Controle Budgetaire Ministere Armees
Controle Budgetaire Ministere Armees
Controle Budgetaire Ministere Armees
LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
AU MINISTÈRE DES ARMÉES :
PREMIER BILAN
DE L’EXPÉRIMENTATION
Exercices 2022-2023
AUDIT FLASH
Avril 2024
COUR DES COMPTES 3
SOMMAIRE
4 PROCÉDURES ET MÉTHODES
7 SYNTHÈSE
10 RECOMMANDATIONS
11 INTRODUCTION
12 I - DES RÉSULTATS ENCOURAGEANTS À RENFORCER
EN TERMES DE CONTINUITÉ ET DE FLUIDITÉ
DU SERVICE
12 A - Un contrôle budgétaire repris avec efficacité
par la direction des affaires financières
du ministère des armées
16 B - Un enjeu majeur : renforcer les ressources humaines
pour consolider ces résultats dans la durée
17 C - Une relation à fluidifier avec la direction du budget
et avec certains responsables de programme
18 D - Les perspectives après deux ans d’expérimentation
21 II - DES CONTRÔLES À RENFORCER AVANT DE PERENNISER
LA NOUVELLE ORGANISATION
21 A - Des contrôles à renforcer sur les principales zones
de risques
25 B - Des contrôles à renforcer dans certains domaines pour tirer
pleinement les conséquences de la nouvelle organisation
27 C - Une responsabilisation accrue des gestionnaires publics
29 LISTE DES ABRÉVIATIONS
31 RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
4 LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
PROCÉDURES ET MÉTHODES
Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par l’une des six chambres
thématiques1 que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs
chambres et/ou plusieurs chambres régionales et territoriales des comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de la Cour
ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes, donc aussi
bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration des rapports
publics qui en résultent : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’indépendance institutionnelle des juridictions financières et l’indépendance
statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles effectués et les
conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La contradiction implique que toutes les constatations et appréciations faites
lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes les observations et
recommandations formulées ensuite, sont systématiquement soumises aux
responsables des administrations ou organismes concernés . Elles ne peuvent
être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses reçues et, s’il y
a lieu, après audition des responsables concernés.
La collégialité intervient pour conclure les principales étapes des procédures
de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié à un ou
plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les projets ultérieurs
d’observations et de recommandations, provisoires et définitives, sont
examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation comprenant au
moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de contre-rapporteur
et veille à la qualité des contrôles.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du
Gouvernement, la publication d’un rapport est nécessairement précédée par
la communication du projet de texte, que la Cour se propose de publier, aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Leurs réponses
sont publiées en annexe du rapport publié par la Cour.
Le présent audit flash a été conduit sur le fondement des articles L. 111-3
et suivants du code des juridictions financières. Il est rendu public en vertu
des dispositions de l’article L. 143-1 alinéa 2 du même code. Contrairement à
1. La Cour comprend aussi une chambre contentieuse, dont les arrêts sont rendus publics.
COUR DES COMPTES 5
SYNTHÈSE
Une expérimentation qui donne des résultats, mais dont les facteurs clés
de succès doivent être confortés dans la durée
En 2022 et en 2023, la direction des affaires financières du ministère des armées
(DAF) a assuré avec volontarisme l’internalisation du contrôle budgétaire,
auparavant effectué par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel
(CBCM). L’audit flash réalisé par la Cour montre que la mission a été reprise avec
efficacité par le ministère des armées : les délais de contrôle, les échanges avec
les gestionnaires et le volume des observations formulées sont comparables à
ce qu’ils étaient avant l’expérimentation. Il montre également, sur l’échantillon
représentatif de 25 dossiers examinés par la Cour, que le contrôle a priori effectué
par la DAF est de qualité.
Il convient à présent de conforter les facteurs qui ont permis ces résultats. Le
premier tient à l’existence d’un effectif de contrôleurs budgétaires suffisant, en
nombre et en compétences, pour assurer la mission. Le transfert en 2022 des agents
servant auparavant auprès du CBCM avait grandement contribué à la réussite de
l’expérimentation. La plupart d’entre eux ayant changé d’affectation et certains
bureaux de la DAF en charge du contrôle budgétaire souffrant de sous-effectifs, il
est impératif d’affecter les moyens humains nécessaires à cette mission. Le second
facteur repose sur la confiance entre les acteurs de la chaîne budgétaire. De ce
point de vue, la mise à jour du protocole liant le ministère des armées au ministère
chargé des comptes publics est important car il doit être l’occasion d’alléger le
formalisme de la documentation demandée par la direction du budget, d’ouvrir aux
agents de la DAF les formations et les réunions d’échanges destinées aux équipes
des CBCM et de rétablir le lien entre le contrôle budgétaire relevant désormais de
la DAF du ministère des armées et le contrôle comptable relevant de la DGFiP. Il
conviendra aussi de traiter la question de l’organisation du contrôle budgétaire
des opérateurs relevant du ministère des armées, qui est toujours réalisé par
le CBCM, ce qui ne paraît pas viable à terme. Dans ces conditions, la poursuite
de l’expérimentation en 2024 doit être l’occasion d’étudier ce que pourrait être
l’organisation optimale pour le contrôle budgétaire des opérateurs.
Avant d’envisager de pérenniser la nouvelle organisation, il conviendra d’effectuer
un bilan de l’expérimentation en 2024, comme le prévoit d’ailleurs l’avenant au
protocole du 8 janvier 2024 liant le ministère des armées au ministère chargé des
comptes publics. Si l’internalisation du contrôle budgétaire à la DAF était confirmée,
il serait utile de prévoir une clause de réexamen dans cinq ans, afin de tirer un retour
d’expérience qui pourrait aussi bénéficier aux autres ministères qui envisageraient
également de se voir déléguer le contrôle budgétaire exercé par leur CBCM. Sur
ce point, l’expérience du ministère des armées montre qu’une direction financière
puissante et correctement dotée en personnels qualifiés constitue un prérequis à
la réussite de l’internalisation du contrôle budgétaire au sein des ministères.
8 LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
Renforcer les contrôles et préparer les gestionnaires publics à faire face à une
responsabilisation accrue
Le renforcement des contrôles doit concerner en premier lieu les principales
zones de risques budgétaires : la soutenabilité des investissements pluriannuels,
la gestion du reste à payer qui en résulte, et la maîtrise de la masse salariale. Il
suppose que la DAF poursuive les actions engagées afin de mieux maîtriser la
soutenabilité budgétaire, mais aussi qu’elle s’appuie sur les entités du ministère
disposant de la meilleure expertise en la matière : la direction des ressources
humaines du ministère des armées (DRHMD) et la direction générale de
l’armement (DGA). Ainsi il paraît souhaitable que la DAF continue de s’appuyer
sur la DRHMD pour le contrôle de certains actes budgétaires de masse salariale.
De même, le rehaussement à 100 M€ du seuil de contrôle a priori des actes du
programme budgétaire 146 « équipement des forces » constitue une délégation
de fait du contrôle à la DGA, qui a dû renforcer en conséquence son contrôle
interne financier.
Le renforcement des contrôles doit aussi se matérialiser par une amélioration
qualitative des contrôles a posteriori, notamment en examinant les suites données
par les gestionnaires aux observations des contrôles a priori qui concernent environ
le tiers des actes visés. Il est aussi nécessaire que la direction du budget s’organise
pour auditer le contrôle budgétaire effectué pour son compte, notamment par la
DAF au ministère des armées.
L’expérimentation de l’internalisation du contrôle budgétaire au sein de la DAF
s’inscrit dans la logique de l’organisation budgétaire mise en place par la loi
organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001 dont l’esprit visait à
renforcer la responsabilité des gestionnaires publics. Cette expérimentation n’est
pas sans conséquence sur le nouveau régime de responsabilité des gestionnaires
publics entré en vigueur en 2023. Au titre de son autorité fonctionnelle, la DAF
doit accompagner les gestionnaires dans les actions qu’ils doivent mettre en
place, notamment en matière de contrôle interne financier, pour préserver leur
responsabilité. Ceci concerne plus particulièrement les domaines qui, du fait
du caractère pluriannuel des projets, présentent le plus de risques en matière
de soutenabilité budgétaire : les responsables des budgets opérationnels de
programme (BOP) du programme 146 d’équipement des forces à la direction
générale de l’armement (DGA), du programme 178 de préparation et d’emploi
des forces à l’état-major des armées (EMA), dans les états-majors d’armées et
les directions et services interarmées (DSIA), ainsi que le BOP relevant du service
d’infrastructure de la défense (SID) du programme 212 de soutien de la politique
de défense. Il est dès lors indispensable que les gestionnaires publics répondent
systématiquement par écrit aux observations formulées lors du contrôle
budgétaire a priori, en précisant les actions éventuelles qu’ils ont mises en place,
charge à la DAF de leur faire un retour sur le caractère adéquat de la réponse.
COUR DES COMPTES 9
RECOMMANDATIONS
• Recommandation 1 Réduire le formalisme documentaire demandé à la
direction des affaires financières par la direction du
budget et fixer les relations articulant le contrôle
budgétaire relevant désormais de la direction des
affaires financières et le contrôle comptable relevant de
la direction générale des finances publiques (ministère de
l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle
et numérique, ministère des armées).
INTRODUCTION
Le ministère des armées s’est inscrit dans la démarche d’allègement du contrôle
budgétaire et de responsabilisation des gestionnaires publics initiée depuis 2018
par le comité interministériel à la transformation publique (CITP). Cela s’est
traduit notamment par le relèvement des seuils de contrôle a priori sur les actes
d’engagements budgétaires en 2019, la création d’un document de programmation
unique (DPU) à la place des deux documents préexistants, ainsi que la mise à
disposition en ouverture de gestion de 75 % des crédits, contre 25 % précédemment
en 2020 et un nouveau rehaussement des seuils en 2021. À cet effet, le décret
n° 2018-803 du 24 septembre 2018 modifiant le décret n° 2012-1246 du 7 novembre
2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP) a permis de déroger
à certaines dispositions par voie expérimentale.
Dans ce contexte, le ministère des armées a engagé en 2022 et en 2023 une expéri
mentation visant à internaliser au sein de la direction des affaires financières (DAF) les
activités de contrôles budgétaires auparavant effectuées par le contrôleur budgétaire
et comptable ministériel (CBCM), à l’exception de celles relatives aux opérateurs sous
tutelle du ministère. Cette démarche répond à la « volonté de réforme structurelle
de l’organisation financière au sein des ministères » exprimée par le 5ème comité
interministériel à la transformation publique du 5 février 2021. Elle est régie par l’arrêté
ministériel du 22 décembre 2021 portant expérimentation relative à l’organisation,
au fonctionnement et aux missions des acteurs en charge de la gestion et du contrôle
budgétaire et par le protocole signé par le ministre des armées et par le ministre chargé
des comptes publics le 9 décembre 2021.
Cette expérimentation, qui se poursuit en 2024, porte sur des masses financières
importantes : 54,8 Md€ de crédits de paiement ont été consommés sur la mission
budgétaire Défense en 2023. Elle intervient sur un domaine des dépenses publiques qui
présente des risques importants de soutenabilité budgétaire du fait des engagements
pluriannuels pris pour le financement de l’équipement des forces. Ainsi, à la fin
de l’année 2022, les restes à payer2 sur la mission budgétaire Défense s’élevaient à
92 Md€. Enfin cette expérimentation s’inscrit dans la logique de l’organisation
budgétaire mise en place par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du
1er août 2001, dont l’esprit visait à renforcer la responsabilité des gestionnaires publics.
Réalisé au dernier trimestre 2023 auprès du ministère des armées et du ministère
chargé des comptes publics, le présent audit flash a pour objet de dresser un premier
bilan de cette expérimentation. Il s’est notamment appuyé sur un contrôle sur
pièces portant sur un échantillon représentatif de 25 contrôles a priori effectués
par la direction des affaires financières en 2022 et en 2023 dans le cadre de
l’expérimentation. Il dresse un premier bilan des résultats obtenus en matière de
qualité et de continuité du service (1) et présente les conséquences à en tirer pour
le maintien d’un niveau adéquat de contrôles en regard avec les risques et pour
les implications qui en résultent en termes de responsabilité des gestionnaires
publics (2). Il vise à aider les responsables publics à décider du meilleur parti à tirer
du prolongement de l’expérimentation en 2024 et à se prononcer ensuite sur une
éventuelle pérennisation de cette nouvelle organisation.
2. C’est-à-dire les autorisations d’engagement qui devront être couvertes par des crédits de paiement
ultérieurs.
12 LES AIDES DE LA CNAM À LA PRÉVENTION DES RISQUES PROFESSIONNELS : UNE EFFICACITÉ NON DÉMONTRÉE
Programme 144 10 M€
Titre 3 : 7 M€
Programme 146 100 M€
Titre 5 : 5 M€
3
Programme 178 14M€ ou 7 M€
Titre 6 : 0,5 M€
Programme 212 7 M€
3. Le seuil de 14 M€ s’applique pour le programme 178 aux opérations exécutées par la direction de la maintenance
aéronautique, le service de soutien de la flotte, la plateforme du commissariat de Rambouillet et le service de l’exécution
financière, de la gestion logistique des biens et de la comptabilité de la direction générale de l’armement : sont
particulièrement concernés les marchés de maintenance.
4. Instance interne au ministère des armées qui prépare les réunions du comité ministériel d’investissement pour valider
les décisions majeures d’investissement.
5. Instance de gouvernance associant le ministère des armées et la direction du budget.
14 LES AIDES DE LA CNAM À LA PRÉVENTION DES RISQUES PROFESSIONNELS : UNE EFFICACITÉ NON DÉMONTRÉE
À l’occasion des contrôles sur pièces conduits pilotage des effectifs » et PRH5 « synthèse et
sur un échantillon de contrôles a priori, il n’a pilotage de la masse salariale » de la DRHMD,
pas été repéré de situations où cette séparation qui soumettent ensuite pour visa le document
des tâches aurait été mise en défaut par de prévisionnel de gestion des emplois et des
potentiels conflits d’intérêts pouvant résulter crédits de personnel (DPGECP) au contrôle
des différentes responsabilités de la DAF et de du bureau SPB4 « synthèse ministérielle de la
son rattachement au secrétaire général pour masse salariale » de la DAF.
l’administration.
Les contrôles sur pièces conduits sur un
2 - Un processus adapté pour le contrôle échantillon d’actes lors du contrôle de la Cour
budgétaire de la masse salariale n’ont pas révélé d’anomalie dans les opérations
Afin de tenir compte de la complexité6 et de la de contrôle de la DAF. En outre, la fluidité des
sensibilité7 de la masse salariale du ministère relations entre les bureaux SPB4 et PRH7 est
des armées, l’organisation mise en place actuellement facilitée par le fait que le chef de
pour le contrôle budgétaire repose sur une bureau de PRH7 à ce jour en poste est l’ancien
coopération étroite entre la DAF et la direction adjoint au chef de bureau de SPB4. Ainsi,
des ressources humaines de ce ministère cette organisation, en apparence complexe,
(DRHMD) à qui est déléguée une partie des paraît pertinente car elle permet d’utiliser les
tâches du contrôle. compétences rares nécessaires au contrôle là où
elles se trouvent. Une organisation alternative
Un bureau PRH7 « mission de contrôle
consistant à confier l’ensemble des activités de
budgétaire » a été créé au sein du service
contrôle budgétaire au bureau SPB4 de la DAF
« politique RH » de la DRHMD afin de servir
risquerait d’engorger ce bureau au détriment
de guichet unique à l’ensemble des dossiers
de la qualité des contrôles, et nécessiterait
de masse salariale soumis au contrôle a priori.
des échanges importants avec la DRHMD sur
Ensuite, le contrôle lui-même est effectué, soit
les sujets les plus complexes. L’organisation
par le bureau SPB4 « synthèse ministérielle de
actuelle mérite donc d’être maintenue.
la masse salariale » de la DAF, pour les actes
collectifs ou les actes individuels susceptibles 3 - Des délais respectés et une qualité
d’avoir un impact significatif sur la masse maintenue du contrôle budgétaire
salariale, soit par le cabinet du secrétaire général Le tableau ci-après montre que les délais
pour l’administration pour les actes individuels de réalisation des contrôles budgétaires a
du personnel du cabinet du ministre, soit par le priori réalisés par la DAF dans le cadre de
bureau PRH7 pour les autres actes individuels. l’expérimentation sont restés comparables à
Par ailleurs, la programmation budgétaire et le ce qu’ils étaient à l’époque où le contrôle était
suivi de l’exécution de la masse salariale sont effectué par le CBCM. Ils sont réalisés dans un
préparés par les bureaux PRH2 « synthèse et délai moyen inférieur aux 15 jours demandés.
6. Le ministère des armées dispose d’une grande variété de statuts civils et militaires, aux modalités de rémunérations
variées, avec une part importante de contractuels et un taux de rotation élevé qui font de lui le premier recruteur
de l’État.
7. Des effets « boule de neige » peuvent se produire sur les rémunérations en fonction de mesures de revalorisation
prises ailleurs dans l’État (par exemple au ministère de l’intérieur pour les militaires de la gendarmerie nationale)
qui créent une attente légitime chez les personnels du ministère des armées.
COUR DES COMPTES 15
Cela montre que l’expérimentation a été des armées et donc de la masse des opérations
conduite dans des conditions satisfaisantes en à contrôler. Ce constat est corroboré par les
termes de fluidité du contrôle, dans un contexte responsables de programme.
marqué par la croissance du budget du ministère
Sur les actes soumis au contrôle a priori, la Il n’y a pas eu de refus de visa en 2022 et en
part des visas avec observations est de 34 % 2023. La DAF est en effet parvenue, grâce
des actes visés sur les neuf premiers mois de aux échanges avec les ordonnateurs, à des
2023 et de 32 % sur l’année 2022, à comparer solutions permettant l’octroi du visa. Cette
aux 35 % observés en 2021 lorsque le contrôle pratique n’est pas nouvelle et les refus de visa
relevait du CBCM. Le même constat de qualité étaient devenus très rares lorsque le contrôle
du contrôle peut être formulé s’agissant de la était effectué par le CBCM car les éléments
masse salariale, pour laquelle il y a eu 95 visas posant difficultés trouvaient généralement
en 2022 dont 23 avec observations, et 65 sur une solution satisfaisante après échange avec
les neuf premiers mois de 2023, dont 38 avec les ordonnateurs.
observations.
8. 98 % des actes ont été visés en moins de 15 jours. L’augmentation du délai moyen constaté en 2023 est liée
à des suspensions, pour obtenir des informations complémentaires, qui étaient nécessaires.
16 LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
Bureau SPB3 10 9 -1
Bureau SPB4 12 9 -3
Bureau SPB5 7 3 -4
Source : DAF du ministère des armées (situation au début du mois de novembre 2023)
Pour relever cet enjeu majeur, plusieurs mesures auprès des CBCM des autres ministères,
doivent être envisagées : ce qui favoriserait aussi l’émergence d’une
• arbitrer les allocations de ressources au sein communauté de contrôleurs budgétaires
du secrétariat général pour l’administra– au niveau de l’État. Une première réunion
tion, afin que les besoins des bureaux de travail visant à avancer sur ce point s’est
en charge du contrôle budgétaire soient tenue le 19 janvier 2024 ;
rendus prioritaires lors des sorties d’instituts • valoriser le travail de contrôle budgétaire
régionaux d’administration ; effectué par une plus grande implication de la
• obtenir de la direction du budget que les hiérarchie pour obtenir que les observations
agents bénéficient de la formation continue formulées soient suivies d’effets, notamment
adéquate et du même niveau d’information et en termes d’adaptation du contrôle interne
d’échanges que leurs collègues qui œuvrent financier.
COUR DES COMPTES 17
a développé une expertise rare, y compris sur des données (Data Qliksense) qui font gagner
les aspects budgétaires, pour pouvoir conduire du temps et sécurisent les analyses.
ces programmes d’armement qui représentent
Il n’en demeure pas moins que le niveau de
un enjeu majeur pour le ministère.
fluidité attendu de l’expérimentation n’est
Pour autant, en 2023, les travaux de fin de pas encore au rendez-vous et qu’il convient
gestion qui nécessitaient l’émission par la d’en tirer les leçons. Cela suppose d’accroître
DAF d’une note d’avis sur le compte-rendu le niveau de coopération et de confiance
de gestion (CRG2), ont été perçus comme entre les acteurs, ce qui, là aussi, pourrait
particulièrement lourds par les équipes du être favorisé par la possibilité laissée à la
responsable du programme 146 d’équipement direction du budget d’échanger directement
des forces. Ils estiment avoir été sollicités avec certains responsables de programmes.
davantage que d’habitude pour préparer et Une telle pratique permettrait une meilleure
modifier les documents en appui du compte fluidité de l’information, réduirait la perception
rendu de gestion. En effet, la DAF a dû d’asymétrie de l’information entre les acteurs
pleinement s’approprier son rôle de contrôle, ce et diminuerait, au niveau de la DAF, le risque de
qui l’a conduite à soumettre aux responsables « contrôle excessif », conséquence de la crainte
de programme des questions concernant les de paraître en retrait de ce que souhaite la
documents qu’ils avaient préparés afin d’être en direction du budget en matière de contrôle.
mesure de donner une assurance suffisante à la
direction du budget sur l’effectivité du contrôle D - Les perspectives après deux ans
effectué. Disposant d’une vision très large des d’expérimentation
enjeux financiers et budgétaires du ministère,
elle peut être amenée à poser davantage de 1 - Une relation à rétablir entre le contrôle
questions que ne l’aurait fait le CBCM.
budgétaire et le contrôle comptable
Les contrôles a priori effectués par la DAF Lorsque le contrôle budgétaire était assuré
sur les actes du programme 146 ont été par le CBCM, celui-ci pouvait faire jouer à plein
néanmoins jugés satisfaisants, tant dans la les synergies entre le contrôle comptable et
fluidité des échanges entre les équipes que le contrôle budgétaire. Dans certains cas, les
dans la transmission des observations, en vue travaux du contrôle comptable pouvaient
de leur prise en compte par le contrôle interne apporter des éléments utiles au contrôle
financier. Cette transition aisée a été facilitée budgétaire en permettant une meilleure
par le transfert des équipes du CBCM aux compréhension du sous-jacent des opérations
bureaux de la DAF pour assurer la continuité concernées. Dans d’autres cas, les anomalies
du service. Par ailleurs, l’acculturation de la détectées lors du contrôle budgétaire, en
DAF aux particularités du programme 146 particulier celles qui entraînaient un refus de
est reconnue, ce qui lui permet de remplir visa, pouvaient être prises en compte par le
efficacement sa mission sur les avis de contrôle comptable pour bloquer le paiement
programmation. Enfin, l’expérimentation a des opérations concernées.
été l’occasion pour la DAF de moderniser le L’internalisation du contrôle budgétaire au
contrôle du document de programmation sein de la DAF a fait perdre le bénéfice de ces
unique (DPU) et des comptes rendus de gestion synergies. Certes, les informations disponibles
(CRG) par le déploiement d’outils d’analyse dans Chorus permettent au contrôleur
COUR DES COMPTES 19
budgétaire et au contrôleur comptable d’avoir sur les modalités futures d’un niveau suffisant
une certaine connaissance des travaux de d’échanges entre le contrôle budgétaire et le
l’autre. Par ailleurs des liens informels ont été contrôle comptable pour que les deux activités
conservés entre les équipes, notamment grâce se nourrissent mutuellement.
aux agents provenant des équipes du CBCM
qui servent désormais à la DAF. Toutefois, 2 - Une expérimentation menée à terme
cette situation ne saurait être regardée grâce à la maturité de la direction
comme satisfaisante car elle repose en partie financière du ministère des armées
sur des liens intuitu personae qui risquent de
L’article 1er de l’arrêté du 22 décembre 2021
se distendre avec le temps.
portant expérimentation relative à l’organi–
S’il n’y a pas eu de refus de visa en 2022 et 2023 sation, au fonctionnement et aux missions des
lors du contrôle budgétaire réalisé par la DAF, acteurs en charge de la gestion et du contrôle
les visas avec observations, qui représentent budgétaire, incluait plusieurs ministères :
environ un tiers des actes visés, hors masse le ministère de la transition écologique,
salariale, ainsi que les suites qui leur sont le ministère des armées, le ministère de
données, devraient être systématiquement l’intérieur et le ministère de la mer. Dans les
transmis au CBCM afin qu’il puisse les prendre faits, l’expérimentation de l’internalisation du
en compte dans ces travaux de contrôle. contrôle budgétaire au sein de la direction
L’alimentation du contrôle budgétaire par le financière des ministères concernés n’a été
contrôle comptable concerne en particulier conduite qu’au ministère des armées et, sur
les sujets les plus complexes liés à l’application un périmètre beaucoup plus restreint avant
des clauses des grands contrats d’armement d’être arrêtée, au ministère de la transition
qui relèvent des opérations du programme écologique. Le ministère des armées est donc
146 et présentent des risques importants seul à poursuivre l’expérimentation en 2024 et
de soutenabilité budgétaire. Cette question à envisager de pérenniser cette organisation.
pourrait trouver un début de solution à travers une Cette dernière décision ne devra être prise
délégation d’une partie du contrôle budgétaire à qu’après avoir dressé le bilan de la poursuite
la direction des plans programmes et budget de de l’expérimentation en 2024.
la direction générale de l’arme–ment, qui peut
Le ministère des armées remplissait en effet
s’appuyer sur l’expertise du SEREBC. Mais une
trois facteurs clés permettant d’augurer la
telle disposition semble loin d’être suffisante.
réussite d’une telle expérimentation. D’abord,
Il paraît donc indispensable que les suites à il disposait d’une DAF bien structurée, dotée de
donner à l’expérimentation, actuellement ressources humaines suffisantes en quantité9
discutées entre le ministère des armées et la et en qualité et jouant un rôle important. En
direction du budget, intègrent également la particulier, depuis 2014, la DAF exerce une
direction générale des finances publiques pour autorité fonctionnelle renforcée sur la fonction
les sujets touchant aux conséquences sur le financière du ministère des armées, qui lui offre
contrôle comptable de la réorganisation du un accès large aux informations financières et
contrôle budgétaire. Il convient de s’entendre un droit de regard sur le fonctionnement de
10. Ces huit opérateurs sont l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense, l’Office
national des anciens combattants et des victimes de guerre, l’Institution nationale des Invalides, le Musée de l’armée,
le Musée de l’air et de l’espace, l’Ordre de la Libération, l’École Polytechnique et l’Institut polytechnique de Paris. À
ceux-ci, s’ajoutent trois organismes relevant du ministère des armées qui n’ont pas le statut d’opérateurs : l’Institution
de gestion sociale des armées (IGESA), l’Établissement public en charge de la gestion du fonds de prévoyance militaire
et du fonds de prévoyance aéronautique (EPFP) et l’Académie de la marine.
11. Il s’agit de des Écoles nationales supérieures des techniques avancées de Paris et de Bretagne, de l’École de l’air et
de l’espace, de l’École navale et de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace.
COUR DES COMPTES 21
budgétaire. D’autre part, fruit de l’histoire, substance, alors qu’elles relèvent du budget
l’organisation éclatée du contrôle budgétaire du ministère des armées.
des opérateurs et des établissements
La question de l’organisation du contrôle
œuvrant pour le ministère des armées n’est
budgétaire des opérateurs doit donc être
pas de nature à permettre une appréhension
traitée. La logique de l’expérimentation
globale des risques budgétaires. Or ces
conduite pourrait amener à évaluer si un
structures peuvent présenter des risques
transfert à la DAF du contrôle des opérateurs
significatifs, par exemple, en cas de mauvaise
et des effectifs du CBCM affectés à cette
gestion entraînant des pertes et un besoin de
mission ne serait pas de nature à renforcer la
recapitalisation, ou bien en cas de débudgé–
cohérence et l’efficacité globale du contrôle
tisation de certaines dépenses, lorsque les
budgétaire au sein du ministère des armées.
opérateurs financent des actions sur leur
Cette situation est à l’origine du principal risque budgétaire soit renforcé pour permettre une
budgétaire pour la mission Défense, qui est meilleure appréhension du risque, laquelle
assorti de facteurs d’aggravation importants. favorisera une prise de décision éclairée pour
Ainsi, la dégradation de la situation des finan ajuster la trajectoire de crédits de paiement
ces publiques fait peser un risque sur la capa nécessaires à l’apurement du reste à payer.
cité de l’État à tenir la trajectoire budgétaire
La DAF a pris l’initiative en 2023 de mettre
ambitieuse de la loi de programmation mili
en place des groupes de travail, associant la
taire. De même, le retour de l’inflation et les
direction générale de l’armement et l’état-
difficultés à prévoir l’évolution d’indica teurs
major des armées, pour traiter la question de
macroéconomiques moins stables que par
l’évolution des coûts des facteurs, celle de
le passé, constituent un défi pour estimer le
l’impact des fondamentaux macroéconomi
niveau des crédits de paiement nécessaires
ques moins stables et du retour de l’inflation.
pour apurer les autorisations d’engagement.
Cette initiative permettra à la DAF de conforter
En effet, les marchés d’armement sous-jacents
ses compétences dans ce domaine, particuliè
sont sujets à des formules complexes de révi
rement complexe pour l’exercice du contrôle
sion de prix, en fonction de l’évolution des
budgétaire, notamment pour apprécier la
coûts des facteurs, eux-mêmes susceptibles
soutenabilité d’un engagement.
d’être affectés par l’inflation.
Il paraît cependant nécessaire d’aller plus
Le ministère des armées a déjà été confronté
loin en augmentant la connaissance fine
en 2009 et en 2014 à la nécessité d’ajuster en
du contrôle budgétaire sur le sous-jacent
urgence à la baisse sa trajectoire de crédits
des programmes d’armement et l’ingénierie
de paiement pour la rendre compatible avec
contractuelle d’opérations qui se tradui
les ressources disponibles. Cela s’est traduit
sent par des autorisations d’engagement
par des annulations de commandes et des
pluriannuelles et des restes à payer. Cette
reports de livraisons qui ont été dommagea
connaissance existe à un degré élevé au sein
bles pour l’équipement des forces et coûteuses
de l’agence comptable des services industriels
à moyen terme pour les finances publiques
de l’armement du département comptable
en raison des dédits qu’il a fallu consentir
ministériel (DCM-ACSIA) relevant du CBCM
aux industriels. Cela illustre la façon dont le
et, pour ce qui relève du programme 146,
risque budgétaire lié à un reste à payer élevé
au sein du service de l’exécution financière,
et croissant peut se manifester s’il n’est pas
de la gestion logistique des biens et de la
correctement maîtrisé.
comptabilité (SEREBC) de la direction des
Dans le passé récent, le ministère des armées plans programmes et budget de la direction
avait pu s’appuyer sur des éléments conjonc générale de l’armement.
turels favorables pour gérer ce risque :
Ayant repris les fonctions de contrôle
inflation moins forte que prévu en 2019 et en
budgétaire,la DAF ne peut s’appuyer sur l’ACSIA,
2020, retards de certains programmes d’arme
comme pouvait le faire dans le passé le CBCM.
ment pendant la crise sanitaire, permettant
Or, parmi les dépenses d’investissement, celles
de repousser la consommation de crédits
qui touchent aux programmes d’armement
de paiement. Ce n’est plus le cas aujourd’hui
sont particulièrement complexes car elles
et il est donc nécessaire que le contrôle
portent sur des projets technologiquement
COUR DES COMPTES 23
risqués qui s’étalent sur plusieurs décennies. programmer et à exécuter de façon fiable sa
Dans un contexte marqué par la rareté des masse salariale. En fin de gestion, il était ainsi
ressources humaines hautement qualifiées, contraint d’abonder le titre 2 de montants
aptes à maîtriser cette complexité, il paraît dépassant la centaine de millions d’euros pour
illusoire de vouloir recréer complètement pouvoir payer les traitements et les soldes de
cette compétence fine au sein de la DAF. Une fin d’année. Cet abondement s’effectuait au
possibilité alternative pourrait consister à détriment des investissements dans l’équipe
déléguer une partie du contrôle budgétaire ment des forces qui étaient pour partie annulés
des actes relevant du programme 146 à la par des décrets d’avance et des lois de finances
direction des plans programmes et budget de rectificatives. Une situation de cette nature
la direction générale de l’armement, à l’image s’était reproduite au milieu des années 2010
de ce qui a été effectué pour certains actes avec la perte de contrôle du processus de paye
de masse salariale, où le contrôle budgétaire des soldes des militaires, lors de la crise de
s’appuie en partie sur la direction des « l’écosystème Louvois ». Le phénomène avait
ressources humaines. rendu encore moins prévisible l’exécution de la
masse salariale et accru le risque budgétaire,
De fait, le rehaussement important des seuils
tout en causant un préjudice important aux
de contrôle a priori sur le programme 146
militaires concernés.
(100 M€ actuellement contre 5 M€ en 2013)
constitue déjà une forme de délégation, Le ministère des armées a pris des mesures
puisque le contrôle des actes d’un montant énergiques pour reprendre le contrôle de sa
inférieur à 100 M€ repose sur le contrôle masse salariale. Cela a permis une réduction
interne financier de la direction générale de des dépassements par rapport à la program
l’armement. Le renforcement de ce contrôle mation de la masse salariale, qui atteignaient
interne a été décidé avec la création d’une 456 M€ en 2012, 234 M€ en 2013 et 321 M€ en
mission « méthodes, métiers et contrôle 2014. Le tableau ci-dessous montre que ces
interne financier » qui sera rattachée au futur écarts ont été réduits sur les années récentes,
directeur de la préparation de l’avenir et de la mais ils n’ont pas pour autant disparu. Il est à
programmation. noter qu’en 2023, comme en 2018 et 2019, les
dépenses de masse salariale ont été inférieures
2 - La soutenabilité de la masse salariale aux crédits ouverts, des difficultés de recru
La masse salariale constitue également une tement n’ayant pas permis au ministère de
zone de risque budgétaire importante pour le respecter ses prévisions d’effectifs.
budget du ministère des armées. En 2022, les
montants en jeu représentaient 21,54 Md€ de
crédits de paiement consommés en titre 2 sur
le budget de la mission Défense et un effectif
réalisé de 266 783 emplois14 civils et militaires.
Ce risque s’était manifesté de façon importante
au début de la décennie 2010, époque où le
ministère de la défense ne parvenait pas à
Écart entre
la programmation +112 -114 -112 +35 +4 +92 -72
et l’exécution
15. Comme par exemple les atomiciens, les mécaniciens aéronautiques, les personnels de santé, etc.
COUR DES COMPTES 25
16. Le protocole régissant l’expérimentation permet à la direction du budget de commander une fois par an une analyse
budgétaire fondée sur des contrôles a posteriori.
26 LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
à apprécier si les mesures prises à la suite de l’armement pour le programme 146) ont
de l’observation sont ou non satisfaisantes, entrepris de renforcer le contrôle interne
notamment quand elles impliquent une amé financier, notamment avec la création de
lioration du contrôle interne financier. la mission « méthodes, métiers et contrôle
La DAF a entrepris cette démarche en com interne financier ». Les autres, en particulier
muniquant mensuellement, depuis août 2023, l’état-major des armées, ont besoin d’être
aux autorités responsables du contrôle interne accompagnés dans cette démarche. Il est
financier, une typologie de ses observations. Un donc souhaitable que, forte de son autorité
point sur les conséquences qui en ont été tirées fonctionnelle renforcée, la direction des affai
en termes d’amélioration du contrôle interne res financières du ministère des armées se
financier a été effectué lors de la réunion du donne les moyens de les accompagner dans
comité ministériel du contrôle interne financier leurs actions visant à améliorer le contrôle
de début 2024 et la DAF a prévu d’intégrer interne financier.
dans son plan de contrôle a posteriori le suivi
3 - Un audit interne à mettre en place
des observations formulées lors des visas du par la direction du budget
contrôle budgétaire. À terme, l’on peut espérer
de cette démarche une réduction du nombre Le contrôle budgétaire internalisé au sein de la
de visas avec obser vations, une maîtrise DAF du ministère des armées demeure délégué
renforcée des risques budgétaires et une plus par le ministère de l’action et des comptes
grande fluidité du processus de contrôle au publics, qui reste responsable notamment de
sein du ministère des armées. la préparation de la loi relative aux résultats de
la gestion et portant approbation des comptes
2 - Tirer les conséquences des anomalies de l'année. Dans ce cadre, il est indispensable
détectées par le contrôle budgétaire que la direction du budget se dote des moyens
pour améliorer le contrôle interne d’apprécier si le contrôle budgétaire délégué
financier du ministère des armées à la DAF est effectué conformément à ses
Il est essentiel que les contrôle a priori des besoins.
actes budgétaires donnant lieu à visa avec Cela nécessite la création d’une structure
observations soient pris en compte pour d’audit interne capable de donner cette
ajuster, lorsque cela est nécessaire, le contrôle assurance à la direction du budget et de susciter
interne financier, afin d’éviter que l’anomalie l’amélioration continue du contrôle budgétaire.
ne se reproduise. Ceci est d’autant plus Bien entendu, le ministère des armées est, à ce
important que l’augmentation des seuils jour, concerné au premier chef par ses audits,
déclenchant le contrôle a priori prive les en raison du transfert à la DAF des activités de
ordonnateurs de la protection que leur assurait contrôle budgétaire qui le singularise au sein
un tel contrôle et que nombre d’ordonnateurs de l’État et des enjeux majeurs liés à la masse
ne sont pas des experts de la règlementation et à la nature de son budget. Néanmoins,
et de la gestion budgétaire, notamment dans cette structure d’audit interne a aussi vocation
les états-majors. à se déployer sur les activités de contrôle
Conscient de ces enjeux, les responsables de budgétaire des autres ministères. Il appartient
programme disposant des équipes les plus à la direction du budget d’apprécier si cette
structurées (comme à la direction générale structure d’audit doit être positionnée en son
COUR DES COMPTES 27
sein, ou, dans un premier temps, auprès du de contrôle interne fait partie des règles
CBCM du ministère des armées. d’exécution des dépenses et de gestion des
biens, au sens du nouvel article L. 131-9 du
C- Une responsabilisation accrue code des juridictions financières, entré en
des gestionnaires publics vigueur le 1er janvier 2023. Elle s’impose donc
aux gestionnaires publics, indépendamment
L’expérimentation de l’internalisation du des seuils utilisés pour le contrôle budgétaire
contrôle budgétaire à la DAF du ministère des a priori. Ceux-ci doivent en conséquence amé
armées s’inscrit dans une évolution plus large liorer l’efficacité de leur contrôle interne
de la règlementation, avec un nouveau régime financier pour préserver au mieux leur respon
de responsabilité des gestionnaires publics17. sabilité personnelle.
De ce point de vue, outre la couverture des
risques budgétaires, au premier rang desquels La DAF, au titre de son autorité fonctionnelle
figure la soutenabilité, un des rôles du contrôle sur la fonction financière, a un rôle important
budgétaire consiste à accompagner les ordon à jouer pour les accompagner. Il lui appartient
nateurs dans les actions qu’ils doivent mettre en de les aider à améliorer le contrôle interne
place pour limiter les risques de mise en cause financier et de les informer des évolutions de
de leur responsabilité personnelle. Des actions la jurisprudence en matière de mise en cause
devraient être engagés dans trois directions : le de la responsabilité des gestionnaires publics.
renforcement du contrôle interne financier ; une Par ailleurs, l’examen d’un échantillon de
attention plus forte portée aux observations 25 contrôles a priori ayant donné lieu à
issues du contrôle budgétaire ; une formalisation observations a montré que, dans seulement
et une traçabilité accrues des actes de chacun 10 cas sur 25, des réponses écrites avaient
des acteurs. été formulées en retour des observations
dont étaient assortis les visas. Pour éviter que
La nécessité de maintenir un processus
cette absence de réponse ne soit interprétée
de contrôle budgétaire fluide à effectifs
lors d’un contrôle ultérieur comme une négli
constants, dans un contexte marqué par des
gence, susceptible de constituer une faute de
engagements financiers toujours croissants
gestion, il est nécessaire que les ordonnateurs
du ministère des armées, s’est traduite par un
prennent systématiquement position sur les
allègement du contrôle budgétaire a priori,
observations formulées par le contrôle bud
qui s’est matérialisé pour une part notable par
gétaire, en précisant, s’il y a lieu, les mesures
l’augmentation des seuils de déclenchement
correctives engagées, notamment en termes
du contrôle. Cette augmentation des seuils
d’amélioration du contrôle interne financier.
ne signifie nullement la fin des contrôles de
la Cour des comptes pour les investissements Enfin, la répartition des rôles au sein de la
d’un montant inférieur. En particulier, l’obli DAF doit être mieux formalisée de manière à
gation de mettre en place des dispositifs s’assurer de la séparation effective des tâches
17. Depuis le 1er janvier 2023, le régime spécifique de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
a disparu au profit d’un régime de responsabilité unifié des gestionnaires publics, qu’ils exercent des fonctions
d’ordonnateur ou de comptable. L’ordonnance du 23 mars 2022 et son décret d’application du 22 décembre 2022
prévoient un régime de responsabilité commun aux ordonnateurs et aux comptables dans lequel sont poursuivies les
infractions constitutives d’une faute grave ayant causé un préjudice financier significatif.
28 LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU MINISTÈRE DES ARMÉES : PREMIER BILAN DE L’EXPÉRIMENTATION
entre la personne qui réalise les diligences du lors des actes de contrôle budgétaire doivent
contrôle budgétaire et celle qui signe l’avis et être précisées et leur mise en œuvre effective
que chaque contrôle a priori soit supervisé. régulièrement contrôlée.
De même, les diligences minimales à réaliser
COUR DES COMPTES 29
1. Ordonnance du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.
2. Rapport définitif n 023-106 du 30 juin 2023, CGA-CGefi..
COUR DES COMPTES 33
Enfin, j'ai signé, le 8 janvier 2024, avec le Ministre chargé des comptes publics un avenant au
protocole d'expérimentation du 9 décembre 2021, pour prolonger d'une année le dispositif
expérimental et permettre à nos deux ministères de conduire des travaux complémentaires,
afin d'atteindre l'objectif partagé d'une pérennisation de ce mode de fonctionnement au
1er janvier 2025.
Ces travaux complémentaires répondent d'ores et déjà à certaines des recommandations et
observations formulées par la Cour. Ils intègrent en particulier la formalisation d'un cadre d'échange
pérenne entre contrôle budgétaire et contrôle comptable. Si ces échanges sont importants, je
voudrais insister sur le fait que, quelle que soit l'expertise du département de contrôle comptable
sur les marchés d'armement, la distance nécessairement accrue entre les deux entités dans le
cadre de l'expérimentation est compensée par le gain en matière de maitrise de la soutenabilité
pluriannuelle des investissements. La DAF dispose d'une connaissance intime de la programmation
pluriannuelle du ministère, en ce qu'elle contribue à la construction de la LPM et à son actualisation
annuelle, comme au déroulé des principaux programmes, via sa participation à la comitologie des
investissements. L'exploitation de cette synergie guide nos travaux préalables à la pérennisation.
Le bilan de l'expérimentation de l'internalisation du contrôle interne représente également,
comme souligné par la Cour, une opportunité d'examiner des modalités alternatives d'organisation
des contrôles exercés sur tes opérateurs du ministère. La situation actuelle, marquée par le
maintien d'effectifs limités auprès du CBCM pour le seul contrôle des opérateurs, ne parait en
effet pas durable.
Je conclus par la nécessité que la nouvelle organisation soit pleinement traduite dans les
textes réglementaires encadrant la gestion publique. Il s'agit de consolider ce dispositif, tout en
garantissant qu'en soit tiré l'ensemble des bénéfices attendus tant au regard de la responsabilité
des gestionnaires publics sur l'ensemble de la chaîne hiérarchique, que du renforcement de la
fonction financière ministérielle. Une action conjointe résolue de mon ministère et de celui des
comptes publics doit permettre d'y parvenir d'ici le 1er janvier 2025.
Le présent rapport
est disponible sur le site internet
de la Cour des comptes : www.ccomptes.fr
AUDIT FLASH
Avril 2024