que les enseignants ne sont pas que
des professionnels de terrain « ça doit être des gens qui réfléchissent et qui conceptualisent,
donc il faut les amener à être moins artisans et plus concepteurs, designers, managers, pour
prendre des termes anglo-saxons » (entretien 10, Alain, l. 1011).
Le quatrième type de ressource que sont les études de cas, met en évidence des éléments de
discours plus précis. Cela nous laisse penser que l’intensité didactique et pédagogique est peut-
être plus importante, du moins, cette modalité d’enseignement conduit les formateurs à
s’impliquer davantage dans leur élaboration et à s’inscrire dans des échanges avec les étudiants
afin d’apporter des éléments de réflexion à partir d’une situation concrète. A propos du discours
sur la technique, les modalités d’utilisation des études de cas peuvent être différentes : scénarios,
vidéos, situations de terrain amenées par les étudiants, etc.
Spontanément, les formateurs évoquent simplement que ce type de ressource permet aux
étudiants, futurs enseignants, d’échanger avec le formateur. Ce dernier peut ainsi apporter des
éléments de réflexion, des exemples d’adaptations, des pistes de solutions.
D’un point de vue des praxéologies professionnelles, nous constatons que les praxéologies
n’apparaissent pas comme homogènes et que le discours justificatif des formateurs à leur sujet
est peu présent. S’ils déclarent utiliser les mêmes types de ressources, dans la manière de les
enseigner et de transmettre les ressources, nous pouvons supposer que les formateurs font le
plus souvent appel à leur rapport personnel plutôt qu’institutionnel. Il ne semble pas exister de
partage entre formateurs à propos des ressources, ce qui ne permet pas de repérer clairement
un rapport institutionnel partagé. Ces praxéologies non homogènes pourraient toutefois
constituer une condition favorable pour l’enseignement de l’école inclusive en ce qu’elles
traduisent une liberté pour les formateurs de choisir les modalités pédagogiques qui leur
conviennent le mieux, en s’appuyant sur des ressources diverses. En ce sens, cela permettrait à
des formateurs, eux-mêmes anciens enseignants, de travailler à partir d’exemples de pratique
professionnelle, tandis que pour les formateurs qui n’ont jamais enseigné, cela leur permettrait
de partager des ressources plus institutionnellement construites, du moins par leurs collègues.
11.4. Les difficultés rencontrées par les formateurs dans la formation des
futurs enseignants à l’inclusion scolaire
Ce thème s’intéresse aux difficultés que les formateurs déclarent rencontrer dans la formation
des futurs enseignants à l’inclusion scolaire des ESH.
172
Perception des étudiants face au handicap
La première difficulté évoquée par deux formateurs correspond aux perceptions que les
étudiants ont à propos du handicap. En effet, leur rapport au handicap et aux différents types de
handicap engendrerait, selon ces formateurs, une résistance à accueillir des ESH dans leur classe,
voire des inquiétudes :
c’est pas une question d’âge, les jeunes comme les vieux profs sont encore extrêmement
en résistance avec la présence simplement d’ESH dans les classes, notamment quand on
est sur des gamins qui sont assez loin dans les apprentissages, qu’ils ne maîtrisent pas, en
fait c’est dès que l’élève est sur un versant bruyant, il y a une résistance forte de la part
de l’enseignant, même s’il est très bienveillant à cette question du handicap (entretien 1,
Jules, l. 86).
[…] ils s’imaginent qu’effectivement tous les élèves vont tous apprendre au même rythme,
avec le même… donc une certaine normalité quelque part c’est-à-dire qu’en fait pour eux
l’enjeu c’est que chaque individu soit le même et que comme ça du coup, ils apprennent
tous à la même vitesse, sauf que ça marche pas comme ça (entretien 2, Valentin, l. 179).
Synthèse et analyse du thème « les difficultés rencontrées par les formateurs dans la
formation des futurs enseignants à l’inclusion scolaire »
Les résultats laissent apparaître que la première difficulté (contrainte) que la majorité des
formateurs déclarent rencontrer dans la formation des futurs enseignants à l’inclusion scolaire
des ESH correspond à la perception que les étudiants ont du handicap. Cela nous permet de faire
un lien avec les thèmes 1 et 2 qui, rappelons-le, mettent en évidence que la formation des
enseignants est la première contrainte évoquée par les formateurs à propos de l’inclusion
scolaire des ESH et que les enseignements à propos de l’école inclusive sont insuffisants.
D’ailleurs, deux formateurs énoncent à nouveau le nombre insuffisant de cours dédiés à l’école
inclusive dans les difficultés rencontrées. Ainsi, cela pourrait justifier en partie le fait qu’il est
difficile pour les formateurs de faire évoluer la perception des futurs enseignants au handicap
et, plus largement, à l’accueil de la diversité. Cependant, le discours des formateurs reste
imprécis. Ils exposent la difficulté rencontrée sans aller plus loin en expliquant par exemple la
manière dont ils tentent de la dépasser, ce qui ne nous permet pas d’approfondir notre analyse.
Les autres difficultés abordées par les formateurs apparaissent de manière plus singulière. Ceci
nous incite à penser que selon le rapport personnel que les formateurs entretiennent avec
l’inclusion scolaire des ESH, les difficultés rencontrées dans les enseignements sont hétérogènes.
Autrement dit, ce n’est pas parce que les formateurs semblent avoir un rapport institutionnel
récent à l’inclusion scolaire, que leur rapport personnel (en lien avec leur propre expérience) ne
prédominera pas dans leur pratique.
Ce thème s’intéresse aux différences que les formateurs relèvent lorsqu’ils enseignent à des
enseignants en formation initiale et des enseignants en formation continue.
174
Transmission de ressources différentes
Deux formateurs précisent qu’ils ne transmettent pas les mêmes ressources aux futurs
enseignants en formation initiale et aux enseignants en formation continue. Si en formation
initiale les ressources vont davantage être orientées vers les outils pouvant être utilisés avec un
EBEP (pratico-pratique), en formation continue, le travail sera plus sur la posture de
l’enseignant et sur l’enfant en tant qu’élève :
on revient surtout, moins sur les outils que finalement sur l’enfant en tant qu’élève, voilà
à quoi il est attentif, voilà sur quoi effectivement on agit quand on travaille avec tel type
de ressource et puis qu’effectivement à un moment on va le faire bouger, et qu’à un
moment lui aussi il va bouger ce qui va vous amener à vous réajuster (entretien 2,
Valentin, l. 187).
175
uniquement dans le cadre des visites de stage en lien avec la formation ou encore d’une
expérience personnelle avec des ESH.
Concernant l’utilisation des ressources pour les enseignements relatifs à l’école inclusive, bien
que leurs discours apparaissent plus ou moins précis selon le type de ressource énoncé, les
formateurs déclarent au moins en partie utiliser les mêmes types de ressources. Seul le
quatrième type de ressource, que sont les études de cas, met en évidence des éléments de
discours plus précis, comme s’il demandait davantage d’explications en termes didactique et
pédagogique pour nous être communiqué, particulièrement pour expliquer les échanges avec
les étudiants. En revanche, les formateurs précisent et justifient peu ce qu’ils font si ce n’est
d’énoncer que les études de cas permettent aux futurs enseignants d’échanger avec le formateur
et d’apporter des éléments de réflexion, des exemples d’adaptations, des pistes de solutions.
Relevons au sujet des échanges, que les entretiens n’ont pas pu établir s’il existe des partages
entre formateurs à propos des ressources en général ce qui laisse une impression d’expériences
personnelles propice au développement de praxéologies hétérogènes.
Les formateurs pointent la perception que certains futurs enseignants ont du handicap comme
une limite à l’inclusion scolaire des ESH mais aussi comme une difficulté qu’ils rencontrent lors
de leurs enseignements relatifs à l’école inclusive. D’ailleurs, parmi les difficultés rencontrées,
soulignons que certains formateurs insistent sur le nombre d’heures insuffisant de cours dédié
à l’école inclusive. Cela pourrait justifier en partie le fait qu’il est difficile pour eux de faire
évoluer la perception des futurs enseignants au handicap et, plus largement, à l’accueil de la
diversité. Cependant, le discours spontané des formateurs n’était pas suffisamment précis pour
nous permettre d’approfondir plus avant notre analyse sur le sujet. Étant donné que les autres
difficultés abordées par les formateurs apparaissent de manière singulière, nous supposons que
selon le rapport personnel que les formateurs entretiennent avec l’inclusion scolaire des ESH,
les difficultés rencontrées dans les enseignements sont hétérogènes.
En somme, pour parler en terme de conditions et de contraintes, le discours des formateurs met
principalement en évidence que les contraintes qui pèsent sur l’inclusion scolaire des ESH
correspondent à la formation des enseignants et notamment à la perception que les futurs
enseignants ont du handicap. Cependant, la possibilité d’une utilisation non homogène de
ressources pour dispenser les enseignements relatifs à l’école inclusive peut être une condition
favorable pour les formateurs, libres de choisir les modalités pédagogiques qui leur conviennent
le mieux.
Ce thème interroge les professionnels de CMPP sur leur perception de l’inclusion scolaire, leurs
connaissances législatives relatives à l’inclusion scolaire ainsi que sur la manière dont
l’institution informe ou non les salariés des évolutions relatives à l’inclusion scolaire.
177
« c’est tout ce qui existe pour qu’ils y arrivent, donc tous les outils, les AVS, AESH maintenant,
ben tous les outils informatiques et tous les partenaires qui gravitent, les médecins, médecins
scolaires, médecins PMI, voilà » (entretien 9, Virginie, l. 711).
De manière plus minoritaire, deux professionnels déclarent que l’inclusion scolaire c’est placer
l’élève au centre de dispositif scolaire :
Voilà moi c’est comme ça que je le verrais, c’est d’être au plus près de leurs attentes à eux,
parce que souvent, on ne leur demande pas, souvent c’est les parents qui sont dans des
attentes mais on demande rarement aux enfants. Moi j’interroge ça : où ils veulent aller,
jusqu’où ils veulent aller, c’est ça l’inclusion (entretien 9, Virginie, l. 710).
Par ailleurs, l’inclusion scolaire est perçue par deux professionnels comme faisant référence au
cadre législatif. La loi de 2013 est précisée par l’un d’entre eux : « L’inclusion scolaire pour moi
donc ça fait référence à l’évolution de la législation aussi avec donc la loi de 2013, on est passé
d’une notion d’intégration scolaire à inclusion scolaire » (entretien 6, Mathilde, l. 494).
Enfin, pour un autre professionnel, l’inclusion scolaire concerne les enfants qui relèvent du
champ du handicap : « Alors pour moi c’est un enfant, effectivement qui relève du handicap »
(entretien 3, Élodie, l. 166).
Connaissances législatives
Seul une professionnelle déclare explicitement ne pas avoir de connaissances législatives
relatives à l’inclusion scolaire. Trois professionnels évoquent la loi 2002-2 relative à la
rénovation de l’action sociale et médico-sociale :
Moi je dirais qu’en fait la loi 2002-2 nous rappelle, met le focus quand même sur
l’inclusion. Je crois qu’on n’avait finalement pas tout à fait mesuré l’ampleur je dirais de
cette loi qui est passée puis les décrets d’application qui ont fait suite et effectivement il
y a différentes lois qui ont scandé un petit peu les années depuis cette loi 2002-2
(entretien 1, Benjamin, l. 21).
Une professionnelle énonce la loi du 26 janvier 2016 « prévention, accès aux soins,
modernisation » (entretien 5, Manon, l. 374) ; tandis qu’un autre déclare
[…] après bien sûr en lien avec la loi de 2007 sur la prévention et la protection de
l’enfance. On ne peut pas en faire l’économie. Voilà pour moi la loi de 2007, elle reste
quand même importante, elle est en lien (entretien 9, Virginie, l. 716).
Aussi, une professionnelle énonce la loi de 1975 : « alors moi j’ai en tête la loi de 75, après je sais
pas, je les connais pas bien les textes de loi par rapport à ça » (entretien 4, Jessica, l. 256).
Quatre professionnels évoquent la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la
participation et la citoyenneté des personnes handicapées, parmi lesquelles deux énoncent
également la loi de 2013 :
C’est surtout la loi de 2005 qui a permis aux enfants en situation de handicap d’avoir accès
à l’école ordinaire et surtout à l’école de proximité, à l’école de son quartier. […] Et ensuite
il y a la loi de 2013, sur l’inclusion scolaire qui elle, s’est plus accès sur la formation des
enseignants et des professionnels de l’éducation nationale avec la nouvelle aussi, la
nouvelle dénomination des AVS qui est passée à AESH donc accompagnement d’enfant en
situation de handicap, ce que je disais tout à l’heure et donc ça a renforcé la formation de
tous ces professionnels-là (entretien 6, Mathilde, l. 498).
178
Information et formation par l’institution
Quatre professionnels interrogés déclarent ne pas obtenir d’information de la part de leur
institution à propos du cadre législatif relatif à l’inclusion scolaire. D’ailleurs, une d’entre elles
précise « Alors, je dirais que c’est plutôt moi qui les [membres de l’institution] tient informé »
(entretien 7, Fiona, l. 580) ; et une autre déclare : « Je dirais non, je dirais non parce qu’ils nous
laissent, non parce que c’est à nous de chercher » (entretien 8, Laure, l. 647). Toutefois, quatre
professionnels déclarent obtenir des informations sur le cadre législatif relatif à l’inclusion
scolaire par des membres de leur équipe ou des professionnels extérieurs au CMPP, notamment
ceux de l’éducation nationale.
A l’inverse, six professionnelles expriment avoir ou avoir eu des informations de la part de leur
institution.
Alors, je pense que oui parce qu’on a la chance d’avoir un médecin, un pédopsychiatre qui
est le garant du soin au sein de notre institution qui met un point d’honneur à être à jour
sur les législations donc oui, oui oui, les professionnels de notre structure sont au fait de
l’évolution (entretien 6, Mathilde, l. 504)
Parmi eux, deux professionnelles précisent avoir eu des informations de la part de leur
institution « à l’époque » (entretien 3, Élodie, l. 172) ; « c’est intéressant parce qu’avec le covid19,
je trouve que la direction reprend cette proposition d’informer, alors c’est tous les salariés mais
voilà quelque chose qui se remet en place et qui n’existait plus » (entretien 8, Laure, l. 648).
Enfin, deux professionnels précisent faire de la veille documentaire personnelle quant au cadre
législatif relatif à la scolarisation des ESH. Ils justifient cela par le fait de reprendre une formation
pour l’un : « aujourd’hui par le biais de la formation, je dirais que je prends connaissance, d’une
curiosité, d’avoir cette formation-là, cette connaissance là et de réactualiser en tout cas nos
connaissances à ce niveau-là qui à mon sens sont insuffisantes quoi » (entretien 1, Benjamin,
l. 28), et par la fonction occupée pour l’autre : « Du fait de ma fonction, j’ai une fonction un peu
de veille sociale […] » (entretien 7, Fiona, l. 581).
En ce qui concerne les formations proposées par l’institution, quatre professionnels déclarent
être formés par l’institution contre quatre autres professionnels qui disent de pas être formés
par l’institution : « Oui, je trouve que la dernière fois, on a eu une formation qui était précise là-
dessus en fait » (entretien 5, Manon, l. 370).
Deux professionnels témoignent du fait que les formations sont proposées par corps de métier,
en fonction des spécialités de chacun : « dans la prise en charge des enfants dys, effectivement
au niveau des orthophonistes, leur sont proposé des formations relatives à ce dispositifs, pareil
pour les psychomotriciennes, donc je pense que la formation elle est proposée par corps de
métier » (entretien 2, Carla, l. 103).
Commandes institutionnelles
Quatre professionnels interrogés considèrent avoir des commandes institutionnelles à propos
de la collaboration avec les professionnels de l’éducation nationale : « Oui, moi clairement dans
ce qu’on me demande de faire, c’est vraiment le lien avec l’éducation nationale » (entretien 4,
Jessica, l. 264) ; tandis que six autres déclarent ne pas en avoir.
Cependant, une professionnelle précise :
Il y a une collaboration qui est ancienne et qui est très inscrite au CMPP entre l’éducation
nationale et notre structure. Ensuite, en termes de commandes, je ne crois pas qu’elles
soient formalisées de cette manière-là en tout cas, que ce soit pas formalisé voilà, à ce
point-là (entretien 7, Fiona, l. 584).
Puis, encore une autre professionnelle évoque que « non on n’a pas de commandes mais on a
quelque chose d’institué puisque nous en tant que CMPP départemental on a le pédopsychiatre
et on a la direction administrative et on a aussi la direction pédagogique » (entretien 9, Virginie,
l. 721). Deux professionnelles corroborent ces propos en précisant que le travail de collaboration
fait partie d’une culture de travail, et apparaît pour elles comme une évidence et un désir de
travailler avec les partenaires extérieurs, notamment ceux de l’Éducation nationale.
Les professionnels précisent tous avec quels professionnels de l’éducation nationale ils
collaborent le plus souvent.
D’abord, huit professionnels déclarent collaborer avec les psychologues de l’éducation nationale
et les référents de scolarité. Ensuite, sept professionnels évoquent collaborer directement avec
les enseignants. De façon plus minoritaire, quatre professionnels disent collaborer avec les
directeurs d’école, deux professionnels avec les médecins scolaires, un professionnel avec les
AESH et un professionnel avec l’inspecteur de l’éducation nationale.
Ce thème s’intéresse plus particulièrement à la perception que les professionnels de CMPP ont
à propos du rôle des enseignants dans le cadre de l’accompagnement des ESH et aux actions de
collaboration mises en œuvre avec ses derniers pour favoriser l’inclusion scolaire des ESH.
183
Perception du rôle de l’enseignant
Sept professionnels déclarent que, dans le cadre de l’inclusion scolaire des ESH, l’enseignant a
un rôle majeur et essentiel. En effet, sa place « est primordiale, c’est vraiment la première place
parce que c’est elle ou lui qui va voir l’enfant en direct pendant de nombreuses heures et je
trouve que c’est vraiment lui ou elle qui fait basculer les choses quoi » (entretien 8, Laure, l. 665).
Deux professionnels précisent que l’enseignant a également un rôle de soutien auprès de l’ESH.
Il doit
être vigilant au bien-être de l’enfant, à ce qu’il comprenne bien ce qu’il y a dans ce qu’on
attend de lui et qu’il puisse, qu’il puisse adapter en fait à chaque fois, les attentes en
fonction de l’enfant en situation de handicap quoi (entretien 4, Jessica, l. 285).
Cependant, deux professionnels soulèvent le fait que le rôle de l’enseignant est aussi compliqué
: « les limites c’est à la fois la grande force de l’enseignant de pouvoir accueillir l’enfant dans cette
classe mais c’est là ou je ne sais pas comment ils font parce que c’est très compliqué » (entretien
5, Manon, l. 402). D’ailleurs, trois professionnels vont jusqu’à dire que les enseignants sont
démunis et un professionnel considère qu’ils ne sont pas préparés à accueillir ces élèves. L’un
d’eux met en avant le fait que lui aussi, en tant que professionnel dans le secteur médico-social
peut se sentir démuni face à la situation complexe d’un enfant en situation de handicap : « […]
ils se sentent démunis mais comme nous autres, professionnels de santé pouvons aussi être
démunis sauf que c’est bien de pouvoir se le dire, […] » (entretien 1, Benjamin, l. 46).
184
peuvent faire appel à mes collègues sur des difficultés particulières (entretien 7, Fiona,
l. 598).
Enfin, un professionnel précise qu’il n’y a pas d’action de collaboration formalisée, c’est-à-dire
conventionnelle. Il s’agit d’échanges au cas par cas en fonction des situations : « Donc oui, il y a
ça mais après c’est vrai que pour le moment il n’y a rien de conventionnel, il y a rien qui a été
établi par convention, voilà, ça peut être fait au cas par cas » (entretien 6, Mathilde, l. 534).
Notons que les actions de collaboration déclarées par les professionnels se déroulent
majoritairement sur des temps informels, par téléphone, ou encore lors d’échanges privilégiés
avec un enseignant. Il s’agit là d’une condition essentielle pour favoriser l’inclusion scolaire des
ESH, d’autant que ces échanges permettent aussi aux professionnels de CMPP de transmettre
des conseils (ressources) aux enseignants. En effet, la contrainte liée au manque de formation
des enseignants et au fait que ces derniers ont besoin de ressources souvent spécifiques pour
l’inclusion scolaire des ESH est à nouveau soulevée.
A propos des actions collectives, nous pouvons dire qu’elles représentent auprès du public sondé
une condition essentielle à l’inclusion scolaire en ce qu’elles semblent permettre un agir
ensemble par une mutualisation des compétences et des ressources de chacun. Nous pouvons
toutefois se demander avec prudence que si les actions de collaboration s’effectuent hors temps
scolaire et de travail, cela ne renforcerait-il pas l’idée d’une prédominance de rapports
personnels ? N’est-ce pas là un mode de partage de connaissances qui freine la transformation
des rapports personnels en rapports institutionnels, discutés et partagés ?
Ce thème interroge les professionnels de CMPP sur les ressources qu’ils déclarent mobiliser dans
le cadre de l’accompagnement des jeunes en situation de handicap.
Les résultats laissent apparaître deux types de ressources : les ressources humaines, les
ressources que l’on peut qualifier de « théoriques » et les ressources matérielles.
185
Concernant les ressources humaines, sept professionnels déclarent que leur ressource
principale est l’équipe pluridisciplinaire du CMPP. Pour l’un d’eux, le travail en équipe permet
un travail de complémentarité dans le cadre de l’accompagnement global d’un enfant :
Disons que ça m’arrive d’orienter certaines familles vers le psychologue lorsque leur
souffrance ou leur inadaptation je dirais, aux difficultés de l’enfant, dépassent mes
fonctions, je peux orienter vers le psychologue parce que je pense justement qu’il a des
outils complémentaires à leur proposer (entretien 6, Mathilde, l. 541).
Tandis qu’une autre exprime :
On a les synthèses au CMPP où du coup on travaille en collaboration sur des prises en
charge qu’on a qui sont inter disciplinaires donc ça pour moi c’est hyper intéressant parce
que je vais peut-être travailler avec un enfant qui est aussi suivi en psychomotricité et
donc pour moi c’est des apports hyper importants parce que c’est vrai que je vais savoir
peut-être ce qui peut canaliser un enfant ou pas, ce qui le met en difficulté au niveau
moteur ou au niveau de l’orientation dans l’espace donc j’ai tout ce côté déjà inter
disciplinaire des synthèses donc là où je prends en compte le travail de mes collègues
(entretien 11, Justine, l. 908).
Six professionnels mettent en avant qu’une autre ressource sur laquelle ils s’appuient ce sont les
partenaires extérieurs. Parmi ces partenaires externes cités, nombreux sont des professionnels
de l’éducation nationale :
[…] que ce soit la psychologue scolaire, l’enseignant, mettre en lien l’enseignant avec le
médecin s’il y a des difficultés même mettre l’enseignant en lien s’il le souhaite avec des
collègues orthophonistes, psychomotriciens, l’enseignant référent pour intervenir quand
vraiment je sens que la famille est en difficulté pour faire valoir un peu sa position ou ses
droits, quand les heures d’AVS ne sont pas respectées, […], donc ça peut être les directeurs
d’école, l’enseignant référent voilà il y a variété de partenaires à interpeller en fonction
de la problématique, on fonctionne par niveau quoi (entretien 7, Fiona, l. 610).
Deux professionnelles complètent en disant que les parents sont des partenaires indispensables
car ce sont les premiers concernés par les difficultés de l’enfant et qu’il n’est pas possible d’agir
sans leur accord.
186
Parmi les ressources matérielles citons celles en lien avec des activités ludiques. Aussi, les
activités ludiques et les jeux sont pour deux professionnels des ressources importantes dans la
prise en charge d’un enfant en situation de handicap car elles peuvent s’adapter en fonction des
difficultés de chaque enfant : « Ce qui est sûr c’est que moi je priorise voilà des activités où ils
peuvent être en réussite, des activités courtes, des activités ludiques » (entretien 11, Justine,
l. 910).
Après, j’ai tous mes petits jeux que j’ai, moi j’ai des dès pour voir s’ils peuvent calculer,
s’ils ont cette souplesse de calculer, j’ai mes petits tam-tam pour voir s’ils peuvent lire un
mot rapidement, fin j’ai pleins de petits trucs comme ça. En fait j’ai pris des jeux
d’orthophonistes mais que je détourne, c’est-à-dire que je ne cherche pas à améliorer, les
orthophonistes elles sont des jeux, elles prennent un objectif, il faut qu’ils sachent lire ça,
moi je regarde s’il sait lire, je ne vais pas chercher à lui faire faire lire, à l’obliger à lire
(entretien 5, Manon, l. 430).
Pour trois professionnels, les références trouvées sur Internet constituent des ressources
intéressantes. Par ailleurs, un professionnel exprime fournir des supports papier à des parents
afin de leur expliquer ce qu’est la dyspraxie par exemple, tandis que deux assistantes de service
social disent s’appuyer sur la législation notamment sur les dispositifs qui peuvent être
mobilisés pour compenser la situation de handicap de l’enfant et adapter sa scolarité :
[…] il y a la loi, pour moi c’est un repère très important, la loi, les dispositifs d’aide qu’on
peut solliciter c’est-à-dire notamment à la MDPH, tout ce qui est plan de compensation,
les AVS, bon on va pas inclure les allocations tout ça parce que là on est plus sur de l’aide
à la famille sur la vie sociale, la vie familiale en générale […] (entretien 7, Fiona, l. 609).
Enfin, pour l’une d’entre elle, le dossier MDPH représente un outil support pour accompagner
les familles.
Du point de vue de l’analyse des praxéologies évoquées durant les entretiens, les éléments de
discours ne nous permettent pas d’affirmer s’il existe une homogénéité ou non des pratiques
quant aux ressources mobilisées par les professionnels de CMPP pour l’accompagnement des
ESH. En revanche, il semble exister une culture de travail partagée, des rapports institutionnels
qui conduisent les professionnels à se saisir du travail en équipe et avec les professionnels de
l’Éducation nationale pour accompagner les ESH. Toutefois, si chaque professionnel semble
mobiliser ces ressources de manière singulière, la nature des éléments de discours recueillis ne
nous permet pas d’approfondir notre analyse sur ce point.
Huit professionnels interrogés déclarent apporter une écoute active et se mettre à disposition
des enseignants pour des échanges téléphoniques.
[…] Ça peut être des liaisons scolaires, des liaisons téléphoniques avec le CMPP, avec
l’éducateur spécialisé ou avec l’orthophoniste aussi, il y a des enseignants qui demandent
à parler à l’orthophoniste du CMPP ou même des orthophonistes qui aussi, veulent faire
des liens avec l’enseignants donc tout ça, ça se fait plutôt par téléphone (entretien 6,
Mathilde, l. 526).
Une autre professionnelle évoque également :
ils ont nos mails, on a créé un réseau, ils peuvent nous solliciter, nous questionner. Moi je
suis un peu, je suis en interface donc du coup, comme je suis identifiée on m’interpelle,
comme je connais tous les enfants pratiquement, on m’interpelle et je fais le lien avec les
collègues (entretien 9, Virginie, l. 742).
Cinq professionnels précisent que c’est notamment lorsqu’il s’agit de situations complexes que
le lien doit être entretenu de manière étroite.
il y a un petit garçon par exemple, qui est arrivé en maternelle, qui est en deuxième année
de maternelle, et qui, arrivé à l’école, en fait, il ne parlait pas du tout, voilà. Il tapait les
autres élèves, il mordait, avec des grosses difficultés de séparation donc voilà, on a essayé
d’expliquer à la maîtresse ben ce qu’il se passait et les peurs de ce petit garçon qu’est un
188
petit très angoissé, fin voilà on parle de ça, que c’est un petit garçon, on va transmettre
que c’est un petit garçon qui a peur, qu’il faut le rassurer, qu’il faut travailler voilà, sur la
contenance, sur la proximité, sur le lien, l’aider à créer des liens avec les autres enfants,
voilà c’est plus autour de ça quoi (entretien 4, Jessica, l. 321).
[…] on a un outil, c’est la fiche de recueil d’éléments scolaires qui est transmise dès
l’ouverture du dossier donc on a une fiche de recueil et que la pédopsychiatre ou la
personne de première instance qui fait l’entretien c’est-à-dire la première ligne la
pédopsychiatre et la psychologue qui reçoivent l’enfant, elle donne la fiche de
renseignements scolaires et à partir de là on recueille un maximum, elle est élaborée de
façon à recueillir un maximum d’informations et nous on en discute après en synthèse. Et
après à partir de ça on peut faire nos retours, donc le retour il se fait plus dans la
communication orale, par mail ou la communication orale (entretien 9, Virginie, l. 753).
Trois professionnels expriment que parfois, une intervention en classe peut-être possible afin
d’observer l’enfant, soutenir et aider l’enseignant à adapter sa pédagogie, lui donner des conseils
ou encore simplement échanger directement avec l’enseignant.
[…] ça nous arrive d’aller faire une observation en classe, par exemple, à la demande d’un
enseignant, ou l’enseignante spécialisée qui est chez nous peut aussi contacter un
enseignant pour l’aider au niveau de la pédagogie à adapter, ce qu’il y a à mettre en place
(entretien 4, Jessica, l. 290).
A ce propos, l’enseignante spécialisée interrogée déclare :
[…] ça m’est arrivé une fois pour observer un enfant en classe parce que c’est vrai que
quand moi je les vois en prise en charge c’est individuel donc je ne sais pas comment ils
fonctionnent au sein de la classe. Ensuite ça peut être aussi pour donner des conseils sur
par exemple les missions de l’AVS voilà pour aider parce que c’est vrai que des fois il y a
des enseignants c’est pareil ils ne sont pas forcément formés à travailler avec une AVS
donc voilà aider dans cette construction entre l’enseignant, l’AVS, l’AESH maintenant c’est
plus l’AVS et l’enfant, ça peut être là-dessus, donc l’AESH, voir l’enfant en classe et oui des
conseils (entretien 11, Justine, l. 903).
Neuf professionnels mettent cependant en exergue le fait qu’ils se mettent à disposition des
enseignants au cas par cas selon les situations et en fonction de la demande et des attentes des
enseignants vis-à-vis d’eux. Les modalités d’intervention et de soutien des enseignants peuvent
être différentes, en fonction des besoins, à la fois de l’enseignant mais aussi de l’élève concerné :
Alors, bien sûr que c’est ciblé, on a bien environ 400 dossiers d’enfants sur une évolution
d’une année. Il est bien évident qu’il y a des enfants qui ont des besoins moins importants
et le critère, que je pense que le médecin étudie, c’est la pathologie de l’enfant, la
possibilité aussi que la famille a de rebondir, ou pas, sur les difficultés de son enfant
(entretien 2, Carla, l. 124).
Un professionnel déclare être intervenu auprès des enseignants pour apporter une information
collective sur ce qu’est le CMPP afin que ces derniers puissent mieux les repérer :
189
Je dirais que c’était essentiellement une information sur ce que c’était le CMPP et ce que
ça n’était pas, simplement je pense qu’on a démarré là-dessus, parce qu’effectivement la
première appréhension même des collègues du CMPP c’était vraiment des fois d’être trop
ouvert, d’avoir des problématiques complexes qui viendraient. Du coup l’idée c’était
d’exposer ce qu’on était, ce qu’on était pas […] (entretien 1, Benjamin, l. 69).
Enfin, deux professionnels disent transmettre aux enseignants des supports papier, de
l’information, des outils pédagogiques.
[…] j’ai un panel de documents pédagogiques qui sont disponibles et aussi j’ai un autre
classeur ou dessus il y a tout ce qui est les plans, comment mettre en place un PPRE donc
il y a les PPRE, les PPS, les PAP, donc tous ces plans qui des fois voilà sont pas clairs pour
l’enseignant voilà fin c’est plus du conseil parce que malheureusement le travail en
collaboration comme je t’ai dit, il n’y a pas de temps dédié (entretien 11, Justine, l. 912).
Synthèse et analyse du thème « les ressources mises à disposition des enseignants dans le
cadre de la collaboration interprofessionnelle »
Les ressources que les professionnels de CMPP déclarent mettre à disposition des enseignants
correspondent essentiellement à leurs connaissances et compétences. En effet, les éléments de
discours mettent en évidence que les professionnels de CMPP se positionnent comme des
ressources eux-mêmes pour les enseignants. Dans la mise en œuvre, leur discours laisse
apparaître que les modalités d’échanges peuvent se faire essentiellement par téléphone mais
aussi lors d’observations en classe, et particulièrement au cas par cas selon les situations. A ce
propos, un professionnel évoque la mise en place d’une « fiche de recueil d’éléments scolaires ».
Celle-ci apparaît être un moyen pour les professionnels du CMPP de recueillir des éléments
scolaires dans le cadre du début de la prise en charge. Cependant, nous pouvons penser que cette
fiche permet également à l’enseignant de repérer que l’enfant est suivi au CMPP et impulser des
échanges. Nous ne savons pas de quelle manière cette fiche est transmise à l’enseignant, de quels
types d’informations recherchées il s’agit, ni les retours qui sont faits à l’enseignant et le
professionnel de CMPP qui s’en charge. De la même manière, lorsque l’enseignante spécialisée
évoque aller observer l’enfant en classe parfois et ensuite donner des conseils à l’enseignant, elle
ne détaille pas spontanément les types de conseils qu’elle donne aux enseignants, ni comment
et pourquoi elle donne ces conseils ; bien qu’elle dise que les enseignants ne sont pas forcément
formés pour travailler avec les AESH.
D’un point de vue praxéologique, nous relevons un discours spontané peu précis, dans lequel les
professionnels de CMPP justifient peu ce qu’ils font, comment et pourquoi ils le font.
Du point de vue de l’analyse praxéologique des discours, nous relevons un discours spontané
peu précis, dans lequel les professionnels de CMPP justifient peu ce qu’ils font, comment et
pourquoi ils le font.
Du point de vue de l’analyse au regard de la théorie des rapports, il apparaît que la transmission
de ressources aux enseignants est hétérogène en ce qu’elle diffère selon la position occupée par
le professionnel au sein du CMPP. En effet, certains professionnels sont moins en contact avec
les enseignants que d’autres.
190
Toutefois, nous constatons que dans l’ensemble, les professionnels de CMPP ont un rapport
institutionnel similaire quant au fait de transmettre et partager avec les enseignants leurs
connaissances dans le champ de l’éducation spécialisée et du handicap.
12.6. Synthèse des résultats des entretiens avec les professionnels de CMPP
193
Chapitre 13 - Résultats et analyse du questionnaire à destination des
enseignants du premier degré
Ce chapitre présente les résultats de l’enquête par questionnaire. La présentation détaillée des
814 participants a été donnée dans le chapitre 10, ce qui nous permet ici de présenter les
résultats selon les cinq thèmes retenus lors de la construction du questionnaire :
Thème 1 - L’inclusion scolaire
Thème 2- Les prescriptions institutionnelles
Thème 3- Votre expérience
Thème 4- Votre formation initiale et continue
Thème 5- Les ressources pour l’inclusion scolaire des ESH
Pour chaque thème, les résultats sont présentés d’abord sous une forme descriptive par un
traitement à plat des questions fermées en présentant les réponses sous forme de tableau
contenant l’effectif des réponses obtenues et la fréquence (en pourcentage) pour chaque
modalité proposée. Le cas échéant et lorsque l’analyse en ce sens est pertinente au regard des
thématiques étudiées, nous attirons l’attention sur les chiffres remarquables et l’allure des
distributions en nous appuyant pour cela également (mais pas exclusivement) sur le calcul
proposé par le logiciel Sphinx basé sur un test de significativité calculée par rapport à l'équi-
répartition des réponses à l’ensemble des modalités de réponses possibles. Ce test consiste en
une comparaison des effectifs dans chacune des cellules d’un tableau de données, avec un effectif
théorique calculé. Lorsqu’un écart à l’effectif théorique est observé, les éléments colorés en bleu
sont des éléments qui sont surreprésentés par rapport à l'effectif théorique (écarts positifs), les
éléments en orange sont des éléments qui sont sous-représentés par rapport à l'effectif
théorique (écarts négatifs).
Pour les questions ouvertes, nous présentons les catégorisations issues de l’analyse de contenu
des données qualitatives en les illustrant avec des verbatim représentatifs ou remarquables.
Pour explorer plus finement les données afin de mieux comprendre les réponses des
participants des analyses statistiques sont ensuite présentées afin de vérifier si certains choix
de réponses relèvent de caractéristiques particulières des participants.
Ensuite, une dernière section propose une synthèse et dresse une analyse à partir du modèle
construit dans le chapitre 10, qui reprend les dimensions théoriques et les indicateurs
permettant de considérer les résultats.
Notons que pour l’ensemble des réponses obtenues nous devons être conscients des biais
possibles avec des réponses empreintes de désirabilité sociale, ou influencées par des questions
sensibles, voire inintéressantes pour tel ou tel profil de participant.
Ce premier thème interroge dans un premier temps les enseignants sur leur perception de
l’inclusion scolaire des ESH et, plus largement, des EBEP, dans l’idéal et en réalité. Ensuite, nous
questionnons leur vécu et les limites qu’ils rencontrent dans le cadre de l’inclusion scolaire des
194
ESH. Enfin, nous leur demandons, pour chaque type d’ESH ou à BEP, s’ils considèrent avoir les
moyens ou pas de les inclure dans leur pratique de classe.
Le tri à plat des données fait très significativement ressortir que les enseignants interrogés sont
plutôt d’accord et tout à fait d’accord avec les affirmations proposées à propos de la définition
de l’inclusion scolaire, dans l’idéal. En effet, nous relevons que 73,1 % (n = 595) des enseignants
sont tout à fait d’accord avec le fait que l’inclusion scolaire, dans l’idéal, c’est favoriser la réussite
de tous les élèves ; tout comme 49,1 % (n = 400) d’enseignants déclarent être tout à fait d’accord
et 41 % (n = 334) plutôt d’accord pour dire que l’inclusion scolaire, dans l’idéal, c’est l’adaptation
de l’école aux possibilités de l’élève. Aussi, nous notons que pour 54,2 % (n = 441) des
enseignants l’inclusion scolaire est une obligation légale. Les propositions « Prendre en
considération les difficultés de l’élève comme liées à l’environnement social » et « Prendre en
considération les difficultés de l'élève comme liées à l'environnement familial » conduisent
respectivement 14,4 % (n = 117) et 16 % (n = 130) enseignants à dire qu’ils ne sont plutôt pas
d’accord avec celles-ci. Par ailleurs, nous recensons seulement un total de 7,2 % (n = 526) de
réponses « plutôt pas d’accord » aux affirmations proposées et 2,5 % (n = 186) de réponses « pas
du tout d’accord ».
En ce qui concerne la perception de l’inclusion scolaire des enseignants, dans la réalité de ce
qu’ils vivent sur le terrain, nous constatons que de manière très significative, 58,6 % (n = 477)
des enseignants sont tout à fait d’accord pour dire qu’il s’agit d’une obligation légale et 39,9 %
(n = 325), pour dire qu’il s’agit de permettre aux élèves en situation de handicap d’être scolarisés
en milieu ordinaire. De plus, 46,4 % (n = 378) des répondants affirment être plutôt d’accord avec
le fait que l’inclusion scolaire c’est « faire la place à la diversité » pour définir l’inclusion scolaire,
dans la réalité. De la même manière, 46,3 % (n = 377), 46,2 % (n = 376) et 44,1 % (n = 359) des
enseignants sont plutôt d’accord pour dire que dans la réalité, l’inclusion scolaire correspond
respectivement à l’adaptation de l’école aux possibilités de l’élève ainsi qu’à la prise en
considération des difficultés de l’élève comme liées à l’environnement social et familial.
Nous retenons un total de seulement 14,9 % (n = 1094) de réponses « plutôt pas d’accord » et
4,4 % (n = 322) de réponses « pas du tout d’accord » avec les affirmations proposées.
A titre de comparaison, nous relevons un total de 2,5 % (n = 186) de réponses « pas du tout
d’accord » avec les affirmations proposées concernant la définition de l’inclusion scolaire dans
l’idéal, et 4,4 % (n = 322) de réponses « pas du tout d’accord » à propos de l’inclusion scolaire
dans la réalité, soit près du double. De la même manière, nous recensons 7,2 % (n = 526) de
réponses « plutôt pas d’accord » aux affirmations proposées, considérant l’inclusion scolaire
dans l’idéal, contre 14,9 % (n = 1094) de réponses de ce type, dans la réalité. Cela montre ainsi
que les participants ont une perception de l’inclusion scolaire deux fois plus négative dans la
réalité de leur pratique de terrain que dans l’idéal.
195
13.1.2. Le vécu de l’inclusion scolaire par les enseignants (question 19)
Ainsi, l’analyse met en évidence que parmi les 626 réponses recodifées, 58 % (n = 362)
correspondent à un vécu négatif de l’inclusion scolaire dans la pratique en classe des
enseignants, tandis que 26 % (n = 165) font état d’un discours positif. 16 % (n = 101) des
réponses sont classées en « vécu mitigé », c’est-à-dire, des éléments de discours nuancés qui ne
nous ont pas permis de les catégoriser strictement de positif ou négatif.
Dans un second temps, afin d’approfondir et de préciser davantage cette première codification,
nous avons pu effectuer, parmi les 626 réponses, une sous-catégorisation de 524 réponses en
degrés (échelle) de vécu : très difficile, difficile, plutôt difficile, plutôt facile, facile, très facile.
Pour les degrés d’intensité élevée, nous avons repéré des adverbes dans les discours tels que
« très », « trop », « extrêmement », « superbement ». Pour les degrés d’intensité « difficile » et
« facile », nous avons retenu des termes comme « compliqué », « mal », « bien ». Enfin, pour les
degrés « plutôt difficile » et « plutôt facile », nous avons été guidé par des éléments de discours
196
plus nuancés : « pas toujours simple », « pas toujours facile », « faisable mais compliqué », « assez
difficilement ».
La figure 11 ci-dessous présente l’ensemble des résultats. Ainsi, parmi les 524 réponses sous-
codifiées, 195 réponses correspondent à un vécu difficile, 90, un vécu plutôt difficile et 87 un
vécu très difficile :
A la limite du burn out. Intégrer un enfant atteint de trisomie 21 sous ritaline avec TDH
dans une classe rurale où je suis seule en classe c'est pénaliser tout le monde. […]. A cause
de l'inclusion de cet enfant je suis proche du burn out, ma vie familiale en patit et ma vie
professionnelle aussi. J'en pleure tout les soirs. Pourtant je fonctionne avec une pédagogie
différente avec beaucoup de manipulation et de bienveillance. […] (répondant 434) ;
« Une horreur : des notifications pas appliquées, on laisse l'enseignant se débrouiller et plonger
sans lui apporter l'aide qu'il demande... » (répondant 499) ; « Un combat titanesque de tous les
jours » (répondant 247).
A l’inverse, nous relevons que 46 enseignants font part d’un degré de vécu « plutôt facile » et 73
d’un degré de vécu facile : « Bien. Cela permet de réfléchir sur sa pratique. On doit réfléchir à des
dispositifs adaptés, à des différenciations » (répondant 12) ; « Bien mais tout dépend du
handicap de l'enfant. Toute inclusion n'est pas systématiquement possible. Il y a des fois où les
bénéfices pour l'enfant ne sont réellement pas flagrants » (répondant 306) ; « Plutôt bien même
si l’accueil sans aesh est compliqué .Nous sommes souvent dépassés par manque de formation
ou parce que l’école n’est pas forcément le lieu le plus approprié pour l’enfant » (répondant 341).
A la marge, nous notons que 34 enseignants expriment un vécu très positif de l’inclusion
scolaire :
Très bien. J'ai une élève malentendante : elle a une AVS ainsi qu'une intervenante du
CREDA [Centre de réeducation enfants déficients auditifs]. Nous avons profité de la
présence de cette dernière dans la classe pour mettre en place l'apprentissage de chants-
signés. Cela met en valeur le travail fait par mon élève qui apprend le langage des signes
hors temps scolaire et enthousiasme ses camarades (répondant 168) ;
Parfaitement bien et sans ambiguïté. Rompu depuis de nombreuses années à la
différenciation au sein de ma classe, j'ai étendu cette façon d'enseigner à tous les profils
d'élèves présents dans la classe avec un objectif clair pour chacun : progresser quel que
soit son niveau scolaire (répondant 52).
197
Dans un troisième temps, nous avons trouvé pertinent de catégoriser les éléments de discours
des enseignants exprimés comme des conditions favorables à l’inclusion scolaire et, ceux
exprimés comme des conditions moins favorables voire des contraintes à l’inclusion scolaire.
Concernant les conditions, nous avons pu catégoriser 232 réponses. Précisons que certaines
réponses ont pu être catégorisées plusieurs fois selon si les éléments de discours évoquaient
plusieurs conditions. Les résultats sont représentés dans la figure 12 ci-dessous :
Figure 11 - Les conditions pour l’inclusion scolaire évoquées par les enseignants
198
Figure 12 - Les contraintes à l’inclusion scolaire déclarées par les enseignants
Cette figure 13 ci-dessus met très significativement en évidence que parmi les 490 réponses
catégorisées, 450 font état du fait que le type de handicap de l’élève et/ou les problématiques
associées représentent une conditions qui freine l’inclusion scolaire : « Le plus souvent
l'inclusion ne pose aucune difficulté. Parfois lorsque le handicap est lourd il s'agit d'une
aberration et d'un non sens. […] » (répondant 83). De plus, 178 enseignants évoquent le manque
de moyens humains comme une contrainte à l’inclusion scolaire des ESH :
[…] actuellement j'ai deux demande d'AVS en cours depuis septembre. Une a été finalisée
en mars (soit 7 mois après) et j'ai avec moi une AVS (non qualifiée) qui est à mi temps
avec mon élève et également à mi temps sur un autre élève de l'école. Je trouve cela
honteux et d'une violence extrême pour les enfants. Devoir attendre 7 mois pour qu'ils
puissent suivre une scolarité sereinement et dignement. Et honteux que les AVS n'aient
pas de formation digne de ce nom, ni de reconnaissance. Honteux de laisser des enfants
sans aide (l'autre élève attend toujours une AVS....). […] (répondant 540).
De plus, 135 réponses d’enseignants mettent en exergue un manque de formation : « Difficile à
gérer sans personnel compétent et formé. Je manque de connaissances, de ressources pour
inclure durablement. Je me sens démunie » (répondant 810). Aussi, 87 enseignants mettent en
évidence les effectifs importants d’élèves par classe et 52 enseignants expriment que l’inclusion
scolaire des ESH nécessite beaucoup de travail supplémentaire : « Beaucoup de travail personnel
supplémentaire (temps de préparation) pour s'adapter aux élèves dyspraxiques, dyslexiques,
etc. en essayant de leur procurer des supports adaptés (textes, matériel, etc...) » (répondant 192).
Dans un quatrième et dernier temps, nous avons repéré dans 136 discours, des précisions
apportées par les enseignants à propos de leurs ressentis au regard de l’inclusion scolaire des
ESH et avons trouvé intéressant de les catégoriser. En ce sens, nous constatons que 54
enseignants expriment se sentir délaissés et démunis face à l’inclusion scolaire des ESH :
« Aucune formation donc je suis très souvent démunie, sensation de ne pas savoir faire, ne pas
savoir comment réagir, ne pas être efficace. […] » (répondant 232) ; « […]. Parfois c'est une
199
souffrance pour l'enfant et par ricochet pour le PE [Professeur des écoles] et les camarades. Peu
d'aide de l'administration sur les cas difficiles, sentiment de solitude et d'abandon »
(répondant 82). 13 évoquent du stress et de la fatigue :
La vérité c'est que les enseignants ont un programme à assurer et 25 à 30 élèves qu’il faut
tous faire progresser. Ils sont livrés à eux-mêmes et souffrent de ne pouvoir avancer au
rythme prévu et travaillent dans des conditions déplorables qui engendrent un grand
stress et un fatigue accrue (répondant 801).
A contrario, pour 18 enseignants l’inclusion scolaire est vécue comme un challenge, un défi, une
réflexion sur leur pratique professionnelle : « Comme un défi, un questionnement perpétuel.
J'oscille entre réussites et échecs dans un ajustement permanent » (répondant 36). Toutefois
nous retenons que 5 enseignants précisent faire du bricolage : « Beaucoup de travail en plus, peu
d'accompagnement, parfois l'impression de "bricoler" mais grand enrichissement dans la
pratique professionnelle qui peut être adaptée à tous les élèves » (répondant 141).
13.1.3. Les limites de l’inclusion scolaire déclarée par les enseignants (questions 20
et 21)
A la question fermée : « dans votre expérience professionnelle, est-ce que vous avez vécu des
limites à l'inclusion scolaire d'un ou des élèves en situation de handicap ? », il apparaît que
87,1 % (n = 709) des enseignants déclarent avoir vécu des limites à l’inclusion scolaire d’un ou
des ESH, contre seulement 12,5 % (n = 102) qui déclarent ne pas en avoir rencontrées.
Figure 13 - Le vécu des enseignants à propos des limites à l’inclusion scolaire des ESH
Parmi les 709 enseignants qui déclarent avoir vécu des limites à l’inclusion scolaire d’un ou
plusieurs ESH, 694 ont apporté des éléments de précision à la question semi-ouverte « si oui,
lesquelles ». Nous avons ainsi pu effectuer une analyse de contenu par catégorisation,
représentée par la figure 15 suivante :
200
Figure 14 - Limites de l’inclusion scolaire déclarées par les enseignants
Une des principales limites évoquées par 213 enseignants concerne les difficultés de
comportement des élèves : « élève dangereux pour lui-même et pour les autres »
(répondant 281) ; « plusieurs élèves en grandes souffrances dans le milieu ordinaire : un qui
s'enfuyait tout le temps, un élève qui restait prostré sous les tables, un de mes élèves en trouble
du comportement qui vit très mal le collectif […] » (répondant 164). De plus, 167 enseignants
évoquent la limite des « handicaps lourds » : « Des enfants avec des handicaps lourds
(déficience...) nécessitant d'aller dans des structures médicales (Itep, Ime) avec des crises, des
comportements pénalisant toute la classe, et l'entrainant même parfois » (répondant 691) ;
Un enfant autiste qui hurle en non-stop en se trainant au sol pendant 4 ans avec des excès
de violence de plus en plus forts... alors que d'autres autistes peuvent et sont à leur place
à l'école comme espace de soin oui... des enfants polyhandicapés en siège coquille pas
propre, qui ne déglutissent même pas, qui crient sauf quand ils dorment, qui ne sont pas
autonomes en rien... non ! des enfants nains, mutilés, déficients visuels, ou en retard de
développement oui ! (répondant 212).
Par ailleurs, le manque de moyens humains est mis en exergue par 188 enseignants interrogés :
« AESH absente, non remplacé, le temps de recrutement très long » (répondant 445) ; « Pas de
personnel spécialisé pour accueillir un élève en situation de handicap et ne pouvant venir en
classe sans une aide individuelle ! Pas d'AESH alors que l'enfant scolarisé a une notification de
24h !!! » (répondant 503). Aussi, nous constatons que 100 enseignants mettent explicitement en
évidence dans leur discours, le manque de formation : « Nous ne sommes ni formés ni
accompagnés » (répondant 397) ; « Ne pas connaître l'objectif de l'inclusion. Avoir l'impression
de ne pas avoir assez de ressources et de moyens pour que l'inclusion soit profitable »
201
(répondant 806). 86 enseignants pointent également la limite du manque de matériel et des
locaux inadaptés : « Les limites sont souvent matérielles. Absence de moyens pour réussir
l'inclusion complètement » (répondant 36) ;
Condition matériel et adaptation des locaux (exemple : escalier ou marches pour accéder
aux salles de classes, infranchissable avec un fauteuil roulant, toilettes non adaptés,
tableau trop haut, bureau non adapté, assise flexible non fourni pour les élèves,
photocopies couleurs à faire personnellement, avec le matériel personnel de l'enseignant
car pas de possibilité d'impression couleur à l'école, fabrication de matériel aimanté par
ses propres moyens...) (répondant 156).
Enfin, la catégorisation des éléments de discours met en évidence que 74 et 71 enseignants
énoncent respectivement les limites liées au temps d’inclusion scolaire en milieu ordinaire
inadapté aux besoins de l’élève ou encore le manque de place en milieu spécialisé : « La difficulté
pour l'élève de vivre dans le groupe classe avec des besoins de micro groupes que l'école ne peut
offrir » (répondant 462) ; « Elève ne relevant pas des compétences de PE mais de l'éducation
spécialisée (EREA, IME...) scolarisé en milieu ordinaire par manque de places ! » (répondant 5) ;
« Un enfant pour lequel nous avons dû revoir l'emploi du temps. Dès lors que la journée était
trop longue, il prenait des objets et les jetait à travers la classe. L'AESH avait du mal à
l'accompagner, il frappait beaucoup » (répondant 583).
13.1.4. Les moyens pour inclure les ESH et les EBEP (questions 22 à 49)
Cette sous-section présente les résultats concernant les moyens que les enseignants considèrent
ou non avoir à disposition pour assurer l’inclusion de chaque type de profil d’ESH ou à BEP listé.
Ainsi, nous présentons systématiquement les résultats obtenus à la question fermée « pensez-
vous avoir les moyens d’inclure » tel type d’ESH ou à BEP, puis nous exposons les résultats de
l’analyse de contenu par catégorisation, effectuée pour chacune des questions ouvertes
associées « pouvez-vous préciser de quels moyens vous disposez ou auriez souhaité disposer
pour inclure » tel type de profil d’ESH ou à BEP.
De façon générale pour l’ensemble des 14 types de besoins éducatifs particuliers à l’étude, les
résultats sont centrés autour des positions médianes des réponses en termes de « plutôt oui » et
« plutôt non », avec, selon les cas, une tendance vers une perception positive (cumulant le
« plutôt oui » et le « tout à fait ») ou une perception négative (cumulant le « plutôt non » et le
« pas du tout ») des moyens à leur disposition. Concernant l’option « je ne suis pas concerné.e »
nous constatons que les valeurs varient entre 2,8 % (pour les élèves en grande difficulté
d’apprentissage) et 19,7 % (pour les élèves en situation de handicap sensoriel), ou encore
davantage avec 22,6 % (pour les élèves issus de familles du voyage), avec en moyenne 10,6 %
d’enseignants qui se déclarent non concernés. Nous constatons par ailleurs également quelques
non-réponses (absence totale de réponse), dont le nombre varie également selon le type de BEP
(allant dans le désordre de 4 à 25), sans que nous soyons en mesure de comprendre les raisons.
Nous pouvons simplement dire ici que seuls les répondants 384 et 529 ont systématiquement
non renseigné les questions concernant les moyens. Sinon, ce sont des participants différents à
chaque fois.
202
a) Élèves en situation de handicap physique (questions 22-23)
Les participants à l’enquête sont dans des perceptions inégales quant aux moyens qu’ils estiment
avoir à leur disposition, avec une distribution des réponses majoritairement autour des valeurs
médianes : 34,6 % (n = 280) des enseignants interrogés déclarent ne plutôt pas avoir les moyens
d’inclure les ESH physique, contre 31 % (n = 251) qui déclarent plutôt avoir les moyens de les
inclure. 10,7 % (n = 87) expriment ne pas du tout avoir les moyens, tandis que 11,6 % (n = 98)
considèrent avoir tout à fait les moyens de les inclure. L’écart en pourcentage entre la perception
positive (41,7 %) et la perception négative (46,2 %) est très faible (4,5 %).
Figure 15 - Distribution des réponses à la question 22 : Pensez-vous avoir les moyens d'inclure les élèves en
situation de handicap physique ?
A la question ouverte « pouvez-vous préciser de quels moyens vous disposez ou auriez souhaité
disposer pour inclure les élèves en situation de handicap physique ? », associée à la question
fermée précédente, 609 enseignants se sont exprimés et nous avons pu catégoriser 513
réponses. Pour les 96 réponses que nous n’avons pas pu catégoriser, le manque de précision des
discours ne nous permettait pas de distinguer s’il s’agissait d’un moyen dont ils disposaient ou
d’un moyen dont ils souhaitaient bénéficier. Ainsi, afin d’éviter les fausses interprétations, nous
avons choisi d’exclure la catégorisation de ces réponses.
Nous relevons que 179 enseignants expriment que les locaux sont adaptés à l’accueil de ces
élèves contre 147 qui pointent le fait qu’ils ne le sont pas : « rien n'est adapté à des handicaps
physiques : pas d'ascenseur, portes étroites, seuils, petites marches, classes surchargées où on
ne peut pas tourner... etc » (répondant 206) ; « Un enfant avec des troubles moteurs est accueilli.
Hors nous n'avons pas d'ascenseur. L'organisation entière de l'école est à revoir chaque année
pour que sa classe soit au rez-de-chaussée » (répondant 628).
De plus, 114 enseignants évoquent le manque d’aide humaine pour l’accueil et
l’accompagnement de ces élèves : « Des enfants lourdement handicapés sur le plan physique ont
besoin d'une AESH continuellement à leurs cotés (en maternelle), comme les AESH sont parfois
mutualisés (malgré une notification d'AESH individuelle), nous ne pouvons pas scolariser
l'enfant à temps plein » (répondant 703). Du point de vue des souhaits, nous recensons ici encore
l’expression de besoins en formation avec 64 enseignants qui déclarent avoir besoin d’une
formation pour accueillir ces élèves en classe ordinaire :
203
Nous accueillons une élève en fauteuil car nous avons des rampes et un local toilettes
adapté. Mais je ne suis pas formée à l'accueil d'handicap et hormis l'envie de faire bien, et
l'envie de l'enfant d'avancer, je manquerais certainement de matériel et de
comportements adaptés (répondant 226) ;
« […] il me manque une formation sur les handicaps physiques (non-fournies en INSPE/ESPE) »
(répondant 262).
Figure 16 - Distribution des réponses à la question 24 : Pensez-vous avoir les moyens d'inclure les élèves en
situation de handicap sensoriel (visuel/auditif) ?
Parmi 501 réponses correspondant aux précisions apportées dans la question ouverte associée,
il apparaît ici encore très significativement que 201 enseignants déclarent un manque de
formation : « Pas de formation pour savoir comment enseigner à ces élèves et pas de
connaissance des outils qui pourraient le permettre » (répondant 764) ; « je ne sais pas vraiment
ce dont a besoin un enfant à handicap visuel: livres à gros caractères,... » (répondant 748) ; « Je
ne suis pas formée au braille et au langage des signes » (répondant 478). Parmi ces mêmes 201
enseignants, 31 ont déjà exprimé ce manque de formation à la question ouverte précédente
concernant les ESH physique.
111 enseignants énoncent par ailleurs le manque de matériel adapté voire l’absence de matériel
pour l’accueil de ces élèves : « Aucun moyen matériel pour les déficients visuels ou auditifs »
(répondant 184) ; « besoin de plan incliné pour la déficience visuelle et d'AESH »
204
(répondant 427). Enfin, nous relevons que 57 enseignants déclarent avoir besoin d’une aide
humaine adaptée aux besoins des élèves qui présentent un handicap sensoriel : « Il me faudrait
impérativement un AVS/AESH capable de communiquer en langage des signes (cela existe-t-il
dans l'éducation nationale ?) ou capable de retranscrire des documents en braille »
(répondant 368).
Figure 17 - Distribution des réponses à la question 26 : Pensez-vous avoir les moyens d'inclure les élèves en
situation de handicap mental ?
Nous retrouvons dans les 534 réponses à la question ouverte associée, la thématique du manque
de formation, qui est pointé dans le discours de 199 enseignants. Parmi ces enseignants,
seulement 22 ont également déclaré un manque de formation pour l’accueil des ESH physique
et sensoriel, ce qui signifie que ce ne sont pas toujours les mêmes qui évoquent ce manque. Aussi,
le manque d’aide humaine adaptée et formée est également abordé par 140 enseignants : « il
faudrait davantage de formation pour savoir mieux appréhender ces troubles » (répondant 14) ;
« Je n'ai pas de formation ; je me sens incapable de faire progresser cet enfant » (répondant 56).
Concernant le manque de formation et d’aide humaine, un enseignant déclare :
Ce handicap correspond à la plupart des élèves en situation de handicap que nous avons
dans notre école. Nous nous battons pour obtenir des heures d'aide humaine, nous ne
savons pas répondre aux besoins de ces enfants car aucune formation, nous devons les
gérer et assurer leur sécurité au milieu d'effectifs trop important...clairement dans la
205
plupart des cas nous faisons de la garderie et en plus certains d'entre eux vivent tellement
mal leur inclusion que nous devons gérer des crises et des situations qui perturbent le
bon fonctionnement de la classe […]. Les AESH en congé maladie ou maternité ne sont
jamais remplacés !!!! (répondant 337).
Un autre enseignant précise avoir besoin d’ « une personne aesh formée à la pédagogie et à la
psychologie » (répondant 795). De plus, le nombre important d’élèves par classe est soulevé par
47 enseignants. Par ailleurs, nous constatons que la perception de l’inclusion scolaire de ces
élèves apparaît dans 16 discours comme pouvant être une condition défavorable à celle-ci : « Ce
n' est pas mon métier et je ne veux pas imposer ca aux autres élèves » (répondant 94) ;
Les enseignants ne sont ni des psychologues , ni des pédo psychiatre, ni des infirmiers .
Quand les handicaps mentaux sont trop importants c'est loin d'être souhaitable, et
souvent ça met tout le monde en danger (l'enfant handicapé, l’AESH, les autres enfants,
l'enseignant) (répondant 398).
Figure 18 - Distribution des réponses à la question 28 : Pensez-vous avoir les moyens d’inclure les élèves
avec des troubles autistiques ?
Là encore, nous constatons que sur 584 réponses, le manque de formation apparaît à 194
reprises dans le discours des enseignants interrogés : « une vraie formation (concrète) qui ne
soit pas dispensée au mois de juin l’année où on en aurait besoin » (répondant 301). Aussi, le
manque d’aide humaine formée est pointé par 129 enseignants :
J’aurais souhaité pouvoir avoir une AESH qui permette à l’enfant de s’isoler quand il en a
besoin et avoir une formation pour ne pas juste accueillir dans ma classe au feeling en me
demandant parfois si ce que je mets en place est réellement adapté (répondant 558).
206
68 enseignants précisent cependant que l’inclusion de ces élèves dépend du degré des troubles :
Entre Josh notre TSA faible qui a terminé son primaire sans son AESH tellement il avait
progressé et Myriam, TSA lourde, qui ne pouvait rester qu’une heure dans l’école et que
dans le dispositif ULIS sans contact avec les élèves de l'ordinaire, la palette TSA est si
vaste que les accompagnements sont très différents (répondant 13) ;
« Tout dépend de la grandeur du trouble, lorsque celui ci est trop prononcé c'est très compliqué »
(répondant 79).
Figure 19 - Distribution des réponses à la question 30 : Pensez-vous avoir les moyens d'inclure les élèves
avec des troubles dys ?
L’analyse thématique des 518 discours recueillis à la suite de la question ouverte met
maintenant sans surprise en avant le manque de formation pour 140 enseignants : « manque de
formation concernant les différentes possibilités d'adaptation du matériel notamment en lecture
et écriture » (répondant 28) ; « Au moins une formation sur les différents troubles Dys serait
essentielle : quels sont-ils ? Comment les reconnaître ? Comment aider les élèves qui ont des
troubles Dys ? » (répondant 348).
Ensuite, 75 enseignants déclarent mettre en œuvre des aménagements pédagogiques pour
favoriser l’inclusion scolaire de ces élèves : « photocopie agrandie, différenciation, aide dans les
supports ou humaine » (répondant 121) ; « Adaptation pédagogique : police de caractères,
lignage des feuilles, couleur des textes ou des syllabes » (répondant 472).
En revanche, nous constatons que 41 enseignants expriment manquer de matériel adapté et
d’outils pédagogiques pour accompagner ces élèves : « moyens matériels pour adapter le travail
(imprimante couleur, différents enregistreurs, petit matériel ergonomique...) »
207
(répondant 477) ; « j'aurai souhaité disposer d'imprimante couleur, de logiciels adaptés, de
lecteur mp3 et de matériel informatique. Des livres, manuels adaptés au dys » (répondant 812).
Notons enfin que 31 enseignants déclarent s’autoformer pour accueillir et accompagner les
élèves qui présentent un trouble dys : « Encore une fois oui parce qu'on s'adapte et qu'on se
documente parce qu'on demande conseil à des professionnels (orthophonistes...) mais pas grâce
aux formations ou aides de l'éducation nationale !!! » (répondant 337) ; « On ne dispose que de
notre bonne volonté et notre capacité à s'autoformer » (répondant 612).
Figure 20 - Distribution des réponses à la question 32 : Pensez-vous avoir les moyens d'inclure les élèves
avec des problèmes/troubles du comportement ?
Parmi les 457 réponses catégorisées à la question ouverte, le manque de formation et le manque
d’aide humaine formée sont les deux moyens manquants mis en évidence par respectivement
114 et 105 enseignants : « Chaque enseignant devrait pouvoir bénéficier également de formation
spécifique afin d’être mieux sensibilisé aux troubles et raisons de difficultés comportementales
des élèves […] » (répondant 464) ; « Nous avons besoin de personnes supplémentaires pour
répondre à leurs besoins et que l'institution ne leur fasse pas violence » (répondant 20).
De plus, les effectifs de classe trop chargés sont évoqués par 61 enseignants et la difficulté à gérer
les élèves qui présentent des troubles du comportement est rencontrées par 58 enseignants
interrogés : « Nous avons besoin d'AVS. c'est très difficile à gérer dans les classes. Pour moi, ce
sont les enfants les plus difficiles à intégrer, car rien n'est rationnel avec ces enfants-là. Ils sont
incontrôlables et souvent violents […] » (répondant 344).
Aussi, si 33 enseignants déclarent avoir besoin de l’aide du RASED, 19 évoquent le fait de
collaborer avec des personnes ressources pour inclure ces élèves (famille, RASED, psychologue
de l’éducation nationale, équipe pédagogique, professionnels extérieurs…) : « Nécessaire
208
collaboration étroite avec la famille et les services de soin éventuellement associés »
(répondant 632) ; « Enfant d'ITEP déjà accueilli au sein de l'école- partenariat avec
l'établissement- adaptation de l'emploi du temps » (répondant 677).
Figure 21 - Distribution des réponses à la question 34 : Pensez-vous avoir les moyens d'inclure les élèves en
grande difficulté d'apprentissage ?
La catégorisation des 419 réponses ouvertes associées met en exergue que la différenciation
pédagogique apparaît dans le discours de 95 enseignants comme un moyen essentiel pour
l’inclusion scolaire des élèves en grande difficulté d’apprentissage. Cependant 73 enseignants
déplorent des effectifs de classe trop importants : « Des classes moins chargées qui nous
permettrait d'avoir plus de temps à consacrer à cet élève » (répondant 44). De plus, si 51
enseignants déclarent avoir besoin de plus d’aide de la part du RASED : « Le RASED n'est pas
assez disponible dans nos zones rurales pour nous accompagner à hauteur de ce que cela
impliquerait » (répondant 18), 46 apprécient la présence et l’appui du RASED pour inclure ces
élèves.
Le manque de formation pour l’inclusion de ces élèves est évoqué ici par seulement 39
enseignants interrogés : « Nous aurions besoin de formations spécifiques, nous cherchons les
solutions sur le net. […] » (répondant 344). Par ailleurs, nous notons que 35 enseignants
déclarent que l’inclusion scolaire des élèves en grande difficulté d’apprentissage fait parti de leur
quotidien en classe : « Les grandes difficultés d’apprentissage font partie intégrante de notre
métier. Nous devons être prêt à différencier pour aider chacun dans ses difficultés personnelles.
Ça ça fait partie de notre métier » (répondant 8).
209
h) Élèves intellectuellement précoces/à haut potentiel (questions 36-37)
Pour l’inclusion des élèves intellectuellement précoces/à haut potentiel les participants ont
également une perception majoritairement positive de leurs moyens (65,2 %). Il apparaît ainsi
très significativement que 47,9 % (n = 382) des enseignants interrogés déclarent plutôt avoir les
moyens d’inclure ces élèves. 17,3 % (n = 138) déclarent avoir tout à fait les moyens de les inclure.
Seulement 19,7 % (n = 157) des enseignants expriment ne plutôt pas et 3,4 % (n = 37) ne pas
avoir du tout les moyens d’inclure les élèves précoces/à haut potentiel.
Figure 22 - Distribution des réponses à la question 36 : Pensez-vous avoir les moyens d'inclure les élèves
intellectuellement précoces/à haut potentiel ?
Dans les précisions apportées par 402 enseignants, le manque de formation apparaît dans le
discours de 124 enseignants : « Une formation serait la bienvenue car certains parents concernés
par ce sujet en savent parfois plus que les enseignants. Cette notion « précoce, hp « englobe des
profils très différents, la prise en charge doit évoluer » (répondant 130). Cependant, nous
relevons que 91 enseignants évoquent effectuer des adaptations pédagogiques pour inclure ces
élèves : « beaucoup de différenciation, ateliers, tutorat » (répondant 608) ; « […]. Il est hors de
question que mes élèves s'ennuient et par une différenciation adaptée ils avancent et, point
positif, tirent leurs camarades vers le haut. C'est donc très motivant et porteur »
(répondant 702).
De plus, notons que 21 enseignants expriment avoir de l’expérience, personnelle ou
professionnelle, quant à l’inclusion de ce type d’élève : « Je suis au courant uniquement parce
que mes enfants sont concernés et que j’ai dû me documenter et me rapprocher de spécialistes
pour eux ... sinon... nous n’avons aucune formation !!! » (répondant 161) ; « Je suis moi-même
HPI et mes enfants aussi, ce qui me permet d'avoir une connaissance assez fine de la
problématique » (répondant 462) ; « J’ai eu a plusieurs reprises ce type d’élève. Ce qui a manqué
c est une formation permettant de gerer au mieux ces situations. Avec l’expérience, c’est plus
facile mais très compliqué au debut » (répondant 444).
Figure 23 - Distribution des réponses à la question 38 : Pensez-vous avoir les moyens d'inclure les élèves
malades (PAI) ?
Les 321 réponses catégorisées à la question ouverte permettent de nuancer et comprendre que
la réponse dépend du type d’affection. Parmi les enseignants qui apportent des précisions, nous
relevons que 108 enseignants déclarent que les PAI sont clairs : « Protocole d’accompagnement
mis en place en début d’année avec la famille et le médecin scolaire pour accompagner l’élève »
(répondant 97). Toutefois, 57 enseignants évoquent le fait que l’inclusion scolaire des élèves
malades dépend du PAI : « Cela dépend du PAI. Administrer un medicament ponctuellement du
type ventoline, oui. Faire un pansement sur une poche de stomie : non » (répondant 491). En
effet, 13 enseignants mettent en évidence que leur responsabilité est parfois (trop) engagée
lorsque la pathologie de l’élève nécessite des soins importants sur le temps scolaire :
Nous devons en savoir plus sur les enfants dont nous avons la responsabilité. Si ce sont
des problèmes d’asthme gérables facilement oui. Mais si c'est un enfant extrêmement
fragile avec une pathologie qui peut avoir une issue fatale à tout moment, je ne me sens
pas capable. Le cas s’est produit dans l’école. L’enfant est décédé alors que l’enseignante
a fait scrupuleusement tous les gestes du protocole. Ça a été un drame pour tous. On ne
peut jamais être préparé à ça (répondant 510).
Pourtant, ce type d’inclusion fait parti du quotidien pour 41 enseignants interrogés et même si
52 et 29 enseignants déclarent obtenir l’aide du médecin et de l’infirmier scolaire, 11
enseignants déclarent que l’inclusion de ces élèves ne relève pas de leur rôle : « […]. Ne pas nous
confier comme cela se fait, des enfants pour qui il faut faire des injections, remettre des sondes
quand elles sont arrachées par l'enfant....ce n'est pas notre métier, nous ne sommes
qu'enseignants » (répondant 682).
Enfin, 9 enseignants évoquent des situations stressantes et inquiétantes : « Pour des maladies
plus graves comme le diabète, les gestes plus techniques sont source de stress mais l'infirmière
de l'enfant est toujours là pour accompagner en cas de doute » (répondant 270).
211
Médecin scolaire nous "forme" quand une situation se présente. Mais sincèrement pour
certaines pathologies je trouve ça facile de faire reposer la responsabilité sur nos épaules
! On ne demande pas à une infirmière à l'hopital d'apprendre à lire aux enfants qu'elle
soigne ! Pourquoi on demande à une enseignante de surveiller des taux de glycémie et de
gérer des diabètes de type 1 qui peuvent vite tourner au drame...je trouve ça injuste, qu'on
mette des infirmières scolaires dans les écoles ! (répondant 337).
Figure 24 - Distribution des réponses à la question 40 : Pensez-vous avoir les moyens d'inclure les élèves en
situation familiale difficile ?
L’analyse des 408 réponses ouvertes fait apparaître que 136 enseignants déclarent avoir besoin
de travailler en collaboration avec les services sociaux ou souhaitent la présence de travailleurs
sociaux dans l’école : « J'aimerais avoir plus de lien avec les organismes sociaux en lin avec ces
familles » (répondant 365) ; « Il serait bien d'avoir une assistante sociale référente pour chaque
établissement du première degré afin de la contacter en cas de souci » (répondant 727). En
revanche, 91 enseignant évoquent déjà travailler avec des partenaires tels que la mairie, les
associations, la PMI : « Oui un lien est fait régulièrement avec les assistances sociales des MSD
[maisons des solidarités départementales] du secteur de mon école. Le lien avec l'ADRET
[Antenne départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations
préoccupantes] quand nous signalons des situations difficiles (IP) est maintenant très rapide »
(répondant 334) ; « C'est la composition des deux tiers de l'école... Travail avec les services
sociaux de secteur, de l'Éducation Nationale, l'association apportant du soutien scolaire, la
mairie » (répondant 580).
De plus, nous relevons que 48 enseignants précisent que l’inclusion de ces élèves fait parti de
leur quotidien et 38 évoquent travailler avec les familles pour favoriser cette inclusion :
212
Nous y sommes souvent confrontés à mon école. Les liens avec les assistantes sociales est
essentiels pour pouvoir aider la famille au mieux. La difficulté est de détecter pour la 1ere
fois qu'une famille est en situation familiale difficile. Il nous arrive d'aider les parents à
faire des papiers administratifs ou une fois de faire une cagnotte pour une famille en très
grande difficulté financière. L'avantage dans les écoles rep+ est que le lien de confiance
avec les familles s'établit rapidement et également que l'école est (et à besoin) d'être
souder (répondant 218).
Enfin, nous notons que seulement 16 enseignants déclarent avoir besoin d’une formation pour
inclure ces élèves.
Figure 25 - Distribution des réponses à la question 42 : Pensez-vous avoir les moyens d'inclure les élèves en
situation sociale difficile ?
L’analyse des 329 discours fait ressortir que 52 enseignants expriment travailler en partenariat
avec des structures extérieures pour inclure les élèves en situation sociale difficile, telles que les
services sociaux, la mairie, des associations : « Travail avec les partenaires sociaux, présence
d'une éducatrice jeune enfant dans le projet d'accueil des moins de trois ans » (répondant 282).
A contrario, 38 enseignants évoquent le manque de liens avec les professionnels extérieurs :
« Manque d'aide sociale (besoin d'assistants sociaux dans l'éducation nationale), les services
sociaux départementaux sont débordés, les enfants en danger dans leurs familles y sont laissés
faute de moyens » (répondant 326). A ce sujet d’ailleurs, un enseignant précise que « Le secret
professionnel "bloque" parfois la communication entre l'école et les services sociaux. Nous ne
sommes pas au courant des situations difficiles » (répondant 654). Enfin, nous relevons que pour
33 enseignants, l’inclusion des élèves en situation sociale difficile fait partie de leur quotidien :
213
« C'est de plus en plus le cas dans nos classes "ordinaires" » (répondant 319) ; « Ces enfants
comme les précédents, ne sont pas des inclusions. C'est notre quotidien » (répondant 755).
Figure 26 - Distribution des réponses à la question 44 : Pensez-vous avoir les moyens d'inclure les élèves
allophones (nouvellement arrivés en France) ?
Parmi les 339 réponses ouvertes catégorisées, il apparaît que 92 enseignants expriment un
manque de formation pour inclure les élèves allophones nouvellement arrivés en France : « Issue
d'études en sciences du langage, mais vraiment la formation initiale ou celle que l'on nous
propose/impose au cours de notre parcours n'est pas suffisante » (répondant 267) ; « On peut
les accueillir mais c'est un bain de langage pour eux, nous ne sommes pas formées pour une
pédagogie particulière dans ce cas » (répondant 389). Toutefois, nous relevons que 58
enseignants apprécient qu’une UPE2A soit présente dans l’école ou sur le secteur de
l’établissement : « Dans notre école nous avons un enseignant UPE2A présent 3 jours par
semaine. C'est une aide essentielle pour la progression rapide des enfants allophones »
(répondant 218). A l’inverse, nous notons que 36 et 32 enseignants évoquent respectivement un
manque d’enseignants spécialisés et d’UPE2A : « Quasiment pas d'enseignant pour élèves
allophones disponibles su le secteur, donc aide très limitée aux enseignants » (répondant 340).
m) Élèves allophones (en France depuis plus d'un an) (questions 46-47)
Les réponses à cette question se distinguent par rapport à la précédente (les élèves allophones
nouvellement arrivés), dans la mesure où les perceptions deviennent majoritairement positives
(59,6 %) Très significativement, il apparaît que 43,3 % (n = 348) des enseignants interrogés
considèrent plutôt avoir les moyens d’inclure les élèves allophones arrivés en France depuis plus
214
d’un an, tandis que 19,1 % (n = 153) déclarent ne plutôt pas avoir les moyens d’inclure ces élèves.
16,2 % (n = 130) évoquent avoir tout à fait les moyens de les inclure. 16,6 % (n = 133) ne sont
pas être concernés par l’inclusion de ces élèves.
Figure 27 - Distribution des réponses à la question 46 : Pensez-vous avoir les moyens d'inclure les élèves
allophones (en France depuis plus d'un an) ?
L’analyse des données qualitatives fait ressortir que 70 enseignants ont répondu « idem » par
rapport à la question précédent concernant les élèves allophones nouvellement arrivés en
France. Parmi ces enseignants, nous relevons que 11 précisent un manque de dispositif UPE2A,
10 un manque de formation et 6 un manque d’enseignants spécialisés. En revanche, 8
enseignants précisent qu’ils ont une UPE2A dans l’école et 5 évoquent effectuer des adaptations
pédagogiques pour inclure ces élèves.
Par ailleurs, 26 enseignants encore évoquent le manque de formation pour l’accueil et l’inclusion
scolaire des élèves allophones en France depuis plus d’un an. Aussi, 18 enseignants déplorent le
fait que l’aide pour ces élèves est attribuée uniquement la première année, lorsqu’ils arrivent en
France : « Il n'y a plus du tout de prise en charge UPE2A pour les élèves en France depuis plus
d'un an » (répondant 637) ; « Rien n'est prévu pour les élèves sortant du dispositif UPE2A sans
avoir progressé sur le plan lexical et linguistique » (répondant 348).
215
Figure 28 - Distribution des réponses à la question 48 : Pensez-vous avoir les moyens d'inclure les élèves
issus du voyage ?
Dans les 196 discours catégorisés, nous recensons que 28 enseignants précisent que le suivi des
élèves issus du voyage est difficile :
Nous les accueillons chaque année lors de la fête du village. Ce n'est pas facile de leur
donner du travail dans la continuité de ce qui était fait avant, mais ils arrivent tout de
même à prendre des choses et à progresser malgré leur itinérance (répondant 279).
Cependant, la différenciation pédagogique est mise en évidence par 20 enseignants comme un
moyen de favoriser l’inclusion de ces élèves :
Chaque année, il y a un élève allophone ou issu du voyage. Ils sont scolarisés et accueillis
au sein d'un groupe classe. L'enseignant met alors en place un travail diversifié.
Aménager le travail pour favoriser les apprentissages (répondant 170).
Nous notons toutefois que si 18 enseignants précisent l’absentéisme récurrent de ces élèves, 16
enseignants évoquent le fait que les accueils de ces élèves sont réguliers et se déroulent bien :
Nous avons eu beaucoup d'expériences positives d'accueils d'enfants issus du voyage et
avons pu constaté qu'une fois une adaptation à eux/elles mise en place (reprise de
l'apprentissage de la lecture quel que soit leur âge par exemple), les familles
s'impliquaient davantage dans l'école, restaient plus longtemps, ce qui se répercutait
positivement sur leurs enfants (répondant 620).
16 enseignants seulement déclarent manquer de formation pour l’inclusion de ces élèves.
Dans cette partie du questionnaire, nous souhaitions connaître la manière dont les enseignants
perçoivent le fait de s’informer sur l’évolution législative relative à l’inclusion scolaire,
notamment sur les lois 2005, 2013 et 2019 ainsi que leur degré de connaissance à propos de ces
lois. Ainsi, à la question : « Est-il difficile de vous informer sur l’évolution législative relative à
l’inclusion scolaire ? », nous constatons de manière très significative, que 32,6 % (n = 263) des
répondants considèrent qu’il n’est plutôt pas difficile de s’informer sur l’évolution législative
relative à l’inclusion scolaire, contre 25,7 % (n = 207) qui déclarent que c’est plutôt difficile.
216
10,4 % (n = 84) évoquent qu’il n’est pas du tout difficile de s’en informer. Toutefois, nous notons
que 14,3 % (n = 115) des enseignants interrogés ne se prononcent pas sur cette question et que
11,2 % (n = 90) déclarent ne pas s’informer de l’évolution législative.
Figure 29 - Distribution des réponses à la question 50 : Est-il difficile de vous informer sur l’évolution législative
relative à l’inclusion scolaire ?
A propos du degré de difficulté à s’informer spécifiquement sur les lois 2005, 2013 et 2019, nous
relevons que 24,4 % (n = 198) et 31,2 % (n = 253) des enseignants déclarent respectivement
qu’il n’est pas du tout difficile et plutôt pas difficile de s’informer sur la loi 2005 pour l’égalité
des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. En revanche, 17,2 %
(n = 140) expriment qu’il est plutôt difficile de s’informer sur cette loi. Concernant la loi de 2013
pour la refondation de l’école de la République, 21,4 % (n = 173) des répondants évoquent qu’il
n’est pas du tout difficile de s’en informer, 32,6 % (n = 264), plutôt pas difficile et 18,7 %
(n = 151) plutôt difficile. Aussi, nous notons que 22,3 % (n = 181) et 32,3 % (n = 262)
d’enseignants interrogés déclarent qu’il n’est pas du tout difficile et plutôt pas difficile de
s’informer sur la loi de 2019 pour une école de la confiance. Cependant, 17,8 % (n = 144)
trouvent que c’est plutôt difficile. A la marge, nous relevons un total de seulement 2,5 % (n = 62)
de réponses « très difficile » de s’informer pour toutes les lois confondues.
13.2.2. Le degré de connaissance des lois 2005, 2013, 2019 (question 52)
Nous avons ensuite demandé aux enseignants de préciser, par rapport à ces trois lois, leur degré
de connaissance. Ainsi, nous constatons que 44,4 % (n = 360) des enseignants déclarent plutôt
bien connaître la loi du 11 février 2005, 40,6 % (n = 330), la loi du 8 juillet 2013 et 44,1 %
(n = 357), celle du 26 juillet 2019. Nous relevons également qu’à l’inverse, 26,4 % (n = 214)
enseignants expriment ne plutôt pas connaître la loi de 2005, 34,2 % (n = 278), celle de 2013 et
28,9 % (n = 234), la loi de 2019. Notons toutefois que 13,2 % (n = 107) d’enseignants déclarent
très bien connaître la loi de 2005 contre seulement 7,3 % (n = 59) et 9,5 % (n = 77) qui déclarent
respectivement bien connaître celles de 2013 et 2019. Enfin, nous recensons au total 7,8 %
(n = 189) de réponses « pas du tout connue » pour les trois lois.
En confrontant la distribution des réponses au sujet des trois lois, la figure 31 ci-dessous permet
de constater qu’il n’y a pas une différence notoire entre les trois. Un tiers au moins déclare ne
pas ou peu connaître ces lois, plus d’un tiers « plutôt bien » et seulement pour près d’un dixième
217
elles seraient très bien connues. Les personnes déclarant ne pas se prononcer représentant en
moyenne près d’un dixième.
Figure 30 - degré de connaissance déclaré par les enseignants à propos des lois indiquées
Dans un premier temps, nous avons questionné les enseignants sur leur connaissance et leur
degré de contact, dans leur vie personnelle, avec les différents profils de personnes en situation
de handicap ou à besoins particuliers indiquées. L’analyse des données met en exergue très
significativement que 46,8 % (n = 377) d’enseignants déclarent être ou avoir été parfois en
contact avec des personnes en situation de handicap physique, 40,6 % (n = 329) avec des
personnes en situation de handicap sensoriel et 41,8 % (n = 337) avec des personnes en situation
de handicap mental. Aussi, nous relevons que 24,4 % (n = 196) des répondants évoquent être ou
avoir été très souvent en contact dans leur vie personnelle avec des personnes qui présentent
des troubles dys.
À l’inverse plus de la moitié des enseignants interrogés, soit 64,8 % (n = 520), déclarent ne
jamais avoir été en contact personnellement avec des personnes issues du voyage et 58,2 %
(n = 466), avec des personnes allophones nouvellement arrivées en France. 21,2 % (n = 170) des
répondants expriment être ou avoir souvent été en contact avec des personnes en situation
familiale difficile et 18,5 % (n = 149) avec des personnes en situation sociale difficile.
Parmi les 37 enseignants qui ont apporté des précisions à la question : « si vous pensez à d'autres
profils de personnes avec qui vous êtes ou avez été en contact, merci de préciser », nous relevons
que 13 % déclarent être ou avoir été en contact personnellement avec des personnes qui
présentent des Troubles Déficitaires de l’Attention et/ou de l’Hyperactivité (TDAH). Aussi, 10 %
des enseignants, précisent avoir été en contact avec des personnes ayant un vécu traumatisant,
des enfants placés, des personnes qui présentent des troubles psychiatriques ou encore des
personnes trisomiques.
Dans un second temps, nous avons demandé aux enseignants leur degré de contact, cette fois
dans leur vie professionnelle en classe, avec les différents profils d’ESH et d’EBEP. Le tableau 9
218
produit ci-dessous met en évidence par les calculs de significativité quelques éléments saillants
dans la distribution des réponses tout en nous informant des fréquences des contacts des
enseignants avec les différents types de profils.
Ne se prononce Total
Jamais Parfois Souvent Très souvent
pas
Eff. % Rep Eff. % Rep Eff. % Rep Eff. % Rep Eff. % Rep Eff.
En situation de handicap physique 302 37.3% 431 53.3% 47 5.8% 28 3.5% 1 0.1% 809
En situation de handicap sensoriel (visuel/auditif) 408 50.4% 349 43.1% 37 4.6% 14 1.7% 1 0.1% 809
En situation de handicap mental 227 28.1% 386 47.8% 104 12.9% 86 10.7% 4 0.5% 807
Avec des troubles autistiques 123 15.2% 421 52% 173 21.4% 92 11.4% 1 0.1% 810
Avec des troubles dys 31 3.8% 207 25.6% 278 34.4% 274 33.9% 19 2.3% 809
Avec des problèmes/troubles du comportement 10 1.2% 235 29% 322 39.7% 243 30% 1 0.1% 811
En grande difficulté d'apprentissage 4 0.5% 168 20.7% 308 38% 330 40.7% 1 0.1% 811
Intellectuellement précoce/à haut potentiel 138 17.1% 465 57.6% 139 17.2% 51 6.3% 14 1.7% 807
Malade (PAI) 34 4.2% 275 33.9% 274 33.7% 228 28.1% 1 0.1% 812
En situation sociale difficile 15 1.8% 260 32% 273 33.6% 262 32.3% 2 0.2% 812
En situation familiale difficile 19 2.3% 261 32.2% 275 33.9% 254 31.3% 2 0.2% 811
Allophone (nouvellement arrivé en France) 234 29% 370 45.9% 127 15.8% 73 9.1% 2 0.2% 806
Allophone (en France depuis plus d'un an) 243 30.3% 336 41.9% 137 17.1% 83 10.3% 3 0.4% 802
Issue du voyage 248 30.7% 363 44.9% 109 13.5% 84 10.4% 4 0.5% 808
Total 2036 18% 4527 40% 2603 23% 2102 18.6% 56 0.5% 11324
Tableau 9 - Distribution des réponses à la question 55 : Fréquence de contact des enseignants avec les
différents types de profils
219
TDAH ; 12 % (n = 3) des élèves dont le handicap/trouble n’est ou n’était pas reconnu, 12 %
(n = 3) des enfants placés, et 12 % (n = 3), des enfants migrants.
Figure 31 - Distribution des réponses à la question 56 : Si vous pensez à d'autres profils d'élèves que vous
avez ou avez déjà eu dans votre classe, merci de préciser
Après s’être intéressée au degré de contact personnel et professionnel des enseignants à propos
des différents types de profils d’EBEP, nous leur avons posé la question : « Malgré le fait que vous
n’ayez pas accès aux diagnostics des élèves, pouvez-vous évaluer le nombre d’élèves à besoins
éducatifs particuliers que vous avez cette année (2020-2021) dans votre classe ». Cette donnée
nous informe sur le contexte professionnel dans lequel notre population se trouvait au moment
de la passation du questionnaire. Nous renvoyons en annexe la lecture du tableau dans son
ensemble, pour retenir ici quelques exemples.
Interrogés sur une échelle de « 0 » à « 10 et plus », les réponses obtenues permettent de constater
quelques exemples de fréquences importantes ou certaines plus rares :
− 6,9 % (n = 54), 5 élèves en grande difficulté d’apprentissage dans leur classe ;
− 7,9 % (n = 61), 5 élèves en situation sociale difficile ;
− 13 % (n = 101), 3 élèves en grande difficulté d’apprentissage ;
− 13,9 % (n = 105), 3 élèves qui présentent des troubles dys ;
− 19,8 % (n = 149), 2 élèves avec des troubles dys ;
− 21,7 % (n = 168), 2 élèves avec des troubles du comportement ;
− 22,1 % (n = 172), 2 élèves en grande difficulté d’apprentissage ;
− 32,2 % (n = 252), 1 élève avec des troubles autistiques ;
− 33,3 % (n = 258), 1 élève qui présente des problèmes/troubles du comportement ;
− 33,8 % (n = 262), 1 élève malade qui bénéficie d’un PAI
Alors que le plus souvent il n’est question que d’un seul élève durant l’année concernée, dans le
niveau « 10 et plus » nous constatons les distributions suivantes, en lisant dans le tableau ci-
220
dessous que 49 personnes déclarent avoir eu en 2020-21, « 10 et plus » élèves en grande
difficulté, etc. :
Dans les réponses à la question ouverte associée, parmi les autres profils d’élèves que 37
enseignants précisent avoir dans leur classe en 2020-2021, nous relevons que 5 enseignants
mentionnent avoir des élèves avec des TDAH : « Les élèves présentant un trouble du déficit
attentionnel (TDAH) sont aussi souvent difficile à comprendre et à aider » (répondant 257).
Aussi, nous relevons que pour 3 enseignants, notamment 1 enseignants d’ULIS et 1 enseignant
de RASED, chaque profil d’élèves est singulier : « étant enseignante en RASED, je n'ai pas de
classes à moi mais des groupes d'élèves qui sont tous à besoins particuliers » (répondant 618).
Enfin, 3 enseignants également déclarent avoir des élèves avec des Troubles Spécifiques du
Langage et des Apprentissages (TSLA), et 3 autres, des élèves non allophones mais qui pourtant
parlent peu français : « Élèves nés en France mais dont les parents ne parlent pas ou peu le
français. Ces élèves ont donc un niveau très faible en langue française bien qu'ils rentrent pas
dans la case allophone » (répondant 806).
Enfin, nous nous sommes intéressée aux élèves qui bénéficient d’une reconnaissance de
handicap par la MDPH et plus précisément, ceux qui bénéficient d’une notification AESH.
L’analyse des données met en évidence que 40,7 % (n = 254) des enseignants déclarent qu’un
seul élève reconnu par la MDPH bénéficie d’une notification AESH dans leur classe et 18,6 %
(n = 116), 2 élèves. 23,9 % (n = 149) des répondants expriment qu’aucun élève de leur classe ne
bénéficie d’une notification AESH.
Parmi les élèves qui bénéficient d’une notification AESH, 54,2 % (n = 245) des enseignants
déclarent qu’un élève en a un.e réellement au quotidien dans la classe. 19,7 % (n = 89) expriment
221
que 2 élèves en ont un.e. Enfin, 10 % (n = 45) des répondants expriment qu’aucun élève notifié
AESH n’en bénéficie d’un.e réellement en classe.
Nous nous sommes intéressée à la manière dont les enseignants interrogés évaluent leurs
formations initiale et continue institutionnelle relatives à l’inclusion scolaire des ESH et à
besoins éducatifs particuliers en suivant la même liste que plus haut dans le questionnaire.
Dans le tableau 11 ci-dessous au sujet de la formation initiale, nous constatons que les réponses
« pas du tout satisfait » et « plutôt pas satisfait » sont très largement majoritaires (toujours en
observant la couleur bleue signalant un écart supérieur à l’effectif des réponses attendues).
222
Au total, nous constatons seulement 0,8 % de réponses « tout à fait satifsait » pour tous les profils
d’élèves proposés et 4,5 % de réponses « plutôt satisfait », constatant aussi que 3,7 % de « ne se
prononce pas ».
Concernant la question ouverte associée « Si vous avez un ou des autres types de profils d'élèves,
merci de préciser lesquels et le degré de formation initiale que vous avez eu à leur sujet », 28
participants ont répondu, sur lesquels près de la moitié (46 %) déclarent ne pas avoir eu de
formation initiale sur le handicap et les BEP. Il est intéressant aussi de noter que pour 29 %
(n = 8) d’entre eux, leur formation initiale est trop lointaine : « Ayant été formé il y a une
vingtaine d'années, il n'y avait rien sur les profils de ces enfants et pas de politique d'inclusion »
(répondant 138) ; « formation initiale suivie entre 1983 et 1986 : ces questions n'étaient
absolument pas abordées » (répondant 537). Pour les 7 % (n = 2) des répondants qui déclarent
ne rien avoir vu concernant les BEP en formation initiale, citons « la formation que j'ai reçue était
en vue d’élèves sans besoin particulier » (répondant 375). 7 % (n = 2) également évoquent s’être
formé essentiellement sur le terrain : « Tant qu'on a pas l'élève devant soi, les formations n'ont
pas le même intérêt et je ne me souviens pas d'avoir été formée même si je pense bien que si »
(répondant 571). Enfin, nous relevons qu’un enseignant exprime avoir reçu « 3 heures sur une
formation de 3 années à l'époque » (répondant 68).
Au sujet de la formation continue dont la distribution des réponses est présentée dans le tableau
12 ci-dessous, nous recueillons une distribution des réponses dont la tendance est similaire que
celle recueillie pour la formation initiale. La modalité « pas du tout satisfait » obtient ici
également la très grande majorité des réponses avec 64 % au niveau de l’ensemble des profils
d’élèves indiqués. Notons que les avis apparaissent plus nuancés, avec des valeurs moins
importantes, même si elles situent encore entre 73,5 % et 46,8 %.
Total
Pas du tout satisfaitPlutôt pas satisfaitPlutôt satisfaitTout à fait satisfaitNe se prononce pas
Eff. % Rep. Eff. % Rep. Eff. % Rep. Eff. % Rep. Eff. % Rep. Eff.
En situation de handicap physique 587 72.6% 128 15.8% 27 3.3% 1 0.1% 65 8% 808
En situation de handicap sensoriel (visuel/auditif)594 73.5% 115 14.2% 28 3.5% 5 0.6% 66 8.2% 808
En situation de handicap mental 569 70.6% 142 17.6% 41 5.1% 8 1% 46 5.7% 806
Avec des troubles autistiques 513 63.5% 176 21.8% 74 9.2% 8 1% 37 4.6% 808
Avec des troubles dys 397 49.2% 237 29.4% 128 15.9% 12 1.5% 33 4.1% 807
Avec des problèmes/troubles du comportement 475 58.9% 226 28% 65 8.1% 9 1.1% 32 4% 807
En grande difficulté d'apprentissage 378 46.8% 245 30.3% 135 16.7% 17 2.1% 33 4.1% 808
Intellectuellement précoce/à haut potentiel 519 64.3% 181 22.4% 52 6.4% 6 0.7% 49 6.1% 807
Malade (PAI) 468 58% 148 18.3% 118 14.6% 18 2.2% 55 6.8% 807
En situation sociale difficile 527 65.4% 183 22.7% 42 5.2% 5 0.6% 49 6.1% 806
En situation familiale difficile 531 65.8% 185 22.9% 39 4.8% 4 0.5% 48 5.9% 807
Allophone (nouvellement arrivée en France) 551 68.4% 141 17.5% 40 5% 4 0.5% 70 8.7% 806
Allophone (en France depuis plus d'un an) 551 68.6% 140 17.4% 36 4.5% 5 0.6% 71 8.8% 803
Issue du voyage 562 70% 132 16.4% 25 3.1% 4 0.5% 80 10% 803
Total 7222 64% 2379 21.1% 850 7.5% 106 0.9% 734 6.5% 11291
Concernant la perception de la formation continue, nous remarquons que les valeurs les plus
hautes se situent dix points de pourcentage plus bas que pour la formation initiale. Ainsi
ressortent à partir de 70 % « pas du tout satisfait » pour les besoins suivants :
− 73,5 % (n = 594) ESH sensoriel ;
223
− 72,6 % (n = 587) ESH physique ;
− 70,6 % (n = 569) ESH mental ;
− 70 % (n = 562) élèves issus du voyage
Pour trois types nous relevons des perceptions plus nuancées : troubles dys, troubles du
comportement et en grande difficulté d’apprentissage.
Dans l’ensemble, concernant les perceptions de participants « tout à fait satisfait » (0,9 %) avec
les formations continues, nous trouvons une distribution de réponses similaire que celle au sujet
de la formation initiale (à une diffèrence de 0,1 % près).
26 participants ont répondu à la question ouverte associée. La catégorisation de ces discours
met en évidence que 46 % (n = 13) de cette sous-population de répondants déclarent ne pas
avoir eu de formation continue institutionnelle relative à l’inclusion des ESH et à BEP : « Ce n'est
pas qu'elle n'est pas satisfaisante...c'est qu'on n'en a pas du tout ! » (répondant 344) ;
Aucune formation continue reçue relative à ces profils d'élèves. Les formations continues
reçues sont basées essentiellement sur les contenus pédagogiques en Etude de la langue,
domaine mathématiques, l'anglais, le sport... Aucune formation reçue à ce jour sur "Comment
gérer une classe et toute son hétérogénéité", "accueillir des élèves en situation d'handicap",
etc. Depuis 2 ans, on ne nous donne même plus le choix. Les thèmes nous sont imposés et ces
derniers sont accès sur les enseignement en mathématiques, l'étude de la langue, les activités
physiques et sportives et l'anglais !!! (répondant 423).
18 % (n = 5) de ces enseignants disent s’autoformer (y compris effectuer des formations
individuelles sur temps personnel) : « j'ai fait une formation PERSONNELLE sur la déficience
visuelle, un mercredi, dans un établissement dédié à ce handicap. » (répondant 551) ; « Aucune
formation…(si ce n'est mes lectures personnelles en fonction de mes élèves, pas le choix) »
(répondant 189).
Par ailleurs, 14 % (n = 4) des enseignants déclarent avoir suivi des formations continues sur le
handicap et les BEP : « On a eu droit à 3 heures d informations sur l école inclusive au regard de
la réglementation et les nouvelles dispositions » (répondant 510) ; « Comment accueillir un élève
dys en classe: 2 x 3h Comment préparer les PPS : 3h » (répondant 486).
13.4.3. Les modalités de formation des enseignants à l’accueil des ESH (question 65)
224
De ma propre initiative en formation continue PAF (plan d’action de438 56.4% 108 13.9% 175 22.6% 55 7.1% 776
formation)
A la demande de mon établissement, en formation continue 593 77.5% 92 12% 67 8.8% 13 1.7% 765
De ma propre initiative, en formation à distance 487 63.7% 74 9.7% 148 19.4% 55 7.2% 764
De ma propre initiative, par un organisme privé 635 84.3% 44 5.8% 42 5.6% 32 4.2% 753
De ma propre initiative, par mes propres moyens 164 20.7% 44 5.5% 313 39.5% 272 34.3% 793
En participant à des actions de recherche collaborative/participative637 84.3% 59 7.8% 48 6.3% 12 1.6% 756
avec une équipe de chercheurs
Total 3576 66.4% 523 9.7% 834 15.5% 455 8.4% 5388
Tableau 13 - Nature des formations suivies pour l’inclusion scolaire des ESH
Notons qu’une grande majorité de 79,6 % (n = 622) expriment ne pas être du tout d’accord avec
le fait que la formation initiale les auraient formés à l’inclusion des ESH. Parmi les formations
déclarées sur « propre initiative » (présente dans quatre modalités de réponse proposées) il est
intéressant de noter une prédominance de réponses sur celles indiquant « par mes propres
moyens ». Enfin, si la participation à des actions de recherche collaborative/participative est
bien présente, elle n’est que très faiblement développée et ne concernerait que 7,9 % (n = 50)
des répondants.
13.5. Les ressources pour l'inclusion scolaire des ESH (questions 66 à 76)
Cette partie s’intéresse aux ressources que les enseignants déclarent utiliser et élaborer pour
favoriser spécifiquement l’inclusion scolaire des ESH.
Nous nous sommes d’abord intéressée au degré d’utilisation d’une série de ressources
institutionnelles présentées dans le tableau 14 ci-dessous.
Sites web (Académie) 123 15.5%374 47.2%161 20.3% 117 14.8% 18 2.3% 793
Site web (Ministère) 190 24.3%364 46.5%141 18% 68 8.7% 19 2.4% 782
Cap école inclusive 490 63.6%154 20% 60 7.8% 32 4.2% 35 4.5% 771
Canopé 160 20.1% 343 43.1%185 23.3% 88 11.1% 19 2.4% 795
Éduscol 78 9.8% 368 46.3%224 28.2%108 13.6% 16 2% 794
CNESCO (Centre national d'étude des systèmes scolaires) 619 79.8%95 12.2%24 3.1% 5 0.6% 33 4.3% 776
Plateformes pédagogiques institutionnelles (M@gistère,...)225 28.6%369 46.9%121 15.4%53 6.7% 19 2.4% 787
Manuels d'éditeurs 209 26.7%296 37.8%180 23% 80 10.2% 19 2.4% 784
Documentation pédagogique 95 12% 292 36.9%243 30.7%143 18.1% 18 2.3% 791
Sites internet spécialisés 91 11.4%214 26.9%271 34% 206 25.8% 15 1.9% 797
Articles et revues scientifiques 304 38.8%267 34.1%126 16.1%72 9.2% 15 1.9% 784
Livres scientifiques et spécialisés 327 41.6%238 30.2%119 15.1%84 10.7% 19 2.4% 787
Revues professionnelles 452 57.7%214 27.3%60 7.7% 37 4.7% 20 2.6% 783
Total 336332.9%358835.1%191518.7%1093 10.7% 265 2.6% 10224
225
En repérant les écarts à une équi-répartition des réponses nous observons une concentration
importante à gauche du tableau sur les modalités « jamais » et « parfois », à l’exception des sites
web de l’Académie, Canopé, Eduscol, la documentation pédagogique, et des sites internet
spécialisés. Ces deux derniers types de ressources ressortent d’ailleurs parmi les plus consultés.
Ainsi, les ressources que 25,8 % (n = 206) des enseignants interrogés déclarent utiliser très
souvent correspondent aux sites internet spécialisés et 34 % (n = 271) déclarent l’utiliser
souvent. Ensuite, nous relevons que 30,7 % (n = 243) d’enseignants déclarent se servir souvent
de la documentation pédagogique et 28,2 % (n = 224) d’Eduscol.
Dans l’ensemble, en totalisant les réponses sur chaque fréquence déclarée affichée en colonnes,
nous notons que 35,1 % des réponses correspondent au degré d’utilisation « parfois » pour
toutes les ressources suggérées. Ainsi, par exemple, 47,2 % (n = 374) des enseignants interrogés
expriment utiliser parfois les sites web académiques et 46,5 % (n = 364), les sites web du
Ministère. Enfin, nous remarquons que 32,9 % (n = 3363) des réponses correspondent au degré
d’utilisation « jamais ». Parmi celles-ci, 79,8 % (n = 619) des enseignants déclarent ne jamais
utiliser les ressources du CNESCO, 63,6 % (n = 490), Cap école inclusive et 57,7 % (n = 452), les
revues professionnelles.
Notons au sujet de chaque type de ressources que nous ne connaissons pas leurs titres et qu’il
n’est de ce fait pas possible de vérifier si chaque répondant a la même perception de ce qu’il met
derrière les notions de documentation pédagogique, manuel, site spécialisé etc.
L’analyse qualitative des discours de 63 participants, recueillis dans la question ouverte
concernant l’utilisation d’autres ressources de type institutionnel, met en évidence les éléments
suivants qui donnent en même temps quelques précisions intéressantes :
− 17 enseignants évoquent les échanges avec leurs collègues comme une ressource pour
l’inclusion des ESH : « les collègues qui ont déjà eu des expériences et testés des choses dans
leurs classes » (répondant 263).
− 10 enseignants déclarent utiliser des ressources numériques, notamment des blogs de
parents, d’enseignants spécialisés, d’associations : « Blog d'enseignant en spécialisé,
utilisation de ses connaissances personnelles lié au handicap ou toutes situations d'inclusion
déjà rencontrés » (répondant 775) ; « Des blog de parents d'enfants en situation de handicap
ainsi que des communications d'associations qui luttent pour une meilleure compréhension
et prise en charge du handicap » (répondant 801).
− 8 enseignants informent s’appuyer sur des professionnels qui exercent dans le champ du
handicap : « Ressources humaines : conseils et appuis d'enseignants spécialisés,
d'orthophonistes, d'éducateurs (dans le cadre de mes connaissances personnelles) »
(répondant 436) ; « Collègues éducateurs, psychologues, responsables projets de l'IME.
Collègues enseignants » (répondant 243).
− 5 enseignants expriment utiliser les réseaux sociaux : « groupe Facebook d'enseignants ULIS
et enseignants passant le CAPEI » (répondant 145). Notons que ce type de ressources faisait
l’objet d’une autre question dans le questionnaire, ne relevant dans notre analyse pas
directement d’une institution en particulier.
226
13.5.2. Les ressources numériques et les réseaux sociaux (questions 68-69)
Dans un second temps, le questionnaire était centré plus particulièrement sur les ressources
numériques et les réseaux sociaux, ce qui donne la distribution présentée dans le tableau 15 ci-
après.
La principale caractéristique que nous pouvons pointer dans cette distribution des réponses est
la majorité de « jamais » (56,5 %). Deux écarts ressortent cependant avec d’une part un résultat
plus nuancé pour les plateformes de vidéos type Youtube 36,2 % « jamais » (n = 288) et 41,5 %
(n = 330) « parfois » ; d’autre part un résultat nettement opposé au niveau de la première ligne
du tableau au sujet des sites ou blogs d’enseignants. Il ressort ainsi de manière très significative
que 37,2 % (n = 299) des enseignants interrogés déclarent « très souvent » utiliser les sites ou
blogs d’autres enseignants et que 27,7 % (n = 223) déclarent les utiliser souvent et même 25,7 %
« parfois ». Il est rare que la modalité de réponse « jamais » recueille aussi peu de choix (8,2 %,
n = 66), alors que pour le réseau social Facebook, 63,8 % (n = 504) déclarent ne jamais l’utiliser,
95,7 % (n = 751) pour le réseau social Linkedin, 80 % (n = 627) pour les réseaux
sociaux éventuellement « autres ».
Ce qui ressort de cette distribution de réponses, c’est que la question de l’inclusion semble peu
discutée au sein des réseaux sociaux, mais trouve un intérêt à faire l’objet de présentations sur
les sites, blogs ou encore vidéos de type Youtube, ressources pour lesquelles la discussion n’est
pas la première fonctionnalité. La question qui se pose c’est de comprendre le type de
présentation proposée sur ces ressources accessibles sur Internet, s’agit-il de présentation de
cas, de bonnes pratiques, de journaux de bord ?
Parmi les 10 enseignants qui ont souhaité apporter des précisions à propos des autres réseaux
sociaux qu’ils utilisent, il apparaît que
- 4 d’entre eux expriment utiliser plus particulièrement le réseau social Instagram :
« Beaucoup Instagram (profils de maîtres formateurs, profils d'enseignants étrangers, de
marques comme hoptoys) » (répondant 326) ;
- 3 mentionnent des blogs de parents ou de professionnels : « Sites de parents ou
professionnels par rapport à une thématique » (répondant 738) ;
- 3 citent Twitter.
Par ailleurs, nous relevons que 11 enseignants expriment utiliser des ressources numériques
telles que Cairn ou d’« Autres sites pédagogiques comme lalilo, logiciel éducatif, math en
227
poche... » (répondant 43). Il est intéressant ici de noter la référence à des logiciels, que notre
enquête a certainement insuffisamment explorés au titre de ressources pour l’école inclusive.
Après s’être intéressée aux ressources institutionnelles et aux ressources numériques utilisées
pour l’inclusion scolaire des ESH, nous avons questionné les enseignants afin de savoir avec
quelle(s) personne(s) ils déclarent travailler pour favoriser l’inclusion de ces élèves. Au premier
regard porté sur le tableau 16 ci-après nous observons dans l’ensemble une distribution de
réponses nettement plus homogène sur les différentes modalités de fréquences proposées, ce
qui suggère en même temps une certaine hétérogénéité des pratiques et des contextes de travail
des enseignants.
228
Jamais Parfois Souvent Très Ne se prononceTotal
souvent pas
Eff. % Rep.Eff. % Rep.Eff.
% Rep.Eff. % Rep. Eff. % Rep. Eff.
AESH (AVS) 34 4.2% 195 24.3%190
23.6%382 47.5% 3 0.4% 804
Enseignant.e ULIS 445 57.6%149 19.3% 43
5.6% 105 13.6% 30 3.9% 772
Enseignant.e RASED 154 19.2% 236 29.4%203
25.3%203 25.3% 7 0.9% 803
Référent.e de scolarité MDPH (enseignant.e référent.e) 134 16.7%345 42.9%186
23.1% 136 16.9% 3 0.4% 804
Psychologue de l'éducation nationale 43 5.3% 334 41.4%237
29.4%191 23.7% 1 0.1% 806
Professionnel.le.s du secteur médico-social (CMP, CMPP, SESSAD,180 22.4% 370 46.1%16019.9% 91 11.3% 2 0.2% 803
ITEP, IME,...)
Professionnel.le.s du secteur libéral (orthophonistes,100 12.4%378 47% 220 27.4%104 12.9% 2 0.2% 804
psychomotriciens,...)
Directeur.rice de l'établissement 71 9.1% 104 13.3%149 19.1% 362 46.4% 94 12.1% 780
Équipe enseignante de votre école 10 1.2% 81 10% 212 26.3%496 61.5% 8 1% 807
Collègues enseignant.e.s (en dehors de votre école) 181 23% 285 36.3%147 18.7% 166 21.1% 7 0.9% 786
Parents 18 2.2% 200 24.9%286 35.6%295 36.7% 4 0.5% 803
Total 137015.6%267730.5%203323.2%2531 28.9% 161 1.8% 8772
Tableau 16 - Distribution des réponses à la question 70 : Dans votre pratique relative à l’inclusion scolaire
des élèves en situation de handicap, vous travaillez avec
Relevons quelques résultats importants. Les résultats de la colonne « jamais » apparaît en-
dessous des résultats au regard d’une équi-distribution, sauf en ce qui concerne le travail avec
des enseignants ULIS (où les 57,6 % se situent nettement au-dessus de l’attendu). Ce chiffre peut
s’expliquer par le fait qu’il n’y a pas d’ULIS dans toutes les écoles élémentaires et qu’il y en a pas
du tout dans les écoles maternelles.
Au sujet des professionnels du secteur médico-social (22,4 %) et les collègues enseignants « en
dehors de votre école » (23 %), la distribution correspond à celle théoriquement attendue, ce
qui souligne particulièrement pour la perception des collègues enseignants en dehors de leur
école comme ressource une hétérogénéité de situations, du fait que les réponses sont distribuées
de manière assez homogène sur les quatre modalités de l’échelle de fréquence. Le travail avec
des enseignants RASED est également réparti de manière assez homogène entre les différentes
modalités de réponse, légèrement en faveur du souvent et très souvent. L’enseignant RASED
n’occupe ainsi pas non plus une place égale auprès des répondants, notamment parce que la
politique de répartition des RASED n’est pas la même selon les départements.
D’autre résultats méritent d’être soulignés. Dans le prolongement du résultat relevant une
hétérogénéité de pratiques avec les collègues « en dehors de votre école », il ressort par
contraste une perception nettement plus affirmée pour l’équipe enseignante « de votre école ».
Nous constatons en effet que 61,5 % (n = 496) des enseignants interrogés déclarent travailler
très souvent avec l’équipe enseignante de leur école et 26,3 % (n = 212) souvent.
D’autres acteurs importants ressortent :
- 47,5 % (n = 382) des enseignants expriment travailler très souvent avec les AESH, 23,6 %
(n = 190) souvent, 24,3 % (n = 195) parfois. Seulement 4,2 % (n = 34) déclarent ne jamais
travailler avec les AESH.
- Aussi, de manière très significative, 46,4 % (n = 362) des répondants évoquent travailler
très souvent avec le directeur de l’établissement.
- 42,9 % (n = 345) et 41,4 % (n = 334) des enseignants évoquent respectivement travailler
parfois avec les référents de scolarité MDPH et les psychologues de l’Éducation nationale.
- Dans des proportions moindres,nous relevons que 27,4 % (n = 220) des enseignants
expriment travailler souvent avec les professionnels du secteur libéral contre 19,9 %
229
(n = 160) avec les professionnels du secteur médico-social. 47 % (n = 378) et 46,1 %
(n = 370) des répondants évoquent parfois travailler avec les professionnels sur secteur
libéral et médico-social.
Dans la question ouverte associée, parmi les 56 réponses que nous avons catégorisées, 14
enseignants abordent le fait qu’ils travaillent avec les professionnels du secteur du handicap, ou
plutôt pour certains qu’ils souhaiteraient travailler avec eux. En effet, un enseignant précise : « Il
est impossible de joindre les professionnels du CMPP CMSP, et il est trop rare et difficile d'arriver
à joindre les professionnels libéraux » (répondant 354). Ce manque de disponibilité, mais aussi
d’implication, ressortent également du discours suivant ;
Enseignant référent n'est vu que pour faire les bilans de gesvasco et suivi des dossiers
gevasco, je ne considère donc pas qu'on travaille ensemble. Je fais seule tous les dossiers
(sans aide) et il les lit en réunion et fait le bilan. Le RASED est débordé....Les orthophonistes
acceptent quelque fois de travailler avec nous et alors on fait un chouette boulot en utilisant
les même outils pour aider l'élève et ça, ça marche bien !!! Idem pour les
ergothérapeutes...voir même une fois une psy privé ! (répondant 42).
Il y a également cinq enseignants qui déclarent travailler avec les professeurs et professionnels
ressource autisme et cinq autres avec des représentants de la commune : « La mairie et les
animateurs du centre pour le lien avec le temps périscolaire » (répondant 486). Enfin, quatre
enseignants expriment travailler avec la PMI et quatre autres avec des associations.
L’élaboration de ressources pour l’inclusion d’ESH et d’EBEP par les enseignants eux-mêmes
apparait comme un geste professionnel important à sonder au regard de la part importante du
métier qui doit s’appuyer sur l’expérience professionnelle personnelle des enseignants. A la
question « Élaborez-vous des ressources pour l’inclusion scolaire des ESH avec » suivie d’une
liste de profils professionnels, nous obtenons une distribution centrée majoritairement sur les
positions « jamais » et « parfois » tel que le montre le tableau 17 ci-dessous. Notons que la
distribution des réponses de la dernière ligne du tableau, qui prévoyait d’indiquer que c’est
« seul » que les ressources sont élaborées, contraste avec les précédentes du fait qu’on y trouve
plus de la moitié de réponses à l’opposé avec la position « très souvent » (54,2 %, n = 424).
230
Jamais Parfois Souvent Total
Très Ne se prononce
souvent pas
Eff. % Rep Eff. % Rep Eff. % Rep Eff. % Rep Eff. % Rep Eff.
AESH (AVS) 198 25.1%248 31.4%196 24.8%121 15.3% 27 3.4% 790
Enseignant.e ULIS 508 66% 107 13.9%45 5.8% 38 4.9% 72 9.4% 770
Enseignant.e RASED 351 44.8%245 31.3 104 13.3%51 6.5% 32 4.1% 783
Référent.e de scolarité MDPH (enseignant.e référent.e) 536 68.8%146 18.7% 43 5.5% 26 3.3% 28 3.6% 779
Psychologue de l'éducation nationale 412 52.6%227 29% 76 9.7% 41 5.2% 27 3.4% 783
Professionnel.le.s du secteur médico-social (CMP, CMPP, SESSAD,491 62.9%192 24.6%44 5.6% 26 3.3% 27 3.5% 780
ITEP, IME,...)
Professionnel.le.s du secteur libéral (orthophonistes,427 54.6%271 34.7%42 5.4% 19 2.4% 23 2.9% 782
psychomotriciens,...)
Directeur.rice de l'établissement 287 37.4%172 22.4% 95 12.4%116 15.1% 98 12.8% 768
Équipe enseignante de votre école 158 19.9% 241 30.4%176 22.2% 195 24.6% 23 2.9% 793
Collègues enseignant.e.s (en dehors de votre école) 367 47.7%234 30.4%77 10% 62 8.1% 29 3.8% 769
Parents 308 39.5%304 39% 97 12.4%48 6.2% 23 2.9% 780
Seul 115 14.7%88 11.3%126 16.1%424 54.2% 29 3.7% 782
Total 415844.4%247526.4%112112% 1167 12.5% 438 4.7% 9359
Tableau 17 - Distribution des réponses à la question 72 : Élaborez-vous des ressources pour l'inclusion
scolaire des élèves en situation de handicap avec :
Un résultat qui ressort également est celui qui concerne l’élaboration de ressources avec l’équipe
enseignante de l’école avec 24,6 % (n = 195) qui se prononcent pour « très souvent ». Cependant
la distribution des réponses étant plutôt répartie de manière égale sur les autres modalités de
réponses (19,9 % jamais ; 30,4 % parfois ; 22,2 % souvent ; 24,6 % très souvent), nous sommes
amenée à penser qu’il y a là encore une indication de pratiques et situations hétérogènes au sein
des établissements.
La collaboration autour de l’élaboration de ressources avec les AESH apparaît également peu
homogène, même si la pratique semble plus rarement se faire « très souvent » (25,1 % jamais ;
31,4 % parfois ; 24,8 % souvent ; 15,3 % très souvent).
Certains professionnels ressortent particulièrement au titre des personnes avec qui des
ressources ne sont jamais élaborées (MDPH 68,8 % ; ULIS 66 % ; médico-social 62,9 % ; secteur
libéral 54,6 % ; psychologue 52,6 % ;). Enfin notons la place également inégale des parents pour
qui on trouve 39,5 % « jamais », 39 % « parfois », 12,4 % « souvent » et 6,2 % « très souvent »
des enseignants interrogés déclarent élaborer parfois des ressources pour l’inclusion scolaire
des ESH avec les parents. On peut dire que les enseignants déclarent plus souvent travailler avec
l'équipe enseignante de l'école et les parents qu’avec les autres acteurs de l'éducation. Les
collaborations nettement moins fréquentes concernent celles avec les professionnels du secteur
libéral et les directeurs d'établissement. Concernant ces différences de fréquences de
collaboration (et particulièrement les personnes déclarant « très souvent » travailler seules),
nous pouvons nous interroger sur les causes et nous demander si cela peut être dû au fait qu'il
n'y a parfois personne avec qui collaborer, y compris en termes de manque de disponibilité. Il
est également important de noter que ces données ne donnent pas d'informations sur les raisons
pour lesquelles certains acteurs collaborent plus ou moins souvent, ni sur les résultats de cette
collaboration.
En réponse à la question ouverte associée, parmi les 16 enseignants qui déclarent élaborer des
ressources avec d’autres personnes, mais qui l’ont aussi utilisé pour apporter des précisions,
231
quatre enseignants déclarent élaborer des ressources avec des professsionnels du secteur social
et médico-social. Parmi eux, un enseignant précise travailler avec le SESSAD pour créer des «
adaptations visuelles de documents graphiques » (répondant 767). Aussi, nous notons que trois
enseignants expriment élaborer des ressources avec l’équipe pédagogique : « travail autour de
la fluence avec l'équipe pour faire progresser les élèves dys en cycle 3 » (répondant 550) ; « En
équipe nous élaborons des dictées ou exercices à trous communs pour tout un niveau de classe »
(répondant 23). Cette volonté de précision est intéressante dans la mesure où elle nous avait
incitée à approfondir l’exploration de ces collaborations en prenant davantage compte des
spécificités des situations et des besoins particuliers, ce à quoi visait à répondre la question
suivante « Si vous élaborez des ressources vous-même ou avec d'autres personnes, merci de
donner un exemple d'une ressource que vous avez conçue ».
La demande d’un exemple de ressource via une question ouverte n’est pas aisée dans un
questionnaire long et ne concerne pas forcément tout l’échantillon. Nous avons recueilli 231
réponses, parmi lesquelles nous avons pu catégoriser 200 réponses. que l’on peut regrouper en
11 types de ressources. La figure 33 suivante propose une synthèse des types de ressources
conçues et évoqués par au moins 10 enseignants :
Support numérique 11
Sous-main personnalisé 14
Cahier de suivi / grille d'observation / contrat
de comportement 19
Exercices - leçons - évaluations adaptés /
différenciés 28
Matériel adapté 32
Concernant les types de ressources conçues, 149 enseignants déclarent concevoir des supports
adaptés aux besoins des EBEP, dont nous relevons les caractéristiques présentées dans la figure
34 ci-après :
232
Précisions - Supports adaptés
Répertoire lexical 6
Imagier 6
Affichages 7
Cartes mentales 8
Mémo 9
Mise en page adaptée (police, couleur…) 12
Fiches exercices 15
Fabrication supports adaptés / conception /… 17
emploi du temps 18
Jeux 20
Pictogrammes 46
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
Parmi ces adaptations nous notons que 46 enseignants déclarent élaborer des pictogrammes ou
s’appuyer sur des pictogrammes pour élaborer des ressources : « Boîte de photo pour faire des
demandes non verbales ou expliquées à l'enfant ce qu'il va devoir faire/où il va devoir aller »
(répondant 383) ; « des affichages aimantées pour déroulement de journée, d'activité, sous
formes de picto ou photo » (répondant 391). Aussi, 18 enseignants déclarent élaborer des
emplois du temps personnalisés : « établir un emploi du temps individuel avec des images pour
les nons lecteurs ; adapter les supports de lecture avec un lire couleur » (répondant 724). De
plus, 20 enseignants expriment concevoir des jeux : « jeu de manipulation langage + grammaire
/ conjugaison + numération » (répondant 106) ; et 17 enseignants disent fabriquer leurs
propres supports pédagogiques :
Je créé moi même les fiches d'écriture pour qu'elle soient adaptées aux lectures que nous
faisons, aux centres d'intérêts et au niveau des élèves. De même pour les fiches de
mathématiques et les sciences pour quelques notions. Je fais aussi des jeux, des affichages,
des fiches outils... (répondant 145).
Par ailleurs, nous constatons que 32 enseignants interrogés expriment élaborer du matériel
adapté comme des « Abaques de comptage pour une élève n'arrivant pas à compter sur ses
doigts (CP) » (répondant 117) ; et 28 enseignants, des exercices, leçons et évaluations adaptées.
Enfin, 19 enseignants évoquent utiliser un cahier de suivi et créer des grilles d’évaluation et des
contrats de comportement : « Grilles d'observation et fiches navettes de suivi, compte-rendus
entre collègues » (répondant 88) ; « Grille d'observation utilisable par les AESH pour noter les
réussites, les difficultés, les progrès des élèves qu'elles accompagnent » (répondant 385).
Dans le prolongement de ces questions sur les ressources, la question ouverte « Quelles sont les
ressources sur lesquelles vous vous appuyez le plus ? » recueille un taux de réponse de 48.6 %.
La figure 35 ci-après donne un aperçu des types et fréquences de ressources citées.
233
Ressources les plus utilisées
Débrouille 5
Matériel adapté 5
Réseaux sociaux 8
Lectures 8
AESH 9
Familles 10
Documents académiques / institutionnels 11
Psy EN 12
Enseignant ULIS / spécialisé / ressource 12
Formation 12
Ressources scientifiques 13
Ressources humaines 15
Observations / recherches personnelles 15
RASED 17
Livres 20
L'expérience 26
Manuels / guides pédagogiques d'éditeurs 28
Outils/méthodes pédagogiques 29
Ressources que l'enseignant/équipe conçoit 29
Professionnels du handicap 35
Équipe enseignante 40
Blogs 54
Internet 134
0 20 40 60 80 100 120 140 160
Figure 34 - Catégorisation de la question 75 : Quelles sont les ressources sur lesquelles vous vous appuyez
le plus ?
A propos des ressources sur lesquelles les enseignants déclarent le plus s’appuyer, 134
enseignants déclarent s’appuyer majoritairement sur Internet. Parmi eux, si 62 ne précisent pas
ce qu’ils entendent par « internet », pour les autres nous avons pu élaborer la catégorisation
présentée dans la figure 36 ci-après.
Canopé 8
Ressources en ligne 12
Eduscol 22
Sites spécialisés 31
0 5 10 15 20 25 30 35
Nous notons que 31 évoquent s’appuyer plus précisément sur des sites spécialisés et 22 sur
Éduscol. Aussi, nous notons que 54 enseignants déclarent utiliser des blogs tels que des blogs
d’enseignants spécialisés ou des parents. Par ailleurs, 40 enseignants interrogés expriment
s’appuyer essentiellement sur l’équipe enseignante et 35, sur les professionnels du handicap :
« L'équipe pédagogique (enseignants, enseignants spécialisés), les professionnels libéraux, les
AESH » (répondant 135). De plus, 29 enseignants déclarent s’appuyer principalement sur des
234
ressources qu’ils ont conçues ou que leur équipe a conçues : « Aucunes ressources
institutionnelles ou éditées ne sont réellement adaptées aux élèves d'ULIS. Je bidouille, cherche,
refait, refond... » (répondant 157) ; et 29 autres sur des outils et méthodes pédagogiques : « Picto,
timer, économie de jetons, makaton , classeur pecs pour autisme » (répondant 539).
A la marge, il est intéressant de relever que 12 enseignants précisent s’appuyer sur leur
formation pour inclure les ESH et à BEP. Parmi eux, trois sont titulaires d’un CAPPEI, cinq sont
professeurs des écoles titulaires et quatre sont professeurs des écoles chargés de direction.
Parmi les neuf enseignants non titulaires du CAPPEI, cinq déclarent se former de leur propre
initiative, par leurs propres moyens
A la question ouverte « Quelles sont les ressources qui vous manquent ? », nous recueillons un
taux de participation de 44,5 %. La catégorisation des discours donne lieu à la distribution de
types de ressources présentée dans la figure 37 ci-dessous.
Nous observons que parmi les ressources qui manquent le plus aux enseignants, il apparaît
premièrement que, 139 répondants déclarent manquer de formation institutionnelle. Parmi eux,
14 précisent avoir besoin de plus de connaissances sur les BEP, neuf de formation en présentiel,
cinq d’analyse de situations concrètes et cinq d’échanges de vécu et de pratiques : « formation
initiale et continue, explicative sur les pathologies et la façon d'aborder ces élèves selon leurs
besoins spécifiques » (répondant 261) ; « Formation présentielle avec échanges avec des
professionnels qui vivent ou ont vécu des situations d'inclusion concluantes » (répondant 36) ;
[…]. De la formation avec des analyses de cas concrets en situation dans la classe…la
théorie peut aider momentanément mais chaque élève étant différent, une vraie aide de
terrain serait très appréciée...parce que les conseils "bateau" non réalisables sont légions
(installer un tipi dans la classe de CP pour l'élève autiste !?! qui paie le tipi ? la prof encore
235
? et surtout...où le mettre ???? ils sont 27 élèves et il n'y a déjà plus de coin regroupement
parce que pas assez de place) (répondant 42).
Deuxièmement, nous relevons que 58 enseignants expriment manquer de matériel et d’outils
pédagogiques pour inclure les ESH : « Des ressources adaptées à la remédiation des difficultés
scolaires. Une méthode de lecture qui serait adaptée aux élèves plus âgés avec des textes moins
infantilisants ("bébé"). Des aides, fichiers pour les élèves autistes » (répondant 145) ; « On n'a
rien de fourni, du support image au logiciel. Donc maintenant je dirais du matériel informatique
adéquat afin de pouvoir laisser des élèves en autonomie mais avec de l'interactivité afin de
pouvoir m'occuper des autres » (répondant 655).
Troisièmement, une ressource manquante citée par 43 enseignants correspond aux échanges
avec leurs collègues, les professionnels et les partenaires. En effet, parmi ces enseignants, 15
précisent souhaiter échanger davantage avec les professionnels qui exercent dans le champ du
handicap : « un réseau de proximité avec différents partenaires psy, rééducateurs, enseignants,
médecins qui réfléchiraient ensemble pour faire évoluer nos connaissances et nos pratiques »
(répondant 68) ;
Des outils clefs en main réalisés en collaboration avec les professionnels en chargent d'un
enfant souffrant de handicap. Je regrette le manque de lien avec les orthophonistes,
psychométricienne etc. En tant qu'enseignante, je guide les familles vers des
professionnels en espérant avoir des ressources, des outils, des aides. Or à chaque fois,
les conseils en fin de bilan sont déjà ce que je fais en classe ou demande une adaptation
trop importante pour moi. Nous devons adapter nos classes pour nos élèves souffrant de
handicap, mais nous devons aussi continuer à gérer tous les autres. Pour réellement
adapter davantage et proposer un enseignement comme il se doit, une seule enseignante
n'est pas suffisante... (répondant 119).
Enfin, 11 enseignants souhaiteraient pouvoir échanger avec leurs pairs : « Echanges avec des
pairs qui vivent les mêmes situations » (répondant 365) ; « Un réseau d'enseignants spécialisés
pour évoquer des situations complexes et envisager des solutions avec un regard pluriel. Des
temps d'échanges entre professionnels pour ne pas travailler que dans l'urgence »
(répondant 618).
Pour chaque thème du questionnaire, nous présentons les principaux résultats et proposons une
analyse au regard du cadre théorique à partir du modèle d’analyse construit dans le chapitre 10.
a) Perception des enseignants dans l’idéal et dans la réalité de l’inclusion scolaire des
ESH
L’ensemble des résultats à cette question montre que, dans l’idéal, les enseignants sont
globalement d’accord avec les principes de l’inclusion scolaire mais que la réalité de leur
pratique de terrain diffère et qu’il existe des écarts entre le prescrit et le réel. Toutefois, les
données ne nous permettent pas d’affirmer le type de rapport que les enseignants entretiennent
236
à l’inclusion scolaire. Nous pouvons simplement supposer qu’ils entretiennent un certain
rapport institutionnel à la définition de l’inclusion scolaire compte tenu du nombre de réponses
« plutôt d’accord » et « tout à fait d’accord » aux propositions de réponses à propos de la
définition de l’inclusion scolaire. Leur perception de l’inclusion scolaire dans la réalité de terrain,
semble faire, en revanche, davantage appel à leur rapport personnel et leurs expériences de
terrain.
b) Vécu et limites de l’inclusion scolaire des ESH
L’analyse thématique des données recueillies quant à la nature du discours des enseignants à
propos de leur vécu de l’inclusion scolaire dans la pratique de classe, précise la perception
négative d’une majorité des enseignants interrogés. En effet, notre catégorisation des réponses
à la question ouverte, en échelle (degrés) de vécus, laisse apparaître des expériences difficiles,
plutôt difficiles et très difficiles, témoignant d’une prédominance d’un vécu négatif de l’inclusion
scolaire dans les pratiques en classe des enseignants interrogés.
Ces résultats contribuent également à alimenter l’idée que les rapports personnels dominent les
rapports institutionnels quant au vécu de l’inclusion scolaire. De plus, dans le détail de leurs
discours, les enseignants précisent la nature de leur vécu, notamment en ce qui concerne les
conditions et contraintes qui pèsent sur l’inclusion scolaire des ESH. A propos plus
particulièrement des ESH, objet privilégié de la thèse, nous constatons que la différenciation et
les adaptations pédagogiques font parties des conditions favorables et essentielles à l’inclusion
scolaire de ces élèves, tout comme lorsqu’il y a les moyens humains suffisants. Néanmoins, le
type de handicap de l’élève et/ou les problématiques associées représentent majoritairement
une condition qui freine l’inclusion scolaire des ESH. Aussi, le manque de moyens humains, le
manque de formation et les effectifs importants d’élèves par classe ne favorisent pas l’inclusion
scolaire des ESH et nécessite beaucoup de travail supplémentaire selon une majorité
d‘enseignants interrogés.
D’ailleurs, il est également important de noter que la majorité des répondants déclarent avoir
déjà vécu des limites à l’inclusion scolaire des ESH. L’analyse thématique des réponses aux
questions ouvertes fait ainsi apparaître des contraintes similaires à celles évoquées
précédemment, ajoutant les locaux inadaptés à la mise en œuvre de l’inclusion scolaire de
certains élèves. Les temps d’inclusion scolaire en milieu ordinaire inadaptés aux besoins de
l’élève ou encore le manque de place en milieu spécialisé sont aussi cités par les enseignants
comme des contraintes.
Par ailleurs, l’analyse des discours laisse également apparaître que si certains enseignants
expriment se sentir délaissés et démunis ou parlent de stress et de fatigue, d’autres, au contraire,
déclarent vivre l’inclusion comme un challenge, un défi, une réflexion sur leur pratique
professionnelle. Une minorité d’enseignants considèrent faire du « bricolage ».
237
évident que leur participation spontanée à l’enquête est au moins en partie déterminée par leur
connaissance voire leur expérience du sujet.
Les différentes dimensions que nous avons repérées dans leurs discours, quant à la nature et le,
degré de leur vécu, ainsi que quant aux conditions qu’ils identifient comme essentielles et les
contraintes relatives à l’inclusion scolaire, ainsi qu’à quelques éléments de leurs ressentis, nous
permettent de dire que l’inclusion scolaire des ESH est bien l’une des pratiques inclusives au
cœur de la pratique des enseignants de notre échantillon. Il a été difficile, outre les déclarations
de connaissance des textes législatifs et des ressources relevant de l’éducation nationale, de ne
pas arriver au constat d’une prédominance de rapports personnels sur les rapports
institutionnels qui n’apparaissent pas clairement dans les discours. Nous pouvons en dire de
même quant aux éléments de discours des enseignants à propos des limites de l’inclusion
scolaire. En effet, face à ces situations dans lesquelles dominent l’expérience personnelle des
enseignants, il semble que l’institution Éducation nationale peine à mettre en œuvre des
conditions d’accueil et des ressources pour les équipes pédagogiques favorables pour l’inclusion
des ESH et des EBEP plus généralement. Or, comment les enseignants peuvent-ils se construire
un rapport institutionnel idoine, entendu comme un rapport partagé professionnellement et ne
mettant en difficulté aucun des acteurs de la situation, capable de donner des ressources
suffisantes à l’enseignant pour qu’ils puissent assumer sereinement l’inclusion des ESH, si
l’institution ne met pas à leur disposition les ressources nécessaires pour l’accueil de ces élèves
? Il nous semble que cela questionne la place que l’institution accorde à l’inclusion scolaire et à
la formation des enseignants. Il n’en est pas moins qu’il faut souligner la complexité de la tâche
de l’identification des savoirs, et plus généralement les praxéologies, nécessaires et utiles à
enseigner aux enseignants en formation initiale et continue, ainsi qu’à tous les personnels
impliqués dans l’accueil de ces élèves en milieu scolaire ordinaire. Cette question met en lumière
toute l’importance d’un travail d’analyse des phénomènes transpositifs (existants, mais aussi
absents, ou fragiles) afin de mettre en lumière l’absence de savoir de référence (ou la difficulté
d’en repérer) pour les enseignants aux prises avec des situations concrètes d’inclusion, les
conditions mises à leur disposition, les contraintes qui subsistent. Ce sont ce type de
questionnements qui plaident pour le renforcement des études et des recherches en référence
aux travaux en didactique et plus précisément sur les conditions de la diffusion des
connaissances et des praxéologies utiles à la mise en œuvre de l’école inclusive.
C’est bien en ce sens que nous avons engagé l’étude plus approfondie des moyens que les
enseignants déclarent avoir à leur disposition pour inclure les ESH et plus largement les EBEP
en classe ordinaire.
238
disposition le plus de moyens nécessaires jusqu’à ceux pour lesquels ils se sentent les plus
démunis.
Dans un premier temps en analysant ce tableau, nous pouvons dire que pour 8 types de profils
d’EBEP, les enseignants déclarent majoritairement avoir une perception positive des moyens à
disposition pour l’inclusion de ces élèves. C’est le cas des élèves malades qui bénéficient d’un PAI
(89,3 %), les élèves en situation sociale (81,7 %) ou familiale difficile (81 %), des élèves avec un
trouble dys (75,2 %), des élèves en grande difficultés d’apprentissage (74,6 %) des élèves
intellectuellement précoce/à haut potentiel (65,2 %), des élèves issus du voyage (60 %) ainsi
que des élèves allophones arrivés en France depuis plus d’un an (59,6 %).
A l’inverse, les enseignants déclarent majoritairement avoir une perception négative des moyens
pour l’inclusion scolaire des ESH sensoriel (51,2 %), mental (53,5 %), des élèves qui présentent
des troubles du comportement (59,2 %) ainsi que des élèves avec des troubles autistiques
(51,6 %). Concernant les ESH physique ainsi que les élèves allophones nouvellement arrivés en
France, nous constatons que les enseignants sont partagés de manière quasi-équivalente entre
une perception positive et négative des moyens à disposition pour inclure ces élèves.
Les réponses aux questions ouvertes donnent à chaque fois à voir des éléments de
compréhension de situations tantôt particulières tantôt partagées. L’analyse des discours fait
ainsi apparaître des contraintes que les enseignants expriment, qu’ils considèrent ou non avoir
les moyens nécessaires d’inclure les élèves. Ainsi, la première contrainte qui pèse sur l’inclusion
scolaire des élèves concerne le manque de formation. Dans la mesure où ce résultat rejoint le
questionnement au cœur de la thèse, nous proposons dans le tableau 19 ci-dessous, une
synthèse du nombre de réponses « manque de formation », catégorisées dans le discours des
enseignants pour chaque type de profil d’ESH ou à BEP, afin de repérer les profils pour lesquels
les enseignants déclarent le plus manquer de formation :
239
En situation de handicap sensoriel (visuel/auditif) 201
En situation de handicap mental 199
Avec des troubles autistiques 194
Avec des troubles dys 140
Intellectuellement précoce/à haut potentiel 124
Avec des problèmes/troubles du comportement 114
Allophone (nouvellement arrivé en France) 92
En situation de handicap physique 64
En grande difficulté d'apprentissage 39
Allophone (en France depuis plus d'un an) 36
Malade qui bénéficie d’un PAI 29
En situation familiale difficile 16
Issu du voyage 16
En situation sociale difficile 9
Tableau 19 - Synthèse des résultats « manque de formation » selon le type de profil de handicap et de BEP
Il apparaît ainsi que les enseignants déclarent majoritairement manquer de formation pour
accueillir les élèves en situation de handicap sensoriel (n = 201), mental (n = 199) et ceux qui
présentent des troubles autistiques (n = 194).
Ces résultats nous permettent de dire que les types de profils d’élèves pour lesquels les
enseignants déclarent ne pas être formés correspondent à des élèves en situation de handicap
ou à BEP pouvant faire l’objet d’une reconnaissance institutionnelle du handicap, en référence à
la loi de 2005 qui, rappelons-le, définit le handicap comme une altération substantielle, durable
ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou
psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. Selon le Comité national
Coordination Action Handicap, les troubles autistiques et les troubles dys peuvent constituer un
handicap cognitif.
240
Nous constatons que les enseignants précisent davantage leur discours en donnant des
exemples concrets, notamment lorsqu’ils sont confrontés à des difficultés avec l’inclusion
scolaire d’un des EBEP abordé. Dans ce cas, l’intelligibilité des discours est renforcée, nous
permettant de repérer un certain nombre de conditions et de contraintes pouvant impacter
l’inclusion scolaire.
Toutefois, nous pouvons supposer que les enseignants entretiennent un rapport personnel à
l’inclusion construit majoritairement à partir de leur expérience professionnelle puisque
certains éléments de discours pointent l’absence de réponses de l’institution pouvant servir de
référence, en particulier derrière le manque de formation, d’aide humaine, de matériel
pédagogique ou encore de locaux adaptés. Aussi, le fait que les enseignants fassent part de
situations singulières vécues en classe qui ne semblent pas s’inscrire dans un partage avec
d’autres enseignants, renforce notre idée qu’il existe une prédominance de rapports personnels
à l’inclusion, ne leur permettant pas de développer des rapports institutionnels à ce dernier à
partir du partage et de la discussion de leurs pratiques.
Les données recueillies sur cette thématique nous permettent de constater que près de la moitié
des enseignants déclarent globalement qu’il n’est pas difficile de s’informer sur l’évolution
législative relative à l’inclusion scolaire, tandis que les autres expriment que c’est difficile de s’en
informer (voire déclarent ne pas s’informer du tout). Nous retrouvons cette même tendance
concernant plus particulièrement les trois lois relatives à l’école inclusive, où plus de la moitié
des enseignants, déclare pour chaque loi qu’il n’est pas difficile de s’informer.
En somme, si pour la majorité des enseignants il n’apparaît pas difficile de s’informer sur
l’évolution législative et sur les trois lois indiquées, il n’en est pas moins que pour chacune de
ces lois, le degré de connaissance déclaré par les enseignants est significativement représenté
par les positionnements médians « plutôt pas connue » et « plutôt bien connue ». Ces éléments
nous laissent supposer qu’il existe un écart entre le fait que les enseignants déclarent savoir où
aller chercher l’information à propos des lois et leur faible degré de connaissance de ces
dernières. Cela justifierait-il le fait que l’institution ne véhicule pas d’information relative à
l’évolution du cadre législatif en matière d’école inclusive (et donc de référence à des rapports
institutionnels possibles) ? D’autant plus que les deux dernières lois sont celles que les
enseignants déclarent le moins connaître. Ce faible degré de connaissance du cadre législatif
relatif à l’inclusion scolaire des ESH de la part des enseignants a-t-il un impact sur leur
perception de l’inclusion scolaire et l’utilisation des ressources ? Ou encore, peut-il avoir un lien
avec le fait que les enseignants interrogés ont une ancienneté élevée dans le métier et que le
cadre législatif en vigueur au moment de leur formation initiale correspondait au principe
d’intégration ?
En lien avec notre questionnement sur la diffusion des connaissances dans la société, les
réponses à la question du degré de connaissances des lois témoignent d’une relativement faible
réception des lois, ce qui peut contribuer à maintenir à un niveau également faible les rapports
241
institutionnels à l’école inclusive. Nous pouvons nous interroger de savoir s’ils en saisissent
l’intérêt. Approfondir cette question nous permettrait de mieux comprendre la nature des
transpositions institutionnelles et didactiques réalisées au sein de notre système éducatif et
ainsi de contribuer au repérage des savoirs utiles pour la mise en œuvre de l’école inclusive.
Pourtant, l’intérêt pour les enseignants de connaître les lois est de pouvoir prendre en compte
le principe de l’inclusion scolaire véhiculé par les politiques publiques et participer à sa diffusion
au sein de la société. D’un point de vue opérationnel, les circulaires de rentrée signées et publiées
chaque année par le ministre en charge de l'éducation nationale décrivent les priorités et les
nouveautés qui entrent en vigueur à partir de septembre. Il s’agit de textes administratifs qui
visent notamment à informer les différents services du ministère de l’Éducation nationale des
nouveautés législatives et leur mise en application. Une fois publiées, les circulaires produisent
alors leurs effets auprès des personnes concernées qui ne peuvent l'ignorer. En ce sens,
l’inclusion scolaire est imposée aux enseignants qui ne peuvent s’en exonérer. Pouvons-nous
ainsi dire que même si les enseignants déclarent un faible degré de connaissance des lois,
l’institution les informe, à travers des textes réglementaires, de leur application et que de ce fait,
les enseignants ont nécessairement un rapport institutionnel au cadre législatif ?
L’ensemble des résultats met en évidence que si majoritairement, les enseignants déclarent être
ou avoir été en contact plus ou moins fréquemment avec les différents types de profil d’EBEP
dans leur vie tant personnelle que professionnelle, certains ne l’ont jamais été. Ainsi, du point de
vue de l’expérience réelle de terrain les rapports institutionnels peinent à s’alimenter d’un
retour d’expérience plus généralisé et partant de là discuté entre pairs, ce qui peut être vecteur
de rapports personnels prédominants.
Concernant le nombre d’élèves reconnus institutionnellement en situation de handicap (par la
MDPH), déclaré par les enseignants, il apparaît qu’en 2020-2021, il existe un écart relatif entre
la prescription qui correspond à la notification MDPH et la réalité de sa mise en œuvre en classe.
Nous n’avons pas posé ici une question ouverte aux enseignants, qui aurait pu les amenerà
préciser notamment ce qui conditionne la mise en œuvre réelle sur le terrain des notifications
de la MDPH. Dans les prolongements de notre recherche, il serait intéressant de savoir quels
sont les types d’aides prescrits par la MDPH pour l’inclusion de ces élèves, ceux qui ne sont pas
appliqués en réalité sur le terrain et les conditions qui freinent ou au contraire pourraient
encourager leur mise en œuvre.
« Pas du tout satifsait » correspond au trois quart des réponses à la question cherchant à
connaître le degré de satisfaction des enseignants à propos de leur formation initiale relative
aux différents types de profils d’élèves. Dans les discours, quelques enseignants appuient le fait
ne pas avoir eu de formation initiale sur le handicap et les BEP ou encore que leur formation
initiale est trop lointaine et que le principe de l’inclusion n’était pas encore d’actualité.
Concernant la formation continue institutionnelle relative à l’inclusion scolaire des EBEP, nous
constatons également que la majorité des enseignants déclare ne pas en être satisfaits. De plus,
242
l’analyse des discours renforce les résultats de l’analyse statistique puisque près de la moitié des
répondants insistent dans leurs discours ne pas avoir eu de formation continue institutionnelle
relative à l’inclusion des ESH et à BEP. Quelque uns expriment s’auto-former pour pallier ce
manque.
Enfin, à la question « je me suis formé pour accueillir des ESH », les résutats mettent en exergue
très significativement que les enseignants déclarent être plutôt et tout à fait d’accord pour dire
qu’ils se sont formés de leur propre initiative et, de plus, par leurs propres moyens.
Ainsi il apparaît que, globalement, les enseignants ne se sentent pas formés à l’accueil des ESH
et à BEP. Afin d’y remédier, certains se forment de leur propre initiative et par leurs propres
moyens.Il apparaît que le manque de formation, à la fois initiale et continue, encourage les
rapports personnels des enseignants au sujet de l’inclusion scolaire des ESH et à BEP. En effet,
ici encore, l’institution Éducation nationale ne semble pas véhiculer de rapports institutionnels
en proposant d’aborder le thème de l’école inclusive en formation initiale et continue de manière
régulière.
Pour l’ensemble des résultats concernant l’utilisation des ressources (quelles émanent de
l’éducation nationale ou non, quel qu’en soit le type ou format, matérielles, numériques mais
aussi humaines), nous relevons que le questionnaire n’a pas incité les participants à préciser la
manière dont ils se servent de (ou s’appuient sur) ces trois types de ressources, ce qui
nécessiterait des études plus approfondies.
b) Conception et exemples de ressources pour l’inclusion scolaire des ESH
Au sujet de l’élaboration de ressources pour l’inclusion scolaire des ESH, les résultats font
apparaître que la majorité des répondants déclarent le faire très souvent seul ou avec l’équipe
enseignante de l’école. Cela nous laisser supposer que plus les enseignants élaborent seuls des
ressources, plus les rapports à ces dernières sont personnels. Ceci étant, si les enseignants
partagent ensuite leurs expériences et ressources (par exemple sur Internet), elles pourraient
faire émerger des praxéologies partagées auprès d’autres enseignants. En revanche, pour les
enseignants qui élaborent des ressources avec leur équipe, ce type de pratique favoriserait le
partage, la discussion, voire une coélaboration de ressources entre pairs et pourrait, s’il était
plus développé, institutionnaliser un certain nombre de rapports et partant de là encourager
leur diffusion et leur partage au-delà du contexte local.
De plus, les différences de fréquences de collaboration, notamment avec les professionnels
extérieurs à l’Éducation nationale, nous invitent à questionner les conditions qui favorisent ou
qui pèsent sur cette collaboration. Les données recueillies ne nous permettent pas de pousser
plus avant notre analyse.
La catégorisation des résultats obtenus à la question ouverte qui demande aux enseignants un
exemple de ressources qu’ils ont conçu n’a pas été facile en ce que nous ne savons pas toujours
à quel titre exactement fait référence l’exemple partagé. La conception de supports adaptés
apparait majoritairement dans les discours. Cependant, la sous-catégorisation permettant de
préciser le type de support adapté montre qu’il peut s’agir de supports très différents tels que
des pictogrammes, des jeux ou encore des emploi du temps visuels et individualisés. Cette
hétérogénéité de ressources nous laisse penser que les enseignants élaborent des ressources et
244
les adaptent selon la singularité et la complexité des situations. En ce sens, une ressource
conçues peut fonctionner pour un élève mais pas pour un autre. Les rapports restent alors
personnels et peinent à s’institutionnaliser du fait de la diversité des situations et
vraisemblablement d’un manque de partage. Notons également que les exemples donnés
concernent le plus souvent des ressources au titre d’adaptation matérielles, alors que l’on aurait
pu penser également à la description et l’explication de gestes professionnels dont le récit peut
se constituer en ressources (au titre également d’exemple ou d’étude de cas).
c) Les ressources sur lesquelles les enseignants s’appuient le plus et celles qui
manquent
A propos des ressources sur lesquelles les enseignants déclarent le plus s’appuyer, il semble
qu’elles peuvent effectivement conditionner l’inclusion scolaire des ESH qu’ils accueillent en
classe ordinaire. Encore une fois, la multitude de ressources énoncées par les enseignants, nous
laisse apercevoir une hétérogénéité dans les pratiques. D’ailleurs, bien qu’internet apparaisse
comme la ressource la plus citée, la sous-catégorisation pour préciser ce que les enseignants
entendent par internet, met là aussi en évidence six types de ressources internet différents tels
que les sites spécialisés ou encore Eduscol, avec une coexistance de ressources de types
« institutionnel » et « expérience personnelle ».
Quant aux ressources manquantes, elles témoignent à l’évidence de contraintes pour l’inclusion
scolaire des ESH. A nouveau, le manque de formation apparait dans le discours d’une majorité
de répondants.
L’ensemble de ces résultats nous conduit ici encore à faire le constat d’un rapport personnel
dominant, là où les pratiques mériteraient et gagneraient d’être davantage partagées et
institutionnalisées afin d’enrichir les savoirs de référence (on pourrait parler de « ressources de
référence ») pour la formation et la mise en œuvre de l’inclusion scolaire des ESH.
245
Chapitre 14 - Discussion, limites et perspectives
Dans ce dernier chapitre, nous proposons une synthèse et une discussion de l’ensemble des
résultats obtenus afin de nourrir nos questions de recherche et vérifier nos deux hypothèses de
travail, puis, nous abordons les limites de nos dispositifs méthodologiques ainsi que les
perspectives de la recherche postdoctorale.
Cette section a pour objectif d’apporter des éléments de vérification à nos hypothèses de travail
à travers une synthèse des résultats que nous discutons à partir de quelques éléments de la
revue de la littérature scientifique.
Avant de poursuivre, rappelons simplement que la première hypothèse part du constat qu’il
existe une difficulté dans la diffusion et la circulation des praxéologies inclusives pour les ESH.
Dans la mise en œuvre de praxéologies pour l’inclusion scolaire des ESH, les rapports personnels
des acteurs prédominent et peinent à se diffuser, ne permettant pas de créer une dynamique
inclusive et ainsi une offre de formation adaptée aux besoins du terrain. La deuxième hypothèse
questionne la mobilisation et la circulation des ressources pour l’école inclusive. Là encore, la
prédominance de rapports personnels aux ressources entrainerait inévitablement une
mobilisation hétérogène des ressources de la part des différents acteurs de l’école inclusive pour
s’adapter aux situations et aux contextes.
Dans les trois dispositifs d’enquête, nous avons questionné les professionnels interrogés au sujet
de leur perception et de leur vécu de l’inclusion scolaire.
L’analyse du discours des formateurs au sujet de leur perception de l’inclusion scolaire des ESH
nous a permis de constater que leur rapport à l’inclusion est bien établi en ce que, de la même
manière qu’Ebersold (2009) défend une vision beaucoup plus large de l’inclusion, au déjà du
champ du handicap, ils considèrent que la notion d’inclusion scolaire ne concerne pas
uniquement les ESH, mais plus largement, les EBEP. En ce sens, nous pouvons dire que leur
perception à l’inclusion scolaire est récente en ce qu’elle correspond aux politiques publiques en
vigueur. Cela nous permet ainsi de supposer qu’ils entretiennent un certain rapport
institutionnel à cet objet. Dans leur perception d’un idéal de l’inclusion scolaire, les enseignants
interrogés rejoignent la vision des formateurs en déclarant être majoritairement d’accord pour
dire que l’inclusion scolaire c’est favoriser la réussite des élèves (Ebersold, 2009) mais
également adapter l’école aux possibilités de l’élève (Garel, 2010). Toutefois, ils déclarent un
faible degré de connaissance quant au cadre législatif relatif à l’inclusion scolaire. De ce fait,
l’écart entre leur perception de l’inclusion dans l’idéal, en accord avec les politiques publiques
actuelles et leur faible degré de connaissance nous laisse penser que l’institution leur énonce
peut-être les principes de l’inclusion scolaire sans aborder le cadre législatif correspondant,
renforçant ainsi les rapports personnels.
246
Néanmoins, la perception des enseignants à propos de l’inclusion scolaire dans la réalité de la
pratique de terrain ne s’accorde plus à celle déclarée « dans l’idéal ». En effet, il semble exister
un écart important entre ce qui est prescrit et réel. Cette comparaison entre la perception de
l’inclusion scolaire des enseignants dans l’idéal et dans la réalité, nous permet de constater que,
dans leur pratique de terrain, les enseignants relatent plutôt une vision intégrative de la
scolarisation des ESH. En effet, pour une majorité d’enseignants, l’inclusion scolaire correspond
davantage, à une obligation légale et permet aux ESH d’être scolarisés en milieu ordinaire au
sens de Garel (2010) et Bruchon (2014). Ce qui signifie que l’élève doit se conformer et s’adapter
aux normes de l’école. L’écart entre la perception de l’inclusion scolaire dans l’idéal et dans la
réalité de terrain, nous permet de dire que la seconde, fait davantage appel à leur rapport
personnel et leurs expériences de terrain. Aussi, l’analyse des déclarations des professionnels de
CMPP au sujet de la définition de l’inclusion scolaire fait référence à une vision plutôt intégrative.
Ils précisent cependant que l’inclusion scolaire nécessite une adaptation de la scolarisation avec
la mise en place de moyens de compensation et d’un travail partenarial. De cette façon, ils
rejoignent la définition de l’inclusion scolaire proposée par Garel (2010) selon laquelle l’école
doit s’adapter aux possibilités de l’élève et non plus l’inverse. Cependant, l’hétérogénéité des
perceptions nous laisse supposer que l’institution ne véhicule pas de rapport institutionnel,
laissant ainsi prédominer les rapports personnels. D’ailleurs, comme pour les enseignants, le
faible degré de connaissance déclaré par les professionnels de CMPP au sujet des prescriptions
législatives relatives à l’inclusion scolaire des enseignants renforce l’idée que l’institution ne
transmet pas (ou du moins très peu) de rapport institutionnel.
Au sujet du vécu de l’inclusion scolaire, certains formateurs déclarent une expérience récente,
d’autres, une expérience plus faible, correspondant davantage à la période où le principe
d’intégration était toujours d’actualité. Concernant les enseignants, bien qu’ils déclarent
majoritairement avoir été en contact plus ou moins fréquemment avec les différents types de
profil d’ESH et d’EBEP dans leur vie tant personnelle que professionnelle, l’analyse des discours
met en évidence qu’une majorité d’enseignants ont une perception négative de l’inclusion
scolaire dans la pratique de classe. Ces résultats ne rejoignent donc pas les propos de Garnier
(2012) qui exprimait que les enseignants qui ont déjà connu une expérience de travail avec un
ESH sont plus favorables que les autres à l’inclusion. En tous cas, le fait qu’un enseignant ait été
en contact avec différents types de profils d’ESH et d’EBEP, ne signifie pas forcément que sa
perception à l’inclusion scolaire est positive. Ces différents éléments contribuent à alimenter
l’idée que les rapports personnels dominent les rapports institutionnels quant au vécu de
l’inclusion scolaire.
L’analyse du discours des formateurs d’INSPE au sujet de leur perception relative à l’élaboration
des programmes de formation initiale des enseignants, met en évidence qu’il existe un cadrage
national, ministériel, mais que chaque INSPE restent relativement indépendants et autonomes
dans l’interprétation de ce cahier des charges établi par l’État. Ce fonctionnement correspond
encore à celui des ESPE qui s’appuyait sur le référentiel métier de l’État, tout en respectant
247
l’autonomie des établissements. Cela apparait normal puisqu’au moment de l’enquête, la mise
en œuvre des INSPE débutait à peine.
De plus, le manque de consensus repéré dans le discours des différents formateurs au sujet de
l’élaboration des programmes de formation nous laisse supposer que davantage de place est
laissée à leur rapports personnels, voire aux rapports institutionnels, mais dans ces cas
constitués localement au niveau de chaque INSPE, en l’absence de rapports institutionnels
définis et partagés au niveau national. Ainsi, pouvons-nous penser, du point de vue de la TTD,
que la transposition didactique du cahier des charges national s’effectue en interne au sein de
chaque INSPE et ainsi, que les conditions et les contraintes qui pèsent sur la diffusion des
connaissances sont hétérogènes et dépendent des contextes de chaque INSPE ? En quoi, dans le
cadre de la mise en place des INSPE, dont l’objectif premier est d’homogénéiser la formation des
enseignants, les phénomènes transpositifs vont-ils être impactés ? Quels savoirs de référence
vont-être sélectionnés pour répondre au référentiel métier ?
Concernant la place accordée aux enseignements relatifs à l’école inclusive dans la formation
initiale des enseignants, les formateurs pointent de manière unanime l’insuffisance du nombre
d’heure de cours dédié, au profit des enseignements disciplinaires, d’une dizaine à une vingtaine
d’heure. Si pour certains formateurs, l’inclusion scolaire est une question qui doit être abordée
de manière transversale dans les enseignements disciplinaires notamment par la différenciation
pédagogique, certains formateurs précisent que les heures d’enseignements relatives à l’école
inclusive peuvent prendre la forme d’une simple introduction générale ou d’une option,
conduisant ainsi certains étudiants à ne jamais aborder la question de l’école inclusive durant
leur master MEEF premier degré ; ce qui corrobore les propos soutenus par Ménager-
Wawrzynowicz en 2016. De plus, ces éléments rejoignent l’affirmation de Savournin et al. (2020)
selon laquelle la prédominance des apports disciplinaires dans la formation des enseignants ne
permet pas aux étudiants de s’approprier les enjeux de l’école inclusive. D’ailleurs, les
formateurs d’INSPE relèvent qu’il est difficile de faire évoluer la perception des futurs
enseignants au handicap, ce qui pourrait s’expliquer en partie par le manque d’heures
d’enseignement à ce sujet. De manière générale, les trois quarts des enseignants interrogés
déclarent ne pas du tout être satisfaits de leur formation initiale au sujet de l’inclusion scolaire
des différents types de profils d’ESH et à BEP, alors même qu’ils y sont inévitablement confrontés
dans leur classe (Ebersold et Détraux, 2013). Ainsi, même s’il existe une hétérogénéité entre les
INSPE en matière d’enseignements relatifs à l’école inclusive, nous pouvons dire que ces
derniers restent globalement insuffisants pour préparer les futurs enseignants à l’ampleur et
aux enjeux de ce phénomène. Dès lors, nous pouvons aujourd’hui nous questionner sur la mise
en œuvre, dans les INSPE, des 25 heures de formation obligatoires relatives à l’inclusion scolaire.
Quelles vont-être les praxéologies et les ressources retenues pour servir de référence dans les
rapports institutionnels attendus au sujet de l’inclusion scolaire ?
A propos de la mise en œuvre de ces enseignements, les formateurs déclarent au moins en partie
utiliser les mêmes types de ressources. Bien que les ressources institutionnelles et
réglementaires, les dispositifs relatifs à l’inclusion scolaire des ESH et les supports de cours,
mobilisent peu d’attention de la part des formateurs, nous constatons que le type de ressource
correspondant aux études de cas, amène les formateurs à s’impliquer davantage dans leur
248
élaboration et à s’inscrire dans des échanges avec les étudiants afin d’apporter des éléments de
réflexion à partir d’une situation concrète. Ces moments de discussion sont certainement un
moyen d’opérer la dynamique inclusive entre individuel et collectif. D’où l’importance de
prendre en compte les situations réellement vécues, et de permettre aux étudiants de
développer leur capacité d’analyser les praxéologies mobilisées. Cela questionne inévitablement
les phénomènes de transposition didactique à travers l’identification et l’évaluation des
pratiques de référence au niveau de la société et l’adaptation des contenus de la formation au fil
des évolutions sociétales.
Enfin, les données ne nous permettent pas d’établir s’il existe des partages entre formateurs à
propos des ressources en général ce qui laisse une impression d’expériences personnelles
propice au développement de praxéologies hétérogènes et de rapports personnels. En même
temps, la possibilité d’une utilisation non homogène de ressources pour dispenser les
enseignements relatifs à l’école inclusive peut être une condition favorable pour les formateurs,
libres de choisir les modalités pédagogiques qui leur conviennent le mieux. Or, cela induit qu’en
fin de formation initiale, les futurs enseignants débutent leur activité professionnelle, outillés de
manière hétérogène pour accueillir et accompagner les ESH. De plus, la possibilité
d’institutionnaliser les rapports s’amoindrie autant que la possibilité d’identifier des savoirs
(ressources) de référence pour enseigner l’école inclusive.
L’ensemble des données analysées nous a permis d’identifier un certain nombre de conditions
et de contraintes qui pèsent sur la diffusion des connaissances et des praxéologies pour
l’inclusion scolaire des ESH sur le terrain.
En lien avec la sous-section précédente qui nous permet désormais de dire que la formation
initiale des enseignants à l’inclusion scolaire est hétérogène et insuffisante, nous relevons que
dans la mise en œuvre concrète de cette inclusion scolaire sur le terrain, le manque de formation
constitue une contrainte majeure pour tous les acteurs interrogés. D’ailleurs, ce constat rejoint
les propos de Ménager-Wawrzynowicz (2016), Reverdy (2019) ou encore Suau (2020) qui
pointent le fait que les enseignants se déclarent non préparés et démunis face au handicap et à
la très forte hétérogénéité des besoins des élèves qu’ils ont au quotidien dans leur classe.
En outre, les enseignants expriment de manière générale un manque de matériel et d’outils
pédagogiques adaptés, un manque d’aide humaine formée et adaptée aux besoins des élèves
ainsi que des effectifs de classe trop importants. Cela rejoint les propos de Katz et al. (2021)
selon lesquels les moyens prévus officiellement par les politiques publiques sont difficilement
mobilisables sur le terrain compte tenu notamment d’un manque de personnel à disposition.
Certains formateurs d’INSPE et enseignants ajoutent enfin que selon le handicap et/ou les
troubles, l’inclusion scolaire peut être difficile à assurer.
Du point de vue des conditions qui favorisent l’inclusion scolaire, les enseignants verbalisent
réaliser des aménagements et faire de la différenciation pédagogique. La collaboration avec des
personnes ressources (famille, RASED, psychologue de l’éducation nationale, équipe
pédagogique, professionnels extérieurs…) apparaît aussi comme une condition essentielle et
249
nécessaire à l’inclusion scolaire de ces élèves, pour les enseignants et pour les professionnels de
CMPP.
Ces éléments d’analyse nous permettent de mettre en lumière que les conditions nécessaires à
la mise en œuvre de l’école inclusive sont importantes et complexes au regard de l’hétérogénéité
des profils. Il en ressort des contraintes importantes, partagées par les différents profils
professionnels, qui pèsent sur la mise en œuvre de l’inclusion scolaire des ESH sur le terrain.
Du point de vue des enseignants, nous constatons qu’ils mobilisent majoritairement peu les
ressources institutionnelles pour favoriser l’inclusion scolaire des ESH. Seuls les sites internet
spécialisés, Éduscol et la documentation pédagogique apparaissent comme les ressources
institutionnelles les plus souvent utilisées par les enseignants. De la même manière, concernant
les ressources de type numérique/réseaux sociaux, plus de la moitié des enseignants déclarent
« jamais » les utiliser, hormis les sites ou blogs d’autres enseignants ou parfois des vidéos
Youtube. Cela rejoint l’idée soutenue par Baron et Zablot (2017) à propos de la constitution de
réseaux numériques de communautés d’enseignants, qui, au-delà de constituer des supports
d’aide pour les enseignants, représentent des outils et de nouvelles connaissances que les
enseignants doivent s’approprier. En effet, bien que les enseignants déclarent utiliser très
fréquemment internet et notamment les blogs d’autres enseignants (Priolet & Mounier, 2018),
leur discours est peu précis en ce qu’il ne nous permet pas de repérer spécifiquement ce qu’ils
entendent par ressources numériques. Au même titre que Baron et Dané (2007), cela nous
questionne sur la pertinence et la fiabilité des ressources numériques mobilisées par les
enseignants. De plus, ce faible degré d’utilisation des ressources institutionnelles et numériques
pourrait laisser penser que les enseignants leur accordent peu de pertinence ou n’en ont pas
connaissance. Mais cela induit alors que les praxéologies peinent à s’institutionnaliser laissant
prédominer les rapports personnels aux ressources. De plus, nous pouvons également
interroger l’intention qu’ont les enseignants qui tiennent des blogs sur lesquels ils partagent des
ressources personnelles, mais aussi si ce partage suscite des interactions avec les enseignants
qui consultent ces blogs encourageant ou pas l’émergence d’une dynamique cognitive et d’une
communauté numérique ?
Les ressources de type humaines sont davantage utilisées par les enseignants, notamment en
interne, en ce qu’ils déclarent être amenés à travailler dans le cadre de l’inclusion scolaire avec
l’équipe enseignante de leur école, les AESH, le directeur de l’établissement, les psychologues de
l’EN et les enseignants de RASED. C’est le cas également des professionnels de CMPP qui
verbalisent que leur principale ressource dans l’accompagnement des enfants en situation de
handicap correspond à leur équipe, notamment car elle leur permet de partager des éléments
d’observation.
Les enseignants pointent la possibilité de travailler avec les professionnels extérieurs à l’école,
notamment avec les professionnels du secteur libéral et ceux du secteur médico-social. Les
professionnels de CMPP aussi expriment travailler avec les professionnels de l’Éducation
250
nationale, notamment les enseignants, lorsque la situation d’un enfant est considérée comme
« complexe ». Ils ajoutent que les parents sont également une ressource indispensable.
Du point de vue théorique, nous pouvons dire que les ressources de types humaines ont une
place prépondérante dans la pratique des enseignants et professionnels de CMPP. De fait, par les
échanges, ce type de ressources invite les enseignants à s’impliquer davantage par rapport aux
autres types de ressources (institutionnel et numérique). C’est le cas aussi pour les
professionnels de CMPP qui déclarent très peu mobiliser de ressources théoriques et matérielles
(ouvrages, auteurs, jeux, sites internet, législation).
En outre, au-delà d’une simple utilisation de ressources, des enseignants déclarent concevoir
des ressources, majoritairement seul, avec l’équipe enseignante de l’école ou avec les AESH. De
cette façon, nous supposons que la conception de ressources pour l’inclusion scolaire des ESH
nécessite une implication certaine de la part des enseignants, tant du point de vue didactique
que pédagogique. De plus, en concevant leurs propres ressources, les enseignants peuvent
exprimer leur liberté pédagogique (Baron et Zablot, 2017). Cependant, l’hétérogénéité des
ressources conçues par les enseignants laissent apparaitre que ces derniers élaborent des
ressources pour répondre à des situations singulières et complexes. Cela signifie qu’une
ressource conçues pour un élève peut ne pas fonctionner pour un autre élève qui présentent à
priori les mêmes besoins.
L’ensemble de ces éléments d’analyse nous permettent de dire que l’utilisation et la conception
de ressources pour l’accompagnement des ESH n’est pas homogène. Le rapport établi aux
ressources semble davantage personnel bien qu’il semble exister un partage en interne, dans les
équipes, et à l’extérieur, entre les enseignants et les professionnels de CMPP lorsque les
situations le nécessitent. En effet, les ressources sont mobilisées, utilisées voire conçues, selon
les besoins, les situations et les contextes. C’est d’ailleurs le constat qui a également été fait par
Katz et al. (2021) : l’enseignant est amené à trouver une réponse adaptée par lui-même aux
situations les plus problématiques, ce qui le conduit à faire du « bricolage ». De ce fait, les
rapports restent personnels et peinent à s’institutionnaliser du fait de la diversité des situations.
Aussi, le manque de partage de ces nombreux aménagements et initiatives pédagogiques, mis en
œuvre dans les classes pour favoriser l’inclusion scolaire des ESH, dans un collectif (Savournin
et al., 2020), ne permet pas à ces ressources personnelles de s’instituer et se diffuser dans
l’objectif de définir des savoirs de références pour la formation et la mise en œuvre de l’inclusion
scolaire des ESH.
Dans les dispositifs d’enquête qui interrogent spécifiquement les professionnels de CMPP et les
enseignants, nous nous sommes intéressée à la dimension de la collaboration
interprofessionnelle qui fait l’objet d’un intérêt grandissant dans la recherche sur les conditions
de fonctionnement des milieux professionnels. Selon Couturier et Belzile (2018), les acteurs qui
s’inscrivent dans cette dimension apprennent à se connaître et se reconnaître dans leur fonction
respective.
251
L’institution que représentent les CMPP, ne dicte pas de commande explicite de façon à ce que
les professionnels du CMPP travaillent en collaboration avec les professionnels de l’Éducation
nationale dans le cadre de l’école inclusive. Seul l’enseignante spécialisée rattachée à l’institution
Éducation nationale exprime avoir une commande claire pour travailler avec les enseignants du
milieu ordinaire qui accueillent des ESH accompagnés par le CMPP mais déplore le manque de
temps pour mener à bien cette mission. Nous pouvons dire que selon la position p occupée par
le professionnel au sein du CMPP, il sera plus ou moins amené à être en contact avec les
professionnels de l’Éducation nationale. En tous cas, l’analyse des discours fait apparaître que
même si cette collaboration n’est pas toujours explicite, elle semble s’inscrire depuis longtemps
dans les pratiques, de manière plutôt informelle. Les actions de collaboration s’effectuent parfois
hors temps scolaire et de travail. Dès lors, une partie de la collaboration se déroule dehors des
temps institutionnels, à partir d’initiatives et de volontés personnelles des professionnels. Les
pratiques collaboratives apparaissent alors hétérogènes, à moins qu’il existe un partage au
niveau local qui permet d’homogénéiser les pratiques dans un contexte déterminé.
De plus, il aurait été intéressant de questionner les enseignants pour savoir s’ils déclarent avoir
une commande de l’Éducation nationale au sujet de la collaboration avec les acteurs de l’école
inclusive. En effet, dans le cadre de l’école inclusive, la collaboration interprofessionnelle est
désormais imposée aux enseignants (Katz et al., 2021) qui doivent travailler avec les
professionnels présents dans la classe, hors de la classe (équipe pédagogique, directeur) et hors
de l’école (parents, professionnels des services sociaux et médico-sociaux, ESS). Ainsi, que
peuvent dire les enseignants au sujet de cette obligation ? Ne faudrait-il pas que cette obligation
de travailler en collaboration soit étendue de manière institutionnelle à tous les acteurs de
l’école inclusive ?
Bien que la collaboration soit désormais une condition essentielle dans le cadre de l’inclusion
scolaire (Rousseau et al., 2017) et même une obligation pour les enseignants, les éléments
d’analyse mettent en évidence, au même titre que l’ont affirmé Ebersold, Plaisance & Zander
(2016), que ce travail de collaboration ne va pas de soi. En effet, nous constatons que cette
252
collaboration n’est facilitée ni par l’institution CMPP qui ne semble pas donner de commande
claire et explicite, ni par l’Éducation nationale qui ne semblent pas mettre en œuvre les
conditions pour que celle-ci puisse s’effectuer. Même si les professionnels de CMPP semblent
avoir un rapport similaire quant au fait de transmettre et partager avec les enseignants leurs
connaissances dans le champ du handicap, il apparaît que la transmission de ressources aux
enseignants est hétérogène. De plus, la difficulté pour les professionnels de se joindre et de
trouver des temps en commun pour échanger constitue une contrainte majeure à la mise en
œuvre de cette collaboration.
Ainsi, comme l’ont fait Khasanzyaniva et Niclot (2020), nous pouvons interroger la nécessité de
réajuster la formation initiale et continue des enseignants afin de permettre aux enseignants de
mieux appréhender la collaboration interprofessionnelle dans une visée inclusive
Cette section nous a permis de mettre en lien l’ensemble des résultats obtenus à partir des trois
dispositifs d’enquête et de les discuter au regard de la littérature scientifique, nous permettant
ainsi de nourrir et de vérifier nos hypothèses de travail.
Malgré que l’institution INSPE semble véhiculer un rapport institutionnel auprès des formateurs
qui ont un rapport plutôt établi à l’inclusion scolaire, dans la mise en œuvre des enseignements
relatifs à l’école inclusive, il apparait que les formateurs d’INSPE transmettent des ressources
davantage personnelles qui dépendent de leur propre perception et expérience de l’inclusion
scolaire. De plus, la lecture hétérogène du cahier des charges national, selon le contexte de
chaque INSPE, pour l’élaboration des programmes de formation ainsi que l’insuffisance notable
des enseignements relatifs à l’école inclusive, met là en évidence que, dès la formation initiale,
de nombreuses conditions et contraintes pèsent sur la diffusion des connaissances et la
circulation des praxéologies inclusives.
Sur le terrain, la perception de l’inclusion scolaire des enseignants et des professionnels de
CMPP correspond davantage à une vision de l’intégration. En effet, nous pouvons mettre en lien
cette perception avec le fait que, d’une part, l’institution de véhicule pas de rapport institutionnel
et que, d’autre part, elle ne met pas en œuvre les conditions nécessaires (voire indispensables)
à l’inclusion scolaire des ESH (formation, moyens matériels et humains). Cela conduit alors les
enseignants à s’adapter, à « bricoler » et à faire preuve d’aménagements et d’initiatives
pédagogiques pour tenter d’apporter des réponses aux besoins des ESH qu’ils accueillent en
classe. Ainsi, la mobilisation, l’utilisation et la conception de ressources sont hétérogènes et nous
conduisent à faire le constat d’un rapport personnel dominant, là où les pratiques mériteraient
et gagneraient d’être davantage partagées et institutionnalisées afin d’enrichir les savoirs de
référence (on pourrait parler de « ressources de référence ») pour la formation et la mise en
œuvre de l’inclusion scolaire des ESH. De la même manière, les pratiques collaboratives ne sont
pas instituées et font appel aux rapports personnels des professionnels.
En sommes, les conditions et les contraintes qui pèsent sur la diffusion et la circulation des
praxéologies inclusives, engendre une trop faible voire une absence de dynamique inclusive,
253
laissant prédominer les rapports personnels. La diversité des situations et des contextes amène
inévitablement les acteurs de l’école inclusive à mobiliser des ressources hétérogènes, ce qui
complexifie l’identification de savoirs de référence, voire de ressources de référence, permettant
de proposer une formation adéquate aux besoins du terrain et de favoriser la mise en œuvre
concrète de l’inclusion scolaire des ESH.
Nous sommes consciente que même si notre recherche a permis de poser des éléments d’analyse
indispensables à la compréhension du phénomène étudié, notre dispositif méthodologique
présente des limites.
Dans la mesure où nous avons construit nos outils d’enquête dans une démarche exploratoire,
dans l’objectif premier de nous apporter des éléments d’éclairage à propos de certaines zones
d’ombre de la littérature scientifique, et même si nous avons essayé de conserver plus ou moins
les mêmes thèmes, nous avons omis de poser certaines questions qui nous auraient permis
d’approfondir le croisement des données entre les différents dispositifs. Par exemple, nous
n’avons pas abordé l’expérience personnelle et professionnelle des professionnels de CMPP à
propos de l’inclusion scolaire ou encore, nous n’avons pas demandé aux enseignants s’ils
perçoivent une commande de l’Éducation nationale qui leur impose de travailler en
collaboration avec les acteurs de l’école inclusive et notamment les professionnels de CMPP dans
le cadre de l’accompagnement des ESH. De plus, la collaboration n’est pas un aspect que nous
avons abordé avec les formateurs, puisque nous l’avons exploré plus tard mais il aurait été
intéressant de leur demander si dans la formation initiale, le travail d’équipe et la collaboration
interprofessionnelle sont des points qui sont travaillés.
Par ailleurs, nos deux dispositifs d’enquête par entretien semi-directifs ne nous ont pas permis
d’atteindre le niveau de l’analyse praxéologique. En effet, d’autres dispositifs seraient pertinents
pour encourager l’explicitation et l’explication plus précise des gestes didactiques et
pédagogiques mobilisés. Toutefois, nous pouvons ici rappeler que le contexte de réalisation de
la thèse a grandement été contraint par la crise sanitaire du Covid-19, notamment dans l’accès
au terrain. Ainsi, un réajustement de notre projet de recherche a été nécessaire et nous a limité
à une démarche exploratoire et compréhensive du phénomène étudié. En même temps, le
phénomène de l’école inclusive étant d’une telle ampleur, que nous n’aurions peut-être pas pu,
dans le temps imparti à cette recherche doctorale, observer les praxéologies à travers les gestes
didactiques et pédagogiques mis en œuvre par les enseignants sur le terrain comme nous
souhaitions le faire. Ainsi, une recherche longitudinale, par observations et entretiens
d’explicitation par exemple, permettrait certainement davantage de mettre au jour les types de
praxéologies enseignées et de ressources mobilisées par les formateurs des INSPE. La part de
prise en compte des expériences vécues par les enseignants dans leurs classes constitue
également une question de recherche qui reste à approfondir.
254
Pour finir, compte tenu de la difficulté d’étudier les phénomènes et problématiques qui
émergent de l’école inclusive, les limites sont potentiellement nombreuses et nous ne pouvons
toutes les identifier. La littérature scientifique ainsi que notre enquête, nous permettent de dire
que les phénomènes liés à l’inclusion scolaire ne se réduisent pas à des situations standards et
impliquent des trajectoires, celles des ESH ou à BEP mais aussi celles des enseignants, des
formateurs d’INSPE (Kohout-Diaz & Assude, 2023) et des professionnels de CMPP. La théorie
des rapports au savoir nous pousse à penser que les rapports personnels sont inévitables et
nécessaires pour assurer une adaptation à chaque situation singulière. Ainsi, il existera toujours
une tension entre les rapports personnels et les rapports institutionnels que la société cherche
à identifier pour favoriser l’inclusion scolaire. En ce sens, il est illusoire de penser qu’il pourrait
exister une formation initiale et continue qui permette de standardiser les praxéologies
inclusives, même s’il est important de penser un rapport institutionnel mieux reconnu ; peut-
être en encouragent et valorisant davantage la diffusion des récits de ces trajectoires qui peuvent
se constituer en ressources pour les collectifs.
255
Conclusion générale
Depuis plusieurs décennies, l’ampleur des phénomènes inclusifs dans notre société ne cesse de
croître et de suciter un vif intérêt. Le nôtre, d’abord professionnel puis scientifique, porté plus
particulièrement le phénomène de l’école inclusive, nous a très vite confronté à la complexité de
l’évolution du contexte et à la multitude d’approches et d’études scientifiques. Depuis près de
quarante ans, un nombre important de prescriptions, à la fois internationales et nationales, de
préconisations et d’injonctions s’affairent à l’évolution de la perception et de la prise en charge
du handicap et, plus largement des besoins particuliers, notamment au sein du système scolaire.
Parallèlement, de nombreux mouvements politiques ont participé à l’évolution de la formation
des enseignants. Là où la littérature scientifique pointe le manque de formation des enseignants
du premier degré à l’école inclusive, notre thèse s’est intéressée plus particulièrement aux
ressources et à leur diffusion dans la société, notamment pour favoriser l’inclusion scolaire des
ESH. Dans cette perspective, notre étude s’attache à rendre compte d’une démarche exploratoire
et compréhensive au sujet de la perception des acteurs et de leur expérience, relatives à la
formation et aux ressources pour l’inclusion scolaire des ESH.
256
devrait remonter, à des niveaux supérieurs dans la société, afin que soient mises en lumière et
discutées les praxéologies vécues individuellement.
C’est ce processus de diffusion des connaissances et de praxéologies qui devrait encourager les
travaux, notamment en didactique, sur les programmes de formation à l’école inclusive en
formation initiale comme en formation continue. Partant de là nous pourrions suivre la flèche
descendante du schéma de l’échelle de niveaux codétermination didactique, pour alimenter les
praxéologies répondant aux besoins émergeants du terrain, jamais prévisibles à l’avance. Il en
résulte la nécessité de toujours laisser une place, dans les programmes de formation, à une
dialectique des rapports personnels et institutionnels à l’inclusion, indispensable à
l’actualisation et au questionnement des praxéologies aussi bien personnelles que celles
institutionnellement reconnues. C’est également à cette condition-là que les expériences
personnelles peuvent se constituer en ressources professionnelles partagées.
Par-delà l’hétérogénéité des situations, des contextes et des cadres de référence des personnes
dans le contexte de l’école inclusive, nous sommes conduite à conclure, que même si la société à
l’illusion que les difficultés rencontrées peuvent se résoudre uniquement par la formation, celle-
ci ne pourra s’adapter à cette diversité de situations. En revanche, repenser la formation initiale
et continue des enseignants à l’école inclusive s’avère nécessaire afin d’arriver à mieux articuler
expériences et projets didactiques. Nous pouvons souligner à ce propos que la formation
continue, qui permet un partage et une remontée des expériences de terrain, apparait encore
sous-exploitée comme levier pour réajuster la formation initiale des enseignants à l’école
inclusive, selon les besoins du terrain. Aussi, la place accordée (ou pas) aux ressources dans la
formation est à repenser (ou à penser) à partir d’un partage des expériences personelles
permettant de mettre au travail collectivement les compétences professionnelles à développer
pour mobiliser et utiliser efficacement les ressources disponibles face à des situations-
problèmes. Dans le même temps, cela permettrait à la fois de développer des compétences
collaboratives et des compétences réflexives, indispensables pour répondre aux questions qui
se posent dans les situations.
Là est bien l’enjeu délicat auquel toute formation qui se veut professionnalisante se confronte :
questionner et parvenir à faire évoluer les rapports aux savoirs et les praxéologies.
257
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271
Références juridiques13
Lois
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Loi du 9 Août 1879 relative à l’établissement des écoles normales primaires, (J.O. 10 août 1879).
Loi du 16 juin 1881 établissant la gratuité absolue de l’enseignement primaire dans les écoles
publiques, (J.O. 17 juin 1881).
Loi du 28 mars 1882 sur l’enseignement primaire obligatoire, (J.O. 29 mars 1882).
Loi n°71-575 du 16 juillet 1971 portant organisation de la formation professionnelle continue
dans le cadre de l’éducation permanente, (J.O. 17 juillet 1971).
Loi n°75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées, (J.O. 1 juillet
1975).
Loi n°89-486 du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation, (J.O. 14 juillet 1989).
Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées, (J.O. 12 février 2005).
Loi n°2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de
l’école de la République, (J.O. 9 juillet 2013).
Loi n°2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, (J.O. 28 juillet 2019).
Décrets
Décret du 29 juillet 1881 relatif à l’organisation des écoles normales
Décret n° 2005-1587 du 9 décembre 2005, relatif à la maison départementale des personnes
handicapées et modifiant le code de l'action sociale et des familles, (J.O. 20 décembre 2005).
Décret n° 2005-1752 du 30 décembre 2005 relatif au parcours de formation des élèves
présentant un handicap, (J.O. 31 décembre 2005).
Décret n° 2008-775 du 30 juillet 2008 relatif aux obligations de service et aux missions de
personnels enseignants du premier degré, (J.O. 3 août 2008).
Décret n°2009-1367 du 6 novembre 2009 portant création du comité interministériel du
handicap, (J.O. du 10 novembre 2009).
Décret n° 2013-682 du 24 juillet 2013 relatif aux cycles d’enseignement à l’école primaire et au
collège, (J.O. 28 juillet 2013).
Articles
Article L. 114 du Code de l’Action Sociale et des Familles
Article L. 114-1du Code de l’Action Sociale et des Familles
Article L. 114-1-1 du Code de l’Action Sociale et des Familles
13Pour tout ce qui est citations juridiques, les normes APA ont des règles relatives aux actes américains. Ainsi, nous
proposons un référencement des actes juridiques mobilisés dans cette thèse, classé par type de texte.
272
Article L. 146-3 du Code de l’Action Sociale et des Familles
Article L. 146-8 du Code de l’Action Sociale et des Familles
Article L. 146-8-9 du Code de l’Action Sociale et des Familles
Article L. 241-6 du Code de l’Action Sociale et des Familles
Article L. 245-1 du Code de l’Action Sociale et des Familles
Article L. 312-1 du Code de l’Action Sociale et des Familles
Article L. 111-1 du Code de l’Éducation
Article L. 111-3 du Code de l’Éducation
Article L. 112-1 à L. 112-5 du Code de l’Éducation
Article L. 112-2-1 du Code de l’Éducation
Article L. 311-1 du Code de l’Éducation
Article L. 311-3-1 du Code de l’Éducation
Article L. 311-7 du Code de l’Éducation
Article L. 311-7 du Code de l’Éducation
Article L. 351-1 à L. 351-3 du Code de l’Éducation
Article L. 351-3 du Code de l’Éducation
Article L. 351-1-1 du Code de l’Éducation
Article L. 721-2 du Code de l’Éducation
Article L. 917-1 du Code de l’Éducation
Article 17, Loi Falloux 1850, Code de l’Éducation
Article D. 311-10 du Code de l’Éducation
Article D. 314-71 du Code de l’Éducation
Article D. 351-4 du Code de l’Éducation
Article D. 351-7 du Code de l’Éducation
Article D. 351-6 du Code de l’Éducation
Article D. 351-13 du Code de l’Éducation
Article D. 351-14 du Code de l’Éducation
Article R. 146-25 du Code de l’Action Sociale et des Familles
Article R. 146-26 du Code de l’Action Sociale et des Familles
Article R. 146-27 du Code de l’Action Sociale et des Familles
Article R. 146-29 du Code de l’Action Sociale et des Familles
D. n° 2005-1752, 30 déc. 2005, art. 3
D. n° 2005-1752, 30 déc. 2005, art. 2
D. n° 2005-1752, 30 déc. 2005, art. 4
D. n° 2005-1752, 30 déc. 2005, art. 8
D. n° 2005-1752, 30 déc. 2005, art. 9
Circulaires
Circulaires n°72-240 du 20 juin 1972 relative à la mise en œuvre de la formation continue des
instituteurs, (B.O.E.N. 29 juin 1972)
Circulaire n° 91-304 du 18 novembre 1991 relative à la scolarisation des enfants handicapés à
l’école primaire, (B.O.E.N 16 janvier 1992).
273
Circulaire n° 2001-150 du 27 juillet 2001, accompagnement de l’entrée dans le métier et
formation continue des enseignants des 1er et 2nd degrés et des personnels d’éducation et
d’orientation, (B.O. 6 septembre 2001).
Circulaire n° 2005-129 du 19 août 2005 relative à la scolarisation des élèves handicapés :
préparation de la rentrée scolaire 2005, (B.O.E.N. 1 septembre 2005).
Circulaire n°2006-126 du 17 aout 2006, relative à la mise en œuvre et au suivi du projet
personnalisé de scolarisation (PPS), (B.O. 7 septembre 2006).
Circulaire n° 2013-060 du 10 avril 2013 relative à l’orientation et à la préparation de la rentrée
2013, (B.O.E.N. 11 avril 2013).
Circulaire n° 2015-129 du 21 août 2015 relative aux unités localisées pour l'inclusion scolaire.
Circulaire n°2016-117 du 8 août 2016 relative à la scolarisation des élèves en situation de
handicap, (B.O.E.N. 25 août 2016).
Circulaire n° 2019-087 du 28 Mai 2019, circulaire de rentrée 2019, (B.O. 29 mai 2019).
Circulaire n° DGCS/SD3B/2019/138 du 14 juin 2019 relative à la cré ation d’é quipes mobiles
d’appui médico-social pour la scolarisation des enfants en situation de handicap, (B.O. 18 juin
2019).
Circulaire n° 2019-133 du 23 septembre 2019, schéma directeur de la formation continue des
personnels de l’éducation nationale 2019-2022, (B.O. 26 septembre 2019).
Circulaire du 11 février 2022 relative au schéma directeur de la formation continue des
personnels du ministère de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports - 2022-2025,
(B.O.E.N. 24 février 2022).
Arrêtés
Arrêté du 6 février 2015 relatif au document de recueil d'informations mentionné à l'article D.
351-10 du code de l'éducation, intitulé « guide d'évaluation des besoins de compensation en
matière de scolarisation » (GEVA-Sco), (J.O. du 11 février 2015)
Arrêté du 25 novembre 2020 fixant le cahier des charges relatif aux contenus de la formation
initiale spécifique pour les étudiants ou fonctionnaires stagiaires se destinant aux métiers du
professorat et de l'éducation concernant la scolarisation des élèves à besoins éducatifs
particuliers, (J.O. du 18 décembre 2020).
274
Table des figures
275
Figure 28 - Distribution des réponses à la question 46 : Pensez-vous avoir les moyens d'inclure
les élèves allophones (en France depuis plus d'un an) ? ..............................................................215
Figure 29 - Distribution des réponses à la question 48 : Pensez-vous avoir les moyens d'inclure
les élèves issus du voyage ? .......................................................................................................................216
Figure 30 - Distribution des réponses à la question 50 : Est-il difficile de vous informer sur
l’évolution législative relative à l’inclusion scolaire ? .......................................................................217
Figure 31 - degré de connaissance déclaré par les enseignants à propos des lois indiquées 218
Figure 32 - Distribution des réponses à la question 56 : Si vous pensez à d'autres profils d'élèves
que vous avez ou avez déjà eu dans votre classe, merci de préciser.......................................220
Figure 33 - Exemples de ressources conçues ....................................................................................232
Figure 34 - Caractéristiques de supports adaptés que les répondants déclarent concevoir233
Figure 35 - Catégorisation de la question 75 : Quelles sont les ressources sur lesquelles vous vous
appuyez le plus ? ............................................................................................................................................234
Figure 36 - Précisions déclarées par les enseignants à propos de la ressource « internet »234
Figure 37 - Catégorisation des ressources manquantes déclarées ..........................................235
276
Table des tableaux
277
Glossaire des sigles et acronymes
279