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Revue des sciences de l’éducation

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Relation entre les explications de l’échec scolaire et quelques


caractéristiques d’enseignants du collégial
Yamina Bouchamma

Volume 28, numéro 3, 2002 Résumé de l'article


Cette étude a examiné les explications que formulent les enseignants
URI : https://id.erudit.org/iderudit/008337ar relativement à l’échec scolaire et vérifié les relations entre ces explications et
DOI : https://doi.org/10.7202/008337ar certaines de leurs caractéristiques sociodémographiques, socioprofessionnelles
et sociocognitives. Des enseignants de trois collèges de la région de Québec
Aller au sommaire du numéro métropolitain (n=336) ont répondu à un questionnaire. Les résultats montrent
que les quatre types d’explications de l’échec (étudiant, enseignant, école et
société) varient selon le sexe, le statut professionnel (permanent/non
permanent), le perfectionnement, la scolarité et le sentiment d’efficacité
Éditeur(s)
professionnelle de l’enseignant.
Revue des sciences de l'éducation

ISSN
0318-479X (imprimé)
1705-0065 (numérique)

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Citer cet article


Bouchamma, Y. (2002). Relation entre les explications de l’échec scolaire et
quelques caractéristiques d’enseignants du collégial. Revue des sciences de
l’éducation, 28(3), 649–674. https://doi.org/10.7202/008337ar

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Revue des sciences de l’éducation, Vol. XXVIII, no 3, 2002, p. 649 à 674

Relation entre les explications de l’échec


scolaire et quelques caractéristiques
d’enseignants du collégial

Yamina Bouchamma
Professeure
Université de Moncton

Résumé – Cette étude a examiné les explications que formulent les enseignants
relativement à l’échec scolaire et vérifié les relations entre ces explications et
certaines de leurs caractéristiques sociodémographiques, socioprofessionnelles
et sociocognitives. Des enseignants de trois collèges de la région de Québec
métropolitain (n=336) ont répondu à un questionnaire. Les résultats mon-
trent que les quatre types d’explications de l’échec (étudiant, enseignant,
école et société) varient selon le sexe, le statut professionnel (permanent/non
permanent), le perfectionnement, la scolarité et le sentiment d’efficacité
professionnelle de l’enseignant.

Introduction

La professionnalisation de l’enseignement nécessite une plus grande responsa-


bilité des acteurs sur le terrain. En fait, ce qui différencie un métier d’une profession
réside surtout dans la responsabilité attribuée à la personne qui l’exerce (Huberman,
1978). Il s’agit, entre autres, de la responsabilité de l’enseignant envers la réussite
de l’étudiant. Au Québec, relativement à cet aspect, le Conseil permanent de la
jeunesse (1992) souligne que « l’engagement professionnel et humain de ceux qui
travaillent pour la réussite ne peut être remplacé ni par les programmes ni par
les ressources financières » (p. 34). On reconnaît le rôle des enseignants comme
intervenants de première ligne (Conseil supérieur de l’éducation, 1995) et l’im-
pact significatif qu’ils peuvent avoir auprès des étudiants (Gouvernement du
Québec, 1996).
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Malgré l’abondance des écrits relatifs à l’effet enseignant quant à ses pratiques
pédagogiques, nous nous trouvons paradoxalement, comme le soulignent notam-
ment Mingat (1994), Jarousse (1995), Anderson (1992) et Fang (1996), devant
un manque de recherches consacrées aux croyances des enseignants. Au cégep,
on n’échappe pas à cet état de choses. Bien que plusieurs questions touchant les
étudiants, telles que la pédagogie et l’évaluation, aient été débattues depuis leur
avènement, les croyances des enseignants quant à la réussite et à l’échec scolaires
font trop peu l’objet de recherche. Notre propos a pour but d’étudier le type de
facteurs auxquels l’enseignant du collégial attribue l’échec des étudiants et de faire
le lien entre chacune de ces explications (enseignant, étudiant, école et société)
et certaines caractéristiques professionnelles de l’enseignant. Dans un premier
temps, nous traiterons de la problématique de l’échec scolaire au collégial et de
ses conséquences. Nous aborderons, par la suite et dans l’ordre, le cadre théorique,
la méthodologie utilisée, les principaux résultats et enfin, la discussion relative à
ces derniers.

Problématique
Selon plusieurs sources, dont les données du Service régional des admissions
du Montréal métropolitain de 1992 (Terrill et Ducharme, 1994), de la Direction
générale de l’enseignement collégial (Levesque et Pageau, 1990) et du ministère de
l’Éducation du Québec (Gouvernement du Québec, 1996), seulement les deux tiers
des étudiants admis au collégial obtiennent leur diplôme. Parmi ceux qui n’aban-
donnent pas, la moitié obtient un diplôme avec un an de retard, soit après trois
ans. Quant à l’autre moitié, les deux tiers ne l’obtiennent qu’à l’issue de quatre ans,
soit après deux années de retard (Levesque et Pageau, 1990). Ce qui revient à dire
que seulement 17 % de l’effectif estudiantin admis termine dans les délais prescrits.

Il va sans dire que l’échec et l’abandon au collégial sont lourds de consé-


quences, et ce, autant pour l’étudiant que pour le système scolaire et la société
québécoise. D’abord, les échecs et les abandons engendrent des conséquences sur
l’estime de soi de l’étudiant, sur la confiance en ses possibilités et sur sa motiva-
tion, ce qui diminue ses chances d’accès à l’université et ses chances de trouver
un emploi (Conseil des collèges, 1988). Rivière (1996), tout en distinguant plu-
sieurs étapes du décrochage scolaire (prédécrochage, décrochage et postdécrochage),
note qu’au lendemain de leur décision de quitter le cégep, les décrocheurs « […]
se sentent néanmoins incompétents, marginaux, presque anormaux et honteux »
(p. 147).

Le processus d’abandon perturbe aussi le fonctionnement du groupe-classe.


Comme les étudiants sont souvent évalués à partir de travaux de groupe et puisque
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Relation entre les explications de l’échec scolaire… 651

l’abandon ne se fait qu’après cinq ou six semaines de cours, l’étudiant qui aban-
donne vient affecter la vie du groupe-classe, ce qui nécessite un réajustement de la
part de l’enseignant (Conseil des collèges, 1988). En plus, l’échec affecte la crédi-
bilité du système scolaire; avec le fort taux d’échec et d’abandon des études, l’ensei-
gnement collégial québécois ne semble pas répondre à sa mission de contribuer
à hausser le taux et le niveau de scolarisation de la population.

Les échecs et les abandons ne sont pas sans conséquences pour la société.
À propos des 100 000 décrocheurs de 1991, Moisset et Toussaint (1992) estiment
pour le Québec un manque à gagner fiscal d’entre 4 et 5 milliards de dollars, soit
environ les deux tiers des dépenses globales consacrées à l’enseignement primaire
et secondaire public et privé en 1989. Le Conseil des collèges (1988) souligne que
« la reprise d’un cours à la suite d’un échec ou d’un abandon exige des coûts addi-
tionnels à la formation» (p. 49), et il s’interroge sur l’efficacité de cet investissement.

Le Conseil des collèges (1992) ajoute à ces conséquences déjà connues


d’autres effets susceptibles d’engendrer un sentiment de manque de contrôle chez
les enseignants, dont un sentiment de « culpabilité et d’impuissance » qui aurait
pour conséquences l’épuisement professionnel, le désengagement et la baisse de
motivation (Conseil supérieur de l’éducation, 1991), comme en témoigne l’extrait
suivant :

Dépourvus de moyens adéquats pour venir en aide aux élèves et pour agir
efficacement sur leur motivation, [les enseignants] subissent une pression
constante, ils se sentent démunis face au problème et envisagent avec peu
d’optimisme leurs chances de contribuer significativement à une meilleure
réussite scolaire de leurs élèves. Ils voient alors s’éloigner d’eux un des élé-
ments les plus gratifiants de leur profession (Conseil des collèges, 1992, p. 48).

Ces appréhensions se trouvent confirmées dans la recherche de Berthelot


(1991). Dans son étude représentative sur les enseignants du collégial, elle a mon-
tré que, bien que ces derniers attribuent la qualité des apprentissages des étudiants
à leurs propres méthodes, 80 % d’entre eux ne se montrent pas prêts à endosser
la responsabilité de l’échec de leurs étudiants.

Cadre théorique
Les explications que donne l’enseignant au sujet de l’échec et de la réussite
se situent dans deux pôles de recherche. Le premier pôle, d’obédience sociologique,
a vu ses prémices en France à la suite de critiques qui ont accusé les travaux en
sociologie de l’éducation les plus connus de mener les enseignants à adopter des
attitudes de fatalisme et de démission à l’égard du rendement scolaire des étudiants
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652 Revue des sciences de l’éducation

(Snyders, 1976, dans Berger, 1979). Le deuxième pôle trouve son inspiration dans
la psychologie sociale et particulièrement dans la théorie de l’attribution (Weiner,
1979). Ce courant s’est développé à la suite d’études qui ont montré que les per-
ceptions qu’entretiennent les enseignants au sujet de leurs étudiants influencent
le comportement et les résultats de ceux-ci (Rosenthal et Yacobson, 1968). Dans
la foulée de ces premiers travaux, d’autres recherches sont venues élucider les
mécanismes par lesquels les comportements des enseignants influencent les résul-
tats scolaires. Leurs croyances au sujet de l’échec et de la réussite, et plus précisément
les attributions qu’ils en font, constituent, entre autres, l’un des mécanismes qui
influencent leurs attitudes et, par là, les performances de leurs étudiants.

En l’absence d’une théorie complète et satisfaisante qui soutiendrait notre


questionnement, nous proposons un modèle théorique construit à partir de résul-
tats, de constats et d’hypothèses existant dans les écrits qui ont trait à la sociologie
de l’éducation et à la psychologie sociale, sans pour autant négliger la probléma-
tique du rendement scolaire propre au collégial. Selon Deschamps (1977), « l’attri-
bution est le processus par lequel l’individu cherche les causes d’un comportement,
c’est-à-dire la recherche d’une structure permanente mais non directement obser-
vable qui sous-tend les effets, les manifestations directement perceptibles » (p. 15).
En résumé, l’attribution vise, notamment, à comprendre ce qui se passe autour
de soi afin de rendre son environnement le plus stable possible, de lui donner un
sens (Weary, Stanley et Harvey, 1989), d’acquérir un meilleur pouvoir sur son
comportement et sur celui des autres, en comprenant ce comportement (Weiner,
1980, 1984 ; Vallerand et Bouffard, 1985).

Explications de l’échec : pour une approche systémique

Le modèle que nous avons élaboré s’articule autour de trois grands pôles : les
variables de processus, les variables prédictives et les résultats ou effets produits.

– Les variables de processus : les explications de l’échec

Les variables de processus rendent compte des différents types d’explications


que donne l’enseignant à propos de l’échec et de la réussite. Dans le cadre de ce
travail, nous regroupons les attributions de l’échec en facteurs liés à l’étudiant,
soit son milieu socio-économique et culturel, et à l’école (attributions externes
à l’enseignant), puis en facteurs liés à l’enseignant (facteurs internes). Nous optons
pour une telle classification afin de dépasser les difficultés de la classification rela-
tive à la théorie de l’attribution (Weiner, 1979) qui consiste en un regroupement
des facteurs en interne/externe, stable/non stable, contrôlable/non contrôlable
et global/spécifique). De fait, ce modèle s’est avéré trop restreint une fois appliqué
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Relation entre les explications de l’échec scolaire… 653

Variables de processus
(explication de l’échec et de la réussite)

Enseignant Interne
Étudiant
École
Société Externe

Biais ou sources d’erreurs


Erreur fondamentale, type de question posée, biais de complaisance,
biais de l’humilité, position d’acteur/observateur, effet de polydoxie

Variables prédictives
Variables liées à l’enseignant
Sociodémographiques Socioprofessionnelles Sociocognitives
– Sexe – Expérience professionnelle – Sentiment d’efficacité
– Âge, etc. – Statut professionnel professionnelle
– Perfectionnement – Sentiment d’efficacité
– Scolarité personnelle, etc.

Variables contextuelles
Variables liées à l’étudiant Variables liées à l’institution
– Sexe – Matière enseignée
– Origine sociale – Ordre d’enseignement
– Origine ethnique – Système éducatif
– Performances

Variables résultats
Émotions générales Conséquences
– Sentiment de contrôle sur le comportement :
(de puissance) aide, effort, motivation,
évaluation, etc.

Figure 1 – Processus des attributions de l’enseignant à l’égard de l’échec


et de la réussite : une approche systémique

aux attributions des enseignants, d’où son éclatement, comme en témoignent les
nombreux travaux dans le domaine, dont ceux de Cooper et Burger (1980), de
Hall, Hines, Bacon et Koulianos (1992) et de Gosling (1992).
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Ces explications de l’échec et de la réussite peuvent être influencées par six


biais ou sources d’erreurs. L’erreur fondamentale désigne la tendance à situer les
causes d’un événement chez les personnes plutôt que dans l’environnement (Hew-
stone, 1989 ; Ross, 1977). Le type de question posée, globale ou spécifique, serait
également une source d’erreurs dans le regard que l’on peut poser sur les explica-
tions (Gilly, 1980 ; Léger, 1983 ; Schubauer-Leoni et Perret-Clermont, 1988). Le
biais de complaisance, qui signifie s’attribuer le succès d’autrui et rejeter son échec,
a aussi été observé (Clark et Peterson, 1986 ; Wiley et Eskilson, 1978). De même,
le biais de l’humilité, qui consiste à s’attribuer l’échec et à rejeter la réussite (Ames,
1975 ; Beckman, 1973 ; Tom et Cooper, 1984), semble fort possible dans les sour-
ces d’explications rencontrées. Le plan ou l’angle sous lequel le point de vue de
l’enseignant est considéré, acteur ou observateur (Storms, 1990 ; Anderson, 1991 ;
Hewstone, 1989), peut également affecter les explications. Enfin, l’effet poly-
doxique, soit la coexistence de différentes conceptions des causes de l’échec qui
émergent selon les situations dans lesquelles l’enseignant est amené à les évoquer
(Pagès, 1986, dans Monteil, Bavent et Lacassagne, 1986), fait de plus partie des
aspects à considérer.

– Les variables prédictives ou de présage

Les variables prédictives , ou de présage, englobent deux groupes de variables:


celles qui ont trait à l’enseignant (sociodémographiques, socioprofessionnelles et
sociocognitives) et celles relatives au contexte. Cette dernière catégorie de variables
est à son tour divisée en deux dimensions : l’une concernant les caractéristiques
de l’étudiant (sexe, origine sociale, origine ethnique, performances, etc.) et l’autre,
les caractéristiques de l’institution (matière enseignée, degré d’enseignement, situa-
tion de face-à-face, système éducatif, etc.).

– Les variables résultats

Les variables résultats font état de l’effet que produiraient les explications
de l’échec ou de la réussite sur les sentiments de l’enseignant, ce qui condition-
nerait ses comportements à l’égard de ses étudiants en termes d’aide qu’il leur
apporte, d’efforts qu’il va fournir, d’évaluation, de motivation, de sentiment de
puissance et de contrôle sur l’apprentissage de ses étudiants.

Le modèle retenu prend ainsi en considération trois composantes interre-


liées qui considèrent autant les variables de processus (ou de comportement) que
les variables prédictives et les variables résultats, ce qui nous permet de nuancer
et de préciser le type d’attribution selon les caractéristiques de l’enseignant qui
les formule, les caractéristiques de l’étudiant à l’égard de qui l’attribution est for-
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Relation entre les explications de l’échec scolaire… 655

mulée, le contexte dans lequel l’attribution est formulée et les différents biais ou
sources d’erreur qui peuvent altérer ces explications. Autrement dit, il est question
de s’interroger sur qui formule les attributions (caractéristiques de l’enseignant),
à l’égard de qui (caractéristiques des étudiants), dans quel contexte ou situations
avec quelles conséquences et quels biais possibles.

Par ailleurs, en partant du fait que les attributions dépassent le cadre de la classe
et de l’école, il faudrait sans doute tenir compte d’autres acteurs (les parents, les pairs
et d’autres intervenants). Dans le cadre de cet article, nous nous limitons à l’étude
des explications que donne l’enseignant de l’échec en tenant compte d’un seul biais,
soit l’erreur fondamentale, et de quelques-unes de ses caractéristiques (le sexe, l’âge,
l’expérience professionnelle, le statut professionnel (permanent/non permanent),
le perfectionnement, la scolarité et le sentiment d’efficacité professionnelle).

L’erreur fondamentale
Les explications que donne l’enseignant de l’échec sont susceptibles d’être
influencées par différents biais dont l’erreur fondamentale. Ross (1977) a utilisé
cette expression pour désigner la tendance des gens à surestimer l’explication des
événements par des causes internes (facteurs reliés à la personnalité) et à sous-estimer
les causes externes (la situation, les circonstances) (Hewstone, 1989 ; Ross, 1977).

Explication de l’échec et caractéristiques sociodémographiques

Les explications de l’échec et de la réussite peuvent être associées à certaines


caractéristiques sociodémographiques des enseignants, dont le sexe et l’âge. Sans
pour autant exprimer des schèmes de croyances spécifiques pour chacun des deux
sexes, plusieurs études en sont arrivées à la conclusion que les explications de l’échec
et de la réussite varient selon les professeurs hommes et femmes ; toutefois, les
résultats demeurent non concordants à ce chapitre. Si certaines études ont observé
chez les enseignantes une plus grande volonté à partager avec les étudiants leurs
responsabilités, et ce, autant à l’égard du succès que de l’échec (Scherer et Kimmel
1993 ; Guskey, 1981), d’autres observent chez les femmes une plus grande ten-
dance à se sentir responsables de la réussite scolaire de leurs étudiants et, chez les
hommes, une plus grande tendance à se sentir responsables de l’échec scolaire
(Potvin et Papillon, 1992 ; Léger, 1983). Au cégep, Berthelot (1991) notait chez
les professeures la présence de signes d’épuisement professionnel et des témoi-
gnages d’un sentiment d’impuissance et d’impression de ne pas être à la hauteur
de la tâche.
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La différence dans l’explication de l’échec et de la réussite a été analysée


également selon l’âge de l’enseignant. Bourgeois (1983) et Léger (1983) ont observé
que plus les enseignants sont âgés, plus ils accordent de l’importance au don, à
l’intelligence et aux facteurs sociologiques, ce qui revient à dire à des facteurs
externes. Dans le contexte précis du collégial, Berthelot (1991) a remarqué que
ce sont les plus âgés qui sont les plus nombreux à dire n’avoir jamais eu le senti-
ment d’impuissance face au travail ou l’impression de ne pas être à la hauteur
de la tâche.

Explication de l’échec et caractéristiques socioprofessionnelles


Il semble y avoir un consensus selon lequel un enseignant plus qualifié aurait
tendance à se considérer plus responsable de l’échec que ne le ferait un enseignant
possédant une moins grande qualification. C’est du moins ce que nous ont révélé
les études de Léger (1983), de Tetlock (1980), de Beckers (1995) et de Kaszap
(1996).

– Le perfectionnement

Les résultats de Scherer et Kimmel (1993) ont montré l’effet positif de la


formation quant aux types d’attributions de l’enseignant. À l’issue de leur formation,
les enseignants auraient tendance à attribuer davantage le succès aux étudiants
eux-mêmes, comparativement à leur mode d’attribution avant leur formation.
En tenant compte du contexte du collégial où le perfectionnement des enseignants
prend de plus en plus d’ampleur et où on s’attend à une formation pédagogique
qui toucherait un effectif plus important dans les années à venir à cause du renouvel-
lement du personnel enseignant, nous entrevoyons une plus grande efficacité chez
les enseignants qui auraient suivi une formation professionnelle et qui, dans une
telle éventualité, feraient des attributions différenciées au sujet de l’échec scolaire.

– L’expérience professionnelle

On peut noter le manque de consensus quant à l’effet de l’expérience de


l’enseignant sur le type d’attribution qu’il fait par rapport au rendement scolaire.
Sur cette question, Carr et Kurtz-Costes (1994) constataient le manque de rela-
tion significative entre le nombre d’années d’expérience et le type d’attribution
des enseignants quant à la réussite et à l’échec, tandis que Guskey (1981), Wallace
et Thompson (1995), Ross, Bierbrauer et Polly (1974) et Tetlock (1980) ont plutôt
observé un effet significatif.
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Relation entre les explications de l’échec scolaire… 657

Cependant, il y a lieu de préciser, comme le fait Guskey (1981), que les


enseignants débutants et les enseignants les plus expérimentés se sentent plus res-
ponsables de la réussite comparativement aux enseignants d’expérience moyenne.
Si l’étude de Wallace et Thompson (1995) a montré que les enseignants inex-
périmentés se sentent plus responsables du succès des étudiants et rejettent la
responsabilité de l’échec sur les étudiants, celle de Ross, Bierbrauer et Polly (1974)
en est arrivée à la conclusion que les enseignants qui ont de l’expérience rendent
les étudiants responsables autant de l’échec que du succès. Ces résultats rejoignent
ceux de Hall, Villeme et Burley (1989) qui ont observé chez les enseignants débu-
tants le caractère plutôt interne qu’externe des attributions, et ce, aussi bien pour
l’échec que pour la réussite.

Au cégep, l’ancienneté sert de principe de répartition de la charge de travail.


Les anciens ont la priorité pour ce qui est du choix des cours et des heures de
travail, ce qui n’est pas sans retombées sur l’encadrement des étudiants (Corriveau,
1991). À partir de ce constat, nous postulons que les enseignants les moins expéri-
mentés, en raison de leur charge de travail élevée, se sentiraient moins responsables
de l’échec. Dans le même ordre d’idées, Kaszap (1996) a montré que le professeur
de cégep dont les étudiants perçoivent le mieux ses exigences est celui qui a 10
ans et plus d’expérience, comparativement à celui qui en a moins de 10 ans. À
partir de cette étude, le profil de l’enseignant le moins expérimenté semble être
en relation avec le sentiment d’impuissance et avec la perception la plus défa-
vorable que se font les étudiants de ses exigences. Finalement, ces constats nous
amènent à nous interroger sur le type d’explication relativement au rendement
scolaire que donnent les enseignants expérimentés et non expérimentés.

– Le statut professionnel

Au collégial, nous entrevoyons une relation entre le type d’explication de


l’échec et le statut de l’enseignant (permanent/non permanent). Nous formulons
ce postulat en prenant en compte à la fois les interrogations que soulèvent Tardif
et Lessard (1999) au sujet des conséquences de la précarité sur le travail de l’ensei-
gnant et les résultats empiriques de Kaszap (1996) selon lesquels un professeur
permanent aurait des étudiants qui perçoivent davantage ses exigences et son insis-
tance sur celles-ci, et que les étudiants sont plus nombreux à réussir qu’avec un
professeur non permanent.

– Le sentiment d’efficacité professionnelle

En général, le sentiment d’efficacité est perçu comme la croyance ou la convic-


tion que les enseignants peuvent influencer la façon dont les étudiants apprennent
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658 Revue des sciences de l’éducation

bien, même s’ils sont considérés comme difficiles ou non motivés (Guskey et
Passaro, 1994). Dans le prolongement des travaux de Bandura (1997), Ashton
et Webb (1982 ; 1986), Guskey et Passaro (1994) montrent que les attributions
que font les enseignants au sujet de l’efficacité de l’enseignement reflètent les
attentes des enseignants au sujet des conséquences de l’enseignement dans son
ensemble. D’autres études nous révèlent que les enseignants qui croient que les
enseignants en général et qu’eux-mêmes en particulier peuvent motiver les étu-
diants à performer, ont tendance à expliquer le rendement scolaire par des causes
internes comparativement à ceux qui croient que ni eux ni les autres enseignants
ne peuvent influencer les performances des étudiants (Groenewold, 1990).

En résumé, nous avons mis en évidence que le profil de l’enseignant pour-


rait amener des variations concernant ses explications de l’échec, selon qu’il est
homme ou femme (Scherer et Kimmel, 1993 ; Guskey, 1981 ; Potvin et Papillon,
1992 ; Léger, 1983), selon son âge (Bourgeois, 1983 ; Léger, 1983), selon sa for-
mation (Scherer et al., 1993 ; Beckers, 1995 ; Léger, 1983 ; Greenwood, Olejnik
et Parkay, 1990 ; Wallace et Thompson, 1995 ; Bar-Tal, 1982 ; Försterling, 1985),
selon son expérience professionnelle (Carr et Kurtz-Costes, 1994 ; Guskey, 1981,
Wallace et Thompson, 1995 ; Tetlock, 1980), de même que selon son sentiment
d’efficacité (Ames, 1983 ; Guskey et Passaro, 1994 ; Hall et al. 1992 ; Ashton et
Webb, 1982 ; 1986 ; Greenwood, Olejnik et Parkay 1990).

Nous postulons que les enseignants du collégial considèrent les étudiants


comme étant les principaux responsables de l’échec, que les enseignants les plus
âgés, les plus expérimentés, ceux qui ont suivi un perfectionnement, les plus sco-
larisés et ceux qui ont un fort sentiment d’efficacité professionnelle se sentent plus
responsables de l’échec, et que les professeurs non permanents et les enseignantes
attribuent davantage l’échec aux étudiants.

Méthodologie
Variables de l’étude

L’explication que donne l’enseignant à propos de l’échec des étudiants au


collégial constitue notre variable dépendante. Les variables indépendantes de l’étude
sont le sexe de l’enseignant, son âge, son expérience dans l’enseignement, son statut
professionnel (permanent/non permanent), sa formation continue, son niveau
de scolarité et son sentiment d’efficacité professionnelle.
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Relation entre les explications de l’échec scolaire… 659

Instrument de mesure

Dans le cadre de cet article, nous aborderons trois sections d’un questionnaire.
– Mesure sociodémographique et socioprofessionnelle. Cette première section
porte sur les informations qui ont trait aux caractéristiques sociodémographiques
et socioprofessionnelles des enseignants (sexe, âge, expérience dans l’enseigne-
ment, statut professionnel permanent ou non permanent, le fait d’avoir suivi
une formation et le plus haut diplôme obtenu).
– Les explications de l’échec. Cette deuxième section contient 28 énoncés repré-
sentant des explications possibles de l’échec sur une échelle de type Likert,
allant de « Aucune influence » à « Très grande influence ». Chaque dimension
des explications de l’échec (enseignant, étudiant, école et société) au collégial
a été représentée par sept énoncés dans l’échelle, ce qui répond au principe
de validité de contenu. Nous avons veillé également à ce que la progression
dans l’explication de l’échec allant de l’enseignant à l’étudiant, à l’école et à
la société n’apparaisse pas dans la présentation des 28 énoncés, principe recom-
mandé dans ce genre de cas (Quivy et Campenhoudt, 1995, p. 172).

Tableau 1
Exemples d’énoncés concernant les explications de l’échec scolaire

Variables Énoncés
Étudiant 23- Les expériences scolaires antérieures des étudiants (échec/réussite).
28- Les changements psychosociaux que vivent les étudiants à cette étape
de leur vie.
Enseignant 5- La qualité des relations enseignant-étudiant.
14- Le type d’évaluation pédagogique de l’enseignant.
École 17- Les ressources matérielles de l’école.
22- Les activités parascolaires au collège.
Société 6- Le niveau socioéconomique des parents.
10- Le type de famille de l’étudiant (stable, monoparentale, etc.).

– Le sentiment d’efficacité professionnelle. Cette troisième section a consisté


en une adaptation de la partie du questionnaire de Guskey et Passaro (1994)
portant sur le sentiment d’efficacité professionnelle de l’enseignant. Au départ,
les huit énoncés sur une échelle de type Likert allant de « Tout à fait d’ac-
cord » à « Tout à fait en désaccord » ont été traduits par une étudiante bilingue
au doctorat, puis adaptés au contexte.

Le questionnaire a été soumis à une vérification empirique auprès d’un groupe


de huit professeurs de matières différentes dans l’un des trois collèges où s’est
07-RSÉ28-3 Bouchamma 3/05/04 14:05 Page 660

660 Revue des sciences de l’éducation

déroulée l’étude. À l’issue de cette évaluation, certains énoncés ont été reformulés,
d’autres éliminés ou ajoutés, puis testés de nouveau auprès de deux professeurs avant
d’administrer le questionnaire (Bouchamma, 1999). Le test t et l’analyse de variance
ont été utilisés.

Tableau 2
Exemples d’énoncés concernant le sentiment d’efficacité professionnelle

Variables Énoncés
Sentiment d’efficacité 1- L’enseignant est très limité dans ce qu’il peut réaliser parce
professionnelle que l’environnement familial des étudiants exerce une grande
influence sur leur rendement.
5- Même avec de grands efforts, l’enseignant ne peut atteindre les
objectifs scolaires avec la plupart des étudiants en difficulté.

Au total, 336 enseignants de trois collèges de la région de Québec, dont


184 hommes (54,8 %) et 152 femmes (45,2 %), 248 permanents (73,8 %) et 87
(25,9 %) non permanents, ont répondu au questionnaire. Ils avaient un âge qui
se situait entre 23 et 62 ans (M = 43,17), et leur ancienneté dans l’enseignement
variait de 0 à 35 ans (M = 15,5).

Échantillon
Le critère qui a présidé au choix des trois cégeps est l’accessibilité. Il s’agit
d’un échantillon non probabiliste, à choix raisonné. Bien que cet échantillon
trouve des ressemblances dans plusieurs de ses dimensions avec les enseignants
du cégep au moment de l’étude, en l’occurrence quant à la répartition des répon-
dants en regard du statut (permanent/non permanent) et du sexe, nous ne pouvons
le qualifier de représentatif.

Résultats

Différents types d’explications de l’échec


De prime abord, nous observons que l’enseignant attribue l’échec, en pre-
mier lieu, à des facteurs liés à l’étudiant (moyenne de 4,10), ensuite, à l’enseignant
(3,74), puis à l’école (3,21) et à la société (3,19). Ces résultats viennent confirmer
l’hypothèse selon laquelle les professeurs considèrent les étudiants comme étant
les principaux responsables de leur échec.
07-RSÉ28-3 Bouchamma 3/05/04 14:05 Page 661

Relation entre les explications de l’échec scolaire… 661

Comme nous pouvons le voir au tableau 3, les résultats obtenus au test t,


pour les explications de l’échec, sont significatifs au seuil de 0,001 lorsqu’elles sont
comparées deux à deux: enseignant/étudiant, enseignant/école, enseignant/société,
école/société, étudiant/école et étudiant/société. Plus précisément, les enseignants
attribuent davantage l’échec à des facteurs concernant l’étudiant comparativement
aux facteurs enseignants (dl = 1,335 = 12,48; p < 0,001); ils attribuent plus l’échec
à des facteurs les concernant qu’aux facteurs école (dl = 1,335 = 18,82 ; p < 0,001) ;
ils attribuent plus l’échec à des facteurs qui les concernent, comparativement aux
attributions concernant la société (dl = 1,335 = 14,38 ; p < 0,001) ; ils croient
que l’étudiant est plus responsable de l’échec que l’école (dl = 1,335 = 35,98 ;
p < 0,001) et la société (dl = 1,335 = 31,74; p < 0,001). Seule la relation école/société
s’est avérée non significative (dl = 1,335 = -0,471 ; p > 0,05). Autrement dit, de
façon significative, les enseignants se sentent plus responsables de l’échec compa-
rativement à l’école et à la société, mais moins responsables de l’échec que l’étudiant.

Tableau 3
Différents types d’attributions

Explication de l’échec dl t Moyenne ET p


Enseignant 3,74 0,569 0,000
Étudiant 1,335 12,48 4,10 0,377
Enseignant 3,74 0,569 0,000
École 1,335 18,82 3,21 0,479
Enseignant 3,74 0,569 0,000
Société 1,335 14,38 3,19 0,529
Étudiant 4,10 0,377 0,000
École 1,335 35,98 3,21 0,479
Étudiant 4,10 0,377 0,000
Société 1,335 31,74 3,19 0,529
École 3,21 0,479 0,638
Société 1,335 -0,471 3,19 0,52

Explications de l’échec selon les caractéristiques sociodémographiques

Au cours de cette phase de la recherche, nous avons examiné les relations


entre les variables indépendantes, soit les caractéristiques de l’enseignant, avec
chaque type d’attribution que fait l’enseignant au sujet de l’échec scolaire (étu-
diant, enseignant, école et société).
07-RSÉ28-3 Bouchamma 3/05/04 14:05 Page 662

662 Revue des sciences de l’éducation

Tableau 4
Analyse de la variance et test de comparaison multiple pour les différents
types d’explications de l’échec selon le sexe de l’enseignant

Variables t dl p Homme Femme


dépendantes
M ET M ET
Étudiant -3,87 334 0,000*** 4,0342 0,385 4,1906 0,348
Enseignant -1,71 334 0,088 3,6917 0,611 3,7964 0,510
École -1,92 334 0,066 3,1646 0,471 3,2649 0,485
Société -0,29 334 0,775 3,1872 0,542 3,2038 0,514

Légende – *** : p < 0,001.

– Les explications de l’échec selon le sexe de l’enseignant

Les résultats obtenus au test t pour chacun des types d’explications de l’échec
révèlent que les femmes attribuent de façon significative l’échec à des facteurs liés
à l’étudiant (dl = 334 = -3,87 ; p < 0,001). Les femmes, comparativement aux
hommes, attribuent davantage l’échec à des facteurs se rapportant à l’étudiant.
Ce résultat confirme l’hypothèse selon laquelle les femmes, comparativement aux
hommes, auraient tendance à responsabiliser plus l’étudiant de son échec scolaire.

Tableau 5
Analyse de la variance et test de comparaisons multiples pour les différents
types d’attributions selon l’âge

Variables dl F p Âge Moyenne ET (1) (2) (3)


dépendantes
Étudiant 2,330 1,0977 0,3349 Jeune (38 ans ou moins) 4,151 0,0441
Moyen (de 39 à 48 ans) 4,084 0,0320
Moins jeune (49 ans ou +) 4,089 0,0338
Enseignant 2,330 0,1566 0,8551 Jeune (38 ans ou moins) 3,7512 0,5537
Moyen (de 39 à 48 ans) 3,7215 0,0580
Moins jeune (49 ans ou +) 3,7612 0,0546
École 2,330 0,0158 0,9843 Jeune (38 ans ou moins) 3,2147 0,5000
Moyen (de 39 à 48 ans) 3,2044 0,4600
Moins jeune (49 ans ou +) 3,2050 0,4722
Société 2,330 1,000 0,3689 Jeune (38 ans ou moins) 3,2269 0,5223
Moyen (de 39 à 48 ans) 3,1433 0,5180
Moins jeune (49 ans ou +) 3,2278 0,5316
07-RSÉ28-3 Bouchamma 3/05/04 14:05 Page 663

Relation entre les explications de l’échec scolaire… 663

– Les explications de l’échec selon l’âge de l’enseignant

En ce qui concerne l’âge, aucune différence entre les moyennes des quatre
types d’attributions ne s’est avérée significative ; de même, aucune moyenne n’est
significativement distincte entre les différents groupes. L’hypothèse selon laquelle
les enseignants les plus âgés se sentent plus responsables de l’échec se trouve ici
infirmée par nos résultats.

Attributions de l’échec selon les caractéristiques socioprofessionnelles

– Les attributions de l’échec selon l’expérience professionnelle de l’enseignant

Aucune différence significative sur le plan statistique n’a été enregistrée dans
les moyennes des différentes attributions de l’échec selon l’expérience profes-
sionnelle de l’enseignant. C’est dire que l’expérience de l’enseignant n’explique
aucunement le type d’attribution qu’il fait par rapport à l’échec. Comme pour
l’hypothèse concernant l’âge, l’hypothèse qui postulait que les enseignants les plus
expérimentés se sentent plus responsables de l’échec que les moins expérimentés
se trouve infirmée.

Tableau 6
Analyse de la variance et test de comparaisons multiples pour les différents
types d’attributions selon l’expérience professionnelle de l’enseignant

Variables dl F p Expérience Moyenne ET (1) (2) (3)


dépendantes professionnelle
Étudiant 2,332 1,084 0,3393 Limitée (9 ans ou -) 4,148 0,3692
Moyenne (10 à 19) 4,079 0,3491
Grande (20 ou +) 4,087 0,4017
Enseignant 2,332 1,198 0,3029 Limitée (9 ans ou -) 3,8028 0,4867
Moyenne (10 à 19) 3,6402 0,6402
Grande (20 ou +) 3,7293 0,5782
École 2,332 0,942 0,3906 Limitée (9 ans ou -) 3,222 0,4454
Moyenne (10 à 19) 3,155 0,4723
Grande (20 ou +) 3,242 0,5094
Société 2,332 0,179 0,8359 Limitée (9 ans ou -) 3,217 0,4824
Moyenne (10 à 19) 3,201 0,5741
Grande (20 ou +) 3,176 0,5323
07-RSÉ28-3 Bouchamma 3/05/04 14:05 Page 664

664 Revue des sciences de l’éducation

– Les explications de l’échec selon le statut professionnel

Les résultats au test t pour chaque type d’attribution révèlent une seule dif-
férence significative et ce, entre les enseignants permanents et non permanents ;
cette différence concerne les attributions de l’échec à l’étudiant (dl = 333 = -1,08 ;
p < 0,05). Ce sont les enseignants non permanents qui attribuent de façon signi-
ficative l’échec à l’étudiant. Rappelons ici l’hypothèse qui énonçait que les professeurs
non permanents responsabilisent plus les étudiants de l’échec comparativement
aux professeurs permanents, hypothèse qui se trouve confirmée.

Tableau 7
Analyse de la variance et test de comparaisons multiples pour les différents
types d’explications selon le statut professionnel

Variables dépendantes t dl p Permanent Non permanent


M ET M ET
Étudiant -1,08 333 0,0279* 4,0938 0,368 4,1445 0,395
Enseignant 0,82 333 0,414 3,7559 0,564 3,6979 0,583
École 0,21 333 0,836 3,2138 0,492 3,2014 0,444
Société -0,96 333 0,336 3,1783 0,543 3,2420 0,489

Légende – * : p < 0,05.

– Les explications de l’échec selon le perfectionnement

Le tableau 8 montre une différence significative entre les enseignants qui ont
suivi un perfectionnement et ceux qui ne l’ont pas suivi, et ce, en ce qui concerne
l’explication de l’échec par des facteurs liés à l’étudiant (dl = 325 = 4,01; p < 0,001),
à l’enseignant (dl = 211,80 = 2,10; p < 0,05) et à l’école (dl = 325 = 2,36; p < 0,05).
Somme toute, une différence significative est observée entre ceux qui ont suivi
un perfectionnement et ceux qui ne l’ont pas suivi. Ce sont les enseignants qui
ont suivi un perfectionnement qui attribuent, en proportion plus importante,
l’échec aux étudiants, aux enseignants et à l’école, comparativement à ceux qui
n’en ont pas suivi. Ces résultats viennent confirmer, en partie seulement, le pos-
tulat de l’hypothèse selon laquelle l’enseignant qui aurait suivi un perfectionnement
se sentirait plus responsable de l’échec scolaire. Certes, l’enseignant qui a suivi
un perfectionnement se sent, d’une part, plus responsable de l’échec que celui
qui n’en a pas suivi ; mais, d’autre part, il considère l’étudiant comme étant le
premier responsable de son échec et l’école comme responsable aussi, mais dans
une moindre mesure.
07-RSÉ28-3 Bouchamma 3/05/04 14:05 Page 665

Relation entre les explications de l’échec scolaire… 665

Tableau 8
Analyse de la variance et test de comparaisons multiples pour les différents
types d’explications selon le perfectionnement
Variables dépendantes t dl p Oui Non
M ET M ET
Étudiant 4,01 325 0,000 *** 4,1687 0,349 3,9971 0,406
Enseignant 2,10 211,80 0,030* 3,7934 0,541 3,6495 0,618
École 2,36 325 0,019* 3,2611 0,471 3,1308 0,489
Société 0,37 325 0,713 3,2055 0,542 3,1829 0,511
Légende – *** : p < 0,001 ; * : p < 0,05.

– Les explications de l’échec selon la scolarité

Les résultats révèlent une seule différence significative entre les enseignants
moins scolarisés et les plus scolarisés pour les attributions de l’échec à des facteurs
concernant l’enseignant (dl = 333 = -1,653 ; p < 0,05). Ce sont les enseignants
les moins scolarisés qui attribuent de façon significative l’échec à l’enseignant.
Ce résultat ne va pas dans le sens de l’hypothèse selon laquelle les professeurs les
plus scolarisés se responsabilisent plus de l’échec.

Tableau 9
Analyse de la variance et test de comparaisons multiples pour les différents
types d’explications selon la scolarité
Variables dépendantes t dl p Moins scolarisés Plus scolarisés
M ET M ET
Étudiant -0,541 333 0,282 4,1010 0,3538 4,1238 0,3894
Enseignant 1,653 333 0,024* 3,7828 0,5028 3,6764 0,6202
École 1,883 333 0,067 3,2582 0,4411 3,1560 0,5106
Société -1,345 333 0,207 3,1580 0,5012 3,2392 0,5606
Légende – * : p < 0,05.

Explications de l’échec selon une variable sociocognitive: le sentiment d’efficacité


professionnelle
Les résultats obtenus pour l’attribution de l’échec à l’enseignant (dl = 329 =
-2,876 ; p < 0,05) révèlent que ceux qui ont un fort sentiment d’efficacité pro-
07-RSÉ28-3 Bouchamma 3/05/04 14:05 Page 666

666 Revue des sciences de l’éducation

fessionnelle attribuent davantage et de façon significative l’échec à des facteurs


liés à eux-mêmes. Ces résultats confirment l’hypothèse selon laquelle les ensei-
gnants qui ont un fort sentiment d’efficacité professionnelle se responsabilisent
davantage de l’échec scolaire, comparativement à ceux dont le sentiment d’effi-
cacité est faible.

Tableau 10
Analyse de la variance et test de comparaisons multiples pour les différents
types d’explications de l’échec selon le sentiment d’efficacité professionnelle

Variables dépendantes t dl p Faible Fort


M ET M ET
Étudiant -0,537 329 0,592 4,0945 0,3693 4,1166 0,3803
Enseignant -2,876 329 0,004** 3,6492 0,6060 3,8280 0,5207
École 1,258 329 0,209 3,1777 0,4743 3,2437 0,4794
Société 0,295 329 0,768 3,2089 0,5320 3,191 0,5203

Légende – ** : p < 0,01.

En somme, nous avons pu constater, chez les enseignants du collégial, des


différences significatives dans l’attribution de l’échec à l’étudiant : les femmes, les
professeurs non permanents, ceux qui ont suivi un perfectionnement, compara-
tivement aux hommes, aux permanents et à ceux qui n’ont pas suivi de perfec-
tionnement de l’autre côté. Des différences significatives sont également observées
dans l’attribution de l’échec à l’enseignant : les moins diplômés et ceux qui ont
un fort sentiment d’efficacité professionnelle attribuent davantage l’échec à l’ensei-
gnant, comparativement aux plus diplômés et à ceux qui ont un faible sentiment
d’efficacité professionnelle. Enfin, une différence significative a été observée dans
l’attribution de l’échec à l’école; ceux qui ont suivi un perfectionnement attribuent
davantage et de façon significative l’échec à l’école, comparativement à ceux qui
n’en ont pas suivi.

Discussion
L’étudiant est le premier responsable de l’échec

Comparativement aux autres facteurs, les enseignants attribuent l’échec en


premier lieu à des facteurs liés à l’étudiant. Ce constat, qui confirme l’hypothèse
selon laquelle les enseignants perçoivent les étudiants comme étant les premiers
responsables de leur échec, rejoint plusieurs recherches (Parent, Duquette et Carrier,
07-RSÉ28-3 Bouchamma 3/05/04 14:05 Page 667

Relation entre les explications de l’échec scolaire… 667

1993 ; Schubauer-Leoni et Perret-Clermont, 1988 ; Léger, 1983 et Bourgeois,


1983). Cette façon d’expliquer l’échec semble être influencée par l’« erreur fon-
damentale », biais désignant la tendance à surestimer l’explication des événements
par des causes internes (facteurs liés à la personnalité) et à sous-estimer les causes
externes (la situation, les circonstances) (Hewstone, 1989 ; Ross, 1977).

Les femmes et les enseignants non permanents responsabilisent plus l’étudiant

Les résultats ont montré que les femmes attribuent plus l’échec à l’étudiant
que les hommes. Ces résultats rejoignent ceux de Potvin et Papillon (1992) et
de Léger (1983), selon lesquels les hommes se sentent plus responsables que les
femmes de l’échec. Mais ils ne correspondent pas à ceux de Scherer et al. (1993)
et de Guskey (1981), qui ont observé chez les enseignantes une plus grande volonté
de partager avec les étudiants leurs responsabilités à l’égard de l’échec. Toutefois,
il convient de mentionner que ces résultats relèvent de relations initiales qui pour-
raient être nuancées par des variables de contrôle, comme le statut (permanent/non
permanent).

Pour ce qui est de l’aspect qui a trait aux conséquences susceptibles d’être
engendrées par les attributions externes, nous avons évoqué certaines recherches
selon lesquelles les enseignants qui pensent pouvoir motiver les étudiants à réus-
sir sont plus portés à s’attribuer les causes de l’échec scolaire, sont moins enclins
au stress que ne le sont les enseignants qui croient que ni eux ni les autres enseignants
ne peuvent influencer les performances des étudiants (Groenewold, 1990). Ou
encore, que les enseignants à contrôle interne manifestent, entre autres, plus de
résistance au stress et plus de responsabilité que ceux dont le contrôle est externe
(Soh, 1988).

Le Conseil supérieur de l’éducation (1991) entrevoyait des conséquences


néfastes (épuisement professionnel, désengagement, baisse de motivation, etc.)
pouvant découler du sentiment du manque de contrôle scolaire que peuvent avoir
les enseignants par rapport aux taux d’échec élevés. Sur cette même question, le
Conseil des collèges (1992) soulignait le manque de moyens chez les enseignants
pour aider les étudiants, ce qui n’est pas sans conséquences sur leur optimisme
de contribuer significativement à une meilleure réussite scolaire (Ibid., p. 48).

Le collégial est un contexte où la précarité de l’emploi devient de plus en


plus importante. À titre d’exemple, dans les trois collèges où s’est déroulée notre
enquête, la précarité atteignait en moyenne 48,53 %. C’est dire que, dans un con-
texte où nous constatons que la moitié du corps enseignant se trouve exclue des
privilèges de la sécurité de l’emploi et de la reconnaissance du statut officiel, nous
07-RSÉ28-3 Bouchamma 3/05/04 14:05 Page 668

668 Revue des sciences de l’éducation

nous interrogeons sur le degré d’engagement de ces enseignants dans la réussite


scolaire. Ce sont là les mêmes questions que posaient Tardif et Lessard (1999) à
propos des conséquences susceptibles d’être engendrées par la précarité dans la pro-
fession enseignante, problème susceptible de compromettre l’unité de ses membres
et d’altérer le travail enseignant. Les auteurs soulignent cette situation paradoxale
où, d’une part, on défend l’idéal de la profession et, d’autre part, on fait exclure
la moitié du corps enseignant des privilèges de la sécurité de la profession. En
effet, ce n’est pas en maintenant la moitié du personnel enseignant dans la pré-
carité que la motivation de l’étudiant va être rehaussée, d’autant plus qu’il s’agit
d’un contexte où la motivation semble être, selon plusieurs points de vue, le talon
d’Achille (Terrill, 1988; Conseil des collèges, 1988; 1992; Corriveau, 1991; Terrill
et Ducharme, 1994 ; Barbeau, Montini et Roy, 1997).

Le perfectionnement et la qualification ne garantissent pas un sentiment


de responsabilité plus important

Les enseignants qui ont suivi un perfectionnement, comparativement à ceux


qui n’en ont pas suivi, attribuent l’échec en proportion plus importante à l’étu-
diant. C’est là un fait qui va à l’encontre de la logique voulant que celui qui aurait
suivi un perfectionnement fasse les attributions qui impliquent sa responsabi-
lité. Cependant, il convient de se demander si les types d’attributions changent
selon les différents types de formations suivies, ou encore selon leur contenu ou
leur durée. Certes, la question reste à approfondir, mais elle dépasse le cadre de
cette étude.

Les enseignants qui ont suivi un perfectionnement attribuent davantage,


et de façon significative, l’échec à des facteurs associés à l’école, alors que les moins
scolarisés responsabilisent davantage l’enseignant. Ces résultats ne s’inscrivent pas
dans la logique qui verrait dans la formation professionnelle un moyen qui ren-
forcerait davantage l’identification professionnelle. Sur une question analogue
concernant l’identification professionnelle, mais du point de vue de la qualifica-
tion, Beckers (1995) observait chez les enseignants les plus qualifiés une plus grande
identification professionnelle que chez les moins qualifiés.

De ce point de vue, nous pouvons remarquer le manque de consensus dans


les études effectuées à ce sujet quant à l’effet du degré de certification sur le sen-
timent d’efficacité des enseignants. Les unes montrent que les enseignants les plus
scolarisés ont un sentiment d’efficacité plus grand que les moins scolarisés (Watters
et Ginns, 1995, dans Ross, 1998), alors que d’autres trouvent que les enseignants
qui ont des qualifications minimales possèdent un plus fort sentiment d’efficacité.
À cet égard, Ross, Cousin et Gadalla (1996) expliquent le fait que les enseignants
07-RSÉ28-3 Bouchamma 3/05/04 14:05 Page 669

Relation entre les explications de l’échec scolaire… 669

les plus scolarisés se sentent moins efficaces que ceux qui le sont moins. Les auteurs
en arrivent à cette conclusion en raison du principe selon lequel une formation
plus poussée amène les enseignants à relativiser l’efficacité de leurs méthodes d’ensei-
gnement et à mieux saisir que ce qui réussit aujourd’hui n’est pas garant du succès
du lendemain.

Conclusion
En résumé, nous avons pu identifier que l’enseignant du collégial attribue
l’échec, dans l’ordre suivant, à des facteurs liés à l’étudiant, à l’enseignant, à l’école
et à la société. Parmi les variables considérées dans les relations avec chaque type
d’attribution, nous avons pu constater que les femmes, les enseignants non per-
manents et ceux qui ont suivi un perfectionnement attribuent l’échec de façon
significative à l’étudiant ; que les enseignants qui ont suivi un perfectionnement,
les moins scolarisés et ceux qui ont un fort sentiment d’efficacité professionnelle
se sentent plus responsables de l’échec scolaire ; et que les enseignants qui ont
suivi un perfectionnement attribuent plus l’échec à des facteurs associés à l’école.
Ces résultats restent cependant à nuancer avec des variables de contrôle ; ici, seules
les relations initiales ont été analysées. Il convient aussi de mentionner que l’échec
et la réussite sont expliqués différemment selon qu’il s’agit de l’échec de ses pro-
pres étudiants ou des étudiants en général. Dans cet article, c’est le point de vue
de l’enseignant sur l’échec en général dont il a été question.

Il convient aussi de préciser que l’aspect dynamique de ces attributions fait


en sorte qu’elles ne se font pas hic et nunc, abstraction faite d’autres acteurs. Il
s’agit en fait d’une construction qui se fait, entre autres, à partir des attributions
des autres et, particulièrement, des attributions de leurs propres étudiants qui,
eux-mêmes, restent influencés par celles de leurs parents. Ainsi, plusieurs pistes
de recherches ultérieures pourraient s’articuler autour des trois axes que nous avons
proposés dans le schéma théorique. Ces études pourraient s’articuler autour des
biais qui peuvent influencer le type d’attributions de l’enseignant à propos de
l’échec et de la réussite, des différents prédicteurs de ces explications (caractéris-
tiques de l’enseignant, de l’étudiant et du contexte) et des conséquences ou effets
produits qui feraient état des émotions générales susceptibles d’influencer le com-
portement de l’enseignant, entre autres, en termes de motivation, d’effort et d’aide
à apporter à l’étudiant.

NOTES
1 Le cégep, ou l’enseignement collégial, correspond aux deux années de formation préuniver-
sitaire ou de formation collégiale.
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Abstract – The aim of this study is to examine teachers’ explanations of school failure
and to examine the relation between these explanations and certain socio-demographic,
socio-professional, and socio-cognitive characteristics. Teachers from three junior col-
leges in the Quebec City region (n = 336) responded to a questionnaire. Results show
the presence of four types of explanations of school failure (student, teacher, school, and
society) that vary according to sex, professional status (permanent/non-permanent), in-
service training, diploma held, and feelings of professional competence of the teachers
who participated.

Resumen – Este estudio examinó las explicaciones que formulan los profesores respecto
del fracaso escolar y verificó las relaciones entre estas explicaciones y algunas caractérís-
ticas sociodemográficas, socioprofesionales y sociocognitivas. Los profesores de tres Colegios
pos-secundarios de la región metropolitana del Québec (n = 336) respondieron a un cues-
tionario. Los resultados muestran que los cuatro tipos de explicación del fracaso escolar
(alumno, docente, escuela y sociedad) varian según el sexo, el status profesional (permanente/
no permanente), el perfeccionamiento, el diploma y el sentiminteo de eficacia profesional
del profesor.

Zusammenfassung – In dieser Studie werden die Erklärungen untersucht, mit denen


Lehrer schulische Misserfolge kommentieren ; außerdem wird die Beziehung zwischen
diesen Erklärungen und soziodemografischen, sozioprofessionellen und soziokognitiven
Kriterien erörtert. Lehrer von drei Colleges in der Umgebung von Québec-Stadt (n = 336)
haben an einer Fragebogenaktion teilgenommen. Aus den Ergebnissen geht hervor, dass
die vier Hauptgründe, mit denen ein Misserfolg erklärt wird (Schüler, Lehrer, Schule,
Gesellschaft) geschlechtsspezifisch variieren und darüber hinaus vom beruflichen Status
(fest angestellt oder nicht), von der Lehrerfortbildung, vom Diplom sowie von der persön-
lichen Effizienzeinschätzung des Lehrers abhängig sind.

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