Houston Forces Speciales T2 Douce Persuasion

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Douce persuasion

Maya Banks

Houston, forces spéciales ~ tome 2

Titre original : Sweet persuasion


Quatrième de couverture :
Les rêves, peuvent-ils devenir réalité ? Experte en la matière, Serena James a la réponse à cette
question : oui ! Dirigeante de la société Fantasy Incorporated, elle donne vie, chaque jour, aux moindres
fantaisies de ses clients. Or, si Serena a très à cœur de faire le bonheur des autres, elle en oublie parfois le
sien. Et pourtant, elle aussi nourrit en secret un rêve complètement fou : s’offrir à un homme qui aurait
total pouvoir sur son corps. Quand elle ose enfin se confier à son amie Faith, cette dernière évoque un
certain Damon Roche. Directeur de The House, un lieu où tous les fantasmes deviennent possibles, il
pourrait bien être l’homme de la situation…
Lu par Kit & Kat
1

– Vous connaissez quelqu’un qui assouvit les fantasmes sexuels ? demanda Serena James.
Un silence embarrassé lui répondit, et les mains qui massaient ses épaules nouées interrompirent
leur mouvement. Serena entrouvrit un œil pour regarder Faith Malone, allongée sur la table de massage
voisine. Tournant légèrement la tête, elle jeta ensuite un regard vers sa masseuse, Julie Stanford, la
propriétaire du salon de beauté où elle et Faith venaient chaque semaine.
– Euh, chérie, les fantasmes c’est ton domaine, je te rappelle, lui fit enfin remarquer Julie. Et puis, tu
es vraiment obligée de parler de fantasmes sexuels pendant que je te masse ?
– Tais-toi et masse, marmonna Serena en riant. Refermant les yeux, elle se détendit à nouveau. Ça lui
apprendrait de vouloir évoquer ce qui lui occupait l’esprit depuis quelque temps. Elle laissa échapper un
soupir alors que Julie reprenait son travail sur ses muscles endoloris.
– Moi, les fantasmes, c’est quand je masse Nathan Tucker que j’en ai, lâcha Julie d’une voix rêveuse.
Ah bon, il vient régulièrement, maintenant ? s’étonna Faith d’une voix amusée.
– Oui, deux fois par mois, répliqua Julie avec une gaieté contagieuse. Et je peux vous dire que je
travaillerais volontiers gratis sur un spécimen pareil. J’ai intérêt à me surveiller, sinon un de ces jours, je
vais lui baver sur le dos.
– Plutôt sur le ventre, non ? la taquina Serena. Julie gloussa.
– Il ne m’accorde que son dos, malheureusement. Je pense que j’irais jusqu’à payer, pour masser un
torse pareil.
– Le torse et le reste, je parie ! renchérit Faith.
– Pourquoi est-ce qu’il se cantonne au dos ? demanda Serena.
Julie riait tellement que ses mains en tremblaient.
– Je crois qu’il est timide, fit-elle en accentuant la pression sur les omoplates de Serena, qui laissa
échapper un gémissement de plaisir. Il ne veut pas que je le voie en érection. Mais assez parlé de mon
obsession pour Nathan Tucker. Dis-nous plutôt pourquoi tu t’intéresses aux fantasmes sexuels, Serena.
– Oui, dis-nous, renchérit Faith. Tu envisages d’étendre Fantasy Incorporated à ce domaine
particulier ?
Serena pouffa.
– Payer des gens pour qu’ils assouvissent les fantasmes d’autres personnes, ça s’appelle de la
prostitution, non ?
– Dans ce cas, pourquoi est-ce que tu poses la question ? insista Julie en lui tapotant l’épaule pour
indiquer que le massage était terminé.
Serena se releva et enfila un peignoir, observant Julie qui massait désormais le dos de Faith. Oui,
pourquoi avait-elle posé cette question ?
Ça lui avait échappé, sans doute. Quand on faisait un job qui consistait justement à réaliser les rêves
des autres, des plus frivoles aux plus fous, pas étonnant qu’on finisse par être un peu frustré.
Elle était fière de son travail, fière de faire le bonheur des gens. Mais c’était peut-être là son
problème : cela la renvoyait cruellement à ce qui lui manquait dans la vie.
– Je dois être en manque de sexe, finit-elle par lâcher.
– Bienvenue au club, dit Julie en souriant. Enfin, je ne parle pas de cette veinarde de Faith,
évidemment. Je suis sûre que Gray la comble, dans ce domaine.
– Hé ! Ne passez pas vos frustrations sur moi, les filles, protesta Faith. Ce n’est pas ma faute si je suis
irrésistible.
Serena lui jeta en riant une serviette, que son amie lui renvoya illico, hilare.
– Quand est-ce que tu te maries, d’ailleurs ? s’enquit Serena.
– Dis donc, toi, répliqua Faith en rouvrant les yeux, n’essaie pas de détourner la conversation.
– Elle a raison, renchérit Julie, on parlait de tes fantasmes.
– Vous êtes pires qu’un chien qui a trouvé un os, soupira Serena, feignant l’exaspération.
– Ouaf, aboya Julie. Je te rappelle que je n’ai pas de vie, alors je vis par procuration à travers celle de
mes clientes. C’est bien normal. Allez, balance !
Serena se mordilla la lèvre inférieure. Bon sang, pourquoi avait-elle mis ce sujet sur la table ? Enfin,
qui ne risque rien n’a rien, comme on dit.
– J’ai des fantasmes plutôt… intrigants, avoua-t-elle.
– Eh ben, on est deux, ricana Julie.
Faith garda le silence, mais devint écarlate.
– Moi, je dirais même qu’on est trois, à en juger par la tête de Faith, commenta Serena.
L’intéressée laissa échapper un petit cri embarrassé.
– On n’était pas censées parler de moi, dit-elle en enfouissant le visage dans sa serviette.
– En effet, et c’est bien dommage, marmonna Julie. Je parie que sous ces dehors de gentille fille
innocente se cache une véritable perverse.
– On peut revenir à Serena ?
– Tu as raison. Allez, accouche ma belle, reprit Julie en se tournant vers Serena. Qu’est-ce qu’ils ont
de si intrigant, tes fantasmes ? Et pourquoi tu veux savoir si l’on connaît quelqu’un qui serait susceptible
de les assouvir ? Belle comme tu es, tu n’aurais pas besoin d’aller loin pour trouver bon nombre
d’hommes tout prêts à les étudier.
Serena lui jeta un regard noir.
– Je ne t’ai pas dit ce qu’ils étaient exactement.
– Tiens, tiens ! s’exclama Faith. Dépêche-toi de finir, Julie, je sens que ça va être intéressant.
– Quoi ? Tu renoncerais à mes mains magiques pour mieux l’écouter parler de ses fantasmes ?
s’exclama Julie, feignant l’indignation.
– Comme si tu n’étais pas aussi curieuse qu’elle ! se moqua Serena.
– Oui, bon, d’accord. Faith, dépêche-toi de te rhabiller. On ne sait pas ce que Serena va nous avouer.
Si ça se trouve, elle fantasme sur un truc à trois entre filles. Je ne suis pas sûre que Gray apprécierait.
Encore une fois, Faith rougit violemment.
– Ne te laisse pas faire, voyons ! lui conseilla Serena.
– Vous croyez que je ne suis qu’une douce colombe…, marmonna Faith en enfilant un peignoir.

– C’est-à-dire ? l’interrompit Julie.


– Serena. Revenons-en à Serena, OK ?
La sonnerie du téléphone les interrompit, et Julie s’empressa d’aller décrocher, leur intimant le
silence d’un doigt autoritaire. Serena se rassit sur la table de soin, les pieds ballants. Depuis le temps
qu’elles se retrouvaient toutes les trois pour une séance de massage suivi d’un déjeuner, jamais elle
n’avait osé aborder ses fantasmes les plus secrets. Les plus inavouables, pourrait-on dire. Aujourd’hui
encore, elle n’était pas certaine d’être prête à se dévoiler. Même à ses deux amies les plus proches.
Sauf que, si elle n’en parlait pas avec elles, avec qui le ferait-elle ?
Personne.
Elle laissa échapper un profond soupir. Peut-être devrait-elle tout bonnement les oublier et
continuer à se concentrer sur le plaisir des autres.
Julie réapparut, son beau visage assombri par la déception.
– Désolée, les filles, je ne vais pas pouvoir déjeuner avec vous. L’une de mes clientes a besoin d’un
raccord en urgence.
– Quel dommage ! s’exclama Faith avec une mine navrée.
– Un raccord ? ça craint, non ? s’inquiéta Serena. La remarque eut au moins le don de faire sourire
Julie.
– C’est sa faute, expliqua-t-elle. Elle est allée se faire coiffer chez la concurrence. Résultat, elle
regrette son infidélité, et la voilà qui revient vers moi, la queue entre les jambes.
– Juste comme tu aimes, ricana Faith en sautant au bas de la table.
– Allez-y sans moi, mais je vous préviens, j’exige un rapport complet, fit Julie en leur jetant un
regard sévère. Et attention à ce qu’aucun détail ne soit omis, ou je serai obligée de me venger sur votre
dos à la prochaine séance.
Serena leva les yeux au ciel et se leva à son tour pour se rhabiller.
– T’emballe pas, Julie, ce n’est rien de très croustillant. Comme si quoi que ce soit pouvait l’être dans
ma pauvre vie, d’ailleurs.
Son amie la dévisagea avec attention.
– Oui, ben je n’en sais rien, justement. Ce sont toujours les plus tranquilles en apparence qui
dissimulent les choses les plus choquantes, au bout du compte.
A nouveau, le visage de Faith prit une teinte cramoisie, ce qui provoqua l’hilarité des deux autres.
– Il faut croire que l’on n’a pas assez questionné Faith, constata Serena.
– Fais-la parler au déjeuner, lui suggéra Julie. Tu me raconteras les passages les plus cochons après.
– Je pense qu’elle ne s’y risquera pas, intervint Faith d’un ton faussement innocent. Parce que cela
m’obligerait à te révéler ses pensées les plus cochonnes aussi.
– En tout cas, vous avez intérêt à me ramener du scoop, bande de vicieuses, les avertit Julie. Je me
mets en grève si vous me laissez sur ma faim. Or, ajouta-t-elle à l’intention de Faith, tu vas bientôt avoir
besoin d’une épilation, ma belle.
– Merde, je suis piégée !
Serena la prit par le bras et l’entraîna vers le vestiaire.
– Tu n’es pas la seule esthéticienne de la ville, tu sais, lança-t-elle à Julie en s’éloignant.
– Ne vous gênez pas, si vous avez envie de ressembler à des épouvantails, pouffa l’intéressée.
– Quelle arrogance !
Le rire de Julie les accompagna jusqu’à la pièce voisine.
Serena s’installa dans sa cabine et, quelques minutes plus tard, elle retrouva Faith au comptoir, où
Julie accueillait déjà sa cliente en détresse. Quand elles se retournèrent avant de franchir le seuil, leur
amie fit une grimace comique, et Serena mima un baiser.
– À l’endroit habituel ? demanda-t-elle à Faith alors qu’elles débouchaient sur le parking.
– Non, répondit cette dernière en secouant vigoureusement la tête, si l’on doit avoir une
conversation osée, j’aimerais autant que l’on évite le Cattleman’s.

– Et pourquoi ? s’étonna Serena.


– Parce que les gars y vont souvent.
– Bien vu.
Magnifiques spécimens du genre, les collègues de travail de Faith hantaient régulièrement le pub
local. Et la dernière chose dont Serena avait besoin, c’était d’un public. Sauf si l’un de ces mâles se
portait volontaire pour une reconstitution minutieuse de ses fantasmes…
– On va où, alors ? demanda-t-elle tandis qu’elles regagnaient leurs voitures.
– Pourquoi pas chez moi ? On n’est pas loin, et je peux nous réchauffer des restes.
– Et nous serons tranquilles pour les confidences que tu comptes bien me soutirer, c’est ça ? soupira
Serena.
Faith esquissa un sourire malicieux.
– Exactement.
Serena suivit Faith jusqu’à son appartement. Elle n’y était allée qu’une fois, juste après que le fiancé
de son amie, Gray Montgomery, y avait apporté la plupart de ses affaires.
– Excuse le désordre, dit Faith en enjambant un carton.
– Vous déménagez ?
Un sourire éclaira le visage de son amie.
– On vient juste d’acheter une maison. On espère pouvoir s’y installer après le mariage.
– Tu sais que Julie est extrêmement vexée que vous ne fassiez pas un grand mariage à l’église. Elle ne
pourra pas s’en donner à cœur joie sur ta coiffure et ton maquillage, remarqua Serena en se perchant sur
un tabouret, au bar de la cuisine.
Faith grimaça.
– Ni Gray ni moi ne voulions quelque chose de fastueux. Pas après tout ce qui s’est passé, précisa-t-
elle. Pop aussi voulait un grand mariage, il rêvait de me conduire jusqu’à l’autel, tu vois. Mais
honnêtement, pour Gray et moi, tout ce qui compte c’est d’être ensemble, et le plus tôt sera le mieux.
En voyant le sourire de son amie pâlir aux douloureux souvenirs qui lui revenaient, Serena lui prit la
main.
– C’est génial pour vous, Faith. Tu mérites d’être heureuse, après tout ce que tu as traversé.
– Assez parlé de moi, décréta cette dernière en sortant des boîtes du réfrigérateur. On est là pour
évoquer ces déviances qui te posent problème.
Serena lâcha un grognement.
– Mais qui a parlé de déviances ?
– Parce que c’est toujours ça le plus excitant, répondit Faith en plaisantant. Dis-moi, Serena, ajouta-
t-elle plus sérieusement tout en l’observant, tu n’es plus toi-même ces derniers temps, je te trouve
renfermée, comme si quelque chose te chagrinait.
Serena s’accouda au bar et appuya son menton dans le creux d’une main.
– J’ai beaucoup réfléchi, voilà tout.
– A quoi ?
– A tous les efforts que je fais, à tout le temps que je passe pour essayer de rendre les gens heureux
et réaliser leurs rêves, et au fait que j’en oublie les miens. J’ai fini par comprendre que je n’avais pas la
moindre idée de la façon de les exaucer. Les désirs des autres sont si… normaux, comparés aux miens.
Ma mère ferait une attaque si elle savait que sa fille, qu’elle a élevée pour devenir indépendante et
capable de se débrouiller sans homme, en femme d’affaires accomplie, rêvait en fait d’être l’esclave
sexuelle d’un homme.
Faith toussota pour masquer sa surprise.
– Esclave sexuelle ! s’écria-t-elle.
– Je me doutais que ça allait te plaire, ironisa Serena avec une moue dubitative.
– Ne le prends pas mal, je ne m’attendais pas à ça, voilà tout.
– Vas-y, dis-le : tu me prends pour une folle, c’est ça ?
Faith déposa une assiette de lasagnes devant elle, avant de s’asseoir à son tour sur un tabouret, de
l’autre côté du bar.
– Tu n’es pas folle, Serena. Mais qu’entends-tu exactement par esclave sexuelle ? Tu rêves d’une nuit
torride où tu jouerais au maître et à l’esclave, ou bien s’agit-il d’autre chose ?
Elle sentit ses joues s’empourprer. Bon sang ! Elle n’était pourtant pas du genre à rougir,
contrairement à Faith.
– En fait, dans l’idéal, ce serait un peu plus d’une nuit, mais pas non plus quelque chose de
permanent. J’ai la sensation que j’aimerais ça. En tout cas, cette idée m’excite au plus haut point. Mais si
ça se trouve, je détesterai.
Faith restait muette. Embarrassée, Serena s’agita sur son siège et prit une bouchée de lasagnes,
espérant se redonner une contenance.
– Tu te demandes où j’ai bien pu aller pêcher ça ? reprit-elle au bout d’un interminable silence.
– Arrête d’être sur la défensive, la gronda son amie, et puis, ne t’excuse pas d’avoir de tels désirs.
Bon sang, Serena, les femmes passent leur temps à le faire. J’essayais juste de comprendre l’ampleur de
ton besoin. Si tu as simplement envie de mettre en scène un fantasme, tu pourrais louer les services
d’un… Comment ça s’appelle, un homme prostitué ?
Faith pouffa, mais pour sa part, Serena n’avait pas envie de rire.
– Je n’ai pas la moindre intention de me payer un gigolo, bon Dieu. Je cherche quelqu’un de normal,
et qui, si possible, ne soit pas déjà passé sur la moitié des femmes de Houston. Et puis, je ne veux pas
seulement une nuit, ce n’est pas assez pour découvrir la réalité de la chose. Il me faudrait un mois, au
minimum.
Faith lui jeta un regard songeur.
– Je connais quelqu’un qui pourrait peut-être t’aider.
Alors là, Serena n’en revenait pas.
– Toi ? lâcha-t-elle, stupéfaite. Faith lui tira la langue.
– Je ne suis pas aussi innocente que Julie veut bien le croire, grommela-t-elle.
– Oh ça, je le sais, ma belle ! Ce sont toujours les plus douces en apparence qui sont en fait les plus
vicieuses.
– Vicieuses ? Dois-je te rappeler laquelle de nous deux envisage de devenir une esclave sexuelle ?
– C’est vraiment tabou, hein ? fit Serena en avalant une autre bouchée de lasagnes. Tu sais que tu es
un véritable cordon-bleu ? Quand je pense que je suis incapable de faire bouillir de l’eau ! Gray doit
penser qu’il a atterri au paradis.
– Il ne m’épouse pas pour mes talents culinaires, figure-toi.
– Admets-le, tu es une délurée, en fait, la taquina Serena.
Faith lui offrit un sourire serein.
– Je peux te donner le numéro de Damon Roche.
– Damon Roche ? C’est lui qui est censé faire de moi son esclave sexuelle, selon toi ?
– Pas lui personnellement, corrigea Faith. Mais il est propriétaire d’un… Bon sang, je ne sais même
pas comment appeler ça. Je ne crois pas que Damon apprécierait que je dise club échangiste.
– Un club échangiste ? Qu’est-ce que tu fiches à tramer dans ce genre d’endroit ?

– Je n’y suis allée qu’une fois, murmura Faith.


– Toi, tu me caches des choses !

– L’occasion d’en parler ne s’est pas vraiment présentée, c’est tout, répliqua Faith avec un grand
sourire. Mais pour en revenir à Damon, si tu l’appelles en lui expliquant ce que tu recherches, je parie
qu’il sera en mesure de t’aider. Apparemment, on en trouve pour tous les goûts, dans son…
établissement.
– Mais ça n’est pas dangereux ? s’enquit Serena, quelque peu suspicieuse.
– Au contraire, tout est parfaitement protégé. Damon a mis en place un système de sécurité très
efficace, et il sélectionne ses membres avec beaucoup de soin.
– Et Gray, il le connaît ce Damon ? interrogea Serena plus pour taquiner son amie que par curiosité.
Or, contre toute attente, Faith ne rougit pas. Au contraire, elle sourit tranquillement.
– Bien sûr, c’est d’ailleurs dans le jet privé de Damon qu’on va partir en voyage de noces.
– Ben dis donc, ça doit être lucratif, son club, murmura Serena.
– Oh, The House n’est qu’une distraction, pour lui. Damon est un homme d’affaires. D’ailleurs, je me
rends compte qu’il ne m’a jamais vraiment dit ce qu’il faisait exactement, ajouta Faith en fronçant les
sourcils.
– Super ! Il est dans le trafic de drogue, si ça se trouve.
– Mais non ! Appelle-le et explique-lui ce que tu cherches. Tu verras, il est d’un abord très facile.
– Tu n’as donc pas l’intention de me convaincre de l’insanité de ma démarche ? s’étonna Serena. Tu
es mon amie, tu es censée te montrer prudente et me faire la leçon, pour qu’ensuite on se retrouve sur le
plateau d’Oprah Winfrey, à déballer notre linge sale devant des millions de téléspectateurs.
– À moins que je ne finisse dans Faites entrer l’accusé après t’avoir assassinée et balancé ton cadavre
dans le golfe.
Serena avala une autre bouchée de lasagnes et une rasade de thé.
– OK, je vais l’appeler. Enfin, si je ne me dégonfle pas en rentrant à la maison. Mais tu étais censée
me dissuader, pas me fournir le nom de quelqu’un qui va me guider sur la voie de la débauche.
– Les débauchés s’éclatent bien plus que les sages, répliqua Faith, une lueur coquine dans les yeux.
– Tu parles en connaissance de cause, on dirait. Faith ouvrit un tiroir et en tira un carnet. Elle
griffonna un numéro sur une feuille.
– Tiens, dit-elle en la lui tendant. Rentre chez toi et appelle-le.
2

Serena entra dans son bureau et se dirigea vers la fenêtre, d’où elle jouissait d’une vue panoramique
sur Houston. Elle s’était vêtue d’un tailleur sage et de chaussures à talons raisonnablement hauts, sachant
bien qu’elle avait de l’allure. L’efficacité personnifiée.
En soupirant, elle se retourna vers son bureau, plus précisément vers le téléphone. Le bout de papier
sur lequel Julie avait noté les coordonnées de Damon était froissé au creux de sa main. Elle le déplia
délicatement en s’asseyant dans son fauteuil.
La veille, elle n’avait pas réussi à trouver le courage de l’appeler de chez elle. Mieux valait qu’elle le
fasse d’ici, où elle pouvait s’imaginer qu’il s’agissait juste d’une mission comme une autre. Dans cet
environnement confortable et familier, elle se sentait plus à l’aise, comme si c’était moins personnel, et
qu’elle agissait pour le compte de l’un de ses clients. D’ailleurs, c’était précisément ce qu’elle allait faire.
Elle décrocha le combiné et, après un dernier coup d’œil au papier, elle composa le numéro. En
proie à la plus vive appréhension, elle écouta s’égrener les sonneries.
– Allô ? fit une voix distraite comme elle allait raccrocher.
Elle déglutit rapidement.
– Monsieur Roche ?
Son interlocuteur marqua une pause.
– Qui êtes-vous ? Et comment avez-vous eu mon numéro personnel ? demanda-t-il sur un ton peu
amène.
Merde. Faith avait omis de préciser qu’elle lui communiquait un numéro qu’il transmettait
apparemment à peu de gens. Et voilà, elle l’avait énervé avant même d’en arriver au plat de résistance.
– C’est Faith Malone qui me l’a donné, répondit Serena aussi calmement que son cœur affolé le lui
permit.
– Faith ? Est-ce qu’elle va bien ?
– Oui, oui, s’empressa-t-elle de le rassurer. Elle m’a confié votre numéro pour un… une affaire
d’ordre professionnel. Je suis navrée de vous avoir dérangé, je ne savais pas qu’il s’agissait de votre ligne
privée.
Sans lui laisser le temps de répondre, elle raccrocha doucement et s’éloigna du bureau.
C’était décidément une mauvaise, une très mauvaise idée.
Les battements de son cœur s’accélérèrent encore. Il fallait absolument qu’elle se reprenne.
Aujourd’hui, elle n’avait rien d’une femme d’affaires efficace. Secouant la tête de dépit, elle reporta son
attention sur la liste des tâches qui l’attendaient pour la journée.
La porte s’ouvrit sur Carrie Johnson, son assistante, qui arborait un chaleureux sourire.
– Serena, je viens de recevoir un appel de M. Gallows. Il était très satisfait de notre travail.
Serena se rassit.
– Eh bien, c’est un soulagement. Il a été tellement difficile à convaincre !
– Il faut dire que son rêve de devenir chef au Riganti n’était pas des plus simples à réaliser,
commenta Carrie, qui essayait vainement de garder son sérieux.
– Ne m’en parle pas. J’ai sans doute perdu mes entrées chez Carlos, avec cette histoire. Il va me
bannir de son restaurant à vie.
– D’après mes sources, qui sont plus que fiables, les employés du Riganti t’adorent et l’emploi très
temporaire de M. Gallows chez eux s’est plutôt bien passé. Il leur a d’ailleurs laissé entendre qu’il
comptait s’inscrire dans une école de cuisine à Paris, suite à cette expérience.
Serena soupira.
– C’est merveilleux. J’aime quand ça se finit bien. Une fois sur deux, les clients se rendent compte
qu’il vaut mieux laisser les rêves dans leur royaume, plutôt que de les transposer dans la réalité, qui est,
malheureusement, souvent violente.
Carrie haussa un sourcil étonné.
– Ce n’est pas ton style de broyer du noir, Serena. Y a-t-il quelque chose que tu ne me dis pas ?
– Non, non, pas du tout. Menteuse.
– C’est juste que je ne suis pas naïve, poursuivit-elle. Notre activité comporte un certain danger.
Nous avons le pouvoir de réaliser le rêve d’une personne, au risque de le briser à jamais.
– C’est parfois sain, une leçon de réalisme, en quelque sorte, commenta Carrie en haussant les
épaules. On ne peut pas vivre dans ses rêves indéfiniment. Je trouve, pour ma part, que tu as rendu
service à beaucoup de gens en le leur faisant comprendre.
– Ça n’est pas mon travail, répliqua Serena en secouant tristement la tête. Les gens ne me paient pas
pour que je les ramène à la réalité, ils me paient pour que je réalise ce qu’ils désirent. Pour que je leur
offre ce que personne d’autre ne peut leur donner.
– Chose que tu fais très bien.
– Peut-être.
– Tu es bizarre, Serena, nota Carrie en penchant la tête. Tu devrais peut-être prendre ta journée et
revenir quand tu seras moins… morose. Laisse-moi au moins gérer les clients aujourd’hui.
Serena ne put réprimer un sourire.
– Je vais bien, Carrie. Et je promets de ne pas faire fuir de clients potentiels avec mon côté réaliste.
Et puis, aujourd’hui nous devons travailler sur la demande de Michelle Tasco.
En voyant l’expression de son assistante, Serena sentit son humeur s’adoucir. Carrie lui était
vraiment d’une aide précieuse, avec son cœur en or et son inébranlable volonté de rendre les gens
heureux.
– Ses parents ont appelé il y a quelques minutes pour te remercier, dit-elle gentiment. C’est vraiment
important pour eux, et tu t’es montrée très généreuse à tout préparer sans les faire payer.
Serena sentit sa mâchoire se contracter sous le regard appuyé de Carrie.
– Oui, disons que ça me permettra de payer moins d’impôts, lâcha-t-elle.
– Arrête, tu trompes peut-être ton monde, mais pas moi, fit Carrie, une lueur amusée dans les yeux.
Je sais que tu es une crème, même si tu refuses de l’admettre.
– Tu as préparé la visite ? s’enquit Serena pour changer de sujet.
Sans se départir de son sourire, Carrie déposa un classeur sur le bureau.
– C’est fait. Il ne te reste plus qu’à appeler les parents de Michelle pour leur communiquer les dates
définitives et les horaires, dès qu’ils seront confirmés par la compagnie maritime.
– OK, je m’en charge immédiatement. Comme ça, on pourra cocher un rêve de plus de notre liste.
– N’oublie pas pour autant de prendre ton déjeuner, lança Carrie en sortant du bureau.
– Oui, maman.
Serena ouvrit le dossier. En première page, elle s’arrêta sur la photo de Michelle. Cette petite fille
avait déjà vu bien trop d’horreurs dans sa jeune vie. Si elle parvenait à la faire sourire, ne serait-ce qu’un
instant, elle serait largement remboursée de sa peine.
Elle décrocha le téléphone et composa le numéro de son contact à la compagnie maritime. Quelques
minutes plus tard, elle raccrochait, satisfaite des préparatifs pour le voyage extraordinaire de Michelle.
Elle s’apprêtait à appeler les parents de la fillette mais se ravisa, et sonna Carrie à la place.
– Pourrais-tu joindre la famille de Michelle pour leur annoncer que tout est prêt ? Je vais m’acheter à
manger.
Un petit rire moqueur lui parvint à travers l’interphone.
– Poule mouillée, va. OK, je m’en charge, mais tu ne pourras pas les éviter continuellement, Serena.
Ils vont insister pour te remercier en personne.
Avec une grimace, Serena relâcha le bouton. C’était bien à ça que servait une assistante, non ?
Carrie était nettement meilleure qu’elle pour rencontrer les parents reconnaissants. Serena prenait
les décisions, dirigeait la société, mais Carrie avait un contact inné avec les gens, un don qui faisait d’elle
un bien meilleur porte-parole de l’entreprise.
Les jambes étendues sous le bureau, elle récupéra ses chaussures du bout de l’orteil et les enfila. Son
téléphone portable dans son sac, elle se dirigea vers la porte. En passant devant le bureau de Carrie, elle
l’entendit annoncer gaiement la bonne nouvelle aux parents de Michelle.
Malgré son intention de ne pas s’impliquer dans les détails plus personnels de ce voyage, elle ne put
réprimer un sourire. Après quoi, elle plongea dans la chaleur estivale et ferma les yeux, laissant le soleil
lui caresser le visage.
L’air était moite, mais elle aimait le climat de Houston. Même l’éternelle brume qui enveloppait la
ville en été ne la dérangeait pas.
Alors qu’elle cherchait ses clés de voiture dans son sac, son téléphone sonna. Farfouillant encore un
peu, elle finit par le dénicher. Le numéro qui s’affichait à l’écran était inconnu. Un client, peut-être ?
– Serena James, annonça-t-elle en se dirigeant vers sa voiture.
– Mademoiselle James, Damon Roche à l’appareil. Sa voix profonde lui envoya un frisson dans tout
le corps. Elle ne s’attendait pas à avoir de ses nouvelles.
– Comment avez-vous obtenu ce numéro ? demanda-t-elle, avant de grimacer en se rendant compte
qu’elle venait de poser exactement la même question que lui, la première fois.
D’ailleurs, elle l’entendit rire à l’autre bout du fil.
– A mon tour de m’imposer. Votre numéro n’étant pas apparu lorsque vous m’avez appelé, j’ai dû
utiliser d’autres méthodes. Vous êtes difficile à trouver, mademoiselle.
– Pas si difficile que cela, apparemment, chuchota-t-elle.
– J’ai appelé Faith, avoua-t-il. Je souhaitais vous présenter mes excuses pour mon impolitesse. C’était
déplacé, d’autant que vous êtes l’amie de quelqu’un que j’apprécie beaucoup. Dites-moi, que puis-je faire
pour vous ?
Zut !
– Faith ne vous a rien dit ?
– Bien sûr que non, fit-il de sa voix troublante. Elle m’a seulement expliqué que vous aviez besoin
de mon aide. Avez-vous déjeuné ?
Ce brusque changement de sujet la fit ciller.
– Non… j’y allais, justement.
– Parfait. Alors pourquoi ne pas nous retrouver pour discuter de votre… problème ?
Bon sang ! Elle prit une profonde inspiration. Courageusement, elle avait déjà fait une croix sur ce
grand projet de fantasme ; ou presque. De toute façon, c’était absurde, elle n’arriverait jamais à le
réaliser, et puis comme elle lui avait raccroché au nez, elle ne s’attendait vraiment pas à ce qu’il revienne
à la charge.
– Mademoiselle James ?
– Appelez-moi Serena, s’il vous plaît.
– Très bien. Serena, voulez-vous que nous déjeunions ensemble ?
Et merde !
– Euh… En fait, monsieur Roche, ce que je voulais évoquer avec vous n’est pas vraiment abordable
en public.
– Je peux vous garantir une parfaite confidentialité. Êtes-vous à votre bureau ?
– Oui.
– Je vous envoie un chauffeur. Dans quinze minutes, ça vous convient ?
– Mais comment savez-vous où se trouve mon bureau ?
Un rire tranquille lui répondit.
– J’ai mes sources, répliqua-t-il de son timbre profond. Quinze minutes ?
Elle avait la tête qui tournait et, pourtant, elle s’entendit prononcer à son tour :
– Je serai sur le parking.
– Je me sentirais mieux de vous savoir à l’abri à l’intérieur. Mon chauffeur montera vous chercher. Je
me réjouis de faire votre connaissance, Serena.
Et il raccrocha avant qu’elle ait eu le temps de répondre quoi que ce soit, la laissant bouche bée près
de sa voiture. Comme un automate, elle rebroussa chemin et prit l’ascenseur.
– Déjà revenue ? s’étonna Carrie en la voyant repasser devant son bureau.
– Rendez-vous de dernière minute, lança-t-elle sans s’arrêter. Un chauffeur va passer me prendre.
Elle sentit le regard interrogateur de son assistante la suivre jusqu’à son bureau, mais elle claqua la
porte derrière elle. Se laissant tomber sur le canapé, elle ôta ses chaussures et ferma les yeux.
C’était officiel, elle avait perdu la tête.
Mais comment avoir une conversation normale avec un parfait inconnu sur le sujet qui la
tourmentait ?
Après tout, rien de plus simple : il lui suffisait de dire qu’elle se renseignait pour une cliente. Comme
ça, si ce Damon la prenait pour une folle, elle n’aurait qu’à jouer les blasées, du genre : « Oui, je sais,
parfois les demandes des clients sont surprenantes. » D’ailleurs, puisqu’il s’était visiblement renseigné sur
elle, il devait s’imaginer qu’elle souhaitait se renseigner pour le compte d’un client.
Légèrement rassérénée malgré la stupidité de son projet et la frayeur qu’il lui inspirait, elle tenta de
se détendre. Au bout de quelques minutes, l’interphone retentit.
– Serena, le chauffeur de M. Damon Roche est arrivé, lui annonça Carrie.
Elle se leva à la hâte pour ajuster sa tenue et remettre ses chaussures. Attrapant son sac, elle se
dirigea d’un bon pas vers l’accueil.
Près du bureau de Carrie l’attendait un homme très grand et large d’épaules, qui inclina poliment la
tête en l’apercevant.
– Si vous êtes prête, mademoiselle James, la voiture vous attend.
Serena le salua à son tour et lui emboîta le pas jusqu’à l’ascenseur. La descente se fit en silence. Il lui
tint la porte de l’immeuble et la dirigea vers une Bentley rutilante.
– Jolie voiture, ne put-elle s’empêcher de murmurer.
Il hocha la tête, puis lui ouvrit la portière arrière. Quelques instants plus tard, ils circulaient dans
une avenue au trafic particulièrement dense.
Elle caressa le cuir des sièges, appréciant le moelleux de cet intérieur luxueux. Ce Damon était peut-
être vraiment un trafiquant de drogue !
– La température est-elle à votre convenance, mademoiselle James ?
Elle leva les yeux vers le chauffeur, qui l’observait dans le rétroviseur.
– C’est parfait, merci.
Il reporta son attention sur la route, tandis qu’elle s’abîmait dans la contemplation du ballet des
voitures. Il s’engagea bientôt sur le parking d’un restaurant et se gara sous un porche.
La portière s’ouvrit, et l’un des employés de l’établissement se pencha pour aider Serena à sortir, puis
le maître d’hôtel vint à sa rencontre et l’escorta à l’intérieur.
L’endroit était somptueux, particulièrement élégant et visiblement très sélect. Typiquement le lieu
que M. Gallows aurait dû choisir pour réaliser son rêve de chef de rang.
– M. Roche va vous recevoir ici, lui indiqua le maître d’hôtel en l’introduisant dans une luxueuse
salle à manger privée.
Les jambes tremblantes, Serena vit se lever un homme installé à une table pour deux. Dieu qu’il était
beau ! De la pointe des souliers de designer italien jusqu’à la coiffure impeccable, il respirait la richesse
et l’élégance.
– Serena, la salua-t-il en s’approchant d’elle. Je suis ravi que vous ayez pu vous joindre à moi.
Il lui prit la main et la glissa sous son bras, pour la guider jusqu’à sa chaise. Elle dut se retenir de ne
pas regarder tout ce qui l’entourait avec une candide admiration.
En affaires, une règle était fondamentale : ne pas laisser l’adversaire prendre l’avantage.
Elle se redressa, bien déterminée à ne pas se montrer impressionnée. De toute façon, elle était sans
doute plus excitée par cet attrayant spécimen de la gent masculine qu’intimidée par les lieux.
Elle devait se ressaisir, bon sang !
Aussi élégamment que possible, elle croisa les jambes alors que le maître d’hôtel lui servait un verre.
– Je peux vous offrir du vin, puisque vous ne conduisez pas. J’espère ne pas vous paraître trop
directif en ayant choisi moi-même le cépage.
– Aucun problème, dit-elle d’un air beaucoup plus détaché qu’elle ne l’était en réalité. J’adore le vin.
– Parfait.
Sur le signe qu’il fit en s’installant face à elle, un serveur arriva avec deux menus.
– Vous avez faim, au moins ? La nourriture est excellente, ici.
– Je suis affamée, oui, avoua-t-elle, omettant de préciser que, sur les nerfs, elle n’avait rien mangé
depuis la veille. Mais il ne fallait pas vous donner tout ce mal, monsieur Roche, ajouta-t-elle en balayant
la salle d’un geste de la main. J’ai eu l’impression que vous étiez plutôt occupé, et ma requête est… sans
grande importance.
– Je vous en prie, appelez-moi Damon, répondit-il en souriant. Et ne vous inquiétez pas, c’est un
plaisir. Quant au sujet que vous souhaitez aborder, permettez que je me fasse par moi-même une idée de
son importance.
Elle but une gorgée de vin en étudiant le menu. Elle qui espérait l’avoir refroidi par son coup de fil,
elle en avait pour ses frais. Au contraire, il insistait pour qu’elle lui explique les raisons de son appel.
Bravo !
– Mais peut-être devrions-nous commander d’abord, suggéra-t-il alors qu’elle réprimait difficilement
un soupir.
– J’ai choisi, pour ma part, dit-elle en reposant son menu.
Une fois encore, Damon leva la main et le serveur réapparut. En passant sa commande, Serena vit le
visage de son hôte s’éclairer d’un sourire satisfait. Et un délicieux frisson la parcourut. Quelle idiote !
Qu’en avait-elle à faire de l’approbation de cet homme ?
– Je prendrai la même chose, dit-il en tendant son menu au serveur.
Dès que ce dernier se fut éloigné, Damon reporta sur elle ses yeux sombres, où brillait un mélange
de chaleur et d’intérêt. Il la scrutait tout autant qu’elle l’observait.
– Alors, dites-moi tout, Serena. Elle reprit une gorgée de vin.
– Vous avez fait des recherches détaillées sur moi ? demanda-t-elle en reposant son verre. Qu’avez-
vous découvert, Damon ?
Elle perçut une ébauche de sourire.
– Que vous êtes dans l’assouvissement des rêves, répondit-il sans hésiter. Je trouve cela admirable, et
vos clients ne tarissent pas d’éloges à votre égard.
– Comment savez-vous ce que pensent mes clients ? rétorqua-t-elle.
– L’Internet est un outil merveilleux. Vous n’avez pas idée de ce que l’on apprend en inscrivant votre
nom dans un moteur de recherche.
– Aucune idée, non, marmonna-t-elle. Je n’ai pas pour habitude de lancer des requêtes sur moi-
même.
– Que puis-je pour vous ? insista-t-il. Peut-être une donation, pour combler le manque à gagner des
clients à qui vous ne faites pas payer vos défraiements ?
Quel culot !
– Non, je ne cherche pas de mécène, siffla-t-elle. Je ne suis pas là pour parler d’argent, je…
Il leva une main pour l’interrompre.
– Veuillez m’excuser, je ne voulais pas vous offenser. Reprenons depuis le début, je vous prie. Dites-
moi donc de quoi vous souhaitiez me parler.
Bon, il était temps de se jeter à l’eau. Elle redressa les épaules.
– J’ai une cliente dont le rêve n’est pas tout à fait ordinaire.
Impassible, il attendait qu’elle poursuive.
– La plupart de mes clients cherchent à vivre quelque chose d’exceptionnel, reprit-elle, quelque
chose qu’ils ont toujours souhaité mais qu’ils craignent de ne pouvoir accomplir seuls. Mais dans le cas
qui nous occupe, il s’agit plus d’une ignorance que d’une incapacité à atteindre l’objectif.
– Je comprends, dit-il.
Elle prit une profonde inspiration.
– Elle rêve d’être possédée par un homme. Toujours aussi impassible que si elle lui parlait de la pluie
et du beau temps, il attendait la suite sans la quitter des yeux.
– Je ne sais comment qualifier précisément ce désir, mais je dirais que le terme d’esclave sexuelle doit
s’en rapprocher, ajouta-t-elle plus bas, après un rapide coup d’œil autour d’elle. Je suis donc confrontée à
un problème inédit. Il ne s’agit pas d’une chose que je puisse organiser, ni acheter. Je ne tiens pas non
plus à m’embarquer dans quoi que ce soit de trouble, ni à me faire arrêter pour racolage, voyez-vous.
Faith m’a parlé de votre… de The House. Elle a pensé que vous pourriez peut-être m’aider à trouver la
personne susceptible d’assouvir le désir de cette femme.
Damon se frotta le menton, visiblement songeur.
– Je vois, dit-il enfin.
Si elle s’attendait à ce qu’il soit choqué ou amusé, elle n’imaginait pas en revanche qu’il la prendrait
tellement au sérieux.
– Dites-m’en plus, ajouta-t-il en se penchant en avant. Vous parlez de désir, dois-je en déduire qu’elle
ne cherche rien de permanent ?
– Non, en effet. Plutôt une période d’essai d’un mois. Elle souhaite que l’expérience soit
suffisamment longue pour en apprécier pleinement toutes les nuances, mais c’est purement un fantasme.
– Et Faith a pensé que je pourrais vous aider ? répéta-t-il, avec un sourire amusé, cette fois.
– Pas vous personnellement, rétorqua-t-elle un peu trop précipitamment. Elle a mentionné The
House et a pensé que vous connaîtriez peut-être la personne adéquate, qu’un arrangement temporaire ne
dérangerait pas.
– Et que recevrait cet homme, en échange d’un tel… service ?
– Eh bien, c’est justement là que réside le plus gros problème.
Ils furent interrompus par le serveur, qui apportait leurs plats. Serena attendit patiemment qu’il ait
déposé les assiettes. Ayant déplié sa serviette sur ses genoux, elle releva les yeux vers Damon.
– Je ne peux légalement pas le rémunérer pour un acte sexuel, je pensais donc lui faire un contrat
mentionnant uniquement les aspects non sexuels de l’arrangement. Le reste prendrait la forme d’un
accord verbal entre les deux parties.
– Mais votre cliente attend bien des rapports sexuels.
– Oui, pas officiellement bien sûr, mais oui.
Elle dégusta une bouchée de poisson grillé, dont le fumet délicat lui ravit immédiatement les
papilles.
– Vous avez raison, c’est excellent, dit-elle en soupirant d’aise.
– Je suis content que vous aimiez.
Ils mangèrent un moment en silence, et quand elle releva les yeux, elle constata qu’il la scrutait.
– Qu’en pensez-vous ? demanda-t-elle enfin.
– La requête n’est pas déraisonnable, répondit-il. Je pourrai vous soumettre plusieurs candidats. Je
fais toujours des recherches poussées sur les membres de mon établissement, mais je prendrai soin
d’examiner de plus près encore les profils que je vous proposerai. Avec leur permission, évidemment.
– J’aimerais pouvoir faire ma propre recherche, en plus des informations que vous me fournirez.
– Bien sûr. De mon côté, j’aurai besoin du nom de votre cliente, afin de prendre des renseignements
sur elle aussi. Si je dois lui accorder l’accès à mon établissement et demander à l’un de mes membres de
participer à cette mise en scène, enchaîna-t-il, ayant visiblement constaté sa surprise, je dois auparavant
m’assurer qu’elle est conforme à nos standards. Je comprends qu’elle hésite à révéler son identité, mais je
l’exigerai si mes services sont retenus.
Voilà qui ne se passait pas comme elle l’avait envisagé. Bon, d’accord, elle ne pourrait pas garder le
secret ad vitam aeternam, mais pas question de se révéler si aucun candidat ne faisait l’affaire.
Arrête de tergiverser, mauviette.
Il lui fallait se motiver, parce que le courage commençait à lui faire défaut.
– Je… je vais en parler à ma cliente et reviendrai vers vous par mail cet après-midi, déclara-t-elle.
– Il me faudrait aussi un descriptif détaillé de ses attentes, ajouta-t-il. Plus il sera précis, et moins
nous nous exposerons à des déceptions.
– Je suis d’accord.
Leurs regards se croisèrent à nouveau mais, cette fois-ci, elle ne baissa pas les yeux. Décidément, cet
homme était vraiment séduisant. Un brin arrogant, mais pas suffisamment pour que cela soit
insupportable. Sûr de lui. Confiant. Bien dans sa peau.
Une aura de pouvoir l’enveloppait discrètement, et l’espace d’un instant, elle se laissa aller à imaginer
ce que cela ferait de lui appartenir, d’être sa chose.
Le seul mot suffit à la faire frissonner. Elle serra les jambes sur son clitoris frémissant, si brûlant
qu’elle dut changer légèrement de position pour atténuer la pression.
Fascinée, elle ne parvenait pas à quitter des yeux les mains de Damon, dont l’une tapotait le bord du
verre, pendant que l’autre glissait doucement de haut en bas. Il avait des mains magnifiques, de longs
doigts fins, qu’elle ne pouvait s’empêcher d’imaginer sur sa peau.
– Vous n’aimez pas votre plat ?
Elle cligna des yeux pour essayer de faire disparaître les images qui, déjà, se formaient dans son
esprit.
– Euh, si, c’est… C’est excellent, balbutia-t-elle. Désolée, je réfléchissais.
La suite du repas se passa dans un relatif silence, seulement interrompu par quelques échanges polis.
Quand elle eut avalé la dernière bouchée, elle jeta un coup d’œil à sa montre et grimaça.
– C’était exquis, mais il faut vraiment que j’y aille. Damon se leva et fit signe à l’un des serveurs.
– Je vous fais appeler la voiture. Puis-je vous raccompagner jusqu’à la sortie ?
Il lui offrit son bras, qu’elle accepta en souriant. Quelle galanterie !
– Votre mère doit être fière, dit-elle alors qu’ils se dirigeaient vers la porte.
– Elle l’est, en effet, mais pourquoi me dites-vous cela ? s’enquit-il d’un ton amusé.
– Vos manières sont irréprochables. Il éclata de rire.
– Ma mère n’aurait aucun scrupule à me fesser en public si je les oubliais, surtout avec une dame.
C’est une femme du Sud, des pieds jusqu’à la tête.
Lorsqu’ils parvinrent dans le hall d’entrée, le maître d’hôtel leur ouvrit la porte. La Bentley attendait,
et Damon l’accompagna pour l’aider à s’y installer, sans lui lâcher le bras avant qu’elle soit assise.
– Ce fut un plaisir, Serena, dit-il en se penchant vers elle. J’attends de vos nouvelles avec impatience.
Elle lui sourit, et il s’écarta, lui offrant un petit salut de la main quand la voiture démarra. Elle
remarqua qu’il la suivait des yeux un bon moment, avant de rentrer dans le restaurant, mains dans les
poches.
Elle s’affala sur son siège, à la fois singulièrement excitée et tendue.
Non, ça n’était pas si terrible. Pas du tout.
Elle avait survécu, et il lui avait vraiment facilité les choses. En route, une idée lui traversa l’esprit.
Damon possédait The House, un établissement destiné à assouvir les fantasmes des gens. Mais quel était le
sien, à lui ?
3

Au lieu de retourner à son bureau du centre-ville, Damon continua à rouler vers le nord de la ville,
où se trouvait la propriété dont il avait fait The House. Il avait donné son adresse mail à Serena, et il était
curieux de connaître les détails de la requête formulée par sa cliente.
Serena James l’intriguait. Incroyablement belle, avec ses longues jambes, ses yeux exotiques et ses
cheveux noirs qui lui tombaient aux épaules, elle était fine comme il aimait les femmes, et il s’était
surpris à rêver de caresser ses mèches soyeuses, de les enrouler autour de ses doigts.
Quels étaient ses secrets ? Il décelait dans ses grands yeux un mystère qui avait le don d’exciter un
homme, de lui donner envie de s’approcher pour découvrir ce que cachait cette apparence plutôt froide.
Fantasy Incorporated. Intéressante entreprise. S’il n’était pas très fan des jeux de rôles et des faux-
semblants, ce genre de pratique était monnaie courante à The House. Les gens aimaient échapper à la
réalité, se glisser dans la peau d’un personnage. Il comprenait parfaitement cela, or pour sa part la
comédie l’ennuyait très vite.
Il avait déjà quelques hommes en tête, qui seraient plus que ravis de proposer à une femme la mise
en scène d’un fantasme très élaboré, et de disparaître ensuite, comme convenu. « Temporaire » : le mot
revêtait une importance particulière dans le domaine du fantasme.
Damon, lui, ne voulait pas de temporaire. Longtemps, il était resté en retrait, observant, attendant, se
disant que s’il était patient, il tomberait sur la femme qu’il lui fallait et que les choses se mettraient alors
en place d’elles-mêmes. La patience lui avait été inculquée très tôt, sauf qu’à présent, il commençait à en
manquer.
Le problème n’était pas de trouver une femme. Elles étaient nombreuses, et souvent aussi belles
qu’intelligentes, à avoir traversé sa vie. Il avait apprécié leur compagnie, avait pris et donné du plaisir en
retour mais, au bout du compte, elles refusaient toujours de lui accorder ce qu’il désirait le plus, à savoir
elles-mêmes. Il voulait une femme totalement, absolument, entre ses mains, sous sa coupe.
Il aurait pu s’engager dans une relation de couple depuis longtemps, mais il s’était promis une chose
: jamais il ne se contenterait d’un pis-aller.
La barrière de sécurité glissa sur ses gonds quand il inséra sa carte dans le lecteur, et il emprunta le
chemin sinueux qui menait jusqu’à The House. L’intensité du soleil le surprit au sortir de la voiture, et ce
fut en plissant les yeux qu’il gagna l’entrée de l’établissement. À l’intérieur, au contraire, tout était plongé
dans une douce pénombre, et il apprécia la fraîcheur de l’air conditionné sur sa peau.
Le bâtiment était vide, les employés ne prenant leur service que plus tard dans la journée. Il aimait
arriver tôt, pour profiter du calme et de la solitude de son bureau. Il l’avait aménagé de façon à la fois
confortable et accueillante, et rempli d’objets qu’il aimait.
La pièce était décorée à l’ancienne, les meubles de bois patiné ornés des maquettes de bateaux qu’il
affectionnait. Un globe terrestre trônait sur son bureau, faisant écho aux peintures de navires anciens, de
bateaux de pêche et de cartes aux trésors jaunies encadrées sur les murs.
Chaque fois qu’il pénétrait dans cette pièce, il se sentait vraiment chez lui. Sur le bureau, plusieurs
lettres l’attendaient, mais l’une d’elles, jaune pâle, attira son attention. Délicate et féminine, elle semblait
révéler la personnalité de celle qui l’avait envoyée.
Il s’assit pour l’ouvrir, son sourire s’élargissant peu à peu. Sa mère refusait d’entrer dans le XXIe
siècle en utilisant les moyens de communication modernes comme les mails ou les SMS. Grand Dieu,
jamais de la vie ! Non, elle se raccrochait désespérément à la lenteur du papier, arguant qu’il n’y avait rien
de plus plaisant que de recevoir une lettre par courrier.
Peut-être n’avait-elle pas tout à fait tort, d’ailleurs, vu l’impatience avec laquelle il attendait les
siennes. Elles étaient toujours pleines de chaleur et d’amour et, en les lisant, il avait l’impression
d’entendre sa voix, comme si elle était assise en face de lui, à lui prodiguer ses conseils maternels.
Plus tard, il lui faudrait l’appeler. Ils prendraient un verre de vin tout en discutant au téléphone.
L’image de sa mère, installée dans son fauteuil à bascule sur le ponton de bois, au milieu des cyprès du
bayou, lui donnait la nostalgie de sa Louisiane natale.
Il n’y était retourné qu’une fois depuis la mort de son père, deux ans plus tôt, et encore, pour un
bref séjour. Se retrouver dans la maison de son enfance amputée de la stature imposante de son père, il
n’avait pas supporté.
Mais il était temps d’y retourner.
D’habitude, il se délectait du silence de ces fins d’après-midi mais, aujourd’hui, il le trouvait pesant,
étouffant même. Saisissant devant lui une télécommande, il appuya sur l’un des boutons.
Les mesures d’un concerto classique emplirent la pièce, s’élevant contre les murs en un doux écho.
Immédiatement, il se détendit et croisa les mains derrière la tête.
Il ferma les paupières, pour mieux se laisser bercer par la musique. Pourquoi se sentait-il si agité,
d’ailleurs ? Il n’en avait pas la moindre idée, mais il était effectivement comme un lion en cage,
aujourd’hui.
Ayant enfin retrouvé un peu de calme, il se redressa sur son siège et relut la lettre de sa mère, avant
de la replier soigneusement et de la déposer au fond de son tiroir, sur la pile pastel de ses semblables.
Il était temps de se mettre au travail. Il agita la souris pour rallumer l’ordinateur laissé en veille, puis
ouvrit sa boîte mail et entreprit de passer en revue les messages reçus. La plupart concernaient des
problèmes mineurs qu’il réglerait rapidement. Quant à ceux qui requéraient plus d’attention, il les fit
suivre à son assistant.
Soudain, un nouveau message apparut, expédié par Serena. Intrigué, il cliqua immédiatement dessus.

Damon,
Veuillez trouver ci-dessous une lettre contenant les détails du fantasme. N’hésitez pas à faire suivre ce mail à vos
candidats potentiels.
Serena James
Il fit défiler le mail jusqu’en bas pour découvrir le message qu’il contenait.

Pour être honnête, je trouve embarrassant de devoir révéler mes secrets les plus profonds à un étranger, et encore plus
de m’en remettre à vous pour assouvir un fantasme que je m’avoue tout juste à moi-même. Alors vous imaginez bien la
difficulté de m’en ouvrir aux autres.
Comment expliquer le trouble qui m’envahit quand je m’imagine possédée par un homme ? Et j’entends « possédée
» au sens propre : chérie et entourée d’attention. Aucun manque dans mon existence, aucune insatisfaction profonde qui
puisse expliquer un désir si radical pour l’esclavage sexuel et ce goût pour la soumission. Certaines choses s’imposent à
moi sans raison, et celle-ci en est une.
J’invoque souvent ce fantasme, la plupart du temps tard la nuit. Dans le calme et la pénombre, il vient me séduire,
me tenter. J’imagine la scène dans ses moindres détails, du commencement à la fin.
Je suis dans une pièce remplie d’hommes affamés. Leur appétit charnel pèse sur moi, m’enveloppe comme un épais
brouillard. Je suis entièrement nue, les mains liées par des cordes dans mon dos. Et j’attends. Je vous attends.
Quelqu’un doit m’acheter cette nuit, mais qui ? Nombreux sont les hommes qui paieraient cher pour le plaisir de
me posséder, ce qui me trouble et m’effraie à la fois. J’attends donc, les jambes tremblantes et les yeux baissés, car
j’entends des murmures excités autour de moi.
Soudain, vous entrez. Je ne vous vois pas, mais je sens votre présence au moment où vous pénétrez dans la pièce. De
façon presque imperceptible, le pouvoir change de main, et les autres le perçoivent tout comme moi. Je les entends retenir
leur souffle. Alors je lève la tête.
De l’autre bout de la pièce, vous m’observez. Ce premier regard est un véritable choc, car dans vos yeux, je lis une
promesse. Vous me voulez et vous m’aurez.
Vous vous approchez de moi d’un pas décidé, arrogant même, et vous immobilisez à quelques mètres pour échanger
deux ou trois mots avec mon gardien. Curieuse de savoir ce que vous lui dites, je tends l’oreille, mais vous parlez trop
bas.
Enfin, vous venez vers moi, et chaque pas qui vous rapproche de mon corps dénudé me fait frémir. Vous vous
arrêtez à quelques centimètres cette fois, et prenez mes cheveux dans votre main, tirant jusqu’à ce que mon cou soit
totalement exposé et vulnérable. Je lis de la satisfaction dans vos yeux, comme si vous me trouviez à votre goût, et cela me
comble de joie. Je me rends compte que je n’ai jamais rien désiré autant que de vous satisfaire.
Vous vous penchez vers moi et, alors que vos lèvres effleurent les miennes, vous murmurez : « Tu seras mienne. »
Puis vous vous écartez en relâchant votre étreinte, et je ravale la bouffée de désir qui menaçait de me submerger.
Mais plus fort que ce désir, c’est un besoin qui s’empare de moi. Le besoin de vous appartenir. Je le veux de tout mon
être.
Une main inconnue tire sur mes poignets liés, et je proteste en silence quand on m’emmène loin de vous. Mais votre
regard me suit, brillant toujours de la même promesse : vous me posséderez.
J’avance avec difficulté et, quand j’arrive à l’autre bout de la pièce, une voix annonce que les enchères vont
commencer. Je tourne le dos à la salle, jusqu’à ce que l’on m’ordonne de me retourner. Je m’exécute timidement.
Je passe en revue les hommes rassemblés là, croisant leurs regards brûlants, mais c’est le vôtre que je cherche, c’est
vous que je veux. J’ai le souffle coupé, et la panique me tord le ventre, car je ne vous vois pas.
Un homme enchérit, puis un autre, mais je ne vous entends pas. Pendant d’interminables minutes, les enchères
montent. Soudain, cela cesse, et j’entends mon gardien qui se prépare à clore les enchères.
Une immense déception me serre la poitrine. Je ferme les yeux.
Alors je vous entends. Votre voix s’élève au-dessus des murmures pour annoncer une somme faramineuse, bien plus
élevée que la précédente. Vous venez d’annoncer clairement votre intention de ne pas laisser s’échapper votre lot.
J’explose de joie en mon for intérieur, car je comprends que je vais vous appartenir. Ma peau se réveille, je frissonne
tant que j’ai du mal à me contenir. Mon gardien me réprimande mais, à présent, c’est à vous que j’obéirai, et à nul autre.
Autour de moi, tous s’agitent, mais personne ne surenchérit. Mon gardien sourit du bon prix qu’il a obtenu de moi.
Il clôt les enchères, et la foule s’écarte pour vous laisser parvenir jusqu’à moi. Mon gardien me force à m’agenouiller et
me rappelle que je vous dois le respect.
Mais je n’ai nul besoin de cette précision et m’agenouille volontiers dans l’attente de vos ordres.
– Regarde-moi, m’intimez-vous d’une voix douce mais ferme.
Je lève les yeux vers vous, qui êtes debout au-dessus de moi, à la fois fort et puissant. Votre main me caresse la joue,
et je ferme les yeux en me frottant à votre paume. Votre peau est incroyablement douce, d’une sensualité qui allume un
feu brûlant au creux de mon ventre.
Vous retirez votre main pour la porter à votre braguette, dont vous défaites le bouton et baissez la fermeture. Un
instant, votre main disparaît à l’intérieur, pour en sortir votre sexe. Il jaillit, long et épais, tendu vers mon visage. Votre
odeur musquée m’enveloppe.
Vous le caressez, une fois, deux fois, de haut en bas, de bas en haut, en le guidant vers moi. L’envie de vous goûter
me fait saliver, et j’entrouvre les lèvres avec gourmandise.
L’une de vos mains se glisse derrière ma tête et me tient fermement le cou pour m’empêcher de bouger. Des
picotements me descendent le long du dos, un frisson me donne la chair de poule.
– Ouvre la bouche pour moi, ordonnez-vous. J’obéis, sans la moindre hésitation. Tout ce que je veux, c’est vous
donner du plaisir et en recevoir de vous. De votre main libre, vous introduisez votre membre dans ma bouche,
profondément, tout en pressant ma tête contre vous de l’autre main.
Votre goût explose dans ma bouche. Terriblement masculin, fort et puissant. Vous êtes à la fois dur et doux, un
contraste qui me fascine et me donne faim de vous.
Je vous avale plus profondément, promenant ma langue sur toute la longueur de votre sexe, mais vous vous écartez et
me serrez légèrement la mâchoire pour me rappeler que c’est vous qui commandez, pas moi. Docile, je m’abandonne à
votre autorité et vous laisse donner le ton, afin que vous usiez de ma bouche selon votre désir.
Vos poussées se font plus profondes, atteignant le fond de ma gorge pour s’y arrêter par moments. Je vous avale tout
entier, chavirée par le plaisir que je vous donne.
J’aime que mon corps ne m’appartienne plus, qu’il obéisse à un rythme que vous seul imposez. Je sens mes seins se
gonfler, et quand vous vous penchez pour en titiller la pointe douloureusement érectile, l’orgasme manque me submerger.
Pantelante, je cherche à retrouver mon souffle et le contrôle de mon corps, car je ne vous ai pas encore mené à
l’orgasme. Mon sexe est en feu, et chacune de mes terminaisons nerveuses, si sensible, qu’il me serait insupportable d’être
ne serait-ce qu’effleurée.
Vous emplissez ma bouche, à grands coups de boutoir, votre érection glissant inlassablement sur ma langue avide.
Puis les secousses se font plus urgentes, plus profondes. Vous y êtes presque. Vous me tenez la tête à deux mains, pour
mieux me plaquer contre votre bas-ventre.
Vos murmures parviennent à mes oreilles, telle une musique douce comme le miel. Enfin vous inondez ma bouche
de votre semence. Vos mains se font caresses sur mon visage. Avec une infinie tendresse, vous me chuchotez que je vous ai
bien fait jouir.
J’avale amoureusement chaque goutte du liquide blanchâtre avant que vous ne vous retiriez.
Mon corps appelle le vôtre. Votre plaisir est le mien. Vous vous penchez et déposez un chaste baiser sur le haut de
ma tête, puis vous m’aidez à me relever. Vos mains se promènent sur mon corps pour en explorer tous les secrets.
Vous saisissez un mamelon et le faites rouler entre vos doigts experts. D’un regard, vous ordonnez à mon gardien de
me soutenir. Il place ses mains de part et d’autre de mes épaules pendant que les vôtres descendent lentement.
Mon souffle se fait court quand vos doigts titillent le contour de ma fente. Vous jouez avec mon clitoris, m’arrachant
un gémissement rauque. Mes jambes flageolantes menacent de se dérober, mais mon gardien me maintient fermement.
– Tu vas jouir pour moi, me susurrez-vous. Oh oui, je vais jouir !
J’essaie de respirer, mais j’ai l’impression d’inhaler du feu. L’air me brûle les poumons et se comprime dans ma
poitrine.
De votre main libre, vous retrouvez mes seins, pinçant un téton, puis l’autre.
– Ne la laissez pas tomber, ordonnez-vous à mon gardien, qui resserre son étreinte autour de mes épaules.
Vous insinuez vos doigts dans les replis moites de mon sexe, remontant jusqu’à mon clitoris gonflé, avant de les
enfoncer en moi. Sans pitié, vous caressez, frottez, glissez.
– Tu as envie de mon sexe au fond de toi ? demandez-vous d’une voix douce.
– Oh, oui ! Je le veux plus que tout, vous dis-je en haletant.
En souriant, vous augmentez la pression de vos doigts.
– Bientôt. Bientôt tu m’auras tout entier. Mais pour l’instant, je veux que tu jouisses dans les bras de ton gardien
qui te soutient pour moi, car ce sera la dernière fois qu’un autre homme que moi posera les mains sur toi. Tu es mienne,
désormais.
Ce sont vos mots, plus que vos caresses, qui libèrent mon orgasme. Sa puissance me terrifie et m’extasie à la fois, et
je m’effondre, secouée de spasmes. Mes genoux menacent de lâcher mais, avec le gardien, vous me soutenez fermement.
Quand les dernières vagues de la jouissance sont passées, vous lui ordonnez de me relâcher. Vos gestes sont à présent
formels, vous veillez à la passation de pouvoir. Je suis toujours attachée quand vous me prenez doucement par le bras pour
m’emmener.
Une fois hors de la pièce, vous défaites mes liens et m’enveloppez d’un peignoir pour masquer ma nudité aux yeux
étrangers. Même si vous ne dites mot, je ressens votre possessivité. Je vous appartiens.
Lorsque nous partons, vous me répétez que je suis à vous, ce qui me procure un intense plaisir. Oui, je suis à vous,
et cela me rend heureuse.

Damon s’adossa à son fauteuil, surpris de l’effet que cette lettre lui procurait. Il avait rarement vu
quelque chose d’aussi honnête et cru. Cette femme faisait, sans détour et sans gêne apparente, un compte
rendu étonnamment précis de ses désirs les plus intimes.
Il survola la fin du mail, afin de découvrir les coordonnées de cette femme, et se redressa
brutalement. Quoi ? !
Le nom, l’adresse et la date de naissance de la cliente n’étaient autres que ceux de Serena James.
Un sourire se dessina sur ses lèvres. La prétendue cliente n’était donc qu’une ruse, mais elle avait
attendu de n’être plus en face de lui pour se révéler.
Une puissante émotion l’envahit. Était-ce de l’excitation ? Du désir ? À moins qu’il ne s’agisse de
quelque chose de totalement différent : de l’impatience. Un sentiment brûlant qui se répandait dans ses
veines.
Soudain, la question de celui qu’il trouverait pour assouvir les fantasmes de Serena ne se posait plus.
Il gèlerait en enfer avant qu’il ne consente à la placer entre les mains d’un autre homme.
Si elle voulait devenir l’esclave de quelqu’un, alors elle serait la sienne.
4

Serena sauta de son 4 x 4 et courut vers le terrain de baseball. Elle était en retard. En balayant les
gradins quasi vides du regard, elle aperçut Julie qui lui faisait signe. Faith aussi était là, qui lui sourit.
Serena se dirigea vers elles, à l’écart de la poignée de spectateurs regroupés vers le camp adverse.
– Je n’étais pas sûre que tu puisses te libérer, lui dit Faith quand elle s’assit à ses côtés.
– Comment aurais-je pu rater notre meilleure opportunité de mater de beaux mecs en short et tee-
shirt dégoulinant de sueur ? répondit Serena en prenant une mine horrifiée.
– Amen, ma sœur, fit Julie en reportant son attention sur le terrain de jeu.
Pendant quatre semaines, les collègues de Faith chez Malone & Fils Sécurité disputaient un mini-
championnat. Entre eux, ils se qualifiaient de vieux croûtons qui essayaient de revivre leurs belles années
de jeunesse. En fait, c’était surtout un prétexte pour faire un peu les fous et boire des bières après les
matchs.
– Je n’arrive jamais à décider lequel je préfère, constata Serena en regardant Connor Malone et
Micah Hudson. Ton frère est super sexy, Faith, mais Micah n’est pas mal non plus.
– Et Nathan, alors ? s’étonna Julie. Serena pouffa.
– Il est parfait, sauf que tu l’as déjà marqué comme chasse gardée, celui-là. Tu te le réserves, on le
sait bien.
Faith s’étrangla de rire, à tel point que Julie dut lui donner une tape dans le dos.
– Quand est-ce que tu vas te décider à lui montrer que tu es intéressée ? poursuivit Serena.
– Je ne sais pas, marmonna Julie. Il est… difficile.
– Essaie la nudité, suggéra solennellement Faith. Ça fait des miracles.
Ce fut au tour de Serena d’éclater de rire.
– Oh non ! Épargne-nous l’image de la gentille Faith en train d’exciter un mec. La façon dont Gray
te reluque habillée me suffit, je ne veux même pas imaginer comment il te regarde nue.
Tout sourire, Faith applaudit vigoureusement l’arrivée de son homme.
– Chut, les filles. C’est à Gray de jouer.
Julie leva les yeux au ciel, mais obéit de bonne grâce.
Faith se leva en hurlant comme une adolescente quand Gray frappa un coup magistral dans le champ
centre, qui élimina Connor. Alors qu’elle se rasseyait, Julie jeta un regard malicieux à ses deux amies.
– J’attends toujours les détails croustillants que j’ai ratés l’autre fois, je vous signale.
– Tu veux dire que tu n’as encore pas torturé Faith pour obtenir les informations les plus cochonnes
? s’étonna Serena.
– Sous ses airs gentils, c’est un vrai pitbull quand elle s’y met. Elle a prétexté que c’était à toi de me
mettre au courant, pas à elle.
– Merci, Faith, dit Serena. J’apprécie.
– Chut ! C’est à Micah de taper !
– Pour l’amour de Dieu, Faith ! s’exclama Julie en allant s’asseoir de l’autre côté de Serena. On n’est
pas venues regarder le match ! On est là pour discuter et pour mater.
Elle s’installa près de Serena et repoussa ses longs cheveux bruns derrière son épaule.
– Alors maintenant, je te conseille de tout avouer, Serena, et sans omettre le moindre détail, sinon je
devrai me venger, et je te promets que ça ne sera pas joli à voir.
– Tu as décidé de m’empêcher de profiter du spectacle, c’est ça ?
– Qu’est-ce qui t’empêche de regarder et de parler en même temps ?
Serena lui retourna un regard faussement exaspéré, mais répéta, à voix basse, la conversation qu’elle
avait eue avec Faith, en y ajoutant sa rencontre avec Damon.
– Bon sang ! lâcha Julie. Alors là, tu m’en bouches un coin !
– Je ne suis pas sûre de comprendre, rétorqua-t-elle, un peu vexée.
– Que tu aies des fantasmes, je comprends. Mais de là à vouloir être une esclave sexuelle…
– Chut ! J’aimerais mieux que tout Houston ne soit pas au courant, si possible.
– Mais tu vas vraiment le faire ? reprit Julie plus bas.
Serena réfléchit un instant, avant de se tourner vers son amie.
– Oui, je crois bien.
– Ouah, alors toi, on peut dire que tu fonces, ma fille ! Je suis une poule mouillée, à côté de toi.
Quand je pense que je n’arrive même pas à trouver le courage de proposer à Nathan de sortir avec moi.
Et toi, tu prends tes fantasmes les plus sombres à bras-le-corps, chapeau !
Serena perçut une lueur d’admiration, teintée d’une pointe de jalousie, dans le regard de son amie.
– Si j’arrive à parler d’esclavage sexuel au déjeuner avec un type qui ressemble à la couverture de
GQ , tu pourrais au moins avoir le courage de demander à Nathan de sortir, suggéra-t-elle.
– GQ , tu dis ? Et c’est le type que Faith t’a recommandé ?
Julie jeta un regard à l’intéressée, qui serrait les lèvres pour garder son sérieux.
– Elle nous cache décidément beaucoup de choses, la coquine, reprit Julie. Non seulement elle
travaille avec une horde de beaux gosses, mais voilà qu’en plus, elle est copine avec le propriétaire d’un
sex-club ?
Faith lâcha un soupir, puis bondit pour applaudir Gray.
– Il faut apprendre à partager, les filles ! grommela Julie.
– Hé ! Je t’ai offert Nathan sur un plateau d’argent. Qu’est-ce que tu veux de plus ? protesta Faith en
se laissant retomber sur son siège.
– Elle marque un point, nota Serena. Elle te l’a envoyé alors qu’il voulait se faire percer l’oreille, et
tu l’as rendu accro à tes massages.
Julie soupira tristement.
– Je parie que si tu arrivais nue pour le masser, il te remarquerait, suggéra Faith.
– Et là, il ne rechignerait plus à se mettre sur le dos, je t’en fais le pari, gloussa Serena.
– Ce n’est pas un chien, marmonna Julie.
Faith lâcha un juron – l’un des membres de leur équipe venait de se faire plaquer au sol –, puis
tourna vers Serena un visage plus sérieux.
– Tu es sûre de ce dans quoi tu t’embarques ? Tu as bien réfléchi ?
Serena prit une profonde inspiration avant de répondre :
– Oui, c’est quelque chose qui me tient à cœur. Et puis, ce n’est pas comme si je changeais
totalement de vie. C’est temporaire. Si je déteste ça, je n’aurai qu’à y mettre fin et à me trouver un autre
fantasme.
– Je fais entièrement confiance à Damon, dit Faith. Il va prendre soin de toi, je n’ai aucun doute là-
dessus.
– Comment tu le connais, d’ailleurs ? intervint Julie. Ça m’a l’air intéressant, cette histoire.
Faith baissa les yeux en rougissant.
– Disons pour faire simple que j’avais moi aussi certains fantasmes, et que Damon s’est montré très
utile.
– Tu rigoles ! s’exclama Julie en lui sautant littéralement dessus. Et Gray est au courant ?
– C’est lui qui est venu me récupérer au club de Damon, donc oui, il est au courant, répondit Faith
en souriant.
Serena frissonna.
– Les filles, vous avez de la chance. Je donnerais cher pour qu’un homme magnifique me sorte le
grand jeu comme ça.
– Et c’était quoi, ces fantasmes, Faith ? s’enquit Julie.
Cette dernière rougit de plus belle.
– Ils n’étaient pas très éloignés de ceux de Serena, c’est d’ailleurs pourquoi je l’ai envoyée voir
Damon.
Un sourcil levé, Julie contempla tour à tour ses deux amies.
– N’allez pas vous faire des idées à mon sujet, les filles. Il n’y a pas une once de soumission en moi.
– On n’avait pas l’intention d’essayer de te convertir, assura Serena.
– On se contente d’assumer notre sexualité, renchérit Faith.
– Exactement, fit Serena en hochant la tête.
– Moi aussi je rêve d’assumer la mienne, marmonna Julie. Dès que je l’aurai découverte.
– Je sais : tu es une lesbienne refoulée, la taquina Serena.
Julie lui donna un coup de coude dans les côtes.
– Très drôle. Je ne connais personne de plus hétéro que moi. Non, en fait je crois que je rêve de me
taper Nathan et des copains.
Julie fronça les sourcils en voyant Serena manquer s’étrangler de rire.
– Je ne plaisantais pas !
– Arrête, Julie. Plusieurs hommes à la fois ? Mais qu’est-ce que tu en ferais ?
– Oh, tu serais surprise, murmura Faith.
Julie et Serena tournèrent la tête d’un même mouvement, mais Faith, qui avait toujours les yeux rivés
au terrain de baseball, affichait un air parfaitement innocent.
– Dis-moi que tu ne l’as pas fait, lui enjoignit Julie à voix basse. Parce que si c’est le cas, je vais être
jalouse de toi à vie.
Un sourire énigmatique plaqué sur les lèvres, Faith regardait les joueurs en train de se saluer une fois
le match terminé.
– Bon sang, elle l’a fait ! s’exclama Serena. Avec eux ?
– Pas avec Nathan, gémit Julie. Dis-moi que Nathan n’y était pas.
– Arrête ! lâcha Faith. Je ne dis pas qu’il n’est pas beau, mais il est comme un frère pour moi, voyons
!
– Qui alors ? insista Julie. C’était avant ou après Gray ? Avant, forcément. Gray ne me paraît pas du
genre à apprécier que sa femme se tape un autre mec. Il est extrêmement possessif avec toi.
Le sourire de Faith s’élargit.
– Tu m’as obligée à tout déballer, intervint Serena. À ton tour, maintenant. Si je peux avouer que je
rêve de devenir le jouet sexuel d’un homme, tu peux bien nous dire avec qui tu as fait ça à trois, bon
Dieu !
Les joues de Faith reprirent une jolie teinte rosée.
– Oh non ! s’exclama Julie. Vous étiez plus de trois ? Tu as participé à un… comment ça s’appelle,
d’ailleurs ?
– Un gang-bang, proposa Serena.
– Ils n’étaient que deux, répondit enfin Faith d’une voix étranglée. Bon sang, vous croyez que je me
prends pour une star du porno ou quoi ?
Julie sauta sur l’information.
– Avec lesquels ?
– Gray et Micah, lâcha Faith.
Serena jeta sur son amie un regard nouveau, admiratif. En voilà une qui assumait totalement sa
sexualité. Faith, la timide et douce Faith Malone, était en fait une sacrée nana ! Et soudain, elle se sentit
rassurée quant à sa propre décision, et surtout contente d’avoir partagé ses désirs avec ses amies. Ça lui
permettait de se sentir moins seule, en quelque sorte.
Julie poussa un soupir exagérément désespéré.
– Je suis super jalouse. Moi aussi, je veux me faire prendre en sandwich. Entre Nathan et Connor, ça
m’irait parfaitement.
– Julie, s’il te plaît, épargne-nous les détails, dit Faith en fermant les yeux. Je ne tiens pas à vous
imaginer ensemble, mon frère et toi. Changeons de conversation tant qu’on est encore dans le domaine
de la décence, d’accord ?
– Décence ? répéta Julie. Mais qui parle de décence ? Moi, je veux de la débauche, de l’hédonisme. Il
faut vraiment que vous me présentiez à ce Damon.
– Ne t’approche pas de Damon, grommela Serena, soudain sur la défensive.
Le ton presque agressif lui valut de la part de Julie un regard surpris, et une réplique bien sentie :
– Rentre tes griffes ma belle. Tu as des vues sur monsieur GQ ou quoi ?
Les joues de Serena s’empourprèrent. Mais qu’est-ce qu’il lui prenait ? Pourquoi était-elle agacée à
l’idée que Julie fréquente Damon ? Ce n’était pas comme si elle ressentait quoi que ce soit pour lui. Il
servait juste de passeur entre elle et l’homme qu’il lui fallait pour assouvir son fantasme.
N’empêche, imaginer Julie minaudant devant Damon réveillait la furie qui sommeillait en elle.
– Tu pourras l’avoir quand il aura fini ce qu’il a à faire pour moi, répliqua-t-elle. En attendant, si tu
courais plutôt après Nathan, au lieu de jouer les trouillardes ? Tu agis comme si on t’avait lobotomisée !
Julie se renfrogna, mais Faith hocha la tête, visiblement du même avis. Et il y avait de quoi. Les
joueurs, sacs sur l’épaule, se dirigeaient vers les vestiaires, et Julie ne les quittait pas des yeux, l’air plein
d’espoir alors que Nathan, en pleine conversation avec Connor, ne la remarqua même pas.
Micah, en revanche, se fit un plaisir de s’arrêter près d’elle, un sourire charmeur aux lèvres. C’était
un beau spécimen, il fallait bien l’avouer.
– Salut, beauté, lança-t-il à l’attention de Faith.
Serena les observa avec un regain d’intérêt, à présent qu’elle était au courant de l’aventure entre
Micah, Faith et Gray. Mais à sa grande surprise, ils se comportaient on ne peut plus naturellement. Gray
tendit les bras vers Faith qui sauta des gradins, et elle salua Micah en souriant. Puis elle prit Gray par le
cou, et il la souleva jusqu’à ses lèvres. La chaleur qui se dégageait de ce baiser était quasi palpable.
Serena se surprit même à en être jalouse.
Quelle garce elle faisait ! Après tout, Faith méritait un homme qui vénérait le sol qu’elle foulait.
C’était juste qu’elle aussi aspirait à connaître ce bonheur.
Micah dévisageait Julie avec un intérêt non dissimulé, mais celle-ci n’avait d’yeux que pour Nathan
qui s’éloignait. Et l’air navré qui se peignit sur son visage quand il ne lui accorda pas même un regard
faisait peine à voir.
La vie était bizarre, parfois. Serena secoua la tête en souriant, ce qui lui valut un coup d’œil de Micah
et Gray. Prenant un air impénétrable, elle accepta la main tendue du premier, qui l’aida à descendre des
gradins pour rejoindre leur petit groupe.
Julie, toujours obnubilée par la silhouette tant chérie, ne remarqua même pas la main de Micah et
sauta seule au bas des marches.
– Désirez-vous nous accompagner au Cattleman’s, mesdemoiselles ? proposa Micah avec son sourire
nonchalant.
Il était charmant, ce sourire, mais pour une raison qui lui échappait, Serena ne parvenait pas à
chasser le beau visage de Damon de son esprit. Comme s’il s’était gravé sur sa rétine.
– Oui, allons-y tous ensemble, on va bien s’amuser, approuva Faith alors que Gray l’attirait pour la
serrer contre lui.
– Je vais rentrer, répliqua Julie d’un air maussade. Faith secoua la tête et échangea un regard exaspéré
avec Serena lorsque leur amie s’éloigna.
– J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? s’étonna Micah en tentant d’apprivoiser quelques mèches
folles derrière son oreille.
Serena lui sourit.
– Non, ça n’a rien à voir avec toi. Elle boude, lui confia-t-elle en lui tapotant le bras – qu’il avait fort
agréablement musclé, soit dit en passant.
– J’adore les femmes qui boudent, dit-il. C’est l’occasion rêvée de leur donner ce qu’elles veulent.
– Tu ferais bien de ne pas trop crier ça sur tous les toits, Micah, lui conseilla Faith en riant.
Il haussa les épaules.
– Que veux-tu, j’aime faire plaisir aux femmes, voilà.
– Je suis d’accord avec lui sur un point, renchérit Gray en mordillant le lobe de Faith. J’adore faire
plaisir à une certaine femme.
– Oh, pour l’amour du ciel, intervint Serena avec un air faussement écœuré. Vous ne pourriez pas
arrêter de vous bécoter, tous les deux ?
En riant, Micah passa un bras autour de ses épaules. Elle se laissa aller contre son flanc, appréciant la
douce chaleur et la puissance qu’il dégageait. Malgré la sueur qui imprégnait son tee-shirt, il sentait bon.
– Et si on abandonnait les tourtereaux pour se retrouver chez moi ? lui proposa-t-il avec un clin
d’œil canaille.
Comment ne pas lui sourire ? Il était aussi charmeur que sexy mais, encore une fois, elle se rendait
compte qu’il ne provoquait pas en elle la fameuse petite étincelle. Ce qui était fort dommage, parce qu’il
ferait un amant d’exception, elle n’avait pas le moindre doute là-dessus.
– Tu ne saurais pas t’occuper de moi, beau gosse, lui souffla-t-elle à l’oreille.
Il resserra son étreinte, et elle sentit son corps se tendre contre le sien. Il lui passa un doigt sur la
joue, s’arrêtant sous le menton pour l’obliger à lever la tête vers lui.
– Je ne serais pas aussi catégorique si j’étais toi, poupée.
Elle se retint de gémir. Bon sang, elle avait vraiment besoin de prendre son pied, de se faire baiser
par un homme, un vrai.
– Je ne supporterai jamais d’être un second choix, parce que la femme que tu convoitais t’a rejeté.
– Quelle femme ? demanda-t-il innocemment. Je n’ai d’yeux que pour toi, ici.
– Euh…, les interrompit Faith.
– Oh, chut, Faith ! Cet homme était sur le point de flatter mon ego, protesta Serena.
– Je serais ravi de flatter bien plus, si tu me laissais faire.
En riant, elle se colla contre lui, et plaqua une main sur sa braguette.
– Quand je laisse un homme me prendre, lui chuchota-t-elle au creux de l’oreille, c’est parce que je le
sens si excité qu’il pourrait jouir au moindre contact. Si flatteuse que soit ton offre, et à moins que tu
n’aies un sérieux problème d’érection ou que tu ne sois en train de parler dans le vide, je ne constate pas
ce genre de réaction chez toi.
Sur ces mots, elle s’écarta et lança un clin d’œil coquin en direction de Faith, agitant les doigts pour
lui dire au revoir. Elle s’éloigna, laissant Micah les yeux écarquillés.
– Bon Dieu ! l’entendit-elle dire à Faith et Gray. Je viens de tomber amoureux.
Sans se retourner, elle partit d’un éclat de rire.
5

Damon s’écarta des personnes avec lesquelles il conversait pour se diriger vers le hall, saluant
poliment un autre couple sur son chemin. Il aimait bien faire le tour des hôtes de The House pour
s’assurer qu’ils étaient satisfaits. Mais aujourd’hui, ses pensées étaient ailleurs : il avait hâte de mettre en
scène le fantasme de vente aux enchères de Serena. Lequel était sa réalité à lui.
Alors qu’il s’apprêtait à entrer dans son bureau, il aperçut Micah Hudson qui se dirigeait vers la
sortie. Il l’appela :
– Micah ! Tu nous quittes déjà ? Je peux t’offrir un verre ? lui proposa-t-il en désignant son bureau.
Micah parut hésiter un instant, avant de faire demi-tour.
– Pourquoi pas, si tu as quelque chose de buvable. Le truc de gonzesse que tu sers ici est bien trop
raffiné pour mon palais de péquenaud, j’en ai peur.
Damon se fendit d’un sourire.
– Tes papilles ont besoin d’être éduquées, on dirait. Je m’en occupe. Viens…
Il lui fit signe de le suivre dans son bureau. Après avoir allumé la lumière, Damon se dirigea vers le
placard à alcools. Micah se laissa tomber dans l’un des fauteuils en cuir, sortit un paquet de cigarettes
presque vide de sa poche et se saisit sur la table de travail d’un cendrier en bois plutôt décoratif qu’autre
chose.
– Je peux ? s’enquit-il en plaçant une cigarette entre ses lèvres.
– Ce sont tes poumons, répondit Damon en haussant les épaules. J’en conclus que tu n’as pas réussi
à arrêter ?
– J’ai réduit ma consommation à une ou deux par jour, fit Micah d’un air désinvolte. Vu comme Pop
me harcèle, je finirai bien par arrêter, un jour.
– Dis-moi, qu’est-ce qui te poussait à partir si tôt ? s’enquit Damon en s’emparant d’un vieux scotch
parmi les bouteilles alignées derrière la vitre.
C’était un alcool bien trop sophistiqué pour les goûts de Micah, mais qui lui donnerait une bonne
excuse pour se moquer de lui. Son ami hocha la tête, puis saisit le verre qu’il lui tendait et reluqua son
contenu d’un air circonspect. Avant de lui donner une réponse, il huma longuement le nectar doré, avant
d’y tremper enfin les lèvres.
Damon s’installa sur une chaise en face de lui.
– Alors, comment le trouves-tu ?
– Pas mal, marmonna Micah en tirant sur sa cigarette.
Damon sourit.
– Et donc, pourquoi t’en aller si tôt ? Un rendez-vous galant ?
Micah s’esclaffa.
– Ça fait bien longtemps que je n’en ai pas eu.
– Par choix, je n’en doute pas, supposa Damon. Une ombre passa sur le visage de Micah.
– Oui, par choix.
Son ton était étrange, mais Damon préféra ne pas insister. De toute façon, il avait un autre sujet à
aborder avec son hôte. Il regarda Micah inhaler la fumée, puis savourer un instant son effet, avant de
relâcher une longue volute.
– Dis-moi, fit-il enfin d’un ton détaché, que sais-tu de l’amie de Faith, Serena James ?
– Hormis le fait qu’elle est hyper sexy ? répondit Micah en tapotant le bout incandescent de sa
cigarette dans le cendrier, avant de prendre une autre gorgée de scotch.
– Son sex-appeal est une évidence que même un aveugle remarquerait, lâcha sèchement Damon.

– Elle t’intéresse ?
– D’une certaine façon.

– Non, c’est pas ton style, décréta Micah en secouant la tête.


– Qu’est-ce qui te fait dire ça ? Je crois au contraire qu’elle pourrait bien être exactement mon genre.
– Tu sais quelque chose que j’ignore ? s’enquit Micah. Quand tu as ce sourire satisfait… Serena est
sexy, extrêmement sexy. Pleine de tempérament et… sexy, voilà. Je l’ai un peu draguée, et je te jure qu’elle
est top.
– Sans oublier le fait qu’elle est sûre d’elle, intelligente, motivée, honnête et qu’elle assume
pleinement sa sexualité.
– Mais elle n’est pas soumise, fit remarquer Micah. Ne va pas frapper à une porte fermée, mon vieux.
Une fois, ça ne t’a pas suffi ?
Damon sourit.
– Tu sais quel genre d’entreprise elle dirige ?
– Oui, un truc où on réalise les rêves. Mais c’est du sérieux, hein !
– Eh bien, elle souhaite que l’on réalise le sien, cette fois. Et c’est vers moi qu’elle s’est tournée pour
ça.
Micah se pencha vers lui, visiblement intrigué. Lâchant sa cigarette, il le dévisagea longuement.
– Un fantasme, tu veux dire ?
– Elle veut être possédée, expliqua Damon. Devenir l’esclave sexuelle d’un homme. Elle m’a
demandé de préparer une cérémonie où elle serait vendue aux enchères ici.
– Et bien sûr, tu n’as pas songé à me le proposer.
– Je ne l’ai proposé à personne, parce qu’elle est pour moi, répondit calmement Damon.
Micah l’observa un moment.
– On marque son territoire, hein ?
– Elle m’intrigue, acquiesça Damon. Je la veux, et il se trouve qu’elle veut ce que je peux lui donner.
J’ai envie de voir où cela peut mener.
Micah secouait déjà la tête.
– Je n’arrive pas à croire que tu puisses faire ça, vu ce que tu penses des jeux de rôles.
– Mais qui a dit que ce serait un jeu ? J’ai l’intention de lui offrir la vraie…
– Et elle t’offrira un fantasme, l’interrompit Micah.
– Ta sollicitude est touchante, s’amusa Damon. Je doute que la femme que je recherche existe
vraiment, tu n’as pas tort sur ce point, mais s’il y a une chance pour qu’elle existe, je ne vais pas l’attendre
en priant tous les soirs pour la rencontrer. Pour l’instant, je prends ce qui se présente.
L’expression de Micah s’adoucit. Un voile passa sur ses yeux, avant qu’ils ne redeviennent froids et
impénétrables.
– Elle existe, Damon. Il y a des femmes, quelque part, qui meurent d’envie de trouver ce que nous
avons à leur offrir. Une fois qu’on y a goûté, on ne peut plus s’en passer, conclut-il avec une infinie
tristesse.
Damon essaya de lire dans ses yeux, mais Micah détourna la tête et avala la fin de son scotch.
– Je te souhaite que ça marche, dit-il enfin. Serena a l’air d’être une femme très passionnée. Je ne
l’aurais pas imaginée en esclave, mais elle est très belle et pleine d’esprit. Et je sais que tu prendras soin
d’elle.
– J’en ai bien l’intention, murmura Damon.
– Suis-je invité aux enchères ? demanda Micah, soudain émoustillé.
– Tu peux toujours espérer ! rétorqua Damon sans ménagement. Tu ferais monter le prix exprès
pour me compliquer la tâche.
Micah sourit.
– Une femme magnifique à vendre, c’est sûr que ça peut attiser les convoitises.
Damon reposa son verre vide sur le bureau. Il avait autre chose en tête, mais hésita un instant avant
d’oser le révéler à Micah. C’était assez direct, et il n’avait pas pour habitude de se montrer intrusif. Mais
Micah comptait parmi ses amis, alors il se lança :
– Quand est-ce que tu vas arrêter de vivre dans le passé, Micah ?
Celui-ci ouvrit de grands yeux courroucés. En une fraction de seconde, l’ambiance entre eux
s’assombrit et se refroidit brutalement. Micah avait un air tourmenté qui fit regretter à Damon d’avoir
cédé à son intuition, même s’il sentait que son ami avait besoin qu’on le pousse dans ses retranchements
pour quitter l’état de torpeur dans lequel il croupissait.
– Quand tu t’y décideras toi aussi, siffla Micah. Damon secoua la tête.
– Moi, j’avance. La preuve, je prends Serena comme esclave.
– Non, tu assouvis le fantasme d’une femme. Elle veut jouer à avoir un maître qui lui donne
quelques fessées et fasse semblant d’être autoritaire, nuance. Mais toi et moi, nous savons parfaitement
que tout ça n’a rien de réel. Le fait que tu fasses semblant d’y croire ne changera rien à l’affaire.
Son ton était furieux, ses mots volontairement cassants, mais Damon ne s’en offusqua pas. Il était
sans doute la seule personne à qui Micah avait confié quels événements l’avaient conduit à The House la
première fois. D’après son expression, il devait d’ailleurs être en train de le regretter.
– Laissons tomber, tu veux ? suggéra Micah alors que Damon s’apprêtait à lui répondre. Sinon l’un
de nous deux finira par dire des choses qu’il regrettera ensuite.
– Considère que cette conversation n’a pas eu lieu.
– Je te souhaite de trouver ce que tu cherches, point barre.
– J’ai abandonné l’idée, répliqua calmement Damon. C’est assez dur de chercher ce en quoi l’on a
cessé de croire.
6

Les sourcils froncés, Serena parcourait le dossier d’un client potentiel. Le rêve de ce dernier était
réalisable, et ce qu’elle aimait le plus dans son métier, c’était le défi que représentait l’organisation de
tous les détails. Alors qu’elle finissait à peine la lecture du questionnaire, elle commençait déjà à y
réfléchir.
La cinquantaine, son client désirait, le temps d’une soirée, se mettre dans la peau d’un joueur
richissime, celui que tous les casinos s’arrachent, dont le moindre caprice est exaucé. Il lui fallait une
voiture de luxe, une femme magnifique à son bras. Ce dernier détail lui fit lever les yeux au ciel, mais
après tout, cela faisait partie du rêve. Elle ferait donc de son mieux pour que tout soit parfait.
Tout se mettait déjà en place dans sa tête. Elle prendrait d’abord rendez-vous pour l’habiller
correctement – elle lui choisirait un costume hors de prix, et tout ce qu’il fallait pour soigner une
apparence. Ensuite, elle réserverait une limousine qui conduirait son client à Lake Charles, en Louisiane,
où l’un de ses contacts dans un casino réputé l’accueillerait avec tout le décorum dont jouissaient leurs
habitués.
Bien sûr, le scénario ne pourrait se réaliser qu’à une période où le casino n’accueillait pas ses plus
gros joueurs. L’argent que miserait le client de Serena serait le sien, et il choisirait sa façon de le dépenser
ou pas. Quant à elle, elle se chargerait de tout le cérémonial.
Pour le casino, c’était tout bénéfice, ils avaient la possibilité de gagner un client régulier. Quant à son
bénéfice à elle, il résiderait dans la satisfaction dudit client.
Si seulement tout pouvait être aussi simple. Elle fut interrompue dans ses réflexions par le
grésillement de l’interphone.
– Serena, M. Roche sur la ligne deux, annonça Carrie.
Immédiatement, son cœur s’emballa. Elle décrocha d’une main tremblante. Venait-il de lire son mail
? Comment percevait-il le fait qu’elle se soit d’abord présentée comme la cliente ? Bon sang, elle
regrettait à présent de n’avoir pas été honnête dès le début !
– Monsieur Roche ? dit-elle en portant le combiné à son oreille, assez fière de l’impression de calme
qu’elle dégageait.
– Je croyais que nous étions d’accord pour que vous m’appeliez Damon ?
Sa voix chaude l’apaisa immédiatement.
– Très bien, Damon. Que puis-je faire pour vous ?
– En fait, j’espère que c’est moi qui pourrai faire quelque chose pour vous. Êtes-vous disponible
pour le déjeuner ?
Elle ne put réprimer un sourire, et sa main se décrispa un peu. Après tout, ce ne serait peut-être pas
si compliqué que ça. Il ne semblait pas se comporter différemment maintenant qu’il savait qui était
l’esclave potentielle.
Elle fronça les sourcils. Décidément, il lui fallait trouver un autre intitulé à son fantasme.
– Je suis libre, oui, mais vous m’intriguez. Qu’allez-vous donc me concocter ?
– Retrouvez-moi pour déjeuner, répondit-il en riant. Je vous dirai tout.
– Vous savez appâter votre proie. OK, je mords à l’hameçon. Où souhaitez-vous que nous nous
retrouvions ?
– Je vous envoie une voiture.
– Non, répondit-elle après un instant de réflexion. C’est moi qui viens vous chercher, cette fois.
Nous jouerons sur mon terrain.
Pas de réponse.
– Dois-je en conclure que vous êtes habitué à ce que personne ne vous résiste ? ironisa-t-elle.
– En effet, fit-il avec un rire rauque.
Un nouveau frisson la parcourut tout entière ; ses tétons se durcirent contre la soie de son soutien-
gorge.
– J’aime laisser les hommes prendre les rênes quand les circonstances s’y prêtent, expliqua-t-elle d’un
ton léger. Alors disons que vous passez me prendre, mais que je choisis le restaurant.
– Je serai là dans une demi-heure, répondit-il de sa voix de miel.
– Je suis impatiente de vous voir.
Elle se surprit à sourire et reposa le combiné, se laissant aller contre le dossier de son fauteuil, puis
s’étira. Elle ignorait ce qu’il lui prenait de flirter ainsi avec Damon Roche, alors même qu’il ne serait
qu’un intermédiaire dans cette histoire. Décidément, il la rendait folle.
Se pouvait-il qu’il lui ait déjà trouvé quelqu’un ? Cette idée lui noua l’estomac, et une sorte de
nausée s’empara d’elle. Serait-elle capable de coucher avec un parfait inconnu ? Pire encore, pourrait-elle
lui confier son bien-être, sa confiance, son être tout entier ?
Peut-être n’avait-elle pas suffisamment réfléchi à tout cela.
En grimaçant, elle se prit la tête entre les mains. De toute façon, il n’était pas trop tard pour se
défiler. Elle pouvait toujours voir Damon et lui expliquer qu’elle avait changé d’avis, non ?
Evidemment, idiote.
Après tout, il ne s’agissait pas d’un contrat ordinaire mais de sexe, donc elle pouvait dire non à tout
moment.
Un peu rassérénée, elle fila dans le cabinet de toilette pour inspecter sa coiffure et son maquillage.
Vingt minutes plus tard, elle descendit dans le hall de l’immeuble, ravie d’avoir opté pour des
chaussures à talons élégantes, qui mettaient ses jambes en valeur. Elle savait, sans fausse modestie, que
celles-ci attiraient le regard des hommes, et comme sa jupe remontait au-dessus du genou, on les voyait
bien.
Elle eut la bonne surprise de constater que Damon passait la porte au même moment. Il était habillé
de manière décontractée, enfin autant que son pantalon et son polo de marque de lui permettaient. Elle
lui sourit.
– Vous êtes en avance, lui fit-elle remarquer en consultant sa montre.
– J’essaie de ne jamais faire attendre une jolie femme, répondit-il avec son charme habituel.
– J’aime assez cette philosophie. Vous êtes prêt ?
Il lui offrit son bras mais, sans attendre qu’elle le prenne, il lui enveloppa les doigts fermement pour
les placer sous son coude.
Ils sortirent dans l’air tiède. Au lieu de la Bentley à laquelle Serena s’attendait, il la guida vers une
BMW d’un noir luisant, garée devant l’entrée.
Il lui ouvrit la portière, attendant qu’elle soit installée pour prendre place derrière le volant. Elle en
profita pour admirer l’habitacle.
– Vous conduisez, donc ? nota-t-elle, un peu bêtement.
– On dirait, oui, répondit-il avec un sourire amusé. Alors, où allons-nous ?
– Au Cattleman’s. Vous connaissez ? Il grimaça.
– Je ne comprendrai jamais pourquoi d’aussi belles femmes que Faith et vous aimez fréquenter cet
endroit.
– C’est plein de charme, répliqua-t-elle sérieusement. Mais si vous détestez, on peut aller ailleurs.
Il manœuvra et s’engagea dans la circulation.
– Non, j’ai accepté de vous suivre dans le lieu de votre choix, ce sera donc le Cattleman’s.
– Finalement, vous êtes snob, se moqua-t-elle.
Il lui jeta un regard surpris, avant de se rendre compte qu’elle le taquinait.
– Snob, non. Mais j’apprécie… Disons que j’apprécie un peu de raffinement.
– Je ne vois rien à y redire, approuva-t-elle, mais je dois vous avouer que je suis du genre bière et
chips.
– Je suis tombé sur une barbare, dit-il avec un air faussement horrifié. Je n’ai rien contre une bonne
bière et de la nourriture bien grasse à l’occasion, mais je ne refuse pas non plus un steak de qualité et un
verre de grand cru.
– Hmm, j’adore le steak. J’adore la viande en général. En fait, je suis une vraie Carnivore. D’ailleurs,
ils ont d’excellents steaks, au Cattleman’s.
– Je serais étonné que vous ne commandiez pas une salade, ironisa-t-il. Je me demande bien ce que
vous avez avec ça, vous les femmes.
Elle fit mine de réfléchir.
– Eh bien, si ça peut vous faire plaisir, j’en commanderai une. À condition qu’elle soit servie avec un
steak.
Il éclata de rire.
– Bon, je crois que nous allons manger de la viande.
Il se gara sur le parking, et quand elle tendit la main vers la portière, il l’arrêta d’un geste.
– Laissez-moi faire, dit-il, une main sur son bras. Il sortit et contourna le véhicule pour lui ouvrir la
porte. Puis il lui prit la main. À son contact, des picotements lui chatouillèrent les bras, des doigts
jusqu’à l’épaule. Il l’attira délicatement et elle se retrouva à ses côtés.
– Merci, murmura-t-elle.
Comme plus tôt, il passa sa main sous son bras, et ils gagnèrent ainsi l’entrée. Damon murmura
quelques mots à l’oreille de l’hôtesse qui les accueillit. Immédiatement, celle-ci hocha la tête en souriant
et leur fit signe de la suivre.
Elle les installa au fond de la salle, loin de l’agitation des autres convives. Une fois assise, Serena
haussa un sourcil inquisiteur.
– Vous lui avez versé un pot-de-vin, ou quoi ? Cette zone est généralement fermée pour le déjeuner.
– Disons, que j’ai l’habitude d’obtenir ce que je veux, répondit-il en souriant.
– En effet, nous l’avons déjà remarqué ensemble.
– Je voulais une table où nous pourrions parler tranquillement, expliqua-t-il. J’ai quelque chose pour
vous.
– Ah bon ?
Son cœur se mit à battre un peu plus fort quand il lui tendit une enveloppe. Elle n’avait même pas
remarqué qu’il l’avait à la main, tant elle était concentrée sur autre chose, à commencer par l’incroyable
beauté de l’homme qui l’accompagnait.
Les doigts tremblants, elle déchira l’enveloppe. Avant d’en déplier les feuilles, elle leva sur lui des
yeux interrogateurs. Cette missive avait beau contenir ce qu’elle lui avait demandé, à présent que le
moment était venu de l’ouvrir, une pointe d’angoisse la tenaillait.
– Vous hésitez, dit-il calmement.
– Je suis un peu nerveuse, admit-elle.
– C’est tout naturel. Vous avez changé d’avis ? Elle rougit.

– Vous n’avez pas fait la moindre remarque sur le fait qu’il s’agissait de moi…
– J’ai pensé que vous aviez vos raisons, dit-il en haussant les épaules. Vous ne me devez aucune
explication.
Elle finit par déplier lentement le papier. Âge, adresse, caractéristiques physiques, tous les détails
étaient soigneusement consignés là. Elle parcourut la feuille des yeux, s’efforçant d’enregistrer le
maximum d’informations.
Pas de casier judiciaire, métier et revenus stables. Elle descendit au bas de la page, pour découvrir le
nom du candidat : Damon Roche.
Elle prit une brusque inspiration, puis le dévisagea, ahurie.
– Je ne comprends pas.
Un sourcil levé, il l’observait attentivement.
– Vous en êtes sûre ?
– Mais pourquoi ?
S’il avait dans l’idée de la prendre de court, il avait réussi son coup. Elle avait les mains qui
tremblaient, et sentit une goutte de sueur perler à son front.
– Pourquoi pas ? répliqua-t-il, toujours aussi calme.
– Ne jouez pas avec moi. Ce n’est pas ce dont nous étions convenus.
– Nous étions convenus que je devais vous trouver un homme adéquat pour réaliser votre fantasme.
Il se trouve que je suis cet homme. Je ne vois pas où est le problème, conclut-il en se penchant vers elle,
les yeux rivés aux siens. Préféreriez-vous être prise et possédée par un parfait étranger ? Si nous ne nous
étions pas rencontrés avant, si quelqu’un d’autre avait arrangé notre rendez-vous, auriez-vous vu
quelque objection à ce que je sois l’homme de votre fantasme ?
– Mais pourquoi ? répéta-t-elle dans un souffle. Pourquoi ne pas vous être proposé d’emblée ?
– J’ignorais que vous étiez la femme en question, répondit-il simplement. Quand je l’ai découvert,
j’ai tout de suite su que je devais être celui qui vous posséderait.
Elle le regardait, yeux écarquillés, bouche bée. Bon sang, elle devait avoir l’air d’une idiote !
– Vous voulez me posséder ?
– Je ne vois pas en quoi cela vous étonne, Serena, vous êtes une très belle femme. Je vous ai désirée
dès l’instant où vous êtes entrée dans le restaurant, l’autre jour. Alors quand j’ai lu votre mail si éloquent
et vu qui l’avait signé, je ne me suis pas posé de question. Je refuse qu’un autre homme vous possède.
Une vague de chaleur envahit son ventre, puis s’insinua entre ses jambes. Son clitoris enfla et se
tendit, ses tétons durcirent douloureusement. La promesse de Damon se répétait comme un doux écho
dans ses oreilles, séduisant et terriblement tentant.
Ce dernier affichait une expression terriblement arrogante, manifestait une totale confiance en lui.
Pire encore, il savait. Il contrôlait tout. Et elle le désirait de tout son être, plus qu’elle n’avait jamais
désiré qui que ce soit. Et tout ce qu’elle avait à faire, c’était d’ouvrir la bouche et de dire oui.
– Alors, Serena, me voulez-vous ? demanda-t-il avec une infinie douceur. Me désirez-vous au point
d’en avoir mal ? Voulez-vous que je vous possède ? La nuit, rêvez-vous d’un homme qui maîtriserait
votre sexualité, la stimulant jusqu’à vous enflammer tout entière, pour enfin la libérer, et vous avec ?
– Oui, s’entendit-elle murmurer. Oui.
– Nous avons pas mal de points à discuter, mais pas ici. On peut passer en revue les aspects
techniques et poser les bases, mais pour les détails plus intimes, nous devrons nous retrouver dans un
endroit plus approprié.
En prononçant les derniers mots, il tendit la main et fit glisser un doigt sur sa joue, avant d’écarter
une mèche de ses cheveux, qu’il lui passa derrière l’oreille.
– J’ai hâte d’avoir cette conversation, chuchota-t-il. Serena se sentit rougir et, machinalement, elle
abandonna son visage à sa caresse.
– Je ne sais que dire.
– Mis à part un « oui », il n’y a pas grand-chose d’autre à ajouter. À moins que vous n’ayez changé
d’avis ? Bien sûr, je peux aussi vous trouver un nouveau candidat, mais je suis sûr que, tout comme moi,
vous avez perçu cette étincelle entre nous. Après ce que j’ai lu dans votre mail, je sais que vous ne vous
déroberez pas.
Elle était totalement subjuguée par cet homme.
Une fois de plus, il tendit le bras et lui emprisonna la main, dont il caressa doucement le dos avec
son pouce. Le geste était à la fois sensuel et très naturel.
– Débarrassons-nous des détails pratiques, suggéra-t-il. Nous prendrons ensuite rendez-vous pour
régler ce qui relève de la sphère intime, une fois que vous aurez eu le temps de digérer tout cela.
– Les détails pratiques ? parvint-elle enfin à demander.
Il amena lentement sa main à sa bouche, et elle retint son souffle, tout entière concentrée sur le
contact avec ses lèvres.
Une décharge électrique lui parcourut les veines. Des ondes brûlantes remontèrent le long de son
bras, pour s’épanouir en une kyrielle de picotements à la base de son cou. Elle en avait la chair de poule.
Les lèvres de Damon remontèrent lentement de la pointe de ses doigts jusqu’à ses phalanges, où elles
restèrent un moment.
– J’entends par là les détails peu agréables, l’aspect moins romantique de notre arrangement. Un peu
ingrat, certes, mais indispensable.
Sans un mot, elle leva un sourcil interrogateur. En cet instant, elle était bien incapable de parler, de
toute façon.
Il tira une feuille de la liasse et la lui tendit. Délicatement, elle ôta sa main de la sienne, regrettant
immédiatement sa chaleur, et elle parcourut le document des yeux. Il s’agissait d’un compte rendu
médical.
– Oh ! lâcha-t-elle en comprenant où il voulait en venir. Vous allez me prendre pour une sotte, je
n’avais pas… Bon sang, mais quelle idiote je fais !
– Vous n’êtes pas une idiote, Serena, dit-il en lui souriant gentiment. Vous êtes juste un peu
nerveuse, et vous essayez d’avancer aussi vite que possible, avant de perdre tout courage. Vous y auriez
pensé, cela ne fait pas le moindre doute, et vous auriez exigé ce que je viens de vous fournir.
– Sauf que je n’y ai pas pensé. Enfin, je consulte régulièrement mon gynécologue, mais je n’ai pas fait
faire de tests…
– Je peux vous prendre un rendez-vous avec mon médecin, si vous voulez, proposa-t-il. Il est
important que vous vous sentiez parfaitement en sécurité avec moi, et il est important que nous soyons
tous deux rassurés sur nos états de santé respectifs. Je veux vous offrir votre rêve, Serena, et je refuse
qu’il soit troublé par le moindre petit désagrément.

– Je vais appeler mon médecin dès demain.


– Cela signifie-t-il que vous acceptez ?
Elle prit une profonde inspiration, sans quitter des yeux l’homme magnifique qui lui faisait face.
Oui, il était super sexy. Il était aussi sûr de lui, arrogant, et Dieu, elle adorait ça : un homme plein
d’assurance qui, pourtant, n’avait rien d’un salaud. Ça existait, ce genre de mec ? Si ça se trouve, il jouait
tout simplement la comédie.
Quoi qu’il en soit, elle mourait d’envie de le découvrir, au point qu’elle en salivait presque.
Elle se passa la langue sur les lèvres, puis hocha la tête.
– Je veux vous entendre le dire, exigea-t-il.
– Oui, j’accepte.
Le sourire qui se dessina sur ses lèvres était triomphant, la lueur qui brilla dans ses yeux, sombre et
primale. En cet instant, Serena imagina ce que ce serait que de lui appartenir, et son corps tout entier se
tendit vers lui.
– Dînez avec moi ce week-end.
Ce n’était pas une requête, et il ne semblait pas le moins du monde embarrassé de lui avoir donné un
ordre, si poli fût-il.
– Cela vous laissera le temps de voir votre médecin, poursuivit-il sur le même ton, et de penser à
moi. Et à vous. À nous, en fait. Nous pourrons alors discuter des détails plus intimes de notre accord.
Sa façon de prononcer « intimes » suffit à la faire frémir jusqu’au plus profond d’elle-même. Tout
fantasme mis à part, il lui offrait la réalité. Sa réalité à lui.
Elle le verrait nu. Il la toucherait, poserait ses mains et sa bouche sur son corps. Elle frissonna de la
tête aux pieds, et ses genoux se mirent à trembler si fort qu’elle dut poser une main dessus pour les
calmer.
Quant au repas, elle l’avait complètement oublié. Comment aurait-elle pu avaler quoi que ce soit ?
Tout ce qu’elle avait en tête, c’était le goût qu’aurait Damon. En se remémorant la description détaillée
qu’elle avait faite dans son mail, elle sentit ses joues s’empourprer de plus belle.
– Et moi qui croyais que Faith était la dernière femme au monde à rougir si violemment ! remarqua-
t-il d’un ton amusé.
Mortifiée, elle ferma les yeux.
– Je ne contrôle plus mon corps, avoua-t-elle. Vous m’avez littéralement coupé les jambes.
– Votre mail m’a fait le même effet, murmura-t-il. Je ne peux pas laisser un autre obtenir ce que je
considère déjà comme mien.
Son estomac se contracta, et une vague brûlante lui parcourut le corps.
– Voilà que vous parlez en propriétaire, osa-t-elle.
– Et c’est précisément ainsi que vous me voulez, non ?
Elle cilla sous l’intensité de son regard, mais pas question de mentir ou de faire semblant d’avoir
honte – même si elle était à deux doigts de se cacher sous la table. Rien dans son approche n’avait été
timide jusque-là, elle n’allait pas commencer maintenant.
– C’est vrai, avoua-t-elle. Je veux… je veux appartenir à un homme, ajouta-t-elle après une profonde
inspiration. Ça a l’air dingue quand je le dis tout haut.
– Arrêtez, ordonna-t-il, sans agressivité mais fermement. Je ne vous laisserai pas vous excuser
d’avoir osé exprimer vos désirs. Ce sont les vôtres, et cela suffit à les rendre importants. Et légitimes. Ils
n’ont rien de dingue.
– Ce n’est pas juste une histoire de possession.
Elle s’interrompit un moment, mais sa détermination à expliquer sa quête, ce qui la faisait vibrer,
était trop forte. Elle devait poursuivre.
– Je veux la sécurité qui va avec le sentiment d’être… possédée. Appartenir, c’est un mot si laid, et
pourtant, je n’en vois pas de meilleur. Je veux être chérie, protégée, dorlotée, que l’on reconnaisse ma
valeur. Je veux que mon homme me connaisse aussi bien que je me connais. Je veux qu’il anticipe mes
besoins et les assouvisse et, en même temps, je veux être importante à ses yeux. Je veux qu’il soit fort,
capable, dominateur sans être macho. Pour un petit moment, je veux me reposer entre ses mains et
m’abandonner à lui, car je saurai qu’il va me protéger, me donner du plaisir et m’apprendre à lui en
donner.
Elle se sentit soudain terriblement vulnérable, comme si elle venait de se livrer de la façon la plus
brutale qui soit, comme si ses paroles l’avaient totalement dénudée.
– Regardez-moi, lui intima-t-il doucement. Elle leva la tête et rencontra son regard perçant.
– Vous ne me faites pas encore confiance, et vous avez raison, puisque nous venons juste de nous
rencontrer. Mais vous y viendrez, et quand cela arrivera, vous vous abandonnerez totalement à moi.
Alors, je vous offrirai ce que vous désirez par-dessus tout. Ce dont vous avez besoin. Et je vais savourer
chaque seconde de cette expérience.
7

Julie tournait dans son salon de beauté comme une lionne en cage. Nathan devait arriver pour son
massage dans cinq minutes, et elle avait de sérieux doutes quant à son plan de séduction.
Elle s’arrêta devant l’un des miroirs en pied et réarrangea son chemisier pour la énième fois.
Légèrement moulant, il lui enveloppait la poitrine comme les mains d’un amant. Son décolleté
pigeonnant évoquait deux melons bien mûrs.
Parfait.
– Non, merde, marmonna-t-elle en tirant sur le tissu. J’ai l’air d’une pute.
Pire, en fait. Elle avait l’air d’une femme qui cherchait désespérément à plaire.
Après un dernier regard maussade à son reflet, elle soupira et s’affaira à la préparation des huiles.
Elle les avait sélectionnées spécialement pour Nathan, car ses autres produits étaient trop féminins.
Nathan… C’était un homme, un vrai. Il lui fallait une fragrance ni trop douce ni trop fleurie.
Elle remonta sa poitrine une dernière fois avant de passer dans la salle de massage. Quelques
effleurements, peut-être même un léger contact de ses seins contre son visage, en se penchant sur lui
pour attraper une serviette, finiraient bien par venir à bout de l’indifférence de Nathan. Il ne pouvait pas
continuer à l’ignorer. Il fallait juste qu’elle soit courageuse et forte. Qu’elle prenne en main sa sexualité.
Oui, c’était ça, la solution. Faith l’avait fait, et Serena était en bonne voie.
Esclave sexuelle… Elle leva les yeux au ciel et secoua la tête à cette idée. Pour l’amour du ciel, mais
à quoi pensait son amie ? Non que la perspective de se faire attacher et tourmenter par Nathan ne lui
inspirât pas le moindre désir. Mais dans la plupart de ses fantasmes à elle, et ils étaient aussi débridés
qu’explicites, c’était Nathan qui se retrouvait à sa merci.
Elle ne put réprimer un sourire canaille en sentant son entrejambe réagir. Ah ça, des plans, elle en
avait avec Nathan Tucker. Il ne le savait pas encore, mais il serait à elle avant de comprendre ce qu’il lui
arrivait.
Le téléphone du salon sonna, et elle alla répondre après un dernier regard à la table de massage. Tout
était en place.
– Allô ?
Un bref silence puis :
– Julie, bonjour, c’est Nathan Tucker à l’appareil.
– Bonjour, Nathan, vous avez du retard ?
Bon sang, sa voix était suraiguë comme celle d’une adolescente amourachée d’un camarade de lycée.
– Euh, en fait c’est pour ça que je vous appelle. Je ne vais pas pouvoir venir aujourd’hui.
Son cœur manqua un battement.
– Ah, d’accord, parvint-elle à répondre.
– Est-ce qu’on pourrait décaler le rendez-vous ?
– Euh, bien sûr, oui. Je vais consulter le planning. Elle se dirigea vers le comptoir et ouvrit son
agenda, tournant les pages même si elle le connaissait par cœur.
– Quand souhaiteriez-vous venir ? s’enquit-elle. Il hésita un instant, et elle l’entendit parler avec
quelqu’un, dont la voix indéniablement féminine lança en gloussant :
– Je vais te le faire, moi, ton massage ! Pas besoin de payer quelqu’un.
Quelle idiote ! Julie baissa les yeux sur sa poitrine et y porta la main pour masquer son décolleté
ridiculement plongeant.
– Débile ! marmonna-t-elle.
– Pardon ? demanda Nathan.

– Rien. Alors, vous voulez un autre rendez-vous ou pas ? marmonna-t-elle.


– Écoutez, le mieux, c’est que je vous rappelle d’ici quelques jours. On en fixera un nouveau à ce
moment-là.
– OK, répondit-elle sèchement. Bonne journée. Elle raccrocha sans lui laisser le temps de répondre
et poussa un long soupir.
– Vois le bon côté des choses, Julie. Tu viens juste d’éviter de passer pour une imbécile.

Serena sortit de chez elle et se rendit sur le parking, où l’attendait le chauffeur de Damon. Elle dut
se retenir pour ne pas rire en croisant les regards ouvertement curieux de plusieurs de ses voisins.
Ce soir, Damon et elle avaient rendez-vous chez lui. Il ne s’agissait donc plus d’un endroit neutre, et
ça la rendait un peu nerveuse. Mais en même temps, elle avait hâte de le voir dans un environnement
plus intime.
Elle avait opté pour une tenue volontairement décontractée, jean et tee-shirt. Pas besoin d’en
rajouter dans le côté sexy, il était déjà au courant de ses désirs, et elle ne voulait pas non plus passer pour
une nympho. Elle souhaitait se sentir à l’aise en sa présence, et vice versa.
Quand elle arriva, Damon sortit l’accueillir dans l’allée qui contournait son immense demeure. Il
ouvrit la portière et tendit la main pour l’aider à descendre de voiture.
Étonnamment, lui aussi s’était habillé de façon décontractée. Et si elle avait cru qu’il ne pouvait pas
être plus sexy qu’avec son ensemble pantalon large et chemise en soie de créateur, façon monsieur GQ ,
eh bien, elle s’était mis le doigt dans l’œil.
Vêtu d’un jean ajusté et d’un tee-shirt qui moulait à la perfection ses bras et son torse musclés, il
était à tomber par terre. Les vêtements amples qu’il portait la dernière fois lui avaient caché à quel point
il était bien fait.
Il l’embrassa tout naturellement sur la joue, puis la conduisit à l’intérieur. Un air frais l’accueillit
lorsqu’ils pénétrèrent dans la maison, et elle le suivit jusqu’à un luxueux salon, où brûlait un feu dans
une immense cheminée de pierre.
Elle écarquilla les yeux et se tourna vers lui.
– Un feu ? Par cette chaleur ?
– J’aime l’ambiance, expliqua-t-il. Ça rend la pièce plus accueillante, on s’y sent comme chez soi,
vous ne trouvez pas ?
– J’adore, j’ai juste été surprise de voir un feu à cette époque de l’année. D’ailleurs, ici, même en
hiver, on a rarement besoin d’allumer la cheminée.
– J’aime mon petit confort, dit-il avec un sourire. Vous trouvez peut-être que je me dorlote trop,
mais au fond, j’ai peu de besoins. En revanche, je fais toujours en sorte de les assouvir.
Pas de doute, cet homme allait prendre bien soin d’elle. Elle le sentait, et il lui tardait de voir ça.
– Je vous en prie, mettez-vous à l’aise, suggéra-t-il en désignant l’un des canapés en cuir. Désirez-
vous quelque chose à boire ? Un verre de vin, peut-être ?
– Excellente idée, répondit-elle en s’installant sur les coussins moelleux. Je vous laisse choisir le cru.
Il lui offrit un sourire carnassier, de ceux qui indiquaient à quel point il aimait choisir pour elle.
Elle ôta ses sandales et replia ses jambes sous elle. Il avait raison, cette pièce était très agréable et
confortable, et grâce à la climatisation, l’air n’était pas étouffant.
Damon reparut avec deux verres en cristal. Il lui en tendit un, avant de s’asseoir dans un fauteuil
face à elle.
Elle but quelques gouttes du précieux nectar et laissa sa saveur lui exploser sur les papilles.
– Alors ? demanda-t-il.
– Il est parfait. Damon sourit.
Elle prit une autre gorgée, tout en l’observant pardessus le rebord de son verre.
– Avez-vous reçu mon fax, cet après-midi ?
– Absolument, mais je ne m’attendais pas à autre chose qu’un bilan de santé irréprochable.
– Vous auriez été dépité, si j’avais été positive à quelque maladie sexuellement transmissible ? fit-elle
en souriant.
– C’aurait été fort dommage, en effet, dit-il avec un petit rire.
– Êtes-vous un bon amant, Damon ?
La décontraction avec laquelle elle avait posé cette question l’étonna elle-même, mais il ne cilla pas.
Il posa son verre sur son genou et plongea ses beaux yeux bruns dans les siens.
– Je me plais à le croire. Je suis exigeant, mais généreux, et j’ai tendance à penser que mon exigence
conviendra parfaitement à vos désirs.
Elle sentit une vive chaleur lui empourprer les joues, mais elle hocha la tête.
– Il y a des choses dont nous devons parler avant de signer le contrat, reprit-il.
De nouveau, elle opina du chef, bien que n’ayant pas la moindre idée du sujet par lequel commencer.
Heureusement, Damon ne semblait pas embarrassé le moins du monde.
– Vous avez parfaitement décrit ce que vous désiriez, la façon dont vous souhaitiez débuter, en tout
cas.
– Oui, parvint-elle à répondre d’une voix étrangement rauque.
– Alors peut-être devrions-nous en venir à mes attentes, ajouta-t-il sur le même ton.
Il s’amusa de la voir écarquiller les yeux.
– Je sais ce que vous pensez. C’est votre fantasme, c’est vous qui décidez. Mais il se trouve que votre
fantasme est de vous abandonner à mon pouvoir. Vous devrez donc vous soumettre à moi et à mes
envies. Mes souhaits seront les vôtres. Vous me satisferez et en retour, je vous satisferai.
D’une main tremblante, elle porta le verre à ses lèvres.
– Quand vous serez avec moi, continua-t-il, j’attends une totale obéissance.
Au regard attentif dont il la couvait, elle devina qu’il s’attendait à ce qu’elle proteste et admette que
son fantasme n’était qu’un jeu. Aussi, même si elle brûlait de réagir, elle se contenta de hausser les
sourcils.
– Est-ce que cela vous pose un problème ? demanda-t-il alors.
– Je suppose que vous parlez d’obéissance sur le plan sexuel ?
L’expression de Damon était indéchiffrable.
– Je parle d’obéissance dans tous les domaines, précisa-t-il.
Cette fois, elle ne put masquer son étonnement.
– Vous n’êtes pas sûre d’en avoir envie ?
En avoir envie ? La femme indépendante qu’elle était se rebellait à l’idée que l’on attende d’elle une
obéissance inconditionnelle. La notion même lui semblait tout bonnement ridicule. À moins que ce ne
soit son côté féministe qui parle ? Mais alors, pourquoi ne prenait-elle pas fermement la parole ?
Ce qu’elle entendait pour l’instant ressemblait plutôt à un vague murmure de protestation, qui
n’avait qu’une hâte, se taire à nouveau.
– C’est important pour vous ? demanda-t-elle enfin d’une toute petite voix.
Elle le sentait, ça l’était. Il la testait, lui tendait la perche, en quelque sorte.
– Vous n’êtes pas obligée de me choisir, lui rap-pela-t-il. Vous pourriez vous trouver un homme
plus… accommodant.
– Comment me contenterait-il ? En faisant semblant ?
– Mais n’est-ce pas justement ce dont il s’agit ? Un immense jeu de dupes ? Un scénario écrit à
l’avance ?
Il l’avait piégée. Elle avait énuméré ses conditions, à présent il en faisait autant. En effet, elle n’était
pas obligée de les accepter mais, bon sang, elle voulait cet homme. Elle le voulait comme jamais elle
n’avait désiré qui que ce soit.
– C’est important pour vous, affirma-t-elle alors.
– Oui, admit-il. Même s’il s’agit d’une situation temporaire, je souhaite qu’elle soit réelle, aussi
longtemps que vous déciderez de la vivre.
– Et donc vous attendez de moi que je me soumette entièrement à vous.
– Oui.
Le mot, avec la douceur du velours, passa sur sa peau comme une caresse.
Elle baignait dans l’océan du désir qui lui brûlait le cœur et l’âme. Elle ne s’était pas rendu compte
de l’importance de ce qui était sur le point de se produire, jusqu’à ce que Damon lui inspire ce sentiment
irrépressible.
– Et si ce que vous me demandez est au-delà du raisonnable ? parvint-elle à objecter.
Il posa une cheville sur son genou et s’installa plus confortablement.
– Dans la plupart des cercles qui adoptent ce mode de vie, l’usage de mots dits de « sécurité » est
fréquent.
Elle hocha la tête, sachant pertinemment de quoi il parlait.
– Mais moi, je n’en utiliserai pas, conclut-il d’une voix ferme.
Quoi ?
– Vous me demandez de vous faire confiance à ce point-là ?
Il secoua la tête.
– Jamais vous ne m’entendrez prononcer une parole qui reviendrait à encourager un homme à
ignorer le mot « non » émanant d’une femme. Si vous dites non, si même vous le pensez, pour moi tout
s’arrête. Le « Je te dis non, mais en fait je pense oui », c’est un petit jeu qui ne m’intéresse absolument
pas. Alors si ce mot-là franchit vos lèvres, c’est terminé. Si un jour vous éprouvez la moindre réserve à
me donner ce que je vous demanderai, vous n’aurez que ce mot à dire.
Que répondre à cela ? Il avait complètement raison. Seuls les imbéciles étaient incapables d’entendre
une femme qui disait non.
Il changea de posture, reposant son pied au sol pour se pencher vers elle.
– Venez, Serena.
Elle lui jeta un coup d’œil interrogateur.
– Vous êtes crispée, je veux que vous vous détendiez. Je veux que vous soyez à l’aise avec moi, sinon
ça ne fonctionnera jamais.
Il tendit la main et elle se leva spontanément du canapé. Pieds nus sur le plancher, elle s’approcha de
lui.
– Vous aimez être pieds nus, nota-t-il en souriant. C’est vrai qu’elle avait vite pris ses aises chez lui,
mais elle se contenta de hocher la tête en glissant sa main dans la sienne.
– Dans ce cas, vous ne porterez jamais de chaussures dans cette maison, dit-il avec une infinie
douceur. Votre confort m’importe beaucoup.
Il l’attira à lui.
– Asseyez-vous à mes pieds et posez la tête sur mes genoux.
Elle s’assit maladroitement sur le sol, laissant la main de Damon guider sa tête sur ses genoux.
– Depuis le moment où nous nous sommes rencontrés, je rêve de passer les doigts dans vos cheveux,
murmura-t-il.
Elle ferma les yeux, appréciant la délicate caresse, et lâcha un soupir de plaisir. Les gestes de Damon
étaient tendres, ses mouvements infiniment doux.
– Maintenant, détendez-vous, intima-t-il. Nous pouvons continuer à parler comme ça.
Comment voulait-il qu’elle se détende, quand la moindre parcelle de sa peau était en feu ?
Il jouait avec les mèches, alternant les caresses à la base du cou et les passages dans ses boucles
épaisses. Peu à peu, elle sentit pourtant son corps se ramollir.
– Nous devons aborder le sujet de la contraception, commença-t-il. Malgré mes préférences, je
n’aime pas m’avancer de façon inconsidérée. Vous disiez dans votre mail qu’une partie de votre fantasme
consistait à faire éjaculer votre maître dans votre bouche.
Oh, bon Dieu ! Heureusement qu’il ne distinguait plus son visage, il était cramoisi !
– Détendez-vous, chuchota-t-il. Il n’y a pas de honte à exprimer vos désirs.
Elle s’efforça de se calmer car, en effet, elle était à nouveau très raide contre lui.
– Je préfère ne pas utiliser de préservatif, mais je le ferai si tel est votre souhait. J’aime pardessus
tout l’idée de jouir profondément en vous et de regarder mon sperme s’écouler de votre fente quand je
me retire.
Elle ne put réprimer un frisson et sentit la main de Damon s’appesantir sur sa tête.
– Vous aimez cela aussi, n’est-ce pas ? Elle acquiesça.
– Je ne suis pas sûr d’avoir une explication logique à ce désir que j’ai de marquer une femme. C’est
certainement lié à la psyché primitive des mâles, ajouta-t-il en pouffant. Je veux jouir dans votre bouche,
votre sexe, votre anus, sur vos seins. Je veux vous marquer comme mienne de toutes les façons possibles.
Vous serez mienne. Votre corps m’appartiendra, et j’en userai selon mon plaisir.
Un nouveau soupir s’échappa des lèvres de Serena. L’érotisme torride de ses paroles lui caressait la
peau, irradiant jusqu’au plus profond de son intimité, et la laissant tremblante comme une feuille.
Oui, elle voulait la même chose.
Il reprit ses caresses dans ses cheveux et son cou, tout en légèreté.
– Avez-vous un moyen de contraception, Serena, ou préférez-vous que j’utilise un préservatif ?
– Je prends la pilule, répondit-elle tranquillement. Je… je ne veux pas que vous utilisiez de
préservatif.
Il exprima sa satisfaction d’une pression sur l’épaule.
– Bien, et si nous évoquions à présent votre vente aux enchères ?
Elle leva la tête vers lui et aperçut une lueur brûlante éclairer ses yeux. Une lueur plus profonde
qu’une simple attirance sexuelle.
– Vous le feriez ? demanda-t-elle.
Il lui effleura la joue, puis fit glisser son doigt vers sa mâchoire, pour remonter jusqu’à sa lèvre
inférieure.
– Bien sûr. Cela fait partie intégrante de votre fantasme, et j’avoue que c’est un scénario plutôt
excitant.
Elle plissa les yeux, s’abandonnant en même temps à son contact.
– C’est donc aussi votre fantasme ? Il redevint sérieux.
– Non, dit-il d’une voix distante. Ce n’est pas mon fantasme.
– Alors pourquoi…
Elle s’interrompit pour plonger ses yeux dans les siens.
Sans cesser de lui caresser le visage, s’attardant sur chaque parcelle de sa peau, il soutint son regard.
– Parce que j’en ai assez d’attendre quelque chose que je ne trouverai peut-être jamais.
– Et qu’est-ce que c’est ?
Son regard se fit lointain, presque songeur.
– Ce que vous fantasmez, je veux le vivre. Je veux une femme qui se donne à moi, qui me fasse
totalement confiance, dont je prenne soin, à qui j’offre tout. Et qui n’ait pas peur d’abandonner tout
contrôle, dans tous les aspects de notre relation.
– Et vous n’avez pas trouvé de femme qui corresponde à cela ?
Elle ne put masquer sa surprise.
– Non, répondit-il calmement.
Elle reposa la tête sur ses genoux, et il se remit à lui caresser les cheveux.
– Alors pourquoi acceptez-vous notre accord ?
Il s’interrompit un instant, une mèche enroulée autour de son doigt.
– Parce que je suis fatigué d’attendre, et que pour un moment au moins, je voudrais vivre mon rêve à
moi.
Elle acquiesça. Oui, elle comprenait. Les fantasmes, au moins, n’étaient pas dangereux. Ils
permettaient pendant une période donnée d’oublier la réalité et d’agir selon ses désirs.
– Revenons-en aux enchères. Vous semblez attirée par l’idée de vous présenter nue devant une
assemblée masculine, de vous laisser toucher, regarder et d’être convoitée par eux.
Elle ferma les paupières, mais hocha la tête contre sa jambe, sans un mot.
– Et vous voulez que je pénètre votre bouche devant ces hommes.
Elle releva la tête pour trouver son regard, essayant de ne pas montrer de gêne devant sa façon pour
le moins directe d’exprimer la chose.
– Est-ce que cela vous dérange ?
– Quoi ? Qu’une femme magnifique souhaite me donner du plaisir devant un parterre d’hommes
tous plus jaloux les uns que les autres ?
Elle lâcha un petit rire.
– La question était stupide, on dirait.
– Je craignais surtout que cela ne vous dérange, vous, ajouta-t-il calmement.
Elle tenta de baisser la tête, mais il l’en empêcha, lui prenant le menton entre ses doigts pour
l’obliger à le regarder en face.
– C’est un fantasme, dit-elle. Je veux, durant cette période, faire des choses que je ne ferais pas en
temps normal, être une personne que je ne suis pas. Je sais que ce n’est pas moi, et pourtant je meurs
d’envie de le faire, de goûter à ce plaisir. Et quand tout sera fini, j’y repenserai sans honte, parce que…
ça n’est pas réel.
– Vous semblez bien certaine que ce n’est pas vous, objecta-t-il. Et pourtant vous décrivez vos désirs
avec précision. Vous savez exactement ce que vous voulez.
Elle secoua la tête.
– Non, ce n’est pas moi. Je suis forte, je ne veux pas être faible. Je veux juste… une aventure.
Il cligna les yeux plusieurs fois, et elle crut percevoir un voile qui les assombrissait.
– Alors c’est ce que vous aurez. Si vous décidez de me faire confiance, je privatiserai mon
établissement pour une soirée, je recruterai quelques membres du club pour participer aux enchères,
mais je pense que ce sera plus intense pour vous si vous ignorez les détails.
– Et ensuite ?
Une question la taraudait : que se passerait-il une fois que Damon l’aurait achetée ?
Il lui inclina un peu plus la tête en arrière, plongeant plus profondément ses yeux dans les siens. Son
regard dégageait une puissance incroyable, tel un courant solidement maîtrisé qui ne demandait qu’à
jaillir.
– Ensuite, vous serez à moi.
8

– Julie, tu me tues le dos, geignit Serena. Tu es censée me masser, pas me désarticuler.


Julie adoucit son mouvement en marmonnant des excuses.
– Qu’est-ce qui t’arrive ? s’enquit Faith, allongée sur l’autre table. Ça ne te ressemble pas, d’être
d’aussi mauvaise humeur.
Serena leva la tête.
– Elle ne s’est pas encore attaquée à toi, estime-toi heureuse. Je suis sûre que je vais avoir des bleus.
– Nathan m’a posé un lapin, lâcha Julie.
– Un lapin ? Vous aviez rencard ? demanda Faith d’une voix tout excitée.
– Pas vraiment, marmonna Julie.
Elle continuait à masser, plus délicatement, mais Serena sentait encore la tension dans ses doigts.
– Qu’est-ce que tu entends par « pas vraiment » ? demanda-t-elle en essayant de se détendre.
Julie poussa un long soupir.
– J’avais plus ou moins prévu de lui sortir le grand jeu, mais il a reporté son rendez-vous. Enfin, il
ne l’a pas exactement reporté, pour l’instant il l’a tout bonnement annulé.
– Oh, oh, ça ne sent pas très bon, commenta Serena.
– Faith, est-ce qu’il voit quelqu’un ?
– Pas que je sache, mais je ne le surveille pas. Pourquoi ?
– Parle-nous de ce grand jeu que tu comptais lui sortir, intervint Serena.
– J’avais mis un chemisier si décolleté et si moulant que mes nichons étaient tout près d’en faire
sauter les boutons.
– Oh, là, là ! s’exclama Faith. Ça devait être quelque chose, vu la poitrine de dingue que tu as.
Serena se redressa, et Julie laissa retomber ses mains.
– Je n’ai pas fini, ma belle, protesta-t-elle.
– Oh que si ! Je veux tout savoir et je déteste discuter quand je suis allongée. Sauf si mon
interlocuteur est un beau mec.
Faith éclata de rire.
– De toute façon, tu ne perds rien pour attendre. Après Julie, on s’intéressera à ton cas, Serena.
Prépare-toi à l’interrogatoire.
Elle leva les yeux au ciel.
– Pas moyen d’y couper, avec des nanas comme vous. Alors ? insista-t-elle en se retournant vers Julie.
Tu as sorti les nichons, et puis ?
– Rien. C’est ce que j’essaie de vous expliquer. J’étais là à arranger mon décolleté en réfléchissant à la
façon dont je pourrais le fourrer sous le nez de Nathan quand il a appelé pour annuler son rendez-vous.
– Oh, merde ! Désolée, dit Faith, un voile triste assombrissant ses jolis traits.

– Mais ça n’est pas le pire, ajouta sombrement Julie. Il y avait une pétasse avec lui, qui proposait de
lui faire son massage gratuitement. Et quand je lui ai demandé à quelle date il voulait venir, il a dit qu’il
rappellerait.
– Aïe, murmura Serena. Le fameux « Je te rappelle ».
– Ouais, grommela Julie. Ma barque a coulé avant même d’avoir pris le large. Je crois que c’est clair,
il vaut mieux que je concentre mes efforts sur quelqu’un d’autre. Parce que bon, j’ai ma fierté, tout de
même. Et puis, aucun homme n’a exigé que je me mette un sac sur la tête pour faire l’amour avec moi,
quand même.
Faith et Serena partirent d’un grand éclat de rire.
– Je suis vraiment navrée, Julie, finit par dire Faith en essuyant des larmes de rire. Je ne comprends
pas Nathan, tu es superbe…
– … dit la bonne copine à la mocheté, commenta Julie avec un air désabusé.
– Bon, c’est sûr, tu n’es pas aussi jolie que moi, la taquina Serena. Mais je pense que tu peux quand
même plaire sans le sac sur la tête.
– Merci, trop sympa, marmonna Julie en lui donnant une tape sur l’épaule.
– Pourquoi est-ce que tu ne lui proposes pas tout simplement une sortie ? suggéra Serena. Arrête de
jouer au chat et à la souris. Ton idée de lui sauter dessus pendant un massage n’était pas mauvaise, mais
tu ferais mieux de lui proposer un vrai rencard. Et s’il refuse, tu pourras l’effacer définitivement de ta
banque de données et te rabattre sur Micah ou Connor. Ils sont super sexy, tous les deux.
– Je ne me vois pas sortir avec quelqu’un qui a couché avec l’une de mes amies, marmonna Julie.
Autrement dit, Faith, tu m’as gâché Micah. Merci beaucoup ! Faith gloussa.
– Si tu savais le bon coup que c’est au lit, tu jouerais moins les saintes-nitouches.
Julie grogna.
– Oh, non, pour l’amour de Dieu, arrête ça ! Tu me rends malade. Si vous saviez ce que je donnerais
pour me retrouver au lit avec deux beaux mecs… Enfin, au point où j’en suis, je me contenterais
volontiers d’un seul. Voire même d’un pas si beau que ça. J’ai besoin de jouir, bon sang !
– Et les sex-toys, ça ne marche pas ? demanda innocemment Serena.
– Va te faire voir, toi, rétorqua Julie. Quand je pense au bon temps que tu vas te prendre, avec ton
histoire d’esclave sexuelle…
– Ah, voilà qui nous amène tout naturellement à notre second sujet, enchaîna Faith. Damon t’a
trouvé quelqu’un ?
Serena se mordit la lèvre et regarda tour à tour ses deux amies, hésitant à leur révéler la vérité.
– Il a trouvé, c’est ça ? insista Julie. Balance, Serena, on veut tous les détails.
– En fait, il n’a pas exactement trouvé quelqu’un, commença-t-elle. Il s’est comme qui dirait…
proposé lui-même.
Faith en resta bouche bée, alors que Julie fronçait les sourcils.
– Il a fait quoi ? s’exclama la première. Tu es sérieuse ?
Julie écarquillait de grands yeux perdus.
– Quoi ? On parle bien de monsieur GQ , n’est-ce pas ?
– Pourtant, les jeux de rôles et ce genre de trucs, ce n’est pas du tout son style, poursuivit Faith sans
répondre à Julie. Il m’a dit une fois que si ça ne tenait qu’à lui, il mettrait un collier à sa femme et
l’attacherait au lit.
Un délicieux frisson parcourut Serena, lui donnant la chair de poule.
– Eh bien, pas besoin d’être Einstein pour imaginer comment tout ça va se finir, lâcha Julie.
Serena reprit la parole, ignorant la remarque de son amie :
– En effet, il a plus ou moins mentionné cela avec moi aussi. Pas en des termes si précis, c’est vrai,
mais à moi, ça me plaît, du moins sur le court terme.
Une certaine inquiétude se lisait sur le visage de Faith.
– Je n’aurais jamais cru que Damon accepte quelque chose de temporaire. Il est très concentré sur ce
qu’il désire.
– Il parviendra peut-être à te convaincre, plaisanta Julie.
Serena la fusilla du regard.
– Arrête un peu, tu veux ? Tu me vois vraiment devenir l’esclave permanente de quelqu’un ? Ça va
bien pour un temps, histoire de s’envoyer en l’air, de vivre le fantasme ultime, mais dans la vraie vie…
Ah non, très peu pour moi !
– Et pourquoi pas ? la défia Julie. Visiblement, ça t’excite, sinon tu ne chercherais pas un homme qui
t’attache et fasse de toi ce qu’il veut.
– Quelqu’un t’a déjà dit que tu étais lourdingue ? rétorqua Serena. C’est un fantasme. Tout le monde
a les siens, même si l’on ne veut pas forcément les vivre en vrai. J’ai trop de caractère pour envisager de
me soumettre à un homme au quotidien.
– Un jour, Gray m’a dit qu’il ne pourrait jamais aimer une femme qui ne serait pas assez forte pour
accepter la soumission, remarqua Faith d’une voix douce. Tu sais, il faut être forte et avoir beaucoup de
caractère pour l’accepter.
Serena et Julie se tournèrent vers elle d’un même mouvement, ébahies.
– Attends un peu, fit Serena. Tu es en train de nous dire que Gray et toi… vous avez ce genre de
relation ?
Faith haussa négligemment les épaules.
– Je ne pourrais pas classer notre relation dans tel ou tel genre. Elle est ce que nous en faisons. Mais
si tu veux savoir s’il est la force dominante dans notre couple, alors la réponse est oui.
– Aïe ! ça veut dire que je t’ai blessée, murmura Serena en lui jetant un regard embarrassé.
– Non, la rassura Faith en souriant gentiment. Je pensais comme toi, avant. Que vouloir un homme
qui veille sur moi, à qui je me soumettrais de mon propre chef faisait de moi une femme faible. Mais au
fond, c’était ce dont j’avais envie, et j’en avais assez de me contenter de pis-aller.
– Prendre en main sa sexualité, murmura Julie. Vous savez quoi, les filles ? Moi aussi, je vais m’y
mettre.
– Amen, approuva Serena. Faith, je ne voudrais pas insister, mais j’aimerais bien que tu m’en dises un
peu plus.
– En fait, j’ai bien peur que Damon ne soit un peu plus extrême que Gray, répondit Faith en riant.
Du moins, c’est ce que j’en déduis au vu de ce qu’il m’a dit. Il veut… il veut une femme. Et dans sa
bouche, ça veut dire une esclave, même s’il m’a expliqué en long et en large qu’il refusait ce terme. Mais
si on s’en tient à l’aspect pratique, ça s’en rapproche quand même.
– Ouah ! souffla Julie. Il commence à faire chaud, ici. Et moi, je me mets à penser à des trucs qui ne
m’avaient jamais traversé l’esprit.
Serena fronça les sourcils.
– Julie, tu n’as pas une once de soumission en toi. Celle-ci lâcha un rire coquin.
– Non, c’est vrai.
Serena se retourna vers Faith.
– OK, donc si Damon n’est pas du genre jeux ou fantasmes, pourquoi est-ce qu’il accepte d’être
mon… maître ? Bon Dieu, je déteste ce mot. C’est d’un ridicule.
– Peut-être est-il attiré par toi ? suggéra Faith en haussant les épaules. Peut-être est-il fatigué
d’attendre la bonne personne ?
– Ou peut-être est-ce qu’il veut juste s’offrir quelques nuits torrides avec une esclave, ajouta Julie
avec un sourire coquin. Regarde-toi, quel homme refuserait une femme splendide qui le supplie de la
posséder ?
– Micah m’a dit que les hommes étaient dingues des femmes soumises, remarqua Faith avec une
lueur amusée dans les yeux.
– Ah non, pas lui aussi ! geignit Julie. Bon sang, mais tu les as laissés te baiser ensemble, Gray et lui ?
Qu’est-ce que vous avez fait, ils t’ont attachée et prise sauvagement ?
Faith fit mine de se concentrer sur ses ongles, puis elle jeta un regard de biais à Julie.
– Plus ou moins, oui.
– T’es une vraie traînée, grommela Julie. Et Gray était d’accord ?
– Tu lui as déjà posé la question, intervint Serena. Visiblement, il l’était, puisqu’ils étaient présents
tous les deux.
Julie secoua la tête.
– Vraiment, ça me dépasse. Enfin, Gray est excessivement possessif avec Faith, et pourtant il laisse
un autre type lui faire l’amour sous ses yeux ? C’est glauque.
– J’en déduis donc que toi, tu refuserais une partie à trois avec deux beaux mecs ? s’esclaffa Faith.
– Ah, non, certainement pas ! Mais je suis stupéfaite que ton homme l’accepte, lui.
– C’était même son idée. Julie ferma les paupières.
– Pourquoi est-ce que les meilleurs sont toujours pris ?
– Peut-être que tu devrais réviser ton jugement concernant les hommes qui ont déjà couché avec tes
amies, suggéra Serena. Oublie Nathan et envisage plutôt Micah. Si c’est juste pour une partie de jambes
en l’air, je suis certaine qu’il serait ravi de rendre service.
– Ben voyons, pour qu’il aille comparer les performances de Faith et les miennes avec ses potes. Non
merci !
– Je ne dis pas ça pour t’encourager à courir après Micah, mais il ne ferait jamais une chose pareille,
l’informa Faith. Ce n’est pas son genre.
– Et toi, tu couches toujours avec lui… enfin, eux ? s’enquit Julie.
Faith secoua vivement la tête.
– Je ne dis pas que ça ne se reproduira jamais, parce que ça excite beaucoup Gray, mais ça n’est arrivé
qu’une fois.
– OK, je comprends que ça puisse exciter une femme, nota Serena. Mais le mec, qu’est-ce qu’il en
retire, lui ?
– Super, la conversation, intervint Julie en s’appuyant à la table de massage. Encore heureux que
vous soyez mes derniers rendez-vous de la journée, les filles. Vous êtes là, quasi nues, et on parle de
beaux gosses. Il y a quelque chose de sacrément bizarre dans cette situation.

– On a des serviettes, corrigea Faith.


– Oui, bien sûr, et elles couvrent absolument tout.

– Alors ? insista Serena. Qu’est-ce que le mec en retire, Faith ? Tu as éveillé ma curiosité. Moi, j’ai
toujours cru que le fantasme d’un homme, c’était de se taper deux femmes, pas un autre homme et une
femme.
– Quoi ? s’exclama Julie. Les hommes ne… ils ne le font pas ensemble, si ?
Faith se cacha le visage dans les mains et lâcha un grognement.
– La conversation part dans tous les sens, là. Bon sang, Julie !
– Quoi ? C’est légitime, comme question, intervint Serena.
– Merci, chérie, dit Julie en croisant les bras pour jeter à Faith un regard courroucé.
– Non, ils ne le font pas ensemble, répondit Faith d’une voix étranglée. Ils ne se touchent même pas.
– Ben alors, quel est l’intérêt ? s’étonna Julie. Faith émit un soupir exaspéré.
– L’intérêt, c’est que ça excite Gray de regarder un autre homme baiser sa femme. Et il aime me
prendre en même temps. Par un autre orifice, si tu vois ce que je veux dire.
– Ouh là, là ! la gentille Faith a dit le mot « orifices », se moqua Serena.
Faith lui jeta une serviette.
– Si j’avais su, je n’aurais rien dit du tout. Je voulais juste aider une amie.
Julie se grattait le menton d’un air songeur.
– Donc tu penses que c’est un désir primitif, un truc de mec. Du genre : « Tiens, prends ma femme.
Elle est à moi, mais je te la prête un peu. »
– On peut dire ça, même si la formulation est un peu barbare, concéda Faith en levant les yeux au
ciel. Je ne peux pas parler pour les autres, mais dans mon cas, les deux hommes ne s’occupaient que de
moi. Ils ne se touchaient pas, ils étaient trop occupés à me caresser, moi.

– Et à te prendre sauvagement, compléta Julie.


– Aussi, admit Faith en riant.
– Veinarde, va !

– Bon, on pourrait en revenir à mon esclavage ? suggéra Serena.


– Je vous en supplie ! dit Julie. Que mes rêves d’être prise en sandwich entre deux beaux mecs ne
vous empêchent pas de poursuivre.
Serena reporta son attention sur Faith.
– Tu penses que j’ai tort de laisser Damon assouvir mon fantasme ?
– Honnêtement, non, répondit son amie après quelques instants de réflexion. Je crois même que tu
ne trouveras pas mieux que lui. Je suis simplement surprise qu’il ait accepté, proposé même, puisque tu
ne l’avais pas expressément demandé. Mais vraiment, je crois qu’il sera parfait pour toi. Et puis, le fait
qu’il soit si craquant ne gâche rien.
Serena vit Julie lever les yeux au plafond.
– Le vert ne te va pas très bien au teint, Julie, la taquina-t-elle.
– C’est tout moi, ça. Jalouse comme un pou, soupira-t-elle.
– Et si on l’emmenait prendre un verre ? suggéra Serena à Faith. Va savoir, on lui trouvera peut-être
un bon coup en route, et ça lui rendra sa bonne humeur légendaire.
– Tu n’étais pas censée opiner du chef comme une malade, Julie, remarqua Faith en éclatant de rire.
Serena repoussa sa serviette et se leva pour enfiler un peignoir.
– Allez, on va se rhabiller et puis on sort s’imbiber d’alcool. Vu ce dans quoi je me suis embarquée,
j’aurais bien besoin d’un verre ou deux moi-même.
– Tu promets que tu me raconteras par le menu toutes tes galipettes d’esclave ? fit Julie. Je veux tous
les détails. Et si je suis vraiment au bout du rouleau, je signerai pour un tour de manège avec monsieur
GQ.
– Je croyais que tu refusais de coucher avec les hommes qui avaient déjà fait l’amour avec tes amies ?
s’étonna Serena.
– Ce n’est pas très sympa de me le rappeler. Et puis, on dirait qu’entre toi, Faith et la pétasse qui
tourne autour de Nathan, tous les bons coups ont déjà été pris. C’est triste, mais il va bien falloir que je
me contente des restes.
– Pour l’amour de Dieu, Julie, tais-toi, intima Faith. Je croyais que c’était seulement les hommes qui
refusaient de passer en second.
– On dirait bien que ça ne gêne pas les vôtres, en tout cas, rétorqua Julie d’une voix mielleuse.
– Ça va les filles, ça suffit. Allons plutôt nous saouler, intervint Serena.
– Nous saouler et baiser, ajouta Julie en mimant comiquement être prise en sandwich.
9

Dès que Serena, Julie et Faith entrèrent au Cattleman’s, Julie poussa un petit grognement et voulut
rebrousser chemin.
Assis à l’une des tables, Nathan buvait un verre avec une véritable bimbo.
Faith et Serena saisirent leur amie, chacune par un bras, pour l’obliger à avancer.
– Ne leur montre jamais que tu prends la fuite, lui conseilla Serena. Tu entres, tête haute et poitrine
en avant, comme si cet endroit t’appartenait.
Julie jeta un coup d’œil à sa poitrine, puis regarda Nathan, à l’autre bout de la salle. D’un rapide
geste du doigt, elle déboutonna les deux premiers boutons de son chemisier, s’arrangeant pour que l’on
aperçoive un bout de son soutien-gorge en dentelle. Il fallait bien admettre qu’elle avait un décolleté
extraordinaire.
Une lueur démoniaque illumina le regard de Faith. La douce, la gentille Faith venait de se muer en
une créature satanique. Elle resserra son étreinte sur le bras de Julie et jeta un coup d’œil entendu à
Serena.
– Venez les filles, on y va.
– Quoi ? s’étrangla Julie.
Elle tenta de se dégager, mais Faith la tenait fermement. Avec Serena, elles parvinrent à la trainer
jusqu’à la table de Nathan.
– Vous allez me le payer cher, siffla Julie, juste avant d’afficher une mine réjouie.
En les apercevant, Nathan leur fit un grand sourire.
– Bonjour, mesdames.
La blonde qui l’accompagnait semblait un peu moins ravie de les voir.
– Salut, Nathan, répondit Faith d’une voix mielleuse. Tu as fini de bonne heure, on dirait.
– Oui, mais ne le répète pas à Pop. Connor et lui y sont encore.
Il reporta son attention sur Julie et Serena, et cette dernière aurait pu jurer qu’une lueur d’intérêt
avait traversé son regard lorsqu’il parcourut le décolleté de Julie.
Laquelle lui offrit l’un de ces sourires qui aurait dû mettre Serena en garde.
– Bien, on a été ravies de te voir, Nathan, finit par dire Julie. Appelle-moi pour ton massage. On
serait bien restées discuter un peu plus longtemps avec vous, mais on va s’asseoir au bar. On a des tas de
choses à se raconter, avec la vente aux enchères de Serena qui approche.
Faith toussota et Serena ferma les yeux, atterrée.
– Des enchères ? Qu’est-ce que tu vends ? s’enquit Nathan.
Ne le dis pas. Julie, je t’en conjure, ne le dis pas.
– Elle-même, répondit son amie, comme s’il s’agissait là d’une information très banale.
Nathan leva les sourcils et se tourna vers Serena. Même la bimbo paraissait stupéfaite.
– Intéressant ! fit-il d’un air amusé. C’est ouvert à tous ?
– Julie a trop bu, expliqua Serena en plantant les ongles dans le bras de son amie.
Cette dernière avait manifestement toutes les peines du monde à ne pas éclater de rire.
– Ravie de t’avoir croisé, Nathan. Et vous aussi…, dit-elle à la blonde, visiblement vexée de ne pas
avoir été présentée.
– Tout le plaisir était pour moi, mesdames, répondit Nathan. À demain, Faith.
Julie agita le bout des doigts, puis secoua langoureusement sa crinière, avant de suivre Faith au bar.
– Je vais te tuer, siffla Serena alors qu’elles se perchaient sur les tabourets hauts.
Julie éclata de rire.
– Ça t’apprendra à me traîner ici de force.
– Moi ? Mais ce n’était même pas mon idée, protesta Serena. C’était celle de notre douce amie, ici
présente.
– Elle, je m’occuperai de son cas dès que l’occasion se présentera, promit Julie en jetant à Faith un
regard noir.
– En tout cas, il a remarqué ton décolleté, lui fit remarquer celle-ci. Évidemment, je suppose que tu
souhaiterais qu’il remarque un peu plus que ça.
Julie leva les yeux au ciel.
– Il ne manquait plus que ça ! Voilà Faith qui nous donne du : « Il doit t’apprécier pour ce que tu es,
pas pour tes formes. » C’est très généreux, mais pour l’instant, le peu qu’il remarque, c’est toujours ça de
gagné. Je n’ai pas l’intention de l’épouser non plus, j’ai juste envie de me frotter à lui une fois ou deux.
– Il lui faudra deux verres, dit Serena en faisant signe au barman.
– Un pour chaque main, sourit l’intéressée. Faith se tourna sur son siège.
– Bon, on est là pour quoi, au fait ?
– Pour saouler Julie, répéta Serena.
– Et la mettre dans le lit d’un beau gosse, ajouta Julie. Tu oublies la partie la plus importante.
Un rire masculin les interrompit.
– Et merde ! marmonna Julie en fermant les paupières.
Serena se retourna pour découvrir Gray Montgomery, debout juste derrière elles. Il arborait un large
sourire.
– Intéressante conversation. Est-ce que je vous dérange ?
– Pas du tout, dit Faith.
– Si ! s’exclama Julie.
Faith descendit de son tabouret, et Gray l’enveloppa immédiatement de ses grands bras. Serena et
Julie échangèrent un regard exaspéré, bien conscientes l’une et l’autre qu’elles n’étaient que de vilaines
jalouses.
– On dirait que ça fait un moment que vous êtes là, commenta Gray, toujours amusé.
Faith lui sourit.
– Euh, oui, on complotait une sorte de rencard avec…
Julie leva la main.
– Si tu prononces son nom, Faith, je te jure devant Dieu que je t’étrangle avec tes cheveux.
Gray éclata de rire.
– Je ne sais pas si je dois l’envier ou le plaindre, dit-il en se penchant pour déposer un nouveau
baiser sur les lèvres de Faith. Je vous laisse à vos complots entre filles. Je vais boire un verre avec Nathan
et Micah. À tout à l’heure à la maison.
Ses mains glissèrent sur le corps de Faith dans un geste possessif, et il lui vola un dernier baiser.
Entre ces deux-là, le courant passait, il n’y avait pas à dire.
– Je crains que Nathan ne soit occupé ailleurs, lâcha Julie.
– Oh, tu parles de sa cliente ? fit Gray. Non, je crois qu’il a fini.
Julie fronça les sourcils et tourna vers Faith un regard courroucé.
– Sa cliente ? La blonde, c’est sa cliente ? Je peux savoir pourquoi tu n’étais pas au courant, Faith ?
L’intéressée haussa les épaules.
– Contrairement à ce que prétend la légende, je ne suis pas au courant de tout ce qui se passe chez
Malone & Fils.
– Et vos clients sont toujours aussi… collants ? demanda Julie.
Faith fronça les sourcils et leva à son tour les yeux vers Gray.
– C’est vrai ça, ils sont collants ? Toi tu n’as pas de rendez-vous d’affaires avec de belles blondes, si ?
Gray éclata de rire et passa la main dans les longues mèches blondes de sa bien-aimée.
– Je n’ai d’yeux que pour une blonde, toi, dit-il en se penchant pour lui voler un autre baiser. À plus
tard, bébé.
Il s’apprêtait à s’éloigner mais, apercevant les verres que le barman venait de déposer devant elles, il
se ravisa.
– Vous savez quoi ? Je vais plutôt rester dans les parages, comme ça je vous ramènerai à la maison
quand vous aurez terminé, proposa-t-il.
– Moi, ça va, fit Julie. Je suis venue avec Serena.
– Et moi, je n’ai pas l’intention de boire, affirma cette dernière en lui offrant un sourire rassurant.
Merci pour ta proposition, mais je peux raccompagner Julie.
– Oui, mais comme ça, tu pourras boire, dit Faith. Et je suis sûre que ça ne dérangera pas Nathan et
Micah de ramener nos voitures.
Serena réprima un sourire, tellement l’intention était évidente.
– OK, on fait comme ça alors, acquiesça-t-elle. Allez, à la vôtre, les filles !
Plusieurs verres plus tard, l’hilarité était devenue générale, mais Serena aurait été bien incapable de
dire pourquoi. Julie imitait la blonde de Nathan en train de proposer de lui faire son massage, et Faith
tentait en vain de lui faire baisser la voix.
– Vous croyez qu’ils savent qu’on parle d’eux ? s’enquit Julie en désignant Gray, Micah et Nathan
d’un pouce à peine discret.
– Je pense qu’ils s’en doutent, répondit Serena. Tu n’es pas ce qu’on pourrait appeler un modèle de
discrétion.
Julie haussa les épaules.
– Eh bien, qu’il aille se faire mettre. Faith réprima à grand-peine un sourire.
– Mais c’est justement ce que tu aimerais obtenir, je te rappelle.
– Plus maintenant, annonça Julie en vidant son verre. S’il ne nous apprécie pas, moi et mes massages,
eh bien je trouverai quelqu’un qui les aimera.
– Bien dit ! acquiesça Serena.
– Serena, ne te retourne pas, chuchota Faith, mais Damon vient juste d’entrer.
Julie ne se priva pas de faire volte-face, en revanche, et elle poussa un petit cri étouffé.
– Voilà donc monsieur GQ ! Waouh, il est vraiment beau. Très beau, Serena. Je vais peut-être revoir
aussi ma position concernant la soumission et les esclaves sexuelles.
– Retourne-toi et ferme la bouche, lui enjoignit Serena. Tu baves sur ton chemisier.
– Il vient vers nous, annonça Julie en s’agitant sur son tabouret.
Serena sentit son cœur s’emballer, et elle jeta un regard interrogateur à Faith, qui opina du chef.
– Damon ! Quelle surprise de te voir ici, le salua cette dernière en souriant le plus naturellement du
monde.
Serena finit par se retourner à son tour, aussi posément que les battements de son cœur le lui
permettaient. Damon portait encore un jean et un tee-shirt. Même dans cette tenue décontractée, il
émanait de lui une sensualité virile et une assurance incroyable. Il était là, tranquille, comme si l’endroit
lui était familier et qu’il était certain de l’accueil qu’on allait lui réserver.
– Quelle surprise en effet ! commenta Serena. Vous êtes venu vous encanailler chez les barbares ?
Damon pouffa.
– Quelques-uns de mes barbares préférés hantent souvent les lieux mais, en fait, c’est vous que je
cherchais. Votre assistante m’a indiqué que je vous trouverais ici.
– Et me voici.
– Ne vous dérangez pas pour nous, marmonna Julie. On va aller poser nos carcasses imbibées
d’alcool ailleurs.
N’en faites rien, je vous en prie, répliqua Damon. Puis-je vous offrir un autre verre, mesdames ? Je
ne voudrais surtout pas interrompre votre soirée entre filles.
Julie fit signe à Faith de se décaler, puis elle se laissa glisser de son tabouret et s’installa sur celui que
son amie avait libéré.
– Asseyez-vous, proposa-t-elle à Damon. Si vous nous offrez à boire, le moins que nous puissions
faire, c’est de vous mettre à l’aise.
– Damon, vous connaissez déjà Faith, intervint Serena. Et voici notre amie commune, Julie
Stanford. Julie, je te présente Damon Roche.
Julie tendit la main, et Serena formula une prière muette pour que son amie n’évoque ni enchères ni
esclavage.
– Ravie de vous rencontrer enfin, Damon. J’ai beaucoup entendu parler de vous.
– Tout le plaisir est pour moi, Julie, dit-il en serrant la main tendue, avant de se tourner vers Serena.
Vous permettez que je m’asseye ?
– Mais bien sûr, répondit-elle en désignant le tabouret. Vous aviez besoin de quelque chose en
particulier ? Non que cela me dérange que vous veniez me débusquer ici, se hâta-t-elle d’ajouter, mais
j’imagine que vous aviez une bonne raison de venir.
– Vous, répondit-il simplement.
Elle déglutit. Une fois, puis deux. Mais le nœud qui s’était formé au fond de sa gorge refusait de se
défaire.
– Si vous n’avez rien de prévu pour le dîner, je me disais que nous pourrions peut-être manger
ensemble et discuter…
Il s’interrompit, mais la suite était limpide.
– Ne te sens pas obligée de rester pour nous, fit Julie en se penchant vers elle.
– Mais c’est moi qui t’ai entraînée ici, protesta Serena. Je ne peux pas te laisser rentrer seule.
– Cela ne me dérange absolument pas de ramener votre amie, proposa Damon. Je peux faire
reconduire votre voiture jusqu’à votre appartement, si cela vous convient, et je vous ramènerai moi-
même après dîner.
Julie s’adossa de nouveau et dévisagea Damon un instant, avant de se retourner vers Serena.
– OK, oublie tout ce que j’ai pu dire sur les hommes qui s’occupent de tout. Je trouve ça
extrêmement séduisant, tout compte fait.
Damon sourit, et Faith pouffa.
– Ça ne t’embête pas que Damon te ramène alors ? demanda Serena. Je me sens coupable de vous
abandonner, les filles.
– On peut aussi dîner une autre fois, intervint Damon. À moins que Faith et Julie ne se joignent à
nous. Mais il me semble apercevoir Gray, là-bas, qui commence à faire les gros yeux, et je doute qu’il
apprécie de me voir sortir d’ici avec non pas une, mais trois superbes femmes.
– Oh, je l’adore, souffla Julie qui semblait sortir de sa torpeur. Allez, vous deux, filez. Gray a promis
de me raccompagner, de toute façon.
– Tu es sûre ? insista Serena.
– Vous ramener ne me gêne absolument pas, l’assura Damon.
– J’apprécie votre offre, fit Julie en souriant, mais je pense que vous avez beaucoup de choses à
discuter : enchères, colliers de servage, chaînes, etc.
Serena ferma les yeux pour ne pas voir la réaction de Damon, mais celui-ci éclata de rire.
– Allons-y vite, marmonna-t-elle, sinon je ne réponds plus de moi.
10

Serena sortit sur le parking, la main de Damon délicatement posée au creux de ses reins. Elle
s’efforçait de marcher à la même vitesse que lui, afin que cette main reste en place.
La nuit était tombée, et une légère brise soufflait dans ses cheveux. Il faisait moins humide que
d’habitude, ce soir, et les bruits de la ville vibraient tout autour d’eux.
Une fois qu’il l’eut installée dans son véhicule, Damon vint s’asseoir derrière le volant. Mais au lieu
de mettre le contact, il sortit son téléphone portable. Elle l’entendit donner les instructions à son
chauffeur pour qu’il vienne récupérer ses clés de voiture au restaurant.
– Sam ramènera votre voiture chez vous, ce soir, après que je vous aurai déposée. Ainsi il pourra
vous remettre les clés en main propre. Je vais lui demander de vous appeler avant de passer.
Elle posa la main sur son poignet, alors qu’il s’apprêtait à mettre le moteur en marche.
– Vous n’étiez pas obligé de vous donner tout ce mal, Damon. Vous auriez pu me déposer ici après
dîner, et je serais rentrée avec ma voiture.
Il mit le contact et tendit la main vers sa joue.
– Cela ne me dérange absolument pas, Serena. Commencez à vous habituer à ce que je m’occupe de
vous, parce que je vous assure que, pendant tout le temps où vous serez mienne, je veillerai à satisfaire le
moindre de vos besoins.
Elle sentit sa gorge se serrer, et un millier de petites bulles éclatèrent au creux de son ventre. Il avait
l’art de présenter cette histoire de façon extrêmement attrayante. Rien à voir avec l’idée terrible
qu’évoquait le mot « esclave ».
– Je crois que je vais aimer ça, dit-elle doucement.
– J’en ai bien l’intention.
Il sortit du parking, puis posa la main sur la sienne. Son pouce remonta lentement jusqu’à son
poignet, alors qu’il s’engageait dans la circulation.
– J’adore vous caresser, dit-il en suivant son regard. Vous avez une peau infiniment agréable au
toucher.
– J’aime ça, moi aussi, dit-elle d’une voix rauque. Vous avez des mains puissantes et j’apprécie leur
contact sur ma peau.
Les phares et les lumières de la ville lui firent cligner les yeux.
– Bientôt, vous me sentirez partout sur votre corps, Serena. Y êtes-vous préparée ? Est-ce que vous
restez éveillée, la nuit, en pensant au moment où je toucherai vos seins ? Vos lèvres ? Où je glisserai une
main entre vos jambes ?
Comme si ces quelques mots suffisaient à les mettre en éveil, tous ses sens s’aiguisèrent. Un excitant
frisson lui chatouilla l’entrecuisse, remontant jusqu’à ses seins dont les tétons durcirent.
– Oui, murmura-t-elle.
– Je suis impatient de vous posséder, ajouta-t-il sur le même ton caressant. C’est pour ça que je suis
venu vous chercher, ce soir. Je voulais vous annoncer que tout était prêt pour les enchères.
Un tremblement incontrôlable s’empara d’elle, et il resserra son étreinte sur sa main, comme pour
l’apaiser.
– Nous devons parler de ce qui va se passer après, dit-elle.
– En effet. Je souhaiterais une semaine où je vous aurais entièrement pour moi. Vous avez parlé d’un
mois pour explorer votre fantasme. Je suis bien conscient que vous ne pouvez pas arrêter de travailler
pendant un mois entier, mais pourriez-vous prendre une semaine de congé, juste après les enchères ?
Elle se passa la langue sur les lèvres et se rendit compte qu’elle lui serrait très fort la main.
– Oui, je suis sûre que c’est possible. Mais après cette semaine-là, que se passera-t-il ? Quand je
reprendrai le boulot ?
Il sourit.
– Vous irez travailler normalement, mais à la fin de la journée, vous me reviendrez et vous vous
abandonnerez à mes soins.
– Et si j’ai des obligations en dehors du travail ?
– Vous les tiendrez, bien sûr. Je ne suis pas un monstre, Serena. Tout ce que je vous demande, c’est
que le temps passé avec moi soit entièrement à moi.
– D’accord, vos conditions me conviennent.
– Ce sont les vôtres, lui fit-il calmement remarquer. Je ne fais qu’assouvir vos désirs les plus secrets.
– Oui, je sais. Et je vous en remercie. Du moins, je crois.
Sa propre voix, tremblotante, la fit sourire. Il lui rendit son sourire et lui serra de nouveau la main,
qu’il n’avait pas lâchée.
– Donnez-moi juste une chance de vous rendre heureuse, Serena.
Elle pencha la tête vers lui.
– Vous savez quoi ? En fait, je n’arrive pas à m’imaginer autrement qu’heureuse, avec vous, avoua-t-
elle.
Il porta sa main à ses lèvres.
– Mon but est que vous appréciiez chaque instant que nous passerons ensemble.
Elle se rencogna dans son siège. Elle appréciait déjà tant sa compagnie qu’elle en avait le vertige.
Voilà l’effet que Damon lui faisait. Il la détendait, la mettait à l’aise, lui donnait l’impression qu’elle
pouvait lui faire entièrement confiance. Ce qui était absurde, quand on y réfléchissait, vu le peu de temps
qu’ils avaient passé ensemble. Mais il avait réussi à la capturer, sans aucune question, sans la moindre
réserve. Il ne la jugeait pas. Il l’acceptait.
Il lui posa la main sur la cuisse et l’y garda tout le temps que dura le trajet. Quand il ne lui caressait
pas les doigts, il laissait courir son index sur son poignet, en remontant jusqu’au creux du coude.
C’était exquis. Il était exquis. Addictif. Et dire que leur relation n’en était qu’à de simples contacts et
aux regards échangés ! Voilà qui avait de quoi faire peur, pour peu qu’elle songe à ce qui l’attendait. Il
fallait vraiment qu’elle se méfie, car cet homme pourrait lui faire beaucoup de mal, si elle ne se tenait pas
sur ses gardes.
Il les conduisit au même restaurant que lors de leur premier rendez-vous, et on les installa dans le
même salon privé. De nuit, l’endroit dégageait une atmosphère totalement différente. L’éclairage tamisé
donnait plus d’intimité, les rideaux ouverts sur les immenses baies vitrées laissaient entrevoir les
lumières de la ville, qui scintillaient à l’horizon.
– J’aurais dû m’habiller, murmura-t-elle en jetant un regard navré à son ensemble jean tee-shirt.
– Je ne le suis pas plus que vous, la rassura-t-il. Et puis, nous sommes seuls, il n’y a personne pour
nous voir.
Elle se détendit. Encore une fois, il avait su la mettre à l’aise. En sa compagnie, nul besoin de se
soucier de rien d’autre que de l’instant présent.
Damon lui présenta une chaise et prit place en face d’elle. Un serveur s’approcha discrètement, et il
demanda une bouteille de vin.
– Souhaitez-vous consulter le menu ? l’interrogea-t-il.
Elle s’appuya contre le dossier de sa chaise pour porter le verre de vin à ses lèvres.
– Je vous laisse choisir, répondit-elle.
Elle savait que cela lui faisait plaisir, et n’avait nulle envie d’analyser son désir de lui complaire.
Il passa leur commande à mi-voix, et ils se retrouvèrent de nouveau seuls.
– Dites-m’en plus sur vous, demanda-t-elle en reposant son verre. Je ne sais même pas ce que vous
faites dans la vie. Avez-vous une famille ? Êtes-vous seul ?
Il grimaça ; première faille dans l’infaillible armure qu’elle lui avait toujours vu porter.
– Assez jeune, j’ai eu la chance de faire l’acquisition d’actions à bas prix, qui se sont finalement
révélées très lucratives. J’aime les défis et, désormais, je rachète des entreprises en difficulté pour les
remettre sur pied.
– Vous est-il arrivé d’échouer ? s’enquit-elle, même si elle connaissait déjà la réponse.
– Non, répondit-il simplement en la regardant droit dans les yeux.
– Et quelle est votre dernière acquisition ?
Ses doigts pianotèrent sur la table, et une lueur passionnée passa dans ses prunelles.
– J’ai trouvé deux usines au bord de la faillite, dans l’Est. J’ai bon espoir qu’elles commencent à faire
des bénéfices d’ici moins d’un an. Le secret, c’est d’engager les bonnes personnes et de prendre des
décisions financières logiques.
– Vous semblez beaucoup plus radical que moi en affaires, remarqua-t-elle. Je dois bien admettre
que je ne prends pas toujours les bonnes décisions en la matière, car mon cœur est souvent plus fort que
ma raison. Carrie me dit que je suis trop sensible pour devenir riche.
Damon se carra dans son siège en souriant, les yeux toujours rivés sur elle.
– Et pourtant votre société est rentable, vous n’avez pas de dettes, et vos clients sont satisfaits.
– Vous m’avez encore espionnée, marmonna-t-elle.
– Non, pas « encore ». J’ai fait des recherches une fois, c’est tout, mais de fond en comble, je l’avoue.
Je serais curieux de savoir comment vous avez eu l’idée de vous lancer dans cette entreprise, d’ailleurs.
C’est un concept unique en son genre, il me semble.
Elle haussa les épaules, mais ne put s’empêcher de lui décrire son projet et ce qui l’avait motivée avec
une certaine fièvre.
– Ça a commencé un peu par hasard, en fait. J’ai toujours été assez rêveuse, très rêveuse, même. Ma
mère me disait toujours que je passais quatre-vingt-dix pour cent de mon temps la tête dans les nuages.
– Les rêveurs ne meurent jamais, commenta-t-il.
– Très vrai, dit-elle en souriant, et puis c’est tellement bon. Quoi qu’il en soit, j’adore réaliser les
souhaits des gens depuis que je suis toute petite. Si j’entendais un ami ou un membre de la famille
exprimer un désir quelconque, et s’il était en mon pouvoir de l’exaucer, je le faisais. Après mon diplôme
de management, j’ai exercé quelques années dans une société, assez pour me rendre compte que je
m’ennuyais ferme et que je détestais être sous la direction de quelqu’un.
– Ah, vous êtes donc une rebelle ! plaisanta-t-il. Elle plissa le nez.
– Oui, j’en ai bien peur. Ce n’est pas que je ne supporte pas de travailler avec les autres ou que je
sois autoritaire, je suis juste plus heureuse quand je peux prendre mes propres décisions et que j’exerce
un métier qui me motive. En bref, je n’aimais pas ce que je faisais, alors qu’aujourd’hui, c’est le contraire,
et ça fait toute la différence.
– Je parie que vous avez des tas de requêtes intéressantes.
Elle leva les yeux au ciel.
– C’est peu de le dire. Parfois c’est vraiment n’importe quoi, des blagues en quelque sorte. Mais le
pire, ce sont les demandes sérieuses, et tout à fait déplacées. Elles émanent de personnes qui croient
sincèrement que j’ai la capacité d’assouvir leurs rêves les plus fous. Si étranges que je les trouve parfois,
ce sont des gens qui rêvent de quelque chose hors de leur portée. Et c’est dur de leur expliquer que je
suis incapable de les aider.
– Vous avez un cœur en or, nota-t-il avec une grande douceur.
– Venant de vous, grimaça-t-elle, je doute que ce soit un compliment. Certaines de mes décisions
professionnelles vous feraient bondir.
Il parut surpris.
– Est-ce que j’ai l’air si implacable ? Bien sûr que si, c’était un compliment. Et puis, étant donné que
votre affaire fonctionne bien et que vous avez rendu des gens heureux, je ne crois pas que vos décisions
me feraient bondir, conclut-il d’un air approbateur.
Une vague de plaisir réchauffa les joues de Serena.
– Je suis désolée, je ne voulais pas dire que je vous trouvais implacable. Mais, comme vous avez dû le
découvrir en faisant des recherches sur moi, plus d’une fois il m’est arrivé de ne pas faire payer des
clients qui n’en avaient pas les moyens.
– Et vous considérez cela comme une faiblesse. Elle s’agita sur sa chaise, soudain mal à l’aise.
– Peut-être pas une faiblesse, mais j’essaie de me fixer des limites. Alors, quand je me rends compte
que je suis incapable de dire non à un client parce que sa demande dépasse son budget, je me mettrais
des claques. Attention, n’allez pas croire que je fais ça avec tout le monde. Je n’ai pas trop de remords
quand il s’agit d’un type qui veut que je lui organise une séance photo avec des bimbos en maillot de
bain. Mais quand une mère vient me trouver pour sa fille malade, dont le rêve est de faire un voyage de
princesse sur un bateau, je ne peux pas lui refuser mon aide sous prétexte qu’il lui manque de l’argent.
– Je crois que ce que vous considérez comme une faiblesse est en réalité votre plus grande force et
votre meilleur atout, dit-il en se penchant par-dessus la table pour lui prendre la main. Vous avez une
âme généreuse, mais vous êtes aussi terre à terre.
Du bout du doigt, il traça une ligne au creux de sa main. Puis, un à un, il effleura chaque doigt,
savourant le contact de sa chair.
Elle aimait tellement qu’il la touche ! Elle aurait pu rester là des heures à se laisser caresser les mains,
les bras. Elle frissonna au souvenir des mains de Damon enfouies dans ses cheveux, quand il lui avait
massé le crâne et caressé le cou.
– Vous disiez…, reprit-elle, avant de s’interrompre pour s’éclaircir la gorge. Vous disiez avoir
organisé la vente aux enchères ?
Lentement, il retira sa main et se pencha un peu plus, jusqu’à ne laisser qu’un tout petit espace entre
eux.
– En effet. Est-ce que le week-end prochain vous paraît trop précipité ?
Une dose d’adrénaline se répandit dans ses veines, menaçant de la submerger, tant elle était agitée
d’émotions contradictoires. Du plaisir. De l’impatience. De la peur. De la terreur, même.
La bouche sèche, elle déglutit rapidement.
– Non, le week-end prochain, ce sera très bien. J’organiserai mon planning de façon à être libre la
semaine suivante. Pour les enchères elles-mêmes, que dois-je prévoir ?
– Rien du tout, j’enverrai mon chauffeur pour vous conduire à The House, où votre gardien vous
attendra. Il vous aidera à vous préparer pour la cérémonie. Vous resterez sous sa protection jusqu’à ce
que je vous achète.
Un désir brûlant l’enflammait tout entière. Cet homme lui faisait décidément un effet incroyable.
– Pourquoi vous investissez-vous autant dans cette histoire ? risqua-t-elle.
Elle avait déjà posé cette question, mais il l’intriguait terriblement et elle voulait en savoir plus sur
lui, c’était plus fort qu’elle.
– C’est très simple, répondit-il avec son calme habituel. Je vous veux, Serena. Je vous ai désirée dès
l’instant où nous nous sommes rencontrés. Quand j’ai découvert que vous étiez la personne qui se
cachait derrière ce fantasme, il n’était plus question que je vous propose un autre homme pour le
réaliser.
– Et donc je serai à vous, murmura-t-elle, savourant le sens des mots qu’elle prononçait.
– Oui. Vous m’appartiendrez.
Les yeux bruns et chauds de Damon brillaient de satisfaction, promesse de moments exceptionnels.
– Dites-moi, Serena. Envisagez-vous de faire de nouvelles expériences, des expériences osées ? Et
avez-vous réfléchi précisément à ce que cela signifie d’appartenir à un homme ? Pas à n’importe quel
homme, mais à moi. ?
Elle hésita un moment, les yeux aimantés par les siens.
– Je crois m’être préparée à de nouvelles expériences. Je suis un peu nerveuse parce que je ne sais pas
jusqu’où un homme – vous, en l’occurrence – peut aller. Pourtant je vous fais confiance. Je ne devrais
peut-être pas, mais il se trouve que vous me mettez à l’aise.
– J’en suis ravi, dit-il de sa voix douce. Je ne voudrais en aucun cas que vous me craigniez.
– Je me surprends à concevoir des idées folles, admit-elle. Certaines sont tellement au-delà de mon
expérience personnelle que je me demande parfois si je devrais les transposer dans la réalité, ou s’il ne
vaut pas mieux les cantonner au domaine du fantasme.

– J’espère que vous explorerez vos limites avec moi et que vous ne vous rétracterez pas trop vite. Je
veux que vous ouvriez votre esprit et votre cœur sans jugement, sans réflexion, juste guidée par la
sensation. Mais, ajouta-t-il, si jamais vous avez peur, je veux que vous vous montriez honnête avec moi.
Jamais je ne ferai intentionnellement quoi que ce soit qui puisse vous faire mal ou peur.
– Je le sais, lâcha-t-elle d’une voix rauque. J’en suis persuadée.
Au fond, elle avait envie qu’il repousse ses limites et qu’il prenne le contrôle, afin qu’elle n’ait plus le
choix. Elle ne voulait pas qu’il demande, mais qu’il prenne, qu’il exige et qu’il donne.
– Je voulais vous voir ce soir, parce que ce sera la dernière fois que nous serons ensemble avant les
enchères, dit-il.
Elle écarquilla les yeux, ce qui eut le don de le faire sourire.
– J’aime voir cet étonnement chez vous. Il ressemble au mien. Et cela me flatte que vous appréciiez
ma compagnie.
– Dans ce cas, pourquoi…
– Parce que, l’interrompit-il, je veux que vous pensiez à moi toute la semaine, que vous imaginiez la
nuit où je vais réclamer mon dû. Vous, Serena. Ce premier contact, qui marquera ma propriété, je veux
que vous l’anticipiez.
– Vous êtes horriblement sûr de vous, ne put-elle s’empêcher de remarquer.
N’empêche, il avait raison. Elle penserait effectivement à lui toute la semaine. À lui, et à rien d’autre.
– Non, je suis plein d’espoir, c’est tout. Et quel que soit l’objet de vos pensées, cette semaine, sachez
que vous serez dans les miennes. Il y a bien, bien longtemps que je n’ai pas été aussi enthousiaste et
impatient. Sa franchise la fit sourire.
– Et pour votre gouverne, mon arrogance n’a d’égale que la vôtre, ajouta-t-il dans un début de
sourire. J’aime ça.
– Et pour les contrats ? s’enquit-elle.
– Je vous les enverrai par coursier lundi matin. Je tiens à ce que toute la paperasse soit réglée avant
les enchères. Je ne laisserai rien s’immiscer dans votre fantasme, une fois qu’il sera lancé.
Le souffle court, elle opina du chef. Enfin, on y était. Elle allait le faire.
Elle n’en revenait pas d’être assise en face d’un homme superbe et puissant, qui allait bientôt l’aider à
assouvir ce qui avait commencé comme une curiosité, pour se transformer en une envie, puis en un
besoin irrépressible.
Dans à peine plus d’une semaine, elle pénétrerait dans le club de Damon pour y devenir son esclave
sexuelle. Le fait qu’elle sache à l’avance qui serait son maître ne diminuait en rien la montée d’adrénaline,
la peur et l’excitation qui affolaient son corps. Au contraire, savoir que Damon en serait bientôt le
maître absolu ne faisait qu’augmenter sa hâte d’y être.
11

– Comment ça, Nathan t’a raccompagnée chez toi, tu t’es réveillée nue dans ton lit le lendemain
matin et tu ne te souviens de rien ? demanda Serena, incrédule.
Elle cala le combiné entre sa joue et son épaule pour continuer à fouiller dans les papiers qu’elle
tentait vainement de ranger.
À l’autre bout du fil, Julie lâcha un grognement.
– Tout ça, c’est à cause de cette garce de Faith. Elle m’a bien eue.
– Oh, arrête un peu, fit Serena en riant. Elle essayait juste de t’aider.
– Je sais bien, soupira Julie. Mais elle n’est pas discrète pour deux sous. Elle m’a carrément collée
dans les bras de Nathan en suggérant qu’il me reconduise chez moi. Je ne me souviens même pas
comment il a réagi, vu tout ce que j’avais bu. Je me rappelle vaguement le trajet, mais après, plus rien.
Tout ce que je sais, c’est que je me suis réveillée complètement nue. Or je ne dors jamais nue.
– Ah… et donc tu crains d’avoir fait la chose avec Nathan et de ne pas t’en souvenir ?
– Je te jure que si j’ai fait l’amour avec lui et que je ne m’en souviens pas, je me tue, commenta
tristement Julie.
– Pourquoi ne pas tout simplement l’appeler et lui demander ?
– Ben voyons, je m’y vois tout à fait : « Salut Nathan, c’est Julie. Ça t’ennuierait de me dire si on a
baisé l’autre nuit ? »
Serena éclata de rire.
– Je suis sûre que tu pourrais être un poil plus subtile.
– En tout cas, si on a couché ensemble, personne ne l’a informé que ça se faisait d’appeler, le
lendemain. D’ailleurs, toujours dans l’hypothèse où l’on aurait couché ensemble, il a dû filer en douce à
l’aube, ce qui ne me dit rien de bon quant à ma performance.
– Arrête de t’auto-flageller, Julie. D’après tout ce que tu viens de me dire, je ne pense pas que vous
ayez fait quoi que ce soit. Nathan ne me donne pas l’impression d’être du genre à profiter d’une femme
saoule.
– Et si c’était moi qui avais profité de lui ? pleurnicha Julie.
– Nathan est un grand garçon, voyons. D’après moi, il t’a mise au lit et il est parti. Ni plus ni moins.
Sérieusement, tu devrais l’appeler pour le remercier de t’avoir ramenée et l’inviter à dîner, en guise de
remerciement.
– Bon sang, Serena, tu es un génie ! Comment n’y avais-je pas pensé plus tôt ?
– Ça veut dire que tu vas enfin tenter ta chance avec lui ?
– Euh… peut-être.
Serena ferma les yeux, secouant la tête.
– Pour l’amour du ciel, Julie, c’est dingue ! Faith et moi, on est censées être des mauviettes, mais pas
toi. Tu es mademoiselle Couilles-d’Acier, tu n’as pas oublié ? Celle qui ne fait pas de prisonniers. Alors,
montre-toi à la hauteur de ta réputation !
– Tu as raison. Je suis en dessous de tout. Je m’incline devant ta grandeur.
– Tais-toi et appelle-le, ordonna Serena.
– Au fait, on parle, on parle, mais je téléphonais afin de te souhaiter bonne chance, pour ce soir. De
mon point de vue, il ne fait aucun doute que tu as totalement perdu les pédales, mais en même temps, je
suis super jalouse. Je dois être un peu tordue. J’espère que tu vas passer un bon moment à ta… ta vente
aux enchères.
Serena sourit, une pointe d’excitation lui chatouillant le ventre.
– Merci ma belle. Je ne vais pas travailler la semaine prochaine, donc je te rappellerai après pour te
raconter.
– Attends. Tu ne peux pas disparaître comme ça pendant une semaine, après une vente aux enchères
dont tu es le prix, ma vieille. Et s’il te traîne dans sa grotte je ne sais où, qu’il te viole et te tue ?
– Tu essaies de me faire peur ou quoi ?
– Oui ! Réfléchis un peu. Tu m’appelles le lendemain de la vente, sinon je dis aux flics d’aller
défoncer la porte de chez Damon. J’en ai rien à fiche que Faith le connaisse ou qu’il soit splendide. Si ça
se trouve, c’est un tueur en série.
– Merci beaucoup, marmonna Serena.
– Désolée, ma belle. Je ne veux pas te gâcher ta soirée, mais il faut bien que quelqu’un fasse entrer
un peu de bon sens dans ta jolie tête.
– OK, OK. Je t’appelle demain matin.
– Parfait. À présent, file. Et demain, tu me raconteras comment s’est passée ta première nuit
d’esclave.
– Saleté.
– Tu m’adores.
– Bye, Julie.

En raccrochant, Serena leva les yeux vers la pendule. Si elle voulait avoir le temps de se doucher et
de se faire belle, il fallait partir tout de suite. Elle avait besoin d’un peu de temps pour elle, histoire de se
calmer avant que le chauffeur de Damon ne vienne la chercher. Parce que pour l’instant, elle était une
vraie boule de nerfs.
Ramassant la pile de documents, elle la fourra dans son cartable, mue par une soudaine impatience
de rentrer chez elle. Après un rapide coup d’œil à son bureau afin de s’assurer qu’elle n’oubliait rien, elle
se dirigea vers l’entrée pour donner ses instructions à Carrie.
Cette dernière avait été ravie d’apprendre que Serena prenait sa semaine, même si elle en ignorait les
raisons. Elle supposait simplement que sa patronne s’octroyait ses premières vacances depuis des années.
Ce en quoi elle ne se trompait pas beaucoup d’ailleurs. Serena allait s’évader, bien loin de la réalité.
Elle fit promettre à Carrie de l’appeler si quoi que ce soit se passait qu’elle n’était pas en mesure de
gérer, puis se mit en route.
Une fois dans son appartement, elle commença par s’abandonner à un bain chaud, espérant
vainement calmer ses nerfs en pelote. Le matin même, Faith l’avait appelée et lui avait décrit son
expérience à The House ; elle y arriverait donc avec quelques informations en tête. À la fin de leur
conversation, elle avait cependant cru défaillir.
La description que Faith lui avait faite des diverses pratiques des membres du club lui donnait la
désagréable impression d’être un poisson hors de son bocal, alors même qu’elle n’y avait encore jamais
mis les pieds.
Eh oui, tu es un poisson hors de son bocal.
Ou un poisson rouge qui s’apprêtait à sauter de son petit bocal dans l’immensité de l’océan.
Grâce à sa visite au salon de Julie, elle était épilée et pomponnée des pieds à la tête, en passant par
tout le reste. Sûre de son apparence, elle était rassurée quant à l’effet qu’elle produirait une fois dévêtue.
L’idée même de se retrouver nue devant une salle pleine d’hommes lui serra la gorge. C’était tellement…
décadent. Vilaine, va !
Un coup d’œil à la pendule lui indiqua qu’elle devait passer à la vitesse supérieure. Pas besoin de
trop se tracasser concernant ce qu’elle allait porter, du coup. En revanche, elle apporta un soin tout
particulier à sa coiffure. Elle ne voulait pas s’attacher les cheveux, sachant que Damon les préférait longs,
tombant sur ses épaules, mais elle les brossa longuement.
Et le maquillage ? Elle faillit avoir un fou rire en appliquant une légère couche de fond de teint.
Mieux valait éviter l’eye-liner, le mascara et surtout le rouge à lèvres. Si les choses se passaient
conformément à son fantasme, ce serait superflu, et Damon n’apprécierait sans doute pas d’avoir une
trace rouge vif sur le sexe.
Elle retint son souffle en s’imaginant le prendre dans sa bouche. Allait-il se conformer à chaque
détail de son mail ? Rejouerait-il son fantasme intégralement, ou s’en servirait-il juste comme trame de
fond ? Elle n’en savait rien, et cette incertitude ne faisait qu’ajouter à son excitation.
Quel goût aurait-il ? Serait-il gros ou petit ? Doux ou brutal ?
Elle ne le souhaitait pas doux, elle voulait goûter à la puissance qu’il dégageait, fermement maîtrisée
sous la surface. Elle le voulait rude, dur, exigeant et dominateur.
La sonnette retentit au moment où elle attrapait ses sandales. Son cœur bondit dans sa poitrine, et
elle enfila ses chaussures en vitesse. D’une main moite, elle arrangea une dernière fois ses cheveux.
Puis, saisissant son sac de voyage, elle se dirigea vers la porte, derrière laquelle se tenait Sam. Son
immense corps emplissait tout l’encadrement. Il inclina poliment la tête.
– Mademoiselle James, êtes-vous prête ?
– Oui, parvint-elle à murmurer.
Il lui prit son sac des mains, et elle le lui abandonna pour fermer rapidement son appartement à clé
et le suivre jusqu’à la Bentley.
Le trajet lui parut durer une éternité. Chaque kilomètre parcouru faisait monter d’un cran son
appréhension. Quand enfin ils pénétrèrent dans l’enceinte d’une vaste propriété, elle avait la tête qui
tournait, et son pouls battait furieusement à ses tempes.
Sam se gara, et la portière s’ouvrit immédiatement. Un bel homme à l’expression indéchiffrable lui
tendit la main sans mot dire.
Elle la prit en tremblant et se laissa extirper de la voiture. Elle s’apprêtait à avancer, mais l’inconnu
la retint fermement, l’obligeant à rester près de lui.
– Je suis ton gardien, dit-il en guise de présentations. Tu devras suivre mes instructions à la lettre.
Elle cilla, mais hocha sagement la tête.
– « Oui, Gardien », intima-t-il.
– Oui, Gardien, répéta-t-elle.
Il hocha la tête, visiblement satisfait.
– Je vais t’escorter et te préparer à la vente. D’une poigne étonnamment douce, il la prit par le coude
et la guida jusqu’à la porte. Ils pénétrèrent dans un vaste hall sombre et parfaitement silencieux. Avant
qu’elle n’ait eu le temps de regarder autour d’elle pour découvrir ce nouvel environnement, son gardien
se dirigea vers un couloir, puis s’arrêta devant une porte, qu’il ouvrit.
La pièce était petite mais luxueusement meublée, avec un goût exquis. On aurait dit un petit salon,
voire même un vestiaire. En tout cas, il n’y avait pas de lit : seulement deux fauteuils, un miroir en pied
et une coiffeuse. D’un côté, une porte ouvrait sur une petite salle de bains.
Alors qu’elle tournait sur elle-même pour découvrir la pièce, son gardien lui toucha l’épaule.
– Il est temps de te préparer.
Il approcha la main de son tee-shirt, et elle faillit le repousser. Il interrompit alors son geste et elle
leva les yeux vers lui. Tout en lui laissant le temps de s’adapter à son contact, il affirma son autorité en
gardant la main posée sur elle.
– Je suis désolée, murmura-t-elle. Je suis un peu nerveuse.
Il ne répondit rien, mais un léger sourire passa sur ses lèvres.
– Mais je peux me déshabiller moi-même, reprit-elle, pensant lui éviter une tâche ingrate.
Un sourcil levé, il secoua la tête.
– Tu es à moi, jusqu’à ce qu’un autre t’achète. Il est de mon devoir et de mon droit de te préparer à
ma guise.
Elle écarquilla les yeux et son estomac se noua dans une drôle de convulsion. Bon Dieu, elle y était !
Elle tenta de se détendre pendant qu’il lui ôtait son tee-shirt. Quand il lui ordonna de lever les bras,
elle s’exécuta presque mécaniquement.
Il lui fallut une bonne dose de volonté pour ne pas croiser les bras sur son soutien-gorge de dentelle.
Lentement, elle les laissa pourtant retomber le long de son corps.
– Tu me rapporteras un bon prix, murmura son gardien.
Il laissa courir ses doigts sur ses bras, et ce contact lui donna la chair de poule. Quand il parvint aux
épaules, il glissa les doigts sous les bretelles de son soutien-gorge et les écarta délicatement.
Elle retint son souffle quand les bonnets tombèrent, libérant ses seins. Elle avait envie de regarder
son gardien, de détailler son apparence, mais elle avait trop peur pour lever les yeux. Elle se contenta
donc d’observer son ventre pendant qu’il l’enlaçait pour atteindre l’agrafe de son soutien-gorge.
D’un geste adroit, il tira dessus et le sous-vêtement tomba à ses pieds.
Délicatement, avec sensualité, il glissa les paumes jusqu’à sa taille, où il se concentra sur le bouton de
son jean. Elle avait les tétons durs, pointés vers lui comme s’ils réclamaient son attention, son contact,
même.
Pour défaire sa braguette, il glissa les mains derrière la ceinture, puis écarta le tissu. Le pantalon
descendit sur ses hanches, glissa le long de ses jambes et tomba autour de ses chevilles.
Elle se retrouvait devant cet homme, son gardien, en petite culotte transparente qui ne masquait rien
de sa féminité. Était-elle folle de ne ressentir qu’une excitation brûlante qui lui mordait les veines ?
Son gardien se recula un instant, la jaugeant d’un air que l’on ne pouvait qualifier que d’animal. Elle
ne cherchait plus à se cacher de lui, car dans ses yeux, elle se voyait attirante et séduisante, comme si
c’était elle qui avait le pouvoir, et non lui.
Il était bel homme, attirant même. Si Damon ne s’était pas porté volontaire, il aurait très bien pu
être celui à qui elle se serait abandonnée pour vivre son fantasme. Elle se retint de secouer la tête : il
n’arrivait pas à la cheville de Damon.
Il se rapprocha et plaça un instant les mains sur ses hanches étroites, puis il baissa le tissu léger. La
dentelle glissa pour rejoindre son jean, effleurant l’intérieur de ses genoux au passage.
Il lui tendit une main, qu’elle saisit pour finir de se débarrasser de ses vêtements. Voilà, elle était
complètement nue.
Il s’approcha de la coiffeuse et fouilla dans un tiroir pour en tirer une brosse.
– Viens ici, ordonna-t-il calmement.
Sans la moindre hésitation, elle obéit, et il lui fit signe de se retourner.
Il se mit à lui brosser les cheveux, mèche après mèche, jusqu’à ce qu’ils retombent dans son dos,
doux et légers comme de la plume. Il se servait des doigts et de la brosse, lissant chaque mèche du
sommet du crâne jusqu’à la pointe.
Quand enfin il s’arrêta, un frisson déçu parcourut le corps de Serena. Son contact lui manquait déjà.
Elle se demandait s’il l’avait coiffée pour la détendre et la calmer, mais il lui saisit soudain le bras d’une
poigne autoritaire. C’en était fini de la douceur.
Il lui prit une main puis l’autre et les lui réunit dans le dos, tirant sans ménagement jusqu’à ce que
ses poignets se rejoignent au creux de ses reins. Les maintenant d’une main, il prit une corde de l’autre.
Le matériau rêche lui brûla la peau quand il lui lia les poignets.
Puis il la laissa seule, pour revenir quelques secondes plus tard avec une sorte de ceinture de cuir,
qui ressemblait en fait plus à une longe ou à une laisse, n’eût été le collier, bien trop étroit pour son cou.
Ses questions muettes trouvèrent leur réponse lorsqu’il lui passa la ceinture à la taille.
Un crochet à l’avant permettait d’y attacher la laisse, et elle comprit enfin qu’il allait la conduire ainsi
harnachée. D’une main sous le menton, il l’obligea à lever les yeux vers lui.
– Tu ne parleras que pour répondre à une question qui te sera adressée directement. Tu te
soumettras à mon autorité et à celle de ton futur maître. Beaucoup d’hommes vont te regarder, désirer
toucher la chair sur laquelle ils vont enchérir. Je serai à tes côtés pour te protéger, je ne laisserai personne
aller trop loin, fais-moi confiance.
– Oui, Gardien, souffla-t-elle.
– Bien, alors nous sommes prêts. Il est l’heure, ajouta-t-il en tirant légèrement sur la laisse.
Il la conduisit vers la porte, et elle le suivit, les jambes flageolantes.
12

Son gardien la guida à travers un long couloir sombre, uniquement éclairé par des torches
suspendues aux murs. Décidément, cette maison avait une touche très médiévale, et Serena se demanda
si c’était toujours le cas, ou si Damon l’avait voulue ainsi pour donner une ambiance à son fantasme. Elle
penchait plutôt pour la première supposition. Il n’avait pas eu le temps, ni probablement l’envie de
dépenser une somme importante juste pour cette petite aventure.
D’un léger coup sur sa laisse, son gardien l’obligea à reporter son attention vers lui, alors qu’il
entamait l’ascension d’un escalier de bois. Au fur et à mesure qu’ils montaient, elle commençait à
distinguer des bruits étouffés, des murmures de voix masculines.
Sa respiration s’accéléra, et des picotements lui parcoururent les membres.
L’escalier aboutissait à un autre couloir, desservant de nombreuses portes. Tout au bout, l’une d’elles
était ouverte et déversait un halo de lumière.
Son gardien se dirigea vers cette porte-ci, et elle le suivit, les poings serrés dans son dos.
Les voix se firent plus distinctes. Arrivé devant la porte, son gardien s’arrêta et se tourna vers elle
sans un mot, se contentant de la regarder calmement, comme pour lui laisser le temps de se préparer à
faire son entrée.
Machinalement, elle baissa les yeux sur son corps dénudé et sentit la gêne l’envahir lentement.
Elle sursauta lorsque son gardien lui releva fermement le menton, pour la regarder d’un air sévère.
– N’aie pas honte. Tu dois garder la tête haute.
– Oui, Gardien.
L’air satisfait, il se retourna et, d’un petit coup sec sur sa laisse, il l’attira dans la pièce.
Au moins trente hommes étaient présents, rassemblés en petits groupes. Un verre à la main, ils
buvaient tranquillement tout en conversant, pendant que des serveurs passaient entre les groupes avec
des plateaux chargés d’amuse-gueules, le tout dans une atmosphère ultra civilisée.
Son gardien l’entraîna au cœur de la pièce, et alors seulement les hommes la remarquèrent. Ils ne
firent d’ailleurs aucun effort pour masquer le vif intérêt qu’elle suscitait.
Guidée par son gardien, Serena déambula dans la pièce, glissant parmi les groupes. Des mains la
touchaient, la caressaient, glissaient sur ses bras, ses hanches ou ses seins. Des murmures d’approbation
s’élevèrent, ainsi que des compliments plus directs, accompagnés de regards lascifs.
Comme promis, son gardien resta près d’elle, n’autorisant rien de plus osé que quelques
effleurements ou douces caresses. Quand l’un des hommes glissa une main entre ses jambes, son gardien
n’hésita pas à la repousser et à mettre l’intrus en garde d’une voix neutre.
Des doigts lui touchèrent les cheveux, se perdant entre les mèches. Elle avait l’impression d’évoluer
dans une sorte de brouillard. Tout semblait aller au ralenti, comme dans un rêve. Elle entendait les
hommes, leurs paroles aussi bien que leurs pensées indécentes. Elle entendait aussi leurs promesses de
lui donner du plaisir et de veiller sur elle si elle leur appartenait.
Des regards pleins de désir la suivaient à travers la pièce, et le pouvoir qu’elle exerçait sur ces
hommes la rendait forte, alors qu’elle aurait déjà dû s’abandonner.
Elle ne s’attendait pas à sentir réellement l’arrivée de Damon dans la pièce. Ce n’était que le produit
de son imagination débordante, un pur fantasme. Et pourtant, elle sentit bel et bien un changement, une
soudaine tension dans l’air.
Elle tourna la tête vers la porte et elle le vit. Son regard arrogant fouillait la pièce. Il la cherchait.
Le souffle coupé, elle tituba. Son gardien lui plaça une main protectrice au creux des reins et lui
murmura de se tenir droite.
Damon l’aperçut enfin et leurs regards se rencontrèrent. Une onde complice s’installa entre eux,
presque tangible, qui emplit la pièce.
Elle lut le désir dans ses yeux sombres, et un sourire se dessina lentement sur ses lèvres sensuelles. À
grands pas, il traversa la pièce, se frayant un chemin jusqu’à elle, et la foule s’écarta sur son passage.
Les mots qu’elle avait écrits venaient de s’échapper de ses lignes pour s’incarner. Chaque nuance,
chaque détail avait pris forme entre les mains de Damon. Il avait attentivement orchestré le moindre
instant décrit dans son mail. Ce qui signifiait…
Elle déglutit, dans un vain effort pour calmer ses nerfs à vif.
Damon s’immobilisa près de son gardien et lui glissa quelques mots à l’oreille. Comme dans son
fantasme, elle tenta d’entendre ses paroles, mais son gardien tira violemment sur sa laisse pour la
réprimander.
Elle se redressa et attendit, même si chaque nerf, chaque cellule de son corps était tellement tendu
vers ce qui l’attendait qu’elle craignait de se briser.
Enfin, Damon vint se planter devant elle et, d’une main, la prit par la nuque. Les mèches de ses
cheveux s’enroulaient autour de ses doigts, et il l’amena à lui sans ménagements, tirant sur sa tête pour
l’obliger à le regarder dans les yeux. Le cou totalement exposé, Damon penché sur elle, Serena se sentit
extrêmement vulnérable. Mais elle lut aussi de la satisfaction dans ses yeux sombres, comme s’il la
trouvait particulièrement à son goût.
Son pouls s’accéléra, car elle savait ce qu’il dirait dès qu’il ouvrirait la bouche. Il était tout près d’elle,
si proche qu’elle sentait la chaleur de son souffle et l’odeur légèrement mentholée de son haleine.
– Tu seras mienne, Serena, dit-il enfin d’une voix de miel.
Tremblant des pieds à la tête, le corps embrasé par le désir, elle le regarda s’éloigner et se fondre
dans la foule. Elle dut se faire violence pour ne pas le rappeler, le supplier de ne pas la laisser, ne serait-
ce qu’un instant.
Son gardien tira sur ses poignets liés, et elle le suivit en trébuchant. Elle jeta un dernier regard
pardessus son épaule, dans l’espoir fou d’apercevoir Damon encore une fois, mais elle ne parvint pas à le
distinguer au milieu des autres hommes qui se pressaient vers l’endroit où elle se trouvait, impatients
que les enchères commencent.
Quelque part, une voix annonça justement leur début. Son gardien l’obligea à se tourner face au
public, la plaçant de façon que son corps tout entier soit bien visible. Il posa d’abord les mains sur ses
hanches, puis sur son ventre, remontant lentement pour envelopper un sein, titillant le téton durci
comme la foule le lui demandait avec insistance.
Finalement, il vint se placer derrière elle, sans lâcher son sein, le torse étroitement collé à son dos. Et
elle se mit à trembler comme une feuille lorsqu’il l’enlaça, sa main libre empoignant son autre sein. Il
jouait à présent avec sa poitrine, la soulevant pour la mettre en valeur. Il montrait aux spectateurs ce
qu’ils pouvaient obtenir s’ils acceptaient de payer le prix fort.
Il lui pinça les tétons, les faisant rouler entre son pouce et son index jusqu’à ce qu’ils soient dardés à
l’extrême.
Les enchères débutèrent alors et, aussitôt, des mains se levèrent, tout d’abord nombreuses, faisant
grimper le prix de vente. Puis, quand la somme atteignit des sommets, les acquéreurs potentiels se firent
moins nombreux, quoique tout aussi acharnés.
Où était donc Damon ? Elle avait beau scruter la salle, elle ne le voyait plus. Prise de panique, elle en
oublia son fantasme et la fin qu’elle avait pourtant écrite. Elle ne pensait qu’à une seule chose : elle ne
voyait plus Damon, il l’avait abandonnée à la merci d’un autre.
Il n’y avait plus que deux hommes à se disputer encore son acquisition. L’un des deux leva encore
une fois la main pour faire monter l’enchère, mais l’autre ne broncha plus. L’huissier se tut un instant,
puis annonça :
– Une fois…
Serena retint son souffle, le corps raidi contre celui de son gardien.
– Cent mille dollars, dit enfin une voix. Damon s’avançait calmement dans la lumière, une lueur
déterminée dans les yeux. Comme il était simple d’oublier que tout cela n’était qu’une mise en scène bien
huilée ! Tout paraissait tellement réel.
Quelques exclamations et pas mal de grognements s’élevèrent, mais personne ne surenchérit.
Cette fois, ce fut de joie et de soulagement qu’elle trembla. Son gardien lui pinça un téton en lui
murmurant à l’oreille de se tenir tranquille.
– Adjugée à Damon Roche, annonça l’huissier. Comme ses jambes refusaient de la porter plus
longtemps, elle s’affala contre son gardien, en même temps qu’un immense soulagement et une vague de
bonheur déferlaient sur elle. Enfin ! Elle cligna plusieurs fois les yeux pour être bien sûre qu’elle ne
rêvait pas.
Elle vit le sourire satisfait sur les lèvres de son gardien qui la contournait. Damon s’approcha pour
le saluer – et pour réclamer son dû. D’une pression sur les épaules, son gardien la força à s’agenouiller.
– Montre à ton nouveau maître le respect que tu lui dois, lui chuchota-t-il.
Elle obtempéra volontiers, ravie de complaire à Damon, et s’obligea à baisser les yeux dans l’attente
de ses ordres.
D’une main ferme, Damon lui saisit le menton.
– Regarde-moi, ordonna-t-il.
Elle leva les yeux vers lui. Debout au-dessus d’elle, il était aussi fort et puissant qu’elle l’avait rêvé. Sa
main lui caressa la joue et elle se frotta à sa paume. Le contact de cette peau alluma un feu brûlant au
creux de son ventre. Elle était prise d’une furieuse envie de se coller à lui, certaine que lui seul pourrait
satisfaire ses désirs, dorénavant.
Ses caresses étaient magiques, à la fois chaudes et sensuelles, attisant le brasier qui couvait au fond
d’elle et réveillant son clitoris qui se mit à puiser et à gonfler. Seul Damon saurait apaiser cette douce
souffrance.
Malgré l’inconfort de sa position sur le sol dur, malgré ses genoux douloureux, elle ne songeait pas
un instant à se plaindre ou à bouger. Damon glissa ses longs doigts sous sa mâchoire, avant de retirer la
main, qu’il porta à sa braguette.
– Tu ne dois regarder que moi, intima-t-il d’une voix rauque, les yeux plongés dans les siens.
– Oui…
Elle ne pouvait l’appeler Gardien, puisque c’était le nom qu’elle avait donné à un autre, mais elle ne
savait trop comment il souhaitait être nommé. Maître ? Ce mot ne lui plaisait pas, il était ridicule, puéril.
Rien à voir avec les sensations et les sentiments très adultes que Damon éveillait en elle.
Elle se contenta donc d’opiner du chef en silence, gardant son regard rivé au sien alors qu’il glissait
la main dans son pantalon pour en libérer son sexe.
Son érection était magnifique. Son membre épais et dur lui remplissait la main quand il se mit à le
caresser de haut en bas. Les poils de son pubis étaient bruns, mais coupés court, et elle s’en réjouit : elle
aimait les hommes qui s’entretenaient.
Le pantalon de Damon tomba plus bas sur ses hanches, et elle vit son pénis bouger et se tendre au
rythme du mouvement que lui imprimait sa main.
Elle mourait d’envie de le toucher, de le sentir rouler dans la sienne.
Il posa son gland au bord de ses lèvres, l’obligeant doucement à les écarter.
– Ouvre-toi à moi, ordonna-t-il. Prends-moi dans ta bouche.
Elle obéit sans la moindre hésitation, et il plongea immédiatement en elle, tapissant sa langue de
velours. Il avait un goût de sel et une odeur mêlant le musc et le cuir.
Il entama un mouvement d’avant en arrière, et elle le suça avec avidité, promenant la langue sur
toute sa longueur à chaque va-et-vient.
Il s’interrompit un moment et lui tapota la joue du bout des doigts, avant de lui incliner la tête un
peu plus en arrière. Il s’échappa presque d’entre ses lèvres, mais son regard était toujours fixé au sien, et
la lueur qui y brillait était sévère, tout autant que la pression de sa main sur sa mâchoire.
Docilement, elle se détendit et le laissa mener la danse. Il pouvait utiliser sa bouche comme bon lui
semblait. Elle était sienne.
Les mains de Damon lui enserrèrent le visage et il l’attira tout contre son bas-ventre. Il s’enfonça si
loin que les poils de son pubis lui chatouillèrent le nez. Il laissa échapper un long gémissement et le
corps de Serena se tendit de désir. Elle lui donnait du plaisir.
Ses poussées se firent plus profondes et plus puissantes. D’une main ferme, il la maintenait
immobile, s’abandonnant égoïstement au plaisir de lui baiser la bouche. Si elle avait craint qu’il ne soit
trop doux, trop hésitant, elle s’était trompée. Il n’y avait rien de doux dans cette prise de possession. Il
s’emparait d’elle avec une force proche de l’animalité, ne laissant aucun doute sur l’identité de celui à qui,
désormais, elle appartenait.
Les doigts de Damon s’insinuèrent dans ses cheveux, s’enfouissant dans les mèches alors qu’il se
balançait d’avant en arrière. À plusieurs reprises, elle le crut au bord de la délivrance, mais il ralentissait
alors, s’immobilisait dans sa bouche jusqu’à retrouver le contrôle. Puis il reprenait ses coups de boutoir.
La couronne décalottée de son membre venait cogner les profondeurs de sa gorge, et elle avalait
avec d’autant plus de gourmandise qu’elle sentait les spasmes qui lui secouaient le corps.
Enfin, un goût de sel se répandit sur sa langue, signe avant-coureur de l’orgasme. Elle le lécha
goulûment, avide de plus, mais encore une fois, il s’interrompit et lui donna une tape sévère. Obéissante,
elle se détendit de nouveau et cessa de prendre la moindre initiative.
– Je suis près de jouir, Serena, dit-il d’une voix rauque qui acheva d’embraser tous ses sens. Je veux
que tu avales tout. Que tu boives ma semence, que tu goûtes mon plaisir.
Elle ferma les yeux, laissant les mots glisser sur son corps affamé. Oui, elle avait faim de lui, besoin
de lui comme jamais elle n’avait eu besoin de personne.
Les poussées se firent plus rapides, moins mesurées, moins contrôlées. Il lui prenait la bouche sans
merci, et pourtant elle en voulait encore. Elle le voulait tout entier.
Le premier jet de liquide atteignit le fond de sa gorge sans prévenir. Pendant un bref instant, elle le
garda dans sa bouche, incapable d’avaler tant elle était surprise. Puis vint un second jet, et son goût lui
explosa sur la langue. Crémeux et exotique. Terriblement masculin et fort.
Pendant qu’elle l’avalait, il continuait à pilonner sa bouche, plus doucement à présent, secoué par les
dernières vagues de l’orgasme. Une dernière fois, il s’immobilisa tout au fond de sa gorge, lui maintenant
la tête de ses deux mains.
– Avale, ordonna-t-il d’une voix gutturale. Avale contre moi, Serena.
Elle obéit, déglutissant et écoutant ses gémissements de plaisir pendant qu’elle léchait
amoureusement les dernières gouttes de son sperme.
Enfin, il relâcha son étreinte et se laissa glisser hors de sa bouche. Quand il baissa la tête, elle
distingua une lueur de satisfaction dans ses yeux noirs. Du pouce, il essuya une goutte de semence au
coin de sa bouche, qu’elle lécha consciencieusement sur son pouce. Après quoi il la prit par les épaules
et l’aida à se remettre sur ses pieds. Toujours attachées dans son dos, ses mains étaient engourdies, mais
elle ne songea pas à s’en plaindre quand elle se retrouva debout face à lui.
Elle ne put retenir un gémissement lorsqu’il lui titilla un mamelon. Il saisit l’autre, manipulant leur
pointe érectile jusqu’à ce qu’elle se mette à trembler. D’un regard, il indiqua au gardien de s’approcher.
Ce dernier prit Serena fermement par les épaules.
Tous les sens aux aguets, elle sentit les mains de Damon descendre le long de son ventre jusqu’à sa
toison. Il n’y avait pas de mots pour décrire le plaisir mêlé de souffrance qui lui parcourut le corps.
Délicatement, il écarta d’un doigt les replis de sa féminité, glissant entre les chairs humides,
s’arrêtant sur son clitoris, puis au bord de sa fente.
Quand son gardien lui lâcha les épaules pour empoigner ses seins, faisant rouler leurs pointes entre
ses doigts, elle chancela. Il resserra son emprise pendant que Damon s’immisçait plus profondément
entre ses jambes.
– Ne la laissez pas tomber, avertit Damon sans cesser de caresser et de masser son clitoris.
Toutes ses terminaisons nerveuses étaient désormais au bord de l’implosion.
– Tu vas jouir pour moi, lui susurra-t-il.
Oh oui, elle allait jouir ! Elle essayait de respirer, mais elle avait l’impression d’inhaler du feu. L’air
lui brûlait les poumons.
Plus vite, plus fort, il continuait à caresser son clitoris. Puis il insinua les doigts dans les replis moites
de sa fente, revint sur son clitoris gonflé, avant de les enfoncer à nouveau dans sa fente. Sans pitié, il
caressait, frottait, glissait.
– Tu as envie de mon sexe au fond de toi ? demanda-t-il d’une voix douce.
– Oh oui ! haleta-t-elle. Je le veux, plus que tout. En souriant, il augmenta la pression de ses doigts.
– Bientôt, Serena. Bientôt tu m’auras tout entier. Mais pour l’instant, je veux que tu jouisses dans les
bras de ton gardien qui te soutient pour moi, car ce sera la dernière fois qu’un autre homme posera les
mains sur toi sans mon consentement. Tu es à moi, désormais.
Ce furent ses mots, plus que ses caresses, qui libérèrent un orgasme dont la puissance la terrifia et
l’extasia tout à la fois. Ses genoux menacèrent de se dérober sous elle, mais de sa main libre, Damon la
soutint.
Quand les dernières vagues de l’extase furent passées, il ordonna au gardien de la libérer. Ses gestes
étaient devenus formels, la passation de pouvoir arrivait à son terme. Dans un brouillard, elle entendit
Damon remercier son gardien pour les soins qu’il lui avait prodigués et lui promettre d’être un bon
maître.
Les mains toujours attachées, elle se laissa emmener. Des dizaines de paires d’yeux les suivirent avec
envie quand il l’entraîna hors de la pièce.
Une fois dans le couloir, il défit ses liens et lui prit les poignets, qu’il porta à ses lèvres, embrassant la
marque rouge laissée par la corde et lui massant délicatement les doigts pour leur redonner vie.
Il ramassa un peignoir posé sur le dossier d’une chaise et l’en enveloppa, l’aidant à enfiler les
manches. Enfin, il noua le cordon en veillant à ce qu’elle soit entièrement couverte et confortablement
emmitouflée.
D’un geste aimant, il lui effleura la joue et la cala tout contre son flanc, pour entamer la descente des
escaliers. En chemin, il se tourna vers elle.
– Tu es à moi, désormais, Serena.
– Oui, je suis à toi, souffla-t-elle.
13

C’était un peu bizarre de sortir avec, pour tout vêtement, un peignoir. Surtout que le chauffeur de
Damon les attendait près de la Bentley. Lorsqu’il les vit s’approcher, Sam ouvrit la portière arrière et
Damon fit signe à Serena de monter.
Il se glissa à sa suite sur le siège en cuir et la serra immédiatement contre lui. Elle accepta volontiers
cette étreinte et s’installa confortablement dans le creux de son bras, la tête posée sur son épaule. Il prit
garde que le peignoir reste bien fermé, et elle lui en fut reconnaissante. Sam ne pouvait
vraisemblablement pas la voir, sans doute ne souhaitait-il d’ailleurs pas distinguer des bribes de peau
nue, mais elle apprécia que Damon se soucie de sa pudeur.
Soudain, elle partit d’un éclat de rire qui lui échappa avant qu’elle ait pu le retenir. Sa pudeur…
Voilà qui ne manquait pas de sel.
– Quelque chose t’amuse ? s’enquit Damon.
– Mon inconséquence, répondit-elle. J’étais gênée à l’idée de sortir en peignoir et soulagée que tu
veilles à masquer ma nudité aux yeux de Sam. Quand on pense que j’ai passé la dernière demi-heure
complètement nue dans une pièce pleine d’hommes, c’est grotesque.
– Tu es d’un naturel pudique, lui fit-il remarquer. Une fois la vente terminée, c’est ta véritable nature
qui a repris le dessus. Je ne vois là rien de grotesque. Et très honnêtement, ça me plaît que tu t’inquiètes
de qui te voit nue. Pendant le mois à venir, je serai le seul, à l’exception de ceux que je choisirai, à avoir
ce privilège.
Son cœur se gonfla de joie et elle dissimula son sourire contre son torse puissant. Elle adorait qu’il
se montre aussi possessif. Que ce soit un jeu ou sa nature profonde, elle en était ravie.
– Qu’est-ce qui va se passer, maintenant ? demanda-t-elle doucement.
Ils en avaient déjà parlé, mais la nervosité lui faisait perdre un peu la mémoire.
– On rentre à la maison, répondit-il simplement.
– Il faut que je passe à mon appartement, objecta-t-elle. Tu m avais demandé d’emporter des affaires
pour une nuit, mais si je reste avec toi toute la semaine, il m’en faudra d’autres.
Il lui posa un doigt sur les lèvres.
– Primo, c’est le mois tout entier que tu vas passer avec moi. La semaine prochaine me sera
entièrement consacrée, mais même lorsque tu reprendras le travail, tu me reviendras chaque soir, tu
dormiras dans mon lit, tu seras liée à moi. Et deuzio, tu n’as aucun besoin d’affaires. Aussi longtemps
que tu seras mienne, c’est moi qui t’habillerai, te nourrirai, m’occuperai des moindres détails te
concernant. Est-ce bien clair ?
Elle hocha la tête. À nouveau embarrassée par le nom qu’elle devait lui donner, elle se sentit rougir.
– Comment dois-je t’appeler ? lui demanda-t-elle quand même, en levant les yeux vers lui. Je ne peux
pas t’appeler Gardien, puisque c’est le nom que j’ai donné à un autre, mais je ne pense pas que je
pourrais t’appeler Maître non plus. Ça fait un peu ridicule, non ? Or je me sens tout sauf ridicule, quand
je suis avec toi.
D’un geste extraordinairement doux, il lui caressa les cheveux, puis la joue.
– Appelle-moi Damon. Je ne vois pas l’intérêt d’inventer un titre particulier. Quant à moi, je
t’appellerai Beauté, Amante, Mienne. Oui, je t’appellerai Mienne.
Les yeux fermés, elle s’abandonna à ses caresses, frottant sa joue contre sa paume.
– C’est si joli quand tu fais cela, murmura-t-il. Tu me fais penser à un chat qui ronronne de plaisir.
Un son remonta de sa gorge tandis qu’elle se collait à lui plus près encore.
– Si je savais ronronner, je le ferais. Tu es si bon avec moi, Damon.
– Je suis content que tu perçoives les choses ainsi. Je vais te pousser dans tes retranchements, Serena.
Je suis exigeant et j’attends obéissance et respect. En revanche, je serai toujours bon avec toi, je te le
promets.
Elle continuait à se frotter à lui, chaque centimètre carré de sa peau quêtait avidement son contact.
Il eut ce sourire arrogant qui exprimait toute sa fierté de mâle. Il savait pertinemment qu’elle le
désirait comme une folle. Elle éprouva néanmoins un besoin irrépressible de le lui dire.
– J’ai envie de toi, Damon. Je vais devenir dingue si tu ne me fais pas l’amour très vite.
De deux doigts placés sous le menton, il l’obligea à relever la tête vers lui pour que sa bouche ne soit
plus qu’à quelques millimètres de la sienne. Elle inspira avec peine tout l’air que ses poumons voulaient
bien absorber. Allait-il l’embrasser ? Enfin ?
Il posa les lèvres juste au coin de sa bouche. Un simple baiser, très léger, qui pourtant lui brûla la
peau. Elle sentit sa poitrine se gonfler, son estomac se nouer, mais il s’écartait déjà, les yeux brillants
alors qu’il passait le pouce sur sa lèvre inférieure.
– Bientôt, Serena. Bientôt je te prendrai et tu m’auras. La moitié du plaisir réside dans l’attente. C’est
pourquoi je ne veux pas que nous partagions cette intimité-là trop vite. Je veux savourer cet instant, pas
le précipiter.
Elle reposa la tête sur son torse, comme pour écouter la promesse de son cœur. Oui, elle avait hâte.
Elle le désirait plus que tout, mais ce qu’elle ressentait allait au-delà du sexe. Elle voulait qu’il prenne
soin d’elle, qu’il l’admire, qu’il la cajole. Elle voulait lui appartenir.
A force d’excitation, une immense lassitude s’empara de son corps. L’adrénaline retombait, l’énergie
dépensée pendant l’orgasme l’abandonnait, la laissant sans la moindre énergie.
Quand la voiture s’arrêta, elle émit un grognement de protestation. Damon lui murmura à l’oreille :
– Ne bouge pas, Serena mienne.
Elle se détendit dans ses bras. Sam ouvrit la portière arrière et Damon se dégagea délicatement de
son étreinte pour sortir. Puis il se pencha sur le siège et glissa les bras sous son corps sans force.
Cette fois, ce fut de plaisir qu’elle soupira, quand il la souleva pour la porter jusqu’à la maison. Dès
qu’ils eurent franchi le seuil, il la déposa très lentement à terre, puis la fit pivoter vers lui et baissa les
pans de son peignoir.
Elle ouvrit la bouche pour protester, mais il la fit taire d’un regard sévère.
– Dans cette maison, je te veux nue à tout instant. Hormis si je décide de te vêtir.
Incrédule, elle se laissa débarrasser du peignoir. L’air brassé par un ventilateur au plafond lui caressa
la peau et la fit frissonner. Machinalement, elle allait porter les mains à ses avant-bras, mais il l’en
empêcha.
– Tu n’as rien à craindre de moi, chuchota-t-il. Tu es une femme magnifique, et je n’ai aucune
intention de cacher cette beauté tant que tu seras sous ma protection, ajouta-t-il en lui serrant les doigts.
– Je dois demander l’autorisation de m’habiller ? ne put-elle s’empêcher de demander.
Il la dévisagea sans un mot, mais son silence en disait long sur ce qu’il pensait de sa question.
– OK, OK, marmonna-t-elle alors.
– Viens avec moi, ordonna-t-il.
Plaçant une main au creux de ses reins, il la poussa légèrement. Jusque-là, elle avait plutôt eu
tendance à rechercher la chaleur protectrice de son corps, mais là, pieds nus sur le plancher, elle
s’arrangea pour garder une distance de sécurité entre eux.
Sans trop qu’elle sache pourquoi, un doute s’emparait d’elle, à présent qu’elle se trouvait sur son
terrain. Une incertitude assez inquiétante.
Ils pénétrèrent dans ce qui était sans doute la chambre de Damon. Il s’agissait en fait d’une immense
suite. Au centre, un grand lit à baldaquin en bois d’ébène imposait son énorme stature, au point qu’à
côté de cet élément majestueux, tout le reste semblait secondaire.
Sur la gauche, une armoire massive était collée au mur, taillée dans le même bois que le lit et que
tous les autres meubles de la pièce, d’ailleurs. Il s’agissait d’un bois riche et sombre, à la fois masculin et
chaleureux.
– Assieds-toi sur le lit, ordonna-t-il.
Elle s’approcha et s’y percha maladroitement, les mains nouées autour des genoux. Damon se
mouvait avec une grâce et une élégance qui contrastaient avec l’animalité et la rudesse qu’il avait
montrées lorsqu’il l’avait prise, à peine une heure plus tôt. En apparence, il était extrêmement délicat,
raffiné même. La quintessence de la culture, du gentilhomme moderne. Mais il y avait aussi un homme
des cavernes caché sous cette apparence policée, un homme mû par ses besoins et ses désirs. Un homme,
tout simplement, qui ne se contentait pas de pis-aller.
Il ouvrit l’armoire, et elle perçut un bruit de vêtements froissés. Au bout d’un moment, il se
retourna, un petit paquet à la main. Intriguée, elle le vit tirer d’une boîte un anneau doré, puis un autre.
Le matelas s’enfonça sous son poids quand il la rejoignit,
– Tourne-toi face à moi.
Elle obtempéra, une jambe pliée contre elle et l’autre pendant hors du lit.
– J’ai décidé de ne pas te mettre de collier, expliqua-t-il.
Machinalement, elle porta la main à son cou, les yeux écarquillés. Elle avait entendu parler des
colliers d’esclaves, et cette pratique lui avait toujours semblé barbare.
– Cependant, j’aime beaucoup l’idée que tu portes la marque de ma propriété. J’ai donc acheté ceci,
ajouta-t-il en agitant les anneaux.
De sa main libre, il lui saisit le bras et fit courir ses doigts sur sa peau, s’arrêtant à mi-chemin entre
le coude et l’épaule. Le contact du métal froid la fit frémir quand il le referma, mais le bijou était très
beau. Large d’environ dix centimètres, féminin et fin à la fois, il était décoré de motifs entrelacés gravés
sur le métal. Et il était parfaitement à sa taille.
Damon se pencha et lui prit un pied dans sa main, qu’il posa sur ses genoux. À nouveau, il lui
effleura la peau d’un geste sensuel et extrêmement doux. Il ouvrit le second anneau et le referma sur sa
jambe, juste au-dessus de la cheville. Il était identique à celui qu’elle portait au bras. Des images de
harem, de filles ornées d’or dansant devant leur sultan apparurent devant les yeux de Serena.
– Aussi longtemps que tu m’appartiendras, tu porteras mes marques, expliqua-t-il. Jamais tu ne les
retireras, même pour te laver.
Elle jeta un coup d’œil à son bras, puis à sa cheville. Elle avait l’impression d’être une autre. N’était-
ce pas le but, d’ailleurs, qu’elle sorte de sa réalité pour vivre son fantasme ?
À nouveau, elle faillit éclater de rire, mais elle parvint à se retenir. Drôle de situation. Elle était là,
nue sur le lit d’un homme qui venait de la marquer, au sens propre comme au figuré, et de lui
commander de rester nue en sa présence.
Elle était complètement folle.
– Commençons par prendre une douche, dit Damon, qui n’avait cessé de l’observer. Je vais nous
faire monter un plateau, nous mangerons au lit ensuite.
– Tu vas nous faire monter un plateau ? répéta-t-elle, moqueuse.
Il avait des domestiques, et ceux-ci allaient la voir nue ? Seraient-ils les témoins de sa servitude ?
Bon Dieu, allait-il exiger qu’ils fassent l’amour sans se cacher des regards indiscrets ?
– Tu commences à paniquer, la gronda-t-il. Détends-toi et laisse-moi prendre soin de toi, Serena.
Elle inspira profondément par le nez, puis expira longuement.
– Désolée, je ne remettrai plus en cause tes décisions.
– Oh, je suis bien certain du contraire, rétorqua-t-il en souriant.
Elle haussa un sourcil, intriguée par la lueur satisfaite qui était passée dans son regard.
– Et que feras-tu alors ?
– J’ai mes méthodes pour te punir, répondit-il d’une voix rauque, sexy en diable.
– Ça ne m’encourage pas vraiment à être sage, murmura-t-elle.
Il secoua la tête.
– On ne joue pas, Serena. Tout ceci n’a rien à voir avec un jeu. Si tu veux t’amuser au chat et à la
souris, à l’esclave désobéissante qui se fait punir par son maître, trouve quelqu’un d’autre. Même s’il
s’agit d’un fantasme et pas de la réalité, tant que tu es avec moi, ce sera réel. A tous points de vue. Je
veux ton obéissance. Je l’attends, ou plutôt je l’exige. L’idée de te punir ne m’intéresse ni ne m’excite.
Donc si tu essaies de me contrarier pour le plaisir de subir ma colère, tu seras déçue.
– Je comprends, acquiesça-t-elle en baissant les yeux sur son anneau. Pourquoi as-tu choisi ceci et
non un collier ? ajouta-t-elle en effleurant les magnifiques dessins.
– Parce que je veux te voir porter les signes de ma propriété, en public comme en privé. Mais un
collier… Je ne souhaite pas t’embarrasser, ni rendre notre relation publique. C’est entre toi et moi,
personne n’a besoin de savoir ou d’imaginer ce qui se passe derrière ces murs. Tout ce qui importe, à mes
yeux, c’est que tu saches que tu m’appartiens. Ce que pensent ou ne pensent pas les autres est sans
intérêt. Je ne suis pas en quête de reconnaissance, je n’ai pas besoin de hurler au monde que tu es mon
esclave.
Sa poitrine se serra. Sans réfléchir, elle se pencha et l’enlaça. Cachant le visage dans son cou, elle
serra Damon contre elle, tout en déglutissant pour essayer de faire disparaître la boule qui s’était formée
dans sa gorge.
– Merci, dit-elle d’une voix rauque.
Il caressa son bras du revers de la main, pour s’arrêter sur l’anneau.
– De rien, répondit-il. J’aime voir sur ton corps la preuve de ton appartenance. Ça me plaît, et
chaque fois que je poserai les yeux sur toi, je serai satisfait de trouver mes signes à ton bras et à ta
cheville. Je ne veux rien de plus.
Lentement, il l’écarta, puis se leva et lui tendit la main, l’invitant à le suivre.
– Viens, je vais m’occuper de ta douche.
Elle le regarda, surprise, mais il se contenta de sourire.
– Avec le temps, tu apprendras à quel point je suis sérieux lorsque je dis que j’ai l’intention de veiller
au moindre de tes besoins.
14

Serena attendait sous le jet d’eau chaude pendant que Damon se déshabillait derrière la porte vitrée.
Son corps musclé attirait irrésistiblement le regard. Mince, tonique, intégralement bronzé.
Même en demi-érection, son sexe était impressionnant. Elle adorait la façon dont il avait rasé les
poils de son pubis. Damon était de ces hommes qui font attention à leur physique sans que cela leur ôte
une once de virilité.
En un mot, il était superbe. Très mâle. Mais pas l’un de ces machos néandertaliens qui ont tout dans
les muscles et rien dans la tête. Il était plus grand qu’elle, mais pas au point qu’elle doive se tordre le cou
pour le regarder.
Il entra dans la cabine de douche. Sans même qu’il la touche, son corps était déjà en alerte. Ses
tétons se dressèrent, comme pour appeler ses caresses. Son sexe puisa et se contracta. Elle avait envie de
lui. Besoin de lui, follement, irrésistiblement.
Il n’y avait rien d’équivoque dans la douceur avec laquelle il entreprit de la laver. Ses longs doigts
glissaient sur sa peau, étalant la mousse du savon. Une fois que chaque centimètre carré de peau fut
recouvert, y compris ses parties les plus intimes, il s’attaqua à ses cheveux.
Méthodiquement, il émulsionna le shampoing, lui massant fermement le cuir chevelu de la pulpe des
doigts. Puis il rinça et l’écarta du jet d’eau pour appliquer le démêlant.
Quand il eut terminé, il lui tendit le savon.
– À présent, tu vas me laver. Je veux sentir tes mains partout sur mon corps.
Son pouls s’accéléra, elle oscilla comme si elle était ivre. Elle saisit le savon d’une main tremblante et
en versa tant bien que mal une bonne dose au creux de sa main libre. Puis elle reposa le savon et posa
timidement les mains sur le torse de Damon.
A peine l’eut-elle touché qu’il ferma les yeux. Enhardie par sa réaction et le plaisir qu’elle éprouvait
à ce contact, elle commença à lui masser les épaules. Puis descendit sur ses abdominaux parfaitement
dessinés.
Évitant son pubis et son sexe déjà tendu, elle lui savonna les jambes. Ensuite, elle s’agenouilla sur le
carrelage pour lui laver les pieds. À cet instant, elle sentit la main de Damon sur sa tête.
Inquiète d’avoir mal agi, elle le regarda, mais ne vit que de la satisfaction dans ses yeux brillants.
– Tu t’agenouilles à mes pieds, murmura-t-il, tu me laves avec une telle douceur… C’est beau,
Serena, tu es belle.
Soudain intimidée, elle baissa la tête et reprit sa tâche. Une fois qu’elle en eut terminé avec les pieds,
elle remonta vers le pubis et le membre érigé. Elle s’apprêtait à se relever, mais elle se ravisa au souvenir
de son air satisfait quand elle s’était agenouillée.
Se haussant sur les genoux, elle prit le pénis de Damon à deux mains.
Il était chaud, plus chaud que l’eau qui ruisselait sur eux. Il se tendit légèrement contre sa main,
alors qu’elle le frottait doucement de haut en bas. Quand elle atteignit la base, elle glissa les doigts plus
loin, jusqu’aux testicules qu’elle fit rouler sur sa paume, s’émerveillant de la douceur de leur peau, de
leur souplesse, par comparaison avec la dureté du membre érigé vers elle.
Elle avait envie de le reprendre dans sa bouche pour le faire jouir, mais une légère tape sur sa joue
l’en empêcha. Elle releva la tête. Avait-il deviné ?
– N’utilise que tes mains, cette fois, ordonna-t-il d’une voix rauque.
Il dévia le jet pour qu’il ne les inonde plus et replaça la main de Serena sur son sexe turgescent.
Elle reprit son va-et-vient, remontant le prépuce sur le gland gonflé avant de le repousser, dévoilant
à nouveau la peau délicate.
– Plus fort, grogna-t-il.
Elle s’exécuta avec plaisir et resserra son emprise en accélérant ses mouvements.
Il se libéra brusquement et la repoussa d’une main autoritaire, tout en saisissant son membre de son
autre main. Immédiatement, le premier jet tiède lui éclaboussa la poitrine.
Haletante, elle le regarda s’activer sur sa hampe en se rapprochant d’elle. Une nouvelle giclée
l’atteignit au creux de la gorge, avant de glisser entre ses seins, jusqu’à son nombril.
Puis une autre, épaisse, s’écoula sur son téton durci et tomba sur le sol.
Tenant toujours son sexe, Damon se pencha encore, jusqu’à lui toucher la bouche.
– Ouvre, dit-il d’une voix rauque.
Elle obéit, et il glissa entre ses lèvres, jusqu’à buter au fond de sa gorge. Alors qu’il allait et venait en
elle, elle avala goulûment les dernières gouttes de sperme qui lui recouvraient le gland.
– C’est bien, chuchota-t-il. Nettoie-moi, Serena mienne.
Pendant de longues secondes, il se balança sur la pointe des pieds, baisant sa bouche en rythme alors
que son sexe perdait peu à peu de sa raideur. Enfin, il se retira et tendit la main pour l’aider à se
redresser.
Avec un air de satisfaction, il observa la coulée de liquide blanchâtre qui lui couvrait la poitrine.
– Lave-toi avec, murmura-t-il. Étale ma semence partout sur toi et comprends que tu es mienne.
Elle baissa les yeux sur la crème qui lui poissait les seins et le ventre, et leva une main hésitante.
Lentement, elle commença à tracer des cercles sur sa peau tiède.
La respiration de Damon devint rauque, et son sexe se dressa à nouveau, comme soudain ressuscité.
Encouragée, elle porta son autre main à sa poitrine humide et étala consciencieusement la semence
sur sa peau. Puis se mit à onduler, emportée par la sensualité de ses propres caresses.
Son corps était hyper sensible. Damon l’avait amenée tout près de l’orgasme en atteignant le sien. Il
ne l’avait pas touchée, et pourtant elle était au bord de l’explosion. C’était une sensation écrasante,
presque douloureuse. Toute proche, si proche, pour peu qu’elle puisse glisser ses doigts un peu plus
bas…
Mais des mains puissantes lui saisirent les poignets pour éloigner ses paumes de sa peau à présent
brûlante. Sans un mot, Damon dirigea le jet d’eau sur elle et commença à lui rincer les cheveux.
Cette fois encore, sans le moindre geste équivoque, il lui lava le corps jusqu’à ce qu’il ne reste plus
aucune trace de son orgasme.
– Reste là, dit-il en coupant l’eau pour sortir de la douche.
Immobile, elle le regarda se sécher rapidement, se frotter les cheveux, avant de jeter la serviette.
Il en prit une autre et tendit la main vers Serena. Quand elle fut sortie, il commença par égoutter
chaque mèche de ses cheveux. Ensuite, il descendit, tapotant délicatement sa peau à l’aide du tissu
moelleux.
Puis il lâcha la serviette et attira Serena contre la chaleur de son corps. Elle se sentait bien, là, contre
lui. Leurs corps s’emboîtaient parfaitement, ses courbes féminines contre ses muscles durs.
Elle sentait le cœur de Damon battre contre sa gorge. Il lui effleurait le dos en une délicieuse caresse
qui descendait doucement sur ses fesses, pour remonter vers ses bras. Sa main droite s’arrêta sur l’anneau
qu’elle portait au bras gauche, et il le caressa, visiblement content de l’ornement qu’elle arborait pour lui.
– Viens, il est temps de te nourrir et de te mettre au lit.
Elle ne put refréner une légère irritation : il la traitait comme une enfant ou un petit animal de
compagnie. Mais alors que ses mains chaudes glissaient sur ses épaules pour la faire pivoter vers la
chambre, son agacement s’évanouit.
Elle fut soulagée de constater que le plateau-repas les attendait déjà sur une table près du lit. Elle
n’aurait donc pas à affronter le regard de l’un de ses employés alors qu’elle se trouvait dans le plus
simple appareil. Drap et couverture avaient été repoussés, et des oreillers rebondis étaient placés à la tête
du lit.
Damon semblait en effet apprécier son petit confort.
Il lui fit signe de monter sur le lit, et ce ne fut qu’une fois installée sur le matelas qu’elle aperçut la
corde et les menottes en satin accrochées à l’un des montants du lit à baldaquin.
Elle se retourna vers Damon, interloquée, mais son visage restait impassible. Il attendait qu’elle
obéisse, elle n’avait pas le choix.
Il attendit patiemment qu’elle s’installe contre les oreillers, puis il lui saisit la main gauche. A la fois
fascinée et sous le choc, elle le regarda attraper la corde et refermer la menotte sur son poignet. Sans un
mot, il prit son autre main et la lui ramena au bas du dos, pour lui passer l’autre menotte.
Même si elle avait désormais les deux mains entravées dans le dos, elle n’envisagea pas de lui
demander comment elle était censée manger. Après son petit discours et l’affirmation répétée qu’il
veillerait à ses moindres besoins, elle avait une vague idée de la façon dont elle allait avaler sa nourriture.
– Tu es bien installée ? demanda-t-il en se relevant.
Elle hocha la tête. Oui, elle était bien. Le lit était merveilleusement doux, ni trop moelleux ni trop
dur. Il l’enveloppait, comme un berceau construit à sa mesure. On devait bien y dormir.
Satisfait de sa réponse, il se dirigea vers le plateau, de l’autre côté du lit. Il s’assit tout près d’elle et
passa un moment à préparer un assortiment des mets proposés sur le plateau. Ensuite, il s’installa en
tailleur contre les oreillers et posa l’assiette sur ses genoux.
Du poulet rôti, des pommes de terre sautées et une portion de gâteau au chocolat à faire se damner
un saint. Et le tout sentait divinement bon.
Damon découpa le poulet, préparant de petites bouchées. Quand il eut fini, il en piqua une avec la
fourchette et l’approcha des lèvres de Serena.
L’espace d’un instant, elle le fixa, étonnée de ne pas se sentir mal à l’aise dans cette situation.
Patiemment, il attendit qu’elle finisse par ouvrir la bouche et il inséra délicatement la fourchette à
l’intérieur.
Elle n’en revenait pas qu’il parvienne à la nourrir alors même qu’elle était entravée et nue sur son lit.
C’était un acte intime et plein d’amour, dont chaque geste était empreint de tendresse, d’attention.
Comment se sentir ridicule, dans ces conditions ?
Plus étonnant encore, ce besoin qu’il s’occupe d’elle. Dès qu’il lui tendait une bouchée, elle avait
faim de la suivante, pas pour la nourriture elle-même, mais pour l’attention que lui témoignait Damon.
Il alternait, une bouchée pour elle, et une pour lui. Elle regardait chaque fourchetée disparaître dans
sa bouche, ses lèvres glisser sur les dents de la fourchette qu’elle venait de lécher. Et le couvert était
encore chaud de sa bouche quand il le lui présentait à nouveau.
En le retirant de sa bouche, il le laissait glisser doucement sur son menton, puis sur son cou et sa
poitrine. Le contact du métal était légèrement piquant, abrasif contre sa peau, et provoquait un frisson
dans son sillage.
Il coucha la fourchette sur la pointe de son sein et, très délicatement, effleura le téton.
Immédiatement, ses épaules furent prises de tremblements, ses seins gonflèrent, le bout durci frottant
contre le métal. Quand il retira la fourchette, elle haletait. Combien de temps encore supporterait-elle ses
taquineries avant que son besoin de jouir ne la rende folle ? Tout son corps la faisait souffrir. Son clitoris
puisait douloureusement, ses seins étaient tendus à l’extrême, et le moindre effleurement devenait une
torture.
Il termina tranquillement son assiette, lui donna encore trois bouchées, puis il éloigna le chariot du
lit.
Quand il roula vers elle à nouveau, il lui passa les mains dans le dos pour la libérer. Mais avant
qu’elle ait eu le temps de ramener les bras devant elle, il les lui étendit au-dessus de la tête et referma les
menottes.
– Trouve une position confortable, suggéra-t-il. Maladroitement, elle glissa vers le bas pour se
retrouver allongée sur le dos, la tête reposant sur les oreillers moelleux. Il vérifia ses liens et lui ordonna
de rouler de droite et de gauche. Satisfait de constater qu’elle parvenait à bouger librement, il s’écarta et
lui passa une main le long du corps.
Puis il s’allongea sur le flanc, le coude replié et la tête sur la main, pour la contempler d’un air ravi.
– Avant que l’on s’endorme, je crois qu’il vaut mieux que je te précise mes attentes, afin que tu ne
sois pas surprise, plus tard, dit-il.
Elle leva un sourcil étonné. Il avait été plutôt clair sur ses attentes, pourtant. Que pouvait-il y avoir
de plus ? Elle se garda néanmoins de poser la question et attendit sagement qu’il poursuive.
Il sourit.
– Tu as failli émettre une objection, constata-t-il J’admire ta maîtrise. Mais surtout, je suis content
que tu cherches à me satisfaire.
Ne sachant trop que répondre, ni même s’il attendait une réponse, elle garda le silence.
– Le sexe, enchaîna-t-il. Ton corps est à moi, j’en use donc à ma guise. Ce qui signifie que je te
prends quand je veux, comme je veux, parfois en ayant ton plaisir comme objectif, parfois le mien. C’est
moi qui décide du moment où tu atteins l’orgasme.
Il s’interrompit, comme s’il s’attendait à ce qu’elle réagisse, mais elle n’avait pas besoin de poser la
moindre question. C’était clair : il la voulait docile, elle ferait donc de son mieux pour lui obéir.
Une fois de plus, il eut l’air satisfait qu’elle se contente de l’écouter.
– J’aime tout particulièrement faire l’amour au réveil, quand j’ai encore les idées un peu embrumées,
mais que mon corps réclame la douceur d’une femme. Je te chevaucherai alors que tu seras attachée à
mon lit, incapable de résister, obligée de m’offrir ce que je voudrai.
Elle ferma les yeux et serra ses cuisses l’une contre l’autre, dans une vaine tentative de soulager la
brûlure. Bon sang, il allait la faire jouir rien qu’en parlant !
D’un doigt, il suivit l’arrondi de son sein, puis traça des cercles exquis autour de son téton.
– Tu t’étonnais que je te veuille nue à tout instant. L’une des raisons est que le corps de la femme est
pour moi une forme d’art très pure. J’aime pouvoir l’admirer. J’aime le regarder tout à loisir, surtout
quand je sais qu’il m’appartient. Mais la raison principale, c’est que je veux pouvoir accéder à ton corps
sans aucune barrière. Savoir que je peux te prendre quand je veux, comme je veux. Je peux profiter de ta
bouche, de ton sexe, de ton anus, sans avoir plus d’effort à faire que de te basculer par-dessus le canapé
ou ma chaise, ou t’agenouiller à mes genoux. Je peux te coller au mur et te prendre par-derrière. Tu ne
me refuseras rien. Je ne l’accepterai pas. À moins que tu ne sois blessée ou malade, ou que tu me dises «
non ». Si tu prononces ce mot, tout sera alors fini. Donc tu vois, Serena, en dépit de tout le pouvoir que
tu m’as octroyé, la suite reste entre tes mains. Tu as le contrôle total de ton fantasme, parce qu’il te suffit
d’un terme pour qu’il prenne fin.
Elle se sentait au bord d’une violente extase. Elle allait jouir, alors qu’il ne lui avait touché que les
seins. Les images qu’il venait d’évoquer, celles d’étreintes multiples et variées, lui traversaient l’esprit
comme des flashs. Son ventre tremblait. Bon Dieu, ça venait, et elle était totalement incapable de se
contrôler !
Alors qu’elle tentait de combattre l’inévitable, Damon se jeta sur elle sans crier gare et lui écarta les
cuisses d’une main impatiente. Il plongea en elle, et le cri de surprise qu’elle étouffa se changea très vite
en un cri aigu de plaisir. Dès que le sexe de Damon atteignit les profondeurs de son vagin, son orgasme
éclata avec une férocité incroyable.
Son regard se brouilla et, dans une sorte de semi-conscience, elle sentit Damon s’arquer sur elle, ses
hanches heurter les siennes de plus en plus vite, de plus en plus fort. Son corps ne lui appartenait plus. Il
s’était brisé en mille morceaux. Son plaisir l’emplissait, et Damon continuait ses va-et-vient, plus
profonds, plus violents. Sans merci.
Sa vulve, sensible et encore sous le choc de l’orgasme, protesta sous les incessants coups de boutoir.
Un grognement monta du fond de la gorge de Serena, sans qu’elle sache vraiment si c’était de la
douleur ou du plaisir qui lui martelait le ventre.
– S’il te plaît, lâcha-t-elle d’une voix rauque.
Elle-même n’était pas sûre de ce dont elle l’implorait : qu’il arrête ou qu’il continue.
– Ton corps est à moi, rétorqua-t-il. Je prends ce qui est à moi.
– Oui, il est à toi, murmura-t-elle.
Il accéléra encore le mouvement, frappant si fort contre ses hanches qu’elle se retrouva bientôt à se
cogner la tête contre le montant du lit.
Il passa les mains sous elle et lui empoigna les fesses, faisant basculer ses hanches vers le haut pour la
pénétrer encore plus profondément.
Elle lâcha un soupir quand un liquide brûlant la combla. Elle le sentit onduler et se raidir sous les
spasmes de l’orgasme. Longtemps, il resta collé à elle, en elle, pendant qu’elle recevait les dernières
gouttes de liquide.
Enfin, son corps retomba comme une couverture sur le sien. Enfouissant le visage dans son cou, il
reprit péniblement son souffle. Et il resta là, alors même qu’elle avait les mains liées au-dessus de la tête,
les jambes écartées. L’homme qu’elle aimait gisait entre ses cuisses, contre son ventre rempli de son
sperme.
Elle le sentait encore dur en elle, et il ne semblait pas pressé de se retirer.
– Dors, Serena, murmura-t-il en lui mordillant affectueusement le cou. Cette nuit, je vais dormir en
toi, pour te rappeler que tu m’appartiens. Demain matin, une fois que je t’aurai prise à nouveau, je te
baignerai et te laverai de ma semence.
15

Pendant la nuit, Damon roula sur le côté, et Serena se rendit vaguement compte de son mouvement
mais, très vite, elle retomba dans une profonde léthargie.
Quand elle s’éveilla, ce fut sous le poids de mains avides qui cherchaient ses seins, pour descendre
vers ses hanches. Elle cligna les yeux et les ouvrit complètement lorsque Damon se hissa sur elle en lui
écartant les jambes.
Impatiemment, il positionna son membre à l’orée de sa fente, tellement impatiemment, d’ailleurs,
qu’il heurta d’abord son clitoris avant de trouver l’entrée. Enfin, il glissa profondément en elle, et elle
poussa un soupir. Cette fois, elle était complètement réveillée. Les restes de la nuit passée avaient séché
entre ses cuisses, mais à l’intérieur, ils humidifiaient les parois de son vagin encore chaud, en facilitant
l’accès.
Elle tira sur ses liens, mais Damon tenait bon et son poids sur elle l’empêchait de remuer, pendant
qu’il cherchait à profiter de son corps.
Il n’y avait aucune finesse dans ses mouvements, aucun désir de lui donner du plaisir à elle. Et
pourtant, bizarrement, cette rudesse et cette crudité redoublèrent son excitation. Même s’il lui donnait
de violents coups de reins, les yeux fermés et la mâchoire serrée, elle sentait son vagin s’enflammer de
désir.
Fascinée, elle regardait les muscles de Damon se tendre à chaque mouvement. Ses mains
s’accrochaient désespérément à ses hanches, puis à sa taille et, sans répit, il s’enfonçait en elle.
La vulnérabilité de sa position, du fait qu’elle était incapable de bouger, avait éveillé en elle un désir
inouï. Il se servait d’elle, il n’y avait pas d’autre mot pour décrire ses actes et, pourtant, elle se sentait
étrangement satisfaite. Forte, même.
Elle s’enfonçait de plus en plus fort dans le matelas, les fesses bronzées de Damon ondulant sur elle.
Chair contre chair. Le seul bruit qui troublait le silence de la pièce était le claquement répété de leurs
corps en contact, et les grognements étouffés qu’il laissait s’échapper d’entre ses lèvres serrées.
En s’arc-boutant sur elle dans un dernier assaut, il lui écarta davantage les cuisses, et elle ne put
retenir un cri quand il s’enfonça incroyablement loin dans l’étroit fourreau.
Mais au lieu de se retirer, il resta collé à elle, alors qu’il se répandait en elle. Chaque centimètre carré
de son vagin ressentait sa présence, tellement elle était tendue. D’autant qu’elle était encore sensible, vu
les événements de la veille.
Son clitoris se contractait, avide d’être soulagé, lui aussi. Mais elle restait immobile, son corps
consentant à n’être qu’un réceptacle.
Avec un soupir de regret, il se retira enfin, entraînant une coulée de liquide blanchâtre avec lui. Il
s’agenouilla entre ses jambes, poussant sur ses genoux pour qu’elle lui dévoile entièrement son sexe. Et il
la regarda, avec un air extrêmement satisfait.
– Tu es si belle, murmura-t-il. Avec ta fente enflée, rougie et luisante de mon sperme.
Tout en parlant, il y avait glissé un doigt. Il le retira et le lui montra. Puis il se pencha et suivit le
contour de sa bouche, lui laissant une trace humide sur les lèvres.
– Lèche, souffla-t-il. Lèche mon sperme sur tes lèvres, Serena mienne.
Lentement, elle s’exécuta.
– Tu m’as donné du plaisir, dit-il.
Elle se contenta de sourire, trop tremblante, trop à fleur de peau pour réussir à parler.
– Voudrais-tu jouir toi aussi, Serena ? demanda-t-il de sa voix de miel.
– S’il te plaît, murmura-t-elle.
Tendant le bras au-dessus d’elle, il lui délia les mains et les prit gentiment entre les siennes.
Délicatement, il les plaça contre son ventre.
– Ça va ? s’inquiéta-t-il.
Tout en tournant ses poignets engourdis pour faire circuler le sang dans ses doigts, elle opina du
chef. Il lui prit la main gauche et la lui posa sur le sexe.
– Touche-toi, fit-il d’une voix rauque. Je veux que tu te fasses jouir pour moi.
Il glissa hors des draps et se planta au pied du lit, sans la lâcher des yeux. Un peu maladroitement au
début, elle enfonça la main entre ses jambes et écarta les lèvres de sa vulve.
La chair dégoulinait de semence, et ses doigts glissèrent aisément entre les replis de son intimité.
Elle s’était déjà masturbée, bien sûr, mais jamais devant autrui. Et pourtant, elle voulait, elle avait
désespérément besoin de jouir. Alors peu importait qui la regardait.
Elle fit rouler son majeur sur son clitoris gonflé, lâchant un gémissement quand son corps tout
entier se crispa. Elle avait trouvé le point sensible et tournait autour en petits cercles. Son sexe réagit
immédiatement, puisant et se crispant.
Damon vint se placer sur le côté du lit, visiblement fasciné par le spectacle. Il se pencha et lui saisit
un téton entre ses dents.
Elle arqua le dos et ses doigts accélérèrent leur mouvement de va-et-vient. Il continua, suçant et
mordillant plus fort, lui causant un délicieux tourment.
Elle se mit à haleter de plus belle, son corps ondulait comme un élastique particulièrement tendu.
Elle se caressa plus vite, il suça plus fort, jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus contrôler les mouvements de
son corps. Ses hanches montaient et retombaient, comme si on la baisait pour de vrai.
Alors, il lui planta les dents encore plus énergiquement dans le mamelon, et elle perdit la tête. Elle
bascula dans un orgasme qui irradia tout son corps comme un feu d’artifice.
Pendant quelques secondes, elle continua à agiter frénétiquement la main, mais la sensation s’avéra
bientôt insoutenable. Elle ralentit, continuant à se caresser lascivement tout en quittant les brumes de
l’extase. Damon arrêta lui aussi ses mouvements et posa simplement la tête sur sa poitrine.
De sa main libre, elle s’enhardit à lui toucher le front, passant les doigts dans ses cheveux. Puis elle
dessina le contour de sa tempe, descendant jusqu’à la mâchoire, et quand elle lui effleura les lèvres, il lui
embrassa le bout des doigts.
– Ah, tu me fais plaisir, Serena mienne, murmura-t-il contre sa poitrine.
Elle esquissa un sourire, trop épuisée pour faire plus.
– Tu me fais plaisir toi aussi, Damon. Visiblement à contrecœur, il releva la tête.
– Viens, je vais te baigner. Ensuite nous descendrons petit-déjeuner.
16

Après une longue douche durant laquelle, une fois de plus, Damon prit les rênes et lava
consciencieusement chaque centimètre carré du corps de Serena, il la sécha et l’assit sur le lit, entre ses
jambes, pour lui brosser les cheveux.
Quand il reposa la brosse, les mèches brillaient, et il les caressa avec délectation.
– Tu as des cheveux magnifiques. Je ne crois pas en avoir jamais vu d’aussi noirs et brillants.
Elle sourit de plaisir pendant qu’il continuait à faire courir délicatement ses doigts dans leur masse
soyeuse.
Finalement, il se leva et lui tendit la main. L’ayant attirée à lui, il s’écarta pour l’observer. À présent,
sa nudité ne la dérangeait plus autant que la veille. Du moins, jusqu’à ce qu’ils se dirigent vers la cuisine,
et qu’elle songe à la présence des employés.
Quand Sam les croisa dans la salle à manger, elle se précipita derrière Damon. Sam se contenta de
hocher la tête en réponse au salut de son employeur et poursuivit son chemin vers la porte d’entrée,
comme si de rien n’était.
Dès qu’il fut sorti, Damon se tourna vers elle et lui prit les mains.
– Tout cela est nouveau pour toi, Serena, c’est pourquoi je serai patient, expliqua-t-il gentiment.
Mais tu ne dois cacher ton corps sous aucun prétexte.
– Pourtant, tu as dit que tu serais le seul qui devrait, qui pourrait regarder…
Il lui posa un doigt sur les lèvres.
– Je serai le seul à te toucher, Serena. Le seul à te prendre dans mes bras, le seul à te posséder. Les
gens qui travaillent pour moi sont discrets et ne te dévisageront pas. Au bout d’un moment, tu ne te
rendras même plus compte que tu es nue devant eux.
Elle allait protester à nouveau, mais il la devança :
– Tels sont mes souhaits, et tu t’y soumettras, décréta-t-il d’un ton autoritaire.
Le mot « non » dansa dangereusement au bord de ses lèvres, mais elle se souvint alors que Damon
avait été très clair à ce sujet : au moment où elle prononcerait ce terme, tout prendrait fin. Il avait été
honnête, l’avait avertie qu’il la pousserait dans ses retranchements, qu’il était exigeant et arrogant.
Pourtant, elle pouvait dire « non ». Et si elle décidait de le faire, il se retirerait immédiatement.
L’inconvénient, c’était qu’alors elle perdrait tout : son fantasme et la chance de satisfaire ses désirs les
plus profondément enfouis.
– Oui, souffla-t-elle alors.
Souriant, il lui reprit la main et se pencha pour déposer un très léger baiser sur ses lèvres. Il lui serra
la main en l’embrassant, preuve éclatante que sa réponse l’avait satisfait.
Un frisson enivrant lui parcourut la poitrine. Elle aimait tellement le satisfaire…
Après un dernier baiser, il l’entraîna à la cuisine. Ils traversèrent un élégant salon avant d’atteindre la
vaste cuisine dînatoire, si belle qu’elle regretta presque de ne pas savoir cuisiner. Presque. Car si elle ne
possédait pas cette compétence-là, elle ne s’en formalisait pas non plus.
Une petite table avait été dressée dans une jolie alcôve, devant une baie vitrée fort heureusement
équipée de volets baissés. On avait préparé leur petit déjeuner, et une sélection de beignets, de céréales,
de pain, d’œufs et de viennoiseries les attendait, avec des jus d’orange et de raisin.
Puis elle remarqua qu’il n’y avait qu’une chaise. Les sourcils froncés, elle jeta un coup d’œil au
carrelage. Il n’allait pas la faire asseoir par terre, tout de même ?
Il la poussa vers la table. Tirant la chaise, il s’assit et l’installa sur ses genoux, de façon que son flanc
soit collé contre son torse.
– Tu comptes me nourrir tout le temps ? s’étonna-t-elle.
C’était sympa parfois, mais à tous les repas, cela risquait de lui taper sur les nerfs, au bout d’un
moment.
– Je te nourrirai quand j’en aurai envie, répondit-il simplement. Or ce matin, j’en ai envie.
Elle ne put réprimer un sourire. Il pouvait vraiment être énervant, ce type. D’un calme olympien et
terriblement sûr de lui, voilà ce qu’il était. Or, si agaçant que cela puisse être, elle adorait les hommes
sûrs d’eux. À la limite de l’arrogance, c’était encore mieux. Sauf que lui avait largement dépassé la limite.
Il était totalement arrogant, absolument masculin, sexy en diable. Et il baisait comme un dieu.
Elle émit un petit gémissement de plaisir et appuya la tête contre son torse.
– Tu préfères du jus d’orange ou de raisin ? demanda-t-il.
– Raisin, s’il te plaît.
Il en versa dans un petit verre qu’il porta à ses lèvres, le penchant juste assez pour qu’elle puisse
boire sans en renverser. Il la laissa avaler plusieurs longues gorgées, puis le retira.
– Assez ?
Elle hocha la tête en se léchant le contour des lèvres.
Il alterna les cuillerées d’œufs et de céréales, puis coupa un morceau de gâteau et le lui tendit. À
plusieurs reprises, il s’essuya doucement les doigts sur sa langue. Qui eût cru que l’acte de nourrir
quelqu’un puisse être aussi sensuel ?
Elle remarqua qu’il n’avait pas encore mangé grand-chose, alors qu’elle était déjà presque gavée. Ce
qui lui donna une idée. Après tout, même si elle était censée être son esclave, il s’était comporté jusqu’à
présent comme si c’était lui l’esclave, et elle, la reine.
Lorsqu’il lui proposa un autre morceau de gâteau, elle posa une main sur la sienne. D’un air surpris,
il la regarda le lui prendre des mains et le lui présenter.
Il ouvrit la bouche et elle y inséra les doigts, déposant le morceau sur sa langue, dont elle éprouva la
chaleur. Quand elle voulut retirer ses doigts, il referma la bouche et les suça légèrement.
Oh, bon sang, maintenant elle comprenait pourquoi il aimait tant lui donner la becquée !
Encouragée par sa réaction, qui lui indiquait clairement qu’elle n’avait pas dépassé les bornes, elle saisit
la fourchette et saisit un morceau d’œuf.
Elle l’approcha de sa bouche, mais il éloigna la fourchette et indiqua :
– Tes doigts. Utilise tes doigts.
En souriant, elle retira l’aliment de la fourchette et le porta à sa bouche, aussi rapidement que
possible, mais un peu de jaune lui coula néanmoins sur le menton. Alors, quand il lui eut sucé le doigt,
elle se pencha et nettoya sa bêtise à coups de langue.
Il ferma les yeux, et son corps se tendit contre elle. Décidément, il aimait beaucoup cela.
Elle tendit la main vers le jus de fruit.
– Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-il en lui touchant le poignet.
Le ton n’était pas sévère, juste curieux.
– Je suis ton esclave, se justifia-t-elle. Ne suis-je pas censée m’occuper de toi et veiller à tes besoins ?
Une lueur éclaira les yeux de Damon. Primale et sombre à la fois. Ses pupilles se dilatèrent un
instant.
Elle approcha le verre, et il entrouvrit les lèvres pour qu’elle lui verse le liquide dans la bouche. Pas
un instant il ne la quitta des yeux. Après avoir retiré le verre, elle essuya délicatement une goutte au coin
de sa bouche.
Il la saisit par la main et déposa un baiser au creux de sa paume.
– Tu aimes qu’on te nourrisse, remarqua-t-elle. Il esquissa un sourire.
– Personne ne s’était jamais proposé de prendre soin de moi avant. Je me rends compte que
j’apprécie cela, oui.
Elle lui effleura la joue et suivit le contour de sa mâchoire puissante.
– Dans ce cas, j’espère que nous pourrons faire donnant-donnant. Je souhaite vraiment te complaire,
non seulement en assouvissant tous tes désirs, mais aussi en prenant soin de toi et en veillant sur tes
besoins comme tu veilles sur les miens.
Il eut l’air ébahi. Un bref instant, il parut même déstabilisé, mais il cligna des yeux et se reprit
immédiatement. Visiblement, elle lui avait cloué le bec. Mais il semblait surtout touché par sa requête.
– J’aimerais beaucoup ça, dit-il tout bas.
Elle sourit. Il tendit la main et lui effleura les lèvres.
– Tu as un si joli sourire, ajouta-t-il. Il éclaire ton visage et donne à tes yeux une incroyable nuance
de bleu.
Ils restèrent un long moment à se dévisager, comme si chacun cherchait à lire dans l’âme de l’autre.
Enfin, il lui toucha la joue et pencha la tête, elle bougea à son tour, et leurs lèvres se frôlèrent. Alors
il posa les mains de part et d’autre de son visage et, enfin, ses lèvres sur les siennes.
Ce fut beaucoup plus fort qu’elle ne l’aurait imaginé. Ce premier contact avec les lèvres de Damon
provoqua un choc électrique qui se propagea au plus profond d’elle-même. Ce n’était pourtant qu’un
simple contact, si doux qu’elle soupira.
Il la traitait comme un précieux vase de cristal. Sa langue, d’abord timide, lui lécha les lèvres, comme
pour la convaincre de s’ouvrir à ses avances. Elle obtempéra volontiers, entrouvrant la bouche pour le
laisser entrer.
Le goût sucré du jus de raisin lui emplit la bouche quand leurs langues se rencontrèrent. Ce n’était
pas un baiser fougueux, passionné, vorace. Non, il était chaud et lent, aussi langoureux qu’une journée
d’été.
Confort. S’il y avait un mot qui décrivait le sentiment qui lui inonda le cœur, c’était celui-là : confort.
Complicité. Confiance. Bizarrement, ce furent bien ces mots qui lui vinrent à l’esprit, alors qu’elle
s’abandonnait à l’exquise douceur de ses lèvres sur les siennes.
Tous deux haletaient, mais ni l’un ni l’autre n’interrompit l’étreinte. Elle noua les bras autour de son
cou et lui, les mains toujours sur son visage, l’attira plus près encore. Le silence fut empli par le doux
chuintement de leurs lèvres, la succion de leurs langues.
Voilà qui allait bien plus loin qu’une relation de maître à esclave, qu’un fantasme ou une histoire de
sexe débridé. En cet instant, un lien tangible était en train de se nouer, un lien qu’elle ne voulait jamais
rompre. Il y avait tant de sentiment dans ce baiser qu’elle désirait le voir durer toujours.
À bout de souffle, elle s’écarta, juste le temps d’avaler une goulée d’oxygène avant qu’il ne la réclame
à nouveau. Il colla les lèvres au coin de sa bouche et y déposa une ligne de baisers, remontant le long de
sa mâchoire jusqu’à la peau plus tendre derrière l’oreille, pour redescendre dans son cou.
Elle ferma les yeux et leva la tête pour lui offrir sa gorge. Lentement, il remonta vers son menton,
pour terminer sur sa bouche. Il l’embrassa à nouveau, plus profondément cette fois, avec une sorte de
sauvagerie.
Jamais elle n’avait reçu pareil baiser. Pas un simple bisou. Pas non plus un mélange écœurant de
langues. Pas une rencontre maladroite de lèvres impatientes. Cet homme-là savait embrasser, c’était le
moins que l’on puisse dire.
– Je passerais volontiers la matinée à ça, murmura-t-il en s’écartant un peu.
Il respirait profondément, et elle voyait bien qu’il était aussi touché qu’elle.
– Moi aussi, avoua-t-elle en se blottissant dans ses bras.
– Tu as assez mangé ?
– Oui, et toi ?
Il lui caressa le bras.
– Oui, grâce à toi. Je crois que je pourrais me faire à l’idée d’être un homme entretenu.
Elle sourit.
– Un homme entretenu, toi ? Avec ta manie de tout contrôler ?
– Tu doutes de tes capacités, Serena mienne. Il faudrait être fou pour refuser qu’une femme comme
toi prenne soin de moi. Plus le temps passe, et plus j’envisage le mois à venir avec plaisir.
Elle sentit ses joues s’empourprer. Ses mots lui faisaient toujours un effet fou. Elle avait eu sa dose
de relations. Des coups de cœur aux plus légères, en passant par tout l’éventail entre les deux, mais
jamais elle ne s’était sentie aussi appréciée que depuis qu’elle était avec Damon. Il semblait totalement
improbable qu’une telle connexion entre eux, si vite, se soit opérée mais, pourtant, il n’y avait pas de
doute, elle était bien là.
Il lui donnait envie de faire les efforts nécessaires à son bonheur, car elle n’aspirait qu’à une chose :
voir encore la lueur satisfaite qu’elle avait déjà aperçue dans ses yeux.
– Je vais avoir besoin de t’habiller, annonça-t-il soudain.
Elle se redressa et haussa un sourcil étonné.
– Je croyais que tu me voulais nue à tout moment ? Il éclata de rire.
– Si alléchante que soit l’idée, je ne peux tout de même pas t’emmener dans un lieu public vêtue des
seuls bijoux que je t’ai offerts, dit-il en passant une main joueuse sur sa croupe, qu’il pinça légèrement. Je
t’emmène faire les boutiques. Il te faut des tenues adaptées, pour le mois à venir.
– Un homme qui aime faire les boutiques… Mais où va le monde ?
– Et en plus, j’aime dépenser de l’argent pour ma femme, ajouta-t-il avec un clin d’œil.
– Dans ce cas, je m’habillerai avec plaisir, lui dit-elle avec un grand sourire.
Alors qu’il l’aidait à se relever, elle se souvint tout à coup qu’elle avait promis d’appeler Julie.
Connaissant son amie, Julie n’hésiterait pas à envoyer les flics frapper à la porte de Damon si elle
manquait à sa promesse.
– Damon, je dois passer un coup de fil à mon amie Julie, que tu as rencontrée au Cattleman’s. Elle
n’était pas loin de penser que tu étais un serial killer, donc si je ne lui téléphone pas, elle risque d’appeler
la police.
Damon éclata de rire.
– Je t’en prie, appelle-la. Elle m’a l’air d’une vraie tigresse.
– Elle veut bien faire, répliqua-t-elle en souriant. Et elle a un grand cœur, même si ce n’est rien à
côté de son bagout.
– Je te laisse passer ton coup de fil. Pendant ce temps, je monte te chercher des affaires, dit-il en se
levant. Viens dans mon bureau, tu seras plus au calme.
Elle noua volontiers sa main à celle qu’il lui tendait et le suivit. Après la salle à manger, il la fit entrer
dans une petite pièce et lui indiqua son bureau.
– Prends tout le temps qu’il te faut. Je t’attendrai dans la pièce principale, juste là, tu n’auras qu’à m’y
rejoindre quand tu auras fini.
Il déposa un baiser sur son front, avant de quitter la pièce à grandes enjambées, refermant la porte
derrière lui.
17

Julie raccrocha le téléphone, rassurée que son amie soit toujours en vie et en pleine forme. Serena
n’avait donné aucun détail, mais elle semblait sacrément enthousiaste, pour quelqu’un qui venait de
passer sa première nuit en tant qu’esclave. Une fois encore, elle se demanda si elle n’avait pas balayé
l’idée de la soumission un peu trop vite.
Mais non, vraiment, ce n’était pas pour elle, ce truc.
Secouant la tête, elle jeta un coup d’œil au téléphone. Serena lui avait demandé si elle avait appelé
Nathan et, bien sûr, elle avait prétendu que oui. Pas question que son amie la prenne pour une poule
mouillée. Elle continuerait à nier même s’il lui poussait des plumes !
N’empêche, elle n’aimait pas l’idée d’être devenue aussi trouillarde.
Elle saisit le combiné et composa le numéro que Nathan avait indiqué sur sa fiche de
renseignements pour le salon. N’ayant pas la moindre idée de l’endroit où elle allait tomber, elle espérait
néanmoins que ce serait un numéro personnel.
Se maudissant de sa nervosité, elle porta le combiné à son oreille et laissa s’égrener les sonneries. A
la troisième, on décrocha et elle retint son souffle.
– Nathan Tucker.
– Bonjour, Nathan, c’est Julie. Julie Stanford, euh… du salon de beauté… de massages.
Bon sang ! Comment pouvait-elle être aussi nulle ? Pour ne rien arranger, un long silence s’ensuivit,
comme si Nathan essayait de se rappeler qui elle était.
– Ah, salut Julie. Je suis désolé de n’avoir pas rappelé pour reprendre rendez-vous, mais j’ai été très
occupé.
– Non, fit-elle un peu trop précipitamment. Enfin, je veux dire, ce n’est pas pour ça que j’appelle. Je
voulais te remercier de m’avoir raccompagnée chez moi, l’autre soir.
– Pas de problème, je l’ai fait avec plaisir, répondit-il de sa voix pleine de charme.
– Je voulais te poser une question, commença-t-elle.
– J’écoute.
Elle ferma les yeux, regrettant déjà son acte de bravoure.
– Est-ce que quelque chose s’est passé, ce soir-là ? Est-ce que je me suis mal conduite ?
Jésus Marie Joseph ! On croirait un politicien véreux qui s’excuse de s’être fait prendre au lit avec
une prostituée.
– Je ne comprends pas, répondit Nathan, sur un ton qui ne laissait aucun doute quant à son
honnêteté.
– Est-ce que je t’ai sauté dessus ? Violé ? Bref, est-ce qu’on a fait l’amour ? lâcha-t-elle
impatiemment.
– Bon Dieu, mais jamais de la vie !
Pas besoin d’avoir l’air aussi écœuré !
– Dans ce cas, comment… Pourquoi est-ce que je me suis réveillée nue, le lendemain matin ?
demanda-t-elle calmement.
– Bordel ! hurla-t-il.
Dans un sursaut, elle éloigna l’appareil de son oreille.
Quelques autres insultes s’ensuivirent, ponctuées de jurons étouffés. Il avait dû poser l’écouteur
contre sa chemise.
– Désolé, je parlais à quelqu’un d’autre, s’excusa-t-il quand il reprit enfin la ligne, avant de
recommencer à crier : Micah, enfoiré, je te jure que je vais te botter le cul !
– Désolée, je te dérange, on dirait, dit-elle, suffisamment fort pour qu’il l’entende.
– Non, non, c’est moi qui te dois des excuses. C’est encore une blague à la con de Micah. Pour l’autre
nuit, rien ne s’est passé, Julie. Si j’avais imaginé que tu t’inquiéterais, je t’aurais appelée. Tu étais un peu
pompette, alors je t’ai mise au lit. Et comme quelqu’un avait renversé de la bière sur ton tee-shirt, je t’ai
déshabillée. Mais je n’ai pas regardé, juré !
– Ah oui, et pourquoi ? jeta-t-elle, emportée par l’exaspération. Je suis si moche que ça ?
– Quoi ? Non, bon sang ! Putain, mais qu’est-ce… ? bafouilla-t-il.
Et voilà, il ne savait plus comment s’en tirer, et cherchait une porte de sortie acceptable.
– Je vais te laisser, marmonna-t-elle.
– Attends, Julie, ne raccroche pas.
Elle appuya sur le bouton rouge, coupant court à la conversation. Mortifiée, elle éteignit le
téléphone, au cas où il aurait la mauvaise idée de rappeler.
Reposant l’appareil, elle ferma les yeux, dégoûtée. A cet instant, elle aurait donné cher pour être une
petite souris et rentrer se cacher dans son trou jusqu’à ce que mort s’ensuive. Mais ils étaient où, les
trous de souris, quand on en avait besoin ?

Confortablement installée sur le siège arrière de la Bentley, serrée contre le flanc de son amant,
Serena se sentait belle. Objectivement, elle était belle.
Pour l’emmener à la Galleria, Damon avait choisi, parmi les deux tenues qu’elle avait apportées, une
robe sans manches toute simple et une paire de sandales. Elle avait déjà porté cette tenue, mais jamais
elle ne s’était sentie aussi femme dedans.
Les anneaux qu’elle arborait à l’avant-bras et à la cheville étaient ainsi magnifiquement mis en valeur,
et lui donnaient un air exotique. Elle adorait leur contact et leur aspect sur sa peau. Et le fait qu’ils
symbolisent son appartenance à un homme ajoutait un frisson secret qui n’était pas pour lui déplaire.
Il ne lui fallut pas longtemps pour déceler quels étaient les goûts vestimentaires de Damon. Et elle
devait bien avouer qu’il avait l’œil pour sélectionner ce qui mettait son teint et sa silhouette en valeur.
Il lui choisit des chemisiers de soie tout simples, ressemblant presque à des tuniques de plage,
quelques tee-shirts de forme droite, plusieurs robes plus habillées et un fourreau noir très élégant.
Après lui avoir pris des chaussures assorties, il l’emmena au spa, où il demanda au personnel de lui
prodiguer un massage et un soin complet pour le corps. Même ses ongles de pieds eurent droit à du
vernis rose fuchsia.
Quand elle ressortit, tous ses muscles étaient parfaitement détendus. Elle se sentait délicieusement
molle, et n’avait qu’une envie : se blottir contre Damon.
D’une main, il portait les sacs contenant leurs emplettes, et son autre bras lui enlaçait la taille.
Quittant ainsi le spa appuyée contre son épaule, elle s’émerveilla du naturel avec lequel tout se passait
entre eux. Et, ce qui ne gâchait rien, ils formaient un très beau couple.
– Tu es conscient que Julie va te tuer de m’avoir emmenée ailleurs pour un soin ? lui dit-elle en
souriant.
– Je l’ai fait exprès, répondit-il en lui rendant son sourire. Pour t’éviter l’interrogatoire, voire le
kidnapping. Si j’ai bien compris, elle en serait capable, pour ton bien.
Elle éclata de rire.
– Exact. Julie est un peu too much, je te l’accorde, mais avec un cœur en or.
– On dirait, oui. Elle veille sur tes intérêts, je ne peux pas l’en blâmer.
– Et maintenant ? s’enquit-elle alors qu’il l’emmenait vers la voiture.
Il s’installa à ses côtés et ordonna à Sam de les conduire à la maison.
– Maintenant, répondit-il en se tournant vers elle, je te ramène chez moi et je t’enlève ces vêtements.
J’ai un peu de travail, mais j’accepte volontiers ta compagnie pendant que je règle une ou deux choses.
– Tu es sûr de pouvoir te concentrer si je suis nue ? demanda-t-elle innocemment.
Une lueur amusée éclaira les beaux yeux sombres de Damon.
– Si je dois travailler, je préfère t’avoir assise à mes pieds, et plutôt nue qu’habillée.
Elle leva les yeux au ciel.
– Derrière ton apparence sophistiquée se cache un véritable homme des cavernes, en fait.
– Et toi, tu es ma femme des cavernes, obligée de te soumettre au moindre de mes désirs…

– On dirait bien, oui, murmura-t-elle.


– C’est bon à savoir. Défais mon pantalon, alors. Les yeux écarquillés par la surprise, elle regarda le
renflement de sa braguette.
– Mets-toi à genoux devant moi et fais-moi jouir avec ta bouche, ordonna-t-il.
Des picotements d’excitation lui chatouillèrent le bas-ventre. Son clitoris, gonflé d’un désir
perpétuellement inassouvi se serra convulsivement.
– Faut-il que je sois cru pour être obéi ? chuchota-t-il. Suce-moi, Serena mienne. Fais-moi jouir, et
quand tu auras fini, lèche jusqu’à la dernière goutte qui sortira de mon gland.
Lentement, elle s’accroupit entre ses jambes, se glissant tant bien que mal entre les sièges. Ses genoux
rencontrèrent le sol rêche, et il écarta largement les cuisses pour lui donner un meilleur accès à son
entrejambe. Embarrassée, elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Heureusement, Sam était
concentré sur la route.
– Il m’a entendu, lui dit Damon avec un sourire canaille. Il sait parfaitement ce que tu t’apprêtes à
faire.
– Pourquoi me taquines-tu ? fit-elle en fronçant les sourcils. Tu sais bien que ça me gêne que les
autres nous voient ou nous entendent.
Il lui prit le menton.
– Je ne te taquine pas, Serena. Je t’habitue. Je t’apprends à ne plus te soucier que de moi. Peu importe
ce que Sam voit ou entend. Ce sont mes désirs que tu dois assouvir, et c’est sur moi que tu dois focaliser
ton attention, sur moi exclusivement. Tu dois apprendre à oublier tout le reste. À présent, défais ma
braguette et fais-moi jouir.
Le pouvoir que dégageait sa seule voix la fit ciller. Une autorité pure émanait de ses paroles. D’une
main tremblante, elle descendit la braguette et défit la ceinture.
Le sexe de Damon puisait impatiemment sous son boxer. Elle tira sur l’élastique, libérant une
magnifique érection. Fascinée par le membre tendu vers son ventre parfaitement plat, elle passa les
doigts dans les poils courts à sa base, tout en dessinant, de l’index, des cercles au sommet du gland.
Quand elle se pencha pour le prendre en bouche, ses cheveux lui tombèrent sur le visage, et elle
sentit les mains de Damon s’emmêler dans ses boucles pour les écarter. Il voulait la regarder. Elle se
positionna de façon qu’il voie son membre disparaître entre ses lèvres.
Elle adorait son goût. Elle n’en était pas à sa première fellation, et elle devait bien admettre que cela
ne faisait pas partie de ses préférences. Jusque-là, elle l’avait plutôt fait par obligation, une sorte de
rétribution quand l’un des partenaires lui avait fait un cunnilingus.
Pourtant, avec Damon, elle aimait vraiment cela, elle la savourait, l’attendait même avec impatience.
Quant à avaler, jamais ! En tout cas, pas avec ses précédents amants. Or avec Damon, c’était une sorte de
rejet qu’elle s’interdisait de lui opposer. Même s’il ne le lui avait pas demandé, elle aurait volontiers gardé
tout ce qu’il avait à lui donner.
Elle s’humecta les lèvres et fit glisser sa bouche sur toute la longueur de son membre. Respirant par
le nez, elle contrôla son envie de hoqueter et le garda tout au fond de sa gorge un moment, avant de le
libérer. Alors elle releva la tête, jusqu’à ce que le gland seul reste en contact avec sa langue.
Parsemés de courts poils noirs, les testicules lourds et gonflés offraient un saisissant contraste avec la
douce raideur du membre. Elle les caressa, appréciant leur rugosité, avant d’agripper à nouveau la base
veloutée du sexe.
Elle fit remonter puis descendre la peau, au même rythme que sa bouche. Ses lèvres suivaient le
mouvement des doigts, les poursuivant tout en bas, pour les précéder de nouveau en remontant.
Il lui agrippait à présent la tête à deux mains, serrant ses cheveux entre ses poings, la maintenant
fermement pendant qu’elle suçait et léchait son sexe.
Soudain, il arqua le dos et ses jambes lui enserrèrent la taille. Ses bourses se tendirent, et son
membre se raidit jusqu’à devenir dur comme l’acier.
Elle écarta la bouche, et une goutte de liquide translucide s’échappa de la fente au sommet du gland.
Elle grossit et dégoulina lentement jusqu’à sa main.
Avide, Serena se pencha pour la lécher. Dans un grognement, il appuya sur sa tête pour qu’elle le
reprenne, levant les hanches à sa rencontre.
– Fais-moi jouir, Serena mienne, ordonna-t-il d’une voix rauque.
Alors elle le prit sauvagement, aussi sauvagement qu’il l’avait pénétrée le matin même. Elle resserra
son étreinte autour de sa hampe et accéléra les mouvements de haut en bas, sa bouche l’entourant et
l’avalant de plus belle. Elle ferma les yeux et s’abandonna au plaisir qu’elle donnait et prenait tout à la
fois.
Elle sentit ses doigts se crisper plus fort sur son cuir chevelu et, soudain, il l’attira violemment à lui,
donnant de grands coups au fond de sa gorge. Le liquide chaud gicla, lui inonda la langue. Elle avala,
bientôt envahie par un deuxième jet.
Alors qu’il tremblait sous les derniers spasmes, elle ralentit et adoucit ses mouvements.
Amoureusement, elle lécha, avalant chaque goutte qui suintait encore du membre de Damon.
Elle le garda dans sa main, mais écarta sa bouche, pour passer la langue sur la peau détendue des
testicules. Elle les fit rouler dans sa bouche, capturant une goutte égarée qui avait coulé jusque-là.
En gémissant, il lui caressa les cheveux, la nuque, puis le visage, inlassablement, comme s’il ne
pouvait plus s’arrêter. Ses caresses indiquaient, plus clairement que toute parole, combien elle l’avait
satisfait, et quand enfin elle leva les yeux, ceux de Damon brillaient de plaisir.
– Dans combien de temps, Sam ? lança-t-il au chauffeur.
Elle cilla, mais parvint à contrôler sa gêne, sachant à présent pourquoi il avait attiré une fois de plus
son attention sur le chauffeur. Comme il le lui avait expliqué, il voulait qu’elle s’habitue à être utilisée
comme et où bon lui semblait. Une drôle de sensation, comme un léger pincement, lui parcourut le
ventre à l’idée que Sam entendait mais ne pouvait voir ce qui se passait derrière le siège.
– Quinze minutes, monsieur.
– Largement assez de temps, murmura Damon.
Elle fronça les sourcils.
– Largement assez de temps pour quoi ?
– Retire ta culotte, Serena, ordonna-t-il sans prêter attention à sa question. Dépêche-toi.
Rougissante, elle releva maladroitement sa robe et s’activa sur son sous-vêtement, s’accrochant à la
jambe de Damon de sa main libre. Pas évident, coincée comme elle l’était entre les sièges, mais elle finit
par faire glisser le morceau de tissu sur ses chevilles et le laissa tomber sur le siège.
Damon sourit.
– Maintenant, suce-moi à nouveau. Tu as cinq minutes. Quand je serai prêt, je veux que tu grimpes
sur mes genoux, que tu relèves ta robe et que tu t’empales sur mon sexe.
18

Le sexe de Damon reposait contre son ventre. Délicatement, Serena l’enveloppa de ses doigts, le
redressant pour le reprendre en bouche.
Il était chaud et beaucoup plus doux que l’instant d’avant mais, au premier contact de sa langue, il se
contracta. Amoureusement, elle caressa, elle suça, le sentant peu à peu durcir à nouveau. Il lui fallut plus
longtemps, cette fois, mais elle finit par obtenir une magnifique érection.
Même lorsqu’il fut raide, elle attendit les instructions de Damon.
– Es-tu prête à me recevoir, Serena ?
La bouche emplie par son pénis, elle hocha la tête.
– Est-ce que tu mouilles ?
À nouveau, elle opina du chef.
– Montre-moi. Passe ta main entre tes cuisses, touche-toi et montre-moi tes doigts.
Relâchant son membre, elle obtempéra et releva sa robe. Oui, elle mouillait. Beaucoup même, et sa
vulve tremblait de désir. Quand ses doigts glissèrent sur son clitoris, elle ne put réprimer le frisson qui
lui secoua les épaules. Plus loin, à la source de cette moiteur, elle enfonça son doigt afin de l’humidifier
complètement. Puis elle montra sa main à Damon.
Il lui saisit le poignet et porta ses doigts à sa bouche pour les lécher consciencieusement.
– Viens, dit-il de cette voix profonde et douce qui la fascinait.
S’accrochant à la jambe de Damon de sa main libre, elle se releva péniblement. Il retroussa sa robe
pendant qu’elle le chevauchait, puis il lui lâcha le poignet et la positionna sur ses genoux, écartant les
cuisses pour qu’elle soit ouverte au maximum.
– Accroche-toi au dossier du siège, lui indiqua-t-il. Et penche-toi en avant, que je te pénètre.
Elle fit ce qu’il ordonnait, se soulevant légèrement sur les genoux pendant qu’il empoignait son
membre et le plaçait face à sa fente.
– Maintenant prends-moi, Serena.
Elle se baissa et sentit d’abord le gland buter contre son ouverture, avant d’en forcer l’entrée pour se
glisser à l’intérieur. Damon lui agrippa la taille, la poussant à la rencontre de ses hanches avides.
Le premier contact la fit presque jouir, tellement elle l’avait attendu. Mais il lui prit le menton pour
l’obliger à rencontrer son regard.
– Tu jouiras uniquement quand je t’y autoriserai. Pour l’instant, tu te concentres sur mon plaisir.
Elle prit une inspiration saccadée et hocha la tête, pas convaincue de pouvoir retenir l’inévitable.
– Chevauche-moi, ordonna-t-il.
Elle se cramponna fermement au dossier, derrière les épaules de Damon, imprimant un mouvement
de haut en bas sur son sexe, l’enfilant plus profondément à chaque va-et-vient. Il était épais, et elle
tendue sur lui. Sa fente s’écartait pour l’accueillir et elle le sentait de toutes ses terminaisons nerveuses.
Il relâcha sa taille et porta les mains sur ses seins. À travers le tissu léger de la robe, il titilla et pinça
jusqu’à ce que ses tétons pointent, durs et érectiles.
– Plus fort, intima-t-il. On va être à court de temps. On arrive bientôt à la maison, on va être obligés
de finir dans l’allée et de faire attendre Sam.
Au lieu de refroidir son ardeur, l’image qu’il venait d’évoquer envoya une délicieuse décharge
électrique à travers son corps. Ses veines s’embrasèrent mais, l’espace d’un instant, elle envisagea de
ralentir afin qu’ils finissent en effet dans l’allée.
– Ça t’excite, murmura-t-il.
Elle ouvrit les yeux et constata combien cette idée lui plaisait.
Il cessa de jouer avec ses tétons et la prit par les épaules, appuyant sans ménagement pour qu’elle
engloutisse son membre jusqu’à la garde. Ensuite, il glissa les mains dans son dos et saisit le bas de sa
robe, coincée entre leurs cuisses.
Ayant libéré le vêtement, il passa les mains dessous pour lui empoigner les fesses d’un geste brutal.
Les pouces enfoncés dans les globes de chair, il la souleva et la reposa lourdement sur son érection, qui
s’enfonçait de plus en plus loin.
La voiture ralentit, et elle retint son souffle en jetant un regard affolé par la vitre. Ils arrivaient
devant la maison.
– Ne t’arrête pas, l’avertit Damon. Nous ne sortirons pas tant que tu n’auras pas terminé.
La voiture s’immobilisa, et Sam en sortit. Il referma sa portière, mais n’ouvrit pas la leur. Elle le
voyait, dos à leur vitre, qui attendait tranquillement qu’ils aient terminé.
– Baise-moi, Serena. Baise-moi fort.
Elle accéléra sa chevauchée, les yeux rivés sur la vitre arrière.
– Utilise ta main, ordonna-t-il. Touche-toi en même temps que tu me baises. Je veux te sentir jouir
sur mon sexe avant de me vider dans ta chatte.
Elle glissa une main impatiente sous sa robe, pressée de lui obéir et de se faire plaisir. Ses doigts
trouvèrent son clitoris, et elle commença à caresser le petit bouton enflé.
Elle sentit les mains de Damon se resserrer sur ses fesses alors qu’il amplifiait ses poussées, la
baisant avec une intensité sauvage. Il avait beau être calme et contrôlé dans la vie, quand il s’agissait de
sexe, il devenait un véritable animal.
– Viens, haleta-t-il. Jouis pour moi, Serena. Je veux te sentir mouiller sur moi.
Elle gémit. La bouche sèche, elle déglutit rapidement, accélérant les mouvements de ses doigts, au
rythme des coups de boutoir de Damon. Plus fort, plus vite.
– Oui ! geignit-elle. Je t’en supplie, Damon, ne t’arrête pas.
Elle devenait folle dans ses bras, ondulant et chevauchant une vague de feu. Une pression
insupportable montait du fond de son ventre, approchant du point de rupture.
Et elle explosa. En un feu d’artifice qui jaillit dans toutes les directions.
Elle le sentit vaguement la soutenir, l’apaiser de ses mains douces, lui murmurer quelque chose à
l’oreille, mais son corps tout entier fut pris de violentes et incontrôlables convulsions.
Elle se laissa retomber contre son torse, et il plongea au fond d’elle une dernière fois, lui secouant le
corps de toute sa puissance. Et puis il s’immobilisa, avant de l’envelopper de ses bras et de la tenir contre
lui, aussi vidé et tremblant qu’elle.
Ils restèrent ainsi un long moment, sans bouger, leurs corps toujours scellés l’un à l’autre. Elle ne
pouvait pas remuer, parvenait tout juste à comprendre ce qui venait de se produire.
Enfin, il la souleva délicatement et se retira, la faisant rouler sur le côté. Elle se retrouva assise sur le
siège, les jambes encore sur ses genoux. Il tira sur sa robe, de façon qu’elle cache sa peau nue, et repoussa
ses jambes pour se reboutonner lui-même.
Puis il tendit la main vers la vitre et frappa deux coups discrets. Aussitôt, Sam se retourna et ouvrit
la portière. Damon sortit en premier, puis il lui tendit la main pour l’aider.
Elle posa ses pieds nus sur le béton chaud et se redressa, les jambes tremblantes. Mais elle n’eut pas
le temps de retrouver son équilibre, Damon la souleva et la porta jusqu’à la maison.
Elle préférait ne pas imaginer à quoi elle ressemblait. Heureusement, Damon la protégeait. Le visage
enfoui dans son cou, elle était recroquevillée contre lui.
Elle ne vit pas qui leur ouvrait la porte. Son amant se glissa à l’intérieur et se dirigea directement
vers la chambre, où il la déposa sur le lit. Elle se laissa tomber, molle, épuisée et repue.
Des lèvres tièdes lui effleurèrent la tempe en même temps que des mains délicates dégageaient son
visage de ses cheveux en désordre. Damon lui retira sa robe, la laissant nue sur le lit. Et il sortit. Sans
instructions de sa part, Serena opta pour l’immobilité. Elle n’avait pas la force de bouger, de toute façon.
Quelques secondes plus tard, Damon reparut, une serviette humide à la main. Tendrement, il essuya
le sperme qui lui avait coulé le long des cuisses.
– Tourne-toi sur le ventre, dit-il doucement.
Il l’aida à rouler sur elle-même, elle se retrouva la face contre les draps, bras écartés. Il éclata de rire.
– Je t’ai épuisée ?
– Mmm, parvint-elle à marmonner.
– Tu pourras bientôt te reposer.
Bientôt ? Il avait donc quelque chose en tête ? Pourvu qu’elle n’ait pas à bouger…
Il commença à lui caresser le dos, alternant effleurements et légères pressions. De ses lèvres fatiguées
s’échappa un grognement de plaisir.
De haut en bas, du cou et des épaules aux globes de ses fesses, il caressa, effleura, massa. Puis il
s’interrompit, et elle entendit un bruit de bouchon que l’on retirait. Un liquide tiède coula sur son dos,
et les mains de Damon revinrent, étalant l’huile sur sa peau.
Le matelas s’enfonça quand il grimpa sur le lit à ses côtés. Il ne laissa pas un centimètre de chair
intacte, marquant chaque parcelle de son corps d’une caresse brûlante et sensuelle, comme au fer rouge.
Une vague de frissons descendit le long de ses bras en même temps qu’un plaisir exquis lui inondait
le corps. Il avait des mains magiques. Julie pouvait aller se rhabiller, en matière de massages !
Il empoigna ses fesses, serrant et malaxant, ses doigts se rapprochant de plus en plus de la fente qui
les séparait. Elle haleta brusquement quand un doigt s’insinua entre les chairs fragiles de son anus.
De nouveau, elle entendit le bouchon s’ouvrir. Deux doigts lui écartèrent les fesses, dévoilant son
orifice. Un filet d’huile coula dans le sillon. D’un doigt, Damon étala soigneusement le lubrifiant, en
cercles concentriques autour de son anus, avant de le pénétrer.
Elle empoigna le drap et ferma les yeux de toutes ses forces. Avait-il l’intention de la sodomiser
maintenant, alors qu’elle n’avait même plus la force de protester ? Elle savait qu’il ne lui ferait pas de
mal, mais elle n’avait jamais eu de rapport anal. Ça ne lui avait même jamais traversé l’esprit.
– Détends-toi, dit-il gentiment tout en exerçant de légères pressions du doigt.
Il l’enfonça soudain à l’intérieur, lui soutirant un cri, mais il le retira aussitôt, pour adopter un
mouvement lent mais régulier, d’avant en arrière. Ça ne faisait pas mal, c’était… Elle n’aurait su dire.
Nouveau, à la fois interdit et excitant.
Alors que d’un doigt il continuait à la pénétrer, Damon versa encore un peu de lubrifiant sur son
ouverture, jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement glissante, et il y inséra un deuxième doigt.
Les dents serrées, elle lâcha un grognement quand il commença à écarter ses chairs. Est-ce que ces
caresses étaient censées lui faire du bien ? Tout ce qu’elle ressentait, pour l’instant, c’était une vague de
chaleur brûlante qui remontait de son anus vers son sexe. Malgré la fatigue, son ventre se serra, son
clitoris gonfla et, à nouveau, elle eut envie de jouir.
Aussi, quand il retira la main, faillit-elle crier sa frustration, mais elle n’eut pas le temps de tourner la
tête, car quelque chose avait déjà remplacé les doigts de Damon. Quelque chose qui n’avait pas leur
chaleur et était beaucoup plus dur. Comme… du plastique.
Elle écarquilla les yeux en sentant l’objet s’insérer en elle, un objet lubrifié mais dur et inflexible. Les
mouvements d’avant en arrière reprirent, tout au bord de son anus. Damon dilatait patiemment son
orifice.
Quand elle s’ouvrit à lui, écartée sur le plastique, il enfonça l’objet un peu plus loin. Son bout était
fin, mais de plus en plus large vers sa base.
Incapable de retenir plus longtemps sa curiosité, elle leva la tête.
– Qu’est-ce que c’est ? s’enquit-elle.
La main libre de Damon vint se poser au creux de ses reins.
– Ne t’inquiète pas, Serena. Fais-moi confiance, je ne te ferai aucun mal. Je vais te mettre un plug. Je
ne veux pas que ce soit douloureux quand je m’introduirai en toi, donc tu vas garder ça quelque temps.
Sur ces mots, il poussa un peu plus fort et son anus s’élargit encore.
– Oh ! haleta-t-elle.
– Détends-toi. Ne te crispe pas, murmura-t-il. Fais-moi confiance, je ne te ferai pas mal. Essaie
d’apprécier.
Il continua le mouvement de va-et-vient quelques secondes encore, allant un peu plus profondément
chaque fois. Et soudain, d’un coup plus sec, il logea complètement l’objet dans son anus.
Elle leva la tête, lâchant un cri de surprise. Son anus affreusement dilaté palpitait, brûlant sous l’effet
d’un bouchon qui semblait énorme. Ses jambes se contractèrent, comme pour combattre cette intrusion.
Damon posa les lèvres au creux de ses reins, où il déposa une série de baisers, tout en lui murmurant
des paroles réconfortantes.
– Tout va bien. Respire profondément, Serena, la douleur va passer.
– Ah bon ? grommela-t-elle en retenant sa respiration. On t’a déjà mis ce genre de truc dans le cul ?
Il rit de sa soudaine grossièreté.
– Non, jamais en effet.
– Alors ne viens pas me dire ce que ça fait, lâcha-t-elle.
Il la fit rouler pour qu’elle se retrouve allongée sur le côté, face à lui. Un sourire amusé dansait dans
son regard perçant.
– Très bien, alors dis-le-moi, ce que ça fait.
Elle déglutit. La brûlure qui la déchirait était peu à peu remplacée par une sorte de… chaleur douce
et constante, qui frémissait dans ses veines, comme l’eau juste avant de bouillir. Malgré son immense
fatigue, elle était prête à partir en quête de son prochain orgasme.
– Ça fait comme une tension. Forte, mais pas déplaisante. Je me sens remplie. J’ai l’impression
d’avoir la peau hyper tendue, et ça me picote de partout, comme si j’avais envie de quelque chose, mais
sans savoir quoi. Tu comprends ?
Il posa la main sur sa hanche.
– Parfaitement. Tu aimes ? Est-ce que tu imagines mon sexe dans ton anus ?
L’image de Damon en train de la prendre profondément par-derrière la fit trembler des pieds à la
tête.
– Ce truc-là a l’air très gros.
– Je le suis encore plus, dit-il en souriant.
Elle ferma les yeux et laissa échapper un grognement.
– Bon sang, Damon, mais comment crois-tu pouvoir enfiler ton sexe là-dedans, s’il est encore plus
gros que ce putain de plug ?
– J’y arriverai, ne t’inquiète pas, répliqua-t-il d’une voix profonde et rauque. Et tu vas adorer ça, je te
le promets.
– Je ne m’attendais pas à éprouver du plaisir, admit-elle en plissant le front.
– Tu aimes alors ?
– Honnêtement, je ne sais pas si c’est l’acte lui-même qui est agréable, ou l’idée de qui le fait. Mais
oui, c’est bon. Et excitant, parce que ça me donne envie, comme l’envie d’assouvir un besoin.
Il se positionna sur elle, la faisant rouler sur le dos. La pression sur son anus s’intensifia avec le poids
de son propre corps. Il la plaça à sa guise sous lui, puis il descendit lentement le long de son corps,
jusqu’à ce que sa tête soit juste au-dessus de son pubis.
Il lui écarta grand les jambes, les repliant afin que les genoux reposent sur le matelas. Son sexe était
ouvert devant lui, et elle se sentit soudain terriblement petite et vulnérable.
Il passa un doigt léger dans les replis de son intimité, approchant lentement de sa fente où il inséra
bientôt un doigt, explorant l’intérieur pour toucher le plug à travers la fine paroi de chair séparant son
vagin du conduit anal.
– Malgré l’envie qui me taraude de m’enfoncer dans ton joli sexe, je ne le ferai pas tout de suite. Tu
es fatiguée et probablement encore irritée. Si je te prends maintenant, ce sera très serré, à cause du plug.
Or je ne veux surtout pas que cela soit inconfortable pour toi. Mais plus tard, plus tard je te montrerai
ce que ça fait de recevoir deux sexes en même temps.
Elle frissonna sous la caresse de ses doigts fureteurs. Comment pouvait-elle être de nouveau si
proche de l’orgasme ?
Il retira son doigt et approcha sa bouche, effleurant ses lèvres. Puis il passa la langue sur son clitoris.
Une décharge électrique lui traversa le ventre et, instinctivement, elle arqua les hanches à sa rencontre.
Il l’écarta un peu plus encore, afin qu’elle soit totalement ouverte à ses caresses. Des courants d’air
frais couraient sur ses chairs les plus intimes, mêlés au souffle chaud de Damon, dont la langue glissait
sensuellement de sa fente à l’objet qui fermait l’entrée de son anus. Il agaça son clitoris de petits coups
de langue. Quand ce dernier fut gonflé au maximum, il le suçota entre ses lèvres, et une succession de
décharges électriques lui parcourut le ventre.
Elle s’arqua davantage vers sa bouche, chaque mouvement enfonçant le plug un peu plus
profondément dans son anus. Les sensations, telles des vagues, venaient se briser puis s’évanouir, avant
de renaître au plus profond d’elle-même.
Sans relâche, Damon léchait et suçait son sexe, jamais rassasié de sa douceur. Il dessina des cercles
autour de sa fente, une fois, deux fois, avant d’insérer la langue à l’intérieur.
Elle frémit, prise de convulsions, mais il lui agrippa les hanches et la maintint fermement pendant
qu’il lui donnait du plaisir.
Dedans, dehors, il l’aima avec sa langue. Sensuellement, comme s’il dégustait gorgée après gorgée le
meilleur des vins.
L’orgasme arriva lentement, tourbillon brûlant qui se forma au plus profond de ses entrailles, puis
monta à la surface, grondant et hurlant, comme un ouragan incontrôlable.
Il enfla crescendo comme une symphonie, jusqu’à ce qu’elle n’en puisse plus.
– Je t’en supplie, Damon.
Mais elle ne savait pas très bien pourquoi elle le suppliait. D’avoir pitié ? De la faire jouir ? De la
soulager de l’intolérable tension qui lui tenaillait le corps ?
– Viens, Serena mienne. Jouis pour moi, murmura-t-il tout doucement contre sa chair humide.
Une exquise douleur lui parcourut le vagin. Ses mouvements ne lui appartenaient plus. Elle lâcha un
hurlement alors que ses hanches retombaient contre le matelas, tandis que ses cuisses enserraient les
épaules de Damon.
Des larmes coulèrent sur ses joues, et elle s’étonna de les sentir là. Elle balançait au bord de
l’inconscience, se battant un instant pour rester éveillée, pour retenir les derniers fragments de son
orgasme.
Mais alors que la frénésie s’évaporait, lentement remplacée par une douce lassitude, elle se laissa
aller, incapable de garder les yeux ouverts.
Un pouce lui caressa la joue, essuyant délicatement ses larmes.
– Dors, Serena mienne, entendit-elle. Je vais prendre soin de toi.
Réconfortée par cette promesse murmurée, elle se laissa glisser enfin dans l’accueillant oubli que lui
offrait le sommeil.
19

Damon regarda les jolis yeux de Serena se fermer. Presque immédiatement, sa respiration devint
régulière. Elle était épuisée.
En souriant, il passa les bras sous elle et la souleva du lit, lui tirant un gémissement.
– Chut, murmura-t-il. Je te veux avec moi, Serena mienne. Tu pourras te reposer dès que je t’aurai
installée confortablement.
Oui, il la voulait près de lui. Avec une force qui le surprenait. Mais comme elle, il vivait un fantasme.
Rien, n’était réel, et le fait qu’il souhaite le contraire n’y changeait rien.
Il la porta jusqu’au spacieux séjour où brûlait un grand feu. Un confortable matelas avait été installé
pour elle au pied de son fauteuil, à quelques mètres de la cheminée.
Il s’agenouilla et déposa le corps nu sur le coussin de duvet. Elle chuchota quelque chose, puis se
recroquevilla et sombra dans un profond sommeil. D’une caresse, il écarta délicatement quelques mèches
de cheveux de son visage. Puis il fit glisser ses doigts sur son corps mince, remontant le long des hanches
et finissant sur ses fesses pâles.
Le plug couleur chair lui écartait les fesses, et il se sentit durcir à l’idée d’y enfoncer son sexe à la
place.
Il se releva et, prenant l’ordinateur portable posé sur la table basse, s’installa dans le fauteuil, puis
retira ses chaussures, qu’il envoya loin de Serena.
Il étira les jambes pour toucher son dos. Machinalement, il suivit sa colonne vertébrale de l’orteil,
remontant jusqu’au soyeux de sa chevelure. Il aimait la toucher, être en contact avec elle dès qu’il le
pouvait.
Il ouvrit son portable, les pieds reposant légèrement contre le dos de la belle endormie. Tout en
passant ses mails en revue, il jetait régulièrement des coups d’œil dans sa direction. De temps en temps,
elle poussait des soupirs, son corps se soulevait un peu, puis un petit bruit satisfait franchissait ses lèvres,
et elle se détendait à nouveau.
Il en avait terminé avec ses mails quand son téléphone portable sonna. Fronçant les sourcils, il
répondit précipitamment, sans avoir consulté le numéro entrant, pour éviter que la sonnerie ne réveille
Serena.
– Damon, annonça-t-il brièvement.
– Damon, salut, c’est Faith. Il se détendit.
– Faith, quel plaisir ! Comment vas-tu ? Et Gray ?
– On va bien tous les deux.
A l’autre bout du fil, il devinait son sourire et imaginait la satisfaction se peindre sur son beau
visage.
– Comment va Serena ? s’enquit Faith.
Elle avait légèrement hésité, comme si elle ne savait pas trop comment exprimer son inquiétude.
Un sourire aux lèvres, il baissa les yeux vers la jeune femme, en passant le pied sur sa hanche.
– Elle dort à mes pieds, répondit-il simplement.
– À tes pieds ? Dieu du ciel, Damon, tu ne crois pas que tu vas un peu loin ? Je croyais que ton truc,
c’était plutôt de leur mettre un collier et de les attacher à ton lit ?
– Seulement la nuit, ricana-t-il.
Il l’entendit marmonner quelque chose entre ses dents.
– Serena va bien, Faith. Tu ne croyais tout de même pas que j’allais la maltraiter, si ?
– Non, bien sûr que non, s’empressa-t-elle de répondre. J’espère que tu ne vas pas croire ça. Je ne
t’imagine pas faire de mal à une femme, du moins pas intentionnellement.
Il leva un sourcil.
– Je ne comprends pas, alors.
Faith se tut un long moment. Quand enfin elle reprit la parole, son ton était légèrement plus tendu,
ce qui n’était pas habituel, chez cette femme d’ordinaire si douce.
– Écoute, Damon. Tu es mon ami, l’un de mes meilleurs amis, même.
Il sourit. Lui aussi considérait Faith comme une amie très chère.
– Mais Serena aussi, ajouta-t-elle. Et je suis un peu inquiète. Pour vous deux, d’ailleurs.
– Tu n’as aucune raison de t’en faire pour nous, Faith. Nous sommes deux adultes consentants,
Serena et moi, et parfaitement capables de faire la différence entre la réalité et le jeu.
– Tu détestes les jeux, Damon, s’impatienta Faith. Parmi toutes les personnes que je connais, tu es
celle qui aime le plus que tout se passe selon ses plans.
J’irai même jusqu’à dire que tu es un enfant gâté, qui a pour habitude d’obtenir ce qu’il désire quand
il le désire. Cette histoire de fantasme… J’espère juste que tu ne vas pas en attendre quelque chose que
Serena ne pourra ni ne voudra te donner.
– Quoi ? Tu essaies de protéger mon petit cœur ? s’amusa Damon. Je suis un grand garçon, je peux
m’occuper de moi, tu sais.
– Je ne veux pas que l’un ou l’autre souffre, c’est tout, dit-elle de sa voix douce. Surtout toi, Damon.
Une vague de chaleur lui réchauffa la poitrine. Faith… Cette femme était un vrai rayon de soleil par
une froide journée d’hiver. Il n’y avait pas d’autres mots. Elle avait un cœur en or et se montrait
farouchement loyale avec ceux qu’elle aimait. Même à son corps défendant, parfois, comme Gray
Montgomery pouvait en témoigner.
– Ta sollicitude me touche, Faith. Vraiment. Mais c’est une histoire qui ne concerne que Serena et
moi, expliqua-t-il gentiment. Nous avons tous les deux établi les choses de façon très claire, nous
agissons en connaissance de cause.
Faith lâcha un petit rire.
– Voilà une façon pleine de tact de me conseiller de me mêler de mes affaires.
– En effet.
– OK, je vois. Je m’inquiète pour toi, Damon. C’est tout ce que je voulais te dire.
– Tu t’inquiètes pour rien.
Il l’écouta en souriant lui répéter quel bon ami il représentait à ses yeux, puis ils raccrochèrent. Il
souriait toujours en reposant le téléphone entre sa cuisse et le coussin du fauteuil.
Sans bruit, il referma son ordinateur portable et le posa sur la tablette qui jouxtait son siège.
Pendant de longues minutes, il observa les flammes qui dansaient dans la cheminée. Il appréciait
pleinement le fait d’être chez lui, avec une femme magnifique à ses pieds. Oui, il était… heureux.
Il fut interrompu dans ses pensées par l’arrivée de sa femme de ménage, Carol, qui s’éclaircit la voix
pour attirer son attention. Il leva les yeux et la vit dans l’encadrement de la porte, évitant discrètement
de regarder Serena.
– Avez-vous besoin de quelque chose, Damon ? s’enquit-elle.
– J’aimerais bien un verre de vin, répondit-il après un moment de réflexion. Dans une heure, vous
ferez servir le dîner ici même.
Serena aurait faim en se réveillant, et il l’imaginait volontiers, assise entre ses jambes, la tête posée
sur ses genoux pendant qu’il la nourrissait. Ensuite, il lui caresserait les cheveux, et ils discuteraient
tranquillement, profitant pleinement de leur agréable soirée. Plus tard… Non, mieux valait ne pas y
penser pour l’instant. Une érection, quand on n’avait rien pour la soulager, ça n’était pas très confortable.
Une fois Carol sortie, il ouvrit le roman qu’il était en train de lire, après un dernier coup d’œil vers
Serena.
Il appréciait la confiance dont elle l’avait gratifié jusque-là. Elle avait, certes, émis quelques réserves,
comme il s’y était attendu, mais elle les avait surmontées avec courage, et de bonne grâce. Ça n’était pas
une mauviette d’ailleurs, quand elle avait une idée en tête, elle n’abandonnait pas au premier obstacle
venu.
Et puis, elle lui donnait du plaisir. Beaucoup. Il le lui avait répété maintes fois, car il voulait qu’elle
sache combien il était satisfait, or il ne savait comment expliquer la vague de plaisir qui l’envahissait en
sa présence. D’ailleurs, il valait mieux qu’il garde pour lui cette question sans réponse. Et il n’allait pas
non plus tenter d’y voir plus clair lui-même.
Il fronça les sourcils en se souvenant des réticences de Faith. Elle ne s’inquiétait pas pour Serena,
mais pour lui. Était-il donc si transparent ? Était-il incapable d’apprécier une brève aventure sans
engagement émotionnel ?
Il se détendit un peu, l’irritation faisant peu à peu place à la réflexion. Il éprouvait déjà des
sentiments. Jamais il n’avait considéré l’acte sexuel comme une simple mécanique entre deux corps attirés
l’un par l’autre, avec pour seul objectif la recherche du plaisir. Même quand il savait qu’il n’y avait aucun
avenir possible entre lui et les femmes avec qui il couchait, il les traitait toujours avec respect, et il
gardait à chacune une place particulière dans son cœur. Il se rappelait leur nom, leur physique, leurs
goûts, leurs aspirations et leurs rêves. Même quand ceux-ci les éloignaient de lui.
Chaque fois, il s’interdisait de s’engager, sachant que ce qu’il appréciait avec ses partenaires ne
pouvait pas durer. Et, à la fin de chaque histoire, il n’avait éprouvé que peu de regrets et de tristesse.
Par-dessus le livre dont il n’avait toujours pas réussi à lire la moindre ligne, il observa Serena. L’idée
qu’elle poursuive sa vie sans lui le plongeait dans un état étrange. Une sorte de panique s’emparait de
son esprit. Un refus, une agitation, l’appel d’un homme vers sa moitié.
Il secoua la tête, essayant vainement d’oublier ces absurdités. Il ne s’agissait que d’une histoire de
sexe. Du sexe avec quelques sentiments, soit, mais du sexe malgré tout. Un fantasme. Il n’y avait rien de
vrai là-dedans, absolument rien.
La laisser partir serait difficile, mais il y parviendrait. Il ne voulait pas garder une femme attachée à
lui contre son gré, pas plus qu’il ne souhaitait songer à l’impossibilité de trouver une femme qui
accepterait de l’aimer et de vivre avec lui, sachant ce qu’il exigerait d’elle.
Carol réapparut avec un verre de vin. Il le dégusta en observant fixement les flammes, son livre
négligemment posé sur les genoux.
Incapable de résister à l’envie de toucher Serena, il fit glisser la plante de ses pieds sur sa peau
satinée, dessinant la ligne de son dos, la courbe de sa hanche et de sa taille fine. Ses cheveux étaient
éparpillés derrière elle, telle une tache d’encre noire, luisante et soyeuse.
Il allait les brosser chaque jour ; c’était un plaisir dont il n’avait pas l’intention de se priver. Et il les
lui laverait quand elle se baignerait, les sècherait et les démêlerait, mèche après mèche.
Du grand feu ne demeuraient plus que des braises, mais il ne pouvait se résoudre à se lever pour
ajouter des bûches dans le foyer. Il était bien, assis là, sa femme couchée à ses pieds. Il sentait chacune de
ses inspirations, chacun de ses soupirs et de ses soubresauts.
Les ombres envahirent la pièce à mesure que le jour déclinait. La pièce n’était éclairée que par une
lampe, qui jetait sur la silhouette endormie de Serena une lueur orangée. Comme si les doigts chauds de
sa lumière l’avaient réveillée, elle s’étira.
Il la regarda émerger des dernières brumes du sommeil et lever lentement la tête. Elle se tourna
brusquement, comme si elle le cherchait. Leurs regards se rencontrèrent, et il sentit une douce chaleur se
répandre dans sa poitrine : sa première pensée avait été pour lui.
– Viens, murmura-t-il en lui tendant la main.
Elle cligna ses beaux yeux encore emplis de fatigue, et son regard s’éclaira, scintillant dans la douce
lumière. Se mettant à genoux, elle glissa sa main dans la sienne.
Pendant un délicieux instant, il se contenta d’apprécier ce premier contact et le picotement qui lui
remonta le long du bras. Puis il l’attira à lui et l’installa sur ses genoux.
Elle se pelotonna contre son torse, comme un chaton qui recherche la chaleur de son maître. Il
l’entoura de ses bras et la serra fort contre lui. À sa surprise, elle colla les lèvres dans son cou, où elle
déposa une série de petits baisers.
– Tu as faim ? chuchota-t-il.
– Très.
– Carol va nous apporter à manger dans quelques minutes.
Il passa une main sur sa hanche et glissa vers l’arrondi de ses fesses. Ses doigts rencontrèrent le plug.
Elle se raidit aussitôt.
– Ça te fait mal ? demanda-t-il en suivant les contours de l’objet en plastique.
Elle secoua la tête contre son torse.
– Je te l’enlèverai quand on ira au lit, promit-il. Incapable de résister, il déposa un baiser sur son
front. En réponse, elle leva la tête, comme une invitation à goûter ses lèvres.
Sucrées comme le miel. Il reconnaissait son goût, et pourtant, chaque baiser était comme le premier,
à la fois excitant et électrique.
Elle lui effleura la mâchoire, et le geste innocent se fit caresse quand il approfondit son baiser. Alors
qu’elle commençait à retirer sa main, il la prit dans la sienne, l’invitant à revenir sur son visage. Dieu
qu’il aimait son contact ! C’était même un besoin.
Une partie de lui, depuis longtemps enfouie sous une épaisse couche de glace, fondait dès qu’elle
l’enveloppait de sa chaleur, et la douleur ancrée au fond de lui s’apaisait enfin. Elle était son réconfort,
alors même qu’il avait décidé de n’en accepter aucun.
Un bruit dans son dos l’obligea à se retourner. Dans l’encadrement de la porte, Carol attendait avec
un chariot-repas.
Il lui fit signe d’entrer, prenant garde de laisser Serena le plus possible à l’abri des regards. Même s’il
lui avait affirmé qu’elle devrait s’habituer à la présence d’étrangers, il ne voulait pas l’embarrasser.
Carol versa du vin dans deux verres, découvrit les assiettes et se retira rapidement.
Le délicat fumet de la nourriture vint chatouiller les narines de Damon. Contre lui, Serena s’agita,
lâchant un soupir ravi.
Il rapprocha le chariot. Comme il le lui avait demandé, Carol avait préparé un assortiment de mets à
grignoter : crevettes, morceaux de homard et de veau grillés, à tremper dans une sauce délicieusement
beurrée, beignets de crabe et saumon grillé.
– Hmm, j’adore les crustacés, dit Serena.
Il prit un morceau de homard et l’approcha de sa bouche. Lui écartant doucement les lèvres, il le
déposa sur sa langue. Mais avant qu’il ait le temps de prendre un autre morceau de nourriture, elle s’était
redressée et avait pris l’assiette pour lui proposer à manger.
Elle choisit une crevette et la lui tendit, imitant son geste. Le contact de ses doigts lui brûlait la
langue à chaque bouchée.
Ils se donnèrent la becquée en silence, chacun son tour. Pendant tout l’échange, leurs yeux ne se
quittèrent que le temps de choisir la bouchée suivante.
Quand les assiettes furent vides, Serena posa la tête sur son épaule avec un soupir satisfait.
– Assez mangé ? demanda-t-il en lui caressant les cheveux.
– Mmm.
– Tu as l’air… repue.
Elle leva la tête, juste assez pour le regarder. Il glissa sa main dans ses cheveux.
– Je le suis.
Sa voix un peu rauque éveilla un désir qui n’avait rien à voir avec le sexe ou l’envie de s’enfoncer en
elle. C’était plus que ça. Quelque chose qu’il n’arrivait pas à expliquer, ni même à comprendre.
– Tant mieux, répondit-il.
Il la serra fort, laissant sa douceur envelopper son torse. Étouffant un bâillement dans son cou, elle
se lova délicatement dans ses bras.
– Et si je t’emmenais dans la chambre pour retirer le plug ? Tu pourrais prendre un long bain, je te
laverais les cheveux et on se coucherait de bonne heure.
Elle s’immobilisa, s’écartant légèrement, pour lui jeter un regard surpris.
– Tu me poses la question ? Il sourit.
– Je ne suis pas un dictateur, Serena mienne. Je sais me montrer raisonnable quand je veux.
Elle lui rendit son sourire.
– Dans ce cas, oui, j’adorerais un bon bain bien chaud.
20

Damon regarda Serena, endormie près de lui dans le lit. Seule la lampe de chevet éclairait la pièce,
mais il la pencha de manière à ce qu’elle ne l’éblouisse pas.
Il lui avait retiré le sex-toy et lui avait fait couler un bain chaud, où elle s’était relaxée pendant une
demi-heure. Ensuite, il l’avait aidée à sortir, l’avait séchée et coiffée. Il avait lu la surprise dans ses yeux
quand il l’avait mise au lit sans aucune tentative de rapprochement sexuel.
En jetant un coup d’œil à ses poignets entravés, il se sentit durcir. La nuit allait lui sembler longue, à
attendre de la prendre, mais elle était visiblement épuisée, et il ne souhaitait pas exiger trop d’elle trop
tôt.
Il reporta son attention sur son ordinateur ouvert devant lui. Mais ce n’était pas le travail qui
occupait son esprit ce soir, c’étaient ses fantasmes.
En relisant le mail qui détaillait non seulement celui de la vente aux enchères mais aussi plusieurs
autres, il fronça les sourcils. On aurait dit qu’elle avait établi une sorte de liste de toutes les choses qu’un
maître ferait à son esclave. Comme tirées d’un manuel d’esclavage sexuel.
Il secoua la tête. Elle aspirait même à être attachée et fouettée par un autre homme pendant qu’il
regarderait. Comme s’il allait permettre qu’un autre use d’un tel pouvoir sur elle. Tout châtiment, toute
douleur, tout plaisir devait être infligé par ses propres mains, ou sous son ordre. Jamais il ne se
contenterait de n’être qu’un témoin en ce qui la concernait.
Elle ne faisait pas mention d’un trio, voire plus, mais il se pouvait qu’elle en éprouve
malheureusement l’envie. Or, il ne partageait pas ce fantasme. Jamais. Si un autre homme la touchait, ce
serait parce qu’il l’y aurait autorisé, et cela n’irait jamais au-delà de la préparation à l’acte. Il se réservait
pour sa part l’accès total à son corps et à sa douceur.
N’empêche que de nombreux exemples énoncés par Serena relevaient des clichés du mâle dominant
et de la femelle dominée. Or s’il tenait absolument à assouvir ses désirs, ne serait-ce que sur une courte
période, il ne pouvait se résoudre à n’y voir qu’un jeu de rôles.
Mais alors, que faire des situations qu’elle suggérait dans son mail ?
Certains de ses scénarios l’attiraient indéniablement, et il avait hâte de les vivre. Il n’y aurait sans
doute pas pensé lui-même, mais il aimait l’idée qu’elle soit ouverte et prête à accepter ses désirs à lui,
même si elle ne savait pas encore qu’ils les partageaient.
Il referma son ordinateur et éteignit la lampe pour se coller confortablement au corps de Serena.
Aussitôt, elle se blottit contre lui, recherchant sa présence même dans son sommeil.
Il sourit dans le noir. Aujourd’hui, il l’avait fait entrer en douceur dans son fantasme. Sans aller trop
vite. Mais demain, il comptait passer à la vitesse supérieure. Et il avait dans l’idée que non seulement elle
aimerait, mais qu’elle en redemanderait. Ce qui l’excitait plus qu’un peu.
Serena se réveilla au contact de lèvres avides dans son cou. Des mains impatientes s’emparèrent de
ses hanches, puis lui écartèrent les jambes, et Damon se positionna entre ses cuisses.
– Bonjour, murmura-t-il en s’enfonçant en elle.
Une sensation de plénitude l’envahit, et elle poussa un gémissement. Son sexe puisa, soudain brûlant
et douloureux. Damon ne lui laissa pas le temps de s’accoutumer à sa présence. Il se retira pour donner
aussitôt une nouvelle poussée, grognant de satisfaction dans son oreille.
Ses mouvements étaient rapides et pressés. Il passa les bras sous ses cuisses et lui souleva le bassin,
jusqu’à ce que ses chevilles viennent reposer sur ses épaules.
Totalement vulnérable, elle était tout ouverte sous ses coups de boutoir. Chacun des mouvements de
Damon pressait sa peau tiède contre la sienne, ses hanches cognant contre l’arrière de ses cuisses et ses
fesses alors qu’il s’enfonçait plus loin.
Dans un brouillard ensommeillé, elle ferma les yeux et s’abandonna à son rythme. Peu à peu, le
plaisir l’enveloppa de ses bras chauds, l’emportant dans son paresseux sillage. Elle était trop léthargique
pour participer, elle le laissa donc la prendre comme il voulait.
Bientôt, il quitta le fourreau humide, et son membre turgescent vint se poser sur elle, juste avant
qu’un liquide chaud ne se répande sur son ventre, alors qu’il continuait à onduler sur son corps.
D’une main impatiente, il replaça son sexe dans sa fente, encore chaud et palpitant de l’orgasme. Les
mouvements se firent plus lents, plus doux, accompagnant les dernières coulées de sa semence.
Elle rouvrit lentement les yeux sur l’homme qui venait de jouir sur elle et en elle. Ses cheveux bruns
étaient ébouriffés, et une barbe naissante ombrait sa mâchoire. Ses grands yeux sombres luisaient de
l’immense plaisir qu’elle souhaitait y voir. Elle lui en avait donné.
Sans un mot, elle lui sourit, et il lui rendit son sourire, puis se pencha vers elle pour l’embrasser
alors qu’il se retirait d’elle.
Il vérifia ses liens, puis se leva et se dirigea d’un bon pas vers la salle de bains. Il avait de très belles
fesses, fermes et musclées, comme le reste de son corps.
Rien à voir avec ce genre de types vêtus de débardeurs pour mieux exhiber leurs muscles gonflés.
Non, lui, il était du genre élancé et tonique.
Elle se laissa aller contre le matelas moelleux et fixa le plafond en attendant qu’il vienne la libérer.
Elle était étrangement calme, ce qui ne correspondait pas vraiment à sa personnalité, elle qui était d’un
caractère plutôt impatient. Elle n’aimait pas attendre, or c’était précisément ce qu’elle faisait à l’instant,
avec une satisfaction dont elle ne se serait pas crue capable.
Quelques minutes plus tard, Damon ressortit de la salle de bains, les cheveux encore humides de la
douche. Elle tourna la tête pour mieux l’observer. Il ouvrit son dressing et s’habilla, puis il s’approcha
du lit et ouvrit les menottes qui lui entravaient les poignets.
Délicatement, il lui rabattit les bras sur le ventre et commença à lui masser les poignets, d’un geste
doux et caressant. Il porta une main, puis l’autre à ses lèvres et les embrassa tendrement.
Sortant un gant humide, il essuya précautionneusement le sperme qui avait coulé sur ses cuisses.
– Roule sur le ventre, dit-il en lui donnant une légère poussée.
Elle obtempéra et enfouit la tête dans les draps. Machinalement, elle ferma les yeux. Il pouffa
derrière elle.
– On est fatiguée, ce matin ? demanda-t-il en lui massant le bas du dos, descendant jusqu’à la courbe
de ses fesses.
Il la laissa un instant, et elle entendit un bruit à l’autre bout de la pièce. Un tiroir qui s’ouvrait, se
refermait, et ses pas qui revenaient vers le lit. Le matelas s’enfonça sous son poids quand il s’assit près de
ses genoux.
Il lui empoigna amoureusement les fesses, serrant et caressant les globes rebondis. D’un doigt, il
effleura la raie, puis glissa à l’intérieur, jusqu’au petit orifice serré.
Elle se raidit.
– Détends-toi, Serena, lui murmura-t-il. Je vais te remettre le plug.
Elle essaya de se relâcher, bercée par le plaisir de ses caresses et de ses paroles. Patiemment, il
alternait effleurements et contacts plus sensuels et appuyés. À chaque passage de son doigt autour de son
anus, il déposait quelques gouttes de lubrifiant, si bien que très vite, elle brûla d’un désir incroyable.
Il suffit qu’un doigt s’enfonce en elle pour lui tirer un gémissement de plaisir. La douleur avait
disparu, laissant place à un désir affamé qui la faisait frissonner dans ses bras.
– Mets-toi à quatre pattes, ordonna-t-il. Tête posée sur le lit, jambes écartées.
Elle obéit lentement, se plaçant fesses en l’air et la joue contre le matelas.
Il versa encore du lubrifiant sur son anus, dedans, dehors, caressant avec douceur. Puis elle sentit la
pression du sex-toy, ferme et implacable. Son corps se raidit, tentant de résister à l’intrusion.
Elle ferma les yeux et serra les dents pour retenir le gémissement de douleur qui montait au
moment où son orifice s’étirait pour accueillir l’épais objet.
D’avant en arrière, il l’enfonçait, gagnant un peu plus de terrain à chaque poussée. Enfin, d’un geste
un peu plus ferme, il installa le plug le plus loin qu’il put.
Serena releva la tête dans un spasme, le corps arqué. Inspirant profondément par le nez, elle parvint
à recouvrer son calme et serra les draps entre ses poings.
Damon lui déposa un doux baiser sur les fesses, avant de se lever.
– Prends ta douche et descends me rejoindre. Apporte une brosse, je m’occuperai de tes cheveux. Je
serai dans la salle à manger, j’ai faim.
Les yeux toujours fermés, elle hocha la tête.
Maladroitement, elle se hissa hors du lit, embarrassée par le sex-toy qui provoquait en elle une
sensation inhabituelle. Avec un soupir, elle se dirigea vers la salle de bains. Elle aurait volontiers pris un
autre bain, mais pas question de faire attendre Damon.
Elle se doucha donc rapidement et se sécha. À son bras, l’anneau doré se reflétait dans le miroir, et
elle s’interrompit pour en examiner les motifs complexes. Cette marque de son appartenance lui donnait
l’impression d’être une esclave de l’Egypte antique.
Un délicieux frisson la parcourut lorsqu’elle baissa les yeux pour regarder l’anneau identique à sa
cheville. Il l’avait officiellement faite sienne, marquée comme sa propriété. Il avait suivi son mail à la
lettre, et même plus encore.
Elle était en train de vivre son fantasme le plus élaboré. Tout était organisé au cordeau, tout se
passait comme prévu dans le cahier des charges. C’était indéniablement l’une de ses plus belles réussites
en matière de contrat. Si seulement ses clients pouvaient être toujours aussi satisfaits.
Cette pensée la ramena brutalement à la réalité : tout cela n’était que du business. Voilà qui eut le
don d’apaiser l’excitation qu’elle avait connue quelques instants plus tôt. Damon savait comment lui
faire croire à cette histoire. Même si tout avait été orchestré dans les moindres détails, il parvenait à lui
faire croire que c’était réel.
Elle s’essuya les cheveux de son mieux et les arrangea vaguement sans les démêler. L’espace d’un
instant, elle fut tentée de s’envelopper dans la serviette avec laquelle elle venait de se sécher et de
descendre ainsi protégée. Mais elle eut le pressentiment qu’il l’avait laissée se doucher seule pour tester
son obéissance. Il avait bien précisé qu’elle ne devait pas s’habiller sans son autorisation, et aussi étrange
que cela lui paraisse de se déplacer nue dans la maison, avec un plug entre les fesses, elle obéirait.
Le rouge aux joues, elle sortit de la chambre, espérant ne pas croiser en chemin Sam ou la femme de
ménage.
Heureusement, le couloir était désert, et elle accéléra le pas pour gagner la salle à manger où Damon
l’attendait. Ce qu’elle découvrit depuis le pas de la porte faillit lui faire faire demi-tour. Mais Damon leva
les yeux et la vit. Trop tard.
Deux hommes étaient assis à table avec lui. Ils étaient en grande conversation. Une conversation
professionnelle, à en juger par leur air sérieux. Avait-elle fait une erreur en descendant nue ? Ou bien
Damon n’était-il pas au courant de la visite de ces hommes lorsqu’il lui avait demandé de venir le
rejoindre ?
Il l’observa quelques secondes en silence, puis leva la main. Bon Dieu, il voulait qu’elle entre ! Les
deux autres suivirent son regard et l’aperçurent à leur tour. S’ils ne trahirent aucune surprise, une lueur
lubrique s’alluma en revanche dans leurs prunelles.
Comme elle ne cillait pas, Damon leva un sourcil impatient, la main toujours tendue vers elle. Merde
! Il voulait vraiment qu’elle se joigne à eux.
Elle fit un pas en avant, deux paires d’yeux étrangers rivés sur sa chair nue. Plus elle s’approchait, et
plus sa gêne initiale se dissipait. L’air satisfait de Damon lui donnait du courage. Il lui prit bientôt la
main et l’attira à lui.
– Serena, je voulais te présenter M. Phillips et M. Granger, qui sont deux de mes associés. Messieurs,
voici Serena. Elle m’appartient.
Ses paroles résonnèrent à son esprit, dans toute leur dureté, la renvoyant au mail où elle avait
dévoilé les détails de son fantasme. Elle inspira brusquement en comprenant que la scène qui se
déroulait sous ses yeux, au même titre que les enchères, était l’incarnation de l’une de ses requêtes.
Ses jambes se mirent à trembler, et un frisson nerveux lui remonta le long du dos.
Damon lui tira sur la main pour l’obliger à s’asseoir par terre, entre ses jambes. Il y avait
suffisamment d’espace entre son siège et la table, et elle resta maladroitement accroupie, toujours
attentive aux mouvements du sex-toy qui tirait sur la peau de son orifice.
Tout en continuant sa conversation avec ses deux invités, il lui posa doucement la tête sur ses
genoux. Les nerfs à fleur de peau, elle abandonna alors toute réflexion.
Pendant qu’il discutait avec ses associés, Damon ne cessait de lui caresser le visage, l’approchant tout
près de son bas-ventre. Quand elle eut la joue posée sur l’intérieur de sa cuisse, il dégrafa
nonchalamment son pantalon et en extirpa son membre.
Sans perdre une bribe de la conversation, il lui passa une main derrière la tête, pendant qu’il guidait
son sexe vers sa bouche.
Sa hampe était dure et enflée, et elle l’emplit jusqu’à la gorge. Serena eut tout juste le temps de
prendre son souffle qu’il lui agrippait la tête et la maintenait fermement contre lui.
Il ne lui dit pas un mot, ne donna aucune instruction, mais sa demande était claire. Elle devait lui
donner du plaisir. À ses pieds, alors qu’il conversait avec ses convives, elle devait se comporter comme
l’esclave qu’elle souhaitait être.
Il la pénétra par de longues poussées qui lui coupèrent le souffle. Le goût de son pénis lui envahit la
bouche, et alors qu’elle sentait perler sur sa langue les prémices de l’orgasme, il la tira violemment par les
cheveux, lui maintenant la tête en arrière. Elle leva les yeux vers lui, le cou en arrière, incapable de
bouger.
Et alors elle entendit mot pour mot la phrase énoncée dans son mail, dans la bouche de l’un des
hommes : Damon accepterait-il de lui louer les services de son esclave, afin qu’elle lui donne du plaisir à
lui aussi ?
Son cœur se mit à battre la chamade. Oui, elle se souvenait de ça, d’ailleurs elle avait presque eu
honte de l’écrire. Dans son fantasme, Damon lui ordonnait de s’agenouiller tour à tour entre les jambes
des deux autres et de les faire jouir avec sa bouche pendant qu’il la regardait faire.
– Je ne partage pas ce qui m’appartient, messieurs, répondit Damon d’une voix neutre.
Elle écarquilla les yeux. Si la phrase s’adressait aux deux hommes, c’était elle que Damon fixait sans
ciller. Comme s’il ne parlait qu’à elle.
– En revanche, ajouta-t-il tranquillement, vous êtes libres de regarder mon esclave me donner du
plaisir.
21

Serena retint son souffle, ce qui lui comprima un peu plus la poitrine. Le sexe de Damon était dur et
se dressait par le pantalon déboutonné.
– Lève-toi, ordonna-t-il calmement en resserrant son étreinte sur ses cheveux.
Posant les mains sur les genoux de Damon, elle se redressa. Quand elle fut debout devant lui, dos
tourné aux deux hommes, il abandonna ses cheveux.
Saisissant son membre d’une main, il le caressa tout en la dévorant du regard.
– Tourne-toi.
Les yeux baissés, elle pivota, se retrouvant face à la table où étaient assis les deux hommes. Derrière
elle, Damon se leva, les mains posées sur son dos, puis sur ses épaules, pour la courber à plat ventre sur
la table, les fesses en l’air et les jambes pendantes. Une fois encore, elle se retrouvait dans une position de
totale vulnérabilité.
Elle sentait la fraîcheur du bois sous ses seins et, la joue pressée contre la table, elle aperçut les deux
hommes se lever à leur tour.
Ils étaient séduisants. L’un avait à peu près l’âge de Damon et l’autre était plus vieux. Le renflement
au niveau de leur entrejambe ne laissait guère de doute quant à leur désir, leur envie de goûter sa bouche
et son corps. Sauf que Damon avait été clair : c’était hors de question.
La prenant de court, le premier lui saisit le bras et le tira vers le haut, paume contre la table. Il lui
emprisonna le poignet dans sa main. Son autre poignet, avant qu’elle ait pu voir agir le second inconnu,
subit le même sort. Le souffle coupé, elle sentit une vague d’appréhension déferler en elle. Elle était
captive, vulnérable et immobilisée contre cette fichue table.
Damon saisit alors le plug et, sans lui laisser le temps de respirer, le fit glisser hors de son anus. Sa
peau distendue frémit, encore palpitante.
L’orifice demeurait béant. Damon, d’une poussée impérieuse, y pressa fermement son gland. Les
deux hommes, anticipant sa résistance, resserrèrent leur étreinte. Elle entendit leur respiration
s’accélérer, vit leur excitation alors qu’ils regardaient Damon la maîtriser.
D’un élan, ce dernier la colla à la table. La sensation de son membre s’enfonçant profondément en
elle, râpant la muqueuse délicate de son anus, était presque intolérable. Elle releva la tête et lâcha un cri,
mais l’un des hommes la plaqua contre la table, y pressant sa joue d’une paume autoritaire. La puissance
et la domination qu’elle subissait provoquèrent une myriade de délicieux picotements dans tout son
corps tremblant.
Damon la pilonnait incroyablement, pressant en même temps ses bourses contre son vagin, à chaque
poussée en avant. Elle était pleine, totalement pleine, et la morsure de la douleur lui faisait tourner la
tête en même temps que l’extase l’appelait, l’invitait à suivre sa route licencieuse.
Il fit remonter sa main le long de son dos et lui empoigna les cheveux – qu’il n’avait toujours pas
brossés, d’ailleurs. L’autre homme libéra son visage, et les doigts de Damon fourragèrent dans ses
boucles encore humides, l’obligeant à relever la tête.
Elle savait ce qu’il voulait. Qu’elle regarde les deux hommes qui la maintenaient contre la table.
Qu’elle comprenne que s’ils avaient le droit de regarder et de toucher, jamais ils ne pourraient l’avoir.
Il la montait avec possessivité, son corps couché sur le sien exhibant un inflexible instinct de
propriété. Un long moment, il resta immobile, fiché profondément en elle, pendant que les deux
hommes la dévisageaient d’un regard lubrique, leurs doigts enfoncés dans ses poignets.
Enfin, il se mit à bouger. Doucement d’abord, il se retira, glissant hors de l’orifice distendu,
l’ouvrant plus largement à lui. Ensuite, le gland pointé juste à l’entrée, il replongea vigoureusement en
elle, lui percutant les fesses de ses hanches.
Elle essaya d’analyser la kyrielle de sensations qui la submergèrent. Voulut mettre un nom sur
l’exquise excitation que provoquait la présence d’un homme au fond de son anus. Jamais elle n’avait
ressenti cette combinaison de douleur et de plaisir, la morsure et le baiser se mêlant avec tant de beauté,
tellement fusionnels qu’elle ne savait dire où finissait l’un et où commençait l’autre.
Le soulagement quand il se retirait et que cette plénitude écrasante s’apaisait était incroyablement
agréable. Mais lorsqu’il replongeait en elle, le sombre tourbillon de la douleur l’emportait. Elle haletait,
mourait d’envie de demander grâce.
Damon lui relâcha bientôt les cheveux pour lui empoigner les fesses, les écartant pour la pénétrer
encore plus profondément.
Elle était là, incapable de bouger, de résister aux intrusions passionnées de son amant. Sa vision se
troublait, et les deux hommes qui l’encadraient devinrent aussi flous que le reste de la pièce. Plus rien ne
comptait que Damon et le plaisir qu’il lui donnait. Le plaisir qu’il l’obligeait à prendre.
Soudain, il se retira complètement, laissant son gland posé dans le sillon de ses fesses.
– Dis-moi que tu le veux, dit-il d’une voix gutturale, brûlante de désir. Dis-moi que tu veux mon
sexe dans ton cul.
– S’il te plaît, murmura-t-elle.
– Je n’entends rien.
– S’il te plaît !
– Dis-moi ce que tu veux, Serena.
– Ton sexe. Dans mon cul. S’il te plaît, supplia-t-elle.
Il replaça son membre face à son orifice rétracté et donna un puissant coup de reins, l’envahissant
violemment. Puis il se retira complètement, laissant son anus douloureux et tremblant.
Les mains qui lui emprisonnaient les poignets la lâchèrent. Damon lui agrippa les hanches et la fit
pivoter, si bien qu’elle se retrouva le dos collé à la table. Pour la première fois, elle put le regarder dans
les yeux, et ce qu’elle y vit lui coupa le souffle. Une lueur animale d’une intensité impitoyable. Comme si
l’homme calme et cultivé avait été remplacé par une bête grondante, prête à tout pour garder
jalousement sa proie.
Damon lui écarta les cuisses, pendant que ses deux acolytes lui reprenaient les poignets pour lui tenir
les bras au-dessus de la tête. La position fit remonter ses seins, et Damon se pencha pour en dévorer la
pointe durcie. Sa bouche était brutale, avide, ses dents accrochant les tétons qu’il mordait sans
ménagement. Elle essaya de se libérer, prise d’une folle envie de le toucher, mais ses gardiens la
maintenaient contre la table.
Damon abandonna ses seins et lui souleva brusquement les jambes. Chacun des deux hommes se
saisit d’une cheville qu’il tira à lui, la mettant dans une position où son anus et son sexe étaient
pleinement offerts à Damon. Il passa les mains sous ses fesses, les malaxant fermement tout en les
écartant.
Les deux autres la maintenaient ainsi, et Damon approcha son gland de son orifice à présent
refermé. Oh, bon sang ! Il fut tout sauf tendre quand il le rouvrit avec une précision impitoyable, sa
nouvelle posture lui offrant un angle de pénétration auquel elle n’était pas préparée. Elle hurla en
arquant le dos mais, au moment où la morsure la désarçonnait, elle ressentit un étrange plaisir, sombre,
enveloppé d’une certaine douleur.
Les yeux rivés aux siens, Damon se cambra pour la pénétrer encore plus profondément. Il poussa
fort, jusqu’à ce qu’elle soit totalement ouverte à lui.
Serena ferma les yeux et ouvrit la bouche dans un cri muet de souffrance et de plaisir. C’était l’extase
la plus douce et la plus obscure qu’elle ait jamais éprouvée, une extase qui la submergea, la brûla et
l’envoya tournoyer si loin qu’elle ne pouvait même plus penser. Elle n’était plus que sensations.
En cet instant précis, il la possédait. Non seulement son corps, et de la façon la plus primitive qui
soit, mais aussi son âme. Elle était sienne. Prise. Possédée.
Les autres hommes avaient disparu, ils ne faisaient plus partie de son fantasme. Ils n’avaient plus
aucune importance, aucun impact sur ses désirs. Il n’y avait plus que Damon et ce qu’il lui faisait
ressentir. Chérie, protégée, elle était enfin à sa place.
Il se pencha sur elle et passa la langue sur les tétons qu’il avait tourmentés l’instant d’avant. Ses
lèvres brûlantes la caressaient, léchant, embrassant, alors qu’il murmurait des mots tendres contre sa
peau.
Puis les muscles de Damon se tendirent de nouveau, et un frisson lui parcourut le corps. Ses mains
lui enserrèrent la taille, tandis que les deux hommes agrippaient plus fort ses bras et ses chevilles, les
étirant davantage encore.
La maintenant fermement, Damon reprit ses mouvements brutaux, sauvages, s’enfonçant avec rage,
comme s’il cherchait à pénétrer chaque recoin de son âme.
Elle s’ouvrit à lui, se relâcha et l’accueillit en elle, ne craignant plus de se montrer dans toute sa
vulnérabilité, avec ses espoirs, ses peurs et ses désirs les plus secrets.
– Je vais jouir, Serena, souffla-t-il en relevant la tête de sa poitrine. Je vais venir si profondément en
toi que tu sauras que là est ma place. En toi.
Prenant une profonde inspiration, elle ferma les yeux, savourant ses paroles qui coulaient sur son
corps comme du miel liquide. Il allait et venait de plus en plus vite, de plus en plus fort, les hanches
battant contre ses fesses, le martèlement de leurs chairs qui se rencontraient emplissant l’air.
Puis il s’immobilisa. Énorme et gonflé en elle, son membre écartait les parois de son anus. Et il
déversa son liquide chaud au fond d’elle.
Les deux hommes la relâchèrent brutalement, alors que Damon restait là, son membre dur fiché en
elle. Elle les entendit s’agiter et marmonner des jurons.
– Regarde-moi, Serena, lui ordonna Damon, toujours debout entre ses jambes molles, profondément
vissé en elle. Ne détourne jamais les yeux de moi.
Elle opina lentement du chef, ramollie par une agréable léthargie.
Elle entendit des grognements étouffés et, du coin de l’œil, aperçut les deux hommes. Elle eut envie
de regarder, mais Damon replongea en elle, lui envoyant une nouvelle onde de douleur.
– Moi, Serena, rien que moi.
Un liquide chaud lui arriva sur la poitrine et elle lâcha un petit cri de surprise en comprenant que les
deux hommes étaient en train de se répandre sur elle. Ils lui éclaboussèrent les seins, leur semence
aspergeant ses tétons, coulant dans la vallée que dessinaient les deux globes de chair. Une giclée atteignit
sa joue et une autre, ses lèvres. Bientôt, tout son buste fut recouvert par cette douche tiède, alors même
que, au plus profond d’elle, se déversaient les dernières gouttes de l’orgasme de Damon.
Mais la différence était de taille. Damon avait joui à l’intérieur d’elle, alors que les deux autres
n’avaient été autorisés qu’à se soulager à la surface de sa peau, sans jamais la pénétrer.
Enfin, leurs gémissements cessèrent, et le liquide chaud se tarit.
Damon quant à lui restait au fond d’elle, la respiration haletante. Toujours comprimé entre les parois
de son anus, son membre palpitant dégonflait progressivement.
Il se redressa, renfonçant naturellement son sexe un peu plus en elle. Elle geignit sous la nouvelle
pression imposée à son orifice.
Alors, délicatement, il se retira. Il l’aida à se relever, et elle se retrouva debout devant lui, les jambes
flageolantes. Le sperme coulait à l’arrière de ses cuisses, mais elle ne bougea pas, dans l’attente de ses
ordres.
Il enveloppa son corps tremblant d’un regard satisfait, et elle se demanda à quoi elle ressemblait,
couverte de la semence de deux inconnus, et de celui de son amant, qui coulait le long de ses cuisses.
– Va te laver, dit-il avec douceur. Et reviens-moi.

Quand Serena réapparut une demi-heure plus tard, les deux hommes étaient partis, et Damon était
installé dans son fauteuil. Le matelas sur lequel elle avait dormi était de nouveau placé à ses pieds.
Elle s’approcha sans un mot et s’agenouilla sur l’oreiller moelleux. Les mains de Damon se posèrent
sur sa tête et la guidèrent sur ses genoux. Fermant les veux, elle nicha sa joue contre sa jambe alors qu’il
commençait à lui caresser doucement la chevelure.
– Tourne-toi, je vais te brosser les cheveux, dit-il après plusieurs minutes de silence.
Elle obtempéra et s’installa entre ses jambes. Délicatement, il passa la brosse dans ses longues
boucles. Elle laissa échapper un soupir d’aise, et une vague de bien-être l’enveloppa, la réchauffant.
Pendant un long moment, elle se délecta du silence, réticente à le briser par ses questions. Mais
quand il eut donné le dernier coup de brosse et reposé l’objet sur la table, elle se tourna vers lui, hésitant
sur la façon de mettre en mots sa curiosité.
Il lui toucha la joue et suivit du bout du doigt la ligne qui courait de sa tempe à sa mâchoire.
– Pose ta question, Serena mienne. Je la vois prête à s’échapper de tes lèvres impatientes.
Elle sourit, frottant la joue contre sa main.
– Pourquoi t’es-tu détourné de mon fantasme ? Son doigt arrêta sa course au coin de sa bouche.
– Ça t’a embêtée que je ne veuille pas de leur sexe dans ta bouche ou ailleurs en toi ?
– Non, admit-elle. Je ne crois pas que j’aurais apprécié cela. En théorie, cela faisait sexy, osé même.
Sauf qu’en réalité, l’idée de…
Elle s’interrompit, incapable de dire que faire une fellation à l’un de ces hommes ne l’excitait pas, en
réalité.
– Je suis content, enchaîna-t-il simplement. J’ai essayé de rester aussi fidèle à ta demande que
possible, mais tu dois savoir que je ne partage pas ce que je considère comme mien.
A nouveau, elle lui caressa la main de sa joue.
– J’en suis heureuse, avoua-t-elle. Je pensais… je pensais que ce serait excitant, soupira-t-elle alors
que Damon lui tenait le visage entre ses mains sans la quitter des yeux. Ça avait l’air… je ne sais pas…
Quand Faith le racontait, ça avait l’air tentant que plusieurs hommes s’occupent de moi, ou d’être
obligée de donner du plaisir à plusieurs hommes en même temps.
Elle prit la main de Damon entre les siennes et la porta à ses lèvres. Son seul besoin, au fond, c’était
qu’il soit près d’elle.
– Mais quand je me suis trouvée devant le fait accompli…, reprit-elle, quand j’ai cru que tu allais
m’ordonner de donner du plaisir à ces hommes parce que ça faisait partie des choses que j’avais
imaginées, j’ai pris peur. Je ne voulais pas. Je ne voulais que toi.
Il retira sa main et la hissa sur ses genoux pour la serrer tout contre lui. Puis, il lui souleva le menton
d’un doigt.
– Si jamais il y a quelque chose qui te fait peur, tu dois me le dire immédiatement. Jamais je ne veux
prendre part à quoi que ce soit qui t’effraie. Et pour ce qui est des autres hommes, je suis ravi que tu
n’aies pas envie de leurs attentions, car c’est une chose que je ne tolérerais pas.
Elle sourit.
– J’aime quand tu es possessif comme ça.
Il lui rendit son sourire, mais son expression était sérieuse. Un délicieux frisson la parcourut, et elle
sentit son cœur se serrer. Aucun homme ne l’avait désirée aussi férocement.
Mais la vérité la frappa, inattendue, incontournable.
Tout cela n’était pas réel.
Ce n’était qu’un jeu très bien mis en scène, dont ils n’étaient que les acteurs. Un scénario qu’elle avait
écrit elle-même, dans lequel il jouait le rôle qu’elle lui avait assigné. Le désir de Damon était peut-être
bien réel, mais il était purement sexuel.
– Pourquoi cette jolie lumière vient-elle de s’éteindre dans tes yeux ? murmura-t-il en lui caressant
les lèvres de son pouce. Et pourquoi ton sourire a-t-il disparu ?
– Parce que je viens juste de me rappeler que rien de tout cela n’était vrai, souffla-t-elle.
Il ne cilla pas, aucun signe visible ne trahit sa réaction à cet aveu. Il continua à l’observer fixement de
ses yeux perçants.
– Tu veux que ce le soit, Serena ?
Sa question resta suspendue en l’air. Le voulait-elle ? Elle déglutit, hésitante. Comment répondre à
cette question, quand elle n’avait aucune idée de ce qu’elle voulait vraiment ?
Oui, elle éprouvait un certain regret à l’idée que tout ceci ne soit qu’un jeu, car elle aimait être chérie
par un homme comme Damon. Mais elle n’avait pas envie de devenir à jamais l’esclave de quelqu’un. Les
effets, excitants au début, deviendraient forcément lassants au bout d’un moment.
– Je n’en sais rien, admit-elle enfin. Je suis incapable de répondre à ta question.
– Et pourtant, tu éprouves des regrets à ce que ça ne soit pas réel.
Elle acquiesça.
– C’est nous qui décidons, Serena mienne. Personne d’autre que nous ne peut juger de la réalité de
ce que nous vivons.
– J’aime bien cette idée, dit-elle en se collant à lui pour le scruter. Damon ?
Il déposa un baiser très léger sur ses lèvres.
– Oui ?
– Est-ce qu’on peut oublier mes fantasmes ? Est-ce qu’on peut fonctionner à l’instinct, plutôt ? Je
n’ai pas envie que tout soit aussi… scénarisé. Pour le temps qui nous reste, je veux savoir ce que ça fait
de t’appartenir vraiment.
Il l’embrassa de nouveau, ses lèvres explorant les siennes avec une douceur presque douloureuse. Il
pouvait être si exigeant, et à la fois si délicieusement tendre… Elle adorait ces deux facettes de sa
personnalité.
– Je trouve que c’est une excellente idée, Serena mienne. Je n’ai aucune envie de te partager avec un
autre homme. Il y a des aspects de ton fantasme qui m’excitent et des limites que j’ai envie de repousser.
Tu me plais d’une façon qu’il m’est impossible de décrire, et si tu me fais confiance, je ferai de ton
expérience la plus belle aventure qui soit. Nous irons de l’avant, toi comme esclave, et moi comme
maître.
Machinalement, elle porta la main à l’anneau qu’elle arborait, ravie de sentir son poids rassurant à
son bras. Damon le toucha aussi, dessinant ses contours du bout des doigts.
– Tu aimes la marque de ton appartenance ? Elle observa les doigts sur son bras, appréciant le
contraste entre sa peau claire et le scintillement du bandeau doré.
– Oui. C’est moins rude qu’un collier, c’est féminin, et pourtant, le symbole de ton pouvoir y est très
présent. J’aime le regarder en sachant qu’il vient de toi. Un collier, ça aurait été trop… dégradant.
– La dernière chose que je souhaite, c’est que tu te sentes humiliée, acquiesça-t-il.
– J’ai faim, dit-elle en changeant abruptement de sujet.
Il eut un petit rire.
– Ça ne m’étonne pas. J’ai beaucoup exigé de toi, ce matin, et je ne t’ai pas nourrie. Quel mauvais
maître je fais !
Elle lui prit le visage en coupe et baissa la tête vers lui. Leurs lèvres se rencontrèrent et se mêlèrent.
C’était elle qui contrôlait le baiser, et il la laissa faire. Quand elle s’éloigna, tous deux haletaient. Elle vit
une lueur étrange passer dans les yeux de Damon.
– Tu es le meilleur des maîtres, fit-elle simplement. Je sais que je ne manquerai jamais de rien tant
que je serai avec toi.
Il la serra contre lui et l’embrassa sur le bout du nez.
– Non, Serena mienne. Tu ne manqueras de rien que je puisse te donner.
22

Après un dîner tranquille à la maison, Damon avait choisi une tenue à Serena, lui annonçant qu’ils
sortaient, mais sans préciser où exactement. Vêtue d’une jupe fine et d’un haut sans manches en soie,
avec pour instruction de ne porter aucun sous-vêtement, elle l’avait suivi dans sa BMW gris métallisé.
Une demi-heure plus tard, ils se garaient sur le parking de The House, et une vague d’adrénaline
enveloppa Serena. Elle jeta un regard vers Damon, mais son expression était indéchiffrable.
Comme s’il sentait son excitation mêlée d’anxiété, il lui prit la main et la serra doucement alors qu’il
coupait le moteur.
– Tu resteras à mes côtés à tout instant. Des hommes vont essayer d’attirer ton attention, de te
parler, de flirter avec toi, mais tu ne devras parler qu’à moi et aux gens auxquels je t’autoriserai à
t’adresser.
Les sourcils froncés, elle le fixa longuement. Sa voix autoritaire lui donnait l’impression d’être une
enfant sermonnée plutôt qu’une femme, adulte de surcroît.
Il soutenait son regard, comme s’il s’attendait à ce qu’elle lui oppose un refus, mais elle serra les
lèvres et détourna la tête. Après tout, c’était ce qu’elle avait demandé, il ne faisait que lui donner ce
qu’elle voulait.
Damon sortit de la voiture et en fit le tour pour venir lui ouvrir la portière. Elle posa la main dans la
sienne et descendit avec grâce.
– Est-ce que je t’ai dit combien tu es belle ce soir ? murmura-t-il alors qu’il l’entraînait vers l’entrée.
Elle sourit, oubliant instantanément sa légère irritation.
– Non, mais ça fait plaisir à entendre.
– Je vais faire des jaloux, tes cheveux brillent comme de la soie.
– Flatteur, va ! le taquina-t-elle.
– Les mots viennent naturellement, quand on est en présence d’une belle femme. Sinon, ce ne sont
que des mots.
– Ta logique est imparable, répondit-elle avec un large sourire.
Dans le hall, ils furent accueillis par le majordome. Damon la conduisit dans un petit vestiaire, un
peu à l’écart de l’entrée principale.
– Retire tes vêtements. Je ne veux voir que les marques de ma propriété pour orner ton corps.
Elle inspira brusquement, mais défit sa ceinture d’une main tremblante. Certes, lors de la vente aux
enchères elle était nue, mais aujourd’hui, c’était différent. Le soir des enchères, elle savait d’avance ce qui
allait se produire, puisqu’elle avait écrit chaque ligne du scénario. Ce soir, en revanche, elle avançait à
l’aveugle, et c’était plutôt déconcertant.
– Veux-tu que je te déshabille ? lui proposa-t-il. Tu trembles.
Elle secoua la tête sans piper mot.
– Serena, est-ce que tu as peur ? insista-t-il en posant sur elle un regard perçant. On peut rentrer, si
tu préfères. Tu n’as qu’un mot à dire.
Non.
Il planait au-dessus d’elle comme un nuage noir. Elle en était arrivée à le redouter, ce mot, avec tout
ce qu’il impliquait. Plus qu’un refus, il représentait la fin d’un fantasme qu’elle mourait d’envie de
continuer à vivre. Et pas avec n’importe qui : avec Damon.
Elle laissa glisser sa jupe sur ses hanches. Le vêtement tomba à ses pieds pendant qu’elle retirait son
haut d’un geste vif et le jetait sur le côté. Le souffle frais de l’air conditionné caressa sa peau nue, et elle
frissonna.
Damon prit une boucle de ses cheveux entre ses doigts, la faisant passer par-dessus son épaule pour
la relâcher sur son sein. Le téton, dur et tendu, darda effrontément entre les mèches.
Du bout du doigt, il l’effleura. C’était un contact aussi doux que la soie et, pourtant, elle sursauta
comme sous l’effet d’un choc électrique.
– N’oublie pas mes instructions, murmura-t-il avant de l’emmener hors de la pièce.
Elle le suivit dans le couloir. Ils passèrent devant plusieurs petites pièces, où des gens partageaient
cocktails et conversation. Elle marchait d’un pas rapide, espérant qu’ils n’auraient pas le temps de lever
les yeux vers elle.
Damon avançait vers les escaliers, et elle se souvint d’avoir emprunté cet itinéraire quelques soirs
plus tôt, alors qu’elle suivait son gardien jusqu’à la grande salle commune à l’étage.
Ce soir, cependant, la pièce ne ressemblait en rien à son souvenir. Elle fut étonnée par l’agitation qui
y régnait. Contrairement à l’étage inférieur, où les gens étaient vêtus normalement, les participants
arboraient ici des tenues allant de costumes érotiques élaborés à la nudité la plus totale.
Chaque partie de la pièce abritait un type particulier de… fétichisme – c’était le seul mot qui lui
venait à l’esprit, mais il n’était sans doute pas approprié.
Jamais elle n’avait vu autant de chair dénudée et une atmosphère aussi purement charnelle, sinon
dans un film porno. Ces gens n’apprécieraient peut-être pas la comparaison, mais son expérience en la
matière n’allait pas plus loin.
– As-tu envie d’une petite visite guidée ? lui souffla Damon. Personne ne s’offusquera d’être observé.
Au moins ne s’attendraient-ils pas à ce qu’elle participe ! Damon avait été extrêmement clair
concernant le fait qu’on la touche. Rassurée par cette idée, elle hocha la tête. Regarder n’avait jamais tué
personne.
Des images érotiques l’assaillaient de tous côtés. Les scénarios sexuels variaient du simple face à face
d’un couple en train de copuler joyeusement, à l’orgie comportant pas moins de huit personnes,
emboîtées comme des Lego. Très… bizarre.
Le potentiel érotique était clairement très élevé dans cette pièce, qui ne manquait pas non plus de
scènes choquantes. Pourtant, ses sens restaient étonnamment au repos. Elle observait la valse des corps,
entendait les gémissements et les cris, dans une sorte de confusion muette.
Et puis Damon la toucha, et il suffit d’un effleurement pour qu’elle sente le feu s’allumer dans son
bas-ventre. Ses seins se dressèrent vers lui, lourds et avides de ses caresses.
– Je suis extrêmement flatté que mon contact suffise à t’exciter, dit-il en lui caressant un sein.
Puis il passa la paume sur l’autre, palpant la chair souple, agaçant du pouce la pointe sensible.
– À présent, dépêchons-nous, mon plaisir – et le tien – attendent.
Elle le suivit jusqu’au centre de la pièce, remarquant que les autres s’interrompaient pour les
regarder passer. Les gémissements de plaisir se turent, et un étrange silence tomba sur la pièce où, un
instant plus tôt, le bruit des corps entrechoqués, les grognements et les cris passionnés résonnaient en
écho.
Un cadre métallique était installé au centre de la salle, et un attroupement s’était déjà constitué
autour. L’objet était tout simple, si bien que Serena n’en comprit pas immédiatement la fonction.
Il s’agissait d’un assemblage métallique rectangulaire, dressé à la verticale, mais en s’approchant, elle
remarqua qu’il pivotait et bougeait de haut en bas, de façon que le rectangle puisse aussi bien être placé à
l’horizontale qu’en diagonale.
Un homme portant jean et tee-shirt moulant attendait, une main nonchalamment posée sur le cadre,
qu’il montait et descendait tout en les regardant approcher. Son regard ouvertement appréciateur glissa
sur Serena, mais un coup d’œil glacial de Damon le remit à sa place.
L’homme sourit et fit un signe de la tête en direction de Damon.
– Votre esclave a envie de jouer, ce soir ?
– Mon esclave fait ce que je lui commande, rétorqua Damon d’une voix égale.
– Vous êtes un homme chanceux. Avez-vous besoin d’aide pour l’attacher et la préparer ?
Serena se tourna vivement vers lui. L’attacher ? La préparer ?
Damon la regarda, avant de se tourner vers l’inconnu.
– Serena, je te présente Cole. Fais ce qu’il te dit. Serena déglutit et avança d’un pas, comme Damon
le lui indiquait.
– Je reviens dans un instant, ajouta-t-il, je dois choisir mon équipement.
Équipement ? Attacher ? Elle se mit à trembler, bien consciente que cela n’avait rien à voir avec la
peur. Une vague d’excitation lui parcourait le corps, mêlée à une bonne dose d’incertitude.
Quand Cole voulut lui prendre le bras, elle recula instinctivement.
– Je ne vous ferai pas mal, la rassura-t-il.
Elle jeta un coup d’œil alentour, mais Damon avait disparu.
Cole lui posa doucement la main sur le bras, dans un geste apaisant. Elle n’avait vraiment pas peur,
mais elle n’était pas non plus enthousiaste. Pas encore, en tout cas. L’appréhension, voilà qui décrivait
bien le sentiment qui lui zébrait le corps comme un éclair.
Elle parvint néanmoins à se détendre et obéit à Cole qui lui désignait le cadre. Quand il le fit
pivoter, elle vit les boucles de cuir : une en haut, au centre, et deux de chaque côté, en bas.
– Montez, lui intima-t-il en la prenant par le coude.
Elle enjamba la base de la structure et se tint debout à l’intérieur du rectangle, attendant la suite.
Cole la plaça de telle sorte que ses pieds se trouvent au niveau des bracelets. Le cuir lui enveloppa la
cheville droite, doucement puis brutalement, quand Cole resserra la sangle.
Elle lâcha un bref soupir en comprenant à quoi servaient les boucles. Attacher… Sa réaction le fit
sourire.
– Écartez les jambes, afin que la seconde soit près de l’autre lien.
Elle trébucha et dut se retenir à son bras pour retrouver l’équilibre.
– Je ne vous laisserai pas tomber, assura-t-il. La sangle de cuir lui entoura la cheville. II serra.
– Les bras au-dessus de la tête, ordonna-t-il en se redressant.
Elle leva la tête vers le lien unique, mesurant d’emblée l’inconfort de la position qu’il lui proposait.
Mais le regard qu’il lui jeta n’appelait aucune discussion.
Lentement, elle leva les bras et rassembla ses poignets, au-dessus de sa tête.
– Très bien, dit-il.
Mais son approbation ne fit aucun effet sur elle.
C’était à Damon qu’elle voulait plaire.
Cole lui attacha les poignets, serrant si fort qu’elle dut se mettre sur la pointe des pieds. Si elle avait
déjà eu l’impression d’être vulnérable, ce n’était rien en comparaison avec ce qu’elle ressentait désormais.
Ses pieds quittèrent le sol quand il fit pivoter le cadre, et elle se retrouva suspendue par ses liens,
légèrement inclinée. Elle regarda le sol, la bouche soudain sèche. Elle dut se passer la langue sur les
lèvres pour tenter de les humidifier.
La pièce tourna et, sous l’impulsion de Cole, elle se retrouva face au plafond. Il lui passa une large
ceinture sous le dos, dont il lui ceignit le ventre, pour l’attacher par des crochets aux côtés de la
structure. Ce qui eut pour effet de relâcher un peu de la pression exercée sur ses bras et ses jambes, et de
lui soulager agréablement le cou. Elle n’aurait pas été jusqu’à se dire bien installée, mais c’était tout de
même nettement mieux.
Cole lui posa soudain une main sur le sein, la faisant sursauter. Il frotta du pouce le téton durci, sans
pour autant changer d’expression, puis il pencha la tête et, à sa grande surprise, suçota le mamelon, avant
de le mordiller férocement.
Il le relâcha et leva vers elle un regard satisfait.
– Beaucoup mieux, sourit-il.
Elle le regardait, incrédule, mais avant de pouvoir poser la question qui la taraudait, elle fut
traversée par un douloureux pincement, suivi d’une brûlure au niveau du téton. Elle se tortilla et émit
un petit cri, avant de baisser les yeux vers le lieu d’où irradiait la douleur.
Cole venait de lui poser une pince à téton. Plantée dans la chair plissée, elle étirait le sein. Serena se
débattit mais ses liens l’entravaient.
– S’il vous plaît, murmura-t-elle. Retirez-moi ça. Sans prêter la moindre attention à sa requête, il fit
le tour du cadre. Elle gémit, sachant ce qui l’attendait. En effet, il fit subir le même traitement à son
autre téton, le triturant du bout des doigts avant d’en suçoter la pointe.
Même si c’était l’autre mamelon qui subissait l’effet de la pince, celui-ci était déjà hyper sensible, et
elle sentait chaque coup de dent comme s’il s’agissait de mâchoires métalliques.
Après une dernière morsure, il passa la langue sur la chair durcie et s’écarta. Cette fois, il attendit un
instant. L’enfoiré ! Tous les muscles de Serena se tendirent. Il attendait encore, un sourire patient sur les
lèvres.
Il lui laissait le temps de voir venir la douleur, allant même jusqu’à passer la pince sur le bourgeon.
Puis, sans douce caresse et sans préparation, il posa la pince et relâcha brutalement.
Elle serra les dents pour étouffer un cri de douleur et de surprise. La mâchoire mordait dans sa
chair, provoquant une douleur insupportable. Elle arqua le dos, tirant sur ses liens.
Mais peu à peu, la douleur diminua, remplacée par une brûlure, et enfin par un engourdissement
bienvenu.
Elle s’immobilisa, pantelante, submergée par les sensations qui la traversaient de part en part.
D’abord la bouche de Cole sur ses seins, puis la vive morsure de la pince. Le souvenir réveilla ses tétons,
très sensibles à nouveau.
Et soudain, sans prévenir, Cole la changea de position. Ses pieds tournèrent sous elle, jusqu’à ce
qu’elle se retrouve en position verticale, puis il poussa un peu plus. Elle était désormais inclinée vers
l’avant, plus ou moins à quarante-cinq degrés.
Ses seins ballottèrent, et les pinces tirèrent plus fort sur ses tétons, envoyant des flèches acérées dans
son bas-ventre.
Si incroyable que cela puisse paraître, son sexe était humide. Elle sentait une moiteur crémeuse se
former entre ses jambes, son clitoris palpiter au même rythme que la tension imposée à ses tétons.
Des mains lui saisirent les fesses, les malaxant, avant de les écarter. Une onde de choc lui remonta le
long du dos, raidissant ses muscles alors même que ses lèvres s’arrondissaient. Mais avant qu’un son ne
puisse s’en échapper, Cole lui appliqua du lubrifiant sur l’anus, une dose généreuse, tout autour de
l’ouverture.
Ses épaules se mirent à trembler, puis son corps tout entier fut parcouru de minuscules frissons,
alternativement chauds et froids. Sur le fil entre la peur et le désir, elle était perdue, brûlante, un peu
angoissée, mais en même temps très excitée. Or elle refusait d’être excitée par les mains d’un inconnu.
Un doigt se glissa sans ménagement entre ses fesses, et elle prit une profonde inspiration. Le doigt
entama un lent va-et-vient contre la chair délicate, l’ouvrant peu à peu en étalant le gel.
Puis un deuxième rejoignit le premier, l’écartant jusqu’à ce qu’elle s’ouvre totalement à lui. Cole
avait des doigts épais, et l’orifice était très resserré autour de ses phalanges, mais il continua ses caresses,
ajoutant toujours plus de lubrifiant pour faciliter le passage.
Sa vision se troubla, et elle ferma les yeux pour se reprendre. Des vagues l’assaillaient, des vagues
de… Elle ne pouvait pas dire besoin, ni désir, car elle ne voulait pas de cet homme. Elle appréciait ses
caresses habiles, les sensations qu’il lui imposait, la mélodie coquine et interdite qu’il jouait sur son
corps. C’était douloureux mais, en toute honnêteté, la façon dont elle réagissait à cette douleur la
troublait, l’effrayait même, car elle ne lui déplaisait pas. Au contraire, elle en voulait davantage.
Tout à coup, Cole se retira, ne laissant derrière lui que le silence assourdissant qu’elle n’avait pas
remarqué auparavant. Il n’y avait plus un bruit dans la pièce. Relevant la tête, elle constata que, comme le
soir de la vente aux enchères, tous les regards étaient braqués sur elle.
Un bourdonnement doux et régulier enfla dans son ventre, descendit dans son sexe et se répandit
rapidement dans ses veines. Damon. Elle sentait sa présence, même si elle ne le voyait pas.
Elle lâcha un soupir quand il posa enfin les mains sur ses fesses, les caressant amoureusement. La
différence était flagrante entre ses mains et celles de Cole. Les caresses de Damon avaient cette touche de
respect, d’attention et de tendresse qui manquait cruellement à l’approche méthodique, presque clinique
de Cole.
Quelque chose de mou lui descendit le long du dos, quelque chose qui avait la consistance et la
froideur du plastique, ou peut-être du caoutchouc. Un frisson parcourut ses muscles noués. Damon la
contourna, et elle vit alors qu’il tenait une longue cravache. Sa pointe lui toucha l’oreille, traçant un
cercle autour du lobe avant de glisser doucement sur sa joue et ses lèvres, en un doux baiser.
Il la fixa de ses yeux sombres, la cravache immobile contre ses lèvres entrouvertes.
– Lèche-la, ordonna-t-il d’une voix rauque. Comme si c’était mon sexe. Montre-moi comment tu le
sucerais.
Elle leva les yeux pour observer sa réaction, tandis qu’elle tendait la langue vers la cravache,
appréciant le goût et la texture du cuir. Enhardie par la lueur qu’elle perçut dans ses prunelles, elle
donna un long coup de langue sur le côté plat de l’objet, avant d’en attraper la pointe entre ses dents et
de la sucer amoureusement.
D’un geste vif, il la lui enfonça un peu plus loin, et elle savoura cette offrande qui lui roulait sur la
langue. Quand il la retira, elle la garda un instant en équilibre sur sa lèvre inférieure, puis la laissa
retomber.
Damon saisit la cravache dans l’autre sens et contourna de nouveau Serena, venant se replacer
derrière elle, à un endroit où elle ne le voyait plus. Elle retint son souffle, prête à entrer encore une fois
dans l’inconnu.
– La douleur peut être bien des choses, lui chuchota Damon à l’oreille. Ou bien elle peut n’être que
de la douleur. Qu’en sera-t-il pour toi, Serena mienne ?
La cravache fendit l’air en sifflant. Avant qu’elle ait eu le temps de s’y préparer, une fulgurante
douleur lui déchira la peau. Son corps s’arqua et elle hurla. Mais les mots qui lui venaient aux lèvres
furent précédés par une étrange sensation. La brûlure sur ses fesses se changea en chaleur.
Un bourdonnement tiède, agréable, grisant même, se déversa dans ses veines. Toutes ses forces
l’abandonnèrent. Difficile d’analyser comment cette douleur se transformait si rapidement en plaisir
mais, quoi qu’il en soit, elle en voulait encore. Oui, malgré la peur, elle en voulait encore.
Le feu lui déchira l’autre fesse quand le cuir cingla la chair. Et avant qu’elle ait le temps de reprendre
son souffle dans l’attente du prochain coup, la cravache s’abattit à nouveau.
Elle sursauta, et il frappa encore. Un peu moins fort cette fois, mais sur la partie sensible, juste au-
dessous de la courbe de ses fesses, et ce furent comme des lames de rasoir qui lui caressaient la peau.
De façon incompréhensible, alors qu’elle ouvrait la bouche pour lui demander d’arrêter, elle
s’entendit le supplier de continuer.
– S’il te plaît. Encore !
Les mots sortirent de sa bouche, comme à contrecœur.
La cravache atteignit un morceau de peau intacte. Et encore. Jusqu’à ce que chaque centimètre carré
s’enflamme.
Alors Damon s’interrompit, et elle lâcha un faible gémissement, de soulagement ou de regret, elle
n’en était plus trop sûre. Toujours derrière elle, il se pencha contre son dos, prenant l’un de ses seins
dans une main. Il en titilla doucement la pointe torturée. Sa réaction fut instantanée : une langue de feu
la parcourut, brûlante, la laissant pantelante et en larmes. Mais en même temps que la douleur sur ses
fesses se muait en chaleur, le feu de ses tétons fit place à un incroyable plaisir. Mêlé à une vague de
puissant désir, déferlant sur elle comme un tsunami.
Après un dernier pincement sur la pointe hyper sensible de son téton, Damon s’écarta.
– Si seulement tu pouvais voir comme tu es belle, murmura-t-il. Ecartelée devant moi, ouverte,
offerte. Ta peau irradie de mes marques, comme un bouquet de fleurs, rouge par endroits et rose à
d’autres.
Elle ferma les yeux, séduite par ses paroles. En effet, elle se sentait belle quand il parlait ainsi, à la
fois chérie et admirée.
Un claquement retentit soudain dans la pièce, qui la fit sursauter, avant qu’elle ressente dans sa chair
la brûlure qui la mordit. Elle arqua le dos, dans une vaine tentative pour se libérer des liens qui la
maintenaient impitoyablement.
Des larmes lui piquaient les yeux, dissimulées derrière ses paupières, prêtes à se répandre sur ses
joues. Et puis, comme un lever de soleil, la chaleur brumeuse du plaisir, indescriptible, apparut et se
répandit dans son corps. Un voile soyeux, aérien, l’enveloppa. Était-elle complètement folle de désirer
quelque chose aussi fort ? Et d’aimer souffrir pour atteindre l’extase ultime ?
La pièce devint floue, sous l’effet de l’étreinte enivrante du plaisir ou à cause de ses larmes, elle n’en
savait rien. Elle flottait, légère et libre. Oubliés ses liens, elle volait, au creux d’un éclat chaud et
confortable. Un sourire rêveur se dessina sur ses lèvres, et elle laissa son menton retomber sur sa
poitrine.
Incroyable ! Un orgasme approchait, se répandant lentement dans ses membres comme lorsque l’on
s’étire au réveil. Il prenait de la force et montait au cœur même de son corps épuisé, titillant chaque nerf,
décuplant l’effet de la cravache au point qu’elle ne savait plus faire la différence entre un coup et le plus
doux des baisers.
Et puis la douleur disparut totalement, ce qui lui arracha un gémissement de dépit. Son orgasme
était comme suspendu, au seuil de l’explosion, l’abandonnant au bord d’une falaise instable.
Des mains lui agrippèrent la taille, en même temps qu’un membre se calait contre son anus. Elle
sentit son sexe se serrer d’être ainsi négligé. Damon poussa impatiemment, pour venir se loger à
l’intérieur de l’étroit orifice d’un coup de reins autoritaire.
Ses fesses, rendues sensibles par les coups de cravache, tremblaient chaque fois que les mains de
Damon se posaient sur les zébrures boursouflées. Son étreinte se resserra, et il se mit à la pilonner avec
une intensité brutale.
La vigueur de ses coups de boutoir secouait tout son corps, faisant ballotter ses seins, dont chaque
mouvement accentuait la morsure des pinces.
Elle se savait observée, par les hommes et les femmes qui assistaient à la scène avec du désir plein les
yeux. Mais en cet instant, elle s’en fichait complètement. Il n’y avait qu’elle et Damon, qui la prenait, la
possédait, lui montrait qu’elle n’avait d’autre pouvoir que celui qu’il lui accordait.
Voilà, elle les avait franchies, ses limites. Elle n’avait plus aucun contrôle sur les suppliques que
bredouillait sa bouche. Le suppliait-elle d’arrêter ou de continuer ? Il n’y avait qu’un mot qu’elle gardait
prisonnier, aussi fermement enfoui qu’elle était arrimée à la structure métallique : « non ». Jamais elle ne
le dirait, car elle ne voulait pas que tout cela s’arrête.
– Détachez-la, ordonna Damon en reprenant ses va-et-vient.
Des mains lui saisirent les seins, et les mâchoires des pinces s’ouvrirent, libérant ses tétons qui
retrouvèrent immédiatement toutes leurs sensations. L’engourdissement salvateur fit aussitôt place à une
douleur déchirante qui la transperça et l’envoya tournoyer dans de brûlants abysses.
Ses yeux s’ouvrirent, s’écarquillèrent, et elle voulut crier.
Le membre de Damon, dur et lourd, lui déchirait l’anus sans relâche. Elle s’ouvrait à lui au
maximum, sans défense et sans force sous ses assauts.
Il passa les mains sous son buste et trouva ses seins pour en titiller les tétons. C’en fut trop.
Alors qu’elle sentait l’orgasme arriver, Damon se mit à la pénétrer frénétiquement, ignorant ses
tremblements et les balancements de la structure.
– Jouis, Serena, ordonna-t-il de sa voix rauque. Donne-moi ton plaisir.
Il lui pinça cruellement les tétons, ravivant la douleur dans sa poitrine, qui égalait l’insupportable
pression dans son anus, alors qu’il s’enfonçait aussi loin que possible.
Elle avait besoin, elle n’avait besoin que d’un… d’une poussée de plus. Son corps ne supporterait pas
de pression supplémentaire. Chacun de ses muscles était tendu à l’extrême, alors que son corps était
ballotté dans tous les sens.
Et soudain, le feu lui déchira le dos. La cravache s’abattit à quelques centimètres de l’endroit où
Damon était enfoncé. Ses mains lui recouvraient toujours les seins, jouant impitoyablement avec ses
tétons douloureux. Le coup ne pouvait donc pas venir de lui. Cole. C’était forcément Cole.
Comme de la lave tombée du ciel, les coups pleuvaient tandis que Damon s’enfonçait furieusement
en elle. Elle ferma les yeux, et le silence se fit autour d’elle. Un silence aussi doux qu’un état de grâce
tomba comme une pluie d’été. Elle se laissa enfin aller, abandonnant tout contrôle, arrêtant enfin de
combattre ses besoins et ses peurs.
Son orgasme gronda comme un train fou. Il naquit dans son ventre, roulant, cavalant jusqu’à ce que
son corps soit secoué de tremblements incontrôlables. Elle hurla. Une fois. Deux fois. Elle perdit le
compte.
Ce fut une jouissance incroyable. A la fois trop forte et pas assez. Même repue et complètement
épuisée, elle en voulait plus, comme un drogué implorant sa dose. Elle arqua le dos, cherchant la
cravache qui n’était plus là.
Des mains douces caressèrent son dos ravagé. Des mots apaisants coulèrent sur elle, l’enveloppant
comme de la guimauve. Des lèvres vinrent se poser au milieu de son dos, des bras puissants
l’enveloppèrent, la soutenant pendant qu’on libérait ses jambes et ses bras.
Privée de ses dernières forces, elle s’effondra dans les bras de Damon. Il la serra contre lui et
enveloppa son corps tremblant de sa chemise. Il lui essuya tendrement les joues, et elle se rendit compte
qu’elles étaient mouillées de larmes.
Alors qu’il la portait hors de la pièce, elle noua les bras autour de son cou et le serra aussi fort qu’il
la serrait. De nouvelles larmes lui échappèrent.
Dans un épais brouillard, elle comprit vaguement qu’il la mettait dans la voiture et commandait à
Sam de les ramener à la maison. Tout ce qu’elle parvint à entendre, ce furent les paroles chuchotées dans
ses cheveux, quand Damon la remercia et l’embrassa.
– Endors-toi, Serena mienne. Je m’occupe de toi.
23

Serena se réveilla aux premières lueurs de l’aube. La pièce baignait dans la douce lumière bleutée du
soleil qui s’étirait sur l’horizon.
Elle resta allongée un moment avant de comprendre où elle était. Elle adorait savourer ces premiers
instants de bien-être absolu au réveil.
La première chose dont elle se rendit compte, c’était que ses mains n’étaient pas liées comme
d’habitude. Elles étaient en fait posées sur le bras de Damon, qui lui enlaçait la taille. La jambe de ce
dernier aussi était sur elle, et un coup d’œil lui confirma que tout son corps était confortablement abrité
par celui de son amant.
Incapable de résister au plaisir de bouger librement et de toucher Damon, elle roula, se déhancha,
jusqu’à se retrouver face à lui. Il ouvrit les yeux et la regarda avec une immense affection.
Elle se blottit contre son torse et glissa une main sous sa taille. Écoutant le battement régulier de
son cœur, elle inspira son odeur, la savourant longuement avant d’expirer.
Elle lui embrassa le torse, puis elle remonta, tendant le cou, pour se retrouver au niveau de ses
lèvres. Elle effleura sa joue, couverte d’une barbe naissante.
Il l’observait, sans un mouvement, sans chercher à la diriger. Elle se rapprocha encore un peu,
jusqu’à sentir son souffle sur ses lèvres. Lentement, très lentement et en gardant ses yeux rivés aux siens,
elle y posa sa bouche.
Elle soupira, submergée par le bonheur que lui procurait ce simple baiser. Elle adorait le toucher, et
elle n’en avait pas encore eu suffisamment l’occasion à son goût. Mais comme ce matin il semblait
disposé à la laisser agir à sa guise, elle n’allait pas s’en priver.
Elle déposa une ligne de baisers de ses lèvres à son cou. Ce début de barbe contre son épiderme
sensible, c’était divin. Le sang puisait à son cou, sous la peau fine qu’elle mordilla délicatement.
– Es-tu en train de me séduire, Serena mienne ? s’enquit-il d’une voix si rauque qu’elle en eut des
frissons. L’esclave s’est-elle changée en maîtresse tentatrice ?
Elle sourit et le repoussa doucement, jusqu’à ce qu’il soit allongé sous elle.
– Je savais que je n’aurais pas dû te laisser détachée, murmura-t-il d’un ton tout sauf désolé.
– Fais-moi l’amour, Damon, souffla-t-elle d’une voix empreinte d’un désir brûlant. Juste comme ça,
sans liens, sans jeux, comme des amants qui se réveillent l’un près de l’autre.
Il l’enlaça et la hissa sur lui. Elle se laissa aller, la bouche tout près de la sienne. Il lui prit les lèvres,
les dévora avec avidité, sans préambule, sans petits baisers échangés. Il prit simplement ce qui lui
appartenait, libérant sa passion dans un baiser qui la laissa tremblante et désemparée.
Il ne cherchait pas à cacher son besoin ni son désir impérieux. Sa force la traversa et emplit l’air
d’électricité. Savoir qu’il la désirait si fort, elle, et pas son esclave ni les jeux ou les scénarios élaborés lui
coupait le souffle.
Il roula, et elle se retrouva sous lui, les jambes écartées, tandis qu’il était lové contre elle. Glissant ses
doigts dans ses cheveux, il emprisonna son cou dans sa poigne, pour guider son visage vers sa bouche
avide.
– Tu n’as pas mal au dos ? haleta-t-il.
Elle dut y réfléchir à deux fois pour se rappeler pourquoi son dos lui ferait mal. Soudain, les
événements de la veille lui revinrent en mémoire en un tourbillon où passion et désir se déchaînaient. Le
souvenir de ce qu’il lui avait fait ressentir. La douleur. L’envie. La violence de son orgasme.
– Non, je ne souffre pas. S’il te plaît, ne t’arrête pas, Damon. Tu ne me feras pas mal. Jamais tu ne me
feras de mal.
– Tu as raison, Serena mienne, jamais je ne te ferai de mal, répéta-t-il doucement en reprenant sa
bouche.
Puis, de sa mâchoire au lobe hypersensible de son oreille, il mordilla, suçota et, quand il descendit
pour s’attaquer à la peau tendre de son cou, des frissons parcoururent ses épaules avant de lui remonter
dans la nuque.
Or elle ne restait pas inactive pour autant. Avec délectation, elle plongea les mains dans les mèches
de ses cheveux bruns, s’en chatouillant le bout des doigts. Il releva la tête et chercha son regard, avant de
plonger vers ses seins.
Elle avait perçu une lueur sauvage dans ses iris. Alors que quelques instants auparavant il n’était que
contrôle et retenue, ces pupilles brunes trahissaient maintenant une impatience et un profond désir qui
la faisaient fondre.
– Viens à moi, murmura-t-elle. Sois avec moi, avec Serena, la personne, pas le fantasme.
Il s’immobilisa, son corps contre le sien. Son regard la pénétra, sombre et dur. Il se hissa sur un
coude, près de sa tête, et posa un doigt sur ses lèvres comme pour la faire taire.
– Tu n’as jamais été un simple fantasme pour moi, Serena mienne.
Elle sentit sa poitrine se gonfler d’une émotion qui la prit de court. Était-elle en train de confondre
le fantasme et la réalité ? Pourquoi était-ce soudain si important qu’il la désire, elle, et pas son esclave
obéissante ?
Il se pencha et lui donna un long et doux baiser. Sa langue entama une danse avec la sienne, la
toucha, la lécha, aimant sa bouche, profondément, intimement.
Chacun de ses gestes était plein de vénération, d’hésitation presque, comme s’il craignait qu’elle ne se
brise sous ses caresses. Délicatement, il passa la main sur la courbe de son épaule. Ses doigts un peu
rêches effleurèrent son sein, avant de glisser sur le téton.
– Ils sont douloureux ? demanda-t-il en s’arrêtant sur le mamelon.
– Un peu, admit-elle. Ils sont plus… sensibles. Ça picote encore.
– Tu as aimé les pinces ? Elle hocha la tête.
Il se pencha et posa la bouche sur la pointe érectile. Tiède et humide, sa langue se promena dessus
pendant que ses lèvres se refermaient sur l’aréole. Ses mouvements de succion, lents mais rythmés,
provoquèrent une tension dans le bas-ventre de Serena.
De sa main libre, il glissa entre ses cuisses écartées, à la rencontre de la fente humide qu’il taquina du
bout du doigt. Elle sentait son érection tout contre l’intérieur de sa cuisse, qui ne tarda pas à se nicher
dans ses replis intimes.
Il sourit de son air étonné, mais entama un lent mouvement de va-et-vient, la veine gonflée de son
membre frottant contre son clitoris. Ses bourses pressaient l’entrée de son sexe humide, et elle se souvint
de leur contact quand il l’avait prise par-derrière.
Elle tendit la main, et il s’écarta un peu sur ses genoux pour qu’elle puisse passer le bras. Elle glissa
les doigts pour lui effleurer le sexe. Il poursuivait son mouvement de haut en bas, lâchant de petits
gémissements chaque fois qu’elle touchait son gland turgescent.
Elle mouillait, le recouvrant de ses fluides, que sa main recueillait. L’ayant retirée, elle l’approcha de
la bouche de Damon, dans un geste osé qui la surprit elle-même. Sans hésiter, il lui prit le poignet,
capturant ses doigts, et entreprit de les sucer un à un.
Sans lâcher sa main, il rabattit son bras sur le côté de sa tête. Fit de même avec l’autre et entremêla
ses doigts aux siens.
Allongé au-dessus d’elle, son corps pressé contre le sien, son membre entre ses cuisses, il lui mordilla
le menton. Elle éclata de rire, et il emprisonna le son qui s’échappait de ses lèvres en prenant sa bouche.
Il balança les hanches, trouva l’entrée et s’enfonça profondément, comme pour s’installer au plus
profond de son corps, où il s’immobilisa, lié à elle, pendant que sa bouche dévorait la sienne.
Elle agita les mains, juste assez pour tester sa volonté de la maintenir immobile. Il la libéra
immédiatement, et elle put le toucher avec avidité, caressant ses bras, ses épaules musclées et son dos.
Elle adorait sa virilité, le relief de ses muscles, leur dureté sous ses doigts. Elle adorait aussi le sentir
frémir à son contact.
Il se retira, glissant son membre contre ses chairs palpitantes. Puis il replongea, lentement, aisément.
Elle soupira et souleva les hanches, affamée, ivre déjà du plaisir qu’il allait lui donner.
Elle vit un sourire retrousser ses lèvres sensuelles et une vive lueur éclairer ses yeux quand il
s’immobilisa encore une fois au fond d’elle.
– Tu es un tortionnaire, lui reprocha-t-elle.
– Pourquoi être aussi pressée ? murmura-t-il en l’embrassant.
– Hmm.
Elle s’arqua contre lui, cherchant ses lèvres exquises, qu’elle voulait sentir partout sur sa peau.
En avant. En arrière. Dedans. Dehors. Il entrait et sortait, lentement, sans se presser. Chaque coup
de boutoir envoyait des vagues brûlantes à travers tout son corps, de plus en plus fortes. Comme une
balançoire dans la chaleur de l’été, tanguant d’abord tout en bas, dans la brise, puis montant de plus en
plus haut, jusqu’à atteindre l’azur immaculé.
Elle ferma les yeux, laissant les rayons de son soleil la caresser. Il promenait les mains partout sur
son corps, tantôt légères, tantôt avides. Des caresses qui disaient plus clairement que des mots qu’elle lui
appartenait. Elle était sienne, et il le savait mieux que tous les amants qu’elle avait jamais eus.
Quand elle le sentit accélérer, et enfler en elle, l’emplissant au maximum, elle attira sa tête contre la
sienne. Leurs lèvres fusionnèrent, et elle mit dans ce baiser tout ce qu’elle ressentait pour lui.
Il se laissa aller contre elle et l’enlaça. Ils ne firent plus qu’un, leurs corps entremêlés, hanches contre
hanches, ses coups de boutoir devenant frénétiques.
– Serena, murmura-t-il en enfouissant le visage dans ses cheveux.
Elle haleta, hoqueta. La balançoire venait de s’élancer plus haut encore, et le soleil lui baignait le
visage, tellement brillant qu’elle dut fermer les yeux. Une chaleur, une onctueuse chaleur envahit son
âme. Une joie indescriptible lui emplit le cœur, et son orgasme s’intensifia, puis éclata comme une
multitude de fleurs écloses.
– Damon, fit-elle à son tour, d’une voix étranglée. Ils restèrent serrés l’un contre l’autre, leurs corps
secoués par les dernières vagues de l’extase. Le corps chaud et détendu de Damon la recouvrait
désormais comme un duvet.
Quand il finit par s’écarter, il la garda contre lui, lovée dans ses bras.
Ils restèrent sans rien dire, peut-être pour ne pas briser cet instant par quelque chose d’aussi
inapproprié que de simples mots. Et elle se laissa bercer par ses bras, écoutant les doux battements du
cœur de Damon contre son oreille.
24

– Réveille-toi, ma belle au bois dormant !


La voix de Damon lui caressa l’oreille, et Serena secoua la tête en bougonnant, avant d’enfouir son
visage dans les couvertures. Il pouffa et lui donna une tape affectueuse sur les fesses. Elle sursauta, tandis
qu’un picotement désagréable se répandait sur ses chairs encore sensibles. Presque immédiatement, une
onde de plaisir prit forme au fond d’elle, qui la ramena à la soirée de la veille.
– Allez, Serena, lève-toi et habille-toi. Nous partons en voyage.
Elle ouvrit un œil fatigué.
– Tu es toujours aussi aimable le matin ? Il sourit.
– Nous ne sommes plus le matin. Tu as dormi jusqu’à midi. Et puis, un homme n’est agréable que
lorsqu’il a eu son câlin matinal.
– Un câlin à toute heure, tu veux dire.
– En effet, mais bon, les hommes ne sont pas non plus réputés pour leur profondeur, répliqua-t-il
avec un clin d’œil coquin. Allez, lève-toi. J’ai déjà préparé ton sac.
Elle s’assit et se frotta les paupières pour dissiper les dernières traces de sommeil.
– Où va-t-on ?
– J’ai pensé que l’on pourrait rendre visite à ma mère, dit-il d’un ton léger. Ça fait longtemps que je
ne l’ai pas vue, et il est temps que je rentre chez moi.
Elle posa une jambe au sol.
– Ta mère ? Où est-ce qu’elle habite ? Et… j’y vais comment exactement ? En tant que ton esclave,
ton amie ou… ?
Il la prit par les bras et la serra doucement en la mettant debout devant lui. Après un léger baiser sur
ses lèvres, il lui effleura le nez du bout du doigt.
– Tu veux y aller en tant que quoi, Serena mienne ? La question la perturba, non qu’elle manquât de
clarté, elle était suffisamment directe, mais c’était le genre de question qui l’obligeait à exprimer des
sentiments dont elle n’était pas encore sûre. Pire, ça l’incitait à les avouer avant même de connaître ceux
de Damon. Des sentiments ?
Elle s’écarta brusquement de lui, pressée soudain de mettre de la distance entre eux. Est-ce qu’elle
souhaitait qu’il en éprouve pour elle ? Bon sang, quand est-ce que son fantasme avait basculé dans des
réflexions sérieuses sur une éventuelle relation de couple ?
Difficile pourtant d’en envisager une, alors que leur période de « flirt » s’était résumée à des séances
de bondage, de fouet et de sodomie.
Elle réprima à grand-peine un gémissement. Non, ça n’avait rien de vulgaire, et ces mots-là
réduisaient ce qui était une expérience sexuelle extrêmement satisfaisante à quelque chose de glauque et
de sale.
– Serena ?
Elle reporta son attention sur Damon, qui l’observait d’un air perplexe.
– Il y a un problème ? Si tu préfères, je peux y aller seul une prochaine fois.
Elle secoua la tête.
– Non, fit-elle d’une voix rauque. Je suis ravie. Je vais prendre une douche, je serai prête dans une
demi-heure.
Il se pencha pour l’embrasser encore une fois.
– Prends ton temps, je vais charger la voiture.

Ils bifurquèrent sur la Nationale 10. Damon, habitué à l’horreur de la circulation à Houston,
conduisait la BMW avec aisance.
Ils roulèrent en silence pendant les deux premières heures, Damon ne lâchant pas la route des yeux.
De temps en temps, elle scrutait discrètement son profil, tâchant de deviner ce qui se cachait derrière
son expression tendue. Tout à l’heure, il avait semblé impatient de lui faire rencontrer sa mère, mais à
présent, alors qu’ils franchissaient la frontière de la Louisiane, sa mâchoire était crispée.
Dans l’espoir de le détendre, elle tendit timidement la main vers lui. Il tourna la tête et lui sourit ; les
plis de son front s’estompèrent.
Comme elle ne souhaitait pas se montrer trop curieuse en l’interrogeant sur ce qui le tracassait, elle
décida de s’en tenir à une conversation banale et légère.
– Dis-moi quelque chose sur toi.
Une lueur amusée éclaira ses beaux yeux bruns, et il parut se détendre.
– Comme quoi ?
– N’importe, je suis tout ouïe.
Tenant le volant d’une seule main, il lui caressa le dos de la main avec son pouce.
– OK. J’aime le bon vin, la bonne nourriture et les belles femmes.
Elle pouffa.
– Dis-moi quelque chose que je ne sache pas déjà. Tu es un enfant gâté. Parle-moi plutôt de tes
anciennes maîtresses.
Il toussota.
– Je ne suis pas fou. Règle numéro un : ne jamais parler de ses ex-partenaires en présence d’une
femme, en particulier si l’on a avec ladite femme des relations sexuelles.
– Allez, ce n’est pas comme si j’étais ta petite amie, fit-elle d’un ton qu’elle espérait léger. Comment
se fait-il que tu n’aies pas trouvé une esclave à plein temps pour te passer tous tes vilains caprices ?
Il redevint soudain sérieux.
– Ce n’est pas si facile.
– Ah non ?
– Beaucoup de femmes préfèrent le fantasme à la réalité, avoua-t-il en secouant la tête.
– Tu veux dire, comme moi ?
Il la regarda longuement mais ne répondit rien. C’était inutile, elle n’avait fait qu’énoncer la stricte
vérité.
– Personne n’a jamais accepté de le faire de façon… permanente, c’est ça ? s’enquit-elle. Tu le leur as
demandé ?
– Je ne l’ai demandé qu’à l’une d’entre elles, dit-il en détournant les yeux. Pour ce qui est des autres,
il s’agissait d’aventures sans lendemain, et ça ne me posait aucun problème. Soit je n’envisageais rien de
permanent, soit je pensais que ça ne marcherait pas sur le long terme.

– Sauf pour l’une d’elles, compléta-t-elle. Il opina du chef.


– Tu l’aimais ? Il grimaça.

– Peut-être. C’était la seule qui m’a fait espérer pouvoir être la bonne. Tu connais le cliché, la femme
sur un million, celle qui est faite pour toi. Enfin, toutes ces conneries que vous lisez dans vos livres à
l’eau de rose, vous les femmes.
– Détecterais-je une pointe d’amertume ? fit-elle, un sourcil levé.
Il éclata de rire. Au moins, elle avait réussi à le détendre.
– Tu es drôle, Serena. Tu m’empêches de me prendre trop au sérieux.
– Il faut bien que quelqu’un te remette sur le droit chemin, le taquina-t-elle. Tu deviendrais vite
blasé, si l’on n’y remédiait pas.
Il lui serra la main, un large sourire aux lèvres.
– Alors, qu’est-ce qui s’est passé avec cette femme ? reprit-elle. Elle a subitement décidé qu’être
esclave, ça n’était pas son truc ?
Il soupira.
– Nous avions une vie sexuelle très épanouie. Elle était du genre plutôt inventive, si bien que je n’en
croyais pas ma chance. Elle semblait m’apprécier pour ce que j’étais, et non pour mon argent, et elle
aimait me faire plaisir. Et moi aussi, j’aimais lui rendre la pareille. On parlait de mon style de vie, du fait
que je ne voyais pas ça comme un jeu. Nous étions sur la même longueur d’onde. Je voulais l’épouser, la
posséder et qu’elle soit la maîtresse de mon cœur.
– Oh, là, là, murmura Serena.
Elle était sur le point d’ajouter que cette femme devait quand même être une sacrée débile pour
avoir fui un homme tel que lui, mais elle se ravisa. Au fond, ç’aurait été hypocrite.
– Oui, tu devines la suite, reprit-il. Un beau jour, elle a décidé que m’appartenir n’était finalement
pas ce qu’elle souhaitait. Elle voulait être libre. Pourtant, jamais je ne l’avais forcée à quoi que ce soit. Le
temps qu’elle passait avec moi, elle devait être toute à moi, mais jamais je n’ai interféré avec ses activités
extérieures. Je savais que pour que ça marche, nous avions tous les deux besoin de temps et d’espace, en
dehors de cette odyssée sexuelle par ailleurs très prenante.
Serena hocha doucement la tête.
– Donc elle est partie.
– Et je l’ai laissée partir, acquiesça-t-il. C’était mon esclave, la femme que j’aimais, mais elle voulait sa
liberté et je ne pouvais faire autrement que de la lui accorder.
Ce fut au tour de Serena de lui serrer la main.
– Je suis désolée.
– Si j’étais encore avec elle, répondit-il en souriant, toi et moi, on ne se serait pas embarqués dans
cette aventure.
– Exact. En fait, je crois que je ne suis pas désolée du tout, mais je regrette que tu aies souffert.
Il tendit la main vers sa joue.
– Merci de me dire ça, Serena mienne.
– Tu l’appelais comme ça, elle aussi ? ne put-elle s’empêcher de demander, sur un ton qu’elle aurait
voulu moins agacé.
Il lui jeta un regard étonné.
– L’appeler comment ?
– Mienne.
– Non, répondit-il en secouant lentement la tête. Je n’ai jamais utilisé ce petit nom avec personne. Ça
t’ennuie ?
– Seulement si tu l’avais déjà utilisé avec toutes tes conquêtes, avoua-t-elle.
– Non, seulement avec toi.
C’était ridicule, mais ça lui fit un plaisir immense, et elle devait bien admettre qu’elle aurait été
navrée s’il lui avait répondu autre chose. Elle adorait ce genre de marque d’affection, et l’impression que
ça lui donnait d’être spéciale. Comme si elle lui appartenait vraiment.
– Et toi, Serena ? Pourquoi es-tu venue me chercher ? Tes amants précédents ne te satisfaisaient pas
?
Elle se cala contre l’appui-tête et soupira.
– C’est assez difficile à expliquer. Je ne les qualifierais pas de mauvais, ils étaient tous différents.
Certains mieux que d’autres, mais ils satisfaisaient mes besoins, à l’époque. Cela dit, ces derniers temps,
j’ai eu la sensation que quelque chose me manquait, que je voulais plus. Sauf que j’étais incapable de dire
quoi exactement. Mes amants avaient plein de qualités. Généreux, gentils, ils voulaient vraiment me faire
plaisir. Je crois qu’on ne se projetait pas sur le long terme, voilà tout. Il y en a bien eu un qui m’a
demandée en mariage, mais l’idée de passer le reste de ma vie avec lui m’a complètement refroidie.
– Je sais ce qu’il a dû ressentir, le pauvre, lâcha Damon.
Serena cilla.
– Désolée, j’ai manqué de tact en te rappelant ce mauvais souvenir.
– Non, au moins tu as été honnête, tout comme Tonya l’a été avec moi. On ne peut pas vous le
reprocher. C’aurait été pire si tu avais menti. Au final, c’aurait été insupportable pour tout le monde, à la
longue.
– Je sais, dit-elle doucement. Mais je ne peux pas m’empêcher de me demander ce qui aurait pu se
passer. Et si je n’ai pas fait une erreur. Peut-être qu’aujourd’hui je serais une épouse heureuse, avec des
enfants et quelqu’un auprès de qui j’envisagerais de vieillir.
– Avec des « si »… En tout cas, si tu avais suffisamment de réticences pour mettre un terme à cette
relation, il y avait une raison. Moi, je me suis juré de ne pas faire de compromis. Ce n’est pas juste, ni
pour moi ni pour la femme avec qui je sors.
– Tu m’as l’air d’avoir des idées bien arrêtées sur les relations homme-femme, lui dit-elle.
Il cilla.
– Si c’était le cas, je vivrais une vraie relation avec quelqu’un, et j’aurais sans doute un ou deux
enfants, même si je ne suis pas pressé d’en avoir. Je veux passer du temps avec ma femme, je la veux pour
moi tout seul, aussi égoïste que cela puisse paraître.
– Si tu es égoïste, alors moi aussi. Je vais d’ailleurs te faire un aveu que je n’ai jamais fait à personne.
– Oh, oh, tu m’intrigues. Elle sourit.
– Tout à l’heure, quand j’ai dit que j’aurais peut-être un mari et des enfants, si j’avais fait d’autres
choix… Eh bien, la vérité, c’est que je n’ai jamais été pressée d’être mère. C’est facile d’en parler, quand
on est sûr que ça n’arrivera pas, tu vois ce que je veux dire ?
– Oui, je vois. Ça veut dire que tu ne veux pas d’enfants, alors ?
– Peut-être, je n’en sais rien. Je n’ai sans doute pas rencontré l’homme qui m’obligerait à me le
demander sérieusement. D’ailleurs, je ne suis pas convaincue que je serais très douée pour ça. Et comme
toi, je veux avoir du temps avec mon amoureux, rien que lui et moi. Je rêve de voyager, de découvrir des
choses nouvelles, excitantes…
Elle s’interrompit et jeta un regard embarrassé à Damon, qui lui offrit un sourire chaleureux.
– Je crois qu’on a beaucoup de points communs, Serena mienne.
Un frisson de plaisir la parcourut, et elle se retourna vers la vitre. En regardant défiler les cyprès, elle
songea qu’il ne serait pas raisonnable de trop s’engager émotionnellement avec Damon. Ils ne voulaient
pas les mêmes choses. Elle cherchait une aventure, et jamais elle ne pourrait se donner de façon aussi
totale à un homme, en tout cas pas de manière permanente.
25

Quand ils arrivèrent, dans l’après-midi, la mère de Damon les attendait, assise sur une balancelle, de
la galerie entourant sa maison. Serena ne savait pas quel genre de femme elle s’attendait à rencontrer –
une gentille vieille dame portant cheveux blancs et tablier ? Quoi qu’il en soit, elle se sentit un peu bête
en découvrant la femme magnifique, visiblement encore jeune, qui se leva en voyant Damon. Elle
rayonnait.
Elle portait un jean et un tee-shirt, et dans la masse qui lui tombait aux épaules, pas un fil d’argent
ne venait troubler le châtain profond, si semblable à celui de Damon. En revanche, ses yeux étaient aussi
verts que ceux de son fils étaient bruns.
Il fit le tour de la voiture pour aider Serena à sortir, puis il glissa la main dans la sienne pour la
conduire à sa mère. Celle-ci les accueillit au pied des marches, les bras grands ouverts.
Elle serra Damon contre elle et Serena sentit sa gorge se nouer à la vue de ses yeux pleins de larmes.
– C’est bon de t’avoir à la maison, mon fils, dit la mère de Damon en s’écartant pour mieux le
regarder.
Puis elle se tourna vers Serena.
– Je suis Josephine Roche, lui dit-elle avec un chaleureux sourire.
Serena lui sourit en retour, mais avant qu’elle puisse ouvrir la bouche, Damon lui passa un bras
autour des épaules et l’attira à lui.
– Maman, je te présente Serena James.
– Je suis très heureuse de vous rencontrer, Serena.
– Je suis très heureuse aussi, madame Roche.
– S’il vous plaît, appelez-moi Jo, comme tout le monde.
– Maman, si tu peux faire entrer Serena, je vais chercher nos bagages.
– Avec plaisir. Serena, suivez-moi. J’ai préparé du thé, et le dîner sera prêt dans une demi-heure.
Vous aurez droit au plat favori de Damon : un gumbo de saucisses.
– Et Serena et toi, qu’allez-vous manger, alors ? s’enquit Damon innocemment.
Jo éclata de rire, puis elle posa les deux mains sur le visage de son fils et lui claqua une bise sonore
sur chaque joue.
– Je suis tellement contente de te voir, ça faisait si longtemps.
– Je sais, maman, je suis désolé, admit-il doucement.
Elle lui adressa un sourire un peu triste en lui tapotant la joue.
– Je sais combien c’est dur, pour toi.
Il lui embrassa la paume et la serra, avant de lui relâcher la main.
– Allez-y, entrez toutes les deux. J’arrive. Serena suivit Jo à l’intérieur de la vaste demeure, typique
du style sudiste. La galerie qui en faisait le tour se prolongeait en une terrasse de bois à l’arrière. Serena,
par la fenêtre, put admirer le bayou qui serpentait à travers la propriété des Roche.
– La vue est magnifique, n’est-ce pas ? commenta Jo près d’elle.
Serena se retourna pour saisir le verre de thé que lui tendait cette dernière.
– En effet. Vous avez des alligators ?
– Quelques-uns, admit Jo en souriant. Damon aimait aller les chasser, quand il était adolescent. Il
jurait qu’il finirait par en attraper un. Son père et lui en ont passé, des heures, dans ces marécages. Ils ont
ramené plein de poissons-chats, mais jamais d’alligators.
– Tu n’es pas en train de révéler tous mes secrets, maman, j’espère ? intervint Damon en venant se
poster derrière Serena.
Il la prit par la taille et lui déposa un baiser sur le sommet du crâne. Serena se raidit, un peu mal
l’aise de cette ostension d’affection devant une femme qu’elle venait de rencontrer. Mais Jo sourit,
visiblement ravie.
– Je pensais que nous pourrions dîner sur la terrasse, ce soir. On profiterait du coucher du soleil et
des lucioles, proposa-t-elle.
Damon s’immobilisa contre Serena et quand elle se tourna vers lui, elle vit le sourire qui éclairait
son visage.
– Comme au bon vieux temps.
Puis il se tourna vers elle et lui prit la main.
– Pourquoi est-ce que tu ne lui fais pas faire le tour de la propriété pendant que je remets le gumbo
sur le feu ? suggéra sa mère. Je vous appellerai pour m’aider à mettre la table.
– Toujours aussi autoritaire, à ce que je vois, sourit Damon.
– Et comment ! J’ai cuisiné, tu peux au moins mettre la table et faire la vaisselle après, non ?
Il se pencha pour déposer un baiser sur le front de sa mère.
– Vu la façon dont tu cuisines, je gagne au change.
– Toujours aussi charmeur. Tu es bien le digne fils de ton père.
Ils échangèrent un regard attristé, puis Damon prit Serena par le coude pour l’entraîner vers la
porte-fenêtre donnant sur la terrasse.
– Je te montrerai mes coins de pêche favoris, dit-il en ouvrant la porte.
Serena le suivit dans l’air humide et étouffant. Il restait une bonne heure avant le coucher du soleil,
et la température était encore proche de son apogée.
– C’est mon père qui l’a construite, expliqua Damon en faisant courir ses doigts sur la rambarde en
cèdre de la galerie.
– Elle est belle, fit-elle, hésitant un long moment avant de trouver le courage de poser la question
fatidique. Il est décédé ?
Son amant opina lentement du chef.
– Il y a deux ans. À la pêche, dit-il en désignant une courbe du bayou. Là-bas. Ma mère l’a trouvé
allongé par terre. Il est mort sur le coup, d’une crise cardiaque. Il n’a pas eu de seconde chance.
Elle lui effleura le bras.
– Je suis désolée.
– Il était génial, dit Damon calmement, puis il posa la main sur la sienne.
– Tu n’étais pas revenu chez toi depuis ?
Il semblait si proche de sa mère, c’était étrange qu’il soit resté loin d’elle si longtemps.
Elle perçut une lueur infiniment triste dans ses beaux yeux, soudain très sombres.
– Non. J’ai essayé, mais ça faisait trop mal. Je suis arrivé jusqu’à l’autoroute et puis j’ai fait demi-
tour. Courageusement.
Il s’approcha de la rambarde et posa les deux mains à plat sur le bois, s’appuyant dessus pour
s’abîmer dans la contemplation du bayou et des cyprès.
– Ça faisait de la peine à ma mère, je le savais, et pourtant je n’arrivais pas à me résoudre à revenir. Je
ne supportais pas l’idée de me retrouver ici sans lui.
– Pourquoi maintenant, alors ? demanda-t-elle avec douceur.
Mais la vraie question était plutôt : pourquoi avec elle ?
– Je n’en sais rien, admit-il. Ma mère me manquait, et j’avais besoin de me confronter à elle, à cette
maison. Il fallait que je me prouve que rester loin ne changeait rien au fait qu’il n’était plus là. Et peut-
être aussi que ça m’a paru plus facile avec toi à mes côtés.
Elle inspira brusquement, incapable de masquer sa surprise.
Il lui toucha la joue, puis glissa la main derrière sa nuque et l’attira à lui. Elle se colla contre son
torse en tendant le visage pour rencontrer ses lèvres.
Leur baiser fut tendre et doux. En un mot, il fut exquis, et il la chamboula tout entière.
– Merci de m’avoir accompagné, souffla-t-il contre ses lèvres. Ça signifie beaucoup pour moi.
Elle sourit en s’écartant légèrement.
– Je suis heureuse que tu m’aies proposé de venir.
Il l’emmena au bord du bayou et ils observèrent les poissons-chats qui venaient à la surface, en quête
de nourriture.
– Ma mère leur donne à manger tous les matins, expliqua-t-il. Ils sont plus que gâtés.
Ils poursuivirent leur promenade le long du marigot qui serpentait à travers la propriété familiale.
Un petit ponton un peu bancal avait été construit dans le creux d’un méandre, où était amarrée une
vieille barque à moteur qui se balançait sur les vaguelettes. Elle avait dû être verte, même si la couleur
était à présent délavée et écaillée. On devinait néanmoins Roche, peint en noir sur un côté.
– Le bateau de mon père, fit Damon. Il lui venait de son grand-père. Il est vieux comme Hérode,
mais il marche encore. Maman le sort de temps en temps, histoire de l’entretenir.
– Il lui manque, à elle aussi, nota Serena en se remémorant la tristesse qu’elle avait lue dans les yeux
de Jo.
Damon soupira. Il se tourna vers l’eau et enfonça les mains dans ses poches. Pendant un long
moment, il resta sans rien dire. Les mots avaient du mal à sortir, mais il reprit, les yeux baissés et les
épaules affaissées :
– C’était dur pour elle, et mon absence n’a rien arrangé, même si elle comprenait. Je me suis
comporté comme un égoïste et je le regrette. Ils étaient tellement amoureux. Depuis le lycée. Quand ils
se sont mariés, ma mère avait seize ans. Par ici, on ne leur donnait pas une chance, mais ils ont prouvé à
tout le monde qu’ils avaient eu raison. Mon père a construit cette maison pour elle, quand elle était
enceinte de moi. J’ai grandi ici, c’est la seule maison que j’aie connue enfant, ajouta-t-il en relevant les
yeux pour lui sourire. Mon père a fait fortune et a décidé de prendre une retraite anticipée. Lui et
maman voulaient voyager, profiter de la vie. Vivre, s’aimer. Il est mort une semaine après leur retour
d’un voyage à Paris, où ma mère rêvait d’aller depuis toute petite.
Serena cligna des paupières pour tenter de refouler ses larmes.
– Au moins, ils auront fait un beau voyage avant qu’il ne s’en aille, murmura-t-elle.
– On a passé de très bons moments ensemble, acquiesça-t-il. Longtemps, ç’a été douloureux d’y
repenser, d’évoquer la vie avec lui tout en sachant qu’il n’était plus là. Mais maintenant… maintenant ces
souvenirs me font du bien.
Elle lui prit le poignet et l’obligea à sortir la main de sa poche, pour emmêler ses doigts aux siens.
Ils se retournèrent en même temps, quand Jo les appela. Debout sur le ponton, elle leur faisait de
grands signes pour qu’ils viennent dîner.
– Allez, viens, le gumbo, c’est moins bon froid, dit-il.
– Premier arrivé ! cria-t-elle en démarrant.
– Tricheuse !
Elle était sur le point de toucher la première marche et de remporter cette course, quand il l’enleva
et attira Serena dans ses bras. Elle hurla au tricheur, et il répondit en la plaquant au sol pour la
chatouiller sans pitié.
Il fallut qu’elle l’implore entre deux râles, à bout de souffle, pour qu’il consente à s’arrêter.
– Déclare-moi vainqueur, ordonna-t-il en la relevant.
– Jamais !
Elle se jeta sur les marches, puis se retourna en imitant Rocky, poings serrés devant elle, en se
balançant d’un pied sur l’autre.
– Espèce de tricheuse ! marmonna-t-il en passant près d’elle pour rejoindre la table où les attendait
sa mère.
– Damon a toujours été mauvais perdant, l’avertit Jo en souriant. Enfant, c’était un vrai compétiteur,
toujours le meilleur en tout.
– Et de qui est-ce que je tiens ça, tu peux me le dire ?
– De ton père, bien sûr.
Damon ricana et se dirigea vers la porte.
– Ne bougez pas, mesdames, je vais chercher les assiettes et les couverts. Tu veux que je ramène le
plat, maman ?
– S’il te plaît, répondit-elle, avant de se tourner vers Serena. Que boirez-vous ? Vin ou thé ?
– La même chose que Damon et vous.
– Dans ce cas, ce sera du vin. C’est notre petit plaisir. Même pendant les deux ans où il n’était pas là,
quand il m’appelait, je m’asseyais ici, sur le ponton, et on partageait un verre de vin tout en discutant.
– Vous avez l’air très proches, remarqua Serena.
– C’est mon fils unique.
Damon revenait avec des bols et des cuillères, qu’il déposa sur la table avant de repartir chercher un
plat fumant.
– Rapporte aussi le riz, s’il te plaît, ajouta sa mère. Et prends la bouteille de vin que j’ai sortie.
Elles s’assirent, et quand Damon revint avec le riz, sa mère servit le fameux gumbo. Bien qu’il fasse
encore chaud et que ce soit plutôt un plat d’hiver, il était délicieux.
Après le dîner, ils sirotèrent un verre de vin en contemplant les lucioles luire à la surface de l’eau.
Au loin, des criquets stridulaient et des grenouilles coassaient. Le chant des sauterelles ajoutait à la
cacophonie, mais Serena la trouvait apaisante. Quand on était habitué aux bruits de la ville, la
tranquillité du bayou était apaisante.
– Depuis combien de temps êtes-vous ensemble ? s’enquit Jo, brisant le silence. Et comment vous
êtes-vous rencontrés ?
Serena se raidit en jetant à Damon un regard paniqué. Il lui prit la main sous la table et la serra
tranquillement.
– C’est une amie commune qui nous a présentés, dit-il. Ça ne fait pas longtemps qu’on se fréquente,
mais j’espère la convaincre de me garder un moment.
– Beau parleur, va, commenta sa mère en souriant. Comme ton père. Et ils s’attendent à ce qu’on se
jette à leurs pieds rien que pour ça, ajouta-t-elle.
Serena éclata de rire, plus détendue.
– Évidemment. Et je dois admettre qu’il me fait tourner la tête. Comme je le lui ai déjà dit, il a un
don avec les mots.
– Oh oui ! Chez les Roche, les hommes ne donnent pas leur part au cochon, en matière de charme et
de charisme. Mais parfois, il faut bien avouer que ce n’est que de l’esbroufe, conclut Jo avec un clin d’œil.
Serena pouffa alors que Damon prenait un air faussement outré.
– Si j’ai du charme, tu ne peux pas m’accuser de l’avoir utilisé sur toi, objecta-t-il. En tout cas, ça ne
m’a pas toujours réussi.
– Tu peux mettre ça sur le dos de ton père, fit Jo en riant. Quand tu es venu au monde, j’avais eu le
temps de m’habituer à la langue de miel des Roche et je m’étais immunisée contre. Et vous, Serena,
ajouta-t-elle en se tournant vers elle, d’où êtes-vous ? Et que font vos parents ?
Damon aussi tourna vers elle un regard curieux. De fait, ils n’avaient jamais vraiment parlé d’elle –
ni de lui, d’ailleurs – avant leur voyage ici. Ils avaient été trop occupés à discuter de détails beaucoup
plus… anatomiques.
Elle se sentit légèrement rougir et détourna les yeux.
– Je suis née et j’ai grandi à Houston. Mon père est retraité d’une compagnie pétrolière et ma mère
enseigne toujours dans une école. Et moi aussi, je suis fille unique.
– Vous êtes donc tous les deux des enfants gâtés, commenta Jo.
– Je ne peux pas le nier, pour ma part, admit Damon en sirotant son vin.
– Tu fais bien, je n’aurais pas aimé me trouver à côté de toi quand la foudre te serait tombée dessus.
Une nouvelle fois, Serena songea qu’elle aimait les rapports décontractés entre la mère et le fils. Elle
se rendit compte aussi que ses parents lui manquaient, même si elle était allée les voir assez récemment.
On se laissait déborder par le travail et on en oubliait de décrocher le téléphone ou de passer dire un
petit bonjour. Maintenant qu’elle avait été témoin des retrouvailles de Damon et de Jo, et du chagrin
éprouvé à la mort du père de Damon, elle se promit de rendre en priorité visite à sa famille, dès son
retour à Houston. La vie était trop courte, la mort subite du père de Damon en était une preuve
supplémentaire.
– Ma mère est géniale, lâcha-t-elle, poussée par le besoin soudain de parler de ses parents. J’ai sans
doute été trop gâtée, mais elle a fait de moi une femme indépendante, capable de penser et d’agir par
elle-même. Elle est issue d’une famille nombreuse, elle a été la seule à aller à l’université et elle a été
reçue au concours d’enseignement. J’ai toujours été fière d’elle. Elle ne s’en laisse pas conter.
– Exactement le genre de femme que j’apprécie, commenta Jo.
– Je pense que vous vous entendriez bien, approuva Serena avec un sourire.
– Et vous ? Que faites-vous dans la vie ? Si ce n’est pas trop indiscret.
– Ce n’est pas un interrogatoire, maman, intervint Damon.
– Non, non, pas de problème, fit Serena. Longtemps, elle avait été un peu gênée d’expliquer aux gens
en quoi consistait son travail. Mais le bonheur qu’elle apportait à ses clients avait vite supplanté la gêne.
Fantasy Incorporated était une entreprise utile, elle en était à présent persuadée.
– J’ai créé ma propre entreprise, ajouta-t-elle. Je réalise des rêves.
Jo écarquilla les yeux.
– Quel genre de rêves ?
– Maman…, tenta à nouveau Damon.
– Rien de honteux, répondit Serena en réprimant un sourire – évidemment, c’était sans compter son
propre fantasme. Je crée des scénarios pour les gens, à partir des situations dont ils rêvent. Par exemple,
l’un de mes derniers clients rêvait d’être chef cuisinier dans un restaurant huppé de Houston, mais il ne
savait pas comment s’y prendre, alors il m’a demandé d’organiser cela. Voilà.
– Comme c’est amusant ! C’est un peu du théâtre, finalement ?
– Eh bien, en un sens, on peut dire ça. C’est l’occasion de faire quelque chose que vous ne feriez pas
autrement. Ma toute dernière cliente rêvait d’être une princesse et de voguer sur son propre bateau,
poursuivit-elle, regrettant immédiatement d’avoir mentionné Michelle.
– Je trouve ça merveilleux, Serena. Quelle inventivité ! C’est la première fois que j’entends parler
d’une telle société.
– Merci, j’adore ce que je fais.
Jo allait ramasser les assiettes, mais Damon la devança.
– Vous restez assises, mesdames, je m’occupe de débarrasser la table.
– Vous l’avez bien élevé, soupira Serena quand il eut disparu.
– Oui, oui, mais ne le lui avouez jamais, marmonna Jo. Sinon, il deviendra impossible à vivre.
Serena pouffa et s’appuya confortablement contre le dossier de sa chaise, inspirant avec délice l’air
de la nuit. Elle leva les yeux vers le ciel, clair et parsemé des premières étoiles. Alors elle fit un vœu, un
vœu impossible. Que son rêve à elle ne finisse jamais.
26

Tout en faisant la vaisselle, Damon observait sa mère et Serena par la fenêtre. Elles riaient et
discutaient comme de vieilles copines. Il ne savait pas exactement pourquoi il avait éprouvé le besoin de
rentrer chez lui maintenant, ni d’ailleurs pourquoi il avait demandé à Serena de l’accompagner. Ça lui
avait juste semblé normal. Et maintenant qu’il était là, il était absolument ravi de son choix. Jamais il
n’aurait dû rester si longtemps éloigné d’elle, malgré la douleur. Sa mère aussi avait souffert, et il aurait
dû être là pour elle.
Les questions que Jo avait posées à Serena lui faisaient percevoir le peu qu’il savait d’elle. Certes, il
avait fait des recherches et appris quelques détails superficiels mais, au fond, il ne savait rien de ce qui
importait vraiment, de ce qui la faisait vibrer. Il ignorait ce à quoi elle aspirait, ce qui la rendait heureuse
et ce qui la rendait triste.
Et ce constat l’ennuyait plus que de raison.
Il s’était fait une mission de découvrir chaque nuance de sa personnalité.
Muni d’une bouteille de vin et d’un tire-bouchon, il rejoignit les deux femmes, accueilli par des éclats
de rire dès qu’il ouvrit la porte. C’était si bon d’entendre rire sa mère à nouveau.
Les deux femmes le regardèrent chaleureusement. Rapprochant sa chaise de celle de Serena, il s’assit
à ses côtés et lui passa un bras autour des épaules pour l’attirer contre lui.
– Tu passes un bon moment ? lui murmura-t-il à l’oreille pendant que sa mère leur servait du vin.
– Très bon, répondit-elle en le regardant intensément.
Les lumières de la maison se reflétaient dans ses grands yeux bleus.
– On va bientôt devoir rentrer, les avertit Jo. Sinon, les moustiques nous dévoreront tout crus. La
citronnelle fait effet quelques heures, le soir, mais ensuite ils se déchaînent, et plus aucun être humain
n’est à l’abri.
– Ouille, j’ai des démangeaisons rien que d’y penser, s’exclama Serena.
– Ils sont tellement gros par ici que la Louisiane a même songé à faire du moustique l’oiseau
emblème de l’État, expliqua Jo très sérieusement.
Serena éclata de rire.
– OK, vous m’avez convaincue, je ne vais pas m’attarder.
Damon se pencha vers elle, ses lèvres effleurant son oreille, provoquant un léger frisson qui le ravit.
– Et si on rentrait tout de suite ? La journée a été longue.
Elle se tourna vers lui. Son sourire radieux éclaira aussitôt la pénombre.
– Je suis épuisée.
Damon se tourna vers sa mère, qui se levait déjà de sa chaise.
– On va aller se coucher, maman. Merci pour le dîner, c’était délicieux, comme toujours.
Jo vint lui déposer un baiser sur le front.
– Je suis tellement contente que tu sois enfin revenu à la maison, mon fils, dit-elle en lui passant la
main sur la joue, comme lorsqu’il était petit. Le petit déjeuner sera prêt vers 8 heures, ajouta-t-elle en se
dirigeant vers la porte. Comme ça, vous pourrez manger avant de reprendre la route.
Quand elle eut disparu à l’intérieur, Serena posa sur Damon un regard interrogateur.
– Je lui ai dit qu’on ne pourrait rester qu’une nuit. Je n’étais pas sûr…
Il baissa les yeux, un peu embarrassé.
– Tu n’étais pas sûr que quoi ?
– De pouvoir rester, admit-il.
Elle lui donna un rapide baiser sur les lèvres.
– Je trouve que tu t’en es très bien sorti, et tu as rendu ta mère follement heureuse.
Il la serra contre lui avant de se lever, lui tendit la main.
– Rentrons nous mettre au lit. J’ai été un peu dur avec toi, hier, tu dois être épuisée.
Elle frissonnait quand ils franchirent les portes-fenêtres. En passant la main sur la courbe de ses
fesses, il ne put s’empêcher de revoir les traces de la cravache. Elle avait réagi comme il l’espérait,
suppliant qu’il lui en donne encore. Il ne se souvenait pas d’avoir jamais vu plus beau spectacle que
Serena attachée devant lui, la peau rougie par ses coups de fouet. Elle s’était offerte à lui sans retenue, et
il ne pouvait qu’être honoré d’un tel cadeau.
Il la conduisit dans le long couloir qui menait à son ancienne chambre, devenue chambre d’amis. A
présent décorée avec goût, dans des tons neutres auxquels sa mère avait ajouté sa petite touche de soleil,
la pièce n’avait plus rien à voir avec sa chambre d’adolescent.
– Le lit n’est pas aussi grand que le mien, fit-il remarquer en refermant la porte derrière eux. Nous
devrons donc dormir serrés l’un contre l’autre.
– Et ça te dérange ? s’enquit-elle, un sourcil levé.
– Jamais de la vie, dit-il en la prenant dans ses bras.
Il lui donna un long baiser, avide et profond, laissant enfin libre cours à la faim qu’il avait d’elle. Ne
pas avoir pu la toucher de la journée, la sentir si proche et rieuse, sans la moindre possibilité de lui faire
l’amour, avait mis sa résistance à rude épreuve.
– Retire tes vêtements, ordonna-t-il, d’une voix si rauque qu’elle en était méconnaissable.
Comme si elle sentait son impatience, elle se déshabilla lentement, dans un strip-tease très érotique
qui eut le don d’attiser encore un peu plus son désir. Elle l’avait traité d’homme des cavernes, et, à cet
instant précis, il en était effectivement un. Prêt à déchirer le moindre lambeau de tissu qui le séparerait
de son corps, à la jeter sur le lit pour la prendre comme une bête.
L’anneau doré qu’il lui avait offert scintilla quand elle fit tomber son chemisier. Incapable de résister,
il s’approcha pour en suivre le contour du bout du doigt.
– Tu m’appartiens, souffla-t-il.
– Je t’appartiens, répéta-t-elle tranquillement.
Il l’attira à lui, écrasant sa douceur contre ses muscles durs. Entre les baisers dévorants et les soupirs
avides, il parvint à se débarrasser de ses propres vêtements, se tortillant jusqu’à ce qu’ils soient enfin nus
tous les deux.
Comme le matin même, il ne fit rien pour la dominer ou l’empêcher de le toucher. Il voulait ses
caresses, avec une violence qu’il ne s’expliquait pas. Elle avait les mains sur son torse, qui laissaient dans
leur sillage un sentier brûlant qui lui retournait les entrailles.
Son membre était dur, presque douloureux, tendu vers la douceur de son ventre. Elle y porta ses
mains et l’enserra. Il ferma les yeux et un grognement lui échappa, de plaisir ou de douleur, il n’en savait
rien et il s’en fichait. Pourvu qu’elle continue à le caresser.
Elle le tira vers le lit, où ils s’effondrèrent, elle en dessous, dans un enchevêtrement de corps.
– Dis-moi ce que tu veux, Damon, dit-elle en rivant ses yeux aux siens. Je suis à toi. Je t’appartiens. Je
ne veux que te donner du plaisir.
Il ferma les yeux pour mieux savourer la douceur de ses paroles. Elle savait exactement ce qu’il avait
besoin d’entendre.
– Ouvre-toi à moi, Serena mienne. Prends-moi dans ton corps. Car je t’appartiens au même titre que
tu m’appartiens.
Ses cuisses minces s’écartèrent, et elle s’ouvrit, lui enserrant la taille de ses jambes. Il baissa la tête
pour l’embrasser, posséder sa bouche en même temps qu’il possédait son corps. Il fit glisser sa langue sur
la sienne pendant que son sexe s’enfonçait dans sa chaleur.
– Je pourrais rester là pour toujours, murmura-t-il contre ses lèvres. Tu es tellement belle, Serena.
Jamais je n’ai eu de femme comme toi, et jamais je n’en rencontrerai une autre.
Même à ses propres oreilles, les mots résonnèrent dangereusement, mais il était trop tard pour les
reprendre. Il savait, dans les recoins les plus reculés et les plus sombres de son âme, que lorsque l’heure
viendrait de la laisser partir, ça le tuerait.
Mais en attendant, il allait et venait, s’enfonçait aussi profondément que possible dans son corps et
son cœur, pour la marquer, la posséder. Il oublia le fantasme, oublia que ce n’était qu’un jeu coquin
construit autour de désirs interdits. En cet instant, il lui fit l’amour comme jamais il ne l’avait fait à
aucune femme.
Il savoura chaque gémissement de plaisir, chaque soupir qui s’échappait de sa jolie bouche. Il se
délecta de son doux nectar alors qu’il la chevauchait dans un exquis abandon.
Et quand il sentit approcher l’orgasme, il s’immobilisa en elle, pour que ça dure le plus longtemps
possible. Non, il ne voulait pas que ça s’arrête encore, pas avant qu’elle n’ait atteint l’extase, elle aussi.
Elle lui posa les mains sur les joues, lui caressant la mâchoire et les lèvres. Il embrassa chaque doigt
qui se posa sur sa bouche.
Il n’eut pas besoin de lui demander si elle allait jouir, il sentit son sexe se resserrer autour du sien, les
battements de son cœur s’accélérer. Elle se mit à haleter et à onduler de plus en plus vite sous lui, en
quête d’un plaisir libérateur.
– Ensemble, murmura-t-il en balançant ses hanches contre elle.
Il accentua la force de son mouvement, son amplitude, de plus en plus vite jusqu’à ce que ses traits
deviennent flous.
Alors, fermant les yeux, il renversa la tête en arrière, tout le corps tendu. Son membre puisait,
enflait, la pression dans ses testicules s’intensifiait.
Et soudain elle devint toute moite, le baignant dans sa douce chaleur. N’y tenant plus, il explosa à
son tour, secoué par des ondes presque douloureuses tant le plaisir était intense. Il se raidit et lâcha un
gémissement rauque, avant de s’effondrer dans ses bras ouverts.
Elle l’étreignit. Lui caressa le dos, embrassa la veine qui battait follement à son cou.
Il ouvrit la bouche, prêt à dire les mots qu’il valait mieux ne pas prononcer. A contrecœur, il se
ravisa et posa la tête sur son épaule.
Il roula légèrement sur le côté sans la relâcher afin qu’elle reste collée à lui quand ils furent tous
deux allongés sur le flanc. Son corps doux et chaud, adorable, blotti contre lui, elle s’endormit presque
immédiatement.
Il resta éveillé tard dans la nuit, se contentant de la serrer dans ses bras, pour retenir ce moment
aussi longtemps que possible.
27

Julie se gara devant l’appartement de Faith et descendit de voiture, mais hésita un long moment
avant de se diriger vers la porte de son amie.
Elle n’était pas aussi poule mouillée, d’habitude. Non, décidément, ce manque de confiance en elle
ne lui ressemblait pas. Mais toute cette histoire avec Nathan la minait. D’où sa décision d’agir. Avec un
peu de chance, Faith pourrait l’aider.
Elle frappa à la porte et attendit, les mains enfoncées dans les poches de son jean. La porte s’ouvrit
sur Gray, qui eut l’air surpris de la voir.
– Euh, salut, Faith est là ?
– Salut, Julie. Oui, entre, je t’en prie, l’invita-t-il avec un sourire chaleureux.
– Désolée de débarquer à l’improviste, j’aurais dû appeler. Mais je passais par là, alors j’ai décidé de
m’arrêter, fit-elle, un peu embarrassée.
– Tu as bien fait, répondit-il en la précédant dans le séjour. Bébé, appela-t-il en direction du couloir,
Julie est passée te voir. Je peux t’offrir quelque chose à boire ? reprit-il à son intention. Je fais un thé
glacé à se damner.
– Avec plaisir, merci.
– J’y vais.
Il faillit se cogner à Faith en se dirigeant vers la cuisine.
– Je vais préparer un thé à Julie. Tu en veux ?
– Oui, avec plaisir, lui répondit sa femme en souriant.
Julie leva les yeux vers son amie, et répondit à son regard inquisiteur par un soupir. Faith vint
s’asseoir près d’elle sur le canapé.
– Alors, qu’est-ce qui se passe ? Tu as une tête à faire peur !
Julie parvint à sourire faiblement.
– En fait, c’est moi qui suis morte de peur.
– Oh là !
– Oui, bon, tu te souviens de ce que tu as dit au sujet de Damon, qui t’a aidée à assouvir ton…
fantasme ?
Faith fronça les sourcils.
– Oui…
– Tu as dit aussi que tu lui avais envoyé Serena au sujet de son fantasme, vu qu’il est propriétaire
d’un club.
– Vas-y, Julie, crache le morceau. Où tu veux en venir ?
– Eh bien, je me suis dit que tu pourrais peut-être m’aider aussi, en me branchant avec quelqu’un.
Enfin, pas avec Damon, parce que Serena me botterait les fesses si je reluquais son mec, et puis, si sexy
soit-il, il est un peu trop lisse pour moi.
Faith écarquilla les yeux.
– Mais d’abord…
– Je n’aime pas la façon dont tu commences ta phrase, l’interrompit Faith. Toi, tu mijotes quelque
chose.
Julie sourit. Son amie n’était pas dupe.
– D’abord, j’ai l’intention de montrer à Nathan Tucker ce qu’il rate. Ensuite je le planterai là et j’irai
m’envoyer en l’air. Et c’est pour cette étape-là que j’espère l’aide de monsieur GQ.
Elle fut interrompue par Gray, de retour de la cuisine, qui se racla la gorge. Il la toisait avec une
lueur amusée dans les yeux.
– Je suppose qu’il t’est impossible d’oublier ce que tu viens d’entendre ? lui demanda Julie avec une
grimace.
– Loin de moi l’idée de refuser quoi que ce soit à une dame, répondit Gray en déposant les verres
sur la table basse. Cependant, je me sens obligé de te mettre en garde au sujet de ce fichu club, ajouta-t-il
en la dévisageant d’un air sévère. Ce n’est pas un endroit convenable.
Faith étouffa un rire derrière sa main et leva les sourcils en direction de Julie.
– Ce n’est pas si terrible que ça, tout de même. Gray lui jeta un regard noir.
– Je t’interdis d’y retourner, alors ne va pas t’imaginer que tu pourrais y accompagner Julie. Quant à
toi, poursuivit-il en se tournant vers cette dernière, je pense vraiment que ce n’est pas une bonne idée
d’impliquer Damon dans quelque plan que ce soit. Je ne suis pas en train de dire qu’il n’est pas
respectable, il s’est très bien comporté avec Faith et je lui en suis reconnaissant. Mais les membres de son
club, c’est une autre histoire. Tu n’as pas idée de l’endroit où tu comptes mettre les pieds.
– C’est un moindre mal, chuchota Julie à l’intention de Faith. Gray n’a pas l’air d’avoir entendu ce
que j’ai dit sur Nathan.
– Oh si, fit-il avec un large sourire. Mais il mérite ce que tu lui réserves, celui-là. Je voudrais bien
être une petite souris, le jour où tu vas le coincer.
Faith lui fit signe de la main.
– Laisse-nous discuter entre filles. Je n’organiserai aucun raid à The House sans t’en parler avant,
promis.
– Non ! Tu n’iras pas là-bas, que je sois au courant ou pas, grommela-t-il en quittant la pièce, non
sans avoir gratifié Faith d’un regard assassin avant de partir.
– C’est bien le même mec qui a accepté qu’un autre homme te baise devant lui ? demanda Julie,
incrédule.
– Parle moins fort, bon Dieu ! s’écria Faith. Julie leva les mains.
– Moi ce que j’en dis…
– OK, reprit Faith en secouant la tête. Maintenant dis-moi le genre de fantasme que tu voudrais
demander à Damon d’assouvir. Ensuite tu me raconteras ce que tu as préparé pour Nathan. Et je veux
tous les détails.
28

Serena s’appuya au dossier de son siège de bureau et se perdit dans la contemplation de la ville.
C’était son premier jour de travail après sa semaine en tant qu’esclave de Damon.
Esclave.
Le terme prêtait à rire, quand on considérait l’expérience qu’elle avait vécue. Tout ce qu’elle en avait
lu, tout le mystère qui baignait cette notion… Bref, tout ce à quoi elle s’attendait était bien loin de ce
qu’elle avait en effet reçu.
Du respect. Des soins attentionnés.
Peut-être qu’auparavant elle n’avait vu de l’esclavage que l’humiliation, la dégradation. Était-ce donc
ça qu’elle voulait ? Certains des scénarios qu’elle avait imaginés l’embarrassaient, avec le recul. Elle en
avait honte.
Mais au fond, qu’est-ce qui suscitait chez elle ce besoin de se soumettre à la domination d’un homme
? Elle avait beau essayer de s’auto-analyser, les réponses ne venaient pas. Et maintenant qu’elle était
séparée de Damon, de retour à la vie normale, à la réalité, elle avait l’impression que cette expérience
n’avait été qu’un songe.
L’idée même de revenir au fantasme était étrange, comme si le rideau avait été tiré, mettant en
lumière la vérité.
Julie et Faith l’avaient appelée pour qu’elles prennent un verre ensemble après le boulot.
Évidemment, elles voulaient tous les détails salaces de sa semaine de captivité. Si l’on pouvait appeler
ainsi une semaine de plaisir et de petits soins sans cesse renouvelés.
Mais elle avait décliné, expliquant que Damon l’attendait à la maison, ce qui était vrai. Alors
pourquoi diable était-elle encore assise à son bureau, son portable éteint, alors que la soirée avançait ?
Elle n’avait guère envie de percer ce mystère.
Une partie d’elle voulait appeler Damon pour se décommander, lui annoncer que leur arrangement
était annulé. Mais cela ferait d’elle une trouillarde. Sans compter qu’elle avait vraiment envie de le revoir.
Elle voulait être avec lui. Et il méritait mieux qu’un simple SMS de rupture.
Elle repoussa son siège et se mit debout. La toile de son pantalon fluide retomba naturellement sur
l’anneau de sa cheville gauche. Les sourcils froncés, elle resta un bon moment à regarder tristement sa
cheville, à présent recouverte par le tissu. Elle avait fait exprès de ne pas se mettre en jupe aujourd’hui,
ne voulant pas que ce bijou un peu inhabituel se voie. De la même façon, elle avait choisi un chemisier à
manches mi-longues, qui cachait son avant-bras.
Personne ne pouvait deviner ce que signifiaient ces bracelets, sauf elle. Pourtant, c’était bizarre de
sortir du fantasme qu’ils avaient créé, avec Damon, et elle ne souhaitait pas l’introduire dans son monde
à elle. Ce serait comme franchir un dangereux palier.
Le sexe troublait les choses. Car aussi banal que cela puisse paraître, quand les émotions entraient en
jeu – ce qui était le cas ici – l’acte sexuel devenait un peu plus que du sexe. Le désir n’était plus
uniquement charnel. Et le fantasme n’était plus un simple fantasme.
Elle le savait, elle mettait d’ailleurs ses clients en garde tous les jours, et voilà qu’elle se retrouvait
plongée jusqu’au cou dans une expérience qui brouillait complètement les lignes. Tant et si bien qu’elle
ne savait plus trop distinguer ce qui était vrai de ce qui ne l’était pas.
Inutile de se mentir en jurant qu’il n’y avait pas d’attirance entre Damon et elle, ou qu’elle n’avait pas
férocement envie de quelque chose de plus profond qu’une relation sexuelle ou un rôle dans son propre
fantasme, si agréable soit-il. Mais il avait exprimé clairement ses envies, et elle, les siennes.
Engagés dans des destinations opposées, ils se croisaient à un carrefour. Voilà qui décrivait assez
bien sa relation avec Damon.
Elle regarda sa montre et fronça les sourcils. Elle était en train de repousser l’inévitable, alors qu’il
lui faudrait bien prendre une décision. Soit elle retournait vers Damon, soit elle annulait tout. Mais
rester là à tergiverser ne résoudrait rien, pas plus que ça ne l’aiderait à trouver une réponse à sa question.
Ayant ramassé son attaché-case et ses clés, elle se dirigea à contrecœur vers l’ascenseur. C’était
vraiment étrange le malaise qu’elle éprouvait dès qu’elle s’extrayait de son fantasme, tandis qu’elle
adorait les moments où elle le vivait pleinement. Plus rien d’autre ne comptait, alors. Rien que le besoin
d’en avoir plus.
C’était ça, l’addiction ? Vouloir quelque chose de dangereux et perdre toute objectivité en chemin ?
Elle s’installa au volant, mais ne prit pas immédiatement le chemin de chez Damon, ni d’ailleurs de
chez elle. Elle conduisit sans véritable but. Si dur que ce soit à admettre, elle avait peur. Peur de la
vitesse à laquelle elle pouvait se perdre si elle se laissait aller. Durant cette semaine avec son amant, elle
s’était surprise à faire absolument tout pour lui complaire. Sans questions, sans hésitations, sans jamais se
plaindre.
C’était effrayant de se voir ainsi transformée en quelqu’un d’autre. Ou pire, de se dire qu’en fait, elle
ne s’était pas transformée, mais plutôt qu’elle était devenue enfin elle-même.
– Non, ça n’est pas moi, murmura-t-elle. Je ne veux pas être comme ça.
Serrant le volant un peu plus fort, elle s’empara de son portable et composa le numéro de Faith.
Quelques sonneries plus tard, la voix inquiète de son amie lui répondit.
– Mais où es-tu ? lui demanda cette dernière avant même que Serena ait eu le temps de lui dire
bonjour.
– Dans ma voiture, répondit-elle calmement.
– Damon est malade d’inquiétude. Il dit qu’il n’arrive pas à te joindre et que tu n’es ni au bureau ni à
ton appartement.
– Merde, lâcha Serena.
– Tu as un problème ?
Elle prit une profonde inspiration. Rien que d’entendre que Damon s’inquiétait, elle se sentait
minable.
– Faith, j’ai une question à te poser.
– Vas-y.
– Tu m’as dit que Gray t’avait affirmé qu’il ne pourrait jamais s’engager avec une femme qui ne
serait pas suffisamment forte pour se soumettre, c’est ça ?
Faith marqua une courte pause.
– Oui, exactement.
– Tu le crois, toi ?

– Où veux-tu en venir, Serena ? demanda Faith avec douceur.


– Je veux simplement savoir si, pour toi, être capable de t’abandonner totalement à quelqu’un,
permettre à un homme de s’occuper de toi, ça implique qu’on est forte.
– Oui, ma belle, j’en suis persuadée.
La conviction qu’elle décela dans la voix de Faith l’émut encore plus que ses mots eux-mêmes.
– Merci, répondit-elle. Bon, il faut que je te laisse, je dois rentrer à la maison, chez Damon.
– Serena, qu’est-ce qui se passe ?
– On se reparle plus tard, OK ?
Elle raccrocha sans laisser à son amie le temps de répliquer. Pendant un instant, elle garda le
téléphone à la main, hésitant à appeler Damon. Mais pour lui dire quoi ? De plus, alors qu’elle roulait au
hasard, elle se rendit compte qu’elle était tout près de chez lui.
Elle éteignit son téléphone et le jeta sur le siège passager. Quelques minutes plus tard, elle
s’engageait dans l’allée de sa propriété, surprise de trouver plusieurs voitures garées devant la maison.
Elle se rangea derrière la dernière et coupa le moteur.
Elle sortit, laissant son attaché-case et son téléphone sur le siège, et se dirigea vers la porte. A peine
eut-elle atteint la première marche que celle-ci s’ouvrit violemment.
Elle leva les yeux vers un Damon furieux, le regard noir et les lèvres serrées par la colère.
– Putain, mais où est-ce que tu étais ?
Ses mots lui firent l’effet d’une gifle, allumant une sourde colère en elle.
– Je n’ai pas de comptes à te rendre, rétorqua-t-elle. Notre arrangement ne concerne que les
moments que je passe ici.
Il la prit par l’épaule et la poussa à l’intérieur sans ménagement. La porte claqua derrière eux, la
faisant sursauter.
– Ça n’a rien à voir avec notre arrangement, tu m’entends, rien ! jeta-t-il. C’est une question de
respect, Serena, j’étais inquiet. Je t’imaginais sur le bas-côté d’une route, blessée et seule. Ou à l’hôpital,
ou même à la morgue, bordel !
La violence des propos, mais surtout le ton qu’il venait d’employer la firent ciller. C’était plus que de
la colère. Ils trahissaient une véritable inquiétude et une bonne dose de frustration.
– Et ton fichu téléphone ne répondait pas, j’ai même envoyé Sam à ton bureau, puis chez toi, et sur
la route, pour qu’il vérifie sur le trajet.
Elle ferma les yeux. Il avait raison, elle s’était comportée comme une gamine irresponsable, et tout
ça parce qu’elle n’avait pas le courage d’assumer ses envies.
– Je suis désolée, dit-elle d’un ton las.
Il leva la main, la mâchoire crispée, comme s’il tentait désespérément de conserver son calme.
– Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-il. Où étais-tu, est-ce que tout va bien ?
Typiquement le genre de situation où elle aurait préféré être impliquée dans un accident. Au moins,
ça lui aurait évité d’avouer qu’elle se cachait. De lui. D’elle. De cette attirance qui les consumait.
– Je réfléchissais.
– Tu réfléchissais ? Et au milieu de tes réflexions, il ne t’est pas venu à l’esprit que j’allais
m’inquiéter, que la moindre des politesses, c’était de m’appeler pour m’avertir que tu allais être en retard
? M’avertir moi, Serena, pas ton maître, pas un type qui te considère comme son esclave, mais quelqu’un
qui tient à toi.
Elle ferma les yeux, une tension commençant à se former entre ses omoplates. Quand elle les
rouvrit, Damon passait une main fébrile dans ses cheveux, trahissant son extrême agitation.
– Va te changer, je t’ai choisi des vêtements, dit-il d’une voix contrôlée. Et viens me retrouver dans
le séjour, nous avons des invités.
Il la dévisagea, comme s’il s’attendait à ce qu’un mot particulier franchisse ses lèvres. Il l’obligeait à
prendre la décision qu’elle avait repoussée toute la journée. Si elle disait « non », elle partirait, sans espoir
de retour. Si elle lui obéissait, elle s’engageait à rester, à continuer la farce.
En cet instant, aucune des deux options ne la séduisait. Ce dont elle avait envie, au fond, c’était de
rester seule. Ce qui serait possible si elle disait « non ».
Malgré tout, elle hocha la tête et passa devant Damon pour se diriger vers la chambre. Il ne la
toucha pas, ne la retint pas, n’ajouta pas un mot. Quand elle se retourna avant de s’engager dans le
couloir, il avait déjà quitté le hall.
Elle grimpa les escaliers, de plus en plus fatiguée et perdue à chaque marche. Dans la chambre, elle
constata que Damon avait sorti l’une des magnifiques robes qu’il lui avait achetées, ainsi qu’un ensemble
de sous-vêtements noirs, des bas de soie et des escarpins de grande marque. Il avait même pensé aux
bijoux qui accompagneraient son élégante tenue.
Les yeux rivés aux vêtements, elle comprit soudain que ce soir, elle ne serait pas son esclave. Il
l’invitait dans son monde, son monde réel, où il espérait qu’elle se mêlerait à ses convives. La normalité,
quoi. Ils allaient oublier leurs rôles respectifs, eux qui n’existaient que dans le royaume du fantasme
qu’elle avait elle-même créé.
Ce soir, il le rendait vivant. Une vague de peur la parcourut. De peur et de doute. Il changeait les
règles, déplaçait les curseurs. Comment pouvait-il imaginer qu’elle entre dans sa réalité et qu’ensuite elle
s’en aille ? Bon sang, elle n’avait pas besoin que les choses deviennent un peu plus vraies, entre Damon et
elle. Plutôt le contraire. Le fantasme lui offrait une échappatoire, une protection. Après tout, on ne
risque pas de se perdre, quand on n’a pas d’objectif.
Mais lui demander d’agir avec lui comme si tout était logique, comme si leur relation avait la
moindre chance, c’était d’une cruauté sans nom.
Prise de panique, elle sentit ses muscles se raidir et sa tête se mit à tourner. Elle ne pouvait pas
honorer son rendez-vous, ne pouvait pas s’afficher comme la femme qu’il fréquentait. Non. Si elle
descendait le rejoindre, ce serait en tant qu’esclave. Pas question d’accepter la moindre brèche dans la
muraille qu’elle s’était construite.
29

Avant de retourner au séjour, Damon prit un long moment pour se calmer. Depuis que ses invités
étaient arrivés, il jouait son rôle d’hôte mais était distrait, trop inquiet de l’absence de Serena. Tous les
prétextes lui avaient été bons pour s’éloigner et aller consulter son téléphone portable, au risque de
paraître impoli.
Quand il avait enfin entendu le moteur de sa voiture, il avait bien failli s’évanouir de soulagement, ce
qui l’agaçait presque autant que son inconséquence à elle. Et puis il avait vu son visage blême, ses
immenses iris bleus cernés de fatigue. Elle avait prononcé les mots que tout homme redoute : elle
réfléchissait.
Il avait eu raison de s’inquiéter de sa première journée de retour à la vie normale, après leur semaine
d’immersion totale dans le rêve. Elle commençait déjà à s’éloigner, et il n’y avait rien qu’il pût faire
contre cela.
Il tenta de se concentrer sur la conversation dans laquelle étaient plongés ses invités, alors que deux
des serveurs qu’il avait embauchés pour la soirée circulaient avec des plateaux de hors-d’œuvre et de vin.
Et les notes de piano, une musique qu’il appréciait pourtant, sonnaient aujourd’hui à ses oreilles comme
du verre brisé.
Une partie de lui voulait punir Serena pour le tracas qu’elle lui avait causé. Il avait même un
moment envisagé de lui ordonner de se présenter nue, avec pour unique parure les bijoux qu’il lui avait
offerts. Ses convives ne s’en seraient pas formalisés.
Mais il ne souhaitait pas la mettre mal à l’aise et avait juré qu’il ne ferait jamais rien pour l’humilier.
La basse vengeance, ce n’était pas son genre.
Non, il s’occuperait de sa punition plus tard. Si elle se rétractait, si elle lui disait « non », tout
prendrait fin plus tôt que prévu, mais ça ne changerait rien, que cela se produise dans trois semaines ou
ce soir. Elle ne resterait pas pour toujours à ses côtés, le regard plein de doutes qu’elle lui avait jeté en
arrivant en était la preuve tangible.
Un éclat de rire retentit, et il leva les yeux pour voir ce qui amusait son invité. Immédiatement, il se
raidit. Serena venait d’entrer, son corps magnifique entièrement nu.
Elle le fixait avec un regard de défi, les yeux brillants. Pas question de répondre à cette provocation.
Il reposa son verre de vin et l’ignora un moment, poursuivant la conversation dans laquelle il était
engagé.
Mais il la surveillait du coin de l’œil. Elle restait debout dans l’encadrement de la porte, tranquille en
apparence, mais visiblement de plus en plus mal à l’aise au fur et à mesure que passaient les minutes.
Quand il la sentit sur le point de faire demi-tour, il traversa la pièce à pas mesurés, prenant soin
d’afficher une expression neutre.
– Serena, dit-il en arrivant près d’elle. Je suis ravi que tu aies pu venir. Tout le monde est impatient
de te rencontrer.
Elle leva les yeux vers lui, les mains nerveusement croisées devant elle. Visiblement, elle regrettait
déjà une décision prise sur un coup de tête. Mais il venait de lui tendre une perche, pas question qu’il
aille plus loin.
– Viens, ajouta-t-il en lui prenant le bras.
Alors qu’ils se dirigeaient vers les invités, il se pencha pour ajouter à voix basse :
– Je te dois deux punitions, à présent. Une pour ton inconséquence, et l’autre pour ta désobéissance
patente.
Les conversations cessèrent, et tous les regards se tournèrent vers eux. Des sourires chaleureux
éclairaient les visages de ses amis, mais les pauvres se réjouissaient pour rien. Tout cela n’était qu’un jeu
de dupes et, contrairement à ce qu’ils semblaient croire, il n’avait pas trouvé la femme prête à
s’abandonner complètement à lui.
Il la présenta aux différents petits groupes, conscient de l’embarras croissant de Serena. Elle avait le
front plissé, et le sourire qu’elle affichait n’était qu’une façade, prête à se fissurer.
– Félicitations, Damon, dit Robbie, l’un de ses plus vieux amis, alors qu’ils s’approchaient de lui. Ta
femme est très belle, tu as de la chance de la posséder.
Serena les dévisageait tour à tour, avec une petite moue. Puis son regard se posa sur la femme assise
tranquillement aux côtés de Robbie. Et Damon vit dans ses yeux qu’elle venait de comprendre.
Elle se raidit, rougissant de la base du cou jusqu’aux joues, et serra les lèvres, mais des larmes lui
gonflèrent les paupières. Il ne lui laissa pourtant pas le temps de s’appesantir et la poussa vers l’avant.
Elle risquait de ne pas apprécier la présence de l’invité suivant, qu’elle connaissait déjà. Mais elle avait
fait son choix, il allait falloir qu’elle l’assume.
Ils s’approchèrent de la fenêtre près de laquelle se tenaient deux hommes. Soudain, il la sentit se
crisper.
– Micah, dit-il posément, je voudrais te présenter Serena. Je crois que vous vous connaissez déjà, en
fait. Serena, Micah Hudson, l’un de mes amis.
Micah offrit à Serena un large sourire, alors que, surpris, il parcourait ouvertement son corps
dénudé.
Damon se pencha à son oreille, la main fermement posée sur son bras, dont il effleurait l’anneau.
– Je souhaitais t’éviter cet inconfort, murmura-t-il. Mais tu te l’es infligé en pensant m’embarrasser
devant mes invités. Personne ici n’est choqué par ta nudité. À l’exception de Micah, chacun est venu
accompagné de son esclave. Donc, tu vois, Serena mienne, tout ce que tu as réussi, c’est à te mettre dans
une position désagréable.
Tremblante, elle hocha néanmoins la tête et offrit à Micah un sourire hésitant, le menton levé dans
une tentative presque désespérée de se draper dans ce qui lui restait de fierté.
– Bien sûr que je connais Micah, dit-elle calmement.
– Serena, laisse-moi te dire que tu es particulièrement en beauté, ce soir. Damon est un sacré
veinard.
– J’aime à le penser, répliqua Damon à voix basse. Il jeta à Serena un regard en coin. Toujours raide,
elle arborait une expression fermée. Elle n’était pas disposée à céder d’un pouce ? Eh bien, lui non plus.
Après tout, autant se confronter au problème tout de suite. Il n’allait pas passer les trois prochaines
semaines à bâtir un rêve impossible.
– Puisque tu es le seul à ne pas avoir d’esclave, ce soir, dit-il à Micah, j’aimerais que tu m’assistes
dans le châtiment que je voudrais infliger à la mienne.
– Quoi ? lâcha Serena.
Il tourna vers elle un regard implacable.
– Tu aimes les trios, Serena mienne ?
Elle avait les lèvres serrées, mais il la voyait lutter contre l’envie de dire, de cracher le fameux mot. Il
attendit mais, à sa grande surprise, elle sembla se détendre un peu. Fermant les yeux, elle baissa la tête.
– Serena ? intervint Micah. Elle releva la tête vers lui.
– Tu es d’accord avec ça ? demanda-t-il gentiment. Tout ça, je veux dire ?
Damon ne s’offusqua pas de la question, ni de l’intrusion de Micah dans sa relation avec Serena.
C’était un homme qui aimait les femmes. Point barre. Il aimait les protéger, flirter avec elles, mais au
fond, il détestait que l’on profite d’elles. Par ailleurs, Damon était lui-même très intéressé par la réponse
qu’allait donner Serena.
– J’ai blessé Damon, commença-t-elle d’une voix claire. Je me suis montrée irrespectueuse alors qu’il
s’est toujours montré attentionné envers moi. Et puis, confrontée à mes actes, j’ai voulu l’embarrasser
pour passer ma colère sur lui. J’accepte sa punition.
– Même si tu ignores ce qu’elle sera ? insista Micah.
– Il ne me fera jamais de mal, affirma-t-elle.
A ces paroles, plusieurs hochements de tête approbateurs lui répondirent.
Micah reporta son attention vers Damon, apparemment convaincu que Serena agissait de son plein
gré et n’avait donc pas besoin qu’il vole à sa rescousse. Damon ne put réprimer un sourire amusé.
– Tu te serais battu avec moi, si elle t’avait dit être là contre son gré ? demanda-t-il à son ami.
– Et comment, répliqua celui-ci en riant. Si c’était le seul moyen de passer pour un héros et de
l’emporter sur mon fier destrier dans le soleil couchant.
Damon se tourna alors vers Serena, l’air sévère.
– Tu mérites deux punitions. Je vais t’en administrer une maintenant, devant les gens que tu as
cherché à offenser. La seconde, qui châtiera ton manque de considération à mon égard, te sera
administrée en privé.
Calmement, elle hocha la tête, mais il voyait son corps trembler comme une feuille, et ses poings,
serrés à en faire blanchir les jointures.
– Suis-moi, lui intima-t-il en se dirigeant vers le centre de la pièce.
Il fit signe à Robbie d’appuyer sur le bouton qui faisait descendre les liens du plafond. Serena, les
yeux écarquillés, regarda les deux menottes suspendues descendre lentement.
Quand elles furent à la bonne hauteur, Damon lui saisit les poignets et les entrava, prenant soin de
ne pas trop serrer. Un nouveau signe à Robbie, et le mécanisme remonta de façon qu’elle ait les bras
tendus au-dessus de la tête.
De l’un des placards situés près de la télévision, il sortit une barre équipée de deux attaches pour les
pieds, et installa Serena, jambes écartées et talons légèrement soulevés, avant de l’attacher fermement.
Malgré sa colère et sa tristesse, il ne put réprimer une montée de désir en la voyant ainsi, totalement
vulnérable et offerte. Après tout, ça ne servait à rien de ressasser de sombres pensées quand une
expérience aussi agréable l’attendait.
Serena était magnifique dans cette posture. Sa soumission absolue, cette acceptation de son autorité
lui inspirait une grande humilité et lui redonnait espoir. Même s’il lui en voulait de lui inspirer cet
espoir.
Il rassembla ses longs cheveux détachés entre ses mains et les fit passer par-dessus son épaule, afin
qu’ils ne lui retombent pas sur le dos. Puis il la contourna et vint se placer face à elle, les mains sur la
ceinture de son pantalon.
– Ta punition consistera en un coup de ceinture pour chacun de mes invités à qui tu as manqué de
respect. C’est-à-dire une douzaine. Pour chacun d’eux, j’en donnerai un second. Ce qui fait vingt-quatre
en tout. Et je ne te ménagerai pas. Tu vas me donner du plaisir, sans en recevoir en retour. Y a-t-il quoi
que ce soit que tu souhaites me dire avant que nous commencions ?
30

« Non. »
Serena savait que Damon attendait ce mot-là. Souhaitait-il qu’elle le prononce ? Voulait-il la pousser
à bout, jusqu’à ce qu’elle n’ait d’autre choix que de jeter l’éponge ?
Non, elle lisait autre chose dans ses yeux. Quelque chose qu’il essayait de masquer, une lueur…
d’espoir ? Il ne voulait pas qu’elle abandonne, mais il n’allait pas non plus lui imposer son envie.
Elle accrocha son regard au sien, dans l’espoir que ses yeux expriment tout ce que ses mots ne
sauraient jamais dire. Puis elle secoua la tête en silence et se prépara à la douleur et à la honte qui
l’attendaient. Elle les fit siennes. Ces sensations lui appartenaient, et elle y ferait face de bonne grâce et
avec humilité.
Il dégrafa sa ceinture et la fit glisser dans les passants de son pantalon. Au vu de tous, il la plia
lentement en deux et la tendit à Micah, qui posa sur Serena un nouveau regard interrogateur.
Elle ferma brièvement les yeux puis, les rouvrant, elle fit un signe de tête à Micah pour lui indiquer
son acceptation de ce qui allait suivre. Il prit donc la ceinture des mains de Damon et passa derrière elle.
– Tu me regarderas, moi et rien que moi, dit Damon.
Elle avait déjà des débuts de crampes aux bras, et les orteils engourdis par la position inconfortable
qui l’obligeait à se tenir sur la pointe des pieds.
Elle opina une nouvelle fois du chef. Plus vite on commencerait et plus vite elle en aurait fini i Mais
elle aurait dû se douter que Damon allait faire durer le plaisir, c’était l’homme le plus patient et le plus
méticuleux qu’elle connaisse.
Le premier coup la surprit. Son corps tout entier sursauta, et elle lâcha un cri de douleur. Son dos
était en feu.
Des doigts fermes se plantèrent dans son menton, l’obligeant à relever la tête qu’elle avait laissée
tomber sur sa poitrine.
Elle rencontra le regard de Damon, dur et pénétrant.
– Moi, Serena mienne. Tu me regardes, moi. À chaque instant.
Elle se libéra de son emprise et se raidit, prête à recevoir la deuxième salve. Elle vint comme une
lame de feu. Micah avait frappé sur ses fesses, cette fois.
Elle n’émit pas un son. Les yeux rivés à ceux de Damon, elle y lut une lueur de satisfaction.
Visiblement, il n’avait aucune envie d’affronter le spectacle d’une femme rendue hystérique par la
douleur.
Le coup suivant arriva plus vite, sur ses épaules, là où la peau était plissée par la position de ses bras
tendus au-dessus de sa tête. Elle ferma les yeux et expira longuement.
Les doigts de Damon agrippèrent son menton, et elle perçut son mécontentement quand elle rouvrit
les yeux.
– Ajoute un coup de plus pour sa désobéissance, indiqua-t-il à Micah.
Elle retint son souffle et plongea de nouveau dans son regard.
– Moi, Serena. Tu me regardes, moi. Chaque fois que tu me désobéiras, j’ajouterai un coup de
ceinture.
La salve suivante l’atteignit au milieu du dos, et elle planta les dents dans sa lèvre inférieure, mais
parvint à garder les yeux ouverts et fixés sur ceux de Damon.
Micah répartissait les coups de manière égale entre son dos et ses fesses, prenant soin de ne pas
frapper deux fois de suite au même endroit. Quand il arriva au onzième, elle avait le dos en feu et
l’impression que sa peau partait en lambeaux.
A douze, Damon interrompit la danse, éveillant en elle un espoir fou. Peut-être l’avait-elle
suffisamment satisfait, peut-être allait-il lui épargner les treize restants ?
– Je veux que les autres tombent uniquement sur ses fesses, dit-il avec un calme imperturbable. Je
veux les voir rougir. Frappe chaque globe en alternance, mais ne ménage pas tes efforts.
Elle se raidit et retint son souffle, réprimant à grand-peine un grognement de protestation.
– Ça sera juste plus douloureux si tu te raidis. Détends-toi, lui conseilla-t-il avec douceur, tu auras
moins mal.
Elle prit une longue inspiration et se concentra sur ses muscles. « Détends-toi. » Juste au moment où
elle commençait à se convaincre, un coup, plus fort que les précédents, lui cingla les fesses.
Puis les salves se déchaînèrent, rapides et furieuses, sans aucune pause. Micah imposait un tempo
impitoyable, censé éprouver les limites de sa résistance. Rivée au regard aimant de Damon, puisant sa
force en lui, la buvant, elle sentit peu à peu la douleur diminuer. Le châtiment devint intensément
agréable, même si elle savait que ce n’était pas le but recherché.
La pièce devint floue, et elle se détacha mentalement de ses liens, des boursouflures qui lui striaient
les fesses. Un soupir s’échappa de ses lèvres, et elle arrêta de compter les coups qui pleuvaient.
Elle ne voyait plus que Damon. Sa main sur son menton, qui la soutenait même dans la punition.
Son regard était dur mais fier, et elle baignait dans cette fierté avec délice.
Fais-le pour moi.
Il n’avait pas besoin de prononcer les mots, pas besoin de lui demander de comprendre ou de
l’accepter, puisqu’il l’exigeait. Elle voulait lui complaire.
Et elle le faisait.
Sa tristesse s’écoulait par chaque parcelle douloureuse de sa peau. Elle regrettait tant de l’avoir déçu
!
– Je suis désolée, souffla-t-elle en même temps que tombait le dernier coup.
Damon prit son visage en coupe et essuya délicatement ses larmes d’une multitude de baisers. Des
larmes qu’elle n’avait pas senties couler.
– Serena mienne.
Il prononça son nom comme une bénédiction, et sa douce satisfaction était tout ce qu’elle ressentait
en cet instant. La douleur diminua, la tension s’apaisa dans ses bras, et ses pieds retrouvèrent le sol.
La main de Micah lui toucha l’épaule et la poussa vers le bas. D’abord, elle ne comprit pas ce qu’il
voulait. Encore à demi inconsciente, le dos hyper sensible, elle était parcourue de légers frissons au
moindre effleurement. Sa peau était vivante, frémissante, avide d’un besoin inassouvi.
Damon se montra plus patient cette fois, comme s’il l’attendait.
– À genoux, lui murmura Micah à l’oreille.
Elle obéit instantanément, et Micah la soutint sous les bras pour l’aider.
Devant elle, Damon dégrafa son pantalon, ouvrant sa braguette avec une lenteur délibérée. La main
de Micah se noua dans ses cheveux, l’obligeant à lever la tête au moment où Damon sortait son membre.
Il s’avança, son érection fièrement dressée dans sa main. La poigne de Micah lui maintenait la tête en
arrière, et Damon posa une main sur son front pour guider son membre vers ses lèvres.
Contrairement au soir de la vente aux enchères, où il avait dû la réprimander d’avoir pris les rênes,
elle le laissa user de sa bouche comme il l’entendait, trop épuisée pour réagir.
Micah lui soutenait le cou pendant que Damon donnait de longs et puissants coups de boutoir au
fond de sa gorge. Ses mots résonnaient à son esprit.
« Tu vas me donner du plaisir sans en recevoir en retour. »
Il se trompait, car son plaisir était lié au sien.
Elle s’ouvrit complètement à lui, cherchant ses yeux du regard. Elle les trouva, qui brillaient au-
dessus d’elle, alors que Micah tirait sur ses cheveux pour lui attirer la tête encore un peu plus en arrière,
cherchant le meilleur angle pour les coups de Damon.
Il plongeait dans sa bouche si profondément qu’elle goûtait les poils à la base de son membre. Un
long moment, il resta ainsi, immobile, les testicules pressés contre son menton.
Elle essaya de reculer, mais la main de Micah s’enroula un peu plus dans ses cheveux, et Damon
appuya plus fort. Elle releva les yeux, cherchant les siens, et se calma immédiatement en les trouvant.
Il se retira, sa hampe congestionnée glissa sur sa langue, puis le gland se posa sur sa lèvre inférieure.
Damon la prit par le menton.
– Plus tu résistes, plus je ferai durer, dit-il. Tu es mienne, Serena. Ton corps m’appartient. Je te
possède. Je prends ta bouche parce qu’elle m’appartient. Je l’utiliserai aussi longtemps qu’il me plaira de
le faire avant de jouir et tu avaleras tout ce que je te donnerai.
Pour toute réponse, elle se contenta d’ouvrir plus grand la bouche en signe de sa soumission. Il y
plongea immédiatement jusqu’au fond.
Elle voulut de nouveau reculer, mais réprima le haut-le-cœur qui menaçait et l’envie de rejeter ce
membre enfoncé si profondément dans sa gorge. Elle dut y mettre toute sa volonté mais, concentrée sur
l’expression de satisfaction brûlante qu’elle lisait dans les yeux de Damon, elle parvint à oublier tout le
reste.
Dès qu’elle se soumit entièrement, il cessa de la faire attendre et accéléra le rythme, lui pilonnant la
bouche comme il l’aurait fait avec son sexe. Elle creusa les joues, et le bruit de succion emplit la pièce.
Les premières gouttes se répandirent sur sa langue. Deux hommes lui maintenaient la tête, elle était
vulnérable et totalement impuissante. Les genoux écartés, les jambes attachées, un sexe enfoncé dans la
bouche, elle avait l’impression de vivre à l’extérieur de son propre corps. Comme pendant la séance de
fouet, elle s’était libérée de son enveloppe corporelle et flottait, portée par un plaisir qu’elle ne
comprenait pas mais qui possédait son corps tout entier.
Le visage de Damon devint flou, mais elle continuait à le sentir. Ses mains, sa force, son sexe. Et
enfin son essence même. Mâle. Primitive.
Elle la but avidement, bien déterminée à ne pas rejeter la moindre goutte de son offrande. Entre ses
mains, elle trouvait un confort que jamais elle n’avait imaginé. Une impression de sécurité absolue qui
n’existait que dans ses bras. Elle le savait, elle l’acceptait à présent comme une vérité irréfutable.
– Serena.
Elle entendit son nom, au loin, dans un brouillard de douceur et de tendresse.
– Serena mienne.
Amour, tendresse et approbation, voilà ce que recelaient ces deux mots.
Un sourire rêveur se dessina sur ses lèvres, et elle se rendit enfin compte que Damon avait quitté sa
bouche. Et que les mains de Micah avaient lâché ses cheveux. Des mains délicates la relevaient et la
délivraient de ses liens.
Tenant à peine debout sur ses jambes flageolantes, elle se serait écroulée sans le torse puissant qui la
retint. Des mots murmurés tendrement coulèrent dans ses oreilles. Et le visage de Damon retrouva peu
à peu sa netteté alors qu’elle clignait des yeux. Une fois. Deux fois.
– Va t’agenouiller près de ma chaise, lui intima-t-il à voix basse. Tu y resteras jusqu’au départ de nos
invités. Je t’apporterai à manger et à boire dès que tout le monde sera servi.
Encore engourdie, elle obtempéra. Damon la laissa marcher seule, mais il la suivait de près, et elle
savait qu’il ne la laisserait pas tomber.
Elle s’écroula à genoux sur le coussin moelleux qu’il avait disposé au pied de sa chaise, laissant
échapper une plainte. L’onde douce et tiède du plaisir laissait place peu à peu à une douleur qui lui
brûlait le dos et les fesses.
Elle se rappela soudain ce qui l’entourait et observa les gens dans la pièce redevenue nette. La
majorité l’ignorait, seuls quelques regards curieux se posaient sur elle de temps à autre.
Elle se tenait droite, raide même, désireuse de ne pas décevoir encore Damon devant ses amis. Les
mâchoires serrées malgré la douleur, elle réprima les gémissements qui menaçaient de lui échapper.
Comment les doutes qui l’avaient assaillie quelques heures plus tôt avaient-ils pu laisser place à une
acceptation totale des souhaits de Damon ? La distance avait-elle altéré son point de vue ? La proximité,
au contraire, aveuglait-elle sa raison ?
Mais surtout, qu’est-ce qui lui avait pris de défier Damon ainsi ? Certes, elle était furieuse, plus
d’ailleurs contre sa propre indécision que contre lui. Maintenant, elle se sentait juste idiote.
Et il lui restait encore un châtiment à endurer.
Ses épaules s’affaissèrent, pas de peur mais de regret.
A l’autre bout de la pièce, Damon conversait à voix basse avec Micah et un autre homme,
s’interrompant de temps en temps, quand d’autres personnes se joignaient à eux. Il semblait parfaitement
à son aise, souriant et parlant à grand renfort de gestes.
Elle se sentit rougir quand, à un moment donné, la discussion porta visiblement sur elle et qu’ils se
tournèrent tous dans sa direction. L’un des hommes la désigna du doigt et sourit à Damon. Elle vit son
expression changer du tout au tout, pour devenir soudain très sombre.
Pas besoin d’être sorti d’une grande école pour deviner ce que l’homme lui avait demandé.
Elle baissa la tête, refusant de voir plus longtemps ceux qui l’observaient.
– Votre honte devient la sienne.
Elle leva les yeux vers Robbie qui, un verre à la main, regardait en direction de Damon.
– Relevez la tête pour qu’il puisse garder la sienne haute. Rendez-le fier.
Pour qui se prenait-il ? De quel droit se sentait-il autorisé à lui dire ce qu’elle devait faire ? En même
temps, elle ne voulait pas causer à Damon plus d’embarras qu’elle ne l’avait déjà fait.
Jetant à Robbie un regard froid, elle hocha brièvement la tête en guise d’acceptation.
Visiblement satisfait, il s’éloigna pour rejoindre une belle femme de l’autre côté de la pièce. Était-ce
son esclave ? Il glissa une main dans son dos, puis autour de sa taille. Le geste était possessif, et elle lui
offrit un sourire accueillant. Alors il se pencha pour lui embrasser l’oreille. Malgré la posture soumise de
la femme, on sentait une évidente affection entre eux.
L’heure suivante s’écoula lentement, comme pour mieux tester sa résistance. Son dos la faisait
souffrir, et sa position agenouillée devenait de plus en plus inconfortable pour ses jambes. Elle avait les
muscles complètement ankylosés, et elle aurait donné cher pour pouvoir se coucher, recroquevillée
comme dans un cocon.
Damon l’ignorait royalement. Il ne lui avait accordé que quelques regards entre deux conversations
avec ses invités. Les discussions allaient bon train, les rires fusaient et elle n’existait plus.
Puis on annonça que le dîner était servi. Si elle avait trouvé sa position, nue au milieu d’une salle
pleine de monde, inconfortable, ce n’était rien comparé au silence qui l’entoura alors. Les invités se
rendirent dans la salle à manger, elle ne les entendit bientôt plus que de loin.
Elle aurait pu se lever et partir. Après tout, rien ne la retenait ici. Elle pouvait se réfugier dans la
chambre et se mettre au lit, ou bien carrément rejoindre sa voiture et rentrer chez elle. Retourner à son
appartement et à sa vie. Réaliser les rêves des autres, leur vendre des mensonges et des demi-vérités. Des
ombres insaisissables, des journées au soleil, des rêves de poche.
Et pourtant elle restait là, agenouillée, une farouche détermination chevillée au corps. Cela n’avait
plus rien à voir avec elle ou avec son fantasme. Si elle partait, si elle abandonnait, son échec devenait
celui de Damon. Or, il ne méritait pas ça, alors qu’il lui avait donné tout ce qu’elle désirait.
Est-ce vraiment ce que tu veux ?
La question lui vint comme un murmure, un ruban de soie qui se frayait un chemin à travers sa
conscience. Mais elle était incapable d’y répondre. À moins qu’elle se dérobe.
Abîmée dans ces réflexions, elle perdit peu à peu le fil du temps et sursauta quand les invités
revinrent dans la salle. Damon s’approcha avec une assiette. Sans un mot, il s’assit près d’elle et, d’une
main douce, attira sa tête sur sa cuisse.
Du tréfonds de son corps, elle exhala un soupir de contentement, de fatigue et de soulagement
mêlés.
Il la nourrit, petite bouchée par petite bouchée, les déposant lui-même entre ses lèvres.
Régulièrement, il s’interrompait pour lui donner à boire.
Ses gestes respiraient le calme et une grande intimité, il n’y avait là rien de mécanique. Il la touchait
fréquemment, effleurant sa joue ou relevant une mèche de ses cheveux. Quand une goutte de vin perlait
au coin de sa bouche, il l’essuyait de son pouce, qu’il léchait ensuite.
La joue posée sur sa cuisse, elle ferma les yeux. Et il n’essaya pas de lui donner davantage à manger.
Il se contenta de lui caresser la joue. Il continuait à discuter avec ceux qui l’entouraient, ses doigts
glissant entre les mèches de ses cheveux, s’attardant sur sa nuque, qu’il massait délicatement.
Elle était presque endormie quand elle l’entendit saluer ses invités. Elle ouvrit alors paresseusement
les yeux, et Damon repoussa sa tête pour se relever. Elle vacilla un instant, puis le regarda raccompagner
ses invités.
Et ils furent bientôt seuls. Damon se tenait debout, dans l’encadrement de la porte, la fixant de ses
yeux sombres. En cet instant, elle aurait donné cher pour lire dans ses pensées, pour qu’elles soient
inscrites sur son visage. Mais il n’exprimait rien.
Un frisson d’appréhension la parcourut au souvenir de sa promesse de châtiment lorsque les imités
seraient partis.
Elle déglutit en le voyant approcher. Il s’arrêta à quelques pas et lui tendit simplement la main, où
elle s’empressa de glisser les doigts. Il l’aida à se relever et la fit pivoter en direction de la chambre.
Ils avancèrent en silence, la peur étreignant Serena davantage à chaque pas. La chambre était plongée
dans la pénombre, pourtant Damon n’alluma pas la lumière.
– Tu as besoin d’utiliser la salle de bains avant de te coucher ? demanda-t-il de sa voix profonde.
– Non, répondit-elle doucement.
Il s’approcha du lit et en rejeta les couvertures. Quand il eut terminé, il se tourna vers elle et lui prit
la main. Ne sachant pas ce qu’il allait faire ou ce qu’il souhaitait, elle se laissa guider jusqu’au pied du lit.
Il se contenta de l’y allonger et de la border alors qu’elle posait la tête sur l’oreiller.
Puis, sans un mot, sans un geste de plus, il fit demi-tour et sortit, l’abandonnant dans le noir.
Elle resta longtemps allongée, les yeux grands ouverts, à attendre, à l’attendre. Une immense
lassitude l’engourdit de la tête aux pieds, mais elle combattit la fatigue, espérant toujours son retour.
Un atroce sentiment de solitude s’abattit sur elle. Elle le voulait avec elle, même si cela impliquait
qu’il la châtie. Elle voulait qu’il revienne, qu’il mette un point final à ce chapitre, afin qu’ils puissent
reprendre la relation agréable et naturelle qu’ils avaient construite durant sa semaine chez lui. Et plus
que tout, elle voulait lui dire combien elle était désolée.
Les yeux rivés au réveil, elle cillait à chaque mouvement de l’aiguille. Après une heure d’attente, le
désespoir l’enveloppa comme un brouillard glacé. Où était-il ?
Elle se recroquevilla et s’enroula dans les couvertures, dans un vain effort pour lutter contre le froid
terrible qui l’avait envahie. Malgré la fatigue qu’elle combattait toujours, quelque chose l’empêchait de
dormir. Quelque chose lui manquait. Il ne l’avait pas attachée. Et il n’était pas dans le lit avec elle.
Recroquevillée dans la pénombre, seule avec ce besoin qui la tenaillait sans répit, elle comprit
soudain. C’était sa punition. Et c’était pire que les coups de ceinture.
31

Assis dans un fauteuil face à son lit, les premiers rayons du soleil filtrant par la fenêtre dans son dos,
Damon regardait l’aurore se lever sur le corps inerte de Serena. Lui-même avait peu dormi, préférant
travailler jusque tard dans la nuit. Il avait tout de même volé quelques heures de sommeil sur le canapé
de son bureau, avant de venir s’installer dans la chambre pour être auprès de Serena quand elle ouvrirait
les yeux.
Sur son beau visage tourné vers lui, des traces de larmes avaient séché sur ses joues. L’idée que son
absence avait pu la faire souffrir ne le soulageait pas. Elle hésitait entre deux mondes, l’un créé de toutes
pièces par elle et l’autre qu’elle choisirait. Mais si la punition était nécessaire, il ne se sentait nullement
soulagé de lui avoir causé du chagrin. Car son chagrin était aussi le sien. Comme sa joie la sienne.
Et pourquoi ?
Il l’aimait.
Il secoua la tête, refusant d’admettre cette idée. Un homme intelligent apprenait de ses erreurs. Il
avait déjà aimé une femme à laquelle il ne pouvait pas se fier, sauf qu’il ne l’avait su que trop tard.
Depuis le début, il savait qu’il ne pourrait pas avoir Serena, il aurait donc dû être facile de tenir les
sentiments à l’écart de leur arrangement.
Enfin, en théorie. Car en pratique, il n’y avait pas réussi.
Il passa une main dans ses cheveux et leva la tête vers le plafond. Bon sang, mais comment est-ce
qu’il allait se sortir des trois semaines à venir ? Devait-il continuer à vivre un mensonge, au risque de
donner un peu plus de lui-même chaque jour ?
Il baissa la tête vers la silhouette pelotonnée sous les couvertures. Dans son lit. Sa femme. Que ne
donnerait-il pas pour que ce soit vraiment le cas !
Trois semaines. Deux options s’offraient à lui : prendre ce qu’elle avait à offrir ou ne rien avoir du
tout. Est-ce que ces trois semaines valaient d’être vécues, sachant qu’elle s’en irait à l’issue de cette
période ? Il l’avait déjà presque perdue, il l’avait vu dans ses yeux hier soir, alors même que, de tout son
cœur et de toute son âme, il espérait qu’elle resterait.
Cette histoire de tout ou rien, ça n’avait pas de sens. Les choses ne marchaient jamais ainsi. Dans la
vie, il s’agissait plutôt de prendre ce qui nous était offert au moment venu, et d’essayer de survivre le
reste du temps.
Oui. Il allait prendre ces trois semaines, même si, lorsqu’elles seraient terminées, il ne lui resterait
plus que leur souvenir à quoi se raccrocher. Le souvenir des instants où elle était à lui.

Serena s’éveilla d’un sommeil sans rêves, les yeux lourds et gonflés. Un instant, elle observa le soleil
par la fenêtre. Elle était toujours seule dans le lit. Puis son regard se posa sur le fauteuil près de la
fenêtre et elle dut cligner plusieurs fois des yeux pour croire ce qu’elle voyait : Damon était assis là,
endormi.
Elle rejeta les couvertures et posa aussitôt les pieds par terre. Oubliant les courbatures et les
brûlures de son dos, elle se précipita.
Pour s’immobiliser devant lui, les mains tendues vers son corps endormi. Mais elle n’osa pas aller
plus loin et se contenta de profiter de la vue.
Il avait l’air fatigué, avec ses cheveux en bataille et l’ombre de barbe qui lui couvrait les joues. Il
portait les mêmes vêtements que la veille au soir, à l’exception de la ceinture qu’il avait utilisée pour la
punir.
Il avait l’air vulnérable, endormi ainsi, n’affichant plus son habituelle maîtrise. Lentement, elle
s’agenouilla entre ses jambes et posa la tête sur ses genoux.
Il bougea, et elle lui prit la main, entremêlant leurs doigts, puis la porta à ses lèvres pour la garder
contre sa bouche.
– Serena, murmura-t-il.
Hésitante et redoutant ce qu’elle allait lire dans ses yeux, elle releva la tête vers lui. Elle n’aimait pas
l’idée de laisser voir aussi ouvertement ses sentiments et son incertitude, mais elle lui devait bien ça.
– Je suis désolée, souffla-t-elle. Tu ne méritais pas la façon dont je t’ai traité hier. Tu as été si bon
avec moi, Damon.
Il lui prit le visage entre ses mains, frottant tendrement le pouce contre sa joue.
– Ça ressemble à un au revoir, commenta-t-il d’une voix étonnamment triste.
– Je ne serais pas surprise que tu veuilles me voir partir, en effet, dit-elle amèrement. Je n’ai pas été
une très bonne esclave, finalement.
– Je veux que tu restes, Serena mienne, confia-t-il en continuant de lui caresser le visage, ses doigts
lui effleurant la mâchoire. Je le veux plus que tout au monde.
– Alors je reste.
La résolution qu’elle entendit dans ses propres mots la secoua. C’était tellement définitif, alors
qu’elle se sentait pourtant si incertaine. Or elle ne voulait pas faire de promesses qu’elle ne tiendrait pas.
Après tout, ils avaient un contrat, bon sang ! Et un contrat, ça pouvait se rompre si l’une ou l’autre des
parties le désirait. Tout cela n’était pas censé devenir personnel, ça devait rester professionnel.
– À quoi penses-tu ? s’enquit-il. Une ombre vient de traverser ton visage, et tu parais triste, tout
d’un coup.
Elle frotta la joue contre sa paume en soupirant.
– Tout ça n’était pas censé devenir si…
– Sérieux ? Sentimental ? Douloureux ?
Elle hocha la tête. Oui, il avait trouvé les mots justes. Comment pouvait-elle mieux décrire
l’écorchure, cette douleur qui n’avait rien à voir avec la morsure de la ceinture ?
– Peut-être qu’on ne devrait pas continuer… ça, suggéra-t-elle.
– N’attends pas de moi que je prenne la décision pour toi. Je veux que tu restes, mais je ne dirai ni
ne ferai rien pour t’y obliger.
– J’ai envie d’être ici, avoua-t-elle en ravalant la boule qui s’était formée dans sa gorge.

– Alors reste.
– Ça a l’air si simple, quand tu le dis.
Il lui prit le menton pour lui effleurer la lèvre inférieure de son pouce.
– Mais c’est simple. Si tu veux rester, alors ne t’en va pas.
– J’ai l’impression d’avoir perdu quelque chose. Une partie de moi, mais je ne sais pas laquelle.
Comment est-ce possible ?
– Et qu’as-tu gagné ? demanda-t-il d’une voix douce.
Elle écarquilla les yeux. Sa question résonna si fort en elle qu’elle lui coupa le souffle. Gagné. Perdu.
La vie était-elle une suite de gains et de pertes ?
Ne sachant que répondre, elle baissa les yeux, mais il tourna le poignet pour regarder sa montre et
émit un son plaintif.
– Tu vas être en retard si tu ne prends pas ta douche maintenant, Serena mienne.
Elle resta la tête posée sur ses genoux pendant un long moment encore, goûtant le contact de ses
doigts dans ses cheveux. Mais il lui fallut bien se redresser et se relever. Puis elle attendit.
Il porta alors sa main à ses lèvres et y déposa un baiser.
– Vas-y, Serena. Je m’occupe de ton petit déjeuner pendant que tu te prépares. Je t’attends dans la
salle à manger.
32

– Tu ne pourras pas passer ta vie à nous éviter, Serena. Si tu crois que je n’oserai pas venir te
chercher par la peau des fesses jusqu’à ton bureau s’il le faut, tu te trompes, prévint Faith dès que Serena
décrocha son téléphone de bureau.
Elle soupira et porta une main à sa tempe douloureuse. Son dos, encore très sensible, l’obligea à
s’écarter du dossier de son siège.
– Je suis occupée, là, Faith. J’ai pas mal de travail en retard, après ma semaine de congé.
Faith souffla bruyamment.
– Tu m’évites et nous le savons toutes les deux. Estime-toi heureuse que ce soit moi qui t’appelle, et
pas Julie.
– Oui, d’ailleurs, comment ça se fait ? Ça ne lui ressemble pas de rater une bonne occasion de
fourrer son nez dans les affaires des autres.

– Elle est trop occupée à fomenter son plan.


– Je ne veux même pas le savoir.
Ce qui était vrai, elle n’en avait aucune envie. Elle était trop épuisée et avait assez de soucis comme
ça, sans aller se pencher sur le cas de Julie et ses atermoiements concernant Nathan. Ce qu’elle confia
d’ailleurs à Faith.
– Je crois qu’elle va laisser tomber, pour Nathan, lui répondit cette dernière. Du moins, dès qu’elle se
sera débrouillée pour lui montrer combien il a eu tort de l’ignorer.
Amusée malgré le poids qui pesait sur ses épaules, Serena leva les yeux au ciel.
– Et je préfère t’avertir qu’elle projette de se tourner vers Damon.
– Quoi ?
– Pas personnellement et pas tant que ton mois avec lui n’est pas terminé, s’empressa de préciser
Faith. Mais elle veut qu’il lui mette en scène un scénario de fantasme.
– Pour l’amour du ciel, marmonna Serena. Elle le prend pour un maquereau ou quoi ?
– Tu es bien placée pour critiquer, toi qui es allée le voir précisément pour les mêmes raisons, lui fit
remarquer Faith.
– Tu sais parler à tes amies, toi.
– Si ça peut te rassurer, Gray et moi, nous avons essayé de l’en dissuader. Pour des raisons
différentes, d’ailleurs. Je n’ai rien contre l’établissement de Damon, ce sont plutôt les motivations de Julie
qui me gênent. En revanche, Gray déteste The House, et je le soupçonne d’avoir peur que Julie
m’entraîne là-bas avec elle, expliqua-t-elle en riant.
Serena ne voulait pas envisager la fin de son histoire avec Damon, et encore moins la visite que Julie
se proposait de lui rendre. Et si Damon allait lui-même assouvir le fantasme de Julie ?
Elle se sentit immédiatement coupable d’avoir eu cette pensée. Damon n’avait jamais rien dit ou fait
qui lui laisse penser qu’il était du genre à passer si aisément de son lit à celui de son amie. D’ailleurs, en
parlant des amis…
– Faith, je voulais te dire, au sujet de Micah…
– Quoi, Micah ?
– Est-ce que toi et lui… enfin, est-ce que toi et lui et Gray vous avez une sorte d’accord ?
Bon Dieu, comment formuler ça de façon normale ?
– Pourquoi est-ce que tu me demandes ça ? s’enquit Faith de sa voix douce.
Et merde !
– Il m’a vue nue. Ce n’est pas ce que Damon avait prévu, d’ailleurs, c’est entièrement ma faute. Mais
ensuite, il a en quelque sorte participé à mon châtiment et… enfin, après, je me suis souvenue que toi et
lui… je veux dire, toi et lui et Gray… Bref, je me suis sentie un peu mal.
– Serena, il n’y a rien entre Micah et moi, hormis une profonde amitié. Je l’aime beaucoup et oui, on
a fait l’amour. Une fois. Mais il n’y a aucune espèce d’accord entre nous. Gray aurait une attaque, si
quelqu’un suggérait ce genre de truc. Mais maintenant, tu vas devoir tout me dire sur cette punition à
laquelle Micah a pris part. Ça m’a l’air sacrément chaud, dis donc.
Serena laissa échapper un gémissement.
– On peut en reparler une autre fois ? Maintenant que tu es rassurée sur ma santé, j’ai vraiment
beaucoup de travail à rattraper et je ne veux absolument pas être en retard ce soir et risquer de peiner
Damon comme je l’ai fait hier.
– Mais tu es sûre que ça va ? insista Faith. Je n’en ai pas eu l’impression, hier. Je m’inquiète pour toi,
Serena. Depuis le début de cette histoire. Et je m’inquiète aussi pour Damon. Je ne veux pas que vous
souffriez, tous les deux.
– Moi non plus, je ne veux pas qu’on souffre, dit calmement Serena. Mais je crains qu’il ne soit déjà
trop tard.
– Oh non ! se désola Faith. Tu veux qu’on déjeune ensemble ?
– J’apprécie que tu essaies de m’aider, Faith. Vraiment. Mais je dois régler ça toute seule.
– Je comprends, mais je vais quand même te dire une dernière chose. Si tu ne peux pas donner à
Damon ce qu’il veut, ce dont il a besoin, alors laisse tomber.
Serena resta les yeux rivés au téléphone, longtemps après avoir raccroché. Laisser tomber. Ça
paraissait tellement simple. Et ça devrait l’être. Qui était assez stupide pour s’attacher à quelqu’un, une
semaine seulement après avoir fait sa connaissance ?
Bon, d’accord, ça faisait un peu plus d’une semaine. Mais pas beaucoup plus, et quoi qu’il en soit, il
était bien trop tôt pour éprouver des sentiments aussi profonds.
Et ça n’était pas le pire. Ils avaient tous deux des attentes différentes, et leurs divergences ne
portaient pas sur des détails insignifiants comme un plat favori ou la marque d’un dentifrice. La femme
que voulait Damon ressemblait à celle qu’avait jouée Serena toute la semaine dernière. Sauf qu’il la
voulait ainsi de façon permanente.
– Serena ?
Elle leva les yeux pour découvrir Carrie dans l’encadrement de la porte, les yeux gonflés d’avoir
pleuré.
– Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-elle, inquiète.
– Mme Tasco vient d’appeler.
– Il y a eu un problème pendant la croisière ? Les yeux de Carrie s’emplirent de nouvelles larmes.
– Non, tout a été parfait. Mme Tasco a même dit qu’elle n’avait jamais vu sa fille aussi heureuse. Ils
devaient rentrer au port aujourd’hui, mais Michelle est morte dans son sommeil, la nuit dernière.
Serena se figea, la poitrine soudain oppressée.
– Ils voulaient juste te remercier, conclut Carrie d’une voix étranglée. Michelle a vécu ses dernières
heures heureuse et émerveillée. La fête de princesse que tu lui as organisée a été le plus beau moment de
sa vie.
– Renseigne-toi sur la date des funérailles, dit Serena. Et envoie-leur des fleurs.
Immobile, Carrie la dévisageait avec un air sidéré.
– C’est tout ? C’est tout ce que ça te fait ?
– Vas-y, s’il te plaît. S’il n’y a rien d’autre, tu peux me laisser, j’ai beaucoup de travail.
Carrie fit demi-tour et sortit comme une furie, claquant la porte derrière elle. Pendant un long
moment, Serena fixa la porte fermée. Puis elle laissa tomber sa tête sur le bureau, le visage enfoui entre
ses bras.
De manière incontrôlable, ses épaules se mirent à trembler alors que les larmes montaient. Elle se
leurrait complètement. Ce qu’elle offrait à ses clients n’avait rien à voir avec la réalité, ça n’était même
pas un ersatz de réalité. Au mieux un jeu, au pire une tromperie.
Elle pouvait faire croire à une petite fille qu’elle était une princesse, mais elle ne pouvait pas lui
donner ce qui comptait le plus. Une vie longue et heureuse avec des parents qui l’aimaient.
Damon avait tort, les rêveurs aussi mouraient. Il en mourait même tous les jours.
Damon était assis à son bureau quand Serena rentra le soir. Il se détourna de son ordinateur
portable et leva les yeux vers elle, prêt à l’appeler. Mais son mot de bienvenue mourut sur ses lèvres,
quand il découvrit son visage blême et tendu.
Elle laissa tomber son attaché-case près de la porte et envoya voler ses chaussures presque
mécaniquement. Puis elle s’approcha lentement de lui, les paupières lourdes de chagrin. Comme si elle
avait pleuré, même si elle avait à présent séché ses larmes.
Il se leva et marcha à sa rencontre. Dès qu’il fut à portée de main, elle lâcha un petit cri et se jeta
dans ses bras. Il la serra tout contre lui, essayant vainement d’apaiser les bruyants sanglots qui la
secouaient.
Il la conduisit jusqu’au canapé, la portant presque, et s’assit pour l’attirer sur ses genoux.
– Serena, dis-moi ce qu’il y a. Tu t’es blessée ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
Elle enfouit le visage dans son cou et resta blottie contre lui, les doigts plantés dans sa peau. Les
larmes continuaient à couler, alors il se contenta de la tenir jusqu’à ce qu’elle finisse par se calmer. Vidée,
elle se laissa enfin aller contre son torse.
– Serena ?
Elle se tendit et prit une inspiration saccadée. Elle semblait si petite et fragile, en cet instant. La
gorge serrée par l’inquiétude, il se préparait mentalement à ce qu’elle allait lui dire, persuadé de le savoir
déjà.
– Je vais partir, Damon, lâcha-t-elle enfin d’une voix rauque mais étonnamment calme. Je mets un
terme au contrat. Notre accord est rompu. Tu es libre.
Contrairement à toute logique, la violence de son annonce provoqua une immense douleur en lui. Il
s’en doutait, pourtant et, malgré tout, chacun de ses mots lui plantait une écharde dans le cœur.
– Pourquoi ? parvint-il à demander.
Elle s’écarta, d’un geste presque aussi violent que ses mots. Comme si elle cherchait à se libérer de
son étreinte. Mais il n’allait pas la lâcher ainsi. Non, elle devrait lui faire face et s’expliquer, bon sang ! Pas
question qu’il lui facilite la tâche alors qu’elle lui infligeait les plus durs moments de sa vie.
Il lui prit les deux poignets et les garda près de son torse.
– Pourquoi, Serena ? Tu me dois bien une explication, non ?
– Non, je ne te dois rien, rétorqua-t-elle d’une voix froide. L’une ou l’autre des parties peut à tout
moment mettre fin au contrat.
– Mais j’en ai rien à foutre, de ce putain de contrat ! s’emporta-t-il. Ça n’est pas qu’un morceau de
papier, Serena. Il s’agit de toi et moi, de ce que nous avons partagé, et j’ai le droit de savoir pourquoi tu
envoies tout ça promener.
– Je ne peux plus vivre un mensonge, souffla-t-elle. Ça fait trop mal. Tout ce que je fais, ce n’est que
du vent. Rien n’est réel, rien ne peut l’être. Je ne peux pas donner aux gens ce qu’ils veulent vraiment et il
en va de même vis-à-vis de toi. Je ne peux pas te donner ce dont tu as besoin, Damon. Alors je te laisse
partir.
Les yeux fixés sur elle, il écoutait son explication sans rien y comprendre. Elle s’écarta à nouveau et,
cette fois, il ne la retint pas.
Alors qu’elle s’apprêtait à partir, il prononça son nom. Elle sembla hésiter, mais ne se retourna pas
pour autant.
– Je t’aime, Serena.
Cette fois, elle s’immobilisa. Il vit ses épaules trembler, ses poings se serrer.
– Reste, dit-il tout bas.
Lentement, elle se retourna, et il découvrit son beau visage décomposé. Elle serra les mâchoires et
déglutit péniblement.
– Non, murmura-t-elle.
Voilà. Elle avait prononcé le mot. Celui-là même qui devait la libérer. Il le reçut en plein cœur,
mordant et violent à la fois. Il résonna dans sa tête, sans relâche, jusqu’à ce que la douleur devienne
insupportable.
Elle porta une main à sa bouche et geignit, comme un petit animal blessé. Puis elle partit en courant.
33

Serena était bien consciente qu’elle travaillait trop, qu’elle évitait ses amies, et surtout que jamais elle
ne parviendrait à oublier Damon.
Elle se faisait l’effet d’être une lâche doublée d’une garce et, par-dessus le marché, elle avait le cœur
brisé.
Elle n’avait pas assisté aux obsèques de Michelle. Extrêmement choquée, Carrie l’avait traitée de
sans-cœur. Ce qu’elle n’avait pas songé à nier. Car si elle avait une once de cœur, elle n’aurait pas
embarqué Damon dans cette histoire, à lui faire miroiter des promesses qu’elle ne tiendrait pas. Certes,
elle n’avait rien promis officiellement, mais elle avait accepté de vivre ce fantasme avec lui. De se perdre
dans quelque chose qui n’était pas réel. Elle en avait tellement envie.
Alors non, elle n’avait pas supporté l’idée d’aller aux funérailles de Michelle. Et pourtant, alors que
les ombres s’étiraient sur le cimetière, elle se dirigeait à pas lents vers la tombe de la fillette.
Son regard fut attiré par la terre fraîchement retournée sur le petit monticule. Un gigantesque
assortiment de fleurs avait été déposé sur la pierre étincelante, avec le nom de Michelle gravé en lettres
d’or. Des larmes lui gonflèrent les paupières quand elle lut l’inscription ajoutée par ses parents.
À JAMAIS NOTRE PRINCESSE.
Serena s’agenouilla pour poser délicatement une tiare sur la tombe.
– S’il y a une justice, tu dois régner au paradis dans ta robe rose de princesse, avec ta tiare en
diamants et ton sceptre mauve, chuchota-t-elle. Je suis désolée de n’avoir pu faire pour toi ce qui
importait le plus.
– Oh mais si, vous l’avez fait.
Elle se retourna et découvrit Mme Tasco plantée derrière elle, les joues baignées de larmes.
– Je suis désolée, murmura Serena en se relevant. Je ne voulais pas me montrer intrusive.
Elle voulut s’éloigner, mais Mme Tasco la retint par le bras.
– S’il vous plaît, ne partez pas.
Déchirée entre l’envie de fuir loin avant de succomber à une crise de larmes et la douleur qu’elle
lisait dans les yeux de cette mère meurtrie, elle hésita.
– J’ai entendu ce que vous disiez, vous avez tort, reprit la femme. Personne ne pouvait rien faire
pour soigner Michelle, et Dieu sait que nous avons tout tenté. On a vu des dizaines de médecins, essayé
toutes sortes de traitements, mais on savait… On savait qu’il ne lui restait pas longtemps à vivre. Vous,
vous avez donné à une petite fille qui avait traversé tant d’épreuves une raison de sourire, d’être
heureuse, même si elle-même se savait condamnée. Et pour ça, mademoiselle James, nous vous serons
éternellement reconnaissants.
Sa voix s’étrangla dans un sanglot, et elle se couvrit la bouche d’une main tremblante.
– Jamais je ne vous remercierai assez de m’avoir permis de voir le visage de ma fille s’éclairer comme
un soleil, quand elle a ouvert le bal, lors de la cérémonie de son couronnement, sur le bateau de
croisière. Ou le regard de son père quand il la faisait tournoyer sur le parquet.
Dans un geste impulsif, elle prit Serena dans ses bras et la serra, le corps secoué de sanglots.
– Toutes mes condoléances, souffla Serena, faute de mieux.
Quels mots seraient à la hauteur de la peine de cette femme ?
– Merci. Merci de la part de son père et de moi-même. Jamais nous n’oublierons ce que vous avez
fait pour notre fille.
Serena tenta vainement de répondre par un sourire. Mme Tasco lui serra la main avant de s’éloigner
lentement.
Une légère brise sécha peu à peu ses larmes. Elle jeta un dernier regard à la tiare posée devant la
pierre. La fin des rêves. La vie. La mort. Mieux valait s’épargner le blabla sur les cycles du temps, ça ne
l’apaiserait en rien. Surtout pas en ce qui concernait une petite princesse qui demandait si peu et donnait
tant.
Épuisée et immensément triste, serrant ses bras autour d’elle malgré la chaleur lourde que la brise ne
parvenait pas à dissiper, elle marcha tête baissée vers sa voiture, ses doigts effleurant sous sa manche
l’anneau de Damon. Elle ne l’avait pas retiré de son bras, ni celui qu’elle portait à la cheville. Elle n’en
avait pas la force.
Sur le parking, alors qu’elle fouillait ses poches, en quête de ses clefs, elle découvrit Julie et Faith qui
l’attendaient près de son véhicule.
Sans attendre qu’elle réagisse, soit pour les saluer, soit pour prendre ses jambes à son cou, elles
vinrent l’entourer et la prirent, l’une par la taille, l’autre par les épaules.
– Gray et Connor viendront récupérer ta voiture en rentrant du travail, indiqua Faith en l’entraînant
vers son véhicule. Tu nous accompagnes, que ça te plaise ou non. Et nous n’hésiterons pas à recourir à la
force.
Voyant que Serena n’essayait même pas d’argumenter, Julie lui jeta un regard inquiet.
– Tu as l’air totalement épuisée. C’était quand, la dernière fois que tu as dormi ?
– En tout cas, pas depuis que j’ai quitté Damon, répondit-elle en fermant les yeux pour retenir ses
larmes.
Tout en soupirant, Faith la poussa doucement sur le siège passager.
– Où m’emmènes-tu ? s’enquit Serena d’un ton las, quand son amie s’installa au volant.
– On pourrait appeler ça une intervention d’urgence, lança Julie depuis le siège arrière. Mais je
préfère dire qu’il s’agit de te botter les fesses comme il faut !
Serena lâcha un rire grinçant, affreux. La tête contre le dossier, elle laissa couler quelques larmes
tièdes.
Julie se pencha pour lui serrer le bras. Elles roulèrent en silence, et Serena garda les yeux fermés,
pour éviter de lire de la pitié dans ceux de ses amies. Elle n’avait toujours pas la moindre idée de
l’endroit où elles l’emmenaient, mais si ça signifiait manger ou dormir, ça lui allait parfaitement.
Elle s’endormit d’ailleurs, et quand elle se réveilla, Faith et Julie la tiraient de son siège. Elle se
redressa en titubant. L’odeur des embruns et la brise salée la ramenèrent peu à peu à elle.
– Où sommes-nous ? demanda-t-elle en essayant de se débarrasser du brouillard qui lui obstruait la
vue.
– À la maison de la plage, répondit laconiquement Julie, alors qu’elles escaladaient une volée de
marches menant à une vaste demeure.
Serena fronça les sourcils. Une petite lumière éclairait le porche, chaleureuse et accueillante.
– Elle est à qui, cette maison ?
– Peu importe ! répliqua Faith d’un ton exaspéré.

– En effet, marmonna Serena. Du moment qu’il y a un bon repas et un oreiller moelleux.


– Enfin tu penses à manger et à dormir, il était temps, lui fit remarquer Julie. Tu as une mine de
déterrée.
Serena soupira. Quelle importance…
Faith glissa la clef dans la serrure, et elles entrèrent. Julie ressortit ensuite pour récupérer leurs sacs
pendant que Faith installait Serena sur le canapé, avec l’interdiction formelle d’en bouger.
– Oui, maman.
À force d’insistance, ses deux amies parvinrent à lui faire avaler ce qu’elles lui avaient préparé. Elle
redoutait la fin du repas, bien consciente que cela marquerait le début de la série de questions. Mais à sa
grande surprise, les filles se contentèrent de la mettre au lit.
– Dors, Serena, l’incita Faith. On sera là à ton réveil. C’est fini, la politique de l’autruche.
Serena hocha la tête, mais le sommeil l’emportait déjà.
Julie jeta un coup d’œil à Faith, un doigt sur les lèvres, et elles quittèrent la pièce sur la pointe des
pieds.
– Il faut que j’appelle Damon, annonça Faith, quand elles eurent regagné le séjour. Il est fou
d’inquiétude.
– N’oublie pas Gray. Il n’était pas vraiment ravi que tu viennes ici sans lui, nota Julie.
Faith frissonna.
– Moi non plus, à vrai dire, mais au moins, ce n’est pas la même maison. Damon a vendu celle où
Gray s’était fait tirer dessus.
– Tu penses qu’on a bien fait ? demanda Julie. Je n’arrive pas à savoir, mais ce qui est sûr, c’est qu’on
ne pouvait pas la laisser se détruire sans réagir. Bon sang, Faith, qu’est-ce que tu vas faire quand elle se
réveillera ? Moi, je l’ignore complètement.
Faith sortit son téléphone.
– Tu veux que je te réponde honnêtement ? Je ne crois pas que Serena ira mieux tant qu’ils ne se
seront pas remis ensemble, avec Damon.
– Je t’ai déjà dit à quel point je détestais les amis intrusifs ? Eh bien, je déteste encore plus être dans
la position de celle qui se mêle des affaires des autres. C’était sa décision, Faith. On ne peut pas l’obliger
à retourner auprès de Damon.
– C’est moi qui lui ai conseillé de le laisser tomber, avoua Faith d’une voix triste. J’aurais dû rester
en dehors de tout ça.
– Oh, tais-toi. Serena n’a pas quitté Damon à cause de toi, et si c’était le cas, elle serait encore plus
idiote que je le croyais.
Faith lui jeta un regard glacial.
– Tu sais, Julie, je me demande comment on ne t’a pas encore étranglée, Serena et moi. À ta place, je
ne dormirais pas sur mes deux oreilles, cette nuit.
– Appelle ton homme, et ensuite, on contactera Damon. Je n’avais jamais vu un homme aussi inquiet
pour une femme. Ça m’a donné des papillons dans le ventre.
– Espérons que ça va marcher, conclut Faith en composant le numéro.
34

Dès qu’elle entrouvrit les paupières, Serena fut éblouie par le soleil. Avec un grognement, elle se
tourna pour éviter ses rayons et son regard tomba sur le réveil. Il était presque midi.
Elle essaya de bouger, mais chaque muscle de son corps la faisait souffrir. Mieux valait rester
allongée à écouter les bruits des vagues, au loin. Le cri d’une mouette résonna juste devant la fenêtre,
suivi d’un autre, puis d’un autre. Comme pour se moquer d’elle.
Faith et Julie devaient attendre qu’elle descende, mais elle n’était pas prête à les affronter. Se
pelotonnant sous les couvertures, elle se laissa gagner par l’envie de replonger dans le sommeil. L’idée
était tentante de se retirer dans les limbes de l’inconscient, jusqu’à ce que la douleur et la peine
disparaissent. Mais elle avait assez joué les lâches.
Avec un soupir, elle rabattit les draps et se leva. Au moment où elle réalisait qu’elle portait encore
les vêtements de la veille, elle aperçut un jean et un tee-shirt sur la coiffeuse.
Il faudrait donc ajouter effraction au domicile d’autrui à la longue liste des délits qu’accumulaient
Faith et Julie. Visiblement, elles avaient fait un raid chez elle, avant de la kidnapper pour la
séquestrer ici.
Un sourire adoucit ses traits. Elle avait vraiment de la chance de les avoir. Elles allaient la ramener à
la vie, de force plutôt que de gré, ignorant ses cris et ses larmes, et puis elles finiraient par lui conseiller
d’arrêter de geindre et de se reprendre en main.
Elle emporta ses vêtements propres dans la salle de bains qui jouxtait la chambre où ses amies
l’avaient enfermée. Après une douche, elle se sentit à nouveau presque humaine. Elle s’habilla,
complétant sa tenue avec le coupe-vent qu’elle portait la veille.
Sa main glissa sur l’anneau doré à son bras, dont elle suivit machinalement le contour sous sa
manche. Elle ne devait pas laisser le chagrin reprendre le dessus, mais il lui fallut plusieurs minutes avant
de recouvrer son calme et d’être en mesure d’affronter ses ravisseuses.
Le salon était vide et silencieux, mais elle les aperçut, par la baie vitrée qui donnait sur le ponton de
bois surplombant l’océan. Elles étaient allongées dans des chaises longues, un verre à la main.
Redressant les épaules, elle prit une profonde inspiration et ouvrit la porte vitrée. Immédiatement,
Faith et Julie se redressèrent et tournèrent vers elle des yeux interrogateurs.
– Ah, tu as meilleure mine ! déclara Julie. Tu n’es pas encore au meilleur de ta forme, mais quand
même, tu n’as plus ta tronche de déterrée d’hier.
– Merci, trop aimable, Julie, répondit Serena d’un air désabusé.
Faith se leva et la guida vers un autre transat.
– Assieds-toi, ordonna-t-elle, avant de s’adresser à Julie : Va lui chercher un verre de jus de fruit et
quelque chose à manger. On la fera parler après.
Serena éclata de rire. Toute cette situation était d’un bizarre !
– Vous comptez me torturer ?
– Seulement si tu te fais prier, lança Julie en rentrant dans la maison.
Serena s’allongea sur le transat, offrit son visage aux rayons du soleil. La chaleur lui chatouilla la
peau, mais elle se sentait glacée à l’intérieur.
– Qu’est-ce qui s’est passé, Serena ? demanda Faith d’une voix calme mais ferme.
– J’ai arrêté de jouer les bons génies de bazar.
– Qu’est-ce que ça veut dire ?
– Ça veut dire que j’arrête les fantasmes, Faith.
– Et ton entreprise ? Tes clients ? Serena, tu as rendu tellement de gens heureux…
Oui, sauf elle-même. Dans ce domaine-là, elle avait lamentablement échoué, en blessant un homme
bien, par-dessus le marché.
– Alors, j’ai manqué quoi ? s’enquit Julie en revenant.
Elle déposa une assiette sur les genoux de Serena, lui tendit un verre.
– Apparemment, Serena abandonne Fantasy Incorporated.
– Quoi ?
– Je vends, ajouta calmement Serena.

– Mais pourquoi ? s’étonna Julie. C’est ta création, ton bébé.


– Plus maintenant. Quelqu’un d’autre pourra reprendre l’affaire et continuer sans moi. Je n’en ai plus
envie, je suis lasse des… fantasmes. Ça n’a rien de vrai. Tout n’est que mensonges.
– Euh… On parle de tes clients, là, ou bien est-ce qu’il s’agit de Damon et toi ? demanda Faith.
Les doigts de Serena se mirent à trembler, et le verre de jus de fruit tangua dangereusement. Elle le
posa, ainsi que l’assiette, à même le ponton.
– Damon mérite quelqu’un qui ne joue pas, mur-mura-t-elle enfin. Quelqu’un qui ne se contente pas
de fantasmes et de frissons à deux balles.
– Serena, soupira Faith, vous n’avez eu qu’une semaine. Et puis tu as pris tes jambes à ton cou,
comme si tu avais le diable à tes trousses.
Serena baissa la tête et se cacha le visage dans ses mains.
– Je suis amoureuse de lui, Faith.
– Oh là ! Attends un peu, je ne te suis plus, là. Tu es tombée amoureuse – au bout d’une semaine,
soit dit en passant – et au lieu de rester pour voir comment les choses évoluent entre vous, tu le largues ?
Tout ça n’a aucun sens !
– Tu ne comprends pas, tenta Serena en relevant la tête.
Faith se pencha sur sa chaise et lui prit la main.
– Alors aide-nous à comprendre, Serena. Car visiblement, tu es très mal. Tu nous évites, tu ne
manges rien, tu ne dors pas, et Julie a raison, tu as une de ces têtes ! Il faut que ça cesse.
– Comment peut-on cesser d’aimer quelqu’un ? Je ne sais même pas si c’est lui que j’aime ou si je
suis tombée amoureuse du rêve qu’il m’a fait vivre. Vous voyez où est mon problème ? Et puis,
comment suis-je censée croire qu’il m’aime, alors que je ne lui ai jamais montré la vraie Serena ? C’est un
fantasme qu’il aime. La femme idéale que je lui ai vendue.
Faith lâcha un long soupir. Même Julie ne trouva rien à répondre, pour une fois. Au bout d’un
moment, Faith reprit, en regardant Serena droit dans les yeux.
– Tu es vraiment sûre que ce n’est pas la vraie Serena, que tu lui as montrée ? L’idée de ce qu’il veut
est-elle si odieuse pour toi ?
– C’était un jeu, s’entêta Serena. Un rôle que j’ai joué, un rôle qu’il a joué.
Faith leva la main.
– Quoi que tu penses de tes actes, laisse-moi t’assurer que Damon n’a jamais joué un personnage. Ce
que tu as vu, ce que tu as eu, c’était Damon. Il ne joue pas. Alors oui, il a accepté votre accord, mais
c’était parce que tu cherchais ce qu’il était en mesure de te donner. Il n’a pas eu besoin de faire semblant,
Serena. C’était le vrai Damon.
– Écoutez les filles, j’apprécie ce que vous essayez de faire. Vraiment. Mais je n’ai pas envie de parler
de tout ça. Ça ne sert à rien de ressasser, c’est ce que j’ai fait toute la semaine. Alors maintenant, je
voudrais juste oublier.
Au moment où les paroles franchissaient ses lèvres, un froid glacial se répandit dans ses veines et elle
resserra sa veste. Si ça se trouvait, elle avait attrapé un virus. Elle n’avait pas vraiment pris soin d’elle, ces
derniers jours.
Damon aurait pris soin de toi, lui. Jamais il ne t’aurait laissée tomber aussi bas.
Elle ferma les yeux et secoua la tête. Non, ça n’était pas à Damon de prendre soin d’elle. Mais à elle-
même.
– Tu crois pouvoir oublier ? demanda Faith. Vraiment ? Tu es sûre que tu n’es pas plutôt en train de
gâcher la meilleure chose qui te soit arrivée sous prétexte que tu as peur ?
Serena lui jeta un regard abasourdi.
– Peur ?
– Oui, peur. De mettre tous tes espoirs, ton bien-être, ton être tout entier entre les mains de Damon,
et qu’il finisse par te décevoir.
– Serena, si c’est bien ça la raison, intervint Julie, alors jamais tu ne pourras avoir de relation
sérieuse avec un homme. Crois-moi, je sais de quoi je parle. Je ne peux pas t’assurer que la peur finira
par disparaître. Nous autres, faibles femmes, nous nous attendons toujours à ce qu’on nous trahisse. Ou
quelque chose du genre.
– Ce n’est pas ça, expliqua calmement Serena. Damon ne me ferait jamais de mal, je le sais. Mais j’ai
peur de ne pas pouvoir être ce dont il a besoin. J’ai peur de lui faire du mal.
Faith soupira.
– Tu ne penses pas que tu devrais le laisser décider lui-même s’il souhaite prendre ce risque ou pas ?
Elle n’avait rien à répondre à ça. Et la question la perturbait, car elle touchait un point sensible, tout
proche de la vérité. Elle avait bel et bien pris cette décision sans donner le moindre choix à Damon.
Elle enfouit de nouveau son visage entre ses mains. Dieu, qu’elle était fatiguée ! Un an, il lui faudrait
au moins dormir un an pour récupérer…
Faith, après une pression amicale sur sa jambe, se leva. Puis, jetant un coup d’œil à sa montre, elle
échangea un regard avec Julie.
– On doit filer faire quelques courses pour remplir le frigo, annonça cette dernière. Reste ici, profite
du soleil. On n’en a pas pour très longtemps.
Serena hocha la tête.
– Merci les filles, merci beaucoup.
Faith se pencha vers elle et la prit dans ses bras.
– Tout ce qu’on veut, c’est que tu te sentes mieux.
– Si vous aviez un bouton pour rembobiner le film, ce serait cool, dit Serena avec un sourire en
coin.
– Si tu pouvais revenir en arrière et effacer ce que tu as vécu avec Damon, tu le ferais ? demanda
Faith, soudain très sérieuse.
Serena tourna la tête vers les vagues qui s’écrasaient lentement sur la plage, avant de refluer.
– Non, avoua-t-elle. Je n’échangerais pas cette semaine contre tout l’or du monde.
35

Damon se gara devant sa maison de la plage et coupa le moteur. En sortant de la voiture, il aperçut
Julie et Faith qui descendaient les escaliers, l’air inquiet.
Faith se dirigea immédiatement vers lui et l’embrassa.
– Elle ne va pas bien, Damon. Elle a besoin de toi. Vraiment ? Lui, en tout cas, il avait besoin d’elle.
Il la désirait. Mais qu’en était-il pour Serena ?
– Où est-elle ?
– On l’a laissée sur le ponton, répondit Julie d’une voix blanche. Elle est dévastée, elle parle même
de vendre son entreprise. On dirait qu’elle a baissé les bras.
Damon ferma les yeux. Était-il la cause de tout cela ? Avait-il rendu Serena aussi désespérément
malheureuse ?
– Va la voir, lui conseilla Faith. Convaincs-la, Damon. Elle a tellement peur…
Il faillit en rire. S’il avait fallu décrire ses sentiments à lui, on aurait été bien loin du compte en
appelant ça de la peur. Il était complètement terrifié.
Oui, terrifié à l’idée d’échouer et de devoir repartir sans elle.
– On y va, annonça Julie. Appelle si tu as besoin de nous, OK ?
– Merci, leur dit-il. Merci d’être de si bonnes amies pour Serena, elle a de la chance de vous avoir. Si
je parviens à la convaincre, elle devra rentrer avec moi.
Il les regarda s’éloigner dans la voiture de Faith, puis se retourna vers la maison. Au téléphone, Faith
lui avait dit que Serena était épuisée, qu’elle ne mangeait rien et avait une mine pitoyable. S’il s’écoutait,
il entrerait, la prendrait sur ses genoux et lui donnerait une bonne fessée pour s’être aussi mal occupée
d’elle-même. Mais il doutait que pareille attitude lui fasse gagner des points.
Non, il allait devoir marcher sur des œufs jusqu’à ce qu’il trouve le moyen de la persuader qu’elle lui
appartenait, qu’ils s’appartenaient l’un à l’autre.
Les yeux plissés pour se protéger du soleil, il gravit les marches et se dirigea directement vers
l’arrière de la maison, et la baie vitrée qui donnait sur le ponton. Serena n’était pas là.
Ouvrant la fenêtre, il sortit jeter un coup d’œil sur la plage. Quand il l’aperçut enfin, son cœur se mit
à battre la chamade. Plongée dans la contemplation de l’océan, elle lui tournait le dos.
Il traversa le ponton en hâte et emprunta le petit escalier de bois qui descendait à flanc de dune
jusqu’à la plage. Mais en approchant d’elle, il ralentit le pas.
Il percevait une grande fragilité dans sa posture. Les bras serrés autour de son buste, elle s’était
emmitouflée dans son K-Way, comme si le vent qui soufflait lui glaçait le sang. Ses cheveux noirs
fouettaient l’air comme des lianes en furie. Et puis, elle se tourna très légèrement, et il aperçut son profil,
la douceur de son visage et la tristesse de son expression.
Faith n’avait pas exagéré. Elle avait l’air fatiguée, épuisée même, mais elle était toujours aussi belle.
Serena mienne.
Il ne savait que faire : rester où il était, s’avancer vers elle ou attendre qu’elle se retourne et
l’aperçoive. Il se préparait à livrer une bataille qu’il n’était pas question de perdre, et chaque seconde qui
s’écoulait prolongeait insupportablement son attente.
Enfin, elle se retourna, et ses magnifiques yeux, toujours si expressifs, s’écarquillèrent de surprise.

Serena fixait Damon, interloquée. Planté à quelques mètres d’elle, il portait des vêtements pour une
journée au soleil : short kaki, polo et sandales marron. Il avait relevé ses lunettes de soleil sur le haut de
sa tête, ébouriffant légèrement sa coiffure. Il était vraiment beau à tomber par terre, et il l’observait, ses
grands yeux bruns emplis d’inquiétude. Mais il était là.
Une joie immense, pure et entière l’envahit jusqu’au plus profond de son être, si forte qu’elle crut
s’évanouir. Se sentant vaciller, elle tendit machinalement la main pour retrouver son équilibre, mais ne
rencontra que de l’air.
Il se précipita, or elle avait réussi à se stabiliser sans son aide, clignant plusieurs fois des yeux pour se
persuader qu’il était bien là. Cela faisait si longtemps…
– Qu’est-ce qui t’amène ici ? demanda-t-elle d’une voix faible.
– Toi.
Un frisson la parcourut.
Il fronça les sourcils, l’air encore plus inquiet.
– Tu as froid ?
– J’ai froid depuis le jour où j’ai quitté ta maison, souffla-t-elle.
Une irrépressible envie de pleurer menaçait de la submerger. Mais par-dessus tout, elle voulait se
réchauffer.
Il tendit les bras et elle s’y jeta, incapable de résister davantage à leur confort. La tête bien calée sous
le menton de Damon, elle resta là, la joue collée contre son torse, et ferma les yeux, pendant qu’une
douce chaleur coulait dans ses veines.
Lentement, la glace fondit, faisant remonter un profond sanglot à la surface. Un bienfaisant
soulagement coulait désormais dans ses veines.
Il l’entraîna avec lui sur le sable, l’installant entre ses jambes, prenant garde à entourer son corps
avec le sien. Il ne la lâcha pas une seconde, absorbant les derniers frissons qui la secouaient alors que le
froid refluait peu à peu. Enfin, elle recommençait à sentir la caresse du soleil sur sa peau.
– Qu’est-ce qui s’est passé, Serena mienne ? demanda-t-il, la bouche collée à ses cheveux. Pourquoi
es-tu partie ?
Elle enfouit le visage dans son cou, essayant de retenir ses larmes.
– Elle est morte, Damon, fit-elle d’une voix rauque. Michelle, la fillette dont je t’avais parlé. Elle est
morte pendant la croisière que je lui avais organisée.
Damon lui caressa les cheveux, soulageant sa douleur d’un simple contact. Son calme, sa tranquillité
l’apaisaient. Il ne posa aucune question, se contentant de lui prodiguer écoute et réconfort. En aurait-il
suffisamment pour eux deux ?
– Je suis désolé, lâcha-t-il enfin. Vraiment désolé, Serena. Pourquoi ne m’en as-tu pas parlé ?
Pourquoi es-tu partie au lieu de me laisser t’aider ?
Un long moment, elle resta immobile et muette, incapable de faire passer des mots à travers le nœud
qui lui serrait la gorge. De toute façon il n’y avait pas de réponse logique à apporter. Peut-être même
savait-elle depuis le début qu’elle poursuivait un rêve inatteignable.
Damon attendait. Patiemment, en silence, les bras serrés autour d’elle pendant qu’elle essayait de
rassembler son courage.
– Je m’imaginais bêtement que si je parvenais à lui offrir ce qu’elle souhaitait, ça suffirait à la sauver.
Une sorte de tour de magie, tu vois.
– Mon pauvre cœur, dit-il d’une voix étranglée.
– Quand elle est morte, j’ai compris que rien de ce que j’avais fait ne changeait quoi que ce soit à la
réalité. Pendant quelques minutes, Michelle s’est prise pour une princesse, mais cela n’empêchera pas que
ses parents passent le restant de leur vie sans elle. Bref, j’ai compris que, quoi que je fasse, mes clients
retournaient toujours à leur vie normale. Je leur offre un bref répit, certes, mais rien de plus. Je me rends
compte à présent combien c’est cruel et dérisoire de donner à quelqu’un un petit goût de paradis, pour
mieux le lui reprendre ensuite. C’est terrible ! Je n’y avais jamais pensé, et je ne m’en serais jamais rendu
compte si je n’avais pas essayé de vivre mon propre rêve. J’ai compris enfin qu’il y a pire que de ne
jamais vivre ce à quoi on aspire ou de ne jamais assouvir son fantasme. Oui, c’est bien pire d’y goûter,
tout en sachant que ça n’a rien de vrai, que ça ne le sera jamais, et puis de retourner à sa vie de tous les
jours en ayant connu la perfection. Mais pour quelques heures, quelques jours seulement. Certaines
choses… Certaines choses devraient rester dans le domaine du fantasme, conclut-elle faiblement.
– Je crois que je comprends ce que tu veux dire. Elle s’écarta un peu pour le regarder droit dans les
yeux.
– C’est vrai ? Alors tu comprends pourquoi je ne peux pas… pourquoi on ne peut pas…
Il secoua la tête.
– J’ai dit que je comprenais, pas que j’étais d’accord.
Il suivit d’un doigt tremblant l’ovale de son visage, avant de s’arrêter sur ses lèvres.
– J’ai beaucoup de choses à te dire, et je veux que tu m’écoutes attentivement.
Elle hocha lentement la tête.
– Je comprends maintenant pourquoi tu as peur, Serena. Entre nous, ça a tout de suite été
passionnel. Notre attirance, notre relation t’a effrayée. Ça m’a fichu une sacrée peur à moi aussi.
Elle écarquilla les yeux.
– Ne sois pas surprise, Serena mienne. Tu m’as vraiment flanqué la trouille, dit-il en se penchant, ses
lèvres effleurant les siennes. À un moment donné, tu as décrété que la Serena qui m’avait fait don d’elle-
même ne pouvait pas exister en vrai. Selon toi, non seulement cette femme-là n’était pas réelle, mais elle
ne serait jamais ce que je voulais, ce dont j’avais besoin. Tu as donc décidé que, pour servir au mieux
mes intérêts, tu devais me quitter. Sans même envisager de me consulter. C’est un peu tordu, non ?
– Ce n’est pas aussi simple, protesta-t-elle.
Elle se souvint en la prononçant qu’elle avait énoncé cette phrase devant Faith et Julie, peu de temps
auparavant. Incapable de supporter l’intensité brûlante des yeux de Damon, elle détourna les siens.
– Serena, regarde-moi, dit-il avec douceur.
Il ne l’obligea pas, ne lui souleva pas le menton, comme il l’avait si souvent fait. Mais elle se tourna
quand même vers lui, hypnotisée par la douceur de sa requête.
– L’avenir, la nature de notre relation ne tient qu’à nous. Moi, je suis un homme simple. Je t’aime et
j’espère qu’à défaut de m’aimer aujourd’hui, tu le pourras un jour, si je me montre patient et persuasif.
Quant à toi, tu es du genre compliqué. Tu complexifies les choses, jusqu’à ne plus savoir par quel bout
prendre ta vie. Tu essaies de te convaincre que tu ne peux pas être celle que je veux, alors que tu ne m’as
même jamais demandé ce que je cherchais. Ou ce dont j’avais besoin. Si tu l’avais fait, je t’aurais répondu
par un seul mot : toi.
Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit. Il passa son pouce sur ses lèvres, désireux d’effacer
la barrière qui bloquait les mots.
– Tu n’as rien à me dire ? Comme par exemple que tu es désolée de t’être enfuie, ou bien que tu es
désolée de m’avoir rendu complètement fou d’inquiétude, au point de m’obliger à te faire kidnapper par
tes amies pour pouvoir te revoir ?
Il prit une profonde inspiration, comme pour se donner du courage, lui aussi.
– Ou encore que tu m’aimes un tout petit peu ? Elle garda les yeux scellés aux siens pendant un long
moment, espérant puiser en elle un courage semblable à celui qu’il manifestait, et vaincre cette fichue
boule, toujours coincée au fond de sa gorge.
– Mais je t’aime, souffla-t-elle enfin.
Le bonheur absolu et le soulagement indicible qui inondèrent ses yeux en cet instant lui coupèrent le
souffle. Les mains de Damon tremblaient si fort contre sa joue qu’il les écarta de peur de lui faire mal.
Cette fois, ce fut elle qui lui prit le visage en coupe, tant elle était avide de son contact. Mais
comment lui faire comprendre que l’amour n’était pas la seule donnée de l’équation ?
– Je crois que je t’aime, corrigea-t-elle. Je veux t’aimer. Mais je veux savoir qui est l’être que j’aime, et
je veux aussi que tu saches qui est la personne que tu aimes.
– Alors là, je vais avoir besoin d’un traducteur, Serena mienne. Tu m’as perdu avec ton « Je crois que
je t’aime ».
– Tu as été très honnête sur ce que tu attends d’une relation, Damon. Moi, j’ai été honnête
concernant mon fantasme. Tu as dit que tu ne te contenterais pas de demi-mesure, or j’ai peur de la
personne que je suis devenue pendant notre semaine ensemble.
– Pourquoi est-ce que ça t’effraie, Serena ? demanda-t-il d’une voix douce. Pourquoi penses-tu que
cette partie de toi ne peut pas s’ajouter aux autres facettes de ta personnalité ?
– Je perds tout sens de moi-même quand je suis avec toi, lâcha-t-elle. Tu es comme une drogue,
Damon, je ne supporte pas l’idée de te décevoir. Je ferais n’importe quoi pour toi, c’est ça qui me fout
une trouille bleue. Dès que je t’approche, j’ai le désir irrépressible de te combler, de faire tout ce que tu
me demandes. Tu comprends ?
– Je comprends d’autant mieux que c’est exactement ce que je vis chaque heure que je passe à tes
côtés, répondit-il simplement. Tu crois que je ne brûle pas de te satisfaire ? Que je ne vis pas dans la
crainte de te décevoir, que je n’ai pas peur d’échouer dans ma mission de protection ? C’est l’enfer,
Serena. Mais c’est aussi le plus doux des plaisirs que j’ai jamais connus.
Elle le regardait avec des yeux ronds, stupéfaite par cette déclaration. Voilà qui relativisait ses
propres sentiments, tout comme ses peurs. Et même sa panique. Il venait de décrire à la perfection la
corde raide sur laquelle elle avait l’impression d’évoluer.
– Et si un jour je ne peux pas te donner ce que tu demandes ? jeta-t-elle. Qu’arrivera-t-il quand le
fantasme s’arrêtera et que la personne qui a tout fait pour te plaire cessera d’exister ?
Il lui posa un doigt sur les lèvres.
– Jamais je ne demanderai ce que tu n’es pas en mesure de me donner, Serena mienne. Je ne désire
que ce que tu m’offres librement. Je ne veux que toi. Avec moi, à moi. Je n’aspire qu’à te chérir, te
protéger, t’honorer tant que je vivrai, avec mon corps, mon âme et mon cœur. Ce que nous vivons n’est
pas un fantasme. Tu t’es peut-être convaincue que ce n’était pas réel, mais jamais tu ne vivras quoi que ce
soit de plus vrai que ce que nous avons partagé.
Son cœur était si gonflé d’émotion qu’elle craignait qu’il explose. Comment pouvait-elle lui faire
comprendre que ce qu’elle craignait le plus, c’était de le décevoir ? Et qu’un jour, l’amour qui faisait
briller ses yeux aujourd’hui ne se ternisse, et disparaisse, parce qu’elle ne pouvait pas être celle qu’il
voulait ?
– Rien ne nous oblige à nous précipiter, poursuivit-il. Tout ce que je demande, c’est une chance. Du
temps. Toi et moi. Nous deux.
– Et si je te déçois ? Si je décide que je ne peux pas être celle que tu veux ? Que se passera-t-il alors ?
Il secoua la tête en souriant.
– Butée et bornée, voilà ce que tu es. Tu n’as donc rien écouté de ce que je viens de dire ? Serena, tu
peux te décrire comme il te plaira. Je n’ai jamais aimé le mot d’esclave, comme Faith pourrait te le
confirmer. C’est toi qui l’as choisi. Un jour, tu m’as demandé comment tu devais m’appeler et j’ai
répondu Damon. Juste Damon. Alors, pourquoi ne pourrait-on pas simplement être Damon et Serena ?
Deux personnes qui s’aiment. Pour le reste, on va y travailler.
Un espoir fou frémit en elle, s’élevant du fond glacé de son âme vers la chaleur du soleil. Son pouls
s’accéléra, comme si, malgré elle, cet espoir la poussait à prendre le risque de vivre une autre vie. Une vie
meilleure.
– D’ailleurs, j’en ai plus qu’assez de ce mot, fantasme, reprit Damon. Je ne serais pas fâché de ne plus
jamais l’entendre. Moi je suis bien réel, tu es réelle et notre amour aussi. De même que notre attirance
réciproque. Et que ces lésions sur ton joli petit cul.
Il approcha la main de son bras, et ses doigts effleurèrent l’anneau d’or à travers le tissu de sa veste.
Il s’immobilisa et leva vers elle un regard interrogateur. Puis il tira délicatement sur sa manche, jusqu’à
ce que son bras soit totalement dénudé.
L’anneau scintillait au soleil, doré sur sa peau pâle.
– Tu les as gardés, constata-t-il, ému. Tu es partie, et pourtant tu portes toujours mes cadeaux. Les
marques de ma possession.
Elle aussi posa la main sur les motifs du bijou, suivant du doigt le contour d’une ligne, jusqu’à ce
qu’elle rencontre la main de Damon.
– Je n’ai pas pu me résoudre à les enlever, admit-elle. C’était trop définitif.
Il l’attira contre lui. Leurs lèvres s’effleurèrent dans un léger baiser, plein de retenue et de fièvre.
Alors qu’elle se collait contre lui, Serena sentit la tension qui l’étreignait. Alors seulement elle se rendit
compte à quel point il était apeuré. Pourtant, il demanda d’une voix douce :
– Et qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Tu veux vendre ton entreprise ?
Le ton ne contenait ni reproche, ni moquerie, ni déception. Seulement une sollicitude qui lui fit
battre le cœur un peu plus fort. Elle baissa la tête, mais il la lui releva délicatement, l’obligeant à montrer
ses yeux embués.
– Je ne peux pas continuer, murmura-t-elle. Je ne peux plus vendre des illusions.
Elle vit son regard s’adoucir, devenir si compréhensif qu’elle dut une fois de plus ravaler ses larmes.
– Tu es triste parce que tout est encore trop frais, dit-il. Je pense que tu devrais te donner le temps
de la réflexion avant de prendre une décision. Passe plus de temps avec moi, Serena mienne. Donne-moi
– donne-nous – une chance. Laisse-moi m’occuper de toi. Laisse-moi te chérir comme j’ai tellement
envie de le faire. Ensuite, quand tu te sentiras prête, il sera toujours temps de sceller le sort de Fantasy
Incorporated. Rien ne presse. Toi et moi, nous avons toute la vie devant nous.
Les larmes qui menaçaient depuis plusieurs minutes de s’échapper de ses paupières coulèrent alors
sur ses joues.
– J’ai peur, répéta-t-elle.
Mais en même temps, le poids, le fardeau qu’elle portait depuis une semaine s’envola pour laisser
place à un indicible espoir. Et elle se sentit légère, plus libre que jamais.
Il plongea son regard dans le sien.
– La seule façon de me décevoir, ce serait d’abandonner notre relation. Parce que tout ce que je veux,
c’est que tu sois à moi.
Elle le regarda un long moment, s’imprégnant avec délice de la sincérité de sa voix. Et puis elle
sourit à travers ses larmes.
– Je ne veux surtout pas te décevoir, ça c’est certain.
– Alors dis oui, insista-t-il d’une voix rauque. Accepte de venir avec moi.
Elle noua les bras autour de son cou et tendit les lèvres vers lui. Pour la première fois, ses peurs
avaient disparu. À la place, un espoir incroyablement fort et vrai lui emplissait le cœur. Le réchauffait.
– Ramène-moi à la maison, murmura-t-elle.

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