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Travaux dirigés

Textes à analyser

Texte 1

Intervention de Jules FERRY le 28 juillet 1885 (il n’est que simple


député, ayant perdu son poste de ministre quelques mois avant)

"On peut rattacher le système d’expansion coloniale à trois ordres


d’idées : à des idées économiques, à des idées de civilisation, à des idées
d’ordre politique et patriotique (...)

Ce qui manque à notre grande industrie, que les traités de 1860 ont
irrévocablement dirigée dans la voie de l’exportation, ce qui lui manque de
plus en plus, ce sont les débouchés (...) La concurrence, la loi de l’offre et
de la demande, la liberté des échanges, l’influence des spéculations, tout
cela rayonne dans un cercle qui s’étend jusqu’aux extrémités du monde.
C’est là un problème extrêmement grave.

Il est si grave (...) que les gens les moins avisés sont condamnés déjà à
entrevoir, à prévoir et à se pourvoir pour l’époque où ce grand marché de
l’Amérique du Sud, qui nous appartenait de temps en quelque sorte
immémorial, nous sera disputé et peut-être enlevé par les produits de
l’Amérique du Nord. Il n’y a rien de plus sérieux, il n’y a pas de problème
social plus grave ; or, ce problème est intimement lié à la politique
coloniale (...)

Il y a un second point que je dois aborder (...) c’est le côté humanitaire et


civilisateur de la question (...) Les races supérieures ont un droit vis-à-vis
des races inférieures. Je dis qu’il y a pour elles un droit parce qu’il y a un
devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures (...)

Ces devoirs ont souvent été méconnus dans l’histoire des siècles
précédents, et certainement quand les soldats et les explorateurs
espagnols introduisaient l’esclavage dans l’Amérique centrale, ils
n’accomplissaient pas leur devoir d’hommes de race supérieure. Mais de
nos jours, je soutiens que les nations européennes s’acquittent avec
largeur, avec grandeur et honnêteté de ce devoir supérieur de la
civilisation (...)

Est-ce que les gouvernements qui ont hérité de cette situation


malheureuse se condamneront à ne plus avoir aucune politique
européenne ? Est-ce qu’ils laisseront tout faire autour d’eux, est-ce qu’ils
laisseront les choses aller, est-ce qu’ils laisseront d’autres que nous
s’établir en Tunisie, d’autres que nous faire la police à l’embouchure du
fleuve rouge ? (...) Est-ce qu’ils laisseront d’autres se disputer les régions
de l’Afrique équatoriale ? Laisseront-ils aussi se régler par d’autres les
affaires égyptiennes qui, par tant de côtés, sont vraiment des affaires
françaises ?
(...) Je dis que la politique coloniale de la France, que la politique
d’expansion coloniale, celle qui nous a fait aller, sous l’Empire, à Saïgon,
en Cochinchine, celle qui nous a conduits en Tunisie, celle qui nous a
amenés à Madagascar, je dis que cette politique d’expansion coloniale
s’est inspirée d’une vérité sur laquelle il faut pourtant appeler un instant
votre attention : à savoir qu’une marine comme la nôtre ne peut se
passer, sur la surface des mers, d’abris solides, de défenses, de centres de
ravitaillement (...)

(...) En regardant comme un piège, comme une aventure toute expansion


vers l’Afrique ou l’Orient, vivre de cette sorte pour une grande nation,
croyez-le bien, c’est abdiquer (...) "

Présentez brièvement l’auteur.

Quels sont les arguments avancés par l’auteur pour justifier


l’expansion coloniale?

Texte 2

Réponse de Georges Clemenceau au discours de Jules Ferry, le 30


juillet 1885

« Je passe maintenant à la critique de votre politique de conquêtes au


point de vue humanitaire. (...)" Nous avons des droits sur les races
inférieures. " Les races supérieures ont sur les races inférieures un droit
qu’elles exercent et ce droit, par une transformation particulière, est en
même temps un devoir de civilisation. Voilà, en propres termes, la thèse
de M. Ferry et l’on voit le gouvernement français exerçant son droit sur les
races inférieures en allant guerroyer contre elles et les convertissant de
force aux bienfaits de la civilisation. Races supérieures ! Races inférieure !
C’est bientôt dit. Pour ma part, j’en rabats singulièrement depuis que j’ai
vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France
devait être vaincue dans la guerre franco-allemande, parce que le Français
est d’une race inférieure à l’Allemand. Depuis ce temps, je l’avoue, j’y
regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une
civilisation et de prononcer : homme ou civilisation inférieure ! (...)

Je ne veux pas juger au fond la thèse qui a été apportée ici et qui n’est
autre chose que la proclamation de la puissance de la force sur le Droit.
L’histoire de France depuis la Révolution est une vivante protestation
contre cette unique prétention. C’est le génie même de la race française
que d’avoir généralisé la théorie du droit et de la justice, d’avoir compris
que le problème de la civilisation était d’éliminer la violence des rapports
des hommes entre eux dans une même société et de tendre à éliminer la
violence, pour un avenir que nous ne connaissons pas, des rapports des
nations entre elles. (...) Regardez l’histoire de la conquête de ces peuples
que vous dites barbares et vous y verrez la violence, tous les crimes
déchaînés, l’oppression, le sang coulant à flots, le faible opprimé,
tyrannisé par le vainqueur ! Voilà l’histoire de votre civilisation ! (...)
Combien de crimes atroces, effroyables ont été commis au nom de la
justice et de la civilisation. Je ne dis rien des vices que l’Européen apporte
avec lui : de l’alcool, de l’opium qu’il répand, qu’il impose s’il lui plaît. Et
c’est un pareil système que vous essayez de justifier en France dans la
patrie des droits de l’homme !

Je ne comprends pas que nous n’ayons pas été unanimes ici à nous lever
d’un seul bond pour protester violemment contre vos paroles. Non, il n’y a
pas de droit des nations dites supérieures contre les nations inférieures. Il
y a la lutte pour la vie qui est une nécessité fatale, qu’à mesure que nous
nous élevons dans la civilisation nous devons contenir dans les limites de
la justice et du droit. Mais n’essayons pas de revêtir la violence du nom
hypocrite de civilisation. Ne parlons pas de droit, de devoir. La conquête
que vous préconisez, c’est l’abus pur et simple de la force que donne la
civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires pour s’approprier
l’homme, le torturer, en extraire toute la force qui est en lui au profit du
prétendu civilisateur. Ce n’est pas le droit, c’en est la négation. Parler à ce
propos de civilisation, c’est joindre à la violence, l’hypocrisie. »

Présentez brièvement l’auteur.

En relevant les indices de subjectivité, expliquez la thèse de


l’auteur ?

Texte 3

Aimé Césaire, discours sur le colonialisme


Présence Africaine, 1970

Entre colonisateur et colonisé, il n'y a de place que pour la corvée,


l'intimidation, la pression, la police, l'impôt, le vol, le viol, les cultures
obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie,
des élites décérébrées, des masses avilies.

Aucun contact humain, mais des rapports de domination et de soumission


qui transforment l'homme colonisateur en pion, en adjudant, en garde-
chiourme et l'homme indigène en instrument de production.
A mon tour de poser une équation : colonisation = chosification.

J'entends la tempête. On me parle de progrès, de «réalisations », de


maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d'eux mêmes.

Moi, je parle de sociétés vidées d'elles-mêmes, de cultures piétinées,


d'institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de
magnificences artistiques anéanties, d'extraordinaires possibilités
supprimées.

On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de


routes, de canaux, de chemins de fer.

Moi, je parle de milliers d'hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de


ceux qui, à l'heure où j'écris, sont en train de creuser à la main le port
d'Abidjan. Je parle de millions d'hommes arrachés à leur terre, à leurs
habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse, à la sagesse.

Je parle de millions d'hommes à qui l'on a inculqué savamment la peur, le


complexe d'infériorité, le tremblement, l'agenouillement, le désespoir.

On m'en donne plein la vue du tonnage de coton ou de cacao exporté,


d'hectares d'oliviers ou de vignes plantées.

Moi, je parle d'économies naturelles, d'économies harmonieuses et


viables, à la mesure de l'homme indigène, de cultures vivrières détruites,
de sous-alimentation installée, de développement agricole orienté selon le
seul bénéfice des métropoles, de rafles de produits, de rafles de matières
premières.

On se targue d'abus supprimés.

Moi aussi, je parle d'abus, mais pour dire qu'aux anciens - très réels - on
en a superposé d'autres, très détestables. On me parle de tyrans locaux
mis à la raison; mais je constate qu'en générale ils font très bon ménage
avec les nouveaux et que, de ceux-ci aux anciens et vice-versa, il s'est
établi, au détriment des peuples, un circuit de bons services et de
complicité.

-Présentez l’auteur
-Qu’est- ce que la Négritude ?
-Quelle est la tonalité du texte ? Justifiez votre réponse.
-Que remarquez-vous concernant la structure du texte ?
-Justifiez l’emploi du pronom indéfini On.
-Repérez les expressions qui renvoient au thème de déculturation.
Quelle est l’intention de l’auteur ?
Texte 4
Épître dédicatoire aux nègres esclaves, (Réflexions sur l’esclavage
des nègres) Condorcet, 1781.
Mes amis,
Quoique je ne sois pas de la même couleur que vous, je vous ai
toujours regardés comme mes frères. La nature vous a formés pour avoir
le même esprit, la même raison, les mêmes vertus que les Blancs. Je ne
parle ici que de ceux d’Europe, car pour les Blancs des colonies, je ne vous
fais pas l’injure de les comparer à vous ; je sais combien de fois votre
fidélité, votre probité, votre courage ont fait rougir vos maîtres. Si on allait
chercher un homme dans les îles de l’Amérique, ce ne serait point parmi
les gens de chair blanche qu’on le trouverait.

Votre suffrage ne procure point de place dans les colonies ; votre


protection ne fait point obtenir de pensions ; vous n’avez pas de quoi
soudoyer des avocats : il n’est donc pas étonnant que vos maîtres
trouvent plus de gens qui se déshonorent en défendant leur cause, que
vous n’en avez trouvés qui se soient honorés en défendant la vôtre. Il y a
même des pays où ceux qui voudraient écrire en votre faveur n’en
auraient point la liberté.

Tous ceux qui se sont enrichis dans les îles aux dépens de vos
travaux et de vos souffrances, ont, à leur retour, le droit de vous insulter
dans des libelles calomnieux ; mais il n’est point permis de leur répondre.
Telle est l’idée que vos maîtres ont de la bonté de leur droit ; telle est la
conscience qu’ils ont de leur humanité à votre égard. Mais cette injustice
n’a été pour moi qu’une raison de plus pour prendre, dans un pays libre, la
défense de la liberté des hommes. Je sais que vous ne connaîtrez jamais
cet ouvrage, et que la douceur d’être béni par vous me sera toujours
refusée. Mais j’aurai satisfait mon cœur déchiré par le spectacle de vos
maux, soulevé par l’insolence absurde des sophismes de vos tyrans. Je
n’emploierai point l’éloquence, mais la raison ; je parlerai, non des intérêts
du commerce, mais des lois de la justice.

Vos tyrans me reprocheront de ne dire que des choses communes et


de n’avoir que des idées chimériques : en effet, rien n’est plus commun
que les maximes de l’humanité et la justice ; rien n’est plus chimérique
que de proposer aux hommes d’y conformer leur conduite.
-Présentez brièvement l’auteur.
-Qu’est ce qu’une épître ? Relevez les indices qui s’y réfèrent ?
-Quelle est la thèse de l’auteur ? Expliquez-en les arguments.
-Expliquez la dernière phrase du troisième paragraphe.

Texte 5

"Si j’avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres
esclaves, voici ce que je dirais : Les peuples d’Europe ayant exterminé
ceux de l’Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l’Afrique, pour
s’en servir à défricher tant de terres.
Le sucre serait trop cher, si l’on ne faisait travailler la plante qui le produit
par des esclaves.

Ceux dont il s’agit sont noirs depuis les pieds jusqu’à la tête ; et ils ont le
nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre.

On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait
mis une âme, surtout bonne, dans un corps tout noir.

On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les
Egyptiens, les meilleurs philosophes du monde, étaient d’une si grande
conséquence, qu’ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur
tombaient entre les mains.

Une preuve que les nègres n’ont pas le sens commun c’est qu’ils font plus
de cas d’un collier de verre que de l’or qui, chez les nations policées, est
d’une si grande conséquence.

Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des
hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on
commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens."

Montesquieu, "De l’Esprit des Lois", 1748

-Présentez brièvement l’auteur et son œuvre.


-En expliquant tous les arguments, dites s’il s’agit d’un plaidoyer
ou d’un réquisitoire. Qu’en concluez-vous ?

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