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La litterature didees du XVlème siècle au XVIllème siecle

Parcours associé : Ecrire et combattre pour l'égalite

Lecture linéaire 10 : Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne,

« Préambule », Olympe de Gouges, 1791

Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation, demandent d'être

constituées en Assemblée nationale. Considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris

des droits de la femme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption

des gouvernements, elles ont résolu d'exposer dans une déclaration solennelle, les

droits naturels, inaliénables .et sacrés de la femme, lafin que cette déclaration

constamment présente a tous les membres du eorps social, leur rappelle sans cesse

leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du

pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute

institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes,

fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au

maintien de la Constitution, des bonnes mœurs, et au bonheur de tous.

En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage dans les

souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre

Suprême, les Droits suivants de la temme et de la citoyenne.

Article premier.- La femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits. Les

distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

Article 2.- Le but de toute association politique est la conservation des droits

naturels et imprescriptibles de la femme et de l'homme: ces droits sont la liberté, la

propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l'oppression.

Article 3.- Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la

nation, qui n'est que la réunion de la femme et de l'homme: nul corps, nul individu, ne
peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

Article 4.- La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à

autrui; ainsi l'exercice des droits naturels de la femme n'a de bornes que la tyrannie

perpétuelle que l'homme lui oppose; ces bornes doivent être réformées par les lois de la

nature et de la raison.

(...)

Article 6.- La loi doit être l'expression de la volonté générale; toutes les

citoyennes et tous les citoyens doivent concourir personnellement, ou par leurs

représentants, à sa formation; elle doit être la même pour tous : toutes les citoyennes et

tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent également être admissibles à toutes

les dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autres distinctions

que celles de leurs vertus et de leurs talents.

LECTURE LINÉAIRE 10 : Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne,

« Préambule », Olympe de Gouges, 1791

A) Introduction (biographie + œuvre)

- Olympe de Gouges (1748-1793) participe à la Révolution française au XVIllè siècle. Elle


défendait la cause des femmes (droit au divorce, droits pour les enfants naturels), en particulier
dans la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne qui sera placardée sur les murs
de Paris. Il s'agit d'une réponse à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, texte
phare de la Révolution. En écrivant ce texte, Olympe de Gouges met en évidence que « les
droits de l'Homme » ont été écrits en faveur des seuls hommes.

- Le texte, comme son titre l'indique, se situe au début de l'oeuvre. Après une introduction suit la
liste des 17 articles.

B) Lecture expressive (attention, notée sur 2 points!)

C) Annonce du projet de lecture lié à la structure du texte

L'extrait présente l'introduction à la Déclaration, les quatre premiers articles et le sixième. On se


demandera comment cette réécriture des Droits de l'Homme et du Citoyen sert le combat pour
l'égalité entre les hommes et les femmes.
D) Explication linéaire

- L'introduction

La DDFC ne prétend pas remplacer la DDHC mais la compléter en lui adjoignant un texte
précisant les droits des femmes. Les droits des femmes ont toujours existé par nature, il s'agit
de leur donner une traduction écrite à laquelle on puisse se référer officiellement.

1,2- Olympe révolutionne ici le texte de la DDHC écrit par des hommes en rappelant que les
femmes également sont des représentantes de la nation puisqu'elles en constituent la moitié.
La légitimité des femmes est posée d'emblée comme incontestable. La force du verbe «
demandent » au présent d'énonciation a une valeur d'injonction et si les femmes ne peuvent
être constituées en pratique en Assemblée nationale, elles peuvent exprimer le souhait de se
faire entendre. Par ailleurs, en énumérant dans un rythme ternaire « les mères, les filles, les
soeurs », Olympe de Gouges omet volontairement les épouses afin de couper la femme de tout
lien de soumission aux hommes. Les femmes rassemblées ne se définissent que par elles-
mêmes, sans la médiation d'un époux. C'est rappeler ici la réforme du mariage incluant le
divorce.

2 à 5- La phrase suivante est une longue période reposant sur des répétitions et des
parallélismes de construction à valeur d'insistance.

Le rythme ternaire, « l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme » rappelle la


condition déplorable du sexe féminin au XVIllème siècle et s'oppose par antithèse à un autre
rythme ternaire, celui des « droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme ». Le mot «
femme » remplace bien sûr le mot « homme » de la DDHC et ouvre le texte à une véritable
universalité. On retrouve la pensée des Lumières dans l'évocation des droits de la Nature et un
certain crescendo dans les épithètes qui passent de « naturels» à « inaliénables » puis « sacrés
». Le ton est ferme et assertif.

5 à 7- Commence ici une construction répétitive par parallélismes qui réitère à trois reprises une
proposition circonstancielle de but introduite par « afin que ». La première rappelle aux hommes
et aux femmes leurs devoirs mais aussi leurs droits. Les deux compléments circonstanciels de
manière, « constamment » et « sans cesse », souligne l'impératif de ces obligations.

7 à 9- La deuxième rappelle dans un nouveau parallélisme que les femmes ont autant d' «
actes de pouvoir» que les hommes auxquels elles peuvent être comparées. Olympe de Gouges
revendique ainsi une véritable égalité. Le complément circonstanciel de temps « à chaque
instant » insiste également sur l'aspect impératif de cette égalité.

9 à 11- La troisième circonstancielle s'appuie sur la suite du texte qui formule des principes
désormais « simples et incontestables » et qui garantisse le bon fonctionnement de la
Constitution entendue dans son universalité. Les femmes ne sont pas des révolutionnaires qui
cherchent à bouleverser la société, au contraire, c'est le respect de leurs droits qui assurera de
« bonne mœurs » et le « bonheur de tous ».

12 a14 - Ces dernières lignes sont introduites par un connecteur logique de conséquence
montrant

que l'autrice argumeste els oule tentation logique et implacable. L'autrice fait ici preuve
d'audace et même de provocation puisque la femme devient « le sexe supérieur » dans deux
domaines, l'homme lorsqu'elle
soit parce qu'elle est plus belle, soit parce qu'elle est plus courageuse que enfante. Cette
affirmation a donc une valeur polémique et confère une

dimension pamphlétaire à la Déclaration. La force du discours tient également à son


immédiatete dans la mesure où il semble prononcé au moment de la lecture, d'où les deux
présents d'actualité « reconnait et déclare ». La référence à l'Etre suprême prouve que l'autrice
ne s'écarte pas des croyances révolutionnaires, la déclaration n'émane pas d'un Dieu tout
puissant. Enfin, elle termine sur une expression qui pourrait paraître redondante : « les Droits
de la femme et de la citoyenne ».

En vérité, en utilisant le terme « citoyenne », elle arrache la femme à sa condition pour en faire
le double féminin du citoyen qui a des droits, tout comme elle.

- Article premier

Dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, l'article premier établit une égalité
abstraite entre tous les Hommes contre les privilèges de quelques uns. Ici l'autrice revendique
une liberté et une égalité plus concrètes entre l'homme et la femme au singulier. L'universalité
comprend bien les deux genres. Le verbe « naître »S montre que rien ne prédispose la femme
à être aliénée. Il s'agit aussi de rappeler qu'elle doit demeurer l'égale de l'homme dans le
temps.

L'article comme tous les autres est rédigé au présent de vérité générale, ce qui renforce le
propos.

- Article 2

L'article renvoie aux droits naturels prônés par les philosophes des Lumières, auxquels la
femme na pourtant pas droit. Elle n'est pas libre puisque sa famille peut disposer d'elle en la
mariant à sa guise, elle ne possède rien puisqu'elle vit sous la tutelle de son mari, elle peut-être
victime de violence sans que son agresseur soit inquiété, elle vit sous le joug des hommes qui
ont tout pouvoir sur elle. L'article 2 revendique ces droits fondamentaux comme tout texte
juridique mais pas seulement. L'autrice a en effet rajouté l'adverbe « surtout » devant «
oppression » incitant ainsi les femmes à combattre pour s'émanciper.

- Article 3

Ici l'autrice corrige la définition du terme « nation » employé dans la Déclaration des Droits de

"'Homme et du Citoyen en optant pour le terme pacifique de « réunion de la femme et de


l'homme » qui les place tous les deux sur un même plan harmonieux. La femme devient ainsi
une citoyenne active, tout comme l'homme. La négation restrictive « ne que » est à comprendre
comme « ne peut être que », sans quoi la notion de Nation de la DDHC serait contradictoire
avec son universalité prétendue.

- Article 4

Olympe de Gouges modifie substantiellement l'article 4. Alors que l'esprit du texte d'origine était
« la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres », l'autrice ajoute à la notion de
liberté, la notion positive de justice dont sont privées les femmes. En effet, victimes de la «
tyrannie » des hommes, elles sont donc victimes d'injustices et privées de liberté. Olympe de
Gouges réclame une refonte de la société dans laquelle l'homme ne serait plus un tyran grâce à
de nouvelles lois qui reposeraient sur deux notions chères aux philosophes des Lumières, « la
nature et la raison » et qui protégeraient les femmes.

- Article 6

Olympe de Gouges reprend à nouveau l'article 6 en passant d'une égalité abstraite entre tous
les Hommes à une égalité plus concrète entre hommes et femmes. D'ailleurs, elle répète à
deux reprises « toutes les citoyennes et tous les citoyens ». Elle insère les femmes dans le
texte mais pas simplement en tant que femme, avant tout en tant qu'individu ayant des droits.
Elle revendique ainsi pour les femmes une citoyenneté active lui permettant de participer à la
vie publique selon son mérite comme tout un chacun. Elle pointe ici les contradictions de
l'article premier de la DDHC dont l'universalite n'est pas une réalité.

E) Conclusion LL 10

Cet extrait de la Déclaration des droits de la femme et de la citovenne n'est pas un simple texte
juridique dans lequel Olympe de Gouges se serait contentée d'ajouter le terme « femme» au fil
des articles. L'auteure va au-delà de l'inscription des femmes dans le texte, elle laisse poindre
une critique de la société et des hommes, société qu'elle cherche à combattre par ce texte.

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