La Relation Homme-Femme
La Relation Homme-Femme
La Relation Homme-Femme
2024 05:52
URI : https://id.erudit.org/iderudit/400069ar
DOI : https://doi.org/10.7202/400069ar
Éditeur(s)
Faculté de philosophie, Université Laval
ISSN
0023-9054 (imprimé)
1703-8804 (numérique)
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RÉSUMÉ. — Un pape, et donc un célibataire, qui parle des relations entre l'homme
et la femme : à première vue, il y a là une gageure impossible à tenir. Mais qu'on
se donne la peine de scruter la pensée de Jean-Paul II et on est émerveillé à la fois
de son audace et de sa capacité à opérer une rencontre entre les données les plus
profondes de la révélation judéo-chrétienne et ce qu'il y a de plus juste dans les
affirmations des sciences humaines contemporaines.
1. Ce thème revient, pourrait-on dire, dans toutes les interventions de Jean-Paul II. Mais il faisait déjà
l'objet de la thèse de doctorat en philosophie du professeur Karol Wojtyla, publiée en 1969 sous le
titre Osoba i Czyn (traduction anglaise The Acting Person, D. Reidel Publishing, Dordrecht,
Hollande, 1979, « Analecta Husserliana», vol. X). Cette thèse constituait un essai sur la pensée du
philosophe personnaliste Max Scheler.
2. Les textes de ces allocutions ont été traduits et présentés par La Documentation catholique à partir du
n° 1771 (7 oct. 1979) jusqu'au n° 1847 (6 mars 1983). Les Éditions du Cerf ont offert en volume les
vingt-trois premières allocutions sous le titre À l'image de Dieu, homme et femme, 1981, 200 pages.
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JEAN-GUY PAGE
Le tout premier point qu'il faut tirer au clair est à l'effet que les considérations
de l'archevêque Wojtyla dans Amour et responsabilité et, encore plus, celles de Jean-
Paul II dans ses allocutions du mercredi ne concernent pas uniquement la relation
homme-femme dans le mariage, mais toute relation entre l'homme et la femme3. Bien
sûr, dans toutes ses considérations, la relation matrimoniale occupe une place
privilégiée parce qu'elle constitue, au cours de l'histoire, le type le plus commun où
s'exprime et se vit la relation entre l'homme et la femme, mais il est clair que la
préoccupation de K. Wojtyla, en particulier dans ses interventions les plus récentes,
se porte d'une façon générale sur le fait que l'homme (adam, homo) existe concrètement
dans des personnes qui sont soit de sexe masculin (is, vir), soit de sexe féminin (issah,
femina) : de telle sorte que les deux sexes sont nécessaires à la constitution de l'homme
total, de l'homme « image de Dieu», aussi bien au plan de la nature qu'à celui de la
grâce. Le Pape commente ici longuement le texte de Genèse 1, 27:
Dieu créa l'homme à son image,
à l'image de Dieu il le créa,
homme et femme il les créa.
À maintes reprises il table sur le fait que Jésus, dans le texte de saint Matthieu
19, 1-9 (cf. aussi Me 10, 1-12) où il énonce sa doctrine sur le mariage, se réfère à ce
passage de la Genèse, ainsi qu'à celui du chapitre 2, verset 24 (« les deux ne feront
3. Jean-Paul II prononce cette parole très forte: «Cette plénitude dans le rapport réciproque des
personnes, de l'homme et de la femme, le Maître la réclame dans Matthieu 5, 27-28, en ayant surtout
à l'esprit l'indissolubilité du mariage, mais aussi toute autre forme de convivence qui constitue la trame
pure et simple de l'existence. Par sa nature, la vie humaine est "coéducative" et sa dignité et son
équilibre dépendent, à chaque moment de l'histoire, à chaque longitude et à chaque latitude
géographique, de "celle" qui existera pour lui et de "celui" qui existera pour elle » (Doc. cath., n° 1795,
2 nov. 1980, p. 973 ; je souligne moi-même). Le Pape avait déjà déclaré : « Avant de devenir mari et
femme..., l'homme et la femme émergent du mystère de la création d'abord et avant tout comme frère
et soeur dans la même humanité» (À l'image de Dieu..., p. 152).
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LA RELATION HOMME-FEMME
qu'une seule chair»). Pour lui, cependant, ces références de Jésus à la Genèse ne font
pas que reprendre une loi donnée par le Créateur à la nature humaine, et se réclamer
d'elle pour justifier son propre enseignement; mais elles doivent conduire ses
interlocuteurs d'hier et d'aujourd'hui « à réfléchir sur la façon selon laquelle, dans le
mystère de la création, l'homme a été formé précisément, comme "homme et
femme" » 4. Le Pape remarque finement que le second texte de la Genèse (chapitre 2,
particulièrement les versets 18 à 25), qui est plus primitif que le premier, est comme
l'expression de la prise de conscience subjective que l'homme a de son être profond et
objectif, tel qu'il a été voulu par Dieu et que l'exprime Genèse 1, 27. Le Pape ajoute
qu'une
réflexion approfondie sur ce texte — à travers toute la forme archaïque du récit
qui rend évident son caractère mythique primitif — permet d'y trouver « en
germe» à peu près tous les éléments de l'analyse de l'homme auxquels est
sensible l'anthropologie philosophique moderne et, principalement, contempo-
raine 5.
Il souligne donc que Jésus, dans sa réponse aux Pharisiens, commence, en citant
Gn 1, 27, par rappeler le mystère originel de l'homme (homo) constitué pour ainsi dire
de deux faces, la face féminine et la face masculine, pour passer ensuite plus
spécifiquement au mariage, en citant cette fois Gn 2, 24, pour marquer son caractère
d'unité et d'indissolubilité. Jean-Paul II fait d'ailleurs remarquer que le double renvoi
en Mt 19, 4 et 8 au mystère de « l'origine » est une invitation du Christ à remonter de
la situation pécheresse où l'homme se trouve depuis le drame décrit en Gn 3 à ce qu'il
y a de plus fondamental dans la nature humaine et qui « n'a rien perdu de sa vigueur,
bien que l'homme ait perdu son innocence primitive » 6 . Aussi la réponse du Christ
nous permet-elle de tirer des « conclusions normatives qui ont une signification
essentielle non seulement pour l'éthique, mais aussi et surtout pour la théologie de
l'homme et pour la théologie du corps... » 7.
Dans la suite, encore une fois, Jean-Paul II développera la pensée du Christ et de
toute l'Écriture surtout dans l'optique du mariage ; mais il ne manquera pas de
signaler à l'occasion que celui-ci n'épuise pas la possibilité de vivre et d'épanouir
l'être humain. Le célibat consacré en constitue une autre possibilité 8 . Beaucoup plus
tard, en commentant la réponse de Jésus aux Sadducéens à propos de la résurrection
(Mt 22, 23-32; Me 12, 18-27; Le 20, 27-40), le Pape précisera que le mariage
appartient au monde de l'ici-bas ou de l'histoire, alors que le célibat consacré pointe
déjà vers le monde de l'au-delà, de l'eschatologie 9 . Dans ce dernier monde, comme
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JEAN-GUY PAGE
10. Allocution du 13 janv. 1982 {Doc. cath., n° 1823, 7 fév. 1982, p. 149).
11. Allocution du 2 déc. 1981 {Doc. cath., n° 1821, 3 janv. 1982, p. 40).
12. Ibid., pp. 40-41. Voir aussi l'allocution du 9 dec. {ibid, p. 41). Le Pape note que cet état correspond
pleinement à la conception d'Aristote et de Thomas d'Aquin sur les rapports de l'âme et du corps, et
qu'il contredit la position de Platon considérant le corps comme une prison {Gorgias 493A ; Phédon
66B ; Cratyle 400c).
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LA RELATION HOMME-FEMME
Au contraire,
(la) signification « sponsale » du corps dans la résurrection à la vie future
correspondra parfaitement soit au fait que l'homme, comme être masculin et
féminin, est une personne créée à « l'image et à la ressemblance de Dieu », soit au
fait que cette image se réalise dans la communion des personnes. Cette
signification « sponsale » d'être corps se réalisera donc comme une signification
parfaitement personnelle en même temps que communautaire.
... L'homme du « monde à venir» retrouvera dans cette nouvelle expérience de
son corps précisément Y accomplissement de ce qu'il portait en lui durablement et
historiquement, en un certain sens, comme hérédité, et plus encore comme tâche
et objectif, comme contenu de l'éthos 15.
Le chapitre 15, versets 42-49, de la première lettre aux Corinthiens, en opposant le
premier et le second Adam (le Christ), montre « les deux pôles entre lesquels, dans le
mystère de la création et de la rédemption, l'homme a été placé dans le cosmos».
L'homme de la résurrection, dont le Christ constitue le prototype, n'est pas tellement
une antithèse de « l'homme terrestre», dont Adam est le prototype, mais plutôt son
« accomplissement ». L'humanité du « premier Adam » porte en elle une « potentialité »
à recevoir ce qui vient du « second Adam » ; la réalité de « l'autre monde » (« ce que
nous serons», écrit saint Paul)
est déjà et d'une certaine manière une réalité de ce monde, étant donné qu'elle y
a été révélée par la résurrection du Christ. C'est une réalité innée dans l'homme
de « ce monde », réalité qui est en train de mûrir en lui pour l'achèvement final16.
13. Allocution du 16déc. 1981 {Doc. cath.,n° 1822, 17janv. 1982, pp. 101-102).
14. Ibid, p. 102.
15. Allocution du 13 janv. 1982 (Doc. cath., n° 1823, 7 fév. 1982, p. 150).
16. Allocution du 3 fév. 1982 (Doc. cath., n° 1825, 7 mars 1982, pp. 252-253). «La restitution dans
l'intégralité, liée à la résurrection et à la réalité de P'autre monde", peut être seulement une
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JEAN-GUY PAGE
introduction à une nouvelle plénitude. Celle-ci sera une plénitude qui présuppose toute l'histoire de
l'homme formée par le drame de l'arbre de la connaissance du bien et du mal (cf. Gn 3) et, en même
temps, pénétrée par le mystère de la rédemption » (Allocution du 10 fév. 1982 ; ibid., p. 254).
17. Allocution du 1er déc. 1982 (Doc. cath., n° 1844, 16 janv. 1983, p. 95). Dans plusieurs allocutions
précédentes, Jean-Paul II avait magnifié le mariage comme représentation sacramentelle de l'union
du Christ et de l'Église, en commentant surtout Ep. 5, 22-33 et certains textes prophétiques de
l'Ancien Testament.
18. « Nous devons admettre que, dans leurs rapports conjugaux, l'homme et la femme s'unissent en tant
que personnes et que leur union dure tant qu'ils vivent, c'est-à-dire aussi longtemps que leurs âmes
restent unies à leurs corps (selon les thomistes, l'âme séparée du corps n'est pas une personne)»
(Amour et responsabilité, pp. 201-202).
Par ailleurs, WOJTYLA semble dépasser cette opinion lorsqu'il écrit : « Bien que le remariage après la
mort de l'un des conjoints soit justifié et admis, le fait de garder le veuvage est digne des plus grands
éloges, car l'union avec la personne disparue se trouve ainsi le mieux exprimée. La valeur de la personne
n'est pas éphémère, et l'union spirituelle peut et devrait durer même quand celle des corps a cessé»
(ibid., p. 198). Il écrit encore, en commentant Le 20, 37-38; «Abraham, Isaac et Jacob sont des
personnes vivantes pour Dieu (20, 38), "car tous vivent pour lui" bien que, selon des critères humains,
ils doivent être comptés parmi les morts » (Doc.cath., n° 1820, 20 déc. 1981, p. 1110; je souligne dans
les deux passages).
19. À l'image de Dieu..., pp. 56-57, spécialement p. 57, n. 1, et p. 79.
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LA RELATION HOMME-FEMME
corps, mais plutôt comme un corps auquel est infusé un principe, une « haleine » de
vie. C'est en termes très concrets qu'est exprimée la prise de conscience par l'homme
de sa corporéité propre : il reçoit de Dieu la mission de cultiver et de dominer la terre.
Mais de cette autoconscience se dégage aussi la perception du lien entre le corps et la
personne :
La structure de ce corps est telle qu'elle lui permet d'être l'auteur d'une activité
typiquement humaine. Dans cette activité, le corps exprime la personne ; il est
donc, dans toute sa matérialité (« il forma l'homme avec la poussière du sol»),
penetrable et transparent, de manière à faire voir clairement qui est l'homme (et
qui il devrait être) grâce à la structure de sa conscience et de son auto-
détermination 20.
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JEAN-GUY PAGE
24. Dans une note accompagnant le texte de l'allocution du 12 mars 1980, le Pape explique dans quelle
mesure il se réfère à la notion jiingienne de l'« archétype» (À l'image de Dieu..., p. 168, note 1).
25. A l'image de Dieu..., pp. 66-67. À la page 70, note 4, il note que « dans l'anthropologie biblique "les
os" expriment un élément essentiel du corps ; étant donné que les Hébreux ne font aucune différence
précise entre "corps" et "âme" (le corps étant considéré comme manifestation extérieure de la
personnalité), les "os" signifiaient simplement par synecdoque l'"étre humain" (cf. par ex, Ps 139,
15: "Mes os ne t'étaient pas cachés"). On peut donc comprendre "os de mes os" dans un sens de
relation, comme "être de mon être". »
26. Ibid., p.79, note 2.
27. Ibid., p. 79.
28. Ibid., p. 80.
29. Ibid., p. 83-84. Jean-Paul II ajoute: «À ce niveau d'homme et dans la réciproque relation des
personnes, le sexe exprime un dépassement toujours nouveau des limites de la solitude de l'homme
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LA RELATION HOMME-FEMME
Et le Pape de souligner que ces textes de la Genèse ne font pas que rapporter une
expérience qui appartiendrait seulement à la préhistoire humaine; ils rendent
compte, à leur manière (mythique), d'une expérience fondamentale et ontologique de
l'homme : la découverte de son être propre, de sa personnalité, à partir de son corps.
Cette expérience serait exprimée de façon particulière dans le verset 25 du chapitre 2
de la Genèse : « Or tous deux étaient nus, l'homme et la femme, et ils n'avaient pas
honte l'un devant l'autre». Le passage décrit indubitablement
l'expérience réciproque du corps, c'est-à-dire l'expérience faite par l'homme de
la féminité qui se révèle par la nudité du corps et, réciproquement, une
expérience analogue de la masculinité faite par la femme. En affirmant qu'« ils
n'avaient pas honte», l'auteur cherche à décrire avec la plus grande précision
possible cette expérience réciproque du corps. On peut dire que ce genre de
précision reflète une expérience fondamentale de l'homme, au sens « commun »
et préscientifique, et qu'il répond également aux exigences de l'anthropologie et,
notamment, de l'anthropologie contemporaine qui remonte volontiers aux
expériences dites « de fond», comme l'expérience de la pudeur 30 .
Le péché est venu, assurément, ternir ce regard de l'homme sur son corps et sur celui
de la femme (et vice versa), et changer par le fait même la signification de la nudité.
Mais cela ne détruit pas la vérité fondamentale de la révélation de la personne
humaine par son corps. L'affirmation de Gn 2, 25 signifie qu'avant le péché l'homme
avait « une particulière plénitude de conscience et d'expérience, surtout la plénitude
de compréhension de la signification du corps... » 31 : il fait la découverte de son être à
travers l'être de son partenaire.
Cette remarque permet à Jean-Paul II de souligner que ce n'est pas en vertu de sa
seule dimension matérielle que le corps humain peut ainsi révéler la personne, mais
en raison de l'intériorité dont il est en quelque sorte le symbole, le sacrement 32 .
Le récit biblique tout entier, et en particulier le texte yahviste, montre que par sa
propre visibilité le corps manifeste l'homme et, en le manifestant, sert d'inter-
médiaire, c'est-à-dire qu'il fait que, dès le début, l'homme et la femme
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JEAN-GUY PAGE
33. A l'image de Dieu..., pp. 103-105. Le Pape signale lui-même en note comment, selon l'Écriture (Sg 7,
24 et Hé 4, 13), la créature est « nue » devant Dieu.
34. Ibid., pp. 106-107.
35. Ibid, pp. 109-110.
36. Ibid., p. 118. «Le corps humain, orienté intérieurement par le "don sincère" de la personne, non
seulement révèle la masculinité et la féminité sur le plan physique ; mais il révèle aussi une valeur telle
et une beauté telle que la dimension simplement physique de la sexualité est totalement dépassée »
(p. 127).
37. Ibid, pp. 134-135.
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LA RELATION HOMME-FEMME
38. Allocution du 4 juin 1980 {Doc. cath., n° 1789, 6 juil. 1980, pp. 622-623).
39. Allocution du 23 juil. 1980 {Doc. cath., n° 1792, 7-21 sept. 1980, pp. 809-811).
40. Le Pape note que, par suite d'un tel désir, « la féminité cesse ainsi d'être surtout sujet pour la
masculinité ; elle cesse d'être un langage spécifique de l'esprit ; elle perd son caractère de signe » {Doc.
cath., n° 1794, 19 oct. 1980, p. 922).
41. Ibid., p. 921. Ces paroles du Pape seraient à rapprocher des propos tenus par Teilhard de Chardin
dans son poème « L'éternel féminin » {Écrits du temps de la guerre, Grasset, 1965, pp. 249-262) et du
commentaire qu'en a donné le cardinal H. de Lubac dans son volume L'Éternel Féminin, Aubier,
1968.
42. Doc. cath., n° 1796, 23 nov. 1980, p. 1043.
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JEAN-GUY PAGE
43. L'expression, on le sait, est de Paul Ricoeur dont le Pape cite en note une page du Conflit des
interprétations.
44. Doc. cath., n° 1796, 23 nov. 1980, p. 1045.
45. Ibid., p. 1046. Et le Pape de citer un texte tiré du dernier ouvrage de Freud, Abriss der Psychoanalyse.
Das Unbehagen in der Kultur, Frankfurt, M. Hamburg, 1955 (Fisher), pp. 74-75.
46. Ibid.
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LA RELATION HOMME-FEMME
conscience des hommes d'aujourd'hui » 47 . Alors que, chez Platon, « Véros" représente
la force intérieure qui entraîne l'homme vers tout ce qui est bien, vrai et beau..., dans
la signification ordinaire tout comme dans la littérature, cette "attraction" semble
être avant tout de nature sensuelle»48. Mais ce dernier sens rejoint-il l'attirance à
l'union des corps dont parle Gn 2, 24?
Il est certain que pour tout un courant littéraire, pour une première estimation
commune assez répandue et même pour une certaine sexologie de type « réducteur»
(le terme est de Jean-Paul II lui-même), Véros se résume à une attirance vers l'union
au corps d'un partenaire de sexe différent qui se réduit à des composantes sensuelles
ou sexuelles. Véros ainsi conçu rejoint la « concupiscence de la chair» et ce « désir»
de l'apaiser que vise Mt 5, 27-28. Mais si l'on remonte jusqu'à la conception que s'en
fait Platon, qui se situe à l'origine de la signification du mot, Véros est porteur de
« nuances sémantiques » que peut intégrer Véthos de la relation homme-femme pris tel
que l'Écriture le décrit. Loin d'être un interdit, avons-nous vu, les paroles de Jésus en
Mt 5, 27-28 constituent un appel :
... elles signifient alors que, dans le domaine erotique, F« éros» et l'« éthos» ne
s'écartent pas l'un de l'autre, ne s'opposent pas l'un à l'autre, mais sont appelés à
se rencontrer dans le cœur humain et, dans cette rencontre, à fructifier. Il est bien
digne du « cœur » humain que ce qui est la forme de ce qui est « erotique » soit en
même temps la forme de l'éthos, c'est-à-dire de ce qui est « éthique » 49 .
Pour Jean-Paul II, Véros peut très bien recouvrir toute cette valeur du corps
comme expression de la personne et comme moyen de communion interpersonnelle ;
mais, pour ce faire, Véros doit être arraché à la sphère de la concupiscence née du
péché et resitué dans le domaine d'une éthique enracinée ontologiquement dans le
double don qui est le fruit de la création et de la grâce de Dieu. Seule cette rencontre
de Véros et de Véthos peut permettre à l'homme d'atteindre une véritable « spontanéité »
dans le domaine sexuel. On pense souvent que la spontanéité ne peut exister dans le
domaine erotique que si l'homme s'affranchit de l'éthique ; mais il n'arrivera jamais
alors à « la spontanéité pleine et mûre des rapports qui naissent de l'attirance
éternelle de la masculinité et de la féminité » 50.
Les paroles du Christ exigent que, dans ce domaine qui semble appartenir
exclusivement au corps et aux sens, c'est-à-dire à l'homme extérieur, (l'homme)
sache vraiment être un homme intérieur; qu'il sache obéir à une conscience
droite ; qu'il sache être le maître véritable de ses impulsions intimes, comme un
gardien qui surveille une source cachée ; et qu'il sache enfin tirer de toutes ces
impulsions ce qui convient à la «pureté du cœur», en construisant avec
conscience et cohérence ce sens personnel de la signification sponsale du corps
qui ouvre l'espace intérieur de la liberté du don.
... la noble satisfaction est une chose, le désir sexuel, au contraire, en est une
autre. Lorsque le désir sexuel est lié à une noble satisfaction, il est différent d'un
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JEAN-GUY PAGE
désir pur et simple. De manière analogique, pour ce qui est du domaine des
réactions immédiates du «cœur», l'excitation sexuelle est bien différente de
l'émotion profonde par laquelle non seulement la sensibilité intérieure, mais la
sexualité elle-même réagissent à l'expression intégrale de la féminité et de la
masculinité51.
Dans une allocution prononcée plusieurs mois plus tard (1 er avril 1981), le Pape
précise que cette éthique de Yéros est le fruit à la fois d'un effort conscient de l'homme
et d'un don de l'Esprit.
Ce don est surtout celui de la piété {donum pietatis) qui restitue à l'expérience du
corps — spécialement quand il s'agit des relations réciproques de l'homme et de
la femme — toute sa simplicité, toute sa limpidité et aussi toute sa joie intérieure.
Comme on le voit, ceci constitue un climat spirituel très différent de la passion et
de la libido dont parle saint Paul... L'apaisement de la passion est en effet une
chose ; la joie que l'homme éprouve à se posséder plus pleinement lui-même et à
pouvoir devenir ainsi encore plus pleinement un véritable don pour une autre
personne, en est une autre 52 .
Nous arrivons ainsi au cœur de notre sujet, les thèmes traités dans les
paragraphes précédents constituant plutôt les principes de base de l'anthropologie
théologique à l'intérieur de laquelle Jean-Paul II développe la question de la relation
homme-femme.
51. Ibid. Celui qui tient ces propos avait déjà longuement développé le même thème dans Amour et
responsabilité (voir surtout les trois premiers chapitres et l'annexe sur « la sexologie et la morale »). Il
avait notamment souligné — ce qui était relativement assez neuf pour l'époque — que la rencontre
proprement conjugale, si elle ne doit jamais être détournée artificiellement de son objectif
procréateur, est aussi une manifestation typique de l'amour entre l'époux et l'épouse (d'ailleurs la
génération humaine ne peut être pensée en dehors d'un contexte d'amour).
52. Doc. cath.,n° 1807, 3 mai 1981, p. 418.
53. PAULVI, Humanae vitae, paragraphe 21, cité par Jean-Paul II dans son allocution du 8 avril 1981
(Ibid., pp. 418-420).
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LA RELATION HOMME-FEMME
On peut affirmer sans hésitation que la donnée centrale mise en évidence par le
Pape à propos de cette relation est celle de la communion des personnes et du don
réciproque. L'homme est ontologiquement un au sein de sa dualité sexuelle. Le
premier chapitre de la Genèse (verset 27) affirme cette vérité de façon plutôt
théologique : l'être humain est décrit comme « image de Dieu » au sein même de la
dualité homme-femme — ce qui, évidemment, ne peut être que « très bon » (ver-
set 31)54 — ; le chapitre deux, par contre, cherche à peindre pour ainsi dire la prise de
conscience de cette valeur, chez l'être humain, ou encore la découverte « expérien-
tielle » qu'il en fait (ce récit, remarque Jean-Paul II, est « comme le prototype biblique
du Cantique des cantiques»). De telles vues impliquent que la communion avec
d'autres personnes fait partie de la nature même de la personne humaine, autant que
sa transcendance. En des mots plus simples, la personne humaine doit être définie
comme ouverture à l'autre, autant et même plus que comme sujet autonome et
distinct. Soulignons d'ailleurs que les deux aspects ou les deux composantes sont en
rapport dialectique : la personne ne peut communiquer si elle n'est elle-même un sujet
qui s'appartient et si son interlocuteur ne l'est également; mais l'autonomie, la
distinction et la transcendance de la personne, loin de l'enfermer en elle-même,
appellent l'ouverture à l'autre. Cet autre est, bien sûr, d'abord la femme par rapport à
l'homme et vice versa, puis toute personne humaine et en particulier celle qui surgit
de l'union conjugale de l'homme et de la femme, mais ce peut être aussi Dieu (les
Personnes divines), puisque l'homme est à l'image de Dieu qui est « Personnes » et
qu'il est appelé par grâce à la rencontre avec le Dieu Père, Fils et Esprit. Ceci n'est
qu'implicite dans les deux récits de la création de l'homme ; la suite de la Révélation
permettra d'expliciter cette théologie de l'homme, de son corps et de sa dualité
sexuelle, qu'évoquent la notion de l'être humain (homme et femme) vu comme
« image de Dieu » (Gn 1) et la description imagée de l'aptitude communionnelle de la
personne humaine (Gn 2) 55 .
Si la personne humaine, toute personne humaine, quelle que soit sa condition,
est appelée de par sa constitution corporelle et sexuelle à la communion, et
particulièrement à la communion entre l'homme et la femme, il va de soi que cette
communion trouve un lieu et un mode privilégiés d'expression dans l'union
matrimoniale. C'est d'ailleurs cette union que vise la Genèse (2, 24 et 1, 28). Mais le
Pape remarque ici que cette unité en une seule chair, si liée qu'elle soit à la fécondité,
« nous induit toujours à retourner en tout premier lieu à ce que le texte biblique
exprime auparavant au sujet de l'union dans l'humanité qui unit l'homme et la
femme dans le mystère même de la création » 56. Cela signifie en clair, d'une part, que
54. Jean-Paul II souligne aussi qu'au verset 27 du chap. 1 de la Genèse le mot bârâ, « il créa», apparaît
trois fois, alors qu'il n'avait auparavant été utilisé que deux fois : au verset 21 (création du ciel et de la
terre) et au verset 27 (création des animaux). « Cette répétition indique que l'œuvre de la création a
atteint ici son point culminant » {À l'image de Dieu..., p. 110, note 2).
55. Cet alinéa résume, sans la gauchir, espérons-le, la pensée développée par Jean-Paul II dans son
allocution du 14 nov. 1979 (À l'image de Dieu..., pp. 73-81).
56. À l'image de Dieu..., p. 84.
17
JEAN-GUY PAGE
Cela signifie encore plus profondément que, si les fins du mariage — plus
particulièrement la procréation et l'amour mutuel — peuvent être distinguées pour
clarifier certains concepts, elles sont intimement unies. Elles le sont sur le plan moral,
en ce sens qu'il ne peut y avoir de véritable amour conjugal fermé volontairement et
de façon égoïste à toute fécondité physique, ni qu'il ne devrait y avoir de fécondité
physique réalisée hors d'un contexte d'amour; elles sont unies dans un sens
ontologique : « Dans toute union conjugale de l'homme et de la femme se redécouvre
à nouveau la conscience originelle de la signification unitive du corps en tant que
masculin et féminin », et « dans toute union de ce genre le mystère de la création se
renouvelle, d'une certaine manière, dans toute son originelle profondeur et force
vitale».
« Tirée de l'homme» en tant que « chair de sa chair», la femme devient par la
suite, comme épouse et de par sa maternité, mère des vivants (Genèse 3. 20), car
sa maternité a également en lui sa propre origine. La procréation est enracinée
dans la création et, en un certain sens, elle reproduit chaque fois son mystère 58.
Dans Amour et responsabilité, K. Wojtyla liait déjà la procréation au mystère même
de l'être et de l'existence. Ici, si je saisis bien sa pensée, il fait un pas de plus. Sans lier
de façon si rigide procréation et acte conjugal que celui-ci, dans une optique
manichéenne et anti-personnaliste, n'aurait pas de sens en dehors de la perspective
procréatrice immédiate (étant exclue bien sûr une dissociation égoïste de l'acte par
rapport à la procréation), il confère à l'union charnelle des époux le sens d'un retour
au mystère de la création, non seulement en tant qu'elle puisse déboucher sur une
autre vie, mais aussi en tant qu'elle permet aux époux de rejoindre de façon
particulière le mystère de la création de l'être humain dans la diversité des sexes. De
toute manière, « l'homme reconnaît et retrouve sa propre humanité » à l'aide « de la
femme»; mais on doit admettre qu'en ce temps de l'histoire la relation conjugale
constitue une façon bien particulière d'opérer cette reconnaissance et ce recouvrement.
57. Ibid., p. 85-86. Telle était déjà l'optique de l'archevêque de Cracovie dans Amour et responsabilité,
comme je l'ai brièvement évoqué à la note 51.
58. A l'image de Dieu..., p. 88.
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LA RELATION HOMME-FEMME
Le don mutuel
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JEAN-GUY PAGE
Se référant à la prière de Jésus « que tous soient un, comme toi et moi nous
sommes un» (Jn 17, 21-22), le Pape rappelle qu'il y a une « similitude entre l'union
des personnes divines et l'union des enfants de Dieu dans la vérité et la charité » et
que « cette vérité manifeste que l'homme... ne peut se trouver pleinement que par un
don sincère de lui-même ». Mais la condition d'un tel don est la liberté, la maîtrise de
soi manifestée par le fait que le premier homme et la première femme se retrouvaient
sans honte nus l'un devant l'autre : « Intérieurement libres de toute contrainte de leur
propre corps et sexe, libres de la liberté du don, homme et femme ils pouvaient jouir de
toute la vérité, de toute l'évidence humaine, ainsi que Dieu-Yahvé le leur avait révélé
dans le mystère de la création» 63. Cette première rencontre est « béatifique », parce
que l'homme et la femme se retrouvent réciproquement tels que le Créateur les a
voulus l'un pour l'autre dans le mystère de l'image de Dieu selon leur masculinité et
leur féminité. Dans ce don mutuel, le corps révèle une « valeur» et une « beauté» qui
dépassent « la dimension simplement physique de la sexualité » 64. Le Pape va jusqu'à
affirmer qu'une telle lecture de Gn 1 et 2 « convainc du fait que la conscience de la
signification du corps qui en découle — en particulier de sa signification "conjugale"
— constitue l'élément fondamental de l'existence humaine» 65.
Cette «donation mutuelle crée la communion des personnes» parce qu'elle
consiste à « accueillir» l'autre en lui-même et pour lui-même. Elle ne le réduit pas au
rang d'objet d'appropriation. L'homme accueille la femme et la femme accueille
l'homme ; dans cet accueil chacun se retrouve lui-même. C'est là une nouvelle façon,
plus personnaliste et plus existentialiste, de marquer, comme le Pape le faisait déjà
dans Amour et responsabilité66, la dialectique qui existe entre l'amour de bienveillance
et l'amour de concupiscence. Suivant de façon très fidèle le texte de Gn 2, 23-25, le
Pape est amené à développer davantage l'aspect plus actif de cet accueil chez
l'homme et son aspect plus passif chez la femme. Il a cette parole pleine d'une
tendresse très existentielle :
La femme est « dès l'origine » confiée à ses yeux, à sa conscience, à sa sensibilité,
à son « cœur» ; lui, par contre, il doit en un certain sens, assurer le processus
même de l'échange du don, la réciproque compénétration du « donner et
recevoir en don» qui, précisément par sa réciprocité, crée une authentique
communion de personnes.
Mais il ajoute — ce qui pourrait rassurer certains féministes — que « l'homme
s'enrichit non seulement grâce à elle qui lui donne sa propre personne et féminité,
mais aussi grâce à la donation de lui-même » 67.
Terminons ces considérations sur le don en soulignant que Jean-Paul II marque
à plusieurs reprises le caractère « sacramentel» de ce don, comme nous l'avons déjà
vu plus haut.
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LA RELATION HOMME-FEMME
... Avec l'homme, la sainteté est entrée dans le monde visible créé pour lui. Le
sacrement du monde et le sacrement de l'homme dans le monde proviennent de
la source divine de la sainteté et sont en même temps institués pour la sainteté.
L'innocence originelle, liée à l'expérience de la signification conjugale du corps,
est la sainteté même qui permet à l'homme de s'exprimer profondément par son
propre corps et ceci, précisément, grâce au « don sincère de soi ». Dans ce cas, la
conscience du don conditionne « le sacrement du corps » : l'être humain se sent,
dans son corps d'homme ou de femme, sujet de sainteté 68 .
La connaissance réciproque
Mais il ne s'agit pas d'une découverte d'ordre simplement matériel, sexuel, au sens
restreint du mot. L'homme ou la femme « n'est pas seulement un objet passif, défini
par son propre corps et sexe et, de cette manière, déterminé "par sa nature". »
Au contraire, précisément du fait d'être homme et femme, ils sont chacun d'eux
donnés à l'autre comme sujet unique, non susceptible d'être répété comme
«ego», comme personne. Le sexe ne décide pas seulement de l'individualité
somatique de l'homme : il définit en même temps son identité personnelle, sa
réalité concrète. C'est précisément par cette identité personnelle, cette réalité
concrète, comme « ego » féminin-masculin non répétable, que l'homme vient à
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JEAN-GUY PAGE
Mais ne pourrait-on pas taxer toute cette conception d'idéaliste, lui reprocher de
ne pas tenir compte de la condition historique de l'homme qui est une condition de
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LA RELATION HOMME-FEMME
Aussi faut-il reconnaître avec Jean-Paul II que lorsque le Christ, en Mt 19, 1-9,
se réclame de l'« origine», il n'entend pas seulement indiquer l'état d'innocence
originelle comme horizon perdu de l'existence humaine, mais faire allusion au
78. Témoin de la justesse de cette affirmation, le texte suivant, tiré de Redempîor hominis, par. 10:
« L'homme qui veut se comprendre lui-même jusqu'au fond ne doit pas se contenter pour son être
propre de critères et de mesures qui seraient immédiats, partiaux, souvent superficiels et même
seulement apparents ; mais il doit, avec ses inquiétudes, ses incertitudes et même sa faiblesse et son
péché, avec sa vie et sa mort, s'approcher du Christ. Il doit, pour ainsi dire, entrer dans le Christ avec
tout son être, il doit "s'approprier" et assimiler toute la réalité de l'Incarnation et de la Rédemption
pour se retrouver soi-même».
79. À l'image de Dieu..., pp. 33-34.
80. Jean-Paul II revient assez souvent sur cette correspondance entre le réel, l'existence, et les
mécanismes de la connaissance humaine. Cf. par exemple, la fin de l'allocution du 12 janv. 1983,
Doc. cath., n° 1846, 20 fév. 1983, p. 198.
81. A l'image de Dieu..., p. 34.
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JEAN-GUY PAGE
82. Remarquer cependant la note très nuancée, du point de vue exégétique, de Jean-Paul II au sujet de ce
texte: À l'image de Dieu..., p. 35, note 1.
83. Ibid, p. 37.
84. Par la même occasion, Jean-Paul II s'élève contre ceux qui posent une antithèse, une antinomie entre
révélation et expérience, foi et science, théologie et philosophie. « Pour formuler un tel point de vue »,
dit-il, « il a fallu prendre en considération des concepts abstraits, plutôt que l'homme comme sujet
vivant» (Ibid., p. 40, note 2).
85. Ibid., p. 129. Ailleurs Jean-Paul II déclare : « Après le péché originel, l'homme et la femme perdront
la grâce de l'innocence originelle. La découverte de la signification conjugale du corps cessera d'être
pour eux une simple réalité de la révélation et de la grâce. Cette signification restera toutefois comme
un engagement qui lui vient de l'éthos du don, inscrit au plus profond du cœur humain comme un écho
lointain de l'innocence originelle. À partir de cette signification conjugale, l'amour humain se
formera dans sa vérité intérieure et dans son authenticité subjective. Et l'homme s'y découvrira
continuellement lui-même — même sous le voile de la honte — comme gardien du mystère du sujet,
c'est-à-dire de la liberté du don, au point de la défendre contre n'importe quelle réduction au niveau
de pur objet » (p. 156).
86. Ibid, pp. 150-152.
87. « Le Fils de Dieu, en la nature humaine qu'il s'est unie, vainqueur de la mort par sa mort et sa
résurrection, a racheté l'homme et l'a transformé en une nouvelle créature (cf. Ga 6, 15 ; 2 Co 5, 17) »
(Lumen gentium, par. 7). Cf. B. REY, Créés dans le Christ Jésus, Paris, 1966, coll. « Lectio divina»,
n°42.
88. J.-G. PAGE, Qui est l'Église, Montréal, Bellarmin, 1982 (2e tirage), tome I, pp. 160-181.
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LA RELATION HOMME-FEMME
89. Allocution du 3 déc. 1980 (Doc. cath., n° 1799, 4 janv. 1981, pp. 17-18).
90. Allocution du 18 juin 1980 {Doc. cath., n° 1790, 20 juil. 1980, pp. 685-686).
91. Allocution du 25 juin 1980 (Ibid., p. 686).
92. « Le "cœur" est devenu un lieu de combat entre l'amour et la concupiscence » (Allocution du 23 juil.
1980: Doc. cath., n° 1792, 7-21 sept. 1980, p. 810).
93. Ibid, pp. 810-811.
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JEAN-GUY PAGE
94. Allocution du 17 sept. 1980 (Doc. cath., n° 1794, 19 oct. 1980, pp. 921-922). «C'est une chose, en
effet, que d'avoir conscience que la valeur du sexe fait partie de toute la richesse des valeurs avec
laquelle l'être féminin apparaît à l'être masculin. C'est une autre chose de "réduire" toute la richesse
personnelle de la féminité à cette unique valeur, c'est-à-dire au sexe comme objet convenant à la
satisfaction de sa propre sexualité » (Ibid. ). C'est à ce propos que le Pape a exprimé l'affirmation qui
en fait sursauter d'aucuns simplement parce qu'ils n'ont pas compris son discours: l'homme peut
commettre un adultère « dans le cœur» par rapport à sa propre épouse « s'il la traite seulement comme
un objet de satisfaction de son instinct» (Allocution du 8 oct. 1980 : Doe. cath. n° 1795, 2 nov. 1980,
p. 972).
95. Allocution du 8 oct. 1980 (Doc. cath., n° 1795, 2 nov. 1980, p. 973).
96. Allocution du 29 oct. 1980 (Doc. cath., n° 1796, 23 nov. 1980, p. 1046).
97. Voir les allocutions du 12 nov. 1980 (Doc. cath.,n° 1797, 7 déc. 1980, pp. 1105-1106) et du 3 déc. 1980
(Doc. cath., n° 1799, 4 janv. 1981, pp. 17-19).
98. Doc. cath.,n°> 1801 (l"fév. 1981), 1802(15 fév. 1981), 1803 (1 er mars 1981), 1805 (5 avril 1981), 1806
(19 avril 1981) et 1807(3 mai 1981).
99. Allocution du 1er avril 1981 (Doc. cath., n° 1807, 3 mai 1981, p. 418).
100. Allocution du 11 fév. 1981 (Doc. cath.,n° 1805, 5 avril 1981, p. 337).
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rapport sponsal qui unit le mari et l'épouse dans le mariage. De cette manière, le
sacrement de la rédemption revêt, dans un certain sens, la figure et la forme du
sacrement primordial. Au mariage du premier mari et de la première femme
comme signe du don surnaturel à l'homme dans le sacrement de la création,
correspond le mariage, ou plutôt l'analogie du mariage du Christ avec l'Église
comme «grand» signe fondamental du don surnaturel à l'homme dans le
sacrement de la rédemption, du don où se renouvelle, de manière définitive,
l'alliance de la grâce d'élection, rompue à « l'origine» par le péché 107.
Conclusion
107. Allocution du 13 oct. 1982 (Doc. cath., n° 1840, 21 nov. 1982, p. 1035). Mais ce « signe» vaut pour
ici-bas et il pointe déjà (pas en Ep 5, mais en 1 Co 7 et surtout en Mt 19) vers l'état définitif de
l'homme et de la femme (et de leurs relations) dans le Royaume des cieux.
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intériorité ; d'autre part, il ne peut aborder cette réalité objective qui est sienne qu'en
tant que sujet, c'est-à-dire en tant que personne dotée d'une intériorité, d'une
capacité de connaître et de s'autodéterminer. Ce double pôle de sa pensée permet à
Wojtyla d'éviter les pièges d'une pensée unilatéralement objective et essentialiste
comme ceux d'une pensée exclusivement subjectiviste et existentialiste. Sa vision de
l'homme est encore intégrale parce qu'elle ne se fonde pas sur les seules données des
sciences empiriques et de l'anthropologie philosophique — sans en faire fi pour
autant — , mais qu'elle est finalement une « anthropologie théologique», qui trouve
son ultime fondement dans la révélation.
L'objet de cette profonde attention est l'homme dans sa réalité humaine unique
et impossible à répéter, dans laquelle demeure intacte l'image et la ressemblance
avec Dieu lui-même... L'homme, tel qu'il est «voulu» par Dieu, «choisi» par
Lui de toute éternité, appelé, destiné à la grâce et à la gloire : voilà ce qu'est
« tout » homme, l'homme « le plus concret », « le plus réel » ; c'est cela l'homme
dans toute la plénitude du mystère dont il est devenu participant en Jésus-Christ
et dont devient participant chacun des quatre milliards d'hommes vivant sur
notre planète, dès l'instant de sa conception près du cœur de sa mère.
{Redemptor hominis, par. 13)
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