coursMP2I Algebre
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Cours de mathématiques
Partie III – Algèbre 1
MP2I
Alain TROESCH
Version du:
4 juillet 2024
Table des matières
19 Structures algébriques 5
I Lois de composition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
I.1 Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
I.2 Propriétés d’une loi de composition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
I.3 Ensembles munis de plusieurs lois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
I.4 Stabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
II Structures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
II.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
II.2 Morphismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
II.3 Catégories (HP) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
III Groupes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
III.1 Axiomatique de la structure groupes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
III.2 Exemples importants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
III.3 Sous-groupes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
III.4 Sous-groupes engendrés par une partie, sous-groupes monogènes . . . . . . . . . . . 21
III.5 Sous-groupes de Z et R . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
III.6 Congruences modulo un sous-groupe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
III.7 Les groupes Z/nZ, groupes cycliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
IV Anneaux et corps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
IV.1 Axiomatiques de la structure d’anneau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
IV.2 Sous-anneaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
IV.3 Calculs dans un anneau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
IV.4 Éléments inversibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
IV.5 Corps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
IV.6 Idéaux d’un anneau (Spé) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
20 Calcul matriciel 37
I Opérations matricielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
I.1 L’ensemble des matrices de type (n, p) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
I.2 Combinaisons linéaires de matrices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
I.3 Produit matriciel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
I.4 Transposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
II Matrices carrées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
II.1 L’algèbre Mn (K) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
II.2 Matrices triangulaires et diagonales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
2 Table des matières
THÉORÈME. Soit une équation donnée, dont a, b, c, ... sont les m racines. Il y aura toujours
un groupe de permutations des lettres a, b, c, ... qui jouira de la propriété suivante :
1. Que toute fonction des racines, invariable par les substitutions de ce groupe, soit ration-
nellement connue ;
2. Réciproquement, que toute fonction des racines, déterminable rationnellement, soit inva-
riable par les substitutions.
[...] Nous appellerons groupe de l’équation le groupe en question.
(Évariste Galois)
La notion de structure algébrique repose de façon essentielle sur la notion de loi de composition (c’est-
à-dire d’opération définie sur un ensemble, comme l’addition ou la multiplication) et sur les différentes
propriétés que ces lois de composition peuvent vérifier. Nous commençons donc notre étude par l’examen
de ces propriétés, après avoir défini de façon précise ce qu’est une loi de composition.
I Lois de composition
I.1 Définitions
Dans ce qui suit, E est un ensemble quelconque.
6 CHAPITRE 19. STRUCTURES ALGÉBRIQUES
Exemples 19.1.2
● Les lois + et × sont des lois de composition internes sur N, Z, R ou C.
● La loi + est une loi de composition interne sur Rn ou Cn .
● (λ, X) ↦ λX (multiplication d’un vecteur par un scalaire) est une loi de composition externe
sur Rn (ou Cn ), d’ensemble d’opérateurs R (ou C).
● De même pour la multiplication des polynômes par des scalaires.
● La composition ○ définit une loi de composition interne sur E E .
● Le produit scalaire sur Rn n’est pas une loi de composition (interne ou externe), car le résultat
de l’opération n’est pas un élément de Rn .
Ainsi, lorsque E est muni d’une loi associative, on peut effectuer les opérations dans l’ordre que l’on
veut, à condition de respecter la position respective des éléments les uns par rapport aux autres. Si
la loi est commutative, on peut échanger la position respective des éléments (mais pas nécessairement
faire les opérations dans l’ordre qu’on veut si la loi n’est pas associative). Pour énoncer cette propriété
d’associativité généralisée, on commence par définir ce qu’est un parenthésage admissible.
Remarque 19.1.5
Le parenthésage le plus externe n’est pas complètement utile, et ne sert qu’à continuer la construction
si d’autres termes doivent s’ajouter à l’expression. Ainsi, dans une expression munie d’un parenthésage
admissible, on omet souvent le jeu de parenthèses externes. Par exemple, l’expression (x1 ⋆ x2 ) est
munie d’un parenthésage admissible, mais on écrira plutôt x1 ⋆ x2 . De même, on écrira x1 ⋆ (x2 ⋆ x3 )
plutôt que (x1 ⋆ (x2 ⋆ x3 )).
Exemples 19.1.6
En utilisant la convention de la remarque précédente, lesquelles des expressions ci-dessous sont munies
d’un parenthésage admissible ?
● (x1 ⋆ x2 ) ⋆ (x3 ⋆ x4 ) ⋆ x5
● (x1 ⋆ x2 ) ⋆ ((x3 ⋆ x4 ) ⋆ x5 )
● (x1 ⋆ x2 ) ⋆ x3 ) ⋆ ((x4 ⋆ x5 )
◁ Éléments de preuve.
Ce résultat qui paraît évident intuitivement n’est pas si évident que cela à démontrer. Une démons-
tration consiste à montrer par récurrence forte sur n (en se servant de la structure inductive), toute
expression convenable parenthésée est égale à l’expression munie du parenthésage croissant, dans
lequel les opérations sont faits dans l’ordre de lecture. La démonstration consiste alors à décomposer
une expressions en deux, écrire l’expression de droite avec un parenthésage croissant en utilisant l’hy-
pothèse de récurrence, utiliser l’associativité pour isoler xn puis réutiliser l’hypothèse de récurrence
sur l’expression de gauche constituée maintenant de n − 1 termes. ▷
On peut aussi donner une propriété de commutativité généralisée, lorsqu’on a à la fois l’associativité et la
commutativité. Dans le cas d’une structure commutative non associative, la description est plus délicate.
◁ Éléments de preuve.
Ici encore, le théorème semble assez évident. Mais une démonstration rigoureuse nécessite un petit
effort de reflexion, et l’utilisation de quelques propriétés des permutations. On peut montrer que
toute permutation s’écrit comme composée de permutations très simples consistant simplement à
8 CHAPITRE 19. STRUCTURES ALGÉBRIQUES
échanger 2 termes consécutifs, en laissant les autres fixes. C’est ce qu’on fait par exemple lorsqu’on
effectue un tri à bulles, ou un tri par insertion, si on remonte les éléments au fur et à mesure. En
admettant ce résultat, on passe donc de l’expression de gauche à l’expression de droite en faisant une
succession d’échanges de deux termes consécutifs. Par associativité généralisée, on peut trouver un
parenthésage associé qui regroupe ces deux termes, et donc l’échange de ces deux termes ne change
pas la valeur de l’expression (par commutativité).
En attendant de disposer de ce résultat, on peut montrer à la main que l’échange de deux termes
quelconques non nécessairement consécutifs ne change pas la valeur de l’expression, ce qui permet
d’échanger xn et xϕ(n) dans l’expression de droite (si n ≠ ϕ(n)), puis on termine par récurrence, en
considérant l’expression formée des n − 1 premiers termes. ▷
Avertissement 19.1.11
Attention à toujours bien indiquer le parenthésage lorsque la loi n’est pas associative, ou lorsque
plusieurs lois sont en jeu sans qu’il n’ait été défini de façon explicite de relation de priorité sur les
opérations.
Ainsi, vous avez déjà l’habitude d’écrire ab au lieu de a × b ou a ⋅ b. Cet usage, courant dans R ou
C, est aussi fréquent pour les opéraions matricielles, à la fois pour le produit interne que le produit
externe (multiplication d’une matrice par un scalaire). De façon peut-être plus troublante, il est fréquent
d’omettre le ○ de la composition, en particulier lorsqu’on compose des applications linéaires (il n’y a alors
pas d’ambiguïté sur le sens de ce produit, les éléments de l’espace d’arrivée ne pouvant en général pas se
multiplier entre eux)
le nombre de termes x étant égal à n. Pour une définition plus rigoureuse, par récurrence, x⋆1 = x, et
pour tout n ∈ N∗ , x⋆(n+1) = x⋆n ⋆ x.
Si E admet un élément neutre e pour la loi ⋆ (voir ci-dessous), on note par convention x⋆0 = e. Remarquez
qu’alors, la définition par récurrence est aussi valable pour passer de l’exposant 0 à l’exposant 1.
Dans le cas où plusieurs lois sont en jeu, la notation xn peut prêter à confusion. En général, dans les
structures faisant intervenir deux lois dont une commutative, on utilise la multiplication × (loi multi-
plicative) et l’addition + (loi additive). On distingue les itérations des lois sans introduire de lourdeur
d’écriture en utilisant une notation particulière pour l’itération de l’addition, calquée sur ce qu’il se passe
dans R :
Attention au fait que généralement, n n’étant pas élément de E, la notation ⋅ est à distinguer d’une
éventuelle multiplication dans E (cela définit une loi externe à opérateurs dans N). Si N ⊂ E, la loi
externe ⋅ peut coïncider avec le produit, si E est muni d’une structure suffisamment riche. C’est ce qui
se produit dans la plupart des structures qui contiendront N que nous aurons l’occasion de considérer.
Nous voyons maintenant des propriétés liées à l’existence de certains éléments particuliers de E.
Pour une loi commutative, e est neutre ssi e est neutre à droite ssi e est neutre à gauche.
Une loi ne peut pas admettre plusieurs éléments neutres, comme le montre la propriété suivante.
◁ Éléments de preuve.
Considérer e1 ⋆ e2 ▷
Dans une situation plus générale, on trouve souvent la notation xs pour désigner le symétrique.
◁ Éléments de preuve.
Si y et z sont deux symétriques de x, considérer y ⋆ x ⋆ z. ▷
Exemples 19.1.23
1. Dans N seul 0 admet un opposé pour +.
2. Dans Z, R, Q, C, tout élément admet un opposé pour +.
3. Dans N seul 1 admet un inverse, dans Z, seuls 1 et −1 admettent un inverse. Dans R, Q et C
tous les éléments non nuls admettent un inverse.
4. Dans E E muni de ○, sous réserve de l’axiome du choix, les éléments symétrisables à gauche sont
les injections, les éléments symétrisables à droite sont les surjections, les éléments symétrisables
sont les bijections. Une injection non surjective admet plusieurs symétriques à gauche ; une
surjection non injective admet plusieurs symétriques à droite.
◁ Éléments de preuve.
Le vérifier ! ▷
Traduisons pour une loi multiplicative : si x et y sont inversibles, d’inverses x−1 et y −1 , alors xy aussi, et
(xy)−1 = y −1 x−1 .
Exemples 19.1.26
1. 0 est absorbant pour × dans N, Z, Q, R, C.
2. Pour la loi (x, y) ↦ y, tout élément y de E est absorbant à droite. Il n’y a pas d’élément
absorbant à gauche si E est de cardinal au moins 2.
3. +∞ est absorbant dans (R ∪ {+∞}, +).
∀(y, z) ∈ E 2 , x ⋆ y = x ⋆ z Ô⇒ y = z.
∀(y, z) ∈ E 2 , y ⋆ x = z ⋆ x Ô⇒ y = z.
● Un élément x est dit régulier (ou simplifiable) s’il est à la fois régulier à gauche et à droite.
◁ Éléments de preuve.
Pour simplifier, multiplier par le symétrique ! ▷
Ainsi, le fait de pouvoir simplifier une égalité par un réel ou complexe non nul x ne vient pas tant de
la non nullité que de l’inversibilité de x. Par exemple, la non nullité n’est pas un critère suffisant de
régularité dans Mn (R) : il est nécessaire d’avoir l’inversibilité de la matrice que l’on veut simplifier.
Il convient toutefois de noter que la condition d’inversibilité, si elle est suffisante, n’est en général pas
nécessaire.
Exemple 19.1.29
Donnez des exemples de structures algébriques simples dans lesquelles certains éléments sont réguliers
sans être inversibles.
Exemples 19.1.31
1. La loi × est distributive sur + dans N, Z, R, C, Mn (R)...
2. La loi ∩ est distributive sur ∪ sur P(X). Inversement, la loi ∪ est distributive sur ∩.
3. Que peut-on dire de la loi ∩ par rapport à elle-même ? De la loi ∪ ?
Remarque 19.1.32
La première relation x ⋆ (y ◇ z) = (x ⋆ y) ◇ (x ⋆ z) a également un sens lorsque ⋆ est une loi externe.
Ainsi, dans Rn , muni de l’addition en loi interne, et de la multiplication des scalaires en loi externe, on
a λ(X + Y ) = λX + λY : la loi externe est distributive sur la loi interne.
La loi × n’étant pas supposée commutative, les produits ∏ sont à comprendre dans l’ordre croissant des
indices.
◁ Éléments de preuve.
Le montrer pour n = 2, puis récurrence sur n. La démonstration est exactement la même que celle
faite dans le chapitre sur les sommes dans le cas des nombres réels. ▷
Exemple 19.1.34
Comprendre la formule ci-dessus pour l’expression (x1 + x2 ) × (y1 + y2 + y3 ) × (z1 + z3 ).
Cette propriété est par exemple satisfaite sur Rn pour la multiplication par un scalaire : (λµ)X = λ(µX).
Plus généralement, un espace vectoriel vérifiera cette propriété d’associativité externe.
De la même manière, si E est muni d’une loi interne × et d’une loi externe ◇ à opérateurs dans K, on
dispose d’une autre propriété de distributivité externe s’exprimant par la relation :
λ ◇ (x × y) = (λ ◇ x) × y.
Dans cette situation, qu’on retrouve notamment dans la définition des K-algèbres, on pourra éventuelle-
ment avoir en plus l’égalité avec x × (λ ◇ y).
II Structures 13
C’est une propriété qu’on retrouve par exemple pour l’ensemble des matrices carrées d’ordre n, muni de
la loi interne × (produit matriciel) et de la loi externe correspondant au produit d’une matrice par un
scalaire.
I.4 Stabilité
Définition 19.1.36
1. Soit E un ensemble muni d’une loi de composition interne ⋆ et F ⊂ E un sous-ensemble de E.
On dit que F est stable par ⋆, si la restriction de la loi de E à F × F peut se corestreindre à F ,
autrement dit si :
∀(x, y) ∈ F 2 , x ⋆ y ∈ F.
Dans ce cas, la l.c.i. de E se restreint en une l.c.i. ⋆F : F × F → F , appelée loi induite sur F par
⋆.
2. Soit E un ensemble muni d’une loi de composition externe ⋅ à opérateurs dans Ω, et F ⊂ E. On
dit que E est stable par ⋅ :
∀ω ∈ Ω, ∀x ∈ F, ω ⋅ x ∈ F.
Dans ce cas, la l.c.e. de E se restreint en une l.c.e. sur F , à opérateurs dans Ω.
II Structures
II.1 Généralités
Définition 19.2.1
● Une structure de « truc » est la donnée d’un certain nombre d’axiomes (définissant ce qu’on
appelle un « truc ») portant sur un ensemble fini de lois de composition (internes et/ou externes).
● On dit qu’un ensemble E est muni d’une structure de truc ssi E est muni d’un nombre fini de
lois de composition vérifiant les axiomes de structure de truc.
Exemples 19.2.2
1. Une structure de magma se définit comme la donnée d’une loi de composition, et un ensemble
vide d’axiomes. Ainsi, tout ensemble E muni d’une loi de composition est muni d’une structure
de magma.
2. Une structure de monoïde se définit comme la donnée d’une loi de composition, et de deux
axiomes : l’associativité de la loi et l’existence d’un élément neutre. Par exemple (N, +) est muni
d’une structure de monoïde (on dit plus simplement que (N, +) est un monoïde). L’ensemble
des mots sur un alphabet A, muni de l’opération de concaténation est aussi un monoïde (appelé
monoïde libre sur l’alphabet A). Contrairement à N, le monoïde libre n’est pas commutatif.
3. Ainsi, la structure de monoïde est plus riche que celle de magma : tout monoïde est aussi un
magma ; un monoïde peut être défini comme un magma dont la loi est associative et possède un
élément neutre.
4. Une structure de groupe est une structure de monoïde à laquelle on rajoute l’axiome d’existence
de symétriques. Par exemple (Z, +) est un groupe, mais pas (N, +).
Avertissement 19.2.4
En général, F ne peut pas être muni d’une structure de truc, mais seulement d’une structure moins
riche, certains des axiomes de la structure de truc pouvant ne pas être préservée par restriction.
Exemple 19.2.5
(N, +) est la structure induite sur N par la structure de groupe additif de (Z, +). En revanche, (N, +)
n’est pas un groupe. On a perdu l’existence des opposés par restriction.
Nous verrons comment traduire de façon effective cette notion dans le cas de sous-groupes et sous-anneaux.
II.2 Morphismes
Lorsqu’on dispose d’une structure de truc, on est souvent amené à considérer des applications entre
ensembles munis de la structure de truc. Cependant seules nous intéressent les applications compatibles
dans un certain sens avec la structure de truc : les autres ne sont pas pertinentes dans le contexte (si on
a à s’en servir, c’est qu’on sort de la structure de truc, et que la structure de truc n’est plus le contexte
adapté).
● Si l’existence du neutre ei pour la loi ⋆ est imposée dans les axiomes (et donc le neutre e′i pour
la loi ◇ existe aussi), f doit être compatible avec le neutre : f (ei ) = e′i .
i
i
On peut avoir à rajouter certaines propriétés liées à la structure étudiée. On peut aussi ajouter l’exis-
tence d’un homomorphisme nul (ne vérifiant pas la compatibilité avec les neutres non additifs), afin
d’obtenir une structure intéressante sur l’ensemble des morphismes.
II Structures 15
Ainsi, un homomorphisme entre deux ensembles muni d’une certaine structure est une application « res-
pectant » cette structure.
Pour chaque structure étudiée, nous redéfinirons de façon précise la notion d’homomorphisme associée, si
celle-ci est à connaître. Nous donnons une propriété générale, dont la démonstration dans le cadre général
nous dispensera des démonstrations au cas par cas.
◁ Éléments de preuve.
Vérifier en deux temps le respect par g ○ f de chaque loi interne, chaque loi externe, chaque neutre
imposé. ▷
Nous définissons alors :
Terminologie 19.2.10
● Un isomorphisme de trucs est un homomorphisme de truc bijectif.
● Un endomorphisme de truc est un homomorphisme de truc de E dans lui-même (muni des
mêmes lois) (il n’y a ici qu’un truc en jeu, ce qui justifie le singulier)
● Un automorphisme de truc est un endomorphisme qui est également un isomorphisme.
Proposition 19.2.11
Si f ∶ E Ð→ F est un isomorphisme de trucs, alors f −1 est un isomorphisme de trucs.
Ainsi, la réciproque d’un isomorphisme est bijective (ça, ce n’est pas une surprise), et c’est aussi un
homomorphisme de trucs (ce qui est moins trivial).
◁ Éléments de preuve.
C’est ce dernier point qu’il faut vérifier. Pour une loi interne ⋆, comparer f (f −1 (a) ⋆ f −1 (b)) et
f (f −1 (a ⋆ b)). Même principe pour la loi externe. Le respect des neutres est évident. ▷
III Groupes
III.1 Axiomatique de la structure groupes
◁ Éléments de preuve.
Provient de résultats déjà vus ▷
◁ Éléments de preuve.
De même. ▷
En vertu des définitions générales données dans le paragraphe précédent, nous donnons la définition
suivante :
Le respect du neutre n’a pas été imposé. Et pour cause : il est ici automatiquement vérifié :
◁ Éléments de preuve.
Considérer f (eG ⋆ eG ) et utiliser la régularité dans H. ▷
◁ Éléments de preuve.
Considérer f (x)f (x−1 ). ▷
18 CHAPITRE 19. STRUCTURES ALGÉBRIQUES
◁ Éléments de preuve.
Utiliser les résultats relatifs aux composées de morphismes et à la réciproque d’un isomophisme. ▷
Exemples 19.3.11
1. (Z, +), (Q, +), (R, +), (C, +) sont des groupes abéliens notés additivement.
2. (Q∗ , ×), (R∗ , ×), (C∗ , ×), (Q∗+ , ×), (R∗+ , ×) sont des groupes abéliens notés multiplicativement.
3. (N, +), (Q, ×), (Z∗ , ×), « (R∗− , ×) » sont-ils des groupes ?
4. (U, ×) et (Un , ×) sont des groupes.
5. Pour n ⩾ 2, (Z/nZ, +) est un groupe.
6. ((Z/nZ) ∖ {0}, ×) est-il en général un groupe ?
7. Étant donné X un ensemble, (SX , ○), l’ensemble des permutations de X est un groupe pour la
loi définie par la composition.
8. exp ∶ (R, +) Ð→ (R∗+ , ×) est un homomorphisme de groupes. C’est même un isomorphisme.
9. Sa réciproque est donc aussi un isomorphisme de groupes : ln ∶ (R∗+ , ×) Ð→ (R, +).
10. L’application x ↦ ei x est un morphisme de groupes de (R, +) à (U, ×).
11. L’application z ↦ ez est un morphisme de groupes surjectif (mais non injectif) de (C, +) sur
(C∗ , ×).
2kπ
12. Soit n ⩾ 2 et pour tout k ∈ J0, n − 1K, ωk = ei n . Alors, étant donné k ∈ J0, nK :
f∶ (Z, +) Ð→ (Un , ×)
ℓ ↦ ωkℓ
III.3 Sous-groupes
Toujours en suivant les définitions plus générales, nous donnons la définition suivante :
Remarquez qu’on n’a pas donné l’appartenance du neutre à H dans la définition, celle-ci étant automa-
tique en vertu de :
III Groupes 19
◁ Éléments de preuve.
Considérer eG ⋅ h et eH ⋅ h, pour h ∈ H. ▷
Dans la pratique, pour vérifier que H est un sous-groupe de G on utilise le résultat suivant, ou sa version
compactée :
◁ Éléments de preuve.
CN : assez évidente, se servir du fait que le neutre est le même pour le troisième point.
CS : provient du fait que les propriétés universelles (donc l’associativité) se conservent par restriction.
Le point (ii) nous assure de la bonne définition de la loi. ▷
On peut rassembler les deux dernières propriétés en une seule vérification :
◁ Éléments de preuve.
Comparer au théorème précédent : un sens est évident. Il suffit de montrer qu’avec les 3 points de
ce théorème, on peut séparer la stabilité par somme et par inversion. Commencer par justifier que
e = eG ∈ H, puis considérer x = e pour la stabilité par inverse, puis y ′ = y s pour la stabilité par
produit. ▷
Proposition 19.3.16
Dans les deux théorèmes précédents, on peut remplacer le point (i) par :
(i’) eG ∈ H.
◁ Éléments de preuve.
Si H est un sous-groupe, il contient nécessairement eG . ▷
On traduit cette dernière propriété dans les deux cas les plus fréquents :
● pour un sous-groupe d’un groupe additif, la vérification de stabilité à faire est donc :
∀(x, y) ∈ H 2 , x − y ∈ H;
● pour un sous-groupe d’un groupe multiplicatif, la vérification de stabilité à faire est donc :
∀(x, y) ∈ H 2 , xy −1 ∈ H.
20 CHAPITRE 19. STRUCTURES ALGÉBRIQUES
Dans certaines situations, il est plus commode de dissocier l’étude de la stabilité par produit et de la
stabilité par inversion.
De façon évidente, étant donné G un groupe, d’élément neutre e, {e} et G sont des sous-groupes de G.
◁ Éléments de preuve.
Sans difficulté à l’aide de l’une ou l’autre des caractérisations des sous-groupes. ▷
Remarque 19.3.19
Une union de sous-groupes est-elle un sous-groupe ?
◁ Éléments de preuve.
Vérification facile par caractérisation. ▷
◁ Éléments de preuve.
Cas particulier de la proposition précédente. ▷
◁ Éléments de preuve.
Remarquer que (en notation multiplicative), f (x) = f (y) équivaut à f (xy −1 ) = eH . ▷
Proposition 19.3.23
Soit G un groupe multiplicatif. Soit f un morphisme de Hom(G, H) et y ∈ H. Soit x ∈ f −1 ({y}). On a
alors
f −1 ({y}) = x × Ker(f ) = {x × z, z ∈ Ker(f )} = Ker(f ) × x.
Ces ensembles sont les fibres de f .
La notion de fibre est assez limpide, surtout si on la traduit dans un contexte additif : il s’agit alors
d’ensembles x + Ker(f ), autrement dit de translatés du noyau.
Exemple 19.3.24
On a déjà croisé des fibres de morphismes de groupes (c’était même des « applications linéaires »). À
quelle(s) occasion(s) ?
Proposition 19.3.26 (Description par le haut du sous-groupe engendré par une partie)
Soit X une partie d’une groupe G. Alors :
⟨X⟩ = ⋂ H,
X⊂H
◁ Éléments de preuve.
L’intersection est bien définie elle est constituée d’au moins un terme), elle est un sous-groupe, et
est évidemment minimale. ▷
Proposition 19.3.27 (Description par le bas du sous-groupe engendré par une partie)
Soit X une partie d’une groupe G. Alors ⟨X⟩ est l’ensemble des éléments pouvant s’écrire sous la forme
x1 ⋯xn , n ∈ N, où les xi vérifient soit xi ∈ X, soit x−1
i ∈ X. Le produit vide est par convention égal au
neutre e de G.
◁ Éléments de preuve.
Justifier que l’ensemble de ces éléments est forcément inclus dans ⟨X⟩, et que c’est une sous-groupe
contenant X. ▷
3. Un sous-groupe H est dit monogène s’il existe x tel que H soit le sous-groupe monogène engendré
par x.
4. Un groupe est dit monogène s’il est un sous-groupe monogène de lui-même.
5. Un groupe est dit cyclique s’il est monogène et fini.
◁ Éléments de preuve.
C’est une question d’associativité généralisée. ▷
Remarque 19.3.30
À quelle condition nécessaire et suffisante sur X ⊂ G le sous-groupe ⟨X⟩ est-il abélien ?
III.5 Sous-groupes de Z et R
◁ Éléments de preuve.
Considérer n l’élément minimal de G∩N∗ . Justifier que nZ ⊂ G, et si l’inclusion est stricte, contredire
la minimalité de n en effectuant une division euclidienne. ▷
◁ Éléments de preuve.
Un peu le même principe pour commencer : soit a = inf(G ∩ R∗+ ).
● si a > 0, justifier que a ∈ G (sinon il existe des éléments de G aussi proches qu’on veut les uns des
autres), et terminer comme pour les sous-groupes de Z
● Sinon, il existe des éléments de G aussi petits qu’on veut à partir desquels on peut faire un
balayage de R, pour venir en insérer entre deux réels donnés x et y. C’est le même principe que
la démonstration de la densité de Q.
▷
Exemple 19.3.33
Ainsi que nous l’avons évoqué dans un chapitre antérieur, l’ensemble des périodes d’une fonction f ∶
R → R est soit de la forme T Z soit dense dans R.
III Groupes 23
Remarque 19.3.35
Les classes à gauche et à droite ne sont en général pas des sous-groupes. Donner une CNS sur a pour
que aH soit un sous-groupe de G.
x ≡g y [H] ⇐⇒ x−1 y ∈ H
On en déduit le théorème de Lagrange, qui est l’un des résultats élémentaires les plus importantes sur les
cardinaux des groupes finis.
◁ Éléments de preuve.
h ↦ ah est une bijection de H sur aH. ▷
◁ Éléments de preuve.
Les parts de la partition sont toutes de même taille. Ainsi, si k est leur nombre, ∣G∣ = k ⋅ ∣H∣. ▷
24 CHAPITRE 19. STRUCTURES ALGÉBRIQUES
● La loi induite sur l’ensemble quotient munit celui-ci d’une structure de groupe abélien.
◁ Éléments de preuve.
● Le premier point est immédiat
● le deuxième se vérifie facilement en considérant (xy)(x′ y ′ )−1 et en utilisant la commutativité
pour réordonner les choses.
● Par double inclusion et commutativité, c’est assez immédiat.
● Le point précédent et l’associativité de G permettent de faire toutes les manipulations requises
sur les groupes pour obtenir ce résultat. On pourra remarquer que H ⋅ H = H (au sens du produit
élément par élément pour simplifier).
▷
On voit maintenant comment généraliser cette construction à un groupe G quelconque, avec certaines
conditions sur le sous-groupe G. Ce qui fait bien marcher les vérifications précédentes, c’est le fait d’une
part que aH = Ha et d’autre part qu’on a une description explicite élément par élément.
On remarquera que la relation aH = Ha imposée pour tout a ∈ G signifie que les relations de congruence
à gauche et à droite sont identiques (puisqu’elles ont les mêmes classes), ce qui nous fait retomber sur le
premier point de la propriété précédente.
◁ Éléments de preuve.
(i) implique (ii) de façon immédiate. Réciproquement, (ii) signifie que tout ah peut s’écrire h′ a pour
un certain h′ . cela donne une inclusion, puis une deuxième par symétrie. ▷
◁ Éléments de preuve.
● Elles ont les mêmes classes
● Mêmes vérifications que dans le cas abélien, mais en remmplaçant la propriété de commutativité
par le fait qu’on peut presque commuter un élément par un élément de H, quitte à remplacer
l’élément de H par un autre. Plus précisément, ah peut se réécrire h′ a, pour un h′ ∈ H.
● Même principe
● Les vérifications se font de même que dans le cas abélien, puisque basées sur le point précédent.
Seule la commutativité ne passe pas bien entendu !
▷
Remarque 19.3.46
Lorsque G est un groupe abélien, tout sous-groupe H de G est distingué. La première construction
donnée est un cas particulier de la situation générale.
On donne maintenant un certain nombre de propriétés utiles pour définir des morphismes sur des groupes
quotients, et pour construire des isomorphismes (qui permettent de comparer des structures de groupes)
◁ Éléments de preuve.
Vérifier que pour un morphisme de groupe, cela équivaut au fait que f est constante sur chaque
classe d’équivalence. ▷
◁ Éléments de preuve.
Le passage au quotient provient du lemme précédent. La relation de morphisme passe alors aussi au
quotient. Le noyau est clairement la classe de e. ▷
Encore une fois, cela traduit le fait que Ker(f ) regroupe tout le défaut d’injectivité. Si on tue le défaut
d’injectivité en le considérant comme un unique élément 0, on gagne l’injectivité.
26 CHAPITRE 19. STRUCTURES ALGÉBRIQUES
Définition 19.3.49
Soit n ∈ N∗ . Le groupe Z/nZ est le groupe quotient de Z par son sous-groupe (distingué) nZ
Concrètement, les éléments de Z/nZ sont les classes nZ + k, pour k ∈ Z. On note k la classe de k, c’est à
dire l’élément nZ + k de Z/nZ. Il s’agit donc de l’ensemble des entiers congrus à k modulo n, considérés
via le quotient comme un unique et même élément. Deux valeurs k et k ′ définissent la même classe si et
seulement s’ils sont congrus l’un à l’autre modulo n.
Remarque 19.3.50
Z/2Z synthétise la parité des entiers. La loi définie sur ce groupe résume les propriétés de parité des
sommes.
Proposition 19.3.51
(Z/nZ, +) est un groupe cyclique.
◁ Éléments de preuve.
On dispose d’un générateur évident (et d’autres qui le sont peut-être un peu moins ; pouvez-vous
caractériser les générateurs ?). Et c’est un groupe fini. ▷
Ces groupes jouent un rôle important pour l’étude des groupes abéliens finis. On peut en effet montrer
que tout groupe abélien fini est produit cartésien de groupes de ce type (théorème de structure).
C’est donc le temps de retour au neutre dans la suite des périodes, éventuellement infini. Dans le cas fini,
cela correspond donc à la période minimale de la suite des puissances de x.
◁ Éléments de preuve.
Description des sous-groupes de Z et paraphrase de la définition de l’ordre. ▷
◁ Éléments de preuve.
Considérer Z → G, n ↦ xn , et lui appliquer le premier théorème d’isomorphisme. On peut aussi faire
les vérifications « à la main ». ▷
En particulier, si G est un groupe monogène d’ordre n, tout générateur de G est d’ ordre n.
Exemple 19.3.55
Soit n ⩾ 2. On a Un ≃ Z/nZ. En fait, Z/nZ est le groupe monogène additif d’ordre n de référence, alors
que Un est le groupe monogène multiplicatif d’ordre n de référence.
◁ Éléments de preuve.
● L’ordre de x est égal à l’ordre d’un sous-groupe de G. On est ramené à la version précédente du
théorème de Lagrange.
● Dans le cas où G est abélien, on peut donner une démonstration élémentaire de ce théorème
n’utilisant pas les classes de congruence modulo un sous-groupe :
Simplifier ∏ (xg), en remarquant que g ↦ xg est une bijection.
g∈G
▷
Cette preuve (dans le cas abélien) ressemble à une autre (d’un résultat arithmétique classique), que
certains d’entre vous ont peut-être déjà vue. Laquelle ? Ce n’est pas anodin, le résultat arithmétique en
question étant en fait un cas particulier du théorème de Lagrange.
IV Anneaux et corps
IV.1 Axiomatiques de la structure d’anneau
Remarque 19.4.2
Certains ouvrages (notamment anciens) n’imposent pas l’existence de l’élément neutre 1 pour le produit
et parlent alors d’anneau unifère ou unitaire pour ce que nous appelons ici simplement un anneau. La
convention que nous adoptons concernant l’existence d’un élément neutre est celle généralement adoptée
actuellement, et nous suivons en cela le programme officiel de la classe de MPSI.
Exemples 19.4.3
1. {0} muni des opérations triviales est un anneau ; ici le neutre pour le produit est 0.
2. Z, R, Q et C munis des opérations usuelles sont des anneaux.
28 CHAPITRE 19. STRUCTURES ALGÉBRIQUES
3. Pour tout n ∈ N∗ , Z/nZ est un anneau. La structure circulaire de ces anneaux explique la
terminologie.
4. L’ensemble R[X] des polynômes à coefficients réels est un anneau. De même pour Z[X], Q[X]
ou C[X].
5. N n’est pas un anneau.
6. L’ensemble Mn (R) des matrices carrées est un anneau.
7. L’ensemble (P(E), △, ∩) est un anneau (anneau de Boole).
8. (RR , +, ○) est-il un anneau ?
◁ Éléments de preuve.
Simplifier (0 + 0) × x. ▷
Proposition 19.4.5
Si A est un anneau ayant au moins deux éléments, alors 1 ≠ 0.
◁ Éléments de preuve.
En effet 1 n’est pas absorbant. ▷
◁ Éléments de preuve.
Considérer (x + (−x))y. ▷
Les exemples donnés ci-dessus sont des exemples d’anneaux commutatifs, à l’exception d’un exemple.
Lequel ?
Enfin, conformément à la définition générale, nous donnons :
Ainsi, un homomorphisme d’anneaux (à part le morphisme nul un peu particulier) est à la fois un
homomophisme du groupe (A, +) et du monoïde (A, ×).
IV Anneaux et corps 29
IV.2 Sous-anneaux
Conformément à la définition générale, nous avons :
Remarquez qu’encore une fois, on ne dit rien de l’appartenance de 0A à B, celle-ci étant ici aussi au-
tomatique (puisque (B, +) est un sous-groupe de (A, +)). En revanche, l’appartenance de 1A à B n’est
pas automatique, comme le montre l’exemple de B = {( ) , λ ∈ R}, sous-ensemble de M2 (R), stable
λ 0
0 0
pour les lois + et ×. Ce n’est pas un sous-anneau au sens que nous en avons donné puisque I2 ∈/ B. En
revanche, les restrictions de × et + définissent tout de même une structure d’anneau sur B, le neutre
étant alors ( ).
1 0
0 0
◁ Éléments de preuve.
Comparer à la caractérisation des sous-groupes. Par ailleurs, les propriétés universelles sont conser-
vées par restriction, on ne le dira jamais assez ! ▷
Exemples 19.4.11
1. Z est un sous-anneau de Q qui est un sous-anneau de R qui est un sous-anneau de C.
2. Z/nZ n’a d’autre sous-anneau que lui-même.
Proposition 19.4.12
Soit A un anneau, et (Ai )i∈I une famille de sous-anneaux de A. Alors ⋂ Ai est un sous-anneau de A.
i∈I
◁ Éléments de preuve.
Vérifications sans difficulté avec la caractérisation précédente. ▷
30 CHAPITRE 19. STRUCTURES ALGÉBRIQUES
◁ Éléments de preuve.
Le cas m = 0 ou n = 0 est évident. Pour m, n > 0, faire une récurrence sur m à n fixé. L’initialisation
nécessite elle-même une récurrence sur m. Pour les valeurs négatives se servir d’un lemme précédent
sur les produits d’opposés. ▷
Nous pouvons définir de même an , pour tout n ∈ N, et même pour tout n ∈ Z si a est inversible.
Nous voyons, outre les règles usuelles découlant des règles d’associativité et de distributivité, deux résul-
tats déjà évoqués dans le cas de R ou C, et que nous voyons plus généralement dans le cadre d’anneaux,
mais qui nécessitent une hypothèse de commutativité.
n−1
an − bn = (a − b) ∑ an−1−k bk .
k=0
◁ Éléments de preuve.
Même démonstration que dans R ou C, por télescopage de la seconde somme (après distribution) ▷
n−1
1 − an = (1 − a) ∑ ak .
k=0
IV Anneaux et corps 31
Si 1 − a est inversible (condition plus forte que a ≠ 1), on peut alors écrire :
n−1
(1 − a)−1 (1 − an ) = ∑ ak
k=0
En revanche, évitez d’écrire cela sous forme de fraction lorsqu’on n’est pas dans une structure commuta-
tive, et attention à placer l’inverse du bon côté (même si, pour l’expression considérée, ce ne serait pas
gênant car les facteurs considérés commutent, même si globalement l’anneau n’est pas commutatif ; mais
autant prendre dès maintenant de bonnes habitudes)
◁ Éléments de preuve.
Même démonstration que dans R ou C, par récurrence, ou par un argument combinatoire (on remar-
quera qu’on utilise exclusivement l’associativité, la distributivité généralisée, et la commutativité des
deux lois). En quoi utilise-t-on la commutativité de × ? ▷
Attention en revanche au cas où on n’a pas commutativité de a et b : il convient de bien distinguer les
deux facteurs ab et ba appraissant dans le développement de (a + b)(a + b) (par exemple, pour n = 2) :
(a + b)(a + b) = a2 + ab + ba + b2 ≠ a2 + 2ab + b2 ,
si ab ≠ ba. Cette situation peut se produire notamment dans le cadre du produit matriciel. Il faut être
toujours bien vigilant à vérifier l’hypothèse de commutativité ab = ba.
◁ Éléments de preuve.
C’est plus généralement le groupe des inversibles d’un monoïde (on ne considère pas la structure
additive ici). Vérifier les différents points de la définition. Ici, on ne peut pas le voir comme un
sous-groupe de quelque chose. ▷
Exemples 19.4.19
1. R× = R∗ , Q× = Q∗ , C× = C∗ .
2. (Mn (R))× = GLn (R), ensemble des matrices inversibles, appelé groupe linéaire
3. L’ensemble des inversibles de Z : Z× = U (Z) = {−1, 1}.
4. (Z/4Z)× = {1, 3}
32 CHAPITRE 19. STRUCTURES ALGÉBRIQUES
5. (Z/pZ)× = (Z/pZ) ∖ {0}, si p est premier. On peut montrer que ce groupe multiplicatif est
isomorphe au groupe additif Z/(p − 1)Z.
6. Que dire plus généralement de (Z/nZ)× ?
L’étude de Z/4Z amène un résultat peu commun pour qui n’a pas l’habitude de travailler dans des
structures algébriques abstraites : 2 × 2 = 0. Autrement dit, on a deux éléments a et b non nuls, et
vérifiant ab = 0. La vieille règle, bien pratique pour résoudre des équations, qui nous dit que si ab = 0,
alors a = 0 ou b = 0, ne s’applique donc pas dans ce contexte. Comme elle est bien pratique tout de
même, nous allons établir un contexte dans lequel elle est vraie, en définissant une propriété adéquate
des anneaux nous permettant de l’utiliser.
Proposition 19.4.21
Un élément a non nul d’un anneau est régulier à gauche (resp. à droite) si et seulement s’il n’est pas
diviseur de 0 à gauche (resp. à droite). L’élément a est régulier s’il est régulier à gauche et à droite.
◁ Éléments de preuve.
● Pour simplifier ax = ay, passer tout du même côté, et factoriser par a
● Réciproquement, si ax = ay avec x ≠ y, exprimer une relation de divisibilité de 0.
▷
Corollaire 19.4.22
Un diviseur de 0 n’est pas inversible.
◁ Éléments de preuve.
Les éléments inversibles (resp. inversibles à gauche, resp. inversibles à droite) sont réguliers (resp.
réguliers à gauche, resp. réguliers à droite). ▷
En particulier, dans un anneau intègre, toutes les simplifications par des éléments non nuls sont possibles,
puisque le seul élément non régulier est 0.
IV Anneaux et corps 33
Exemples 19.4.25
1. Z est intègre, R[X] est intègre, tout corps (défini plus loin) est intègre.
2. Mn (R) n’est pas intègre lorsque n ⩾ 2.
3. À quelle condition sur n, Z/nZ est-il intègre ?
IV.5 Corps
Un corps est un anneau vérifiant une condition supplémentaire :
Ainsi K est un corps si et seulement si c’est un anneau commutatif non réduit à {0}, et tel que tout
élément non nul soit inversible. En particulier, {0} n’est en général pas considéré comme un corps. En
effet, la définition impose que les deux éléments 0 et 1 soient distincts.
Remarque 19.4.27
● Conformément au programme, nous adoptons la convention stipulant que tout corps doit être
commutatif. Là encore, les ouvrages anciens n’imposent pas cette condition. Il est d’usage ac-
tuellement d’appeler corps gauche un ensemble muni d’une structure vérifiant tous les axiomes
de la structure de corps, à l’exception de la commutativité de la multiplication. On rencontre
aussi parfois la terminologie anneau à divisions, traduction de la terminologie anglaise division
ring.
● Dans le cas des corps finis, les deux notions coïncident, d’après le théorème de Wedderburn,
stipulant que « tout corps fini est commutatif », ce qui, avec notre terminologie, se réexprime :
« tout corps gauche fini est un corps. ».
Exemples 19.4.28
1. R, Q et C sont des corps.
2. Z n’est pas un corps.
3. En général Z/nZ n’est pas un corps. Par exemple, 2 n’est pas inversible dans Z/4Z.
L’exemple suivant, du fait de son importance, est donné en théorème. La démonstration doit être retenue.
◁ Éléments de preuve.
Exprimer une relation de Bézout entre x et p. ▷
La notation utilisée s’explique par la terminologie anglaise (field ) pour un corps. Par exemple, F2 = Z/2Z
est un corps à 2 éléments. C’est le plus petit corps possible, puisqu’un corps contient 0, et par définition,
n’est pas réduit à {0}.
34 CHAPITRE 19. STRUCTURES ALGÉBRIQUES
Remarque 19.4.30
On peut montrer que tout corps fini a un cardinal égal à pn , où p est un nombre premier et n un entier.
On peut également montrer que pour de telles données, il existe (à isomorphisme près) un unique corps
à q = pn éléments, qu’on note Fq . Lorsque n = 1, on retrouve les corps Fp du point précédent.
Remarque 19.4.32
On pourrait remplacer l’hypothèse 1K ∈ L par le fait que L contient un élément x ≠ 0K .
◁ Éléments de preuve.
Combiner caractérisation des groupes (multiplicatifs) et caractérisation des anneaux. ▷
Exemples 19.4.34
√
Q est un sous-corps de R, R est un sous-corps de C. Entre Q et R, il existe un grand nombre de
√
corps intermédiaires (corps de nombres), par exemple Q[ 2], plus petit sous-corps de R contenant les
rationnels et 2. Plus explicitement,
√ √
Q[ 2] = {a + b 2, (a, b) ∈ Q}
◁ Éléments de preuve.
Toujours pareil. On peut repartir de l’énoncé similaire pour les anneaux, pour ne pas avoir à tout
refaire. ▷
IV Anneaux et corps 35
◁ Éléments de preuve.
Si x est inversible, f (x) est inversible (ce fait est vérifié pour tout anneau). Comment exprimez-vous
f (x)−1 ? Quelle conséquence sur le noyau (additif) ? ▷
Proposition 19.4.39
Soit K un corps de caractéristique finie p. Alors, pour tout x ∈ K, px = 0.
◁ Éléments de preuve.
Utiliser la relation (nx)y = n(xy) en choisissant convenablement n, x et y. ▷
◁ Éléments de preuve.
Si p = ab, (a × 1)(b × 1) = 0. Dans quelle mesure est-ce possible ? ▷
Remarque 19.4.41
● Un corps fini est toujours de caractéristique non nulle, donc première.
● Il existe des corps infinis de caractéristique p (par exemple le corps des fractions rationnelles à
coefficients dans Fp )
● On peut définir de la même manière la caractéristique d’un anneau. Il s’agit de +∞, ou d’un
entier strictement positif, qui peut cette fois ne pas être premier.
Proposition 19.4.42
Si K est un corps de caractéristique nulle, et (n, x) ∈ Z × K, alors n ⋅ x = 0 si et seulement si n = 0 ou
x = 0.
Ainsi, I est un sous-groupe de (A, +), stable par multiplication par un élément de A.
On peut aussi définir la notion d’idéal dans un anneau non commutatif. Il faut alors distinguer la notion
d’idéal à droite, à gauche, ou bilatère, suivant qu’on impose la stabilité par multiplication à droite, à
gauche ou des deux côtés, par un élément quelconque de A.
Nous n’étudierons pas les idéaux cette année, mais nous illuminerons parfois quelques résultats à l’éclat
de cette notion, notamment en arithmétique. Nous donnons tout de même quelques exemples importants :
Exemples 19.4.44
1. Pour tout n ∈ N, nZ est un idéal de Z. Réciproquement, tout idéal de Z est de cette forme.
2. L’ensemble des polynômes de R[X] s’annulant en 0 est un idéal de R[X]. Comment
généraliseriez-vous ce résultat ?
3. L’ensemble des polynômes {XP (X, Y ) + Y Q(X, Y ), (P, Q) ∈ R[X, Y ]} est un idéal de l’anneau
R[X, Y ] des polynômes à deux indéterminées.
4. Que peut-on dire des idéaux d’un corps ?
Dans les deux premiers exemples, on constate que l’idéal considéré est de la forme {λa, λ ∈ A}, donc
engendré par un unique élément a, par multiplication par les éléments λ de A. Un idéal vérifiant cette
propriété est appelé idéal principal :
I = aA = {ay, y ∈ A},
Théorème 19.4.47
Z est un anneau principal.
◁ Éléments de preuve.
Les idéaux de Z sont en particulier des sous-groupes, dont on connaît la description ! ▷
Cette définition, qui peut paraître anodine, est à la base d’une généralisation possible de la notion de
pgcd et de ppcm à des anneaux autres que Z. Cette propriété, aussi vérifiée pour R[X] ou C[X], permet
par exemple de généraliser l’arithmétique connue de Z au cas des polynômes.
Pour terminer, nous faisons la remarque que la notion d’idéal est la notion adaptée pour définir des
quotients dans la catégorie des anneaux commutatifs.
La Matrice est universelle. Elle est omniprésente. Elle est avec nous ici, en ce moment même.
(Charles Baudelaire ; le troisième vers est aussi le titre d’un prélude de Debussy)
Introduction
L’objectif de ce chapitre est d’introduire le calcul matriciel, à savoir les opérations matricielles (somme et
produit), ainsi, que les diverses manipulations et techniques usuelles permettant d’obtenir des informa-
tions intéressantes sur les matrices (échelonnement, calcul de l’inverse, résolution de systèmes linéaires
définis par une matrice, et par ces méthodes, dans un chapitre ultérieur, calcul du rang d’une matrice).
Pour ces dernières méthodes, une technique sera centrale : il s’agit de la technique de l’élimination de
Gauss-Jordan, aussi connue sous le nom de pivot de Gauss. Cela explique un certain nombre des citations
débutant ce chapitre.
I Opérations matricielles
I.1 L’ensemble des matrices de type (n, p)
Dans ce qui suit, K désigne un corps quelconque, par exemple R, C ou Q. Beaucoup de constructions,
de méthodes et de propriétés se généralisent au cas de coefficients dans un anneau A, dès lors qu’elles ne
font pas intervenir d’inverses.
38 CHAPITRE 20. CALCUL MATRICIEL
⎛ a1,1 ⋯ a1,p ⎞
A=⎜
⎜ ⋮ ⋮ ⎟ ⎟.
⎝an,1 ⋯ an,p ⎠
Une matrice est souvent représentée sous forme d’un tableau, explicite dans le cas d’une matrice déter-
minée de petite taille, ou avec des « . . . » dans le cas de matrice explicites ou non, de taille variable. Par
exemple :
⎛1 4 2⎞ ⎛1 ⋯ n ⎞
⎜
M1 = ⎜5 2 2⎟ ⎟ ⎜
M2 = (i + j − 1)1⩽i,j⩽n = ⎜ ⋮ ⋮ ⎟⎟
⎝7 6 1⎠ ⎝n ⋯ 2n − 1⎠
⎛ a1,1 ⋯ a1,n ⎞
M3 = (ai,j )1⩽i,j⩽n =⎜
⎜ ⋮ ⋮ ⎟⎟.
⎝an,1 ⋯ an,n ⎠
Dans une telle représentation, le premier indice est toujours l’indice de ligne, et le second l’indice de
colonne.
◁ Éléments de preuve.
Cela provient directement de l’associativité et de la commutativité de la somme dans K, appliquées
à chaque coefficient. ▷
◁ Éléments de preuve.
Ce sont des vérifications évidentes coefficient par coefficient. ▷
◁ Éléments de preuve.
C’est une conséquence directe de la définition coefficient par coefficient, et de l’associativité du
produit dans K. ▷
Les deux définitions précédentes nous permettent donc de définir des combinaisons linéaires λA + µB de
deux matrices de même format (λ et µ sont des éléments de K).
Nous verrons dans un chapitre ultérieur que ces opérations munissent Mn (K) d’une structure de K-espace
vectoriel.
40 CHAPITRE 20. CALCUL MATRICIEL
On prendra garde au fait que la notation ne fait pas référence au format (n, p). Si on est amené à
considérer des matrices élémentaires de différents formats, il faut introduire des notations distinctes (par
exemple avec des primes).
L’importance de ces matrices réside dans la propriété suivante :
A= ∑ λi,j Ei,j .
(i,j)∈J1,nK×J1,pK
◁ Éléments de preuve.
Il suffit de remarquer que la combinaisons linéaire des Ei,j place les λi,j en des positions distinctes
de la matrice. Le résultat découle alors immédiatement du fait que 2 matrices sont égales ssi elles
ont les mêmes coefficients en toutes les positions. ▷
où Li (A) et Cj (B) sont repectivement la i-ième ligne de A et la j-ième colonne de B, et pour une
matrice ligne L, L⊺ (aussi souvent notée tL) représente la matrice colonne obtenue en redressant L
(transposée). Le produit scalaire considéré est le produit scalaire canonique de Kp , les éléments de Kp
étant identifiés aux matrices colonnes.
Avertissement 20.1.13
Attention aux formats ! Le nombre de colonnes de A doit être égal au nombre de lignes de B. Le produit
AB a alors autant de lignes que A et autant de colonnes que B.
I Opérations matricielles 41
Remarque 20.1.14
La description un peu compliquée de ce produit matriciel est motivée par le fait que les applications
linéaires entre deux espaces de dimension finie peuvent se décrire par des matrices (après avoir choisi
des bases). Le produit matriciel correspond dans ce cadre à la matrice associée à la composée de deux
applications linéaires. Cette remarque justifie aussi la condition sur les formats (nombre de ligne de
A égal au nombre de colonnes de B) : c’est la condition de compatibilité des domaines pour pouvoir
considérer la composée.
(AB)C = A(BC).
◁ Éléments de preuve.
C’est essentiellement une interversion de deux signes ∑. ▷
◁ Éléments de preuve.
Vérification immédiate coefficient par coefficient : on se ramène à l’associativité dans K. ▷
◁ Éléments de preuve.
Vérification immédiate coefficient par coefficient, c’est juste regrouper deux sommes et utiliser la
distributivité dans K. ▷
La combinaison des deux propriétés ci-dessus montre que sous réserve de compatibilité des formats,
et de même pour la deuxième distributivité. Ces relations traduisent la bilinéarité du produit matriciel.
42 CHAPITRE 20. CALCUL MATRICIEL
Avertissement 20.1.19
Le produit matriciel n’est pas commutatif, même lorsque les tailles sont compatibles pour effectuer les
opérations dans les deux sens (par exemple pour des matrices carrées).
Exemple 20.1.20
Dans de nombreuses situations, une description plus globale du produit matriciel permet de mieux vi-
sualiser les calculs et de moins s’embrouiller sur la position des éléments au sein des matrices en jeu. Le
résultat suivant, même si en théorie il donne exactement le même nombre d’opérations à faire, permet
souvent poue cette raison d’effectuer des produits matriciels plus rapidement, en particulier lorsque la
matrice de droite (ici B) a beaucoup de 0.
Ainsi, la j-ième colonne du produit AB est obtenu en faisant la combinaison linéaire des colonnes de
A par les coefficients de la j-ième colonne de B :
⎛ ⎞ ⎛ ⋯ b1,j ⋯ ⎞ ⎛ ⎞
⎜ C1 (A) Cp (A) ⎟ ⎜ ⎟=⎜ ⋯ b1,j C1 (A) + ⋯ + bp,j Cp (A) ⋯ ⎟
⎜ ⋯ ⎟×⎜ ⋮ ⎟ ⎜ ⎟
⎝ ⎠ ⎝ ⋯ bp,j ⋯ ⎠ ⎝ ⎠
◁ Éléments de preuve.
Vérifier qu’on retrouve bien la même chose, coefficient par coefficient ▷
La description initiale du produit matriciel présentant une certaine dualité entre les lignes de A et les
colonnes de B et inversement, on obtient une description duale par combinaison des lignes de B cette
fois. Cette description est notamment très efficace lorsque la matrice A possède beaucoup de 0.
Ainsi :
⎛ ⋮ ⋮ ⎞ ⎛ L1 (B) ⎞ ⎛ ⋮ ⎞
⎜ai,1 ⋯ ai,p ⎟ ⎜ ⎟ = ⎜ ai,1 L1 (B) + ⋅ ⋅ ⋅ + ai,p Lp (B) ⎟.
⎜ ⎟⎜ ⋮ ⎟ ⎜ ⎟
⎝ ⋮ ⋮ ⎠ ⎝ Lp (B) ⎠ ⎝ ⋮ ⎠
Exemple 20.1.23
⎛2 6 12⎞ ⎛ 1 0 2⎞
1. Calculer ⎜
⎜2 −7 2 ⎟ ⎜
⎟ ⋅ ⎜−1 2 0⎟
⎟.
⎝8 5 11⎠ ⎝ 0 0 1⎠
I Opérations matricielles 43
⎛0 1 0 ⋯ 0⎞
⎜⋮ ⋱ ⋮⎟
⎜ ⎟
⎜ ⎟
⋱ ⋱
2. Quel est l’effet de la multiplication à droite par Cn = ⎜ ⋮ 0⎟
⎜ ⎟
⋱ ⋱ ?
⎜0 1⎟
⎜ ⋱ ⎟
⎝1 0 ⋯ ⋯ 0⎠
3. Effet de la multiplication à gauche par Cn ?
⎛0 1 0 ⋯ 0⎞
⎜⋮ ⋱ ⋱ ⋱ ⋮⎟
⎜ ⎟
⎜ ⎟
4. Mêmes questions avec la matrice « de Jordan » Jn = ⎜ ⋮ ⎟
⎜ ⋱ ⋱ 0⎟
⎜⋮ ⋱ 1⎟
⎜ ⎟
⎝0 ⋯ ⋯ ⋯ 0⎠
5. Calculer pour tout k ∈ N, Cnk et Jnk . Que constatez-vous ?
⎛1 0 ⋯ 0⎞
⎜0 1 ⋱ ⋮⎟
In = ⎜
⎜⋮
⎟ ∀(i, j) ∈ J1, nK2 , [In ](i,j) = δi,j .
⋱ ⋱ 0⎟
soit:
⎜ ⎟
⎝0 ⋯ 0 1⎠
Proposition 20.1.25
La matrice In est neutre pour le produit matriciel. Plus précisément :
● Pour toute matrice M ∈ Mm,n (K), M In = M (m ∈ N∗ ) ;
● Pour toute matrice N ∈ Mn,p (K), In N = N (p ∈ N∗ ).
◁ Éléments de preuve.
Vérification facile par description sur les lignes ou colonnes. ▷
Dans le même ordre d’idée, on peut exprimer le produit de deux matrices élémentaires :
⎧
⎪
⎪E si j = k
′′
′ ′′
= δj,k Ei,ℓ = ⎨ i,ℓ
⎪
Ei,j × Ek,ℓ
⎪
⎩0 sinon.
◁ Éléments de preuve.
De même, c’est assez facile par description du produit par les lignes ou colonnes ▷
I.4 Transposition
On décrit dans ce paragraphe une autre construction sur les matrices, définissant une application linéaire
sur l’ensemble des matrices.
44 CHAPITRE 20. CALCUL MATRICIEL
Le programme impose plutôt la notation A⊺ , dans un souci d’universalité. Nous essayerons de nous y
conformer, mais il est possible que je laisse traîner ici ou là un tA.
Exemple 20.1.28
Transposée de ( )?
1 2 3
4 5 6
(AB)⊺ = B ⊺ A⊺ .
◁ Éléments de preuve.
Vérification directe coefficient par coefficient. ▷
II Matrices carrées
II.1 L’algèbre Mn (K)
Le terme « algèbre » se réfère à une structure dans laquelle on peut additionner et multiplier les objets
entre eux, ainsi que les multiplier par un scalaire, avec un certain nombre de propriétés (associativités
internes et externes, commutativité de l’addition, distributivité, compatibilité de la multiplication par
le neutre des scalaires, neutre et existence des opposés). Cette structure sera étudiée plus générallement
plus tard. Ici, le point important qui fait qu’on dispose d’une structure d’algèbre sur Mn (K) est le fait
que le produit de deux matrices carrées d’ordre n est toujours bien défini, et est lui-même une matrice
d’ordre n.
En particulier en oubliant la multiplication par un scalaire, on obtient une structure d’anneau :
On en déduit notamment que les procédés calculatoires valables dans un anneau sont valables pour les
matrices :
n−1
An − B n = (A − B) ∑ An−1−k B k .
k=0
n−1
In − An = (In − A) ∑ Ak .
k=0
Exemple 20.2.5 ⎛2 1 0⎞
1. Déterminer An , pour tout n ∈ N, où A = ⎜
⎜0 2 1⎟
⎟
⎝0 0 2⎠
2. Plus généralement, si Jn est définie comme dans l’exemple 20.1.23, calculer (aIn + Jn )k , pour
tout k ∈ N.
⎛0 1 1⎞
n
3. Calculer ⎜
⎜1 0 1⎟
⎟
⎝1 1 0⎠
On en déduit une méthode assez efficace, mais pas toujours réalisable, de calcul des puissances.
Remarque 20.2.6
L’anneau Mn (K) est-il intègre ? (i.e. vérifie-t-il AB = 0 Ô⇒ A = 0 ou B = 0 ?)
k=0
que
q
P (A) = ∑ ak Ak = 0.
k=0
2. Le polynôme minimal est le polynôme annulateur unitaire (donc non nul) de plus petit degré.
46 CHAPITRE 20. CALCUL MATRICIEL
◁ Éléments de preuve.
Existence découlant de la propriété fondamentale de N. Unicité : s’il y en a deux distincts, obtenir
une contradiction en formant la différence. ▷
Exemple 20.2.9
⎛0 1 1⎞
1. Déterminer un polynôme annulateur de ⎜
⎜1 0 1⎟
⎟.
⎝1 1 0⎠
2. Déterminer un polynôme annulateur de Cn
3. Déterminer un polynôme annulateur de Jn . Un polynôme minimal.
Le polynôme annulateur peut être efficace pour la recherche des puissances successives d’une matrice A.
Exemple 20.2.11
⎛0 1 1⎞
n
Calculer ⎜
⎜1 0 1⎟
⎟ à l’aide d’un polynôme annulateur.
⎝1 1 0⎠
⎛d1 0 ⋯ 0⎞
⎜0 ⋱ ⋱ ⋮ ⎟
D=⎜
⎜⋮
⎟
⎜ ⋱ ⋱ 0⎟ ⎟
⎝0 ⋯ 0 dn ⎠
II Matrices carrées 47
⎛ ● ⋯ ⋯ ●⎞ ⎛● 0 ⋯ 0⎞
⎜0 ⋱ ⋱ ⋮ ⎟ ⎜⋮ ⋱ ⋱ ⋮⎟
T =⎜
⎜⋮ ⋱ ⋱ ⋮⎟
⎟ (resp. T = ⎜
⎜⋮
⎟)
⎜ ⎟ ⎜ ⋱ ⋱ 0⎟
⎟
⎝0 ⋯ 0 ●⎠ ⎝● ⋯ ⋯ ●⎠
où les ● désignent des coefficients quelconques. On définit également les matrices strictement triangulaires
supérieures ou inférieures, nulles également sur la diagonale.
Notation 20.2.14
Nous noterons dans ce cours Dn (K) l’espace des matrices diagonales d’ordre n, Tn+ (K) l’espace des
matrices triangulaires supérieures, Tn− (K) l’espace des matrices triangulaires inférieures.
◁ Éléments de preuve.
Cas des triangulaires supérieures : la k-ième colonne du produit AB est une CL des k premières
colonnes de A. ▷
On peut regarder plus précisément les termes diagonaux de ces produits. On obtient sans peine le com-
plément suivant :
2. En particulier, si l’une des deux matrices est strictement triangulaire supérieure, le produit l’est
aussi.
◁ Éléments de preuve.
Revenir à la description coefficient par coefficient. ▷
⎛d1 0 ⋯ 0⎞ ⎛d1 0 ⋯ 0⎞
k
k
⎜0 ⋱ ⋱ ⋮ ⎟ ⎜ ⋱ ⋱ ⋮ ⎟
⎜ ⎟ =⎜0 ⎟.
⎜⋮ ⋱ ⋱ 0⎟ ⎜⋮ ⋱ ⋱ 0⎟
⎜ ⎟ ⎜ ⎟
⎝0 ⋯ 0 dn ⎠ ⎝0 ⋯ 0 dkn ⎠
Remarque 20.2.20
À quoi ressemble la diagonale d’une matrice antisymétrique ?
M N = In et N M = In .
Avertissement 20.2.22
Par définition, une matrice inversible est toujours une matrice carrée.
II Matrices carrées 49
◁ Éléments de preuve.
On verra que cela résulte de caractérisations de l’injectivité ou la surjectivité d’applications linéaires,
issues d’un résultat important appelé formule du rang, reliant la dimesion de l’image et la dimension
du noyau d’une application linéaire. ▷
◁ Éléments de preuve.
Comme dans tout groupe ! N’oubliez pas l’interversion ! ▷
Par ailleurs, l’inversion commute avec la transposition :
◁ Éléments de preuve.
Exprimer le produit A⊺ ⋅ (A−1 )⊺ . ▷
Voici un exemple important de famille de matrices inversibles. Important car, comme on va le voir, via
un pivot de Gauss, l’étude de l’inversibilité d’une matrice explicite peut toujours se ramener à ce cas.
◁ Éléments de preuve.
On peut s’y prendre à la main, en montrant que le système T X = 0 admet le vecteur nul comme unique
solution (le système est triangulaire donc facile à résoudre en partant d’en bas). Quelle information
liée à la bijectivité cela apporte-t-il ?
La description des coefficients diagonaux découle de l’expression des coefficients diagonaux d’un
produit de matrices triangulaires. ▷
50 CHAPITRE 20. CALCUL MATRICIEL
En particulier, une matrice diagonale est inversible si et seulement si tous ses coefficients diagonaux sont
non nuls, et dans ce cas :
⎛d1 0 0 ⎞ ⎛d−1 0 ⎞
−1
0
⎜ ⎟ ⎜ 0 ⎟
1
D =⎜0 ⋱ 0⎟ =⎜ 0 ⋱
−1
⎟.
⎝ 0 0 dn ⎠ ⎝ 0 0 d−1
n
⎠
Dans le cas de matrices 2 × 2, on obtient facilement une formule explicite de l’inverse, à connaître par
coeur vu son utilité :
( ).
1 d −b
M −1 =
ad − bc −c a
◁ Éléments de preuve.
Le plus simple est ici de faire une vérification. ▷
Remarque 20.2.31
Il existe une notion de déterminant pour des matrices carrées de taille quelconque n. Nous définirons
cette notion générale dans le chapitre suivant. La non nullité du déterminant caractérise alors l’inversi-
bilité de la matrice, et comme dans le cas n = 2, il existe une formule générale de l’inverse d’une matrice
basée sur la notion de comatrice. Dans des situations concrètes, cette formule est cependant assez peu
efficace, sauf pour n = 2, et éventuellement n = 3 (et encore...)
Enfin, voici une méthode efficace pour calculer l’inverse lorsqu’on connaît un polynôme annulateur.
Dans des situations numériques, on aura davantage intérêt à utiliser la méthode décrite dans le paragraphe
suivant, basé sur la technique du pivot de Gauss.
matrice, qu’on verra dans un chapitre ultérieur, ou encore le calcul des déterminants. Par ailleurs, l’al-
gorithme du pivot s’implémente facilement informatiquement, ce qui permet d’écrire des programmes
calculant l’inverse, résolvant des systèmes linéaires, calculant le rang d’une matrice, ou calculant un
déterminant.
Remarque 20.3.2
● L’itération de la première opération (permutation) autorise les permutations quelconques des
lignes d’une matrice. En effet, nous justifierons plus tard que toute permutation de Sn peut se
décomposer en composition de transpositions, c’est-à-dire en produit de permutations particu-
lières n’effectuant que l’échange de deux valeurs. On peut remarquer que la justification de la
correction de certains algorithmes de tri basés sur des transpositions (par exemple le tri par
insertion ou le tri à bulles) permet de prouver cette affirmation.
● La combinaison des deux dernières règles amène la règle suivante souvent bien pratique :
Li ← λLi + µLj , si λ ≠ 0.
Attention à ce que le coefficient devant la ligne modifiée par cette opération ne soit pas nul !
Avertissement 20.3.3
Les différentes opérations s’effectuent successivement (même si on les note ensemble dans la même
étape) : on ne peut pas effectuer des opérations simultanées. Ainsi, si on a dans la même étape deux
opérations L1 ← L1 + L2 et L2 ← L1 + L2 , cela signifie que la seconde est effectuée avec la ligne L1
obtenue à l’issue de la première opération, et non avec la ligne L1 initiale.
Proposition 20.3.5
La relation ≡L est une relation d’équivalence.
◁ Éléments de preuve.
En effet, seule la symétrie mérite qu’on s’y attarde : il suffit de savoir faire les opérations inverses de
celles allant de A à B, dans le sens inverse.
52 CHAPITRE 20. CALCUL MATRICIEL
Autrement dit, les lignes nulles sont regroupées au bas de la matrice (lignes k+1 à m), les autres lignes sont
classées suivant la position de leur premier élément non nul, ces positions étant deux à deux distinctes.
Une matrice échelonnée admet donc la représentation suivante :
⎛0 ⋯ 0 a1,j1 ● ⋯ ●⎞
⎜0 ●⎟
⎜ ⋯ ⋯ 0 a2,j2 ● ⋯ ⎟
⎜⋮ ⋮⎟
⎜ ⎟
⎜ ⎟
M =⎜
⎜0 ⋯ ●⎟
⎟,
⎜ ⎟
⋯ ⋯ 0 ak,jk ●
⎜0 0⎟
⎜ ⋯ ⋯ ⎟
⎜⋮ ⋮⎟
⎜ ⎟
⎝0 ⋯ ⋯ 0⎠
les coefficients indiqués d’un ● étant quelconques, et les ai,ji étant non nuls.
Remarque 20.3.8
Bien entendu, les critères de choix du pivot sont donnés ici en vue d’un calcul à la main. En vue d’une
implémentation sur ordinateur, le choix du pivot doit se faire de sorte à diminuer au maximum les
erreurs d’arrondi. Les critères sont, dans cette optique, différents de ceux énoncés ci-dessus. À première
approximation, le choix d’un pivot de valeur absolue maximale est à privilégier.
Nous donnons ci-dessous une description purement algorithmique en pseudo-code un peu lâche.
Algorithme 20.1 : Pivot de Gauss
Entrée : A une matrice
Sortie : A′ matrice échelonnée équivalente par lignes à A
Initialiser l’indice j de colonne à 1;
Initialiser l’indice i de ligne à 1;
tant que les indices i et j ne font pas sortir de la matrice A faire
si le bas de la colonne j (en-dessous de la ligne i au sens large) est nul alors
Passer à la colonne suivante (j ← j + 1)
sinon
Placer un élément non nul en position (i, j) par une opération Li ↔ Lk ;
pour k ← i + 1 à dernière ligne faire
Lk [j]
Lk ← Lk + λLi , où λ = −
Li [j]
fin pour
Passer à la ligne suivante (i ← i + 1);
Passer à la colonne suivante (j ← j + 1)
fin si
fin tant que
renvoyer A
◁ Éléments de preuve.
● La terminaison s’étudie avec le variant de boucle n+m−i−j, entier positif strictement décroissant
au fil des itérations de la boucle while.
● La correction s’étudie avec l’invariant de boucle :
« avant d’entrer dans la boucle, les i − 1 premières lignes de A sont échelonnées, et les coefficients
en position (i′ , j ′ ), i′ ⩾ i, j ′ < j sont tous nuls. »
▷
Exemple 20.3.10
Recherche d’une matrice échelonnée équivalente par lignes à :
⎛ 1 −4 −2 3 2⎞
A=⎜
⎜2 2 1 0 1⎟
⎟
⎝−1 0 0 1 0⎠
54 CHAPITRE 20. CALCUL MATRICIEL
Ainsi, la méthode précédente montre que toute matrice est équivalente par lignes à une matrice échelonnée
réduite (appelée réduite de Gauss).
Remarque 20.3.13
Toutes les opérations décrites dans l’algorithme du pivot initial, et l’algorithme du pivot remontant ne
nécessitent pas l’opération de dilatation, à part la normalisation finale. Ainsi, si le but est de trouver
une matrice échelonnée (y compris avec pivot remontant), non normalisée, on peut se dispenser de ce
type d’opérations. Cette remarque sera utile lors de l’étude des déterminants.
⎛1 0 ⋯ ⋯ ⋯ 0⎞
⎜0 ⋱ ⋱ λ ⋮⎟
⎜ ⎟
⎜ ⎟
i
⎜⋮ ⋱ ⋱ ⋱ ⎟
⎜ ⋮ ⎟
⎜
Ei,j (λ) = ⎜ ⋮ ⋱ ⋱ ⋱ ⋮⎟⎟
⎜ ⎟
⎜⋮ ⎟
⎜ ⋱ ⋱ 0 ⎟
⎝0 ⋯ ⋯ ⋯ 0 1⎠
j
⎛1 0 ⋯ ⋯ ⋯ ⋯ 0⎞
⎜0 ⋮⎟
⎜ ⋱ ⋱ ⎟
⎜⋮ ⋮⎟
⎜ ⎟
⎜ ⎟
⋱ 1 ⋱
⎜⋮ ⋮⎟
Ei (λ) = ⎜
⎜
⎟
⎟
⋱ λ ⋱ i
⎜⋮ ⋱ 1 ⋱ ⋮⎟
⎜ ⎟
⎜⋮ ⋱ ⋱ 0⎟
⎜ ⎟
⎝0 ⋯ ⋯ ⋯ ⋯ 0 1⎠
i
Proposition 20.3.16 (Interprétation matricielle des opérations élémentaires sur les lignes)
Soit M ∈ Mm,n (K). Soit i ≠ j dans J1, mK, et λ ∈ K.
(i) La matrice N obtenue de M par l’opération Li ↔ Lj , est N = E(i, j) ⋅ M ;
(ii) La matrice N obtenue de M par l’opération Li ← Li + λLj est N = Ei,j (λ) ⋅ M ;
(iii) La matrice N obtenue de M par l’opération Li ← λLi , λ ≠ 0, est N = Ei (λ) ⋅ M .
◁ Éléments de preuve.
Utiliser la description du produit matriciel par les lignes. ▷
Ainsi, partant d’une matrice M à laquelle on applique le pivot de Gauss, on obtient une matrice N , et
une matrice P telles que N = P M , telle que P soit un produit de matrices de transvection, de dilatation
et de permutation.
La validité du pivot de Gauss provient alors du résultat suivant, exprimant que toute opération valide du
pivot est réversible :
56 CHAPITRE 20. CALCUL MATRICIEL
◁ Éléments de preuve.
Pour beaucoup, cela se règle en remarquant qu’elles sont triangulaires. Quant à E(i, j), son inverse
n’est pas dur à trouver. ▷
On peut préciser ce résultat en exprimant les inverses de ces matrices :
◁ Éléments de preuve.
Pensez en terme de réversibilité des opérations sur les lignes.
On peut vérifier ensuite, une fois deviné l’expression de l’inverse. ▷
◁ Éléments de preuve.
Si A′ est échelonnée équivalente par lignes à A, alors elle s’écrit A′ = P A, où P est une matrice
inversible, produit de toutes les matrices d’opérations élémentaires utilisées dans le pivot. Ainsi,
A est inversible ssi A′ l’est. On remarque ensuite qu’une réduite de Gauss d’une matrice carrée
est toujours triangulaire. On est donc ramené à la caractérisation de l’inversibilité des matrices
triangulaires. ▷
Théorème 20.3.20
Toute matrice inversible est équivalente par ligne à In . On trouve la succession d’opérations à effectuer
en opérant un pivot de Gauss, suivi d’un pivot remontant, suivi d’une normalisation
◁ Éléments de preuve.
En effet, le résultat précédent montre que la matrice échelonnée réduite obtenue à l’issue de cet
algorithme est nécessairement In . ▷
Notant P la matrice obtenue par produit des matrices des opérations élémentaires nous ayant amené de
A à In , on a donc P A = In . Ainsi, P = A−1 .
Or, P = P In , et est donc obtenu en appliquant à la matrice In les mêmes opérations sur ses lignes que
celles qui ont permis de transformer A en In . On en déduit la méthode suivante :
● Effectuer un pivot sur A, en faisant les mêmes opérations sur la matrice In , pour obtenir une
matrice échelonnée à la place de A
● La matrice A est inversible si et seulement si la matrice échelonnée obtenue est inversible (c’est-
à-dire s’il s’agit d’une matrice triangulaire supérieure à coefficients diagonaux non nuls)
● Dans ce cas, faire un pivot remontant, pour annuler les coefficients au dessus de chaque pivot,
et toujours en effectuant les mêmes opérations sur la matrice de droite.
● En normalisant les coefficients diagonaux, on obtient à gauche la matrice identité, et à droite la
matrice A−1 .
◁ Éléments de preuve.
On a écrit A−1 comme produit de matrices d’opérations élémentaires. Tout inverser, ou alors, partir
de A−1 au lieu de A. ▷
◁ Éléments de preuve.
Le sens direct a déjà été évoqué. Le sens réciproque est une conséquence immédiate du corollaire
précédent. ▷
Proposition 20.4.1
En posant
⎛ a1,1 ⋯ a1,p ⎞ ⎛ b1 ⎞ ⎛x1 ⎞
A=⎜
⎜ ⋮ ⋮ ⎟ ⎟, B=⎜
⎜⋮⎟
⎟ et X =⎜ ⎟
⎜ ⋮ ⎟,
⎝an,1 ⋯ an,p ⎠ ⎝ bp ⎠ ⎝xp ⎠
le système précédent équivaut à l’équation matricielle
AX = B
de l’inconnue vectorielle X.
S = {X0 + X ∣ X ∈ S0 } = X0 + S0 ,
et S0 contient la solution nulle et est stable par combinaisons linéaires (sous-espace vectoriel de Rp ).
◁ Éléments de preuve.
C’est en fait toujours le même principe : on peut montrer que X est solution si et seulement X − X0
est solution de l’équation homogène. On peut aussi remarquer qu’il s’agit d’une fibre du morphisme
ϕ ∶ X ↦ AX, et se rattacher à la description des fibres.
La structure de S0 = Ker(ϕ) se vérifie facilement, et sera justifiée plus tard plus généralement pour
tout noyau d’une application linéaire. ▷
Proposition 20.4.4
Soit P une matrice inversible (de format compatible au produit). Alors le système AX = B équivaut au
système P AX = P B.
Ainsi, effectuer des opérations sur les lignes de A ne modifie pas les solutions du système, si on effectue les
mêmes opérations sur les lignes du second membre B (i.e. multiplier par la même matrice d’opération).
C’est en fait assez évident, puisque cela consiste à faire les opérations correspondantes directement sur
les équations du système.
Si P représente la matrice obtenue en effectuant le produit des matrices d’opérations élémentaires per-
mettant de calculer une réduite de Gauss de A, on peut donc se ramener à un système dont la matrice
est échelonnée.
IV Résolution d’un système linéaire 59
Méthode 20.4.5 (Se ramener à un système dont la matrice est échelonnée réduite)
Effectuer un pivot, suivi d’un pivot remontant, suivi d’une normalisation sur la matrice A, en efectuant
les mêmes opérations sur B. Pour cela, on aura intérêt à présenter comme pour le calcul d’inverse, en
juxtaposant initialement les matrices A et B (séparées d’une barre verticale).
On peut bien sûr s’arrêter avant et se contenter d’un système échelonné non réduit, qui peut parfois se
résoudre simplement aussi, en remontant.
Un système échelonné réduit (i.e. associé à une matrice A échelonnée réduite) n’admet pas toujours une
solution unique, ni même une solution tout court. Pour trouver une solution particulière, il y aura donc
des choix à faire. Ainsi, si la dernière équation fait par exemple intervenir 3 inconnues, en fixer 2 à sa
guise impose la troisième. Ainsi, en remontant un système échelonné, on ajoute à chaque nouvelle ligne
considérée de nouvelles inconnues n’intervenant pas dans les lignes suivantes. Si on a déjà obtenu des
valeurs pour les inconnues des dernières lignes, donner des valeurs quelconques à toutes les nouvelles
inconnues sauf une détermine alors la dernière inconnue.
On peut donc remonter le système en donnant des valeurs quelconques à toutes les nouvelles inconnues
de chaque ligne, sauf une. L’inconnue qui jouera ce rôle particulier est l’une quelconque des nouvelles
inconnues (en remontant), mais un choix s’impose naturellement : celui de la première inconnue interve-
nant de façon effective dans la ligne. Autrement dit, l’inconnue se plaçant à la position du pivot utilisé
sur cette ligne pour obtenir l’échelonnement.
Remarque 20.4.7
● La définition d’inconnue principale donnée ici est fortement dépendante de l’ordre des variables.
Une permutation des variables préservant l’échelonnement (c’est en général possible) donnerait
un autre système d’inconnues principales.
● Il existe une notion plus générale d’inconnues principales, se définissant bien à l’aide de détermi-
nants, portant sur des systèmes non nécessairement échelonnés. En gros, il s’agit d’un système
d’inconnues tel que le choix quelconque des autres inconnues déterminent de façon unique les
inconnues principales. Mais pour un système donné, le choix des inconnues principales n’est pas
unique.
● Dans ce cadre plus général, notre définition des inconnues principales n’est qu’un des plusieurs
choix possibles pour le système échelonné donné.
Remarque 20.4.9
C’est facilement implémentable.
Exemple 20.4.10
Recherche d’une solution particulière du système AX = B lorsque
⎛1 −4 −2 3 2⎞ ⎛1⎞
A=⎜
⎜2 2 1 0 1⎟
⎟ et B=⎜ ⎟
⎜2⎟ .
⎝−1 0 0 1 0⎠ ⎝3⎠
Exemple 20.4.12
Terminer la résolution du système de l’exemple 20.4.10.
◁ Éléments de preuve.
S’il n’est pas de Cramer, soit il est incompatible, soit la matrice échelonnée réduite associée possède
strictement moins que n pivots. Une inconnue secondaire pourra être choisie arbitrairement . La
réciproque est déjà vue. ▷
Il est facile de s’assurer alors que B = A−1 , par exemple par des choix judicieux de Y , permettant
d’identifier les matrices colonne par colonne.
Remarque 20.4.15
● Si on résout ce système par la méthode du pivot, c’est exactement la même méthode que la
précédente par juxtaposition avec In . Mais la présentation est moins commode, les coefficients
étant plus mélangés (les coefficients de la j-ième colonne de la matrice de droite correspondent
aux coefficients devant la j-ième coordonnée de Y ). Il vaut mieux privilégier la présentation
matricielle précédente, plus claire dans les alignements.
● En revanche, cette méthode peut être intéressante si on peut s’éloigner un peu de la méthode
du pivot, par exemple pour exploiter certaines symétries de la matrice A, qui parfois permettent
une résolution plus efficace que par la méthode du pivot.
AB = (Ci,k )(i,k)∈J1,qK×J1,sK ,
r
où pour tout (i, k) ∈ J1, qK × J1, sK, Ci,k = ∑ Ai,j Bj,k .
j=1
◁ Éléments de preuve.
Regarder coefficient par coefficient. C’est un peu technique et désagréable, mais pas difficile en soi.
▷
En particulier, si on a une représentation diagonale par blocs (avec les Ak carrées) :
⎛A1 0 ⋯ 0⎞ ⎛A1 0 ⋯ 0⎞
n
⎜0 ⋮ ⎟ ⎜0 ⋮ ⎟
A=⎜ ⎟, An = ⎜ ⎟.
⋱ ⋱ ⋱ ⋱
⎜ ⋮ ⋱ ⋱ 0⎟
alors ⎜ ⋮ ⋱ ⋱ 0⎟
⎜ ⎟ ⎜ ⎟
⎝0 ⋯ 0 Ak ⎠ ⎝0 ⋯ 0 Ank ⎠
⎛1 1 0 0 0⎞
⎜0 0⎟
⎜ ⎟
Exemple 20.5.2 1 1 0
⎜ ⎟
Calcul des puissances successives de ⎜0 0⎟
⎜ 0 1 0 ⎟
⎜0 1⎟
⎜ 0 0 2 ⎟
⎝0 0 0 0 2⎠
62 CHAPITRE 20. CALCUL MATRICIEL
21
Arithmétique des entiers
La mathématique est la reine des sciences, mais la théorie des nombres est la reine des sciences
mathématiques.
(Carl-Friedrich Gauss)
Les nombres sont le plus haut degré de la connaissance. Le nombre est la connaissance même.
(Platon)
(Pythagore)
Décomposer un cube en deux autres cubes, une quatrième puissance, et généralement une
puissance quelconque en deux puissances de même nom, au dessus de la seconde puissance,
est chose impossible et j’en ai assurément trouvé l’admirable démonstration. La marge trop
exiguë ne la contiendrait pas.
(Pierre de Fermat)
● Les concepts essentiels de l’arithmétique ont également été généralisés dans des contextes différents
de celui des entiers. C’est une des motivations de l’introduction de la notion d’anneau et d’idéal. Un
exemple que vous aurez l’occasion d’étudier prochainement est l’étude de l’arithmétique des polynômes.
Mais cela ne s’arrête pas là !
◁ Éléments de preuve.
Essayer de le démontrer (sous la forme U (Z)) en n’utilisant que l’intégrité de Z (et donc la régularité
multiplicative). Cela permet de généraliser à d’autres anneaux. ▷
Remarque 21.1.5
● Ce résultat peut sembler trivial et sans intérêt. Sa version plus générale, pour un anneau intègre
A, est plus intéressante, et affirme que les éléments associés diffèrent d’une constante multipli-
cative appartenant au groupe A× des inversibles de A.
● Par exemple, dans K[X], les éléments associés à un polynôme P sont tous les λP , pour λ ∈ K∗ .
● Dans Z[i] (entiers de Gauss), les éléments associés à un nombre z sont les 4 éléments z, −z, i z
et − i z.
● Les éléments associés de x sont les éléments qui jouissent des mêmes propriétés de divisibilité
que x.
a = bq + r et 0 ⩽ r < ∣b∣.
I Divisibilité, nombres premiers 65
◁ Éléments de preuve.
On pourrait se raccrocher à la division euclidienne réelle, mais c’est maladroit dans le sens où les
entiers existent avant les réels et indépendamment d’eux. Pour l’existence, pour a positif, on peut
faire une récurrence forte, en initialisant pour tout a ∈ J0, ∣b∣ − 1K. Une autre récurrence dans l’autre
sens pour compléter à a < 0 (ou par symétrisation). L’unicité se montre bien à peu près de la même
façon que dans le cas réel. ▷
Remarquez que b peut être négatif.
La plupart des propriétés arithmétiques de Z (pour ne pas dire toutes) découlent de l’existence de cette
division euclidienne. On peut définir de façon similaire dans certains anneaux une division euclidienne,
la condition sur le reste étant un peu plus dure à exprimer. On parle dans ce cas d’anneau euclidien.
Exemple 21.1.8
● Quel est le stathme pour la division euclidienne dans Z ?
● Quel est le stathme pour la division euclidienne dans C[X] ?
● On peut montrer que Z[i] est euclidien, de stathme z ↦ ∣z∣2 .
Ainsi, Z et R[X] sont des anneaux euclidiens. Cette dernière propriété nous permettra d’établir un certain
nombre de propriétés arithmétiques pour les polynômes, très similaires à celles qu’on a pour les entiers.
Remarques 21.1.9
● Certains auteurs appellent préstathme la notion de stathme telle que nous l’avons définie. Ils
imposent une condition supplémentaire pour les stathmes. La différence n’est pas trop gênante
dans la mesure où on peut montrer qu’avec leur terminologie, tout anneau intègre muni d’un
préstathme peut aussi être muni d’un stathme.
● Dans la notion générale de division euclidienne définie par stathme, on n’impose pas de pro-
priété d’unicité. Par exemple, dans Z[i], on n’a pas de propriété d’unicité. D’ailleurs, dans Z, la
définition générale de division euclidienne nous donne deux divisions euclidiennes possibles, la
division euclidienne usuelle n’est que l’une des deux divisions possibles (ou on impose en plus la
positivité du reste).
I.2 Congruences
Nous rappelons la définition suivante, indissociable de la notion de division euclidienne :
On trouve aussi assez souvent la notation a ≡ b mod n, ou un mélange des 2 : a ≡ b [mod n].
Nous rappelons les résultats suivants, que nous avons déjà eu l’occasion de démontrer.
Théorème 21.1.12
La relation de congruence modulo n est une relation d’équivalence.
Théorème 21.1.13
La relation de congruence modulo n est compatible avec le produit et la somme : soit (a, a′ , b, b′ ) ∈ Z4
tels que a ≡ a′ [n] et b ≡ b′ [n]. Alors a + b ≡ a′ + b′ [n] et ab ≡ a′ b′ [n]
En d’autre terme, c’est une congruence sur les monoïdes (Z, +) et (Z, ×), au sens vu dans le chapitre sur
les ensembles.
Ces règles sont importantes pour pouvoir mener à bien le calcul modulaire de façon efficace : il permet
de faire lors d’une succession d’opérations, des réductions modulo n étape par étape, plutôt que de tout
calculer dans N et de réduire à la fin.
Exemples 21.1.14
Calculer le reste de la division euclidienne de 12 × 21 × 28 × 18 × 75 × 23 par 11.
Cette possibilité de réduire les opérations à chaque étape est également important pour l’implémentation
informatique du calcul modulaire, permettant ainsi de travailler avec des entiers plus petit, diminuant
de la sorte la complexité des calculs. On peut ainsi, contrairement au cas du calcul dans Z, borner
explicitement le temps de calcul des opérations modulo n par un réel dépendant de n mais ne dépendant
pas des opérandes.
Nous avons aussi, de façon immédiate :
Proposition 21.1.15
1. Si n divise m alors pour tout a et b dans Z :
a ≡ b [m] Ô⇒ a ≡ b [n].
2. si k ∈ N∗ ,
a ≡ b [n] ⇐⇒ ak ≡ bk [nk]
◁ Éléments de preuve.
C’est un principe des tiroirs : il y a plus d’exposants distincts que de classes de congruences possibles !
▷
Remarque 21.1.17
À quelle condition nécessaire et suffisante sur a la suite (ap ) est-elle périodique modulo n dès le rang
n = 0?
Ainsi, le calcul des premières puissances jusqu’à obtenir un résultat déjà obtenu auparavant permet de
trouver la période, puis d’en déduire toutes les autres puissances. On peut donc de cette manière calculer
ap modulo n :
Exemple 21.1.19
Calculer le reste de la division euclidienne de 16851750 par 42.
Remarquez que l’existence de deux diviseurs distincts exclut d’office 1 de l’ensemble des nombres premiers,
puisqu’il n’a qu’un diviseur.
Proposition 21.1.22
(i) Tout nombre composé admet un diviseur strict premier.
(ii) Tout entier n ⩾ 2 admet un diviseur premier.
68 CHAPITRE 21. ARITHMÉTIQUE DES ENTIERS
◁ Éléments de preuve.
Récurrence forte. ▷
Cette proposition est à la base de l’existence de la décomposition primaire.
◁ Éléments de preuve.
De très (très très) nombreuses démonstrations de ce fait existent. La démonstration d’Euclide est liée
à l’étude des diviseurs de p1 ⋯pn + 1 en supposant par l’absurde que p1 , . . . , pn sont tous les nombres
premiers. ▷
C’est bien joli tout ça, mais comment faire pour déterminer les nombres premiers (pas trop gros) ?
Erathostène, mathématicien, astronome, bibliothécaire en chef d’Alexandrie (excusez du peu), astéroïde
et cratère lunaire, répondit à cette question il y a déjà très longtemps, par un procédé d’élimination.
Cet algorithme est très facile à implémenter dans un langage informatique. Il n’est évidemment efficace
que pour des petites valeurs de n, mais ne peut pas servir à la recherche de très grands nombres premiers.
Notamment, il est à peu près inutilisable pour répondre à la question de savoir si un très grand nombre
donné est premier ou non (question cruciale dans certaines situations en rapport avec des cryptages,
comme la méthode RSA).
II PGCD et PPCM
II.1 PGCD et PPCM d’un couple d’entiers
◁ Éléments de preuve.
Il faut bien comprendre que H + K désigne l’ensemble de toutes les sommes d’un élément de H et
d’un élément de K. Justifier que H + K ⊂< H ∪ K > et que c’est un groupe. ▷
On vérifie facilement la propriété suivante :
II PGCD et PPCM 69
◁ Éléments de preuve.
Par définition (ii) ⇐⇒ (iii), et (ii) Ô⇒ (i) est facile, ainsi que (iv) Ô⇒ (ii). Le point délicat est
(i) Ô⇒ (iv) pour compléter la boucle. Se rappeler que Z est principal, ce qui permet d’exprimer
aZ + bZ sous la forme nZ. Comparer n et m. ▷
Ainsi, le PGCD de a et b est entièrement caractérisé par l’égalité des idéaux (en notant (a) l’idéal engendré
par a) :
(a) + (b) = (a ∧ b).
Remarquez que pour établir ce point partant de la description usuelle (premier point), on se sert du fait
que tout idéal de Z s’écrit Z⋅a, donc que Z est principal. Le fait que Z est principal nous assure également
que le plus petit idéal contenant a et b est engendré par un élément. C’est là une façon de définir le pgcd,
comme élément générateur de l’idéal engendré par a et b.
Cette définition est valide dans tout anneau principal :
Dans certains cas, un choix de pgcd s’impose (le pgcd positif dans Z par exemple). Dans ce cas on peut
utiliser une notation non ambiguë (a ∧ b par exemple), et parler du PGCD. Dans les autres cas, on parle
d’UN PGCD, et on ne peut utiliser une notation qu’à abus près.
Le PGCD se détermine très facilement algorithmiquement, en se basant sur les lemmes suivants :
a ∧ b = b ∧ r.
70 CHAPITRE 21. ARITHMÉTIQUE DES ENTIERS
Ainsi, en prenant des restes divisions euclidiennes successives le dernier reste non nul fournira le PGCD.
La preuve de la terminaison de l’algorithme, faite en cours d’informatique, repose sur le variant de boucle
b, entier positif strictement décroissant, et sa correction provient de l’invariant de boucle a ∧ b (son
invariance provenant du lemme).
Le PPCM se définit par des propriétés équivalentes similaires, symétriques de celles définissant le PGCD
◁ Éléments de preuve.
Même principe que pour le PGCD. ▷
Encore une fois, le dernier point peut être pris comme définition dans un anneau principal.
Ce qui est parfois évident sur les idéaux ne l’est pas toujours autant pour les autres descriptions :
◁ Éléments de preuve.
On peut le démontrer avec les propriétés de minimalité/maximalité. Mais c’est plus limpide par des
manipulations sur les idéaux. ▷
d = ax + by,
alors a ∧ b ∣ d.
◁ Éléments de preuve.
C’est juste une réexpression du point (iv) de la définition. ▷
La démonstration passant par les idéaux peut se généraliser dans un anneau principal. Elle possède
l’inconvénient de ne pas être constructive. Il peut être intéressant de trouver explicitement des entiers
x et y assurant l’égalité ax + by = a ∧ b. L’algorithme de la division euclidienne itéré permet à la fois de
déterminer a ∧ b, et d’obtenir une identité de Bézout.
a ∧ b = axk + byk .
72 CHAPITRE 21. ARITHMÉTIQUE DES ENTIERS
Exemple 21.2.13
● Trouver à l’aide de l’algorithme d’Euclide le pgcd de 1470 et 2016, ainsi qu’une identité de
Bézout.
● Comment trouver une autre identité de Bézout ?
● À retenir : on n’a pas unicité de la relation de Bézout !
● Comment trouver toutes les relations de Bézout ?
De la même façon :
◁ Éléments de preuve.
Par très différent du cas n = 2. ▷
La caractérisation par idéaux, ou encore la caractérisation par borne inférieure (et l’associativité des
bornes inférieures) nous assure que ces notions correspondent aux PGCD et PPCM itérés :
a1 ∧ ⋅ ⋅ ⋅ ∧ an = ((a1 ∧ a2 ) ∧ . . . ) ∧ an .
a1 ∨ ⋅ ⋅ ⋅ ∨ an = ((a1 ∨ a2 ) ∨ . . . ) ∨ an .
a1 ∧ ⋅ ⋅ ⋅ ∧ an = x1 a1 + ⋅ ⋅ ⋅ + xn an .
d = x1 a1 + ⋅ ⋅ ⋅ + xn an ,
Méthode 21.2.18
Les coefficients x1 , . . . , xn peuvent se trouver explicitement, par itération de l’algorithme d’Euclide :
on cherche d’abord une relation de Bézout entre d1 = a1 ∧ a2 , a1 et a2 , puis entre d2 = d1 ∧ a3 , d1 et a2 ;
en substituant à d1 la première relation trouvée, on obtient une relation de Bézout entre a1 ∧ a2 ∧ a3 ,
a1 , a2 et a3 . On continue alors de la sorte, de proche en proche.
Enfin, toutes les notions introduites dans ce paragraphe peuvent être généralisées à des entiers relatifs
quelconques ; le pgcd et le ppcm ne sont alors définis correctement qu’au signe près (c’est le cas général
dans un anneau principal, ou le pgcd ne peut être déterminé qu’à un facteur multiplicatif inversible près).
Dans le cas de Z, on a un choix privilégié qui consiste à prendre la valeur positive. Le pgcd et les relations
de Bézout se trouvent de la même façon, en les cherchant d’abord pour les valeurs absolues, puis en
modifiant les signes de façon adéquate.
◁ Éléments de preuve.
C’est une propriété de distributivité du produit sur le pgcd. ▷
◁ Éléments de preuve.
Les deux sens d’implication découlent respectivement des 2 points du théorème général. ▷
En particulier :
◁ Éléments de preuve.
Écrire une relation de Bézout et la réduire modulo n. Réciproquement, écrire une relation d’inversion,
et prendre des représentants dans Z ; cela fournit une relation de Bézout. ▷
On déduit de ce dernier point le théorème important suivant, parfois appelé « petit » théorème de Fermat,
par opposition à un autre qui a donné tant de fil à retordre à des générations de mathématiciens.
III Entiers premiers entre eux 75
◁ Éléments de preuve.
Considérer l’ordre de a dans le groupe multiplicatif de Z/pZ. ▷
On en arrive à l’un des résultats les plus importants, qui est à la base de théorème fondamental de
l’arithmétique, qui est l’existence et l’unicité de la décomposition en facteurs premiers.
◁ Éléments de preuve.
Multiplier par c une relation de Bézout entre a et b et aviser. ▷
◁ Éléments de preuve.
Si p ne divise pas a, alors p est premier avec a (car ... ?) ▷
Corollaire 21.3.11
Soit a, b et c des entiers tels que a soit premier avec b et avec c. Alors a est premier avec le produit bc.
◁ Éléments de preuve.
Par contraposée, en considérant p diviseur premier commun à a et bc. ▷
Proposition 21.3.13
Si a et b sont premiers entre eux et a∣c et b∣c, alors ab∣c.
76 CHAPITRE 21. ARITHMÉTIQUE DES ENTIERS
◁ Éléments de preuve.
Multiplier une relation de Bézout par c et remarquer que ab ∣ ac et ab ∣ bc. ▷
Corollaire 21.3.14
Si a ∧ b = 1, alors
⎧
⎪
⎪x ≡ y [a]
⎨ ⇐⇒ x ≡ y [ab].
⎪
⎪
⎩x ≡ y [b]
◁ Éléments de preuve.
C’est une réexpression de 21.3.13 avec c = y − x. ▷
◁ Éléments de preuve.
La proposition 21.3.13 fournit la propriété de minimalité requise. ▷
On en déduit une relation entre PGCD et PPCM :
◁ Éléments de preuve.
Se ramener au cas de deux entiers premiers entre eux en divisant par a ∧ b. ▷
Cette relation sera limpide lorsqu’on aura la description du PGCD et du PPCM en terme de décomposition
primaire.
Par exemple 10, 12 et 15 sont premiers entre eux dans leur ensemble. Vous remarquerez en revanche que
deux quelconques d’entre eux ne sont pas premiers entre eux !
La reciproque, en revanche est vraie :
Proposition 21.3.19
Soit (a1 , . . . , an ) ∈ Nn . Si a1 , . . . , an sont premiers entre eux deux à deux (il suffit même en fait que
deux d’entre eux soient premiers entre eux) alors ils sont premiers entre eux dans leur ensemble.
◁ Éléments de preuve.
Évident en utilisant la bonne caractérisation. ▷
◁ Éléments de preuve.
On a décrit les inversibles. ▷
Grâce au théorème de Lagrange, on en déduit notamment la généralisation suivante du petit théorème
de Fermat
On peut montrer (voir exercices ou problèmes) que ϕ est multiplicative : si a ∧ b = 1, ϕ(ab) = ϕ(a)ϕ(b).
On peut également calculer facilement ϕ(pk ), pour p premier. On peut en déduire une expression de ϕ(n)
pour tout n, à condition de connaître la décomposition primaire de n.
n = p1 × ⋯ × pk ,
Lemme 21.4.2
Soit n ∈ N∗, tel que n = p1 . . . pk , où les pi sont premiers. Soit p ∈ P. Si p ∣ n, alors il existe i ∈ J1, kK tel
que p = pi .
◁ Éléments de preuve.
Récurrence sur k en appliquant le lemme d’Euclide pour diminuer le nombre de facteurs. ▷
Il s’agit donc de l’unique entier v tel que pv divise n mais pas pv+1 (et donc pas les puissances suivantes
non plus) :
vp (n) = max{v tel que pv ∣ n}.
En notant P l’ensemble des nombres premiers, il vient donc :
ce produit ayant un sens, puisque constitué d’un nombre fini de termes non égaux à 1.
◁ Éléments de preuve.
Ce n’est rien de plus que les règles de manipulation des exposants ! ▷
où q = a
b
est une représentation quelconque de q.
Les valuations permettent alors de caractériser les entiers parmi les rationnels :
Proposition 21.4.9 (Caractérisation des entiers parmi les rationnels par les valuations)
Soit q ∈ Q. Alors q est un entier (relatif ) si et seulement si pour tout p ∈ P, vp (q) ⩾ 0.
◁ Éléments de preuve.
Sens direct évident. Sens réciproque : poser q = ab , et exprimer les décompositions primaires de a et
b. ▷
Le théorème suivant n’est pas explicitement au programme, mais est souvent très utile pour faire de
l’arithmétique avec des factorielles :
cette somme étant en fait finie (les termes sont tous nuls pour k assez grand)
◁ Éléments de preuve.
Compter tous les facteurs multiples de p, puis une deuxième fois (on les a déjà compté une fois) ceux
multiples de p2 , puis une troisième fois ceux multiples de p3 etc. ▷
On peut de la sorte calculer vp ((nk)). Un cas particulier important (qu’on démontre plus simplement de
façon directe) est :
Lemme 21.4.11
Soit p un nombre premier. Alors pour tout k ∈ J1, p − 1K, ( ) ≡ 0 [p].
p
k
80 CHAPITRE 21. ARITHMÉTIQUE DES ENTIERS
◁ Éléments de preuve.
Localiser les facteurs p dans la fraction. Il n’y en a pas beaucoup. ▷
De ce lemme, on tire :
Proposition 21.4.12
Soit p un nombre premier, et K un corps de caractéristique p, et Soit a et b deux éléments de K. Alors
(a + b)p = ap + bp .
(a + b)p ≡ ap + bp [p],
et en particulier :
(a + 1)p ≡ ap + 1 [p].
Cette dernière identité est à la base d’une démonstration possible du petit théorème de Fermat, par
récurrence sur a.
150 = 2 × 3 × 52 et 180 = 22 × 32 × 5.
Proposition 21.4.13
Soit a et b deux entiers strictement positifs. Alors, pour tout p ∈ P,
◁ Éléments de preuve.
C’est la caractérisation de la divisibilité par les valuations, et les propriétés de minimalité et maxi-
malité imposées. ▷
La relation
(a ∧ b) × (a ∨ b) = ab
◁ Éléments de preuve.
Pour montrer que c’est un isomorphisme, étudier le noyau en se ramenant à des propriétés arithmé-
tiques. ▷
⎧
⎪x ≡ b1 [a1 ]
⎪
⎪
⎪
⎪
⎨⋮
⎪
⎪
⎪
⎪
⎪
⎩x ≡ bn [an ]
En notant A = a1 ⋯an , et pour tout B = (b1 , . . . , bn ), X(B) l’unique élément de Z/AZ solution du système
ci-dessus, on obtient :
Proposition 21.5.5
L’application B ↦ X(B) est un morphisme de groupes, de (Zn , +) dans Z/AZ.
◁ Éléments de preuve.
Vérifications faciles. ▷
82 CHAPITRE 21. ARITHMÉTIQUE DES ENTIERS
Ainsi, il suffit de déterminer les valeurs de X(ei ) pour les vecteurs ei = (0, . . . , 0, 1, 0, . . . , 0), le 0 étant en
position i. En effet, pour un vecteur B = (b1 , . . . , bn ), on aura alors
n
X(B) = ∑ bi X(ei ).
i=1
Pour déterminer X(ei ), on part de la constatation que les résultats précédents permettent de réduire le
système au système à deux inconnues :
⎧
⎪
⎪x ≡ 1 [ai ]
⎨
⎪
⎪
⎩x ≡ 0 [âi ],
où nous avons noté âi = ∏ aj . Ce système peut être résolu en utilisant une relation de Bézout, du fait que
j≠i
ai et âi sont premiers entre eux. On commence donc par déterminer (par l’algorithme d’Euclide étendu)
ui et vi tels que
ui ai + vi âi = 1.
Nous avons alors :
vi âi ≡ 0 [âi ] et vi âi ≡ 1 [ai ].
Ainsi, X(ei ) = v âi (classe dans Z/AZ).
On énonce :
◁ Éléments de preuve.
Résulte des explications précédentes ▷
⎪
⎨⋮
⎪
⎪
⎪
⎪
⎪
⎩x ≡ bi [pk ]
αk
Ainsi, toutes les équations du nouveau système obtenu sont réduites modulo une puissance d’un nombre
premier. Un même nombre premier peut intervenir dans plusieurs lignes, avec un exposant éventuellement
différent. La compatibilité de ces équations est aisée à vérifier (pour chaque paire d’équations modulo pα
et pβ , avec disons α ⩽ β, on doit obtenir les mêmes équations en réduisant la seconde modulo pα ). Si
les équations ne sont pas compatibles, il n’y a pas de solution, sinon, on garde la plus contraignante des
équations (à savoir celle faisant intervenir le plus grand exposant). On est alors ramené à un système tel
qu’étudié plus haut, auquel on peut appliquer le théorème des restes chinois.
Exemple 21.5.7
Résoudre les deux systèmes suivants :
V Théorème des restes chinois (HP) 83
⎧
⎪
⎪x ≡ 3 [42]
1. ⎨
⎪
⎪
⎩x ≡ 10 [49]
⎧
⎪
⎪x ≡ 3 [42]
2. <4-> ⎨
⎪
⎪
⎩x ≡ 9 [49]
84 CHAPITRE 21. ARITHMÉTIQUE DES ENTIERS
22
Polynômes et fractions rationnelles
On a ainsi traité le problème comme s’il s’agissait simplement de déterminer la forme des
racines, dont l’existence est admise sans démonstration, manière de raisonner qui est ici
entièrement illusoire et en fait une véritable petitio principis.
On se placera dans un cadre plus formel dans le but notamment de généraliser des constructions a priori
uniquement valables pour des polynômes à coefficients réels (comme la dérivation) à des polynômes à
coefficients dans des anneaux plus généraux.
Seuls les polynômes à coefficients dans un sous-corps de C sont théoriquement au programme. Nous
donnerons les définitions formelles plus généralement pour les polynômes à coefficients dans un anneau.
Ce point de vue a une certaine importance, car c’est lui qui permet d’itérer ensuite la construction
pour obtenir les polynômes de plusieurs indéterminés, puisque si A est un anneau, A[X] hérite de cette
structure d’anneau. En revanche, si K est un corps, on n’a pas de structure de corps sur K[X], mais
uniquement d’anneau.
Pour l’étude des propriétés de l’anneau des polynômes, nous nous limiterons au cas où les coefficients sont
dans un corps. On dispose dans ce cas de propriétés plus fortes que dans le cas général des polynômes
sur un anneau, en particulier toutes les propriétés permettant de faire de l’arithmétique. On a même
parfois besoin de certaines hypothèses supplémentaires (par exemple sur la caractéristique du corps).
Ainsi, pour certaines propriétés, nous reviendrons aux exigences du programme (sous-corps de C), en
précisant parfois ce qu’il en est dans les autres situations. Il convient de remarquer que dans ce cas, ces
propriétés ne sont en général plus satisfaites pour les polynômes à plusieurs indéterminées, puisque A[X]
n’est pas un corps.
La remarque précédente semble justifier de considérer un polynôme comme une suite de coefficients. Seul
un nombre fini de ces coefficients doit être non nul.
Exemples 22.1.3
1. R[X] ou C[X], polynômes formels à coefficients réels ou complexes ;
2. Q[X], ensemble des polynômes à coefficients rationnels ;
3. Z[X], ensemble des polynômes à coefficients entiers ;
4. (Z/nZ)[X], polynômes à coefficients dans Z/nZ, dont un cas particulier important est Fp [X].
La suite c = (cn )n∈N est appelée produit de convolution des suites a = (an ) et b = (bn ), et est parfois
notée c = a ⋆ b.
◁ Éléments de preuve.
Vérifier tous les axiomes de la structure. Notamment l’associativité du produit, qui nécessite quelques
manipulations sur les sommes. ▷
I Polynômes à coefficients dans un anneau commutatif 87
Avertissement 22.1.8
Ne généralisez pas trop vite « A anneau Ô⇒ A[X] anneau » en « K corps Ô⇒ K[X] corps ». Cette
dernière affirmation est fausse ! Ainsi, si K est un corps, tout ce qu’on peut dire, c’est que K[X] est un
anneau.
Cependant, lorsque K est un corps on peut munir K[X] d’une structure plus riche. En effet, la multipli-
cation par un scalaire munit K[X] d’une structure d’espace vectoriel sur le corps K, compatible d’une
certaine manière avec la structure d’anneau (voir chapitre ultérieur). La structure totale (espace vectoriel
+ anneau) est appelée structure d’algèbre sur le corps K.
Dans le cas où A n’est pas un corps, on peut adapter la définition des espaces vectoriels, en définissant
la notion de module sur un anneau A : A[X] est alors muni d’une structure de module sur A. Associé à
sa structure d’anneau, on parle aussi de structure d’algèbre (sur l’anneau A)
Ainsi, X n’est pas une variable (au sens fonctionnel), mais un polynôme bien précis, auquel on donne un
nom particulier, et auquel on attribue une notation bien particulière, dont le but est l’analogie avec les
fonctions polynomiales.
Avertissement 22.1.11
● En particulier, l’indéterminée formelle X n’étant pas une variable, elle ne doit pas être quantifiée,
et ne peut pas être utilisée pour résoudre des équations.
● Un polynôme n’est pas une fonction de l’indéterminée formelle, donc la notation P (X) en lieu
et place de P n’est pas de mise. On l’utilise néanmoins dans certaines situations, notamment
lorsque plusieurs indéterminées sont en jeu. Cette notation peut être justifiée rigoureusement
par la notion de spécialisation qu’on verra un peu plus loin.
88 CHAPITRE 22. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
◁ Éléments de preuve.
Récurrence sans difficulté. ▷
k=0
est en fait finie, les ak étant nuls à partir d’un certain rang.
Encore une fois, il faut bien comprendre ce que signifie cette égalité : il s’agit bien d’une somme de
polynômes, et non d’éléments de A (signification de l’indéterminée).
De la définition même, il vient :
Les règles de calcul sur les polynômes de A[X] résultent alors des règles usuelles de calcul dans un anneau
découlant de l’associativité, de la commutativité commutativités, et de la distributivité des lois.
Exemples 22.1.15
1. Calcul de (2 + 3X + 2X 2 )(3X + X 2 + 2X 3 ) dans F5 [X].
2. Calcul de (X 2 + X + 2)7 dans F7 [X].
Ainsi, tout polynôme est une somme de monômes de degrés deux à deux distincts.
Les polynômes formels peuvent aussi se composer. En effet, étant donné un polynôme P , on peut considé-
rer, pour tout n ∈ N, le polynôme P k (en a en particulier P 0 = 1 et P 1 = P ). On définit alors la composée
de deux polynômes de la sorte :
d
Q ○ P = ∑ ak P k .
k=0
I.4 Dérivation
On sait facilement dériver (au sens analytique) une fonction polynomiale à coefficients réels, x ↦ xn se
dérivant en x ↦ nxn−1 . Cette règle de dérivation peut être vue de façon purement formelle, permettant
I Polynômes à coefficients dans un anneau commutatif 89
de généraliser la dérivation des polynômes à un anneau quelconque (dans lequel on ne dispose pas des
techniques d’analyse, spécifiques à R).
La linéarité s’exprime en terme de structures en affirmant que la dérivation est une application linéaire
(c’est-à-dire un homomorphisme d’espaces vectoriels) lorsque A est un corps, ou un homomophisme de
A-modules sinon.
Vu que la définition de la dérivation est calquée sur la dérivée analytique des fonctions polynomiales
réelles, on a, sans surprise, des règles de dérivation similaires, et notamment :
(P Q)′ = P ′ Q + P Q′ .
◁ Éléments de preuve.
Les points 2 et 3 se déduisent du premier de la même manière que pour la dérivation analytique. Le
point 1 se ramène, par linéarité, au cas trivial où P = X k et Q = X ℓ . ▷
Avec un petit abus de notation, on pourrait considérer cette égalité également au rang n = 0 (le terme
P −1 n’est pas bien défini, mais le produit par n annule l’ensemble). On généralise le corollaire précédent
de la sorte
90 CHAPITRE 22. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
◁ Éléments de preuve.
Écrire Q ○ P comme somme de monômes en P et appliquer le corollaire précédent. ▷
Proposition 22.1.25
On a évidemment A0 [X] ⊂ A1 [X] ⊂ ⋯ ⊂ An [X] ⊂ ⋯ et
A[X] = ⋃ An [X].
+∞
n=0
Remarque 22.1.26
On a évidemment A0 [X] ≃ A. On identifie souvent les deux, de sorte à pouvoir considérer que A ⊂ A[X].
◁ Éléments de preuve.
Vérifier avec les règles opératoires définies que les monômes de degré plus grand que le degré voulu
sont tous nuls, et, pour avoir l’égalité, que le terme de degré maximal est non nul. C’est pour ce
point qu’il faut disposer d’une propriété d’intégrité. ▷
Exemples 22.1.29
1. Trouver dans (Z/6Z)[X] un exemple contredisant le point 2.
2. Trouver dans (Z/6Z)[X] un exemple contredisant le point 3.
3. Trouver un exemple d’un polynôme non constant pour lequel l’inégalité du point 4 est stricte.
◁ Éléments de preuve.
Quel est alors le degré d’un produit de deux polynômes non nuls ? ▷
◁ Éléments de preuve.
Ce sont des vérifications assez immédiates. Pour le dernier point, il faut pouvoir primitiver. La
primitivation d’un monoôme X k nécessite l’inversibilité de k + 1. ▷
Remarques 22.1.33
● An [X] est-il un sous-anneau de A[X] ?
● Trouver un polynôme de Fp [X] n’admettant pas de primitive.
92 CHAPITRE 22. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
On précise un peu dans certains cas la relation entre degré de P et degré de P ′ : dans les situations que
vous connaissez, dériver un polynôme non constant baisse son degré de 1. Cependant, ceci n’est pas vrai
en toute généralité. Nous avons besoin pour cela d’hypothèses plus fortes.
◁ Éléments de preuve.
Regarder le monôme dominant. ▷
Remarque 22.1.35
1. Trouver dans Fp [X] un polynôme non constant pour lequel cette égalité est fausse.
2. Si K est un corps de caractéristique p, quelle condition donner au degré de P pour avoir deg(P ′ ) =
deg(P ) − 1 ?
Corollaire 22.1.36
Soit K un corps de caractéristique nulle, et soit P et Q deux polynômes de K[X]. Si P ′ = Q′ , alors P
et Q diffèrent d’une constante additive.
◁ Éléments de preuve.
La proposition précédente donne une condition nécessaire pour que (P − Q)′ = 0 ▷
Exemple 22.1.37
Donner un contre-exemple dans le cas où K = Fp .
On pourrait établir pour les valuations des règles similaires à celles qu’on a pour les degrés. La notion
de valuation n’étant pas explicitement au programme, nous laissons le lecteur intéressé établir ces règles
par lui-même.
◁ Éléments de preuve.
Comme dans le cas entier, par récurrence (sur quoi ?) ▷
Cet algorithme peut facilement être implémenté dans un langage informatique dans R[X] ou C[X] ; un
polynôme est dans ce cas représenté par la liste de ses coefficients (on revient à la définition formelle des
polynômes sous forme d’une suite finie).
Exemple 22.2.3
Division euclidienne de X 6 + 3X 2 + 1 par X 2 + X + 1.
On verra un peu plus loin une méthode basée sur l’étude des racines pour déterminer rapidement le reste
d’une division euclidienne par un polynôme de petit degré dont on connaît les racines.
Remarque 22.2.4
L’algorithme de la division euclidienne peut-il être mené sans restriction dans A[X] lorsque A est un
anneau commutatif quelconque ? Donner une condition sur le polynôme B pour qu’on puisse effectuer
dans A[X] la division euclidienne d’un polynôme A quelconque par B.
◁ Éléments de preuve.
S’aider de la division euclidienne, comme pour montrer que Z est principal. C’est une propriété
général de tout anneau muni d’une division euclidienne (anneau euclidien). ▷
On notera (P ) l’idéal engendré par un polynôme P .
Remarques 22.2.6
● {XP +Y Q, P, Q ∈ R[X, Y ]} est un idéal non principal de R[X, Y ] = R[X][Y ] = R[Y ][X]. Ainsi,
le résultat précédent rentre en défaut lorsque K n’est pas un corps (dans l’exemple, on considère
les polynômes à coefficients dans l’anneau R[X]).
94 CHAPITRE 22. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
● En fait, on peut montrer que K[X] est principal si et seulement si K est un corps.
● Nous avons vu en exercice que tout anneau euclidien est principal. Ce n’est donc ici qu’une
conséquence de ce résultat plus général.
II.3 Divisibilité
Soit K un corps. Ainsi, K[X] est principal. On note (P ) l’idéal engendré par un élément P de K[X], à
savoir
(P ) = {P Q, Q ∈ K[X]}.
Toutes les propriétés de cette section se démontrant comme dans le cas entier, nous nous dispensons d’en
indiquer des preuves.
Comme dans le cadre général, on dit que le couple (A, B) est un couple de polynômes associés si A divise
B et B divise A. Il vient alors de la description des idéaux de A[X] que :
Notation 22.2.12 (A ∧ B)
En particulier, si A et B sont deux polynômes de K[X] dont l’un au moins est non nul, il existe un
unique PGCD unitaire de A et B. Ce PGCD unitaire est noté A ∧ B.
Comme dans le cas de Z, on déduit du troisième point équivalent de la définition l’existence de relations
de Bézout.
Comme dans Z, on peut déterminer un PGCD et une relation de Bézout par l’algorithme d’Euclide
étendu, en utilisant le lemme suivant :
Lemme 22.2.14
Soit A et B deux polynômes tels que B ≠ 0. Soit Q et R le quotient et le reste de la division de A par
B. Alors A ∧ B = B ∧ R
Exemple 22.2.16
Trouver les PGCD de X 3 + 2X 2 + 2X + 1 et X 3 + 3X 2 + 4X + 2, et une relation de Bézout.
Comme pour le cas de Z, la définition du PGCD s’étend au cas du PGCD de n polynômes. On obtient
alors :
Notation 22.2.20 (A ∨ B)
En particulier, si A et B sont deux polynômes non nuls de K[X], il existe un unique PPCM unitaire
de A et B. Ce PPCM unitaire est noté A ∨ B.
Exemple 22.2.21
P = (X + 1)2 et Q = (X + 1)(X − 1).
Définition 22.2.22
Soit A et B deux polynômes de K[X]. On dit que A et B sont premiers entre eux si A ∧ B = 1.
Autrement dit, les seuls diviseurs communs à A et B sont les polynôems constants non nuls.
Plus généralement, on définit comme dans Z la notion de famille finie de polynômes deux à deux premiers
entre eux, ou premiers entre eux dans leur ensemble.
Ici encore, les propriétés valables dans Z se généralisent :
Exemple 22.2.24
Soit λ ≠ µ dans K. Alors les polynômes X − λ et X − µ sont premiers entre eux.
Corollaire 22.2.26
Soit A, B et C trois polynômes tels que A et B divisent C et A et B soient premiers entre eux. Alors
AB divise C.
Comme dans Z, on a une relation simple entre PPCM et PGCD, à ceci près que comme ces notions sont
définies à constante multiplicative près, il faut faire attention au coefficient dominant :
Exemples 22.2.29
1. Les polynômes X − λ sont irréductibles (λ ∈ K)
2. Dans R[X], tout polynôme aX 2 + bX + c tel que ∆ < 0 est irréductible.
3. Ces polynômes ne sont pas irréductibles dans C[X].
Lemme 22.2.31
Soit P un polynôme irréductible de K[X] et A un polynôme, non multiple de P . Alors A et P sont
premiers entre eux.
Corollaire 22.2.33
Soit A et B deux polynômes de K[X] et P un polynôme irréductible. Alors, si P ne divise ni A ni B,
P ne divise pas AB.
P = λP1 ⋯Pk .
2. Cette décomposition est unique, à l’ordre près des facteurs, et à multiplication près de chaque
facteur (y compris λ) par un élément non nul de K.
3. En particulier, si on impose que les Pi soient unitaires, cette décomposition est unique, à l’ordre
près des facteurs.
Nous verrons un peu plus loin la description complète des polynômes irréductibles de R[X] et de C[X].
Pour cela, il nous faut étudier d’un peu plus près les propriétés liées aux racines d’un polynôme.
98 CHAPITRE 22. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
d
P̃ ∶ x ↦ ∑ ak xk .
k=0
La seule condition pour pouvoir faire cela de façon plus générale dans A[X] est de pouvoir faire dans A
des produits (donc calculer des puissances) et des sommes. Comme A est un anneau commutatif, cela ne
pose pas de problème particulier, et on peut donc définir :
k=0
la fonction définie par :
d
∀b ∈ A, P̃ (b) = ∑ ak bk .
k=0
◁ Éléments de preuve.
C’est comme cela qu’on a défini les lois de A[X], de sorte à copier celles de A[x] ! ▷
Intuitivement, il apparaît clair que lorsque K = R ou C, on peut identifier les polynômes formels à
coefficients dans K et les fonctions polynomiales sur K. C’est ce que nous exprimons dans le théorème
suivant :
◁ Éléments de preuve.
On verra une version plus générale et algébrique de ce résultat. Pour le moment, on se contente d’une
démonstration analytique, consistant par exemple, dans AA , à considérer la limite de x ↦ P (x) (avec
P ∈ Ker(ϕ)), divisé par son monôme dominant. ▷
Remarques 22.3.5
1. En considérant le petit théorème de Fermat, montrer que cette propriété n’est pas vraie pour
tous les corps K.
2. On montrera un peu plus loin qu’une condition suffisante pour que cette identification soit vraie
est que K soit un corps infini. C’est le cas en particulier lorsque K est de caractéristique nulle.
Avertissement 22.3.6
Si K n’est pas un corps infini (par exemple K = Fp ), deux polynômes distincts P et Q de K[X] peuvent
correspondre à la même application polynomiale. Ainsi, les polynômes sont davantage différenciés dans
K[X] que dans K[x]. On n’a donc pas possibilité en général d’identifier polynômes formels et fonctions
polynomiales.
Enfin, dans le cas spécifique de R (seul cas dans lequel on peut considérer la dérivée au sens analytique),
on a également, du fait même des définitions :
Proposition 22.3.7
Pour tout polynôme P de R[X], ̃
P ′ = P̃′ .
◁ Éléments de preuve.
Encore une fois, c’est ainsi qu’on a défini la dérivée formelle ! ▷
Ainsi, les opérations définies formellement coïncident avec les opérations sur les fonctions polynomiales,
y compris la dérivation dans le cas de R.
Il est important de constater que le cadre formel qu’on s’est donné pour définir les polynômes permet
d’« appliquer » un polynôme à des éléments qui sortent du cadre initialement fixé. Pour prendre un
d
exemple, étant donné un polynôme P = ∑ ak X k de R[X] et M une matrice carrée à coefficients réels,
k=0
on peut considérer le polynôme de matrices
k
P (M ) = ∑ ak M k ,
k=0
Exemple 22.3.8
Soit P = 2 + 3X + 3X 2 , et M = ( ). Calculer P (M ).
1 2
2 3
On peut formaliser ce type de construction. Le bon cadre à se fixer est celui donné par la structure de
A-algèbre.
100 CHAPITRE 22. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
Remarque 22.3.10
Certaines définitions plus générales de la notion d’algèbre n’imposent pas l’associativité de × dans B,
ni l’existence du neutre. B n’est plus un anneau, mais on conserve en revanche les autres propriétés qui
définissent un anneau.
Dans la suite du cours, et conformément au programme, une algèbre sera toujours associative et unitaire,
même si cela n’est pas précisé.
En gros, ce qu’il faut en retenir, c’est que dans une A-algèbre B, on peut faire, avec des règles de calcul
raisonnablement semblables aux situations usuelles, la somme et le produit d’éléments de B ainsi que le
d
produit d’un élément de A par un élément de B. En particulier, étant donné un polynôme P = ∑ ak X k
k=0
de A[X] et b ∈ B, l’expression suivante a un sens :
d
P (b) = ∑ ak bk .
k=0
Exemples 22.3.11
1. L’ensemble des matrices carrées de taille n, à coefficients réels, est une R-algèbre : la situation
décrite plus haut est un cas particulier de cette situation plus générale.
2. On utilisera beaucoup en algèbre linéaire des polynômes d’endomorphismes (applications li-
néaires d’un espace vectoriel dans lui-même), l’ensemble L(E) des endomorphismes d’un espace
vectoriel E sur K étant une K-algèbre pour la somme usuelle et le produit défini par la composi-
tion. Ainsi, f n désigne dans ce cas la composition itérée de f , et f 0 désigne la fonction identité
idE .
3. K[X] est lui-même une K-algèbre. On peut donc spécialiser P en un autre polynôme Q. On peut
constater ici que P (Q) = P ○ Q (ce qui est incorrect dans le cadre de notations fonctionnelles !).
En particulier, P (X) = P ○ X = P . Ainsi, on peut confondre les notations P et P (X) (encore
une fois contrairement aux notations fonctionnelles similaires).
S’il y a une ambiguïté sur l’anneau des coefficients, on peut noter RacA(P ) l’ensemble des racines de P
en tant que polynôme à coefficients dans A. Cette ambiguïté peut se produire par exemple dans le cadre
de l’étude de polynômes à coefficients réels, lorsqu’on considère les racines complexes de P . L’ensemble
des racines complexes de P se notera alors RacC (P ), par opposition à RacR (P ), ensemble des racines
réelles de P .
◁ Éléments de preuve.
Effectuer une division euclidienne. ▷
Remarque 22.3.14
Ce théorème reste valable dans A[X] pour un anneau commutatif quelconque. Pourquoi ?
Si après factorisation P = (X − r)Q, r est encore racine de Q, alors r est « plusieurs fois » racine de P .
En comptant le nombre de fois qu’on peut mettre X − r en facteur, on obtient la multiplicité de r :
Remarque 22.3.16
La multiplicité de la racine r correspond donc à la valuation du facteur (X − r) dans la décomposition
primaire de P .
Par convention, on dira que r est racine de multiplicité 0 si r n’est pas racine de P . Une racine de
multiplicité 1 est aussi appelée racine simple de P , et une racine de multiplicité 2 est appelée racine
double. Lorsque la multiplicité est supérieure ou égale à 2, on parlera de racine multiple.
Cette mise en facteur maximale de (X − r)k peut être mise en valeur par la formule de Taylor pour les
polynômes, nécessitant une hypothèse supplémentaire sur K.
d
P (n) (a)
P=∑ (X − a)n .
n=0 n!
◁ Éléments de preuve.
Récurrence sur le degré. Utiliser l’HR sur P ′ . Pourquoi a-t-on besoin de l’hypothèse sur la caracté-
ristique ? ▷
Ainsi, si v est le plus petit indice pour lequel le terme de la somme est non nul, on obtient
d
P (n) (a)
P = (X − a)v ∑ (X − a)n−v .
n=v n!
102 CHAPITRE 22. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
Ainsi, il faut toujours garder à l’esprit des deux facettes de la multiplicité des racines : la propriété de
divisibilité, et la caractérisation par les dérivées.
Corollaire 22.3.19
Soit K un corps de caractéristique nulle. Soit P ∈ K[X] et r ∈ R. Si r est racine de multiplicité k > 0
de P , alors r est racine de multiplicité k − 1 de P ′ .
Théorème 22.3.20
Soit K un corps. Soit P ∈ K[X], et r1 , ⋯, rk des racines deux à deux distinctes de P , de multiplicités
respectives α1 , ⋯, αk . Alors (X −r1 )α1 ⋯(X −rk )αk divise P , et r1 , . . . , rk ne sont pas racines du quotient.
Exemple 22.3.22
Soit K un corps dont Fp est un sous-corps. Montrer que pour tout x ∈ K, xp = x si et seulement si
x ∈ Fp .
On en déduit le résultat très important suivant, qu’on décline sous 3 formes équivalentes.
◁ Éléments de preuve.
2. Appliquer le point 1 à P − Q.
3. C’est une paraphrase du point 2.
▷
Un corollaire très utilisé de ce résultat est le suivant :
◁ Éléments de preuve.
Un élément du noyau a alors une infinité de racines ! ▷
Par ailleurs, le dernier point du théorème ci-dessus affirme l’unicité sous réserve d’existence d’un polynôme
de degré au plus n − 1 prenant des valeurs données en n points fixés. Il n’est pas dur de construire
explicitement un tel polynôme, fournissant ainsi l’existence. C’est le but du paragraphe suivant.
Lemme 22.3.27
Le polynôme Li est l’unique polynôme de degré au plus n tel que pour tout k ∈ J0, nK ∖ {i}, Li (xk ) = 0,
et Li (xi ) = 1.
◁ Éléments de preuve.
Le fait qu’il vérifie ces propriétés relève de vérifications élémentaires. L’unicité est une propriété de
rigidité. ▷
104 CHAPITRE 22. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
En particulier, si f est une fonction définie sur un intervalle I contenant les xi , le polynôme d’inter-
polation de Lagrange de f associé à la famille (xi ) est l’unique polynôme Pf coïncidant avec f sur les
xi , à savoir :
n
Pf = ∑ f (xi )Li .
i=0
◁ Éléments de preuve.
De même. ▷
Corollaire 22.3.29
Soit P le polynôme d’interpolation de Lagrange associée à la famille (xi )i∈J0,nK , et aux valeurs (yi )i∈J0,nK .
Soit P0 = (X − x0 ) . . . (X − xn ). L’ensemble E des polynômes Q (sans restriction de degré) tels que pour
tout i ∈ J0, nK, Q(xi ) = yi est alors décrit par :
◁ Éléments de preuve.
Double inclusion facile. ▷
Remarque 22.3.30
Quelle est la structure algébrique de l’ensemble E du théorème précédent ?
et on a α1 + ⋯ + αk = n.
◁ Éléments de preuve.
Il suffit de compter les degrés. ▷
Ainsi, un polynôme est scindé si et seulement si sa décomposition en facteurs irréductibles ne fait intervenir
que des polynômes irréductibles de degré 1.
Dans R[X], certaines techniques d’analyse peuvent aider à étudier cette propriété. Ainsi, le théorème de
Rolle permet de montrer facilement que :
◁ Éléments de preuve.
Appliquer le théorème de Rolle entre les racines de P , et compter les racines de P ′ . ▷
Voici une propriété plus générale, constituant un exercice (ou un début d’exercice) classique :
◁ Éléments de preuve.
De même, mais comptabiliser également les racines multiples, qui restent racines de P ′ . Plus pré-
cisément, que pouvez-vous dire de la « localisation » des racines de P ′ par rapport à celles de P .
▷
Une propriété importante des polynômes scindés est la possibilité de trouver facilement des relations entre
les coefficients et les racines :
◁ Éléments de preuve.
Développer la forme factorisée, par la formule de distributivité généralisée. Identifier les coefficients.
▷
Le terme de gauche de cette expression est appelé polynôme symétrique élémentaire de degré k en les
racines et souvent noté Σk (r1 , . . . , rn ).
On peut montrer que tout expression symétrique en r1 , ⋯, rn peut s’exprimer comme expression polyno-
miale (à coefficients dans K des polynômes symétriques en r1 , . . . , rn , donc comme expression polynomiale
106 CHAPITRE 22. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
en les coefficients du polynôme. Par une construction itérative, on peut même déterminer cette expression
polynomiale. Ainsi, par exemple, calculer la somme des racines cubiques d’un polynôme peut se faire sans
calculer explicitement les racines (ce qui bien souvent, est de toute façon impossible), juste en se servant
des coefficients.
Cette propriété est notamment très utile pour des propriétés d’algébricité puisqu’elle permet de dire que
toute expression symétrique à coefficients rationnels en les racines d’un polynôme lui aussi à coefficients
rationnels est rationnelle.
Corollaire 22.4.2
Tout polynôme de C[X] est scindé, donc admet exactement autant de racines (comptées avec multipli-
cité) que son degré.
◁ Éléments de preuve.
Par récurrence sur le degré. Ou bien sans récurrence, en factorisant par tous les X − ri , et s’il reste
au bout un polynôme de degré au moins 2, lui appliquer le théorème de d’Alembert-Gauss. ▷
Corollaire 22.4.3
Dans C[X], les seuls polynômes irréductibles sont les polynômes de degré 1, c’est-à-dire les polynômes
aX + b, a ≠ 0.
◁ Éléments de preuve.
Ceux de degré plus grand peuvent être factorisés non trivialement. ▷
Exemple 22.4.4
Quelles sont les racines et leurs multiplicités du polynôme X n − 1 ? Factoriser ce polynôme en facteurs
irréductibles dans C[X].
Tous les polynômes de C[X] se factorisant en polynômes non constants de degré minimal, on obtient
alors une caractérisation simple de la divisibilité :
◁ Éléments de preuve.
C’est l’analogue de la caractérisation dans Z par les valuations. Ici, les X − r jouent le même rôle
que les entiers premiers, et les multiplicités correspondent au valuations. ▷
Remarque 22.4.6
Est-ce vrai dans R[X] ?
◁ Éléments de preuve.
(i) Ô⇒ (iii) Ô⇒ (ii) est facile. L’implication (ii) Ô⇒ (i) provient de la propriété de rigidité, en
comparant P et P sur R. ▷
◁ Éléments de preuve.
Appliquer le théorème précédent aux dérivées successives de P . ▷
Ainsi, les racines non réelles d’un polynôme à coefficients réels peuvent être groupées en paires de racines
conjuguées de même multiplicité.
Le théorème de d’Alembert-Gauss amène alors :
◁ Éléments de preuve.
Si P sans racine réelle est de degré au moins 3, considérer une racine complexe (pourquoi existe-t-
elle ?) et son conjugué, et regrouper les facteurs complexes correspondants. ▷
Exemple 22.4.10
Factorisation dans R[X] de X n − 1.
108 CHAPITRE 22. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
V Fractions rationnelles
La contruction formelle que nous avons donnée des polynômes nous empêche a priori de former des
quotients de polynômes (donc des fractions rationnelles), comme nous pouvons le faire pour les fonctions
polynomiales. En effet, si K est un corps, les seuls polynômes inversibles sont les polynômes constants
non nuls.
Remarque 22.5.1
1. Quels sont les polynômes inversibles de A[X] lorsque A est intègre ?
2. Trouver un polynôme inversible et non constant de (Z/4Z)[X]
Une construction similaire à celle permettant de définir Q à partir de Z nous permet cependant de définir
formellement des quotients de polynômes.
Proposition 22.5.2
La relation ci-dessus est une relation d’équivalence sur K[X] × K[X]∗ .
◁ Éléments de preuve.
C’est la même que celle qui permet de définir Q à partir de Z. ▷
P R
Ainsi, la relation P S = QR amène assez logiquement l’égalité des fractions rationnelles = .
Q S
Pour définir les lois de composition sur K(X), on commence par les définir sur K[X] × K[X]∗. On définit,
pour tout (P1 , Q1 ) et (P2 , Q2 ) de K[X] × K[X]∗ :
Lemme 22.5.4
1. Les opérations × et + sont associatives et commutatives
2. La relation ∼ est une congruence sur les monoïdes (K[X] × K[X]∗ , ×) et (K[X] × K[X]∗ , +).
◁ Éléments de preuve.
Vérifier l’équivalence des deux couples en jeu. ▷
◁ Éléments de preuve.
Même démonstration que pour Q. ▷
Les lois de composition ainsi définies se réécrivent sans surprise :
P1 P2 P1 P2 P1 P2 P1 Q2 + P2 Q1 P1 P2 P1 + P2
× = , + = et + = .
Q1 Q2 Q1 Q2 Q1 Q2 Q1 Q2 Q Q Q
Proposition/Définition 22.5.8
Soit F ∈ K(X) une fraction rationnelle. Il existe un représentant (P, Q), unique à multiplication près
par un scalaire non nul, tel que P ∧Q = 1 et F = Q
P P
. On dit que Q est la forme irréductible de la fraction
rationnelle F .
◁ Éléments de preuve.
De même que pour Q. ▷
P ′ Q − P Q′
F′ =
Q2
◁ Éléments de preuve.
Considérer deux couples équivalents, et vérifier l’équivalence des deux couples dérivés. ▷
On peut remarquer que cette dérivation est compatible avec celle des polynômes lorsque F = . P
1
La dérivée formelle des fractions rationnelles vérifie les mêmes propriétés que la dérivée analytique :
4. ( G ) =
F ′ F ′ G−F G′
G2
5. (F ○ G) = (F ○ G) ⋅ G′
′ ′
110 CHAPITRE 22. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
◁ Éléments de preuve.
Vérifications élémentaires. Pour la dernière, traiter d’abord le cas où F est un monôme, puis un
polynôme. ▷
◁ Éléments de preuve.
Vérification facile. ▷
Les degrés des fractions rationnelles vérifient des propriétés semblables aux degrés des polynômes :
◁ Éléments de preuve.
Pour le premier point, mettre sur le même dénominateur (pourquoi est-ce possible). Le dernier résulte
du deuxième, ou peut se montrer directement sur une représentation. ▷
F =P +G et deg(G) < 0.
◁ Éléments de preuve.
À quel important théorème arithmétique cela vous fait-il penser ? ▷
Remarque 22.5.15
P
Puisque Q
est irréductible, r ne peut pas être à la fois racine de P et racine de Q.
Exemple 22.5.16
(X − 2)2
Racines, pôles et leurs multiplicités, de ?
X 3 (X − 1)4
P (x)
∀x ∈ K ∖ P, F (x) = .
Q(x)
Lemme 22.5.18
αk
Soit F = Q
P
une fraction rationnelle écrite sous forme irréductible (P ∧ Q = 1), et soit Q = λQα 1
1 ⋯Qk
la décomposition de Q en facteurs irréductibles. Alors, il existe des d’uniques polynômes A1 , . . . , Ak et
un unique polynôme E tels que
k
Ai
F = E + ∑ αi ,
i=1 Q i
◁ Éléments de preuve.
● Existence : Appliquer Bézout à une famille bien choisie, diviser par ce qu’il faut et sortir la partie
entière.
● Unicité : Par unicité de la partie entière, on se ramène à justifier que si les Ai vérifient deg(Ai ) <
deg(Qα i ) et
i
k
Ai
∑ αi = 0,
i=1 Qi
alors les Ai sont tous nuls. Cela peut se montrer par récurrence sur k, en multipliant par tous
les dénominateurs, et en utilisant le lemme de Gauss pour montrer que Qα k divise Ak , puis que
k
Ak = 0.
▷
Lemme 22.5.19
Soit α ∈ N∗ , B un polynôme de degré d et A un polynôme de degré strictement inférieur à dα. Alors il
existe d’uniques polynômes Rj de degré strictement inférieur à d tels que
α
A = ∑ B α−j Rj .
j=1
112 CHAPITRE 22. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
◁ Éléments de preuve.
On trouve Rα par division euclidienne. On peut itérer ensuite le procédé, en redivisant à chaque fois
le quotient. On peut bien sûr le rédiger par récurrence sur α. L’unicité provient de l’unicité de la
division euclidienne. ▷
De plus, le polynôme E est la partie entière de la fraction rationnelle F , donc obtenue en effectuant la
division euclidienne de P par Q, où F = Q P
◁ Éléments de preuve.
Immédiat avec les deux lemmes précédents. ▷
De plus, le polynôme E est la partie entière de la fraction rationnelle F , donc obtenue en effectuant la
division euclidienne de P par Q, où F = Q P
relativement au pôle ri .
Exemples 22.5.23
X7
1. Forme de la décomposition en éléments simples de .
(X − 1)3 (X + 1)4
1
2. Forme de la décomposition en éléments simples de
(1 + X 2 )3
◁ Éléments de preuve.
La première égalité s’obtient en multipliant la forme a priori de la DÉS par X − r et en évaluant en
r. Cette dernbière manipulation est justifiée par le fait qu’on travaille avec des fractions rationnelles
formelles.
La deuxième égalité s’obtient en dérivant Q donné comme produit de X − ri et en évaluant en r. ▷
P′
Un cas important de décomposition en éléments simples est le cas de la fraction rationnelle P
.
P′
Théorème 22.5.25 (Décomposition en éléments simples de P
)
Soit P un polynôme non nul de C[X]. Soit r1 , . . . , rk les racines de P , de muliplicités α1 , . . . , αk . Alors
P′ P′
les pôles de P
sont r1 , . . . , rk et sont tous des pôles simples. La DÉS de P
est :
P′ k
αi
=∑ .
P i=1 X − ri
◁ Éléments de preuve.
Écrire P sous forme factorisée et dériver le produit. ▷
Nous avons déjà vu que les racines de la dérivée P ′ d’un polynôme scindé sont situées entre la racine
′
minimale et la racine maximale de P . De la décomposition de PP , on déduit une propriété similaire dans
C[X] :
facteurs irréductibles de Q dans R[X]. Ainsi, les Qi sont de degré 1 ou 2. Alors il existe un unique
polynôme E, et d’uniques polynômes Ai,j , de degré strictement plus petit que Qi , tels que
k αi Ai,j
F =E+∑∑ .
i=1 j=1 Qji
◁ Éléments de preuve.
Cas particulier du théorème général, les facteurs irréductibles étant dans ce cas de degré 1 et 2. ▷
Remarques 22.5.27
1. Si Qi est de degré 1, la partie correspondante dans la DÉS dans R(X) est la même que dans
C(X).
2. Si Qi est de degré 2, il admet deux racines complexes conjuguées r et r. La partie correspondante
dans la DÉS est obtenue en regroupant les parties polaires relatives à r et r, si ces racines sont
simples.
3. On a déjà vu en pratique comment déterminer des DÉS dans des cas simples. On a aussi déjà
vu l’intérêt que peuvent avoir ces DÉS, notamment pour le calcul d’intégrales.
Le fait important à retenir est qu’on sait primitiver toutes les fractions rationnelles, à condition de
connaître explicitement ses pôles. Ce fait est souvent un phare guidant les naufragés du calcul intégral
vers des rivages cléments, grâce à cette idée fixe : « se ramener à l’intégrale d’une fraction rationnelle ».
y 1 1
Le terme se primitive en ln(y 2 + 1) si α = 1 et en sinon. On est
(y 2 + 1)α 2 2(1 − α)(y 2 + 1)α−1
1
donc ramené à ∫
(y + 1)α
2
dy.
Avec un peu d’habitude, on peut se débarasser du terme cx avant la mise sous forme canonique,
u′
en le faisant partir dans une primitivation du type α .
u
1
5. Le calcul de ∫ dy se fait par réduction du degré α par intégrations par partie suc-
(y 2 + 1)α
cessives, jusqu’à se ramener au cas α = 1, pour lequel la primitivation se fait en Arctan y.
Plus précisément, pour faire cette réduction sur l’exposant α, écrire le numérateur sous la forme
1 = 1+y 2 −y 2 , séparer la fraction entre les deux termes y 2 , ce qui permet de se ramener au calcul de
1 y2
∫ dy − ∫ dy. La première intégrale nous ramène à l’exposant précédent,
(y + 1)
2 α−1 (y + 1)α
2