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IEPF-Actes Réf. inst. secteur énerg.

COUV 10/01/06 16:05 Page 1

VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE


VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS
DU SECTEUR ÉLECTRIQUE:
C ’est sur la base d’une démarche multiforme que les grandes muta-
tions technologiques et organisationnelles qu’ont connues le sec-
teur électrique et le jeu des acteurs dans l’industrie électrique ont été
LES RÉFORMES, LES ACTEURS
anticipées, examinées et accompagnées, avec nos partenaires, durant ET LES EXPÉRIENCES
les dix dernières années.
Ce sont, ainsi, au cours de cette période, presque 500 cadres franco-
phones qui ont été, d’une manière ou d’une autre, mobilisés dans des
activités d’information ou de sensibilisation, de formation ou de ré-
flexion collective ainsi que d’échanges d’expériences. Ces activités
ont été organisées autour des enjeux, des contenus et des modalités
variées de mise en œuvre, voire d’évaluation des réformes des sec-
teurs électriques dans l’espace francophone ou ailleurs.
Et c’est dans le suivi de ces nombreuses activités que se situe la publi-
cation du présent ouvrage, comme somme d’une quinzaine de contri-
butions émanant d’auteurs des quatre coins de notre espace et
comme synthèse riche de la diversité des points de vue tant géogra-
phiques que thématiques et « disciplinaires ».
En effet, cet ouvrage traite non seulement de la caractérisation des
réformes au plan conceptuel et au plan pratique et opérationnel, mais
analyse également les rôles des acteurs et les mécanismes de régula-
risation de ces différents rôles. Il présente aussi l’avantage d’illustrer
de telles analyses par des études de cas et des retours d’expériences,
en général, par ceux-là mêmes qui ont eu à conduire ou à « suivre »
au plus près ces expériences.
C’est ainsi le fruit d’un travail collectif et multidisciplinaire « exem-
plaire », car mené à bon port par celles et ceux qui ont accompagné
5
COLLECTION A C T E S
l’Institut dans la conception et l’animation des activités du renfor-
cement de capacités et d’échanges sur les réformes, soit en tant que
chercheurs universitaires ou experts intéressés, soit en tant qu’acteurs
ou opérateurs directs. Colloques 1998-2005

5
INSTITUT DE L’ÉNERGIE ET DE L’ENVIRONNEMENT DE LA FRANCOPHONIE (IEPF)
56, RUE SAINT-PIERRE, 3e ÉTAGE, QUÉBEC (QUÉBEC) G1K 4A1 CANADA
L’IEPF est un organe subsidiaire de l’Agence intergouvernementale
de la Francophonie, opérateur principal de l’Organisation internationale
Les publications de l’IEPF
de la Francophonie.
Révision linguistique: Marie-Hélène Tremblay
Mise en page: Communications Science-Impact
ISBN 2-89481-031-8
©Institut de l’énergie et de l’environnement
de la Francophonie (IEPF), 2005
56, rue Saint-Pierre, 3e étage
Québec G1K 4A1 Canada
Téléphone: (418) 692-5727
Télécopie: (418) 692-5644
Courriel: [email protected]
Site Internet: www.iepf.org

Cette publication a été imprimée avec des encres végétales sur du papier recyclé.

IMPRIMÉ AU CANADA/PRINTED IN CANADA


Préface

L’Institut de l’énergie et de l’environnement de la Et c’est dans le suivi de ces nombreuses activités


Francophonie, organe subsidiaire de l’Agence inter- que se situe la publication du présent ouvrage,
gouvernementale de la Francophonie, a pour mission comme somme d’une quinzaine de contributions
de contribuer au développement des capacités émanant d’auteurs des quatre coins de notre espace
humaines et institutionnelles et à la mutualisation de et comme synthèse riche de la diversité des points
la connaissance et des expériences, à l’intérieur de la de vue tant géographiques que thématiques et
sphère francophone, dans les domaines qui fondent «disciplinaires».
«sa spécialisation». En effet, cet ouvrage traite non seulement de la
Il met en œuvre une telle contribution, particu- caractérisation des réformes au plan conceptuel et au
lièrement, en vue de l’aide à l’élaboration de poli- plan pratique et opérationnel, mais analyse égale-
tiques énergétiques durables visant l’élargissement de ment les rôles des acteurs et les mécanismes de
l’accès à des services énergétiques «modernes», une régularisation de ces différents rôles. Il présente aussi
plus grande sobriété et efficacité énergétiques et une l’avantage d’illustrer de telles analyses par des études
meilleure appropriation des mécanismes de promo- de cas et des retours d’expériences, en général, par
tion des énergies renouvelables. ceux-là mêmes qui ont eu à conduire ou à «suivre»
au plus près ces expériences.
Il le fait à travers des actions multiformes combi-
nant la veille pour comprendre enjeux et facteurs de C’est ainsi le fruit d’un travail collectif et multi-
mutation, le renforcement des compétences, le disciplinaire «exemplaire», car mené à bon port par
traitement et la diffusion de l’information pour celles et ceux qui ont accompagné l’Institut dans la
faciliter aide à la décision et valorisation des expé- conception et l’animation des activités du renfor-
riences et enfin la mise en réseaux et l’animation des cement de capacités et d’échanges sur les réformes,
communautés de pratique pour mobiliser l’expertise soit en tant que chercheurs universitaires ou experts
francophone au service du plus grand nombre. intéressés, soit en tant qu’acteurs ou opérateurs
directs.
C’est sur la base d’une telle démarche multiforme
que les grandes mutations technologiques et organi- En renouvelant mes sincères remerciements aux
sationnelles qu’ont connues le secteur électrique et le uns et aux autres, j’espère que cet ouvrage, qu’ils ont
jeu des acteurs dans l’industrie électrique ont été contribué à mettre au jour, enrichira un peu plus la
anticipées, examinées et accompagnées, avec nos connaissance et l’appréhension des mutations de
partenaires, durant les dix dernières années. l’industrie électrique dans l’espace francophone.
Ce sont, ainsi, au cours de cette période, presque
500 cadres francophones qui ont été, d’une manière
El Habib Benessahraoui
ou d’une autre, mobilisés dans des activités d’infor-
Directeur exécutif
mation ou de sensibilisation, de formation ou de
Institut de l’énergie et de l’environnement
réflexion collective ainsi que d’échanges d’expé- de la Francophonie (IEPF)
riences. Ces activités ont été organisées autour des
enjeux, des contenus et des modalités variées de mise
A c t e s

en œuvre, voire d’évaluation des réformes des secteurs


électriques dans l’espace francophone ou ailleurs.

vii
Table des matières

Préface ................................................................................................................................................. vii


Première partie: LES RÉFORMES DU SECTEUR ÉLECTRIQUE .................................................. 1
Vers une efficacité dans le secteur électrique en Afrique:
globalisation, déréglementation et réformes structurelles
Anastassios GENTZOGLANIS ................................................................................................. 3
Les réformes électriques de première génération en Afrique subsaharienne francophone:
entre efficacité économique et acceptabilité sociale
Flavien TCHAPGA.................................................................................................................. 19
L’économie néo-institutionnelle appliquée aux réformes électriques concurrentielles
Yannick PEREZ....................................................................................................................... 29
Les différentes formes institutionnelles et leurs fondements juridiques
Pierrette SINCLAIR ................................................................................................................ 49
Réforme réglementaire et transaction de privatisation:
la restructuration financière et la comptabilité des concessions
Jacques CORBIN .................................................................................................................... 59
Deuxième partie: LES ACTEURS: L’ÉTAT, L’AGENCE DE RÉGLEMENTATION
ET L’INVESTISSEUR ................................................................................................................. 73
Le rôle de l’État dans un marché concurrentiel de l’électricité
David PROULT ...................................................................................................................... 75
La réglementation économique et financière des industries de réseau
Jean-Benoît TRAHAN............................................................................................................. 83
Le rôle et les responsabilités d’un État régulateur
Fernando CUEVAS.................................................................................................................. 91
Fonction, rôle et responsabilité de l’agence de régulation
Lamine THIOUNE............................................................................................................... 101
L’Agence de régulation et son environnement réglementaire et juridique:
la réforme réglementaire telle que vécue au Québec
André TURMEL ................................................................................................................... 111
Hydro-Québec et l’investissement international: une approche prudente
A c t e s

Yvan CLICHE ....................................................................................................................... 129

ix
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Troisième partie: LES RETOURS D’EXPÉRIENCE....................................................................... 133


L’expérience de la mise en concession globale privée de la Société d’énergie et d’eau du Gabon
François OMBANDA et Jean-Pierre LASSENI-DUBOZE .................................................... 135
La restructuration du secteur électrique au Mali
Amadou TANDIA ................................................................................................................. 149
Libéralisation du secteur énergétique au Maroc: le cas de l’électricité
Denis LEVY........................................................................................................................... 161
La réforme du secteur électrique en Roumanie
Cristina CREMENESCU ...................................................................................................... 175
Le nouveau cadre institutionnel et l’organisation du secteur électrique du Sénégal
Alioune FALL et Lamine THIOUNE .................................................................................... 191
Liste des auteurs ................................................................................................................................... 207
Liste des activités .................................................................................................................................. 211

Liste des figures


Figure 1.1 Consommation par habitant en Afrique subsaharienne ...................................................... 5
Figure 1.2 Modèles de réformes et état d’avancement de certains pays................................................. 8
Figure 1.3 Comportement à la Cournot dans le marché électrique – Situation d’équilibre................. 11
Figure 1.4 Nombre de personnes sans électricité, 1970-2030 ............................................................ 13
Figure 1.5 Évolution de la desserte en électricité au Gabon ............................................................... 15
Figure 1.6 Évolution des prix de l’électricité basse tension................................................................. 16
Figure 3.1 La gestion de l’opportunisme dans les relations entre le gouvernement,
les entreprises et les groupes de pression ........................................................................... 35
Figure 3.2 Le choix des modes de coordination des transactions ....................................................... 38
Figure 12.1 Évolution de la desserte en électricité ............................................................................. 146
Figure 12.2 Évolution de la desserte en eau ...................................................................................... 146
Figure 12.3 Évolution des prix de l’électricité basse tension............................................................... 146
Figure 12.4 Évolution des prix de l’eau potable................................................................................. 147
Figure 13.1 Schéma organisationnel du secteur de l’énergie au Mali.................................................. 150
Figure 15.1 La Roumanie................................................................................................................. 175
A c t e s

Figure 15.2 La structure du système électrique en 1950 .................................................................... 178


Figure 15.3 La structure du système électrique en 1965 .................................................................... 178

x
Ta b l e d e s m a t i è r e s

Figure 15.4 La restructuration de la Régie Nationale de l’Électricité (RENEL).................................. 181


Figure 15.5 La restructuration de la Compagnie Nationale de l’Électricité (CONEL) ....................... 182
Figure 15.6 Allocation des revenus ................................................................................................... 183
Figure 15.7 Le marché en gros – les arrangements commerciaux....................................................... 185
Figure 15.8 Le degré d’ouverture des marchés de l’électricité dans les pays en cours
d’adhésion à l’UE (2002)............................................................................................... 187
Figure 15.9 Évolution de l’index Hirschman-Herfindahl de janvier 2002 à juillet 2003 .................... 189

Liste des tableaux


Tableau 1.1 Disparité d’intégration des pays en développement ............................................................ 4
Tableau 1.2 Indice de développement humain (2003)
Les pays africains occupant les dernières 24 places dans l’IDH ........................................... 5
Tableau 1.3 Consommation et production d’électricité par habitant, en 2000. Pays industrialisés
et en voie de l’être (pays de la Francophonie) ..................................................................... 6
Tableau 1.4 Capacité de production électrique en 2000 (les pays les plus grands producteurs
au monde)......................................................................................................................... 7
Tableau 2.1 Effets redistributifs nets à court terme et attitude des acteurs vis-à-vis de la réforme.......... 24
Tableau 6.1 Les modes opératoires des marchés de certificats verts en Europe...................................... 80
Tableau 9.1 Valeurs des opérations de privatisation ........................................................................... 102
Tableau 9.2 Avantages et inconvénients des structures décisionnelles................................................. 106
Tableau 12.1 Bilan de l’appel public à l’épargne .................................................................................. 140
Tableau 14.1 Parc de production de l’ONE à la fin de 2003 ............................................................... 163
Tableau 15.1 Puissance installée et production réelle de la RENEL en 1994........................................ 179
Tableau 15.2 Licences délivrées par l’ANRE entre 2000 et 2002 ......................................................... 186
Tableau 15.3 L’ouverture de marché de l’électricité en Roumanie ........................................................ 187
Tableau 15.4 La structure de la production d’électricité ...................................................................... 188
Tableau 15.5 L’évolution prévue de l’ouverture du marché .................................................................. 189
Tableau 16.1 Lois promulguées dans le cadre de la réforme du secteur électrique en 1998 ................... 193
Tableau 16.2 Données du système électrique du Sénégal..................................................................... 194
A c t e s

xi
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Liste des encadrés


Encadré 5.1 Le point de vue d’un investisseur privé pour une transaction de privatisation ................... 60
Encadré 5.2 Les amortissements et les provisions................................................................................. 67
Encadré 5.3 Structure tarifaire (détermination et indexation des tarifs) ................................................ 70
Encadré 8.1 Principes normatifs généraux ........................................................................................... 93
Encadré 8.2 Formulation des politiques et élaboration du plan de référence de l’industrie
électrique......................................................................................................................... 94
Encadré 8.3 Attributions de l’agence réglementaire.............................................................................. 95
Encadré 8.4 Chapitres classiques d’une loi de l’industrie électrique ...................................................... 98
A c t e s

xii
Liste des sigles

AFD Agence Française pour le Développement


AMADER Agence Malienne pour le Développement de l’Énergie Domestique et de l’Électrification Rurale
ANRE Autorité Nationale de Réglementation de l’Énergie (Roumanie)
ASER Agence Sénégalaise d’Électrification Rurale
ATR Accès des tiers au réseau
BAPE Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (Québec)
BM Banque mondiale
BOAD Banque Ouest Africaine de Développement
BT Basse tension
CAE Contrat d’achat d’électricité
CCDEE Compagnie centrale de distribution d’énergie électrique (Gabon)
CET Construction–Exploitation–Transfert
CONEL Compagnie Nationale de l’Électricité (Roumanie)
CPE Construction–Propriété–Exploitation
CPET Construction–Propriété–Exploitation–Transfert
CPRSE Cellule de préparation et de suivi des réformes du secteur de l’énergie (Sénégal)
CRE Commission de régulation de l’électricité (France)
CREE Commission de régulation de l’électricité et de l’eau (Mali)
CTC Coût de transition à la concurrence (Maroc)
DOE Department of Energy (États-Unis)
EDF Électricité de France
EDM-SA Énergie du Mali
FERC Federal Energy Regulation Commission (États-Unis)
FMI Fonds monétaire international
FPE Fonds de Péréquation de l’Électricité (France)
FSPE Fonds du Service Public de l’Électricité (France)
GRD Gestionnaire des réseaux de distribution (Roumanie)
GRT Gestionnaire des réseaux de transport (Roumanie)
GTA Groupe Technique d’Appui (Mali)
HHI Index Hinschman-Herfindahl
HQ Hydro-Québec
A c t e s

HQI Hydro-Québec International


HT Haute tension
IDA International Development Association

xiii
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

IDH Index de développement humain


IPD Indice des prix de détail
LPDSE Lettre de Politique de Développement du secteur de l’Énergie (Sénégal)
MT Moyenne tension
NEI Nouvelle économie institutionnelle
OHADA Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique
OMVS Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal
ONE Office National de l’Énergie (Canada)
ONE Office National de l’Électricité (Maroc)
PASCO Lettre de Politique de Développement du secteur privé (Sénégal)
PEDASB Projet « Énergie Domestique et Accès aux Services de Base » (Mali)
PERG Programme d’Électrification Rurale Globale (Maroc)
PNER Programme National d’Électrification Rurale (Maroc)
PPP Partenariat public-privé
SEBJ Société d’énergie de la Baie James
SEEG Société d’énergie et d’eau du Gabon
SENELEC Société nationale d’électricité du Sénégal
SFI Société financière internationale
SMD Société Marocaine de Distribution d’Eau, de Gaz et d’Électricité
TCT Théorie des coûts de transaction
TDBT Timbre de distribution basse tension (Maroc)
TDMT Timbre de distribution moyenne tension (Maroc)
TFS Tarif de fourniture de secours (Maroc)
TGP Tarif de garantie de puissance (Maroc)
THT Très haute tension
TPP Tarif public de production (Maroc)
TT Timbre de transport (Maroc)
UCTE Union pour la Coordination du Transport de l’Électricité (Europe)
UEMOA Union Économique et Monétaire Ouest Africaine
UPDEA Union des Producteurs, Transporteurs et Distributeurs d’Énergie électrique d’Afrique
A c t e s

xiv
Première partie

Les réformes du secteur électrique


Vers une efficacité dans le secteur électrique en Afrique:
globalisation, déréglementation et réformes structurelles
Anastassios GENTZOGLANIS, Ph. D.
Centre d’études en réglementation économique et financière
Université de Sherbrooke, Sherbrooke (Québec), Canada

Introduction pays, d’autres, notamment de l’Afrique subsaha-


Les deux dernières décennies furent caractérisées par rienne, ont connu des difficultés majeures en ce qui
des changements majeurs tant au niveau économique, concerne l’organisation des marchés et le passage
politique, social que démographique. Plusieurs pays, d’une économie interventionniste à une économie de
à la fois développés et en voie de l’être, ont adopté des marché basée sur les institutions et la prise de
politiques qui ont eu pour effet de remettre en décisions démocratiques.
question les modèles existants d’organisation du Cet article fait une analyse de l’impact des
travail, de production et de distribution des biens et réformes structurelles et de la déréglementation dans
des services. Des changements technologiques ont le secteur électrique des pays africains. De toute
propulsé les entreprises à revoir leurs stratégies de évidence, ces réformes n’ont pas toutes eu les mêmes
concurrence à l’échelle mondiale et à intensifier leurs effets, étant donné l’hétérogénéité des pays africains.
efforts pour devenir des joueurs à l’échelle planétaire. Les réformes sont spécifiques à la taille du marché
Les privatisations des sociétés d’État, la déréglemen- électrique du pays et le même modèle ne peut pas être
tation ou les réformes réglementaires et les politiques appliqué par tous les pays. De plus, chaque modèle a
de restructuration ont créé des nouvelles opportunités ses limites et il est très important de les reconnaître,
et des enjeux importants, à la fois pour les pays dès le début, pour les tenir en compte et modifier
industrialisés et pour les pays en voie de l’être. l’approche des réformes selon les caractéristiques
La globalisation a été avancée parce qu’on croyait propres du pays et les limites du modèle.
qu’une intégration plus poussée des économies à La section «Réformes structurelles dans les pays
l’échelle mondiale augmenterait l’efficacité et amélio- africains» analyse les réformes entreprises par les pays
rerait la croissance économique et la richesse des pays, africains et donne le contexte général dans lequel ces
particulièrement des pays les plus pauvres. Plusieurs réformes ont été adoptées. De même, cette section
pays en Afrique, dans l’espoir de profiter des occasions présente les caractéristiques et quelques données en ce
que la globalisation offrait et avec l’appui des organi- qui concerne les marchés électriques de certains pays
sations donatrices, ont adopté des réformes sur et l’état d’avancement de leurs réformes. La section
plusieurs niveaux, à la fois macroéconomique et « Modèles des réformes structurelles dans les pays
microéconomique. Sous la supervision de la Banque africains » présente les divers modèles utilisés pour
mondiale (BM) et du Fonds monétaire international réaliser des réformes, leurs avantages, leurs désavan-
(FMI), et sous des conditions très strictes, les pays tages et leur conformité aux besoins des pays africains.
africains, et plus particulièrement les pays de l’Afrique La section «Structure organisationnelle et exercice du
francophone, ont adopté des programmes d’ajuste- pouvoir de marché» fait une analyse de l’impact des
ment structurel qui reflétaient ce qu’on appelle réformes pour certains pays africains et finalement la
A c t e s

communément le « consensus de Washington »1. section «Impacts des réformes structurelles dans les
Cependant, tous les pays n’en ont pas profité de la pays africains» conclut et offre quelques recomman-
même façon. Malgré le progrès notable de certains dations.
1. [NDE]: L’expression «Le consensus de Washington» a été Reform». Au chapitre 2, Latin American Adjustment: How
créée par Williamson, J. «What Washington Means by Policy much has happened? Édité par John Williamson. Avril 1990. 3
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Réformes structurelles exportations manufacturières par rapport aux exporta-


dans les pays africains tions totales. Cette mesure indique, en quelque sorte,
Les réformes structurelles ont plusieurs objectifs, mais la capacité du pays d’avoir accès aux gains découlant
le but principal derrière chaque réforme est de rétablir du transfert des technologies et sa capacité de produire
une stabilité macroéconomique, d’accroître le com- selon les normes internationales. Parmi les pays en
merce international et l’investissement, et ainsi de développement, l’Afrique subsaharienne affiche la pire
rendre plus efficace l’appareil productif de l’économie. performance à cet égard. Tandis que la moitié des pays
De façon générale, avant les réformes, l’économie des en développement avait, durant les années 1980 et
pays africains était caractérisée par une intervention 1990, un indice d’intégration variant entre 20% et
étatique parfois assez poussée et leur modèle d’orga- 33%, pour l’Afrique subsaharienne, cet indice était d’à
nisation des marchés laissait peu de place à l’initiative peine 10 %. À titre de comparaison, l’indice pour
privée. Le secteur privé était exclu du développement l’Amérique latine et les Caraïbes était entre 20% et
des grandes infrastructures et le mode de gestion de 25% pour la même période (années 1980 et 1990).
ces organismes laissait peu de flexibilité et il était peu En effet, parmi les 93 pays en développement étudiés
propice à la réalisation de gains d’efficience. L’état des par M. Brahmbhatt et U. Dadush (2004), 36 pays de
installations électriques, la qualité du service et la l’Afrique subsaharienne (approximativement 39% du
desserte étaient lamentables. La corruption du système total) avaient la pire performance à cet égard.
et le manque de transparence rendaient le fonctionne- Afin de rendre cette mesure plus significative, la
ment de l’économie plutôt difficile. La pauvreté, le Banque mondiale a développé l’indice d’intégration
manque de ressources humaines qualifiées, la mau- d’une économie à l’économie mondiale en tenant
vaise gestion des finances publiques et l’incapacité des compte de quatre indicateurs économiques, à savoir,
entreprises locales à faire face à la concurrence inter- le ratio du commerce par rapport au PIB, le ratio de
nationale ont eu pour effet de marginaliser l’Afrique l’investissement étranger par rapport au PIB, les cotes
et de la rendre moins attrayante pour les investisse- de classement établies par les agences internationales
ments étrangers. En effet, la part de l’Afrique dans le de crédit et la part de la production manufacturière
commerce international est d’à peine 2%, son PIB d’à par rapport aux exportations.
peine 2 % aussi et l’investissement étranger direct
L’indice d’intégration est alors la moyenne de
représente à peine 1% des investissements des pays en
variation dans les quatre indicateurs (mentionnés ci-
développement.
dessus), ajustée pour la taille de l’économie. Tandis
L’intégration de l’Afrique à l’économie mondiale que seulement 5% des pays de l’Asie du Sud et 10%
est très faible. Une mesure utilisée pour évaluer l’inté- des pays de l’Asie de l’Est sont des retardataires, ce
gration d’un pays à l’économie mondiale est la part des pourcentage atteint 39 % pour les pays en Afrique
subsaharienne (tableau 1.1).

Tableau 1.1
Disparité d’intégration des pays en développement1 (nombre de pays)
Niveau Asie Asie Amérique latine Moyen Orient Afrique Europe centrale
d’intégration de l’Est du Sud et Caraïbes et Afrique du Nord subsaharienne et Asie
Rapide 6 3 5 2 2 5
Modéré 2 5 4 10 2
Faible 3 9 2 10
A c t e s

Lent 2 5 14 2
Total 9 5 21 13 36 9
Source: M. Brahmbhatt et U. Dadush, «Disparities in Global Integration», Finance and Development, Septembre 1996.
1. Rapidité d’intégration des pays en développement (1980-1990).

4
Les réformes du secteur électrique

Les pays de l’Afrique sont aussi ceux qui occupent Tableau 1.2
la dernière place en ce qui concerne le développement Indice de développement humain (2003)
humain2. Les pays africains occupant les dernières
24 places dans l’IDH
Dans un tel contexte économique et social, il n’est
Pays Rang Pays Rang
pas surprenant de constater qu’en ce qui concerne les
réformes du secteur électrique, l’Afrique, et surtout Niger 1 Malawi 13
l’Afrique subsaharienne, se trouve en retard par Sierra Leone 2 Tanzanie 14
rapport aux autres pays. La figure 1.1 indique la Burkina Faso 3 Côte d’Ivoire 15
consommation d’électricité par habitant pour 20 pays Mali 4 Bénin 16
de l’Afrique subsaharienne. Tchad 5 Érythrée 17
Guinée-Bissau 6 Angola 18
Pour fins de comparaison, la consommation et la
production électrique par habitant pour les pays Centrafrique 7 Rwanda 19
industrialisés et en voie de l’être sont indiquées au Éthiopie 8 Nigeria 20
tableau 1.3. Les différences de consommation entre les Burundi 9 Sénégal 21
deux groupes de pays sont frappantes. En moyenne, les Mozambique 10 Guinée 22
consommateurs des pays en développement con- RDC 11 Gambie 23
somment à peine 6 % de la consommation des Zambie 12 Kenya 24
habitants des pays industrialisés. Pourtant, comme le Source : Human Development Report 2005: International
cooperation at a crossroads:Aid, trade and security in an
tableau 1.4 l’indique, parmi les pays ayant la plus unequal world. PNUD, 2005.

Figure 1.1
Consommation par habitant en Afrique subsaharienne

1 200
1 000
800
KWh

600
400
200
-
Gabon

Libéria

Nigeria
Ghana

Guinée
Botswana

Zambie

Djibouti

RDC

Sénégal

Bénin
Namibie

Angola
Côte d’Ivoire
Zimbabwe
Swaziland

Cameroun

Kenya

Sao Tome
Togo

Moyenne de Afrique subsaharienne

Source: Price Waterhouse Coopers. Sub-Saharan Africa’s Energy conundrum [http://www.pwcglobal.com/Extweb/pwcpublications.nsf/4 bd5f76b
48e282738525662b00739e22/42d930dcf7d4c4a880256e8a002e115c/$FILE/Electricity%20sector%20overview%20in%20Africa.pdf].
A c t e s

2. L’indice de développement humain est un indice de qualité ressources nécessaires pour un niveau de vie acceptable. En
de vie, définie comme la capacité d’un humain d’avoir une utilisant cet indice, on reconnaît que la richesse monétaire
vie longue et en santé, d’être éduqué et d’avoir accès à des n’est pas le seul critère de qualité de vie.

5
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Tableau 1.3
Consommation et production d’électricité par habitant en 2000
Pays industrialisés et en voie de l’être (pays de la Francophonie)
Pays industrialisés Pays en développement (de la Francophonie)
(parmi les 100 premiers) (parmi les 100 premiers)
Pays Consommation Production Pays en Consommation Production
industrialisés kWh (en milliers) kWh (en milliers) développement kWh (en milliers) kWh (en milliers)
Islande 25124,71 27020,16 Gabon 640,94 689,18
Norvège 24861,22 31194,75 Djibouti 354,05 380,70
Finlande 15811,75 14537,53 Cameroun 208,16 223,85
Suède 15679,18 16292,02 Côte d’Ivoire 152,93 242,79
Canada 15665,64 18062,02 Congo 137,54 102,08
États-Unis 12877,72 13544,03 Sénégal 115,96 124,65
Japon 7432,25 7993,70 Togo 99,37 18,35
France 6835,16 8598,87 Guinée 92,10 99,03
Allemagne 6026,54 6454,27 RDC 82,39 95,39
Angleterre 5771,86 5951,35 Bénin 77,08 35,36
Italie 4916,18 4459,97 Guinée équatoriale 41,07 44,16
Grèce 4330,46 4657,55 Mali 37,89 40,74
Hongrie 3483,37 3318,71 Niger 38,03 20,68
Moyenne Moyenne
5826,05 6151,26 327,97 340,04
pondérée* pondérée**
* Moyenne pondérée des cent plus grands consommateurs d’électricité au monde.
** Moyenne pondérée des cent plus petits consommateurs d’électricité au monde.
Source: Compilation de l’auteur.

grande capacité de production électrique au monde, développés ayant le plus d’expérience sont l’Angleterre
on trouve des pays de l’Afrique subsaharienne. et les pays scandinaves. Parmi les pays en dévelop-
Les réformes structurelles du secteur électrique en pement et en émergence, le Chili, l’Argentine et les pays
Afrique ont été, alors, entreprises dans un contexte en Amérique centrale ont une expérience relativement
assez particulier. Contrairement à certains pays en longue à cet égard. En Afrique subsaharienne, les
Amérique latine, les pays de l’Afrique subsaharienne réformes sont un phénomène récent.
ont entamé les réformes relativement tard. À vrai dire, Le choix du modèle des réformes et les politiques
les pays en développement ont commencé leurs de restructuration jouent un rôle prépondérant dans
réformes après que certains pays industrialisés ont eu le processus de restructuration et déterminent les ré-
le temps de restructurer leur industrie électrique. Par sultats. Il est, alors, important d’analyser les modèles
conséquent, il n’y a pas beaucoup de pays avec une des réformes et d’examiner leur pertinence pour les
expérience suffisamment longue pour permettre de pays de l’Afrique subsaharienne.
faire une analyse détaillée des réformes. Les pays
A c t e s

6
Les réformes du secteur électrique

Tableau 1.4 objectifs du premier coup. Elle est plutôt une activité
Capacité de production électrique en 2000 évolutive et peut prendre plusieurs années avant
(les pays les plus grands producteurs au monde) d’être accomplie avec succès. Dans le cas de l’indus-
Pays Capacité (MW) Pays Capacité (MW) trie électrique, il y a quelques modèles qui ont été
Japon 226000 Nigeria 5900 développés et appliqués avec un certain succès à
Allemagne 114000 Émirats travers le monde. Dans cette section, nous pré-
Canada 111000 Arabes Unis 5600 sentons ces modèles et nous examinons la pertinence
Italie 69000 Vietnam 5000 de ceux-ci pour les pays africains.
Corée du Sud 50000 Équateur 3500 Avant de procéder à des réformes, les politiciens
Mexique 38900 Oman 2100 doivent s’assurer que l’industrie électrique peut
Norvège 27200 Qatar 1500 supporter la concurrence. C’est seulement dans les
Argentine 24000 Ghana 1200 marchés concurrentiels qu’on peut atteindre l’effica-
Indonésie 21400 Guatemala 1150 cité productive et allocative (évidemment, aux dépens
Venezuela 21000 Bahreïn 1000 de l’équité sociale). Une des conditions préalables
Thaïlande 19000 Côte d’Ivoire 890 pour que les marchés fonctionnent efficacement, c’est
Kazakhstan 17300 Angola 586
l’absence de pouvoir de marché. Lorsque les entre-
prises électriques sont capables d’augmenter leur prix
Philippines 12000 Brunei 410
sans craindre la concurrence, on dira qu’elles ont un
Portugal 11000 Gabon 300
pouvoir de marché. Ce pouvoir peut être exercé dans
Koweït 8500 Sénégal 235
le sens horizontal ou vertical. Dans le premier cas, la
Singapour 6700 RDC 118 firme électrique a un pouvoir de monopole sur un
Libye 4600 segment donné du marché, qu’il soit celui de la
Total 806 490 Moyenne 25 200 production, du transport ou de la distribution. Dans
Source: Compilation de l’auteur. le cas du pouvoir vertical, on dira que la firme élec-
trique a un pouvoir de marché lorsqu’elle détient le
contrôle d’un segment de marché et, dès lors, elle
Modèles des réformes structurelles devient capable d’influencer le prix des autres seg-
dans les pays africains ments de marché. Par exemple, une firme qui détient
Les réformes structurelles sont associées à certaines un pouvoir de monopole sur le transport de l’élec-
politiques telles que la désintégration verticale et le tricité est capable d’influencer le prix de la production
dégroupage des services de l’électricité (production, de l’électricité.
transport, distribution et quelquefois commercia-
Lorsqu’un tel pouvoir existe, les marchés ne
lisation), la privatisation partielle ou complète de
peuvent opérer de façon efficace et les bénéfices des
l’opérateur historique, la mise en place des agences
réformes profitent uniquement aux producteurs.
de réglementation, l’élaboration des politiques de
Dans le cas de plusieurs pays africains, la restruc-
concurrence et l’institutionnalisation du processus
turation du secteur électrique a été faite avec la
réglementaire. Selon les contraintes auxquelles fait
participation des intérêts étrangers. Si les réformes
face le pays, les objectifs établis et son niveau de
ne se font pas de façon à préserver un niveau
développement, les réformes structurelles peuvent
acceptable de concurrence, les bénéfices des réformes
être poursuivies à des niveaux fort différents. La
seront accaparés par les étrangers. Il est donc
vitesse des réformes ainsi que leur forme dépendent
important que, lors de l’élaboration des cahiers de
A c t e s

des contraintes et des objectifs de chaque pays.


charges, les régulateurs exigent, de façon explicite,
Nonobstant le modèle choisi, la restructuration n’est
que les opérateurs fassent des investissements pour
pas une politique facile permettant l’atteinte des
atteindre certains objectifs de l’électrification urbaine

7
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

et rurale et pour améliorer la qualité du service, à entreprises. La présentation des modèles de restructu-
l’intérieur de certains délais temporels précis. Cer- ration qui suit met l’accent sur ces points importants,
taines règles, telles que l’accès égal, sans restriction et afin de sensibiliser les agences de réglementation aux
sans aucune discrimination, au réseau de transport subtilités de chaque modèle.
électrique par les concurrents, permettraient de
Les modèles de restructuration du secteur élec-
maintenir un niveau de concurrence acceptable tout
trique peuvent être regroupés dans trois catégories
en réduisant considérablement le pouvoir du marché
majeures:
de l’opérateur historique. De plus, lorsque les ache-
teurs et les vendeurs de l’électricité ont accès à de • le modèle de l’acheteur unique;
l’information pertinente, ceci permet d’atténuer • le modèle de concurrence au niveau de gros;
l’asymétrie de l’information entre les joueurs et de • le modèle de concurrence au niveau de détail.
réduire leur pouvoir de marché.
Chaque modèle a ses mérites et peut être plus ou
Étant donné la nature des marchés électriques, moins approprié, selon les objectifs et la capacité du
force est de constater que, dans la plupart des pays d’organiser le marché selon les exigences du
modèles utilisés pour restructurer l’industrie, l’infor- modèle. La figure 1.2 indique les modèles de
mation reste tout de même asymétrique. Par consé- réformes et l’état d’avancement de certains pays. La
quent, le pouvoir de marché est, de façon inhérente, structure de marché est indiquée sur l’axe horizon-
présent, même dans les marchés électriques restruc- tal, tandis que le niveau de privatisation (participa-
turés. L’agence de réglementation est alors appelée à tion et gestion privée du secteur électrique) est
exercer le plus de vigilance possible, afin de prévenir indiqué sur l’axe vertical.
l’exercice d’un pouvoir de monopole par certaines

Figure 1.2
Modèles de réformes et état d’avancement de certains pays

Compagnie Gabon,
privée Cameroun
États-Unis Angleterre
Propriété/gestion du secteur électrique

Chili, Argentine et pays de


Galles

Société d'État
Nouvelle-
Thaïlande Zélande

SAPP (Southern African Power Pool: 10 pays, 9 millions de km2,


200 millions de personnes; 3 % du volume passe par le Pool
Propriété
d'État Québec
Égypte

Sénégal, France
Mauritanie
Modèle traditionnel Modèle I Modèle II Modèle III
Statu quo, Concurrence à la Concurrence Concurrence
Monopole verticalement production – dans le marché dans le marché
A c t e s

intégré acheteur unique de gros de détail

Structure de l’industrie électrique

8
Les réformes du secteur électrique

Modèle I électrique. De plus, le régulateur définit, contrôle et


À vrai dire, le modèle de réorganisation du marché fait respecter les termes et les conditions qui régissent
électrique le plus simple est celui de l’acheteur les contrats d’achat à long terme ainsi que la
unique, communément appelé modèle I. Selon ce solvabilité des vendeurs et de l’acheteur, et il lui faut
modèle, l’opérateur historique demeure toujours le trouver des formes alternatives de garantie de crédit
propriétaire unique des trois segments du marché: la de l’acheteur.
production, le transport et la distribution d’élec- Ce modèle est pertinemment approprié pour
tricité. Le marché de production de l’énergie s’ouvre plusieurs pays au début de leurs réformes électriques.
à des nouveaux entrants qui, eux, peuvent produire C’est une approche graduelle de l’introduction de la
de l’électricité grâce à des contrats à long terme avec concurrence et une façon d’augmenter la capacité de
l’opérateur historique, qui est le seul acheteur de la production en utilisant des capitaux privés. Pour les
nouvelle production électrique. Ces nouveaux pays qui se trouvent avec une pénurie de ressources
producteurs, communément appelés « producteurs financières qui les empêche d’investir pour aug-
indépendants », peuvent soumissionner de façon menter la desserte électrique, le modèle de l’acheteur
compétitive afin d’assurer un marché pour leurs unique s’avère un bon moyen pour atteindre ces
ventes auprès de l’opérateur historique. D’après ce objectifs. Ce modèle n’augmente pas nécessairement
modèle, le consommateur reste toujours captif et l’efficacité de la production existante ; il introduit
seulement la production indépendante est assujettie plutôt des améliorations en ce qui concerne la nou-
aux forces du marché. Étant donné que c’est velle production uniquement. De plus, si l’agence de
seulement la nouvelle production électrique qui est réglementation n’exerce pas bien ses tâches d’allo-
assujettie à la concurrence, c’est seulement cette cation et de diminution du risque qui surgit à cause
production qui pourrait être produite de façon plus de l’existence des contrats à long terme, les réformes
efficace. Par conséquent, ce modèle introduit des peuvent même s’avérer nuisibles à plus long terme.
efficiences sur le plan de la nouvelle production
indépendante. La production électrique par l’opéra- Le problème du hold-up est toujours présent dans
teur historique peut continuer d’afficher certaines ce modèle. En l’absence d’un cadre réglementaire
inefficacités du passé. approprié, les producteurs indépendants risquent de
se trouver dans une situation de faiblesse vis-à-vis
Le régulateur a un rôle important à jouer dans ce l’opérateur historique. En effet, l’opérateur histo-
marché. D’une part, il doit gérer les risques auxquels rique, étant en position de monopsone (acheteur
font face les producteurs indépendants et l’opérateur unique), peut exercer son pouvoir de plusieurs façons.
historique et, d’autre part, il doit répartir le risque Soit qu’il demande une renégociation des contrats,
entre les différents joueurs. Le risque d’affaires, soit qu’il impose ses propres prix d’achat aux
auquel font face les producteurs indépendants, ne producteurs indépendants. Peu importe la stratégie
peut pas être éliminé et il est inhérent dans ce type de l’opérateur historique, les producteurs indépen-
de marché. Ceci réduit considérablement la capacité dants restent prisonniers, car ils ne peuvent pas dé-
de l’opérateur historique de planifier ses tâches con- faire leurs investissements en infrastructure (irréver-
venablement en l’absence de producteurs indépen- sibilité des investissements). En l’absence d’autres
dants fiables. L’agence de réglementation doit options, les producteurs indépendants doivent se
considérer à la fois comment réduire le risque et plier aux exigences du monopsoneur ou fermer
comment le répartir entre les joueurs afin d’assurer carrément leurs portes. L’agence de réglementation
un fonctionnement lisse du marché, sans soubresauts doit avoir la juridiction et la capacité de faire respecter
A c t e s

majeurs. Le régulateur doit administrer toutes les les contrats pour atténuer ainsi les risques inhérents
soumissions et il doit planifier la production qui découlent de cette organisation du marché.

9
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Modèle II surtout pendant les heures de pointe. Durant ces


Le modèle II est une structure organisationnelle plus périodes, même les petits producteurs peuvent exercer
complexe dans laquelle on trouve la concurrence au leur pouvoir de marché. Normalement, le compor-
niveau du marché de gros. L’opérateur historique tement des petits producteurs est négligé dans les
détient le transport et la distribution de l’électricité, structures des marchés semblables autres que celui de
tandis que la nouvelle production électrique ainsi que l’électricité. Dans les marchés oligopolistiques avec la
la production de l’opérateur historique sont assu- présence d’un groupe de petits producteurs, le pouvoir
jetties à la concurrence. La nouvelle entité créée a le de marché réside dans les entreprises de grande taille,
statut d’utilité publique, mais elle n’a aucun lien avec surtout lorsqu’il n’y a pas de goulot d’étranglement qui
les nouveaux producteurs d’électricité, incluant sa provient de la capacité de production limitée. Mais
propre ex-division de production. La nouvelle entité dans le cas de l’industrie électrique, ce sont les petits
continue d’être le seul acheteur de l’électricité et le producteurs qui jouent le rôle du dernier recours
seul distributeur au marché de détail. La restruc- lorsque la capacité est utilisée pleinement et que le
turation du secteur se concentre alors au niveau de la service doit être fourni dans des conditions plutôt
partie potentiellement concurrentielle, en l’occur- difficiles. Dans ce cas, les petits producteurs peuvent
rence le segment de la production d’électricité. agir seuls ou en groupe et exercer leur pouvoir de
monopole. Le résultat peut être désastreux sur les prix
L’agence de réglementation a un rôle formidable à et éventuellement sur la rentabilité et la viabilité du
accomplir dans cette structure de marché. Elle a réseau, surtout pour l’entreprise qui assure le transport
besoin de créer les institutions et les règles afin d’assu- et la distribution de l’électricité. Les réformes sont alors
rer un marché efficace sur le plan de la production de compromises et l’atteinte des efficacités serait un
l’électricité. Ce modèle est très pertinent lorsque le objectif non réalisable.
pays vise à offrir des incitations appropriées pour
l’expansion et le bon fonctionnement de son réseau Le modèle II, en introduisant de la concurrence
électrique. Cette structure libère l’État de sa fonction dans le marché de gros, rend en réalité la structure
propriétaire – opérateur du réseau électrique – et lui industrielle du secteur électrique plus complexe et plus
permet de se concentrer sur l’amélioration de son sys- difficile à gérer, surtout lorsque les agences de régle-
tème de transport et de distribution de l’électricité. mentation sont tout à fait néophytes et manquent
Cette structure facilite la tâche des entreprises dans d’expérience. Il y a peu de pays africains qui ont opté
leur démarche de recherche du financement dans les pour ce modèle, reconnaissant ainsi la fragilité de leurs
marchés des capitaux et permet ainsi de financer leurs institutions réglementaires et le manque d’une struc-
projets d’expansion de leur capacité de production à ture institutionnelle adéquate pour faire face aux
un coût compétitif. problèmes de concurrence et de pouvoir de marché
qui surgissent avec ce modèle.
Le modèle de concurrence, dans le marché de
gros, est quand même plus complexe et plus difficile
à gérer par les agences de réglementation, surtout Modèle III
celles qui sont nouvellement créées et qui manquent La structure du marché électrique peut prendre une
d’expérience. La volatilité, dans les prix de l’élec- forme encore plus concurrentielle en introduisant de
tricité, est une caractéristique importante de ce la concurrence au niveau du marché de détail. Cette
marché et ceci peut créer des problèmes, même dans forme organisationnelle rend apparemment le marché
les pays développés qui sont mieux équipés pour plus transparent et réduit les exigences réglementaires,
A c t e s

faire face à des fluctuations dans les prix et dans les car c’est la concurrence qui discipline le marché et non
risques. De plus, même si la structure de marché en pas l’agence de réglementation. Dans ce modèle,
ce qui concerne la production est concurrentielle, le l’utilité publique n’est plus l’acheteur unique. Elle
risque d’exercer un pouvoir de marché est élevé, opère le transport et la distribution de l’électricité; elle

10
Les réformes du secteur électrique

est obligée de permettre aux entreprises concurrentes les prix dans le segment de production électrique, est
de se connecter au réseau, mais elle n’a pas l’obligation quand même obligé d’exercer ses fonctions dans
de servir. Les clients achètent l’électricité d’une mul- plusieurs domaines, comme d’assurer un accès ouvert
titude de fournisseurs qu’ils choisissent eux-mêmes. au réseau, de limiter l’exercice de pouvoir de marché,
Normalement, lorsque la concurrence est présente, le et d’assurer l’existence des forces du marché et leur
rôle du régulateur est réduit. Dans le cas du marché bon fonctionnement. Étant donné les exigences de ce
électrique, son organisation comme marché purement modèle, peu de pays l’ont choisi. Les quelques expé-
concurrentiel devrait en principe réduire le besoin riences pratiques indiquent, cependant, que ce
d’établir une agence de réglementation. Dans la modèle peut s’avérer utile pour certains pays. Les pays
pratique, l’agence de réglementation est nécessaire, africains n’ayant pas beaucoup d’expérience avec le
même dans cette structure de marché, surtout lors de fonctionnement des marchés concurrentiels peuvent
la transition d’une structure à une autre, car le nombre se heurter à des problèmes graves avec ce modèle.
de joueurs est toujours limité et les problèmes de
concurrence sont toujours présents. Structure organisationnelle
L’agence de réglementation doit veiller à la et exercice du pouvoir de marché
création des institutions et des structures de marché Il est important de souligner que peu importe la
qui contribuent à l’intensification de la concurrence structure organisationnelle du marché électrique,
et qui assurent un bon fonctionnement de l’industrie. l’exercice du pouvoir de marché demeure un des
Le marché ainsi créé doit être en mesure d’offrir des problèmes majeurs. Les agences de réglementation
choix aux consommateurs à des prix abordables et des doivent être vigilantes et exercer leurs fonctions avec
services d’une qualité donnée. Le marché doit aussi le plus de rigueur possible afin de pouvoir protéger le
être capable d’offrir un réseau électrique fiable et consommateur et de promouvoir le bien-être social.
sécurisé. Le régulateur, même s’il ne réglemente pas Les agences de réglementation doivent s’outiller

Figure 1.3
Comportement à la Cournot dans le marché électrique –
Situation d’équilibre
$/unité

PM
B

PD
C
PC Cm
A c t e s

O QA QM QB QD QC Q/temps
D

11
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

adéquatement afin de pouvoir surveiller les marchés de même nettement supérieurs par rapport à ceux
restructurés. D’ailleurs, le pouvoir de marché prend obtenus par un monopole sans réglementation.
sa forme la plus cruelle lors des heures de pointe.
Plusieurs pays en Afrique ont un marché d’électri-
Pendant cette période, les prix peuvent grimper de
cité très limité. Par conséquent, le nombre de joueurs
façon exorbitante et les utilisateurs de l’électricité se
ne peut être très élevé. Le meilleur comportement
font exploiter par les producteurs. De toute évi-
anticipé peut être, au mieux, celui de Cournot. Par
dence, étant donné la nature du marché électrique,
conséquent, les prix seront plus élevés que ceux de la
les prix ne peuvent être ceux de la concurrence. Le
concurrence et le taux de desserte électrique, quoique
mieux que l’on peut anticiper est d’avoir des prix à
meilleur que dans le cas du monopole, sera inférieur
mi-chemin entre la concurrence et le monopole. Ce
par rapport à la concurrence. Dans la mesure où les
résultat est connu des économistes depuis long-
firmes s’entendent entre elles et forment un cartel
temps. Dans les structures industrielles semblables à
(collusion), le résultat sera identique à celui du
celles du marché électrique, le comportement le plus
monopole. L’agence de réglementation a alors un rôle
probable qui surgit entre les firmes est celui de
de vigilance important à jouer.
Cournot. Le graphique ci-dessous peut illustrer un
tel comportement et les résultats qui s’ensuivent.
Impacts des réformes structurelles
Le comportement à la Cournot est mieux illustré dans les pays africains
lorsqu’il y a deux producteurs (duopole) d’électricité
La performance des pays de l’Afrique dans le
dans le marché, le producteur A et le producteur B.
domaine des réformes du secteur électrique laisse à
Soit D, la demande pour l’électricité, et QA, la
désirer. Malgré les efforts notables de restructuration,
quantité produite par le producteur A. Lorsque le
force est de constater que, dans l’ensemble, l’Afrique
producteur B décide combien de kWh il produira, il
subsaharienne est la région la plus défavorisée. À vrai
assume que la quantité produite par le producteur A
dire, elle a connu la pire performance pour ce qui est
restera au même niveau que la dernière fois, c’est-à-
de l’électrification, malgré les réformes. Bien que
dire QA. Par conséquent, la quantité au-delà de QA est
certains pays aient réussi à réduire le nombre de
considérée comme le marché pour le producteur B et
personnes sans électricité, notamment en Asie de
par conséquent la firme B se comporte comme un
l’Est et en Chine, en Afrique subsaharienne, le taux
monopoleur pour ce segment de marché. Si le pro-
de réussite est plutôt négatif. Tel qu’indiqué dans la
ducteur A considère que la production du produc-
figure 1.4, il y a eu, en Afrique subsaharienne, une
teur B demeurera à son niveau actuel (QB), il produira
nette augmentation du nombre de personnes sans
en fonction de cette quantité et la production totale
électricité. Les projections de l’Agence internationale
dans le marché exercera une pression vers le bas
de l’énergie (AIE) indiquent aussi que ce nombre
jusqu’à l’équilibre (point de maximisation de leur
restera très élevé jusqu’à l’an 2030, quoiqu’il y aura
profit). Le prix d’équilibre du duopole qui en résulte
un fléchissement mineur à partir de 2020. Il faut
(PD) est plus bas que le prix de monopole (PM), mais
mentionner que les réformes structurelles ont été
plus élevé que le prix de concurrence (PC). La quantité
entreprises plus tardivement par les pays d’Afrique
d’équilibre du duopole (QD = QA + QB), quant à elle,
subsaharienne par rapport aux autres pays.
est plus grande que la quantité de monopole (QM),
mais plus petite que la quantité de concurrence (QC)3. Plusieurs spécialistes ont critiqué les réformes du
Le comportement à la Cournot des producteurs secteur électrique entreprises par des pays africains.
indépendants d’électricité n’arrive pas à produire les Les critiques ont surtout trait à la polarisation qui a
A c t e s

résultats de la concurrence, mais les résultats sont tout résulté de ces réformes. Dans les pays où les réformes
furent un succès, les disparités entre électrification
3. On assume que le coût marginal est le même pour les deux urbaine et rurale se sont accentuées. Les réformes ont
entreprises (CmA = CmB = Cm).

12
Les réformes du secteur électrique

Figure 1.4
Nombre de personnes sans électricité, 1970-2030
900

800

700

600
millions

500

400

300

200

100

0
1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030

Asie du Sud Asie de l’Est/Chine Amérique latine


Moyen-Orient Afrique subsaharienne Afrique du Nord

Source: C. Mandil,The International Energy Agency and Africa. International Energy Agency, 2003
[http://www.iea.org/dbtw-wpd/textbase/ papers/2003/african_energy.pdf].

même contribué à augmenter la richesse de certains actionnaire majoritaire. Cependant, la gestion de la


au détriment de la majorité de la population. Dans nouvelle entreprise a été déléguée au consortium
d’autres pays, les réformes n’ont rien donné, car les privé. Cette privatisation n’a pas pu atteindre des
autorités n’ont même pas réussi la première étape de objectifs à court terme d’augmentation de la capacité
la restructuration, à savoir la privatisation de de production et d’électrification urbaine et rurale.
l’opérateur historique. Dans certains pays, les plans La demande étant toujours plus grande que l’offre
de privatisation ont même été abandonnés. d’électricité, les pannes électriques devenaient de
Le Sénégal et la Mauritanie sont les deux pays plus en plus longues. La pénurie d’électricité qui s’en
qui ont connu le plus de difficultés au plan de la est suivie et la détérioration de la qualité du service
privatisation. Le Sénégal a commencé son plan de étaient des facteurs assez importants pour inciter le
restructuration et de privatisation de l’opérateur gouvernement à nationaliser l’industrie électrique à
historique, Senelec, en 1998. Après avoir créé la peine 20 mois après sa privatisation. En 2001, le
Commission de Régulation du Secteur de l’Électri- gouvernement a tenté de privatiser Senelec à nou-
cité, en 1999, le gouvernement a commencé le veau, mais malheureusement il n’a pas eu beaucoup
processus de privatisation de Senelec. Un consortium de succès, malgré que deux compagnies étrangères
constitué d’intérêts français et québécois (Elyo, une (Vivendi de France et AES des États-Unis) ont mani-
filiale de la Suez Lyonnaise des Eaux et Hydro- festé un intérêt. La crise boursière a eu un impact
Québec) a acquis 34% des actions de Senelec, tandis négatif sur la capacité des firmes privées de financer
que les employés de la compagnie recevaient 10 % l’acquisition de Senelec et le gouvernement a décidé
A c t e s

des actions et que 15% étaient acquises par le secteur d’annuler la privatisation de la firme et de procéder
privé local. Le reste des actions a été acquis par le rapidement à l’acquisition de deux génératrices de
gouvernement sénégalais qui devenait de facto 15 MW afin de pallier la pénurie d’électricité qui
devenait de plus en plus aiguë.
13
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

La Mauritanie a eu une expérience semblable à électrique, la garantie d’approvisionnement et le


celle du Sénégal. Après avoir ouvert le processus de développement du réseau sans répercussions envi-
privatisation de Somelec4, en 2001, le gouvernement ronnementales négatives, peuvent être réalisés à
mauritanien s’est trouvé dans une situation désa- l’intérieur d’un cadre réglementaire approprié et de
gréable, étant même obligé d’annuler la privatisation. la création d’un marché électrique qui fonctionnerait
En effet, quatre compagnies étrangères (Vivendi, EDF, bien sous les nouvelles conditions des marchés
Hydro-Québec et ONE) ont manifesté un intérêt à concurrentiels.
acquérir Somelec, mais toutes se sont retirées au début
Les réformes structurelles en Afrique subsaha-
de 2002, à l’exception de l’ONE du Maroc. L’offre
rienne ne sont pas toutes des échecs. Certains pays,
marocaine étant jugée trop faible pour les intérêts de
notamment le Cameroun et le Gabon, ont connu un
la Mauritanie, cette dernière a négocié, avec la Banque
certain succès, mais encore là des problèmes majeurs
mondiale, l’annulation de la privatisation.
d’électrification et de sécurité d’approvisionnement
Le manque d’intérêts privés pour la privatisation persistent. En effet, la privatisation de la Sonel
de Somelec montre clairement que les systèmes (Société Nationale d’Électricité du Cameroun), en
électriques en Afrique sont insuffisants et souffrent 20015, a contribué à augmenter la capacité électrique
d’une carence chronique d’investissements qui a du pays, mais sans que les bénéfices d’investissements
comme conséquence de les rendre moins attrayants additionnels soient sentis par les consommateurs. Au
pour les investisseurs privés, d’autant plus que le sys- contraire, les pannes électriques se sont intensifiées
tème de réglementation de ces pays et les procédures et les prix de l’électricité ont augmenté de 10 %
de résolution des disputes sont très complexes et depuis la privatisation. La compagnie américaine
parfois arbitraires. Ces caractéristiques institution- AES a payé 69 millions de dollars pour acquérir
nelles et industrielles, conjuguées avec le refus de 56 % des actions de la Sonel, en 2001, et elle a
certains pays de garantir un rendement adéquat aux obtenu pleine responsabilité de la gestion de trois
investissements privés (le cas de la Mauritanie est segments du marché, à savoir la production, le
éloquent), décourage les intérêts privés à faire les transport et la distribution de l’électricité pour une
investissements nécessaires pour combler la pénurie période de 20 ans. Avec un bas taux d’électrification,
en électricité dans ces pays. il n’est pas surprenant d’imaginer qu’une augmen-
tation de la desserte électrique doit faire partie des
Dans les deux cas mentionnés plus haut, le mo-
clauses de son cahier de charges. En effet, l’objectif
dèle de restructuration choisi était celui nommé
à atteindre était l’électrification d’un million d’abon-
« modèle I ». Mais, comme il a été mentionné plus
nés (le nombre total d’abonnés était de 400 000
haut, la restructuration de l’industrie requiert aussi
avant la privatisation). La sécheresse qui a suivi la
une restructuration préalable des institutions. Les
privatisation a fait en sorte que les réserves en eau
mécanismes de résolution des conflits, les systèmes
ont diminué rapidement et une pénurie électrique
réglementaires à adopter et les règles de fonction-
s’en est suivie6. La privatisation n’a pas donné des
nement des marchés restructurés doivent être cohé-
incitatifs pour investir dans les sources alternatives
rents avec la philosophie de l’économie de marché et
de production électrique. La production thermique
bien articulés autour d’un modèle bien examiné et
étant très coûteuse par rapport à la production
testé ailleurs. Les objectifs, tels que l’amélioration de
hydro-électrique, elle a été écartée des plans de
la performance de l’industrie électrique, des prix plus
développement des sources alternatives d’énergie.
bas, le choix du consommateur, la sécurité du réseau
A c t e s

4. C’était la Banque mondiale qui avait exigé la privatisation 5. L’agence de réglementation, ARSEL, a été créée en
de Somelec. La privatisation devenait une condition sine juin 1999.
qua non pour que la Banque mondiale accepte une 6. Le Cameroun dépend entièrement des réserves en eau pour
réduction de la dette de la Mauritanie sous la clause de sa production électrique. En effet, 90% de sa production
«l’initiative de pays hautement endettés». est d’origine hydro-électrique.
14
Les réformes du secteur électrique

Apparemment, le Cameroun a besoin d’un Le Gabon a eu une expérience plus positive que
investissement de 500 millions de dollars au cours le Cameroun, mais là aussi la situation n’est pas
des cinq prochaines annés pour assurer le service aux parfaite. Le plan de privatisation du Gabon était
abonnés actuels. Malgré ses efforts pour trouver du assez original. L’originalité résidait dans le fait qu’un
financement dans les marchés boursiers locaux et contrat de concession a été signé, en 1997, avec la
internationaux, de toute évidence, l’AES sera inca- compagnie française Vivendi pour 51% des actions
pable de mobiliser tous ces fonds. Il y a donc de plus de la SEEG (Société d’Énergie et d’Eau du Gabon).
en plus de questions concernant la capacité du Le gouvernement vendait, du même coup, sa com-
secteur privé de résoudre les problèmes de sous- pagnie publique de distribution de l’eau et obligeait
investissement du secteur électrique dans les pays en Vivendi à vendre les deux services à travers le pays
développement. À vrai dire, les besoins sont énormes durant son contrat de concession (d’une durée de
car, d’une part, dans la plupart de ces pays, la 20 ans). Les subventions croisées ont été maintenues
demande pour l’électricité augmente à des rythmes et la compagnie privée réalise la majorité de ses
très élevés (de 5% à 9% par an) et, d’autre part, le revenus dans deux villes principales du Gabon
système d’infrastructures laisse à désirer. Même si les (Libreville et Port-Gentil), et elle subventionne le
entreprises deviennent plus efficaces, diminuent reste du pays. La nouvelle entité est beaucoup plus
leurs coûts de production et augmentent les prix, les productive qu’avant, et elle est capable de réaliser des
revenus additionnels restent insuffisants pour investir économies et de réduire ses coûts grâce au partage
dans le réseau. Ceci est dû au fait que les compagnies des ressources. Cependant, les économies dans les
électriques fonctionnaient, dans le régime précédent, coûts ne se sont pas traduites nécessairement par des
comme un département dans la fonction publique. prix plus bas pour le consommateur et les investis-
Les compagnies électriques comptaient trop d’em- sements en infrastructure prévus dans 15 régions
ployés, et étaient la plupart du temps inefficaces, isolées n’ont jamais été matérialisés, malgré qu’ils
garantissant un travail à vie avec beaucoup de soient écrits explicitement dans le cahier des
complaisance. charges7.
7. L’échéancier pour les investissements en infrastructure était l’an
2000, mais les investissements en région n’ont pas été faits.

Figure 1.5
Évolution de la desserte en électricité au Gabon

branchemets neufs abonnés

3 000 140
Abonnés actifs
branchements

2 500 120
en milliers

2 000 100
neufs

80
1 500
60
1 000 40
500 20
0 0
98 trim1 98 trim3 99 trim1 99 trim3 00 trim1 00 trim3 01 trim1 01 trim3
A c t e s

Source: F. Ombanda, Réorganisation des sociétés de production et de distribution d’électricité en Afrique: 5 ans après la privatisation de la
Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG), situation et enjeux de l’électricité au Gabon, Sommet de l’Énergie en Afrique, Dakar,
5-6 novembre 2002 [http://www.ppiaf.org/Final%20Report%20Activity%20Pages/Energy%20Summit/pdf/24_Ombanda.pdf].

15
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Néanmoins, la compagnie paie des généreux La figure 1.6 indique l’évolution tarifaire au
dividendes tous les ans depuis sa privatisation. Le Gabon depuis la privatisation. Au moment de la
dividende a augmenté de 6,5% en 1998 à 20% en privatisation, les prix ont baissé de 17,25 %, pour
2000. La qualité du service a augmenté dans plu- commencer ensuite à augmenter à peine un an plus
sieurs régions urbaines. Par contre, la qualité du tard. Cette augmentation est principalement due à
service dans d’autres régions, particulièrement dans l’augmentation dans les prix d’intrants (augmen-
les régions rurales, a fait peu de progrès. Les régions tations salariales importantes, augmentations dans
non desservies avant la privatisation restent, dans la les prix du gaz et du mazout, etc.). Il est difficile,
majorité des cas, non desservies, malgré la privati- cependant, de savoir si la compagnie a réussi à
sation. Le coût pour étendre le service dans les réaliser des gains de productivité importants après sa
régions étant très élevé, les compagnies privées, privatisation et si elle aurait pu, grâce à ces gains,
cherchant la rentabilité, ont tendance à se concentrer éviter les augmentations tarifaires. Il est par contre
dans les marchés les plus lucratifs. La question posée possible de dire, sans prendre trop de risques, que
précédemment, à savoir si les compagnies privées l’augmentation généreuse des dividendes a pu se faire
seules sont en mesure de faire des investissements en grâce aux gains de productivité.
infrastructure, est pertinente, comme le cas du
Cameroun et celui du Gabon (et d’autres pays) le
démontrent clairement.

Figure 1.6
Évolution des prix de l’électricité basse tension

Privatisation
–17,25 %

social 1 social 2 3 kW
80
prix du gaz salaires prix du gazole prix du gazole prix du gazole
+12 % +9 % +14 % +10 % +10 %
70
FCFA courants/kWh

60

50

40

30

20
avr- juil- oct- janv- avr- juil- oct- janv- avr- juil- oct- janv- avr- juil- oct- janv- avr- juil- oct- janv-
97 97 97 98 98 98 98 99 99 99 99 00 00 00 00 01 01 01 01 02
A c t e s

Source: F. Ombanda, Réorganisation des sociétés de production et de distribution d’électricité en Afrique: 5 ans après la privatisation de la
Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG), situation et enjeux de l’électricité au Gabon, Sommet de l’Énergie en Afrique, Dakar,
5-6 novembre 2002 [http://www.ppiaf.org/Final%20Report%20Activity%20Pages/Energy%20Summit/pdf/24_Ombanda.pdf].

16
Les réformes du secteur électrique

La compagnie cherche l’équilibre entre la satis- par exemple), l’électrification rurale laisse à désirer
faction des intérêts de ses clients et ceux de ses et, malgré la privatisation, l’investissement en infras-
actionnaires. Cependant, pour faire une évaluation tructure promis est loin d’être réalisé. Une partici-
plus objective de la performance de l’entreprise, nous pation de l’État ou d’une instance créée spécialement
avons besoin de données sur une plus longue pour veiller à contrer les problèmes qui surgissent
période. Il est trop tôt pour dire si le secteur élec- après la privatisation peut être nécessaire dans le cas
trique au Gabon pourrait échapper à ce qui s’est des pays de l’Afrique subsaharienne.
passé dans les autres pays subsahariens ayant expéri-
menté les réformes. Bibliographie
Brahmbhatt, M. et U. Dadush, «Disparities in Global
Conclusion et recommandations Integration», Finance and Development, Septembre
À l’instar des pays industrialisés, les pays de l’Afrique 1996.
subsaharienne ont procédé à des réformes de leur Fare, R., Grosskopf, K. et Lovell, C. A., «The Measure-
secteur électrique relativement tard par rapport à ment of Efficiency of Production », Studies in
d’autres pays en développement. Le choix du modèle Productivity Analysis, Boston, Kluwer, 1985.
joue un rôle prépondérant dans la réussite des poli-
tiques de restructuration et une réforme plus appro- Girod, J., «Le développement énergétique en Afrique
Subsaharienne : après l’ère des réformes », IEPE/
fondie des institutions de chaque pays contribuera
CNRS, 2000.
davantage au bon fonctionnement des secteurs
restructurés. Hawdon, D., « Performance of Power Sectors in
Developing Countries: A Study of Efficiency and
L’industrie électrique de l’Afrique subsaharienne World Bank Policy Using Data Envelopment
souffre d’un manque chronique de capacité. Les Analysis», 1996.
problèmes du secteur, tels que les pénuries d’élec-
tricité, la mauvaise qualité du service, les faibles Newbery, D.M., Privatisation, Restructuring, and
niveaux de desserte, l’inadéquation des prix par Regulation of Network Utilities, MIT Press,
rapport aux coûts de production et l’incapacité de Cambridge, 1999.
l’État de financer et de gérer ce secteur, ont contribué Takata, Y., « Globalisation, Poverty and Inequality in
à la recherche de solutions audacieuses pour l’Afrique, Sub-Saharan Africa : A Political Economy
telles que la privatisation, les contrats de concession Appraisal», OECD Development Centre, Technical
et la gestion privée de l’opérateur historique. La Paper no 183, 2001.
plupart des pays ont choisi le modèle I de restructu- Waddams, P., Bagdadioglun et Weyman-Jones, T.,
ration du secteur électrique, mais cela a eu un succès «Efficiency and Ownership in Electricity Distribu-
mitigé. Certains pays n’ont même pas réussi à tion : A Non Parametric Model of the Turkish
privatiser leur opérateur historique et d’autres, qui Experience», Energy Economics, no 18, 1996.
ont fait des privatisations, se sont trouvés dans des
situations indésirables (faible taux d’électrification
malgré la privatisation, prix plus élevés et pénuries
d’électricité persistantes).
Les entreprises privées doivent investir des
sommes substantielles pour pallier les problèmes
A c t e s

actuels du secteur, mais leur capacité de le faire est


de plus en plus remise en question. Même dans le cas
des pays qui ont connu un succès relatif (le Gabon,

17
Les réformes électriques de première génération en Afrique
subsaharienne francophone: entre efficacité économique
et acceptabilité sociale*
Flavien TCHAPGA, Ph. D.
Enseignant et Directeur pédagogique
I2M SupdeCo Caraïbes, Pointe-à-Pitre, France

Introduction énergétique de la CEDEAO (créé en 1999), et se


L’objectif de ce papier est de fournir un cadre d’inter- poursuit avec l’accord signé en 2003 pour la création
prétation des réformes électriques qui ont émergé du Pool Énergétique d’Afrique centrale.
dans les pays francophones d’Afrique subsaharienne L’intérêt des pools énergétiques est d’envisager
pour la période allant de 1990 à 2002. Les pays fran- l’optimisation du fonctionnement du secteur sur un
cophones d’Afrique subsaharienne ont progressive- espace géographique élargi. Les pools énergétiques
ment engagé la réforme de leur industrie électrique organiseront les échanges d’électricité entre des parcs
respective. La première expérience a été conduite par de centrales de composition différente. Ils permettront,
la Côte d’Ivoire en 1990. Ces premières réformes ont premièrement, de tirer parti des coûts de production
cherché, d’une part, à redéfinir l’action des États différents et, deuxièmement, d’optimiser la program-
dans le secteur et, d’autre part, à organiser l’inter- mation des investissements. Toutefois, l’efficacité des
vention des acteurs privés. Depuis quelques années, pools énergétiques sera déterminée par la réorgani-
les politiques sectorielles dans cette sous-région sation du secteur, héritée des réformes de première
visent le renforcement de la coopération énergétique. génération, toutes choses égales d’ailleurs. Le poids
La création de pools énergétiques intégrés, qui en important des industries électriques dans les économies
constituent le support, suggère un passage à une de la sous-région, notamment en termes d’emploi et
nouvelle génération des réformes. d’investissement, suggère que les solutions organisa-
Si une génération de réformes peut être identifiée tionnelles qui ont émergé l’ont fait en raison de leur
à travers l’adéquation entre la logique de modifica- faisabilité. Il est donc nécessaire de s’intéresser aux
tion des règles et les principaux objectifs recherchés, logiques de définition de ces solutions. C’est l’objectif
il apparaît que deux générations de réformes élec- de ce papier.
triques se sont succédé dans les pays francophones Ce papier est organisé en quatre sections. Tout
d’Afrique subsaharienne. La première génération a d’abord, les fondements de la réforme des industries
couvert la période allant de 1990 à 2002. Les trans- électriques en Afrique subsaharienne sont rappelés.
formations institutionnelles envisagées dans ce On verra que les difficultés de financement du
contexte ont eu pour particularité d’être limitées aux modèle traditionnel ont été la principale raison des
espaces nationaux respectifs. La seconde génération réformes de première génération. Dans la section «Le
des réformes, qu’on peut chronologiquement situer poids des spécificités des industries électriques de la
en 2002, s’inscrit davantage dans un espace sous- sous-région sur l’adaptation des schémas de réforme»,
régional. Elle commence avec le lancement du pool nous adoptons une démarche critique des pres-
criptions réformatrices s’appuyant sur la contestation
A c t e s

* Ce papier est un extrait de la thèse de doctorat soutenue à de la théorie du monopole naturel pour délimiter le
l’Université Paris 13 par l’auteur en juin 2002. Les com- champ des solutions possibles. Du point de vue d’une
mentaires de Chantal Guertin de l’IEPF ont permis d’en réforme, une solution ne présente un intérêt que si
améliorer la lecture.
elle peut être mise en œuvre. Par conséquent, la
19
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

section «Le poids de l’environnement institutionnel avait alors donné du relief aux inefficacités de gestion
sur la délimitation des choix faisables» s’appuie sur le auparavant occultées. En effet, le caractère excessif de
rôle de l’environnement institutionnel, au sens où l’endettement sectoriel est apparu au grand jour, ainsi
l’entendent les économistes néo-institutionnels, pour que la faiblesse de la rentabilité financière et de
identifier les solutions faisables et le processus de leur l’autofinancement. Quel que soit l’indicateur de
construction. Puisque cette construction revient à performance considéré, les niveaux atteints par les
gérer les conflits redistributifs qui naissent avec l’in- entreprises de la sous-région sont faibles dans la
troduction des réformes, la section «L’atténuation des plupart des cas. Les pertes techniques sont partout
effets redistributifs à la base des choix organisation- supérieures à la norme sectorielle. La productivité du
nels» discute du lien entre l’hybridation des modèles facteur travail est aussi inférieure au standard retenu
organisationnels qui ont émergé et la nécessité de par des organismes comme la Banque mondiale. Les
nouveaux compromis sectoriels. L’opposition entre la performances non techniques (la performance com-
logique économique et la logique de compromis nous merciale, par exemple) ne se démarquent pas de cette
permet de souligner, pour conclure, la nécessité d’une tendance générale (Tchapga, 2002, ch. 2). Comme
cohérence entre les deux générations des réformes on pouvait s’y attendre, ces inefficacités microécono-
électriques en Afrique subsaharienne. miques ont entraîné une détérioration de la situation
financière des entreprises électriques de la sous-
Les difficultés de financement région. D’autre part, la présence de l’État est apparue
comme fondements de la réforme de plus en plus pesante puisqu’il a continué à assigner
aux entreprises publiques d’électricité des missions
Les faibles performances des industries électriques
non économiques, alors que les difficultés budgétaires
des pays francophones d’Afrique subsaharienne ont
ne lui permettaient plus de jouer complètement son
été plusieurs fois décriées. Le manuel publié en 1993
rôle d’actionnaire.
par la Banque mondiale part de ce constat pour
justifier l’inflexion de la politique de cet organisme Par ailleurs, les efforts de développement réalisés
en direction des secteurs électriques de la sous- pendant presque deux décennies ont été certes
région. Un aspect central de cette inflexion concerne importants, mais ils apparaissaient insuffisants au
la prescription des réformes sectorielles dont l’objec- regard des niveaux d’accès à l’électricité encore faibles
tif sera, premièrement, d’ouvrir le secteur aux et au regard du taux de croissance anticipé de la
capitaux privés, deuxièmement, de réduire l’inter- demande. Les investissements nécessaires, toutes
vention de l’État et, troisièmement de confier la formes et tout segment compris en dehors des
coordination sectorielle aux mécanismes de marché1. réseaux de distribution, étaient globalement évalués
C’est à cette condition, est-il alors admis, que le secteur en 1990 à 8 milliards de dollars en montant annuel
retrouvera les niveaux d’efficacité technique et écono- pour l’ensemble du continent africain.
mique comparables aux standards internationaux. Ce sont donc, d’une part, les difficultés de finan-
En effet, de nombreuses inefficacités de gestion cement des industries électriques de la sous-région
des entreprises publiques d’électricité ont été relevées et, d’autre part, les exigences des bailleurs de fonds
à partir de la fin des années 1980. Le contexte macro- qui ont été à la base de l’engagement de nouvelles
économique national et international défavorable réformes sectorielles.
A c t e s

1. World Bank (1993), The World Bank’s role in the electric


power sector, « A world Bank policy paper », Washington
D.C. ; ESMAP (1996), « Symposium on power sector
reform and efficiency improvement in sub-saharan Africa»,
Report no 182/96, The World Bank.

20
Les réformes du secteur électrique

Le poids des spécificités 1. Le modèle de concurrence introduit une incerti-


des industries électriques tude dans le fonctionnement du secteur, notam-
de la sous-région sur l’adaptation ment en matière de coordination entre les seg-
des schémas de réforme ments de la production et du transport. Il n’est
La recherche de solutions pour contourner les pas sûr que les coûts de transaction qu’induit
inefficiences opérationnelles et les difficultés de cette configuration du secteur soient inférieurs
financement a été au cœur des réformes. Par consé- aux bénéfices à en attendre.
quent, les leviers d’action à envisager étaient les 2. Il y a peu d’incitations à investir dans des actifs
principales sources d’efficacité microéconomique, à lourds puisque dans un cadre concurrentiel, leur
savoir, premièrement, la redéfinition du régime de rentabilisation n’est plus garantie, notamment en
propriété par la privatisation pour rétablir les inci- raison de l’incertitude sur le niveau des prix.
tations à l’efficacité productive et, deuxièmement, la En définitive, dans des systèmes de petite dimen-
modification de l’organisation industrielle par sion et à potentiel de croissance élevé, l’introduction
l’introduction de la concurrence pour l’efficacité de réformes concurrentielles semblables à celles
allocative. qu’on observe dans certains pays industrialisés,
Ces deux leviers d’action font partie des trois notamment en Angleterre, ne garantit pas que les
dimensions des réformes électriques identifiées de gains d’efficacité à court terme seront supérieurs aux
longue date par les économistes, à savoir la priva- coûts à long terme de ce mode d’organisation.
tisation, l’introduction de la concurrence et la
réforme de la réglementation. Leur mise en œuvre a Le changement de régime
subi le poids des spécificités des industries électriques de propriété est contraint
de la sous-région. Il s’agit, d’une part, de la taille des par le compromis social antérieur
systèmes électriques et, d’autre part, du «compromis Dans le cas des politiques de privatisation, la théorie
social» ayant caractérisé leur fonctionnement anté- économique prescrit implicitement un transfert des
rieur. Ces deux aspects sont analysés ici. droits, en pleine propriété3, entre les deux régimes
polaires de détention des droits que sont la propriété
La concurrence radicale publique et la propriété privée. Ce raisonnement
est contrainte par la taille repose sur une hypothèse, elle aussi implicite, d’ab-
des systèmes électriques sence de résistance au transfert des droits, ce qui reste
Les industries électriques des pays francophones à démontrer lorsque la propriété publique pérennise
d’Afrique subsaharienne sont des systèmes de petite une logique de compromis social dans les rapports
dimension. Les capacités installées se situent autour économiques.
de 1000 MW pour les plus grands. Il s’ensuit que le Pour comprendre la logique de compromis
potentiel de développement du secteur est extrême- social, il faut la situer en perspective avec l’objectif
ment élevé2. Au regard de ces spécificités, il n’est pas élémentaire d’une entreprise. En effet, la fonction
sûr que l’introduction de la concurrence et donc des élémentaire d’une entreprise est de créer de la
marchés de gros ou de détail soit bénéfique, pour richesse pour ses propriétaires. Cet objectif nécessite
deux raisons: que l’entreprise maximise son profit. Cela implique
2. Initialement estimée à 3,6% en moyenne pour la période de donner une orientation d’efficacité productive
1990-2010, la croissance de la demande d’électricité a été aux choix de gestion. Bien sûr, la combinaison des
A c t e s

révisée à la hausse avec l’amélioration relative de la situation


économique des pays de la sous-région. On considère 3. La pleine propriété renvoie à la détention de l’ensemble des
désormais que le taux de croissance en moyenne annuelle prérogatives des droits de propriété sur les actifs. Voir
se situera autour de 5%, sinon plus. Tchapga (2002) pour une analyse de cette notion.

21
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

ressources productives doit être optimale dans cette impact sur le bien-être des salariés des entreprises
perspective. Cependant, cet objectif peut perdre la publiques d’électricité engagées dans un processus de
priorité au profit d’autres finalités dictées par l’envi- réforme. De même, une politique de rééquilibrage
ronnement de l’entreprise, ou par la spécificité de tarifaire a un impact sur le bien-être de certaines
son activité. C’est cet éloignement du principe catégories de consommateurs. Ce rééquilibrage peut
d’efficacité microéconomique qui caractérise la aussi, le cas échéant, détériorer la compétitivité
logique du compromis social. Dans le cas des relative ou le développement des industries grosses
industries électriques d’Afrique subsaharienne, le consommatrices d’électricité, etc.
compromis social antérieur avait ouvert la possibilité
Pour ces différentes raisons, l’analyse de l’accepta-
de poursuivre de nombreux objectifs (sociaux,
bilité des réformes est apparue au moins aussi
politiques, industriels, etc.) souvent antagonistes, et
importante que l’analyse des réformes elles-mêmes
pas toujours favorables à l’efficacité microécono-
(Libecap, 1989). L’acceptabilité des réformes renvoie
mique. Deux caractéristiques des industries élec-
à la nécessité de prendre en compte l’environnement
triques paraissent renforcer la logique de compromis
social de leur mise en œuvre, et particulièrement les
social: premièrement, elles sont traditionnellement
conditions d’adhésion des acteurs au processus.
considérées comme des activités stratégiques, ce qui
L’acceptabilité des réformes suppose donc que les
veut dire qu’elles sont source d’externalités nettes
choix à mettre en œuvre soient faisables au regard de
positives pour le tissu économique et social et
leurs effets redistributifs immédiats sur le bien-être
deuxièmement, elles sont le siège d’une quasi-rente
des différents acteurs. Après avoir identifié les acteurs
importante en raison du statut de monopole.
des réformes du secteur électrique dans les pays
Dans la mesure où le transfert des droits en francophones d’Afrique subsaharienne, leur attitude
pleine propriété revient à actionner l’ensemble des respective vis-à-vis des réformes sera analysée,
leviers incitatifs à l’efficacité productive, ce type de notamment leur perception des effets redistributifs
transfert remet nécessairement en cause le compro- induits à court terme.
mis social antérieur. Donc, il n’est pas certain que ce
transfert soit mis en œuvre sans résistance, étant Environnement institutionnel
donné que la remise en cause du compromis social et identification des acteurs
antérieur crée nécessairement des gagnants et des de la réforme
perdants. Par conséquent, les schémas de réforme En s’inspirant de la démarche développée par North
théoriquement les plus efficaces d’un point de vue (1990), les acteurs d’une réforme peuvent être iden-
microéconomique ne sont pas forcément désirés. tifiés en partant de la définition de l’environnement
Ainsi, il est utile, voire nécessaire, de prendre en institutionnel. L’environnement institutionnel ren-
compte le poids de l’environnement institutionnel voie aux dotations institutionnelles propres à un pays
sur les choix à mettre en œuvre. donné, à savoir le pouvoir législatif et exécutif, le
pouvoir judiciaire, les coutumes, les capacités admi-
Le poids de l’environnement nistratives. C’est à travers ces dotations que les chan-
institutionnel sur la délimitation gements de règles et leur mise en œuvre sont opérés.
des choix faisables C’est pour cette raison que les développements
Les réformes économiques entraînent des coûts de théoriques ayant eu pour objet la démonstration de
transition ou d’ajustement des structures. Ces coûts l’importance des règles dans la coordination écono-
mique ont conduit à faire de l’environnement
A c t e s

peuvent être de nature diverse, et ils ne sont pas


nécessairement supportés par les mêmes catégories institutionnel un déterminant central des réformes
d’acteurs. À titre d’illustration, l’objectif d’amélio- économiques (Levy et Spiller, 1994).
ration de la productivité du facteur travail a un

22
Les réformes du secteur électrique

Selon la conceptualisation de North (1990), les amélioration de leur position respective est de ce
composantes de l’environnement institutionnel ont point de vue cohérente avec leur rôle de prescrip-
été traditionnellement localisées à l’intérieur des teur des réformes.
frontières des économies nationales. Toutefois, dans 2. Les prescriptions de réforme concernent aussi la
le cas des pays francophones d’Afrique subsaha- mise à l’écart de l’État de la gestion des entreprises
rienne, les bailleurs de fonds internationaux (Banque d’électricité. Cette mesure vise l’amélioration de
mondiale et Fonds monétaire international) sont de l’efficacité opérationnelle (maîtrise des pertes non
fait des acteurs de la réforme, en raison des plans techniques, baisse des pertes commerciales et
d’ajustement structurel dont ils ont l’initiative. Les techniques, etc.). Cela revient à mettre fin aux
composantes de l’environnement institutionnel sont interférences des pouvoirs publics dans le fonc-
donc à la fois les acteurs locaux (pouvoirs publics, tionnement du secteur. La conséquence en est que
syndicats, consommateurs/usagers) et les acteurs les pouvoirs publics perdent le contrôle d’un
externes (bailleurs de fonds internationaux, consor- instrument de marchandage politique. Donc, cette
tiums d’offre de service). Ce sont donc les attitudes catégorie d’acteurs n’a pas toujours montré un
respectives de ces acteurs vis-à-vis du processus de empressement à mettre en œuvre les réformes.
réforme qu’il convient d’analyser.
3. L’amélioration des performances appelle la restau-
ration de la qualité du signal tarifaire pour refléter
Anticipation des effets redistributifs les coûts réels. La tarification basée sur les coûts
du processus par les acteurs autorise uniquement les subventions croisées,
D’une manière générale, l’ajustement des structures imposées par les obligations de service public
que met en œuvre une réforme modifie l’équilibre (péréquation tarifaire, raccordement de tous à un
social antérieur au sein des secteurs économiques prix abordable, etc.). Elle interdit les subventions
concernés. Il est donc générateur de frictions qui ne qui consistent à financer des prix de faveur sur
prédisposent pas les acteurs à une unicité de vue sur certains segments de marché par des tarifications
le processus, et donc sur leurs comportements excessives sur des segments captifs. Le rééquilibrage
respectifs. On peut déjà observer que les réformes des prix qui en est le corollaire a un impact sur le
électriques de première génération en Afrique bien-être des consommateurs. Dans l’hypothèse où
subsaharienne francophone ont été confrontées à des les consommateurs sont bien organisés, ils
résistances, ayant dans certains cas retardé l’engage- devraient logiquement chercher à peser sur le
ment effectif des réformes (Tchapga, 2002). En processus afin de protéger leur bien-être.
effet, face à la « menace » de remise en cause du 4. L’amélioration des performances suppose aussi la
compromis social antérieur, la perception des effets rationalisation des effectifs et l’alignement des
redistributifs sur le bien-être respectif des acteurs a salaires sur la productivité du facteur travail.
été un facteur déterminant de leur degré d’adhésion Cette perspective n’est pas favorable au bien-être
aux réformes. des salariés, dont le statut antérieur était de type
1. Le rétablissement des équilibres financiers des « fonctionnarisé »4. Cette catégorie d’acteurs,
entreprises électriques est un des objectifs assignés appuyée par les organisations syndicales, a par-
à la réforme. Cet objectif vise la diminution de tout montré une résistance parfois farouche au
l’encours de la dette sectorielle. Il est donc favorisé processus (Plane, 1998; Tchapga, 2002).
par les bailleurs de fonds internationaux. En effet,
A c t e s

l’amélioration des performances financières per-


4. Outre l’avantage de la stabilité de l’emploi, ce statut repose
met aux bailleurs de fonds de rentabiliser leurs sur un mode de rémunération des salariés déconnecté de
engagements antérieurs. L’anticipation d’une leur productivité, de type indiciaire et majoré de nom-
breuses primes et d’indemnités forfaitaires.

23
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

5. La réforme ouvre la possibilité aux consortiums pertinents dans une perspective d’acceptabilité sociale
internationaux d’offre de service de renforcer leur des réformes. Dans le cas qui nous intéresse ici, le fait
implantation à l’international en s’appuyant sur que les effets redistributifs perçus par les acteurs ne
des engagements rentables. Le capitalisme con- soient pas uniformes ne favorisait pas une unicité de
temporain étant caractérisé par une logique com- vue de ces mêmes acteurs sur le processus. Par
portementale des entreprises accordant le primat conséquent, on ne pouvait s’attendre à une adhésion
à la création de la valeur pour les actionnaires, il spontanée aux réformes de l’ensemble des acteurs. Le
apparaît clairement que l’anticipation des gains tableau ci-dessous en donne les raisons.
futurs est la condition d’adhésion des consor-
Ce tableau appelle deux commentaires. Le
tiums internationaux d’offre de service à une
premier est que l’adhésion des acteurs aux réformes
réforme électrique. Ces acteurs ont été favorables
est motivée par la modification à court terme de leur
à la mise en œuvre des réformes, au moins au
bien-être respectif. Bien sûr, cette modification peut
début du processus.
être positive ou négative, ce qui permet de considérer
L’analyse ci-dessus montre que l’impact immédiat que toute réforme désigne à court terme les gagnants
de la réforme sur le bien-être des acteurs n’est pas et les perdants de sa mise en œuvre. Les promesses
uniforme. Or, les promesses d’efficacité économique d’amélioration du bien-être collectif à long terme
« à la base » des réformes se réalisent généralement sont donc peu décisives pour l’adhésion des acteurs
dans un horizon temporel proche du long terme. Ces au processus. Le second commentaire est que cette
promesses n’ont donc aucune visibilité, contrai- adhésion peut être construite, notamment par des
rement à l’impact sur le bien-être des acteurs dont la incitations prenant la forme d’une atténuation des
visibilité à court terme est claire. Pour cette raison, ce effets redistributifs des réformes.
sont les effets redistributifs à court terme qui sont

Tableau 2.1
Effets redistributifs nets à court terme et attitude des acteurs vis-à-vis de la réforme
Avantages ou inconvénients anticipés Attitudes
par les différents acteurs des acteurs
LES ACTEURS
Structure de Effet net par rapport
la modification à court terme au processus
Financements additionnels (+)
Pouvoirs publics Perte de contrôle du résultat Négatif Opposition
et direction et du processus (–)
Grèves et risques politiques (–)
Acteurs locaux Stabilité de l’emploi (–)
Syndicats Négatif Opposition
Identité syndicale (+)
Rééquilibrage tarifaire (–)
Consommateurs Amélioration progressive Négatif Opposition
de la qualité du service (+)
Paiement de la dette (+)
Bailleurs de fonds Limitation de l’encours Positif Adhésion
de la dette sectorielle (+)
A c t e s

Acteurs externes
Consortiums privés Conquête de nouveaux
Positif Adhésion
internationaux marchés (+)
Source: Tchapga (2002).

24
Les réformes du secteur électrique

L’atténuation des effets • Les formes d’organisation qui promettent une


redistributifs à la base des choix meilleure efficacité économique relative sont
organisationnels aussi celles qui introduisent à court terme des
Cette section examine l’atténuation des effets redistri- écarts redistributifs importants (Libecap, 1989,
butifs dans les réformes électriques des pays d’Afrique p. 21-22). L’arbitrage entre les effets des schémas
subsaharienne francophones et la traduction de cette de réforme en matière de distorsion de bien-être
atténuation dans les choix organisationnels opérés. individuel et leur efficacité respective est alors le
Nous montrerons que les conceptions des réformes qui moyen par lequel les effets redistributifs sont
ont émergé ont été le reflet d’un arbitrage entre atténués afin de rendre effectives les réformes.
l’exigence d’adhésion des acteurs et l’objectif de Dans le cas des réformes du secteur électrique en
contournement des inefficacités opérationnelles ou Afrique subsaharienne, la « déconstruction » du
celui de contournement des difficultés de financement. compromis social antérieur avait rendu nécessaire une
construction de nouveaux compromis destinés à
L’adhésion des acteurs aux dépasser les logiques conflictuelles des acteurs analy-
réformes : un processus construit sées précédemment. En effet, deux formes de
Les analyses précédentes suggèrent une incompati- compromis ont été à la base des réformes électriques
bilité relative entre l’objectif d’efficacité économique des pays d’Afrique subsaharienne (Girod, 1997): il
à long terme et le bien-être à court terme de certains s’agit, d’une part, des compromis sociaux entre les
acteurs de la réforme. Il s’agit là d’un constat qui rela- acteurs locaux (syndicats, entreprises) et, d’autre part,
tivise la portée explicative de la logique d’efficacité des compromis internationaux avec les bailleurs de
économique dans la mise en œuvre des réformes fonds. Ces compromis ont inévitablement influencé
économiques. L’argumentaire théorique de ce constat la conception des réformes électriques dans la sous-
est fourni par les théoriciens de l’économie néo- région et les modèles organisationnels mis en œuvre.
institutionnelle5. Les propositions que ces théoriciens
formulent peuvent être résumées en deux points: L’hybridation des formes
organisationnelles par
• Les acteurs des réformes n’adoptent pas sponta- la conception des réformes
nément les architectures institutionnelles cohé-
Du point de vue de la conception des réformes
rentes du point de vue de la logique d’efficience
électriques en Afrique subsaharienne et donc des
économique. La nécessité d’assurer l’adhésion des
choix organisationnels effectivement mis en œuvre,
acteurs justifie que le jeu institutionnel qui pré-
l’influence des compromis sociaux peut être déclinée
side à l’émergence des formes organisationnelles
selon deux axes. Le premier axe concerne le régime
se soucie des modifications consécutives du bien-
de propriété et le second renvoie à l’organisation
être individuel. Autrement dit, les institutions
industrielle ou, pour le dire autrement, aux modifi-
sectorielles et les arrangements organisationnels
cations structurelles dans l’organisation du secteur.
ne sont pas automatiquement modifiés dans un
C’est au travers de ces deux axes que l’adhésion des
sens qui va à l’encontre des intérêts des organisa-
acteurs au processus de réforme a été recherchée.
tions et des acteurs en place.
1. Au sujet de l’axe de la répartition des droits de
propriété, on observe que les choix opérés ont
privilégié les arrangements intermédiaires entre
A c t e s

la pleine propriété publique et la pleine propriété


5. Voir Journal of Institutional and Theoretical Economics, privée. En effet, la théorie des droits de propriété
156(1), mars 2000, consacrée aux réformes économiques, a depuis longtemps montré que le contenu des
notamment la note introductive par D. North.

25
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

droits de propriété est tridimensionnel: le droit ou par séparation juridique dans sa forme la plus
de propriété sur un actif est composé du droit élaborée. Sur ce plan, on observe que l’exploita-
d’utiliser cet actif, de lui faire changer de forme tion du secteur a été partout confiée à un mono-
ou de substance, et du droit de transférer tout ou pole privé, le plus souvent intégré en production,
partie des droits relatifs à cet actif. Dans le cas des sans que la séparation verticale, même a minima,
réformes électriques en Afrique subsaharienne, soit imposée6. Hormis l’introduction de la
on observe que les États propriétaires des entre- production indépendante, l’intégration verticale
prises électriques n’ont pas renoncé à la totalité a été presque partout préservée.
des droits de propriété. Dans la plupart des cas, le La combinaison de ces deux axes a débouché sur
droit d’usage des infrastructures a été transféré au une variété de formes organisationnelles toutes basées
secteur privé et le droit de décision résiduelle, sur une contractualisation entre l’État (ou une de
conservé par les États propriétaires. On observe ses parties) et l’investisseur privé (Tchapga, 2002 ;
aussi, quel que soit l’arrangement des droits de Karekezi et al., 2002). Il s’agit des contrats d’affermage,
propriété retenu, que le transfert des droits aux des véritables contrats de concession, des contrats
acteurs privés a été limité dans la durée. Du point Construction–Exploitation–Transfert (CET)7 et de leurs
de vue de la faisabilité des réformes, l’intérêt des variantes, etc. D’une manière générale, les formes
formes de transfert de propriété qui ont émergé a organisationnelles émergentes ont plus ou moins élargi
été d’aménager un certain degré d’acceptabilité les responsabilités sectorielles confiées aux acteurs
sociale des réformes, notamment parce qu’elles privés.
ont conservé certaines prérogatives des droits, au
sens où l’entend la théorie des droits de
propriété, dans le domaine public. En effet, ces Conclusion
arrangements ont permis aux pouvoirs publics de L’objectif de ce papier était, premièrement, d’offrir
maintenir un contrôle étroit sur l’activité et de une grille d’analyse des réformes électriques de
répondre à la critique de braderie des intérêts première génération dans les pays francophones
nationaux et de « mainmise étrangère » sur le d’Afrique subsaharienne et, deuxièmement, d’ouvrir
service public d’électricité. la discussion sur le degré de cohérence entre ces
2. Au sujet des modifications structurelles, on réformes et celles de deuxième génération engagées
observe que les choix opérés, tant en matière de depuis plus de deux ans en Afrique de l’Ouest.
séparation verticale qu’horizontale, ont été Les difficultés de financement du modèle
proches du modèle traditionnel. La séparation traditionnel d’organisation des industries électriques
horizontale revient à ouvrir les activités potentiel- dans les pays francophones d’Afrique subsaharienne
lement concurrentielles aux nouveaux acteurs. ont été le principal fondement des réformes de
Cette dimension a presque partout concerné première génération. Toutefois, les mutations de
l’activité de production uniquement, notamment l’environnement économique et institutionnel en
avec l’autorisation de la production indépen- ont été des facteurs décisifs, notamment en ce qui
dante. La gestion monopolistique de l’activité de concerne les nouvelles exigences des bailleurs de
fourniture (commercialisation) de l’électricité a fonds. La conception des réformes et leur mise en
été maintenue. La séparation verticale, quant à œuvre ont subi le poids, d’une part, des caracté-
elle, revient à établir une distinction claire entre ristiques des systèmes de la sous-région et, d’autre
les différentes activités du secteur (production/ part, des compromis sociaux au cœur de leur
A c t e s

transport/distribution/fourniture). Sa mise en
œuvre peut se faire a minima à travers une sépa- 6. Voir Energy Policy de septembre 2002, vol. 30 (numéro
consacré aux réformes électriques en Afrique).
ration comptable, ou a maxima par filialisation
7. Équivalent au BOT (Build, Operate, Transfer).

26
Les réformes du secteur électrique

fonctionnement antérieur. Dans ces conditions, les Libecap, « Distributionnal issues in contracting for
réformateurs ont cherché, en accord avec les con- property rights», Journal of Institutional and Theo-
traintes propres à l’environnement institutionnel, à retical Economics, vol. 145, 1989.
atténuer les effets redistributifs des réformes, favo- North, C.D., Institutions, Institutionnal change and
risant par ce biais l’adhésion des acteurs. La consé- economic performance, Cambridge University Press,
quence visible de l’atténuation des effets redistri- 1990.
butifs a été l’hybridation des choix organisationnels,
tous basés sur une contractualisation entre l’État (ou Pineau, P.-O., «Electricity sector reform in Cameroon: is
privatization the solution?», Energy Policy, vol. 30,
une de ses parties) et l’investisseur privé.
2002, p. 999-1012.
Le poids de l’environnement institutionnel sur
Pineau, P.-O., «Transparency in the dark – An assess-
l’ensemble du processus de réforme soulève une
ment of the Cameroonian electricity sector reform»,
nouvelle question de recherche, qui est de savoir si les
Working Paper, April 2004, www.uvic. ca/padm/.
choix organisationnels opérés favorisent une cohé-
rence forte ou faible entre la première et la seconde Plane, P., « Les services publics africains à l’heure du
génération des réformes dans les pays francophones désengagement de l’État: changement conservateur
d’Afrique subsaharienne. Cette perspective de ou progressiste?», Annales des mines, n° 52, 1998.
recherche consisterait, premièrement à caractériser, Tchapga, F., « L’ouverture des réseaux électriques des
pour la communauté de pays actuellement engagés pays d’Afrique subsaharienne aux capitaux privés:
dans la seconde génération de réformes, les choix Choix organisationnels et contraintes institution-
organisationnels effectués par chacun de ces pays nelles», thèse de doctorat en sciences économiques,
dans le cadre des réformes de première génération et, Université Paris 13, juin 2002 (consultable sur
deuxièmement, à développer une démarche analy- www.grjm.net).
tique permettant d’évaluer le degré de cohérence Tchapga, F., « La relance de l’investissement sectoriel
entre les deux générations de réformes. par le pool électrique intégré de la CEDEAO: État
des lieux des appuis institutionnels », commu-
Bibliographie nication au Second Sommet de l’Énergie en
ECOWAS, Vision statement and action plan for West Afrique, Dakar, décembre 2003.
Africa Power Pool Project, Abuja, Nigeria, janvier World Bank, «Reforming Infrastructure. Privatization,
2002. Regulation, and Competition», A World Bank Policy
Girod, J., « L’évolution des industries électriques en Research Report, World Bank & Oxford University
Afrique de l’Ouest : quelles leçons ? », Communi- Press, 2004.
cation au colloque «Les entreprises électriques dans
les PVD: quel avenir?» Université Paris dauphine,
1997.
Karekesi, S. et Kimani, J., « Status of power sector
reform in Africa : impact on the poor », Energy
Policy, vol. 30, 2002, p. 999-1012.
Levy, B. et Pablo, T. Spiller, «The institutional founda-
tions of regulatory commitment : a comparative
analysis of telecommunications regulation», Journal
A c t e s

of law, economics and organization, vol. 10 (2), 1994,


p. 201-246.

27
L’économie néo-institutionnelle appliquée aux réformes
électriques concurrentielles
Yannick PEREZ
Maître de conférences en Sciences Économiques
Groupe Réseaux Jean-Monnet – ADIS
Université de Paris-Sud 11

From the viewpoint of standard economic theory, L’articulation des deux dimensions du cadre
wholesale markets for electricity are inherently d’analyse de la Nouvelle Économie Institutionnelle
incomplete and imperfectly competitive. (NEI) permettra de traiter de ce problème. D’une
Wilson (2002, p. 1300) part, les principaux concepts de la Théorie des Coûts
de Transaction (TCT) permettent de caractériser les
Par la synthèse des expériences de réformes électri- difficultés transactionnelles particulières de l’industrie
ques, il est possible de dresser un outil de compré- électrique. L’enjeu est de concilier coordination tech-
hension des relations entre les parties prenantes aux nique et économique dans un système électrique con-
réformes concurrentielles qui marquent la remise en currentiel. D’autre part, les analyses des environne-
cause de l’intervention publique. L’identification des ments institutionnels permettent de déterminer les
formes que prennent à la fois l’incertitude et possibilités de transformation des cadres industriels et
l’opportunisme permet de distinguer un triangle de réglementaires, et de prendre la mesure de la diversité
relations opportunistes que la nouvelle structure de des solutions de réforme dans un cadre unifié (Perez,
gouvernance devra gérer. Cette identification permet 2002; Chabaud, Parthenay et Perez, 2005a, 2005b).
alors la compréhension des difficultés inhérentes à
toutes les réformes des industries de réseaux. Les objectifs de cet article sont: (1) de justifier le
choix d’utiliser une lecture des réformes par la com-
plémentarité des analyses de la Nouvelle Économie
Introduction Institutionnelle, (2) de caractériser les réformes
Les problèmes théoriques soulevés par la réforme de comme une série de choix d’encadrement des
l’industrie électrique sont multiples. Les choix transactions contraints à la fois par les caractéristiques
devant être réalisés par les autorités publiques des transactions et la nature des environnements
engagent un grand nombre de dimensions : les institutionnels.
transferts de droits de propriété vers des opérateurs
privés (Graham et Prosser, 1991), l’opérationna- L’approche néo-institutionnelle
lisation de la segmentation des monopoles verti- des réformes électriques
calement intégrés (Joskow et Schmalensee, 1983), le
La position de l’économie néo-institutionnelle par
niveau de dé-intégration verticale et la définition du
rapport à la nouvelle économie de la réglementation
nombre d’acteurs en production (Green et Newbery,
repose sur le même type de problème. Ainsi, les
1992) et en distribution (Joskow, 2000), les transfor-
tenants de la nouvelle économie de la réglementation
mations des anciennes structures de subventions
considèrent que la réglementation du monopole est
croisées (Surrey, 1996), les architectures de marchés
possible et optimale si des mécanismes incitatifs assez
électriques et les règles de fixation des prix (Wilson,
A c t e s

efficaces sont mis en place, et s’ils sont correctement


2002) et, enfin, les diverses structures de supervision
supervisés (Laffont et Tirole, 1993, 2000). La position
mises en place pour encadrer la production régle-
de la TCT par rapport à ces travaux est de souligner
mentaire après l’introduction des réformes.

29
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

que les seules difficultés contractuelles étudiées sont l’analyse néo-institutionnelle2. D’une part, une
liées aux asymétries d’information. Cette limitation réforme s’appuie sur l’environnement institutionnel
permet la modélisation des travaux, mais n’autorise pour le transformer ; d’autre part, elle introduit les
pas de rendre compte de la complexité des problèmes nouvelles structures de gouvernance devant encadrer
d’encadrement des transactions ni de la diversité des les transactions, tout en garantissant une gestion de
solutions possibles pour y parvenir (Brousseau, 1993). l’opportunisme et la flexibilité face à l’incertitude. Il
De même, malgré leur intérêt dans certains autres convient donc de présenter le cadre d’analyse des
réseaux, télécommunication, chemin de fer (Yvrande- réformes qui apparaît le plus approprié, puis de
Billon, 2000), les théories des contrats de franchise l’appliquer en distinguant les apports de la dimension
développées par Demsetz (1968) ne semblent pas transactionnelle et de la dimension institutionnelle.
adaptées au secteur électrique. Il existe dans ce secteur
un tel besoin de coordination des activités, une La complémentarité des approches
spécificité des actifs si importante et une incertitude en termes d’économie
telle que la portée des seuls processus d’enchères pour institutionnelle
produire des réformes électriques efficaces est
La Nouvelle Économie Institutionnelle distingue deux
impossible (Crocker et Masten, 1996).
dimensions complémentaires dans l’analyse de la
Toutefois, les études empiriques connaissent des réforme des industries de réseau : la dimension des
problèmes méthodologiques (Prosser, 1999). Les coûts de transaction et la dimension de l’analyse
études empiriques sur les structures de régulation institutionnelle. Les catégories analytiques développées
montrent la grande variété des acteurs influençant le par Williamson fournissent un éclairage sur la réalité,
processus de régulation. Sont en jeu un grand nombre à partir d’hypothèses qui se veulent pragmatiques. Les
d’éléments comme les structures des agences de hypothèses comportementales, de rationalité limitée
régulation, les structures administratives, les formes et d’opportunisme, semblent fécondes pour cerner la
des parlements, les compétences des pouvoirs judi- transformation et le fonctionnement des réformes
ciaires… et plus généralement encore dans les écrits électriques. S’inscrivant dans la filiation d’Herbert
de sciences politiques le rôle des groupes de pression, Simon, Williamson et North développent leurs
des entrepreneurs politiques et, encore plus générale- analyses à partir d’une hypothèse de rationalité limitée
ment, des idées politiques. En comparaison des des agents3. Cette hypothèse souligne la limitation de
modèles formels souvent décriés pour leurs trop leurs capacités d’acquisition et de traitement de
grandes simplifications, les études empiriques «détail- l’information. L’hypothèse d’opportunisme permet
lées et plus réelles » souffrent souvent d’un indéter- d’éviter les lectures naïves des réformes, où la coopé-
minisme fondamental. Ces études de cas s’achèvent ration doit être construite et ne résulte pas d’un «ordre
souvent sur un pluralisme a-théorique qui ne permet naturel». Limités par ces deux hypothèses comporte-
aucune prédiction ou capacité à généraliser1. mentales, les choix des agents répondront à une
Pour résoudre ce problème, il faut ici appliquer recherche d’efficacité, mais ne relèveront pas d’une
les enseignements de la Théorie des Coûts de Tran- optimisation des comportements. Il convient de ce
saction et de l’analyse institutionnelle composant les fait de caractériser les transactions électriques pour en
deux branches de la Nouvelle Économie Institution- déterminer les contraintes d’encadrement. Selon
nelle. Dans cette perspective, une réforme d’une Williamson (1996), trois dimensions caractérisent
industrie de réseau met en jeu les deux dimensions de
2. Voir également Finon et Perez (2005 et 2006) pour une
A c t e s

application de la NEI aux mécanismes de promotion des


énergies renouvelables.
1. Prosser (1999) : « ending up with a sort of a-theoritical 3. Voir Chabaud, Parthenay et Perez (2005c) sur l’évolution
pluralism», p. 205. de la pensée de North.

30
Les réformes du secteur électrique

l’efficacité d’un mode de gouvernance des transac- «La concurrence là où elle est possible»
tions : la spécificité des actifs, l’incertitude et la L’introduction de la concurrence là où elle est possible
fréquence des transactions. Les modes de gouvernance conduit à envisager une séparation entre «infrastruc-
doivent ensuite s’inscrire dans un environnement ture4 » et «services», et renvoie à la question fonda-
institutionnel qui aura pour fonction de garantir la trice des frontières de la firme et du marché (Coase,
stabilité et la flexibilité de ces modes dans le temps. 1937), qui s'appuie sur la définition donnée par
Le recours à l’internalisation des activités au sein Williamson (1985) selon lequel: «une transaction est
d’une entreprise verticalement intégrée, où la prise de un échange de bien ou de service entre une interface
décision est réalisée de façon hiérarchique et centra- à technologie séparable». Cette définition s’applique
lisée, n’est pas sans conséquences sur la capacité clairement dans le cas du système électrique, dans la
d’incitation à l’efficacité productive. De nombreuses mesure où il est possible de caractériser chacune des
critiques sont venues ébranler les diverses justifica- transactions, et de repérer des entités qui sont «tech-
tions économiques, politiques et sociales qui garan- nologiquement séparables». Joskow et Schmalensee
tissaient le mode de fonctionnement verticalement (1983) montrent par ailleurs que la séparation analy-
intégré (Joskow, 2000, 2003 ; Hunt, 2002). Ce tique entre le «bien» électricité et le transport d'élec-
modèle, permettant un développement accéléré tricité comme «service» permet de considérer l’offre
d'actifs lourds en capital et capable de soutenir la d’électricité comme une succession de transactions
réalisation de nombreux objectifs de politique «isolables», interdépendantes5 et complémentaires6.
publique, présente des défauts d'incitation à l'effica- Il est alors possible de déterminer un prix pour
cité productive et à l'adaptabilité technologique en l’énergie, un prix pour le service du transport de cette
phase de maturité des débouchés et de progrès énergie en distinguant le traitement des congestions
technologiques rapides et variés (Joskow, 1991). et des pertes, un prix pour la fourniture de services
ancillaires et l’ajustement des écarts.
L’analyse des «coûts de transaction» Toutefois, dans un système électrique, la dé-
L’analyse transactionnelle de Williamson et les déve- intégration verticale ne peut être que relative. Un
loppements qui ont vu le jour dans le secteur système électrique reste logiquement intégré au sens
électrique permettent de cerner deux problématiques où les interdépendances et les complémentarités
majeures des réformes. La première correspond au technico-économiques entre les différents maillons de
problème des limites de la firme intégrée. L’intro- la chaîne de production interdisent une dé-intégration
duction de mécanismes concurrentiels, là où ils sont
possibles (Littlechild, 1983; Percebois, 2001; Hunt,
2002), nécessite que les fonctions de l’organisation 4. Dans le secteur électrique, l’infrastructure est constituée de
lignes, de transformateurs, de nœuds de répartition… alors
industrielle soient considérées. Cette phase de que les services d’exploitation concernent tout ce qui a trait
réflexion initiale permet d’identifier les problèmes au dispatching et à la fourniture de services auxiliaires, à la
transactionnels que les nouvelles structures de gouver- gestion des congestions et des pertes, et enfin, à la topologie
nance devront chercher à résoudre. De ce fait, la du réseau.
logique d’intégration des activités, ou du recours à un 5. Il s’avère plus efficace d’exploiter les unités de production,
le réseau de transport et de distribution de façon conjointe,
marché pour faire, ou faire faire, peut s’appliquer avec ce qui favorise l’organisation interne et la centralisation des
profit dans la réforme de l’industrie électrique. La décisions au sein d’une même entreprise.
seconde dimension correspond à la réflexion sur les 6. Ainsi, les économies d’échelle réalisables en production ne
A c t e s

structures de gouvernance qui doivent encadrer les peuvent exister que dans la mesure où le réseau de transport
transactions. assure une liaison correcte entre les diverses installations.
De surcroît, celles-ci peuvent être accrues lorsque la
planification et la gestion des groupes de production sont
effectuées de façon coordonnée.

31
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

verticale «complète» des décisions opérationnelles7. spécifiques à chaque réforme. Ces différents méca-
Kleindorfer (1998) analyse cette ambiguïté de la dé- nismes entraînent des coûts de transaction liés à
intégration verticale dans le secteur électrique en l’utilisation du mécanisme de prix sur le marché
remarquant que « ce qui doit être dé-intégré pour (Coase, 1960), ou aux coûts de surveillance et de
assurer la transparence et la concurrence doit être monitoring du processus de contractualisation. Cette
réintégré pour assurer des services d’exploitation approche élargit l'analyse des modalités de coordi-
efficaces». nation centrées sur le marché aux mécanismes de
coordination «hors marché». Dans un système inté-
De ce fait, le « lien » vertical entre les différentes
gré, l’opérateur du système a une connaissance parfaite
activités électriques est assuré par une entité centra-
des coûts des centrales, ce qui permet une utilisation
lisée : l’opérateur du système. Pour effectuer cette
optimale des ressources. À l’inverse, dans un système
tâche, cet opérateur doit disposer d’une information
dé-intégré, il ne dispose que des prix proposés par les
parfaite sur les caractéristiques opérationnelles des
producteurs, qui ne sont pas obligés de révéler les coûts
unités du parc, leur disponibilité ainsi que sur les
réels. Une nouvelle forme d’opportunisme apparaît
caractéristiques des infrastructures. Les producteurs
par l’introduction de mécanismes concurrentiels.
ne doivent pas produire ni injecter leur électricité s’ils
n’ont pas été autorisés à le faire par l’opérateur du Quelles structures de gouvernance
système qui, seul, a la capacité d’équilibrer le système des transactions électriques?
électrique en sollicitant les producteurs (et les con-
sommateurs) quand il en a besoin8. Cet accès imposé Il s’agit maintenant de déterminer la forme d’organi-
aux capacités de production ne pose pas de problème sation la plus efficace des transactions considérées.
dans une firme intégrée. Cependant, il devient plus La recherche de l’efficacité s’effectue en choisissant
délicat9 à exercer lorsque l’opérateur du système et les de façon discriminante les structures de gouvernance
producteurs sont des firmes distinctes, et que les en fonction des attributs des transactions. La réponse
producteurs sont en situation de concurrence. à cette question se trouve essentiellement dans les
économies réalisées grâce à l’affectation judicieuse
Cette mise en œuvre de la concurrence passe par des transactions à une structure de gouvernance
la mise en place d’une coordination des activités plutôt qu’à une autre, compte tenu des coûts de
formelles sous la forme de combinaison de méca- gouvernance liés à la planification, à l’adaptation et
nismes hiérarchiques ou de mécanismes de marché au contrôle qui, en présence de rationalité limitée et
d’opportunisme des individus, sont incontournables.
7. Cette situation de dé-intégration complète impliquerait Les sources des coûts de transaction reposent sur les
que chaque activité puisse être conduite indépendamment attributs de ces transactions, à savoir, respectivement,
des autres dans le temps et dans l’espace, ou encore que les
investissements puissent être réalisés de façon autonome.
le degré de spécificité des actifs, le degré d’incertitude
Compte tenu des contraintes techniques, cette situation est des transactions et la gestion de l’opportunisme, et
strictement impossible sur un réseau électrique. enfin des problèmes de mesure et d’externalité.
8. L’attribution de la responsabilité des flux électriques qui
transitent sur le réseau à un unique «centre de conduite du La spécificité des actifs
réseau » implique qu’il ait l’autorité sur : 1) l’appel des Williamson identifie cinq sortes de spécificités des
centrales et 2) la coupure de l’alimentation des consom-
mateurs. actifs : la spécificité de site ; la spécificité de l’actif
9. La délégation du pouvoir de décision à l’opérateur du physique10 ; la spécificité de l’actif humain ; la
système ne pose pas de problème en soi, mais une difficulté
apparaît par « l’opérationnalisation » de ce pouvoir en
A c t e s

10. La spécificité physique peut être également neutralisée par


fonction (1) de la nature de la séparation verticale choisie, la définition réglementaire de standards ou de normes
(2) des problèmes et de l’existence de pouvoir de marché, d’interopérabilité. La spécificité physique de ces activités
(3) de la présence de comportements opportunistes et enfin est faible ou nulle, car l’électricité est un produit fortement
(4) des conflits d’intérêts. normalisé depuis longtemps.

32
Les réformes du secteur électrique

spécificité de l’actif dédié et enfin la spécificité tempo- mais subsistent toujours sous la forme d’une dépen-
relle. Dans le cadre des hypothèses de rationalité dance de la production aux contraintes de transport
limitée et d’opportunisme qui structure les réflexions soit des matières premières, soit du bien électrique
de la TCT, la constitution de ces actifs nécessite un sur les réseaux13. Dans le secteur électrique, la
investissement spécifique et induit une forme de spécificité de site offre parfois aux opérateurs des
dépendance que la structure de gouvernance doit être pouvoirs de marché locaux importants. Le pouvoir
en mesure de coordonner efficacement. Théori- de marché est local au sens où un producteur tire
quement, un actif est spécifique s’il ne peut être son pouvoir de marché de sa localisation dans une
redéployé sans perte de valeur productive en cas d’in- zone géographique donnée, dont les frontières
terruption ou d’achèvement prématuré du contrat dépendent des contraintes de réseau (essentielle-
(Williamson, 1996). Les investissements spécifiques ment les congestions), et des investissements en
correspondent alors à des investissements durables et production et en infrastructures de transport. Le
non redéployables sans coûts. Si la relation est bila- pouvoir de marché local est sans doute la forme de
térale, ils enferment les deux parties dans une situa- pouvoir de marché la plus symptomatique du
tion de dépendance qui accroît les risques d’oppor- secteur électrique, car elle repose sur l'existence de
tunisme. De ce fait, la présence d’actifs spécifiques contraintes de réseau de transport, et sur les pro-
crée une quasi-rente organisationnelle appropriable priétés de circulation des flux électriques dans le
qui suscite les convoitises et pousse à des renégo- réseau. Elle est aussi la plus délicate à analyser, car
ciations entre les contractants11. Cette quasi-rente elle implique de prendre en considération de façon
valorise la continuité de la relation et conditionne la explicite la configuration du réseau d’une part, mais
productivité de ces actifs spécifiques à son articulation aussi les règles de circulation dans le réseau, ce qui
avec les autres facteurs de production. Néanmoins, en introduit une dimension technique particulièrement
présence d’actifs spécifiques, il est nécessaire de coor- complexe. L’objectif est alors d’identifier les com-
donner étroitement les relations entre contractants. portements stratégiques qui consistent à utiliser les
Dans le secteur électrique, la spécificité des actifs externalités de réseau pour exercer un pouvoir de
prend trois formes déterminantes : la spécificité de marché sur le marché spot, et à pratiquer un «hold-
site, la spécificité temporelle et la spécificité des up » sur l’opérateur du système ou sur ceux qui
actifs dédiés. D’abord, la spécificité de site reflète payent les coûts supplémentaires liés aux conges-
l’importance du choix de la localisation des unités tions ou aux externalités (Joskow, 2000). Cepen-
de production, notamment des plus capitalistiques. dant, cette zone géographique est « mouvante », au
Compte tenu de cette caractéristique, la production gré des congestions et des contraintes techniques,
d’électricité requiert une planification optimale selon le niveau de tension entre l'offre et la demande
cherchant à réaliser des économies de localisation en à l'échelle du système. Surtout, certains producteurs,
fonction des possibilités d’approvisionnement en du fait de leur pouvoir de marché, peuvent influer
combustible et des contraintes environnementales. sur l'étendue de la zone géographique sur laquelle
L’installation des centrales est déterminée par la ils interviennent, en créant volontairement des
proximité avec une source d’énergie primaire12, ou congestions (Borenstein, Bushnell, Stoft, 1998 ;
de moyens de transport adaptés aux flux de ces Wolfram, 1999; Stoft, 2002). Cette stratégie est une
matières premières. Ces économies s’épuisent avec conséquence directe de la déréglementation, et de
l’interconnexion des réseaux et leur densification,
A c t e s

13. Ces contraintes seraient moins importantes si le réseau de


11. L’objet des négociations porte alors sur l’appropriation transport était parfaitement maillé et que la localisation des
d’une partie plus importante de la quasi-rente. unités de production devenait anodine. Un réseau parfai-
12. Comme les mines de charbon, par exemple en Espagne, tement maillé est une entreprise extrêmement coûteuse
aux États-Unis et en Allemagne. concrètement.

33
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

l’introduction de la concurrence en production. suffisante. Mais la gestion des interdépendances


Dans un monopole verticalement intégré, il n’y a découlant de la spécificité temporelle peut aussi
pas d’incitation à créer des congestions, car il n’y a demeurer dans une structure bilatérale en cas de
aucun profit à en tirer, alors que les coûts peuvent symétrie d’engagement entre les deux partenaires
être très élevés. Dans le secteur électrique, la spéci- (Aoki, 1988), ou se placer efficacement dans les
ficité de site offre aux opérateurs des pouvoirs de mains d’une autorité spécialisée en cas de relation
marché locaux importants. Ce risque de compor- multilatérale (Ménard, 1995 et 1997).
tement opportuniste est très délicat à prendre en
Enfin, la dernière forme de spécificité des actifs
charge au niveau de la définition des règles de fonc-
concerne la spécificité de l’actif dédié. Cet actif est très
tionnement du nouveau système de coordination
présent dans l’industrie électrique dont les actifs sont
des activités électriques. Une structure de gouver-
à la fois capitalistiques et très faiblement redéployables
nance ex post doit permettre d’éviter l’abus de
vers d’autres activités économiques. Noll, Cowan et
position dominante au niveau local, bien que cette
Shirley (2000) montrent que, dans ce cas, l’opportu-
tâche ne soit pas évidente sur le plan analytique.
nisme gouvernemental s’exprime plus facilement par
La seconde forme de spécificité présente dans le des possibilités d’expropriations relatives ou absolues.
secteur électrique concerne la spécificité temporelle. L’expropriation absolue consiste en la nationalisation
Elle résulte de l’importance de la synchronisation des des actifs dédiés privés ; l’expropriation relative ne
actions et des réactions des opérateurs afin d’assurer porte que sur la captation par une réglementation
la coordination technique des systèmes électriques en publique de la quasi-rente organisationnelle issue des
temps réel avec, à la fois, une confrontation des offres actifs spécifiques. Ces auteurs distinguent deux types
et des demandes, et la gestion des aléas. Compte tenu de rentes présentes dans les industries de réseaux. La
de la spécificité temporelle très importante, la coopé- première est induite par la présence d’un réseau en
ration entre les maillons de production et de trans- monopole naturel qui permet parfois l’extraction de
port, par le biais du dispatching, est une exigence rentes de monopoles que l’on distribue aux groupes
absolue pour la meilleure performance du système de pression, ou aux fournisseurs de matières premières
électrique14. La spécificité temporelle nécessite une en difficulté. La seconde découle de la nature des
structure de gouvernance ex post, mais plusieurs investissements et de la durée des immobilisations de
genres de structures demeurent possibles15. Cette capital, et de la présence de quasi-rentes potentiel-
spécificité temporelle seule peut pousser à l’intégra- lement exploitables. En effet, la production électrique
tion verticale (la « gouvernance unifiée ») si les rela- est une énergie secondaire qui s’obtient en mobilisant
tions de dépendance entre utilisateur et fournisseur plus ou moins facilement en intensité, et en coûts,
sont très asymétriques, car une gouvernance « bila- plusieurs sources d’énergie primaire dans un processus
térale» ne serait pas, dans ce cas, une garantie ex post de production aux investissements initiaux très
importants. Les actifs spécifiques et la durabilité des
14. Le dispatching central doit pouvoir bénéficier de l’effet de actifs induisent la présence de quasi-rentes qui doivent
foisonnement lié à la loi du grand nombre. Le réseau
électrique permet un regroupement des clientèles et favorise
théoriquement revenir aux investisseurs. Néanmoins,
un effet de foisonnement. Il est défini comme un effet compte tenu de la nature politique qu’ont prise la
positif de lissage des niveaux de consommation qui est production, le transport et la commercialisation
corrélé à l’étendue géographique du réseau et au nombre d’électricité, cette quasi-rente a fait l’objet de bien des
de clients aux consommations différenciées dans le temps
qui y sont reliés. En effet, plus le réseau est étendu, plus il manipulations. Dans les pays développés16, la litté-
permet que le niveau de demande moyenne adressée aux rature sur la capture des gouvernements par les
A c t e s

producteurs reste dans l’espace de la production de base ou


de semi-base, production dont on a vu qu’elle est la moins 16. En Amérique latine, le problème de la distribution de cette
coûteuse. quasi-rente s’applique à l’ensemble des consommateurs par
15. Comme le montre la diversité des expériences nationales. des prix de fourniture très bas (Rufin, 2003).

34
Les réformes du secteur électrique

opérateurs historiques est importante. La rationa- titude dans le cadre de la TCT. En introduisant la
lisation des effectifs électriques (Newbery, 2005), la dimension de l’environnement institutionnel, l’incer-
remise en cause des subventions accordées au secteur titude peut devenir institutionnelle. Ainsi, les change-
charbonnier national (Arocena, 1998) et, dans une ments de rythme de croissance économique, l’intro-
moindre mesure, les politiques de promotion de duction du progrès technique appliqué aux nouvelles
l’énergie nucléaire (Surrey, 1996) peuvent se com- technologies de production, les dynamiques régle-
prendre comme une lutte d’influence pour conserver mentaires environnementales, les modifications des
ou perdre une partie de ces rentes électriques. préférences du gouvernement induisent une incerti-
tude institutionnelle. Les structures de gouvernance
L’incertitude et l’opportunisme introduites pour gérer les transactions électriques
La capacité d’adaptation aux continences d’une doivent donc faire face à trois formes d’incertitude:
structure de gouvernance est mise à l’épreuve par une incertitude stratégique, une incertitude inno-
l’incertitude dérivant des aléas de la mesure et des cente et enfin une incertitude institutionnelle. Ces
comportements non prévus des acteurs. Dans la trois formes d’incertitude contraignent les méca-
littérature de la Théorie des Coûts de Transaction, nismes de coordination des activités et les structures
deux types d’incertitude sont pris en compte; l’incer- de gouvernance les encadrant. Dans le cadre de la
titude stratégique, qui reflète la propension à l’op- TCT, le couple mécanisme de coordination – struc-
portunisme des agents, et l’incertitude innocente, ture de gouvernance doit donc être en mesure de
qui dérive de la rationalité limitée. L’introduction du limiter l’opportunisme causé par cette incertitude.
gouvernement dans cette constitution d’actifs spéci-
En introduisant la dimension des environnements
fiques conduit à prendre en compte une troisième
institutionnels, Spiller (1996), Levy et Spiller (1994)
forme d’incertitude, l’incertitude institutionnelle.
ainsi que Guasch et Spiller (1999) proposent une pré-
Cette dernière forme d’incertitude est conditionnée
sentation des principaux problèmes d’opportunisme
par les capacités d’interventions opportunistes dont
que doit résoudre une structure de gouvernance. Ces
disposent les gouvernements et nécessite un traite-
problèmes mettent en lumière les possibilités de com-
ment particulier.
portement opportuniste dans les relations trilatérales
L’insertion des environnements institutionnels entre (1) le gouvernement et les entreprises, (2) les
permet d’enrichir la vision traditionnelle de l’incer- entreprises et les consommateurs, et enfin (3) les

Figure 3.1
La gestion de l’opportunisme dans les relations entre le gouvernement,
les entreprises et les groupes de pression
Le gouvernement

Limiter l’opportunisme Limiter les demandes


gouvernemental et le risque de protection
d’expropriation
A c t e s

Les entreprises Limiter l’exercice des pouvoirs Les groupes


électriques de marché de pression

35
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

groupes d’intérêts17 et le gouvernement. Pour plus de La dernière dimension de l’opportunisme con-


clarté dans le traitement de ces questions, il est utile cerne les demandes de protection des différents
de construire un triangle d’opportunisme dans les groupes de pression (lobbies) au gouvernement.
industries de réseaux. Comme «groupe de pression» revêt une connotation
péjorative, nous lui préférerons le terme « partie
La première dimension de l’opportunisme s’ex-
prenante à la réforme» (stakeholders). La distinction
prime entre le gouvernement et les entreprises élec-
entre les deux termes porte sur la légitimité des
triques. L’enjeu est de limiter l’opportunisme gouver-
demandes des différents groupes sur une base histo-
nemental qui peut s’exprimer par une expropriation
rique. Les parties prenantes à la réforme sont donc des
relative ou absolue de la quasi-rente issue de la spéci-
groupes de pression historiquement présents dans la
ficité des actifs électriques. Pour ce faire, des garanties
filière électrique. La liste des parties prenantes et de
ex ante peuvent être demandées, mais elles doivent
leurs demandes de protection illustre la complexité et
également être accompagnées de mesures supplémen-
l’ampleur des contraintes de transformation des
taires ex post, car l’incertitude institutionnelle et la
anciens cadres réglementaires. Les parties prenantes
peur de l’intervention de l’État sont des notions clefs
peuvent demander des protections de nombreuses
qui ne permettent pas que de simples garanties
manières, et l’industrie électrique a été de diverses
ex ante soient suffisantes dans les industries de réseaux
façons instrumentalisée pour servir un grand nombre
(Moe, 1991; Moe et Howell, 1999; Moe et Cadwell,
d’objectifs politiques, sociaux et économiques assez
1994). Nous préciserons les conséquences de cet
éloignés de la seule efficacité de la fourniture (Joskow,
opportunisme gouvernemental avant, pendant et
1991; Surrey, 1996; Finon, 2001; Newbery, 2000).
après la réforme.
Les instruments économiques de ces demandes de
La deuxième dimension de l’opportunisme s’ex- protection couvrent un large éventail de remèdes allant
prime dans les relations entre les entreprises et les des subventions croisées aux subventions directes, des
consommateurs d’électricité. La possibilité d’utiliser contrats de fourniture de matières premières à des prix
des pouvoirs de marché locaux, l’existence d’un réseau supérieurs aux cours des marchés mondiaux aux choix
en monopole et l’absence de solutions de rechange à la de filières technologiques en fonction d’objectifs
fourniture électrique permettent à l’opportunisme des politiques d’indépendance, de logique de tarification
entreprises électriques d’être très important. Sans cadre identique en fonction des profils de consommation à
de réglementation, publique ou privée, cette dimen- l’aide aux consommateurs en difficulté…
sion de l’exercice d’un pouvoir de marché des opéra-
teurs électriques sur les consommateurs est cruciale. La seconde branche de la théorie des coûts
Compte tenu de la dépendance entre consommateurs de transations
et producteurs, si les consommateurs subissent l’op- Depuis les travaux fondateurs sur les implications
portunisme des opérateurs, ils peuvent s’en plaindre organisationnelles des problèmes de mesure par
devant les tribunaux, ou auprès du gouvernement. Alchain et Demsetz (1972), il est reconnu qu’une
Ces demandes de protection gouvernementale ne sont organisation économique doit satisfaire deux exigences
pas le simple fait des consommateurs; tous les groupes clefs: mesurer la productivité des imputs et les rému-
de pression ont, a priori, intérêt à demander ce type nérations des facteurs de production. Lorsque, pour
de protection au gouvernement. Ces demandes, diverses raisons18, il est difficile de satisfaire ces deux
soutenues par une activité de lobbying des groupes de exigences de mesure, l’incitation à la coopération,
pression, constituent le dernier problème d’opportu- nécessaire à la réalisation des échanges, diminue19.
nisme que le couple mécanismes de coordination-
A c t e s

structure de gouvernance doit limiter. 18. Technologiques ou autres.


19. Ceci, en raison du problème de la répartition des bénéfices
en fonction de la productivité marginale, est difficilement
17. Dont les consommateurs font partie. réalisable.

36
Les réformes du secteur électrique

Dans ce cas, une rémunération planifiée et centralisée nœud d’injection au nœud de soutirage par des
des facteurs de production peut, mieux que le marché, chemins différents en respectant les propriétés phy-
faire face aux problèmes de mesure. Plus l’information siques appelées « lois de Kirchoff », qui régissent
est coûteuse20, plus il est difficile de mesurer la pro- la circulation des courants selon le « chemin des
ductivité marginale des facteurs de production, électrons»23.
comme le fait le marché. Williamson présente d’ail-
leurs les problèmes d’externalités et de mesure comme Les externalités
constituant la «deuxième branche» de «l’économie des Les contraintes de sécurité des lignes de transport
coûts de transaction» (Wiliamson, 1985). sont très strictes. Les lignes à haute tension ne
supportent l’énergie transportée qu’en deçà de seuils
Les problèmes de mesure normés en voltage et en intensité. Le flux d'énergie
Dans l’industrie électrique, ces conditions d’informa- transmis sur une ligne de transport ou de distribution
tion coûteuse et limitée se vérifient par la présence des interconnectée à un réseau affecte instantanément les
externalités et des problèmes de mesure. Il est ainsi conditions dans lesquelles le flux d’énergie transite
très délicat de distinguer en tout temps qui est res- dans les autres lignes interconnectées. Tout change-
ponsable et doit couvrir les coûts de prévention et le ment affectant l’offre ou la demande d’électricité se
coût des conséquences des actions entreprises en propage sur l’ensemble du réseau sans que celui qui
production, en transport et en distribution. Dans le injecte ou qui soutire l’électricité puisse maîtriser
passé, ces coûts ne pouvaient pas être différenciés, car l’impact de son action. Un producteur qui injecte de
mesurer et manipuler un trop grand nombre de l’électricité dans le réseau modifie «involontairement»
signaux générait des coûts exorbitants, ou s’avérait et instantanément le trajet du courant et la répartition
strictement impossible. Il était alors accepté qu’il était des flux dans l’ensemble du réseau, positivement ou
impossible de réaliser la gestion des flux électriques négativement. Cette modification peut avoir un
par l’intermédiaire de mécanismes de marché. La impact positif – au sens où cela génère un gain
non-traçabilité de l’électricité et les lois de circulation d’exploitation au niveau du système – lorsque cela
de l’électricité dans les lignes de transport d’un réseau permet de résoudre une congestion, de fournir les
maillé21 sont des caractéristiques techniques qui ont « services auxiliaires » nécessaires au maintien des
un impact fort sur l’organisation des échanges. Un niveaux de fréquence et de tension ou d’assurer un
réseau maillé permet d’augmenter la fiabilité de l’en- secours en cas d’incident. Mais elle peut aussi avoir
semble du système et de diminuer les coûts en cas un impact négatif – au sens où cela entraîne un coût
d’incident, car il existe toujours plusieurs solutions d’exploitation pour le système – quand elle crée des
pour acheminer l’énergie d’un point A vers un congestions24, génère des pertes supplémentaires,
point B. Néanmoins, cette sécurité de distribution a augmente les transits de puissance réactive ou crée un
un inconvénient majeur pour l’opérateur du sys- déséquilibre qui affecte la qualité de l’électricité.
tème22 : elle rend la localisation et la traçabilité des flux La coordination technique permet un contrôle de
dans les lignes impossibles à déterminer a priori. En
la qualité du produit-électricité (variation de fré-
effet, l’énergie électrique peut être acheminée du
quence et de tension, harmoniques, coefficient de

20. En termes de création ou de gestion.


21. En Europe, les réseaux de transport à haute tension se 23. Ces lois établissent que, à plan de production donné, il
caractérisent par une structure maillée, ce qui signifie que n’existe qu’une solution pour acheminer les puissances. Elle
consiste à suivre les lignes de moindre résistance.
A c t e s

pour aller d’un point à un autre, il y a plusieurs chemins


disposés comme les mailles d’un filet. 24. Situation où les limites de sécurité des lignes de transport
22. Il est le «planificateur» centralisé, responsable de la sûreté sont atteintes et qui nécessite une modification du plan de
du système, c’est-à-dire de l’équilibre instantané et continu production ou de consommation électrique initialement
des flux physiques entre l’offre et la demande. prévu.

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et les expériences

réactivité, microcoupures) en éliminant les externa- mécanismes concurrentiels seuls. Toutefois, ce n’est
lités négatives. Elle ouvre sur l'exploitation d'externa- pas pour en appeler directement à l’intervention
lités positives par l'agrégation des offres et des publique, mais pour stimuler différentes formes
demandes, en assurant l'adaptation instantanée de «d’ordre privé» où les agents économiques négocient
l'offre aux fluctuations de chaque demande indivi- volontairement, et établissent entre eux les règles de
duelle et en mutualisant les risques de défaillance en comportement, les engagements et les sanctions
production. Elle permet également une économie sur nécessaires au développement de leurs relations.
les réserves de puissance. D’autre part, la coexistence
Depuis Goldberg (1976), la TCT dispose d’un
d’un potentiel important d’externalités négatives
cadre d’analyse des industries réglementées intro-
(congestions, black-out) et d’une forte spécificité tem-
duisant la notion de contrat administré implicite.
porelle (équilibre production-consommation en
Selon cet auteur, le contrat administré implicite est un
«juste à temps») a conduit au maintien de procédures
contrat de subordination à long terme qui nécessite
de coopération renforcée sur l’ensemble du secteur25.
que les parties négocient régulièrement pour s’adapter
Vers une identification des structures aux aléas rencontrés. Selon cette interprétation, les
de gouvernance commissions américaines qui encadrent les industries
réglementées s’appuient sur une forme de contrat
Dans le secteur électrique, la spécificité des actifs administré d’ajustement des termes du contrat. Le
électriques prend trois formes déterminantes : la contrat, entre l’agence, les consommateurs et la firme
spécificité de site, la spécificité temporelle et la spé- régulée, est donc collectif. Dans le cas américain, la
cificité des actifs dédiés. La combinaison de ces trois supervision de ces relations est assurée par le pouvoir
formes appelle alors la mise en place de structures de législatif. Les juges et les législateurs sont donc les
gouvernance qui puissent encadrer les règles de coor- agents qui collectent l’information, édictent et
dination des activités à la fois ex ante et ex post. modifient les règles du jeu en fonction des aléas et de
La coexistence d’externalités positives et négatives l’incertitude. Dans ce schéma, l’accent est mis sur la
appelle des solutions différenciées dans la perspective dimension temporelle, tandis que les questions de
de la TCT. Comme le souligne Glachant et Finon fixation des prix et de quantité sont considérées
(2003), certaines solutions reposent sur le design des comme des variables secondaires. Dans sa vision du
composantes ex ante de la relation contractuelle26. problème de la régulation, Goldberg insiste sur la
D’autres solutions reposent sur des mécanismes durée des relations permettant la gestion de l’incer-
ex post d’ajustement27. La plupart de ces extensions de titude, et la complexité transactionnelle par des méca-
l’analyse des coûts de transaction aux externalités et nismes de modification et de compensation ex post.
aux problèmes de mesure limitent le rôle joué par les
Figure 3.2
25. Ce sont les activités quotidiennes des « Gestionnaires de Le choix des modes de coordination
Réseaux»: le dispatching des injections d’électricité sur les des transactions
réseaux, l’approvisionnement du réseau en «services auxi-
liaires» – réserves, énergie réactive –, l’équilibrage physique Actifs spécifiques
offre-demande en temps réel et la gestion des congestions – Non
et le règlement commercial – des déséquilibres physiques. Oui
26. Agissant sur l’amont du contrat : ajustement ex ante des Incertitude
droits de propriété et des incitations, conception de bou-
quets d’incitations ou de menus d’actions autorisées Non
(Demsetz, 1968; Lafontaine et Raynaud, 2000).
A c t e s

Oui
27. Centrés sur l’aval du contrat et la gestion ex post du proces-
sus information-décision: attribution de droits de contrôle Marché Spot Contrat de franchise Contrats administrés
et de décision ex post à une des parties (Alchian et Demsetz,
1972; Aoki, 1988; Brousseau et Glachant, 2002). Klein (2000), Lafontaine et Raynaud (2000), Goldberg (1976).

38
Les réformes du secteur électrique

Dans la problématique de la réforme, l’approche une logique normative de réglementation, les pou-
de Goldberg est à la fois pertinente et limitée. Perti- voirs publics ont ainsi produit un cadre légal de
nente quand elle souligne le besoin de coordination fonctionnement du secteur électrique qui visait
et de flexibilité si l’environnement est incertain et les plusieurs objectifs: la prise en compte de la dimen-
transactions très spécifiques (Crocker et Masten, sion monopole naturel (plus ou moins étendue aux
1996). Mais limitée par le caractère «implicite» du activités de production) et la prise en compte de
contrat qu’elle adopte. Dans ce caractère se dissimule dimensions sociales par des subventions croisées et
une série de questions liées à la diversité des réformes des objectifs de redistribution des revenus entre les
et des dispositifs publics ou privés qui peuvent enca- différentes parties prenantes du secteur électrique. La
drer les transactions électriques. La complémentarité nouvelle économie institutionnelle propose une
de l’analyse transactionnelle et de l’analyse institu- économie de la réglementation qui ne repose pas sur
tionnelle est ici particulièrement sensible. la comparaison systématique avec la situation paréto-
optimale. Elle propose d’évaluer la pertinence de
La dimension des environnements l’intervention publique en fonction des compétences
institutionnels respectives des organisations publiques et privées à
Les nombreux coûts de transaction présents, la l’aune des attributs des transactions.
spécificité des actifs dédiés, la spécificité de site et la La réforme de l’industrie électrique est un pro-
spécificité temporelle appellent des structures de duit institutionnel mis en œuvre par les pouvoirs
gouvernance ex ante et ex post publiques ou privées publics. Ceux-ci doivent introduire, de fait, une
qui garantissent la stabilité et la flexibilité des méca- structure de gouvernance qui définisse ex ante et
nismes de coordination des activités, tout en limitant ex post les modalités de fonctionnement de l’organi-
les trois différentes formes d’opportunisme. Cette sation industrielle. Les contraintes suivantes ont été
indétermination des structures des formes de gouver- identifiées : (1) des difficultés techniques et écono-
nance est en partie résolue par l’introduction des miques de coordination, (2) la présence d’actifs
environnements institutionnels dans l’analyse des spécifiques et l’existence d’une quasi-rente organisa-
réformes. De l’ensemble des choix possibles, l’intro- tionnelle, (3) la présence de diverses externalités et
duction de la dimension d’analyse des environne- de problèmes de mesure, et enfin, (4) la présence
ments institutionnels permet de rendre compte des d’un triangle de comportements opportunistes. La
choix sélectionnés. nature et l’intensité des interventions des pouvoirs
L’intervention publique dans l’industrie électrique publics illustrent la complémentarité et la pertinence
trouve ses origines dans la convergence des préoc- de l’introduction des environnements institutionnels
cupations d’efficacité économique, politique, de dans l’analyse transactionnelle.
service public et de satisfaction des diverses demandes
des parties prenantes. Ces préoccupations se sont Environnement institutionnel et dimensions
traduites, à travers le temps, par une intervention plus transactionnelles
ou moins directe de la part des pouvoirs publics. Les Pour simplifier la présentation, dans un premier
arguments en faveur de cette intervention réglemen- temps, l’hypothèse que la capacité d’action des pou-
taire portent à la fois sur des raisons de protection des voirs publics n’est pas limitée institutionnellement
entreprises, des consommateurs et des objectifs poli- s’impose. Le gouvernement est donc en mesure d’agir
tiques très larges qui ont conduit à une série de sur les cadres réglementaires, la distribution des
mesures économiques de protection28. Appuyés sur revenus et l’efficacité du système électrique. De ce
A c t e s

fait, la loi et le règlement publics peuvent dé-intégrer


28. Voir Finon et Staropoli (2001) pour une analyse de ces verticalement les industries par diverses formes
mécanismes au niveau de l’industrie nucléaire française et d’«unbudling», plus ou moins contraignantes pour les
britannique.

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et les expériences

opérateurs. Les séparations prennent différentes infrastructures des réseaux qu’ils utilisent. Ainsi, la
formes selon qu’elles se limitent à l’aspect comptable spécificité de site peut être réduite, et parfois sup-
ou opérationnel des différentes activités ou bien primée, par l’attribution de « droits » d’accès et de
qu’elles concernent aussi la structure de la propriété. raccordement aux utilisateurs des infrastructures. De
Joskow (1996) distingue trois niveaux de séparation: même, la construction réglementée de connexions
1) la séparation comptable29, 2) la séparation orga- supplémentaires peut transformer la spécificité de
nique ou structurelle (filialisation) et 3) la séparation site en modifiant la topologie des réseaux30. De plus,
juridique. Ces formes de séparation rendent plus la spécificité temporelle peut être atténuée par la
crédibles ex ante les engagements de comportement désignation d’un responsable assermenté du synchro-
non discriminatoire des gestionnaires des infrastruc- nisme des flux. Sur la plupart des réseaux d’électri-
tures dans le cadre des séparations verticales de cité, les spécificités de site et les spécificités d’actifs
l’industrie électrique (Glachant et Lévêque, 1999). dédiés peuvent être réduites à leur minimum par le
nouveau cadre réglementaire ou par le maillage des
Ces choix de séparation verticale et horizontale
réseaux entre les compagnies et entre les pays. Ces
comprennent une dimension institutionnelle indénia-
spécificités ne réapparaissent fortement que par
ble, notamment quand ils ont pour point de départ
moments, ici ou là, notamment dans la gestion des
un monopole public verticalement intégré, exigeant
externalités négatives de réseau, les congestions, qui
une décision des autorités publiques concernant à la
deviennent un moment critique d’exercice de pou-
fois le degré de dé-intégration (ou de démantèlement
voirs de marché.
du monopole) et le choix de privatiser ou non. Par
ailleurs, quels que soient les choix qui sont faits La question de l’opportunisme gouvernemental
concernant les modalités de séparation verticale, des Il est essentiel de bien comprendre que la liberté
instruments de régulation adaptés doivent être mis en d’action dont jouissent les pouvoirs publics peut
place, notamment aux interfaces entre les différents également leur permettre d’agir avec opportunisme
segments. Ainsi, l’accès en production, l’accès aux dans la recomposition du mode d’organisation élec-
infrastructures et l’accès à la clientèle restent des trique. Sur cette troisième source de coûts de tran-
éléments devant faire l’objet d’une régulation. Ce saction, l’action réformatrice du gouvernement se
travail suppose une implication forte et un suivi des heurte au problème de la crédibilité des engagements
autorités en charge de la régulation du secteur. Au-delà dans un univers incertain. L’étude de l’environne-
de la définition de la séparation verticale et horizontale ment institutionnel montre que cet opportunisme
entre les activités, Glachant et Finon (2003) montrent gouvernemental (Moe, 1991; Levy et Spiller, 1994;
qu’a priori, la loi et les règlements publics peuvent Guasch et Spiller, 1999), conjugué avec les deux
également agir directement sur deux sources majeures autres formes d’opportunisme – les pouvoirs de
de coûts de transaction, soit la spécificité des actifs et marché et les demandes de protection des parties pre-
les problèmes d’externalités et de mesure. nantes –, pose un problème d’arbitrage entre la
L’action sur la spécificité des actifs et les problèmes stabilité des engagements et les gains permis par
de mesure l’adaptation aux évolutions des conditions. La diffi-
culté réside, comme le souligne Weingast (1995),
La réglementation publique peut changer la nature
dans le fait qu’un gouvernement assez fort pour
ou le degré de dépendance des utilisateurs envers les
protéger les droits de propriété des contractants l’est
également pour s’approprier les bénéfices de l’activité.
A c t e s

29. Dans ce cas, des garanties doivent être apportées quant à la


contestabilité effective du marché (notamment les condi-
tions d’accès aux infrastructures), la possibilité de verser des 30. L’accroissement des capacités d’interconnexion avec les
subventions croisées détournées et les conflits d’intérêts autres systèmes électriques est, à ce titre, particulièrement
qu’elle peut engendrer. efficace.

40
Les réformes du secteur électrique

Environnement institutionnel et intensité l’activité dans le cas des industries de réseaux régle-
des interventions publiques mentées. De ce fait, la réforme introduite par les
En levant l’hypothèse portant sur cette capacité pouvoirs publics est conditionnée par ces capacités de
d’action illimitée des pouvoirs publics, le problème négociation, aux effets de redistribution des res-
évolue et une analyse des capacités institutionnelles sources, et par la résistance permise par les dotations
de réforme est nécessaire. L’existence de diverses institutionnelles aux activités de lobbying.
capacités institutionnelles de réforme pose de nou-
velles difficultés dans l’analyse des réformes. D’une Environnement institutionnel et arbitrage
part, si les pouvoirs publics ne peuvent introduire de entre efficacité et redistribution
force une réforme, ils doivent la négocier avec les Il a été souvent considéré que les réformes étaient
parties prenantes. Dans ce contexte, la situation réalisées dans une logique économique de situation
initiale de l’industrie, les objectifs politiques, les Potentiellement Pareto Supérieure, «Potential Pareto
demandes des parties prenantes influencent le profil Superiority» (Sidack et Spulber, 1998, p. 219; Posner,
de la réforme; d’autre part, la complexité, la complé- 1992). Ainsi, la règle de compensation de Kaldor
mentarité et parfois les flous des dispositifs institu- (1939) et Hicks (1939), qui voudrait que les gagnants
tionnels31 existants permettent parfois de bloquer au sens de Pareto dédommagent les perdants, est une
l’action réformatrice des pouvoirs publics. Dans ce situation inapplicable concrètement. Les interven-
cas, le risque est que la réforme ne puisse aboutir, tions publiques ont deux motivations : la prise en
faute d’un accord suffisamment large. compte des défaillances du marché (market failure) et
la satisfaction des demandes de redistribution entre
North (1991) fournit un éclairage intéressant par
différents groupes de pression plus ou moins bien
l’accent mis sur les institutions et les voies d’action des
organisés32. Il convient de souligner que les diffé-
organisations, des partis politiques, des groupes de rentes parties prenantes disposent de capacités de
pression sur le contexte institutionnel. Ainsi, selon lui, négociation, d’organisation et d’influence différentes.
l’environnement institutionnel est l’ensemble des règles Ces négociations pour conserver ou accroître d’an-
fondamentales politiques, sociales et légales qui établit les ciens avantages33 peuvent conduire à des inefficacités
bases de la production, de l’échange, et de la répartition (Haggard, 2000; Newbery, 2000). La définition des
des revenus. Les règles gouvernant les élections, les droits conditions et des rapports de force préexistant avant
de propriété et le droit des contrats en sont des exemples. le changement de structure de régulation devient
Dans l’optique de l’analyse des réformes, il est impor- donc une question importante.
tant de souligner que les travaux de North permettent
également de distinguer les deux possibilités majeures Ici, nous ne faisons pas l’hypothèse que les
de comportement pour les organisations dans la groupes d’intérêts recherchent la maximisation du
perspective de la réforme : se plier aux nouvelles surplus global en intégrant l’ensemble des effets
contraintes ou les contourner. Ainsi, North souligne externes positifs et négatifs de leur action. Nous
dans le cas des firmes que le comportement de maxi- considérerons que chaque partie prenante cherche à
misation des firmes peut prendre la forme de choix accroître son revenu spécifique par une législation qui
réalisés dans l’ensemble des contraintes existant ou d’une lui soit favorable, comme les travaux fondateurs de
tentative de changer les contraintes. Ces activités de
lobbying sur la sphère politique, distinguées dans le 32. Ces problèmes de parties prenantes à la réforme qui
recherchent des protections collectives qui expliquent le
cas des firmes, peuvent aisément être étendues à déclin des nations par l’action négative des groupes de
l’ensemble des groupes de pression affectés par la pression qui bloquent les réformes nuisibles à leur intérêt.
A c t e s

distribution des coûts, des revenus et des bénéfices de 33. Dans cette optique, nous considérerons que ces groupes de
pression sont principalement déterminés par des gains
financiers plutôt que par une rémunération symbolique ou
31. Institutional endowment, au sens de Levy et Spiller, 1994. honorifique.

41
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

McCubbins, Noll et Weingast (1987, 1989) le autorisée qu’à fixer un prix qui ne couvre pas ses coûts
montrent dans le cas américain. Ces travaux sont de fonctionnement35.
proches des théories de la capture développées par North (1990, p. 191) rappelle que cette con-
Stiglitz (1971) et Peltzman (1976), qui ont interprété trainte politique de négociation des accords n’est pas
les régulations par une structure de coûts et d’avan- déterminée «exclusivement» par des considérations
tages. Cette structure de réflexion coûts-avantages d’efficacité économique et des coûts de négociation
distingue les gagnants et les perdants aux réformes (cost of bargaining36). Milgrom et Roberts (1990)
dans une relation limitée à deux acteurs: le régulateur présentent également des coûts d’influence politique
et la firme régulée. Depuis les travaux de Peltzman (influence costs) qui s’intègrent dans l’analyse de
(1976), il est admis que les gains à distribuer aux l’attractivité d’une réforme. Ces auteurs montrent
différentes parties prenantes proviennent des rentes de aussi qu’il est pertinent d’adjoindre comme éléments
monopole34 et que la clef de distribution de ces reve- de réflexion au schéma traditionnel de la théorie des
nus est influencée par les bénéfices nets des intérêts
coûts de transaction, à l’addition des coûts de pro-
des groupes de pression. S’il existe un groupe domi-
duction et de transaction, les coûts de négociation37.
nant (traditionnellement, l’industrie régulée en Ces auteurs distinguent trois origines aux coûts de
monopole), il «capturera» le régulateur et se protégera négociation : la première source apparaît lorsqu’il
contre les nouveaux entrants (Stigler, 1971). Dans existe une situation d’équilibres multiples, formalisés
cette perspective, la régulation est demandée par les depuis par Aoki (2000, 2001), ou dans les cas où il
firmes régulées pour se protéger des concurrents existe plusieurs solutions à un problème de coordi-
potentiels. Les tests empiriques de ces théories ont nation des activités économiques, sans que le
rapidement souligné leurs caractères trop restrictifs et mécanisme des prix et de la hiérarchie ne fournisse de
opaques sur le fonctionnement institutionnel qui premier choix. Dans le cas de cette défaillance des
devient essentiel avec les processus de déréglemen- mécanismes de coordination, il existe une zone
tation et les réformes concurrentielles (Eberlein, possible de négociation qui doit être analysée par
2001). Eberlein montre par exemple qu’il existe des l’identification des coûts de négociation. Dans cette
modes différents de répartition des coûts et des avan- zone, les coûts de négociation permettent de déter-
tages de la régulation entre les parties prenantes aux miner ex post quelle a été la forme des choix réalisés.
réformes que la distribution des rentes de monopole D’après Milgrom et Roberts (1990, p. 72-77), la
sous-jacente aux théories de la capture. Les théories seconde source des coûts de négociation réside dans
de la capture postulent que tous les bénéfices sont
concentrés sur un nombre limité d’acteurs, tandis que
les coûts affectent dans une mesure limitée l’ensemble 35. Ces situations sont fréquentes en Amérique du Sud, par
des consommateurs. Noll (1989) montre qu’il est exemple, et posent des problèmes délicats, car les réformes
produisent des accroissements des prix de la fourniture
aussi possible d’envisager la situation inverse. Il s’agit d’électricité qui sont difficilement acceptables pour les
alors d’un cas où les rentes de monopole sont large- consommateurs (Spiller et Martorell, 1996; Rufin, 2003).
ment distribuées à l’ensemble de la population (par 36. We interpret «bargaining cost» expansively, just as we did the
des tarifs de fourniture d’électricité très bas) au détri- term «transaction costs» to include all the cost associated with
ment des intérêts de la firme régulée, celle-ci n’étant multilateral bargaining… include not only the wages paid to
the bargainers or the opportunity cost of their time, but also
the cost of monitoring and enforcing the agreement and any
losses from failure to reach the most efficient agreement possible
34. Les rentes de monopole existent dans les systèmes verti- in the most efficient fashion. Page 65.
calement intégrés où le réseau de transport en monopole
A c t e s

37. Ceux-ci sont définis de manière générale comme l’ensemble


naturel permet de réaliser des économies d’échelle et des coûts engendrés par le processus de négociation entre
d’envergure. Le partage de cette rente de monopole devient tous les intervenants à l’arrangement institutionnel ainsi que
alors un enjeu pour les différentes parties prenantes de la tous les frais induits par le besoin de contrôle et de
réforme. monitoring de l’accord ainsi obtenu par la négociation.

42
Les réformes du secteur électrique

les difficultés et les coûts à se procurer l’information parties prenantes et ces dimensions affectent l’intensité
pertinente pour la décision. La dernière source de et la trajectoire de la réforme concurrentielle.
coûts de négociation apparaît à travers les possibilités
offertes par la gestion active de l’information privée Incomplétude, complémentarité et diversité
sur les préférences des agents détenus par les Les travaux fondateurs de North (1991) soulignent
opérateurs. Plus les préférences sont connues préci- que lorsque l’on choisit un groupe d’institutions pour
sément par les opérateurs, plus ceux-ci disposent de structurer un pays, un ensemble d’incitations écono-
marges de négociation étendues pour négocier des miques et de protection des droits de propriété
protections fines et précises. apparaissent de manière endogène. Le choix institu-
tionnel structure la forme du pouvoir politique mis
Les récents développements des travaux de
en place, les capacités d’action et les formes de contre-
Newbery (2000) ont montré que la nature de la pro-
pouvoir accessibles aux perdants. Il convient ici de se
priété des entreprises électriques avait une influence
départir de tout déterminisme excessif concernant les
sur la structure de la négociation entre les parties
institutions, leur origine et leur fonction. Il faut
prenantes. Si la propriété des actifs électriques est
garder en mémoire que chaque environnement insti-
publique, les groupes de pression s’exprimeront plus
tutionnel est un résultat historique particulier dont les
facilement sur la place publique pour négocier des
modes de création sont indépendants de la rationalité
avantages; à l’inverse, quand l’entreprise électrique en
économique. Les dotations institutionnelles ne sont
monopole est privée sous régulation publique, les
pas le fruit d’un calcul rationnel, mais un produit
groupes de pression non propriétaires des actifs élec-
historique qu’il faut chercher à analyser en termes
triques sont représentés par le régulateur38 ou par des
d’efficacité économique. De cette origine politique,
associations39. Plus les entreprises électriques sont
les institutions formelles ont gardé une empreinte
concentrées horizontalement et verticalement, plus les
particulière. Selon North (1993), «Institutions are not
groupes de pression bien organisés sur la place
necessarily or even usually created to be socially efficient;
politique réussissent à négocier des redistributions qui
rather they, or at least the formal rules, are created to
leur sont favorables40. Les montants ou les modalités
serve the interests of those with the bargaining power to
de distribution de la rente dissipée sont alors fonction
create new rules».
des conflits entre les différentes parties prenantes de la
réforme, des capacités de négociation41 et des coûts de Aoki (2000, 2001) souligne une seconde carac-
transaction nécessaires pour atteindre un accord et en téristique de l’analyse institutionnelle43. Pour lui,
garantir la pérennité et l’efficacité à long terme42. l’analyse institutionnelle repose sur la diversité et la
L’architecture de la future régulation a des effets consi- complémentarité des différents mécanismes compo-
dérables sur les coûts et les bénéfices que vont subir les sant une dotation institutionnelle. Comme les dis-
positifs institutionnels sont « complémentaires »,
38. Dans les pays anglo-saxons. l’étude d’une seule caractéristique est toujours sujette
39. Comme c’est le cas en Allemagne avec l’association VIK, à caution. Cette caractéristique s’articule toujours
ou en Espagne avec l’association UNESA. avec d’autres, pouvant en modifier (positivement ou
40. Le traitement de la question charbonnière est une illustra-
tion parfaite de cette capacité à négocier des avantages
négativement) l’impact. Dans les différents dispo-
tarifaires sur la place publique au détriment des consom- sitifs étudiés par Aoki (Japon, États-Unis et Europe),
mateurs. la transposition d’une caractéristique institutionnelle
41. Sur combien de caractéristiques peut-on négocier? Peut-on n’est pas une condition suffisante du succès, sans une
empêcher le processus, le ralentir?
A c t e s

42. De manière générale, les réformes présentées comme étant


des améliorations parétiennes ne sont pas crédibles, car elles
ne sont pas durables ou elles soulèvent de trop vives cri- 43. Si le schéma d’analyse d’Aoki n’est pas strictement équi-
tiques en faisant apparaître des transferts de revenus qui valent à celui développé par North, son apport dans l’ana-
précédemment étaient plus opaques. lyse institutionnelle n’en reste pas moins éclairant.

43
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

étude des autres facettes des dispositifs institution- Conclusion


nels. Cette complémentarité renforce la composante Dans cet article, l’utilisation d’une lecture néo-
«diversité» de l’analyse institutionnelle, où plusieurs institutionnelle a permis, par la complémentarité des
mécanismes peuvent dans les différents environne- approches transactionnelles et institutionnelles, de
ments institutionnels jouer un rôle équivalent. traiter des différentes questions composant les
Les travaux de Moe (1991) soulignent la dimen- réformes électriques dans un cadre d’analyse unifié:
sion « incomplétude » de l’analyse institutionnelle. les questions de segmentation de l’ancien monopole
Pour lui, tous les pays possèdent une Constitution verticalement et horizontalement intégré, d’exter-
explicite ou implicite, et il importe de comprendre nalités, de problèmes de mesure, d’actifs spécifiques
les liens entre la Constitution (à savoir quelles sont et d’opportunisme conduisant à une structure de
les modalités de transformation des règles de prise de gouvernance réglementée où coexistent mécanismes
décisions publiques) et les performances écono- de marché et réglementation. Cette lecture montre
miques44. Moe rappelle que l’incomplétude consti- également qu’il existe un fort problème d’oppor-
tutionnelle a deux conséquences : la première est une tunisme bilatéral entre les firmes et les consomma-
lutte entre les intérêts des pouvoirs en place à l’inté- teurs, et que les formes locales de pouvoirs de marché
rieur du système, et la seconde est le comportement restent encore très délicates à éradiquer dans le cadre
des acteurs qui va déterminer la forme concrète du des réformes concurrentielles qui les ont fait naître.
résultat. L’objectif commun des différents acteurs est Les réformes électriques impliquent de réaliser un
d’essayer d’utiliser l’autorité publique pour déter- ensemble de choix de mécanismes de coordination
miner l’organisation du gouvernement selon leurs des activités par le marché ou par la réglementation,
intérêts particuliers. Car, même si les règles sont dont il n’existe pas encore de forme stabilisée. Les
démocratiques, l’autorité publique est coercitive et marchés électriques restent incomplets pour gérer
produit des effets de redistribution. La légitimité du l’ensemble des problèmes de coordination technique
processus induit l’acceptation par les agents des et économique, et cette incomplétude réintroduit
nouvelles règles et normes qui redéfinissent les fron- l’opportunisme gouvernemental dans les relations
tières entre les perdants et les gagnants dans les électriques. Celui-ci s’ajoute alors aux autres formes
nécessaires transformations des cadres législatifs. La d’opportunisme déjà identifiées par la Théorie des
conséquence de cette incomplétude est qu’elle oblige Coûts de Transaction entre les firmes et les consom-
à apprécier et à interpréter les principaux dispositifs mateurs. Cette impossibilité d’introduire ex ante des
institutionnels, dont certains points restent volontai- marchés électriques complets nécessite alors une
rement peu précis. Pagano (2000) précise que les lois supervision réglementaire qui, dans le cadre de la
sont également très incomplètes et que ce sont les Théorie des Coûts de Transaction, doit encadrer les
acteurs qui, en les mettant en pratique (ou non), en transactions électriques de telle manière que l’oppor-
désignent les limites et les insuffisances. Si ces lois ne tunisme, les externalités et l’incertitude entre les
sont pas investies par les différents acteurs, elles différentes parties prenantes soient efficacement pris
peuvent rester lettre morte et, dans ce cas, l’incom- en compte.
plétude du contrat législatif est très aiguë.
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44
Les réformes du secteur électrique

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Les réformes du secteur électrique

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A c t e s

47
Les différentes formes institutionnelles
et leurs fondements juridiques
Pierrette SINCLAIR
Avocate associée chez Lapointe Rosenstein
Montréal, Québec, Canada

Introduction traitement et de non-discrimination? Comment les


La globalisation des marchés provoque dans les pays transmettre dans des services soit gérés, soit financés
développés comme dans les pays en développement par le secteur privé? Comment va-t-on tenir compte
un contexte économique et financier qui évolue des besoins des usagers et comment va-t-on admi-
constamment. Les besoins accrus de services publics nistrer des biens publics de façon privée?
que requièrent les populations et la limitation des Il existe plusieurs modèles et il est difficile d’en
financements publics entraînent nécessairement de privilégier un plutôt qu’un autre ; le choix à notre
nouvelles façons de concevoir et de structurer les avis devant être fait en fonction des institutions
services publics et les moyens de servir les citoyens. nationales existantes, du contexte politique et des
On peut se demander quels sont les objectifs qui buts visés. Cet exercice requiert une très grande
devraient être encouragés et protégés en dépit de souplesse et une adaptabilité institutionnelle
tous ces changements. soutenues par l’État en vue d’atteindre ses objectifs.
Dans le développement du secteur électrique, il Nous allons analyser brièvement quelques-uns
est possible de résumer les grands objectifs générale- des modèles connus, afin de cibler certains choix qui
ment reconnus pour assurer des services adéquats : sont offerts lors d’une réforme du secteur électrique.
fournir un approvisionnement fiable, préserver un Il importe d’être conscient qu’aucun de ces modèles
approvisionnement sécuritaire et assurer un appro- ne devrait être transposé tel quel, d’un pays à l’autre,
visionnement compétitif de l’électricité. Pour obtenir mais qu’ils devraient plutôt être adaptés en vertu des
un tel résultat, une réforme en profondeur des insti- besoins des usagers et des communautés locales ainsi
tutions et une restructuration du secteur peuvent que des objectifs visés par le pouvoir public et des
être nécessaires dans certaines juridictions. priorités que se donne un gouvernement. Parmi ces
Déjà, depuis le 19e siècle, diverses modalités de priorités, on peut cibler : la mise sur pied d’une
structuration ont été expérimentées dans les services économie robuste, compétitive et attirante pour les
publics. Des services en régie offerts par l’État, nous investisseurs, la création de nouveaux emplois,
sommes passés à des services en gestion déléguée et l’établissement de coûts de l’électricité les plus bas
en concession, selon l’expérience française, ou encore possible, la sauvegarde d’un approvisionnement sûr
aux services en franchises (BOT1) du système anglo- et sécuritaire, la conformité aux règles de la protec-
saxon. Il n’existe pas de modèle parfait et on assiste à tion de l’environnement, la mise en place de mesures
des solutions juridico-institutionnelles qui varient et reliées aux changements climatiques, l’ouverture du
évoluent dans le temps et selon les territoires. marché de l’électricité à la concurrence ou l’instau-
Plusieurs grandes questions se posent alors, entre ration d’un monopole avec la régulation nécessaire.
A c t e s

autres: comment transmettre et mettre en œuvre les Le choix exercé lors d’une réforme institution-
principes de continuité de service développés par les nelle sera donc fonction d’un ou de plusieurs des
services publics étatiques, les principes d’égalité de objectifs visés par le pouvoir public et des priorités
qu’il aura auparavant établies.
1. BOT: Build, Operate, Transfer. En français: Construction–
Exploitation–Transfert (CET). 49
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Les concessions et leurs variantes un droit de regard sur les investissements et souvent
La notion de concession a fait l’objet de nombreux sur les grandes orientations de l’entreprise. L’État et
commentaires et a été largement expliquée par les le concessionnaire adoptent un cadre contractuel plus
auteurs. D’une façon simplifiée, on peut dire que la structuré et également un suivi plus actif du contrat
concession est un contrat d’une durée déterminée de concession. Le concessionnaire a la responsabilité
entre l’État et un tiers en vue de l’exploitation de de l’investissement, de l’exploitation, et reçoit en
ressources naturelles nationales dans lequel la propriété contrepartie l’ensemble des recettes découlant de
de la ressource n’est pas transférée au concessionnaire. l’exploitation.
Par contre, le concessionnaire bénéficie du fruit de La concession est dite globale si le secteur est
l’exploitation de cette ressource, que ce soit du pétrole, concédé dans sa totalité (production, transport et
du gaz, de l’énergie ou toute autre ressource naturelle. distribution), par l’État concédant. La concession est
La concession est généralement vue comme une expé- dite par segments si elle s’adresse à une partie des
rience française et elle est souvent associée à la gestion activités de l’industrie électrique, soit à la produc-
déléguée de service public. Elle est bien connue et tion, au transport ou à la distribution. Dans ce
bénéficie d’une expérience diversifiée quant à son contexte, le secteur de l’électricité aura été restructuré
contenu et à son objet. La concession a été louée par par l’éclatement des trois activités et chacune des
certains et critiquée par d’autres, spécialement dans le activités peut être confiée à des opérateurs qui en
cas de la concession publique étatique. prendront la responsabilité. Les deux activités qui se
La concession «publique étatique» traditionnelle retrouvent le plus souvent dans le cadre de la
suppose que l’on confie la gestion de services publics, concession dite par segments sont les activités de
en l’occurrence le service de l’électricité, à une monopoles naturels, à savoir le transport et la
société, par une loi qui constitue une société d’État distribution. Quant à la production, elle peut être
ou une société nationale d’électricité qui, dans ouverte à plusieurs opérateurs, et plusieurs territoires
certains cas, est également chargée de la production, peuvent être concédés.
de la distribution et du transport de l’électricité dans
une entreprise intégrée. Dans plusieurs pays, ces Les BOT : un mécanisme adaptatif
sociétés publiques monopolistiques et intégrées ont La concession, pour des raisons qui avaient trait à des
tendance à se comporter comme le bras de l’État échecs répétés de sa mise en application, semble
propriétaire. L’État leur confie alors des objectifs avoir perdu de sa popularité, et une nouvelle forme
sociaux, économiques et politiques, et la préoccu- contractuelle de relation avec l’État est née, à savoir
pation de gestion financière ainsi que l’efficacité le BOT et ses divers modèles. La plupart des auteurs
productive risquent de se révéler déficientes. Il en classifient toutefois ces nouveaux contrats dans la
résulte alors un manque de distance entre la société variante de la concession. La principale différence
d’État et l’État propriétaire, ce qui ne favorise pas le avec la concession de type traditionnel nous paraît
développement de l’électricité et, par voie de être une mise à distance entre l’État hôte et le
conséquence, problème plus grave, ne favorise pas promoteur. Le BOT oblige cet État à instaurer un
non plus le développement économique des pays où cadre juridique propice à la mise en place du contrat
ces sociétés d’État sont à l’œuvre. On doit donc de BOT ainsi qu’à la protection des parties qui y
avouer que ce mode de concession est en défaveur et interviennent, soit les investisseurs, les constructeurs
que la concession dite publique étatique a besoin de et les opérateurs.
réformes en profondeur.
A c t e s

Depuis environ 20 ans, la structure de la conces-


Plusieurs variantes de la concession existent. sion a été internationalement transformée sous une
Quelle que soit la forme de concession adoptée, l’État forme qui est devenue le BOT (Build, Own, Transfer),
reste propriétaire du domaine concédé et se réserve
50
Les réformes du secteur électrique

le BOOT (Build, Own, Operate, Transfer)2 ou encore Avant de se demander si l’établissement de


le BOO (Build, Own, Operate)3. Ce nouveau concept contrats BOT convient à une administration, cette
a été utilisé pour assurer le développement du secteur dernière pourrait se poser un certain nombre de
énergétique, notamment la construction de nouvelles questions. Permettez-nous de suggérer certaines de
centrales électriques, avec un financement provenant ces interrogations:
du secteur privé. Le concept est également appliqué • Le gouvernement désire-t-il garder à long terme
pour la construction de routes, de chemins de fer, de la propriété des installations?
ports ou d’usines de traitement de l’eau.
• Permettra-t-on au promoteur de récupérer en
Les objectifs qui ont amené le secteur public et entier ou en grande partie les montants investis
le secteur privé à négocier de tels contrats sont au moyen de frais d’utilisation?
évidemment différents pour chacune des parties. La • Les frais qui seront imposés au public utilisateur,
réussite de l’entreprise dans un pays donné dépendra les clients, seront-ils acceptables d’un point de
certainement dans une large mesure du système vue public et politique?
juridique déjà implanté dans le pays visé. Le pays où
• Ces frais seraient-ils faciles à percevoir?
l’on songera à implanter un BOT doit posséder un
système juridique adéquat qui assure l’exécution et • Quelles sont les différentes options en termes de
la pérennité des contrats intervenus, contrats qui financement public et privé?
lient les différentes parties entre elles. C’est pourquoi • A-t-on analysé les diverses options techniques?
une réforme du secteur électrique doit parfois • Quelles sont les incidences environnementales et
s’accompagner de réformes un peu plus larges sociales du projet, de même que les avantages
permettant d’implanter de nouvelles institutions pour les régions visées?
dans le système juridique existant et d’assurer qu’il • Veut-on favoriser un acheteur unique pour
n’existe pas de vide juridique ni d’incompatibilité l’énergie produite, et cet acheteur sera-t-il la
dans le système juridique du pays visé. société d’État distributrice d’électricité?
Dans l’implantation d’un contrat de type BOT, • Le transport de cette énergie sera-t-il fait également
le pays hôte devrait pouvoir fournir des mécanismes par une société monopolistique réglementée?
administratifs d’approbation adéquats et rapides, et
L’établissement d’une structure BOT ou BOOT,
des règles non arbitraires d’obtention des autorisa-
même très simple, requiert plusieurs intervenants
tions et des permis requis. En effet, un projet élec-
dont les principaux sont les suivants:
trique peut nécessiter l’obtention des terrains, une
évaluation environnementale, la connaissance et 1. La société de concession devant être formée.
l’application des règles relatives au travail, etc. C’est 2. Les prêteurs.
pourquoi un guichet unique pour l’obtention des 3. Les investisseurs.
différents permis est fortement à conseiller. Les
4. L’entrepreneur : un contrat de construction et
promoteurs d’un projet peuvent ainsi rapidement
l’établissement des coûts de construction sont à
connaître les exigences de l’administration et ne se
prévoir.
voient pas aux prises avec des délais injustifiés. Il est
important aussi de noter que de telles règles bien 5. L’utilisateur du projet.
énoncées et publiées facilitent grandement le 6. L’exploitant: un contrat d’exploitation et l’établis-
financement des projets. sement des frais d’exploitation s’imposent.
A c t e s

2. BOOT : Build, Own, Operate, Transfer. En français :


Le pays qui établit la structure doit être prêt à
Construction–Propriété–Exploitation–Transfert. traiter avec plusieurs de ces intervenants et à réguler
3. BOO : Build, Own, Operate. En français : Construction– un certain nombre de leurs activités en vue des
Propriété–Exploitation. transactions qui auront lieu.
51
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Composantes juridiques gouvernementale qui sera partie au contrat de


d’une transaction BOT simple concession devra évaluer quelle est sa proportion de
On peut résumer ainsi les composantes juridiques partage des risques liés au projet. La société de
d’une transaction BOT simple: concession se verra aussi dans l’obligation d’assumer
certains risques, tels ceux reliés aux contrats de
• élaboration de la structure du projet; construction et aux délais de mise en service. Le
• négociation et rédaction de lettres d’entente et de risque lié à la construction sera assumé en général par
documents préliminaires. l’entrepreneur (par exemple, le retard de la fin des
travaux), contre lequel il devra se prémunir.
1. Si un appel d’offres doit être lancé, il y a lieu
de préparer celui-ci ou la soumission, le cas La société de concession devra également être
échéant. partie liée à un contrat d’exploitation avec l’exploi-
2. Il faut prévoir la constitution de la société de tant et, de ce fait, pourra partager avec l’exploitant
BOT et la négociation et la rédaction des certains risques liés à l’exploitation. Il est évident que
conventions nécessaires, à savoir entre autres: l’autorité gouvernementale qui devient partie à un
contrat de BOT tend à se décharger de certains des
i. un statut de la société;
risques inhérents à un projet, lesquels risques seront
ii. une convention entre actionnaires; partagés par plus d’une partie qui espère en tirer
iii. d’autres conventions régissant les apports certains bénéfices.
des producteurs (soutien financier pendant
Le contrat de BOT peut donc prendre des
la construction, transfert technologique,
formes diverses et se situer dans l’atteinte d’objectifs
etc.).
fort diversifiés. En général, les aspects suivants sont
3. Négociation et rédaction des conditions pris en compte dans un contrat BOT:
d’accueil du projet : permis d’exploitation,
• les parties au contrat;
convention d’établissement, régime fiscal et
comptable, rédaction de lois ou règlements, etc. • le terme du contrat;
4. Négociation et rédaction du contrat d’achat • les aspects techniques et opérationnels;
d’électricité : acheteur unique ou autre • les lois relatives au travail;
modalité. • le prix et la tarification;
5. Négociation et rédaction des contrats d’appro- • l’approvisionnement en combustible ou l’allo-
visionnement en combustible, le cas échéant cation des forces hydrauliques;
(gaz, charbon, etc.). • la force majeure;
6. Négociation et rédaction de contrats accessoires • les garanties environnementales et le soutien
(convention d’assurance, par exemple). gouvernemental;
7. Négociation et rédaction de conventions • les modifications aux droits existants;
afférentes au financement du projet.
• la responsabilité;
8. Négociation et rédaction de l’appel d’offres
• la fin du contrat;
pour la construction du projet.
• la cession du contrat;
Répartition des risques • l’arbitrage;
A c t e s

et contrats de BOT • la loi qui gouvernera le contrat;


Dans un BOT, les risques sont répartis entre • les mécanismes de résolution des conflits;
plusieurs des parties intéressées. Ainsi, l’autorité • les risques et exclusions.

52
Les réformes du secteur électrique

On comprendra que chacune de ces rubriques les licences qui permettent, à titre d’exemple, la
doit être traitée en fonction des circonstances parti- distribution du gaz ou de l’électricité sont soumises
culières à la transaction projetée. La complexité des à approbation et émises par les autorités gouverne-
transactions souligne l’importance d’y accorder une mentales pour des périodes plus ou moins longues
attention soutenue. Il importe également dans ce dans des territoires désignés. Lorsque les activités
type de convention de toujours garder à l’esprit qu’il sont réglementées, l’autorité gouvernementale prend
doit y avoir un équilibre juste entre les intérêts des avis auprès de l’organisme de régulation avant
investisseurs, les intérêts de l’autorité gouverne- d’accorder la licence d’exploitation, que ce soit pour
mentale et ceux des consommateurs, et que cet le gaz ou l’électricité. L’autorisation peut être accor-
équilibre doit répondre aux conditions du secteur dée par loi spéciale ou encore par autorisation
donné et du pays hôte. administrative pour un territoire déterminé. Une
période déterminée peut être octroyée avec impo-
La licence d’exploitation sition de conditions d’exercice. En général, l’auto-
risation est révocable par l’autorité qui l’a accordée.
La plupart des juridictions qui adoptent les modalités
La licence ou autorisation peut accorder un droit
du BOT pour développer leurs infrastructures
exclusif ou elle peut octroyer à plusieurs personnes
utilisent des ententes contractuelles. Par ailleurs,
des droits d’exercice sur un même territoire à des
certains pays privilégient la licence d’autorisation. Il
conditions données.
y a une distinction fondamentale entre la licence et le
BOT. Dans le projet de type BOT, le gouvernement Un exemple d’octroi de licence se trouve dans la
qui intervient devient en quelque sorte un cocontrac- Loi concernant les forces hydrauliques du Canada3.
tant du développeur et les règles des contrats com- L’octroi de cette licence est régi par le Règlement sur les
merciaux s’y appliquent. Par ailleurs, l’octroi d’une forces hydrauliques du Canada4. La licence définitive
licence est régi par les règles du droit administratif du est accordée après un long processus : demande
pays qui l’accorde. formelle (application), publication et enquête, permis
d’arpentage, production et approbation de plans,
En effet, la licence est par définition une auto-
octroi de permis de priorité, concession intérimaire,
risation administrative permettant, pour une durée
dépôt de garantie, définitions des obligations de la
déterminée, d’exercer une activité réglementée, en
personne à laquelle la licence est octroyée ainsi que
général un service monopolistique. C’est ainsi
de la période et des conditions du terme. La défi-
qu’existent, selon les différentes juridictions, les
nition de la licence définitive (final licence) se retrouve
licences de transport, les licences de pêche, les licences
à l’article 2 du Règlement sous le vocable «concession
d’exploration, etc. Dans le secteur énergétique, la
définitive» dans le texte français, avec la référence à
licence peut concerner la production, la distribution
«final licence» de la version anglaise du Règlement:
ou le transport.
«concession définitive» signifie une concession auto-
En termes juridiques, la licence est définie
risant la dérivation, l’utilisation ou l’emmagasinage
comme une procédure permettant à l’administration
de l’eau en vue d’exploitation d’énergie ou en vue
d’effectuer une surveillance particulièrement serrée
de transporter et distribuer la force hydraulique ;
de certaines activités, en général des activités
(final licence).
réglementées. La licence impose que ces activités,
examinées une à une, soient acceptées par l’autorité L’octroi d’une licence d’exploitation suppose en
à des conditions, selon les cas, plus ou moins sévères. effet des mécanismes d’approbation et de régulation.
A c t e s

Leurs conditions d’attribution sont également assez L’autorité concédante souhaite, dans la plupart des
rigoureuses et correspondent à des normes plus ou
3. L.R.C., 1985, c. W-4.
moins précises. Dans le cas du secteur de l’énergie,
4. C.R.C., c. 1603.

53
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

cas, soumettre à une réglementation et à une surveil- quelques premières difficultés de mise en application.
lance sévères les entités auxquelles elle a accordé des On le cite maintenant comme exemple et on peut
licences d’exploitation. Une telle approche paraît prévoir qu’avec l’implication progressive et la
destinée à empêcher l’arbitraire et à donner à l’État, participation des autorités régionales5 et des
d’une part, l’assurance que ceux qui détiennent les collectivités autochtones, ce modèle de concession
licences agiront de façon responsable et qu’ils feront s’imposera comme une des méthodes progressives et
l’objet d’une surveillance adéquate et, d’autre part, à modernes de gérer de manière privée des biens
faire en sorte que les détenteurs de ces licences soient publics.
traités de façon juste et équitable dans l’intérêt L’expérience du Québec s’inscrit dans un enca-
public. Ainsi, un bon climat réglementaire et une drement juridique de droit civil en ce qui concerne les
stabilité économique sont favorisés. arrangements contractuels. Le Québec et le Mali6 ainsi
Les licences d’exploitation seront surveillées par que plusieurs autres pays en développement ont ceci
l’autorité réglementaire et un encadrement institu- en commun : ils possèdent tous des ressources
tionnel sera mis en place. Il est idéalement préférable hydrauliques importantes qui peuvent être mises à
que les ministères soient placés à distance et que profit. Un bref aperçu historique nous paraît nécessaire
l’intervention ministérielle ne se fasse que dans des afin de comprendre l’évolution du secteur électrique
conditions précises et publiques. L’autorité régle- au Québec et l’encadrement juridique actuel.
mentaire devra agir dans un contexte d’indépendance,
de transparence, d’impartialité et de compétence. De Mise en situation historique
telles conditions sont nécessaires pour donner aux
Au début du vingtième siècle, le Québec avait vu se
investisseurs l’assurance de ce climat réglementaire
développer plusieurs sociétés privées d’électricité qui
stable et durable qui se traduit par un retour sur
opéraient dans différentes régions et se partageaient
l’investissement acceptable et des standards de qualité
le territoire, encadrées par un organisme de régula-
de service et de sécurité d’approvisionnement.
tion économique, la Régie de l’électricité et du gaz
Dans plusieurs juridictions, la production n’est naturel.
pas réglementée et est laissée à la libre concurrence.
En 1944, le gouvernement du Québec natio-
Les licences d’exploitation sont alors consenties pour
nalisait quelques sociétés d’électricité privées qui
les activités de distribution et de transport, et il y a
existaient depuis le début du siècle, et créait la Com-
également avantage à ce qu’elles soient adéquatement
mission hydroélectrique du Québec (« Hydro-
surveillées par l’organisme de régulation.
Québec»). Au début des années 1960, une nationa-
lisation majeure fut entreprise et la plupart des
Adaptation des formes juridiques sociétés privées d’électricité furent intégrées dans la
aux spécificités des situations : société nationale. La mission de cette société était de
le cas du Québec fournir l’électricité à tous les citoyens du Québec aux
À titre d’exemple d’adaptation de formes juridiques prix les plus bas, compatibles avec une saine admi-
aux spécificités des situations, il apparaît intéressant de nistration financière.
faire un survol de l’expérience du Québec, expérience
qui prend place dans un contexte nord-américain.
La forme juridique que prend au Québec la petite 5. Voir la Loi sur le ministère du Développement économique et
production d’électricité (moins de 50 MW) par le régional et de la Recherche (2003, L.Q., c-29) entrée en
A c t e s

secteur privé est souvent citée comme un exemple soit vigueur le 23 mars 2004 (Décret 222-2004).
de partenariat public-privé (PPP), soit de BOOT. Il 6. Cet article avait été préparé dans le cadre d’une conférence
donnée à l’Atelier national de Bamako, au Mali, lors d’un
est dit de ce partenariat qu’il fonctionne bien, après colloque organisé par l’IEPF, les 28, 29 et 30 juillet 1998.

54
Les réformes du secteur électrique

Hydro-Québec a évolué dans le temps et est Hydro-Québec s’engageait à céder au gouvernement


devenue une corporation à compter du 1er octobre un certain nombre de sites potentiels de dévelop-
1978, et une compagnie à fonds social depuis le pement hydroélectrique de moins de 25 MW. Ces
19 décembre 1981. Les actions d’Hydro-Québec sites lui avaient été dévolus lors de deux exercices de
font partie du domaine public du Québec et elles nationalisation. Le gouvernement adoptait une
sont attribuées au ministre des Finances du Québec. politique relative à la production privée d’électricité,
Les affaires d’Hydro-Québec sont administrées par révisée en 1993, et lançait un appel d’offres pour
un conseil d’administration dont les membres sont l’octroi de contrats d’achat d’électricité à des
nommés par le gouvernement, le sous-ministre des producteurs privés. Une limite de location des forces
ressources naturelles étant d’office membre du hydrauliques à moins de 25 MW était établie. Dans
conseil d’administration de la Société sans avoir le ce contexte, le gouvernement du Québec créait un
droit de vote. Le conseil d’administration est dirigé guichet unique, à savoir le ministère en charge des
par un président nommé par le gouvernement, et le Ressources naturelles, pour recevoir les demandes des
conseil, avec l’approbation du gouvernement, producteurs privés et octroyer à ces derniers une
nomme pour une période qui n’excède pas cinq ans concession de forces hydrauliques et de terrains
un président-directeur général qui exerce cette publics nécessaires à l’aménagement des ouvrages.
fonction à temps plein. Depuis 1999, la limite de location des forces hydrau-
La Société est ce qui s’appelle en droit anglo-saxon liques à des producteurs privés a été élevée à une
un agent de la couronne, c’est-à-dire un mandataire puissance inférieure à 50 MW. Un nouvel appel
du gouvernement ou Crown Corporation, et ce, depuis d’offres a été lancé par Hydro-Québec. Quelques
sa formation en 1944. La Société a le pouvoir de sites ont été octroyés, bien qu’un moratoire ait été
posséder des biens meubles et immeubles. Toutefois, appliqué ultérieurement.
les biens qu’elle possède sont la propriété du Après une période de moratoire sur la production
gouvernement avec cette modulation que l’exécution indépendante et quelques hésitations, un nouveau
des obligations peut être faite sur les biens de la régime d’octroi et d’exploitation des forces hydro-
Société. La mission d’Hydro-Québec a évolué avec le électriques du domaine de l’État fut lancé le 24 mai
temps: de son objet premier qui était de fournir de 2001, suivi d’une liste de sites pour fins de location.
l’énergie, Hydro-Québec a de plus pour objet D’autres appels d’offres suivirent pour la petite
d’œuvrer dans les domaines de la recherche et de la hydraulique, la production thermique, l’éolienne et
promotion relatives à l’énergie, de la transformation la biomasse7.
et de l’économie de l’énergie, de même que dans tout Le gouvernement du Québec a institué, en 1996,
domaine connexe ou relié à l’énergie (Loi sur Hydro- la Régie de l’énergie, organisme chargé de surveiller
Québec, L.R.Q., c. H-5, article 22). les opérations de la compagnie d’électricité, et de fixer
Hydro-Québec se voit favorisée par le législateur ou de modifier les tarifs et les conditions de fourni-
qui prohibe toute cession de force hydraulique du ture et de transport d’électricité au Québec. Depuis,
domaine de l’État et réserve la mise à la disposition la production d’électricité a été déréglementée.
d’Hydro-Québec des forces hydrauliques du domaine Les producteurs privés recherchent en général les
public en vertu de l’article 32 de la loi constitutive. contrats d’achat ferme d’électricité de longue durée.
Au début des années 1980, à la suite de la crise Ceux qui ne détiennent pas de contrat ferme avec
du pétrole et de l’ouverture à la production privée Hydro-Québec ont deux autres choix : soit vendre
A c t e s

aux États-Unis, le gouvernement du Québec –


s’inscrivant dans cette orientation – intervenait dans
une entente avec Hydro-Québec en vertu de laquelle 7. Entre autres, appel d’offres AOPCH-02 d’Hydro-Québec
Production, rendu public le 29 avril 2002.

55
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

aux municipalités distributrices d’électricité ou privée. Il doit également s’assurer contre les risques
exporter vers les États-Unis. Toutefois, le tarif de et se voit fixer des contraintes d’exploitation. Il doit
transport de TransÉnergie les empêche d’être très en outre accepter une utilisation à usages multiples
compétitifs et les règles liées à la capacité de transport de la retenue artificielle créée par le barrage,
peuvent constituer un frein. notamment à des fins de loisirs, municipales, etc.
À l’expiration du terme du contrat ou lors de son
Contrats avec l’administration renouvellement, le producteur s’engage à céder à
publique l’État les installations incluant les constructions et
Dans le cas des appels d’offres pour la production améliorations qu’il y aura faites, ce qui apparente ce
hydraulique privée, le contrat entre le gouvernement contrat à un BOOT. Le producteur s’engage égale-
du Québec et le producteur privé a ceci de parti- ment à obtenir les permis et autorisations nécessaires,
culier que les ouvrages et les centrales qui existent sur au nombre desquels on compte le certificat d’auto-
les sites sont vendus aux producteurs avec obligation risation du ministère de l’Environnement pour la
de retour à l’État à la fin du terme. L’État fait donc conformité des installations aux critères environne-
réaliser par le producteur une activité qui est habi- mentaux et des obligations relatives aux modalités
tuellement dévolue au secteur public. L’État est donc d’exploitation. Il doit également obtenir la per-
appelé à être présent tout au long de l’exécution du mission de la Commission du territoire agricole si les
projet. Les forces hydrauliques et les terrains du installations sont situées en milieu agricole ainsi que
domaine public requis pour l’exploitation sont loués les permis des municipalités locales dans lesquelles se
aux producteurs généralement pour une période de trouve situé l’aménagement.
20 ans après la mise en service commerciale, avec Les propositions des producteurs déposées après
possibilité de renouvellement pour une autre période appel d’offres public sont évaluées en tenant compte
de 20 ans. Le producteur paie à l’État un loyer pour de certains critères, à savoir expérience et compé-
l’utilisation du lit du cours d’eau et des terrains tence du producteur et des consultants, capacité
nécessaires à l’exploitation de ses ouvrages et réser- financière à réaliser le projet, qualité technique de la
voirs, et des droits d’inondation. Il paie également proposition, amélioration du site, impact du projet
une redevance annuelle qui correspond à chaque sur le développement socio-économique de la
1 000 kW d’énergie produite pour la location et région. La nouvelle politique établit des exigences
l’utilisation des forces hydrauliques, redevance dont supplémentaires, entre autres les avantages écono-
le taux est établi par un décret gouvernemental. De miques que pourront en retirer les collectivités
plus, le producteur a l’obligation de payer une locales et l’acceptation par le milieu. Le producteur
redevance statutaire qui est prévue dans la Loi sur le finance son projet auprès d’une institution bancaire
régime des eaux (L.Q. c. R-13), loi qui établit le cadre ou financière, laquelle fait une vérification diligente
juridique de l’utilisation des forces hydrauliques et le de tous les titres, documents et aspects techniques du
cadre juridique de la mise en place et de l’exploi- projet afin d’évaluer sa viabilité et sa conformité aux
tation des barrages et réservoirs. Le gouvernement se lois et règlements.
garde un droit d’accès aux livres des producteurs et
un droit de surveillance des lieux loués. Le contrat La société d’État a préparé et normalisé des
prévoit des restrictions quant au transfert de l’amé- contrats types d’achat d’électricité des producteurs
nagement pendant les cinq premières années de privés. Les principales clauses de ces contrats con-
l’exploitation et relativement aux changements de cernent la durée du contrat qui est en général la
A c t e s

contrôle. La Loi et le contrat prévoient que le pro- même que celle de la concession par le gouverne-
ducteur est responsable des dommages qu’il pourrait ment, la livraison et le début de la livraison, la
causer aux biens du domaine public ou à la propriété quantité, la puissance contractuelle, les facteurs

56
Les réformes du secteur électrique

d’utilisation, l’énergie annuelle, le prix de l’élec- prendre en compte les principes de justice naturelle,
tricité, les pénalités, le point de livraison ainsi que les tenir des audiences publiques sur les questions impor-
frais d’intégration et d’exploitation, les modalités tantes et être assujetti aux obligations de transparence,
techniques de même que la responsabilité et les de cohérence, d’indépendance et de l’audi alteram
assurances. partem, c’est-à-dire l’obligation d’entendre toutes les
L’achat par Hydro-Québec des producteurs parties dans un débat contradictoire. Un tel orga-
privés représente toutefois une infime partie de nisme peut être souhaitable dans la marche vers une
l’énergie dont dispose Hydro-Québec, c’est-à-dire, ouverture complète des marchés à la concurrence,
en ce moment, une puissance installée de 286 MW ouverture qui peut devoir être faite par étapes.
en production hydraulique sur une puissance instal- La construction de nouvelles installations peut
lée pour Hydro-Québec de 33 616 MW, presque être confiée au secteur privé soit sous la forme de
entièrement d’origine hydraulique. concession, soit sous la forme de BOT ou de BOOT.
Ce qui est remarquable dans les actions prises par Dans ces cas, les biens patrimoniaux reviennent à
le gouvernement du Québec, c’est le haut degré de l’État à la fin de l’exercice. Dans certaines juridic-
consultation du milieu mis de l’avant et la préoccu- tions, l’octroi d’une licence d’exploitation pour une
pation d’obtenir l’adhésion des groupes intermé- période déterminée à des conditions préétablies peut
diaires. Quelle que soit la forme institutionnelle être le moyen prévu par le législateur.
choisie, l’information et l’acceptation des participants Concevoir et mettre en œuvre un projet collectif
au processus semblent la clé du succès d’une réforme. qui mobilisera toutes ses forces vives est une impor-
La réalisation d’un projet de réforme du secteur tante étape pour une société. Parmi les choix qui
électrique doit chercher les adhésions des décideurs, s’offrent, de multiples options sont ouvertes. La mise
des communautés locales, des techniciens, des cadres en place du cadre institutionnel doit suivre et non
et employés du secteur, des acteurs sociaux, des précéder la vision d’une société, et les choix seront
syndicats, des industriels et des consommateurs. fonction des objectifs visés. L’expérience nous a appris
qu’un secteur énergétique en bonne santé est le fer de
Conclusion lance de tout développement économique. Un
secteur énergétique en bonne santé est un secteur où
Dans une réforme institutionnelle du secteur
les responsabilités sont clairement définies et où les
électrique, on peut imaginer, comme au Québec, une
institutions choisies s’inscrivent dans la culture
dé-intégration financière et administrative de la
juridique et institutionnelle du pays qui les reçoit.
société d’État, avec une ouverture du réseau de trans-
Ces institutions doivent être acceptées par le milieu,
port qui mette sur le même pied d’égalité la société
avant d’être traduites en termes juridiques et comp-
d’État productrice d’électricité et le producteur
tables, pour qu’elles aient toutes les chances de succès.
indépendant ou le courtier en électricité. Le marché
peut être ouvert au commerce de gros, c’est-à-dire à la Il est important que les experts qui participent à
revente à des systèmes de distribution municipaux ou un processus de restructuration travaillent avec les
privés. Par ailleurs, l’ouverture du marché de détail, juristes du pays et que ces derniers soient vigilants
dans laquelle les grands consommateurs industriels, pour que les principes soient traduits en conformité
les clients commerciaux et même les clients domes- au droit positif du pays qui les reçoit. Le nouveau
tiques peuvent avoir le choix de leur fournisseur, est cadre institutionnel doit s’imbriquer dans le système
une seconde étape qui n’a pas encore été franchie juridique du pays pour ne pas créer de confusion ni
A c t e s

dans plusieurs juridictions, incluant le Québec. de difficulté d’application. Cet exercice paraît essen-
tiel au succès d’une entreprise de restructuration. De
On peut concevoir la création d’un organisme
plus, il s’agit là d’une condition de la légitimité du
réglementaire à vocation quasi judiciaire devant

57
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

processus et de sa compréhension et acceptation par Direction for Change, Charting a Course for Competitive
ceux qui le mettront à exécution. Electricity and Jobs in Ontario, Toronto, ministère de
l’Environnement, novembre 1997.
Le pays dont le secteur électrique est restructuré
doit être un partenaire fort et actif du concession- Ford, B.D., J.W. Stein et J.L. Pote, « Offtakers and
naire ou du cocontractant pressenti, et l’évaluation Power Purchase Agreements », in Power Project
des besoins doit se faire de façon périodique et Documentation, Hong Kong, Asia Law and Practice
constante. Un organisme de régulation indépendant Publishing Ltd, 1997, p. 43 à 61.
et efficace assurera la stabilité du climat réglemen- Girod, Jacques, «Les changements institutionnels dans
taire et permettra la surveillance du secteur en vue de les secteurs électriques des pays en développement,
la sauvegarde de l’intérêt public. dans L’organisation et le développement des secteurs
électriques de l’Asie du Sud-Est, Québec, Institut de
Bibliographie sélective l’énergie et de l’environnement de la Francophonie,
1997, p. 86 à 100.
Augenblick, Mark et B. Scott Custer Jr., The Build,
Operate and Transfer (« BOT ») Approach to Infra- Guislain, Pierre et Michel Kerf, «Concessions – The Way
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Suzanne Smith, éd., The World Bank, 1995. Law, vol. 15, no 4, novembre 1997, p. 338 à 365.
Basile, Antoine, « Les CET (BOT) : Aspects écono- Macnab, Duncan et Jeremy Connick, « Concession
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l’Union internationale des avocats sur le BOT, Documentation, Hong Kong, Asia Law and Practice
Beyrouth, Liban, avril 1997. Publishing Ltd, 1997, p. 5 à 20.
Cross, E.D., Electric Utility Regulation in The European Mahmassani, Ghaleb S., L’allocation des risques dans les
Union, Chichester, John Wiley & Sons, 1996, p. 1 contrats B.O.T., étude présentée à la conférence
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le Barreau de Beyrouth sur «les Contrats B.O.T.»,
De Guillenchmidt, Jacqueline, «L’expérience française
16 et 17 mai 1997.
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dans Investissements et nouveaux aspects contractuels Percebois, Jacques, « Le Financement des projets
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Devernay, Jean Michel, Public/Private partnership: will
it meet the challenge of financing future hydro-
projects ?, The World Bank Energy Forum, 24 et
25 février 2003.
A c t e s

58
Réforme réglementaire et transaction de privatisation:
la restructuration financière et la comptabilité des concessions
Jacques CORBIN, c. a.
Vice-président
Le Groupe Conseil REGIE inc., Bromont (Québec), Canada

Pour comprendre et assurer un suivi adéquat par les Le présent exposé a pour objet de clarifier les
régulateurs et l’autorité délégante des services délé- visées de chacune des parties en présence. Cette
gués à des investisseurs privés, il est essentiel de clarification s’avère d’autant plus cruciale que les
maîtriser les aspects financiers liés à la réforme et la contrats qui ont cours dans les services publics des
transaction à implanter. pays d’Afrique subsaharienne concernent des entre-
prises qui se trouvent dans des situations pour le
La définition et la mise en place d’une réforme
moins délicates, comme nous le verrons plus bas, et
institutionnelle débouchent normalement sur
dont les contrats de reprise présentent la particularité
l’introduction de nouveaux opérateurs en charge du
de devoir courir sur des périodes considérables, soit
service public de l’électricité ou de l’eau. Cet exercice
de 15 à 25 ans. Cette longue période est souvent le
passe par une phase de négociations qui se révèle
prix à payer pour permettre la remise à niveau des
délicate, dans la mesure où elle nécessite une
biens servant à l’exploitation (compte tenu de l’état
réflexion approfondie de la part des deux parties en
de ces biens) et également pour permettre l’extension
présence que sont l’État et les opérateurs privés:
des services pour faire face à la demande, et finale-
– Du côté de l’État, il est question d’adopter un ment pour améliorer rapidement la qualité ainsi que
cadre réglementaire qui soit assez attrayant pour le rendement de la gestion technique et financière
susciter la participation des opérateurs privés, des services.
tout en négociant la fourniture du service Ce texte se focalise sur la préparation et la mise
concédé à des coûts socialement supportables par en œuvre de la transaction de privatisation de l’entre-
les populations. prise en charge du service public de l’électricité ou
– Quant au partenaire privé, de nombreux critères de l’eau. Cette transaction constitue un axe central
lui servent de base d’évaluation et interviennent de la réorganisation sectorielle et doit donc être
dans sa décision de s’impliquer ou non dans cernée de façon précise afin de procéder à une tran-
l’offre de fourniture du service qui lui est faite. sition qui préserve les intérêts de toutes les parties en
En tout état de cause, deux logiques s’affrontent présence et qui assure la réussite du nouveau schéma
dans cette négociation et il s’agit au fond de parvenir institutionnel envisagé.
à une juste répartition des risques entre l’autorité Le fait qu’il y ait une négociation commande de
publique et les opérateurs privés. Il n’est pas dans se pencher sur les motivations des uns et des autres et
notre intention ici de nous substituer à l’une ou à d’essayer de saisir les critères qui motivent les
l’autre des deux parties en présence et de prendre opérateurs privés. Il est essentiel de garder à l’esprit
position, car non seulement le processus de négo- que le but de l’exercice est de confier l’exploitation
A c t e s

ciation est propre à chaque pays, mais il dépend en et la gestion du service public de l’électricité ou de
plus de la culture d’entreprise de chaque opérateur l’eau à des partenaires privés, tout en leur transférant
privé. simultanément les risques associés aux activités dont

59
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

ENCADRÉ 5.1
Le point de vue d’un investisseur privé pour une transaction de privatisation
Yves Picaud – Groupe Compagnie générale des eaux – Vivendi

La décision de s’impliquer ou non dans une privatisation – Dans les projets d’infrastructures de réseaux (électri-
passe, pour l’investisseur privé, par l’analyse de cité, eau, télécommunications locales, etc.), les reve-
l’ensemble des risques qu’il encourt. Ceux-ci sont nus collectés le sont en monnaie locale. L’investisseur
nombreux et de nature diverse, mais ils se concentrent est donc amené à s’assurer de la convertibilité et des
fondamentalement sur la maîtrise du risque pays, du possibilités de transfert.
risque financier et du risque social, sous les objectifs Exemples de risque liés à l’environnement politique :
affichés d’équilibrer les comptes de l’entreprise à
privatiser et d’atteindre une rentabilité minimale du – Les infrastructures sont particulièrement exposées
capital investi. aux risques de destruction liés aux guerres et aux
troubles de l’ordre public. L’histoire récente de
Le risque pays l’Afrique a un impact évident sur la perception du
Les industries d’infrastructures se caractérisent par des risque politique par les investisseurs. Il apparaît
investissements lourds qui, une fois réalisés, ne sont pas évident que les investisseurs privilégieront les pays
transférables puisqu’il est impossible de les déplacer stables, au détriment de ceux qui ont connu ou
d’un pays à un autre. De plus, ces investissements pré- connaissent des troubles sociaux ou des guerres.
sentent la spécificité de ne pas pouvoir être reconvertis Le risque social
pour un autre usage que celui pour lequel ils ont été
réalisés. Il apparaît en effet difficile, par exemple, d’affec- Ce risque n’est que rarement mentionné. Cependant,
ter une ligne de transport d’électricité ou une station selon nous, il s’agit d’un risque majeur à évaluer précisé-
d’épuration des eaux à un autre usage que celui pour ment. Il s’agit de mesurer le degré d’acceptation par les
lequel elles ont été construites. Il est donc impératif pour partenaires sociaux locaux (syndicats, membres du
les investisseurs d’apprécier les risques sur la durée, et personnel, etc.) de l’idée de privatisation. L’expérience
de se placer dans une perspective à moyen et à long montre que dans les sociétés où ce point a été particu-
terme. lièrement pris en compte et où le personnel et les
syndicats ont été sensibilisés à l’idée de privatisation, le
Exemples de risques liés à des notifications de politique: processus s’est déroulé de façon harmonieuse. Cette
– Les services de masse (électricité, eau) ont connu une sensibilisation est un gage de succès et les pouvoirs
longue tradition de prix subventionnés. L’établis- publics gagneraient à préparer et à mener la concer-
sement des tarifs est bien souvent politisé et il peut tation avec l’ensemble des partenaires sociaux.
arriver que le tarif négocié par l’investisseur lors d’un Le risque financier
« Construction–Exploitation–Transfert » (CET)1 (cons-
truire le bien, l’exploiter sur une période déterminée Les sources de risques financiers sont considérables. Ces
et remettre le bien à la fin de la période d’exploi- derniers peuvent être liés à la solvabilité des clients, aux
tation), par exemple, soit totalement remis en aspects contractuels des clients ou des partenaires, au
question en cours de contrat par les pouvoirs publics taux d’intérêt, au taux de change, à la fiscalité, etc.
pour répondre à des objectifs politiques à court terme. En tout état de cause, ces risques font l’objet d’une
– Risques associés au coût et à l’approvisionnement en évaluation très précise par l’investisseur privé et d’une
matière première. Dans un projet de production mise en cohérence avec ses objectifs qui sont d’équi-
électrique, l’investisseur peut dépendre de façon librer les comptes de la société et d’atteindre une
critique de la fourniture en mazout. Si celle-ci dépend rentabilité minimale du capital investi selon les critères
d’une société d’État, l’investisseur aura à mesurer les propres à chaque groupe d’investisseurs.
risques et à examiner la sécurité de l’approvision- La mitigation de ce risque est cruciale, car c’est d’elle
nement. que dépendent la mobilisation des fonds provenant des
A c t e s

Exemples de risque liés à la convertibilité – transfert des banquiers pour financer les investissements et, égale-
bénéfices : ment, l’intéressement des actionnaires locaux.

1. BOT: Build, Operate, Transfer. En français: Construction–


Exploitation–Transfert (CET).
60
Les réformes du secteur électrique

ils ont alors contractuellement la responsabilité. Il est – le volet juridique;


donc essentiel de bien comprendre l’importance des – le volet ressources humaines;
aspects comptables et financiers, pierres angulaires
– le volet environnemental.
du processus qui va consister en une détermination
et une évaluation des risques associés aux activités à Chacun de ces volets fera bien entendu appel à
reprendre. des spécialistes pour que l’on en arrive à tirer les
bonnes conclusions sur la situation exacte de l’entité
La section «Les BOT: un mécanisme adaptatif»
visée. Le volet financier est cependant de première
traitera des aspects liés à la restructuration financière
importance, dans la mesure où les quatre autres
des entreprises à privatiser. Cette première partie, qui
volets cités ci-dessus seront, in fine, transcrits en
constitue le préalable de toute transaction de priva-
obligations financières.
tisation, comporte un diagnostic financier indispen-
sable au choix de la structure juridique de l’entreprise L’accent sera donc mis sur le diagnostic de la
à privatiser. situation financière de l’entité qui se trouve au cœur
de toute l’analyse qui mettra en lumière la nécessité
Les éléments devant aboutir à la transaction
d’une indispensable restructuration financière.
proprement dite seront l’objet de la section «Com-
posantes juridiques d’une transaction BOT simple», Au-delà des limites de fiabilité des informations
où une analyse des régimes de propriété et d’exploi- financières qui sont à relever, l’analyse financière
tation des biens d’une entreprise de service public menée sur la base du bilan comptable de l’entité à
sera réalisée. Les trois types de biens que l’on privatiser fait généralement ressortir, en Afrique
retrouve dans ces entreprises, à savoir les biens de subsaharienne, un certain nombre d’indicateurs de
retour, les biens de reprise et les biens propres, seront dysfonctionnement sérieux:
analysés. Le traitement comptable de ces biens • Un bilan déséquilibré où le capital social est très
pourra alors être disséqué avant que l’on aborde la largement, voire totalement, absorbé par les
question de la fiscalité des concessions. pertes cumulées, ce qui, sur un plan strictement
Il faut également souligner que la maîtrise de comptable, signifie que l’entité en question est en
l’ensemble de ces éléments est essentielle à une saine situation de dépôt du bilan et devrait donc être
régulation des services publics délégués. En effet, liquidée;
toute demande d’ajustement tarifaire prend néces- • Un fonds de roulement2 souvent négatif, ce qui
sairement en compte l’entretien, le renouvellement revient à dire succinctement que le passif à court
ou l’acquisition de l’un, de deux, ou des trois types terme est largement supérieur à la valeur de l’actif
de biens mentionnés ci-dessus. Il est donc essentiel à court terme;
d’en maîtriser le traitement comptable qui en est fait • Une trésorerie presque totalement grevée par les
dans les états financiers du délégataire pour pouvoir créances dues par les clients, dont aussi bien la
corriger le tir au besoin. valeur que le recouvrement sont aléatoires;
• Une incapacité à investir en ouvrages de renou-
Diagnostic global et structure vellement et d’extension sur fonds propres ou par
juridique de l’entité à privatiser endettement à des conditions commerciales;
La décision d’implication d’un partenaire privé se
basera sur un diagnostic global de l’entité à privatiser,
qui se décline sur plusieurs plans:
A c t e s

– le volet financier; 2. Le fonds de roulement se définit comme la part de capitaux


permanents disponible pour le financement de l’actif circu-
– le volet technique; lant après le financement des emplois à long terme.

61
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

• Une absence de réalisation des travaux de gros a) Maintien de l’entité juridique et de sa restructu-
entretien des ouvrages, qui sont reportés d’année ration financière:
en année, abrégeant ainsi la durée de vie utile de • Restructuration des capitaux propres et de la
ces ouvrages; dette à long terme;
• Une planification à moyen et à long termes très • Délégation à une structure de cantonnement
souvent complètement déficiente, l’entité n’arrivant étatique des créances à l’endroit des tiers;
même plus à payer les frais de développement de
• Redevance pour couvrir l’ancien service de la
ses ressources humaines.
dette.
De façon synthétique, on se trouve généralement b) Liquidation de l’ancienne entité et mise en place
dans une situation où la dette exigible des créanciers d’une nouvelle entité juridique.
de l’entité la place dans une situation d’incapacité à
honorer ses engagements. Ce qui revient à dire qu’elle
Maintien de l’entité juridique
est techniquement en cessation de paiements et se re-
trouve ainsi dans l’obligation de solliciter l’assistance Pour des raisons de souveraineté, l’État peut décider de
financière directe de l’État pour financer les dépenses conserver l’entité d’État responsable de la gestion du
courantes ainsi que celles reliées aux investissements service public. Sans nuire à la rentabilité de l’investis-
avec l’appui des bailleurs de fonds internationaux. seur privé, ce choix peut être justifié par le fait que le
Ces derniers réalisent que malgré leur soutien au niveau d’endettement du secteur peut être entièrement
financement de programmes d’investissement impor- absorbé par les tarifs ayant cours ou qu’il y a lieu de
tants dans les infrastructures, les secteurs demeurent procéder à une légère augmentation de tarif. Il faut
sous-performants et largement déficitaires et qu’il est toutefois garder à l’esprit que plus l’endettement d’une
difficilement envisageable à moyen terme d’atteindre entité est élevé, plus la valeur de l’action du capital
l’équilibre financier des secteurs3. social (l’avoir des actionnaires) est faible.
La réalisation effective des opérations de restruc- Le choix de cette option impose alors de procé-
turation financière s’avère incontournable pour der au « nettoyage du bilan » de l’entité juridique à
permettre aux bailleurs de fonds de financer la tréso- privatiser. La restructuration financière est nécessaire
rerie de départ et les investissements de réhabilitation afin de maintenir dans l’entité délégataire un niveau
des équipements, sans courir un risque de saisie d’endettement raisonnable et de présenter également
venant des anciens créanciers de l’entité. L’inves- une « mariée » qui puisse intéresser les privés à une
tisseur privé ne peut pas porter la responsabilité des participation dans le capital de l’entité existante par
piètres résultats de l’ancienne équipe de gestion (et la vente des actions de la société d’État ou par
d’ailleurs n’y tient pas). In fine, il faut aboutir à un l’augmentation du capital.
schéma institutionnel viable et attrayant pour les
investisseurs privés. Restructuration des capitaux propres
et de la dette à long terme
L’objectif étant de déléguer la gestion des secteurs La première opération de restructuration concerne la
de l’eau et de l’électricité à un investisseur privé, il compensation des dettes et des créances croisées
revient à l’État, sur la base du diagnostic financier, entre l’État et l’entité juridique. Les deux parties
de décider parmi les options suivantes: doivent s’entendre sur le solde de leurs créances
respectives. Une fois cette opération de confirmation
des soldes terminée, il est alors nécessaire de procéder
A c t e s

3. L’équilibre financier fait référence à un taux de rentabilité à la compensation des dettes et des créances à la
suffisant sur les capitaux investis et à une capacité d’auto-
financement des investissements dans les secteurs (sur fonds hauteur du montant du solde le moins élevé. À partir
propres ou par endettement). du solde de tout compte dû, après compensation, on

62
Les réformes du secteur électrique

procédera par la suite soit au règlement, à l’annu- coût élevé du carburant en raison de l’isolement, etc.)
lation ou à une augmentation du capital, dans le cas qu’il est alors difficile, voire impossible, de transférer
où le résultat net de la compensation ferait ressortir l’endettement à l’endroit des tiers (passif à court,
un solde dû à l’État par l’entité. moyen et à long terme) à l’opérateur privé. Dans ce
Il peut être également nécessaire de restructurer le cas, il revient à l’État de prendre ses responsabilités en
capital négatif de l’entité par une augmentation du tant qu’actionnaire unique et d’assumer une partie ou
capital. Comme l’État ne peut injecter de l’argent la totalité des dettes à l’endroit des tiers. Il faut alors
frais, n’en ayant pas les ressources, il faut alors passer procéder à une entente de délégation parfaite de
à la capitalisation de toutes ou d’une partie des dettes créances entre l’entité, l’État et le créancier.
à long et à moyen terme et, s’il en existe, à des sub- Le procédé exige l’établissement d’une structure de
ventions d’équipements, à des surplus de réévaluation cantonnement étatique qui aura pour objet d’assumer
d’actifs immobilisés, après quoi on procédera à les dettes de l’entité à l’endroit des tiers et de procéder
l’opération dite du «coup d’accordéon» par laquelle à leur règlement selon des modalités préalablement
les pertes cumulées seront annulées par une négociées. Ces modalités font l’objet d’une convention
diminution du capital. L’objectif de ces opérations sur de remboursement entre l’État et les créanciers.
les capitaux permanents est d’avoir un capital social L’objectif de la délégation parfaite de créances est
(l’avoir des actionnaires) qui s’avère suffisant pour d’obtenir de l’ensemble des créanciers la renonciation
une entité de service public à forte capitalisation. à toute poursuite contre l’entité à privatiser.
Le mode de délégation choisi par l’État implique La plus grande difficulté dans cette opération est
un certain nombre d’opérations juridiques et comp- d’obtenir le consentement unanime de tous les
tables pour transformer l’entité propriétaire de l’actif créanciers privilégiés et chirographaires. Pour que les
en délégataire du service. Le plus souvent, les entités créanciers consentent au transfert de leur créance, il
des pays en développement sont des sociétés délé- faut que l’État puisse les convaincre qu’il s’agit de la
gataires du service public et sont également proprié- meilleure solution pour eux. Pour ce faire, l’État offre
taires des actifs industriels et commerciaux du généralement un paiement au comptant à la signa-
secteur exploité. Comme dans bien des pays où ture des conventions et un billet à terme, avec ou
l’État désire conserver la propriété de ses actifs sans intérêt, avec un étalement du règlement du
d’infrastructure, il faut alors transférer de l’entité à solde sur trois à cinq ans. Il peut être avantageux,
l’État ces actifs, mais sans appauvrir l’entité, sous pour faire adhérer tous les créanciers à cette solution,
peine de poursuites des créanciers. Normalement, ce de leur permettre d’escompter leur billet auprès
transfert se fait après l’évaluation des biens par des d’une institution bancaire locale. Dans ce cas, il faut
experts qualifiés en la matière, par un acte de cession que le système monétaire du pays puisse le per-
de ces actifs en contrepartie d’une prise en charge par mettre. Les institutions bancaires privées peuvent
l’État des dettes à long et à moyen terme. Si la situa- demander une garantie de la banque centrale pour le
tion nette de l’entité est négative, il faut que l’État montant des billets escomptés. Le taux d’escompte
prenne en charge une partie de la dette à court terme des billets pratiqué par les banques privées pourrait
(créanciers chirographaires). être négocié par l’État pour l’ensemble des créanciers
afin de maximiser la valeur de leur créance.
Délégation à l’État des créances
vis-à-vis des tiers de l’entité Il est à noter que la transparence dans le processus
et l’égalité de traitement de tous les créanciers locaux
A c t e s

Il arrive parfois que la situation financière soit telle- ou étrangers sont des aspects très importants. Il faut
ment désastreuse (le capital social est complètement éviter tout recours en justice de créanciers lésés ou
absorbé par les pertes cumulées et le niveau de tarif est toute plainte auprès des institutions financières inter-
très élevé: système de production thermique ancien, nationales.
63
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et les expériences

Cette délégation de créances d’une entité à l’État et clients bons payeurs de l’entité, qui y perdront
doit normalement obtenir l’approbation des Institu- leurs avances sur consommation et sur travaux, le
tions de Brettons Wood et du ou des bailleurs de délai administratif occasionné par cette solution et
fonds qui financeront cette ligne du budget de l’État. finalement les poursuites éventuelles des créanciers
Il faut également prévoir que la réalisation de l’actif à tiers contre l’entité, l’État-actionnaire et les nouveaux
court terme, dont principalement les créances sur les exploitants privés.
clients, après la reconstitution des avances sur
Dans le cas de la liquidation, on retrouve égale-
consommation et sur travaux normalement exigées
ment le problème de la reprise des biens industriels
lors d’un branchement du consommateur au service
et commerciaux de l’entité liquidée afin que l’État
public, soit versée par le délégataire privé à la
puisse confier ces biens à la nouvelle société délé-
structure de l’État responsable des dettes cantonnées.
gataire. En effet, l’État doit reprendre possession des
Redevance pour couvrir l’ancien service biens industriels de l’entité à liquider par la reprise
de la dette en contrepartie des dettes à l’endroit des tiers. Par
contre, cette appropriation des biens par l’État ne
L’État, sous la pression du Fonds monétaire interna- doit pas appauvrir l’ancienne entité. Il faut que les
tional (FMI) et des bailleurs de fonds internationaux, opérations de liquidation par la réalisation de l’actif
peut exiger des opérateurs privés que le service de la et le règlement se fassent selon les règles de l’art,
dette rétrocédée par l’État au secteur à des conditions conformément à la réglementation OHADA4,
commerciales soit assumé par ce dernier sous forme lorsqu’elle s’applique, afin d’éviter un recours en
d’une redevance couvrant le remboursement en justice de la part des créanciers.
capital et intérêt, et le coût éventuel des pertes de
change. Le coût de cette redevance est inclus dans la Dans bien des cas, l’entité est en situation de
détermination du tarif du service privatisé et est cessation de paiement depuis très longtemps et, dans
remboursable selon un échéancier déterminé dans la un contexte normal, aurait déjà dû être liquidée. La
convention signée entre l’État et le privé, sous peine décision de l’actionnaire principal, l’État, de main-
de forte pénalité monétaire pouvant aller jusqu’à la tenir cette entité pour raison de service public sans y
déchéance de la convention de délégation dans le cas mettre de l’argent frais l’a implicitement engagé à
du non-respect de cette obligation. ramasser, à la fin, peu importe la solution retenue
(liquidation de la société ou cantonnement des
dettes), les pots cassés à l’égard des créanciers.
La liquidation de l’ancienne entité
et la mise en place d’une nouvelle
Il existe également une autre façon de procéder à la Régimes de propriété
privatisation de la gestion d’un service public: par la
et d’exploitation des biens
création d’une nouvelle entité juridique avec le L’État peut déléguer5 le service public à une ou à
transfert des actifs industriels de l’ancienne à la plusieurs personnes morales de droit public ou de
nouvelle entité et la liquidation de l’entité existante. droit privé. Il signe alors une convention qui a pour
Cette solution est la plus économique en ce qui a
trait aux coûts de restructuration; elle est pratique et
4. Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en
s’exécute rapidement pour la mise en place d’un Afrique.
nouveau schéma institutionnel. 5. On entend par délégation les conventions telles que la conces-
A c t e s

Cependant, cette solution comporte également sion de travaux et de service, l’affermage, la régie intéressée,
la gérance, la gestion. Nous ne nous attarderons pas sur les
des aléas importants pour l’État, actionnaire de différentes déclinaisons qui existent (concession, affermage,
l’entité existante, et les consommateurs des services. gérance, régie intéressée, contrat de gestion), CPE (Cons-
Ces aléas sont: la prise en otage des consommateurs truction–Propriété–Exploitation), CET (Construction–

64
Les réformes du secteur électrique

effet de confier, en tout ou en partie, l’exécution de disposition du concessionnaire pendant toute la


la mission de service public à des personnes morales durée de la convention de concession.
de droit public ou de droit privé.
Ils comprennent à la fois:
Dans une délégation de service public, l’État
– les biens mis à la disposition du concessionnaire
conserve souvent le titre de propriété des biens an-
par le concédant à la date d’entrée en vigueur;
ciens et nouveaux qu’il confie au délégataire, même
dans le cas d’une concession. En effet, les biens – les biens nouveaux, incorporés à la concession et
d’infrastructures financés par le délégataire sont des financés par le concédant, directement ou par
biens qui retournent normalement à l’État dès leur l’intermédiaire d’organismes financiers;
mise en service. Cependant, il peut y avoir des – les biens nouveaux, constitués par le concession-
dispositions contractuelles permettant au délégataire naire et financés par des tiers, lors de la réalisa-
de conserver le titre de propriété des biens jusqu’à la tion de travaux d’extension ou de renforcement
fin de la concession afin de lui permettre de mobi- et, le cas échéant;
liser des financements de la part de prêteurs. – les biens incorporés au domaine public et mis à la
Le cahier des charges du contrat de délégation disposition du concessionnaire par le concédant,
précise la nature juridique des ouvrages, constructions postérieurement à la date d’entrée en vigueur,
et installations existantes et à venir. Il détermine dans les conditions prévues d’un commun accord
l’assiette du droit réel du délégataire privé en tenant entre les deux parties.
compte des nécessités du service public. On procède normalement à un inventaire exhaus-
Les biens nécessaires au fonctionnement du tif des biens de retour par le nouvel exploitant. Cet
service public de l’énergie électrique ou de l’eau inventaire établit obligatoirement, pour chaque bien,
potable qui font partie du domaine public, dès qu’ils les données suivantes: désignation, localisation géo-
sont aménagés spécialement à cet effet, ne peuvent graphique, «renouvelabilité», date d’acquisition, coût
en effet être cédés que dans les conditions prévues d’acquisition, état technique, vétusté, valeur nette
pour les autres dépendances du domaine public. On comptable, valeur de remplacement.
retrouve trois types de biens dont il est nécessaire de C’est au terme de l’inventaire contradictoire que
connaître la définition et les implications dans tout la valeur nette comptable de chaque bien de retour
type de convention de concession: est inscrite dans les comptes du concessionnaire. Une
– les biens de retour; correction de la valeur nette comptable est éventuel-
lement effectuée pour obsolescence ou mauvais état
– les biens de reprise;
de fonctionnement, laquelle correction est détermi-
– les biens propres. née par accord entre les parties ou, à défaut d’accord,
en arbitrage par un expert indépendant en évaluation
Définitions de biens industriels nommé par les parties.
Les biens de retour Les biens de retour sont mis à la disposition de
Les biens de retour sont constitués par les terrains, l’exploitant par l’État pour une durée n’excédant pas
les équipements et les ouvrages publics du délé- celle du contrat de concession. Aucune mise à dispo-
guant, existants ou à construire, qui sont mis à la sition ne peut être consentie sans que l’exploitant
n’ait préalablement souscrit dans le contrat de
A c t e s

concession des engagements de nature à garantir le


bon entretien des biens.
Exploitation–Transfert, etc.) et traiterons ici de manière
générique de la concession. La différence entre ces notions
concerne les risques que l’opérateur privé accepte d’assumer.

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Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Pendant toute la durée de la mise à disposition, les Les biens propres


biens demeurent la propriété de la personne publique Tous les biens autres que les biens de retour et de
à laquelle ils appartiennent. Les biens non mis à la reprise, et qui sont la propriété du concessionnaire,
disposition du concessionnaire par l’État, mais réalisés constituent ses biens propres. Ils restent sa propriété
par le concessionnaire, sont incorporés dès leur à la date d’expiration de la convention de concession,
achèvement dans le domaine public et deviennent sauf en cas d’accord contraire entre les parties.
propriété publique de l’État dès qu’ils comportent un
aménagement spécial en vue de la réalisation du service Les biens propres englobent, notamment, et sans
public faisant l’objet de la délégation. Ces ouvrages, que cette liste soit limitative, certains des immeubles
constructions et installations ne peuvent être hypo- à usage de bureau ou de logement qui n’ont pas voca-
théqués que pour garantir les emprunts contractés par tion, en raison de leur situation ou de leur aména-
le titulaire du droit d’utilisation du domaine, en vue gement, à demeurer nécessaires à l’exploitation des
de financer la réalisation, la modification ou l’extension services concédés, ainsi que, le cas échéant, des
des ouvrages, constructions et installations de caractère véhicules automobiles non spécialisés, des matériels
immobilier situés sur la dépendance domaniale occu- et mobiliers de bureau, et des logiciels non spécialisés.
pée. Les hypothèques sur lesdits ouvrages s’éteignent Les biens propres sont et restent la propriété du
au plus tard à l’expiration du droit d’utilisation du concessionnaire qui peut, à tout moment, en
domaine public. acquérir ou les aliéner, sous réserve, bien entendu,
que cette opération n’ait aucun effet défavorable sur
Les biens de reprise le bon fonctionnement des services concédés à
Les biens de reprise sont constitués, notamment et l’exploitant privé.
sans que cette liste soit limitative, des véhicules et
engins spécialisés, de l’outillage, des stocks, du Traitement comptable
matériel informatique et des logiciels spécialisés, des
Les règles de comptabilité applicables aux conven-
fichiers et des bases de données, ainsi que, le cas
tions de concession présentent des spécificités:
échéant, des immeubles à usage d’atelier, de bureau,
de magasin, de laboratoire ou de logement de – Lorsque le concessionnaire apporte des biens
fonction, construits sur des terrains du concédant et nouveaux qui retournent au délégant, on
autres que ceux identifiés comme des biens de retour. applique alors des règles spéciales de comptabilité
Il est à noter que les biens mobiliers et immobiliers portant sur l’amortissement de caducité, l’amor-
acquis ou constitués par le concessionnaire pendant la tissement pour dépréciation, les provisions pour
durée de la convention de concession à l’effet exclusif renouvellement et les provisions pour grosses
de l’exploitation des services concédés, à l’exception réparations.
des biens de retour mentionnés ci-dessus, sont, au sens – Le maintien du potentiel productif des instal-
de la convention de concession, des biens de reprise. lations confiées en concession au niveau exigé par
Le concessionnaire dresse un inventaire descriptif le service public doit être recherché par le jeu des
des biens de reprise existants, valorisés à leur valeur amortissements et, éventuellement, par celui des
comptable nette. Cet inventaire est annexé à la provisions. Afin de respecter ce principe, il y a lieu
convention de concession. d’adapter le traitement comptable afin d’aboutir à
ce que, à la fin de la période de concession, le con-
Les biens de reprise sont et restent la propriété du cessionnaire ait récupéré la totalité des dépenses
A c t e s

concessionnaire. Le concessionnaire ne peut toute- engagées par lui pour le compte du concédant, par
fois aliéner les biens de reprise immobiliers, ni un étalement de leur coût sur la durée de la
consentir sur eux d’hypothèque, sans l’autorisation concession qui tienne compte le mieux possible
expresse et préalable du concédant.

66
Les réformes du secteur électrique

ENCADRÉ 5.2
Les amortissements et les provisions
L’amortissement de caducité est un amortissement à bilan qui désigne la part du délégant dans les
caractère financier qui permet la reconstitution des immobilisations des biens de retour. Les ajustements se
capitaux investis (capitaux propres et emprunts). Il font soit par une dotation complémentaire de provision
traduit la disparition progressive des moyens de de renouvellement, si la provision est insuffisante, avec
financement des immobilisations, plutôt que la dimi- débit correspondant au compte de résultat, soit par une
nution de la valeur des biens qui seront remis en état au reprise du compte de provision de renouvellement, si la
concédant. La durée de l’amortissement de caducité est provision est en excès, avec crédit correspondant au
normalement celle restant à courir de la durée du compte de résultat.
contrat de concession. L’amortissement de caducité L’insuffisance ou l’excès de provision de renouvellement
concerne tout bien de retour financé par le conces- sont définis comme suit :
sionnaire. Il a pour but de permettre la reconstitution des
a) pour les biens mis à disposition par le concédant ou
capitaux investis par le concessionnaire pour le compte
financés par des tiers, l’écart entre la valeur d’acqui-
du concédant. Il s’applique uniquement lors du premier
sition du bien issu du renouvellement et le montant de
établissement d’un bien nouveau acquis par le
la provision accumulée au passif du bilan;
concessionnaire.
b) pour les biens financés par le concessionnaire, l’écart
La dotation annuelle est la valeur d’acquisition du bien, entre, d’une part, la différence entre la valeur d’acqui-
divisée par la durée restante de la délégation (environ 15 sition du bien issu du renouvellement et celle de
à 25 ans). La provision de renouvellement concerne tout l’ancien bien remplacé, et, d’autre part, le montant de
bien de retour renouvelable. Elle est constituée la provision accumulée au passif du bilan.
par anticipation du remplacement du bien par le
concessionnaire. L’évolution du coût de remplacement prévisionnel du
bien de retour à renouveler est établie par l’application
L’amortissement pour dépréciation des biens qui d’un indice défini par les parties. Cette méthode est
retournent au concédant n’a pas d’incidence sur les proposée par le concessionnaire et approuvée par le
comptes des résultats du concessionnaire. Cependant, la concédant ou par l’autorité de régulation dès sa mise en
valeur du bien mis en concession apparaît au bilan du place.
concessionnaire en contrepartie du droit du concédant.
Les valeurs du bien et de cette contrepartie doivent donc La règle de constitution de la provision de renouvel-
être diminuées en fonction de la valeur de la vie utile du lement est la suivante :
bien par l’amortissement pour dépréciation ainsi que par Dès le premier exercice comptable du concessionnaire,
la diminution du droit du concédant. dans le cadre de la convention de concession, le conces-
L’amortissement pour dépréciation, conformément aux sionnaire dotera le compte de provision d’un montant
dispositions fiscales du droit commun, s’applique sur la annuel pendant toute la durée de la concession,
valeur d’acquisition d’un bien et se répartit sur sa durée conformément aux prévisions financières. Cette somme
de vie comptable. Les biens de reprise et les biens annuelle, définie en monnaie constante, est réévaluée à
propres font uniquement l’objet d’un amortissement l’aide d’indices professionnels adaptés (liés aux secteurs
pour dépréciation. de l’eau et de l’électricité), que les parties définiront
ultérieurement.
Lors du renouvellement d’un bien, la valeur d’acquisition
de ce bien est portée à l’actif du bilan et la provision Les sommes ainsi constituées seront utilisées pour
accumulée au passif du bilan, après ajustements, est l’accomplissement des travaux de renouvellement, en
transférée au « droit du délégant », compte de passif du excluant de tout autre usage.

des obligations contractuelles spécifiques du cahier Il faut ajouter à cela que le concessionnaire a en
A c t e s

des charges. Le traitement comptable est différent général l’obligation de tenir une comptabilité géné-
selon que les immobilisations sont remises au rale conforme aux dispositions législatives et régle-
concédant à la fin de la concession à titre gratuit mentaires du pays, sous réserve de la tenue des
ou contre indemnité. comptes spécifiques à l’objet de la convention de

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et les expériences

concession. Le concessionnaire a également l’obliga- l’amortissement de caducité sur la base du montant


tion de mettre en place une comptabilité analytique des capitaux propres qu’il aura investis, auquel on
d’exploitation pour la production, le transport et la ajoutera le montant des remboursements du prin-
distribution en vue de séparer ces trois activités à cipal de l’emprunt qu’il aura à effectuer entre la date
moyen terme. de création des immobilisations et la date de la fin
Les biens faisant l’objet de la convention de de la concession.
concession peuvent être remis à l’autorité concédante
de deux manières: Traitement comptable spécifique
des biens de retour
– à titre gratuit;
Les biens de retour non renouvelables
– contre paiement d’une indemnité.
mis à disposition par le concédant
Biens remis au concédant à titre gratuit Les biens de retour non renouvelables mis à la dispo-
La valeur des biens qui feront l’objet d’un renouvel- sition du concessionnaire par le concédant sont
lement est déterminée lors des négociations contrac- inscrits en immobilisations à l’actif du bilan et en
tuelles. Cette valeur est normalement amortie « droit du concédant » au passif du bilan ou, si ces
linéairement sur la durée de la période de concession. biens sont financés par des tiers, au compte de passif
Elle fait l’objet d’un ajustement annuel à la hausse ou « financement par des tiers ». Ces biens font l’objet
à la baisse pour tenir compte de la différence entre la d’un amortissement pour dépréciation sur leur durée
valeur prévisionnelle de remplacement à l’identique de vie technique, par prélèvement de la dotation
et la valeur estimée au départ6. Elle peut être exigible correspondante sur le «droit du concédant», ou, le
par le concédant à la fin de la période de concession. cas échéant, sur le compte « financement par des
tiers», sans affecter le compte de résultat.
Biens remis au concédant contre paiement
d’une indemnité Les biens de retour renouvelables
mis à disposition par le concédant
Le traitement comptable des biens construits par le
concessionnaire et remis au concédant à la fin du Les biens de retour renouvelables mis à la disposition
contrat contre une indemnité est celui du droit du concessionnaire par le concédant sont inscrits en
commun applicable aux sociétés commerciales. Le immobilisations à l’actif du bilan et en « droit du
montant de l’indemnité pour ce bien est déterminé concédant» au passif du bilan. Ils font l’objet:
contractuellement ou par un expert. L’indemnité – d’un amortissement pour dépréciation sur leur
étant assimilée à un prix de cession, le bien doit faire durée de vie technique, par prélèvement de la
l’objet d’un amortissement pour dépréciation dont dotation correspondante sur le «droit du concé-
les dotations annuelles constituent une charge dant», ou, le cas échéant, sur le compte «finance-
d’exploitation. Tout emprunt pour le financement ment par les tiers », sans affecter le compte de
de ce bien doit être remboursé avant la fin de la résultat;
période de concession. – d’une provision de renouvellement inscrite au
Il peut arriver qu’au lieu de payer une indemnité, passif du bilan et passée en charge au compte de
le concédant reprenne en charge les emprunts des résultat. La dotation annuelle correspondante est
biens. Dans ce cas, le concessionnaire aura droit à égale à la somme, d’une part, de la valeur d’acqui-
sition répartie sur la durée de vie technique, et,
A c t e s

6. Il faut noter qu’en cas de réparations majeures, une pro- d’autre part, de la variation annuelle de la valeur
vision pour la remise en bon état des biens est constituée prévisionnelle de remplacement. À l’issue du re-
annuellement. Cette provision est portée en charges lorsque
la remise en état a été effectuée. nouvellement, le bien passe à la catégorie des biens
de retour par accession (voir plus bas).
68
Les réformes du secteur électrique

À la date d’entrée en vigueur de la convention de Dans le cadre de la revue annuelle, les parties
concession, un montant initial de provisions de prennent les décisions appropriées en matière de
renouvellement des biens de retour est inscrit au fiscalité lorsqu’elles anticipent que celle-ci aura une
passif du bilan du concessionnaire par ordre de durée incidence sur les tarifs de vente aux abonnés et sur
de vie technique résiduelle croissante. l’équilibre financier des services délégués. Dans ce
cas, il est important de noter que:
Les biens de retour non renouvelables
financés par le concessionnaire a) les amortissements de caducité sont déductibles
fiscalement et peuvent être reportés, en cas d’exer-
Les biens de retour non renouvelables financés par le
cice déficitaire, sous la forme d’amortissements
concessionnaire sont inscrits en immobilisations à
différés, dans les mêmes conditions que les amor-
l’actif du bilan. Ils font l’objet:
tissements pour dépréciation;
– d’un amortissement de caducité inscrit au passif b) les provisions pour renouvellement définies ci-
du bilan et passé en charge au compte de résultat; dessus sont déductibles fiscalement;
– d’un amortissement pour dépréciation prélevé c) le concessionnaire récupère la taxe sur la valeur
sur le compte « amortissement de caducité » au ajoutée, notamment sur les dépenses d’investis-
passif, sans affecter le compte de résultat. sement relatives aux biens de retour qu’il finance.
Les biens de retour par accession En tout état de cause, le concessionnaire est nor-
Le traitement comptable des biens de retour par malement assujetti aux dispositions fiscales de droit
accession, tels que définis ci-dessus, est celui des commun. À ce titre, il doit s’acquitter des impôts,
biens de retour financés par le concessionnaire. droits, taxes et redevances de toute nature, à l’excep-
tion des taxes foncières afférentes aux biens immo-
Les biens de retour financés par des tiers biliers, appartenant par nature ou par destination
Le traitement comptable des biens de retour financés (biens de retour) au concédant. De plus, les stipu-
par des tiers est celui des biens mis à la disposition lations relatives aux tarifs ont été arrêtées en consi-
du concessionnaire. dération, notamment, des stipulations fiscales qui
sont la conséquence directe des règles comptables
Traitement comptable des biens applicables à la convention de concession.
du concessionnaire
Le traitement comptable des biens de reprise et des Prévisions financières
biens propres est celui de droit commun applicable L’élaboration des prévisions financières, communé-
aux sociétés commerciales. ment appelée en langage d’affaires «plan d’affaires»,
est un outil essentiel pour déterminer la valeur d’une
Fiscalité d’une concession entreprise. Le plan d’affaires est normalement éla-
La fiscalité applicable à la concession est en général boré lors des études préliminaires portant sur la
une notion nouvelle pour la direction des impôts des privatisation d’un secteur et il sert à confirmer que
pays en développement. Il est proposé que le délégant l’option stratégique de privatisation arrêtée par le
(l’État) s’oblige, pour le cas où les stipulations fiscales gouvernement est réalisable et vendable à des inves-
ne seraient pas expressément ou implicitement con- tisseurs privés. Il est basé sur des hypothèses réalistes
tenues dans le Code général des impôts en vigueur, à qui prennent en compte les gains de productivité,
A c t e s

développer une loi traitant de la fiscalité des délé- tant techniques que financiers, réalisés dans le temps.
gations de service public permettant que l’exécution De plus, il doit servir lors des négociations, pour la
des dispositions contractuelles soit conforme au Code reprise du secteur par les exploitants privés, entre le
général des impôts. gouvernement et les adjudicataires de l’appel d’offres.

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Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Une fois la privatisation réalisée et les opérateurs tisseur privé. Cette tarification est également sujette à
privés en place, le plan d’affaires devient alors un outil des indexations régulières (sur une base trimestrielle,
important pour le régulateur afin qu’il puisse suivre semestrielle, annuelle ou autre), à la hausse comme à
adéquatement l’évolution du travail des exploitants la baisse, en fonction de la variation de certaines
en fonction des engagements techniques et financiers composantes reliées au coût de la vie.
pris par ces derniers et, surtout, il est un outil essen-
Pour arriver à une tarification juste et raisonnable,
tiel pour permettre de suivre l’évolution tarifaire.
il faut que les régulateurs aient une bonne maîtrise
En effet, le point sensible d’une bonne régulation des coûts d’exploitation et des coûts d’investissement
des services publics demeure la tarification des ser- de réhabilitation, de renouvellement et d’extension
vices, du producteur jusqu’au consommateur final en fonction de la demande. L’exploitation d’un
du service (production, transport et distribution). service public exige de la part du délégataire une
Selon les principes généralement admis, la tarifi- gestion optimale, à la fois technique et financière,
cation d’un service public doit permettre de couvrir permettant d’assurer une qualité et une continuité des
l’ensemble des coûts d’exploitation et d’assurer une services au moindre coût. Comme les investissements
rémunération adéquate du capital investi par l’inves- dans les services sont lourds, les exploitants doivent
s’assurer d’une planification maîtrisée en fonction des
paramètres de la demande et de la capacité de payer
ENCADRÉ 5.3 des consommateurs actuels et futurs.
Structure tarifaire Il faut avoir comme objectif de développer un
(détermination et indexation des tarifs)
modèle financier simple comportant un tableau de
Souvent retenu dans la mise en place des réformes, bord pour le suivi des performances techniques et
l’objectif de la baisse des tarifs est prioritaire. Pour financières des exploitants. Ce modèle comprend les
louable qu’il soit, cet objectif doit pouvoir être réaliste états financiers dont le bilan, les états des résultats et
et réalisable, compte tenu de l’état de délabrement des
équipements du service, dans lesquels il faut injecter un
ceux des flux de trésorerie. De plus, un état des résul-
important montant en investissement d’extrême tats pour chacun des segments (production, trans-
urgence et de réhabilitation pour retrouver un niveau port, distribution et commercialisation du service
de service acceptable. public) doit être développé. Pour se rapprocher de la
La structure tarifaire mise en place doit permettre situation prévalant dans le pays en développement,
d’équilibrer financièrement le service privatisé. Toute il faut construire un modèle qui comprendra une
menace à cet équilibre financier par le fait du prince production mixte (centrales hydrauliques et centrales
(décision unilatérale du délégant – l’État) ou pour cause thermiques) pouvant inclure l’importation d’énergie
de force majeure doit être contrée par les parties afin
électrique qui dessert les principales villes du pays
de rééquilibrer financièrement l’entreprise par un
ajustement tarifaire ou par tout autre moyen financier dans un réseau interconnecté et la production ther-
compensant l’exploitant privé. mique pour les centres secondaires.
La loi sectorielle doit clairement énoncer les principes Au cours du développement d’un modèle, il faut
de la détermination des tarifs du service public et leur accorder une importance particulière à l’évaluation
indexation. Le texte de loi couvrant ces sujets pourrait
et à l’interprétation des données historiques, tant
se lire comme suit :
techniques que financières, permettant une analyse
Le tarif du service public doit couvrir l’ensemble des coûts critique du secteur. De plus, le modèle doit com-
d’exploitation, y compris la marge bénéficiaire du délé-
gataire et la redevance ou le loyer pour les biens mis en
porter l’élaboration des principales hypothèses qui
A c t e s

délégation, et toutes autres charges imposées par l’État. devront être largement commentées, ainsi que l’ana-
Il est modulé par région afin de tenir compte des coûts lyse critique des résultats obtenus.
spécifiques à chaque région du territoire national.

70
Les réformes du secteur électrique

Un modèle de base est généralement élaboré sur technique et financière du service concédé, et tout
une période de dix ans et plus en utilisant comme manquement aux objectifs doit être clairement
monnaie le dollar des États-Unis d’Amérique. sanctionné.
Cependant, il doit permettre la conversion facile des
Pour comprendre et assurer un suivi adéquat par
résultats ainsi obtenus en monnaie nationale.
les régulateurs et l’autorité délégante des services
délégués à des investisseurs privés, il est nécessaire de
Conclusion mettre en place un plan d’affaires adapté à la situa-
La définition et la mise en place d’une réforme insti- tion actuelle et future du secteur. Ce plan d’affaires
tutionnelle et, plus spécifiquement, d’une tran- doit prendre en compte la structure du secteur (seg-
saction de privatisation, sont un exercice difficile qui ments intégrés ou non intégrés) ainsi que le mode de
demande beaucoup de réflexion et surtout du temps. délégation adopté par l’État. Le développement de
Les réformes instantanées et adoptées à la va-vite ne cet outil est important afin de s’assurer du réalisme
font jamais long feu et, comme se tromper coûte très d’un schéma de privatisation (viabilité financière) et
cher (financièrement et politiquement), il y a lieu de de la justesse de la tarification du service public. Il
bien analyser toutes les options de désengagement de permet également, sur une base régulière, de suivre
l’État des entreprises œuvrant dans les services les indices de performance sur lesquels se sont enga-
publics. gés les opérateurs privés.
Le schéma à mettre en place doit être réaliste et
assez attrayant pour permettre une saine compétition
dès le début du processus de sélection. Il est norma-
lement accompagné d’une réglementation transpa-
rente et surtout prévisible dans son application. La
convention de délégation et son cahier des charges
doivent contenir les dispositions relatives aux objec-
tifs technico-économiques à atteindre dans la gestion

A c t e s

71
Deuxième partie

Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation


et l’investisseur
Le rôle de l’État dans un marché concurrentiel de l’électricité
David PROULT
Économiste
Commissariat à l’Énergie Atomique, Paris, France

Introduction responsabilité de l’organisation du service public ou


La coexistence dans un même secteur de missions d’intérêt général de l’électricité et celle de la
d’intérêt général et d’activités en situation concur- définition et de la mise en œuvre de la politique
rentielle nécessite un mode d’organisation spécifique, énergétique. Afin d’exercer leurs responsabilités, les
« la régulation ». Jean Bergougnoux définit la régu- États ont développé des moyens d’intervention sur
lation comme « l’ensemble des interventions des les marchés.
pouvoirs publics visant à instaurer la concurrence
autant qu’il est nécessaire dans un secteur où elle L’organisation du service public
n’existait pas ou très peu, et à concilier l’exercice loyal Associé, le plus souvent, dans le passé, à la situation
de la concurrence avec les missions d’intérêt général de monopole, le service public de l’électricité doit
dont sont investis les services publics en réseaux»1. être réorganisé avec l’ouverture à la concurrence qui
L’État est toujours responsable de l’organisation entraîne la disparition de ce monopole.
des services publics et met en place une régulation Aussi, dans l’article 1 de la loi du 10 février 2000
appropriée. Dans le secteur électrique, la régulation qui a ouvert à la concurrence le marché électrique
relève, en général, de deux acteurs : l’autorité de français, est-il précisé que «le service public de l’élec-
régulation mise en place par les pouvoirs publics et tricité a pour objet de garantir l’approvisionnement
les ministères compétents. Si la répartition des en électricité sur l’ensemble du territoire national,
fonctions et le partage des pouvoirs entre ces acteurs dans le respect de l’intérêt général». L’article 2, lui,
sont variables selon les pays, il est toutefois possible précise cette définition en déterminant les trois
de dégager des traits communs. grandes missions du service public : « la fourniture
Les compétences des autorités de régulation d’électricité», «le développement et l’exploitation des
portent principalement sur les relations entre les opé- réseaux publics de transport et de distribution», [et]
rateurs, producteurs, importateurs et consomma- «le développement équilibré de l’approvisionnement
teurs, et le monopole naturel constitué par le réseau électrique ». Pour chacune d’elles sont aussi déter-
de transport. Avant les réformes, leurs missions minés les bénéficiaires, les opérateurs et les modalités
étaient généralement assurées au sein de monopoles de financement.
intégrés.
Les gouvernements et les administrations placées La fourniture d’électricité
sous leur autorité sont les deuxièmes acteurs de la Cette mission consiste à assurer:
régulation des marchés de l’électricité. Ils ont la • la fourniture d’électricité aux clients non éligibles
A c t e s

en respectant la péréquation géographique natio-


1. Services publics en réseau : perspectives de concurrence et nale des tarifs et en instaurant une tranche de
nouvelles régulations, Commissariat Général du Plan ; La tarification «produit de première nécessité» pour
Documentation française, avril 2000. les ménages les plus modestes;
75
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

• la fourniture d’électricité aux clients éligibles qui Les charges financières qui en découlent font
ne trouvent aucun fournisseur ni fourniture de l’objet d’une compensation intégrale par le biais du
secours. Fonds du Service Public de l’Électricité (FSPE).
Cette mission est confiée à EDF. Pour des raisons stratégiques, de sécurité d’appro-
Les charges de l’entreprise liées à la mise en place visionnement et de protection de l’environnement,
d’une tarification sociale sont financées par le biais la France et la majorité des États européens ont
du Fonds du Service Public de l’Électricité (FSPE), conservé, en passant d’un secteur électrique en
alimenté par des contributions des consommateurs situation de monopole à un marché concurrentiel,
finals d’électricité et dont le montant est des moyens leur permettant de guider les choix
proportionnel à leur consommation. d’investissement des opérateurs en termes d’énergies
primaires et de technologies. Ils ont à cet effet mis
en place des outils qui peuvent être différents selon
Le développement et l’exploitation les pays, mais qui traduisent tous un changement
des réseaux publics de transport dans la façon dont l’État intervient.
et de distribution
Cette mission consiste à assurer: L’ouverture à la concurrence
• la desserte du territoire national par les réseaux marque un changement
publics de transport et de distribution de de perspective pour l’État :
l’électricité; de la planification à l’incitation
• le raccordement et l’accès, dans des conditions L’ouverture à la concurrence des marchés de l’électri-
non discriminatoires, aux réseaux. cité entraîne la fin de la logique de planification des
investissements en installations de production d’élec-
Elle est confiée au gestionnaire du réseau de tricité, fondée sur des prévisions de la demande à
transport, RTE – entité intégrée à EDF, mais indé- long terme, qui a prévalu dans les situations de
pendante sur le plan comptable et sur celui de la monopole.
gestion du reste de l’entreprise – et aux distributeurs
non nationalisés. Le secteur électrique sous contrôle public appli-
quait les décisions de politique énergétique concer-
Ces charges sont réparties entre les différents nant les énergies primaires à utiliser. La structure des
organismes de distribution par le Fonds de Péréqua- parcs de production relevait directement de choix
tion de l’Électricité (FPE). politiques et l’opérateur « public » devait s’y rallier.
Dans ces conditions, les États maîtrisaient à la fois la
Le développement équilibré de nature (choix des technologies et des énergies
l’approvisionnement électrique primaires) et le rythme des investissements de
Cette mission vise: production et de transport de l’électricité.
• la réalisation des objectifs d’évolution du parc de Sur un marché ouvert, les décisions d’investis-
production de l’électricité, arrêtés par le ministre sement ne sont plus prises à l’échelle d’un système
chargé de l’énergie; électrique mais par des opérateurs multiples. Aussi,
• la garantie d’approvisionnement des zones non l’investissement n’est plus décidé pour assurer l’équi-
interconnectées au réseau de transport métro- libre à tout moment entre offre et demande, mais en
fonction d’une perspective de rentabilité. De même,
A c t e s

politain.
le choix des énergies primaires par les producteurs ne
Les opérateurs en charge de ces objectifs sont les relève plus de considérations stratégiques prenant en
producteurs d’électricité et, notamment, EDF.

76
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

compte, par exemple, la sécurité d’approvision- La «programmation pluriannuelle des investisse-


nement, mais d’une logique de compétitivité de la ments de production (PPI)», arrêtée par le ministre
firme. Dès lors, ce sont des considérations sur le prix chargé de l’énergie, sera la traduction concrète dans
du kWh et les coûts de production qui guident le domaine électrique des orientations de politique
l’investissement des opérateurs. énergétique décidées. Elle fixe des « objectifs en
Dans cet environnement, l’État doit reconsidérer matière de répartition des capacités de production par
son rôle de planificateur de la politique énergétique. source d’énergie primaire et, le cas échéant, par tech-
Pour conserver une maîtrise de l’évolution du secteur nique de production et par zone géographique2 ».
électrique, il cherche à produire des incitations qui Ainsi, l’exercice de programmation réalisé, dans
influenceront le comportement des opérateurs. Il ne la situation de monopole, par EDF (entreprise pu-
les contraint plus à suivre des injonctions, mais blique) est devenu une prérogative que l’État exerce
assure la rentabilité des investissements qu’il veut directement. Il est préparé sur la base d’un bilan
promouvoir pour réaliser des objectifs publics. prévisionnel pluriannuel établi par le gestionnaire du
réseau qui analyse l’évolution passée de la consom-
La définition des objectifs publics mation et des capacités de transport et de distri-
bution. Il se fonde également sur des prévisions de
La volonté des États de conserver des moyens d’inter-
demande pour définir des objectifs de création de
vention sur le marché de l’électricité vise en parti-
nouveaux moyens de production.
culier deux types d’objectifs:
La première programmation pluriannuelle des
• Influencer l’évolution quantitative de l’offre investissements a été arrêtée par le ministère le
d’électricité afin d’assurer la sécurité d’appro- 7 mars 2003. Elle fournit à l’État français un guide
visionnement du marché électrique national. pour son intervention sur l’évolution des capacités
• Influencer les choix technologiques. La plupart de production installées.
des pays de l’Union européenne ont mis en place
des mécanismes permettant de soutenir certaines
Les instruments de l’intervention
filières technologiques dont le manque de
publique
rentabilité (les renouvelables, la cogénération,
etc.) ne permet pas un développement dans le Afin de mettre en œuvre, dans le domaine de l’élec-
cadre d’un marché concurrentiel. tricité, leurs orientations énergétiques, les pays se
sont dotés d’un «frein» (le système des autorisations)
La France est un des rares pays à s’être doté à la et « d’accélérateurs » (les appels d’offres, les obliga-
fois de moyens d’évaluation des besoins en capacités tions d’achat et les marchés complémentaires) per-
de production d’électricité à moyen terme et d’outils mettant de ralentir, d’interrompre ou à l’inverse de
d’intervention sur l’évolution quantitative et qualita- soutenir le développement d’une technologie parti-
tive de ses capacités. culière, ou d’ajuster l’ensemble des capacités de
Afin d’expliciter les choix publics en matière production installées.
d’énergie, le législateur français a prévu l’élaboration
d’une «loi d’orientation de l’énergie». Ce texte, qui Le « frein » : les autorisations
ne porte pas uniquement sur l’électricité, doit expri- Dans l’ensemble des marchés électriques, la création
mer une vision à long terme sur l’ensemble des ques- de nouvelles installations de production est sujette à
tions énergétiques. Il doit en particulier définir des l’obtention d’une «autorisation d’exploitation» déli-
A c t e s

priorités et des objectifs concernant la maîtrise de la vrée par le ministère de l’Énergie.


demande énergétique et l’approvisionnement énergé-
tique du pays. 2. Article 6 de la loi du 10 février 2000.

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Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

La délivrance de cette autorisation est condition- conditions du marché de l’électricité ne le per-


née, de façon explicite ou non, à la compatibilité du mettent pas. Pour cela, ils garantissent à la pro-
projet avec les objectifs publics sur le plan de duction un débouché et à l’investisseur un revenu
l’évolution du parc électrique (capacités et combus- supérieur à celui qu’il obtiendrait sur le marché.
tibles utilisés). Dans le cas où les caractéristiques de
Avec les appels d’offres et les obligations d’achat,
l’investissement envisagé sont conformes aux orien-
l’électricité produite par la technologie soutenue est
tations, l’autorisation est accordée. Mais, si les
achetée à un prix supérieur à celui du marché. Dans
capacités installées s’écartent des objectifs de cette
le cas des marchés de « certificats verts » (pour le
programmation, le gouvernement pourra décider de
développement des énergies renouvelables), l’électri-
ne plus accorder, pour un temps, d’autorisation pour
cité est vendue au prix du marché, mais le revenu du
certains types de projets dont la réalisation creuserait
producteur est augmenté par la vente du certificat
le décalage entre le parc souhaité et le parc observé.
vert.
Ce système des autorisations constitue un «frein»
que les pouvoirs publics peuvent utiliser pour Les appels d’offres et les obligations d’achat
ralentir le développement du parc de production ou Les appels d’offres et les obligations d’achat sont les
d’une technologie. C’est dans cet esprit que les instruments traditionnels des politiques de soutien
pouvoirs publics britanniques ont refusé, entre 1998 aux énergies renouvelables, mais ils peuvent aussi
et 2000, d’octroyer des autorisations pour toute s’appliquer au développement d’autres technologies.
nouvelle centrale électrique au gaz. Ils relèvent soit d’une approche par les quantités
(appels d’offres), soit d’une approche par les prix
Les « accélérateurs » : les appels (obligations d’achat).
d’offres, les obligations d’achat, • Avec le système des «appels d'offres» ou «enchères
les marchés complémentaires concurrentielles », le ministère fixe le niveau de
Dans le cas où l’évolution spontanée des investisse- capacité installée souhaité pour une technologie
ments ne suffit pas à répondre aux objectifs publics choisie et propose un contrat d’achat à long terme
en matière de technologie ou d’énergies primaires de l’électricité produite par ces installations.
utilisées, les pouvoirs publics doivent pouvoir Seront retenus et bénéficieront des contrats les
intervenir sur le marché pour inciter, avec des outils investisseurs qui auront proposé le prix de vente
assimilables à des «accélérateurs», au développement de l’électricité le plus bas.
d’une technologie ou de certaines énergies. • Dans les procédures de « l’obligation d’achat »,
Les États membres de l’Union européenne, aussi appelée «tarifs d’achat garantis», le ministère
s’étant donné des objectifs de développement extrê- impose aux distributeurs d’électricité d’acheter
mement ambitieux de production d’électricité à toute l’électricité produite par les installations
partir d’énergie renouvelable, utilisent aujourd’hui concernées à un tarif qu’il fixe et qui s’applique à
des instruments de soutien aux technologies pour, l’ensemble des producteurs. Les pouvoirs publics
par exemple, développer les énergies renouvelables. ne connaissent pas a priori le niveau de dévelop-
pement de la filière concernée. Il est fonction des
Trois grands types d’instruments sont mis en
projets que les opérateurs décident de mettre en
œuvre : les appels d’offres ou enchères concurren-
œuvre dans le cadre tarifaire affiché.
tielles, les obligations d’achat ou tarifs d’achat
garantis et les marchés de certificats verts. Parce que ces outils doivent assurer la rentabilité
A c t e s

d’investissements privés non profitables dans les


Ces trois types d’instruments visent tous à assurer
conditions du marché, ils ont un coût pour la
la rentabilité des investissements souhaités lorsque les
collectivité.

78
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

En France, c’est EDF qui a l’obligation d’acheter de ces soutiens. Mais, en contrepartie d’un coût plus
à un prix supérieur à celui du marché l’électricité faible, cet outil semble être moins efficace pour
produite par les installations bénéficiant de ces stimuler les investissements5.
procédures. Le surcoût induit pour l’entreprise fait Dans le système des «appels d’offres», la concur-
l’objet d’une compensation par le biais du Fonds du rence entre les investisseurs les incite, pour qu’ils
Service Public de l’Électricité (FSPE), alimenté par soient retenus, à proposer des prix de vente de
des contributions de l’ensemble des consommateurs l’électricité qui compriment leur marge. Si cela tend
finals d’électricité. à réduire le coût global du dispositif, cela induit aussi
Pour 2003, la Commission de Régulation de des taux de rentabilité attendus des projets inférieurs
l’Électricité (CRE) française estime que le coût des à ceux que procurent les « obligations d’achat ». En
dispositifs « d’obligations d’achat » utilisés pour effet, avec un prix d’achat de l’électricité fixé admi-
soutenir la cogénération et la production d’électricité nistrativement et en l’absence de concurrence entre
par les énergies renouvelables s’élève à plus d’un les investisseurs pour bénéficier de ces soutiens
milliard d’euros3. Les charges induites pour les financiers, les «obligations d’achat» offrent, en règle
consommateurs sont de 0,33 centime d’euros/kWh générale, l’opportunité d’un investissement très
consommé, soit plus de 10% du prix de gros moyen rentable6.
de l’électricité. Compte tenu du souhait de Dans l’espoir de sortir du dilemme entre effica-
développer la production d’électricité d’origine cité et coût, certains États ont mis en place des outils
renouvelable, le coût de ces dispositifs pourrait faisant plus appel à des mécanismes de marché qu’à
rapidement devenir très important4. des dispositifs administratifs.
Ces estimations ont conduit la CRE à «s’inquiéter
de ces hausses non maîtrisées du prix de l’électricité, Les marchés de certificats verts
qui pourraient plus que compenser les effets bénéfiques Par la mise en place de marchés particuliers qui fonc-
de la concurrence» et à recommander «au gouverne- tionnent à côté des marchés électriques, les États
ment de mettre en œuvre […] la procédure d’appel peuvent espérer valoriser économiquement des pré-
d’offres». occupations que le marché traditionnel ne prend pas
En effet, en fixant a priori le niveau des capacités en compte. C’est ce principe qui préside à la mise en
de production à mettre en place, le dispositif des place des marchés d’émissions pour valoriser la
« appels d’offres » ou « enchères concurrentielles » réduction des rejets polluants ou des marchés de
permet un meilleur contrôle de l’évolution du coût certificats verts pour inciter à la production à partir
d’énergies renouvelables.

5. Les pays, dont le Royaume-Uni et l’Irlande, dans lesquels


les appels d’offres ont été appliqués pour soutenir l’énergie
3. «Avis de la Commission de Régulation de l’Électricité en éolienne, ont connu un développement beaucoup moins
date du 5 juin sur l’arrêté fixant les conditions d’achat de important de cette énergie que ceux, comme l’Allemagne
l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie et l’Espagne, qui avaient choisi le système des prix d’achat
mécanique du vent». garantis. Voir Quels instruments économiques pour stimuler le
développement de l’électricité renouvelable, cahier de Global
4. La CRE estime que le coût cumulé du soutien au seul
Chance, février 2002.
développement de l’énergie éolienne approchera en 2010
A c t e s

17 milliards d’euros et induira une hausse du prix de l’élec- 6. En France, selon la Commission de la régulation française,
tricité consommée en France de 3 €/MWh, soit environ une installation éolienne bénéficiant de l’obligation d’achat
15% de son prix pour les gros consommateurs industriels a une rentabilité de « plus de 20 % par an après impôts,
et 3% pour les particuliers. garantie sur 15 ans».

79
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Dans les marchés de certificats verts, l’État fixe bien vendre l’électricité sur le marché traditionnel et
aux producteurs ou aux distributeurs une obligation le certificat vert sur le marché spécifique. La valori-
d’utilisation d’électricité renouvelable. Les obliga- sation de la production d’origine renouvelable se fait
tions imposées par les pouvoirs publics assurent un alors de deux façons. Sur le marché physique, le
débouché à la production d’électricité d’origine producteur est rémunéré en dessous de son coût de
renouvelable et fixe ainsi un objectif quantitatif de production, mais la vente du certificat vert complète
développement de ces énergies. son revenu. À l’équilibre du marché, le prix des
Afin de réduire le coût de réalisation des objectifs certificats verts est égal à la différence entre le coût
imposés, les pouvoirs publics autorisent un degré de marginal de production de l’électricité et le prix de
flexibilité dans le dispositif. Les producteurs de l’élec- l’électricité sur le marché physique.
tricité d’origine renouvelable reçoivent un nombre de S’intégrant bien à la logique des marchés de
certificats correspondant à leur production et garantis- l’électricité, ces instruments de soutien aux techno-
sant son origine. Ces certificats peuvent faire l’objet de logies non rentables se développent assez rapidement
transactions. Les échanges de certificats verts accom- en Europe.
pagnent la livraison physique de courant, mais peuvent
L’intérêt de ces dispositifs tient à la flexibilité
aussi en être déconnectés. Ainsi, les pouvoirs publics
qu’introduisent les échanges. Les promoteurs de ce
incitent à la formation d’un marché spécifique, le
système présentent aussi la pression concurrentielle
«marché des certificats verts», où les offreurs sont les
qui existe sur ces marchés comme un moyen de
producteurs de l’électricité concernée et les deman-
réduire le coût des incitations publiques. Cet argu-
deurs, les opérateurs soumis aux obligations.
ment doit être nuancé. En effet, les opérateurs sou-
Pour remplir leurs obligations, les opérateurs mis aux obligations, comme les investisseurs dans les
peuvent alors produire l’électricité demandée, énergies renouvelables, chercheront à se protéger des
l’acquérir ou encore acheter un certificat auprès de risques de variabilité du prix du certificat. Les uns
producteurs. Les producteurs d’électricité d’origine pour limiter l’incertitude sur la rentabilité de leurs
renouvelable, quant à eux, peuvent vendre leur pro- projets et les autres pour se garantir contre des
duction aux opérateurs soumis à une obligation ou hausses non anticipées de ce coût. Aussi, les acteurs

Tableau 6.1
Les modes opératoires des marchés de certificats verts en Europe
Royaume-Uni Italie Belgique Danemark
Flandres: 5% en 2005
20% en 2003
Objectifs 10,4% en 2011 78 TWh en 2008 Wallonie: 12%
50% en 2030
en 2010
Producteurs Consommateurs
Opérateurs contraints Distributeurs Distributeurs
et importateurs
Flandres:
Hydroélectricité
Sources éligibles Unités construites Unités construites déchets exclus
de grande capacité
après 1990 après 1999 Wallonie:
et déchets exclus
déchets inclus
Flandres: 2002
Date d’entrée en vigueur 2002 2001 2003
A c t e s

Wallonie: 2002
Source: Ph. Menanteau, M.L. Lamy et D. Finon, Les marchés de certificats verts pour la promotion des énergies renouvelables: entre efficacité
allocative et efficience dynamique, cahier de recherche, no 29, Institut d’Économie et de Politique de l’Énergie, Université Pierre
Mendés France, Grenoble.

80
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

du marché privilégieront-ils l’établissement de La volonté de l’État français de conserver une


contrats à long terme avec un prix fixé entre eux, ce place importante au nucléaire dans un environne-
qui limitera la pression concurrentielle et donc la ment où il serait difficile de le financer illustre ce
tendance à la réduction du coût du dispositif. besoin d’intervention publique. Si le coût du kilo-
wattheure de cette énergie est compétitif par rapport
Conclusion aux autres modes de production possibles, l’engage-
ment sur le très long terme et la mobilisation d’une
Contrairement à ce qui est parfois avancé, l’État peut
masse importante de capitaux qu’elle induit sont des
rester, dans un marché ouvert, un acteur majeur de
handicaps. Face à l’incertitude sur les prix futurs de
l’évolution du secteur électrique. À des degrés divers,
l’électricité, les producteurs d’électricité pourraient
dans l’ensemble des pays européens, les pouvoirs
privilégier des technologies nécessitant moins d’inves-
publics ont conservé des prérogatives d’orientation
tissements et permettant un retour sur capital plus
des choix d’investissement des opérateurs. Des
rapide.
instruments divers ont été développés.
Dans les différents exemples présentés ci-dessus,
L’ouverture à la concurrence en Europe dans le
nous avons mis en lumière le coût du passage d’une
secteur de l’électricité s’est faite majoritairement dans
logique de planification à une logique d’incitation.
des marchés « surcapacitaires », ce qui a permis sa
Afin d’encourager les acteurs du marché à suivre ses
réussite. Les États ont développé des outils pour
préférences, l’État doit, en effet, garantir la rentabi-
influencer à la marge l’évolution des capacités de
lité de leurs investissements. Le choix des instruments
production installées. Avec l’apparition dans les
utilisés influence le niveau de ce coût, mais il ne peut
prochaines années de besoins de renouvellement
le faire disparaître. Si la contradiction entre les
massif du parc de production, les enjeux de l’inter-
intérêts publics et ceux du privé devait s’accentuer, le
vention publique devraient être accrus. Il s’agira de
coût de l’intervention publique s’en trouverait
favoriser la création de capacités de production en
fortement augmenté et l’État pourrait être amené à
base afin de sécuriser l’approvisionnement électrique,
revoir ses moyens d’intervention.
alors que la tendance du marché peut conduire les
opérateurs à retarder leurs investissements pour
profiter de l’augmentation des prix, induite par
l’apparition d’une pénurie7. Les pouvoirs publics
devront alors inciter les producteurs à anticiper la
demande et à choisir les techniques de production
en base qui leur semblent préférables. A c t e s

7. « Nouvelles Formes de marchés électriques et choix


d’investissement », cahier de recherche du CGEMP, no 1,
Université de Paris IX Dauphine, 2002.

81
La réglementation économique et financière
des industries de réseau
Jean-Benoît TRAHAN
Président, Eneconsult, Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec), Canada

Le monopole naturel et ses intérêts Ces entreprises de réseau sont caractérisées par
Le monopole naturel représente une situation où les des coûts de production marginaux décroissants2, un
coûts de production sont moindres lorsque le service faible taux de substitution des produits offerts et des
ou le produit est offert par une seule entreprise services fondamentaux, voire essentiels, rendus par
plutôt que par plusieurs. Par incidence, les entre- leurs produits et services.
preneurs qui sont dans ce secteur auront comme Tout d’abord, notons l’aspect de la forte capitalis-
intérêt d’acquérir leurs concurrents afin de réduire ation requise dans ces industries. En effet, la cons-
leurs coûts de production, d’offrir un meilleur prix truction d’un réseau de transport ou de distribution
et donc de continuer la progression de l’acquisition d’électricité nécessite de grands investissements qu’il
de clientèles alors détenues par d’autres concurrents. ne sera possible de rentabiliser qu’à long terme. Or,
À terme, il ne restera qu’une seule entreprise1. C’est lorsque l’investissement majeur est fait, les coûts
ce qui explique le terme «naturel» dans l’expression pour augmenter l’utilisation du réseau sont générale-
«monopole naturel»: il est naturel qu’à terme chaque ment très peu importants lorsque comparés à ceux
industrie soit possédée par une seule entreprise. que devrait débourser une entreprise concurrente
On retrouvera donc principalement des indus- voulant entrer dans le marché en développant son
tries de réseau dans ce type de monopole, comme le propre réseau.
transport par rail, le transport et la distribution de En second lieu, notons que les produits offerts par
l’électricité, la distribution de l’eau ou encore les ces industries ont peu ou pas de substituts réels. En
télécommunications. fait, les substituts sont peu accessibles, moins pra-
tiques ou tout simplement moins performants. C’est
le cas par exemple de l’éclairage à la chandelle versus
à l’électricité ou de l’utilisation, sur de grandes
distances de déplacement, de la voiture versus l’avion.
1. À titre illustratif, prenons le cas du Québec. Au tout début Enfin, ces industries offrent des services fonda-
de l’apparition des sociétés d’électricité, il y avait plusieurs
petits producteurs pour la ville de Montréal, certains of- mentaux au développement humain, tels que l’accès
frant à la ville, d’autres, à plusieurs usines. Progressivement, à l’eau, à l’électricité, au transport ou aux télécom-
mais très rapidement, la compagnie Montreal Light Heat munications. Toute économie qui cherche à relever
and Power (MLH&P) a racheté tous ses concurrents locaux les défis de la croissance doit pouvoir compter sur un
et a ainsi détenu un monopole sur la ville. Le même
processus a été observé au niveau régional. Par exemple, la excellent système de transport, de communication,
MLH&P a racheté par la suite les distributeurs et pro- d’accès à l’eau potable et à l’énergie.
ducteurs de la rive sud de Montréal. Finalement, à la suite
A c t e s

de deux nationalisations, Hydro-Québec a repris tous les


concurrents à l’échelle de la province de Québec, à 2. On peut également expliquer ce phénomène par le suivant:
l’exception de quelques-uns, principalement des municipa- les coûts fixes sont très grands, alors que les coûts variables
lités et des coopératives de taille restreinte. sont, de nature, beaucoup plus limités.

83
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et les expériences

C’est dans cette optique que la réglementation Deux approches ont donc été développées par les
économique s’inscrit. Elle a pour objectif d’assurer gouvernements dans leur stratégie de recherche de la
un développement harmonieux de ces industries. maximisation du bien-être social. Ce sont la nationa-
En effet, une entreprise en situation de mono- lisation et la réglementation économique.
pole naturel aura tendance à utiliser son pouvoir de Une stratégie courante fut la nationalisation des
marché (entre autres en utilisant des stratégies de entités monopolistiques privées, en les mettant totale-
contraction de l’offre ou de prix discriminatoires) ment sous le contrôle de l’État3. Cette tendance fut
afin d’atteindre ses objectifs de maximisation de d’ailleurs très forte dans les pays d’Afrique de l’Ouest,
rentabilité. En fait, cette situation est présente dans mais également dans d’autres pays, notamment pour
toutes les industries. Cependant, dans un marché l’électricité dans les provinces canadiennes et en
concurrentiel, les entreprises qui proposeront des France.
stratégies de marché afin de faire hausser les prix L’autre approche, la réglementation économique,
ouvriront alors la porte à la venue de nouveaux cherche à minimiser le pouvoir des monopoleurs,
joueurs qui proposeront, eux, le produit ou service à tout en laissant les entreprises dans le secteur privé.
un coût moindre. Or, le monopoleur naturel n’a pas Cette approche est principalement utilisée aux États-
de concurrents et sa position de dominance du mar- Unis et en Angleterre, mais également dans d’autres
ché n’est pas remise en question, notamment parce pays, notamment au Canada, et dans plusieurs pro-
que les barrières à l’entrée du marché sont trop vinces ou États, comme au Québec et dans le
grandes (forte capitalisation nécessaire). Ainsi, l’État Vermont, par exemple.
doit intervenir afin d’assurer un développement
harmonieux des secteurs. Aujourd’hui, plusieurs pays en développement
cherchent à remettre la gestion des entreprises mono-
Les réactions des gouvernements polistiques au secteur privé, entre autres pour cause
de manque de financement public, tout en conser-
À travers le temps, les gouvernements ont cherché à vant un certain contrôle sur les actions de celles-ci. La
réduire les pouvoirs des monopoles naturels afin de réglementation économique, expérimentée princi-
hausser la «qualité de vie» des consommateurs, donc palement dans les pays anglo-saxons, se veut une
de leurs citoyens. Économiquement, on peut expli- solution fort populaire pour ce faire. Celle-ci se met
quer cette volonté par la recherche de la maximisa- en place sur l’opérateur en échange d’un droit de
tion du bien-être social. monopole sur un secteur donné de l’économie, par
Le bien-être social se compose du bénéfice de exemple la distribution de l’électricité4.
l’entreprise et du bénéfice des consommateurs. Il est
entendu que la maximisation de ces deux bénéfices 3. Dans cette approche, l’entreprise nationalisée devient un
outil d’intervention directe du gouvernement dans le déve-
est antinomique. C’est pourquoi, lorsque la compéti- loppement économique.
tion ne réussit pas à apporter les bénéfices de chaque 4. La production d’électricité est un secteur qui a une tendance
partie vers le point optimal pour la société, les gou- monopolistique moindre. Cependant, ce secteur est souvent
vernements ont tendance à chercher à agir sur le en position de monopsone, ce qui limite également la flui-
marché pour corriger ces imperfections. Dans le cas dité du marché. Par conséquent, il est normal de retrouver
des monopoles dans ce segment de l’industrie, surtout dans
des monopoles naturels, le gouvernement permet le cas des entreprises intégrées verticalement (production,
leur développement, tout en s’assurant que les prix, transport et distribution). L’arrivée des producteurs d’électri-
la qualité du service et l’accès à ce dernier sont jugés cité indépendants est toutefois de plus en plus courante,
A c t e s

raisonnables par les consommateurs. habituellement en ajout au producteur historique, afin de


répondre à la croissance de la demande. Souvent, ces entre-
prises auront alors des garanties d’achat de la part du distri-
buteur ; par exemple, en gagnant un appel d’offres du
distributeur ou en signant un contrat d’achat-vente.

84
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

La réglementation économique • La méthode de nomination du président et des


La réglementation économique a pour objectifs: membres de l’Autorité;
• Les différentes obligations réglementaires de
• d’assurer que le service est offert à un prix l’Autorité:
raisonnable;
– Modifications tarifaires
• de permettre l’expansion de la desserte à un taux
– Conditions de service
jugé raisonnable (par exemple, la desserte des
milieux ruraux); – Nouvel investissement de l’opérateur
• d’assurer une qualité du service raisonnable; – Programmes commerciaux
• d’assurer la viabilité financière de l’entreprise. – Programmes d’économies d’énergie
– Plan d’approvisionnement énergétique
La réglementation économique atteint ces
objectifs en effectuant le suivi et la vérification des – etc.
actions et de la gestion de l’opérateur. • L’accès aux ressources financières pour le fonc-
tionnement de l’Autorité:
Pour ce faire, il faudra mettre en place une entité
supérieure au conseil d’administration de l’entreprise – Habituellement, l’Autorité a un financement
privée. Cette entité, le régulateur, doit donc posséder indépendant provenant d’une redevance payée
des pouvoirs législatifs suffisamment puissants afin par les consommateurs et remise à l’Autorité
que le monopoleur respecte ses décisions. par l’opérateur. Cette méthode de financement
s’explique par le fait que les bénéficiaires directs
Cependant, le régulateur ne remplace pas le con- de l’Autorité sont les consommateurs, puisque
seil d’administration ni les spécialistes du monopo- sans l’Autorité, le monopoleur pourrait user de
leur. En effet, l’objectif ultime de la réglementation son pouvoir monopolistique pour notamment
économique est de s’assurer que le monopoleur hausser radicalement ses prix.
n’utilise pas son pouvoir de marché de manière
déraisonnable. Là s’arrête le rôle du régulateur. Ainsi,
ce dernier doit se faire convaincre que l’opérateur L’application de la loi
agit correctement. Bien que la réglementation des monopoles naturels
soit davantage de nature économique et financière, il
Afin d’effectuer les travaux de vérification néces- est nécessaire d’établir un cadre pour les échanges,
saires, la réglementation économique utilise le droit, débats et travaux. Pour ce faire, le droit administratif
et plus spécifiquement le droit administratif, afin apporte une solution, puisqu’il sert à gérer l’ensemble
d’encadrer l’ensemble des échanges et des travaux des débats réglementaires.
permettant au régulateur d’atteindre ses objectifs.
La réglementation économique ne relève pas du
droit civil. À la fin des travaux, il n’y a pas de cou-
Le législatif
pable ni de sentence de prison. L’objectif est de tenir
Le droit sert initialement à la création du régulateur. des débats qui permettront au régulateur d’être
Le régulateur se veut une entité paragouvernemen- confortable avec les décisions et agissements de
tale, qui doit être créée par une loi constitutive. l’opérateur.
Cette loi constitutive doit permettre la création Or, il est régulier que les informations fournies
de l’Autorité (commission ou régie), et inscrire ses par l’opérateur soient incomplètes, selon le régula-
A c t e s

droits et obligations. Elle devra prévoir, notamment: teur. Dans certains cas, cela est une volonté de
l’opérateur qui cherche à dissimuler son information,
ce que l’on appelle usuellement le problème de

85
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

l’asymétrie d’informations5. Souvent, il s’agit davan- Les ententes négociées


tage d’agissements involontaires de la part de l’opéra- Dans les pays où la présence de groupes de consom-
teur. Ici, on peut comparer cette situation à celle de mateurs bien implantés représente un réel contre-
quelqu’un qui a de la difficulté à vulgariser sa poids à l’opérateur, des procédures de négociations
connaissance. plutôt que d’audiences traditionnelles deviennent
Dans tous les cas, le régulateur pourra accomplir graduellement plus populaires. Ces négociations se
plus facilement le travail qui lui est confié s’il peut font entre les représentants de l’opérateur et les
compter sur la collaboration des autres groupes de la groupes de consommateurs et sont tenues sous les
société, particulièrement des groupes de consom- indications et la méthodologie décidées par le
mateurs. Ces derniers permettront au régulateur régulateur.
d’obtenir des informations supplémentaires les Ces négociations favorisent des débats moins
concernant, réduisant l’asymétrie d’informations formels, qui permettent, dans certains cas, de meil-
dont bénéficie l’opérateur. Ces groupes de clients leurs résultats. Cependant, les risques de déraillement
auront tendance à apporter des preuves expliquant les sont présents. Entre autres, il peut y avoir des échanges
impacts des demandes de l’opérateur sur les consom- de bons procédés entre groupes de consommateurs ou
mateurs qu’ils représentent. Par exemple, un groupe entre consommateurs et opérateur, qui amèneront des
de clients pourrait expliquer au régulateur que la résultats inacceptables du point de vue de l’intérêt
hausse des prix demandée par l’opérateur aura des public.
impacts néfastes pires que s’il n’y avait pas de hausse,
puisque l’ampleur de la hausse aura comme résultat Ainsi, le régulateur doit tout de même s’assurer
de réduire de manière importante la consommation que l’intérêt public est respecté et, pour ce faire, il
des abonnés. Ils peuvent également éclairer le doit s’assurer que tel est le cas et non pas uniquement
régulateur sur les agissements de l’opérateur dans ses se fier aux résultats des négociations. La compétence
relations avec les consommateurs, par exemple avec de l’équipe du régulateur sera d’ailleurs la pierre
ceux qui paient en retard, etc. angulaire de sa capacité à s’assurer que l’intérêt
public est bien représenté.
Le droit administratif, moins strict que le droit
pénal, permettra donc des échanges constructifs sous
la gouverne du régulateur. De plus, tout en garan-
Les disciplines de
tissant le principe primaire du droit, soit le droit
la réglementation économique
d’être entendu de manière équitable, le régulateur Bien que le travail soit effectué par l’opérateur régulé,
pourra moduler son règlement de procédure afin de le régulateur doit posséder suffisamment de compé-
favoriser au maximum l’apport d’information lui tences afin de s’assurer de comprendre les actions du
permettant de prendre des décisions éclairées. monopole. Ainsi, un régulateur normalement cons-
titué doit reposer sur les disciplines suivantes:
• Droit
• Économie
• Finance et comptabilité
5. L’information est le nerf des travaux réglementaires. Si
l’opérateur limite l’offre d’information, la réglementation • Ingénierie
économique ne pourra être performante, puisque les déci- À ces quatre disciplines, d’autres peuvent égale-
sions se prendront sur des impressions. À ce jeu, le régu-
A c t e s

lateur a usuellement tendance à répondre plus favorable- ment s’ajouter, notamment celles entourant les
ment aux demandes de l’opérateur, puisqu’il craint d’acculer enjeux de l’environnement et du développement
celui-ci à la faillite et ainsi de faillir dans sa tâche de durable. À cet égard, les disciplines de la biologie, de
régulateur.

86
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

l’écologie et des autres sciences de la terre peuvent publiquement, et la défendre tout en offrant aux
être d’un apport fort appréciable. autres intervenants les données financières et les
Idéalement, un régulateur doit avoir une mé- autres informations leur permettant d’évaluer cette
thode de travail multidisciplinaire et non pas secto- stratégie. Ainsi, l’opérateur qui possède toute
rielle (par discipline). L’opérateur est une entreprise l’information et qui s’en sert pour faire passer ses
qui intègre dans ses activités de gestion l’ensemble idées devra accepter de partager celle-ci afin que tous
des disciplines. Par exemple, l’étude d’un projet puissent émettre leur opinion et que le régulateur
d’extension du réseau d’électricité aura pour inci- puisse juger au mérite l’ensemble des propositions.
dence de requérir des compétences en ingénierie L’opérateur devra, de son côté, développer une
pour la construction, en économie et en finance stratégie et des procédures adéquates pour faire
pour le financement du projet et pour l’intégration émerger ces informations.
dans la vision du développement de l’entreprise, et Parmi les principaux travaux du régulateur, qui
en droit pour acquérir les autorisations nécessaires. seront peaufinés au cours des années et modifiés afin
Le régulateur qui veut être en mesure de comprendre de suivre l’évolution des techniques et de l’entreprise,
et de saisir les actions multidisciplinaires de il y a:
l’opérateur doit être en mesure de travailler lui aussi
• Le plan de développement de l’entreprise
de manière multidisciplinaire.
– L’opérateur présente la stratégie de développe-
ment de l’entreprise. Par exemple, il explique
Les principaux travaux et démontre, avec données et autres informa-
du régulateur tions à l’appui, ses intentions en ce qui con-
Le régulateur doit effectuer un certain nombre d’études cerne l’ajout de nouvelles clientèles, de nou-
et de vérifications afin de suivre et de comprendre les velles charges, l’ajout de nouvelles centrales de
actions et de la gestion de l’opérateur. production, etc. Cela permet donc d’avoir une
La démarche du régulateur en est une à long idée claire où sera rendu l’opérateur à la fin de
terme. D’une part, le rôle du régulateur est de tenter la période étudiée.
de reproduire dans le marché régulé les conditions • La base de tarification
théoriques d’un marché de concurrence parfaite. Ces
conditions étant théoriques, il est donc impossible – La base de tarification comprend l’ensemble
d’arriver à l’optimum économique en pratique. des immobilisations de l’entreprise, ainsi que
L’objectif doit être d’y tendre dans le temps. Le ses différents niveaux d’amortissement. On
régulateur doit donc développer une vision à long retrouve donc les investissements amortis sur
terme lorsqu’il mène ses travaux. une période de plus de 12 mois, tels que
l’achat de véhicules, d’immeubles, de sys-
D’autre part, avec la création et la mise en place tèmes informatiques, de poteaux et de fils
d’un régulateur en présence d’une société déjà exis- électriques, de compteurs, etc. De plus, elle
tante, le régulateur et l’opérateur doivent apprendre comprend le fonds de roulement de l’entre-
à travailler ensemble. Tout d’abord, l’opérateur devra prise ainsi que des programmes commerciaux
apprendre à évoluer dans un environnement où financés sur plusieurs années.
l’information est dévoilée publiquement. De son
côté, le régulateur doit amener cet opérateur à • Le coût de la dette et du capital
progresser le plus rapidement possible dans la bonne – Le coût de la dette et du capital représente les
A c t e s

direction, surtout afin de réduire le phénomène d’asy- charges d’intérêts ou de dividendes qui seront
métrie d’informations. Par exemple, l’opérateur devra supportés par l’entreprise. Ce coût doit être
désormais expliquer sa stratégie de développement présenté en pourcentage et en valeur.

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Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

• La structure du capital • La tarification


– La structure du capital indique la part de – La tarification est l’exercice ultime de la régle-
chaque type de capital qu’utilise l’entreprise. mentation économique. Basée sur les prévi-
Par exemple, on pourrait retrouver dans une sions de coûts et sur les prévisions de con-
entreprise les ratios suivants : dette de court sommation, elle cherche à établir une grille
terme, 10%, dette de long terme, 50%, capi- tarifaire qui permettra à l’entreprise régle-
tal propre, 40%. Le taux pondéré du coût de mentée de récupérer l’ensemble de ses coûts.
la dette et du capital sur la structure de capital Il s’agit également du moment où certaines
nous permet alors d’établir le coût moyen de décisions d’ordre économique, social ou
rémunération du capital de l’entreprise pour politique peuvent être prises. Par exemple,
une année donnée. assurer un tarif social interfinancé par les
autres classes tarifaires.
• Les dépenses d’exploitation
– Les dépenses d’exploitation représentent • L’évaluation de la qualité du service
l’ensemble des dépenses de l’entreprise qui ne – L’évaluation de la qualité du service est sur-
sont pas amorties sur une période de plus de tout importante dans les systèmes réglemen-
12 mois. On y retrouve par exemple la pape- taires incitatifs. Elle sert à s’assurer que
terie, les salaires et avantages sociaux non l’entreprise monopolistique n’a pas fait des
reliés à des immobilisations, les frais de poste, gains de productivité lui permettant d’obtenir
d’énergie et de téléphone, etc. de meilleurs rendements sur son capital
propre, au détriment de la qualité offerte aux
• Les dépenses d’opération
clients.
– Les dépenses d’opération représentent l’en-
semble des dépenses de l’entreprise pour une Ainsi, lorsqu’un régulateur obtient les informa-
année donnée, soit l’amortissement du capi- tions demandées et nécessaires au traitement de ces
tal, la rémunération du capital et les dépenses différents dossiers, il pourra évaluer adéquatement et
d’exploitation. avec motivation toute demande de modification
tarifaire.
• L’allocation du coût de service
– L’allocation du coût de service a pour objectif Conclusion
de déterminer le coût réel d’un service à une La réglementation économique est fondée sur le fait
classe tarifaire6 particulière. Ainsi, cela nous que l’opérateur d’un monopole possède un pouvoir
permet d’établir, en comparant avec les reve-
qui lui permet de favoriser son propre bénéfice, au
nus de la dite classe, la nature de l’interfinan-
détriment de celui de la société. Malheureusement,
cement qui existe.
l’histoire nous démontre que ce dernier a tendance à
utiliser ce pouvoir, ce qui a mené au cours des années
les gouvernements à chercher des méthodes afin de
le réduire.
La réglementation économique est une méthode
avant tout pratique qui a connu du succès dans de
6. Une classe tarifaire représente un ensemble de clients ayant
nombreux pays. Cependant, la mise en place d’un
A c t e s

des caractéristiques communes: clients résidentiels, commer- régulateur est relativement complexe et nécessite une
ciaux, institutionnels, industriels. Idéalement, ces caracté- volonté politique forte. Pour ce faire, l’indépendance
ristiques doivent être basées sur la nature de la consom- de l’Autorité dans le traitement des dossiers est un
mation et non pas sur des facteurs politiques ou sociaux.

88
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

des points les plus névralgiques. En effet, si le proces- Le temps est donc une ressource essentielle à l’évolu-
sus est vicié par de l’ingérence, qu’elle soit politique tion de l’opérateur, tout comme la nature de quelques
ou autre, la réglementation économique n’arrivera décisions qui lui seront défavorables l’amènera à
jamais à atteindre ses objectifs. revoir son positionnement et sa stratégie face à la
Bien entendu, la mise en place d’un régulateur réglementation. D’ailleurs, l’opérateur s’apercevra à
amène le gouvernement à se défaire d’une partie de terme qu’une décision non éclairée par manque
son pouvoir dans un secteur sensible du dévelop- d’information est souvent plus dommageable pour
pement économique et du maintien de la stabilité celui-ci que le fait d’offrir les informations nécessaires
sociale. C’est pour cette raison que la mise en place au régulateur afin qu’il puisse rendre une décision
d’une loi constitutive bien adaptée à la situation du équitable.
pays est la pierre angulaire du processus. Les consommateurs sont aussi une partie impor-
L’opérateur aura tendance à chercher à ne pas tante de l’équation. Par leur apport et leurs inter-
s’assujettir à la réglementation économique au départ. ventions, ils permettront au processus réglementaire
Cela est normal, puisque la nouvelle situation d’atteindre ses différents objectifs.
l’amène à revoir son comportement dans des do- Enfin, la réglementation économique est basée
maines où il n’était pas redevable au public. En fait, sur le traitement de l’information détenue par l’opé-
on peut aisément comparer la mise en place d’un rateur. La gestion de cette information et son accessi-
système de réglementation économique au dressage. bilité sont des aspects fondamentaux du traitement
Un cheval sauvage, le premier jour qu’on le montera, des dossiers réglementaires. La transparence est donc
ruera. Il ruera jusqu’au moment où il sentira qu’il obligatoire. Il ne faut pas oublier qu’une entreprise
doit composer désormais avec quelqu’un sur son dos qui se voit accorder un monopole pour un service
et qu’il gagnera davantage à accepter qu’à combattre. public a des obligations, et pas que des droits.

A c t e s

89
Le rôle et les responsabilités d’un État régulateur
Fernando CUEVAS
Chef de l’Unité « Énergie et Ressources Naturelles », Commission économique
de l’Amérique latine et des Caraïbes, Mexico, Mexique

Les réformes de l’industrie électrique, amorcées au Une réforme dite radicale aboutit ainsi à une
cours des années 1980 et qui ont connu leur plein industrie composée d’un segment de la production
essor à partir de la décennie 90, amènent à se pen- qui est potentiellement concurrentiel, et des seg-
cher sur la définition des rôles des différents acteurs ments du transport et de la distribution qui, eux,
de cette industrie. Les mutations qu’elle connaît conservent des caractéristiques de monopole naturel.
induisent en effet une redéfinition des rapports qui Il apparaît utile de souligner dès à présent que dans
prévalaient jusque-là entre l’État et les entreprises, le cas de systèmes électriques de petite et de moyenne
tout particulièrement en ce qui a trait aux missions dimensions, ce type de modèle de réforme radicale
rattachées au pouvoir de tutelle des autorités et à leur présente certaines limites, en particulier par rapport
pouvoir réglementaire. à une introduction de la concurrence dans le seg-
Ces réformes visent aussi une plus grande effica- ment de la productio (Cuevas et Rodriguez, 1998).
cité des entreprises, au moyen d’un plus fort apport Une introduction de la concurrence en production
des capitaux privés. Cette participation du secteur permet d’avoir un segment dérégulé dans lequel
privé suppose toutefois de nouvelles lois, de même l’intervention de l’État se limite au contrôle du respect
qu’une réorganisation de la régulation publique. du jeu concurrentiel. Il n’en va pas de même pour les
Les quelques réflexions énoncées ici sur ces ques- segments du transport et de la distribution où, du fait
tions traiteront d’abord des nouvelles fonctions de des caractéristiques de monopole naturel, l’État se doit
l’État, avant de s’attarder sur la description détaillée de mettre sur pied un mécanisme réglementaire.
de la fonction normative ou de tutelle et la fonction Cela revient donc à énoncer que la mise en place
réglementaire. de ces réformes de l’industrie électrique conduit à une
nouvelle division du travail entre le secteur privé et
Les nouvelles fonctions de l’État l’État. Ce dernier conserve la responsabilité de définir
la politique énergétique et la réglementation des
La plupart des réformes de l’industrie électrique se
marchés monopolistiques ou oligopolistiques. Qui
caractérisent par le retrait, total ou partiel, de l’État
plus est, il est également tenu de surveiller les méca-
dans son rôle de gestionnaire, ainsi que par l’adapta-
nismes de marché par des actions directes ou des
tion de ses fonctions au nouveau cadre institutionnel
instruments indirects, en ce qui concerne les segments
mis en place. Ces réformes apportent généralement
concurrentiels. L’amplitude exacte des nouvelles
aussi un ou plusieurs des changements suivants:
responsabilités de l’État est significativement reliée aux
• introduction de la concurrence dans le segment cultures politique et juridique de chaque pays. Il existe
de la production; toutefois un cheminement commun puisque dans la
A c t e s

• dé-intégration verticale et horizontale des majorité des pays, les réformes sont approuvées par le
entreprises; pouvoir législatif au moyen d’un texte spécifique à
• accès des tiers aux réseaux de transport. l’industrie électrique. Ce texte de loi définit les règles
du jeu pour toutes les activités de la filière électrique,

91
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

de même que les droits et devoirs de tous les acteurs, d’éléments qu’il revient à l’État de surveiller. Ce type
publics et privés. de réforme nécessite également l’existence d’asso-
Pour ce qui est de la fonction normative ou de ciations de défense des consommateurs afin de veiller
définition de la politique énergétique, il n’est pas au bon exercice de la concurrence sur les marchés
inutile de rappeler que même si la nouvelle structure récemment dérégulés, particulièrement en ce qui
industrielle peut effectivement apporter de meil- concerne les prix et la qualité des services.
leures performances du point de vue de l’efficience Les réformes requièrent donc un ensemble de
économique, elle ne permettra pas forcément mesures légales et réglementaires appropriées, mais
l’atteinte des objectifs de développement humain de également des institutions responsables de faire
la société à long terme. Il revient par conséquent à respecter ce corpus. Dans ce contexte, le statut juri-
l’État de jouer un rôle subsidiaire avisé, en particulier dique, le degré d’autonomie, les procédures adminis-
par rapport à la soutenabilité du développement du tratives de nomination et de démission du ou des
secteur énergétique. Ce concept de soutenabilité en- dirigeants de ces institutions deviennent fondamen-
globe aussi bien la viabilité économique et financière taux. Il est plus que probable que l’approbation par
des entreprises que la protection de l’environnement le pouvoir législatif d’un pays de lois cadres concer-
et l’équité par rapport aux consommateurs. nant l’industrie électrique, sans adaptation ou créa-
La présence des monopoles naturels dans les seg- tion d’institutions robustes en charge de l’application
ments du transport et de la distribution de l’électricité de la réglementation, va entraîner de sérieuses
justifie l’intervention de l’État par un mécanisme difficultés pour la mise en place de la réforme.
réglementaire1, afin d’éviter les abus de position Le cadre réglementaire se révèle également capital
dominante des acteurs sur ces segments de marché. Il dans le cas d’une réforme qui comprend la privati-
faut rappeler qu’en cas de défaillance du marché, l’État sation d’entreprises publiques2. Ce cadre acquiert en
se doit d’intervenir pour rétablir les conditions effet une importance primordiale pour les analyses
d’exercice du jeu concurrentiel. Cette dernière mission coûts-bénéfices préalables à une implication des
échoit désormais à un nouveau type d’agence, dont opérateurs privés. Le défaut de cadre réglementaire
l’autonomie doit être garantie par différents moyens. peut en effet conduire à une valorisation amoindrie
des entreprises à vendre, dans la mesure où ce
Il est à noter par ailleurs que, compte tenu de
manque est source d’incertitude pour les investis-
la participation accrue des investisseurs privés dans
seurs privés par rapport aux règles du jeu après le
les différents segments de l’industrie et de la dé-
transfert de propriété. L’existence de mécanismes
intégration de l’entreprise publique, la mise en place
réglementaires en amont du démarrage du processus
des réformes nécessite l’existence de lois antitrusts et
de privatisation permet des débats au sein de la
de systèmes judiciaires forts. La dérégulation des
société et des modifications pour l’industrie, ce qui
entreprises électriques implique une dépendance
assure une meilleure transparence de la dynamique.
plus grande à l’égard des lois antitrusts, pour être à
même de protéger les consommateurs des comporte-
ments abusifs ou monopolistiques des nouveaux Fonction normative
acteurs (Shepherd, 1994). Les barrières à l’entrée, le Conformément à l’organisation institutionnelle du
pouvoir de marché des entreprises dominantes ou pays, la fonction normative, qui concerne la défini-
encore la transparence de l’information sont autant tion des politiques fondamentales de l’industrie
A c t e s

1. La notion de réglementation fait référence à toute interven- 2. R. Paredes, « Privatización y regulación : lecciones de la
tion directe et contraignante des pouvoirs publics ou de experiencia chilena », in Despues de las Privatizaciones.
l’État dans l’activité des agents économiques en matière Hacia el Estado Regulador, éd. O. Muñoz, CIEPLAN,
d’affectation des ressources. Santiago, 1993, p. 217-248.

92
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

électrique, est assurée soit par un ministère de tutelle, options relatives à l’approvisionnement, au transport,
soit par une commission ad hoc. La description à la distribution et à l’utilisation de l’électricité re-
détaillée des principes généraux et des attributions posent sur un ensemble de principes normatifs
classiques de la fonction normative de l’État est par- généraux dont une description succincte est reprise
tie intégrante des lois approuvées lors du démarrage dans l’encadré 8.1 (CEPAL, 1997). Il faut noter que
du processus de réforme de l’industrie électrique3. les pays qui accordent une attention particulière à
l’option de développement durable de leur politique
Les principes normatifs généraux énergétique introduisent explicitement deux principes
essentiels: la promotion des économies d’énergie et la
En général, et indépendamment de l’option législa-
prise en compte explicite des sources d’énergies
tive choisie, il ressort du texte de loi entériné que les
renouvelables.

ENCADRÉ 8.1
Principes normatifs généraux

a) Efficacité dans l’allocation des ressources du réseau. L’asymétrie d’informations peut donner lieu
à des rentes informationnelles qui profitent en règle
L’efficacité allocative signifie que la société utilise les
générale à la firme régulée.
ressources disponibles de manière efficace. Les signaux
de prix sont alors supposés légitimes. f) Sécurité d’approvisionnement
b) Équité Le concessionnaire du service public doit assurer la
continuité et la qualité du service sur la base d’un
L’équité englobe l’universalité. Tout individu dispose du
programme adéquat d’investissements et d’un flux
droit d’accès au service, du moins jusqu’à un certain
suffisant de capitaux pour développer les systèmes.
seuil et moyennant un prix raisonnable, transparent et
non discriminatoire. Les pouvoirs publics ont la respon- g) Indépendance énergétique et flexibilité
sabilité de prendre les mesures qui s’imposent pour du système
éliminer les barrières économiques et géographiques à Le développement du système électrique ne doit pas
l’accès d’usagers potentiels au réseau de distribution. conduire à une situation de dépendance énergétique qui
L’équité signifie aussi l’égalité de traitement, en ce sens irait à l’encontre du développement durable.
que tous les usagers, placés dans les mêmes conditions, h) ATR non discriminatoire
doivent payer un prix équivalent.
Permettre l’accès des tiers au réseau (ATR) à des condi-
c) Protection de l’environnement
tions égales pour tous. Le gestionnaire du réseau ne
La production, le transport et la consommation d’élec- peut refuser l’accès que s’il ne dispose pas de la capacité
tricité nécessaires à l’amélioration des conditions de vie de transport et de distribution nécessaire. Le refus devra
de la population doivent se faire dans la préservation des toutefois être motivé et justifié.
écosystèmes. i) Adaptabilité technologique
d) Participation des citoyens
Le système doit être capable d’incorporer le progrès
Ce principe signifie qu’il faut non seulement autoriser, mais technique permettant d’accroître l’efficacité productive
également encourager la participation des citoyens et et allocative.
bénéficiaires à l’élaboration de la politique énergétique. j) Neutralité
e) Transparence
Tous les concessionnaires du service public et les usagers
Il faut garantir l’accès à l’information aux pouvoirs pu- ont droit au même traitement au regard des préceptes
blics, aux opérateurs et aux usagers intéressés au de la loi.
développement des systèmes électriques et à la gestion
A c t e s

3. Il peut s’agir d’une loi générale d’électricité ou encore d’une


loi spécifique de création de la commission ad hoc.

93
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Les attributions ENCADRÉ 8.2


La formulation des politiques et l’élaboration du Formulation des politiques et élaboration
plan de référence ou indicatif de l’industrie élec- du plan de référence de l’industrie électrique
trique sont les deux grands chapitres de la fonction
a) Établir et analyser les options de politique énergé-
normative de l’État. Une liste complète et détaillée tique dans le domaine de l’électricité.
de ces attributions est fournie dans l’encadré 8.2.
b) Faire des recommandations sur des politiques de
L’élaboration du plan de référence ou indicatif prix de l’énergie, en particulier sur les tarifs de
passe par deux options fondamentales. La première l’électricité.
de ces deux options, qui est celle adoptée par le c) Évaluer les avantages et les inconvénients du déve-
Chili, par exemple, élabore ce plan à partir des inten- loppement des sources alternatives d’énergie du
point de vue économique, social et environnemental.
tions de construction de nouveaux ouvrages de
d) Effectuer des diagnostics permettant la formulation de
production par les entreprises électriques existantes
plans et de programmes pour le secteur énergétique.
ou futures.
e) Proposer des programmes de maîtrise de l’énergie.
La deuxième option, qui est celle du Mexique ou f) Coordonner les plans de développement et d’inves-
de la Colombie, établit le plan avec l’objectif affiché tissement des projets énergétiques.
d’assurer l’approvisionnement futur en électricité du g) Veiller à l’incorporation des considérations sociales
pays. Elle suppose donc la définition préalable d’op- et environnementales dans le développement des
tions technologiques, du choix des combustibles des activités énergétiques.
nouvelles centrales ou encore la diversification des h) Publier les politiques et les plans du gouvernement.
sources énergétiques. Il va de soi que cette dernière i) Effectuer directement des contrats ou les passer à
voie suppose une implication plus importante de des services spécialisés afin de réaliser des études de
l’État quant au développement de l’industrie préfaisabilité et même des études de faisabilité
nécessaires à la formulation de la stratégie éner-
électrique. gétique, ainsi que des plans et des programmes
Il est important de signaler que le nombre de sectoriels.
pays qui se permettent de faire l’économie de cette j) Établir les critères de choix des projets énergétiques
fonction normative est restreint. Dans ce cas, les sur la base du plan stratégique et des études
d’impact environnemental.
gouvernements font confiance aux forces du marché
pour assurer l’approvisionnement futur. Cette situa- k) Encourager la participation du capital privé dans les
investissements nécessaires au développement
tion est celle qui prévaut en Argentine et au Salvador. énergétique du pays.
l) Faire des projections de croissance de la demande
L’organisme de tutelle d’électricité et des ressources disponibles, en tenant
Le ministère de tutelle ou la commission ad hoc est compte des considérations techniques, écono-
miques, sociales et environnementales.
responsable de la fonction normative de l’État. La
m) Élaborer un plan national énergétique et adapter le
commission ad hoc présente l’avantage d’offrir une
plan de développement du secteur électrique au
diversité de possibilités quant à sa composition premier.
(ministres ou fonctionnaires nommés par le pouvoir n) Prendre en considération les externalités associées à
exécutif ou législatif ou par les deux), mais également la production, à la transformation et à l’utilisation
quant à son champ de compétence (tout le secteur de l’électricité, lors de la détermination des tarifs.
énergétique ou uniquement l’industrie électrique). Le
A c t e s

choix ultime est bien entendu en fonction de la mission dont la compétence s’étend à la totalité du
culture politique et des institutions des États. Toute- secteur énergétique aurait l’avantage d’exploiter de
fois, dans le cas des pays en développement, où les manière optimale la faible quantité de ressources
cadres professionnels ne sont pas légion, une com- humaines spécialisées, tout en assurant par une

94
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

approche exhaustive la cohérence des politiques Les attributions de l’agence


propres à chaque industrie du secteur. La réelle imbri- Les trois grands défis auxquels fait face toute agence
cation entre la production d’électricité et l’appro- réglementaire sont:
visionnement en combustibles (gazeux, liquides ou
solides) plaide plus pour une organisation sectorielle – la protection des consommateurs des abus pos-
que pour des entités propres à chaque industrie sibles de positions dominantes des entreprises;
énergétique. – la protection des investisseurs d’éventuelles
actions arbitraires de l’État;
Fonction réglementaire – la promotion de l’efficience économique.
Pareillement aux propos ci-dessus énoncés, les attri- Une liste exhaustive des attributions fonda-
butions de la fonction réglementaire de l’État et la mentales de ce type d’agence est reprise dans
création de l’agence responsable sont partie inté- l’encadré 8.3.
grante soit d’un texte général de la loi de l’industrie
électrique, soit d’une loi spécifique, propre à la L’insertion institutionnelle
fonction elle-même. Les nouvelles institutions qui du nouvel organisme
ont été créées dans la plupart des pays procèdent La réussite de la nouvelle agence réglementaire dé-
selon cette logique. Et dans le cas des pays qui pendra particulièrement du positionnement institu-
possédaient déjà une agence (comme au Costa Rica), tionnel spécifique que lui attribue sa loi de création
la réforme a permis d’en renforcer les responsabilités. dans l’enchevêtrement complexe des institutions de

ENCADRÉ 8.3
Attributions de l’agence réglementaire
a) Protéger les droits des consommateurs. j) Déterminer les bases et les conditions d’octroi des
b) Faire respecter les dispositions de la loi de l’industrie concessions, licences, permis et autorisations.
électrique. k) Autoriser les servitudes de passage pour les lignes de
c) Établir les règlements relatifs aux producteurs, aux transport.
transporteurs, aux distributeurs et aux consommateurs l) Organiser les audiences publiques.
d’électricité en matière de sécurité, de normes de m) Veiller à la protection de la propriété, de l’environne-
qualité, de conditions d’approvisionnement et de ment et à la sécurité.
procédures techniques et administratives.
n) Déterminer les informations que les différents acteurs
d) Prévenir les positions monopolistiques, dominantes ou doivent obligatoirement communiquer à l’agence
discriminatoires des différents acteurs de l’industrie réglementaire.
électrique.
o) Informer le public des activités de l’industrie et de celles
e) Établir les méthodologies de calcul pour la fixation des de l’agence réglementaire.
prix aux nœuds de réseaux (coûts marginaux territoriaux).
p) Imposer des sanctions.
f) Établir les méthodologies de calcul pour la fixation du
q) Promouvoir, auprès des tribunaux compétents, les
niveau des péages, en raison de l’utilisation du réseau
actions civiles et pénales afin d’assurer le respect des
de transport et de distribution, de même que le prix
dispositions de la loi, des contrats de concessions, etc.
de l’électricité fournie au consommateur final.
r) Veiller à ce que les subventions, prévues dans le
g) Publier les principes généraux à respecter par les trans-
budget de l’État pour les consommateurs à faible
porteurs et les distributeurs afin d’assurer le libre accès
revenu, parviennent effectivement aux bénéficiaires,
A c t e s

aux réseaux.
dans le cas où l’État a pris cette décision.
h) Surveiller le centre de dispatching.
s) Approuver les installations et procéder à leur
i) Approuver les interconnexions et les échanges inspection.
internationaux.

95
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

l’État. Ce positionnement est fonction de caractéris- Les agences multisectorielles ne présentent toute-
tiques, telles que sa spécificité, son degré d’indépen- fois pas que des avantages. L’un des désavantages les
dance et d’autonomie, sa responsabilité à l’égard de plus symptomatiques a trait au pouvoir institutionnel
la loi (accountability) ou encore ses relations avec les dont est investie l’agence multisectorielle, et en
autres organismes. particulier son directeur ou président, compte tenu de
l’envergure de son influence sur les industries, parfois
La spécificité de l’agence réglementaire les plus importantes du pays. Cette puissance poli-
Il y a trois options à considérer pour l’organisation de tique est très mal perçue par les ministres, le pouvoir
la nouvelle autorité réglementaire, en fonction du législatif et l’ensemble du pouvoir politique. D’autre
nombre d’industries sous sa responsabilité. L’agence part, la concentration dans une agence unique de la
peut par exemple être propre à l’industrie électrique, fonction réglementaire de l’État à l’égard de plusieurs
comme c’est le cas en Angleterre. Elle peut aussi, à industries peut devenir un risque majeur en cas de
l’exemple du Mexique, être reliée spécifiquement au mauvaise performance de celle-ci, puisque les effets
secteur énergétique, en combinant l’électricité et le seront ressentis par l’ensemble des industries régulées.
gaz. Une autre possibilité qui recoupe l’option du
Costa Rica consiste à disposer d’un organisme multi- L’indépendance et la discrétion
sectoriel, dont le champ de compétence couvre L’indépendance d’une agence réglementaire doit être
entièrement ou une partie des secteurs d’infrastruc- mesurée à sa capacité à prendre des décisions par
ture, tels que les télécommunications, l’électricité, le rapport à l’industrie, en particulier quant à la défi-
gaz naturel, l’eau et l’assainissement, etc. nition des tarifs, sans avoir à requérir l’approbation
Les avis des spécialistes convergent pour admettre du pouvoir politique, des entreprises régulées, des
qu’une agence qui s’occupe de plusieurs industries consommateurs et des groupes de pression. Cette
(agence multisectorielle) a plus d’avantages que de caractéristique de l’agence est celle qui donne con-
désavantages. Ce consensus est tout particulièrement fiance aux investisseurs privés et aux consommateurs.
avéré pour les pays en développement, qui disposent Elle ne doit toutefois pas être comprise comme une
de ressources humaines spécialisées en nombre limité absence de responsabilité de l’agence par rapport à
(Smith, 1996). Une agence multisectorielle permet de ses actes administratifs, puisque l’agence est tenue de
tirer parti de la coalition des économistes, avocats et respecter sa loi de création. Il faut en effet garder à
financiers qui vont travailler sur des sujets connexes, l’esprit que la loi a été approuvée par le pouvoir
tels que l’introduction de la concurrence, la détermi- législatif, dont les membres sont élus selon un pro-
nation des tarifs ou encore l’évaluation des positions cessus démocratique. Les actes posés par l’agence
dominantes pour des industries différentes. Il en va sont également contraints par la possibilité d’une
bien entendu de même pour le personnel adminis- intervention du ministère de tutelle, des autorités
tratif. Qui plus est, l’éventualité d’une capture de antitrusts, des groupes de défense des consom-
l’agence par le pouvoir politique, les industries ou les mateurs ou encore par l’éventualité d’une saisine des
groupes de pression est réduite en raison des respon- tribunaux judiciaires.
sabilités plus étendues de ce type d’agence. Enfin, ces Deux facteurs se révèlent primordiaux pour juger
agences multisectorielles sont mieux outillées pour de l’indépendance de l’agence. Il s’agit du niveau de
composer avec les zones d’incertitude qui naissent de latitude et du positionnement de l’agence au sein du
la détermination des frontières entre les différentes paysage gouvernemental. Par rapport au premier,
industries, du fait des processus de réintégration ou deux extrêmes sont possibles : soit l’agence dispose
A c t e s

de fusion des entreprises4. d’un pouvoir discrétionnaire, soit le cadre réglemen-


4. Une illustration de cet état de fait dans le secteur énergé-
taire lui alloue une marge de manœuvre très étroite
tique concerne l’entrée des entreprises gazières dans le par rapport à l’interprétation des termes de la loi.
segment de la production d’électricité.
96
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

L’expérience fait ressortir une certaine préférence prix de l’indépendance6 ? Un autre point essentiel
pour une position entre les deux extrêmes, en ce sens concerne le nombre de directeurs de l’agence. Un
que le cadre réglementaire définit les grands principes comité directeur de trois à cinq personnes est
d’orientation de l’octroi des licences, des concessions, préférable à un régulateur unique, car chaque per-
etc., mais, en même temps, il attribue un certain sonne surveille le comportement des autres par
pouvoir discrétionnaire, clairement délimité. En ce rapport à la loi7.
qui concerne le deuxième facteur, les agences qui sont
directement rattachées aux ministères de tutelle n’ont Les relations avec les autres
pas le même degré de liberté que les institutions institutions
autonomes. Une troisième option consiste en une
L’agence réglementaire garde des relations très
agence semi-autonome, dont les décisions les plus
étroites avec les commissions antitrusts, les tribunaux
importantes seraient révisées par une commission
et les pouvoirs législatif et exécutif. En particulier,
ministérielle.
dans le cas d’industries dont un, au moins, des seg-
Le degré d’autonomie ments a été dérégulé, l’agence réglementaire et la
commission antitrusts doivent collaborer de manière
L’autonomie véritable d’une agence réglementaire
étroite pour apprécier, au début, la transition vers le
peut être jugée à partir d’un certain nombre d’indi-
marché concurrentiel, et ensuite contrôler le jeu con-
cateurs. Il faut en effet que:
currentiel, cela de façon à empêcher toute position
1. les directeurs soient nommés après approbation dominante d’une entreprise. D’autre part, les tribu-
des pouvoirs exécutif et législatif, et que leur man- naux jouent un rôle de premier plan pour ce qui est
dat soit irrévocable, sauf en cas de faute grave; du respect des différentes lois, et toute personne
2. les mandats de ces directeurs soient étalés sur des physique ou morale affectée par une quelconque
périodes non coïncidentes avec le cycle des décision de l’agence doit pouvoir saisir la justice pour
élections; demander la révision de ladite décision. Enfin, les
relations avec les pouvoirs exécutif et législatif per-
3. les ressources financières de l’agence soient
mettent à l’agence d’avoir une vision de la politique
garanties5 de manière à éviter des négociations
nationale et des préférences politiques de la société
annuelles du budget avec le gouvernement;
en général.
4. les règles de gestion et d’administration du per-
sonnel ne soient pas alignées sur celles de la
Le cadre réglementaire
fonction publique quant aux salaires, au nombre
(loi de l’industrie électrique)
d’experts, etc.
La loi de l’industrie électrique constitue la base de
référence du déroulement d’une réforme. Elle four-
La responsabilité de l’agence
nit un cadre réglementaire pour tous les opérateurs
à l’égard de la loi (accountability)
de l’industrie et, en fonction des préférences des
En plus du respect par l’agence de sa loi d’habili- pouvoirs de l’État, elle peut non seulement inclure
tation, il est primordial que cette responsabilité
s’applique également à la transparence du processus
décisionnel. Ce dernier aspect requiert des procé- 6. J.M. de la Cuetara, « Diseño de la agencia reguladora.
dures simplifiées et publiques, mais un éminent Principales cuestiones jurídicas », présenté au Congrès
juriste n’a-t-il pas énoncé que la transparence est le mondial de régulation économique, Séville, novembre
A c t e s

1996.
7. Les avantages et désavantages de deux options par rapport
5. Comme c’est le cas lorsque le financement correspond à un à la constitution du comité directeur de l’agence régle-
pourcentage du chiffre d’affaires des entreprises régulées. mentaire sont présentés dans l’article de W. Smith, 1996.

97
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

les responsabilités de l’autorité de tutelle, mais égale- ENCADRÉ 8.4


ment celles de l’agence réglementaire. Dans le cas où
Chapitres classiques d’une loi
cette loi n’englobe ni l’une ni l’autre de ces deux de l’industrie électrique
fonctions de l’État, des lois spécifiques doivent alors
être promulguées. Habituellement, comme on le Chapitre I : Dispositions générales
verra dans l’encadré 8.4, les points les plus impor- Chapitre II : Définitions
tants de la loi concernent la nouvelle structure de Chapitre III : Création et attributions de la Com-
l’industrie (dé-intégration verticale ou horizontale, mission des politiques énergétiques
segments régulés, marché concurrentiel, etc.), les (fonction normative)
règles d’exploitation du système électrique, en parti- Chapitre IV : Création et attributions de l’agence
culier du centre de dispatching, le régime tarifaire réglementaire (fonction réglementaire)
(prix libres et prix régulés), les concessions et Chapitre V : Production
licences, la protection de l’environnement ainsi que Chapitre VI : Transport
la promotion des économies d’énergie et des sources
Chapitre VII : Distribution
nouvelles et renouvelables.
Chapitre VIII : Grands consommateurs
Trois de ces points vont être abordés ici, à savoir:
Chapitre IX : Exploitation du système électrique
le concept de service public, les concessions et national et centre de dispatching
licences et les audiences publiques.
Chapitre X : Concessions et licences
La norme de service public généralement accep- Chapitre XI : Droits et obligations des concession-
tée se base sur trois principes: naires et des titulaires de licences
a) l’obligation de fourniture; Chapitre XII : Annulation des concessions et des
licences
b) le raccordement (principe d’universalité);
Chapitre XIII : Servitudes d’utilité publique
c) l’égalité de traitement.
Chapitre XIV : Régime tarifaire
L’application de cette norme varie selon les pays. Chapitre XV : Protection de l’environnement
Certains ne l’appliquent qu’à la distribution de l’élec-
Chapitre XVI : Économies d’énergie et sources d’éner-
tricité (cas du Chili), d’autres y rajoutent le segment gies renouvelables
du transport (cas de l’Argentine) et, enfin, les derniers
Chapitre XVII : Sanctions
(qui sont les moins nombreux) considèrent tous les
segments (cas du Mexique). Il existe en revanche un Chapitre XVIII : Régime fiscal
consensus sur les activités qui ne sont pas considérées Chapitre XIX : Ressources administratives
comme faisant partie du service public: la cogénéra- Chapitre XX : Dispositions finales ou transitoires
tion, la production indépendante, la production pour
l’autoconsommation, l’exportation et l’importation
d’électricité. production d’électricité sur base de combustibles
Il existe également une diversité de solutions fossiles est libre. Même dans ce dernier cas, toutefois,
pour ce qui est des concessions et des licences, et il toutes les installations doivent respecter la réglemen-
est à noter que dans la plupart des pays, la produc- tation du point de vue environnemental et de la
tion hydraulique de même que le transport et la sûreté industrielle.
distribution d’électricité sont des activités sujettes à Il est intéressant de noter l’incorporation d’un
A c t e s

l’octroi de concessions. Les autres activités par contre système d’audiences publiques dans la plupart des
ne requièrent que des licences ou des permis, à lois de l’électricité. Il s’agit là de toute évidence d’une
l’exception de quelques pays dans lesquels la transplantation du droit anglo-saxon, qui s’appuie

98
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

sur une tradition dans laquelle on retrouve ce type stratégies d’entreprises, Éditions Montchrestien,
d’instance de négociation. De fait, l’audience pu- Paris, 1995, p. 197-218.
blique est un moyen intéressant de susciter la partici- De La Cuetara, J.M., « Diseño de la Agencia
pation des personnes ou des entités potentiellement Reguladora. Principales cuestiones jurídicas »,
affectées par une future norme ou décision d’une présenté au Congrès mondial de la régulation
agence réglementaire. Ses objectifs sont: la connais- économique, Séville, novembre 1996.
sance publique des actes et la participation du public
en tant que partie de la procédure administrative. ENRE, « Jornadas jurídicas sobre servicio público de
electricidad», Buenos Aires, juin 1995.
Cette procédure offre un contrôle ex ante et ininter-
rompu aux citoyens. Estache, A., « Designing Regulatory Institutions for
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99
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

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State University, East Lansing, juillet 1996.
A c t e s

100
Fonction, rôle et responsabilité de l’agence de régulation
Lamine THIOUNE
Secrétaire Général de la Commission de Régulation
du Secteur de l’Électricité du Sénégal

Évolution récente dans les secteurs – l’amélioration de la gestion et de l’efficacité des


des infrastructures entreprises concernées, objectif aujourd’hui cru-
cial, en raison de la «globalisation» des marchés,
Nécessité et facteurs justificatifs
du rythme rapide des changements dans les
fort diversifiés
domaines de la technologie, du marketing et du
La recherche d’une plus grande efficacité des entre- management;
prises du secteur de l’énergie, alliée à une forte
– les avantages économiques liés à un plus grand
croyance aux vertus de la concurrence et des forces
rôle du secteur privé dans l’économie, à savoir,
du marché, a conduit à d’importants changements
entre autres, une meilleure allocation des res-
institutionnels dans des pays industriels comme les
sources, un accroissement de l’épargne nationale
États-unis et surtout la Grande-Bretagne.
et une accélération de la croissance.
Dans les pays de la Communauté européenne,
Mais, sans aucun doute, les contraintes de finan-
les réformes opérées l’ont été sous l’impulsion des
cement des investissements et les dysfonctionnements
directives communautaires.
dans la gestion des entreprises africaines apparaissent
En Amérique latine, les contraintes budgétaires comme les raisons dominantes des réformes engagées
ont pesé lourd dans la justification des réformes. En par les gouvernements des pays concernés.
Asie, ce sont les besoins de réhabilitation et de
Il convient également de signaler la particularité
développement des infrastructures dans un contexte
du secteur des télécommunications, où l’explosion
de forte croissance économique qui ont imposé les
des besoins avec la percée des nouvelles technologies
changements institutionnels en vue de donner un
est venue s’ajouter aux raisons évoquées ci-dessus.
plus grand rôle au secteur privé.
En ce qui concerne le financement, les besoins en
En ce qui concerne l’Afrique au sud du Sahara,
infrastructures, en particulier dans le secteur énergé-
l’argumentaire en faveur de la réforme du secteur des
tique, sont tout simplement colossaux, en raison de
infrastructures, d’un point de vue économique,
l’énorme écart qui sépare l’Afrique des autres pays,
trouve sa justification dans l’un ou l’autre des
notamment des pays développés, écart que l’Afrique
facteurs suivants:
doit nécessairement combler pour participer avec de
– la mobilisation de ressources financières, pour meilleures chances au nouveau contexte mondial.
faire face à des besoins de croissance rapide et Ces besoins financiers sont, d’après toutes les
dans un contexte de tarissement progressif des estimations et analyses, sans commune mesure avec
sources officielles de financement; l’apport des sources officielles de financement, et c’est
A c t e s

– la réduction des contraintes budgétaires, par le là que réside l’énorme handicap des pays africains, du
dégonflement de l’encours des dettes publiques; point de vue économique: leur relative dépendance

101
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

envers les financements publics. Ainsi, en 1997, l’aide à court terme (de la gestion) et à long terme (des
extérieure à destination de l’Afrique subsaharienne investissements), à travers le développement des
était estimée à 27 $US per capita, et les investisse- partenariats public-privé dans le secteur.
ments directs étrangers ne dépassaient guère 3$US
Mais, l’existence d’un cadre légal et réglementaire
per capita, alors que les chiffres pour l’Amérique latine
offrant des perspectives intéressantes de développe-
et les Caraïbes s’établissaient à 13$US et 62$US per
ment des partenariats public-privé est une condition
capita pour, respectivement, l’aide publique au déve-
préalable au succès des réformes engagées dans les
loppement et les investissements directs étrangers. Or,
grandes infrastructures.
depuis de nombreuses années, on assiste à une
diminution de l’aide publique au développement, ce Cependant, si l’on se réfère aux données dispo-
qui requiert des pays en développement de trouver nibles (cf. tableau ci-dessous) en matière de priva-
des alternatives pour financer la croissance. C’est la tisation des entreprises, la valeur globale des opéra-
raison d’être des réformes, notamment des réformes tions menées en Afrique subsaharienne demeure
sectorielles, dont le mouvement s’est accéléré à la fin marginale par rapport aux autres régions.
des années 1980, particulièrement dans le secteur de
l’énergie. Une caractéristique commune à toutes ces Tableau 9.1
réformes est que tous les pays misent sur une plus Valeur des opérations de privatisation
grande participation du secteur privé, aussi bien Privatisation des infrastructures publiques,
national qu’étranger. Mais, dans le cas de la plupart PVD, 1990-1999
des pays africains, des obstacles rendent difficile Télécommunications 249 milliards $US
l’atteinte d’un tel objectif. Énergie 192 milliards $US
Transport 106 milliards $US
Stratégies de réformes Eau 31 milliards $US
Les stratégies varient en fonction du contexte natio- Privatisation des infrastructures publiques,
nal (et international) du secteur concerné et des PVD, 1990-1999
objectifs visés, notamment la recherche de l’effica- Asie de l’Est/Pacifique 168 milliards $US
cité, le financement ainsi que de la politique de Europe/Asie centrale 62 milliards $US
développement du gouvernement. Amérique latine 285 milliards $US
Dans certains pays, notamment dans le secteur Asie du Sud 15 milliards $US
électrique en Grande-Bretagne, on a ainsi assisté à la Afrique subsaharienne 3 milliards $US
dé-intégration de l’industrie, accompagnée de l’intro-
duction de la compétition dans certains segments, en Les efforts importants qui ont été fournis n’ont
l’occurrence la production et la commercialisation. pas permis d’atteindre les objectifs visés, et deux
En Europe, la stratégie tourne autour de la raisons principales peuvent alors être évoquées:
volonté d’étendre aussi rapidement que possible des – les formules de cession d’actifs ne semblent pas
logiques de marché à des secteurs dans lesquels les destinées à un avenir prometteur (exemple du
organisations en place limitaient fortement, ou inter- Sénégal);
disaient, en pratique, le jeu de la concurrence.
– le fardeau du financement que l’on fait reposer
Dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne sur l’État dans le schéma d’affermage; les parte-
qui se sont engagés dans la voie des réformes, la
A c t e s

naires au développement, en grande majorité,


stratégie comporte comme mesure phare le désen- sont peu enclins à mettre des ressources conces-
gagement de l’État. L’un des objectifs majeurs de la sionnelles dans les secteurs d’infrastructures
réforme est la recherche d’une plus grande efficacité considérés comme peu rentables.

102
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

Apparaît donc la nécessité d’une révision des La déréglementation


orientations des partenaires au développement: Elle est définie comme « une action consistant à
– le soutien temporaire des bailleurs de fonds revêt supprimer des règles encadrant l’activité économique
un aspect critique et pourrait décider du sort de pour favoriser le développement du marché. Il s’agit
la privatisation, de son succès ou de son échec; aussi de créer une nouvelle réglementation de nature
différente de celle qui préexistait et qui pérennise la
– sans un engagement clair et net des partenaires au
concurrence».
développement à appuyer le partenariat public-
privé dans certains secteurs des infrastructures La déréglementation comporte deux volets:
(électricité – eau, en particulier), la probabilité
– une restructuration du secteur ou de l’industrie,
que le privé ne réponde pas à l’appel est élevée.
liée à l’ouverture à la concurrence: elle peut con-
sister en la dé-intégration des activités du mono-
Adaptation du cadre institutionnel pole historique. En général, lorsqu’une seule
et réglementaire séparation est opérée, elle concerne toujours la
Dans les secteurs des infrastructures, l’État peut jouer séparation entre l’activité en amont de gestion de
principalement quatre rôles, de manière complé- l’infrastructure et l’activité en aval de gestion des
mentaire ou distincte: services;
• la définition des politiques d’orientation; – une réforme institutionnelle, visant à modifier les
rôles préalablement assumés par l’État, notam-
• la régulation des activités; ment à travers la société nationale.
• la détention du capital;
• la conduite des opérations. L’agence de régulation
Lorsque les sociétés étaient à capitaux publics sous Statut de l’agence de régulation
contrôle de l’État, les trois premières fonctions
Compte tenu de ses différentes caractéristiques, la
avaient tendance à être confondues avec la dernière,
régulation soulève plusieurs questions quant à sa
attribuée à une société relativement autonome.
situation institutionnelle.
Avec l’introduction de la participation du secteur
En général, la fonction de réglementation, qui
privé dans les secteurs des infrastructures, de la restruc-
consiste en l’établissement du cadre législatif et
turation et de la libéralisation des activités, il s’est avéré
réglementaire, est dévolue au pouvoir exécutif et au
nécessaire de distinguer les fonctions de l’État, respon-
pouvoir législatif.
sable de la politique, de celles de l’État régulateur,
pour protéger les intérêts des investisseurs ainsi que La régulation économique des secteurs présen-
ceux des consommateurs de l’arbitraire étatique, et tant des caractéristiques de monopole naturel a pour
permettre à chacune des nouvelles institutions de se objectif principal de reproduire les conditions du
consacrer à sa tâche de manière claire. marché, et donc de veiller à ce que les entreprises en
situation de monopole ne puissent exploiter cet
En particulier, l’État doit garantir une concur-
avantage pour maximiser leurs profits aux dépens des
rence équitable et une bonne exécution des missions
consommateurs.
de service public par les institutions concernées. Ce
sont dans ces questions que se concentrent les prin- Par ailleurs, la régulation vise également à pré-
cipaux enjeux de la régulation des services publics. server les secteurs concernés des interférences poli-
A c t e s

tiques afin de gagner la confiance des investisseurs


C’est ainsi que la fonction de régulation devient
(privés ou publics) et de permettre le financement
autonome.
des investissements à long terme.

103
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Des débats importants sont engagés sur le statut c) les ressources du régulateur ne doivent pas
de l’agence chargée de la réglementation: dépendre du budget de l’État ; cependant, elles
doivent pouvoir être auditées;
Sur l’indépendance ou non de l’agence
d) les lois et règlements doivent garantir la transpa-
Dans beaucoup de pays, notamment dans ceux qui rence des rôles et des décisions du régulateur à
ont adopté le modèle anglo-saxon, les tâches de régu- travers des dispositions imposant au régulateur de:
lation sont exercées par des régulateurs indépendants, • rendre publiques les modalités de fonctionne-
pour isoler les décisions sur des aspects techniques ment, en particulier le règlement intérieur et
d’une possible interférence politique, et pour concen- les procédures de régulation;
trer les compétences techniques dans une structure
autonome. • rendre publiques ses décisions qui doivent
faire l’objet d’un recours juridictionnel, pré-
Il convient de retenir, cependant, qu’à l’évidence, sentées en demande de sursis d’exécution;
une indépendance absolue du régulateur est diffici-
• prendre les décisions de sanction qu’après une
lement réalisable.
mise en demeure;
On peut citer plusieurs exemples où le régulateur • présenter périodiquement un rapport qui rend
«indépendant» est obligé de prendre en compte les compte de son activité, de l’exécution de son
prises de position des pouvoirs publics dans certaines budget, de l’application des dispositions légis-
de ses décisions. latives et réglementaires;
Mais, il est évident que dans le cas où le régula- • retenir le principe fondamental qu’en ce qui
teur n’est pas indépendant, le risque «régulatoire» est concerne les procédures de révision des condi-
élevé, c’est-à-dire que les décisions de régulation sont tions tarifaires, les opérateurs sont consultés et
trop imprévisibles. Étant donné que les réformes dûment entendus; par ailleurs, ils ont la possi-
s’inscrivent dans la logique d’un attrait des investis- bilité de contester les propositions de nou-
seurs, ceux-ci peuvent alors se détourner des secteurs velles conditions tarifaires;
où ils envisageaient d’investir. • s’entendre avec les opérateurs sur un méca-
La mise en place d’une agence de régulation pour nisme d’arbitrage, à consigner dans les cahiers
un secteur donné implique nécessairement une redé- de charges.
finition du rôle de l’État, en séparant clairement les
La loi doit, par ailleurs, préciser de façon claire les
responsabilités de l’État dans la définition des poli-
domaines où le régulateur a un rôle de décideur et
tiques sectorielles (une responsabilité politique, qui
ceux où il a un rôle consultatif.
doit donc être assurée par les ministères) de celles de
la régulation. En particulier pour ce qui concerne la régulation
des tarifs et l’application de sanctions, le régulateur
Un certain nombre de critères permettent
doit avoir une autonomie décisionnelle.
d’apprécier l’indépendance de l’agence de régulation
ainsi que la transparence de ses décisions: Enfin, la loi doit comporter des dispositions aux
termes desquelles la fonction de membre du collège
a) les régulateurs doivent jouir, dans l’accomplis-
de l’agence est incompatible avec quelque fonction
sement de leurs missions, de l’immunité et de
politique que ce soit, avec tout mandat électif ainsi
l’autonomie de décision;
que toute détention directe d’intérêts dans une entre-
b) les modalités de leur nomination doivent garantir prise du secteur, afin qu’on ne puisse pas disposer de
A c t e s

leur inamovibilité pour une certaine période, sauf l’autorisation de devenir employé d’une entreprise
en cas de faute grave; du secteur dont on a assuré la régulation.

104
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

Quel modèle d’agence • différence entre secteurs et coûts de transaction:


de régulation adopter ? les différents secteurs ont souvent des rythmes de
L’opportunité de la mise en place d’une agence développement relativement différents et l’état
monosectorielle ou multisectorielle a fait l’objet de d’avancement du système de régulation varie. Le
débats dans plusieurs pays. modèle multisectoriel permet aux secteurs de
profiter des avantages et des avancées réalisés
Le choix d’un modèle requiert l’analyse de ses dans le domaine de la régulation, notamment par
avantages et inconvénients. le transfert de leçons ou techniques appropriées
des secteurs en avance.
Régulation monosectorielle
Avantages: Inconvénients:
• on tire profit des compétences techniques spécifi- • dilution des compétences techniques : les pro-
ques ainsi que d’un professionnalisme spécialisé; fessionnels peuvent ne pas être suffisamment
spécialisés;
• il y a une cohérence dans le suivi du secteur.
• divergence entre les secteurs régulés : héritages
Inconvénients: administratifs différents, secteurs gérés par des
• il existe plusieurs interlocuteurs en ce qui concerne lois différentes, secteur des télécommunications
la question des prix et de la qualité du service; évoluant plus rapidement;
• il existe un double emploi de certaines fonctions • dans certains cas, transfert de précédents d’un
qui, au demeurant, sont rares pour des pays en secteur à un autre alors que cela ne se justifie pas
développement (par exemple, économistes et ou n’est pas pertinent;
juristes spécialisés en la matière); ceci peut être un • augmentation de l’enjeu lié au risque de capture:
facteur de coûts supplémentaires (nécessité agence forcément plus grosse et plus visible,
d’assistance technique); enjeux liés à l’échec plus importants.
• faible envergure des tâches de régulation en
raison de l’étroitesse du marché des secteurs Structure de l’organe
concernés; Pour la structure de l’organe, deux éventualités sont
• risque de capture des régulateurs. généralement examinées, à savoir l’option d’une
commission comprenant plusieurs membres, ou celle
Régulation multisectorielle d’un régulateur individuel (éventuellement un
Avantages: directeur assisté d’un conseil d’administration).
• partage du personnel qualifié souvent rare dans les Un seul régulateur, même s’il prend plus facile-
pays en développement et réduction des coûts ment des décisions rapides et tranchées, aura plus de
(mise en commun de spécialistes en régulation difficulté à faire accepter sa légitimité qu’une com-
économique, de comptables, de juristes, de spécia- mission. De plus, une commission prend mieux en
listes en gestion de personnel); compte la variété des arguments et des intérêts.
• position institutionnelle: elle permet d’augmen- Le tableau 9.2 recense les avantages et les incon-
ter l’indépendance de l’agence par rapport aux vénients des structures décisionnelles, selon qu’il
différents ministères; s’agit d’un individu ou d’une commission.
A c t e s

• réduction des risques potentiels liés aux pressions


politiques qui pourraient remettre en cause le
procédé de régulation;

105
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Tableau 9.2
Avantages et inconvénients des structures décisionnelles
Individu Commission
Rapidité décisionnelle xxx
Responsabilité des décisions xxx
Besoins en ressources humaines xxx
Prévisibilité des décisions xxx
Degré de vulnérabilité aux préoccupations individuelles xxx
Degré de vulnérabilité aux influences non appropriées xxx
Possibilité de refléter plusieurs perspectives xxx
Possibilité d’échelonner les mandats de chaque membre… xxx
…pour rehausser la stabilité et l’indépendance
…vis-à-vis du Gouvernement
Source: Warwick Smith, «Utility Regulators: Creating Agencies In Reforming and Developing Countries», 1996.

Objectifs de l’agence de régulation clairement et judicieusement ouvrir la voie à une


La régulation économique des secteurs présentant distinction de plus en plus fine entre les activités
des caractéristiques de monopole naturel a pour naturellement concurrentielles et les activités en
objectif principal de reproduire les conditions du monopole naturel au sein des entreprises en
marché et donc de limiter la propension des entre- charge des services publics;
prises en situation de monopole à exploiter leur • assurer que les opérateurs régulés sont en mesure
avantage pour maximiser leurs profits aux dépens des de s’acquitter de leurs responsabilités légales en
consommateurs. demeurant financièrement viables.
La régulation a aussi comme objectif de garantir La responsabilité d’assurer que les entreprises ré-
la stabilité du secteur par la sauvegarde des intérêts gulées sont en mesure de s’acquitter de leurs respon-
des investisseurs et la protection des consommateurs. sabilités et demeurent financièrement viables offre
aux investisseurs privés une garantie importante.
Ces objectifs doivent s’inscrire dans le cadre de la
loi et de la réglementation en vigueur en tant que
responsabilités premières visant à: Fonctions
Les fonctions doivent être clairement définies dans
• veiller à la préservation des intérêts des consom-
le cadre législatif et réglementaire.
mateurs et assurer la protection de leurs droits
pour ce qui concerne le prix, la fourniture et la L’agence de régulation aura pour fonctions
qualité de l’énergie électrique; spécifiques:
• veiller à l’équilibre économique et financier du • de préparer les cahiers de charges correspondant
secteur concerné et à la préservation des condi- aux obligations de service public;
tions économiques nécessaires à sa viabilité;
• d’octroyer des concessions et des licences;
• promouvoir la concurrence dans les segments où
• d’assurer le contrôle du fonctionnement vis-à-vis
les conditions économiques le permettent. Ceci
A c t e s

de l’intérêt général et le respect des normes par


n’implique manifestement pas une incitation à
les fournisseurs de services (suivi et contrôle des
dupliquer des infrastructures ayant un caractère
obligations contractuelles);
de monopole naturel, la régulation devant très

106
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

• de réguler le niveau et la structure des tarifs (dans L’objectif de durabilité demande que les actionnaires
le cadre de la politique tarifaire définie par le bénéficient d’une rentabilité pas « trop faible » et
gouvernement, par exemple, en ce qui concerne assurant la rémunération nécessaire pour la poursuite
le prix plafond et le coût du service); des investissements dans le service public.
• de jouer un rôle d’arbitre dans les litiges entre Le deuxième but est l’équité. L’équité veut que la
opérateurs et usagers; rentabilité ne soit pas « trop élevée », c’est-à-dire
• de promouvoir le développement de la concur- supérieure à la rémunération que les actionnaires
rence, l’équité dans l’accès aux infrastructures et obtiendraient d’autres investissements ayant un
aux réseaux, et surtout d’assurer le contrôle de degré de risque similaire. L’équité veut également
l’opérateur dominant dans les segments de que les usagers ne paient pas trop cher les services qui
marché ouverts à la concurrence. leur sont assurés (aucune catégorie d’usagers ne doit
supporter une charge disproportionnée par rapport
Pouvoirs à ce qu’elle coûte au service public).
Le rôle important dévolu aux ministères de tutelle, Finalement, le troisième but est l’efficience qui
soit celui de concevoir la politique générale, de comporte deux aspects, à savoir l’efficience attribu-
rédiger et de mettre à jour les lois et textes régle- tive, qui veut que les biens soient impartis à ceux qui
mentaires, d’octroyer les titres pour l’exercice des en tireront le plus grand avantage, et l’équité produc-
activités et de définir les principes de tarification, tive, qui veut que les biens et services soient produits
conduit généralement à conférer aux agences de de la façon la moins chère possible, c’est-à-dire en
régulation des attributions consultatives. utilisant un minimum de ressources.
Les pouvoirs spécifiques de l’agence de régulation Il faut noter que l’efficience productive demande
lui permettent d’assumer les responsabilités qui lui généralement que l’entreprise de service public
sont attribuées. Ils comprennent: recherche des améliorations de productivité, qu’elle
risque de n’effectuer que si elle est suffisamment
• les modifications d’ordre général au cahier de incitée pour trouver que l’effort en vaut la peine.
charges, sous certaines contraintes;
• un pouvoir de sanction des manquements des Dans une économie de marché, l’incitation
entreprises régulées de chaque secteur; normale est constituée par la perspective de bénéfice,
ce qui veut dire que les prix doivent être supérieurs
• un pouvoir d’enquête, qui permet à l’agence de aux coûts. L’incitation à l’efficience productive appa-
procéder aux expertises, de mener les études, de raît ainsi en conflit avec les autres objectifs.
recueillir les données et de mener toute action
d’information sur les secteurs qu’elle régule; Principales méthodes de régulation tarifaire
• l’application des sanctions ou des pénalités afin En matière de régulation tarifaire, les deux procé-
de faire respecter les conditions; dures les plus usitées sont:
• la sélection les producteurs indépendants dans le
cas du secteur de l’électricité. – la régulation par le taux de rentabilité du capital
(rate of return ou ROR);
– la méthode du prix plafond (price cap).
La régulation des tarifs
La régulation des tarifs a trois buts. Le premier est la Régulation des prix par le taux de rendement
A c t e s

viabilité et la durabilité de l’entreprise réglementée, Dans cette méthode, l’entreprise réglementée est
qui doit pouvoir financer son activité et tous les in- autorisée à adopter des tarifs lui permettant de
vestissements nécessaires pour la poursuite de celle-ci. couvrir ses charges d’exploitation et lui assurant une

107
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

rentabilité équitable de son investissement. Lorsque La méthode du price cap est théoriquement
les tarifs ne lui permettent plus de couvrir ses frais, incitative. Cette propriété repose cependant sur la
elle peut demander leur modification. Ce type de crédibilité du régulateur, qui devrait idéalement
réglementation semble garantir à l’entreprise la pouvoir s’engager au départ à ne pas réviser unilaté-
couverture de ses charges et le maintien du coût du ralement le contrat avant son terme, c’est-à-dire à ne
capital à un niveau relativement bas, mais elle n’incite pas resserrer le plafonnement des prix au fur et à me-
pas suffisamment l’entreprise à réduire ses dépenses. sure que l’entreprise réalise des gains de productivité.
Étant donné que l’entreprise est assurée d’une Par ailleurs, au contraire du cost plus (cf. ci-après),
rente indexée sur ses coûts en capital, la régulation le price cap semble n’exiger aucune information
ROR comporte le défaut de ne pas inciter aux efforts préalable sur les coûts. Mais, dans les faits, une telle
de gestion. De plus, elle pousse l’entreprise à biaiser information s’avère nécessaire afin de calibrer le
l’allocation de ses coûts de production en faveur du niveau du plafonnement, au moment de la négocia-
capital et à construire un réseau en surcapacité ou en tion initiale du contrat, puis à l’échéance de celui-ci:
avance technologique par rapport à la demande. les tarifs doivent être fixés à un niveau pemettant à
La procédure générale est la suivante: l’entreprise d’engranger des bénéfices raisonnables.
Un contrat dans lequel les clauses contractuelles
1. Fixer un prix initial par rapport aux coûts de relatives à la garantie des rendements escomptés sont
l’entreprise; tacites peut menacer la viabilité financière de l’entre-
2. Surveiller la rentabilité de l’entreprise dans le prise, alors qu’un contrat dont les clauses de l’équi-
temps; libre financier sont expresses permet à l’entreprise
3. Ajuster les tarifs lorsque la rentabilité diverge du d’espérer un taux de rendement équitable sur ses
coût du capital fixé par le régulateur. investissements.
Enfin, des clauses de qualité du service doivent
Régulation par prix plafond (price cap) être stipulées, de manière à ce que l’effort de produc-
La méthode de réglementation dite « IPD – X » a tivité exigé par le price cap ne s’effectue pas au
formalisé le retard réglementaire, pour inciter des détriment de cette qualité du service.
entreprises à accroître leur productivité pendant les
périodes séparant les révisions de la réglementation. La procédure générale est la suivante:
L’idée est la suivante: l’entreprise doit faire en sorte 1. Fixer un prix initial par rapport aux coûts de
que l’évolution d’un panier pondéré de ses prix de l’entreprise;
vente reste en deçà de celle d’un indice de prix donné 2. Déterminer les objectifs d’efficacité et d’inves-
moins X pour cent, de sorte que les tarifs de l’entre- tissement permettant une projection des coûts
prise doivent baisser de X pour cent par an dans la futurs;
réalité. À l’origine, l’indice des prix à la consom-
mation choisi au Royaume-Uni a été « l’indice des 3. Déterminer le prix maximum pour une période
prix de détail » (IPD), d’où l’appellation de cette donnée;
méthode. 4. Réviser le plafond de prix à la fin de la période
donnée.
Au moment où l’entreprise est privatisée, il faut
fixer X, qui permet de transférer aux consommateurs Autres aspects de la régulation des infrastructures
les gains de productivité attendus. Si l’entreprise Généralement, diverses obligations s’imposent aux
A c t e s

pense que la réglementation de ses tarifs ne sera pas opérateurs, notamment sur la qualité du service, sur
modifiée dans l’avenir, ses prix sont indépendants les normes et sur la communication d’information
d’elle et elle est fortement incitée à réduire ses devant permettre au régulateur de mieux procéder
charges.

108
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

au suivi des activités et de mieux voir au respect des Par conséquent, l’opérateur peut utiliser les deux
obligations convenues dans les documents contrac- types d’asymétrie d’informations d’une manière con-
tuels, notamment les cahiers de charges, les licences juguée, en camouflant une bonne capacité intrin-
ou les contrats de concession. sèque derrière un comportement relâché.
L’objectif de la régulation consiste à concevoir un
Relations entre Agence contrat qui, tout à la fois, doit amener l’opérateur à
de régulation et Opérateurs révéler des informations sur ses caractéristiques, et
Le contrôle des subventions entre segments aussi à l’inciter à faire le plus d’efforts possible.
captifs et non captifs
La réglementation des activités en monopole doit Relations entre Agence
faire face à un problème que l’on rencontre dans de régulation et Public
plusieurs pays, à savoir le contrôle des subventions L’agence de régulation devant veiller à la préservation
entre segments captifs et non captifs. des intérêts des consommateurs et à assurer la protec-
tion de leurs droits en ce qui concerne le prix, la
Du fait de l’introduction de la concurrence, le
fourniture et la qualité de l’énergie électrique, elle doit
régulateur acquiert une grande responsabilité dans le
aussi pouvoir mettre en place tout dispositif approprié
contrôle des possibilités de transferts de coûts sur les
permettant de recueillir de l’information sur tous les
tarifs des clients captifs.
aspects du fonctionnement du secteur, ainsi que sur
La mesure préconisée en la matière est la sépara- les droits et obligations des consommateurs.
tion comptable des activités, afin d’éviter ces reports.
À cet effet, l’agence doit définir et publier les
Dans le secteur de l’électricité, par exemple, si procédures qu’elle applique pour recevoir et traiter
l’opérateur historique reste intégré verticalement, il les plaintes des consommateurs, en vue d’un règle-
doit tenir une comptabilité séparée entre production, ment à l’amiable ou de mener des enquêtes en
transport et distribution et vente au détail. arbitrage.

L’asymétrie d’informations Également, en vue de bien informer les parties


prenantes, l’agence doit:
Dans la régulation d’une entreprise assurant le
monopole d’un service public ou d’un opérateur his- a) publier au moins annuellement un rapport
torique, il y a la présence d’une double asymétrie rendant compte de ses activités, en particulier de
d’informations entre l’opérateur et l’agence de l’application des lois et règlements en vigueur;
régulation: b) rendre publics de façon systématique ses décisions,
– les technologies disponibles et leurs caractéris- avis et recommandations.
tiques de coûts sont imparfaitement connues du
régulateur;
– l’effort de gestion consenti par l’entreprise ne peut
être directement observé par le régulateur. Pour
une même performance constatée a posteriori, le
régulateur est incapable de distinguer si elle est
due à un mauvais opérateur ayant accompli un
A c t e s

effort important ou à un bon n’ayant fourni


qu’un effort modéré.

109
L’Agence de régulation et son environnement réglementaire et
juridique: la réforme réglementaire telle que vécue au Québec
André TURMEL, B. Sc., LL. M.
Associé principal
Groupe Environnement, énergie et ressources naturelles
Fasken, Martineau, DuMoulin s.r.l.
Montréal, Québec, Canada

Introduction1 Loi organique et régimes juridiques


Même si elle peut varier selon les États et les conti- Partage des compétences
nents, selon que les pays soient économiquement constitutionnelles
avancés, en émergence ou en développement, selon
le type de juridiction ou de culture juridique, la Au Canada
création ou le renforcement d’agences de régulation Au Canada, la Loi constitutionnelle de 18672 (la
dans le secteur de l’énergie est un fait maintenant Constitution) prévoit le partage des compétences
incontournable. Certes, les formes et les types entre l’État fédéral et les provinces3. Généralement
d’agences de régulation pourront être à géométrie reconnues comme relevant de l’autorité des pro-
variable. Mais les fondements juridiques de la vinces4, toutes les questions reliées à l’énergie élec-
régulation demeurent les mêmes. trique au Canada ne seront du ressort de l’autorité
fédérale qu’en matière de construction et d’exploi-
Afin de bien saisir le cadre réglementaire et tation des lignes internationales, de transport de
juridique dans lequel évolue l’agence de régulation au l’électricité et, évidemment, d’exportation d’électri-
sein de l’environnement géographique qu’elle régle- cité. Ce sont en effet les provinces qui régissent
mente, il est utile de comprendre les grandes struc- l’administration, l’exploitation et la production de
tures de pouvoir propres à chaque État. On constate leurs ressources naturelles.
qu’il faut parfois consulter les textes constitutionnels
pour comprendre la mécanique des rapports existant Le principe sous-jacent à ce choix résulte du fait
entre l’État et l’agence de régulation. C’est à tout le que les pères de la Constitution ont laissé aux pro-
moins le cas dans un État fédératif comme le Canada. vinces la propriété des ressources naturelles sur leur
territoire5.

1. Le présent texte a été préparé dans le cadre d’une séance de 2. Loi constitutionnelle de 1867, (R.V.) 30 et 31 Vict., c.3 (telle
formation de trois heures. Il s’agit ici d’un texte souhaitant que modifiée par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11
présenter, à grands traits, certains volets de la régulation de (R.-U.).
l’électricité au Canada. Le présent texte est donc forcément 3. Voir à cet effet les articles 91, 92, 92 (A) et 109 de la Loi
superficiel et n’a aucune prétention scientifique. Il a comme constitutionnelle de 1867.
objectif de donner quelques pistes de réflexion au lecteur.
4. Articles 92(5), 92(13) et 92(16) de la Loi constitutionnelle
de 1867.
A c t e s

5. Voir à cet effet l’article 109 de la Loi constitutionnelle de


1867. Voir aussi Brun et Tremblay, Droit constitutionnel,
Montréal, Éditions Yvon Blais inc., 3e édition, 1997,
p. 521.

111
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Toutefois, puisque la production, le transport et Taxation des ressources


la distribution de l’électricité étaient, il faut bien le (4) La législature de chaque province a compétence pour
constater, peu développés au moment de l’adoption, prélever des sommes d’argent par tout mode ou système
au siècle dernier, de la Constitution canadienne, de taxation:
celle-ci a été modernisée en 1982 pour clarifier a) des ressources naturelles non renouvelables et des
quelque peu le tout. ressources forestières de la province, ainsi que de la
production primaire qui en est tirée;
L’article 92 (A) est venu s’ajouter, en 19826, à b) des emplacements et des installations de la province
l’article 92 de la Constitution, pour prévoir des destinés à la production d’énergie électrique, ainsi
dispositions concernant les ressources naturelles non que de cette production même.
renouvelables, les ressources forestières et l’énergie Cette compétence peut s’exercer indépendamment
électrique. du fait que la production en cause soit, ou non, en
totalité ou en partie, exportée hors de la province,
«92A.
mais les lois adoptées dans ces domaines ne peuvent
Compétence provinciale autoriser ou prévoir une taxation qui établisse une
distinction entre la production exportée à destina-
(1) La législature de chaque province a compétence
tion d’une autre partie du Canada et la production
exclusive pour légiférer dans les domaines suivants:
non exportée hors de la province.
a) prospection des ressources naturelles non renou-
velables de la province; «Production primaire»
b) exploitation, conservation et gestion des ressources (5) L’expression «production primaire» a le sens qui lui est
naturelles non renouvelables et des ressources donné dans la sixième annexe.
forestières de la province, y compris leur rythme de Pouvoirs ou droits existants
production primaire;
(6) Les paragraphes (1) à (5) ne portent pas atteinte aux
c) aménagement, conservation et gestion des empla-
pouvoirs ou droits détenus par la législature ou le
cements et des installations de la province destinés à
gouvernement d’une province lors de l’entrée en vigueur
la production d’énergie électrique.
du présent article.»
Exportation hors des provinces Ainsi, les questions reliées directement à l’énergie
(2) La législature de chaque province a compétence pour électrique trouvèrent assez d’importance aux yeux
légiférer en ce qui concerne l’exportation, hors de la des rédacteurs de la Constitution canadienne pour
province, à destination d’une autre partie du Canada, de que ceux-ci leur réservent une place particulière dans
la production primaire tirée des ressources naturelles
non renouvelables et des ressources forestières de la
le texte fondateur de l’État.
province, ainsi que de la production d’énergie électrique Même si la Constitution canadienne prévoit
de la province, sous réserve de ne pas adopter de loi généralement que le commerce des ressources natu-
autorisant ou prévoyant des disparités de prix ou des
disparités dans les exportations destinées à une autre
relles est une compétence partagée entre le fédéral et
partie du Canada. les provinces, l’article 92 (A) de la Loi constitution-
nelle de 1867 démontre bien l’ampleur des pouvoirs
Pouvoir du Parlement des provinces canadiennes en matière d’énergie
(3) Le paragraphe (2) ne porte pas atteinte au pouvoir du électrique7.
Parlement de légiférer dans les domaines visés à ce para-
graphe, les dispositions d’une loi du Parlement adoptée Même si ce sont les provinces au Canada qui ont
dans ces domaines l’emportant sur les dispositions juridiction exclusive à l’égard de la production, du
incompatibles d’une loi provinciale. transport et de la distribution de l’électricité, les
A c t e s

transactions de nature internationale relèvent du

6. Loi de 1982 sur le Canada (1982), c.11 (R.-V.). 7. Supra, note 4.

112
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

fédéral. Lorsque ces dernières transactions inter- décision fit suite à une demande concernant la cons-
viennent, l’organisme fédéral de réglementation de truction et l’exploitation d’une ligne internationale
l’énergie, l’Office national de l’énergie (ONE), jouera de transport d’électricité par Hydro-Manitoba.
un rôle, notamment en ce qui a trait à l’attribution L’ONE décida de ne pas faire de recommandation au
de permis d’exportation d’électricité aux États-Unis. ministre en vertu de l’article 58.14 (1) dans le but de
suspendre la délivrance du permis. Dans cette affaire,
L’ONE a notamment comme compétence la
l’ONE statua premièrement que la construction de
construction et l’exploitation des lignes interna-
la ligne internationale n’aurait vraisemblablement pas
tionales d’électricité, de même que les exportations
de conséquence sur les provinces avoisinantes, étant
d’électricité.
donné qu’aucune amélioration au réseau d’intercon-
Par exemple, la partie III.1 de la Loi sur l’Office nexion provincial ne s’avérait nécessaire à la suite de la
national de l’énergie8 prévoit dans ses articles 58.1 et construction de la ligne internationale. Deuxième-
les suivants: ment, l’ONE décida que la construction ne représen-
tait aucun danger pour l’environnement. L’évaluation
«Partie III.1 Construction et exploitation du danger reposa principalement sur un rapport
de lignes de transport d’électricité. d’examen environnemental.
Lignes internationales – interdiction
La Loi sur l’ONE prévoit d’ailleurs que l’autorité
58.1 Il est interdit de construire ou d’exploiter une ligne
régulatrice d’une province peut être le gouvernement
internationale sans un permis ou un certificat, respec-
tivement délivré en application des articles 58.11 ou 58.16, provincial ou un organisme administratif10. De plus,
ou en contravention avec l’un ou l’autre de ces titres. l’organisme fédéral prévoit que:
1990, ch. 7, art. 23. «Application des lois provinciales
[…] 58.2 Toute loi provinciale concernant les lignes intrapro-
vinciales de transport d’électricité s’applique aux sections
Critères intraprovinciales des lignes internationales.
[…]
1990, ch. 7, art. 23.
58.14 (2) Pour déterminer s’il y a lieu d’effectuer une
recommandation, l’Office tente d’éviter le dédoublement Attributions de l’autorité régulatrice
des mesures prises au sujet d’une ligne internationale par 58.21 L’autorité régulatrice provinciale exerce, à l’égard des
le demandeur et le gouvernement des provinces que la sections intraprovinciales des lignes internationales, les
ligne franchira et tient compte de tous les facteurs qu’il attributions qu’elle a au titre de toute loi provinciale
estime pertinents et notamment: concernant les lignes intraprovinciales, y compris en
a) des conséquences de la ligne internationale sur les matière de rejet de toute affaire assujettie à son agrément,
provinces qu’elle ne franchit pas; même si le rejet entraîne l’impossibilité de construire ou
d’exploiter la ligne.
b) des conséquences de la construction ou de l’exploi-
tation de la ligne sur l’environnement; 1990, ch. 7, art. 23
c) de tout autre facteur qui peut être prévu par règlement.
Préséance
1990, ch. 7, art. 23.» 58.22 Les conditions des permis et des certificats et les lois
Une récente ordonnance rendue par l’ONE fédérales d’intérêt général l’emportent sur toute loi
provinciale bénéficiant de l’extension d’application prévue
illustre bien l’application de l’article 58.149. Cette
aux articles 58.2 ou 58.21.
1990, ch. 7, art. 23.»
A c t e s

8. Loi sur l’Office national de l’énergie, L.R.C., ch. N-7.


9. Office national de l’énergie, dossier 2200-M020-4, 6 mars
2002. 10. Article 58.17.

113
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Enfin, en ce qui a trait à la question des expor- Aux États-Unis


tations, la section II de la partie VI de la Loi sur Il est intéressant de noter qu’aux États-Unis, même si
l’ONE prévoit dans ses articles 119.02 et les suivants les principes peuvent différer, le commerce inter-État
qu’il est interdit d’exporter de l’électricité sans un d’électricité de gros est sous juridiction fédérale.
permis (ou licence) délivré par l’organisme fédéral. Ainsi, la vente et le transport d’électricité en gros
Toutefois, rien n’empêche les provinces d’importer. sont assujettis aux tarifs fixés par la Federal Energy
Afin d’obtenir une telle licence, l’exportateur doit Regulatory Commission (FERC)14.
rendre son projet conforme à certaines exigences. En La production et la distribution au détail de
effet, l’ONE peut tenir compte de tout facteur qui lui l’électricité, de même que le transport intra-État, sont
semble pertinent11 dans l’évaluation de la demande assujettis au state utility board de chacun des États de
de licence d’exportation. Dans l’arrêt Québec (P.G.) l’union. Certains équipements de production sont
c. Canada (O.N.É.)12, la Cour suprême du Canada cependant sous juridiction fédérale comme, par
fut appelée à évaluer la conformité d’une décision de exemple, la Tennessee Valley Authority qui est régle-
l’ONE concernant une demande de licence formulée mentée directement par le gouvernement américain,
par Hydro-Québec. soit le Department of Energy (DOE).
La demande en question portait sur l’obtention D’ailleurs, l’ouverture des réseaux de transport de
d’une licence pour l’exportation d’électricité vers le l’électricité, amorcée au début des années 1990 par
marché américain, plus particulièrement vers les la FERC, suscite beaucoup de turbulence aux États-
États de New York et du Vermont. Cette demande Unis, tout comme la déréglementation de la distri-
faisait suite à la conclusion de deux ententes avec des bution au détail de l’électricité qui, elle, se fait au
sociétés d’électricité américaines pour l’exportation rythme des décisions de chaque state utility board.
d’une quantité totale de 1450 MW d’électricité. Des États comme la Pennsylvanie, New York et la
L’ONE avait tenu compte notamment de la Californie ont assumé un certain leadership en ce
récupération des coûts et du niveau concurrentiel des domaine15. Il faut toutefois noter que cette dérégle-
prix fixés par Hydro-Québec. Il évalua de plus les mentation peut connaître de sérieux ratés. En
incidences du projet d’exportation sur le plan
environnemental et assujettit la licence à certaines
conditions. La Cour décida dans cette affaire que les l’Ontario (www.oeb.gov.on.ca), de la British Columbia
critères d’évaluation retenus par l’ONE s’avéraient Utility Commission (www.bcuc.com) et de l’Alberta
utiles pour rendre une décision éclairée. (www.eub.gov.ab.ca). Voir aussi les sites de l’Association
canadienne de l’électricité (www.canelect.ca) et celui de
À ce portrait fort sommaire du partage des com- l’Association canadienne du gaz (www.cga.ca).
pétences et des questions reliées à l’énergie électrique – Pour le Mexique (www.cre.gob.mx).
au Canada, le lecteur pourra obtenir de l’informa- – Pour l’Europe (www.europa.eu.int/en/comm/dg17), la France
(www.industrie.gouv.fr) et l’Angleterre (www.ofgas.gov.uk).
tion additionnelle sur différents sites Internet, dont
– Enfin, pour la Francophonie, le site de l’Institut de l’Énergie
plusieurs sont en français13. et de l’Environnement de la Francophonie (www.iepf.org).
14. C’est le Federal Power Act (FPA) de 1935 qui donne son
11. Loi sur l’Office national de l’énergie, L.R.C., ch. N-7., assise et ses compétences à la FERC. Voir aussi le Public
art. 119.08 (2). Utility Regulatory Policies Act of 1978 (PURPA) et le Energy
12. Québec (P.G.) c. Canada (O.N.É.) [1994] 1 S.C.R. Policy Act.
13. Pour le Québec, sites de la Régie de l’énergie (www.regie- 15. Pour les États-Unis, voir notamment le site de la Federal
A c t e s

energie.qc.ca), d’Hydro-Québec (www.hydroquebec.com), Energy Regulatory Commission (www.ferc.fed.us), New York


de la Société en commandite Gaz Métro (www.gaz metro. (www.dps.state.ny.us), Californie (www.cpuc.ca.gov)
com). Pennsylvanie (www.puc.paonline.com), Power Marketers
– Pour le Canada, sites de l’Office national de l’énergie Association (www.powermarketers.com) et le Center for the
(www.neb.qc.ca), de la Commission de l’énergie de advancement of Energy Markets (www.caem.org).

114
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

Californie, par exemple, l’État et le gouvernement Jusqu’à cette période, c’est le gouvernement du
fédéral ont dû prévoir des décrets d’exception ordon- Québec qui réglementait l’énergie électrique, soit par
nant aux compagnies productrices d’électricité de la loi, les règlements ou par des décrets. Voulant
fournir en énergie cet État16. rejoindre le reste de l’Amérique du Nord sur la
Afin d’assurer un accès fiable aux ressources question, le gouvernement a, au milieu des années
énergétiques et d’améliorer l’efficacité du marché 1990, amorcé un profond remaniement de diverses
américain de l’énergie, la FERC a proposé en 2002, à questions en matière d’énergie en général et de
travers divers documents publics, une série de me- l’énergie électrique en particulier.
sures visant à rectifier la situation. La FERC propose Peu après les échanges et le rapport de la Table de
premièrement un amendement à sa réglementation consultation du débat public sur l’énergie et la
dans le but d’uniformiser la procédure et les accords politique gouvernementale en cette matière, adoptée
de ralliement entre les différents producteurs et trans- par le gouvernement du Québec en 1996, l’Assem-
porteurs d’électricité. Ces modifications devraient blée nationale a adopté, à l’automne 1996, la Loi sur
permettre un développement des infrastructures, la Régie de l’énergie. Le passage suivant de la politique
limiter la possibilité pour les transporteurs de illustre la volonté du gouvernement de confier à un
favoriser leur propre production ainsi que faciliter la organisme indépendant la réglementation de
venue de nouveaux compétiteurs17. l’électricité:
Deuxièmement, la FERC propose de rendre «Ainsi, les compagnies possédant ces réseaux sont placées
obligatoires la création d’organisations régionales de dans une situation de “monopole naturel” vis-à-vis des
consommateurs : n’étant pas soumises à la concurrence
transport (RTO) ainsi que l’adhésion des différents pour approvisionner les utilisateurs qui sont branchés au
participants à ces organisations. Ces organismes réseau, elles peuvent imposer aux consommateurs des tarifs
seraient responsables de la mise en application du injustifiés. Les pouvoirs publics doivent donc intervenir,
Network Access Service, un service de transport afin de protéger [les consommateurs] et [d’]établir l’équi-
flexible appliquant des règles uniques à chaque libre nécessaire au bon fonctionnement des marchés.
intervenant. Les RTO fonctionneraient donc selon Aux États-Unis comme au Canada, pour régler ce pro-
des normes transparentes relativement à la vente et blème, la formule retenue est celle des régies. Les régies
le transport d’énergie de gros18. sont des organismes quasi judiciaires dont la raison d’être
est d’assurer un arbitrage entre les consommateurs et les
entreprises de distribution, en utilisant à cette fin des règles
Le cas du Québec en matière directement inspirées des tribunaux.
de régulation de l’électricité Les régies bénéficient ainsi d’une indépendance qui
La régulation de l’électricité au Québec traverse une garantit leur crédibilité vis-à-vis des différents intervenants
profonde période de changement, amorcée en 1996 engagés. Elles font appel aux approches judiciaires pour
s’assurer d’un examen rigoureux des questions qui leur sont
par l’adoption de la Loi sur la Régie de l’énergie.
confiées. L’analyse en audiences publiques des demandes
de modification tarifaire permet la participation du public
et l’intervention, dans les discussions, de toutes les parties
16. Décret du 14 décembre 2000: Order Pursuant to section 202 intéressées. En y ayant recours, le gouvernement permet
(c) of the Federal Power Act, Bill Richardson, Secretary. Le ainsi aux Québécois de faire partie intégrante de ce
décret a été renouvelé à plusieurs reprises, à la fin décembre processus démocratique, et à toutes les parties intéressées
2000 et en 2001, et il a été renouvelé à l’arrivée de la nou- de présenter leur point de vue19.»
velle administration Bush, le 23 janvier 2001. Voir le portail
du Department of Energy: www.energy.gov.
A c t e s

17. Standardization of Generator Interconnection Agreements and


Procedures: Notice of Proposed Rulemaking, April 24, 2002,
[Docket No. RM02-1-000] 19. L’énergie au service du Québec – une perspective de dévelop-
18. Notice of Proposed Rulemaking [Docket No. RM01-12-000]. pement durable, 1996, «Politique énergétique», p.19.

115
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

En 2000, moins de quatre ans après son adoption, s’assurer que les consommateurs aient des approvision-
le gouvernement faisait, par le biais de l’Assemblée nements suffisants;
nationale, des modifications majeures à la Loi sur la 2.1° surveiller les opérations du transporteur d’élec-
Régie de l’énergie. Les articles suivants constituent la tricité, du distributeur d’électricité ainsi que celles
cheville ouvrière de la Loi, et s’inscrivent dans l’esprit des distributeurs de gaz naturel afin de s’assurer
que les consommateurs paient selon un juste
de la politique énergétique du Québec:
tarif;
«1. La présente loi s’applique à la fourniture, au transport […]
et à la distribution d’électricité ainsi qu’à la fourniture, au
transport, à la distribution et à l’emmagasinage du gaz 4° examiner toute plainte d’un consommateur portant sur
naturel livré ou destiné à être livré par canalisation à un l’application d’un tarif ou d’une condition de transport
consommateur. d’électricité par le transporteur d’électricité, de
distribution d’électricité par le distributeur d’électricité,
Elle s’applique également à toute autre matière énergétique les réseaux municipaux ou privés d’électricité ou par la
dans la mesure où elle le prévoit. Coopérative régionale d’électricité de Saint-Jean-
L.Q. 1996, c. 61, a. 1; L.Q. 2000, c. 22, a. 1. Baptiste de Rouville et voir à ce que le consommateur
paie le tarif qui lui est applicable et soit assujetti aux
[…]
conditions qui lui sont applicables;
5. Dans l’exercice de ses fonctions, la Régie assure la conci-
liation entre l’intérêt public, la protection des consom- 4.1° examiner toute plainte d’un consommateur por-
mateurs et un traitement équitable du transporteur d’élec- tant sur l’application d’un tarif ou d’une condi-
tricité et des distributeurs. Elle favorise la satisfaction des tion de fourniture, de transport, de livraison ou
besoins énergétiques dans une perspective de développe- d’emmagasinage de gaz naturel par un distribu-
ment durable et d’équité au plan individuel comme au teur de gaz naturel et voir à ce que le consomma-
plan collectif. teur paie le tarif qui lui est applicable et soit
assujetti aux conditions qui lui sont applicables;
L.Q. 1996, c. 61, a. 5; L.Q. 2000, c. 22, a. 4.
5° décider de toute autre demande soumise en vertu de la
[…] présente loi.
25. La Régie doit tenir une audience publique: […]
1° lorsqu’elle procède à l’étude d’une demande faite en Elle a la même compétence pour décider d’une demande
vertu des articles 48, 65, 78 et 80; soumise en vertu de l’article 30 de la Loi sur Hydro-
2° lorsqu’elle détermine les éléments compris dans les Québec, du paragraphe 3° de l’article 12 et des articles 13
coûts d’exploitation et fixe un montant en application et 16 de la Loi sur les systèmes municipaux et privés
de l’article 59; d’électricité, et des articles 2 et 10 de la Loi sur la
3° lorsque le ministre le requiert sur toute question en Coopérative régionale d’électricité de Saint-Jean-Baptiste
matière énergétique. de Rouville et abrogeant la Loi pour favoriser l’électri-
fication rurale par l’entremise de coopératives d’électricité.
La Régie peut convoquer une audience publique sur toute
question qui relève de sa compétence. L.Q. 1996, c. 61, a. 31; L.Q. 2000, c. 22, a. 6.
1996, c. 61, a. 25. […]
[…] 32. La Régie peut de sa propre initiative ou à la demande
d’une personne intéressée:
31. La Régie a compétence exclusive pour:
1° déterminer le taux de rendement du transporteur
1° fixer ou modifier les tarifs et les conditions auxquels d’électricité, du distributeur d’électricité ou d’un distri-
l’électricité est transportée par le transporteur d’électri- buteur de gaz naturel;
cité ou distribuée par le distributeur d’électricité ou
ceux auxquels le gaz naturel est fourni, transporté ou 2° déterminer la méthode d’allocation du coût de service
applicable au transporteur d’électricité ou au distribu-
A c t e s

livré par un distributeur de gaz naturel ou emmagasiné;


teur d’électricité ou à un distributeur de gaz naturel;
2° surveiller les opérations des titulaires d’un droit exclusif 3° énoncer des principes généraux pour la détermination
de distribution d’électricité ou de gaz naturel afin de et l’application des tarifs qu’elle fixe;

116
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

3.1° déterminer, pour le transporteur d’électricité, le 3° permettre un rendement raisonnable sur la base de
distributeur d’électricité et chaque distributeur de tarification;
gaz naturel, les méthodes comptables et finan- 4° favoriser des mesures ou des mécanismes incitatifs afin
cières qui leur sont applicables. d’améliorer la performance du transporteur d’électricité
[…] ou d’un distributeur de gaz naturel et la satisfaction des
L.Q. 1996, c. 61, a. 32; L.Q. 2000, c. 22, a. 7. besoins des consommateurs;
5° s’assurer du respect des ratios financiers;
[…]
6° tenir compte des coûts de service, des risques différents
36. La Régie peut ordonner au transporteur d’électricité inhérents à chaque catégorie de consommateurs et,
ou à tout distributeur d’électricité ou de gaz naturel de pour un tarif de gaz naturel, de la concurrence entre les
payer tout ou partie des dépenses relatives aux questions formes d’énergie et de l’équité entre les classes de tarifs;
qui lui sont soumises et à l’exécution de ses décisions ou
7° s’assurer que les tarifs et autres conditions applicables à
ordonnances.
la prestation du service sont justes et raisonnables;
Elle peut ordonner au transporteur d’électricité ou à tout 8° tenir compte des prévisions de vente;
distributeur d’électricité ou de gaz naturel de verser, tout
ou partie des frais, y compris des frais d’experts, aux 9° tenir compte de la qualité de la prestation du service;
personnes dont elle juge la participation utile à ses 10° tenir compte des préoccupations économiques, sociales
délibérations. et environnementales que peut lui indiquer le
gouvernement par décret;
Lorsque l’intérêt public le justifie, la Régie peut payer de
tels frais à des groupes de personnes réunis pour participer 11° maintenir, sous réserve d’un décret du gouvernement à
aux audiences publiques. l’effet contraire, l’uniformité territoriale de la tarifica-
tion sur l’ensemble du réseau de transport d’électricité.
L.Q. 1996, c. 61, a. 36; 2000, c. 22, a. 8; 2001, c. 16, a.
La Régie peut, pour un consommateur ou une catégorie de
2.
consommateurs, fixer un tarif afin de financer les
[…] économies d’énergie non rentables pour un distributeur de
40. Les décisions rendues par la Régie sont sans appel. gaz naturel mais rentables pour ce consommateur ou cette
catégorie de consommateurs.
1996, c. 61, a. 40.
Elle peut également utiliser toute autre méthode qu’elle
[…] estime appropriée.
49. Lorsqu’elle fixe ou modifie un tarif de transport d’élec- L.Q. 1996, c. 61, a. 49; L.Q. 2000, c. 22, a. 11.
tricité ou un tarif de transport, de livraison ou d’emma-
gasinage de gaz naturel, la Régie doit notamment: […]

1° établir la base de tarification du transporteur d’électricité 52.1 Dans tout tarif qu’elle fixe ou modifie, applicable par
ou d’un distributeur de gaz naturel en tenant compte, le distributeur d’électricité à un consommateur ou une
notamment, de la juste valeur des actifs qu’elle estime catégorie de consommateurs, la Régie tient compte des
prudemment acquis et utiles pour l’exploitation du coûts de fourniture d’électricité et des frais découlant du
réseau de transport d’électricité ou d’un réseau de distri- tarif de transport supportés par le distributeur d’électricité,
bution de gaz naturel ainsi que des dépenses non amor- des revenus requis pour assurer l’exploitation du réseau de
ties de recherche et de développement et de mise en distribution d’électricité et, en y apportant les adaptations
marché, des programmes commerciaux, des frais de nécessaires, des paragraphes 6° à 10° du premier alinéa de
premier établissement et du fonds de roulement requis l’article 49 et du deuxième alinéa de ce même article.
pour l’exploitation de ces réseaux; La Régie peut également utiliser toute autre méthode qu’elle
2° déterminer les montants globaux des dépenses qu’elle estime appropriée lorsqu’elle fixe ou modifie un tarif de
juge nécessaires pour assumer le coût de la prestation gestion de la consommation ou d’énergie de secours. Un tarif
du service notamment, pour tout tarif, les dépenses de gestion de la consommation désigne un tarif applicable
afférentes aux programmes commerciaux, et pour un par le distributeur d’électricité, à un consommateur qui le
A c t e s

tarif de transport d’électricité, celles afférentes aux demande, pour lequel le coût de la fourniture est établi en
contrats de service de transport conclus avec une autre fonction du prix du marché ou dont le service peut être
entreprise dans le but de permettre au transporteur interrompu par ce distributeur.
d’électricité d’utiliser son propre réseau de transport;

117
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

La tarification doit être uniforme par catégorie de consom- tarifaires et sur les caractéristiques de consommation
mateurs sur l’ensemble du réseau de distribution d’élec- mentionnées au premier alinéa;
tricité, à l’exception toutefois des réseaux autonomes de iii. pour les années suivantes, à celui fixé par le
distribution situés au nord du 53e parallèle. gouvernement.
La Régie ne peut modifier le tarif d’une catégorie de Pour les contrats spéciaux conclus en vertu de la Loi sur
consommateurs afin d’atténuer l’interfinancement entre les Hydro-Québec (chapitre H-5), le coût de fourniture
tarifs applicables à des catégories de consommateurs. correspond au tarif prévu au contrat déduction faite des
Le quatrième alinéa ne s’applique pas lorsque la Régie fixe coûts de transport et de distribution applicables selon leurs
ou modifie un tarif de transition pour un consommateur caractéristiques de consommation, et celui-ci n’affecte pas
qui passe à une autre catégorie de consommateurs. le coût de fourniture du distributeur d’électricité applicable
aux autres catégories de consommateurs aux fins de l’article
L.Q. 2000, c. 22, a. 15. 52.1.
52.2 Les coûts de fourniture d’électricité visés à l’article Le coût de fourniture de l’électricité patrimoniale alloué à
52.1 sont établis par la Régie en additionnant le coût de chaque catégorie de consommateurs ne peut être modifié
fourniture de l’électricité patrimoniale et les coûts réels des que dans les conditions prévues à l’article 24.1 de la Loi sur
contrats d’approvisionnement conclus par le distributeur Hydro-Québec (chapitre II-5). Le cas échéant, le coût de
d’électricité pour satisfaire les besoins des marchés fourniture d’électricité patrimoniale ainsi modifié est celui
québécois qui excèdent l’électricité patrimoniale, ou les que doit par la suite utiliser la Régie dans l’application du
besoins qui seront satisfaits par un bloc d’énergie déter- présent article.
miné par règlement du gouvernement en vertu du para-
graphe 2.1° du premier alinéa de l’article 112. Ces coûts L.Q. 2000, c. 22, a. 15.
sont alloués entre les catégories de consommateurs selon […]
leurs caractéristiques de consommation, soit leurs facteurs
60. Un droit exclusif de distribution d’électricité confère à
d’utilisation et leurs pertes d’électricité associées aux
son titulaire, sur le territoire où il porte et à l’exclusion de
réseaux de transport et de distribution.
quiconque, le droit d’exploiter un réseau de distribution
Aux fins du premier alinéa, le coût de fourniture de d’électricité.
l’électricité patrimoniale est établi par l’addition des
Ce droit n’empêche pas quiconque de produire et de
produits du volume de consommation patrimoniale de
distribuer sur son réseau l’électricité qu’il consomme ou de
chaque catégorie de consommateurs par le coût alloué
distribuer l’électricité produite à partir de biomasse
respectivement à ces catégories de consommateurs, en
forestière à un consommateur sur un emplacement adjacent
considérant que:
au site de production.
1° le volume de consommation patrimoniale annuelle
L.Q. 1996, c. 61, a. 60; L.Q. 2000, c. 22, a. 19.
correspond aux volumes de consommation des marchés
québécois jusqu’à concurrence de 165 térawattheures. Ce […]
volume exclut les volumes découlant d’un tarif de gestion 61. Nul ne peut exploiter un réseau de distribution
de la consommation ou d’énergie de secours, ceux alloués d’électricité sur le territoire d’un titulaire d’un droit exclusif
aux réseaux autonomes et les volumes approvisionnés à de distribution d’électricité.
partir de blocs d’énergie déterminés par règlement du
gouvernement; 1996, c. 61, a. 61.
2° le coût alloué à chaque catégorie de consommateurs est […]
établi à partir d’un coût moyen de fourniture de 62. Le distributeur d’électricité est titulaire d’un droit
l’électricité patrimoniale de 2,79 cents le kilowattheure exclusif de distribution d’électricité sur l’ensemble du
et correspond: territoire du Québec, à l’exclusion des territoires desservis
i. pour l’année 2000, à celui prévu à l’annexe I; par les réseaux municipaux ou privés d’électricité et par la
ii. pour les années subséquentes jusqu’à ce que le Coopérative régionale d’électricité de Saint-Jean-Baptiste
volume de consommation patrimoniale atteigne de Rouville, le 13 mai 1997.
A c t e s

165 térawattheures, à celui déterminé par la Régie Les réseaux municipaux d’électricité et la Coopérative
sur proposition du distributeur d’électricité en se régionale d’électricité de Saint-Jean-Baptiste de Rouville
basant sur l’annexe I, sur l’évolution des catégories sont également titulaires d’un droit exclusif de distribution

118
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

d’électricité sur le territoire desservi à cette date par leur environnementales que peut lui indiquer le gouvernement
réseau de distribution. par décret et, dans le cas d’une demande visée au
Malgré les articles 60 et 61, les titulaires d’un droit exclusif paragraphe 1°, tient compte le cas échéant:
de distribution d’électricité peuvent convenir des modalités 1° des prévisions de vente du distributeur d’électricité ou
de desserte d’un client dans l’un ou l’autre de leurs des distributeurs de gaz naturel et de leur obligation de
territoires respectifs. distribuer;
La présente loi n’empêche pas un titulaire d’un droit 2° des engagements contractuels des consommateurs du
exclusif de distribution d’électricité de continuer à exploiter service de transport d’électricité et, le cas échéant, de
ses installations destinées à la distribution d’électricité leurs contributions financières à l’acquisition ou à la
situées le 13 mai 1997 dans un territoire desservi à cette construction d’actifs de transport et de la faisabilité
date par un autre titulaire de droit exclusif de distribution économique de ce projet.
d’électricité. L’obtention d’une autorisation en application du présent
L.Q. 1996, c. 61, a. 62; L.Q. 2000, c. 22, a. 20. article ne dispense pas de demander une autorisation par
ailleurs exigée en vertu d’une loi.
[…]
L.Q. 1996, c. 61, a. 73; L.Q. 2000, c. 22, a. 24.
72. Tout titulaire d’un droit exclusif de distribution
d’électricité ou de gaz naturel doit préparer et soumettre à […]
l’approbation de la Régie, suivant la forme, la teneur et la 94. Dans les 30 jours de la date où la décision a été
périodicité fixées par règlement de celle-ci, un plan transmise par le transporteur d’électricité ou le distributeur
d’approvisionnement décrivant les caractéristiques des ou est réputée avoir été transmise, le plaignant peut
contrats qu’il entend conclure pour satisfaire les besoins des demander à la Régie d’examiner sa plainte, s’il est en
marchés québécois après application des mesures désaccord avec la décision rendue par le transporteur
d’efficacité énergétique. Le plan doit tenir compte des d’électricité ou le distributeur.
risques découlant des choix des sources d’approvision-
La Régie peut toutefois procéder à l’examen d’une plainte
nement propres à chacun des titulaires ainsi que, pour une
soumise après l’expiration du délai prévu au premier alinéa
source particulière d’approvisionnement en électricité, du
si le plaignant n’a pu, pour des motifs sérieux et légitimes,
bloc d’énergie établi par règlement du gouvernement en
agir plus tôt et qu’il n’en résulte aucun préjudice grave pour
vertu du paragraphe 2.1° du premier alinéa de l’article 112.
le transporteur d’électricité ou le distributeur.
Pour l’approbation des plans, la Régie tient compte des
L.Q. 1996, c. 61, a. 94; L.Q. 2000, c. 22, a. 38.
préoccupations économiques, sociales et
environnementales que peut lui indiquer le gouvernement […]
par décret. 102. Tout distributeur doit payer à la Régie une redevance
L.Q. 1996, c. 61, a. 72; L.Q. 2000, c. 22, a. 23. annuelle dont le taux et les modalités de paiement sont
prévus par règlement du gouvernement.
[…]
Le présent article s’applique à Hydro-Québec malgré
73. Le transporteur d’électricité, le distributeur d’électricité
l’article 16 de la Loi sur Hydro-Québec (L.R.Q., chapitre
et les distributeurs de gaz naturel doivent obtenir l’auto-
H-5).
risation de la Régie, aux conditions et dans les cas qu’elle
fixe par règlement, pour: L.Q. 1996, c. 61, a. 102.
1° acquérir, construire ou disposer des immeubles ou des […]
actifs destinés au transport ou à la distribution; 110. Le ministre peut donner à la Régie des directives sur
2° étendre, modifier ou changer l’utilisation de leur réseau l’orientation et les objectifs généraux à poursuivre.
de transport ou de distribution;
L.Q. 1996, c. 61, a. 110.
3° cesser ou interrompre leurs opérations;
[…]
4° effectuer une restructuration de leurs activités ayant
A c t e s

pour effet d’en soustraire une partie de l’application de 114. La Régie peut déterminer par règlement:
la présente loi. 1° des normes relatives aux opérations du distributeur
Dans l’examen d’une demande d’autorisation, la Régie d’électricité ou d’un distributeur de gaz naturel ainsi
tient compte des préoccupations économiques, sociales et qu’aux exigences techniques qu’il doit respecter;

119
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

2° des normes relatives au maintien d’un réseau de distri- juridiction de la Régie de l’énergie sur la production
bution d’électricité ou de gaz naturel; électrique en 2000 est venu changer la donne.
[…]
Il faut assurément noter les aspects les plus origi-
5° les documents requis pour procéder à l’étude d’une naux, soit l’article 5 et la référence au développement
demande;
durable ainsi que le mécanisme de traitement des
6° les conditions et les cas où une activité visée à l’article plaintes des consommateurs (articles 86 à 101).
73 requiert une autorisation;
7° la forme, la teneur et la périodicité du plan d’appro- Production d’électricité: énergie
visionnement; patrimoniale et approvisionnement
8° les conditions et les cas où la conclusion d’un contrat L’article 52.2 de la Loi sur la Régie de l’énergie fixe à
d’approvisionnement par le distributeur d’électricité 165 TWh la consommation patrimoniale d’électri-
requiert son approbation.
cité. Ce bloc d’électricité est réservé au marché qué-
Les normes, documents, conditions et cas ainsi que la bécois et Hydro-Québec Distribution doit assurer
forme, teneur et périodicité visés aux paragraphes 1°, 2°, elle-même son approvisionnement futur au-delà de
5°, 6° et 7° peuvent notamment varier selon le transporteur
d’électricité, les distributeurs ou catégories de distributeurs.
cette énergie patrimoniale.
Le règlement peut aussi exclure le transporteur d’électricité, À la suite de la déréglementation du marché de la
un distributeur ou une catégorie de distributeurs. production d’électricité au Québec, il est devenu
L.Q. 1996, c. 61, a. 114; L.Q. 2000, c. 22, a. 51. primordial d’implanter un processus efficace de
[…] gestion des appels d’offres. Ce dernier représente la
ANNEXE I: deuxième étape de trois du processus québécois
d’approvisionnement en électricité. Il fait suite à
Coût de fourniture de l’électricité patrimoniale par
catégorie de consommateurs
l’adoption d’un plan d’approvisionnement et précède
la mise sur pied d’un code de déontologie du
Catégories Coûts de fourniture
processus d’appel d’offres. Le plan d’approvisionne-
Tarifs D et DM 3,24 ¢/kWh
Tarif DH 3,13 ¢/kWh ment et ses caractéristiques sont prévus à l’article 72
Tarifs G et à forfait 2,95 ¢/kWh de la Loi sur la Régie de l’énergie. De façon globale, ce
Tarif G-9 2,80 ¢/kWh dernier établit une projection des besoins futurs en
Tarif M 2,72 ¢/kWh électricité au Québec sur un horizon à moyen terme
Tarif L 2,47 ¢/kWh et présente sommairement la teneur des contrats
Tarif DT 2,67 ¢/kWh
d’approvisionnement à conclure afin de répondre aux
Tarifs éclairage public et sentinelle 2,63 ¢/kWh
besoins projetés. De plus, les appels d’offres qui font
L.Q. 2000, c. 22, a. 57.»20 suite au plan d’approvisionnement se doivent d’être
De manière générale, les pouvoirs de la Loi en ce conformes aux lignes directrices de ce plan.
qui a trait à la régulation de l’énergie électrique Hydro-Québec, en tant que distributeur d’élec-
reprenaient jusqu’à l’an 2000 ce qui se fait dans le tricité, doit ainsi conclure des contrats d’approvision-
reste du continent nord-américain et ce qui se faisait nement afin d’assurer que la demande québécoise en
au Québec depuis plusieurs décennies à l’égard de la électricité soit comblée au meilleur prix possible.
réglementation du gaz naturel21. Le retrait de la L’article 74.1 de la Loi sur la Régie de l’énergie établit
quatre critères à respecter pour la procédure d’appel
d’offres permettant d’octroyer les divers contrats
A c t e s

20. Cette dernière annexe a été légèrement modifiée en 2002 d’approvisionnement, soit:
par la décision D-2002-221 de la Régie de l’énergie.
21. La Loi sur la Régie du gaz naturel a précédé la Loi sur la
Régie de l’énergie.

120
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

1. permettre la participation de toute personne le distributeur classe les soumissions par catégories
intéressée; selon les caractéristiques des produits offerts et
2. assurer un traitement égal de toutes les sources procède à une évaluation individuelle pour déter-
d’approvisionnement à moins d’exigences gou- miner les combinaisons optimales. Finalement, il
vernementales sur certains blocs d’énergie; prend en considération les critères à incidence
3. favoriser l’octroi des contrats sur la base du coût monétaire et l’impact des différentes combinai-
le plus bas; sons sur ses coûts d’approvisionnement pour
rendre sa décision finale.
4. permettre que les besoins en électricité soient
comblés par plus d’un contrat. 4. Négociation et signature
Hydro-Québec Distribution soumet un contrat
L’importance d’un processus d’appel d’offres effi- standard d’approvisionnement dans lequel il
cace et d’un code de déontologie adapté est exacerbée négociera avec l’adjudicataire certaines conditions
par la possibilité pour Hydro-Québec Production, de livraison, les clauses pénales, etc. Ensuite, le
comme pour tout autre producteur, de soumissionner contrat sera signé par les parties.
pour les appels d’offres de Hydro-Québec Distribution.
5. Approbation par la Régie de l’énergie
Ce processus peut être divisé en cinq étapes Le contrat est soumis à la Régie pour son appro-
principales: bation. La Régie procède alors à l’étude des diffé-
1. Appel des soumissions rentes caractéristiques du contrat afin de s’assurer
que ce dernier respecte le plan d’approvisionne-
Hydro-Québec Distribution doit diffuser un
ment du distributeur.
document d’appel d’offres contenant l’ensemble
des informations nécessaires aux fournisseurs afin Jusqu’à présent, Hydro-Québec Distribution a
qu’ils puissent présenter une soumission. Ce lancé quatre appels d’offres pour des approvision-
document contiendra, par exemple, une descrip- nements à long terme pour une production totale
tion des produits recherchés, l’échéancier du de 2 350 MW devant débuter vers l’année 2006.
processus et la grille d’analyse qui contient les Les deux plus récents commandent la production
différents critères d’évaluation des offres et la de 1 000 MW d’électricité éolienne ainsi que de
pondération de ces critères. Notons que les critères 100 MW d’électricité produite par biomasse22. Des
retenus doivent respecter le plan d’approvi- appels d’offres de court terme ont également été lancés
sionnement établi au préalable par le distributeur. en 2004 pour des approvisionnements en 2005.
2. Ouverture des soumissions
L’ouverture des soumissions se fait en public à la L’agence de régulation
date, à l’heure et à l’endroit indiqués sur le docu- et les autres organisations
ment de l’appel d’offres. On fait alors le tri des Il arrive fréquemment que l’agence de régulation
soumissions suffisamment complètes. doive cohabiter avec d’autres organismes qui ont leur
3. Sélection mot à dire, sous un angle différent, sur le même
Hydro-Québec Distribution procède à la sélec- projet.
tion des soumissions. Pour ce faire, on recherche Par exemple, au Québec, le Bureau d’audiences
la combinaison des soumissions qui permet de publiques sur l’environnement (BAPE) aura son mot
satisfaire les besoins établis au coût le plus faible. à dire quant aux impacts environnementaux d’un
On élimine tout d’abord les soumissions ne res-
A c t e s

projet, après que ce dernier eut reçu l’autorisation


pectant pas les différents critères minimaux, tel le d’être construit par le gouvernement ou la Régie de
prix maximum pour un bloc d’énergie. Ensuite,
22. http://www.hydroquebec.com/distribution/fr/

121
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

l’énergie23. Si le même projet traverse des terres 3º une somme qui peut être appliquée au fonds de retraite
agricoles, la Commission de protection du territoire des employés de la Commission;
agricole (CPTA) devra donner son approbation, sans 4º la part de la Commission dans le régime d’assurance
oublier non plus le ministère des Transports si une accident-maladie de ses employés;
route est impliquée. 5º l’intérêt et l’amortissement, sur une période d’au moins
20 ans, de la dette contractée par la Ville pour
L’article 33 de la Loi sur la Régie de l’énergie24 l’indemnité prévue par les articles 210 et 211, et pour la
prévoit que: construction ou l’achat des conduits souterrains;
« 33. Avant de rendre une décision qui peut modifier 6º toute autre dépense de la Commission.
l’utilisation d’un immeuble situé dans une aire retenue Ces redevances doivent être réparties entre les débiteurs
pour fins de contrôle ou dans une zone agricole établie proportionnellement à la partie des conduits souterrains ou
suivant la Loi sur la protection du territoire et des activités du réseau d’installations aériennes que chacun d’eux occupe
agricoles (L.R.Q., chapitre P-41.1), la Régie doit obtenir ou a réservée.»
un avis de la Commission de protection du territoire
agricole du Québec. Si l’utilisateur est en désaccord avec la décision
1996, c. 61, a. 33; 1996, c. 26, a. 85.»
de la Commission, il peut en appeler devant la
Commission municipale du Québec27.
Au fédéral, par exemple, l’ONE pourra fournir
les autorisations requises en plus de procéder à Enfin, toutes les municipalités du Québec peuvent
l’étude d’impact environnemental25. agir de la même façon. S’il y a mésentente, le tout est
tranché par la Commission municipale du Québec28.
Les pouvoirs des municipalités
Indépendance institutionnelle
Les municipalités, corps public souvent plus près du
de l’agence de régulation
citoyen, peuvent aussi avoir leur mot à dire en ce qui
a trait à la réglementation de l’électricité. Le gouvernement régulateur
ou l’agence régulatrice ?
Par exemple, la Commission des services élec-
triques de la Ville de Montréal s’est vue conférer par La réglementation de l’électricité peut se concevoir
la Ville de Montréal divers pouvoirs, dont celui de de deux façons. Elle sera réglementée directement
fixer les redevances annuelles des usagers des cana- par l’État, ou alors ce dernier pourra confier ce pou-
lisations en fonction de leur utilisation respective. voir à un organisme indépendant. Dans un monde
purement théorique, l’État qui consentirait à laisser
«Article 21626
aller ses pouvoirs le ferait totalement et entièrement.
La Commission peut exiger une redevance pour l’usage de
ses conduits souterrains et de ses installations aériennes. En réalité, l’État pourra se réserver certains
pouvoirs, ou prévoir la possibilité de donner des
La Commission fixe le montant de ces redevances annuelle-
ment, de façon à couvrir: directives à l’organisme réglementaire.
1º le coût de l’administration et de l’entretien de ces
conduits et installations; 27. Charte de la Ville de Montréal, L.R.Q. C-11.4, Annexe I,
2º les salaires des employés; art. 205. Voir l’article 202 qui permet à la Ville de
Montréal de déléguer ses pouvoirs à la Commission.
28. Code municipal du Québec, L.R.Q., c. C-27.1, a. 557, par.
23. L’art. 73 de la Loi sur la Régie de l’énergie, qui prévoit une 7. Voir aussi la Loi sur les cités et villes, L.R.Q., c. C-9, a.
telle autorisation, bien qu’en vigueur, ne produit pas ses 415, par 18. Voir aussi la Loi sur Hydro-Québec, L.R.Q., c.
A c t e s

pleins effets juridiques. H-5, a. 30. La Régie de l’énergie avait juridiction sur cette
question jusqu’en juin 2000, date à laquelle on a confié le
24. L.R.Q., c. R.-6.01.
tout à la Commission municipale du Québec. Art. 68 de
25. Voir à cet effet l’article 58.19 c) de la Loi sur l’ONE. la Loi modifiant la Loi sur la Régie de l’énergie et d’autres
26. Charte de la Ville de Montréal, L.R.Q. C-11.4, Annexe I. dispositions législatives, L.Q., 2000, c. 22.

122
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

Par exemple, dans la Loi sur la Régie de l’énergie, un accès direct à l’information et aux documents
le gouvernement s’est laissé une certaine marge de pertinents?
manœuvre en gardant le pouvoir de donner des
Devant ces questions, la majorité des provinces
directives à l’organisme de régulation autonome et
canadiennes et des États américains ont vu leurs gou-
indépendant:
vernements respectifs créer de tels organismes de
110. Le ministre peut donner à la Régie des directives sur réglementation.
l’orientation et les objectifs généraux à poursuivre.
1996, c. 61, a. 110. Les garanties d’indépendance
[…] institutionnelle nécessaires
111. Ces directives doivent être approuvées par le gouverne- Lorsque le gouvernement choisit l’agence de régu-
ment et entrent en vigueur le jour de leur approbation. Une lation comme mode de réglementation, certaines
fois approuvées, elles lient la Régie qui est tenue de s’y garanties d’ordre institutionnel sont nécessaires afin
conformer.
de préserver la crédibilité de l’organisme et celle des
Toute directive doit être déposée devant l’Assemblée décisions rendues.
nationale dans les 15 jours de son approbation par le
gouvernement ou, si elle n’est pas en session, dans les 15 On qualifiera habituellement l’agence de régula-
jours de la reprise de ses travaux. tion de « tribunal administratif », par opposition à
1996, c. 61, a. 111. une cour de justice ou à un tribunal judiciaire qui
[…]
jouit de l’indépendance judiciaire. L’indépendance
des tribunaux judiciaires se caractérise souvent par
Ces directives, qui sont adoptées par décret, l’inamovibilité ou la sécurité d’emploi, la sécurité
peuvent faire l’objet de contestation devant les financière, l’immunité contre les poursuites en dom-
tribunaux29. mages et l’exemption de l’obligation de témoigner en
justice quant aux motifs des décisions30.
La principale motivation d’un État à se départir
de son pouvoir de réglementation direct sur l’électri- Même si un tribunal administratif ou l’agence de
cité est celle reliée à la nécessité que des experts régulation ne possède qu’une indépendance relative,
puissent juger des diverses questions soumises dans l’agence jouit tout de même de certaines garanties
un cadre qui soit transparent, public et prévisible. importantes à l’égard de son indépendance face à l’État:
En effet, la réglementation de l’électricité par Indépendance fonctionnelle à l’égard
l’État de façon directe pose la question de la trans- des autorités politiques
parence, surtout si l’entreprise réglementée est elle-
Malgré l’obligation courante de se rapporter au gou-
même un monopole appartenant au même État.
vernement sur une base annuelle, les tribunaux
Comment le public en général et les consommateurs
administratifs ne forment pas une division exécutive.
en particulier peuvent mesurer le caractère juste et
En effet, les décisions rendues par application de
raisonnable de tarifs qui sont appliqués s’ils n’ont pas
leurs pouvoirs délégués ne subissent aucun contrôle
29. C’est le cas notamment de l’intervenant Action Réseau
du gouvernement. Ce pouvoir décisionnel n’est donc
Consommateurs qui a eu gain de cause en déposant une en principe soumis à aucune pression ni directive de
requête pour jugement déclaratoire devant la Cour la part du gouvernement31.
supérieure concernant la directive 99-01, prise par le
décret 53-99; dossier 500-05-048735-999, décision rendue 30. Gilles Pépin, « La jurisprudence relative à l’indépendance
A c t e s

le 6 juin 2000. Voir à cet effet A. Turmel, «Droit adminis- judiciaire au Canada, depuis l’arrêt Valente», (1995) 55 R.
tratif et droit de l’énergie: lignes à haute tension, niveau des du B. 313.
barrages, facture énergétique et changements climatiques», 31. Yves Ouellette, «Les tribunaux administratifs au Canada,
conférence présentée dans le cadre du Congrès du Barreau Procédure et Preuve », Les Éditions Thémis, Montréal,
du Québec, le 11 mai 2001. 1997, 750 pages, p. 12.

123
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Sécurité d’emploi modulée Toutefois, les tribunaux administratifs n’ont pas


La sécurité d’emploi modulée est une garantie contre la même protection constitutionnelle que les cours
le congédiement pour une raison autre que celles de justice36 et l’ensemble des règles et guides d’inter-
déterminées dans la loi et dans son interprétation. prétation, propres au droit administratif, restent
Cette garantie ne bénéficie actuellement d’aucune encore à systématiser37.
protection constitutionnelle.
La Cour suprême a cependant reconnu que les La nature des pouvoirs dévolus
personnes désignées pour siéger au sein d’un tribunal à l’agence de régulation
administratif ne pouvaient être destituées selon le Rappel des grandes notions
bon plaisir de l’exécutif. Il existe différentes façons pour une agence de
régulation d’exprimer sa vision de la réglementation
Immunité en cas de poursuites de l’électricité. Concrètement, dans sa pratique
Certaines lois constitutives prévoient dans leur texte quotidienne, l’organisme de régulation rend des
l’immunité en cas de poursuite en dommages et inté- décisions, émet des avis ou fixe des tarifs. Toutefois,
rêts aux membres siégeant au tribunal administratif. la nature des décisions rendues ainsi que le cadre
De plus, une décision de la Cour suprême semble procédural ayant trait à celles-ci pourront varier
accorder aux membres des tribunaux administratifs selon la nature des pouvoirs exercés par l’organisme.
une protection équivalente à celle des tribunaux judi-
ciaires en matière de poursuites en dommages, soit Règles de procédures et règlements
une immunité absolue32. Cette question demeure La Régie de l’énergie, outre les décisions et ordon-
toutefois controversée aujourd’hui. On admet généra- nances qu’elle rend en vertu des articles 31, 32 et
lement que les juges, peu importe leur rang, doivent 101 de la Loi ou des règles de régie interne prévues
pouvoir exercer leur fonction sans crainte qu’une à l’article 20, peut adopter des règles de procédures38
poursuite judiciaire découle33 des décisions rendues et des règlements39.
dans l’exercice de leur fonction.
Par exemple, la Régie a adopté un règlement éta-
Immunité à témoigner en justice blissant la procédure à respecter en ce qui concerne
sur les motifs de leurs décisions les demandes et requêtes de toute nature présentées
L’immunité à témoigner en justice sur les motifs de à la Régie, la preuve ainsi que l’administration des
leurs décisions a été maintes fois reconnue en jurispru- audiences publiques40.
dence34. Il est nécessaire de noter que les tribunaux La présentation d’une demande doit être faite par
administratifs sont soumis au contrôle de la Cour écrit et remplir certaines exigences sur le plan infor-
supérieure du Québec par application de l’article 33 mationnel. Le défendeur doit comparaître dans les
du Code de procédure civile. La jurisprudence a ainsi 15 jours de la réception de la demande et dispose
déterminé que cette immunité devait dans certains cas également de 15 jours pour formuler sa réponse. Le
être réduite afin de permettre un contrôle suffisam- demandeur peut répondre aux allégations du défen-
ment étendu de la Cour supérieure35. deur à l’intérieur d’une période de 15 jours41.

36. Idem, p. 16.


37. Idem, p. 19.
A c t e s

32. Morier c. Rivard [1985] 2 R.C.S. 717. 38. Article 113.


33. R. c. Lippé, [1991] 2 R.C.S. 114. 39. Article 114.
34. MacKeigan c. Nickman, [1989] 2 R.C.S. 796. 40. Règlement sur la procédure de la Régie de l’énergie.
35. Yves Ouellette, op. cit., note 28, p. 16. 41. Idem, art. 1, 2, 3 et 4.

124
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

En ce qui concerne la gestion de la preuve, toute Le législateur manifeste son intention de confier un tel
personne désirant invoquer un document à titre de pouvoir de plusieurs façons. Par exemple, le législateur
accordera un pouvoir tout en laissant le décideur libre
preuve doit le déposer à la Régie et le faire parvenir
d’apprécier dans quelles circonstances ce pouvoir pourra
aux autres parties avant que le dossier ne soit porté être exercé49.
au calendrier d’audiences42. Une partie peut égale-
ment formuler une demande de renseignements à Quant aux pouvoirs quasi judiciaires, plus diffi-
laquelle la partie concernée devra répondre dans les ciles à cerner, certains retiennent cette définition:
15 jours43. Le pouvoir quasi judiciaire est un pouvoir administratif
que l’on qualifie de quasi judiciaire à cause de certains fac-
Dans ces derniers cas, à l’exception de ses déci- teurs. Le pouvoir quasi judiciaire ne peut donc, puisqu’il
sions et ordonnances, le tout doit être approuvé par est une forme particulière de pouvoir administratif, être
le gouvernement44. délégué50.

Avis au ministre ou au gouvernement Tout réside dans la question de la qualification.


La Cour suprême du Canada, par la voie du juge
La Régie de l’énergie peut s’exprimer par le biais d’un
Dickson, a déjà énoncé quatre critères qui:
procès-verbal45 et elle donne aussi des avis au
ministre46 ou au gouvernement47. Enfin, la Régie doit Sans être exhaustifs ni déterminants, doivent être soupesés
faire rapport au ministre en vertu de l’article 169. et évalués pour décider si le processus en cause est de
nature quasi judiciaire. Ils s’exprimaient ainsi:
1. Les termes utilisés pour conférer la fonction ou le
La nature des décisions rendues contexte général dans lequel cette fonction est exercée
selon la nature des pouvoirs exercés donnent-ils à entendre que l’on envisage la tenue d’une
La nature de la décision est déterminée par la nature audience avant qu’une décision ne soit prise?
du pouvoir que l’agence de régulation exerce. 2. La décision ou l’ordonnance porte-t-elle directement
L’agence jouira d’un pouvoir administratif ou d’un ou indirectement atteinte aux droits et obligations de
pouvoir quasi judiciaire. quelqu’un?
3. S’agit-il d’une procédure contradictoire?
Bien qu’il n’existe pas de définition officielle, cer-
4. S’agit-il d’une obligation d’appliquer les règles de fond
tains auteurs définissent le pouvoir administratif en à plusieurs cas individuels plutôt que, par exemple, de
ces termes: l’obligation d’appliquer une politique sociale et écono-
On qualifie le pouvoir administratif de pouvoir résiduaire, mique au sens large?51
en ce sens qu’est administratif le pouvoir qu’on ne peut
Par exemple, en matière de traitement des
qualifier ni de pouvoir lié, ni de pouvoir quasi judiciaire.
Le pouvoir administratif est un pouvoir qui laisse à son plaintes devant la Régie de l’énergie, ce pouvoir
titulaire une grande marge de manœuvre. Le pouvoir pourra être qualifié de quasi judiciaire. En effet, la
discrétionnaire fait partie de cette catégorie48. […] Régie de l’énergie doit respecter la Charte des droits et
libertés de la personne52 qui garantit à toute personne
42. Idem, art.14. le droit à une audition publique et impartiale de sa
43. Idem, art. 15.
44. Articles 20 et 115.
45. Article 29. 49. Droit public et administratif, volume 6, Collection de droit
46. Article 42. 1996-97, Montréal, Éditions Yvon Blais, p. 24.
47. Articles 67, 80 et 167. 50. Ibid.
48. R. Dussault et L. Borgeat, Traité de droit administratif, 51. Ministre du Revenu national c. Cooper and Lybrand, [1979]
1R.C.S. 495, 505, cité dans la collection de Droit, supra
A c t e s

2e éd., T.1, Québec, Presses de l’Université Laval, 1989. Les


pages 303 à 307 et 314 à 316 précisent que cette décision note 35, p. 26. Voir aussi Canadien Pacifique c. Matsqui
est issue de la liberté d’action que le législateur octroie aux Indian Band [1995] 1R.C.S.3.
organismes publics pour leur permettre de «répondre aux 52. L.R.Q., c. C-12. L’art. 56(1) s’applique à un organisme
besoins des administrés» (p. 309). exerçant des fonctions quasi judiciaires.

125
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas les organismes de régulation appliquent des normes
préjugé. Par ailleurs, cette personne a le droit de se législatives tantôt objectives mais souvent très subjectives,
comme la notion d’intérêt général ou de « tarif juste et
faire représenter par un avocat ou d’en être assistée
raisonnable », souvent après audience faisant une large
devant tout tribunal. place aux interventions du public et des groupes de
pression. Ces organes sont enfin souvent habilités par la
La réglementation économique Loi à se doter d’experts ou de personnel de recherche qui
procèdent à des analyses hypothétiques ou techniques.
et financière de l’électricité :
le débat n’est pas clos Les compétences des organismes de régulation, réglemen-
taires ou quasi réglementaires56, consultatives, administra-
Le passage suivant du professeur Ouellette résume tives, quasi judiciaires, sont fort variées et il n’y a pas lieu de
bien la situation: tenter d’en rendre compte dans cet ouvrage57. Devant cette
Une grande partie de l’industrie des communications, des mosaïque de compétences, allant de la délivrance et du
transports, de l’énergie, de l’agriculture, des valeurs mobilières retrait d’autorisation administrative au contrôle du
et même des alcools et des jeux est assujettie au Canada à la financement, de la cession ou de la fusion d’entreprises et
surveillance ou à la régulation d’organes autonomes spécia- à l’examen des plaintes des consommateurs, l’interprète
lisés qui sont considérés comme des tribunaux administratifs peut relever l’existence de deux principales catégories de
au sens nord-américain. Même dans une économie de problèmes : la portée des mandats législatifs libellés en
marché, l’État a voulu encadrer la liberté économique pour termes généraux et celle des mandats libellés en termes
prévenir les abus de position de monopole, protéger les spécifiques58.
épargnants ou les consommateurs ou assurer la primauté de
On le constate, il faudra souvent faire du cas par
l’intérêt général par une participation du public à l’élabo-
ration des politiques et contrebalancer ainsi les dominations cas pour déterminer si tel ou tel article de loi doit
politiciennes, économiques et technocratiques. être qualifié d’administratif ou de quasi judiciaire.
Il ne faut pas confondre les notions de régulation et [de]
réglementation53. Celle-ci comporte essentiellement l’établis- La Common law et le droit civil
sement en vertu d’une délégation de la loi de normes ayant en réglementation de l’électricité
force de loi. La régulation peut certes impliquer le pouvoir
d’adopter des normes, des politiques, mais aussi l’exercice La dualité telle que vécue
dans un cadre souvent quasi judiciaire de pouvoirs discrétion- au Canada et au Québec
naires pour procurer des avantages, comme des autorisations La Common law et le droit civil, deux des grandes
administratives ou imposer des charges. La fonction de
régulation, d’abord empruntée au début du siècle à des
traditions juridiques, coexistent au Canada encore
institutions américaines comme le Interstate Commerce aujourd’hui, legs des siècles d’histoire qui ont
Commission pour encadrer l’industrie des chemins de fer54, façonné le territoire.
inclut donc mais déborde la simple fonction quasi judiciaire55
(l’italique est de l’auteur).
Les organismes de régulation prennent, comme les minis-
tères, des décisions initiales. Alors que les tribunaux de 56. Horsemen’s Benevolent & Protective Assn of Alberta c. Alberta
révision ou d’appel ont pour rôle d’aider à administrer des Racing Commision, (1990) 63 D.L.R. (4th) 609 (Alta.
normes juridiques objectives et préexistantes après enquête, C.A.); Prospect Investments Ltd. c. New Brunswick (Liquor
Licensig Board), (1991) 48 Admis L.R. 105 (N.B.Q.B.) ;
Ainsley Financial Corp. c. Ontario (securities Commission),
(1995) 121 D.L.R. (4th) 79 (ont. C.A.).
53. Raoul P. Barbe, Les organismes québécois de régulation des 57. Voir les travaux de la Commission de réforme du droit du
entreprises d’utilité publique, Montréal, Wilson et Lafleur, Canada consacrés à certaines grandes agences fédérales
1980, p. 4. comme le Conseil de la radiodiffusion et des télécommu-
A c t e s

54. J. Benidickson, loc. cit., note 10. nications canadiennes (1981), l’Office national de l’énergie
55. Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale: (1977), la Commission de contrôle de l’énergie atomique
précis de droit des institutions administratives, Cowansville, (1976), etc.
Éditions Yvon Blais, 1997, p. 342 et suivantes. 58. Supra, note 29, p. 44-45.

126
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

Les professeurs Lemieux et Issallys ont très bien Parfois, la Régie de l’énergie fera directement ou
présenté comment cette dualité s’est vécue au fil des indirectement référence à des articles spécifiques du
décennies: Code civil, notamment en ce qui a trait au texte des
Étant donné cette différence radicale d’optique entre le tarifs60, à l’illégalité des transactions hors franchises61,
droit français et le droit anglais, il est important de savoir à la chose jugée62, à l’obligation de renseignement63,
à laquelle de ces deux traditions se rattache le droit québé- aux inscriptions informatisées64, ou à la reprise de
cois et canadien. La réponse à cette question se trouve dans possession du logement65. Quant au Code de
les sources historiques de notre droit. Celles-ci ont été en procédure civile, plusieurs décisions y ont fait aussi
grande partie déterminées par l’Acte de Québec de 1774. En
gros, et abstraction faite des retouches intervenues par la
référence66.
suite, cette loi a instauré une dualité de sources dans le Par exemple, dans la décision D-99-43, la Régie
droit proprement québécois : le droit commun, ou droit établit un parallèle entre l’article 38 de la Loi sur la
fondamental, est la Common law d’Angleterre, sauf quant
à ce qui se rattache aux property and civil rights, où l’assise
Régie de l’énergie et l’article 475.1 du Code de
du droit est l’ancien droit français. Bien entendu, sur de procédure civile du Québec. Elle s’appuie sur l’état du
nombreux points, ce droit commun historique n’est plus droit entourant la signification du terme « erreur »
aujourd’hui qu’une référence lointaine; il a été supplanté utilisé à l’article 475.1 pour interpréter l’article 38.
par des textes plus proches de nous, à commencer par le Ces deux dispositions remplissent sensiblement la
Code civil, qui constituent ordinairement la source même fonction, soit de permettre la révision judi-
première dans le domaine dont ils traitent.
ciaire d’une décision lorsqu’une erreur se glisse dans
Le Code civil du Québec énonce d’ailleurs formellement
le jugement final. La Régie reconnaît clairement la
qu’il établit le droit commun dans toutes les matières
auxquelles il a vocation à s’appliquer. En ce qui concerne non-application du Code de procédure civile, mais
le droit fédéral, c’est la Common law qui forme le droit procède par inférence en important l’interprétation
commun fondamental, sauf dans les matières où la compé- sous le Code afin de clarifier la législation s’appli-
tence fédérale constitue une enclave dans le champ de la quant à elle.
propriété et des droits civils.
La source fondamentale de notre droit administratif, qu’il
Dans la décision D-97-43, l’Association des
s’agisse de droit fédéral ou de droit québécois, est donc le consommateurs industriels de gaz conteste les agisse-
droit anglais. Il convient cependant de bien distinguer ments de la Société en commandite Gaz Métro-
source fondamentale (ou résiduelle) et source première: la politain (SCGM) sur la base de l’article 1434 du
solution d’un problème de droit administratif doit d’abord Code civil du Québec, alléguant l’existence d’usages
être recherchée dans la législation et la réglementation commerciaux contraires aux pratiques de la SCGM
(québécoise ou fédérale, selon le cas) et dans la jurispru-
dence des pays de tradition britannique (provinces cana-
en matière d’interruption de service et de transaction
diennes de Common law, Grande-Bretagne, autres pays du hors franchises. La Régie conclut à la pertinence de
Commonwealth), dans la mesure où il est transposable. Et l’article 1434 et à l’applicabilité de celui-ci aux
parmi la législation qui constitue la source première de circonstances, mais décide que la nature du contrat
notre droit administratif, il faut compter les textes de droit
privé (notamment le Code civil et le Code de procédure
civile), dans la mesure où certains actes de l’administration
sont régis par le droit privé59. 60. Voir décision D-97-34.
61. D-97-43; Art. 1434 du Code civil.
La réglementation de l’électricité, du moins au 62. D-99-117; Art. 2848, C.C.
Québec, bien qu’appliquant généralement les prin- 63. D-99-230; Art. 1469 et 1473, C.C.
cipes du droit administratif, pourra faire appel au 64. D-99-232; Art. 2837, C.C.
Code civil et au Code de procédure civile. 65. D-99-33; Art. 1936, C.C.
A c t e s

66. D-99-48 et D-99-117 (Art. 475, al. 1 et 754.2 C.P.C.),


59. Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale: D-99-177R et D-99-177 (Art. 475, al. 1, C.P.C.), D-99-
précis de droit des institutions administratives, Cowansville, 36 (Art. 416 et suivants, C.P.C.), D-99-43 (Art. 475, al. 1),
Éditions Yvon Blais, 1997, 1130 pages, aux p. 34 et 35. D-99-64 (Art. 834.1, C.P.C.).

127
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

aussi prévu à l’article 1434 l’emporte sur les usages Il est toutefois aisé de constater que même si les
qui, dans cette affaire, n’ont pu être démontrés de lois créant des agences de régulation pourront être
façon satisfaisante par les requérants. différentes selon les États, on y retrouvera toujours
certains des principes que ce texte a voulu présenter
Conclusion sommairement, par le biais de l’exemple du Québec
et du Canada.
Ce trop court texte n’avait pas la prétention d’être
exhaustif, car il aurait fallu multiplier par dix le
nombre de pages pour présenter adéquatement
comment l’Agence de régulation interagit selon
l’encadrement juridique dans laquelle elle évolue.
A c t e s

128
Hydro-Québec et l’investissement international:
une approche prudente
Yvan CLICHE, M. Sc., M.B.A.
Délégué commercial à Hydro-Québec International, Montréal (Québec), Canada

L’incursion d’Hydro-Québec dans le domaine des plus de 18000 travailleurs, la construction de routes
investissements internationaux commence au milieu et d’aéroports, de campements et de villages, et
des années 1990. Face à la volonté des gouver- l’utilisation d’énormes quantités de matériaux divers
nements de plusieurs pays de confier au secteur privé pour la construction de cinq grands réservoirs, de
l’exploitation et la maintenance d’une partie ou de digues et de barrages. Grâce à ce projet d’envergure,
la totalité de leurs infrastructures électriques, Hydro- les firmes d’ingénierie du Québec ont pu acquérir de
Québec International (HQI) y voit une opportunité nouvelles expertises et explorer de nouveaux champs
de marché permettant d’accroître et de renforcer sa d’activités. À sa mise en service à la fin des années
présence à l’étranger, et de contribuer de manière 1970, le projet de la Grande Rivière est devenu un
plus significative à un volet de ses activités tradition- symbole de dynamisme et d’innovation, suscitant la
nelles, qui est d’appuyer l’exportation du savoir-faire fierté des Québécois.
québécois dans le domaine de l’énergie.
Agissant à titre de concepteur des projets, Hydro-
Québec, à travers sa filiale, la Société d’énergie de la
Un peu d’histoire Baie James (SEBJ), a établi dès le départ une poli-
Comme plusieurs autres entreprises dans le monde, tique visant à confier à l’entreprise privée l’ingénierie
le succès des entreprises québécoises dans les marchés détaillée des projets et leur construction. Cette poli-
mondiaux s’appuie sur la réussite des projets qu’elles tique de partenariat est toujours en vigueur pour la
ont menés sur leur propre marché. En fait, dans le réalisation des projets de la Baie James, phase 2. La
sillon de la « Révolution tranquille » du début des SEBJ gère des mandats de réalisation confiés à des
années 1960, le Québec s’est engagé dans divers firmes privées.
projets de construction afin d’implanter les infras- Après la phase 1 de la Baie James, ces entreprises
tructures nécessaires à une société moderne: ponts, se sont toutefois heurtées à une baisse marquée du
routes, écoles, hôpitaux, édifices commerciaux, volume d’affaires au Québec. Après une période de
infrastructures d’énergie. Il est reconnu que le déve- construction effrénée, la majorité des projets était
loppement des firmes d’ingénierie du Québec a été complétée et le volume d’affaires de ces firmes au
grandement accéléré par le développement des infra- Québec s’en est durement ressenti. Ces entreprises
structures liées à l’énergie électrique. Le complexe ont dû ainsi se tourner vers le marché international
Manic-Outardes et, surtout, le complexe de La afin de maintenir leur expansion. Ce sont surtout les
Grande Rivière, dans le Grand Nord québécois, ont pays en développement, avec leurs besoins im-
représenté de gros défis pour ces jeunes entreprises, menses, qui offraient les meilleures opportunités.
défis qu’elles ont relevés avec succès. Le projet d’amé-
Hydro-Québec s’est donc laissé tenter par le
A c t e s

nagement de La Grande Rivière fut d’ailleurs qualifié


de projet du siècle au Québec : situé au cœur de la marché international. En 1978, elle mettait sur pied
taïga québécoise, à plus de 1 000 kilomètres de une filiale, Hydro-Québec International (HQI),
Montréal, ce projet a nécessité la mobilisation de

129
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

chargée d’exporter, dans le monde, le savoir-faire toujours avec des partenaires, en Australie (transport),
d’Hydro-Québec. au Costa Rica (centrale hydraulique), au Chili (trans-
port), en Chine (production), au Maroc (concession
La situation actuelle1 d’entreprise), au Panama (centrale hydraulique),
au Pérou (transport), et au Sénégal (concession
En octobre 2003, HQI a souligné ses 25 ans d’exis-
d’entreprise).
tence. Sa mission officielle est la suivante: «HQI est
chargée des activités d’investissement et de vente de Depuis, de son portefeuille original d’investis-
services professionnels à l’extérieur du Canada et des sements, l’entreprise a mis fin à sa participation en
États-Unis. HQI ayant confié un mandat de gestion Guinée, au Maroc et au Sénégal. La politique
de ses activités à Hydro-Québec, chacune des divi- actuelle de l’entreprise est de privilégier des projets
sions de cette dernière est responsable des activités à où elle jouit d’un avantage reconnu, c’est-à-dire dans
l’étranger dans ses domaines de compétence.» le domaine du transport à haute tension ou en pro-
duction hydraulique, et pour lesquels des actifs sont
Depuis la fin des années 1990, Hydro-Québec
déjà en exploitation, par opposition à des projets
est structurée en unités d’affaires (Production,
nécessitant une période de construction, qui repré-
TransÉnergie, Distribution, Équipement), ayant
sentent des risques plus élevés. Essentiellement, la
chacune un président. Les activités internationales
stratégie cible des projets de taille moyenne et
sont réalisées par chacune des unités d’affaires, mais
présentant les meilleures couvertures de risques
en utilisant le nom HQI.
possibles, incluant le risque-pays.
Depuis 25 ans, HQI a ainsi réalisé quelque
400 mandats, dans environ 80 pays, sur les trois L’approche en matière
segments du sous-secteur électrique: en production, d’investissement
en transport, en distribution, pour des études, de la
Comme toutes les entreprises actives dans le
formation, du transfert d’expertises ou de l’assistance
domaine, HQI procède à une vérification diligente
en gestion, ce que l’on regroupe sous le vocable
de ses projets avant de procéder à un investissement.
«services professionnels». Une partie significative de
Ce qui distingue l’entreprise, c’est le choix des projets,
ces contrats a été réalisée dans des pays franco-
qui doivent présenter le moins de risques possible
phones, principalement en Afrique.
tout en assurant une rentabilité raisonnable. Étant
une filiale d’une société d’État, HQI favorise une
Une nouvelle ère : l’investissement approche prudente, où l’analyse du risque-pays et la
Après avoir mené maints projets de vente d’expertise, sécurité financière de l’investissement dominent, et
HQI célèbre en 1998 son 20e anniversaire en abor- ce, même si les projets sont officiellement dissociés
dant un nouveau mandat : identifier et réaliser des des actifs du siège social.
investissements rentables sur le marché international
Une vérification diligente est un processus très
de l’énergie.
exigeant sur le plan de l’organisation interne et sur
Une première incursion se fait en Afrique franco- celui des coûts. Plusieurs experts sont mobilisés, et
phone, notamment en Guinée. Avec des partenaires des consultants externes sont sollicités. Il est donc
étrangers, HQI exploite, gère et développe le réseau essentiel que le chef du projet, dont le mandat est
national d’électricité. Le mouvement s’accélère à la fin d’identifier des opportunités d’investissement, ana-
des années 1990, à la faveur d’une expansion de lyse sommairement, mais de la façon la plus juste
A c t e s

l’entreprise. Des investissements sont ainsi réalisés, possible, la qualité du projet-pays et de son appa-
riement avec les forces de l’entreprise.
1. [NDE] Depuis mai 2005, Hydro-Québec a décidé de
recentrer ses activités sur le marché d’Amérique du Nord.

130
Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

Une fois le projet approuvé pour fins de dévelop- – Cas en litige et solutions prévisibles
pement par la direction, une équipe est créée, sous – Titres de propriété
la direction du chef de projet, et rassemble des exper-
tises technique (ingénierie, environnement), légale Aspects fiscaux
(corporative et externe), fiscale et financière. Cette – Fiscalité existante
équipe procède alors à l’analyse détaillée du projet. – Taxation
Tous ces efforts se concentrent sur un objectif – Rapatriement des profits et des dividendes
simple : un projet rentable, avec un minimum de – Rapatriement des capitaux investis
risques. Les efforts visent à établir le prix d’acqui-
sition le plus juste et le plus équitable possible, et qui Aspects financiers
affiche une rentabilité adéquate à court et à moyen – Utilisation d’un modèle financier valide et réa-
termes. Beaucoup d’efforts et de temps sont consa- liste (inflation, risque de change)
crés à la couverture des risques inhérents au projet et
aux mesures de mitigation possibles. Des mesures de – Identification de la structure financière (dette/
mitigation peu satisfaisantes entraînent l’abandon du équité)
projet. – Financement disponible de la transaction et
cotation par les agences de crédit
Voici un aperçu des éléments qui sont documentés:
– Bilans comptables et audits externes : faire les
Aspects généraux ajustements requis
– Contexte politique et réglementaire L’aspect financier domine les analyses, car la
– Lois et règlements concernant les investissements rentabilité du projet est essentielle. La prévision la
étrangers plus exacte possible des flux de trésorerie (cash flows)
– Marché de l’énergie: croissance prévue, tarifs du projet est donc établie, selon divers scénarios. On
utilise à cette fin un modèle financier, qui inclut
– Réglementations applicables au secteur électrique maints paramètres (inflation, risque de change,
– Support du gouvernement local amortissement, taxation), dont la structure dette/
– Partenaires locaux équité.
Aspects techniques Sur la base de cette analyse interne, l’équipe de
projet prépare une recommandation à la direction
– État des équipements, réhabilitation nécessaire
supérieure et au conseil d’administration pour étude
– Procédures/coûts d’exploitation et de maintenance et approbation. Son contenu standard est le suivant:
– Hydrologie: données historiques et prévisions pays et description du projet, intérêt stratégique
– Environnement: contraintes actuelles et prévisibles (présence dans le pays, forces distinctives), carac-
– Ressources humaines : besoins actuels et futurs, téristiques du projet, partenariat: structures et rôles,
compétence actuelle et requise, conventions structure financière et fiscale, rendement anticipé,
collectives sources de financement, analyse des risques et
mesures de mitigation, retombées économiques,
– Approvisionnement : pratiques actuelles, zones échéancier du dossier, recommandation finale.
d’amélioration, incluant le système informatique
Aspects légaux
A c t e s

– Contrats existants (lois, règlements, conventions


d’actionnaires)

131
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Du point de vue du pays Conclusion


Quels sont donc les éléments favorisant, du point de L’investissement étranger est une recherche de réci-
vue national, les investissements et l’efficacité du procité entre l’investisseur, qui apporte ses ressources
processus de privatisation ? Ces éléments sont bien financières et son expertise, et le pays, qui apporte
connus, mais spécifions, entre autres: un environnement le plus stable et accueillant pos-
sible au profit d’un développement efficace et
1) qu’il faut bien traduire les objectifs d’ouverture
dynamique d’un secteur névralgique.
ou de privatisation par des politiques, des
règlements, des lois, et un arbitrage équitable des
différends; il faut respecter ses engagements; Investissements d’HQI, 2003
2) que l’on doit établir un processus transparent, En production
clair et ouvert, stable, homogène, pour tous les – Panama : centrale hydroélectrique de Fortuna,
participants et permettant un encadrement clair 300 MW (acquisition et exploitation), 1999.
des investissements étrangers;
– Costa Rica : Centrale hydroélectrique de Rio
3) qu’il faut établir des mesures efficaces de traite- Lajas, 10 MW (construction et exploitation),
ment des dossiers, afin de limiter les goulots 1996.
d’étranglement qui ralentissent le projet et minent
– Chine: Meiya Power Co. (11 centrales, 2415 MW),
souvent l’énergie et la confiance nécessaires à ce
1999.
type de démarche.
– Chine: Centrale Qingshan, province du Hunan,
20 MW (construction et exploitation), 1999.
A c t e s

132
Troisième partie

Les retours d’expérience


L’expérience de la mise en concession globale privée
de la Société d’énergie et d’eau du Gabon
François OMBANDA
Président-directeur général, Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG)
Jean-Pierre LASSENI DUBOZE
Adjoint au Directeur Général, Chef du Département budgets, plans et stratégies à la SEEG

Le présent exposé tentera de décrire les conditions Présentation du cadre juridique


du processus de mise en concession privée de la du secteur de l’eau potable et
gestion du secteur de l’énergie électrique et de l’eau de l’énergie électrique au Gabon
potable au Gabon, processus qui s’est déroulé de
Description du contexte
janvier 1996 à juin 1997 et qui a vu la Générale des
eaux devenir l’actionnaire majoritaire de la Société Le Gabon est constitué d’un territoire de près de
d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG). 270000 km2 et d’une population d’un peu plus d’un
million d’habitants (résultat du recensement de
Dans les deux premières parties seront exposés le 1993), dont 73% vivent en milieu urbain.
cadre juridique qui régit le secteur et celui qui a
permis la mise en concession privée. Libreville et sa périphérie immédiate comptent
420000 habitants environ; cela représente un poten-
Le déroulement du processus lui-même fera tiel de moins de 80000 clients en électricité (à raison
l’objet de la troisième partie. d’une moyenne de moins de 6 personnes par foyer)
Dans une quatrième partie, nous présenterons les et de 50000 en eau (une part non négligeable des ha-
instruments du nouveau cadre institutionnel, notam- bitants continuant de s’alimenter aux fontaines
ment la convention de cession des actions qui a publiques). Avec respectivement 79000 et 31000 ha-
consacré le transfert de propriété de la République bitants, Port-Gentil et Franceville arrivent très loin
gabonaise à la Générale des eaux, et le contrat de derrière.
concession qui définit les conditions de gestion du La faible densité de population, la mauvaise
secteur. praticabilité des voies de communication ainsi que
La conclusion sera précédée d’une description des la présence d’une forêt dense et de reliefs difficiles
relations entre les différents acteurs et d’un bref retour rendent impossible l’intégration des exploitations.
d’expérience après 54 mois de fonctionnement. Sur le plan économique, les activités génératrices
L’exposé se penchera plus particulièrement sur le de ressources sont toutes regroupées autour des pôles
secteur de l’eau potable et de l’énergie électrique, cités précédemment, en dehors de quelques exploita-
activités régies par le même dispositif au Gabon. Il a tions forestières et agro-industrielles isolées et auto-
paru intéressant, dans le cadre du présent texte, de nomes sur le plan énergétique. Le pétrole pèse très
ne pas occulter l’activité «eau potable», compte tenu fortement sur les ressources de l’État.
du fait qu’un certain nombre de pays d’Afrique L’ensemble de ces données met en lumière les fai-
subsaharienne connaissent des situations similaires. blesses du système en présence: marché très étroit et
A c t e s

Les motivations qui ont conduit le gouvernement dispersé, impossibilité d’intégration des exploitations
gabonais à maintenir l’unicité de gestion de ces deux électriques, ressources inégalement réparties et large-
activités seront exposées afin d’alimenter la réflexion ment tributaires du marché pétrolier international.
sur les réformes envisagées.

135
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Historique de la distribution de le droit d’occuper le domaine public, celui de pré-


l’eau et de l’énergie électrique lever les eaux ou d’expropriation pour cause d’utilité
La distribution publique d’électricité fait son appa- publique.
rition à Libreville en 1935; elle est assurée, sous l’auto- Cette loi a permis de mettre de l’ordre dans un
rité de la commune, par une société concessionnaire: secteur où préexistaient deux concessions munici-
la Compagnie centrale de distribution d’énergie pales issues de la période coloniale et plusieurs
électrique (CCDEE). En 1950, à Port-Gentil, se crée concessions d’État (autant que de nouvelles localités
la Société d’énergie de Port-Gentil (SEPG), chargée alimentées depuis l’indépendance). En légiférant
de fournir la vapeur et l’électricité à une usine de dans ce domaine, l’État a cherché à mettre de la
fabrication de contreplaqués. Par la suite, elle réalise cohérence dans un secteur sensible, compte tenu de
progressivement la distribution en ville. son impact sur le développement économique et
Lors de l’indépendance, en 1960, alors que la social, et où son implication demeurait prépon-
CCDEE ne donne pas suite à la demande du gou- dérante, y compris dans les concessions municipales
vernement d’étendre son activité hors de Libreville, (approbation des tarifs, participation au financement
la SEPG accepte de créer et d’exploiter les premières des investissements).
distributions de l’intérieur du pays, dès 1962. La SEEG, déjà concessionnaire dans le dispositif
Par la suite, le 13 août 1963, à l’occasion d’une de pluriconcessions précédent, a été désignée conces-
assemblée générale extraordinaire, la SEPG devient sionnaire exclusif en application de cette loi sur
la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG). Le l’ensemble du territoire national et pour une durée
rachat, en 1964, de la concession de Libreville con- de 30 ans.
firme le caractère national de l’activité de la SEEG, Le contrat de concession, conclu le 10 août 1993,
qui se voit conférer un monopole de fait sur la est de type classique, avec des cahiers des charges
distribution de l’énergie électrique et de l’eau potable précisant les conditions techniques de gestion des
sur l’ensemble du territoire national. services. Seule particularité, toute implantation
L’État est l’actionnaire majoritaire de la SEEG, nouvelle est financée par l’État, le concessionnaire
avec 64 % des parts, aux côtés d’industriels et de assurant, avec ses ressources, les autres charges de la
banquiers. concession (exploitation courante, entretien, renou-
vellement, renforcement et extensions).
Cadre juridique
Le secteur de l’eau potable et de l’énergie électrique
Présentation du cadre
est régi par une loi de 1993 qui crée un service public
de la privatisation
détenant le monopole de ces activités sur le territoire
des sociétés publiques
national. L’idée du désengagement de l’État de la gestion du
secteur productif, dans lequel il s’est largement
Selon les termes de cette loi, l’État peut en con- investi après l’indépendance, remonte au milieu des
fier la gestion à une ou à plusieurs personnes de droit années 1980. La crise économique que connaît le
privé gabonais, sous la forme d’une ou de plusieurs Gabon en 1986, les recettes de l’État étant divisées
concessions. par deux (le prix du pétrole, principale source de
Les concessionnaires désignés par voie régle- revenus de l’État, est passé de près de 34 US$ par
baril en 1982 à 12,5 en 1986, en même temps que le
A c t e s

mentaire bénéficient de la délégation d’un certain


nombre de prérogatives de puissance publique, tels dollar chutait de 450 à 346 francs CFA1), fait

1. 1 euro = 655,957 francs CFA.

136
Les retours d’expérience

apparaître la nécessité d’une plus grande rigueur dans Elle définit le champ d’application de la privati-
la gestion des finances publiques. Ces dernières sont sation en ce qui a trait aux modalités de transfert,
alourdies par les déficits des sociétés parapubliques désigne les entreprises visées, crée les organes chargés
que l’État est amené à combler par des subventions de la privatisation et instaure le principe d’une action
de plus en plus importantes. ordinaire détenue de plein droit par l’État.
À cette époque, il n’est pas encore question de Parmi les modalités de privatisation est prévue la
privatisation, sauf pour deux secteurs particulière- mise en concession privée, sans transfert de la
ment sinistrés (assurances et distribution de produits propriété des actifs.
pétroliers). Le maître mot est la restructuration des
En ce qui a trait aux entreprises concernées, aucune
entreprises ; l’instrument utilisé est le contrat-
restriction particulière n’est faite. Le gouvernement
programme avec l’État, fixant des objectifs aux
détermine, chaque année, dans le cadre de la loi des
gestionnaires, en contrepartie du respect par l’État
finances, le programme de privatisation fixant les
de l’autonomie des conseils d’administration et de
opérations prévues, les modalités retenues, l’évaluation
ses obligations en tant que client.
des entreprises, les recettes attendues ainsi que les
Après la chute du mur de Berlin et la consé- mesures d’accompagnement, notamment sociales.
cration de la pensée économique libérale, et devant
Deux organes sont créés par la loi pour gérer les
les résultats peu probants des contrats-programmes,
processus de privatisation: une commission intermi-
l’idée de la privatisation fait son chemin petit à petit;
nistérielle et un comité technique dont les attribu-
toutefois, elle a du mal à déboucher véritablement,
tions sont fixées par voie réglementaire.
essentiellement pour des raisons dogmatiques et
parce que les risques politiques, en contexte de L’action détenue par l’État peut être transformée,
pluralisme, sont réels. par décret, en action spécifique, pour assurer la
protection des intérêts nationaux, chaque fois que
À la suite de la dévaluation du franc CFA, en
cela est nécessaire. Enfin, dans toute opération de
1994, le concept de privatisation n’est plus un tabou;
privatisation, des titres doivent être réservés aux
il en est de plus en plus question, notamment avec la
porteurs gabonais et, en priorité, aux salariés des
Banque mondiale et le Fonds monétaire interna-
entreprises visées.
tional, compte tenu des difficultés grandissantes que
connaissent les finances publiques, qui nécessitent,
plus que jamais, le concours des bailleurs de fonds. Déroulement de la mise en
concession des services de l’eau
Après plusieurs tentatives, une loi fixant les con- potable et de l’énergie électrique
ditions de privatisation des entreprises du secteur
Après la promulgation, en février 1996, de la loi sur
public est votée en janvier 1996.
la privatisation, le gouvernement a procédé au lance-
ment de la première étape de son programme de
Le cadre juridique de la privatisation privatisation qui concerne, entre autres, la mise en
Aux termes de la Constitution gabonaise, le désenga- concession privée des services de l’eau potable et de
gement de l’État de la gestion d’une activité est du l’électricité.
domaine de la loi.
C’est par un communiqué daté du 11 avril 1996
C’est ainsi qu’une loi fixant les règles de privatisa- que le public a été informé de cette décision. Il y est
tion des entreprises du secteur public est promulguée fait mention des objectifs poursuivis et, également,
A c t e s

le 13 février 1996. du choix de la Société Financière Internationale


(SFI) en qualité de conseiller du gouvernement dans
cette opération. Ce communiqué indique que la SFI

137
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et les expériences

va l’assister « en qualité de conseiller, aux fins de Objectifs économiques et financiers


réaliser cette mise en concession par un appel d’offres • Désengager au maximum l’État de sa participation
international qui respecte les principes de trans- financière au développement des infrastructures.
parence et de concurrence». Les objectifs recherchés
• Attirer des investisseurs stratégiques internatio-
par cette mise en concession privée sont indiqués
naux capables d’assurer et d’améliorer le service
dans le communiqué. Ils sont repris ci-après, dans le
public.
paragraphe présentant la stratégie.
• Réduire le coût du service public.
Le calendrier prévisionnel • Mettre en place une structure tarifaire assurant la
rentabilité de l’entreprise et du secteur tout en
Le communiqué fait état du calendrier prévisionnel
partageant avec les usagers les gains de
suivant:
productivité.
• Diffusion du mémoire d’information : début Un certain nombre de possibilités sont offertes
septembre 1996; pour atteindre ces objectifs, en ce qui a trait à l’orga-
• Appel d’offres: début octobre 1996; nisation du secteur, au renforcement de la concur-
• Ouverture des plis: fin décembre 1996. rence, aux modalités de gestion, à l’organisation de
la tutelle et à l’actionnariat de la société privatisée.
Détermination de la stratégie En ce qui concerne l’organisation du secteur, le
L’étape essentielle, après le lancement et avec l’appel parti retenu est celui du système intégré en vigueur
d’offres lui-même, a été la détermination de la straté- (activités eau et électricité réunies) en distinguant
gie de la privatisation. Cette étape s’est réalisée entre deux périmètres distincts: («urbain» et «villageois»).
le mois de mars, date de désignation de la SFI, et Cette option est préférée à une séparation des acti-
juin 1996, et a également fait l’objet d’un commu- vités, un découpage par région (Libreville, Port-
niqué dans la presse. Elle a été mise à profit par le Gentil, Franceville et centres isolés) ou un découpage
gouvernement pour rappeler et préciser ses objectifs, par fonctions techniques (production, transport,
qui se subdivisent en objectifs politiques et sociaux distribution). Les motivations principales de ce choix
d’une part et en objectifs économiques et financiers sont la taille modeste du marché et le fait que le
d’autre part. système intégré, précédemment en vigueur, a fait ses
preuves.
Objectifs politiques et sociaux
Le périmètre de la concession est constitué par les
• Étendre et améliorer l’accès à l’eau potable et à localités urbaines comprenant toutes les villes
l’électricité pour l’ensemble des citoyens. d’environ 1 000 habitants et plus, la responsabilité
• Désengager l’État de la gestion directe du secteur. des villages incombant à l’État. En effet, ce dernier
• Limiter le rôle de l’État à la définition des poli- peut, en marge de la convention relative aux zones
tiques sectorielles et au contrôle du secteur. urbaines, passer des contrats spécifiques avec le
concessionnaire pour les villages.
• Promouvoir la participation des salariés et des
citoyens gabonais à l’actionnariat de l’entreprise. La production d’énergie électrique ne fait pas
• Éviter un accroissement du chômage directement partie de l’exclusivité accordée au concessionnaire
lié à la privatisation. dans le périmètre concédé. En effet, l’État prévoit le
recours à la concurrence sur ce segment dès lors qu’il
A c t e s

• Organiser la privatisation dans la transparence et


devient nécessaire de mettre en place des capacités
la concurrence.
nouvelles au-delà d’un certain seuil (10 MW). Par
contre, le concessionnaire demeure l’acheteur unique.

138
Les retours d’expérience

En matière de modalités de gestion, la concession – Le groupe CGE, en association avec ESB2 Inter-
est préférée à l’affermage, ce dernier allant à l’encontre national;
de l’objectif majeur de désengagement de l’État du – ELYO, filiale de la Compagnie Lyonnaise des
financement des infrastructures. À la différence du eaux;
contrat précédent, la durée est réduite (20 ans au lieu
– SAUR International, filiale du groupe Bouygues;
de 30) et l’obligation de résultats dans un certain
nombre de domaines sera prescrite au concessionnaire. – TRACTEBEL, distributeur d’électricité en
Belgique.
Parallèlement, le rôle et l’organisation de la tu-
telle sont renforcés. Elle est en charge de la définition Toutes les quatre sont préqualifiées pour prendre
des règles et des textes à appliquer dans le secteur et part à l’appel d’offres.
assure la maîtrise d’ouvrage des investissements
réalisés par l’État (en principe, hors du périmètre de Déroulement de l’appel d’offres
la concession). Ses moyens seront renforcés afin L’appel d’offres a été lancé le 30 septembre 1996. Le
d’assurer un contrôle efficace de la concession sur les document de base de cet appel d’offres est un projet
plans technique, économique et financier. de contrat de concession définissant les conditions
En outre, le capital de la société concessionnaire économiques, techniques et financières de la con-
devra être détenu par un actionnaire de référence cession et sur lequel réagit chacun des candidats.
choisi après appel d’offres, à 51 % au moins. Le Des discussions ont eu lieu pendant plus de
personnel participera à hauteur minimale de 5%, le quatre mois et c’est en février 1997 que le contrat,
reste étant proposé aux investisseurs gabonais. dans sa version définitive, est remis aux trois candi-
Enfin, le choix est fait de maintenir la SEEG, dats restés en lice3. Les offres des candidats compor-
plutôt que de procéder à sa liquidation et à la créa- taient deux parties: une offre technique décrivant le
tion d’une nouvelle société. Cette option présente projet industriel des candidats et une offre financière
l’avantage de la simplicité de mise en œuvre et est proposant un rabais tarifaire cohérent avec le projet
celle qui, du point de vue du personnel de la société, industriel.
tout en facilitant la continuité, est susceptible de
préserver sa motivation et la sérénité du climat social. Choix du repreneur
Le repreneur rachètera les actions de l’État au sein de La remise des offres a eu lieu le 20 mars 1997 et a été
la SEEG, avant de procéder à l’augmentation du immédiatement suivie de l’ouverture des offres
capital au niveau souhaité. techniques. Le dépouillement des offres techniques
s’est déroulé jusqu’au 24 mars, date à laquelle, après
Préqualification des candidats qu’on eut déclaré les offres techniques des trois
Sur la base de ces options, des critères sont définis pour candidats recevables, les offres financières ont été
le choix des candidats, principalement fondés sur leur ouvertes.
capacité à assurer le service et à apporter les capitaux C’est l’offre du groupe CGE (aujourd’hui filiale de
nécessaires au financement du développement. Plus de VEOLIA Environnement) qui est retenue, le rabais
60 entreprises sont approchées dans le monde par la proposé (17,25 %) étant le plus important, contre
SFI en vue de les intéresser à l’opération. Quatorze 11,5% et 5,8% pour les deux autres candidats.
d’entre elles demandent et reçoivent le mémoire
d’information. Et seulement quatre entreprises ont fait
A c t e s

2. Electricity Supply Board of Ireland, producteur national


part de leur intérêt. Il s’agit de: d’électricité en Irlande.
3. Le candidat belge TRACTEBEL s’étant, dans l’intervalle,
désisté.

139
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et les expériences

Réalisation de la privatisation Le 28 juillet, le groupe CGE, après les formalités


Une fois le repreneur choisi, les conditions de la d’usage, libère sa part de capital, 51%, soit un peu
réalisation de la privatisation sont mises en place. moins de 7,65 milliards de francs CFA Un appel
Tout d’abord, on a défini les actes réglementaires, public à l’épargne, réservé aux investisseurs gabonais,
soit: est lancé le 31 octobre, en vue de l’augmentation de
capital représentant les 49% qui leur sont réservés,
a) le décret autorisant la cession des actions de soit environ 7,35 milliards de francs CFA.
l’État;
Cette souscription se répartit comme suit:
b) le décret désignant la SEEG en qualité de
concessionnaire. • 5% réservés au personnel de la SEEG (actions de
catégorie C’); les actions seront réparties équita-
Cette étape se réalise dans l’intervalle entre la
blement entre tous les candidats. Un prêt
désignation du groupe CGE et la date retenue pour
plafonné à 400 000 francs CFA, remboursable
la réalisation de la privatisation. Le 13 juin 1997, les
entre 12 et 48 mois selon les catégories, est
organes sociaux de la SEEG (assemblée générale et
consenti à ceux qui le souhaitent;
conseil d’administration) se réunissent pour, d’une
part, procéder à la restructuration financière (apure- • 24 % aux personnes physiques gabonaises ou
ment des pertes cumulées et des dettes croisées État/ résidant au Gabon (actions de catégorie C);
SEEG) et consacrer le changement d’actionnaire • 20 % aux personnes morales de droit gabonais
majoritaire et, d’autre part, décider de l’augmen- (actions de catégorie D).
tation de capital, qui passe de 7 millions (valeur rési- Au terme de cette opération, les résultats suivants
duelle après restructuration du bilan) à 15 milliards sont enregistrés (tableau 12.1).
de francs CFA.
Ces résultats font apparaître que:
La convention de cession des actions de l’État au
sein de la SEEG est signée le même jour, entre l’État • globalement, les demandes excèdent largement
et le groupe CGE, ainsi que la convention de con- l’offre, près d’une fois et demie;
cession liant l’État à la SEEG pour une durée de • la demande des personnes physiques, hormis le
20 ans, à compter du 1er juillet 1997. personnel de la SEEG, représente plus de 86 %
de l’offre et toutes ces demandes sont satisfaites;
Finalisation de la privatisation • la demande du personnel de la SEEG excède
Le 1er juillet 1997, le nouveau contrat entre en l’offre de plus de 80%; l’excédent de l’offre aux
vigueur et, de façon simultanée, les tarifs des services autres personnes physiques leur est concédé, per-
offerts par la SEEG baissent de 17,25%. mettant de limiter le coefficient de réduction
appliqué à cette catégorie;

Tableau 12.1
Bilan de l’appel public à l’épargne
Nombre Valeur Valeur
d’opérations Catégories Titres offerts Titres demandés (MF CFA) Titres attribués (MF CFA)
2443 C 359999 310915 3109,150 310915 3109,150
1323 C’ 75000 135523 1354,300 124084 1240,840
A c t e s

70 D 300000 653205 6532,050 300000 3000,000


3 836 TOTAL 734 999 1 099 643 10 995,500 734 999 7 349,990
N.B.: La valeur de chaque titre est de 10000 francs CFA.

140
Les retours d’expérience

• la demande des personnes morales excède l’offre a racheté aux actionnaires minoritaires leurs actions
de plus du double; les faibles demandes (jusqu’à au sein de la SEEG. Cette acquisition s’est opérée
5000 titres, soit 50 millions de francs CFA) sont avant le 13 juin 1997, date de la signature de la
servies en totalité, ce qui permet de satisfaire plus convention entre l’État et le groupe CGE à la valeur
de 80 % des candidats de cette catégorie ; une nominale, soit de 10000 francs CFA par action.
réduction au prorata des demandes est ensuite
Outre qu’elle fixe les modalités de cession des
appliquée sur le solde.
actions, la convention définit les obligations des
La jouissance des actions est effective depuis le parties dans le cadre d’opérations ultérieures à ladite
1er janvier 1998. cession. Parmi ces opérations figurent:
• le traitement des emprunts de la SEEG;
Présentation des instruments • l’action spécifique;
du nouveau cadre institutionnel
de la gestion du secteur de l’eau • l’augmentation de capital;
potable et de l’énergie électrique • la participation des salariés au capital;
Depuis le 1er juillet 1997, un nouveau cadre juri- • la participation du public gabonais au capital.
dique régit la gestion du secteur de l’eau potable et Les emprunts antérieurement contractés par la
de l’énergie électrique au Gabon. Outre les textes SEEG pour le financement des biens de retour sont
législatifs et réglementaires existants (la loi de 1993 transférés à la République gabonaise dans le cadre de
qui fixe le régime juridique et ses décrets d’appli- la compensation globale opérée entre l’État et la
cation) ou rendus nécessaires pour cette opération (le SEEG. Cette compensation prend en considération,
décret désignant le concessionnaire et celui autori- outre lesdits emprunts, les dettes respectives courantes
sant la cession des actions de l’État au sein de la (impôts et taxes non acquittés et consommations
SEEG), deux documents contractuels constituent les d’électricité et d’eau non payées) et celles nées de la
instruments essentiels de gestion du secteur: résiliation à l’amiable de la convention de concession
– La convention de cession des actions de l’État au de 1993 (solde des provisions de renouvellement et
sein de la SEEG, liant la République gabonaise caducité non amortie).
au groupe CGE-VIVENDI; En préalable à cette cession d’actions, le capital
– La convention de concession de service public de de la SEEG a été restructuré par une augmentation
la production, du transport et de la distribution de capital réalisée par incorporation d’une avance
de l’eau potable et de l’énergie électrique entre la faite par l’État pour le financement de biens de
République gabonaise et la SEEG. retour, celle de réserves de retraitement et d’un écart
de réévaluation. Ces opérations ont été immédia-
La convention de cession tement suivies d’une réduction du capital par
des actions apurement d’une partie du report à nouveau négatif
(plus de 60 milliards). Au bout du compte, le capital
Il s’agit de l’acte qui consacre le désengagement de
restructuré passe de 196 500 à 700 actions de
l’État de la gestion de la SEEG. Il convient de rappe-
10000 francs CFA chacune.
ler que le parti retenu est le maintien de la SEEG
comme exploitant du service, au lieu de la création La cession porte alors sur ces 700 actions, moins
d’une nouvelle société. Avant le 13 juin 1997, le une qui continue d’être détenue par l’État. Cette
A c t e s

capital de la SEEG est détenu à 64 % par l’État, le action est transformée par décret en action spécifique
reste étant réparti entre des industriels et des banques qui confère à l’État des droits particuliers:
gabonaises. Pour faciliter le transfert ultérieur, l’État

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et les expériences

• Désignation de deux représentants au conseil charges qui lui sont annexés, définit les éléments
d’administration de la SEEG, sans voix d’organisation et de fonctionnement du service
délibérative; public concédé.
• Agrément de modifications substantielles de la Ce document traduit, autant que possible, les
géographie du capital et de celles tendant à ôter objectifs poursuivis par la République gabonaise
la majorité au groupe CGE; dans sa volonté de désengagement de la gestion du
• Droit éventuel de veto en cas de cession de service public. Il est le résultat des discussions qui
certains biens de reprise. ont eu lieu, préalablement à la remise des offres, avec
C’est dans cette convention que sont définies les les différents candidats à la privatisation de la SEEG.
modalités de l’augmentation du capital de 7 millions À la convention proprement dite sont annexés
à 15 milliards décidée par l’assemblée générale des trois cahiers des charges – un commun à l’électricité
actionnaires. Le groupe CGE s’engage à souscrire, et à l’eau, un autre pour l’électricité et un dernier
dans des délais convenus, environ 51% du capital4 et pour l’eau – qui précisent les conditions techniques
à renoncer à son droit préférentiel pour permettre aux d’exploitation des services.
investisseurs gabonais de souscrire 734999 actions.
Avant d’examiner les points originaux de chacun
La participation des salariés de la SEEG est fixée de ces documents, il est intéressant de préciser une
à au moins 5 % du capital. Des conditions de prêt particularité de la convention qui a été signée entre la
sans intérêt leur seront consenties pour favoriser la République gabonaise et la SEEG: il s’agit de l’obli-
souscription. gation de résultats au regard d’un certain nombre de
Le public gabonais, de son côté, pourra participer points:
à un appel public à l’épargne pour l’acquisition de • Augmentation de la desserte;
659 999 actions, dans les conditions fixées dans la
• Qualité du service;
convention de cession des actions. Trois cent mille
actions sont réservées aux personnes morales de droit • Montant des opérations de renouvellement.
gabonais, et le reste aux personnes physiques autres Habituellement, les conventions de concession
que le personnel. comportent des obligations de moyens à mettre en
Le groupe CGE s’engage également à racheter les œuvre pour assurer le bon fonctionnement des ser-
actions qui ne seraient pas souscrites par le public vices, comme c’était le cas dans la convention d’août
gabonais au terme de l’appel public à l’épargne. 1993. Dans la présente, non seulement des objectifs
sont fixés sur la base d’une batterie d’indicateurs,
De son côté, la République gabonaise prend un mais des sanctions sont prévues, y compris pécu-
certain nombre d’engagements, notamment en vue niaires en cas de non-atteinte des objectifs.
de l’aboutissement de l’opération, et assure la garan-
tie du passif (fiscal, douanier et social) qui pourrait La convention de concession
se révéler après la conclusion de l’opération.
Ce document contient, d’une manière classique, des
dispositions sur les éléments généraux de la conces-
Convention de concession sion, la définition des différents biens concourant à
de service public la concession, le régime financier et comptable appli-
Elle constitue le document principal de la gestion des cable, notamment les tarifs et la fiscalité, le contrôle
services d’électricité et d’eau. Il s’agit d’un instru- des services concédés et la fin de la concession. Nous
A c t e s

ment de portée permanente qui, avec les cahiers des proposons de nous arrêter sur les aspects liés au péri-
mètre de la concession, à la production indépen-
4. Cela représente exactement 764301 actions de 10000 francs dante d’électricité, à la tarification et au contrôle.
CFA chacune.

142
Les retours d’expérience

Le périmètre de la concession est constitué par les des conditions fixées au contrat, soit par elle-même,
zones géographiques où la SEEG gère les services soit par toute personne de son choix. Ce contrôle
concédés au début du contrat, auxquelles a été s’applique également aux comptes de la société. Un
ajoutée une liste de localités figurant dans le cahier rapport annuel est produit selon un format défini
des charges partie commune (21 en électricité et 30 dans la convention, contenant des éléments finan-
en eau). Ce choix permet d’assurer l’extension de la ciers, techniques et de gestion. De plus, tous les cinq
desserte à l’intérieur du pays vers des localités de ans, les parties conviennent de se revoir pour évaluer
faible importance. les conditions de fonctionnement de la concession et
La production d’énergie électrique ne fait pas examiner, le cas échéant, les modifications à apporter
partie des services concédés à titre exclusif sur le au contrat, y compris dans le domaine tarifaire.
périmètre de la concession. On peut faire appel à la
Le cahier des charges partie commune
production indépendante chaque fois que les besoins
de capacité additionnelle nécessitent un ouvrage de Il s’agit du cahier des charges qui traite des aspects
puissance égale ou supérieure à 10 MW. Les condi- communs aux deux activités, eau et électricité. Il
tions de définition, de construction et d’exploitation contient les principes généraux de l’exploitation des
d’un tel ouvrage sont fixées dans la convention. En services (continuité et adaptabilité des services,
particulier, il est précisé que la SEEG est l’acheteur égalité de traitement des usagers) et définit le régime
unique et qu’elle doit répercuter les incidences du des travaux, les critères de qualité des services con-
prix d’achat obtenu sur les tarifs des clients des cédés ainsi que les rapports avec les usagers. Nous
services concédés. examinerons plus particulièrement les aspects liés
aux objectifs de desserte et au règlement des services
Les tarifs sont fixés dans le cahier des charges, concédés.
ainsi que les formules de révision trimestrielle. Les
indices résultant de cette révision sont soumis à L’augmentation du taux de desserte est un souci
l’autorité concédante, 15 jours avant l’application constant de l’autorité concédante. Un taux a été fixé
des nouveaux tarifs. Par ailleurs, le principe d’une pour chacune des zones géographiques principales
modulation tarifaire est fixé au contrat. Cette (Libreville, Port-Gentil, Franceville et les centres
modulation permet, en fonction de l’évolution des isolés) dans le but de ne pas diluer les petits centres
modes de production, notamment, d’apporter des dans les résultats des plus grands. Le taux de desserte
modifications aux tarifs appliqués. Ces modifications est défini, pour chaque zone géographique donnée,
ne sont pas limitées en cas de baisse. Par contre, en comme le rapport du nombre des usagers desservis
cas d’augmentation, des limites sont fixées en fonc- directement à la population de la zone. Sont exclus
tion des zones géographiques et de la nature des de l’assiette les usagers indirects (alimentés par les
clients, étant entendu que de telles modifications ne voisins ou s’alimentant aux fontaines publiques pour
doivent pas entraîner une augmentation des recettes l’eau). Sa détermination nécessite de connaître les
du concessionnaire, à volume vendu donné. Des chiffres de population des zones géographiques. Il a
clauses prévoient les cas de bouleversement des con- été prévu à cet effet de procéder à des enquêtes
ditions économiques ou des conséquences d’une démographiques, en dehors des périodes de recen-
volonté de l’autorité concédante tendant à modifier sement. À la signature du contrat, des objectifs ont
l’économie de la concession: dans ces cas, les parties été fixés, d’abord pour l’an 2000, puis par période
conviennent de se rapprocher pour examiner les quinquennale. Des ajustements sont possibles lors
solutions à apporter. des étapes intermédiaires en fonction des résultats
A c t e s

observés, sans qu’il soit possible de remettre en cause


L’autorité concédante assure le contrôle écono- l’objectif pour la dernière année. Un suivi annuel a
mique, financier et technique de la concession, dans été prévu en l’an 2000 et au-delà, ainsi que des

143
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

sanctions en cas de non-réalisation des objectifs concession, indépendant de l’Administration, avait


quinquennaux fixés ou convenus. été envisagée. Cette solution n’a pas été retenue,
Le règlement des services concédés rassemble, compte tenu du contexte et des pratiques anté-
pour les usagers et les abonnés, les règles adminis- rieures. Le ministre chargé de l’eau potable et de
tratives, techniques et juridiques de la fourniture de l’énergie électrique est amené à s’impliquer dans le
l’eau et de l’énergie électrique. Il décrit notamment suivi de l’activité, en raison des problèmes, essen-
le régime des abonnements, les dispositions tech- tiellement politiques, que continuent de poser
niques relatives aux branchements et aux systèmes de l’électrification et l’adduction d’eau dans les localités
comptage et de contrôle, les conditions de paiement de l’intérieur. Par ailleurs, les services techniques du
par les abonnés, les pénalités et toute autre stipu- ministère chargé de l’eau potable et de l’énergie
lation qui s’applique aux abonnés. Un extrait du électrique, qui assuraient la tutelle technique de la
règlement, remis à chaque abonné au moment de la SEEG avant la privatisation, disposent de ressources
signature de l’abonnement, explicite les droits et à cet effet dont la réorientation n’était pas évidente.
obligations réciproques des usagers, des abonnés et Ajoutée aux services du ministère des Finances, la
du concessionnaire en matière de services concédés. création d’une entité nouvelle ne pouvait qu’aug-
Le règlement doit pouvoir être consulté à tout menter le nombre des interlocuteurs dans un
moment par les abonnés ou les usagers dans les contexte d’abondance relative.
bureaux du concessionnaire. À l’heure actuelle, la représentation courante de
l’autorité concédante est assurée par la Direction
Les cahiers des charges partie électricité générale de l’énergie et des ressources hydrauliques.
et partie eau C’est elle qui reçoit l’ensemble de la correspondance
Chacun de ces deux documents précise les aspects liée aux relations contractuelles et est habilitée à saisir le
propres aux activités électricité et eau. Il définit concessionnaire. Dans le contexte qui prévaut, d’autres
notamment les notions de périmètre d’électrification interventions demeurent cependant possibles, de la
ou d’adduction d’eau de chaque zone géographique part du cabinet du ministre chargé de l’eau potable et
ainsi que les normes de fourniture propres à chaque de l’énergie électrique ou de celui du ministre des
activité. Finances, voire du comité de privatisation.
La représentation du concessionnaire, elle, est
Relations entre l’autorité assurée par la direction générale de la SEEG.
concédante et le concessionnaire
Parties au contrat Nature des engagements
Les parties signataires de la convention de concession La convention de concession et ses annexes contien-
sont l’autorité concédante et le concessionnaire. nent les sujets qui constituent la substance des
relations entre l’autorité concédante et la SEEG. Ces
L’autorité concédante est représentée par le relations sont fondées sur les engagements des
ministre chargé de l’eau potable et de l’énergie élec- parties, des engagements à réaliser dans des délais
trique et le ministre chargé des finances et de convenus, des engagements périodiques – en général
l’économie. Cette double représentation est motivée à l’année – et, enfin, des engagements à réaliser en
par le processus de privatisation, dont la respon- permanence.
sabilité incombe au ministre chargé des finances et
Parmi les engagements à réaliser dans des délais
A c t e s

de l’économie.
convenus, on peut citer des documents à produire à
Au cours de la phase de fixation des options la suite de la signature du contrat en vue de le finaliser,
stratégiques, la création d’un organe de contrôle de la tels les procédures internes de passation des marchés

144
Les retours d’expérience

(3 mois), le projet de règlement des services (6 mois), Quelques éléments, après


l’inventaire des biens de retour (12 mois), etc. quatre ans et demi d’activité
Les engagements périodiques sont constitués du concessionnaire
essentiellement des comptes rendus annuels des pro- Actionnariat et gestion
grammes prévisionnels et de la gestion. De la même À la date du 31 décembre 2002, la géographie de
manière, les révisions trimestrielles des tarifs font l’actionnariat est conforme aux objectifs qui avaient
l’objet d’échanges réguliers. Viendra ultérieurement été fixés au départ, comme l’indiquent les données
le suivi de l’évolution des taux de desserte. Parmi les suivantes:
engagements à réaliser en permanence se trouvent
l’obligation en matière d’assurances des biens de la • CGE: 51% des actions;
concession, le respect des normes de service et la • Investisseurs gabonais: 49% des actions, dont:
réalisation des investissements de renouvellement5. – Personnes morales: 26,3%;
En plus des échanges sur la gestion du contrat, – Personnel SEEG: 4,3%;
les deux parties se rencontrent périodiquement pour – Autres personnes physiques: 18,3%.
harmoniser leurs points de vue sur les divers sujets.
Des groupes homogènes vont être constitués de part La répartition de cet actionnariat se traduit
et d’autre pour faciliter et accélérer les contacts, en comme suit au sein du conseil d’administration:
fonction des sujets à traiter. Il est également projeté • CGE: six administrateurs;
d’organiser, au bénéfice des agents de l’autorité
• Autres investisseurs: trois administrateurs;
concédante et du concessionnaire, des séminaires de
formation sur le régime de concession. • Représentants de l’État avec voix consultative :
deux personnes.
Financement du contrôle Il est à noter que l’activité exercée par le conces-
Les frais de fonctionnement des services de l’autorité sionnaire a donné lieu à des versements de divi-
concédante qui assurent le contrôle de la concession dendes qui se sont élevés à 650 francs CFA bruts par
sont financés par le budget de l’État, dans le cadre action au titre des résultats de 1998, et qui ont
de la Loi de finances. En complément de ce finan- évolué régulièrement pour atteindre 3 000 francs
cement normal, la convention prévoit que soit mise CFA par action pour l’exercice 2002.
à la disposition de l’autorité concédante une fraction
du chiffre d’affaires réalisé par la SEEG. Cette Services aux clients
fraction est de 0,2% pour une année normale et de Les services aux clients ont été sensiblement améliorés,
0,5% pour les années qui nécessitent une revue de comme l’indiquent les indicateurs suivants:
type quinquennal.
• évolution du taux de desserte en électricité (bran-
chements neufs et abonnés actifs) (figure 12.1);
• évolution du taux de desserte en eau (branche-
ments neufs et abonnés actifs) (figure 12.2);
• évolution des prix de l’électricité en basse tension
(figure 12.3);
• évolution des prix de l’eau potable (figure 12.4).
A c t e s

5. Il est prévu que le concessionnaire réalise des investis-


sements d’au moins 100 milliards de francs CFA constants
sur 20 ans.

145
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Figure 12.1
Évolution de la desserte en électricité
Branchements neufs Abonnés

3 500

Branchements neufs
150

Abonnés actifs x 1000


3 000
2 500 100
2 000
1 500
1 000 50
500
0 1 0

3
m.

m.

m.

m.

m.

m.

m.

m.

m.

m.
tri

tri

tri

tri

tri

tri

tri

tri

tri

tri
98

98

99

99

00

00

01

01

02

02
19

19

19

19

20

20

20

20

20

20
Figure 12.2
Évolution de la desserte en eau
Branchements neufs Abonnés
Branchements neufs

2 000 100

Abonnés actifs x 1000


1 500 80
60
1 000
40
500 20
0 0
3

1
1

3
1

3
m.

m.
m.

m.
m.

m.

m.

m.

m.

m.
tri

tri
tri

tri
tri

tri

tri

tri

tri

tri
98

01
00

00
98

99

99

01

02

02
19

20
20

20
19

19

19

20

20

20

Figure 12.3
Évolution des prix de l’électricité basse tension
en francs CFA courants
Social 1 Social 2 3 kW

80
Prix du gaz Salaires Prix du gazole Prix du gazole Prix du gazole Salaires
+12 % +9 % +4 % +10 % +9 % +3 %

70

60
Franc CFA/kWh

Prix du gazole
+16 %

50

40
A c t e s

30

20
Avril Octobre Avril Octobre Avril Octobre Avril Octobre Avril Octobre Avril Octobre
1997 1997 1998 1999 1999 1999 2000 2000 2001 2001 2002 2002

146
Les retours d’expérience

Figure 12.4
Évolution des prix de l’eau potable
en francs CFA courants
Social Tout diamètre

350

300
Franc CFA/m3

250

200

150

100
Avril Octobre Avril Octobre Avril Octobre Avril Octobre Avril Octobre Avril Octobre
1997 1997 1998 1999 1999 1999 2000 2000 2001 2001 2002 2002

Investissements les décisions qui devaient être prises l’ont été dans
Le concessionnaire a réalisé et autofinancé au cours les délais requis. De plus, le souci de transparence a
des années 1997 à 2002 des investissements qui mené à informer le public régulièrement des choix
s’élèvent à plus de 115 milliards de francs CFA. Ces opérés, ce qui a grandement facilité l’acceptation
opérations ont concerné l’extension et le renforcement de l’opération.
des capacités, ainsi que la fiabilisation et la remise à • Ensuite, le recours à la SFI, dont les compétences
niveau technique des installations. Les principales sont admises et les qualités de neutralité et de
réalisations ont été la construction d’une centrale rigueur reconnues, a permis un déroulement sans
thermique et d’une nouvelle station de traitement difficultés particulières. Par son implication, la
d’eau potable à Libreville, ainsi que l’électrification et SFI a apporté sa caution à cette opération,
l’adduction d’eau potable au profit de nouveaux notamment sur le plan de la transparence.
centres isolés. • Enfin, l’adhésion sans faille de la société au change-
ment a été un facteur déterminant. La préparation
Conclusion préalable, relativement aux actions de restructu-
La mise en concession privée du secteur de l’eau ration, à la sensibilisation et à l’information du
potable et de l’énergie électrique au Gabon est quali- personnel, a permis l’aboutissement final du
fiée de réussite dans son ensemble par les obser- processus sans traumatismes ni difficultés majeurs.
vateurs, tant pour sa phase de préparation que pour L’intérêt suscité par l’opération auprès d’impor-
son aboutissement. tants investisseurs internationaux du secteur a appor-
Un certain nombre de facteurs ont permis cette té la confiance et sécurisé l’ensemble des acteurs, au
réussite: premier rang desquels figure le gouvernement. Le
A c t e s

corollaire de tout ce qui précède a été l’adhésion du


• Tout d’abord, la volonté clairement affichée des public gabonais, qui a massivement souscrit à l’appel
pouvoirs publics pour le désengagement de l’État public à l’épargne en vue de l’augmentation de
de la gestion du secteur. Tout au long du processus,

147
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

capital, faisant de la SEEG la première entreprise du


pays qui comporte un actionnariat aussi diversifié.
Il reste que, pendant les 20 années du contrat, les
engagements pris par les parties doivent être res-
pectés, autant pour le bénéfice des usagers des services
de l’eau potable et de l’énergie électrique du pays que
pour celui des actionnaires de la SEEG.
A c t e s

148
La restructuration du secteur électrique au Mali
Amadou TANDIA
Président-directeur général, Agence Maritime pour le Développement de l’Énergie
Domestique et de l’Électrification Rurale (AMADER), Bamako, Mali

Aperçu du Mali Situation du secteur de l’énergie


La République du Mali est un pays continental et Le secteur de l’énergie au Mali se caractérise essen-
intertropical situé entre 11° et 14° de latitude Nord, tiellement par:
au Sahel, en plein cœur de l’Afrique de l’Ouest. Le
1. La faiblesse des consommations moyennes par
Mali partage ses frontières avec sept autres pays :
habitant (l’équivalent de 350 kg de pétrole/
l’Algérie, la Mauritanie, le Sénégal, la Guinée, la
habitant/an);
Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Niger.
2. La forte dépendance vis-à-vis des produits pétro-
Le Mali a une superficie de 1241000 km2 et une liers importés (près de 9% de la consommation
population estimée à 12 millions d’habitants en finale du bilan énergétique);
2002. Près de 80% de cette population vit de l’agri-
3. L’importance excessive de la consommation des
culture dans le milieu rural.
combustibles ligneux dans le bilan énergétique
La mise en valeur des ressources naturelles et la national (90 %), avec son corollaire de
transformation des potentialités de développement déforestation;
constituent les défis majeurs à relever pour l’amorce 4. La faiblesse de la consommation d’électricité
d’un véritable développement durable du Mali. dans le bilan énergétique national (1%) avec un
Le pays s’est engagé sur la voie de la démocratie taux de desserte d’environ 10%;
et de la décentralisation, depuis 1991 et 1995 respec- 5. La faible utilisation des potentialités des sources
tivement. d’énergies nationales, notamment en hydroélec-
Le gouvernement s’est engagé dans un pro- tricité (250 MW sur un potentiel d’environ
gramme global de réforme économique visant à 1050 MW), en énergie solaire (3,5 à 5 kWh/m2),
atteindre une croissance accélérée avec la participa- tout comme en énergie éolienne (3 à 6 m/s de
tion du secteur privé. vent);
6. Le gaspillage énergétique dans un contexte de
Le gouvernement a également adopté une Stra-
rareté et de cherté des ressources.
tégie Nationale de Lutte Contre la Pauvreté qui fixe
le cadre de référence pour tous les programmes
sectoriels et multisectoriels.
A c t e s

149
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et les expériences

Organisation actuelle du secteur politique d’approvisionnement et de stockage des


de l’énergie produits pétroliers. Il assure également la régle-
Au Mali, le secteur de l’énergie est géré par trois mentation, le contrôle et la fixation des tarifs des
départements ministériels. produits pétroliers.
3. Le Ministère de l’Environnement est chargé, à
1. Le secteur est principalement géré par le Minis- travers la Direction Nationale de la Conservation
tère des Mines, de l’Énergie et de l’Eau (MMEE), de la Nature (DNCN), de la définition et de la
par l’intermédiaire de la Direction Nationale de mise en œuvre de la politique environnementale
l’Énergie (DNE), du Centre National de nationale du contrôle et de la réglementation de
l’Énergie Solaire et des Énergies Renouvelables la production du bois de feu et du charbon de
(CNESOLER), un service rattaché à la DNE, de bois. Le suivi technique et la coordination de
l’Agence Malienne pour le Développement de l’ensemble des activités du sous-secteur des
l’Énergie Domestique et de l’Électrification combustibles ligneux relèvent toutefois de la
Rurale (AMADER), et de l’Agence Malienne de compétence de l’AMADER.
Radioprotection (AMARAP).
La Commission de Régulation de l’Électricité et
Le MMEE est chargé de la définition et de la de l’Eau (CREE), organe indépendant placé
mise en œuvre de la politique énergétique natio- auprès de la Primature, est chargée de la régula-
nale, ainsi que de la planification, du contrôle et tion du secteur de l’électricité et du service public
de la coordination des activités du secteur. Il gère de l’eau potable dans les centres urbains. La
précisément les sous-secteurs de l’électricité, des société Énergie du Mali (EDM-SA) est le conces-
énergies renouvelables, des énergies domestiques sionnaire du service public de l’électricité et de
et de l’électrification rurale. l’eau potable.
2. Le Ministère de l’Économie et des Finances Il n’existe donc pas au Mali, à l’heure actuelle,
(MEF) est chargé, par l’intermédiaire de l’Office d’instance administrative unique chapeautant
National des produits Pétroliers (ONAP), de la l’ensemble du secteur de l’énergie.

Figure 13.1
Schéma organisationnel du secteur de l’énergie au Mali

PRIMATURE CREE

MEF ME MMEE

ONAP DNCN DNE AMADER AMARAP EDM-SA


A c t e s

150
Les retours d’expérience

Historique des réformes La série de mesures s’inscrit dans le cadre d’un


du sous-secteur de l’électricité programme global de réforme économique du
Après son accession à l’indépendance, le 22 sep- gouvernement visant à atteindre une croissance
tembre 1960, l’État malien a accordé, le 17 janvier accélérée avec la participation du secteur privé. Ce
1961, une convention de concession de la produc- programme est basé sur:
tion et de la distribution d’énergie électrique et d’eau – le désengagement de l’État des activités produc-
sur le territoire de la République à une société tives et la privatisation des entreprises publiques;
dénommée «Énergie du Mali» (EDM), dont l’État – l’amélioration de l’environnement pour les affaires;
détenait 55 % du capital social, part qui sera
successivement portée à 94%, à 97,2% puis à 100% – la modernisation des procédures administratives
et, actuellement, à 40%. du secteur public et la mise en place de nouveaux
cadres législatifs et réglementaires dans les secteurs
L’État a par la suite adopté le décret no 128 du socio-économiques du pays, en vue de créer les
30 mars 1961 portant sur l’organisation du Service de conditions favorables à la participation du secteur
l’Hydraulique et de l’Électricité chargé, entre autres, privé.
d’assurer le contrôle technique des travaux ou services,
concédés ou non, et gérés par les collectivités locales Les grands principes à la base de la réforme secto-
ou par des sociétés d’économie mixte ou d’État. Outre rielle de l’électricité et de l’eau visent effectivement à:
ses compétences dans le secteur de l’eau, ce service est – recentrer le rôle de l’État sur les fonctions de
chargé également des études et travaux relatifs à la définition des politiques sectorielles d’électricité
production, au transport et à la distribution de et d’eau;
l’énergie électrique. Il prendra plus tard l’appellation – créer un organe de régulation;
de « Direction Nationale de l’Hydraulique et de
l’Énergie» (DNHE), avec l’extension de ses compé- – transférer les activités opérationnelles au secteur
tences aux autres sous-secteurs de l’énergie, notam- privé, en créant les conditions pour que ce
ment les énergies renouvelables. transfert soit possible et attractif.

Rapidement, ces dernières années, le cadre légis- Le gouvernement du Mali, dans sa Lettre de
latif, réglementaire et contractuel des deux secteurs de Politique Sectorielle de l’Électricité et de l’Eau Potable,
l’électricité et de l’eau va cependant notablement datée du 10 novembre 1999, définit les actions à
évoluer pour s’adapter, certes, à la nouvelle politique mener pour l’atteinte des objectifs qu’il s’est fixés, à
de développement décidée par l’État, mais également savoir:
pour pallier les carences de gestion de nombre d’acteurs a) l’ouverture à la compétition des secteurs électri-
et l’imprécision de certains textes qui les régissent. cité et eau;
À la suite de la rupture du contrat de la Déléga- b) la privatisation de la société EDM;
tion Globale et Temporaire de la Gestion (DGG) de c) la restructuration des secteurs électricité et eau,
l’EDM, décidée lors de son conseil d’administration incluant notamment la dislocation de la Direc-
du 11 février 1998 (deux ans seulement après sa tion Nationale de l’Hydraulique et de l’Énergie
conclusion), le Conseil des Ministres en sa session en deux nouvelles directions ainsi que la mise en
ordinaire du 25 mars 1998, après analyse de la place d’un organe national de régulation
situation de la société Énergie du Mali et celle du multisectoriel;
secteur de l’électricité en particulier, a adopté une
A c t e s

d) la mise en œuvre d’un Programme d’Électri-


série de mesures visant à réformer le secteur de l’élec- fication Rurale et d’un Programme d’Adduction
tricité et à procéder au redressement financier de d’Eau Potable dans les centres secondaires.
l’EDM.

151
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Cadre législatif et réglementaire – Le décret no 00-581/P-RM du 22 novembre


du sous-secteur de l’électricité 2000 portant sur l’approbation du contrat de
Le nouveau cadre législatif et réglementaire mis en concession du service public de l’eau potable.
place a porté sur les textes suivants: L’opération de privatisation de l’EDM-SA a
consisté en:
– Loi no 99-009 du 22 mars 1999 autorisant la
cession d’une part du capital détenu par l’État • l’inventaire et en la réévaluation des installations
dans la société Énergie du Mali (EDM-SA); d’électricité et d’eau existantes;
– Ordonnance no 00-019/P-RM du 15 mars 2000 • le retraitement du bilan et sa réévaluation;
portant sur l’organisation du secteur de l’électri- • la définition des périmètres des concessions;
cité et son décret no 00-184/P-RM du 14 avril
• l’établissement d’un plan d’affaires pour 20 ans;
2000 fixant ses modalités d’application;
• la mise en place d’un organe national de régu-
– Ordonnance no 00-020/P-RM du 15 mars 2000
lation multisectoriel (eau et électricité), la Com-
portant sur l’organisation du service public de
mission de Régulation de l’Électricité et de l’Eau
l’eau potable et son décret no 00-183/P-RM du
(CREE);
14 avril 2000 fixant ses modalités d’application;
• la création de la Direction Nationale de l’Énergie.
– Ordonnance no 00-021/P-RM du 15 mars 2000
portant sur la création et l’organisation de la Le dernier acte posé dans le cadre de la réforme
Commission de Régulation de l’Électricité et de porte sur la création récente de l’Agence Malienne
l’Eau (CREE) et son décret no 00-185/P-RM du pour le Développement de l’Énergie Domestique et
14 avril 2000 fixant ses modalités d’application. de l’Électrification Rurale (AMADER), par la loi
no 03-006 du 21 mai 2003 et le décret no 03-226/P-
Au sujet de la privatisation de la société Énergie
RM du 30 mai 2003, qui fixent son organisation et
du Mali (il conviendrait de parler plutôt « d’ouver-
définissent ses modalités de fonctionnement.
ture de son capital » à un Partenaire Stratégique à
hauteur de 60%), en plus de la modification de ses La mission de l’AMADER porte sur la maîtrise
statuts pour leur mise en conformité avec l’Acte de la consommation de l’énergie domestique et le
Uniforme de l’Organisation pour l’Harmonisation développement de l’accès à l’électricité des popu-
en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) et faute lations en milieu rural et périurbain. Elle assure
de la création de deux sociétés distinctes pour les également le rôle de régulateur dans son domaine
activités d’eau potable et d’électricité, on peut retenir d’intervention.
les principaux textes suivants: L’exécution et l’exploitation des systèmes d’élec-
o
– Le décret n 00-576/P-RM du 22 novembre trification rurale, à l’exclusion des projets pilotes,
2000 portant sur l’approbation du contrat de seront entièrement la responsabilité du secteur privé.
cession de 60% des actions de la société EDM- À ce sujet, il existe actuellement en activité deux
SA au groupe SAUR International/IPS-WA, Sociétés de Services Décentralisés d’Électricité (SSD)
signé à Bamako, le 15 novembre 2000; et plusieurs petits opérateurs privés disséminés çà et
– Le décret no 00-580/P-RM du 22 novembre là dans le pays.
2000 portant sur l’approbation du contrat de La création de l’AMADER permet aussi de pour-
concession du service public de l’électricité; suivre le projet « Stratégie Énergie Domestique »
lancé en 1996.
A c t e s

152
Les retours d’expérience

Libéralisation du sous-secteur L’État, porteur de 40% du capital de la société,


électrique en cédera une partie, au moment qu’il jugera oppor-
L’organisation actuelle du sous-secteur de l’électricité tun, au personnel et aux privés nationaux et sous-
est notamment caractérisée par: régionaux.
La totalité des agents en activité à EDM a été
La suppression immédiate de toute forme de transférée à EDM-SA, d’où l’absence d’un plan
monopole pour la fourniture de l’électricité social d’accompagnement.
« Les activités de production, de transport, de
distribution, d’importation, d’exportation et de L’ouverture à la concurrence du sous-secteur
vente d’électricité sur le territoire du Mali peuvent de l’électricité
être assurées sans discrimination par toute personne L’ordonnance portant sur l’organisation du secteur
physique ou morale, de droit privé ou public, de de l’électricité a déterminé trois catégories de délé-
nationalité malienne ou étrangère, selon les moda- gation de gestion du service public (déclaration,
lités fixées par l’ordonnance et les textes pris pour autorisation, concession), selon l’usage et le niveau
son application1. de puissance installée.
L’ouverture du capital de EDM au privé L’autoproduction ne constitue pas un service
public. Toute personne souhaitant exercer des
La répartition du capital social de EDM-SA est de
activités d’autoproduction doit, au préalable, soit
60% pour le Partenaire Stratégique (groupe SAUR-
disposer d’une déclaration d’autoproduction (pour
INTERNATIONAL et IPS-WA) et de 40 % pour
une puissance supérieure à 50 kW mais inférieure à
l’État du Mali.
250 kW), soit obtenir une autorisation d’autopro-
EDM privatisée (EDM-SA) est responsable de la duction, pour une puissance supérieure à 250 kW.
fourniture du service public de l’électricité dans les
L’établissement et l’exploitation d’installations de
34 localités qu’elle couvrait déjà dans le cadre de la
production thermique d’une puissance installée
concession antérieure; elle devrait couvrir 73 autres
supérieure à 50 kW et inférieure ou égale à 250 kW
localités dans 20 ans.
ou d’installations de distribution basse tension à
Elle mène cette activité ainsi que celle de l’eau partir d’un ou de plusieurs points de transformation
dans 16 villes auxquelles pourraient s’ajouter deux moyenne tension – basse tension à des fins de service
autres localités avec, toutefois, une séparation nette public sont placés sous le régime de l’autorisation.
de leur gestion sur les plans technique, comptable et
Le ministre chargé de l’énergie délivre les
budgétaire à travers deux contrats de concession
autorisations.
distincts d’une durée de 20 ans chacun.
L’établissement et l’exploitation de toute installa-
EDM-SA a la propriété totale des ouvrages de
tion de production hydroélectrique ou des installa-
production, de transport, de distribution ainsi que
tions de production thermique d’une puissance
des autres actifs appartenant à l’État, à l’exclusion des
supérieure à 250 kW ainsi que de toutes installations
barrages et des équipements de production hydro-
de transport ou de distribution dès que celles-ci
électrique, dont la propriété juridique relève de
nécessitent des installations moyenne tension sont
l’État.
placés sous le régime de la concession. Ces conces-
sions sont attribuées par décret pris en Conseil des
A c t e s

ministres à l’issue d’une procédure d’appel d’offres


dont les modalités sont précisées par une directive de
1. Lettre de politique sectorielle de l’Électricité et de l’Eau la Commission de Régulation.
potable, approuvée le 10 novembre 1999.

153
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

L’Agence Malienne pour le Développement de Missions de la Commission


l’Énergie Domestique et de l’Électrification Rurale La Commission de Régulation de l’Électricité et de
(AMADER) a vocation à être seule compétente pour l’Eau est chargée de la régulation du secteur de
gérer l’électrification de toutes les zones dont la l’électricité et du service public de l’eau potable dans
puissance n’excède pas 250 kW. les centres urbains. Elle a pour missions de:
Dans les zones qui ne font pas partie du périmètre – soutenir le développement du service public de
concédé à EDM-SA, les collectivités décentralisées et l’électricité et de l’eau;
les opérateurs privés (y compris EDM-SA) peuvent
– défendre les intérêts des usagers et la qualité du
ainsi établir des systèmes d’électrification rurale avec
service public;
l’assistance technique, financière et juridique de
l’AMADER, et ce, en conformité avec son manuel de – promouvoir et organiser la concurrence entre les
procédures. opérateurs;
– veiller à l’application de la politique tarifaire.
Régulation du sous-secteur Concernant cependant les opérateurs et exploi-
de l’électricité tants, le champ d’intervention de la CREE s’étend
Par la Commission de Régulation exclusivement aux:
de l’Électricité et de l’Eau (CREE) – concessionnaires d’électricité, et ce, y compris les
La Commission de Régulation de l’Électricité et de transactions passées par ceux-ci avec les permis-
l’Eau (CREE) est une structure indépendante placée sionnaires et autoproducteurs d’électricité;
auprès du premier ministre, dotée de la personnalité – gestionnaires délégués du service public de l’eau
juridique et de l’autonomie financière. potable dans les centres urbains.
La CREE est composée de cinq membres titu- De façon plus spécifique, la CREE est chargée:
laires d’un diplôme d’études supérieures, à savoir:
– de l’assistance à l’élaboration de la politique de
– un ingénieur électricien, développement sectoriel;
– un ingénieur hydraulicien; – du contrôle des appels d’offres et de l’octroi des
– un juriste; concessions et des délégations de gestion;
– un économiste spécialisé en matière de tarification; – de l’approbation et du contrôle des tarifs;
– un financier. – du suivi des transactions entre opérateurs dans le
Ces membres sont nommés pour un mandat de secteur de l’électricité;
cinq ou six ans renouvelable une fois. La CREE est – de l’arbitrage des conflits entre opérateurs et
dirigée par un président élu parmi ses membres pour entre opérateurs et maîtres d’ouvrages;
un mandat de cinq ans. – de la défense des intérêts des usagers;
Dans l’exercice de ses missions, la Commission – du contrôle et du suivi des conventions.
est assistée par un Secrétariat exécutif composé de
personnel technique permanent. Pouvoirs de la CREE
Le Secrétariat exécutif est dirigé par un Secrétaire Pouvoirs d’enquête et d’investigation
exécutif, qui assure, entre autres, le secrétariat de la – Enquêtes auprès des administrateurs, des per-
A c t e s

Commission et participe aux réunions de la Commis- sonnes physiques ou morales opératrices du


sion avec voix consultative. Il dirige et gère le per- secteur.
sonnel du Secrétariat conformément aux instructions
de la Commission et au cadre organique.
154
Les retours d’expérience

– Enquête annuelle auprès des usagers pour EDM-SA actuellement). Ces redevances sont défi-
évaluer la qualité des services. nies comme suit:
– Investigations plus larges auprès des adminis- • La redevance électricité est de 0,6 franc CFA par
trations, des usagers, des personnes physiques kWh facturé hors catégories sociales par le
ou morales opératrices du secteur dans le concessionnaire, et ce, jusqu’à la fin de la
cadre de ses missions de contrôle. première période quinquennale (31 décembre
Pouvoirs d’injonction et de sanction 2005).
des opérateurs • La redevance eau est de 1,8 franc CFA par m3
facturé hors catégories sociales pour toute la
Pour assurer le bon fonctionnement et la trans-
durée de la période quinquennale.
parence du secteur, la CREE peut procéder à
l’identification des contrevenants et à l’applica- Les ressources extraordinaires sont:
tion des sanctions prévues par les règlements – les subventions de l’État, des collectivités territo-
spécifiques, sanctions prononcées d’office ou à la riales décentralisées et d’organismes publics ou
demande des: privés, nationaux ou internationaux;
– organisations professionnelles; – le produit des emprunts;
– associations d’usagers; – les dons et legs.
– personnes physiques ou morales opératrices
La CREE bénéficiera, dans le cadre du Projet
du secteur;
«Énergie Domestique et Accès aux Services de Base»
après une mise en demeure adressée à l’auteur du (PEDASB), par l’intermédiaire de l’AMADER,
manquement pour qu’il se conforme à la régle- d’une subvention de l’État d’un montant de
mentation dans un délai déterminé. 708600 dollars américains pendant une période de
Les décisions ont les caractéristiques suivantes: 5 ans grâce à un crédit accordé par l’International
Development Association (IDA).
• Les décisions prises dans le cadre de ses missions
et pouvoirs ne sont susceptibles d’aucune tutelle
Par l’Agence Malienne pour
technique de la part des ministres compétents.
le Développement de l’Énergie
• Les décisions administratives de la CREE sont Domestique et de l’Électrification
applicables au plan national et s’imposent aux Rurale
maîtres d’ouvrages, aux opérateurs et aux usagers
Dans le cadre des services publics de l’électricité et
dès leur publication dans le Journal officiel.
de l’eau, les ministres compétents exercent les mis-
• Les actes, décisions, injonctions et sanctions de sions, pouvoirs, droits et obligations de la Com-
la CREE ont le caractère d’actes administratifs et mission de Régulation à l’égard des opérateurs du
sont susceptibles en tant que tels de recours secteur concernant:
juridictionnel.
1. les permissionnaires d’électricité (opérateurs
Ressources de la Commission titulaires d’une autorisation.)
Les ressources de la Commission ont été classées en 2. les gestionnaires délégués de l’eau dans les centres
ressources ordinaires et en ressources extraordinaires. ruraux et périurbains.
A c t e s

Les ressources ordinaires de la CREE permettent L’AMADER est un Établissement Public national
de financer ses charges de fonctionnement constitués à caractère Administratif (EPA) doté de la person-
de redevances facturées et versées régulièrement à la nalité morale et de l’autonomie financière, et placé
CREE par les concessionnaires (en l’occurrence sous la tutelle du ministre chargé de l’Énergie. Elle a

155
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

pour mission la maîtrise de la consommation de Bilan : facteurs de réussite


l’énergie domestique et le développement de l’accès à et pièges à éviter
l’électricité en milieu rural et périurbain. Par « facteurs de réussite », nous entendons tous les
C’est pourquoi, dans le cadre de la mise en atouts nécessaires à la réussite d’un processus de
œuvre de sa mission, elle est dotée, tout comme la réforme dans le cadre des expériences de privatisation
CREE, d’un pouvoir de sanction aux manquements qui sont en cours dans nos pays.
des personnes morales ou physiques opératrices dans Cependant, nous pensons qu’il serait prématuré
les secteurs de l’énergie domestique et de l’électri- de dresser un bilan ou de tirer des leçons sur les
fication rurale. facteurs de réussite ou sur les pièges à éviter d’une
À ce titre, elle procède à l’identification des con- opération de privatisation qui date d’à peine trois ans.
trevenants aux contrats d’autorisation, de déclaration De plus, certains organismes (comme la CREE ou
ou de convention de financement en vigueur, et à l’AMADER) ne fonctionnent pas encore à plein
l’application des sanctions prévues par les règlements régime.
spécifiques aux deux secteurs. L’exercice ici opéré visera à donner un aperçu des
Les sanctions prononcées par l’Agence ont le forces et des faiblesses du processus qui a conduit à la
caractère d’actes administratifs et sont aussi suscep- privatisation de la Société EDM-SA, ainsi que de la
tibles en tant que tels de recours juridictionnel. situation des secteurs de l’Électricité et de l’Eau au
cours de la période écoulée.
Elle a reçu, en dotation initiale, des biens meubles
et immeubles qui lui sont affectés par l’État. Ce sont sur ces différents points et sur quelques
autres que l’attention des participants sera attirée
Ses ressources sont constituées par:
dans le développement qui suit.
– les subventions de l’État ou les contributions des
collectivités territoriales et des organismes natio-
Contexte de la réforme du secteur
naux ou internationaux;
de l’électricité et de l’eau
– les frais de dépôt de demande d’autorisation;
La réforme du secteur électrique est intervenue à un
– les redevances annuelles fondées sur le nombre de moment où les conditions (la crise énergétique mon-
clients, la puissance installée, l’énergie produite diale au niveau national, les séquelles des années de
par les déclarants et les permissionnaires; sécheresse, devenues presque endémiques, pour l’éco-
– les produits des placements, les dons et legs; nomie malienne, ainsi que les annonces répétées d’une
– toute autre ressource mise à la disposition de arrivée d’énergie provenant de la centrale hydro-
l’Agence. électrique de Manantali – événement devenu sembla-
ble à un serpent de mer pour les trois pays de
L’AMADER recevra, dans le cadre de la mise en
l’OMVS) étaient telles que la réalisation de tout pro-
œuvre du PESASB, un financement sous forme de
gramme d’investissement en matière de production,
don de l’État d’un montant de 37,5 millions de dol-
de transport et de distribution dans les secteurs de
lars américains, dont 9,4 millions en appui institu-
l’électricité et de l’eau était compromise. La priorité
tionnel et 28,1 millions pour la fourniture de
était plutôt donnée au maintien en état de fonc-
services d’énergie.
tionnement des équipements déjà en place, à la
fourniture continue de l’électricité et à la recherche de
A c t e s

l’équilibre financier au sein de la société EDM-SA.

156
Les retours d’expérience

Par ailleurs, force aussi était de constater de nom- • du ministère des Domaines de l’État (pour la
breuses carences de gestion des différents interve- détermination de la part du capital, ainsi que des
nants ainsi que des imprécisions dans les textes biens privés ou du domaine public de l’État à
organisant leur fonctionnement. céder dans le cadre de l’ouverture du capital de la
Sont ici en cause: société de production, de transport et de distri-
bution publique d’électricité);
– l’irrégularité des hausses tarifaires, même quand • du ministère des Industries, du Commerce
cela s’avérait fondé, tant pour le concessionnaire et de l’Artisanat (pour les problèmes tarifaires,
que pour le concédant; notamment);
– la non-incorporation des ouvrages d’adductions • du Bureau des Entreprises Publiques (compte
nouvelles d’eau dans le domaine concédé par des tenu du volet privatisation);
textes spécifiques, alors qu’ils ont été réalisés par
• des salariés de EDM (réticents au départ, car
le concédant et transférés au concessionnaire;
pour eux privatisation équivalait à suppression
– la non-séparation stricte (technique, comptable d’emplois).
et financière) des deux conventions de concession
distinctes (électricité et eau); Par ailleurs, il a été instauré le principe d’une
réunion de concertation avec les principaux bailleurs
– le montant de plus en plus élevé et pénalisant
de fonds (Banque mondiale, Agence française de déve-
pour le concessionnaire des impayés du concé-
loppement, KFW, Agence canadienne pour le dévelop-
dant (État et démembrements, communes, socié-
pement international, Banque africaine de développe-
tés d’économie mixte ou d’État);
ment) afin de pouvoir prendre en compte leurs avis sur
– l’échec de la Délégation Globale de Gestion Tem- certains sujets avant leur soumission au gouvernement,
poraire, marquée par des années de délestages et où il sera question des points d’accord et de diver-
répétitifs et l’acquisition d’équipements de gence, notamment.
production inappropriés et inadaptés.
Enfin, sous la tutelle du ministère, il sera
procédé:
Facteurs de réussite
Le ministre chargé de l’Énergie, responsable de la a) à la mise en place d’une cellule technique de
coordination des activités entrant dans le cadre de la pilotage de la restructuration du secteur et de la
réforme des secteurs, a mis en place plusieurs struc- privatisation de EDM (composée d’un coor-
tures de concertation et d’aide à la décision. donnateur, d’un ingénieur électricité/eau, d’un
financier/économiste et d’un personnel d’appui
Un Groupe Technique d’Appui (GTA) sera ainsi pour assister le GTA);
créé; outre des responsables directs du département,
b) au recrutement d’une banque d’affaires (chargée
il comprend des représentants:
d’élaborer différents documents, rapports, textes
• de la Présidence; législatifs et réglementaires, etc. pour le compte
• de la Primature; du GTA);
• du Secrétariat Général du Gouvernement (pour c) au recrutement d’un consultant indépendant,
l’appréciation des projets de textes législatifs et expert en restructuration des sociétés d’électricité
réglementaires); et d’eau (pour donner avis et recommandations
sur les propositions de la banque d’affaires avant
A c t e s

• du ministère de l’Économie et des Finances


leur discussion au sein du GTA);
(pour les incidences financières de certaines
mesures); d) au recrutement d’un consultant juridique malien
par un contrat à durée déterminée.

157
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Avant et après chaque étape du processus de Au nombre des difficultés pour l’application des
réforme, une campagne d’information était menée, nouvelles formules d’indexation des tarifs de l’électri-
à travers soit un atelier, soit une séance de travail, cité et de l’eau, il peut être cité, notamment:
auprès des députés, des associations de consomma-
– la définition du prix plafond et du prix moyen;
teurs et plus particulièrement des différents parte-
naires nationaux (patronat et syndicats notamment). – les valeurs du prix plafond et de certains indices
de la formule d’indexation;
Toute cette organisation constitue un des facteurs
– les valeurs des indices et coefficients à prendre en
de succès car, à chaque étape, l’explication d’une
compte lors de l’application de la formule
mesure a souvent permis son approbation consen-
d’indexation.
suelle à tous les niveaux, chacun s’étant senti impli-
qué dans le processus tout en ayant pu connaître les Ainsi donc, malgré l’implication de plusieurs
tenants et aboutissants de la mesure. intervenants nationaux ou étrangers pour conduire
le processus de privatisation, il y a eu des pièges
Pièges à éviter qu’on n’a pas pu éviter.
Au sujet des pièges à éviter, il peut s’agir essentiel- Un autre point important qu’on a cependant pu
lement des contraintes liées à l’exigence pour la éviter est la mise en place d’un plan social. L’enga-
satisfaction des conditions préétablies en vue de l’exé- gement de ne renvoyer aucun employé de EDM a
cution des programmes et des projets avec certains été respecté. La totalité des agents en activité a été
partenaires au développement, et aux facteurs socio- maintenue, avec tous les droits déjà acquis ; cela a
économiques ou politiques internes du processus de permis de ne pas avoir de troubles sociaux avec les
la privatisation dans un délai prédéterminé. syndicats.
Le processus de réforme peut, par conséquent, Mention doit être faite de l’importance à accor-
être entravé en raison: der à l’inventaire des installations d’exploitation et
surtout à la réévaluation du bilan. La prise en
– des prises de décisions à la hâte; compte de ces aspects a permis de proposer un mon-
– d’un délai court; tant de capital social de 20 milliards de francs CFA
– de textes élaborés manquant de clarté et de pour l’ouverture du capital de EDM-SA au Parte-
précision; naire Stratégique lors de l’appel d’offres. La banque
– de programmes de développement mal définis et d’affaires et certains partenaires au développement
par conséquent imprécis; avaient cependant estimé ce montant à 4 milliards
de francs CFA.
– de la définition des nouvelles formules d’indexation
des tarifs d’électricité souvent inappropriée et non Enfin, l’État, en décidant d’être porteur de 40%
maîtrisable par le concédant; de ce capital, pourra toujours en céder, au moment
– des actifs de la société mal identifiés et par consé- qu’il jugera opportun, au personnel, aux privés
uents sous-évalués; nationaux et sous-régionaux, et ce, totalement ou en
partie.
– du niveau du capital social qui est non maîtrisé
et dont la répartition est inadéquate entre le Le Mali n’a pas en effet d’expérience de personnel
concédant et le Partenaire Stratégique. actionnaire et la société EDM n’est toujours pas
cotée à une Bourse des valeurs.
Les contrats qui sont conclus dans ces conditions
A c t e s

conduisent généralement à des conflits sociaux entre


l’État et les travailleurs, d’une part, et, d’autre part,
entre l’État et le nouveau Partenaire Stratégique.

158
Les retours d’expérience

Constatations Après l’arrivée de l’énergie hydroélectrique


Au cours des deux premières années de la concession, de Manantali
les dispositions contractuelles définissant les principes – la réduction significative des dépenses en car-
de gestion et d’exploitation des secteurs de l’électricité burant dans le réseau interconnecté à la suite
et de l’eau potable au Mali ont soulevé un certain de l’arrêt de la turbine à combustion qui con-
nombre de difficultés dans leur application. sommait en régime de marche normale
jusqu’à 160000 litres de DDO par jour;
Ces difficultés résultent essentiellement des
contradictions et du manque de clarté des articles des – l’amélioration des résultats de la société aux
contrats de concession traitant de l’indexation plans technique et financier;
tarifaire. – l’augmentation des tarifs d’électricité en 2002
de 4,35 % et des tarifs d’eau de 13,16 %,
Aussi est-il aujourd’hui envisagé de procéder à
consécutivement à l’application mécanique
une relecture des textes de contrats de concession et
des formules d’indexation tarifaire;
de leurs annexes en vue de leur amélioration.
– la non-concrétisation du programme d’inves-
Les actions suivantes sont à retenir dans le cadre tissement prévu, faute de mobilisation des
de la privatisation: financements nécessaires. Il transparaît du
dernier plan quinquennal, préparé par EDM-
Avant l’arrivée de l’énergie hydroélectrique
SA, que la société souhaiterait un engagement
moins coûteuse de Manantali en janvier 2002
de l’État dans le financement des investis-
– le renforcement de la capacité thermique dans sements lourds de transport de l’électricité et
le réseau interconnecté, avec une puissance de des infrastructures de l’eau;
8,1 MW pour des investissements d’environ – les augmentations des tarifs d’électricité en
3 milliards de francs CFA; 2003 de 7,59% et de 0,26%, respectivement
– l’amélioration de la desserte en eau dans pour l’électricité et l’eau, calculées par EDM-
certaines localités de l’intérieur; SA, ne seront pas appliquées. La Commission
– la réhabilitation des groupes des centres de Régulation a décidé, à la demande du
extérieurs isolés et la révision des groupes du Maître d’Ouvrage qui souhaitait voir les tarifs
réseau interconnecté; baisser, de ramener la grille tarifaire de
– la réalisation d’environ 15 000 nouveaux l’électricité à son niveau du 1er janvier 2000,
branchements à Bamako sur des réseaux de soit une baisse moyenne d’environ 10% des
distribution déjà existants dans les quartiers tarifs en vigueur le 31 décembre 2002. De
périphériques; même, une baisse de 10 % des tarifs en
vigueur le 31 décembre 2002 pour l’eau a été
– la détérioration des niveaux de rendement en
opérée. Le Maître d’Ouvrage s’est engagé à
électricité et en eau, qui étaient déjà bas dans
compenser ces baisses tarifaires avec un mon-
le réseau interconnecté;
tant de 5,15 milliards de francs CFA à la suite
– la hausse des tarifs d’électricité de 26,5% et de l’évaluation de la Commission de
des tarifs d’eau de 15,7% en 2001, ramenés Régulation.
respectivement à 5% et à 10% pour le con-
sommateur après le paiement d’une com-
A c t e s

pensation de 10 645 milliards de francs CFA


en faveur de EDM-SA par l’État pour les
21,5% et les 5,7% de l’électricité et de l’eau
respectivement.

159
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Conclusion et recommandations • Les crises de trésorerie entretenues conduisent au


Nous concluons cet exposé en attirant l’attention des report des programmes de développement et la
participants sur certains enseignements tirés de simple maintenance des équipements se trouve
l’expérience des réformes des secteurs de l’électricité compromise.
et de l’eau au Mali. Face à ces situations se pose alors la question de la
Il s’agit de: relecture des contrats, d’où la naissance des conflits
entre les parties.
• La faiblesse des capacités pour le contrôle tech-
Les contrats de concession d’ouvrages, comme
nique et l’analyse financière en l’absence de per-
celui du Mali, avec le désengagement total de l’État
sonnel qualifié, en ce qui concerne le Maître
des investissements dans les segments de production,
d’Ouvrage et la Commission de Régulation, sont
de transport et de distribution, semblent avoir
des facteurs qui incitent le Partenaire Stratégique
montré leurs limites.
à violer les contrats sans que les obligations et
sanctions qui en découlent ne soient appliquées. Les réflexions devraient porter à notre avis sur les
• L’absence d’implication suffisante ou le faible nouvelles formes de partenariat entre l’État, les par-
intérêt des plus hautes autorités dans le suivi et la tenaires privés et les partenaires au développement,
bonne application des dispositions contractuelles dans le cadre de contrats de délégation de gestion
sont de nature à créer des frustrations chez les relatifs aux aspects techniques ou commerciaux.
cadres qui s’engagent pour la bonne exécution des Dans un tel schéma, l’État devra assurer le déve-
contrats. Le Partenaire Stratégique aura tendance loppement des infrastructures en bénéficiant des
à se comporter comme s’il était en territoire financements concessionnels. Le Partenaire Straté-
conquis. gique s’occupera d’apporter son expertise dans les
• La non-maîtrise ou non-clarification des prin- domaines de l’exploitation, de la maintenance et en
cipes de tarification en amont de la réforme matière de gestion financière d’entreprise.
peuvent conduire à des trop-perçus au profit du
Partenaire Stratégique.
• La capacité supposée de financement ou de mo-
bilisation des financements du Partenaire Straté-
gique pour la réalisation des investissements
n’existe en fait pas, d’où l’absence de programme
d’investissement consistant. Le Partenaire Stra-
tégique cherche à se détourner de ses obligations
contractuelles et à se servir de l’État comme
garant auprès des partenaires financiers pour
obtenir les financements à des taux concession-
nels dont il pourrait tirer bénéfice.
• L’absence de capacités suffisantes de production
électrique à long terme induit des risques élevés
de dysfonctionnement en matière de fourniture
continue en électricité.
A c t e s

160
Libéralisation du secteur énergétique au Maroc:
le cas de l’électricité
Denis LEVY
Consultant, France

Au Maroc, le développement de l’électricité a été face à la croissance de ses besoins, le gouvernement a


réalisé durant la première partie du XXe siècle par fait appel à l’apport de capitaux étrangers pour le
l’initiative privée, tant en ce qui concerne la pro- développement de son secteur électrique.
duction, le transport que la distribution.
Au lendemain de son indépendance, à l’image L’Office National de l’Électricité,
des autres pays qui avaient été colonies, protectorats « clef de voûte » du système
ou mandats, le gouvernement marocain a substitué électrique
la nationalisation à la concession: il créait en 1963 L’Office National de l’Électricité (ONE) a été créé
l’Office National de l’Électricité (ONE), un établis- par Dahir (Loi) en août 1963. Il reprend les activités
sement public à caractère industriel et commercial, de la Société Énergie Électrique du Maroc – de statut
chargé des services publics de la production, du privé –, à qui étaient confiés depuis 1924, par
transport et de la distribution de l’énergie électrique. contrat de concession d’une durée de 75 ans, la
Cependant, en 1994, 31 ans après la constitution production, le transport et la distribution (hors des
de l’Office National de l’Électricité, le décret du grandes villes) de l’énergie électrique. À cette époque,
23 septembre 1994 mettait fin au monopole de les centrales de la Société Énergie Électrique du
production de l’établissement public. Maroc assuraient 90% de la production nationale.

Le Maroc devenait le premier pays d’Afrique du Pour ce qui est de la zone au nord et des provinces
Nord à introduire la production indépendante sahariennes au sud – sous administration espagnole –,
d’électricité avec le développement du complexe les activités électriques de différentes sociétés, dont la
thermique de Jorf Lasfar par un consortium d’opéra- plus importante était Electras Marroquies (EM), créée
teurs privés sous forme d’un contrat de BOT* en 1913 et bénéficiant de plusieurs concessions à
(construction, exploitation, transfert). En parallèle, perpétuité, ont également été reprises par l’ONE.
les autorités marocaines responsables entamaient des L’Office National de l’Électricité est un établisse-
négociations avec les entreprises privées pour ment public à caractère industriel et commercial,
remettre en concession la distribution de l’eau et de doté de la personnalité civile et de l’autonomie
l’électricité des deux capitales – économique et financière. Il est placé sous la tutelle du ministère de
administrative – du pays. l’Énergie et des Mines.
Cette évolution s’est faite dans un contexte géné- Les droits et obligations de l’ONE sont définis
ral de mondialisation et de libéralisation du secteur dans un cahier des charges approuvé par décret en
énergétique, tant dans les économies développées 1974, et qui définit les conditions techniques,
que dans les pays en développement. Il faut rappeler,
A c t e s

administratives et financières relatives à l’exploitation


en outre, que le Maroc ne dispose que de très peu de des ouvrages de production, de transport et de
ressources énergétiques nationales. Ainsi, pour faire distribution de l’électricité.
* BOT : traduction du français Construction, Exploitation,
Transfert (CET).
161
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

L’Office National de l’Électricité était chargé Parmi ces ouvrages de production, la centrale
depuis sa création de la production, du transport et thermique au charbon de Jorf Lasfar de 1370 MW
de la distribution de l’énergie électrique. Il avait ainsi que le parc éolien d’Al Koudia Al Baida de
l’exclusivité de l’aménagement des moyens de pro- 53,9 MW, sur le site Abdelkhalek Torrès, sont
duction de l’énergie électrique d’une puissance exploités en gestion déléguée par des producteurs
supérieure à 300 KW. privés, et représentent plus de 50 % de l’électricité
Mais depuis, le décret de 1994 a introduit l’ouver- produite. Le prix d’achat, par l’ONE, de l’énergie
ture à la production indépendante d’électricité, avec électrique produite est fixé contractuellement.
garantie d’achat, pour des puissances supérieures à L’ONE garantit l’enlèvement de toute l’énergie
10 MW, et a conféré à l’ONE le statut d’acheteur produite par la centrale de Jorf Lasfar et par le parc
unique. Ainsi, l’ONE a été habilité à passer, après éolien d’Al Koudia Al Baida ainsi que de la puissance
appel à la concurrence, des conventions avec des déclarée disponible de la centrale de Jorf Lasfar
personnes morales de droit privé, pour la production (contrat d’enlèvement minimum).
par ces dernières de l’énergie électrique d’une puis- Un projet de centrale est actuellement en cours
sance supérieure à 10 MW, et ce, selon les modalités de réalisation à Tahaddart, utilisant la technologie du
suivantes: cycle combiné et fonctionnant au gaz naturel livré à
partir du gazoduc Maghreb-Europe. Cette centrale,
• La totalité de la production doit être destinée
d’une puissance de 385 MW et dotée d’une turbine
exclusivement à la satisfaction des besoins de
à gaz, verra sa construction portée par une société de
l’Office;
droit privé réunissant l’ONE (48 %), ENDESA
• Les conditions d’équilibre économique prévues (32 %) et SIEMENS PG (20 %) et représente des
par la convention doivent être maintenues pen- investissements de l’ordre de 230 millions $US. Elle
dant la durée d’exécution de ladite convention. sera ensuite exploitée par SIEMENS PG. Cette
« Le recours à la production concessionnelle centrale sera réalisée sous «le régime de production
permet de réduire les investissements publics en concessionnelle d’électricité », conformément au
mobilisant les financements privés et assure, par décret du 23 septembre 1994. L’ONE s’engage à
ailleurs, l’accès à un prix concurrentiel de cession du acheter la totalité de l’électricité produite pendant
kWh à travers les appels d’offres internationaux. » toute la période de validité du droit de jouissance,
(ministère de l’Énergie et des Mines du Maroc) fixée à 20 ans.
Pour répondre aux besoins du réseau national, la
La production électrique assurée mise en service de cette centrale est prévue pour le
majoritairement par le privé début de 2005.
Les ouvrages de production, dont dispose l’ONE, Ce sera la première centrale, au Maroc, à utiliser
sont constitués de 24 centrales hydroélectriques la technologie du cycle combiné qui présente de
totalisant une puissance installée de 1265 MW, de multiples avantages: coût d’investissement réduit par
5 centrales thermiques vapeur totalisant 2505 MW, rapport à celui d’une centrale classique, meilleur
de 6 centrales à turbines à gaz totalisant 615 MW, rendement énergétique, besoins en eau de réfrigé-
d’une production thermique diesel de 69 MW et ration réduits de moitié et meilleur respect de
d’un parc éolien de 53,9 MW, soit une puissance l’environnement.
installée globale de 4507,9 MW.
Le parc de production de l’ONE, à la fin de
A c t e s

décembre 2003, est donné au tableau 14.1.

162
Les retours d’expérience

Tableau 14.1 La distribution de l’électricité :


Parc de production de l’ONE à la fin de 2003 une fonction essentielle assurée
Puissance installée
par plusieurs acteurs
2003 Avant la constitution de l’ONE, l’essentiel du service
(MW)
26 centrales hydrauliques 1 265 public de la distribution (eau et électricité) était con-
Thermique 3 189
fié par le biais de contrats de délégation de gestion à
la Société Marocaine de Distribution d’Eau, de Gaz
5 centrales thermiques
vapeur dont 2505 et d’Électricité – SMD, filiale de la Société lyonnaise
charbon 1785
d’eau et d’éclairage – pour les villes suivantes6 :
mazout 720 – En 1914, concession pour l’eau potable à
6 centrales à turbines à gaz 615 Casablanca (en association avec Schneider et la
Thermique diesel 69 Banque de Paris et des Pays-Bas).
Éolien (dont 50 MW de la CED*) 53,9 – En 1915, première mission de travaux et d’exploi-
Total ONE 4 507,9 tation pour l’électricité de Casablanca,
* CED: Compagnie Éolienne de Détroit transformée en concession en 1920.
Source: ONE. – En 1915, contrat pour l’eau et l’électricité à
Rabat.
L’année 2003 a aussi vu la mise en service des – En 1917, électricité à Fès.
usines hydrauliques d’Al Hansali (92 MW) et d’Aït – En 1918, contrat pour l’eau et l’électricité à Salé.
Messaoud (6 MW). – En 1919, eau à Tanger.
– En 1922, électricité à Marrakech, à Safi et à
Le transport de l’énergie électrique Mazagan, dénommée maintenant El Jadida
est du ressort exclusif de l’ONE (association de la SMD et de la Banque de Paris
Le réseau de transport reliant les moyens de produc- et des Pays-Bas).
tion aux centres de consommation, qui couvre une – En 1925, électricité à Meknès.
très grande partie du territoire national, est constitué
de 727 km de lignes de 400 kV, de 6 349,3 km de À la SMD s’ajoutaient la Société Chérifienne
lignes de 225 kV, de 316,4 km de lignes de 150 kV d’Énergie (SCE) pour les petites localités et l’élec-
et de 9363,3 km de lignes de 60 kV. trification rurale, l’Entreprise Électrique de Zenâta –
Mohammedia (EEZM) pour les zones suburbaines de
Il est, par ailleurs, interconnecté avec le réseau Casablanca et l’Entreprise Électrique de la banlieue de
algérien au moyen de deux lignes de 225 kV (pour Marrakech (EEBM) pour la ville de Marrakech.
une puissance de 300 MW) et avec le réseau espa-
gnol au moyen de deux câbles sous-marins de En parallèle à la constitution de l’ONE, le gou-
400 kV (pour une puissance de 700 MW). vernement marocain transférait à des régies muni-
cipales la charge de la distribution de l’eau et de
À la fin de décembre 2002, le réseau de transport l’électricité pour les villes importantes, mais laissait
était constitué de 16756 km de lignes. le soin à l’ONE d’assurer la distribution dans le reste
du territoire.
A c t e s

6. D’après François Henriot, Au fil de l’eau, Impr. de la Vallée


d’Eure, 27-Pacy-sur-Eure, 1995, p. 19 et suivantes.

163
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Depuis le retour à la concession pour les villes de production, dus au manque de ressources financières
Casablanca et de Rabat, et plus récemment pour ainsi qu’aux délais de mise en place des financements
Tanger et Tétouan, la distribution d’électricité se publics.
répartit entre les acteurs suivants:
Par ailleurs, le réseau d’électrification se concen-
• L’ONE, notamment en zone rurale et dans trait essentiellement autour des villes et des agglomé-
plusieurs centres urbains (50% du secteur). rations. Le taux d’électrification rurale, en 1995, ne
• Des régies municipales (eau et électricité) ou dépassait pas 18%; à comparer avec celui de l’Algérie
intercommunales, placées sous la tutelle du où il était de 86 %, ou celui de la Tunisie qui
ministère de l’Intérieur pour les grands centres atteignait 70% à la même époque.
urbains (14%). D’autres facteurs explicatifs de cette impasse
Le prix de l’énergie électrique distribuée est fixé résidaient dans:
par décret du premier ministre dans ces deux cas. • la répartition des ressources énergétiques
• Des opérateurs privés délégataires pour la distri- exploitées: La part de la production hydraulique
bution de l’énergie électrique et de l’eau (36%) installée prenait le pas sur les installations de
dans les villes de Casablanca, de Rabat, de Tanger production thermique. Si l’on ne peut contester
et de Tétouan. Le prix de l’énergie électrique dis- les avantages de la production hydraulique par
tribuée est fixé dans ce cas par voie contractuelle. rapport à une production thermique – mobilisa-
tion des ressources nationales, flexibilité dans son
Les prix d’achat de l’électricité à l’ONE sont utilisation, coût de production faible – on ne
uniformisés sur tout le territoire; ils sont fonction de peut pas ne pas prendre en considération les aléas
la tension (tarifs THT-HT, MT et BT) et des plages climatiques du pays;
horaires. Il existe cependant des redevances de puis-
• la structure tarifaire de l’électricité vendue : À
sance pour les régies (en fait, ce sont des ristournes
l’image des autres pays en développement, celle-
accordées à certaines régies à titre exceptionnel).
ci privilégiait une tarification sociale de l’électri-
cité, et n’intégrait aucune mesure visant à une
Décennie 90: Les limites du système quelconque maîtrise de la demande d’électricité;
électrique marocain amènent • la nécessité de satisfaire une demande toujours
le gouvernement à repenser croissante impliquant, pour la collectivité, des
l’organisation du secteur investissements colossaux : Compte tenu des
Le système électrique marocain, au lendemain de limites structurelles de l’autofinancement de
l’indépendance du pays, était organisé autour d’un l’ONE et du niveau d’endettement du Maroc, on
monopole public verticalement intégré ; la distri- avait atteint les limites de l’épure en ce qui con-
bution dans les villes et agglomérations étant assurée cerne le financement public des investissements
par des régies municipales ou intercommunales. nécessaires à la satisfaction des besoins de la
Si ce système a fonctionné de manière, somme population marocaine en énergie électrique.
toute, satisfaisante jusqu’au début des années 1980, Pour faire face à cette situation, le gouvernement
des défaillances significatives sont apparues, particu- a demandé à l’ONE, en concertation avec ses admi-
lièrement durant les années de grandes sécheresses nistrations de tutelle, de proposer les modifications
(1983 à 1985, 1992 et 1993). légales permettant de trouver une solution à cette
A c t e s

Ces défaillances ont été accentuées par une de- impasse.


mande en électricité croissante ainsi que des retards
dans la mise en service de certains moyens de

164
Les retours d’expérience

Cela conférait à l’ONE une position particulière totalité des foyers ruraux du pays à brève échéance et
dans le domaine de l’électrification rurale, lui don- permettre ainsi de résorber le retard accumulé dans le
nant le rôle d’opérateur stratégique en coordination domaine.
avec le ministère de l’Intérieur – ayant en charge
Ce constat a amené l’ONE à proposer un nou-
l’aménagement du territoire – et les collectivités
veau programme appelé « Programme d’Électrifi-
locales.
cation Rurale Global » (PERG), approuvé en août
1995 et piloté par l’ONE depuis. «Le PERG permet
Électrification rurale : un effort d’accélérer l’électrification rurale et d’engager l’ONE
significatif qui ouvre l’accès jusqu’à l’an 2006 dans cette mission d’assurer l’uni-
aux services essentiels pour tous versalité du service public d’électricité » (Benhima,
Le gouvernement marocain, conscient de l’effort à 2000).
réaliser dans le domaine de l’électrification rurale, a Le PERG est un programme participatif, dont le
consacré, durant les années 1975 à 1995, ses moyens financement tripartite est assuré par les collectivités
au renforcement des installations de production et à locales, les foyers bénéficiaires et l’ONE.
l’extension du réseau électrique de l’ONE.
Le schéma général de cette répartition est le sui-
Il mettait en place, à la fin des années 1970, le Pro- vant, pour ce qui est de l’électrification par réseau:
gramme National d’Électrification Rurale (PNER I,
puis PNER II), financé par l’État et les collectivités • Les collectivités locales participent à hauteur de
locales. Ce programme était assorti de la création d’un 2085 Dh par foyer bénéficiaire, montant réglé au
fonds spécial dédié à l’électrification rurale, alimenté comptant ou à hauteur de 500 Dh par foyer
par un prélèvement de 4,5% sur les recettes de vente bénéficiaire par an pendant 5 ans.
de l’ONE. • Les foyers bénéficiaires participent pour le com-
Conformément à la décision de la Commission plément de 2252 Dh par foyer, à régler comptant
Interministérielle d’Électrification Rurale en 1978, la lors de l’abonnement ou à hauteur de 40 Dh par
première phase du PNER a été réalisée entre 1982 et foyer et par mois pendant 7 ans.
1986 et a permis d’électrifier 287 villages ruraux, • L’ONE finance le reliquat, soit 55% du montant
totalisant 80000 foyers. Le PNER I a été financé à global de l’investissement.
50% par l’État et à 50% par les collectivités locales. Il D’autres partenaires peuvent également partici-
a bénéficié d’un prêt de la Banque internationale de per au financement du PERG : des associations,
reconstruction et de développement (BIRD) de l’Agence de Développement du Nord, les Conseils
30 millions $US. La deuxième phase du PNER (réali- Provinciaux, la Direction Générale des Collectivités
sation prévue entre 1991 et 1999) visait le raccor- Locales, etc.
dement de 600 villages, totalisant environ 84 000
foyers. Le PNER II, financé à 100% par les collec- La recherche constante du meilleur rapport
tivités locales, a bénéficié d’un prêt de la Banque qualité/prix à l’égard de la mise en œuvre des diffé-
Européenne d’Investissement (BEI) de 30 millions rentes solutions techniques et du moindre coût
d’ECU et d’un prêt de la BIRD de 114 millions $US. d’électrification par foyer a été maintenue depuis le
début du PERG en 1996.
Ces programmes visaient l’électrification par
simple extension du réseau du territoire national en Cette recherche d’efficacité a vu son prolonge-
partant du réseau des grandes agglomérations pour ment naturel dans une diversification progressive des
A c t e s

l’agrandir, peu à peu, afin de couvrir le territoire options techniques à travers le développement de
national. En raison de l’objectif poursuivi, ces pro- l’électrification rurale décentralisée – concernant les
grammes ne pouvaient assurer l’électrification de la villages éloignés du réseau – par la mise en œuvre de

165
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

systèmes d’électrification basés sur les énergies • L’approche « Fee for Service » : Toujours dans le
renouvelables. Ces développements sont le fruit souci d’améliorer le service offert à la clientèle,
d’une coopération entre l’ONE et le Centre de Déve- une nouvelle approche vient d’être introduite par
loppement des Énergies Renouvelables (CDER). l’ONE, basée sur un concept de fourniture d’un
Dans le domaine de l’électrification rurale décen- service complet au client. Les prestations qui sont
tralisée par systèmes photovoltaïques, L’ONE a confiées à un opérateur privé couvrent, en plus
défini plusieurs types de prestation de la part des de la fourniture et de l’installation des kits photo-
opérateurs privés: voltaïques, la réalisation de l’installation élec-
trique intérieure des foyers avec la fourniture des
• La prestation de services: L’ONE confie l’instal- lampes et des accessoires, ainsi qu’un service
lation, le service après vente et le recouvrement d’entretien incluant le renouvellement du maté-
des échéances auprès des bénéficiaires (clients de riel pendant dix ans. Cette approche, qui assure
l’ONE), pour son compte, à une société privée: aux clients une garantie de service et une conti-
1 500 kits ont été ainsi mis en œuvre dans la nuité de fourniture d’électricité, trouve un écho
province de Khouribga. Le matériel installé, à favorable auprès de la clientèle et se généralise
savoir le module, la batterie et le régulateur, reste maintenant dans toutes les provinces disposant
la propriété de l’ONE jusqu’au règlement par le d’un potentiel solaire.
client de l’ensemble de ses échéances.
En 2003, le PERG a permis d’électrifier 2564 vil-
• L’action en partenariat: L’ONE fournit les pan- lages par réseaux interconnectés et 581 villages par
neaux photovoltaïques et les batteries à des systèmes photovoltaïques (électrification rurale
entreprises qui se chargent de les installer et qui décentralisée), ce qui a permis à 161 049 foyers de
s’engagent à compléter à leurs frais l’équipement bénéficier du service de l’électricité.
et à en assurer l’installation, l’entretien et le ser-
vice après vente. Les entreprises se font rému- À la fin de 2003, 13 235 villages avaient été
nérer directement par leurs clients, les foyers électrifiés depuis le lancement du PERG en 1996, ce
bénéficiaires: un projet de 7000 kits est en cours qui a ouvert l’accès à l’électricité à 989 946 foyers,
de mise en œuvre dans la province de Taroudant, soit à 6434000 habitants.
dont 4490 ont déjà été installés à la fin de 2003. Ce programme permettra d’atteindre un taux
Le panneau et la batterie installés chez le client d’électrification rurale par connexion au réseau
bénéficiaire restent la propriété de l’ONE national de 91 % en 2007. L’intégration de l’élec-
jusqu’au règlement par le client de l’ensemble de trification par systèmes photovoltaïques pour
ses échéances. Le choix des entreprises se fait sys- 150000 foyers environ permettra la généralisation de
tématiquement par voie d’appels d’offres. l’électrification rurale à l’horizon 2007.
Les deux approches se basent sur une offre unique
à la clientèle. Le financement est assuré par l’ONE et La situation géographique
les foyers bénéficiaires ; il dépend de la formule du Maroc, élément stratégique de
retenue. En principe, la participation des foyers sa politique d’approvisionnement
bénéficiaires comprend une avance (de 1 500 à énergétique
2 000 Dh) et une mensualité (entre 40 et 60 Dh) Le Maroc est tributaire, pour 90 % de son énergie
pendant 7 ans. Le panneau et le régulateur sont primaire, de l’extérieur. Ainsi, pour améliorer
garantis 7 ans par l’ONE; le remplacement du reste l’approvisionnement électrique du pays, le système
A c t e s

du matériel est au frais du bénéficiaire. électrique est interconnecté avec le réseau algérien au
moyen de deux lignes de 225 kV (pour une

166
Les retours d’expérience

puissance de 300 MW) et avec le réseau espagnol au • la mise en place d’un mécanisme de régulation
moyen de deux câbles sous-marins de 400 kV (pour compatible avec l’organisation administrative au
une puissance de 700 MW). Maroc;
Une deuxième interconnexion sous-marine avec • le désengagement de l’État des activités indus-
l’Espagne, visant à doubler la capacité physique de trielles et une nouvelle organisation de l’ONE.
transit entre les deux pays, a été lancée à l’été 2003. Les départements de l’Énergie, de l’Économie,
Sa mise en service est prévue pour décembre 2005. des Finances et de l’Intérieur, l’Office National de
D’après l’ONE, cette seconde interconnexion sous- l’Électricité ainsi que le Conseil national de la con-
marine entraînera à terme pour les entreprises maro- currence sont chargés, chacun en ce qui le concerne,
caines une réduction du prix de l’électricité comprise de veiller à l’accomplissement des missions du service
entre 10 et 15%, suivant la tension (haute ou nor- public de l’électricité et au bon fonctionnement du
male). Outre la réduction de la facture énergétique marché électrique.
du pays, cette interconnexion vise également à
sécuriser l’alimentation du Maroc. L’organisation envisagée du secteur électrique
marocain aurait les caractéristiques suivantes:
Par ailleurs, le gazoduc Maghreb-Europe, mis en
service en 1996, permet au Maroc de percevoir une • Le service public de l’électricité doit garantir la
redevance de transit au titre du droit de passage sur disponibilité de l’énergie électrique par la plani-
les quantités transitant par le Maroc vers l’Espagne fication des infrastructures de production en
et le Portugal. Cette redevance est valorisée en nature adéquation avec l’évolution du secteur et les
et est de l’ordre de 600 à 700 millions de m3 de gaz besoins nationaux, ainsi que l’alimentation des
naturel qui alimente la récente centrale à cycle zones du territoire non interconnectées au réseau
combiné de Tahaddart (cf. plus haut). La réserve de national.
capacité du gazoduc, prévue pour le Maroc, est de • Le réseau de transport d’électricité est considéré
1,4 milliard de m3. comme un monopole naturel, placé au cœur du
secteur et devant être mis à disposition de tous
Entre service public et libre dans des conditions non discriminatoires.
concurrence, la libéralisation • La mission de service public de la distribution de
progressive du secteur électrique l’électricité est assurée par les régies municipales
au Maroc de distribution de l’électricité, par les distribu-
La ligne de partage, entre ce que l’État doit conti- teurs privés dans le cadre des contrats de gestion
nuer à garantir aux usagers et ce qui est du domaine déléguée passés avec les autorités concédantes ou
de la libre concurrence, est au cœur de la politique par l’ONE, chacun à l’intérieur de son périmètre
engagée par le gouvernement marocain pour libéra- d’intervention.
liser son secteur électrique. L’objectif à terme est de Avec l’électrification du pays, le service public
libéraliser 60% de la consommation nationale. garantit le droit d’accès de tous les citoyens à l’élec-
Les principes de cette modernisation retenus sont: tricité, un produit de première nécessité.

• l’affirmation d’une politique énergétique forte et Cette mission est prise en charge par l’ONE,
la définition de missions de service public; chargé d’assurer l’électrification du pays par le
développement du réseau de distribution rural ou
• l’ouverture partielle et progressive du marché à la
A c t e s

par le recours à l’électrification décentralisée, et ce,


concurrence; dans le cadre du Programme d’Électrification Rurale

167
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Global (PERG) et périurbain par la réalisation des Dans ce marché, les tarifs de vente aux distribu-
conventions passées avec les autorités chargées de teurs et aux clients finals sont réglementés et définis
l’aménagement du territoire. par un arrêté du premier ministre, et tiennent
Le service public doit assurer la fourniture de compte des contrats existants pour la production et
l’électricité, avec une bonne qualité de service et au la distribution privées de l’électricité.
meilleur coût possible, aux clients non éligibles, au
marché libre ainsi que le secours aux clients éligibles Le marché libre de production
en cas de défaillance imprévue du marché libre. Le marché libre de production est destiné aux
Cette mission est assurée par l’ONE. opérateurs économiques éligibles, « pour lesquels
La nouvelle organisation du secteur doit permettre l’électricité est un intrant commercial pouvant être
une ouverture partielle et progressive du marché à la soumis aux lois de la concurrence, afin de leur
concurrence. Seule une partie des consommateurs, permettre d’accéder à des tarifs qui améliorent leur
dits «éligibles», sera libre de s’approvisionner auprès compétitivité» (ministère de l’Énergie et des Mines).
du fournisseur de son choix ; le reste des consom- Ce marché sera structuré en deux parties:
mateurs, dits « non éligibles », continuera à être
approvisionné par l’ONE. La frontière entre les deux – Une bourse de l’électricité, obéissant aux règles de
catégories de consommateurs, dite «seuil d’éligibilité la concurrence et basée sur le système de l’offre et
», doit évoluer dans le temps. Pour l’instant, ce «seuil de la demande, à laquelle ont accès les produc-
» est fixé à la charnière HT/MT; les régies municipales teurs autorisés à opérer sur le marché libre et les
et délégataires des municipalités sont considérées consommateurs éligibles.
comme non éligibles, la raison avancée étant qu’elles – Une autre partie où les clients éligibles pourront
sont alimentées par de la moyenne tension. conclure un contrat d’achat d’électricité avec un
producteur ou un fournisseur de leur choix,
Dans cette nouvelle organisation coexistent:
installé sur le territoire marocain ou dans le cadre
1. un « marché libre » dans lequel des producteurs des échanges à travers les interconnexions avec les
en concurrence approvisionnent les clients éli- pays voisins.
gibles, à travers une «bourse de l’électricité» ou La gestion du marché libre de production élec-
des contrats bilatéraux directs; trique sera assurée par deux opérateurs indépendants:
2. un marché « réglementé » dans lequel l’ONE
assure exclusivement l’approvisionnement des – Le gestionnaire de la bourse de l’électricité, dé-
clients non éligibles; nommé «opérateur marché», qui est chargé de la
régulation économique du système de l’offre et de
3. un cadre réglementé d’accès non discriminatoire
la demande et qui veille au respect des règles de
des opérateurs des deux marchés aux réseaux de
transparence, d’objectivité et de confidentialité.
transport et de distribution gérés par les opéra-
teurs des missions de service public. – Le gestionnaire du réseau public de transport,
dénommé «dispatching national», responsable de
Le marché réglementé la gestion technique du système en vue d’assurer
à tout instant l’équilibre des flux d’électricité sur
Le marché réglementé est destiné à satisfaire la
le réseau, sa sécurité et son efficacité, en tenant
consommation de la clientèle alimentée en basse
compte des contraintes pesant sur celui-ci, tout
tension, pour laquelle l’électricité constitue un
A c t e s

en préservant la confidentialité des informa-


service de base devant être assuré et protégé par la
tions pouvant porter atteinte aux règles de la
collectivité nationale.
concurrence.

168
Les retours d’expérience

Le système, tel que décrit, est en beaucoup de Matérialisant le principe de gestion du service
points semblable à celui qui a été mis en place en public aux meilleures conditions de coûts et de prix,
Espagne conformément aux directives européennes les tarifs réglementés couvriront l’ensemble des coûts
concernant la dérégulation du secteur électrique. supportés à ce titre par l’Office National de l’Électri-
cité et les gestionnaires des services de distribution
La bourse du marché libre de production élec-
dans les villes.
trique a pour objet d’organiser quotidiennement les
transactions de vente et d’achat d’énergie électrique Les différents tarifs réglementés sont les suivants:
et de définir pour le jour suivant les prix du marché
– Les tarifs d’utilisation des réseaux de transport et
et le programme de placement et de fonctionnement
de distribution, applicables aux utilisateurs, dé-
des centrales de production.
nommés respectivement «TT», timbre de trans-
Pour garantir la continuité d’alimentation de la port, «TDMT», timbre de distribution moyenne
clientèle éligible, il existera une autre partie du tension et «TDBT», timbre de distribution basse
marché, appelée « marché de secours et de garantie tension. Ces timbres sont calculés de manière
de puissance», ayant pour objectif de pallier les écarts non discriminatoire à partir de l’ensemble des
et défaillances du marché libre. Cette partie du coûts de ces réseaux, y compris les surcoûts de
marché sera réglementée et exclusivement assurée par recherche et de développement nécessaires à
l’ONE dans un premier temps, et gérée par le l’accroissement des capacités de transport des
dispatching national. lignes électriques, en particulier de celles desti-
Le service de garantie de puissance consiste à nées à l’interconnexion avec les pays voisins.
garantir une réserve de puissance disponible et – Le coût relatif au montant des dépenses impu-
susceptible d’être appelée à tout moment pour tables aux missions de service public assignées à
corriger les écarts de programmation. Le tarif relatif l’ONE, dénommé «CTC», coût de transition à
à ce service, dénommé «TGP», tarif de garantie de la concurrence. Ce coût représente les frais que
puissance, serait réglementé et payé par l’ensemble doit supporter, pendant une période transitoire,
des clients éligibles. le client éligible pour participer à la prise en
Le service de secours consiste à fournir de charge des coûts échoués et au maintien de l’équi-
l’énergie électrique, à un tarif réglementé dénommé libre financier du secteur. Il sera déterminé de telle
« TFS », tarif de fourniture de secours, à un client sorte que le financement du PERG soit pris en
éligible quand ce dernier ne trouve aucun fournisseur charge par l’ONE (mais pas par sa filiale de
sur le marché libre. distribution) et que le tarif domestique, notam-
ment la tranche sociale, ne soit pas augmenté.
Le cadre réglementaire – Le tarif de fourniture d’électricité aux clients non
et la tarification éligibles, «TPP», tarif public de production.
Les dispositions de la loi no 06-99 relative à la liberté – Les TGP et TFS, service et produit qui assurent
des prix et de la concurrence, promulguée par le dahir la continuité de fourniture au marché libre en
no 1-00-225 du 5 juin 2000, s’appliqueront aux tarifs palliant toute défaillance imprévue.
de vente de l’électricité aux clients éligibles et non éli- Les décisions sur les tarifs mentionnés ci-dessus
gibles, aux tarifs de cession de l’électricité aux distri- sont prises par:
buteurs, aux tarifs de secours et de garantie de puis-
– le premier ministre, sur proposition de la Com-
A c t e s

sance et aux tarifs d’utilisation des réseaux publics de


transport et de distribution. Ces mêmes dispositions mission des prix, pour le CTC, le TPP et les
s’appliqueront aux plafonds de prix qui peuvent être tarifs publics de vente de l’électricité aux clients
fixés pour la fourniture d’électricité aux clients finals et aux distributeurs;
éligibles.
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Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

– le premier ministre, sur proposition de la Com- d’exploitant, cette autorisation ne peut être trans-
mission des prix et après consultation du Conseil férée au nouvel exploitant que par décision du
de la concurrence, pour le tarif d’utilisation du ministre chargé du secteur.
réseau public de transport, le TT, le tarif d’utilisa-
En cas d’insuffisance d’offres spontanées de la
tion du réseau de distribution, le TDMT et le
part des producteurs privés, l’État, à travers le mi-
TDBT, en zones de distribution publiques
nistre chargé du secteur, chargera l’ONE de réaliser
(ONE et régies), le TGP et le TFS;
l’ouvrage relatif à la capacité requise, conformément
– les collectivités locales et les autorités de tutelle, à ses prérogatives de garant du développement
après consultation du Conseil de la concurrence, équilibré de l’approvisionnement et dans le respect
pour les tarifs TDMT et TDBT dans les zones de des objectifs de la programmation pluriannuelle des
distribution concédées aux privés. investissements de production. Cet ouvrage sera
autorisé à opérer sur le marché libre.
Dispositions complémentaires
Dans cette nouvelle organisation, il faut mentionner, Éligibilité des clients au marché libre
en outre, les dispositions complémentaires qui suivent. de l’électricité
Dans un premier temps, l’éligibilité concernera les
Investissements de production plus grands consommateurs finals de l’électricité,
Il appartient à l’État de définir et de mettre en œuvre pour lesquels le prix de l’électricité constitue un
la programmation pluriannuelle des investissements élément notable de compétitivité et, par conséquent,
de production, conformément aux objectifs et à la un critère important dans les décisions d’investisse-
stratégie énergétique définis par les pouvoirs publics. ments et de création d’emplois. L’ouverture touchera
progressivement le reste des gros consommateurs,
Cette programmation se fera sur la base de la
pour in fine permettre à l’ensemble des clients
planification de l’ONE qui tient compte des objec-
nationaux alimentés en THT, en HT et en MT, à
tifs de répartition des capacités en fonction des
l’exception des distributeurs, d’accéder au marché
sources d’énergie primaire et des techniques de pro-
libre de l’électricité.
duction à mettre en œuvre, tout en laissant une place
aux productions décentralisées, à la cogénération et Une loi mentionnera l’étape finale du processus
aux technologies nouvelles. Dans un souci de de libéralisation quant à la définition de l’éligibilité,
transparence, cette planification fera l’objet d’un c’est-à-dire tous les clients THT, HT et MT.
rapport annuel au gouvernement. Le ministre chargé de l’Énergie assure la régle-
L’autorisation de construire et d’exploiter les mentation de l’éligibilité, met à jour et publie dans
nouvelles installations de production est délivrée par le Bulletin officiel la liste des clients éligibles. Tout
le ministre chargé du secteur, selon des critères consommateur répondant aux critères peut faire
d’octroi portant sur la sécurité et la sûreté des réseaux valoir son éligibilité.
publics d’électricité, la nature des sources d’énergie Compte tenu de l’évolution de l’offre et de la
primaire, l’efficacité énergétique, le respect de l’envi- demande telle qu’elle se présente dans la planifica-
ronnement et les capacités techniques, économiques tion de l’ONE, l’ouverture du marché est envisagée
et financières du candidat ou du demandeur. Les pro- comme suit:
ducteurs privés qui investiraient dans la production
pour le marché libre seront soumis aux servitudes du – En 2004, tous les clients industriels alimentés en
A c t e s

service public. THT et en HT, ce qui représente 83 clients et


18% de la demande nationale;
L’autorisation de construire et d’exploiter est
nominative et incessible et, en cas de changement

170
Les retours d’expérience

– En 2005, tous les clients alimentés en THT, en Mécanismes de régulation


HT et en MT et dont la consommation est Des mécanismes de régulation devront garantir que
supérieure ou égale à 5 GWh, ce qui représente service public et concurrence se conjugueront au
290 clients et 30% de la demande nationale; mieux, au bénéfice de tous les consommateurs
– En 2007, tous les clients alimentés en THT, en d’électricité.
HT et en MT et dont la consommation est
L’État conserve ainsi la responsabilité de définir
supérieure ou égale à 2 GWh, ce qui représente
et d’appliquer des choix de politique énergétique, de
780 clients et 38% de la demande nationale;
garantir les missions de service public et de veiller à
– En 2009, tous les clients alimentés en THT, en leur bon accomplissement, de définir la réglemen-
HT et en MT et dont la consommation est tation technique générale de l’électricité et de veiller
supérieure ou égale à 1 GWh, ce qui représente à la sécurité et au bon fonctionnement du secteur. Il
1460 clients et 43% de la demande nationale; met en place les mécanismes de régulation compa-
– En 2011, tous les clients alimentés en THT, en tibles avec l’organisation des pouvoirs au Maroc.
HT et en MT, ce qui représente 11750 clients et
Les mécanismes de régulation seront confiés:
53% de la demande nationale.
– au premier ministre pour la fixation des tarifs
Un client éligible est libre d’acheter sa consom-
réglementés des services en monopole et la fixa-
mation directement sur le marché ou par l’intermé-
tion du seuil d’éligibilité;
diaire des sociétés exerçant l’activité d’achat et de
revente de l’électricité. Les sociétés souhaitant exercer – au ministre chargé du secteur pour l’attribution
l’activité d’achat et de revente aux clients éligibles des licences aux producteurs privés et l’attri-
(trading) devront obtenir une autorisation renou- bution des autorisations d’achat et de revente de
velable délivrée pour une durée déterminée par le l’électricité (trading);
ministre chargé du secteur. – à l’ONE pour la planification et la program-
mation des infrastructures de production;
Des contrats portant sur les conditions d’accès au
réseau et les modalités d’application de la tarification – au Conseil de la concurrence, conformément aux
d’utilisation seront conclus entre les gestionnaires et dispositions de la loi no 06-99 relative à la liberté
les utilisateurs de ces réseaux que sont les pro- des prix et de la concurrence, avec comme
ducteurs, les distributeurs et les clients éligibles. Les objectifs de:
contrats doivent être transmis au Conseil de la • veiller au bon fonctionnement des méca-
concurrence. Tout refus d’accès aux réseaux publics nismes de la concurrence: libre formation des
doit être motivé et notifié au demandeur et au prix par le jeu de la concurrence, libre accès
Conseil de la concurrence, chargé de l’arbitrage des au marché, transparence et loyauté dans les
litiges. Les critères de refus doivent être objectifs, non relations commerciales, renforcement des
discriminatoires et fondés sur des impératifs de bon règles d’information du consommateur;
accomplissement des missions de service public et • arbitrer et régler les litiges;
des motifs techniques liés à la sécurité, à la sûreté des • diligenter les enquêtes et les propositions de
réseaux et à la qualité de leur fonctionnement. sanctions.
Un décret précisera les modalités d’application de Pour accomplir cette mission, le Conseil désigne
ces dispositions ainsi que les procédures d’établis- une commission spécialisée qui se réunit au moins
A c t e s

sement des contrats. deux fois par an, sans qu’elle soit érigée en une
structure administrative permanente.

171
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Adaptation de l’ONE au nouveau contexte Conclusion


L’objet légal de l’établissement public de l’ONE doit Le système électrique marocain est, comme on l’a vu,
être adapté au nouveau contexte économique et au dominé par un établissement public, l’Office
développement attendu de ses activités. Cette adap- national de l’électricité (ONE). Si, par son statut
tation concerne l’évolution des missions principales d’acheteur unique, il détient le monopole du trans-
de l’ONE ainsi que le développement de missions port de l’électricité, il n’est pas moins présent, pour
nouvelles, en tenant compte des contraintes particu- ne pas dire omniprésent, dans la production et dans
lières s’imposant à l’établissement public pour assurer la distribution de l’énergie électrique aux côtés
le traitement équitable des acteurs en présence. d’opérateurs privés d’envergure internationale –
L’ONE garde le statut d’établissement public et cantonnés en amont de la production et en aval de
continue à assurer les missions du service public de la distribution.
l’électricité sous le contrôle de l’État. Il doit restruc- Cette organisation n’est pas sans poser des ques-
turer son activité industrielle par la création de filiales tions aux orthodoxes de la libéralisation des services
ayant un statut de sociétés anonymes qui, chacune collectifs, qui remarquent, outre la préférence du
dans son domaine d’activité et dans le marché où elle système d’acheteur unique à celui de l’accès des tiers
est appelée à opérer, doivent fonctionner selon les au réseau, le manque de concurrence et la faiblesse
règles et les dispositions en vigueur. des organes de régulation mis en place par le gouver-
Les réseaux actuels de transport et de distribution nement marocain.
de l’ONE resteront sa propriété et continueront à Les choses doivent, à nos yeux, être considérées
figurer dans ses actifs. Compte tenu de l’organisation de manière différente à l’aune des situations préoccu-
proposée du marché, l’ONE doit créer les filiales pantes d’autres pays africains pour ce qui concerne
suivantes: la réorganisation de leur secteur électrique et la
– Une filiale « ONE Production Privée », exclusi- privatisation de leur société nationale d’électricité.
vement dédiée au marché libre. Cette filiale com- Le Maroc, dans la droite ligne des tenants du
portera les centrales thermiques de Mohammedia service public, a su faire la part des choses entre
(600 MW), de Kenitra (300 MW) et de Jerada collectivité publique organisatrice et opérateurs –
(165 MW). publics ou privés – chargés de gérer le service
– Une filiale « ONE Production Publique », des- collectif. L’introduction du partenariat public-privé,
tinée surtout au marché réglementé et autorisée dans ses différentes modalités – seul moyen de
à opérer sur le marché de secours et de garantie développer le système électrique dans des délais
de puissance du marché libre de l’électricité. compatibles avec l’évolution du pays – a répondu
Cette filiale comportera les centrales hydroélec- pleinement aux autres objectifs de «fiabilisation» de
triques, les turbines à gaz et la STEP d’Afourer. la fourniture d’électricité et de baisse de son coût.
– Une filiale «ONE Distribution». Par ailleurs, dans le domaine de l’électrification
– Une filiale «ONE Transport», gestionnaire du ré- rurale, talon d’Achille de beaucoup de pays africains,
seau public de transport et du dispatching national. le Maroc a su concilier l’intervention du secteur pri-
– Une filiale «ONE Services», chargée du dévelop- vé avec une contribution de la collectivité publique à
pement de missions nouvelles, comme les télé- ce type d’infrastructure – mesure nécessaire et indis-
communications et le trading. pensable pour réussir l’aménagement du territoire
A c t e s

afin de freiner l’exode rural et de favoriser l’accès


– Une filiale «ONE International», qui permettra à pour tous aux services essentiels.
l’ONE d’intervenir dans d’autres marchés en parte-
nariat avec des sociétés africaines ou internationales.

172
Les retours d’expérience

Dans cette réorganisation, l’architecture du sys- Bibliographie


tème de régulation fait pour l’instant l’impasse sur la Benhima, D., «Les réformes du secteur électrique: Le
création d’une autorité administrative indépendante, cas du Maroc», Liaison Énergie-Francophonie, IEPF,
répartissant les tâches entre l’État et l’ONE, d’une 1999, no 44, p. 33-35.
part, et le Conseil de la concurrence comme gen-
darme des prix et de la libre concurrence entre Benhima, D., « Le secteur électrique entre réforme et
contraintes », Liaison Énergie-Francophonie, IEPF,
opérateurs, d’autre part. Ce rôle du Conseil de la
2001, no 50, p. 11-14.
concurrence est bien le sien dans un marché où la
concurrence, sans être «pure et parfaite» est, de fait, Bouayad, B., « Privatisation du secteur de l’électricité
patente. Il en est tout autrement en ce qui concerne au Maroc: évaluation à l’aide de l’approche du vote
le domaine des services collectifs, où le poids de majoritaire », colloque international du réseau
l’opérateur historique est aussi prégnant. MONDER (Mondialisation, Énergie, Environne-
ment), Paris, juin 2001.
À l’image des économies anglo-saxonnes, d’autres
pays européens – fervents défenseurs du service Chevalier, J.-M., Les grandes batailles de l’énergie: petit
public et de la prééminence de l’État sur l’écono- traité d’une économie violente, Gallimard, Paris,
mique – ont été convaincus de la pertinence de la 2004.
création de commissions indépendantes de régu- Defeuilley, C., «Services urbains, les enjeux de la délé-
lation sectorielles. Ces instances de régulation ont gation » in Financement des infrastructures et des
pour rôle de stimuler la concurrence lorsque le services collectifs, s/dir. Jean-Yves Perrot, Presses de
marché est dominé par un opérateur historique – la l’école nationale des Ponts et Chaussées, 2001.
plupart du temps issu d’un monopole public – afin Fassi-Fihri, A., « L’énergie en milieu rural et la mon-
de permettre l’arrivée de nouveaux entrants sur le dialisation : Cas du Maroc », Liaison Énergie-
marché. Francophonie, IEPF, 2001, no 50, p. 24-28.
N’oublions pas de mentionner, en revanche, que Institut de la Gestion Déléguée, « La régulation des
l’ONE est considéré, au regard des standards interna- services publics locaux », Actes de la table ronde
tionaux, comme une entreprise très efficace. Il figure présidée par Claude Martinand, président de
parmi les entreprises d’électricité les mieux gérées des Réseau ferré de France, Paris, février 2000.
pays du continent africain et est en mesure de devenir Institut de la Gestion Déléguée, «La place de la gestion
un acteur international de l’électricité. déléguée dans le secteur de l’électricité au lendemain
de la loi du 10 février 2000», rapport du groupe de
travail (coordination des travaux Levy D.).
Levy, D., « La situation du secteur énergétique au
Maroc», rapport pour la Commission européenne
dans le cadre du projet MEDA-REC, 2002.
Levy, D., «Les grands services en réseau: électricité et
télécommunications », in Financement des
infrastructures et des services collectifs, s/dir. Jean-Yves
Perrot, Presses de l’école nationale des Ponts et
Chaussées, 2001.
A c t e s

Lorrain, D., « Multiutilité à Casablanca », Centre


d’Études des Mouvements Sociaux, CNRS/
EHESS, juin 2002.
ONE, www.one.org.ma
173
La réforme du secteur électrique en Roumanie1
Cristina CREMENESCU
Chef du service de la réglementation et du marché concurrentiel
ENEL Servicii SRL
Bucarest, Roumanie

Présentation générale Le secteur électrique européen


de la Roumanie à la fin du XXe siècle – Situation,
La Roumanie est située au sud-ouest de l’Europe évolution et perspectives
centrale, dans l’espace géographique délimité par les Au cours de la dernière décennie du XXe siècle, le
montagnes Carpates, le Danube et la mer Noire. Elle monde entier a traversé un processus de libéralisation
a une superficie de 238391 km2 (92043 mi2), ce qui des marchés énergétiques. Il est clair que des méca-
fait de la Roumanie le 12e pays en Europe en super- nismes spécifiques du marché sont nécessaires pour
ficie. Sa population est de 22430500 habitants. Sa assurer une allocation efficace des ressources.
capitale est Bucarest.
Le mouvement de globalisation de l’économie
La Roumanie est bordée au nord et au nord-est mondiale, très rapide, s’est bien sûr répercuté sur le
par la Moldavie et l’Ukraine, au nord et au nord- secteur de l’industrie énergétique. Cela a constitué
ouest par la Hongrie, à l’ouest et au sud-ouest par la une menace directe aux marchés protégés et
Serbie, au sud par la Bulgarie et au sud-est par la mer inefficaces.
Noire.
Les forces motrices du marché global d’électricité
Figure 15.1 sont l’efficience, la concurrence, la propriété privée
La Roumanie et le flux international de capital.
L’Union Européenne, par son Livre blanc2 nom-
mé «Développement, compétitivité et l’embauche de
la main-d’œuvre – Les défis et les voies pour entrer
dans le 21e siècle », concentre sa politique énergé-
tique sur l’intégration du marché, la concurrence
(décentralisation) – surtout dans les secteurs de
production de l’énergie – et sur la réduction de
l’intervention de l’État. La politique énergétique a
créé le fondement pour la protection des intérêts du
public et du consommateur, ainsi que pour la forma-
tion d’un système de développement autosoutenu.
On a identifié aussi les principales contraintes : un
nationalisme économique malsain, les subventions
gouvernementales, l’opposition des syndicats, une
A c t e s

certaine inquiétude relativement à la sécurité de la


fourniture et l’évolution des prix.
1. L’article a été écrit en 2003 et présente la réforme du sec-
teur électrique en Roumanie à cette date. Depuis, les choses 2. COM (93) 700, décembre 1993.
ont évolué, mais pas toutes dans le sens prévu.
175
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

La naissance de l’Europe «électrique» remonte à Juin 1996 a marqué une nouvelle étape impor-
la création de l’UNIPEDE (Union Internationale tante et sans doute décisive dans la construction du
des Producteurs et Distributeurs d’Énergie Élec- marché unique européen de l’énergie : réunis au
trique) en 1925, puis aux nombreuses initiatives de Luxembourg, les ministres de l’Énergie des pays de
coopération dont la plus spectaculaire reste sans l’Union Européenne ont adopté à l’unanimité «une
doute la réalisation du plus grand réseau électrique position commune » instituant la libéralisation
interconnecté du monde, celui de l’Union pour la partielle et progressive du marché de l’électricité en
Coordination du Transport de l’Électricité (UCTE). Europe4.
L’UCTE a été fondée en 1951. Une adaptation En 1996, le Parlement européen et le Conseil de
de ses statuts en a fait, depuis le 1er janvier 1997, l’Union Européenne ont arrêté la Directive
l’organisation opérationnelle où se définissent les 96/92/CE5 concernant les règles communes pour le
règles du jeu à caractère technique qui sont néces- marché intérieur de l’électricité. Cette directive a
saires au fonctionnement correct de l’interconnexion apporté d’importantes contributions à la création
entre les réseaux de ses membres. Ses membres sont d’un marché intérieur de l’électricité.
des entreprises partenaires de l’interconnexion Le secteur électrique européen présente deux
électrique en fréquence synchrone qui touche une caractéristiques majeures: il évolue rapidement et il
vingtaine de pays. reste complexe, c’est-à-dire qu’il est « raplex ». Son
L’UCTE a pour objet la coordination des sys- ouverture à la concurrence ne peut se réaliser sans
tèmes électriques de ses membres, notamment en ce précautions spéciales ni sans respecter les spécificités,
qui concerne la fiabilité des interconnexions ; elle souvent historiques, de l’organisation adoptée par
établit des conditions techniques et organisation- chaque pays.
nelles facilitant les échanges d’énergie au sein de son Les principaux obstacles à l’achèvement du mar-
système électrique, elle favorise les échanges d’expé- ché sont liés à des questions d’accès au réseau, de
riences entre ses membres et elle coordonne les tarification et de degré d’ouverture6 des marchés
relations avec les autres grands systèmes électriques entre les États membres.
voisins.
En juin 2003, une nouvelle directive a été adop-
En ce qui concerne les institutions de l’Union tée afin d’établir un marché intérieur pleinement
Européenne, les premières directives sur les prix, le opérationnel. La Directive 2003/54/CE7 établit des
transit et la coordination des investissements énergé-
tiques sont apparues en 1989 et en 1990. Depuis, le
débat s’est concentré sur l’introduction de la concur- 4. Décision no 1254/96/CE du Parlement européen et du
rence en tenant compte de la nature spécifique du Conseil du 5 juin 1996 établissant un ensemble d’orien-
« produit électricité ». Le 1er juin 19953, le Conseil tations relatif aux réseaux transeuropéens dans le secteur de
l’énergie, JO no L 161 du 29 juin 1996.
des ministres de l’Énergie des 15 pays de l’Union
5. JO no L 161 du 29 juin 1996.
Européenne a adopté un texte qui réaffirmait que
6. Le degré d’ouverture représente le pourcentage de la con-
« l’un des objectifs de la directive sur le marché sommation des consommateurs éligibles (qui ont le droit
intérieur de l’électricité est le renforcement de la con- de changer le fournisseur d’électricité) dans la consom-
currence pour le bénéfice de tous les consommateurs mation totale. Par exemple, en Roumanie, initialement,
et qu’à cette fin, les systèmes électriques européens seuls les consommateurs qui avaient une consommation
d’au moins 100 GWh/an ont reçu le droit de changer de
doivent progressivement intégrer les mécanismes du fournisseur d’électricité, ce qui correspondait à 10 % de la
A c t e s

marché». consommation finale d’électricité.


7. JO C 176 E du 15 juillet 2003, p. 37 – Directive 2003/
3. COM (95) 682, décembre 1995 – Livre blanc – « Une 54/CE concernant des règles communes pour le marché
politique de l’énergie pour l’Union Européenne». intérieur de l’électricité.

176
Les retours d’expérience

règles communes concernant la production, le rentiel de systèmes techniques locaux (courant con-
transport, la distribution et la fourniture d’électricité. tinu ou alternatif, éclairage électrique ou au gaz). Les
Elle définit les modalités d’organisation et de fonc- installations de production et de distribution de
tionnement du secteur électrique, l’accès au marché, l’électricité provenaient de plusieurs initiatives: celles
les critères et les procédures applicables en ce qui con- de l’État, des mairies, ou celles des investisseurs privés.
cerne les appels d’offres et l’octroi des autorisations, Ces activités ont été concentrées en unités techniques
ainsi que l’exploitation des réseaux [article 1]. et commerciales de plus en plus grandes, le but prin-
On note en particulier les règles suivantes: cipal étant celui de réduire les coûts de production.
Par exemple, en 1939, 229 entreprises étaient
1. Les autorités de régulation nationales doivent engagées dans le domaine de la fourniture d’électri-
garantir l’existence de conditions d’accès au cité, dont 113 sociétés privées et concessionnaires,
réseau non discriminatoires. 85 services et sociétés des mairies, 10 régies commer-
2. Les gestionnaires indépendants des réseaux de ciales publiques et 7 administrations étatiques.
transport (GRT) et de distribution (GRD)
doivent disposer de droits effectifs de prise de Sous le régime communiste :
décision en ce qui concerne leur entretien, leur de 1945 à 1989
exploitation et leur développement. L’avènement du régime communiste après la
3. Les tarifs de transport et de distribution sont Deuxième Guerre mondiale a marqué un tournant
approuvés par les autorités de régulation, sur la dans l’organisation du secteur électrique. Tout
base d’une proposition du gestionnaire du réseau. d’abord, l’ensemble du système électrique de la
Les tarifs sont non discriminatoires et reflètent Roumanie, de la production jusqu’à la fourniture
les coûts de façon juste et raisonnable. d’électricité, a été nationalisé.
Un autre aspect important de la nouvelle direc- Entre 1948 et 1950 existaient trois systèmes
tive concerne le respect des obligations de service électriques de petite dimension et un grand nombre
public, qui peuvent porter sur la sécurité, la sécurité de réseaux de distribution (figure 15.2).
d’approvisionnement, la régularité, la qualité et le
prix de la fourniture, la protection de l’environne- À partir des études et des recherches effectuées
ment, y compris l’efficacité énergétique et la protec- entre les deux guerres mondiales, on a élaboré le
tion du climat [article 3]. «Plan de l’électrification et de l’utilisation de l’eau»,
qui a été mis en œuvre entre 1950 et 1960.
Le secteur électrique en Roumanie L’objectif de ce plan était la réalisation du Sys-
avant la restructuration tème Électrique National. Des interconnexions ont
L’évolution du secteur électrique en Roumanie est été réalisées à l’intérieur du pays. En 1960, le réseau
marquée par les grandes étapes suivantes: l’émergence de transport et de distribution de l’électricité a
du secteur jusqu’à l’avènement (ou la révolution) couvert l’ensemble de la Roumanie.
communiste, le régime communiste, la chute du La configuration du secteur électrique roumain
communisme en 1989 et la restructuration du secteur en 1970 est présentée dans la figure 15.2.
en 1998.
Le régime communiste a centralisé la politique
économique de la Roumanie sur le développement
L’émergence du secteur électrique : industriel, particulièrement sur des technologies
A c t e s

jusqu’en 1947 ayant une grande intensité énergétique et matérielle.


Le secteur de l’énergie électrique en Roumanie était, Le secteur énergétique s’est développé sur un fond
à ses débuts, libéral, avec un développement concur- assez confus et désorienté, et sous un fort contrôle

177
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Figure 15.2
La structure du système électrique en 1950

Figure 15.3
La structure du système électrique en 1965
A c t e s

178
Les retours d’expérience

central de l’État qui accordait peu de considération La RENEL détenait dans son portefeuille de pro-
au marché. Les activités dans le secteur de l’énergie duction des centrales hydroélectriques et thermo-
électrique et de la chaleur étaient sous la coordi- électriques8.
nation du ministère de l’Énergie électrique.
Le système a été conçu afin qu’il fonctionne en Tableau 15.1
synchronisation à l’interconnexion de la Commission Puissance installée et production réelle
d’Aide Économique Réciproque (CAER) et de SEI – de la RENEL en 1994
Systèmes Électriques Interconnectés, par l’inter- Puissance Production
médiaire de quelques lignes électriques interna- installée en 1994
tionales: 2 de 110 kV, 1 de 220 kV, 3 de 400 kV, et (MW) (%)
1 de 750 kV. Toutefois, après 1983, le réseau national Centrales hydroélectriques 5840 28,21
roumain a été pratiquement isolé. Les importations Centrales thermoélectriques 14863 71,79
d’électricité à base contractuelle de l’ex-Union Charbon 8588 41,48
soviétique, totalisant 10 % de la consommation Hydrocarbures 6275 30,31
totale, alimentaient seulement quelques « poches »
isolées par rapport au réseau, connectées aux réseaux
électriques internationaux. En 1993, la RENEL détenait 59 centrales thermo-
électriques à base de combustibles fossiles. Les groupes
En l’absence de réserve, le système fonctionnait de condensation représentaient 80% de la capacité
avec des valeurs de fréquence réduites, entre 47,0 Hz totale à base de charbon et 45 % de celle à base
et 48,5 Hz, et cela a eu de très graves conséquences d’hydrocarbures. Les autres groupes fonctionnaient en
sur les installations du système électrique (de la cogénération. Seulement 20% de la puissance installée
production à la fourniture), mais également sur les du système énergétique avait moins de 15 ans; plus
installations industrielles. De graves dommages d’un tiers dépassait l’âge de 25 ans.
étaient provoqués chaque année, chez les consom-
mateurs d’électricité, à cause de certains débranche- Les différences de performances économiques des
ments manuels ou accidentels. C’est grâce aux groupes énergétiques individuels se reflètent dans la
ingénieurs en charge du système énergétique que la grande dispersion des coûts moyens pour l’énergie
Roumanie n’a pas connu de longues interruptions de électrique : de 0,9 cent US/kWh dans la princi-
fourniture de service pendant cette période-là. pale centrale hydroélectrique à approximativement
15 cents US/kWh dans le cas de quelques groupes
En conséquence de cette politique économique thermoélectriques obsolètes, dans les centrales
artificielle, la Roumanie enregistrait, en 1989 (date alimentées par combustible impropre ou dans celles
de la chute du régime communiste), une consom- ayant de grandes indisponibilités.
mation d’énergie primaire par habitant plus grande
que les valeurs de l’Italie et de la France à cause de La construction de la centrale nucléaire Cernavoda
l’inefficience du système, car les services, le transport a été initiée en 1990 afin d’augmenter la puissance
et même l’agriculture étaient peu développés. La con- installée de 3500 MW (5 ⫻ 700 MW). La techno-
sommation d’énergie de la population était très basse logie CANDU, qui utilise l’uranium naturel comme
en raison d’un système de rationnement très sévère. combustible et l’eau lourde en tant que modérateur et

8. Le contexte roumain nous oblige à utiliser l’expression


Chute du communisme – 1989 «centrales thermoélectriques » pour désigner la production
A c t e s

La Régie Nationale de l’Électricité (RENEL), créée d’électricité ou la production de l’électricité en cogéné-


après 1989, intégrait les activités de production, de ration à partir du thermique, et surtout pour les différencier
des « centrales thermiques » qui produisent seulement de
transport et de distribution de l’électricité et de la la chaleur.
chaleur.
179
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

agent de refroidissement, a été choisie. La construc- On peut synthétiser quelques particularités du


tion a connu plusieurs retards. Le Groupe no 1 a fina- secteur électrique roumain avant la restructuration:
lement été mis en service (commercial) le 2 décembre
1996. Le Groupe no 2 est complété à 35 %, et son Particularités techniques et géographiques
achèvement nécessitera 750 millions $US. • Un réseau de transport largement dimensionné,
Par ailleurs, entre les années 1990 et 1996, la assurant l’interconnexion des principales cen-
Roumanie a connu une grande diminution de la trales du pays.
consommation d’électricité. En 1996, la consom- • Un patrimoine existant en surcapacité, dont la
mation d’électricité était de 52,1 TWh, c’est-à-dire majeure partie est en mauvais état (environ
30% de moins qu’en 1990. La pointe hivernale du 20 000 MW de puissance installée, pour une
système énergétique a été de 9,2 GW, par rapport à demande limitée à 7000 MW).
une puissance réellement disponible de 14 GW. La • Des ressources naturelles concentrées dans la
puissance réellement disponible représentait seule- partie sud-est (80% du lignite et de l’hydraulique
ment 70 % de la capacité totale du pays, qui était au fil de l’eau).
alors de 20 GW (14 GW thermoélectriques, 6 GW • Une production en cogénération significative
hydroélectriques). La diminution de la consomma- (37% de la puissance thermique installée).
tion d’électricité et d’énergie thermique a continué
pendant la période 1997-1998, à cause des effets du Particularités culturelles et institutionnelles
programme de la restructuration de l’économie.
Cette décroissance a d’ailleurs accru la crise écono- • Une culture marchande affaiblie par 40 années
mique et financière du pays. d’économie centralisée et la persistance d’une
situation de crise depuis 10 ans.
La RENEL a fonctionné dans un environnement • Un pouvoir central fort face à des pouvoirs lo-
protégé, fort contrôlé par l’État, et en se préoccupant caux historiques (régions et municipalités) en
peu des mécanismes du marché. En conséquence, les pleine mutation (les municipalités commencent
décisions ont été prises en considérant les aspects seulement à prendre une certaine légitimité).
politiques et techniques et non sur une base écono-
mique ou commerciale ; les effets ont été négatifs, Particularités de la demande
autant pour les consommateurs que pour le secteur
• Une demande essentiellement industrielle (80%
énergétique en général.
de l’énergie est vendue au secteur industriel, qui
Notamment, la tarification de l’électricité et de la présente également une très forte intensité éner-
chaleur subventionnée a généré un flux de trésorerie gétique; les 30 plus gros clients représentent un
(cash-flow, en anglais) insuffisant pour assurer l’exploi- quart de l’énergie vendue dans le pays).
tation et la maintenance des installations ainsi que • Une part significative des dysfonctionnements de
pour assurer le développement du secteur. Cela a la RENEL résulte de l’absence de toute référence
également engendré une utilisation inefficace de aux principes d’économie de marché.
l’énergie électrique. La Roumanie était alors parmi les
• Une absence de pression de la clientèle due aux
pays présentant la plus grande intensité énergétique.
habitudes héritées du passé (quotas, politique
Ces décisions ont eu comme résultat un secteur énergétique, pilotage par les flux physiques).
de l’énergie électrique caractérisé par des équipe- • Une politique d’élaboration des tarifs qui ne fait
ments obsolètes, par un grand besoin d’investis-
A c t e s

pas assez référence aux coûts et qui peut générer


sements, par une culture non commerciale et par des pertes, les recettes étant plus faibles que les
peu de considération pour le client (consommateur). coûts, car les tarifs sont trop subventionnés.

180
Les retours d’expérience

• Des décisions d’investissement prises sans réfé- moyens nécessaires pour créer du jour au lendemain
rences économiques et financières fiables (les un marché concurrentiel.
engagements de travaux de capacité de produc-
Ainsi, les grandes étapes de la réforme institu-
tion engloutissent toutes les ressources financières
tionnelle sont les suivantes:
de la RENEL).
• Un management qui ne fait pas référence à 1) Restructuration du secteur (1998).
l’efficacité économique et qui induit une culture 2) Création de l’Autorité nationale de réglemen-
managériale déresponsabilisante. tation de l’énergie9 (opérationnelle en 1999).
3) Libéralisation du secteur électrique (à partir de
La réforme du secteur électrique 2000).
en Roumanie
La restructuration du secteur électrique en La restructuration du secteur
Roumanie a pour finalité l’intégration du marché de La réforme en Roumanie a commencé en 1998 avec
l’électricité roumain à celui de l’Union Européenne. la restructuration de la RENEL en plusieurs entités.
Ainsi, les changements de structure doivent induire
une transformation des comportements des acteurs; La Compagnie Nationale de l’Électricité (CONEL)
les décisions autrefois basées sur des considérations a été créée par la Décision du Gouvernement
techniques devront maintenant être induites selon no 365/3.07.1998 (figure 15.4).
un comportement économique. Pour ce faire, de La CONEL comprend trois filiales:
nouveaux modes de relations fondés sur des méca-
– Electrica – distribution et commercialisation de
nismes contractuels qui font référence à des systèmes
l’électricité;
prix/qualité devront être introduits.
– Termoelectrica – production d’électricité et de
La réforme institutionnelle et la réorganisation chaleur par les centrales thermoélectriques;
du secteur qui en découle ne pourront se faire que
– Hidroelectrica – production d’électricité dans les
progressivement. Après 40 ans d’économie centra-
centrales hydroélectriques.
lisée, le pays n’avait ni les ressources humaines, ni les

Figure 15.4
La restructuration de la Régie Nationale de l’Électricité (RENEL)

CO N E L
Electrica
R E N EL
Hidroelectrica

Termoelectrica

Nuclearelectrica

Govora Romag
A c t e s

9. Traduction du roumain : Autoritatea Nationala de Regle-


mentare in domeniul Energiei.

181
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

La production nucléaire de l’électricité a été aussi activités de transport de l’électricité et la conduite du


séparée par la création de la société Nuclearelectrica système électrique ont été organisées, au sein de la
SA. CONEL, en huit succursales territoriales.
À l’occasion de cette restructuration, les deux En 2000, la restructuration du secteur a continué;
premiers producteurs indépendants, Govora et par la Décision du Gouvernement no 138/2000, on a
Romag, sont apparus. Il est à noter que le capital de réorganisé la CONEL pour faire apparaître la con-
ces deux producteurs est entièrement détenu par currence dans les segments de la production et de la
l’État. La centrale thermoélectrique de Govora distribution de l’électricité. En 2001, les filiales et les
fonctionne à base de lignite ; elle a une puissance succursales de la compagnie nationale étaient organi-
installée de 200 MW (2 turbines à vapeur à contre- sées comme des sociétés commerciales (figure 15.5).
pression de 50 MW chacune et 2 turbines d’extrac-
tion également de 50 MW chacune). Elle assure la L’Autorité Nationale de
chaleur pour la ville de Rm. Vâlcea et pour les con- Réglementation de l’Énergie
sommateurs industriels. La centrale thermoélectrique
Deux ordonnances ont vu à la création de l’Autorité
Romag fonctionne aussi à base de lignite; elle a une
nationale de réglementation de l’énergie (ANRE).
puissance installée de 200 MW (1 turbine à vapeur
à contre-pression de 50 MW et 3 turbines d’extrac- En 1998, l’Ordonnance d’Urgence no 63/
tion aussi de 50 MW chacune). Elle assure la chaleur 28.12.199810 concernant l’électricité et la chaleur a été
pour la ville de Drobeta Tr. Severin et aussi la vapeur publiée. Le but de cette ordonnance était d’assurer la
pour la préparation de l’eau lourde (nécessaire à la sécurité énergétique du pays et, en même temps, de
centrale nucléaire). créer un environnement institutionnel concurrentiel
dans le secteur énergétique. Elle établissait la défi-
La CONEL avait aussi l’obligation d’organiser
nition de l’autorité compétente devant assurer le cadre
l’activité des Opérateurs de Transport, du Système
institutionnel nécessaire à la mise en œuvre des direc-
(la conduite du réseau) et du Marché (opérateur
tives européennes. Finalement, cette ordonnance défi-
commercial). Alors, pour la première fois, on a
nissait également l’orientation générale de la politique
séparé le transport, la conduite du réseau (l’opérateur
énergétique, soit celle d’assurer la croissance de
du système électrique) et l’opérateur du marché. Les
l’efficacité énergétique.

Figure 15.5
La restructuration de la Compagnie Nationale de l’Électricité (CONEL)

TTrannsselleeccttriiccaa T ra n s e lectric a
C ON EL OPPCO
OMM O PC O M

E lec trica 2 00 0 EElleecttrriicca


2 00 1
E l1 E l2 E l3 … E l8
H id roe le ctrica
Hi drooelleeccttrriiccaa
H
Te rm oele ctric a H id roe le ctrica
TTe rm
mooelleeccttrriiccaa
T erm oe l
N u clear elec tric a N u cle arre leeccttrriiccaa
Nu c lea rele c tric a
G ov ora R om a g G ov ora R
Room
maagg
G ov ora R om a g
El = Electrica
A c t e s

10. Elle a été approuvée en juillet 2003 par la loi no 318 de


l’électricité.

182
Les retours d’expérience

Figure 15.6
Allocation des revenus
FONCTIONNEMENT DU
SYSTÈME ÉLECTRIQUE DEMANDE ESTIMÉE ET REVENUS

D ISTR IB U TIO N / C O M M ERC IA LISA T IO N

TR A N SPO R T / D ISPA TC H ER

PR O D U C TIO N D ÉPEN SES R EV EN U S C O N SO M M A TEU R S


- TER M O ELECT R IC A S.A.
- H ID R O ELEC TR IC A S.A .
- N U C LEAR ELEC TR IC A S.A .
- PRODUCTEURS INDÉPENDANTS
- IM PO R T / E XPO R T

NON D ÉPEN SES < R E V EN U S O UI

SION POLITIQUE
Décision politique

PR O D U C T EU R S IN D E PEN D AN TS ALLOCATION DES REVENUS

EXPO R T / IMPO R T

N U C LEAR ELEC T R IC A

MO EL EC TR IC A H ID R O ELEC TR ICA TRANSPORT / DISTRIBUTION /


DISPATCHING COMMERCIALISATION

PRIX ET QUANTITÉS TARIF DE TRANSPORT ET TARIF DE DISTRIBUTION


PORTEFEUILLE DE CONTRATS DES SERVICES AUXILIAIRES
pxQ

La même année, l’Ordonnance d’Urgence no 29/ L’allocation des revenus


22.10.199811 créait l’Autorité Nationale de Régle- La règle pour l’allocation des revenus par entité a
mentation de l’Énergie (ANRE), qui est devenue également été établie (figure 15.5). Pour la première
opérationnelle au printemps 1999. La mission de fois, les revenus étaient répartis selon des critères
l’ANRE est la définition et la mise en œuvre du sys- objectifs et non pas selon des priorités subjectives.
tème des régulations nécessaire au fonctionnement
du marché sur les plans de l’efficience, de la concur- Le portefeuille de contrats : les distributeurs/
rence, de la transparence et de la protection des fournisseurs achètent l’électricité de différents pro-
consommateurs. ducteurs et gèrent donc un portefeuille de contrats.

La réglementation d’intérêt général est publiée La procédure pour la détermination des prix et
dans la Gazette nationale et, pour assurer le déploie- des quantités d’électricité des contrats de portefeuille
ment de l’information, toute la réglementation est a établi également les modalités d’allocation, à chacun
publiée sur le site Internet de l’ANRE, à l’adresse des opérateurs du marché, des revenus totaux pro-
www.anre.ro. venant de la vente d’électricité aux consommateurs
finals. Cette procédure tient compte des restrictions
A c t e s

prévues dans le Code commercial (par exemple, pour


11. Approuvée avec des modifications et des compléments par
la production, la consommation de charbon, le
les lois no 99/8.06.2000 et no 789/29.12.2001. fonctionnement des groupes de cogénération et des

183
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

centrales hydroélectriques au fil de l’eau. L’électricité – le marché concurrentiel – des contrats bilatéraux
ne pouvant pas être stockée, elle est utilisée en priorité avec des quantités et des prix négociés, habituel-
dans le marché). lement entre les producteurs et les consommateurs
éligibles16, et le marché au comptant (la bourse).
Marché de gros de l’électricité En même temps, les codes techniques pour les
Le Code commercial du marché de gros de l’élec- réseaux électriques de transport et de distribution
tricité, approuvé en juillet 1999, établit les relations ont été préparés. Les demandes techniques pour
commerciales sur ce marché. Il définit l’organisation assurer le fonctionnement économique du système
générale, les mécanismes de fonctionnement du sur les plans de la sûreté, de la fiabilité et de la stabi-
marché (notamment une procédure de répartition de lité ont alors été établies.
la production par ordre de mérite) et les critères La figure 15.7 présente les arrangements com-
d’éligibilité de participation au marché pour les merciaux à la fin de 1999.
consommateurs et les producteurs. Le Code établit
également le rôle de l’Opérateur du Marché en tant
qu’administrateur du marché. Finalement, il précise Délivrance des licences
les droits et les responsabilités des agents écono- et des autorisations
miques concernés: L’ANRE a rédigé le projet «Règlement pour la déli-
vrance des licences et des autorisations » qui a été
– l’accès au marché; approuvé par la Décision du Gouvernement no 567/
– les contrats; 1999. Les licences précisent les activités et respon-
– les paiements; sabilités des entités. Seules les licences pour l’activité
– les règlements techniques obligatoires du système de commercialisation de l’électricité et de la chaleur
électrique; ont été délivrées pour huit années ; les autres ont
– les disputes; 25 années de validité. La remise des licences a
commencé en 1999 et, en 2002 plus de 550 licences
– le partage du risque. et autorisations avaient été délivrées (tableau 15.2).
Le marché de gros a été structuré en deux Les agents sous licence ont l’obligation de
composantes: présenter à l’ANRE un rapport financier annuel en
– le marché réglementé – il couvrait initialement conformité à la procédure émise par l’ANRE.
90% de la demande finale et était réglementé par
les contrats-cadres: de portefeuille12, de type CAE13,
de transport14, pour les services auxiliaires15 ;

12. Contrat conclu entre un producteur (qui détient plusieurs


unités de production: SC Hidroelectrica SA et SC Termo-
electrica SA) et le fournisseur (en même temps distribu-
teur – SC Electrica SA), qui décrit, pour chaque intervalle
de temps prédéfini, les quantités totales (Q) et les prix 14. Conclus entre les producteurs et l’Opérateur de Transport
d’achat/vente (p) de l’électricité. Les quantités étaient déter- (GRT), pour le service de transport de l’électricité.
minées avec le logiciel Powrsym, qui assurait l’optimisation 15. Conclus entre les producteurs et l’Opérateur de Système
économique du fonctionnement du système. Les contrats, pour assurer (a) la compensation des pertes dans les
de long terme, sont définis sur cinq années, pour l’électricité réseaux, (b) la réserve, (c) le contrôle de fréquence et (d) la
vendue sur le marché réglementé. Les prix et les quantités puissance réactive.
A c t e s

sont déterminés et fixés au début de chaque année. 16. Le consommateur éligible (initialement les grands consom-
13. Contrat d’achat d’électricité (Power Purchase Agreement, en mateurs – voir le tableau 2), a le droit de choisir le four-
anglais) – contrat de long terme, conclu pour six années, nisseur et de contracter directement l’électricité, ayant accès
entre SC Electrica SA et SN Nuclearelectrica. aux réseaux de transport et de distribution.

184
Figure 15.7
Le marché en gros – les arrangements commerciaux

Services de transport Opérateur de Transport


et d e système Services de
Opérateur de Système transport
Opérateur du Marché Producteurs
Producteur indépendan ts
TERMOELECTRI CA
PPA
Fournisseur P P A / [ Q x p ] / l a b o u r se
Producteurs [Qxp]
indépendan ts
Producteur
[Qxp] Distr ibution
HIDROELECTRI CA Consommateurs
ELECTRI CA captifs
Fournisseur Fournitur e

PPA
Producteur Distr ibution
Consommateurs
NUCLEA RELECTRI CA captifs
Fournisseur Fourniture

Consommateurs éligibles

PPA / [Q x p] / la bourse

Pai e ments

La Compagnie Nationale de l’Électricité (CONEL)


Les retours d’expérience

A c t e s

185
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Tableau 15.2
Licences délivrées par l’ANRE entre 2000 et 2002
2000/2001/2002 Électricité Chaleur Total
Production 10 48 58
4 95 99
19 37 56
Transport 1 6 7
0 1 1
0 1 1
Conduite du réseau (1999) 1 1
0 0
0 0
Services auxiliaires 0 0
1 1
0 0
Administration du marché 0 0
1 1
0 0
Distribution 4 23 27
1 33 34
10 14 24
Commercialisation 14 49 63
13 91 104
30 31 61
Total partiel 30 126 156
20 220 240
59 83 142
Autorisations de mise en chantier 0 0 0
2 1 3
0 1 (cogénération) 1
Mises en service 0 0 0
1 0 1
1 1 (cogénération) 2
Autorisations d’exploitation 0 0 0
2 16 18
26 3+2 (cogénération) 31
Total partiel 30 126 156
25 237 262
86 90 176
Total (fin 2002) 141 453 594
A c t e s

186
Les retours d’expérience

L’accréditation des clients éligibles Depuis 2000, par la Décision du Gouvernement


L’ANRE a continué à élaborer le cadre réglementaire no 122/2000, le marché de gros de l’électricité est
nécessaire pour favoriser l’ouverture à la concurrence ouvert à la concurrence et n’a cessé d’évoluer
du marché de l’électricité. Elle a ainsi défini en 1999 jusqu’en 2002 (tableau 15.3).
le « Règlement pour l’accréditation des clients En 2002, parmi les pays en cours d’adhésion à
éligibles». l’Union Européenne, on a remarqué que le marché
de l’électricité de la Roumanie figurait parmi les plus
ouverts (figure 15.8).

Tableau 15.3
L’ouverture du marché de l’électricité en Roumanie
Décision du gouvernement Degré d’ouverture Consommation minimum
(Les Décisions du Gouvernement entrent en vigueur (pourcentage de la consommation d’électricité (pour être
à la date de publication dans la Gazette nationale) finale d’électricité) consommateur éligible)
No 122/2000, JO 77/21.02.2000 10% 100 GWh
o
N 982/2000, JO 529/27.10.2000 15% 100 GWh
No 1272/2001, JO 832/21.12.2001 25% 40 GWh
No 48/2002, JO 71/31.01.2002 33% 40 GWh

Figure 15.8
Le degré d’ouverture des marchés de l’électricité
dans les pays en cours d’adhésion à l’UE (2002)
75 100
Consommation minimum d’électricité (GWh)
64 90
Degré d’ouverture (%)
80
51 70
50
41 60
(GWh)

50
%

33
30 30
40
23
25 21
15 30

11 20
10
10

0 0
ie

ie

rie
ie

rie

ne

ie
uie
nie
ie

quie
Eston

n
n

n
Turqu

Polog
Hong
Bulga

Litua
Letto

Slové
q
a
Roum

Slova
slova
o
Tchéc

A c t e s

La consommation minimum d’électricité pour être un client éligible y est également présentée.
Source: Commission européenne, «Second benchmarking report on the implementation of internal electricity»17.

17. SEC (2003) 448, Bruxelles, 7.4.2003.


187
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Tarification et prix de l’électricité Le système de tarification en vigueur entre 1990


et de la chaleur et 1998 a permis deux types de subventions croisées
Après 1999, de nouvelles méthodologies tarifaires dans un objectif de protection sociale: des industriels
ont été mises en œuvre. Elles spécifient le mode de au bénéfice du consommateur résidentiel (20% pour
calcul des prix/tarifs en précisant les charges accep- l’électricité et 40% pour la chaleur) et, entre les deux
tées et les procédures d’ajustement. La tarification est produits, de l’électricité au profit de la chaleur.
basée sur le prix coûtant majoré18 : Malgré tout, les subventions ont eu des effets
– la production d’électricité et de chaleur – pour la négatifs sur les familles pauvres et les industriels. Les
production en cogénération, l’ANRE a établi la familles pauvres ont peu bénéficié du prix réduit de
règle de l’allocation des coûts entre l’électricité et l’électricité, car elles consomment peu d’électricité.
la chaleur; Les industriels, en payant plus cher l’électricité,
connaissent une compétitivité réduite. Les prix et les
– les tarifs de transport – les coûts du service sont
tarifs étaient ajustés seulement par rapport au taux
répartis entre les principaux points d’intercon-
de change ROL/USD.
nexion du réseau ; cette modalité de répartition
transmet des signaux corrects en ce qui concerne le Le nouveau système tarifaire de l’électricité a
développement du réseau, l’emplacement de nou- permis l’élimination des subventions croisées et il a
veaux producteurs ou de grands consommateurs; tenté de respecter le profil de la consommation (la
– les services auxiliaires – pour le contrôle de la valeur de la puissance consommée aux heures de
fréquence, pour la réserve de puissance et pour la pointe, la durée et la période de consommation).
puissance réactive; Pour la population (défavorisée) consommant
– la distribution – tarifs monômes (110 kV, postes moins de 60 kWh par mois, un tarif social a été intro-
110 kV-moyenne tension, lignes de moyenne duit (39,5% de la population bénéficie de ce tarif).
tension, postes moyenne-basse tension, lignes de Pour les consommateurs industriels, un nouveau
basse tension); tarif a été introduit, basé sur trois facteurs d’utili-
– la production nucléaire; sation de la puissance contractée, différenciés sur
– le service de l’opérateur du marché – le tarif est trois plages horaires.
établi en tenant compte du nombre d’unités
participantes au marché et de la valeur des La situation actuelle
transactions; En 2000, la production d’électricité était de
– le service de l’opérateur du système – le tarif est 51,9 TWh, soit 31 % de moins qu’en 1989, mais
établi en tenant compte du nombre d’unités qui 2,4% de plus qu’en 1999. En 2002, la production a
fournissent le réseau en électricité et de la augmenté à 55,2 TWh (tableau 15.4).
quantité d’électricité transportée sur le réseau.
Le coût de l’électricité fournie au consommateur Tableau 15.4
final représente la somme des coûts de production, La structure de la production
de transport, de distribution et de commercia- d’électricité (en %)
lisation. À la fin de l’année 1999, le prix pour les Production 2000 2001 2002
consommateurs résidentiels était de 50USD/MWh SC Termoelectrica SA 57 58,4 45,5
et, pour les industriels, de 37USD/MWh. SC Hidroelectrica SA 28,3 26,9 28,8
A c t e s

SC Nuclearelectrica SA 10,5 10,1 10


Autres producteurs 4,2 4,6 15,7
18. Équivalent françcais de cost plus margin. Total 51,9 TWh 53,9 TWh 55,2 TWh

188
Les retours d’expérience

La concurrence sur le marché n’était pas élevée Tableau 15.5


en 2001 alors que l’index Hirschman-Herfindahl L’évolution prévue de l’ouverture du marché
(HHI)19 était d’environ 4000 ; cela représente
Degré Consommation
2,5 sociétés équivalentes au niveau national. d’ouverture Date minimum d’électricité
À partir du début de 2003, la concurrence s’est 40% 31 décembre 2003 20 GWh
accrue sur le marché de l’électricité (figure 15.9), 55% 31 décembre 2004 1 GWh
en conséquence de l’apparition des producteurs 100% 30 juin 2005 pour les industriels
indépendants.
– la privatisation des opérateurs du marché – la
Conclusions récente «Feuille de route dans le domaine éner-
Depuis 1999, des pas importants ont été faits dans gétique», approuvée par la Décision du Gouver-
le cadre de la restructuration du secteur énergétique, nement no 890/29.07.2003, prévoit la privati-
et maintenant on s’affaire à la mise en œuvre de la sation de la distribution de l’électricité et de sa
stratégie de privatisation. Les prochaines actions production. La privatisation des deux premières
concernent: sociétés de distribution (SC Electrica Banat et SC
Electrica Dobrogea) doit être complétée au début
– la réglementation des prix de l’électricité et de la
de 2004. La privatisation de la production va
chaleur;
commencer avec les plus grandes centrales
– l’ouverture totale, mais progressive, du marché thermoélectriques au charbon. La privatisation
pour assurer un mécanisme de formation des des centrales hydroélectriques est également
prix concurrentiels (selon un calendrier d’ouver- prévue et concerne 21 projets d’investissement
ture du marché présenté au tableau 15.5); qui sont en cours.

Figure 15.9
Évolution de l’index Hirschman-Herfindahl de janvier 2002 à juillet 2003
10 000 8,0

9 000 HHI Sociétés équivalentes 6,7

8 000 6,0
5,5
7 000 5,1
4,8

6 000
3,6 3,7 3,6 4,0
3,3 3,4 3,6
5 000 3,3 3,3
3,0 3,1 3,1 3,0
2,8 2,7
2,6
4 000
2,0
3 000

2 000

1 000 0
Janvier
Février
Mars

Mai
Juin
Juillet
Août
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
Janvier
Février
Mars

Mai
Juin
Juillet
Avril

Avril

A c t e s

19. L’index Hirschman-Herfindahl (HHI) mesure le degré de un marché concurrentiel et une valeur près de 10 000
concentration du marché. Une valeur près de 0 représente signifie un monopole.

189
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

La Roumanie semble maintenant préparée pour


atteindre l’objectif final qui est l’achèvement de
l’ouverture totale du marché de l’électricité en vue de
son intégration au futur marché régional (Europe du
Sud-Est) et, en bout de ligne, au marché européen.
A c t e s

190
Le nouveau cadre institutionnel
et l’organisation du secteur électrique du Sénégal*
Alioune FALL
Lamine THIOUNE

Dès le début de la décennie 1980, le Sénégal a défini Contexte macroéconomique


et s’est efforcé de mettre en œuvre des politiques Jusque dans le début des années 1980, l’essentiel du
d’ajustement de son économie qui n’ont cependant financement des infrastructures, en particulier celles
pas permis, du moins jusqu’en 1993, de maîtriser du secteur de l’électricité, était assuré par des sources
significativement la détérioration des indicateurs publiques de financement ainsi que par les parte-
macroéconomiques. naires au développement bilatéraux et multilatéraux.
C’est en 1994, après la dévaluation du franc Mais dans le contexte actuel marqué par un accrois-
CFA, qu’est finalement formulée une stratégie sement important des besoins d’investissement à
d’ajustement globale de l’économie visant à créer les caractère social (éducation, santé et lutte contre la
conditions d’une croissance économique forte et pauvreté) au détriment du financement des activités
durable et d’une réduction de la pauvreté, et dont les productives, on note une réduction majeure des
principaux objectifs sont: financements provenant, d’une part, des organismes
officiels de financement, agences d’aide bilatérale et
• l’approfondissement de la politique de libérali- multilatérale et, d’autre part, du budget de l’État.
sation économique;
• la création de conditions d’une saine concurrence La réforme du secteur électrique du Sénégal opé-
par l’amélioration du cadre réglementaire et rée en 1998 s’inscrivait dans le cadre de la réforme
institutionnel; du secteur de l’énergie, qui elle-même participe à la
stratégie plus globale d’ajustement de l’économie.
• l’amélioration de la compétitivité des entreprises; Cette stratégie d’ajustement globale visait la stabilité
• la promotion des investissements par la révision fiscale et monétaire, la libéralisation de l’économie,
de la législation et de la réglementation; la réduction de la taille du secteur public et la
• le recentrage du rôle de l’État; promotion du développement du secteur privé. Sa
• la promotion du secteur privé; mise en œuvre avait contribué à la restauration de
l’activité économique et de la position financière du
• la mise en place d’un dispositif d’incitation et de
Sénégal avec:
sécurisation de l’investissement privé;
• la lutte contre la pauvreté. • un redressement du taux de croissance qui, après
trois années de stagnation, voit le PIB croître de
3% en 1994 et de près de 5% de 1995 à 1997;
• un déficit de la balance des paiements qui, de
* Note des auteurs: La rupture de contrat qui est intervenue 10% en 1994, s’établit à 6% en 1997;
entre l’État du Sénégal et le consortium Hydro-Québec–
A c t e s

ELYO n’est pas de nature à remettre en cause le cadre • un taux d’inflation qui chute de 32% en 1994,
institutionnel et l’organisation du secteur électrique du année de la dévaluation, à moins de 3% en 1997;
Sénégal qui sont exposés, et c’est la raison pour laquelle
nous avons pris le parti de les livrer tels quels.
• un déficit budgétaire (hors dons) qui décroît de
6% du PIB en 1994 à 1,5% en 1997.
191
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Dans le cadre de la politique économique, la La stratégie devait se traduire par l’adoption de


« Lettre de politique de développement du secteur mesures qui englobent tous les sous-secteurs de la
privé » (PASCO) prévoyait, pour le secteur de sphère énergétique, avec en particulier:
l’énergie, l’objectif de réduction du coût des facteurs
• la libéralisation des importations, du transport et
techniques de production en vue du renforcement
de la distribution des produits pétroliers, ainsi
de la compétitivité des entreprises. Il s’agissait de
que l’abolition de la convention spéciale de la
façon concrète d’éliminer les inefficacités, de
Société africaine de raffinage (SAR) et son rem-
diminuer le coût d’approvisionnement assumé par
placement par une surtaxe temporaire et dégres-
les consommateurs et de favoriser le financement du
sive sur les importations de produits finis;
développement du secteur.
• l’ajustement trimestriel automatique des prix des
À cette fin, il avait été convenu de redéfinir les produits pétroliers en liaison avec l’évolution des
missions de l’État, de promouvoir une plus grande cours internationaux;
participation du secteur privé, de libéraliser et de
• la modification du cadre légal et réglementaire
créer les conditions d’une croissance saine de ce
afin de permettre un niveau élevé de concurrence
secteur. Dès lors s’était imposée la nécessité de réviser
et d’encourager l’implication du secteur privé
complètement le cadre légal et réglementaire du
dans l’investissement et la gestion du secteur de
secteur de l’énergie en vue d’accroître la productivité
l’électricité;
et la compétitivité du secteur.
• la privatisation et la restructuration de Senelec;
La politique énergétique de 1997 a ainsi mis
• le transfert aux collectivités locales de la gestion
l’accent sur trois dimensions fondamentales:
et de l’exploitation des ressources ligneuses.
• Sur le plan économique, il s’agit de rationaliser les
Pour la mise en œuvre de la stratégie, le gouver-
conditions d’approvisionnement, de production,
nement a mis en place:
de distribution et de consommation d’énergie,
dans le respect des intérêts à long terme du pays. • un Comité interministériel de pilotage des ré-
• Sur le plan environnemental, le respect des équi- formes du secteur de l’énergie (CIPRES) compre-
libres écologiques fondamentaux et l’encourage- nant l’ensemble des départements ministériels
ment d’une gestion rationnelle des espaces ruraux concernés et ayant la responsabilité de coordonner
dans les zones d’exploitation forestière à usage et de diriger la mise en œuvre des réformes;
énergétique sont prônés. • une Cellule de préparation et de suivi des ré-
• Sur le plan social, il est question d’élargir l’accès formes du secteur de l’énergie (CPRSE), com-
des populations aux formes modernes d’énergie, posée de spécialistes, qui est chargée de mener
condition sine qua non de réussite de la lutte tous les travaux nécessaires à la conduite de ces
contre la pauvreté, de l’amélioration de la santé réformes ainsi que de la préparation et de
des populations, de succès dans les efforts de l’exécution du projet Énergie II.
réduction de l’analphabétisme, du développe- L’approche participative adoptée par le gouverne-
ment de l’agriculture, de la promotion de la ment autant pour la définition de la stratégie que
femme, etc. pour sa mise en œuvre, ainsi que le pari pour une
réflexion autonome et collective est à remarquer et à
souligner.
A c t e s

192
Les retours d’expérience

La réforme du secteur électrique – À compter de l’année 1983


Bref historique La Loi 83-72 portant sur la création de la
Société nationale d’électricité est adoptée et la
L’année 1998 est celle de la restructuration complète
nouvelle Senelec, désormais monopole ver-
du secteur de l’énergie avec la mise en vigueur de lois
ticalement intégré, se substitue aux deux
visant la refonte du cadre légal et réglementaire
entités qui étaient jusque-là en charge du
régissant chacun des sous-secteurs:
secteur électrique.
• le sous-secteur des hydrocarbures; Diverses expériences d’amélioration du fonction-
• le sous-secteur électrique; nement du secteur dans le cadre du statu quo
• le sous-secteur des combustibles domestiques. institutionnel sont mises en œuvre:
a) Contrat-plan;
b) Programme de redressement du secteur
Tableau 16.1 électrique;
Lois promulguées dans le cadre c) Jumelage.
de la réforme du secteur électrique en 1998
Loi 98-03 du 8 janvier, portant sur le Code forestier.
L’année 1992
Loi 98-05 du 8 janvier, portant sur le Code pétrolier. L’ère des conditionnalités institutionnelles débute
Loi 98-31 relative aux activités d’importation,
(l’économie du pays connaît de graves difficultés:
de raffinage, de stockage, de transport croissance négative, profonds déficits des finances
et de distribution d’hydrocarbures publiques, etc.).
et ses décrets d’application. Dévaluation du franc CFA en 1994
Loi 98-29 du 14 avril 1998 dite «loi d’orientation
du secteur de l’électricité» et ses décrets À la suite de la dévaluation du franc CFA en
d’application. 1994, une nouvelle politique économique est
Loi 98-06 du 28 janvier 1998 autorisant la transformation mise en œuvre, en prolongement du programme
de la Société nationale d’électricité en société d’urgence qui avait été arrêté en 1993.
anonyme.
Fin 1996
Dans ce nouveau contexte, le gouvernement
Pour le secteur électrique, cette restructuration
instaure, fin 1996, un ensemble de mesures
constitue l’instant opportun d’un processus de chan-
visant la réforme complète du secteur, détaillées
gements institutionnels remontant loin dans le passé:
dans la « Lettre de politique de développement
Jusqu’à la fin des années 1960 du secteur de l’énergie » (LPDSE) signée en
Le secteur a fonctionné à travers des sociétés janvier 1997.
privées.
Les justificatifs de la réforme de 1998
À partir de 1969
Le service public de l’électricité fonctionne comme
Débute un processus de «nationalisation» com-
un monopole intégré verticalement. La Société
prenant deux périodes:
nationale d’électricité du Sénégal (Senelec), société
– 1972-1983: une phase d’affermage avec: nationale à capital social détenu à 100% par l’État,
a) Électricité du Sénégal (EDS), société est le seul opérateur du secteur. Elle agit sous la
(d’État) de patrimoine; double tutelle du ministère chargé de l’Énergie pour
A c t e s

b) Société nationale d’électricité du Sénégal le volet technique et du ministère des Finances pour
(Senelec), société (anonyme) d’exploitation les aspects financiers.
avec les attributions de société fermière.

193
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Malgré l’intégration verticale des trois segments Ainsi, l’électrification rurale était très peu
du secteur, un opérateur privé peut néanmoins développée puisqu’on ne recense que 300 villages
mener des activités de production pour la satisfaction électrifiés sur les 13 000 recensés dans le pays. Le
de ses besoins propres (autoproduction). Une auto- taux de raccordement, estimé à 2 % par an, était
risation du ministère chargé de l’Énergie est toutefois inférieur au taux de croissance démographique qui
requise à cet effet. s’élève, lui, à 2,7 % par an. L’État avait cependant
Le total de la puissance installée à des fins d’auto- consenti des efforts financiers importants pour remé-
production s’élève à 90 MW, pour une production dier à cette situation; le budget de l’État consacrait
annuelle de 100 GWh. Cette puissance concerne 9 milliards pour le financement des travaux.
notamment: Malgré de nombreux points forts, tels que du
personnel compétent, des tarifs adéquats en niveau,
• les industries chimiques du Sénégal (engrais et
une bonne gestion des réseaux de transport et de
phosphates);
distribution, favorisée par la réhabilitation et le
• la Compagnie sucrière sénégalaise; renforcement opérés durant la fin des années 1980,
• les huileries de la SONACOS. ou encore de bonnes performances en matière de
Les segments du transport et de la distribution recouvrement (exclusion faite de l’État et de
restent par contre des monopoles dévolus à la l’ancienne SONEES avant le changement institu-
Senelec. tionnel intervenu dans le secteur de l’eau), la Senelec
affiche des contre-performances qu’il convient de
Le système électrique sénégalais se caractérise par garder à l’esprit pour saisir pleinement la dynamique
des capacités de production exclusivement ther- de réforme du secteur. Au nombre de ces insuffi-
miques utilisant des produits pétroliers importés sances figurent les points suivants:
(mazout lourd et diesel) sans tenir compte des faibles
consommations de gaz naturel local. Le tableau 15.1 • Le faible accès des populations à l’électricité,
donne une image synthétique du secteur de l’élec- même en milieu urbain, où de nombreux quar-
tricité avant la réforme de 1998. tiers des villes électrifiées ne sont pas desservis.

Tableau 16.2
Données du système électrique du Sénégal
Puissance installée 300 MW
Production (1996) 1154 GWh
Énergie facturée (1996) 922 GWh
Puissance de pointe (1996) 180,5 MW
Nombre d’abonnés (1996) 311853
(dont 271500 «usagers domestiques»)
Chiffre d’affaires (1996) 66257 millions de francs CFA
(prix moyen de 72 francs CFA/kWh)
Résultat avant le fonds de renouvellement 8114 millions de francs CFA
Effectif 2184 (dont 266 cadres)
Taux d’électrification Ensemble du pays: 25%
A c t e s

Milieu urbain: 50%


Milieu rural: 5%

194
Les retours d’expérience

• En milieu rural, où le nombre d’abonnés est ne tient pas compte des investissements dans les
actuellement de 27000, on estime pouvoir aug- domaines de la production et du transport. Plus de
menter de 25 000 le nombre de raccordements 200 milliards de francs CFA devraient donc être
par une politique de densification pour un coût mobilisés au cours de ces 5 années au profit du
compris entre 2,7 et 3 millions de dollars secteur électrique, sans tenir compte du coût de
américains. renouvellement des centrales électriques devenues
• Face à une croissance de la demande de 3,5% par obsolètes.
an, les retards d’investissement en moyens de Ces montants considérables doivent être mis en
production sont sources de délestages, ou d’inter- relation avec le fait que pratiquement aucun finance-
ruptions fréquentes et parfois longues du service. ment concessionnel n’est enregistré depuis quelques
En outre, il s’ensuit une utilisation excessive des années, particulièrement des bailleurs de fonds tradi-
groupes existants, et cela, au détriment des pro- tionnels, même si l’Agence française pour le dévelop-
grammes d’entretien. pement (AFD) a apporté son soutien à la réhabili-
• La maintenance des groupes de production laisse tation de la centrale de Bel-Air pour un montant de
à désirer, avec des taux de disponibilité médiocres 3,5 milliards de francs CFA, et à l’exception égale-
et leurs effets négatifs sur les dépenses de com- ment des autres financements suivants:
bustibles, sur les coûts d’entretien et sur la qualité
• troisième groupe diesel de la centrale CIV de
de service. Il est à noter que l’âge moyen des
Cap-des-Biches (fonds saoudien);
groupes tourne autour de 19 ans (23 ans pour les
groupes vapeur de Cap-des-Biches et 39 ans pour • électrification de la basse vallée du fleuve Sénégal
ceux de Bel-Air). (KFW/Allemagne);
• Les pertes commerciales, avec un rendement • interventions de la Banque Ouest Africaine de
global de 80% (abonnés non facturés, compteurs Développement (BOAD) mais avec des moyens
défectueux, fraude, etc.), obèrent les revenus de limités.
la Société. Le sevrage du secteur en financement tradition-
• Sur le plan comptable, la Senelec affiche de graves nel s’est traduit par le recours à l’épargne locale pour
lacunes avec comme conséquence des incertitudes le financement de la turbine à gaz no 3 de 25 MW
en ce qui concerne de nombreux postes du bilan: et également par l’adoption de l’option de produc-
immobilisations, comptes clients, prêts au tion indépendante avec un premier contrat signé
personnel, etc. pour une centrale de 50 MW avec une filiale de la
compagnie américaine General Electric.
Avec moins de 150 kWh de production d’électri-
cité par habitant (contre 650 kWh de consom-
mation moyenne dans les pays en développement) et Le processus préparatoire
un taux d’électrification de 25 % (contre une La réforme du secteur de l’énergie du Sénégal a mis
moyenne mondiale de 60%), les efforts à fournir par du temps à se dessiner. Pas moins de cinq années se
le Sénégal pour la satisfaction des besoins futurs en sont écoulées entre le moment où la question a com-
énergie électrique du pays apparaissent extrêmement mencé à figurer explicitement à l’ordre du jour des
importants. discussions entre le gouvernement du Sénégal et ses
Ainsi, la réalisation de l’objectif du gouverne- partenaires au développement (1991) et le moment
ment visant à hisser le taux d’électrification rurale à où l’État a effectivement pris la décision de réformer
A c t e s

15 % sur une période de 5 ans requerra une enve- le secteur (1996).


loppe de 100 milliards de francs CFA. Cette somme

195
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Durant cette période, diverses actions ont été Le secteur électrique


conduites par le gouvernement, entre autres: dans la LPDSE de 1997
• un important effort de réflexion interne, alimen- Tels qu’ils ressortent de la « Lettre de politique de
té par diverses études, parmi lesquelles on citera développement du secteur de l’énergie» (LPDSE), les
l’étude du cabinet GRADIAN, celle du groupe- objectifs principaux poursuivis par le gouvernement
ment HQI-SOGEMA et les contributions dans le sous-secteur de l’électricité consistent à:
d’experts sénégalais et des bailleurs de fonds; • assurer la garantie de l’approvisionnement en
• la participation des hauts fonctionnaires de électricité à la population et aux autres consom-
l’Administration et de responsables des sociétés mateurs, dans les meilleures conditions de sûreté
d’énergie à de nombreux forums pour s’impré- et de prix compatibles avec la situation écono-
gner de l’expérience des autres pays (forum du mique du pays;
Conseil mondial de l’énergie, séminaires ou • accélérer l’électrification rurale (15 % en l’an
symposiums de l’IEPF, de l’UPDEA, de la 2000) et urbaine (60% en l’an 2000).
Banque mondiale, etc.);
À cette fin, le gouvernement retient le principe
• une concertation nationale sur les enjeux et les
d’une plus large implication du privé dans le sous-
contours de la réforme du secteur de l’énergie du
secteur, autant pour consolider et améliorer substan-
Sénégal, concertation qui a culminé en 1996
tiellement l’efficacité et la productivité que pour
avec, successivement, les journées organisées sur
promouvoir le développement du sous-secteur. La
le thème précédent par le Groupe de réflexion
réforme du sous-secteur comporte ainsi un impor-
pour la croissance et la compétitivité (GRCC) et
tant volet de restructuration de l’industrie et de
l’atelier de haut niveau organisé par le ministère
changement du régime de propriété.
chargé de l’Énergie, juste à la veille d’une réunion
d’arbitrage entre le ministère de l’Économie, des Les principes de restructuration
Finances et du Plan et le ministère de l’Énergie, et de changement du régime de propriété
des Mines et de l’Industrie;
Sans nier l’intérêt des formules de gestion déléguée,
• c’est ex post, c’est-à-dire une fois les décisions de d’affermage, etc., il semble que ce soit surtout dans
réforme prises et alors que s’ouvrait la bataille de des situations critiques – service public très dégradé,
l’opinion, que l’on a pu apprécier la pertinence de faible maîtrise des ventes, performances de recouvre-
la démarche adoptée par le gouvernement, privi- ment médiocres avec prépondérance des causes
légiant une réflexion autonome et la participation internes de dysfonctionnement sur les causes
de toutes les parties intéressées, notamment les externes – que le recours à ces formules se justifie.
syndicats, les associations de consommateurs, les En tout état de cause, celles-ci ne déchargent pas
organisations professionnelles, à côté d’experts l’État de la responsabilité financière du développe-
nationaux et étrangers. Le cas particulier du sous- ment du secteur, comme le montre l’exemple des
secteur de l’électricité, avec une forte présence pays voisins.
syndicale opposée au changement, a confirmé
que, dans ce genre d’exercice, la démarche est Aussi, pour atteindre l’objectif visant le dévelop-
autant importante que le contenu de la réforme. pement du sous-secteur dans des conditions compé-
titives, le gouvernement a-t-il décidé des mesures
suivantes:
A c t e s

196
Les retours d’expérience

• Ouvrir toute nouvelle production au secteur Structure de l’industrie électrique


privé, notamment selon la formule BOO1. dans la réforme de 1998
• Dans les localités déjà électrifiées et à l’expiration La Senelec a le monopole du transport sur tout le
des concessions pour la distribution, l’octroi de territoire national et le principe de l’accès des tiers au
ces dernières fait l’objet d’une procédure d’appels réseau de transport est retenu dans la loi.
d’offres à des opérateurs privés, à des collectivités
En vue d’introduire la concurrence, la Senelec
locales ou à des coopératives.
devra, dans un premier temps, séparer, sur le plan
• Dans les localités non électrifiées, ce processus comptable, ses principales activités de production,
sera, autant que possible, également retenu. de transport et de distribution avant de les filialiser.
• L’État, à court terme, se désengage du sous-
La Senelec devra faire appel à des producteurs
secteur par l’ouverture du capital de la Senelec,
indépendants pour la mise en œuvre de toute
dont une majorité des parts est transférée à un
nouvelle capacité de production.
Partenaire Stratégique, au secteur privé sénégalais
et au personnel. Dans le souci d’améliorer l’effi- L’exercice de toute activité dans le secteur est
cience de la nouvelle société, le Partenaire Straté- soumis à l’obtention:
gique se verra confier d’importantes respon- • d’une licence pour les activités de production et
sabilités en matière de gestion, moyennant la de vente;
souscription d’une part minimale du capital et
des engagements en matière d’électrification. • d’une concession pour les activités de transport
et de distribution. Les conditions de délivrance
Un organe de régulation est créé pour veiller à sont relativement simplifiées. Par exemple, la
l’application de la nouvelle loi qui régit le sous- production pour consommation propre est
secteur à la suite des changements induits par les soumise à une simple déclaration préalable.
mesures qui précèdent.
Régime de propriété des ouvrages
La mise en œuvre de la réforme Lors de la création de la Société nationale d’électri-
Grâce aux ressources financières apportées par les cité (Senelec), l’État avait transféré à cette dernière la
partenaires au développement, en l’occurrence la propriété des ouvrages de son domaine privé, les
Banque mondiale et le Japon, la CPRSE a pu recru- centrales, mais lui avait seulement confié la gestion
ter des consultants spécialisés pour l’appuyer dans les des ouvrages du domaine public et les lignes
études de restructuration du secteur de l’énergie et électriques.
dans la privatisation de la Senelec.
Afin d’attirer et de sécuriser les investissements
La refonte du cadre légal et réglementaire du privés et de rassurer les investisseurs ainsi que les
secteur électrique a donné lieu à des concertations prêteurs potentiels, la nouvelle loi 98-29 transfère la
amorcées par la CPRSE avec toutes les parties inté- propriété des lignes électriques à la Senelec et recon-
ressées, à savoir la direction de la Senelec, les syndi- naît à tout concessionnaire le droit de propriété sur
cats de travailleurs de l’entreprise, les organisations les lignes qu’il aura construites.
patronales et les associations de consommateurs.
Un atelier élargi a clos ce cycle d’échanges autour
de la restructuration du cadre légal et réglementaire.
A c t e s

1. BOT : Build, Own, Operate. En français : Construction–


Exploitation–Transfert (CET).

197
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

L’organe de régulation La Senelec est tenue d’introduire une séparation


et la régulation des tarifs comptable entre ses activités principales dans un
La loi 98-29 crée un organe indépendant chargé de délai de trois ans à compter de la date de signature
la régulation du secteur. Avant la conclusion, nous de son contrat de concession et, dans chacun des
reviendrons en détail sur cet organe ainsi que sur la segments, elle dispose des prérogatives suivantes:
régulation des tarifs. • Pour la production, la Senelec peut continuer à
produire dans la limite des capacités de pro-
L’Agence sénégalaise duction existantes au moment de la privatisation.
d’électrification rurale Au-delà, elle doit faire appel à des producteurs
La mission principale de l’Agence sénégalaise d’élec- indépendants au moyen d’appels d’offres.
trification rurale (ASER) est de promouvoir l’électri- • Dans le segment du transport, elle détient un
fication rurale en accordant aux entreprises du monopole sur le territoire national.
secteur de l’électricité et aux particuliers l’assistance • Pour la distribution et la vente, la Senelec a
technique et financière nécessaire pour soutenir les l’exclusivité de la vente en gros (pendant une
initiatives dans le domaine. période de dix ans), de la distribution et de la
L’ASER développe les programmes d’électri- vente au détail dans son périmètre de concession.
fication rurale établis sur la base d’un plan défini par Au terme de la période d’exclusivité de dix ans,
le ministère chargé de l’Énergie. le marché des «gros consommateurs» sera libéralisé.
Chaque année, l’ASER organise des appels Ces derniers pourront alors choisir leur source
d’offres pour l’octroi de nouvelles concessions de d’approvisionnement, qui pourra être la Senelec ou
distribution en milieu rural. des producteurs indépendants, moyennant le paie-
ment d’un droit d’accès au réseau de transport de la
L’ASER encourage aussi la soumission de projets Senelec.
d’électrification rurale par des opérateurs privés dont
elle examinera les demandes de financement.
La privatisation de la Senelec
Le modèle structurel retenu Une première expérience de privatisation de la
Senelec a été mise en œuvre en 1999 et s’est traduite
Le modèle structurel retenu par le cadre législatif est par une rupture, au bout de 18 mois, du contrat
le modèle de l’acheteur unique pour une période de entre l’État et le Partenaire Stratégique, les objectifs
dix ans. visés n’ayant pas été atteints. Un second processus
Cette structure du secteur et le cadre retenu pour lancé en juillet 2001 a été déclaré infructueux par le
son évolution future au Sénégal se justifient par le gouvernement en juillet 2002, autant pour des
fait que les nouveaux modèles dans le secteur de raisons de transparence, liées au souci de l’État de ne
l’électricité permettent de distinguer: pas déroger aux dispositions du Règlement de l’appel
d’offres, que pour la sauvegarde de l’intérêt national.
• les services compétitifs : production et vente (la
vente comporte l’achat de l’électricité auprès des
producteurs et sa vente aux consommateurs);
• les services monopolistiques (transport et distri-
bution).
A c t e s

198
Les retours d’expérience

La première opération au Partenaire Stratégique, jusqu’au 31 décembre


de privatisation de 1999 2003, sept sièges sur les douze que compte le conseil
d’administration (C.A.). Dans le même ordre d’idées,
Géographie du capital
le directeur général est nommé par le C.A. sur pro-
La géographie du capital de la Senelec n’a pas été position des administrateurs représentant le Parte-
fixée avant le lancement de l’opération de privati- naire Stratégique. Il convient de signaler que l’option
sation. Cependant, le pourcentage d’actions réservées lui est aussi offerte, dans un délai d’un an, d’aug-
au secteur privé est encadré par la loi. menter sa part au capital par la cession d’actions
En ce qui concerne la géographie du capital, la détenues par l’État ou par l’augmentation de capital à
LPDSE a retenu que la majorité du capital sera déte- laquelle l’État ne participerait pas.
nue par le Partenaire Stratégique (PS), les travailleurs
et le secteur privé national réunis. La LPDSE a aussi La mise en œuvre du processus
prévu que le niveau de participation du Partenaire de privatisation
Stratégique soit donné dans son offre. L’opération de privatisation a comporté deux phases,
à savoir une phase de préqualification et une phase
Aux termes de la loi 98-06 «autorisant la trans-
de sélection. La sélection a été opérée, sous réserve
formation de la Société Nationale d’Électricité
de l’acceptation de la version finale des documents
(Senelec) en Société Anonyme à participation
de transaction, sur la base du prix d’acquisition par
publique majoritaire », les précisions suivantes ont
action libellé en euros (€). Le candidat devait aussi
été apportées sur la géographie du capital:
préciser le nombre de titres qu’il se propose
• tranche stratégique: le Partenaire Stratégique doit d’acquérir.
souscrire au moins 33,33 % du capital de la
Le consortium Hydro-Québec International –
Senelec,
ELYO a été retenu comme Partenaire Stratégique de
• tranche salariée : les parts réservées aux travail- la Senelec avec un écart de prix de l’ordre de 0,33%
leurs se montent à 10%. Ceux-ci disposent d’un par rapport au second classé et un bloc d’actions de
délai d’option se terminant le 31 décembre 1998. 34%.
La décision d’acheter ou non des actions et l’ac- Le Partenaire Stratégique est entré en fonction le
quisition elle-même seront faites sur une base 31 mars 1999.
individuelle.
Pour la tranche des salariés, le «Regroupement des
• Offre publique de vente (OPV) : le nombre de agents et des ex-agents de la Senelec», qui a transmis
parts réservées au public n’est pas fixé. De plus, à l’État, avant la fin de décembre 1998, l’option des
il n’est pas exclu que soit organisée une OPV en travailleurs à souscrire les 10 % qui leur étaient
recourant éventuellement à la Bourse Régionale réservés, a commencé des concertations avec le
des Valeurs Mobilières (BRVM) de l’UEMDA. gouvernement.
• L’État, in fine, va se retrouver avec au maximum À la suite des concertations avec les travailleurs,
41 % du capital, mais selon les termes de la loi le ministère de l’Économie, des Finances et du Plan
98-06, il devra disposer initialement de 51 % a officiellement transmis à ces derniers une offre de
dont 10 % font l’objet de portage au profit des vente définissant le niveau de décote de l’action et les
travailleurs. On trouve là l’explication de l’inti- modalités de règlement des actions cédées. Il s’agit
tulé de la loi 98-06. des conditions offertes aux travailleurs de la
A c t e s

Dans l’optique de conforter les moyens juridiques SONATEL, à savoir un niveau de décote de 45% et
nécessaires à la mise en œuvre de cette responsabilité le remboursement de l’emprunt qui sera accordé par
de gestion, les nouveaux statuts de la société réservent l’État sur une durée de 7 ans, dont 2 ans de différé.

199
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Par ailleurs, la séquence de l’Offre Publique de Tout juste avait-il été défini des obligations de
Vente s’est révélée impossible en raison de la non- raccordement de nouveaux abonnés ainsi que des
satisfaction, par la Senelec, de la condition préalable normes de qualité de service donnant lieu à une
fixée par le Conseil Régional de l’Épargne Publique pénalisation en cas de non-respect (« incitations
et des marchés financiers de l’UEMOA, à savoir la contractuelles»).
certification des comptes des trois derniers exercices
L’absence de programme d’investissements mini-
de la Senelec.
mums et la liberté laissée au Partenaire Stratégique
C’est ainsi que, pour satisfaire la condition de pour remettre à niveau la capacité d’offre d’énergie
réduction des parts de l’État, une convention de électrique, ajoutées aux tiraillements au sein du
portage d’actions, à hauteur de 25% du capital de la consortium et à la relative imprécision qui a entouré
Senelec (10 % réservés aux travailleurs et 15 % à la formulation, dans les documents contractuels, des
l’Offre Publique de Vente), a été signée entre l’État obligations de la Senelec et du Partenaire Stratégique
et la BICIS. Cette opération a permis de ramener à (conséquence de l’indétermination qui a caractérisé
41% la part de l’État du capital social de la Senelec, la géographie du capital), devaient avoir pour résultat
où elle se situe toujours. un développement quasi nul de l’infrastructure
électrique durant le temps de présence du Partenaire
Les factures de ruptures Stratégique à la Senelec.
Dans la pratique, l’expérience de partenariat public-
privé ne s’est pas déroulée comme prévu et n’a pas Quelques leçons tirées de la première
produit les résultats escomptés, faute, en partie, de ne opération de privatisation
pas avoir duré assez longtemps. En effet, en raison de L’échec du partenariat devait mettre en relief certains
la persistance des délestages qui ont causé d’énormes aspects contractuels, notamment la distorsion entre
préjudices à l’économie et aux abonnés, le Partenaire la part minoritaire du capital détenue par le Parte-
Stratégique et l’État ont décidé, le 3 janvier 2001, de naire Stratégique (34%) et le pouvoir de contrôle de
résilier à l’amiable le contrat qui les liait. l’entreprise qui lui est dévolu. Par ailleurs, le fait de
À l’analyse, il apparaît clairement que, entre miser sur des incitations contractuelles plutôt que
autres, la stratégie de privatisation retenue et les d’engager la responsabilité directe du Partenaire
termes du partenariat tels que reflétés par les Stratégique dans l’atteinte d’objectifs précis, quan-
documents de transaction ont amené l’échec du tifiés et datés semblerait mieux adapté.
partenariat:
La seconde opération
– L’opération de privatisation a été lancée sans de privatisation
qu’ait été fixée la géographie du capital, notam-
À la suite de la rupture du premier partenariat, le
ment la part de capital devant être souscrite par le
gouvernement du Sénégal a réitéré son intérêt pour
Partenaire Stratégique. En effet, le principe a été
une libéralisation et une implication accrue du privé
accepté de lui confier le contrôle total de la
dans le secteur de l’électricité. Une formule différente
Senelec, quel que soit le niveau de souscription
s’apparentant à la concession a été retenue.
de celui-ci dans le capital de la Société, ce niveau
étant laissé à l’appréciation de l’investisseur, à la Principales orientations
seule condition que ce dernier souscrive au moins
le tiers du capital. La mise en œuvre du schéma adopté pour la seconde
A c t e s

privatisation, fondée sur le régime de concession, a


– Il n’avait pas été demandé d’offre technique, nécessité la modification du régime de propriété des
encore moins de plan d’affaires (business plan), et installations existantes et à construire, mais également
aucun programme minimum n’avait été fixé.

200
Les retours d’expérience

celle des dispositions législatives concernant le déve- les fonds propres et donc la capacité d’endette-
loppement de la production. ment de la Société. Ainsi, la prise de participation
L’article 19, alinéas 4 et 5, de la loi 98-29, ainsi du Partenaire Stratégique de 51 % du capital
que son chapitre IV ont été abrogés et remplacés par social de la Senelec comprend, d’une part, une
la loi 2002-01 du 10 janvier 2002 pour instaurer les augmentation de capital égale à 30 % du mon-
nouveautés suivantes: tant total à payer par le Partenaire Stratégique et,
d’autre part, une cession d’actions d’un montant
– Régime de propriété des installations: Les lignes égal à 70% de ce montant.
électriques qui avaient été extirpées du domaine c) L’opération prévoit que le Partenaire Stratégique
public artificiel de l’État ainsi que les centrales de s’engage à réaliser un programme d’investisse-
production seront désormais la propriété de ments minimums qui sera contractuel et à mobi-
l’État. L’État les met à la disposition du conces- liser, à cet effet, les financements requis.
sionnaire, à savoir la Senelec, et les reprendra à la
d) L’État a décidé de la mise en concession des actifs
fin de la concession si le contrat n’est pas
de la Senelec. Les options retenues dans le cadre
renouvelé. Les conditions de mise à disposition
de la concession se traduisent par la modification
des installations par l’État sont précisées dans le
du régime de propriété des biens. Par ailleurs,
Contrat de concession de la Senelec.
l’option de la production indépendante généra-
– Développement de la production: Il est également lisée ne sera plus envisagée à court ni à moyen
retenu dans les modifications de la loi no 2002-01, terme, ce qui implique la suppression de l’inter-
à la différence de la loi 98-29, que la Senelec peut diction faite à Senestre de construire de nouvelles
désormais développer de nouvelles centrales installations de production.
électriques en concurrence avec des producteurs
indépendants. Ainsi, la Senelec peut aller en Résultat de la seconde opération
compétition avec des producteurs indépendants de privatisation
pour le développement des installations nouvelles La seconde opération de privatisation de la Senelec
de production. Dans ce cas, la Commission met a été lancée le 10 juillet 2001 avec la publication de
en œuvre le processus d’appel d’offres. l’appel d’offres international. Deux candidats ont
Le souci du gouvernement est de responsabiliser soumis des offres, à savoir AES Frontier Interna-
la Senelec et, au-delà, le Partenaire Stratégique. tional et le groupement Vivendi Environnement/
ONE.
a) Dans le but de clarifier les rôles et les respon-
sabilités des différents acteurs, le gouvernement Au terme du processus, Vivendi Environnement/
a opté pour une nouvelle géographie du capital, ONE a été classé premier devant AES Frontier
en décidant de céder 51 % des actions de la International.
Senelec au Partenaire Stratégique. Les négociations entre le gouvernement du
b) Il est apparu impératif, pour sécuriser l’opération Sénégal et le groupement Vivendi Environnement/
de privatisation, de modifier la structure de la ONE ont par la suite été suspendues le 22 février
transaction en combinant cession d’actions et 2002 à la suite de difficultés dans le processus. En
augmentation de capital, c’est-à-dire accepter effet, le gouvernement du Sénégal a estimé entre
qu’une partie des fonds versés par le Partenaire autres que la proposition de paiement de ce groupe-
Stratégique reste dans l’entreprise par le biais ment ainsi que les modalités de paiement de l’offre
A c t e s

d’une augmentation de capital (souscrite par le financière n’étaient pas conformes au dossier d’appel
seul Partenaire Stratégique) pour servir au finan- d’offres.
cement des investissements, tout en améliorant

201
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Des négociations ont par la suite été engagées En ce qui concerne le deuxième volet des travaux
avec le soumissionnaire classé second au processus de la « Task Force », c’est-à-dire l’évolution institu-
d’appel d’offres, à savoir AES Frontier International. tionnelle de la Senelec, un bilan des deux précé-
Mais ces négociations n’ont pas abouti non plus. dentes opérations de privatisation a été dressé et
Il convient de signaler que les négociations avec d’autres expériences furent analysées (secteur de l’eau
AES Frontier International, qui n’avait pas manqué au Sénégal, secteur électrique au Maroc et au
de manifester son souhait de conclure une entente Gabon).
avec le gouvernement du Sénégal, ont été entamées Sur la base des recommandations de la « Task
au moment où le prix de son action s’est effondré Force», le gouvernement envisage une analyse détail-
dans le contexte de la faillite du courtier en énergie lée de la formule de la concession, sans exigence de
ENRON. Ce marasme boursier a eu un impact cer- rachat des actifs existants par le Partenaire Stratégique
tain sur la capacité d’investissement sur de nouveaux qui nécessiterait un accompagnement de la Senelec
projets des grands groupes opérant à l’international. par l’État et les bailleurs de fonds pour le financement
du programme quinquennal d’investissements.
Les perspectives actuelles Globalement, le schéma d’évolution institution-
Le ministère des Mines, de l’Énergie et de l’Hydrau- nelle de la Senelec présenté ci-dessus va faire l’objet,
lique a mis en place une «Task Force» chargée de la avant son adoption définitive, d’un approfondis-
définition de la politique énergétique. sement avec l’appui d’un consultant.
Les travaux de la «Task Force» s’articulent autour Dans ces conditions, le gouvernement a signé, le
du volet financement des investissements et du volet 9 avril 2003, une nouvelle « Lettre de politique de
évolution institutionnelle de la Senelec. développement du secteur de l’énergie», qui détaille
l’ensemble des mesures que le gouvernement entend
Au sujet du premier volet, les représentants du
mettre en œuvre pour parachever la réforme du
gouvernement (les membres du groupe technique
secteur.
ad hoc créé par l’arrêté no 6263 du 24 septembre
2002) et ceux des bailleurs de fonds ont analysé et La structure intégrée de l’industrie électrique
fixé le programme d’urgence ainsi que les autres devrait faire place à des activités dégroupées avec,
investissements de la Senelec pour la période 2003- d’un côté, des producteurs et, de l’autre, des distri-
2008. Ils se sont accordés sur le recours à la formule buteurs (Senelec et les distributeurs indépendants en
« BOO » (Build, Own, Operate)2 pour la mise en milieu rural).
place d’une centrale diesel de 60 MW à l’horizon Dans l’optique de cette stratégie:
2005.
– le gouvernement entend promouvoir le dévelop-
L’appel d’offres pour cette nouvelle centrale de
pement de pôles de production d’énergie élec-
production indépendante a été lancé sans délai, la
trique dans des régions autres que celle de Dakar
phase de préqualification étant terminée.
pour des raisons liées à la raréfaction des sites et
La Banque mondiale poursuit ses travaux d’évalua- à un besoin de plus grande sécurité, incompatible
tion du projet d’investissements qu’elle compte avec une très forte concentration des ouvrages de
financer au profit de la Senelec (Objectif: passer au production;
conseil d’administration de la Banque en fin d’année – tout projet de nouvelle centrale sera réalisé en
2003).
A c t e s

priorité, comme celui d’une entreprise privée de


production d’électricité;

2. En français: Construction–Propriété–Exploitation.

202
Les retours d’expérience

– les centrales de production existantes pourraient Le choix fait au Sénégal, lors de la création de la
être cédées au secteur privé dans la mesure Commission, a été de mettre en place un organe
du possible, compte tenu de leur potentiel dédié au secteur de l’électricité, ceci probablement
d’extension; en raison des disparités institutionnelles des secteurs
– Senelec a le monopole du transport de l’élec- qui pourraient être concernés (électricité, eau,
tricité sur l’ensemble du territoire, ainsi que téléphone, etc.).
l’exclusivité de la distribution dans son péri- De même, l’option d’une Commission a été rete-
mètre; elle continuera à exploiter les centrales qui nue au détriment de celle d’un régulateur, la raison
n’auront pas été cédées au secteur privé. principale étant qu’un seul régulateur aura plus de
Au sujet du financement des investissements, difficulté à faire accepter sa légitimité que plusieurs.
après la session spéciale consacrée à l’énergie lors de La Commission de régulation du secteur de
la réunion du Groupe Consultatif (du 11 au 13 juin l’électricité est composée d’un président et de deux
2003), le principe de la tenue d’une réunion autres membres, nommés par décret en raison de
sectorielle sur l’énergie à laquelle seront conviés tous leur intégrité morale, de leur honnêteté intellectuelle,
les bailleurs de fonds potentiels du secteur est retenu. de leur neutralité, de leurs compétences dans les
Il reste à mener les actions préparatoires nécessaires. domaines juridique, technique et économique, et de
Enfin, en ce qui concerne les délais, la nouvelle leur expertise dans le secteur de l’électricité. Ils
«Lettre de politique de développement» mentionne jouissent, dans l’accomplissement de leurs missions,
qu’un Partenaire Stratégique devrait être sélectionné de l’immunité : ils ne peuvent être poursuivis,
au plus tard à la fin de décembre 2004. recherchés, arrêtés ou jugés pour des opinions ou des
décisions exprimées, des votes émis ou des actes
commis dans l’exercice de leurs fonctions.
La régulation du secteur
de l’électricité La fonction de membre de la Commission de
La Commission de régulation du secteur de l’électri- régulation du secteur de l’électricité est incompatible
cité, créée par la loi 98-029, vise les objectifs suivants: avec quelque fonction rémunérée que ce soit, tout
mandat électif, tout emploi public, ainsi que toute
• Promouvoir le développement rationnel de l’offre détention directe ou indirecte d’intérêts dans une
d’énergie électrique. entreprise du secteur de l’énergie. En outre, les
• Veiller à l’équilibre économique et financier du membres de la Commission de régulation du secteur
secteur électrique et à la préservation des condi- de l’électricité ne peuvent exercer aucune activité à
tions économiques nécessaires à sa viabilité. titre consultatif ou autre, rémunérée ou non, si celle-
• Veiller à la préservation des intérêts des consom- ci concerne les domaines de la production, du
mateurs et à assurer la protection de leurs droits transport, de la distribution ou de la vente d’énergie
en ce qui concerne le prix, la fourniture et la électrique.
qualité de l’énergie électrique. La Commission dispose d’attributions consulta-
• Promouvoir la concurrence et la participation tives et en matière de décisions individuelles.
du secteur privé en matière de production, de
transport, de distribution et de vente d’énergie Les attributions consultatives
électrique. La Commission peut être informée par le ministre
chargé de l’Énergie sur tous les projets de textes
A c t e s

• Assurer les conditions de viabilité financière des


entreprises du secteur de l’électricité. relatifs au secteur de l’électricité. À ce titre, elle peut
proposer au ministre tout projet d’arrêté concernant:

203
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

• les droits et obligations des entreprises titulaires relatives à l’énergie non servie, le contrôle de
d’une licence ou d’une concession; l’application du régime tarifaire, les obligations
• l’accès des tiers au réseau de transport; générales de bonne conduite de la Senelec relatives
• les relations des entreprises avec leurs clients. à la production, au transport et à la distribution);
• l’approbation du plan quinquennal de produc-
Les attributions en matière de décisions tion proposé par la Senelec;
individuelles • la révision intérimaire des dispositions du contrat
La Commission: de concession de la Senelec;
• instruit les demandes de licence ou de concession; • la révision quinquennale de la formule de con-
trôle des revenus de la Senelec; une de ses prin-
• veille au respect des termes des licences et des cipales attributions dans ce domaine est de
concessions, en particulier ceux relatifs à l’obliga- contrôler la bonne application des principes
tion de continuité du service; d’établissement des tarifs;
• apporte toute modification d’ordre général aux • l’octroi des licences de production (notamment
licences, aux concessions ou à leur cahier des les appels d’offres organisés par la Senelec), des
charges; concessions de distribution et des licences de
• assure le respect des normes techniques appli- vente à l’extérieur du périmètre;
cables aux entreprises du secteur; • le contrôle ponctuel du contrat de concession et
• assure le respect de la concurrence dans le du cahier des charges de la Senelec (ex.: l’applica-
secteur; tion ponctuelle des incitations contractuelles
• détermine la structure et la composition des relatives aux droits d’accès au réseau, aux normes
tarifs; de qualité du courant, de sécurité et de disponi-
• applique, le cas échéant, des sanctions aux opéra- bilité);
teurs pour manquement à leurs obligations. • la réception des plaintes des consommateurs;
La Commission ne délibère valablement que si au • l’application de sanctions et de pénalités
moins deux de ses membres sont présents. Les éventuelles;
décisions sont prises à la majorité. En cas de partage • les procédures d’arbitrage;
égal des voix, celle du président est prépondérante. La • l’approbation de plusieurs systèmes et principes
Commission, pour mener à bien les tâches dont elle (tarification, détermination des frais de raccor-
a la responsabilité, s’appuie sur un certain nombre de dement, critères d’évaluation de la qualité du
documents, dont un recueil de procédures de service et ainsi de suite) proposés par la Senelec.
régulation portées à la connaissance des opérateurs et
du public par le biais de règlements d’application.
La régulation des tarifs
Elle s’appuie de même sur un manuel des procédures
internes dont la finalisation est en cours. Seuls sont régulés les tarifs s’appliquant à des activités
à caractère monopolistique. Le transport et la distri-
bution d’électricité étant des activités à caractère
Les procédures de régulation monopolistique, la régulation des tarifs applicables
Ces procédures concernent: aux clients raccordés à ces réseaux est une mesure
• le contrôle de l’exécution annuelle du contrat de nécessaire pour éviter que les entreprises n’abusent de
A c t e s

concession et du cahier des charges de la Senelec leur position pour extraire des rentes. La modulation
(y compris l’obtention d’information, le contrôle des tarifs est réalisée automatiquement selon les
de l’application des incitations contractuelles fluctuations d’une série d’indices d’inflation exogènes.

204
Les retours d’expérience

La régulation des tarifs est basée sur des plafonds • At est un montant en francs CFA déterminé par
de prix et les conditions tarifaires sont définies dans la formule suivante:
les cahiers des charges annexés aux licences ou aux At = At-1 * ∏t
concessions. Ces conditions restent en vigueur
pendant une période déterminée, définie au préalable
CIt-1 Xt
dans lesdits cahiers des charges. Au Sénégal, une ∏t = –
approche basée sur des plafonds de prix selon une CIt-2 100
formule du type « IPC – X », où X représente un
facteur de gain d’efficacité et IPC, un facteur dans laquelle:
d’inflation, a été retenue à la place de la méthode de • At-1 est égal à 76000000000 francs CFA dans
régulation du coût du service. En effet, la première la première année de la concession;
solution est plus facile à mettre en œuvre, la période CIt est déterminé selon la formule suivante:
dans laquelle les tarifs sont fixés étant plus longue que
dans la régulation en fonction du coût du service. Par CIt = α * IHPCt + β * (IPCt * TCt/TC0) + γ * IPFt
ailleurs, elle comporte des incitations pour que
dans laquelle:
l’opérateur adopte une gestion efficace en s’attachant
notamment à la minimisation de ses coûts. • IHPCt est la moyenne arithmétique de
l’indice harmonisé des prix à la consommation
La formule qui a été retenue pour la Senelec
publié au Sénégal par la Direction de la
permet de refléter la relation qui existe entre les
prévision et de la statistique du ministère de
variations de demande et les variations de coûts de
l’Économie, des Finances et du Plan, recalibré
l’entreprise. À court terme, les coûts évoluent essen-
pour que IHPCt soit égal à 1 à l’année pré-
tiellement en proportion des coûts variables, et non
cédant le début de la concession.
pas de la totalité des coûts. Cette réalité se reflète
dans la formule de contrôle des revenus en deux • IPCt est la moyenne arithmétique de l’indice
parties qui a été adoptée (un élément fixe et un des prix à la consommation pour tous les
élément qui varie en fonction de la demande). ménages, excluant le prix du tabac, publié
mensuellement par l’Institut national de la
La formule adoptée détermine, pour une période statistique et des études économiques
de cinq ans, les revenus annuels maximaux que la (INSEE) en France, recalibré pour que IPCt
Senelec est autorisée à percevoir pour la vente au soit égal à 1 à l’année précédant le début de la
détail d’énergie électrique. La Senelec doit calculer concession.
les revenus autorisés dans le respect de la formule
• TCt est la valeur moyenne annuelle arith-
définie dans son cahier des charges.
métique du franc CFA contre l’euro (en francs
La formule, telle que définie à l’article 10 du CFA par euro), telle que publiée par la Banque
cahier des charges, se présente comme suit: Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest
MRt = (1 - ␪) * At + ␪*Bt + RTSt – Pt-1 + Kt + RRt + RIt (BCEAO).
• TC0 est la valeur du franc CFA contre l’euro
dans laquelle:
(en francs CFA par euro) au 1er janvier 1999, à
• t désigne l’année de référence, et t = 1 dans la savoir 1 euro = 655,957 francs CFA.
première année de la concession; • IPFt est un indice du prix du fuel oil, ce der-
• t-1 désigne l’année immédiatement antérieure à nier étant la moyenne annuelle arithmétique
A c t e s

l’année t; de la somme (i) du prix parité internationale


• ␪ est un paramètre fixé à 0,80 durant les cinq du fuel oil 380 tel que déterminé par l’article 3
premières années de la concession; du décret no 98-342 du 21 avril 1998 et

205
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

(ii) des droits de douane afférents tels que fixés • Kt est un facteur de correction des différences
par l’article 5-1 dudit décret, recalibré pour entre les revenus perçus par la Senelec à partir de
que IPFt soit égal à 1 à l’année précédant le la vente au détail d’énergie électrique dans
début de la concession. l’année t-1 (Rt-1) et le revenu maximum autorisé
• t-2 désigne l’année antérieure à l’année t-1. pour l’année t-1 (MRt-1). Kt est défini selon la
formule suivante:
• Xt est un facteur de gain d’efficacité. Il est égal
à 0 pendant les cinq premières années de la Kt = (MRt-1 – Rt-1) * (1+ It-1/100)
concession. dans laquelle:
• α est un paramètre fixé à 0,5 pendant les cinq
premières années de la concession. • It-1 est un taux d’intérêt égal au taux d’es-
compte normal de la Banque centrale des
• β est un paramètre fixé à 0,3 pendant les cinq
États de l’Afrique de l’Ouest à l’année t-1, plus
premières années de la concession.
marge bancaire, plus 2%.
• γ est un paramètre fixé à 0,2 pendant les cinq
• RRt est la redevance annuelle due à la Commis-
premières années de la concession.
sion et visée à l’article 9 de la Loi et à l’article 39
• Bt est un montant en francs CFA déterminé par du contrat, dont le montant est notifié par la
la formule suivante: Commission à la Senelec.
Bt = Bt-1 *∏t * Dt/Dt-1 • RIt est une valeur égale à zéro la première année
dans laquelle: et dont le montant peut varier à l’issue de la
procédure de révision intérimaire de la formule
• Bt-1 est égal à 76000000000 francs CFA dans de contrôle des revenus.
la première année de la concession.
• Dt est la quantité d’énergie électrique en kWh
Conclusion
vendue au détail (c’est-à-dire comptée et fac-
turée) par la Senelec pendant l’année t. L’analyse effectuée ci-haut montre qu’il est apparu
nécessaire avant d’entamer un nouveau partenariat
• Dt-1 est la quantité d’énergie électrique en
public-privé dans le secteur de l’électricité d’avoir
kWh vendue au détail (c’est-à-dire comptée et
une vision claire de la stratégie des ajustements à
facturée) par la Senelec pendant l’année t-1.
opérer sur la politique sectorielle ainsi que des
• RTSt est la redevance de la radiotélévision modifications nécessaires au cadre législatif et régle-
sénégalaise payable par la Senelec à l’année t. mentaire pour favoriser les conditions de réalisation
• Pt-1 est l’incitation contractuelle exigible pour des objectifs du Gouvernement.
manquement pendant l’année t-1 aux normes de
Légalement, un souci majeur est de ne pas
qualité et de disponibilité du présent article. Pt-1
s’enfermer dans une seule option.
est égal à 0 franc CFA dans la première année de
la concession.
A c t e s

206
Liste des auteurs

Yvan CLICHE Fernando CUEVAS


Chef, projets internationaux Chef de l’Unité «Énergie et Ressources Naturelles»
Hydro-Québec International Commission économique de l’Amérique latine
75, boul. René-Lévesque Ouest, 9e étage et des Caraïbes
Montréal (Québec) H2Z 1A4 Bureau régional Mexique
CANADA Nations Unies
Téléphone: 1 514 289-3512 Av. Presidente Masaryk 29
Télécopieur: 1 514 289-3749 Col. Chapultepec Morales 11570 Mexico D.F.
Courriel: [email protected] MEXIQUE
Jacques CORBIN, c. a. Téléphone: (5255) 5263-9648
Télécopieur: (5255) 5531-1151
Vice-président
Courriel: [email protected]
Le Groupe Conseil en Redressement
et Gestion Intérimaire d’Entreprises (REGIE) inc. Alioune FALL
104, rue Champlain Ex. Camp Lat Dior
Bromont (Québec) J2L 3A7 B.P. 11 701, Dakar
CANADA SÉNÉGAL
Téléphone: 1 450 534-5151 ou 1 418 658-9977 Téléphone: (221) 639 44 55
Télécopieur: 1 450 534-0742 ou 1 418 658-9954 Courriel: [email protected]
Courriel: [email protected] ou
Anastassios GENTZOGLANIS, Ph. D.
[email protected]
Professeur titulaire, Département de finance
Cristina CREMENESCU Directeur, Centre d’études en réglementation
Chef du service de la réglementation et du marché économique et financière (CEREF)
concurrentiel Université de Sherbrooke
ENEL Servicii SRL 2500, boul. de l’Université
Str. Buzesti 66-68, et. 6, sector 1 Sherbrooke (Québec) J1K 2R1
Bucarest CANADA
ROUMANIE Téléphone: 1 819 821-8000 poste 2958
Téléphone: +40 21 314 00 58 Télécopieur: 1 819 821-7934
Télécopieur: +40 21 314 00 59 Courriel: [email protected]
Courriel: [email protected]
A c t e s

207
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Jean-Pierre LASSENI-DUBOZE David PROULT


Adjoint au Directeur Général Service des Études Économiques et des Synthèses
Chef du Département budgets, plans et stratégies Commissariat à l’Énergie Atomique
Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG) 31-33 rue de la Fédération
B.P. 2187, Libreville 75752 Paris cedex 15
GABON FRANCE
Téléphone: (241) 767 804 Téléphone: +33 (0) 1 40 56 22 83
Télécopieur: (241) 767 830 Télécopieur: +33 (0) 1 40 56 23 05
Courriel: [email protected] Courriel: [email protected]
Denis LEVY Pierrette SINCLAIR
Consultant Avocate Associée
5, avenue SOYER Lapointe Rosenstein
78400 Chatou 1250, boul. René-Lévesque Ouest, bureau 1400
FRANCE Montréal (Québec) H3B 5E9
Téléphone/télécopieur: +33 1 3952 6946 CANADA
Courriel: [email protected] Téléphone: 1 514 925-6351
François OMBANDA Télécopieur: 1 514 925-5051
Courriel: [email protected]
Président Directeur Général
Site Internet: www.lapointerosenstein.com
Société d’Énergie et d’Eau du Gabon
Avenue Félix-Éboue Amadou TANDIA
B.P. 2187, Libreville Président Directeur Général
GABON Agence Malienne pour le Développement
Téléphone: (241) 76 78 01 ou 76 78 13 de l’Énergie Domestique et de l’Électrification
Courriel: [email protected] Rurale (AMADER)
Yannick PEREZ Colline de Badalabou
B.P. E715, Bamako
Maître de Conférences en Sciences Économiques
MALI
Groupe Réseaux Jean-Monnet – ADIS
Téléphone: (223) 223 85 67 ou (223) 223 82 78
Université de Paris-Sud 11
Télécopieur: (223) 223 82 39
54, boul. Desgranges, bureau D102
Courriels: [email protected]
92331 Sceaux Cedex
[email protected]
FRANCE
[email protected]
Téléphone: +33 (0) 1 40 91 18 65
Télécopieur: +33 (0) 1 40 91 18 56 Flavien TCHAPGA
Courriel: [email protected] Docteur en sciences économiques
Site Internet: www.grjm.net Enseignant et Directeur pédagogique
4Bis, Faubourg Alexandre Isaac
97110 Pointe-à-Pitre
FRANCE
Téléphone: +33 (0) 590 480 790
Télécopieur: +33 (0) 590 480 791
A c t e s

Courriel: [email protected]

208
Liste des auteurs

Lamine THIOUNE Me André TURMEL


Secrétaire général Associé principal
Commission de Régulation du Secteur Groupe de pratique en environnement, énergie
de l’Électricité (CRSE) et ressources naturelles
Ex. Camp Lat Dior Fasken, Martineau, DuMoulin s.r.l.
B.P. 11701 Avocats
Dakar Tour de la Bourse
SÉNÉGAL 800, Place-Victoria, bureau 3400, C.P. 242
Téléphone: (221) 849 04 66 Montréal (Québec) H4Z 1E9
Courriel: [email protected]/ ou [email protected] CANADA
Jean-Benoît TRAHAN Téléphone: 1 514 397-5141
Télécopieur: 1 514 397-7600
Président, Eneconsult inc.
Courriel: [email protected]
120, rue Guy
Site Internet: http://www.fasken.com
Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec) J2X 4W4
CANADA
Téléphone: 1 450 347-5590
Courriel: [email protected]

A c t e s

209
Liste des activités

Yvan CLICHE 7. Atelier international sur la réforme de la régle-


1. Formation sur la réforme du secteur électrique, mentation et les modalités d’organisation et de
23 au 26 septembre 2003, Niamey, Niger. gestion des secteurs de l’électricité et de l’eau,
2. Séminaire régional sur la programmation des 23 au 25 novembre 1999, Cotonou, Bénin.
investissements énergétiques dans un contexte 8. Assistance sur le programme de développement
d’ouverture à la concurrence, 25 au 27 février des compétences pour accompagner la restructu-
2003, Bucarest, Roumanie. ration du secteur électrique, 2 au 9 mars 1999,
Yaoundé, Cameroun.
Jacques CORBIN
1. Formation intensive de haut niveau sur la régle- Fernando CUEVAS
mentation économique et financière dans l’indus- 1. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
trie électrique, 20 au 30 mai 2003, Longueuil, mentation économique et financière dans l’indus-
Canada. trie électrique, 17 au 22 mai 2004, Longueuil,
2. Formation intensive de haut niveau sur la régle- Canada.
mentation économique et financière dans l’indus- 2. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
trie électrique, 19 au 25 mai 2002, Longueuil, mentation économique et financière dans l’indus-
Canada. trie électrique, 19 au 25 mai 2002, Longueuil,
3. Atelier régional sur la régulation économique et Canada.
les modalités d’exercice du contrôle réglementaire 3. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
dans l’industrie électrique, 9 au 12 octobre 2001, mentation économique et financière dans l’indus-
Antananarivo, Madagascar. trie électrique, 20 au 26 mai 2001, Bromont
4. Atelier régional sur la réforme institutionnelle et (Québec), Canada.
les modalités d’exercice du contrôle réglemen- 4. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
taire, 4 au 6 décembre 2000, Antananarivo, mentation économique et financière dans l’indus-
Madagascar. trie électrique, 15 au 20 mai 2000, Saint-Jean-
5. Atelier national sur le statut et les responsabilités sur-Richelieu, Canada.
d’un organe de régulation et les modalités d’exer- 5. Assistance sur le programme de développement
cice du contrôle réglementaire, 20 au 22 juin des compétences pour accompagner la restructu-
2000, Conakry, République de Guinée. ration du secteur électrique, 2 au 9 mars 1999,
6. Atelier national sur la restructuration du secteur Yaoundé, Cameroun.
électrique et les modalités d’exercice du contrôle 6. Atelier national sur les réformes institutionnelles
A c t e s

réglementaire, 14 au 16 juin 2000, Ouagadougou, et la privatisation dans le secteur électrique, 28 au


Burkina Faso. 30 juillet 1998, Bamako, Mali.

211
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

Cristina CREMENESCU 11. Atelier national sur les réformes institutionnelles


1. Séminaire régional sur la programmation des et la privatisation dans le secteur électrique,
investissements énergétiques dans un contexte 28 au 30 juillet 1998, Bamako, Mali.
d’ouverture à la concurrence, 25 au 27 février Anastassios GENTZOGLANIS, Ph. D.
2003, Bucarest, Roumanie.
1. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
Alioune FALL mentation économique et financière dans l’indus-
1. Formation professionnelle sur la Politique de trie électrique, 23 au 29 octobre 2005, Longueuil,
l’énergie, 15 mars au 7 mai 2004, Dakar, Sénégal. Canada.
2. Participation à la «Table ronde francophone en 2. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
marge du Forum mondial sur la régulation de mentation économique et financière dans l’indus-
l’énergie», 9 octobre 2003, Italie. trie électrique, 17 au 22 mai 2004, Longueuil,
3. Séminaire préparatoire à la formation en poli- Canada.
tique énergétique, 14 et 15 octobre 2002, 3. Forum sur la réforme du secteur électrique, 23 au
Burkina Faso. 26 septembre 2003, Niamey, Niger.
4. Séminaire régional sur l’énergie et le dévelop- 4. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
pement durable en Afrique subsaharienne: quelles mentation économique et financière dans l’indus-
politiques, quelles réformes?, 11 au 13 décembre trie électrique, 20 au 30 mai 2003, Longueuil,
2000, Cotonou, Bénin. Canada.
5. Atelier régional sur la réforme institutionnelle et 5. Formation spécialisée sur la réglementation tari-
les modalités d’exercice du contrôle réglemen- faire, 31 mars au 4 avril 2003, Togo.
taire, 4 au 6 décembre 2000, Antananarivo, 6. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
Madagascar. mentation économique et financière dans l’indus-
6. Atelier national sur le statut et les responsabilités trie électrique, 19 au 25 mai 2002, Longueuil,
d’un organe de régulation et les modalités d’exer- Canada.
cice du contrôle réglementaire, 20 au 22 juin 7. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
2000, Conakry, République de Guinée. mentation économique et financière dans l’indus-
7. Atelier national sur la restructuration du secteur trie électrique, 20 au 26 mai 2001, Bromont
électrique et les modalités d’exercice du contrôle (Québec), Canada.
réglementaire, 14 au 16 juin 2000, Ouagadougou, 8. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
Burkina Faso. mentation économique et financière de l’indus-
8. Formation intensive de haut niveau sur la régle- trie électrique, 15 au 20 mai 2000, Saint-Jean-
mentation économique et financière de l’indus- sur-Richelieu, Canada.
trie électrique, 15 au 20 mai 2000, Saint-Jean-
sur-Richelieu, Canada. Jean-Pierre LASSENI-DUBOZE
9. Atelier international sur la réforme de la régle- 1. Forum sur la réforme du secteur électrique, 23 au
mentation et les modalités d’organisation et de 26 septembre 2003, Niamey, Niger.
gestion des secteurs de l’électricité et de l’eau, 2. Formation spécialisée sur la réglementation tari-
23 au 25 novembre 1999, Cotonou, Bénin. faire, 31 mai au 4 avril 2003, Togo.
3. Atelier national sur la réforme réglementaire et la
A c t e s

10.Atelier national sur la réforme réglementaire et la


privatisation dans le secteur électrique, 8 au privatisation dans le secteur électrique, 8 au
10 décembre 1998, Yaoundé, Cameroun. 10 décembre 1998, Yaoundé, Cameroun.

212
Liste des activités

Denis LEVY Amadou TANDIA


1. Formation-action sur les contrats et conventions 1. Forum sur la réforme du secteur électrique, 23 au
dans le secteur énergétique, octobre 2004 à 26 septembre 2003, Niamey, Niger.
décembre 2005. 2. Séminaire «Quels financements pour l’électrifi-
François OMBANDA cation rurale décentralisée?», 15 au 17 novembre
1999, Yaoundé, Cameroun.
1. Atelier régional sur la régulation économique et
les modalités d’exercice du contrôle réglementaire Flavien TCHAPGA
dans l’industrie électrique, 9 au 12 octobre 2001, 1. Formation sur les contrats et conventions dans le
Antananarivo, Madagascar. secteur énergétique, 25 au 30 octobre 2004,
2. Atelier régional sur la réforme institutionnelle et Cotonou, Bénin.
les modalités d’exercice du contrôle réglemen-
Lamine THIOUNE
taire, 4 au 6 décembre 2000, Antananarivo,
Madagascar. 1. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
mentation économique et financière dans l’indus-
3. Atelier national sur le statut et les responsabilités
trie électrique, 17 au 22 mai 2004, Longueuil,
d’un organe de régulation et les modalités d’exer-
Canada.
cice du contrôle réglementaire, 20 au 22 juin
2000, Conakry, République de Guinée. 2. Formation professionnelle sur la politique de
l’énergie, 15 mars au 7 mai 2004, Dakar,
4. Atelier national sur la restructuration du secteur
Sénégal.
électrique et les modalités d’exercice du contrôle
réglementaire, 14 au 16 juin 2000, Ouagadougou, 3. Forum sur la réforme du secteur électrique, 23 au
Burkina Faso. 26 septembre 2003, Niamey, Niger.
5. Atelier international sur la réforme de la régle- 4. Participation à la «Table ronde francophone en
mentation et les modalités d’organisation et de marge du Forum mondial sur la régulation de
gestion des secteurs de l’électricité et de l’eau, l’énergie», 9 octobre 2003, Italie.
23 au 25 novembre 1999, Cotonou, Bénin. Jean-Benoît TRAHAN
Yannick PEREZ 1. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
1. Formation intensive de haut niveau sur la régle- mentation économique et financière dans l’indus-
mentation économique et financière dans l’indus- trie électrique, 23 au 29 octobre 2005, Longueuil,
trie électrique, 17 au 22 mai 2004, Longueuil, Canada.
Canada. 2. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
mentation économique et financière dans l’indus-
David PROULT
trie électrique, 17 au 22 mai 2004, Longueuil,
1. Forum sur la réforme du secteur électrique, 23 au Canada.
26 septembre 2003, Niamey, Niger.
3. Forum sur la réforme du secteur électrique, 23 au
Pierrette SINCLAIR 26 septembre 2003, Niamey, Niger.
1. Atelier national sur les réformes institutionnelles 4. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
et la privatisation dans le secteur électrique, 28 au mentation économique et financière dans l’indus-
30 juillet 1998, Bamako, Mali. trie électrique, 20 au 30 mai 2003, Longueuil,
A c t e s

Canada.
5. Formation spécialisée sur la réglementation
tarifaire, 31 mai au 4 avril 2003, Togo.

213
Ve r s d e n o u v e l l e s o r g a n i s a t i o n s d u s e c t e u r é l e c t r i q u e : l e s r é f o r m e s , l e s a c t e u r s
et les expériences

6. Formation intensive de haut niveau sur la régle- 4. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
mentation économique et financière dans l’indus- mentation économique et financière dans l’indus-
trie électrique, 19 au 25 mai 2002, Longueuil, trie électrique, 19 au 25 mai 2002, Longueuil,
Canada. Canada.
7. Formation intensive de haut niveau sur la régle- 5. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
mentation économique et financière dans l’indus- mentation économique et financière dans l’indus-
trie électrique, 20 au 26 mai 2001, Bromont trie électrique, 20 au 26 mai 2001, Bromont
(Québec), Canada. (Québec), Canada.
8. Formation intensive de haut niveau sur la régle- 6. Atelier régional sur la réforme institutionnelle et
mentation économique et financière dans l’indus- les modalités d’exercice du contrôle réglemen-
trie électrique, 15 au 20 mai 2000, Saint-Jean- taire, 4 au 6 décembre 2000, Antananarivo,
sur-Richelieu, Canada. Madagascar.
André TURMEL 7. Atelier national sur le statut et les responsabilités
d’un organe de régulation et les modalités d’exer-
1. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
cice du contrôle réglementaire, 20 au 22 juin
mentation économique et financière dans l’indus-
2000, Conakry, République de Guinée.
trie électrique, 23 au 29 octobre 2005, Longueuil,
Canada. 8. Atelier national sur la restructuration du secteur
électrique et les modalités d’exercice du contrôle
2. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
réglementaire, 14 au 16 juin 2000, Ouagadougou,
mentation économique et financière dans l’indus-
Burkina Faso.
trie électrique, 17 au 22 mai 2004, Longueuil,
Canada. 9. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
mentation économique et financière dans l’indus-
3. Formation intensive de haut niveau sur la régle-
trie électrique, 15 au 20 mai 2000, Saint-Jean-
mentation économique et financière dans l’indus-
sur-Richelieu, Canada.
trie électrique, 20 au 30 mai 2003, Longueuil,
Canada.
A c t e s

214
www.francophonie.org

L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) est une institution fondée sur le partage d’une
langue, le français, et de valeurs communes. Elle compte à ce jour cinquante-trois États et gouvernements
membres et dix observateurs. Présente sur les cinq continents, elle rassemble une population de plus de
500 millions de femmes et d’hommes, et représente plus du quart des États membres de l’Organisation des
Nations unies.

Elle conduit des actions dans les domaines de la prévention et du règlement des conflits, des droits de l’Homme,
de la démocratie, de l’éducation, de la culture et du développement. Elle s’appuie pour cela sur quatre opérateurs
directs : l’Agence universitaire de la Francophonie, l’Université Senghor d’Alexandrie, l’Association
internationale des maires francophones et TV5. L’Assemblée parlementaire de la Francophonie en est
l’assemblée consultative. Le Secrétaire général, clé de voûte du système institutionnel, est chargé de la mise en
œuvre de la politique internationale, ainsi que de l’animation et de la coordination de la politique de
coopération. La Conférence des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage, appelée
«Sommet de la Francophonie », se tient tous les deux ans, depuis 1986.

55 États et gouvernements membres


Albanie, Principauté d’Andorre, Royaume de Belgique, Bénin, Bulgarie, Burkina Faso, Burundi, Cambodge,
Cameroun, Canada, Canada-Nouveau-Brunswick, Canada-Québec, Cap-Vert, Centrafrique, Communauté
française de Belgique, Comores, Congo, R.D. Congo, Côte d’Ivoire, Djibouti, Dominique, Égypte, France, Gabon,
Grèce, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Haïti, Laos, Liban, Luxembourg, Macédoine (ARY),
Madagascar, Mali, Maroc, Maurice, Mauritanie, Moldavie, Monaco, Niger, Roumanie, Rwanda, Sainte-Lucie,
São Tomé e Príncipe, Sénégal, Seychelles, Suisse, Tchad, Togo, Tunisie, Vanuatu, Vietnam.

10 Observateurs
Arménie, Autriche, Croatie, Géorgie, Hongrie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovénie et Slovaquie.

Secrétaire général : M. Abdou DIOUF

L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF)


Secrétariat général
28, rue de Bourgogne
75007 Paris
FRANCE
Téléphone : (33) 1 44 11 12 50
Télécopie : (33) 1 44 11 12 80
Courriel : [email protected]
Site Internet : http://www.francophonie.org
La Francophonie au service du développement durable
L’Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie (IEPF), organe subsidiaire de l’Organisation
internationale de la Francophonie, est né en 1988 de la volonté des chefs d’État et de gouvernement des pays
francophones de conduire une action concertée visant le développement du secteur de l’énergie dans les pays
membres. En 1996 cette action a été élargie à l’Environnement.
Basé à Québec, l’Institut a aujourd’hui pour mission de contribuer au renforcement des capacités nationales
et au développement de partenariats dans les domaines de l’énergie et de l’environnement.
Meilleure gestion et utilisation des ressources énergétiques, intégration de l’environnement dans les politiques
nationales dans une perspective durable et équitable, tels sont les buts des interventions spécifiques de l’IEPF –
formation, information, actions de terrain et concertation – menées en synergie avec les autres programmes
de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie et notamment ceux issus du chantier « Développement
et solidarité ».
La programmation mise en œuvre par l’équipe des collaborateurs de l’IEPF s’exprime dans 6 projets qui
fondent ses activités.
Appui aux stratégies et politiques nationales de développement durable en énergie et environnement
• Prospective et mobilisation de l’expertise pour le développement durable,
• Politiques environnementales et mise en œuvre des Conventions,
• Politiques énergétiques,
Appui à la maîtrise des instruments du développement durable en énergie et environnement
• Maîtrise des outils de gestion de l’environnement et du développement (MOGED),
• Maîtrise de l’énergie,
• Information pour la décision.

L’Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie


56, rue Saint-Pierre, 3e étage
Québec (QC) G1K 4A1
CANADA
Téléphone : (1-418) 692-5727
Télécopie : (1-418) 692-5644
Courriel : [email protected]
Site Web : http://www.iepf.org
IEPF-Actes Réf. inst. secteur énerg. COUV 10/01/06 16:05 Page 1

VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE


VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS
DU SECTEUR ÉLECTRIQUE:
C ’est sur la base d’une démarche multiforme que les grandes muta-
tions technologiques et organisationnelles qu’ont connues le sec-
teur électrique et le jeu des acteurs dans l’industrie électrique ont été
LES RÉFORMES, LES ACTEURS
anticipées, examinées et accompagnées, avec nos partenaires, durant ET LES EXPÉRIENCES
les dix dernières années.
Ce sont, ainsi, au cours de cette période, presque 500 cadres franco-
phones qui ont été, d’une manière ou d’une autre, mobilisés dans des
activités d’information ou de sensibilisation, de formation ou de ré-
flexion collective ainsi que d’échanges d’expériences. Ces activités
ont été organisées autour des enjeux, des contenus et des modalités
variées de mise en œuvre, voire d’évaluation des réformes des sec-
teurs électriques dans l’espace francophone ou ailleurs.
Et c’est dans le suivi de ces nombreuses activités que se situe la publi-
cation du présent ouvrage, comme somme d’une quinzaine de contri-
butions émanant d’auteurs des quatre coins de notre espace et
comme synthèse riche de la diversité des points de vue tant géogra-
phiques que thématiques et « disciplinaires ».
En effet, cet ouvrage traite non seulement de la caractérisation des
réformes au plan conceptuel et au plan pratique et opérationnel, mais
analyse également les rôles des acteurs et les mécanismes de régula-
risation de ces différents rôles. Il présente aussi l’avantage d’illustrer
de telles analyses par des études de cas et des retours d’expériences,
en général, par ceux-là mêmes qui ont eu à conduire ou à « suivre »
au plus près ces expériences.
C’est ainsi le fruit d’un travail collectif et multidisciplinaire « exem-
plaire », car mené à bon port par celles et ceux qui ont accompagné
5
COLLECTION A C T E S
l’Institut dans la conception et l’animation des activités du renfor-
cement de capacités et d’échanges sur les réformes, soit en tant que
chercheurs universitaires ou experts intéressés, soit en tant qu’acteurs
ou opérateurs directs. Colloques 1998-2005

5
INSTITUT DE L’ÉNERGIE ET DE L’ENVIRONNEMENT DE LA FRANCOPHONIE (IEPF)
56, RUE SAINT-PIERRE, 3e ÉTAGE, QUÉBEC (QUÉBEC) G1K 4A1 CANADA
L’IEPF est un organe subsidiaire de l’Agence intergouvernementale
de la Francophonie, opérateur principal de l’Organisation internationale
Les publications de l’IEPF
de la Francophonie.

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