Filser 2008, Experience de Consommation

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Association Française du Marketing

ÉDITORIAL: L'expérience de consommation: concepts, modèles et enjeux managériaux


Author(s): Marc Filser
Source: Recherche et Applications en Marketing, Vol. 23, No. 3, MARKETING EXPÉRIENTIEL (
septembre 2008), pp. 1-4
Published by: Sage Publications, Ltd. on behalf of Association Française du Marketing
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40589572
Accessed: 04-03-2016 14:57 UTC

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Recherche et Applications en Marketing, vol. 23, n° 3/2008

L'expérience de consommation :
concepts, modèles et enjeux managériaux

Marc Filser

Professeur
IAE Dijon
Cermab-LEG (UMR CNRS 5118)

Peu de concepts ont suscité dans le champ du marketing un engouement aussi durable que l'expérience de
consommation. La publication par Holbrook et Hirschman en 1982 de l'article souvent considéré comme l'une des
contributions fondatrices du courant de l'expérience de consommation constitue un repère chronologique commun
pour situer l'émergence du marketing « expérientiel » dans l'analyse du comportement du consommateur.
L'importance prise par ce concept dans la recherche peut trouver un début d'explication dans le parallélisme de
la reconnaissance de l'importance de l'expérience par le monde académique et par les milieux professionnels. Une
seconde perspective, l'analyse des conditions de proposition d'une expérience par la firme, est notamment illustrée
par les travaux de Pine et Gilmore (1998, 1999), qui ont popularisé dans le monde de l'entreprise un schéma
d'évolution en longue période de l'offre, de la matière première (commodity) au produit, enrichi ensuite de services,
pour culminer dans l'offre d'une expérience. L'ouverture par Heineken de son magasin « Culture Bière » sur les
Champs-Elysées est un exemple de construction d'une expérience de consommation destinée à renforcer le posi-
tionnement distinctif de la marque. La sociologie de la consommation confortait cette vision, en l'inscrivant dans la
perspective du réenchantement de la sphère de la consommation, par l'incorporation d'attributs symboliques en réac-
tion à la banalisation de l'offre, conséquence de sa standardisation (Ritzer, 1996, 1999), et en donnant une fondation
théorique au postulat de la recherche d'expérience proposée par Holbrook et Hirschman (1982).
Le développement du courant de l'expérience dans le champ du marketing a bénéficié de la conjonction de plu-
sieurs facteurs favorables, notamment :

- la reconnaissance des limites des modèles de prise de décision du consommateur reposant exclusivement sur
des processus cognitifs de comparaison des performances objectives des marques sur des attributs précisément
identifiés. Il s'avère en effet nécessaire de prendre en compte des mobiles plus affectifs du comportement
(Bourgeon et Filser, 1995) ;

- la prise de conscience du caractère contingent des décisions d'achat et de consommation. Au modèle personne
- objet se substitue un modèle personne - objet - situation, qui constitue un cadre bien adapté à la compré-
hension de l'expérience (Punj et Stewart, 1983) ;

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2 Editorial

- la remise en cause de la vision étroite de la consommation comme activité de destruction de ressources


(la « consommation finale ») au profit d'une reformulation de la consommation comme activité productrice de
sens (Firat et Venkatesh, 1995). L'expérience de consommation mobilise à la fois des ressources procurées par
le produit ou le service, et des ressources apportées par le consommateur, pour produire une valeur durable.

- l'élargissement du domaine d'action du marketing vers des marchés tels que les loisirs, le tourisme ou les acti-
vités culturelles, pour lesquels un renouvellement des modèles explicatifs théoriques et des méthodes empi-
riques d'investigation étaient nécessaires.

Deux champs de recherche interdépendants se sont ainsi développés. Le premier, s' inscrivant dans le
domaine de l'analyse du comportement du consommateur, a entrepris d'analyser la place de la recherche d'expé-
rience, au sens d'Holbrook et Hirschman (1982) dans la prise de décision, à la fois en termes de choix de produit
mais aussi de choix de point de vente. Le second, dans une perspective plus stratégique, s'est intéressé aux
modes de création d'expérience que pouvait actionner l'organisation dans l'élaboration de son offre afin de se doter
d'un avantage concurrentiel dans sa relation avec ses clients. Ce courant a trouvé un terrain de développement favo-
rable dans le secteur des services au sens large : distribution, loisirs et activités culturelles notamment.
Plus de vingt-cinq ans après la publication de l'article fondateur d'Holbrook et Hirschman, et en dépit du
nombre considérable de travaux consacrés à l'expérience de consommation et des questions théoriques et mana-
gériales associées à ce concept, chercheurs et praticiens restent confrontés à des interrogations majeures. Nous en
retiendrons plus particulièrement trois.

- Une première question porte sur ce qu'est une expérience de consommation. Si sa définition fait l'objet
d'un large consensus, pour retenir l'idée d'une interaction entre un individu et un objet créatrice de sens, la
conceptualisation du contenu de l'expérience demeure un chantier majeur. Heilbrunn (2005, pp. 38-41) suggère
ainsi de distinguer les composantes physique, rhétorique et pragmatique de l'interaction du sujet et de l'objet,
qui pourraient représenter des dimensions latentes de l'expérience. L'enjeu de cette interrogation est consi-
dérable. Identifier des types d'expériences peut en effet constituer une base de réflexion précieuse pour le
manager désireux de doter son offre d'un avantage concurrentiel. Pour illustrer ce propos, un parallèle avec les
apports des modèles cognitifs de la prise de décision est tentant : de même que la segmentation par avantages
recherchés regroupe des sujets qui associent les mêmes attentes à l'égard d'un produit ou service, il serait
séduisant de disposer d'une méthode tournée vers la segmentation par les types d'expérience recherchés : expé-
riences ordinaires et extraordinaires (Carù et Cova, 2002), expériences individuelles et sociales, expériences
actives ou réactives (Holbrook, 1999)...

- Une deuxième question est celle du périmètre possible de l'expérience de consommation. Une lecture étroite
d'Holbrook et Hirschman (1982) a d'abord conduit les auteurs à séparer les biens et services en deux classes :
ceux qui relèvent a priori de l'expérience, et ceux qui sont cantonnés au domaine des biens ordinaires. La déli-
mitation du champ de l'expérience est aujourd'hui moins restrictive. Kwortnik et Ross (2007) proposent de
considérer qu'un bien ou service relève du domaine de l'expérience si le consommateur lui associe trois
caractéristiques : être une source de gratification plaisante (pleasurable), être une source de sens (meaningful)
et justifier sa mémorisation (memorable). Il convient alors de dépasser l'approche de l'expérience confinée à des
secteurs d'activité bien particuliers, pour l'envisager dans ses manifestations plus générales, ou comme le
suggèrent Carù et Cova (2002) d'élargir le domaine de l'expérience de « l'extraordinaire » vers « l'ordinaire ».

- Une troisième question est celle de l'articulation de l'expérience avec un modèle général du comportement de
consommation. Les travaux d'Holbrook et Hirschman en 1982 relevaient de l'analyse du processus de prise de
décision, en distinguant un processus éminemment cognitif de recueil et de traitement de l'information, et un
processus de recherche d'expérience accordant une place centrale à l'imaginaire, aux émotions et à la quête
hédonique. Lorsque la décision d'achat est prise, l'individu vit l'expérience proprement dite,
c'est-à-dire l'interaction avec l'objet productrice de sens. Se pose alors la question des conséquences de
cette expérience, c'est-à-dire de l'impact de son caractère mémorable, que le courant de recherche consacré à
la valeur ex post de l'activité de consommation se propose d'aborder (Holbrook, 1999). Une séquence

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Editorial 3

décision - expérience - valeur peut ainsi être proposée pour incorporer l'expérience ponctuelle à la relation à
long terme du consommateur avec le produit ou service (Filser, 2008).

- Une quatrième question est de nature plus managériale, et peut être intitulée : comment résoudre le paradoxe
de l'expérience ? En effet, alors que les stratégies de création d'expériences extraordinaires sont souvent pré-
conisées pour renforcer la position concurrentielle d'un produit ou service, les résultats opérationnels de ces
stratégies sont souvent décevants, et conduisent les marques et enseignes à abandonner les stratégies expé-
rientielles maximalistes au profit de dispositifs d'offres plus simples et plus rentables (Kozinets et alii,
2002). La question de la construction d'une expérience de consommation compatible avec le modèle écono-
mique de l'entreprise qui la propose demeure donc prioritaire.

Ces questions ne proposent qu'une vision très partielle de l'ampleur du chantier de recherche qui reste associé
à l'expérience de consommation. Ce numéro spécial de Recherche et Applications en Marketing va proposer, à tra-
vers une sélection de six articles, des éclairages de ces différentes perspectives d'investigation.
L'article de Bergadaà et celui de Merle, Chandon et Roux analysent deux modes distincts de création d'expé-
rience. Le premier s'intéresse au marché très spécifique de l'artisanat d'art, illustration de la perspective extra-
ordinaire de l'expérience dans laquelle l'interaction entre offre et demande est à la fois intense et très personnelle.
Le second article aborde au contraire l'expérience d'appropriation d'un produit de marque dans la sphère vir-
tuelle, dans le contexte novateur de la customisation de masse.
La contribution de Mencarelli traite de l'expérience particulière qui résulte de l'interaction de l'individu et d'un
objet culturel dans un environnement spécifique.
Les articles de Ladwein, Kolenc et Ouvry, et de Fornerino, Helme-Guizon et Gotteland, sont consacrés au
contenu de l'expérience du point de vue du sujet, et approfondissent la compréhension de cette expérience à la fois
en termes d'interactions sociales et de mobilisation d'états psychologiques de grande intensité.
La note de recherche de Vanhamme aborde les conséquences de l'expérience, et plus précisément l'influence de
la surprise sur la satisfaction. Ses conclusions peuvent aussi éclairer la question managériale des conséquences de
l'expérience en termes de performance de l'offre des marques.
Ces articles apportent ainsi des contributions très stimulantes à la recherche de réponses aux questions qui res-
tent associées au thème de l'expérience de consommation. Souhaitons qu'ils contribuent à entretenir le renouvel-
lement des recherches consacrées à ce thème majeur pour la théorie et la pratique du marketing.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Bourgeon D. et Filser M. (1995), Les apports du modèle de recherche d'expériences à l'analyse du comportement dans le
domaine culturel : une exploration conceptuelle et méthodologique, Recherche et Applications en Marketing, 10, 4, 5-25.
Carù A. et Cova Β. (2002), Retour sur le concept d'expérience : pour une vue moins idéologique du concept, Actes de la 7e Jour-
née de recherche en marketing de Bourgogne, Dijon, 154-172.
Filser M. (2008), Décision, expérience et valeur de consommation : esquisse d'un nouveau cadre théorique pour l'analyse du
comportement du consommateur, Sciences de Gestion, 64, 27-41.
Firat A.F. et Venkatesh A. (1995), Liberatory postmodernism and the reenchantment of consumption, Journal of Consumer
Research, 22, 3, 239-267.
Heilbrunn Β. (2005), La consommation et ses sociologies, Paris, Armand Colin.
Holbrook M.B. et Hirschman E.C. (1982), The experiential aspects of consumption: consumer fantasies, feelings and fun,
Journal of Consumer Research, 9, 2, 132-140.
Holbrook M.B. (1999), Consumer value. A framework for analysis and research, Londres, Routledge.
Kozinets R.V., Sherry J.F., DeBerry-Spence B., Duhachek Α., Nuttavuthisit K. et Storm D. (2002), Themed flagship brand stores
in the new millenium: theory, practice, prospects, Journal of Retailing, 78, 17-29.

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Kwortnik RJ. et Ross W.T. (2007), The role of positive emotions in experiential decisions, International Journal of Research in
Marketing:249 4, 324-335.
Pine B.J. et Gilmore J.H. (1998), Welcome to the experience economy, Harvard Business Review, 74, 4, 62-164.
Pine B.J. et Gilmore J.H. (1999), The experience economy: work is theatre and every business a stage, Boston, Harvard Business
School Press.
Punj G.N. et Stewart D.W. (1983), An interaction framework of consumer decision making, Journal of Consumer Research, 10,
2, 181-196.
Ritzer G. (1996), The McDonaldization of society, in G. Ritzer (1999), Enchanting a disenchanted world. Revolutionizing the
means of consumption, Thousand Oaks, CA, Pine Forge Press.
Ritzer G. (1999), Enchanting a disenchanted world: revolutionizing the means of consumption, Thousand Oaks, CA, Pine Forge
Press.

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