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De la propriété en Algérie :

loi du 16 juin 1851, Sénatus-


consulte du 22 avril 1863 (2e
édition revue, corrigée et
mise [...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Dareste de La Chavanne, Rodolphe (1824-1911). Auteur du texte.
De la propriété en Algérie : loi du 16 juin 1851, Sénatus-consulte
du 22 avril 1863 (2e édition revue, corrigée et mise au courant de
la législation actuelle) / par Rodolphe Dareste,.... 1864.

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DE

LA PROPRIÉTÉ
EN ALGÉRIE
BIBLIOTHÈQUE ALGÉRIENNE ET COLONIALE.

DE

LA PROPRIÉTÉ

DKUXIKMK ÉDITION

Revue, corrigée et mise au courant de la législation actuelle

PAR

RODOLPHE DARESTE
Âvocal au Conseil d'ICtat d à la Cour de Cassation.

PARIS
CHALLAMEL AINE A. DURAND
Libraire-Éditeur Libraire-Éditeur
30. RUE DES BOULANGERS 5, RUE DES GRÈS

ET CHEZ TOUS LES LIBRATRES DE L'ALGÉRIE


18(54
1863
AVERTISSEMENT
DE LA DEUXIÈME ÉDITION.

La première édition de ce Commentaire a paru


au mois de mars 1852. Depuis cette époque, la
législation et la jurisprudence ont fait leur œu-
vre. Le décret de 1854 sur les partages de biens
indivis avec le domaine, celui de 1860 sur l'a-
liénation des terres domaniales, le sénatus-
consulte et le décret de 1863 sur la constitution
de la propriété individuelle dans les territoires
occupés par les tribus, bien d'autres encore
qu'on retrouvera indiqués et analysés dans no-
tre livre, ont modifié la loi du 16 juin 1851,
pendant que le conseil d'État, la cour de cas-
sation et la cour impériale d'Alger en ont fixé
l'interprétation. On s'est fait un devoir de réu-
nir tous ces textes , de recueillir toutes ces dé-
cisions , et c'est un travail à peu près nouveau
qu'on offre aujourd'hui au public.
Ce travail comprend toutes les dispositions
qui régissent actuellement la propriété en Al-
gérie; d'abord la loi du 16juin 1851, qui a pro-
clamé les grands principes, puis les ordon-
nances antérieures que la loi a maintenues et
les décrets qui l'ont complétée ou modifiée. Dans
la première édition ces textes se trouvaient in-
tercalés dans le commentaire de la loi. Il a paru
préférable de les reléguer dans un appendice.
Enfin , il a paru nécessaire de réunir dans un
avant-propos quelques notions sur la législation
algérienne en général, sur l'état des personnes
en Algérie et sur l'ordre des juridictions.
Quant au Commentaire, il a été puisé en
grande partie aux sources officielles, c'est-à-dire
aux procès-verbaux des commissions de 1833 et
de 1842, à ceux du comité consultatif de l'Al-
gérie, aux avis du conseil d'État, aux rapports
et exposés de motifs. Grâce aux libérales com-
munications de l'administration de la guerre ,
qui, en 1863 comme en 1852, nous ont été d'un
grand secours; grâce aussi peut-être à quelque
expérience des affaires algériennes, nous croyons
pouvoir espérer que le bienveillant accueil fait
à la première édition de ce travail ne fera pas
défaut à la seconde.
AVANT-PROPOS.

Avant de faire connaître le droit qui régit la pro-


priété en Algérie, il est indispensable de rappeler
de quels éléments se compose la législation algé-
rienne, à quelles personnes elle s'applique, et quels
sont les juges chargés de faire cette application.

I. Depuis le 5juillet 1830, l'Algérie est une terre


française. Les Français qui sont venus s'y établir y
ont apporté leur religion et leurs lois, mais ils ont
respecté la religion et les lois des indigènes. Aux
termes de la capitulation d'Alger, « l'exercice de la
religion mahométane restera libre. La liberté des
habitants de toutes les classes, leur religion, leurs
propriétés, leur commerce et leur industrie ne re-
cevront aucune atteinte. Leurs femmes seront res-
pectées. » Ces dispositions ont toujours été considé-
rées comme s'appliquant virtuellement à l'Algérie
tout entière et aux israélites comme aux musul-
mans.
Ainsi, dès les premiers jours de la conquête, trois
lois différentes ont régné simultanément en Algé-
rie : la loi française, la loi musulmane, la loi israé-
lite. A ces trois sources du droit algérien, il faut
ajouter les lois particulières faites par le gouverne-
ment français pour ses sujets indigènes comme pour
les colons européens.
La loi française n'a pas eu besoin d'une pro-
mulgation spéciale pour devenir applicable en Al-
gérie. Elle y a suivi l'armée et la population
française, elle s'y est établie avec elles, par droit de
conquête. « C'est un principe général, porte un ré-
cent arrêt de la cour de cassation, que le droit mé-
tropolitain devient applicable au pays conquis, dans
la mesure où les circonstances locales en permet-
tent l'application , sans qu'il soit besoin de promul-
gation , notamment lorsqu'une des institutions de
la mère patrie y est introduite, soit au point de vue
d'un intérêt politique ou administratif, soit à celui
de la protection de la personne ou des intérêts de
nos nationaux, et une promulgation ne devient né-
cessaire en pareil cas que lorsque le gouvernement
sntend restreindre le droit général ou y apporter
des modifications (1). »
Le Coran est la source de la loi musulmane. Ce
livre a été interprété et développé par la sonna, ou
tradition, et enfin par les travaux des quatre imans,
Hanifa, Malek, Chaféi et Hanbal, qui vivaient au
huitième ou au neuvième siècle de notre ère, et qui
sont devenus les chefs des quatre sectes musulma-
nes orthodoxes. En dehors de ces quatre sectes il
n'y a que des hérétiques, ou chiites.
A l'exception d'un petit nombre de hanéfites,
descendants des Turcs, la population indigène de
l'Algérie appartient tout entière au rite malékite,
dont la jurisprudence a été fixée par Sidi Khalil,
uléma égyptien, mort en l'an 1422 de notre ère.
Le précis ou code (moukhtaçar) de Sidi Khalil sert
de texte aux tribunaux algériens pour l'application
de la loi musulmane. Le gouvernement l'a fait tra-
duire en langue française, et une édition officielle
du texte arabe, publiée à Paris, a été distribuée à
tous les juges musulmans.

( t) rejet, 4 février 1863, Aberjoux (Sirey, 63, 1, 201).


Req.
D'après cet arrêt, la loi du 25 ventôse an IX, sur le notariat, dé-
clarée exécutoire en Algérie, par arrêté du 30 décembre 1842,
doit cependant être considérée comme ayant été réellement exé-
cutoire depuis l'institution du notariat sur le sol algérien. Les
formes de la promulgation en Algérie sont aujourd'hui régies
par un décret du 27 octobre 1858.
Le droit musulman a déjà fait l'objet de travaux
remarquables, mais il n'a pas encore été exposé
comme il devrait l'être. Depuis quelques années les
codes qui régissent les musulmans chaféites des
Indes anglaises et néerlandaises, et les chiites de la
Russie transcaucasienne ont été publiés et com-
mentés. Rien n'est plus frappant que l'identité de
tous ces livres. Du détroit de Malakka au détroit de
Gibraltar, toute la terre d'Islam obéit à la même loi,
uniforme et immobile (1). En étudiant cette loi de
plus près qu'on ne l'a fait jusqu'à ce jour, on y dé-
couvrira plus d'analogie qu'on ne pense avec les
nôtres, et on saura mieux s'y prendre pour amener
la fusion.
C'est dans les livres de Moïse et dans le Tal-

(1) V. notamment, pour l'Inde néerlandaise, le Précis deju-


risprudence musulmane selon le rite chaféite par A bou-Chodja,
traduit en français par Keijzer, Leyde, 1859 ; pour les provinces
russes du Caucase, le Droit musulman exposé d'après les sources
par M. de Tornauw, conseiller d'État à Pétersbourg, ouvrage
traduit en français par M. Eschbach, Paris, 1860. V. aussi le
Droit musulman par M. Gillotte, défenseur à Constantine (1860),
et l'essai sur l'Histoire du droit musulman pendant les deux
premiers siècles de l'islamisme, par M. Eugène Robe, Bône, 1853.
La traduction française de Khalil, par M. Perron, laisse mal-
heureusement à désirer, pour l'exactitude de la langue juridique.
Elle a en outre l'inconvénient d'intercaler dans le texte un com-
mentaire interminable qui, souvent, l'obscurcit au lieu de
l'éclairer.
mud qu'il faut aller chercher les textes de la loi
israélite.
Quant à la législation spécialement faite par le
gouvernement français pour la colonie algérienne,
elle se compose d'actes insérés au Bulletin officiel
des actes du gouvernement en Algérie, ou aux re-
cueils qui font suite à ce Bulletin (1).
Ces actes sont des lois, des sénatus-consultes,
des décrets ou ordonnances, des arrêtés du ministre,
ou du gouverneur général, ou de l'intendant civil
institué dans les premières années de la conquête.
La légalité de ces divers actes doit être appréciée
d'après le régime auquel l'Algérie était soumise
lorsqu'ils ont été promulgués.
D'après la Charte de 1830 (art. 64) et la Consti-
tution de 1848 (art. 109), l'Algérie devait être régie
par des lois particulières, mais ces dispositions
n'enlevaient pas au gouvernement le droit de pour-
voir , par de simples ordonnances ou décrets , aux
besoins de la colonie (2). Aux termes de la consti-
tution du 14 janvier 1852 (art. 27), le Sénat règle
par un sénatus-consulte la Constitution des colonies
et de l'Algérie. Un sénatus-consulte du 3 mai 1854

(t) Voy. Ménerville, Dictionnaire de législation algérienne,


2. édition, 1860.
(2) Crim. rejet, 19 avril 1851, Bulletin criminel, 1851, p. 236.
a posé en conséquence les bases de l'organisation
coloniale. Quant à l'Algérie, le sénatus-consulte
qui doit la régir est encore à l'étude. En attendant,
des difficultés nombreuses se sont élevées. Ainsi, la
loi du 16 juin 1851, sur la propriété en Algérie,
a-t-elle pu être, en quelques-unes de ses disposi-
tions, abrogée par de simples décrets? La question
s'est présentée devant la cour de cassation, qui a
évité de la trancher (1). Il est permis d'espérer que la
prochaine publication du sénatus-consulte viendra
mettre un terme à ces discussions et réglera défini-
tivement la compétence des diverses autorités lé-
gislatives.

II. Telles sont les diverses sources du droit ap-


plicable en Algérie. Voyons maintenant quelles
sont les personnes auxquelles il s'applique.
La population européenne en Algérie atteignait,
au 31 décembre 1861, le chiffre de 205,888 indi-
vidus. Sur ce nombre les trois cinquièmes environ
sont Français. Nous venons de montrer que la loi
,
française les a suivis en Algérie eux ou leurs pè-
res : en ce qui les concerne il n'y a pas de difficul-
tés. Mais on n'en saurait dire autant des étrangers.

(1) Civ. Cass., 3 décembre 1862, Deltnonte, Dalloz, 1863, 1, 40.


Ceux-ci, Espagnols ou Italiens pour la plupart,
restent soumis à leur loi d'origine quant à leur
état et à leur capacité, et ils ne jouissent des droits
civils que par exception. En Algérie, il est vrai,
la mesure de ces droits est plus large qu'en France;
ainsi, lorsqu'un étranger européen plaide contre un
musulman, la compétence appartient au tribunal
français (1). L'établissement ou même la résidence
habituelle en Algérie le dispensent de fournir la
caution judicatum solvi, et lui donnent le droit
de l'exiger (2). Il peut être admis au bénéfice de
cession de biens (3). Il peut profiter de la loi du
10 décembre 1850 sur le mariage des indigents (4).
Enfin, les étrangers ayant au moins deux années
de résidence en Algérie, dont une dans la circons-
cription communale, peuvent être appelés à faire
partie du conseil municipal (5) et même du conseil
général (6). Ils sont admis dans la milice, sous la
seule condition de la résidence (7).
Mais ces exceptions ne détruisent pas la règle

(1) Ordonnance du 26 septembre 1842, art. 37.


(2) Ordonnance du 16 avril 1843, art. 19.
(3) Même ordonnance, art. 21.
(4) Décret du 19 mars 1852, art. 8.
(5) Du 26 avril et 1" mai 1854.
(6) Décret du 27 octobre 1858, art. 17.
(7) Décret du 12 juin 1852, art. 8.
posée par l'article 11 du Code Napoléon ,
et, par
exemple, la cour de cassation a récemment jugé
que la femme étrangère n'a pas d'hypothèque légale
sur les biens de son mari étranger situés en Algé-
rie (i). Pourjouir de tous les droits civils, l'étran-
ger doit être autorisé par le gouvernement à établir
son domicile en Algérie, conformément à l'article 13
du Code Napoléon. Cette formalité est longue et dis-
pendieuse. Si l'on veut attirer des colons étrangers
en Algérie, ne serait-il pas à propos de leur pro-
mettre la jouissance des droits civils,et même de plus
grandes facilités pour obtenir la naturalisation ?
Soumis à la protection française qui les suit en
pays étranger, les indigènes, israélites ou musul-
mans, ne sont pas Français, mais ils sont sujets
français. Cela est sans difficulté en ce qui concerne
les musulmans, dont le nombre est évalué à trois
millions.
La loi musulmane règle leur état et leur capacité.
Elle s'applique même à leurs immeubles. Mais le
musulman peut contracter d'après la loi française,
et il devient alors justiciable des tribunaux fran-
çais. Dans les conventions et contestations entre
Européens et indigènes, les tribunaux doivent ap-
pliquer la loi française ou la loi musulmane, sui-

(t) Civ. Cass., 20 mai 1862, Seligmann, Sirey, 62, 1, 673.


vant la nature de l'objet du litige, la teneur de
,
la convention et, à défaut de convention selon ,
les circonstances ou l'intention présumée des par-
ties (1). Enfin, d'après la loi du 16 juin 1851, les
transmissions de biens, de musulman à musulman,
continuent à être régies par la loi musulmane ;
mais entre toutes autres personnes elles sont régies
par le Code civil.
IL faut ajouter que la législation algérienne a déjà
porté plus d'une atteinte au droit musulman, même
entre musulmans. Il suffit de rappeler ici les dispo-
sitions relatives au habous, au droit de cheffa, et
enfin les mesures récentes relatives au partage des
terres dans les tribus.
Il est plus difficile de déterminer avec certitude
l'état légal des israélites indigènes. La jurispru-
dence n'est pas encore fixée à leur égard. L'arrêté
du 22 octobre 1830 leur laissait leurs lois et leurs
juges particuliers; mais les tribunaux rabbiniques
ont été supprimés par les ordonnances du 10 août
1834 et du 28 février 1841. La justice française
est donc seule compétente pour juger les israélites ;
seulement, lorsqu'il s'agit de contestations relatives

(1) Arrêté du 22 octobre 1830, art. 6; ordonnance du 10 août


1834, art. 31; ordonnance du 28 février 1841, art. 37; ordon-
nancedu 26 septembre 1842, art. 37 ; décret du 1er octobre 1854,
art. 1, 2, 28, 29 ; décret du 31 décembre 1859, art. 1 et 2.
aux mariages et répudiations, elle doit prendre l'a-
vis des rabbins (1), et les indigènes israélites entre
eux sont présumés avoir contracté selon leurs lois,
à moins qu'il n'y ait convention contraire (2). En-
fin, d'après la loi du 16 juin 1851, article 16, tou-
tes transmissions d'immeubles, à l'exception de
celles qui ont lieu entre musulmans, sont régies
par la loi française, et il résulte de l'article 4 que
la déshérence s'établit pour les successions israé-
lites d'après l'article 768 du Code Napoléon.
Ainsi, pour ce qui concerne l'état et la capacité
des personnes et les successions mobilières les is- ,
raélites indigènes restent soumis en général à la
loi mosaïque ; mais leurs droits immobiliers sont
soumis aux lois françaises (3). Quant à leurs con-
ventions, elles sont soumises à l'une ou à l'autre loi,
suivant les circonstances.
En fait, les israélites indigènes n'hésitent pas à
se soumettre au droit français. Un récent arrêt de
la cour de cassation a décidé que le mariage con-
tracté par des israélites devant l'officier de l'état ci-

(1) Ordonnance du 26 septembre 1842, art. 49.


(2) Même ordonnance, art. 37.
(3) Telle est la jurisprudence de la cour impériale d'Alger.
V. les nombreux arrêts rapportés dans le Recueil des arrêts de
cette cour, publié depuis 1859, par M. Eugène Robe. La juris-
prudence antérieure a été publiée par M. de Ménerville, en 1856.
vil français emporte soumission au droit français,
et par suite ne saurait être dissous pour cause d'im-
puissance (1). Mais la cour suprême n'a pas encore
dit quel est le régime des biens entre époux, ni si
la femme israélite a une hypothèque légale sur les
biens de son mari.
Quoi qu'il en soit, l'assimilation des israélites aux
Français est plus qu'à moitié faite. Ne serait-il pas
à propos de faire encore un pas dans cette voie, et
de ne plus laisser au droit mosaïque que l'état et la
capacité des personnes, et la constitution de la fa-
mille , si même on ne veut aller plus loin, et abro-
ger du même coup la loi mosaïque tout entière,
car il en faudra venir là tôt ou tard ?

III. Un mot enfin sur l'ordre des juridictions.


Sans faire ici l'histoire de l'organisation judiciaire
en Algérie, nous devons en esquisser les principaux
traits.
L'arrêté du 22 octobre 1830 avait créé des tribu-
naux français, musulmans et israélites. On vient de
voir que les tribunaux israélites ont été supprimés
par les ordonnances de 1834 et de 1841.

(i).Civ. Cass., 15 avril 1862. Courshya, Sirey, 62, 1, à77.


Depuis l'ordonnance du 26 septembre 1842, mo-
difiée en partie par divers décrets, la justice civile
française est organisée en Algérie comme en France,
sauf quelques différences peu importantes, notam-
ment en ce qui concerne la compétence des juges
de paix; quant au ressort des tribunaux de pre-
mière instance, il a été longtemps borné au terri-
toire civil. Dans les territoires militaires, la juridic-
tion comme l'administration appartenait à l'autorité
militaire, mais aujourd'hui les commandants de
place ne remplissent plus que les fonctions de juges
de paix dans les localités où il n'existe pas d'auto-
rité civile. Toutes les affaires qui excèdent la com-
pétence des commandants de place, et spécialement
toutes actions immobilières, sont portées devant le
tribunal civil le plus voisin (1).
La justice administrative a été d'abord exercée en
Algérie par un conseil d'administration, qui a pris,
,
en 1845 le nom de conseil du contentieux (2).
L'ordonnance du 1er septembre 1847 (3) institua un
conseil de direction dans chacune des trois provin-
ces, à Alger, Oran et Constantine. Enfin, l'arrêté du
9 décembre 1848 a transformé ces conseils de di-

(1) Décret du 22 mars 1852.


(2) Ordotinance du 15 avril 1,3'15, art. 67-89.
(3) Ordonnance du 1er septembre 1847, art. 4-6.
rection en conseils de préfecture investis des mê-
mes attributions qu'en France (1). Mais le ressort
des conseils de préfecture ne s'étend, en principe
du moins, qu'aux territoires civils. Hors de ces ter-
ritoires et à moins d'exception formelle, le conten-
tieux administratif appartient exclusivement au
ministre de la guerre (2).
La justice musulmane est instituée pour rendre la
justice entre musulmans. Elle est rendue par les
cadis des deux rites (hanéfi et maléki). L'ordon-
nance du 26 septembre 1842 autorisait l'appel de-
vant les tribunaux français. Un décret du 1er octo-
bre 1854 voulut donner plus d'indépendance à la
justice musulmane en créant des tribunaux d'appel
musulmans, ou plutôt en conférant la qualité de
juge d'appel au medjelès, c'est-à-dire à l'assemblée
des deux cadis et des deux muftis. Mais cette inno-
vation assez peu heureuse a été supprimée par le
décret du 31 décembre 1859, qui subordonne abso-
lument la justice musulmane à la justice française,

(1) Arrêté du 9 décembre 1848, art. 13.


(2) Et les décisions rendues par le ministre de la guerre ne
peuvent, en principe, être déférées au conseil d'État par la voie
contentieuse, quand il s'agit des territoires militaires. Conseil
d'État, 5 juillet 1855, 24 juin 1858, et 1er mai 1862, Fabus ; 12
avril 1860, Lagleize.
en établissant l'appel de l'une à l'autre. Le temps
n'est sans doute pas loin où, par la seule force des
choses, les cadis descendront au rôle de simples
juges de paix.
Les juridictions civiles et administratives de l'Ai-
gérie sont subordonnées, d'après le droit commun,
à la cour de cassation et au conseil d'État. Le délai
du pourvoi en cassation est aujourd'hui de trois mois
à compter de la signification à partie ou domicile.
Le délai du pourvoi au conseil d'État est également
de trois mois à compter de la notification de la dé-
cision attaquée (1).
Mais, d'après l'article 37 du décret du 31 décem-
bre 1859, les jugements en dernier ressort des ca-
dis , et les jugements et arrêts rendus sur l'appel,
ne peuvent être attaqués devant aucune autre juri-
diction et ne sont pas susceptibles du recours en
cassation. Cette règle, introduite en ce qui touche
l'administration de la justice entre musulmans en
général, est absolue et n'admet aucune exception,
même pour excès de pouvoir. Ainsi la cour de cas-
sation n'a pas sa place dans le système d'organisa-

(I) du 11 juin 1859.— La loi du 3 mai 1862, qui a réduit


Loi
à deux mois le délai du pourvoi en cassation pour la France, a
laissé subsister le délai de trois mois pour l'Algérie.
tion de la justice civile entre musulmans, en Al-
gérie (1).

IV. Quant à l'organisation administrative, nous


n'avons pas à l'exposer ici. Il suffit de renvoyer aux
ordonnances des 15 avril 1845 et 1er septembre 1847,
aux décrets des 9 et 16 décembre 1848, 27 octobre
1858 et 10 décembre 1860.

(1) Civ. rejet, 3 mars 1862, Bourkaïb, Dalloz, 62, 1, 222.


DE LA

PROPRIÉTÉ EN ALGÉRIE
0

PREMIÈRE PARTIE.
*
C 0 »

LOI DU 16 JUIN 1851


SUR LA PROPRIÉTÉ EN ALGÉRIE.

Alger venait à peine d'ouvrir ses portes à l'ar-


mée française, qu'il fallait déjà faire des lois pour
la nouvelle colonie. Le seul contact de deux po-
pulations si différentes par la race , la religion et
le droit exigeait des mesures transitoires, des rè-
glements spéciaux. Il fallait pourvoir aux nécessi-
tés de la guerre par le séquestre, à la colonisation
par des concessions ; il fallait assurer au gouverne-
ment le droit d'expropriation, donner des garanties
aux propriétaires tant européens qu'indigènes,
* prévenir les conflits des deux lois, régler les trans-
missions dans l'intérêt des deux races ; enfin,
imposer au droit de propriété toutes les restrictions
nécessaires, soit au maintien de la domination fran-
çaise, soit aux progrès de la colonisation.
Tâche pénible assurément ! car la propriété arabe
était à la fois trop certaine pour qu'on put n'en
,
tenir aucun compte pas assez pour qu'il fut pru-
dent de ne pas régler les transactions. La France
ne pouvait ni ne devait songer à déposséder, à re-
fouler les indigènes. Le seul but qu'elle pût se
proposer était d'établir la population nouvelle à
côté, au milieu d'eux, et à préparer, par des insti-
tutions sagement combinées, le rapprochement,
sinon la fusion des deux races.
Pendant les premières années il ne put être pourvu
à ces nécessités que par des arrêtés pris d'urgence,
au jour le jour, sans vues d'ensemble. Ce fut seule-
ment en 1842 qu'une commission dans laquelle
figuraient entre autres M. Macarel, M. Dumon ,
M. Laplagne-Barris, M. Romiguières, s'occupa de
préparer une ordonnance sur la propriété en Algé-
rie. Cette ordonnance fut promulguée le 1er octobre
1844, et bientôt complétée par celles du 21 juillet
1845 sur les concessions, du 9 novembre 1845 sur
le domaine, du 31 décembre 1845 sur le séquestre.
En même temps l'ordonnance du 15 avril 1845 po-
sait les bases du régime politique et administratif
de la colonie.
En parcourant les procès-verbaux de la commis-
sion de 1842 on est frappé des hésitations du légis-
lateur. Il ne paraît pas bien convaincu du droit des
propriétaires indigènes, droit alors contesté au nom
de certaines théories abandonnées aujourd'hui. Il
cède trop facilement aux exigences de l'administra-
tion des domaines, et réglemente à l'excès l'exercice
du droit de propriété. D'ailleurs, l'ordonnance du
1. er octobre 1844, bientôt modifiée
par celle du
21 juillet 1846 sur la vérification des titres de pro-
priété rurale, ne s'appliquait qu'aux térritoires ci-
vils. On ne tarda pas à comprendre qu'il fallait faire
un pas de plus, donner à la propriété des garan-
ties plus fortes, et les étendre à la propriété indi-
gène comme à la propriété européenne, aux terri-
toires militaires comme aux territoires civils. C'est
ce qu'a fait la loi du 16 juin 1851.
S'il est permis de demander le sens d'une loi aux
travaux qui l'ont préparée, c'est surtout quand cette
loi porte le -caractère d'une transaction entre deux
systèmes. Se contenterait-on d'un simple remanie-
ment des ordonnances, ou assimilerait-on l'Algérie
à la métropole ? Entre ces deux opinions extrêmes ,la
loi du 16 juin 1851 a pris
un terme moyen, et l'ana-
lyse des travaux préparatoires va nous montrer ce
qui a été concédé de part et d'autre.
Le projet .du gouvernement, rédigé par le comité
consultatif de l'Algérie, porte la date du 13 mai 1850.
Il se compose de quarante-sept articles divisés en
six titres, lesquels ont pour rubriques : du do-
maine ; de la propriété et des droits de jouissance ;
des acquisitions; de l'expropriation et de l'occupa-
tion temporaire pour cause d'utilité publique ; de la
cessation des droits de jouissance; du séquestre.
Le projet commence par constituer avec une ex-
tension remarquable le domaine public et le do-
maine de l'État, et par reconnaître la propriété pri-
vée tant des Européens que des indigènes, ainsi que
les droits de propriété ou de jouissance qui appar-
tiennent aux tribus. Pour consolider les acqui-
sitions antérieures, le domaine renonce à une par-
tie de ses droits et se soumet à la juridiction
ordinaire.
Mais, tout en consacrant la propriété indigène, le
projet lui impose une condition rigoureuse, étran-
gère à la loi comme à la pratique musulmane il ;
exige que la propriété individuelle soit. prouvée par
titres ou par une possession continue de dix années ;
la propriété collective des tribus doit nécessaire-
ment être établie par titre ; faute de titre, les tribus
n'ont sur leurs terres qu'un droit de jouissance,
droit assimilé par le projet à un usufruit sur un
fonds dont la nue propriété est à l'Etat. Le projet
stipule, en outre, que les droits de jouissance des
tribus ou fractions de tribus ne pourront être alié-
nés sans l'autorisation du gouvernement, qu'ils se
perdront par la révolte ou l'abandon volontaire du
sol ; qu'enfin l'État pourra toujours les racheter par
voie de cantonnement, c'est-à-dire par la cession
d'un titre de propriété pleine et entière sur une
partie des terres occupées à titre de jouissance. En
revanche, quand les indigènes auront élevé des
constructions sur des terrains dont ils ont seule-
,
ment la jouissance ils auront droit à la propriété
pleine et entière de ces terrains sur une superficie
qui sera déterminée par l'administration.
Après avoir ainsi constitué la propriété, le projet
en règle la transmission. Entre musulmans, elle a
lieu suivant la loi musulmane, sauf l'abolition des
substitutions appelées habous, entre toutes autres
personnes suivant le Code civil.
Toutefois, pour les transmissions d'indigène à
Européen, on a cru devoir prescrire des règles par-
ticulières. D'abord ces transmissions ne sont géné-
ralement libres que dans les territoires civils ou dans
les zones ouvertes à la colonisation
par arrêtés mi-
nistériels ; des permissions spéciales et individuelles
du gouverneur général sont nécessaires pour acqué-
rir hors de ces limites. De plus, elles ne peuvent
avoir lieu que par actes notariés ou par jugements;
les uns et les autres doivent être transcrits et pu-
bliés. Mais, en même temps, toute action en reven-
dication appartenant, soit au domaine, soit à des
tiers sur les immeubles vendus, est prescrite par
deux ans, à partir de la transcription.
,
La propriété, soit européenne soit indigène, est
soumise, comme en France, à l'expropriation et
à l'occupation temporaire pour cause d'utilité pu-
blique.
L'expropriation a lieu par voie administrative.
L'utilité publique est déclarée, suivant les cas, par le
Président, le gouverneur général ou les préfets ;
l'expropriation est prononcée et l'indemnité réglée
en territoire civil par les conseils de préfecture, en
territoire militaire par les commissions administra-
tives, sauf recours au conseil colonial pour violation
des formes. Celles-ci doivent être déterminées par
un règlement du conseil d'État. Le projet ajoute
quelques règles sur la fixation des indemnités et
l'appréciation de la plus-value.
La prise de possession en cas d'urgence et l'oc-
cupation temporaire sont réglées comme en France.
Seulement la liquidation des indemnités est attri-
buée aux conseils administratifs.
Un motif, particulier d'expropriation, emprunté
aux ordonnances antérieures, est l'inculture. Aux
termes de l'article 30 du projet, le gouverneur gé-
néral a le droit de déterminer, dans les départe-
ments, les zones où la culture sera obligatoire, et la
superficie des terres à cultiver pour chaque pro-
priété. Les terres restées incultes, nonobstant les
arrêtés, doivent être vendues aux enchères publi-
ques , au profit du propriétaire et à la poursuite de
l'État.
De plus, en certains cas, la propriété indigène
est soumise au séquestre. Le projet rappelle les
principales dispositions de la législation en vigueur
sur cette matière, et renvoie le détail à un décret
particulier.
Telles sont les principales dispositions du projet
du gouvernement. Comme on peut le voir par cette
courte analyse, le caractère de ce projet est tout po-
litique ; il déroge également au droit français et au
droit musulman, et crée un droit mixte approprié
aux besoins de la colonie.
Le conseil d'État, chargé d'examiner le travail
de la commission consultative de l'Algérie, lui
conserva son caractère et se contenta d'en améliorer
la rédaction. Le 24 mars 1851, le projet adopté par
le conseil d'État fut présenté à l'Assemblée natio-
nale par le ministre de la guerre, M. le général
Randon.
Il ne comprend plus que quarante-deux articles,
divisés en cinq titres seulement. Il a paru inutile de
faire un titre à part de la cessation des droits de
jouissance.
Le conseil d'État a trouvé trop rigoureuses et
même rétroactives les conditions imposées par le
projet à la propriété indigène. Il se contente de
maintenir les droits acquis, renvoyant aux tribu-
naux toutes les contestations qui pourront s'élever
sur l'existence, la nature et l'étendue de ces droits.
Il réserve seulement la nécessité de l'autorisation
du gouvernement pour les aliénations de tribu à
tribu.
Le projet du gouvernement attribuait au domaine
de l'État les canaux, les lacs salés et les sources
,
ainsi que les mines et minières; le conseil d'État
fait entrer les canaux, les lacs salés et les sources'
dans le domaine public et renvoie à une loi spé-
ciale la question des mines et minières.
Le titre des acquisitions n'a reçu que deux modi-
fications importantes. Aux localités dans lesquelles
les transactions immobilières sont interdites, le con-
seil d'État ajoute les terres occupées par des tribus,
même en territoire civil. Il stipule, en outre, qu'en-
tre toutes parties privées , la propriété de tous im-
meubles acquis avec juste titre sera prescrite par
cinq ans, à partir de la transcription.
,
L'expropriation pour cause d'utilité publique,
reste réglée comme au projet primitif. Seulement,
la voie de l'appel au conseil du gouvernement,
celle du recours au conseil d'État pour violation de
la loi, est ouverte aux parties contre les décisions des
conseils administratifs.
Enfin, et c'est là peut-être la modification la
,
plus importante l'article 30 du projet primitif, qui
donnait à l'administration le droit de rendre la
culture obligatoire et d'exproprier les récalcitrants,
est supprimé.
Pendant que le projet du gouvernement s'élaborait
au conseil d'État, la commission spéciale, nommée
par l'Assemblée nationale pour préparer les lois de
l'Algérie, avait présenté, de son côté, le 16 juillet
4850, un projet de loi sur la propriété.
Ce projet se bornait à quinze articles, divisés en
quatre titres dont le premier était relatif au domaine
national, le second au domaine départemental et
communal, le troisième à la propriété privée, et
dont le quatrième contenait des dispositions géné-
rales.
Tandis que le projet du gouvernement et celui du
conseil d'État veulent créer, hors du droit commun,
un régime spécial pour l'Algérie, le projet de la
commission tend à l'assimilation immédiate de la
colonie à la métropole. Il ne s'occupe des indigènes
que dans un seul article, pour reconnaitre leurs
droits de propriété ou de jouissance, et interdire, en
règle générale, l'aliénation d'immeubles dépendant
du territoire d'une tribu, au profit de personnes
étrangères à la tribu. Le reste du projet n'est qu'un
;
renvoi au droit commun seulement, comme la loi
française n'a pas été faite en vue de l'Algérie, quel-
ques dispositions nouvelles sont admises. Ainsi, le
projet attribue à l'État les biens du beylick et les
biens déjà réunis ou séquestrés; il donne aux dé-
partements une part dans le produit de l'impôt arabe,
aux départements et aux communes une part dans le
produit de l'octroi des portes de mer, et il renvoie à
une loi la question des concessions. L'expropria-
tion est confiée aux tribunaux civils , dans les for-
mes tracées par l'ordonnance de 1844.
Enfin, le projet maintient en vigueur l'ordon-
nance du 21 juillet 1846 sur la vérification des titres
de propriété, jusqu'à l'achèvement des opérations
commencées, et abroge toutes les dispositions con-
traires de la législation antérieure, notamment le
régime des terres incultes et des marais.
Si les projets du gouvernement et du conseil
d'État avaient péché par excès de précaution, le pro-
jet de la commission tombait dans l'excès contraire,
et ne simplifiait qu'en apparence, passant sous si-
lence des questions qu'il eût fallu résoudre. Une
transaction eut lieu; le projet du conseil d'État
ayant été soumis à l'Assemblée, la commission re-
prit son premier travail, le compléta, et, d'accord
avec le gouvernement, présenta, le 29 mars 1851. un
nouveau projet divisé en cinq titres et comprenant
vingt et un articles.
Ce projet a été adopté et converti en loi par l' As-
semblée, le 16 juin 1851. Quelques amendements,
accueillis lors de la discussion, ont porté le nom-
bre des articles à vingt-trois.

TITRE PREMIER.
Du domaine national.

ARTICLE PREMIER.

« Le domaine national comprend le domaine pu-


blic et le domaine de l'État. »

Parmi les biens qui appartiennent à la nation, il


en est qui pourraient être possédés par tout autre
propriétaire. L'État en jouit au même titre et de la
même manière qu'un simple particulier jouit de son
patrimoine. Ils peuvent être aliénés, prescrits, en
un mot, ils sont dans le commerce. C'est le do-
maine de l'État.
D'autres, à raison de leur nature, de leur desti-
nation ou même de leur importance, sont considé-
rés par la loi comme ne pouvant et ne devant ap-
partenir qu'à la nation, dans l'intérêt de tous. Mis
hors du commerce comme non susceptibles de pro-
priété privée, ils ne peuvent être ni aliénés ni pres-
crits. C'est le domaine public. (Code Napoléon,
art. 541, 2226 et 2227.)
Les départements et les communes ont, de même
que la nation, outre leurs biens ordinaires, des biens
inaliénables et imprescriptibles qui forment leur do-
maine public.
Les articles suivants indiquent la composition de
l'un et de l'autre domaine en Algérie.

ARTICLE 2.

« Le domaine public se compose :


« 1° Des biens de toute nature que le Code civil et
les lois générales de la France déclarent non sus-
ceptibles de propriété privée ;
« 2° Des canaux d'irrigation et de dessèchement
exécutés par l'État ou pour son compte, dans un but
d'utilité publique , et des dépendances de ces ca-
naux; des aqueducs et des puits à l'usage du public ;
« 3° Des lacs salés, des cours d'eau de toute sorte
et des sources.
« Néanmoins, sont reconnus et maintenus tels
qu'ils existent les droits privés de propriété, d'usu-
fruit ou d'usage légalement acquis, antérieurement
à la promulgation de la présente loi, sur les lacs
salés, les cours d'eau et les sources; et les tribu-
naux ordinaires restent seuls juges des contestations
qui peuvent s'élever sur ces droits. »

En vertu du paragraphe de notre article, font


1er
partie du domaine public en Algérie :
Les rivages de la mer, mis de tout temps hors du
commerce, dans l'intérêt de la défense des côtes et
pour les besoins de la navigation ( Code Napoléon,
art. 538). Remarquons en passant que, par rivages
de la mer, il faut entendre tout l'espace que le plus
grand flot vient recouvrir. Cette définition, donnée
par les jurisconsultes romains, est la seule exacte
pour les bords de la Méditerranée (i) ;
Les ports, havres, rades et leurs dépendances
(Code Napoléon, art. 538);

(1) Instit.II, 1, S 3
Est autem littus maris quatenus hibernus
:
fluctus maximus excurrit.
Les routes, les chemins de fer (1), les ponts, et,
en général, toutes les voies de communication ou-
vertes au public par l'État ou pour son compte (Code
Napoléon, art. 538) ;
Les fortifications des places de guerre et leurs
dépendances (2) (Code Napoléon, art. 540).
Le deuxième paragraphe de notre article ajoute
à cette énumération les canaux, aqueducs et puits
publics. Ce n'est pas là une extension du droit com-
mun ; mais dans un pays aride et en grande partie
inculte comme l'Algérie, où les eaux doivent être
aménagées avec un soin tout particulier, il a paru
nécessaire d'attribuer expressément au domaine pu-
blic tous les travaux exécutés par l'État ou pour son
compte, afin de distribuer les eaux sur le terri-
toire (3).

v
(1) Deux décrets, des 14 et 27juillet 1862, ont rendu appli-
cable en Algérie la législation française sur la police des che-
mins de fer.
(2) Un décret du 29 avril 1857 a rendu applicable en Algérie
la législation française sur les servitudes militaires, notamment
la loi du 10 juillet 1851 et le décret du 10 août 1853. L'établis-
sement légal des servitudes militaires en Algérie remonte même
à un arrêté du gouverneur général du 10 septembre 1841. pris
en vertu des pouvoirs conférés par l'art. 4 de l'ordonnance du
22 juillet 1834. (Conseil d'État, 28 novembre 1861, Lacourt; 11
janvier 1862, Fort des Anglais.)
(3) Les aqueducs peuvent ne constituer que de simples droits
Jusqu'ici notre article n'offre pas de difficultés,
mais il n'en est peut-être pas de même du troisième
paragraphe qui attribue au domaine public en Al-
gérie tous les cours d'eau sans exception, les lacs
salés et les sources. « Il est à remarquer, dit l'exposé
de motifs du projet présenté par le ministre à l'As-
semblée, que dans nos provinces algériennes aucun
cours d'eau ne rentrerait peut-être dans le domaine
public, si le texte du Code civil était conservé sur ce
point. Au surplus, la propriété publique de ces ob-
jets a été réservée formellement dans tous les ac-
tes de concessions rurales émanés de l'administra-
tion (1). »
Cette disposition a été vivement combattue à l'As-
semblée, lors de la deuxième et de la troisième lec-
ture (2). MM. Raudot, Charamaule, Darblay, ont
exprimé la crainte de créer un précédent dont l'ad-
ministration s'emparerait un jour pour combattre

de servitude. La loi n'a pas entendu porter atteinte aux droits


acquis (art. 10 et 11). F. un jugement du tribunal d'Alger du
13 janvier 1855, Robe, 1861, p. 210.
(1) La clause contenant cette réserve est habituellement con-
:
Çue en ces termes « Le concessionnaire ne jouira des sources et
cours d'eau existants sur l'immeuble concédé que comme usu-
fruitier, et conformément aux règlements existants ou à inter-
venir sur le régime des eaux. »
(2) Séances des 25 avril et t 6 juin 1851. Moniteur des 26 avril
et 17 juin.
en France le droit de propriété déjà contesté des
riverains. Donner à l'administration le monopole
de l'eau en Algérie, dans un pays où elle est si pré-
cieuse, c'était, disaient-ils, livrer la propriété à l'ar-
bitraire et déplacer les juridictions en attribuant
aux autorités administratives la connaissance de
questions qui sont du ressort des tribunaux civils.
A l'appui du projet de la commission, on a fait re-
marquer qu'il y pliait de l'avenir de la colonie : «Nous
vous avons dit que les eaux seraient du domaine
public, disait le général de Lamoricière, parce que
nous voulons qu'on puisse les louer et non pas les
aliéner, parce que nous voulons réserver les droits
de l'État pour l'avenir, et pour les colons qui vien-
dront, qui viennent chaque jour, parce que dans ce
pays qui est désolé souvent par la sécheresse, si on
aliénait la jouissance des eaux, l'État se trouverait
à-tel ou tel jour dans le plus grand embarras. »
Tel est le motif de la loi ; le sens en est clair :
toutes les eaux qui viennent naturellement à la sur-
face du sol sont considérées comme appartenant au
domaine public ; ainsi les eaux courantes, les lacs
salés (Sebkha) fréquents en Algérie, et les sources
naturelles. Pour les eaux qui n'arrivent qu'artifi-
ciellement à la surface du sol, elles appartiennent à
l'auteur des travaux, sauf le droit de police et de
surveillance de l'administration.
Voilà pour l'avenir, mais, et ici se présente une
difficulté réelle : quelle règle doit-on appliquer à
l'état de choses antérieur?
Les rédacteurs de la loi ont entendu innover (1).
A leurs yeux, en droit musulman comme en droit
français, l'eau courante est susceptible de propriété
privée et ne tombe pas dans le domaine public : en
droit musulman, car il y a des faits de propriété
privée reconnus de tout temps en Algérie au profit
de tribus et de particuliers, sur un nombre infini de
cours d'eau et de sources (2) ; en droit français, car
l'article 538 du Code Napoléon n'attribue au do-
maine public que les cours d'eau navigables ou flot-
tables, et presque tous les auteurs attribuent aux
riverains la propriété de tous autres cours d'eau (3).
En conséquence, notre article reconnaît et main-
tient expressément, par son dernier paragraphe,
tous les droits de propriété, d'usufruit ou d'usage

(1) V. le 2e rapport de M. H. Didier, et la discussion à l'As-


semblée.
(2) Si Chadli, kadi de Constantine, a déclaré, dans l'enquête
ouverte par la commission de législation de l'Algérie, qu'en
droit musulman le propriétaire de la terre est propriétaire de la
source (23e séance, 1er mars 1850.) F. aussi les règles sur l'usage
des eaux dans Khalil, chap. 34 (traduction française, t. V).
(3) Entre autres Daviel, Cours d'eau, t. II, p. 1; Troplong :
Prescription, n° 45 ; Championnière : De la propriété des eaux
courantes.
sur les eaux, légalement acquis avant la promulga-
tion de la loi. Il admet donc que, sous le régime
antérieur, des droits de propriété ont pu être acquis;
il ne sera donc plus permis de soutenir que ces droits
n'étaient reconnus ni par la loi française ni par la
loi musulmane. Notre article interprète la législation
antérieure, et cette interprétation lie les tribu-
naux.
Maintenant, cette interprétation est-elle fondée
au point de vue doctrinal? C'est là une tout autre
question, et, en droit musulman comme en droit
français, de graves raisons se présentent pour
faire entrer tous les cours d'eau dans le domaine
public.
En droit musulman, aux faits allégués par le rap-
port de la commission, et dont il resterait à appré-
cier la portée, on peut opposer les principes formels
posés par les jurisconsultes de l'Islam (1). A leurs yeux
tous les hommes ont un droit égal à la jouissance
des eaux. L'eau n'est appropriée que quand elle est
renfermée dans des vases ou des outres ; et alors
même celui qui en manque peut en exiger, fût-ce à
main armée, dans la limite de ses besoins. On peut
ajouter que ce principe de la communauté des eaux

(1) V. dansle Journal asiatique (années 1848 et 1849) le sa-


uullravall de M. Ducaurroy sur la propriété endroitmusulman.
a été introduit parles Arabes dans les pays conquis
par eux (1).
En droit français, il suffit de rappeler que la ju-
risprudence s'est prononcée dans un sens contraire
à celui qu'adopte la loi nouvelle. L'arrêt de cassa-
tion du 10 juin 1846 a rangé les cours d'eau parmi
les choses dont parle l'article 714 du Code civil, qui
n'appartiennent à personne et dont l'usage est com-
mun à tous (2).
Quoi qu'il en soit, la controverse se trouve au-
jourd'hui tranchée pour l'Algérie. La loi nouvelle,
en même temps qu'elle range pour l'avenir tous
les cours d'eau dans le domaine public, reconnaît
pour le passé que les cours d'eau ont pu tomber
dans la propriété privée. Elle ajoute même que les
tribunaux ordinaires restent seuls juges des contes-
tations qui peuvent s'élever sur les droits antérieurs.
Disposition inutile ; car, de droit commun, les tri-
bunaux ordinaires sont seuls juges des questions de

(1) Voici comment s'expriment les usatici de la Catalogne et du


Houssillon, rédigés en 1068 : « Strata. via) publicæ, aquae cur-
rentes et fontes vivi. in hac patria sunt potestatibus, non ut
habeant per alodium vel teneant in doiiiinio, sed sint omni
tempore ad imperamentum cunctorum populorum et sine aliquo
constituto servitio. »
(2) Sirey, 46, 1, 4J4. La jurisprudence, est aujourd'hui cons-
tante.
propriété ;
mais on a voulu mieux marquer par là
qu'on entendait innover et que l'innovation ne pour-
rait en aucune manière porter atteinte aux droits
acquis.

ARTICLE 3.

« L'exploitation et la jouissance des canaux, lacs


et sources pourront être concédées par l'État dans
les cas, suivant les formes et aux conditions qui se-
ront déterminées par un règlement d'administration
publique. »

La destination ou l'importance des biens qui


composent le domaine public s'oppose bien à ce
qu'ils soient aliénés ou prescrits, mais non à ce
que l'exploitation et lajouissance en soient concédées
à des particuliers. La concession ne porte en général
que sur des revenus accessoires de la chose. C'est
ainsi qu'en France les canaux et les chemins de
fer, qui font partie du domaine public, sont exploités
par des compagnies.
D'après les articles 6 et 7 de l'ordonnance du
9 novembre 1845, ceux des biens faisant partie du
domaine public qui sont de nature à produire des
fruits, peuvent être affermés dans les mêmes for-
mes que les biens de l'État. Les baux ainsi passés
sont essentiellement révocables sans indemnité.
Quant aux concessions proprement dites, elles ne
peuvent provisoirement être faites que par décrets
rendus de l'avis du conseil d'État. Un règlement
d'administration publique devait enréglerles formes
et les conditions. Ce règlement n'a pas été fait,
mais il y a été suppléé par une instruction mi-
nistérielle (1).
,

ARTICLE 4.

« Le domaine de l'État se compose :


« ! 0 Des biens qui, en France, sont dévolus à
l'État soit par les articles 33,539, 541, 713, 723 du
Code civil, et par la législation sur les épaves; soit
par suite de déshérence, en vertu de l'article 768 du
Code civil, en ce qui concerne les Français et les
étrangers, et en vertu du droit musulman en ce qui
concerne les indigènes ;
« 2° Des biens et droits mobiliers et immobiliers

(<) V. deux décisions du conseil d'État des 28 décembre 1854


et 26 juin 1856, de Bérard.
provenant du bcylick, et tous autres réunis au do-
maine par des arrêtés ou ordonnances rendus an-
térieurement à la promulgation de la présente loi ;
« 3° Des biens séquestrés qui auront été réunis au
domaine de l'État dans les cas et suivant les formes
prévus par l'ordonnance du 31 octobre 1845 ;
« 4° Des bois et forêts, sous la réserve des droits
de propriété et d'usage régulièrement acquis avant
la promulgation de la présente loi.
« Des règlements d'administration publique dé-
termineront le mode d'exercice des droits d'usage. »

Dès les premiers jours de l'occupation française,


le domaine de l'Etat fut constitué par un arrêté du
général en thef, en date du 8 septembre 1830, aux
termes duquel toutes les maisons, magasins, bou-
,
tiques jardins, terrains, locaux et établissements
quelconques occupés précédemment par le dey, les
beys et les Turcs sortis du territoire de la régence
d'Alger, ou gérés pour leur compte, ainsi-que ceux
affectés à quelque titre que ce soit à la Mecque et
Médine, rentrent dans le domaine public et sont
régis à son profit.
Le domaine, ainsi constitué, comprenait trois sor-
tes de biens : 1° les biens du beylick , c'est-à-dire
les biens ayant appartenu à l'ancien gouvernement;
2° les biens séquestrés sur les ennemis ; 3° enfin ,
:
les biens des corporations religieuses telles que la
Mecque et Médine, les mosquées, les Andalous, les
janissaires, les marabouts, les tombeaux et cime-
tières, les hospices et hôpitaux.
La réunion du beylick au domaine de l'Etat se jus-
tifie par le droit de la guerre, le seul fait de la con-
quête ayant mis le gouvernement français au lieu et
place des anciens deys d'Alger.
L'attribution au domaine de l'État des biens ayant
appartenu aux corporations religieuses souffrit d'a-
bord quelques difficultés. A peine l'arrêté du 8 sep-
tembre 1830 avait-il été promulgué que les ulémas
et le mufti d'Alger réclamèrent. Les biens furent
provisoirement rendus et restèrent pendant quelque
temps entre les mains des oukils ou gérants indi-
gènes. Mais le gouvernement français ne pouvait
sans imprudence laisser des biens considérables à
des corporations religieuses déjà puissantes, qui au-
raient pu lui susciter de grands embarras et sou-
doyer la révolte, sous prétexte de répandre l'aumône.
Divers arrêtés furent pris, en ce sens, les 7 décem-
bre 1830, lOjuin 1831, 1er octobre et 4 novembre
1840, 4 juin 1843, 3 octobre 1848. Une décision
du ministre de la guerre, en date du 23 mars 1843,
a donné à cette mesure la sanction du gouverne-
ment ; mais, en prenant les biens, l'État s'est sou-
mis à acquitter les charges, et il a contracté l'enga-
gement de subvenir aux frais du culte, ainsi qu'à
toutes les dépenses, pensions et aumônes prélevées
jusque-là sur les revenus de ces biens.
Des nécessités politiques bien plus impérieuses
encore exigeaient le séquestre des biens apparte-
nant aux ennemis de la France. Cette mesure ri-
goureuse, mais de tout temps pratiquée par les do-
minateurs de l'Algérie, a frappé d'abord les Turcs
émigrés ou hostiles à la France (arrêtés des 8 sep-
tembre 1830, 10 juin et Il juillet 1831), puis des
populations entières. C'est ainsi que le séquestre a
été établi à Cherchell le 20 septembre 1840 à Bli-
,
dah et Coléah le 1er octobre 1840, à Mascara le
30 mai 1841, à Tlemcen, Boum-Eddin et Aïn-el-
Hout le 14 février 1842, à Djemmâa-Ghazaouat le
16 décembre 1846, à Zaatcha le 26 février 1852,
et à Laghouat le 25 janvier 1853.
La forme et les effets du séquestre sont restés
longtemps indéterminés; seulement, pour écarter la
spéculation, un arrêté du 24 avril 1834 interdit
toutes transactions relatives aux biens séquestrés, à
peine de destitution pour les notaires ou officiers
judiciaires qui en recevraient les actes, à moins
que ces actes ne fussent consentis par l'administra-
tion des domaines.
Cette importante matière a erifin été réglementée
par l'arrêté du 1er décembre 1840, et en dernier
lieu par l'ordonnance royale du 31 octobre 1845,
expressément maintenue en vigueur par la loi.
(Articles 4 et 22.)
Enfin un arrêté du 26 juillet 1834, prescrivant la
recherche et la constatation des propriétés doma-
niales, attribue à l'État les biens vacants et sans
maître. « Ces biens, dit l'article 3, seront tenus
sous le séquestre, lequel sera publié et affiché.
Deux ans après ces publications et affiches, le do-
maine pourra se pourvoir devant les tribunaux à ,
l'effet d'être autotisé à vendre ou à concéder, sauf
le remboursement du prix de la vente
ou de la con-
cession à celui qui, dans un nouveau délai de cinq
ans, à compter du jour de la vente, justifiera de
ses droits (1).»
Cette disposition, confirmée par l'article 137 de
l'ordonnance royale du 21 août 1839 sur le régime
financier en Algérie, lequel y ajoute les propriétés
en déshérence et les terres vaines et vagues (2), de-

(1) Ces formes ont été bien simplifiées par l'ordonnance du


1er octobre 1844. Aux termes de l'article 10, le domaine est au-
torisé à vendre les immeubles sur lesquels personne n'a encore
fait acte public de possession. La vente doit seulement être an-
noncée trois mois à l'avance. — En revanche, il n'est plus ques-
tion de la prescription de cinq ans contre le propriétaire.
(2) Toutefois cette attribution des terres vaines et vagues au
domaine de l'État ne doit s'entendre, comme celle qu'a faite en
France au profit des communes la loi du 10 juin 1793, que de
vint pour le domaine une source importante d'ac-
quisitions , surtout quand les ordonnances eurent
assimilé aux biens vacants tous les marais [ord. du
1er octobre 1844, art. 109; ord. du 21 juillet 1846,
art. 46) et toutes les terres qui n'auraient pas été
réclamées dans un certain délai lors de la vérifica-
tion générale des propriétés (ord. du 1er octobre
1844, art. 83 ; ord. du 21 juillet 1846, art. 5).
Ces diverses dispositions, qui attribuaient au do-
maine de l'État les biens du beylick, ceux des cor-
porations musulmanes, les biens séquestrés et les
biens vacants, avaient pourvu au plus pressé ; mais
on ne s'était pas occupé de définir le domaine de
l'État ni d'énumérer les objets dont il se compose,
mesure nécessaire pour prévenir toute incertitude,
couper court aux procès et donner toute sécurité
aux transactions immobilières. C'est ce que fait no-
tre article, qui, du reste, comme nous allons le
voir, maintient presque toutes les dispositions anté-
rieures.
Le premier paragraphe est un renvoi au droit
commun de la France. En conséquence, appartien-
nent à l'État :

celles dont le possesseur ne produit pas un titre légitime trans-


latif de propriété. Civ. rejet, 14 juin 1854, Préfet d'Alger, Sirey,
1,4, 1, C44.
Les terrains des fortifications des places qui ne
sont plus places de guerre (Code Napoléon, art. 541)
et en général tous les biens qui ont cessé de
faire partie du domaine public, sans entrer dans
la propriété privée par titre ou prescription : tels
sont les lais et relais de la mer (1);
Les biens vacants et sans maître (Code Napoléon,
'art. 539, 713);
Et les biens en déshérence (Code Napoléon,
art. 539, 723, 768.)
Notre article attribue encore au domaine de l'E-
tat les épaves ou choses égarées dont le proprié-
taire n'est pas connu, et qui n'ont pas été récla-
mées dans un certain délai. A cet égard il suffit
de renvoyer au droit commun.
La loi renvoie enfin à l'article 33 du Code Na-
poléon, qui attribue au domaine de l'État les biens
acquis par le condamné depuis la mort civile en-
courue, et dont il se trouve en possession au jour
de sa mort naturelle; mais la mort civile a été
abolie par la loi du 31 mai 1854.
Il va sans dire qu'il faut ajouter à cette énumé-

(1) L'article 538 du Code civil attribuait les lais et relais de la


mer au domaine public, mais l'article 41 de la loi du 16 sep-
tembre 1807 les a rendus aliénables et les a fait ainsi rentrer
dans le domaine de l'État. La cour de cassation a décidé qu'ils
étaient prescriptibles (arrêt du 3 novembre 1824).
ration tous les biens que l'État acquiert par leSL
manières d'acquérir ordinaires, à titre gratuit ou
onéreux.
Tel est le droit commun. Voyons maintenant
quelles modifications il subit dans son application
à l'Algérie.
Aux termes des articles 755, 767 et 768 du
Code Napoléon, lorsqu'une personne ne laisse ni
parent au douzième degré, ni enfant naturel, ni con-
joint survivant, sa succession est acquise à l'État ; ces
articles s'appliquent aux successions des Français.
Ils s'appliquent également aux successions des
étrangers, au moins en tant que ces successions
comprennent des immeubles situés sur le terri-
toire français. (Code Napoléon, art. 3.) Notre arti-
cle va plus loin et porte que la déshérence sera
déclarée d'après le droit français pour toutes les
successions des étrangers, sans distinction.
Quant aux indigènes musulmans, qui restent
soumis à la loi musulmane, il n'était pas possible
de les soumettre à l'application de l'article 768 du
Code Napoléon. Aussi notre article porte-t-il qu'en
ce qui concerne les indigènes, la déshérence sera
déclarée conformément au droit musulman (1).

(1) Voir le décret du 31 décembre 1859, sur la justice musul-


mane, art. 40, 41.
En droit musulman comme en droit français, le
fisc, beit el mâl (maison des biens), occupe le der-
nier degré de l'échelle des héritiers de tout individu
mort intestat; mais, en droit musulman, les déshé-
rences sont bien plus fréquentes (l).
En effet, en droit français, le parent au douzième
degré est encore habile à succéder ; en droit mu-
sulman, la successibilité s'arrête au sixième degré.
En droit français, toute personne appelée à suc-
céder recueille la succession tout entière, sauf à par-
tager avec les appelés au même degré ; en droit
musulman il y a deux sortes d'héritiers : les uns
(saheb el ferdh) ne peuvent prendre qu'une portion
déterminée de la succession, soit la moitié, le quart,
le huitième ou les deux tiers, le tiers, le sixième.
Tels sont la mère et les ascendantes, les filles et
les descendantes, le conjoint, les sœurs, le frère
utérin, enfin le père et les ascendants paternels en
concours avec des descendants. Les autres (dceb) pren-
nent toute l'hérédité après le prélèvement des por-
tions légales. Cette' classe comprend tous les parents
mâles de la ligne paternelle.

(1) V. la par M. Sol-


Notice sur les successions musulmanes,
vet, conseiller à la cour d'Alger (dans la Chrestomathie arabe
de Bresnier, Alger, 1846); et Khalil, chap. 55 (traduction fran-
çaise, t. VI, p. 322).
Le beit el màl. est considéré comme un héritier
àceb au dernier degré. A ce titre, il recueille toutes
les successions dans lesquelles il n'existe aucun hé-
ritier, ou toutes les parts de successions vacantes
quand il n'y a que des héritiers à portion légale.
Quant aux successions israélites, la déshérence
ne peut être évidemment déclarée que d'après le
Code Napoléon, la loi ne faisant d'exception que
pour le droit musulman.
En ce qui concerne l'accession, une difficulté
résulte de l'extension donnée par l'article 2 au do-
maine public en Algérie. D'après le Code Napoléon,
les iles et atterrissements qui se forment dans le
lit des fleuves et rivières navigables ou flottables
appartiennent à l'État (art. 560), mais les îles et
atterrissements qui se forment dans le lit des ri-
vières non navigables et non flottables appartien-
nent aux riverains (art. 561). Ce dernier article
peut-il être appliqué en Algérie, où tous les cours
d'eau, sans exception, sont du domaine publie ?
Nous pensons que cette application est impossible,
et qu'en conséquence les îles ou atterrissements qui
se forment dans un cours d'eau quelconque ap-
partiennent à l'État. Si l'on admet en effet que,
d'après le Code Napoléon, les petits cours d'eau
sont la propriété des riverains (et nous ne pouvons
nous dispenser d'admettre ce système, puisque la
loi elle-même l'admet), l'article 561 n'est que la
conséquence de ce principe et doit disparaître avec
lui.
Les paragraphes 2 et 3 de notre article attribuent
encore au domaine de l'État les biens du beylick et
les biens séquestrés réunis au domaine de l'État
conformément à l'ordonnance du 31 octobre 1845.
Nous avons déjà expliqué ces deux dispositions
empruntées à la législation antérieure, et nous au-
rons plus bas l'occasion de revenir sur l'ordon-
nance du 31 octobre 1845.
Le paragraphe 2 ajoute que le domaine de l'État
est maintenu en possession des biens réunis en
vertu des arrêtés et règlements antérieurs. Nous
avons déjà dit quels étaient ces arrêtés et règle-
ments ; il est inutile d'y revenir ici. Remarquons
seulement que, si notre article consacre les réu-
nions au domaine faites en vertu de la législation
antérieure, il ne maintient pas pour cela cette lé-
gislation ; nous verrons même dans le cours de ce
travail qu'elle est aujourd'hui en grande partie
abrogée.
Enfin le 4e paragraphe range dans le domaine de
l'Etat les bois et forêts, sauf les droits acquis.
En Algérie, plus encore qu'en France, il importe
que les grandes masses de forêts appartiennent à
l'État. « Les bois et les forêts, dit M. Il. Didier,
5
dans son second rapport, sont, personne ne l'ignore,
des biens qui, comme les eaux, sont rares en Al-
gérie et ne s'y rencontrent qu'à des distances fort
éloignées les unes des autres. Ils y constituent
néanmoins une richesse assez importante et qui
vaut la peine d'être conservée. Mais il n'est pas
besoin d'invoquer cette considération pour confé-
rer à l'État le droit de s'en saisir. Héritier du bey-
lick, il s'est tout naturellement trouvé propriétaire
de la plupart des bois et forêts que possède l'Al-
gérie, et, en cette circonstance, le projet de loi ne
fait que confirmer un fait préexistant et hors de
toute contestation (1). »
La loi réserve les droits de propriété et d'usage
régulièrement acquis avant sa promulgation. A
quelles conditions un droit de propriété ou d'usage
peut-il être considéré comme régulièrement acquis?
Ces conditions sont écrites dans l'article 16 de la loi.
Il faut que le droit ait été acquis conformément à la
Ici française s'il appartient à des Européens, et sui-
vant la loi musulmane s'il appartient à des musul-
mans.
En-fait, de semblables droits existent partout (2).

(1) L'étendue approximative des forêts reconnues en 1858


était de 1,200,000 hectares. Voir la brochure Intitulée : Le
gouvernement de l'Algérie de 1852 à 1858, p. 77.
(a) V. les déclarations de Si Chadli, kadi de Constantine, et
Plusieurs tribus arabes ou kabyles n'ont d'autres
ressources pour nourrir leurs troupeaux pendant
plusieurs mois de l'année, que le pacage dans les
forêts ; telles sont les tribus voisines de Milianah,
celle des Béni-Salah, près de Blidah, celle des Béni-
Soliman, dans la Kabylie. Cette dernière exploitait
elle-même ses bois, qu'elle vendait au dey d'Alger.
La loi maintient expressément tous ces droits ; elle
se réserve seulement d'en soumettre un jour l'exer-
cice à des règlements d'administration publique,
quand ils seront mieux connus (1).
L'article 19 de l'ordonnance du 9 novembre 1845
sur le domaine en Algérie, portait : « Les droits
des tiers
sur les bois et forêts et les cimetières
abandonnés ne peuvent être établis que par des
titres réguliers et conformes aux dispositions de l'ar-
ticle 82 de l'ordonnance du 1er octobre 1844, »
c'est-à-dire remontant avec date certaine à une épo-
que antérieure au 5 juillet 1830, et constatant le
droit de propriété, la situation, la contenance et les
limites de l'immeuble (2).

les observations de M. de Fénelon, chef du bureau arabe de Mi-


l ianah, et de M. le général Daumas (procès-verbaux des séances
rie la commission dé législation de l'Algérie, 92e, 23C et 31e
séances (27 février, 1er et 27 mars 1850).
(1) Conseil d'État, 18 janvier 1851 (Saïd ben AU).
(2) Dans tous les arrêtés ministériels qui ont soumis au re-
Cette disposition, expressément, maintenue par
l'article 53 de l'ordonnance du 21 juillet 1846, al-
lait évidemment trop loin, puisque, en droit musul-
man, la propriété peut être acquise par prescription
et prouvée par témoins, et que d'ailleurs les cime-
tières, comme les bois et les forêts, peuvent être des
propriétés privées. Elle est implicitement abrogée
parles articles 11 et 23 de la loi nouvelle. En ce
qui concerne les cimetières, l'exposé de motifs du
projet du gouvernement déclare formellement qu'en
Algérie, pas plus qu'en France-, la propriété des ci-
metières ne doit appartenir au domaine de l'État (1).

gime forestier des bois et forêts situés en Algérie, on voit que


l'administration a, préalablement, mis tous les intéressés en
demeure de fournir leurs titres et qu'elle a même consacré des
droits d'usage dont l'existence n'était pas régulièrement prouvée.
V. Ménerville, v° Bois et forêts.
(1) Exposé des motifs, p. 14. La cour d'Alger a jugé le con-
traire par deux arrêts des 9 novembre 1858 et 13 avril 1859,
Robe, 1859, p. 48 et 181, au moins en ce qui concerne les an-
ciens cimetières publics qui appartenaient autrefois au beylick, et
font dès lors partie du domaine de 1 Etat; mais il ne nous parait
pas possible d'admettre que l'article 9 de l'ordonnance du 9 no-
vembre 1845 puisse se concilier avec la loi du 16 juin 1851.
ARTICLE 5.

« Les mines et minières sont régies par la légis-


lation générale de la France. »

La législation antérieure se contentait de régler


la forme des concessions de mines en Algérie, sans
s'occuper de la question de propriété. Les conces-
sions étaient accordées par arrêtés du ministre de la
guerre. L'ordonnance du 15 avril 1845, article 62,
exigea l'avis du conseil supérieur d'administration ;
celle du 21 juillet 1845, article 1er, prescrivit que
les concessions seraient faites par ordonnances
royales, et enfin celle du 1" septembre 1847, ar-
ticle 5, ajouta que le conseil d'Etat serait entendu.
C'est alors seulement que le gouvernement s'oc-
cupa du régime des mines en Algérie (1). La com-
mission chargée de préparer une ordonnance pro-
posa l'application de la loi de 1810 avec certaines
modifications, dont la plus importante consistait
dans l'attribution des mines au domaine de l'État.
La commission posait en principe qu'en Algérie
toute la terre appartient au souverain, d'où la con-
séquence qu'il n'y a pas de droits préexistants, pas

(1) Rapport de la commission chargée de la révision de la lé-


gislation des mines en Algérie (21 février 1848).
de propriétaires de la surface à indemniser. Mais les
événements de 1848 empêchèrent la promulgation
de l'ordonnance.
Les auteurs de la loi de 1851, tout en repoussant
le principe admis par la commission de 1848, tout
en reconnaissant que la propriété foncière existait
en Algérie, avaient cependant proposé d'attribuer
les mines et minières au domaine de l'État, par ce
motif qu'en Algérie, où tout est à faire, il importait
de concentrer entre les mains de l'État ces grands
instruments de la richesse commune.
Réduite à ce seul motif, l'innovation ne parut
pas justifiée, et, sur ce point, comme sur beau-
coup d'autres, on finit par retourner au droit com-
mun. Un amendement proposé par M. Raudot et
accepté par la commission devint l'article 5.
Il n'entre pas dans notre plan d'exposer la légis-
lation générale de la France en matière de mines.
Il nous suffit de renvoyer à la loi du 21 avril 1810
et aux lois qui l'ont complétée (1).

(1) Toute cette législation a été promulguée en Algérie le


24 mars 1852. Elle comprend :1° la loi du 21 avril 1810; 2° le
décret du 6 mai 1811 ; 30 le décret du 3 janvier 1813 ; 4° la loi
du 27 avril 1838 ; 5° l'ordonnance du 23 mai 1841 ; 6° la loi du
17 juin 184<;; 7° l'ordonnancedu 7 mars 1841 ; 8° l'ordonnance
du 18 avril 1842; 9° l'ordonnance du 26 mars 1843; 10° le dé-
cret du 24 décembre 1851. Il y faut joindre le décret du 23 oc-
On sait que la loi du 21 avril 1810 a été une tran-
saction entre le système de la propriété privée et
celui de la propriété publique des mines. D'après
cette loi, l'exploitation d'une mine ne peut avoir lieu
qu'en vertu d'une concession délibérée en conseil
d'Etat. Cette concession transmet
au concession-
naire la propriété de la mine, mais à la charge de
certaines redevances, soit envers l'inventeur, soit
,
envers le propriétaire de la surface soit envers
l'Etat qui
se réserve toujours un droit de police et
de surveillance
sur l'exploitation.
Avant la loi de 1851 les concessions de mines en
Algérie avaient été faites pour quatre-vingt-dix-
neuf ans seulement. Il était stipulé par les cahiers
de charges
que la propriété des concessions ne pour-
rait être cédée, vendue ou transmise d'une manière
quelconque sans l'autorisation du gouvernement.
D'autres conditions étaient également imposées au
Point de vue de la législation douanière. Un décret
du 5 janvier 1855 fait rentrer toutes ces conces-
a
sions dans le droit commun.
La loi renvoie au droit commun pour les minières
comme pour les mines ; mais un décret du 6 février
1852 a modifié ces dispositions en ce qui concerne

tobre 1852 qui interdit toute réunion ou association de concus-


sions sans autorisation du gouvernement, et le décret du30 juin
1860 concernant l'abonnement à la redevance proportionnelle.
les minerais de fer d'alluvion et les mines de fer en
filons ou en couches exploitables à ciel ouvert. Aux
termes de ce décret, qui remet en vigueur un arrêté
du 9 octobre 1848, les minerais d'alluvion et les
mines de fer en filons ou en couches, exploitables à
ciel ouvert, sont assujettis au régime établi pour les
diverses substances minérales énoncées en l'article 2
de la loi du 21 avril 1810 et ne peuvent être exploi-
tés qu'en vertu d'un acte de concession.
Quant aux carrières, un arrêté ministériel du
29 janvier 1854 a soumis à certaines mesures d'or-
dre et de police les carrières de toute nature ouver-
tes ou à ouvrir en Algérie. Aucune carrière ne peut
être ouverte qu'après une déclaration préalable
adressée au maire de la commune.

ARTICLE 6.

« Les biens dépendant du domaine de l'État peu-


vent être aliénés, échangés, concédés, donnés à
bail ou affectés à des services publics, dans les for-
mes et aux conditions qui seront ultérieurement dé-
terminées par la loi. »

En France, les immeubles qui font partie du do-


maine de l'État ne peuvent être aliénés ni échangés
que par des lois spéciales. Ils ne peuvent être af-
fectés à des services publics que par des décrets. Les
règles prescrites pour l'administration des biens de
l'État sont des règles conservatrices.
En Algérie, où l'Etat se trouve possesseur d'une
grande étendue de terres, et où il est urgent d'in-
troduire une nombreuse population européenne le ,
législateur a dû rendre les aliénations plus faciles,
sous quelque forme qu'elles eussent lieu. Le meil-
leur moyen de hâter la colonisation est en effet
d'abandonner à l'industrie privée les terres dispo-
nibles qui resteraient improductives entre les mains
de l'État.
Aux termes de notre article, une loi devait ré-
gler les conditions et les formes des aliénations ou
des amodiations. Cette loi n'a pas été faite et ne peut
plus l'être. Voici l'analyse de la législation anté-
rieure et des règles actuellement en vigueur.
Un premier arrêté du 8 novembre 1830 interdit
jusqu'à nouvel ordre toute aliénation d'immeubles
domaniaux et autorisa seulement l'administration à
consentir des baux dont la durée n'excéderait pas trois
ans. Peu de temps après, le ministre de la guerre
décida que les aliénations pourraient avoir lieu avec
son autorisation spéciale. Deux arrêtés du 4 juin
1832 et du 17 octobre 1833 réglèrent l'un la forme
des baux, l'autre leur durée dans les villes nouvel-
lement occupées. Cette durée fut portée à trois, six
ou neuf ans par l'arrêté du 2 avril 1834, qui prescri-
vit en même temps les clauses et conditions géné-
rales des locations, et décida que, d'après l'avis du
conseil d'administration de la régence, les immeu-
bles ruraux pourraient être loués ou concédés pour
un temps qui n'excéderait pas quatre-vingt-dix-neuf
ans.
L'ordonnance du 21 août 1839 sur le régime
financier en Algérie contient cinq articles sur l'ad-
ministration du domaine. Elle fut bientôt remplacée
par la grande ordonnance du 9 novembre 1845 en
vingt articles. Puis vint le décret du 2 avril 1854
qui détermine un mode de partage pour les biens
indivis entre le domaine de l'État et les particuliers,
et attribue à l'autorité administrative la procédure
de partage ou de licitation.
Toute cette législation était conçue dans cette
idée que la colonisation devait se faire par le moyen
des concessions de terres (1). Aussi les règlements
sur les concessions sont-ils nombreux.

(1) D'après l'èxposé de motifs du sénatus-consulte du 22 avril


1863, vingt-deux mille concessions de terre, comprenant quatre
à cinq cent mille hectares environ, ont été faites depuis la con-
quête. L'exposé ajoute que dans le septième à peine de ces con-
cessions des cultures sérieuses ont été entreprises et les cahiers
de charges exécutés.
Nous venons de voir que, d'après l'arrêté du
2 avril 1834, les propriétés domaniales pouvaient
être concédées ou louées soit par voie d'adjudica-
tion, soit de gré à gré pour un temps qui n'excéde-
rait jamais quatre-vingt-dix-neuf ans. La conces-
sion , toujours précédée d'une expertise, ne pouvait
être opérée qu'en vertu d'un arrêté spécial, rendu
d'après une décision' du conseil d'administration de
la régence, déterminant la durée et les conditions
de la transmission.
Cette transmission temporaire répondait mal aux
besoins de la colonisation. Ce système fut bientôt
abandonné, et l'arrêté du 18 avril J 841, relatif à la
formation des nouveaux centres de population, porte
que les colons seront envoyés en possession provi-
soire des immeubles concédés, à certaines condi-
tions, de l'accomplissement desquelles ils devront
justifier pour obtenir des titres définitifs. Le conces-
sionnaire peut, avec l'agrément de l'administration,
céder sa concession à un tiers ou l'affecter, par hy-
pothèque, à la sûreté d'un emprunt ayant pour
cause des dépenses de construction et de mise en
culture. Jusqu'à la délivrance du titre définitif,
l'administration reste seule compétente pour sta-
tuer sur les contestations relatives aux biens con-
cédés.
Ce système, qui donnait aux concessionnàres une
propriété sous condition suspensive, a été successi-
vement développé par trois ordonnances.
Celle du 21 juillet 1845 réserve au roi le droit
de statuer sur la fondation des nouvelles villes ou
villages et sur les concessions ; elle permet seule-
ment au ministre de la guerre de concéder provi-
soirement les terrrains de moins de 100 hectares.
Le ministre de la guerre prononce les déchéances,
sauf recours au conseil d'État, et donne l'autorisa-
tion d'aliéner ou d'hypothéquer les biens concédés.
Une rente annuelle et perpétuelle sera toujours sti-
pulée au profit de l'État dans tout acte de concession.
L'ordonnance du 5 juin 1847 conféra au gou-
verneur général le pouvoir d'autoriser les conces-
sions de 25 hectares et au-dessous, sur le territoire
des nouveaux centres de population régulièrement
approuvés ; elle régla la forme des demandes, re-
connut que la rente imposée au concessionnaire ne
devait commencer à courir qu'à l'expiration du
délai marqué pour l'accomplissement des travaux,
exigea des concessionnaires un cautionnement préa-
lable de 10 francs par hectare , détermina la forme
et les effets du titre provisoire, régla la vérification
des travaux, enfin autorisa le gouverneur général
et le ministre à accorder, en cas d'excuse, des
prorogations de délai pour l'achèvement de ces mê-
mes travaux.
L'ordonnance du 1er septembre 1847 ayant divisé
l'Algérie en trois provinces, administrées par des
directeurs civils (aujourd'hui par des préfets), une
autre ordonnance du même jour modifia quelques
articles de la législation sur les concessions. Celles-ci
Purent désormais être accordées jusqu'à 25 hectares
Parles directeurs civils, jusqu'à 100 hectares par le
gouverneur général. Ces fonctionnaires reçurent
dans les mêmes limites le droit d'autoriser les hy-
pothèques et substitutions, et d'accorder des proro-
gations de délai. Enfin les concessionnaires indi-
@

gènes furent dispensés du cautionnement.


L'expérience ne tarda pas à faire comprendre que
ces précautions multipliées dépassaient le but, et
devenaient un obstacle à la colonisation. Aussi,
pendant que l'Assemblée nationale discutait le pro-
jet de loi sur la propriété en Algérie, le gouverne-
ment s'occupa de donner aux concessionnaires plus
de garanties en leur imposant moins de charges.
Le décret du 26 avril 1851 remplaça la propriété
sous condition suspensive par une propriété sous
condition résolutoire, porta à 50 hectares le maxi-
mum des concessions pouvant être accordées sur
place par les préfets, et supprima la nécessité d'un
cautionnement.
Enfin un décret du 25 juillet 1860 a introduit
dans la législation algérienne un principe nouveau.
Désormais la vente des terres domaniales est la
règle : la concession n'est plus que l'exception. La
vente peut avoir lieu soit à prix fixe, soit aux en-
chères, soit de gré à gré.
En résumé, la législation, en ce qui concerne le
domaine, se compose aujourd'hui des décrets du
2 avril 1854 et du 25 juillet 1860. Il faut y joindre
les dispositions non abrogées de l'ordonnance du
9 novembre 1845 et du décret du 26 avril 1851. On
trouvera ces textes dans l'appendice (1).

ARTICLE 7.

« Chaque année le ministre rend compte à l'As-


semblée législative de l'état du domaine national
,
en Algérie et lui fait connaître le nombre, la na-
ture et l'importance des immeubles aliénés, affectés
à des services publics ou concédés. »

Cet article est aujourd'hui sans application. Les


rapports sur l'état du domaine national en Algérie
ne peuvent plus être adressés qu'à l'Empereur.

(1) Rappelons ici pour mémoire qu'en Algérie comme en


France les instances domaniales sont soumises à des formalités
de procédure particulières. (Décret du 28 décembre 1855.)
TITRE II.
Du domaine départemental et du domaine
communal.

ARTICLE 8.

« Le domaine départemental se compose :


« 10 Des édifices et bâtiments domaniaux ,
qui
sont ou seront affectés aux différents services de
l'administration départementale ;
« 2° Des biens, meubles et immeubles, et des
droits attribués aux départements par la législation
générale de la France. »

Les communes et les départements sont de créa-


tion récente en Algérie.
L'ordonnance du 21 octobre 1839, sur l'organi-
sation du régime financier, distingue seulement
entre l'État et la colonie, et crée à côté du domaine
de l'État un domaine colonial (art. 137 et 138);
mais le domaine colonial ne tarda pas à être sup-
primé par l'ordonnance du 9 novembre 1845, dans
laquelle il n'est plus question que du domaine de
l'État.
L'ordonnance du 15 avril 1845, article 11, divisa
l'Algérie en trois provinces : celles d'Alger, de
Constantine et d'Oran. Une administration civile
distincte fut établie dans chacune de ces provinces
par l'ordonnance du 1er septembre 1847. Enfin, le
9 décembre 1848, un arrêté du chef du pouvoir
exécutif introduisit dans la colonie une orga-
nisation administrative analogue à celle de la
France continentale. En voici les principales dis-
positions :
L'article 1er maintient la division en trois pro-
vinces, divise chaque province en territoire civil et
territoire militaire, et érige en département le ter-
ritoire civil de chaque province.
Le département se subdivise en arrondissements
et communes - (art. 11). L'administration en est
confiée à un préfet, assisté d'un conseil de préfec-
ture et d'un conseil général électif (art. 12-16).
L'article 15 établit les ressources ordinaires et
extraordinaires du département. Dans la première
classe figurent, outre une part dans le produit de
l'impôt arabe et de l'octroi des portes de mer, les
revenus des propriétés départementales ; dans la se-
conde classe se trouve le produit des aliénations
d'immeubles départementaux.
Le décret du 27 octobre 1858 a complété ces
dispositions et institué les conseils généraux.
En ce qui concerne la propriété départemen-
taie, notre article ne fait que reproduire le droit
commun de la France.
Le premier paragraphe est emprunté à l'article
1er du décret impérial du 9 avril 1811, qui con-
cède gratuitement aux départements et aux com-
munes la pleine propriété des édifices et bâtiments
nationaux occupés pour le service de l'administra-
tion, des cours et tribunaux et de l'instruction
publique, à charge par eux de payer la contri-
bution foncière et les réparations.
Le second paragraphe de notre article ne renvoie
à aucun texte précis et déterminé de la législation
française. Peut-être eût-il été plus simple de dire
qu'en Algérie comme en France, outre les édifices
concédés par le décret du 9 avril 1811, le domaine
départemental comprenait tous les immeubles ac-
quis par les départements à titre onéreux ou gra-
tuit, et tous les travaux publiçs exécutés au moyen
des fonds départementaux.
Les droits attribués aux départements français
sont énumérés par l'article 10 delà loi du 10 mai
1838. Mais il nous paraît inutile d'entrer dans des
détails sur cette matière, qui se rattache bien plus
à l'organisation administrative qu'à la constitution
de la propriété.
ARTICLE 9.

« Le domaine communal se compose :


« 1° Des édifices et bâtiments domaniaux qui sont

ou seront affectés aux services de l'administration


communale ;
« 2° Des biens déclarés biens communaux et des
droits conférés aux communes par la législation
générale de la France ;
« 3° Des biens et des dotations qui sont ou qui
pourront être attribués aux communes par la lé-
gislation spéciale de l'Algérie. »

« Déjà dans les derniers mois de son existence,


dit M. Henri Didier dans son premier rapport,
l'ancien gouvernement avait fini par apercevoir que
le défaut d'institutions communales, dans Aine so-
ciété naissante, pourrait bien être un mal, et une
ordonnance fut rendue le 28 septembre 1847 qui
prescrivait l'érection en communes de tous les cen-
tres de population ayant acquis un certain degré de
développement, et organisait, partout où il était
possible de le faire, des pouvoirs municipaux. Mal-
heureusement cette mesure contrariait des habitu-
des enracinées, et elle est demeurée à l'état de let-
tre morte dans les colonnes du Moniteur algérien.
Il n'a fallu. rien moins que la révolution de février
pour qu'elle pût recevoir un commencement d'exé-
cution. Alors seulement Alger a conquis sa munici-
palité, et, le principe une fois établi en fait dans le
centre du pays, un arrêté du chef du Pouvoir exé-
outif, du 16 août 1848, s'est chargé d'en tirer les
conséquences et l'a généralisé dans toute l'étendue
des territoires civils.
« Ce n'était pas assez : la commune reconnue et
déclarée, il était indispensable de lui créer des
moyens d'existence. Un second arrêté, du 4 novem-
bre suivant, a concédé provisoirement aux commu-
nes les édifices et bâtiments domaniaux déjà affec-
tés au service de l'administration municipale, et a
décidé qu'il serait fait à chacune d'elles une dotation
en immeubles susceptibles de produire des revenus.
Le même arrêté leur attribue une part dans le pro-
duit de l'octroi existant aux portes de mer des
villes du littoral, et y ajoute, outre la portion déter-
minée par la loi générale dans le produit de l'impôt
des patentes, et les différents droits inhérents à
l'existence du pouvoir municipal
en France, le bé-
néfice entier d'une taxe spéciale à établir sur les
loyers (1).
»

(1) L'Algérie compte aujourd'hui plus de cinquante commu-


nes. Dans les localités qui ne sont pas encore érigées en com-
Quelques mots maintenant sur les trois paragra-
phes de notre article :
Le premier attribue aux communes les édifices
et bâtiments domaniaux affectés aux services de
l'administration communale. C'est la reproduction
du décret du 9 avril 1811 que nous avons cité sous
l'article précédent. L'arrêté du 4 novembre 1848,
sur les recettes municipales en Algérie, contenait
déjà la même disposition. (F. art. 1er à 4.)
La remise de ces édifices est faite aux maires par
les agents du service des domaines, en vertu d'un
arrêté du gouverneur général, pris sur la proposi-
tion du préfet. (Art. 2.)
L'État se réserve pendant cinq ans la faculté de
reprendre les immeubles ainsi concédés, à charge
d'en donner en échange d'autres propres à la même
destination. Cet échange a lieu par un décret rendu
sur la proposition du ministre de la guerre, le con-
seil de gouvernement entendu. (Art. 3.)
Enfin l'article 4 autorise le gouvernement à con-
céder gratuitement aux communes tous les immeu-
bles domaniaux qui, à l'avenir, seraient reconnus
susceptibles d'être affectés à des services munici-
paux (1).

munes, il peut être institué des commissions syndicales chargées


de la gestion des biens communaux. (Décret du 16 avril 1850.)
(1) Les concessions faites aux communes, aux départements
Le deuxième paragraphe est un renvoi au droit
commun de la France. En conséquence, le do-
maine communal en Algérie comprend :
1° Les terres vaines et vagues (1), pacages, pâtis
et marais situés dans les limites de la commune, et
ne constituant pas des propriétés privées (F. Lois
du 28 août 1792, art. 9, et du 10 juin 1793, sec-
tion iv, art. pr);
2° Toutes les terres acquises par les communes
a titre onéreux ou gratuit ;
3° Tous les droits attribués aux communes, par
la loi du 18 juillet 1837.
Enfin le dernier paragraphe de notre article
maintient les communes en possession des biens
qui leur sont attribués par la législation spéciale de
l'Algérie. C'est un renvoi à l'arrêté du 4 novem-
bre 1848 (2).

et aux élablissements publics ne sont pas soumises aux condi-


tions imposées par le décret du 25 juillet 1860 (article 25 du
décret).
(1) V. l'exposé des motifs du 10r projet de la commission (Mo-
niteur de 1850, page 2411). Ces terres étaient déjà attribuées
au domaine colonial par l'article 138 de l'ordonnance du 21
aoùt 1839.
(2) « Les ressources ordinaires principales des budgets commu-
naux en France sont : les propriétés foncières des communes,
les octrois et les centimes additionnels aux quatre contribu-
tions directes. En Algérie il n'y a pas de biens communaux, pas
Cet arrêté porte que l'État constituera à chaque
commune une dotation en immeubles, susceptibles
de produire des revenus (1). (Art. 5.) Le mode de
jouissance des biens, ainsi concédés, sera réglé par
le préfet sur l'avis du conseil municipal. Les re-
venus seront affectés aux dépenses d'utilité publi-
que. (Art. 6.) Les biens communaux pourront être
vendus à charge de remploi ou échangés (2). (Art. 7.)
Les ventes, échanges ou remplois devront être au-

d'octroi aux portes de terre, enfin, sauf les patentes, pas de


contribution directe.
« De
là, l'arrêté du 4 novembre 1848.
« En exécution
de cet arrêté, quelques édifices publics ont été
abandonnés aux communes; mais aucune dotation immobilière
productive de revenus n'a pu être encore faite en leur faveur. La
division du produit de l'octroi de mer entre les provinces, les
départements et les communes, et entre les communes elles-
mêmes, n'a pas pu être opérée quoiqu'elle ait été préparée acti-
;
vement de leur côté, les conseils municipaux ont montré de la
répugnance à voter la taxe sur les loyers.» (Tableau des éta-
blissements français en Algérie, t. IX, p. 10.)
(1) L'article 18 de l'ordonnance du 5 juin 1847 sur les con-
cessions, porte déjà qu'il sera réservé sur le territoire de chaque
nouveau centre de population : 1° un dixième de la superficie
tant urbaine que rurale comme domaine de l'État ; 2° un second
dixième de la superficie rurale, comme terrain communal.
(2) Les communes peuvent aussi être autorisées à aliéner
leurs biens pour le prix en être affecté à la construction d'édifi-
ces communaux, à l'exécution de travaux d'intérêt commun, à
la part incombant à la commune ou au concours offert par elle
dans la dépense des travaux publics à exécuter par l'État. (Dé-
cret du 28 juillet 1 860.)
Lorisés par décrets rendus, sur la proposition du
ministre de la guerre, le conseil de gouvernement
entendu.
Le même arrêté attribue aux communes algé-
riennes différentes ressources qu'il est inutile d'é-
numérer ici, et dont les plus importantes sont : les
trois cinquièmes du produit de l'octroi des portes
de mer, établi par l'ordonnance du 21 décembre
i844, et une taxe spéciale sur lesloyers.(Art. 12-30.)
Enfin l'article 9 de l'arrêté déclare applicables
en Algérie les lois qui régissent l'administration
municipale en France.

TITRE III.
De la propriété privée.

ARTICLE 10.

«La propriété est inviolable, sans distinction,


entre les possesseurs indigènes et les possesseurs
français ou autres. »

L'inviolabilité de la propriété, reconnue par tou-


tes les constitutions françaises depuis 1791, se
trouve ici proclamée en ce qui concerne l'Algérie,
et, pour prévenir toute espèce de doute, la loi prend
soin de dire que la propriété indigène sera respec-
tée au même titre que la propriété française.
« Plus on réfléchira aux conditions fondamen-
tales dont dépend le développement de toute so-
ciété, a dit M. Gustave de Beaumont (1), et plus
on reconnaîtra que la garantie absolue de la pro-
priété individuelle est la première et la plus essen-
tielle, celle sans laquelle les autres ne sont rien,
celle qui à la rigueur suppléerait toutes les autres.
Quelles que soient d'ailleurs les institutions civiles
et politiques d'un pays, là où la propriété privée
est inviolable, on peut compter qu'il y a des élé-
ments de prospérité.
« Et c'est une grande erreur de croire que le
respect de la propriété individuelle n'est nécessaire
qu'aux vieilles sociétés, et non à des sociétés nais-
santes, telles que les colonies nouvelles. Il serait
plus juste de dire que, dans une société qui se
forme, la propriété a plus encore besoin d'être in-
violable que dans une société depuis longtemps
existante; car ce qu'il est urgent pour une terre de
posséder, ce sont des habitants, et les habitants ne

(1) Commission de colonisation de l'Algérie. Rapport du


20 juin 1842.
vont et ne restent que là où le principe de la pro-
priété est solidement établi. Sans doute nul Fran-
çais n'abandonnerait la France parce qu'une loi
moins protectrice des droits de la propriété y se-
rait en vigueur; mais qui ira en Afrique, où l'on
veut attirer les populations, si la propriété n'y est
pas solidement garantie? La propriété en Afrique
fi'a-t-elle pas d'autant plus besoin d'une protec-
tion légale toute-puissante, au milieu de ces cir-
constances extraordinaires toujours renaissantes,
qui semblent légitimer le recours à des procédés
exceptionnels, et qui, cependant, ne font pas naî-
tre un seul attentat à la propriété individuelle, qui
ne soit un coup fatal porté à l'existence même de
la colonie ?
»
M. de Tocqueville a exprimé les mêmes pensées,
dans un rapport présenté à la Chambre des dépu-
tés, le 2 juin 1847, sur un projet de loi relatif à
la création de camps agricoles. « Il ne faut pas ima-
giner, disait-il, que la méthode à suivre pour faire
naître et développer les sociétés nouvelles, diffère
beaucoup de celle qui doit être suivie pour que les
sociétés anciennes prospèrent. Voulez-vous attirer
et retenir les Européens dans un pays nouveau ?
Faites qu'ils y rencontrent les institutions qu'ils
trouvent chez eux, ou celles qu'ils désirent y trou-
ver ; que la liberté civile et religieuse y règne ;
que l'indépendance individuelle y soit assurée,
que la propriété s'y acquière facilement et soit bien
garantie, que le travail y soit libre, l'administra-
tion simple et prompte, la justice impartiale et ra-
pide, les impôts légers, le commerce libre ; que les
conditions économiques soient telles qu'on puisse
facilement s'y procurer l'aisance et y atteindre sou-
vent la richesse, faites en un mot qu'on y soit aussi
bien et, s'il se peut, mieux qu'en Europe, et la po-
pulation ne tardera pas à y venir et à s'y fixer.
Tel est le secret, il n'y en a point d'autres. »
Le principe de l'inviolabilité de la propriété ne
souffre plus aujourd'hui que deux restrictions,
dont l'une est de droit commun, l'autre spéciale à
l'Algérie.
La première consiste dans le droit qui appartient
-
à l'État d'exiger le sacrifice d'une propriété pour
cause d'utilité publique légalement constatée, et
moyennant une juste et préalable indemnité. Nous
verrons plus loin comment l'ordonnance du 1er oc-
tobre 1844 a réglementé cette matière pour l'Al-
gérie.
La seconde, spéciale à l'Algérie, consiste dans
le droit qui appartient à l'État de séquestrer en cer-
tains cas les biens des indigènes. Nous avons déjà
indiqué dans le commentaire de l'article 4 la na-
ture et les effets du séquestre; on trouvera dans
l'Appendice l'ordonnance du 31 octobre 1845, en-
core en vigueur aujourd'hui. La confiscation pros-
crite dans la métropole a paru légitimée, en Algé-
rie, par les nécessités de la guerre (1).

ARTICLE 11.

«Sont reconnus tels qu'ils existaient au moment


de la conquête,
ou tels qu'ils ont été mainte-
nus, réglés ou constitués postérieurement par le

(1) Cette confiscation ne peut avoir lieu que dans les formes
prescrites par la loi. C'est ce qui a été jugé dans une affaire
récente. Mohammed-ben-Abd-el-Kerim revendiquait contre
l'État des terres qui lui avaient été enlevées en 1843. Le do-
maine prétendit que le territoire sur lequel étaient situées les
propriétés litigieuses avait été conquis, en 1843, sur la tribu
insoumise d'Ouled-Djebarra, constitué en territoire arch et
distribué aux tribus qui avaient demandé l'aman, pour en jouir
à titre précaire, et à condition de payer un impôt de guerre.
Le conflit élevé
par l'autorité administrative fut maintenu
Par le conseil d'État, le 7 aoùt 1856, en tant qu'il revendiquait
Pour l'autorité administrative le droit de déterminer le carac-
tère de la prise de possession qui avait eu lieu en 1843 par
l'administration. Enfin une décision du gouvernement, inter-
prétant l'acte de 1843, a déclaré que cet acte n'avait pu avoir
pour effet d'enlever à Mohammed-beu-Abd-el-Kerim les droits
,
de propriété qu'il pouvait avoir. En conséquence l'affaire
a été reportée devant les tribunaux.
gouvernement français, les droits de propriété et les
droits de jouissance appartenant aux particuliers,
aux tribus et aux fractions de tribus. »

Cet article est le plus important de la loi. Il cons-


titue, on plutôt il reconnaît la propriété et les droits
des indigènes. Après avoir institué une enquête,
étudié et discuté les faits, les rédacteurs de la loi
ont renoncé à poser des règles générales. Ils se sont
contentés de consacrer les droits existants, sans vou-
loir les définir, renvoyant aux tribunaux la décision
des cas particuliers.
Nous essayerons d'exposer, d'après les renseigne-
ments recueillis par l'administration française, l'état
de choses maintenu par notre article.
Mais, avant d'y arriver, il est nécessaire de pren-
dre parti sur une question préjudicielle.
On a soutenu que, dans les pays conquis par les
musulmans, le sol appartient tout entier à Dieu et
au sultan qui est le représentant et l'ombre de Dieu
sur la terre (1). Les individus n'ont sur le sol qu'un

(1) V. les recherches du docteur Worms sur la constitution de


la propriété territoriale en Algérie ( Revue de législation et de
jurisprudence, 1844, t. 1, p. 360). Ce système a été souvent
reproduit et, entreautres, par M. Baude (l'Algérie, t. II, p. 391),
et par le général Duvivier (Solution de la question de l'Algérie,
p. 328).
droit de jouissance précaire, moyennant une rede-
vance qui tient lieu de fermage.
On aperçoit tout d'abord les conséquences de ce
système. Successeur immédiat des Turcs, derniers
souverains de l'Algérie, le gouvernement français
se trouverait propriétaire de toutes les terres, et les
anciens habitants du pays n'auraient aucun droit à
lui opposer. Les auteurs de ce système ont reculé,
il est vrai, devant cette conséquence rigoureuse.
Ainsi, ils admettent que, si le sol appartient à l'État,
les constructions, les plantations, en un mot tout
ce que le travail de l'homme donne de valeur à ce
même sol, est la propriété du possesseur, et ne peut
lui être enlevé que moyennant indemnité. Réduit à
ces termes, le système n'a plus guère d'intérêt pra-
tique, et cependant, même avec ces tempéraments,
il n'est fondé ni en droit ni en fait (1). ,
En droit, il est faux que la terre de conquête ne
soit pas susceptible de propriété privée. Khalil,
dont le livre a force de loi en Algérie, dit, il est
vrai, que le territoire d'un pays conquis devient
wakf, c'est-à-dire grevé de substitution au profit

(') La réfutation complète de ce système se trouve dans un


rapport préparé par un savant orientaliste, M. Ducaurroy, et
présenté par M. Macarel à la commission de l'Algérie (février
1843).— V. aussi les procès verbaux de la commission qui a
préparé le projet de loi (22* séance, 27 février 1850).
de la communauté musulmane par l'effet même de
la conquête (1) ; mais il explique lui-même comment
cette règle doit être entendue. Elle ne s'applique
ni aux terres partagées entre les musulmans vain-
queurs, ni aux biens des vaincus qui ont embrassé
l'islamisme ou qui ont capitulé, ni même aux terres
acquises après la conquête par les vaincus soumis
à force ouverte (2).
Khalil traite, dans son livre, des successions, des
donations, des substitutions, du louage, de la vente,
de l'occupation, de la prescription, des servitudes.
Tout cela ne suppose-t-il pas nécessairement l'exis-
tence de la propriété ?
Quand le Koran dit que Dieu est le maître de
toute la terre et que le sultan est son vicaire, il
exprime une vérité religieuse et non une règle de

(1) Khalil; Jurisprudence musulmane, trad. Perron, t. II,


p. 269.
(2) Khalil, t. II, p. 293 ; t. IV, p. 630.— Dans tous les pays
musulmans, la nature de la terre se reconnaît à l'impôt : la
terre de dime (uchrié), payant l'impôt appelé achour, est la
;
pleine propriété du musulman les raïas, ou vaincus restés in-
fidèles, payent pour leurs terres le tribut (À-haradj) et pour leurs
personnes la capitation (djizié). V. le rapport précité de M. Ma-
carel. En Algérie, toutes les terres payent l'achour, en tant, du
moins, qu'elles sont cultivées par des indigènes, soit proprié-
taires, soit même simplement locataires. Peu importe, en ce
dernier cas, que le propriétaire soit Français. (Conseil d'État,
4 mai 1854, Fabus.)
droit. On pourrait trouver dans toutes les législa-
tions des expressions semblables, qui pourtant n'ont
jamais été prises au pied de la lettre. « La terre ne
se vendra point à perpétuité, dit le Seigneur aux
Hébreux dans la loi de Moïse (1), parce qu'elle est
à moi et que vous y êtes comme des étrangers à
qui je la loue. » Et cependant la loi de Moïse recon-
naît incontestablement la propriété individuelle.
Les jurisconsultes romains se servaient des mêmes
termes pour désigner le domaine de souveraineté
qui, sur le sol des provinces conquises, apparte-
nait au peuple romain représenté par l'empe-
reur (2).
En fait, la propriété individuelle se rencontre par-
tout en Algérie : « Je connais moins l'état de la
propriété dans la province de Constantinè que dans
les autres parties du pays, écrivait le maréchal Bu-
geaud en i844 (3), mais ce que je puis affirmer,
c'est que dans les provinces d'Alger, de Tittery,
d'Oran, la propriété est constituée à peu près comme

(t) Lévitique, chap. 25, vers. 23.


(2) Gaïus, Instit., lib. II, S 7 : « Sed in provinciali solo
placet plerisque solum religiosum non fieri, quia in eo solo do-
minium populi romani est vel Caesaris ; nos autem possessio-
nem tantum et usumfructum habere videmur. »
(3) Rapport de M. le maréchal Bugeaud sur les moyens d'af-
fermir et d'utiliser la conquête de l'Algérie (1844).
en France. J'en ai vu de nombreuses divisions. Les
Arabes m'ont dit mille fois : Ceci appartient à un tel ;
je suis fermier d'un tel. Le fermage suppose des pro-
priétaires. Il y a sans doute en Algérie, comme chez
nous, des biens communaux dans les terrains de par-
cours, mais les surfaces riches sont exactement parta-
gées entre des propriétaires. » Aiacun doute ne
saurait donc s'élever aujourd'hui sur l'existence de
la propriété individuelle en Algérie (1), et notre
article la reconnaît expressément.
Voyons maintenant comment elle se comporte, et
quels sont les droits de toute nature qui appartien-
nent sur le sol de l'Algérie aux particuliers, aux tri-
bus, aux fractions de tribus.
Pour se faire une idée exacte de l'état actuel des
terres en Algérie, il est nécessaire de considérer la
situation politique et administrative du pays.
Il faut distinguer d'abord entre les villes et leurs
banlieues d'un côté, et de l'autre la vaste étendue de
territoire occupée par les tribus.
Dans les villes et leurs banlieues, la propriété im-
mobilière est individuelle comme en France (2).

(1) L'ancien gouvernement turc et Abd-el-Kader lui-même


ont souvent pris des terrains pour cause d'utilité publique et,
par exemple, pour y établir des postes militaires, mais toujours
en payant des indemnités aux Arabes dépossédés.
(2) r. le rapport de M. Daru, p. 7.
Elle a pour objet des maisons, des jardins, des ver-
gers et même des fermes (haouchs). Les limites des
héritages sont connues et les droits sont en géné-
ral constatés par titres.
Mais les villes et leurs banlieues ne sont rien en
comparaison du territoire occupé par les tribus.
Ce territoire se divise en deux parties : le Tell ou
région des céréales, qui comprend 137,000 kilomè-
tres carrés, et le Sahara ou région des parcours et
des palmiers, qui comprend 253,000 kilomètres car-
rés (1).
Cette vaste surface est peuplée par 1,200 tribus
environ.
La tribu a été parfaitement définie par M. le gé-
néral Lamoricière (2) : « C'est plus qu'une commu-
ne, c'est moins qu'une nation. » En d'autres termes,
ce n'est pas simplement une circonscription admi-
nistrative, c'est encore une unité politique. Consi-
dérée dans ses rapports avec le gouvernement
français, la tribu est une personne civile qui possède
Son territoire à divers titres, et ce territoire est en-

(1) Rapport adressé à M. le Président de la république par


le ministre de la
guerre, sur le gouvernementet l'administration
dt's tribus arabes de l'Algérie. Paris, 1851, in-So.
(2) Procès-verbaux des séances de la commission de législa-
tion de l'Algérie (1" séance, 19 décembre 1848).
suite réparti à divers titres entre les individus qui
composent la tribu.
Dans les montagnes, chez les Kabyles, restes des
anciens habitants du pays, le droit de la tribu sur
son territoire, comme celui de l'individu sur le
champ qu'il cultive, ne saurait être contesté. Comme
on le sait, la Kabylie est un pays de villages bâtis,
et de petite culture. Là encore la propriété se com-
porte à peu près comme en France. Il en est de
même dans les oasis du Sahara.
Mais il en est autrement chez les tribus arabes de
la plaine (1). Celles-ci vivent en commun sous la
tente, soumises à un régime aristocratique. Un
cercle de tentes forme un douar; plusieurs douars
réunis forment une ferka ou fraction de tribu, com-
mandée par un cheick ; plusieurs ferka forment la
tribu, gouvernée par un kaïd.
Ces tribus ou fractions de tribus détiennent le sol
à divers titres : il est même difficile de ramener à
quelques types des modes de tenure si multipliés et
si divers. On peut toutefois en distinguer trois.
Ou bien la tribu est propriétaire, en vertu d'un
titre de concession ou d'acquisition. Telles sont

(J) Exposé de l'état actuel de la société arabe, de son gouver-


nement et de la législation qui la régit. Alger, 1844. (Instruc-
tion publiée par l'ordre du maréchal Bugeaud à l'usage des
bureaux arabes.)
par exemple les tribus qui avoisinent Bône ; et dans
la province d'Oran, celles des Medjeher et des Chris-
tels. Cette dernière tribu, formée de la réunion de
gens venus de différentes villes, et qui occupe un
territoire de six lieues carrées, a justifié, par titre,
qu'elle avait acheté ce territoire du bey Mohammed
elKebir, moyennant 1,000 dinars d'or(1).
Ou bien la tribu n'a qu'un simple droit de jouis-
sance, soit que telle ait été la condition de la con-
cession originaire, soit que le gouvernement turc
ait autrefois confisqué la nue propriété ou plutôt
le domaine direct, laissant par grâce à la tribu re-
belle et châtiée la jouissance de son territoire. Ces
territoires s'appellent sabega dans la province d'Oran,
arch dans celle de Constantine. Il est difficile de dé-
terminer rigoureusement les caractères qui distin-
guent ce droit de jouissance du droit de propriété ;
les deux droits se confondent dans leur exercice,
mais, à la différence du droit de propriété, le droit
de jouissance est personnel et inaliénable (2). -

Il est remarquable toutefois que, dans la pro-

(1) Projet de colonisation du général Lamoricière, Paris, 1847,


P- 47. — Rapport de M. Daru, p. 8.

Déclarations du colonel
de Martimprey. (Procès-verbaux de la commission de législa-
tion de l'Algérie, 268 séance, 8 mars 1850.)
(2) Déclaration de Si-Chadli. (Procès-verbaux de la commis-
sion, 22* séance, 27 février 1850.)
-
vince de Constantine, la terre arch est grevée d'un
impôt appelé hokor (fermage). Cet impôt qui est dis-
tinct de l'achour, et qui tient lieu du zekkat (impôt
sur les bestiaux) établi dans les autres provinces,
est fixé à 25 francs par zouidja ou djebda (étendue
de terrain qu'une paire de bœufs peut labourer en
une saison, de 7 à 10 hectares) (1).
Les tribus qui n'ont qu'un droit de jouissance sont
de deux sortes : les unes doivent un service militai-
re, prix de la concession qui leur a été faite par les
anciens beys. Elles portent le nom de tribus makhzen
et ont en général des titres réguliers remontant à
deux ou trois siècles ; telles sont les Douairs, les
Smélas , les Gharaba, les Borghia dans la province
d'Oran, les Hadjoutes dans celle d'Alger. Les autres
sont des tribus rayas ou sujettes, autrefois proprié-
taires du sol, mais réduites à la simple jouissance
par la conquête ou la confiscation. On peut, dans

(1) V. le projet de colonisation du général Bedeau, Paris,


1847, p. 200, et le rapport précité sur le gouvernement et l'ad-
-
ministration des tribus arabes. En 1850, le hokor a rendu
815,000 francs. Bien que hokor signifie fermage, il ne faut pas
en conclure que le détenteur de la terre arch est un simple
fermier. On a souvent employé les mêmes mots pour désigner
l'impôt et le fermage. Il suffit de rappeler la locatio censoria
usitée chez les Romains pour les terres des provinces conquises,
et le cens que payaient au moyen âge les héritages roturiers.
une certaine mesure, comparer la tenure de la tribu
makhzen au fief, celle de la tribu raya à la censive (i).
Ou bien enfin la tribu est simple fermière de
biens du beylick (azels) dont elle paye la rente.
Cette tenure est surtout fréquente dans les environs
de Constantine.
Il arrive souvent que la tribu détient son terri-
toire sans titre, en vertu d'une possession immémo-
riale. La nature du droit est alors difficile à déter-
miner ; il faut consulter la tradition et les circons-
tances (2).
Dans l'intérieur de chaque tribu, les terres sont
partagées et la propriété individuelle se rencontre
partout, mais avec des caractères différents, suivant
les localités.
En général, le territoire de la tribu se divise en
Un certain nombre de parts (mechetas), originaire-
ment attribuées aux chefs de famille; mais, dans
chaque mecheta, la propriété reste indivise entre

(t) Déclarations du général Daumas et du colonel de Martim-


prey. (Procès-verbaux de la commission de législation de l'Al-
gérie. 25e et 26e séances, 6 et 8 mars 1850 )
(2) L'absence de titre écrit n'affecte en rien la nature du
droit. Ainsi, les Tonga et les Ouled Sammar, dans les environs
de la Galle, sont propriétaires melk, bien qu'ils n'aient d'autre
titre qu'une possession immémoriale. (V. le tableau des éta-
blissements français en Algérie, t. IX.)
tous les ayants droit. Cette indivision se rencontre
presque partout en Algérie. Comme les procédés
de culture sont très-arriérés et toujours uniformes,
tous les copropriétaires cultivent en commun, ou
afferment et partagent les fruits dans la proportion
de leurs droits.
On dit que chez un certain nombre de tribus,
notamment dans la province de Constantine, les
terres sont annuellement réparties par le cheik
entre les membres de la tribu (1). Cette propriété
alternative se rencontre fréquemment chez les peu-
ples qui sont pasteurs en même temps qu'agricul-
teurs, et dont les procédés de culture sont encore
barbares. César et Tacite la trouvaient chez les Ger-
mains il y a dix-huit siècles (2), et, pour le dire en

(1) Exposé de l'état de la société arabe, p. 9. - V. les déclara-


tions de Si-Chadli, du colonel de Tourville, et du colonel de
Martimprey. (Procès-verbaux de la commission de législation
de l'Algérie, 22e, 23C et 26* séances; 27 février, 1er et 8 mars
1850.) Toutefois il résulte de renseignements plus récents, que
la répartition ne porte que sur les terres devenues vacantes. S'il
-en est réellement ainsi, cette répartition pourrait être comparée
à Celle des parts de marais connues sous le nom de portions
ménagères dans certaines contrées du nord de la France (Flan-
dre, Artois, ancien évêché de Metz).
(2) Caesar, de Bello gallico, IV, 1 : « Sed privati ac separati agri
apud eos nihil est, neque longius anno remanere uno in loco
incolendi causalicet. » - VI, 22 : « Neque quisquam agri modum
cerium aut fines habet proprios : sed magistratus ac principes
passant, ce n'est pas le seul point de ressemblance
que l'on pourrait signaler entre les Germains d'alors
et les Arabes d'aujourd'hui.
On trouve encore, enclavés dans le territoire des
tribus, des domaines appartenant au beylick, et
d'autres appartenant à des congrégations religieuses
(zuouya). Ces terres sont, en général, affermées.
Celles du beylick sont quelquefois concédées à des
gendarmes arabes (zmoul) ou occupées, à titre de
bénéfices militaires, par des Turcs (okla) (1).

in anuos singulos gentibus cognationibusque hominum, qui una


coierint, quantum, et quo loco visum est, agri attribuunt atque
anno post alio loco transire cogunt. » — Tacit. Germania 26 :
« Agri pro numero cultorum ab universis per vices
occupantur,
quos mox inter se secundum dignationem partiuutur; facilita-
tem partiendi camporum spatia praestant. Arva per annos
mutant, et superest ager. »
Le même usage existait chez les Vaccéens d'Espagne (Diod.
Sic., V, 34) et chez les Dalmates (Strabon, VII, 6). Il existe en-
core en Russie. « La commune russe, dit le baron de Haxthau-
sen (Études sur la Russie, 1853, t. III, p. 215), peut être con-
sidérée comme une famille agrandie et dirigée par un père élu,
l'ancien, starosta. Toutes les terres habitées et cultivées par les
membres de la commune appartiennent comme propriété in-
divise à la commune entière. Aucune portion n'en est cédée
comme propriété particulière. Chaque membre mâle en reçoit
"ne part égale qui ne lui est accordée qu'en usufruit. C'est
sous la direction du starosta qu'on fait autant de parts qu'il y
a de membres mâles dans la commune. La répartition, qui jadis
se renouvelait sans doute tous les ans, s'effectue à présent pour
un certain nombre d'années. »
(1) Déclaration de M. de Fénelon (Procès-verbaux, etc.,
22" séance, 27 février 1850),
Les individus non propriétaires cultivent les ter-
res d'autrui comme fermiers ou comme métayers
(khammemsa). Le métayer a droit au cinquième de
la récolte, semences prélevées. Les terres commu-
nales leur offrent d'ailleurs une ressource.
Les droits de propriété individuels sont en géné-
ral constatés par écrit. Nos soldats ont souvent
trouvé dans les razzias des titres renfermés dans
des rouleaux de bois grossièrement taillés (i). Mais,
à défaut de titres, la notoriété suffit pour établir les
limites- de chaque propriété et le droit du proprié-
taire. On sait d'ailleurs qu'en droit musulman la
propriété s'acquiert par une possession continuée
pendant dix ans entre étrangers, pendant quarante
ans entre parents.
Tel est aujourd'hui l'état des terres dans le Tell.
« Dans le Sahara, où, sauf quelques oasis, le sol est
en général impropre à la culture, les terres, presque
sans valeur, ne sont plus partagées. La fortune
tout entière de la tribu consiste en grands trou-
peaux de moutons ou de chameaux, qui sont con-
duits de ruisseau en ruisseau. Les limites des tri-
bus ne sont plus nettement marquées, mais la pos-

(1) Déclarations de Si-Chadli, dJ général Daumas, de MM. de


Fénelon et de Martimprey. (Procès-verbaux de la commission ,
21e, 22e, 23e et 26e séances, 25 et 27 février, 1er et 8 mars I85Q.)
session des cours d'eau et des sources y est bien
déterminée et les tribus connaissent parfaitement
leurs droits à cet égard (1). » Il est remarquable
qu'un assez grand nombre de tribus ont à la fois un
territoire de culture dans le Tell et un de parcours
dans le Sahara.
Tel est aujourd'hui l'état des terres en Algérie,
et ici les faits sont d'accord avec la théorie. Les lé-
gistes musulmans distinguent quatre sortes de biens
dans leurs rapports avec ceux qui les possèdent :
biens du domaine de l'État (blad el beylick); biens
des corporations religieuses (hlad ellzàbous); biens
patrimoniaux (blad el mclk) ; biens de la commu-
nauté (blad el djemàa).
Tous les droits que nous venons de faire connaî-
tre ont été consacrés par le gouvernement français.
Chaque tribu en faisant sa soumission a obtenu en
échange le maintien de ses propriétés. La loi nou-
velle ne pouvait qu'ajouter sa sanction aux traités
antérieurement consentis; toutefois, le projet du
gouvernement avait essayé de définir les droits
maintenus, et de marquer à quels caractères on de-
vait les reconnaître. Dans ce système, la propriété

(1) Exposé de l'état actuel de la société arabe, p. 20. —


r. la déclaration du colonel Durrieu, directeur des affaires
arabes à Alger. (Procès-verbaux de la commission, 33" séance,
2» mars 1850.)
ne pouvait être prouvée que par titre. La possession
sans titre devait être nécessairement considérée
comme un droit de jouissance, c'est-à-dire comme
un usufruit sur une terre dont la nue propriété ap-
partenait à l'État. En réduisant ainsi la plupart des
tribus à un simple droit de jouissance, le gouver-
nement se donnait le droit de les cantonner, et, par
suite, de se procurer sans frais les terrains néces-
saires à la colonisation.
Mais ce système équivalait à une confiscation ;
car, ainsi que nous l'avons montré, la preuve écrite
n'est pas une condition de la propriété en droit mu-
sulman, pas plus qu'en droit français. Il y avait
d'ailleurs un grave inconvénient à définir des droits
encore imparfaitement connus et surtout trop di-
vers suivant les localités pour se plier à une règle
générale. Un système plus simple et plus sage fut.
proposé lors de la discussion au conseil d'État et
finit par prévaloir, c'est celui de notre article; il
maintient tous les droits existants, quels qu'ils
soient, et laisse aux tribunaux le soin de juger les
contestations qui pourront s'élever un jour sur la
nature et l'étendue de ces droits.
« Tous les droits de propriété ou de jouissance,
dit l'article, sont reconnus tels qu'ils existaient
avant la conquête, ou tels qu'ils ont été maintenus,
réglés ou constitués par le gouvernement français. »
Ces expressions pourraient, au premier abord,
faire penser que le législateur a entendu se référer
aux arrêtés et règlements antérieurs; il n'en est
rien, ces arrêtés et règlements sont au contraire
implicitement abrogés par notre article. Le législa-
teur entend seulement consacrer les faits existants,
soit qu'ils remontent à l'ordre de choses qui a pré-
cédé la conquête française, soient qu'ils aient été
créés depuis.
Il est facile d'expliquer les termes dont se sert
notre article ; ainsi les droits de propriété ou de
jouissance appartenant soit à des particuliers, soit
à des tribus ou fractions de tribus, ont été mainte-
nus par les traités de soumission, réglés par les dé-
cisions et les actes de l'administration française,
constitués par voie de cantonnement, d'échange, de
translation, etc.

ARTICLE 12.

« Sont validées vis-à-vis de l'État, les acquisitions


d'immeubles en territoire civil faites plus de deux
années avant la promulgation de la présente loi, et
a l'égard desquelles aucune action en revendication
n'a été intentée par le domaine.
« Les actionsen revendication d'immeubles acquis
dans le cours des deux années antérieures à la pro-
mulgation de la présente loi, devront, sous peine de
déchéance, être intentées par le domaine dans le
délai de deux ans, à partir de ladite promulgation.
« Les deux paragraphes précédents sont applica-
bles aux domaines acquis en territoire militaire
avec autorisation du gouvernement. »

La prescription existe dans le droit musulman


comme dans le droit français. Elle s'accomplit par
dix ans de possession entre étrangers, par quarante
ans entre parents. Le Code Napoléon exige, comme
on sait, dix, vingt ou trente ans selon les cas. Ces
délais, déjà longs, peuvent se prolonger encore à
raison des causes de suspension ou d'interruption
plus fréquentes en Algérie qu'ailleurs (1) et, ce -
,
pendant, une des premières nécessités de la coloni-
sation était l'assiette certaine de la propriété. Car
toute menace d'éviction est une cause de déprécia-
tion, et les chances d'éviction étaient nombreuses,

(1) Par exemple, la prescription de l'action en revendication


d'un immeuble situé en territoire militaire n'a pu commencer
à courir que depuis la promulgation du décret du 22 mars 1852
qui a institué des juges pour les actions de ce genre : Contra
non valentem agere non currit prœscriptïo. Req. rejet, 10 dé-
cembre 1855, Rubat, Sirey, 56, 1, 429.
quoi qu'on eût fait pour régulariseples transactions
immobilières entre indigènes et Européens.
L'ordonnance du 1er octobre 1844 a remédié au
mal en limitant à deux ans à compter de sa pro-
mulgation la durée des actions en nullité ou en res-
cision des ventes antérieures, ou en revendication
d'immeubles compris dans ces ventes. Ce délai de-
vait courir contre toutes personnes , même con-
tre les incapables; en sorte qu'à l'expiration des
deux ans tout danger d'éviction eût disparu pour
les acquéreurs antérieurs à l'ordonnance. A l'ave-
nir, toutes les ventes devaient demeurer soumises
aux dispositions du Code Napoléon.
Il est essentiel de déterminer la nature de cette
déchéance et le point de départ du délai.
D'après la cour de cassation, l'ordonnance a eu
pour but de protéger les acquéreurs qui, se trou-
vant en possession des immeubles par eux acquis,
seraient troublés dans leur jouissance soit par leurs
vendeurs, soit par des tiers. Il est manifeste que
cette disposition n'est relative qu'aux actions en
nullité ou en rescision exercées par les vendeurs, et
aux demandes en revendication formées par des
tiers qui se prétendraient propriétaires de tout ou
partie des immeubles compris dans ces ventes. Elle
ne s'applique pas à une revendication fondée sur ce
qu'un immeuble aurait été usurpé et serait détenu
par l'usurpateur sans droit, sans titre et sans qua-
lité (i).
Cette déchéance était d'ordre public, et ne pou-
vait être couverte par le silence des parties (2). Elle
s'appliquait même au possesseur, qui, au lieu de
rester sur la défensive, se faisait demandeur en nul-
lité d'une vente de l'immeuble qu'il possédait (3).
Mais elle ne s'appliquait qu'aux actions réelles ayant
l'immeuble pour objet, et non aux actions mobi-
lières en attribution ou partage de l'indemnité due
pour une expropriation antérieure (4). Enfin, l'or-
donnance veut une revendication formelle. Par
suite, de simples réserves faites par l'agent du do-
maine de l'État lors de la vérification des titres ,
en exécution de l'ordonnance du 21 juillet 1846, ne
peuvent être considérées comme ayant interrompu
la déchéance (S).
1
Quant au délai de deux ans, il commence à cou-
rir de la promulgation de l'ordonnance. Ces der-
nières expressions doivent s'entendre de la pro-
mulgation réputée connue. Or, d'après l'arrêté mi-

(1) Req. rejet, 8 juillet 1863, Sgitcowitch.


(2) Civ. cass., 16 décembre 1851, Ledeau. Dalloz, 52, 1, 12.
(3) Req. rejet, 9 février 1852, Juillet Saint-Lager, Dalloz, 52,
1,72.
(4) Civ. rejet, 19 juin 1854, Pillaut-Débit, Sirey, 54, 1, 680.
(5) Civ. cass., 24 décembre 1862, Bourkaïb, Sirey, 63, 1, 95.
nistériel du 1er septembre 1834, article 18, et l'ar-
rêté du gouverneur général du 20 octobre 1834 qui
régissaient alors la promulgation des lois en Algé-
rie , la promulgation n'était réputée connue dans
chaque province que trois jours francs après la ré-
ception du Bulletin officiel au chef-lieu de la pro-
vince. En conséquence, l'insertion de l'ordonnance
de 1844 au Bulletin officiel de l'Algérie n'ayant eu
lieu que le 21 octobre 1844, l'ordonnance n'est de-
venue obligatoire à Alger que le 24 du même mois,
et, par suite, une action en revendication a pu être
utilement formée le 22 octobre 1844 (1).
La loi de 1851 n'a pas voulu changer entre par-
ticuliers les conditions des contrats accomplis. « Une
mesure rétroactive aussi radicale, dit l'exposé de
,
motifs du projet du ministre n'a pas paru devoir
être prise une seconde fois ; mais l'administration
a voulu, pour sa part, renoncer au bénéfice de ces
longues prescriptions. Par l'abandon d'une partie
de ses droits, le domaine de l'État concourra de
nouveau à la consolidation de la propriété algé-
rienne. »

(1) Civ. cass., 11 mai 1859, Rozey, Sirey, 59, l, 381 ; id.,
10 décembre 1861, de la Place Chauvac, Sirey, 62, 1, 395. Ce
dernier arrêt, étant par défaut, a été confirmé sur l'opposition
le 21 avril 1863.
Du reste, la disposition de la loi est conçue à
peu près dans les mêmes termes que celle de l'or-
donnance de 1844; elle doit donc s'interpréter de
même. C'est une prescription abrégée. Il va sans
dire qu'elle n'est pas applicable à la partie qui
était en possession dès avant la promulgation de la
loi (1). Elle n'a pu être interrompue que par une
,
revendication formelle (2). Enfin aux termes d'un
arrêt de la cour de cassation (3), la déchéance ne
protège que les acquéreurs et non les vendeurs. En
conséquence, l'Etat, déchu de son action en reven-
dication contre l'acquéreur de l'immeuble qu'il
prétend lui appartenir, conserve, malgré cette dé-
chéance encourue vis-à-vis de l'acquéreur, le droit
de poursuivre le vendeur en remboursement du
prix.
La loi du 16 juin 1851 a été promulguée en
France le 25 juin, et en Algérie le 15 juillet suivant.
Il y a longtemps que le délai imparti par l'article 12
est expiré.
On remarquera que cet article ne s'applique pas
aux acquisitions faites en territoire militaire par des

(1) Req. rejet, 11 mars '856, Ben Haïm, Dalloz, 56, 1, 160.
(2) Civ. cass., 24 décembre 1862, Bourkaïb, Sirey, 63, 1, 95.
(3) Req. rejet, 18 juin 1861, Abderrhaman-ben-Mustapha,
Sirey, 62, 1, 495.
Européens non autorisés par le gouvernement, ni
aux transmissions de biens faites en territoire mili-
taire entre indigènes.

ARTICLE 13.

« Les actions immobilières intentées par le do-


maine ou contre lui seront, en territoire civil, por-
tées devant le tribunal civil de la situation des biens;
et, quand il s'agira de biens situés en territoire mi-
litaire , elles seront portées devant celui des tribu-
naux civils de la province qui en sera le plus rap-
proché. »

Cet article ,emprunté comme le précédent au


projet du gouvernement, n'est qu'un retour au droit
commun, mais il apporte une grave modification à
la législation antérieure.
L'article 18 de l'ordonnance du 9 novembre 1845
sur le domaine, portait : « Lorsque, pour établir le
droit de l'État sur un immeuble quelconque, le do-
maine alléguera la possession de l'autorité existant
avant l'occupation française, il sera statué par le
conseil du contentieux, sauf recours par devant

9
Les causes du domaine de l'État se trouvaient
ainsi, par un privilége tout particulier, commises
à la juridiction administrative ,
toutes les fois du
moins que le domaine agissait comme successeur
du beylick. Cette compétence exceptionnelle, que
les tribunaux ordinaires ont quelquefois tenté de
restreindre, a toujours été rigoureusement main-
tenue par la cour de cassation et par le conseil
d'État (1).
La cour de cassation, notamment, a décidé avec
raison qu'il suffisait que l'administration invoquât
l'article 18 de l'ordonnance du 9 novembre 1845,
pour qu'en tout état de cause les tribunaux civils
dussent se dessaisir sans pouvoir examiner si l'al-
légation de l'État est fondée, ni prendre en consi-
dération les titres et les témoignages fournis par
la partie adverse (2).
La cour d'Alger avait soutenu que l'article 18
de l'ordonnance du 9 novembre 1845 se trouvait
abrogé par l'ordonnance du 21 juillet 1846 sur la
vérification des propriétés. La cour de cassation a
encore rejeté ce système (3).
(t) Conseil d'État, 28 décembre 1849, Tulin; 6 juin i 85o, Ha-
ni/a ben Mohammed ; 2 août 1851, Rancet Duché.
(2) Civ. cass., 6 août 1849.
(3) Civ. cass., 3 février 185t, Sirey, 51, 1, 362. Par un autre
arrêt du 7 mai 1851, la cour suprême a persisté dans sa juris-
prudence, Dalloz, 54, 5, 151.
Notre article abroge expressément cette compé-
tence exceptionnelle et revient au droit commun,
qui, en toute matière, attribue les questions de
propriété aux tribunaux civils (1).
Il ajoute qu'en territoire militaire les actions
réelles, intentées par le domaine ou contre lui, se-
ront portées au tribunal civil le plus voisin.
On sait qu'en Algérie la compétence des tribu-
naux civils et administratifs était originairement
bornée aux territoires civils (2). Dans les territoi-
res militaires il n'y a eu pendant longtemps d'au-
tresjuges européens que l'autorité militaire. Ce ré-
gime n'avait pas de graves inconvénients en pré-
sence d'une législation qui prohibait absolument
toute acquisition d'immeubles faite par des Euro-
péens en territoire militaire sans la permission spé-
ciale du gouvernement.
Cependant l'arrêté du 5 août 1843 ayant limité la
compétence des commandants de place à celle des
juges de paix ou commissaires civils, les affaires
plus graves ne se trouvaient déférées à aucune ju-
ridiction. L'arrêté pris d'urgence par le duc d'Au-
oiale, alors gouverneur général, le 2 février 1848,

(1) Arrêt de la cour d'appel d'Alger du 24 septembre 1851


(Gazette des Tribunaux du 5 octobre).
(2) Conseil d'État, 28 décembre 1849, Tulin ; 23 décembre
1858, Maklouf.
porta remède à cet état de choses. En matière civile
et commerciale, cet arrêté étend la compétence du
commandant de place jusqu'à celle du tribunal de
première instance; seulement, et par exception, les
causes concernant l'état des personnes et les actions
réelles immobilières, autres que celles de la com-
pétence des juges de paix, sont dévolues au tribunal
civil le plus voisin.
Il est vrai que l'approbation qui devait être don-
née à cet arrêté par le ministre de la guerre n'a pas
été promulguée en Algérie dans les trois mois (m-d.
du 15 avril 1845, art. 5). En conséquence, l'arrêté
du 2 février 1848 a pu être considéré parles tribu-
naux comme nul et de nul effet (1).
Cette circonstance a échappé aux rédacteurs de
la loi. Le projet primitif attribuait au tribunal civil
le plus voisin les actions, soit des particuliers entre
eux, soit des particuliers contre le domaine, à rai-
son d'immeubles situés en territoire militaire; la
première partie de cette disposition a été retranchée
comme inutile, et résultant déjà de l'arrêté du 2 fé-
vrier 1848.
Malgré cet oubli, la dévolution aux tribunaux

(1) F. l'affaire rapportée dans la Gazette des Tribunaux, du


19 septembre 1851. Il s'agissait, dans l'espèce, d'un conflit né-
gatif entre le commandant de place de Médéah et le tribunal ci-
vil de Blidah.
civils de toutes les actions immobilières, sans ex-
ception, paraissait résulter de la loi, et notamment
des articles 13 et 21 qui portent que les tribunaux
civils connaîtront des actions intentées par le do-
maine ou contre lui, à raison d'immeubles situés
en territoire militaire, et régleront les indemnités
réclamées pour l'expropriation de ces mêmes im-
meubles.
Enfin le décret du 22 mars 1852, dont nous
avons déjà parlé, a tranché la difficulté en restrei-
gnant la compétence des commandants de place à
celle de simples juges de paix, et en attribuant au
tribunal civil le plus voisin toutes actions qui ex-
cèdent la compétence des commandants de place.
Les ressorts ont été déterminés par un arrêté du
gouverneur général, en date du 8 mai 1852.
La compétence de l'autorité judiciaire est, du
reste, soumise aux mêmes restrictions qu'en France.
Ainsi, en Algérie comme en France, c'est au con-
seil de préfecture qu'il appartient de statuer sur
le sens et la portée d'une adjudication de biens
nationaux (1). En Algérie comme eu France il
peut s'élever des questions préjudicielles appar-
tenant à la compétence administrative (2). En ce

(i) Conflit, 20 juin 1857, Nicaise.


(2) Conflit, 24 mars 1853, Tulln; 22 décembre 1853, Musta-
cas le tribunal doit surseoir, en réservant le
fond.

ARTICLE 14.

« Chacun a le droit de jouir et de disposer de sa


propriété de la manière la plus absolue en se con-
formant à la loi.
« Néanmoins aucun droit de propriété ou de jouis-
sance portant sur le sol du territoire d'une tribu
ne pourra être aliéné au profit de personnes étran-
1

gères à la tribu.
« A l'État seul est réservée la faculté d'acquérir
ces droits dans l'intérêt des services publics ou de la
colonisation, et de les rendre en tout ou en partie
susceptibles de libre transmission.

Notre article commence par reproduire le prin-


cipe de droit commun écrit dans l'article 544 du
Code Napoléon. Chacun peut jouir et disposer li-
brement de sa propriété; l'article ajoute en se con-
formant à la loi, c'est-à-dire à la loi française pour
les propriétaires européens, à la loi musulmane

pha; conseil d'État, 29 décembre 1858 ,


Tulin; V. aussi conflit,
21 décembre 1858, Ben Scheick Amed, et conseil d'État, 5 jan-
vier 1855, Brouard, 26 juillet 1855, Lakhdar.
pour les propriétaires indigènes, et pour tous à la
loi spéciale de l'Algérie (1).
Il était loin d'en être ainsi sous la législation an-
térieure. Diverses considérations avaient conduit à
interdire les transactions immobilières à certaines
personnes ou dans certains territoires.
Les personnes frappées d'incapacité pour acquérir
des immeubles en Algérie étaient les militaires et
les fonctionnaires publics. Le gouvernement voulait,
par cette mesure, protéger la population indigène
contre des abus d'autorité, et prévenir des dépos-
sessions déguisées sous la forme de contrats. Cette
prohibition, qui se rencontre pour la première fois
dans une instruction ministérielle du 17 mars 1834,
avait été renouvelée par l'ordonnance du 1er octo-
bre 1844. Aux termes des articles 16, 17 et 18 de
cette dernière ordonnance, les militaires et fonction-
naires publics ne pouvaient ni acquérir des immeu-
bles ni en prendre à bail pour plus de neuf années
sans l'autorisation spéciale du ministre de la guerre,

(1) Cette loi spéciale déroge souvent à la loi française. Ainsi,


en matière de voirie, on applique un arrêté de l'intendant civil,
du 8 octobre 1832, aux termes duquel nul ne peut construire
dans les villes de l'Algérie ou leurs faubourgs, sur quelque
terrain que ce soit, même non joignant la voie publique, sans
en avoir fait la demande par écrit au maire. Crim. cass., 24 fé-
vrier 1859, Cemino, Sirey, 62, 1, 1082.
et cela à peine de nullité. Mais, dit l'exposé des
motifs du projet du gouvernement, les inconvé-
nients de cette mesure, qui mettait en état de suspi-
cion les agents du pouvoir et enlevait à certaines
catégories de personnes la possibilité de se fixer en
Algérie sans esprit de retour, étaient trop graves
pour être compensés par l'avantage de prévenir
quelques abus, faciles d'ailleurs à réprimer. En
conséquence, un arrêté du gouverneur général de
l'Algérie du 5 mai 1848, pris en vertu aes pou-
voirs exceptionnels conférés au gouverneur géné-
ral par le gouvernement provisoire, abrogea les
articles 16, 17 et 18 de l'ordonnance du 1er octobre
i844. La loi maintient implicitement cette abro-
gation.
Une restriction bien autrement grave à la libre
disposition des propriétés, s'était maintenue jusqu'à
la promulgation de la loi. Elle résultait de l'inter-
diction des transactions immobilières entre musul-
mans et Européens hors de certaines limites.
« Les arrêtés qui édictaient cette prohibition, dit
le tableau officiel des établissements français en Al-
gérie (i), n'avaient pas seulement pour but de pro-
téger les indigènes, ni même d'imposer un frein

(t) Tome l, année 1838, page 263. — v. les arrêtés des


7 mai 1832, 8 mai et 3 septembre 1833, 28 octobre 1836, 10 juil-
let 1837, il janvier et 14 février 1842.
aux marchands de terres. On voulait bien plutôt
éviter qu'il se créât, dans l'intérieur et sur des points
éloignés, des intérêts qui, fondés une fois, se seraient
cru le droit d'invoquer la protection de l'armée et
auraient gêné la liberté d'action des commandants
militaires. »
Un arrêté du 12 mars 1844 détermina exactement
les limites dans lesquelles les transactions immobi-
lières seraient autorisées, et interdit ces mêmes tran-
sactions sur tout le reste du territoire, à peine de
nullité des actes, et d'amende contre les officiers pu-
blics qui les auraient reçus. L'ordonnance du 1er oc-
tobre 1844 (art. 19 à 23) vint confirmer ces dispo-
sitions et n'en excepta que les acquisitions faites par
l'État
pour services publics, ou par des particuliers
pour des établissements d'industrie et de commerce
avec autorisation spéciale du ministre de la guerre (1).
Enfin l'ordonnance royale du 21 juillet 1846 (art. 47-
50) reproduisit les mêmes défenses en ajoutant que

(t) Toutefois l'art. 23 de l'ordonnance du 1er octobre 1844


Validait les actes antérieurs, à condition que les acquéreurs se
seraient mis effectivement en possession. V. Civ., rejet, 19 juin
1855, Grevin, Sirey, 56, 1, 169. Il ist d'ailleurs évident que la
nullité prononcée par l'ordonnance n'atteint pas une promesse
unilatérale de vente, si, au moment où la promesse a été accep-
te,l'immeuble s'est trouvé situé en territoire civil, Req. rejet,
14 mars 1860, Bruat, Dalloz, 60, 1, 163.
les actes faits en contravention seraient nuls de plein
droit et sans jugement.
Les parties livrées àla colonisation, par l'arrêté du
12 mars 1844, étaient les territoires civils d'Alger,
Oran et Bône, les villes et banlieues de Cherchell et
de Philippeville et la ville de Mostaganem. Ces limi-
tes furent bientôt reculées. Ainsi l'autorisation fut
successivement étendue à Médéah, Milianah, Mas-
cara et Tlemcen (arrêté du 8 avril 1844), au quar-
tier européen de Constantine (ordonnance du 9 juin
1844), à la banlieue de Mostaganem*{ordonnance du
20 septembre 1845), à Dellys (ordonnance du 9 no-
vembre 1845), enfin à la banlieue de Constantine
(décret du 20 mars 1849).
L'ordonnance du 15 avril 1845, qui divisa l'Al-
gérie en territoires civils, mixtes et arabes (art. 12
et 13), posa en cette matière une règle générale : les
transactions immobilières libres dans l'étendue des
territoires civils, ne pourront avoir lieu hors de ces
territoires qu'exceptionnellement et avec l'autorisa-
tion du gouvernement (1).
La pacification de l'Algérie a rendu toutes ces res-
trictions sans objet. Une décision ministérielle du

(1) V. la circulaire du gouverneur général de l'Algérie, en


date du 5 décembre 1846. - L'arrêté du 9 décembre 1848 a di-
visé l'Algérie en territoires civils et territoires militaires.
10 mai 1850, interprétant les articles 47 à 50 de l'or-
donnance du 21 juillet 1846,avait déjà reconnu que la
prohibition portée par ces articles ne pouvait s'appli-
quer aux concessions définitives ou aux aliénations
faites par l'administration
en dehors des territoires
civils. La loi de 1851 introduit la liberté absolue des
transactions sur tout le territoire, en faisant exception
toutefois pour les territoires occupés par des tribus.
Cette exception se justifiait par de puissantes rai-
sons politiques. « Les tribus, disait M. Henri Didier
dans son premier rapport, sont de grandes unités
qu'il serait nécessaire de briser et de dissoudre au
plus tôt puisqu'elles sont le levier de toute résistance
a notre domination. Toutefois il ajoute que le
»
temps, aidé de la prudence la plus consommée, est
Seul capable d'accomplir cette désirable dissolution
de l'unité de tribu. Permettre l'établissement d'Eu-
«
ropéens sur les territoires des tribus serait porter une
première atteinte à l'organisation de la société arabe,
provoquer partout la défiance, peut-être même la
révolte. Il a paru préférable de permettre à l'État
seul l'acquisition d'immeubles sur ces territoires.
L'État pourra ainsi, soit par voie d'expropriation,
soit par voie de cantonnement, fournir aux services
publics ou à la colonisation les terrains nécessaires,
mais toujours avec une prudente lenteur, et en choi-
sissant l'occasion. »
Cette restriction fut cependant combattue lors de
la troisième lecture du projet de loi à l'Assemblée
nationale. M. Barbaroux avait proposé un amende-
:
ment ainsi conçu « Aucun droit de propriété, ap-
partenant à une tribu ou fraction de tribu, ne pourra
être aliéné au profit d'une autre tribu. » Le but de
cet amendement était de permettre aux personnes
étrangères à la tribu de s'y établir individuelle-
ment.
Mais l'Assemblée rejeta l'amendement et maintint
la disposition du projet sur les observations de M. de
Lamoricière (1). « Pourquoi, disait-il, avons-nous
défendu qu'un individu appartenant à une tribu
puisse acheter des terres sur le territoire d'une autre
tribu? Le voici : c'est qu'il existe des indigènes qui,
se mettant à la solde, principalement d'israélites et
parfois de colons, de spéculateurs, sont allés dans
l'intérieur des tribus, où ils savaient qu'il y avait des
terres à vendre, et achetaient à vil prix ces terres
appartenant soit à des mineurs, soit à des individus
dont les affaires étaient en mauvais état. Ces terres
achetées, il fallait les mettre en valeur, soit par des
Européens, soit par d'autres; cette opération inquié-
tait les tribus sur le territoire desquelles ils avaient
acheté ces terres. Il se produisait, dans le gouverne-

(t) Séance du 16 juin 1851, Moniteur du 17.


ment intérieur des tribus, des difficultés sans nom-
bre qui rendaient le gouvernement du pays excessi-
vement difficile, et voici pourquoi :
« La tribu répond de la sécurité de son territoire ;
elle se gouverne elle-même, elle s'administre elle-
même ; c'est, comme on vous l'a souvent dit, un
gouvernement à forfait; la tribu se gouverne, se
régit, garde son territoire, et répond de tout ce qui
s'y passe ; de plus, elle vous paye l'impôt ; moyen-
nant quoi, vous lui permettez de suivre sa religion,
de suivre ses pratiques et de vivre au milieu de ses
institutions communales et locales. Eh bien ! si vous
permettez à des étrangers appartenant à des reli-
gions différentes. de venir s'établir au milieu de
cette tribu, de désorganiser cette unité qui a traité
avec vous, les conditions de son existence étant rom-
pues, vous êtes obligé de substituer cette centralisa-
tion que vous avez si souvent combattue chez.nous
aux institutions locales dont je viens de parler, c'est-
à-dire, de vous immiscer dans l'administration de
la totalité des tribus du pays. Savez-vous ce qui en
résulterait? Des dépenses énormes, impossibles à
supporter. Il faut, jusqu'à ce que les tribus aient
été profondément modifiées dans leur existence, dans
leur vie sociale, les laisser s'administrer elles-mêmes
et ne pas s'introduire, s'immiscer dans leur sein. »
La loi laisse les transactions libres, 1" dans les
territoires civils ; l'administration française se trou-
vant complétement organisée sur ces territoires, il
n'y a pas d'inconvénient à laisser se dissoudre les
tribus qui les habitent (1) ;
2° Dans les parties du territoire militaire qui n'ap-
partiennent pas à des tribus, c'est-à-dire dans les
villes et leurs banlieues.
Mais les biens melk enclavés dans les tribus, en
territoire militaire, sont inaliénables comme les biens
arch.
Un décret du 16 février 1859 permit d'acquérir
ces melk, mais la mesure était prématurée ; elle fut
presque immédiatement rapportée par un décret du
7 mai 18S9.
La constitution de la propriété individuelle dans
les tribus, constitution promise par le sénatus-con-
sulte du 22 avril 1863, et déjà commencée, rend au-
jourd'hui sans objet les interdictions que nous venons
d'analyser. Le second et le troisième paragraphe de

(1) Ceci a été reconnu lors de la discussion de la loi au con-


seil d'État. F. d'ailleurs les articles 14 et 18 de l'ordonnance du
15 avril 1845 et surtout le décret du 8 août 1854 sur l'adminis-
tration des indigènes en territoire civil. Toutefois l'art. 2 dé-
clare que les biens dont jouissent les Arabes, fixés dans le ter-
ritoire civil, et qui ne seront pas reconnus être propriétés indi-
viduellts,ou indivises entre particuliers, restent soumis à l'ina-
iiéaabilité dont ils sont frappés par l'art. 14.
notre article sont en conséquence expressément
abrogés par l'article 6 du sénatus-consulte; néan-
moins, ajoute le sénat, la propriété individuelle qui
sera établie au profit des membres des douars ne »

pourra être aliénée que du jour où elle aura été ré-


gulièrement constituée par la délivrance des titres.
En d'autres termes, les terres arch restent inaliéna-
bles provisoirement, tant que dure l'indivision.

ARTICLE 15.

« Sont nulles de plein droit, même entre les parties


contractantes, toutes aliénations ou acquisitions fai-
tes contrairement à la prohibition portée au paragra-
phe 2 de l'article précédent.
« La nullité en sera poursuivie, soit par les parties
directement, soit d'office à la requête de l'adminis-
tration supérieure ou du ministère public, devant
le tribunal de la situation des biens.
« Les notaires ou autres officiers publics qui au-
ront prêté leur ministère pour des aliénations ou ac-
quisitions de cette nature, seront, suivant la gravité
des cas, suspendus ou révoqués, sans préjudice, s'il
Y a lieu, de dommages-intérêts envers les parties. »

Cet article n'est que la conséquence et la sanction


de l'article précédent. La nullité des actes faits en
contravention est absolue et d'ordre public ; elle
n'a pas besoin d'être déclarée par jugement, et
cependant il a paru utile de laisser soit aux par-
ties, soit même au gouvernement, le droit de la
faire déclarer.
Notre article porte que, en pareille circonstance,
le tribunal compétent est celui de la situation des
biens. Les rédacteurs de la loi n'ont pas songé que
les transactions prohibées portaient sur des biens
situés en territoire militaire, hors des limites de la
compétence des tribunaux civils. Il faut donc en-
tendre cette disposition, en ce sens, que les actions
en nullité seront portées devant le tribunal civil le
plus voisin, comme dansle cas prévu par l'article 13.
Cette interprétation se trouve aujourd'hui confirmée
par le décret du 22 mars 1852, déjà cité plus haut.
La loi ajoute une peine contre les notaires ou au-
tres officiers publics contrevenants. Elle a voulu.
désigner par ces derniers mots les fonctionnaires
indigènes, tels que les kadis (1), ou encore les dé-

(1) Aux termes de l'ordonnance du 26 septembre 1842, arti-


cle 43, les kadis constatent et rédigent en forme authentique
les conventions dans lesquelles des musulmans sont seuls inté-
ressés. Toutefois, lorsqu'il n'existe point de notaires français en
résidence dans un rayon de 20 kilomètres, le kadi peut consta-
fenseurs qui prêteraient leur ministère à des ventes
forcées.

ARTICLE 16.

« Les transmissions de biens de musulman à mu-


sulman continueront à être régies par la loi mu-
sulmane.
« Entre toutes autres personnes, elles seront ré-
gies par le Code civil. »

La plupart des colons européens établis en Al-


gérie ont acheté directement leurs terres aux indi-
gènes. Nous verrons plus loin quels ont été les in-
convénients de cette pratique, et combien il eût été
préférable que l'État vînt s'interposer partout entre
le vendeur indigène et l'acheteur européen. Mais le
gouvernement s'aperçut trop tard de la nécessité
d'une pareille mesure, et se contenta de prescrire
quelques règles. Un arrêté du 9 juin 1831 porte
que toute convention sous seing privé entre Euro-
péens et indigènes, sera écrite, à peine de nullité,

ter et rédiger toutes les conventions dans lesquelles un musul-


man est partie.
dans la langue de chacune des parties. Divers arrê-
tés des 21 et 25 juin, 11 juillet, 17 septembre, 20
décembre 1831, 6 avril et 28 mai 1832, 23 août
1839, 4 juillet 1855, ont introduit en Algérie les
formalités de l'enregistrement, de l'inscription des
hypothèques et de la transcription (1). D'autres pré-
cautions furent prises pour prévenir les fraudes.
Ainsi, aux termes d'un arrêté du 2 février 1835, re-
produit par un autre du 19 mai 1846, nul acte reçu
par les notaires, kadis ou autres officiers publics de
l'Algérie n'est valable, lorsque les parties ne par-
lent pas la même langue, sans l'entremise d'un in-
terprète traducteur assermenté, qui signe comme
témoin additionnel (2).
Un arrêté du 19 mars 1836 porte que les actes
provenant de l'intérieur des provinces ne pourront

(1) Les formalités hypothécaires doivent avoir lieu au bureau


établi dans le ressort du tribunal de première instance. Il n'y a
pas de difficulté aujourd'hui depuis le décret du 22 mars 1852 ,
qui a étendu à toute l'Algérie le ressort de ces tribunaux; mais
depuis l'ordonnance du 26 septembre 1842 qui restreignait ce
ressort au territoire civil, jusqu'au décret du 22 mars 1852,
c'est une grave question que celle de savoir où l'inscription a
pu être prise en territoire militaire. V. les conclusions de
M. l'avocat général Robinet de Cléry, citées par Robe, 1861,
p. 110.
(2) Mais cette disposition ne s'applique pas aux actes sous
seing privé, Alger, 21 avril 1845, Ménerville, jurisprudence,
p. 13.
servir dans les transactions passées sur le territoire
occupé par les Français, s'ils ne sont certifiés vérita-
bles par le kadi du lieu, légalisés par le bey de l'ar-
rondissement et revêtus du visa du chef de l'admi-
nistration civile, ou du commandant français. L'ar-
ticle 2 du même arrêté ajoute que, à l'avenir, tout
pouvoir de vendre, louer, acheter, donné verbale-
ment, sera considéré comme nul par les tribunaux
indigènes, et
que, pour être valables, les procura-
tions écrites devront être passées devant le kadi du
lieu, ou du moins certifiées et visées.
Enfin, la question de savoir quelle loi régirait
les actes passés en Algérie a été, comme nous l'a-
vons déjà dit, résolue par la législation coloniale. Le
principe, locus régit actum, n'était d'aucune utilité
pour résoudre cette question, puisque le territoire
algérien appartient à la France et que les lois fran-
çaise et musulmane y restent simultanément en
vigueur. A cet égard, deux principes ont :été posés
par toutes les ordonnances relatives à l'organisation
judiciaire en Algérie :
1° Toute' cause civile ou commerciale dans la-
quelle un Français se trouve intéressé appartient
aux tribunaux français (1) ;

(1) Arrêté du 22 octobre 1830, art. 5 ; ordonnance du 10 août


1834, art. 27 ; ordonnance du 26 septembre 1842, art. 33.
2° Entre Européens, les conventions et contesta-
tions sont régies par la loi française ; entre indigè-
nes, par la loi du pays, sauf convention contraire (1);
entre Européens et indigènes, par l'une ou l'autre,
suivant la nature de l'objet du litige, la teneur de la
convention, et, à défaut de convention, selon les cir-
constances ou l'intention présumée des parties.
Les arrêtés ou ordonnances que nous venons d'a-
nalyser ne purent prévenir toutes les difficultés. Au
bout de quelques années, on s'aperçut que presque
toutes les ventes faites par des indigènes à des Euro-
péens pouvaient donner lieu à des procès, soit pour
défaut de qualité des vendeurs, soit pour fausse in-
dication de contenance, soit pour inaliénabilité de
la chose vendue, soit enfin pour défaut de consente-
ment, l'Arabe ayant seulement entendu donner à
bail ce que l'Européen avait entendu acheter.
L'ordonnance du 1er octobre 1844 vint trancher
toutes ces questions non-seulement pour l'avenir,
mais encore et rétroactivement pour le passé (2).
En ce qui touche les ventes antérieures, l'or-

(1) Arrêté du 22 octobre 1830, art. 6; ordonnance du 10 août


1834, art. 31 ; ordonnance du 28 février 1841, art. 37; ordon-
nance du 26 septembre 1842, art. 37; décret dû 1er octobre 1854;'
décret du 31 décembre 1859.
(2) V. le commentaire de cette ordonnance par M. Montagne,
ancien défenseur à Alger. 1 vol. in-8°, Alger, 1845.
donnance consacrant la jurisprudence constante des
tribunaux algériens décide qu'elles ne pourront être
arguées de nullité à raison de l'insuffisance des pou-
voirs des kadis, maris, pères, frères et chefs de fa-
mille ayant stipulé pour autrui sans mandat spé-
cial, sauf le recours des ayants droit, s'il y a lieu,
contre ceux qui auront agi en leur nom. (Art. ier.)
Les procurations en vertu desquelles il aura été
procédé aux ventes ne pourront non plus être ar-
guées de nullité lorsqu'avant la vente elles auront
été reconnues suffisantes et certifiées par le kadi.
(Même article.)
Tout bail à rente, ou par annuités, dont la durée
n'est pas fixée par le contrat est considéré comme
Perpétuel, et emporte transmission définitive et ir-
révocable des immeubles qui en sont l'objet. La
rente ou l'annuité stipulée est également considé-
rée comme perpétuelle, sauf l'exercice de la faculté
de rachat par le débiteur. (Art. 2.)
Aucune vente faite par un indigène à un Euro-
péen ne pourra être attaquée par le motif que les
immeubles étaient inaliénables aux termes de la loi
musulmane (i). (Art. 3.)
Toute action réelle dans laquelle un Européen

(1) Nous reviendrons sur ce point en commentant l'art. 17 de


la loi.
sera en cause sera portée devant le tribunal français
de la situation de l'immeuble, et jugée d'après les
lois françaises combinées avec l'ordonnance et les
dispositions antérieures. (Art. 4.) Ces actions de-
vront, sous peine de déchéance, être intentées dans
les deux ans de la promulgation de l'ordonnance,
sans préjudice des prescriptions et déchéances qui
seraient encourues avant ce terme. Ce délai court
contre toutes personnes, même contre les incapa-
bles, sauf leur recours contre qui de droit. (Art. 7.)
Dans les ventes d'immeubles ruraux qui n'auront
pas été faites à raison de tant la mesure, l'indica-
tion de la contenance ne donnera lieu à une dimi-
nution de prix pour insuffisance, ou à un supplé-
ment de prix pour excédant de mesure, qu'autant
que la différence de la mesure réelle à celle expri-
mée au contrat sera de plus du tiers de la mesure
réelle. L'action en diminution ou en supplément de
prix devra, sous peine de déchéance, être intentée
dans l'année de la promulgation de l'ordonnance.
(Art. 6.)
Dans les deux ans, à partir de la promulgation
de l'ordonnance, les acquéreurs pourront assigner
en remise de titres, devant le tribunal de la situa-
tion des immeubles, ceux de leurs auteurs médiats
ou immédiats qui sont détenteurs des titres de pro-
priété. L'État sera mis en cause. (Art. 8 et 9.)
Enfin, toute vente faite par le domaine est irré-
vocable. Si un tiers revendique et obtient gain de
cause, tous ses droits sont transportés sur le prix.
(Art. 10.)
Pour l'avenir, l'ordonnance décide que toutes
les ventes faites
par des indigènes à des Européens
seront soumises aux dispositions du Code Napoléon.
Toutes actions réelles où un Européen sera en cause
seront jugées par les tribunaux français suivant la
loi française. Quelques-unes des dispositions inter-
prétatives que nous venons d'énumérer sont décla-
rées applicables aux ventes qui auront lieu ultérieu-
rement ; telles sont les dispositions relatives à la vali-
dité des procurations, à l'effet des baux à rente, à la
suppression de l'inaliénabilité des immeubles, à
l'action
en production de titres et à l'effet des ven-
tes consenties par le domaine. (Art. 5, 8 et (O.)
Tel était l'état de la législation sur les acquisi-
tions d'immeubles en Algérie lors de la rédaction de
la loi de 1851.
Le projet du gouvernement laissait subsister la
loi musulmane pour les transactions entre musul-
mans, mais apportait de graves modifications à la
loi française
pour les transactions entre musulmans
et Européens. Il exigeait que ces transactions eus-
Sent lieu par actes notariés, transcrits à la conser-
vation des hypothèques et publiés ; un autre article
portait que la propriété de tous immeubles acquis
avec juste titre serait prescrite entre toutes parties
privées par une possession de cinq années, à partir
de la transcription.
La commission de l'Assemblée n'a pas trouvé
cette innovation suffisamment justifiée et a préféré
s'en rapporter purement et simplement au droit
commun. En effet, pour être conséquent, il aurait
fallu soumettre aux mêmes formalités les transac-
tions de musulman à musulman. « L'exception à l'é-
gard des uns, dit l'honorable M. Henri Didier dans
son deuxième rapport, est aussi peu justifiable que
la règle à l'égard des autres.
« En droit français, comme en droit musulman,
il suffit du consentement des parties pour former
les conventions, et la vente est parfaite dès que l'on
est convenu de la chose et du prix. Le reste n'est
qu'une affaire de preuve, et il n'y est pas moins
efficacement pourvu par un acte sous seing privé que
par un acte notarié.
« Pourquoi donc substituer à l'autorité toute
spi-
ritualiste de ce système, si bien en accord avec l'é-
tat de notre société, celle de la matérialité de cer-
taines formes solennelles que la loi commune
n'exige pas? — Parce que, pendant quatorze ou
quinze ans, le commerce des immeubles en Algérie,
livré à toutes les cupidités de l'agiotage, a pu im-
punémerit jeter le trouble dans la propriété par l'au-
dace de sa mauvaise foi et de ses improbités ?
« Mais si alors des Arabes, pénétrés de cette
conviction que notre présence au milieu d'eux n'é-
tait qu'un accident sans durée possible, ont osé
vendre à vil prix des biens qui ne leur appartenaient
pas, ou qui même n'avaient qu'une apparence trom-
peuse de réalité, il est à remarquer que ces ventes
Se faisaient dans les villes, sans visite préalable des
lieux, sur de simples actes de notoriété, à des -spé-
culateurs européens impatients de faire fortune,
peu soucieux eux-mêmes de la réalité des acquisi-
tions qu'ils faisaient, pourvu qu'elles leur procu-
rassent un titre à négocier chèrement à d'autres
spéculateurs ou à des dupes.
« Aujourd'hui, au contraire, toutes les illusions
sont dissipées; une crise à la fois funeste et salu-
taire, déterminée par l'excès de ce trafic honteux,
est venue éclairer tous les esprits. Les Arabes ont
perdu l'espoir de nous expulser de l'Algérie et sont
résignés à vivre avec nous sous notre domination ;
l'agiotage déconcerté est à bout de tout crédit, et la
prudence la plus ombrageuse préside aux transac-
tions en matière d'immeubles. Les déceptions accu-
mulées ont eu pour effet de ramener les choses à
leur état normal.
« En présence de cette situation toute nouvelle,
à quoi pourraient servir les exigences du projet du
gouvernement? — A contrarier des habitudes fon-
dées sur les lois le plus certainement acceptées, et
à entraver, sans profit pour personne, le mouve-
ment régulier des affaires. »
Lors de la troisième lecture, un amendement
fut proposé par M. Poujoulat (i). Cet amendement
consistait à ajouter à l'article que les transmissions
de biens entre musulmans dans les territoires civils
seraient transcrites en français dans les registres
du domaine, à la requête du kadi.
M. le général Daumas, commissaire du gouver-
nement, et le rapporteur de la commission ont
combattu l'amendement, en faisant remarquer que
cette exigence était contraire à la loi musulmane
aussi bien qu'à la loi française, et qu'on ne pou-
vait demander aux musulmans ce qu'on ne deman-
dait même pas aux Européens (2). D'ailleurs, la
mesure proposée était absolument impraticable ;
ces motifs décidèrent l'Assemblée à rejeter l'amen-
dement.

(1) Séance du 16 juin 1851, Moniteur du 17.


(2) En droit musulman comme en droit français, la vente est
:
un contrat purement consensuel « Une vente est conclue, dit
Khalil, lorsque le consentement des contractants est exprimé
par paroles, ou par gestes, ou par signes, ou même seulement
par l'acceptation tacite, et de la main à la main, de la chose
achetée et du prix de cette chose. » (Tome III, page 170.)
Le système de la loi est très-simple : entre mu-
sulmans, les transmissions de biens sont régies par
le droit musulman ; entre toutes autres personnes,
par le Code Napoléon. C'est une conséquence du
principe déjà consacré depuis longtemps qui attri-
bue à la justice française tous les procès civils
dans lesquels un Européen ou même un indigène
Israélite est partie (1).
Il n'entre pas dans notre plan d'exposer ici les
règles du droit français et celles du droit musulman
en matière de transmissions d'immeubles. Toute-
fois, quelques explications sont nécessaires à l'égard
des ventes faites par des musulmans à des Euro-
péens : quand la loi déclare que ces sortes de ventes
seront régies par le Code Napoléon, elle suppose que
les parties contractantes ont entendu se référer au
Code Napoléon pour régler leurs obligations réci-
proques. C'est une interprétation de volonté, mais
rien de plus.
Ainsi, en ce qui touche la nature et les effets du
contrat, le consentement des parties, l'obligation
pour le vendeur de délivrer et de garantir, pour
-
l'acheteur de payer le prix, l'action résolutoire, la
clause de réméré et la rescision pour lésion de plus

(1) V. l'ordonnance du 26 septembre 1842.


des sept douzièmes, le juge devra appliquer les
dispositions du Code Napoléon.
Mais la capacité du musulman vendeur devra se
juger d'après la loi musulmane, ainsi que l'éta-
blissement de propriété du chef du vendeur et
la validité des servitudes antérieurement consti-
tuées.
Ces questions de capacité et de propriété se ré-
duisent presque toujours à des questions de fait. On
sait que les musulmans n'ont pas d'état civil (1), et
la majorité chez eux n'est pas fixée à un âge déter-
miné (2). Quant aux femmes, elles ne sont pas sou-
mises à l'autorisation maritale, et gardent même
pendant le mariage le droit de disposer librement
de leurs biens. Les biens des mineurs, des interdits
et des absents peuvent être vendus, sans qu'il y ait
aucune formalité prescrite, soit par les tuteurs, soit
même d'office par les kadis. La vente d'un immeu-
ble n'est pas, comme en droit français, un acte ex-
ceptionnel, dépassant les bornes d'une simple ad-
ministration, et ainsi il a été jugé qu'une procura-

,
(1) Toutefois, le décret du 8 août 1854 art. 10 et 11, a sou-
mis à la constatation de l'état civil les indigènes établis en ter-
ritoire civil.
(2) V. Khalil, au titre de l'interdiction et de la minorité
(tome IV).
tion générale donnée par un musulman emporte
pouvoir d'aliéner (1).
La notoriété suffit également pour établir la pro-
priété du vendeur; cependant il existe presque tou-
jours des titres (actes de partage ou de vente, cons-
titutions de habous), c'est à l'acheteur européen à
vérifier ces titres en remontant jusqu'à la limite de
la prescription acquise. Il suffit de rappeler ici que
la propriété en droit musulman s'acquiert même
sans titre ni bonne foi par une possession de dix
ans entre étrangers et de quarante ans entre pa-
rents (2). M est utile de faire remarquer enfin que

(1) Arrêt de la cour d'appel d'Alger du 10 aoùt 1844, Mé-


nerville, jurisprudence, vu Mandat. — F. Khalil, au titre du
Mandat, t. IV.
(2) V. la déclaration de Sid Chadli, kadi de Constantine
(Procès-verbaux de la commission, 22e séance, 27 février 1850),
et l'arrêt de la cour d'appel d'Alger du 5 juillet 1847. Ménerville,
juri-sprudence, v- Prescription; Khalil, chapitre des témoins
(t. V). En Algérie, les actes passés devant-les kadis n'ont date
certaine vis-à-vis des tiers que du jour de leur transcription sur
les registres, dont la tenue est ordonnée par les décrets des
1", octobre 1854 et 31 décembre 1859. Civ. cass., 5 juillet 1859,
Damoreux, Sirey, 59, 1, 9)9. Quoiqu'en droit musulman la

preuve testimoniale soit supérieure à tous les autres modes de
preuve, le juge n'est cependant pas tenu de l'admettre lorsqu'il
déclare en fait que les actes, faits et circonstances de la cause
ôtent toute force aux faits dont la preuve est offerte. L'arrêté du
gouverneur général du 21 juin 1831, qui exige à peine de nullité
l'enregistrement des actes des kadis, a été abrogé par l'ordon-
l'arrêté du 28 mai 1832, qui a introduit le régime
hypothécaire en Algérie, et rendu obligatoires les
formalités de la transcription et de l'inscription,
n'est pas applicable aux contrats passés entre in-
digènes, soit musulmans, soit israélites. Les privi-
léges et hypothèques des indigènes sont donc for-
mellement dispensés d'inscription (1).
La remise des titres de propriété est générale-
ment stipulée dans tous les actes de vente ; du reste,
elle est de droit. L'article 8 de l'ordonnance du
1er octobre 1844 porte que « les acquéreurs d'im-
meubles pourront à toute époque exiger,' de ceux de
leurs auteurs médiats ou immédiats qui sont déten-
teurs des titres de propriété, la remise ou le dépôt
de ces titres en l'étude d'un notaire. L'action sera
portée devant le tribunal de la situation des immeu-
bles. Le tribunal ne pourra statuer qu'après que
l'administration des domaines aura été mise en

nance du 18 octobre 1841 qui a appliqué à l'Algérie les lois re-


latives à l'enregistrement en France. Req. rejet, 28 novembre
1858, Fabus, Sirey, 59, 1, 340.
(1) V. l'article 10 de l'arrêté du 28 mai 1832 et un arrêt d'Al-
gerdu31 juillet 1850. Ménerville, jurisprudence, VO Hypothè-
ques. Cette dispense n'est pas seulement accordée aux musul-
mans entre eux ; elle est opposable aux Européens. Alger,
19 mars et 21 octobre 1862, Robe, 1862, pp. 97 et 201. Mais elle
ne profite plus aux israélites (Loi du 16 juin 1851, art. 16).
cause pour surveiller ses droits. S'il est du, pour
le prix ou pour partie du prix des immeubles, soit
une rente, soit les intérêts d'un prix à terme, le dé-
biteur pourra en suspendre le payement durant le
procès, tant à l'égard du vendeur qu'envers son ces-
sionnaire, sans préjudice des dommages-intérêts,
s'il y a lieu. » Cette disposition n'a été abrogée par
aucune disposition postérieure (1).
Les transmissions immobilières en Algérie ont
souvent lieu sous la forme de baux à rentes. Cette
convention est régie par l'article 530 du Code Napo-
léon ; c'est
une vente ayant pour prix le capital né-
cessaire pour racheter la rente, et le rachat ne peut
être interdit pendant plus de trente ans. Ce con-
tât, qui convenait d'ailleurs aux habitudes des mu-
sulmans, comme nous le verrons dans le commen-
taire de l'article suivant, permet aux colons euro-
péens de devenir propriétaires sans aliéner leurs ca-
pitaux.
L'ordonnance du 1er octobre 1844 (titre II) tra-
çait des règles pour le rachat des rentes. Notre ar-
ticle renvoie simplement au Code Napoléon, et par
là se trouvent implicitement abrogées toutes dispo-

(1) Toutes les autres dispositions du titre Ier de l'ordon-


nance du 1er décembre 1844 doivent être considérées comme
abrogées.
sitions antérieures, pour l'avenir du moins, car l'or-
donnance continue de s'appliquer au rachat des
rentes constituées avant la promulgation de la loi
du 16 juin 1851 (i).

ARTICLE 17.

« Aucun acte translatif de la propriété d'un im-


meuble appartenant à un musulman au profit d'une
autre personne qu'un musulman, ne pourra être at-
taqué pour cause d'inaliénabilité fondée sur la loi
musulmane.
« Toutefois, dans le cas de transmission par un
musulman à toute autre personne d'une portion
d'immeuble indivis entre le vendeur et d'autres mu-
sulmans, l'action en retrait connue sous le nom de
droit de cheffa dans la loi musulmane, pourra être

(1) Req. rejet, 26 juin 1854, Vanhuffel, Sirey, 54, 1 653. —


,
Un décret du 21 février 1850 a réduit de moitié toutes les ren-
tes dues au domaine pour prix d'immeubles. Il a été jugé que
la réduction s'appliquait même aux rentes séquestrées (conseil
d'État, 7 juillet 1853, Remy-Long), et que, dans le cas de vente
judiciaire de l'immeuble grevé, la réduction, au moins pour les ,
arrérages échus avant l'adjudication, devait profiter non à l'ad-
judicataire, mais au saisi ou à ses créanciers (Civ. cass., 23 juil-
let 1855, Mekalski, Sirey, 56, 1, 164.)
accueillie par la justice française et le retrait être
autorisé ou refusé, selon la nature de l'immeuble
et les circonstances. »

Le premier paragraphe reproduit l'article 3 de


l'ordonnance du 1er octobre 1844. Pour faire com-
prendre cette disposition, il faut donner quelques
explications empruntées à la loi musulmane.
« Les biens, dans leur rapport avec les disposi-
tions dont ils peuvent être l'objet, disent les docu-
ments officiels (1), se divisent en melks et habons.
« Les biens melks sont les propriétés libres et
franches dont le possesseur peut disposer suivant sa
volonté, en se conformant à la loi.
« On appelle habous les biens dont un particu-
lier, réservant la jouissance pour lui-même, sa pos-
térité directe ou quelqu'un de ses parents dans un
ordre déterminé, donnait la nue propriété actuelle
à un établissement de piété, de charité ou d'utilité
publique. C'était une véritable substitution par l'ef-
fet de laquelle l'institution appelée entrait en par-
tage du domaine direct, en attendant que le do-
maine utile lui advînt, exerçant dès à présent une

(1) Tableau de la situation des établissements français dans


l'Algérie, tome le.., 1836, page 257. V. aussi Khalil, chapitre 35
du ouakf et du habous (trad. franc., t. V).
partie des droits de la propriété qui était empri-
sonnée, engagée, selon le sens originaire du mot
habous.
« Ces sortes de substitutions s'étaient multipliées
à un tel point qu'elles comprenaient la plus grande
partie des maisons et des jardins, et s'étendaient
déjà beaucoup dans la campagne.
« Elles étaient inspirées par la piété et la charité,
mais, en satisfaisant aux préceptes de la religion, le
musulman mettait sa fortune à l'abri de la prodiga-
lité de ses successeurs et la dérobait à l'avidité spo-
liatrice du pouvoir.
« Le habous est de sa nature inaliénable ; mais
si l'immeuble dépérissait entre les mains de l'usu-
fruitier, si la ruine des bâtiments était imminente,
sans que le possesseur actuel pût faire les dépenses
exigées, la vente, ou plutôt l'aliénation avec .un titre
spécial, était décidée et autorisée par une délibé-
ration du midjelès (réunion du mufti et des kadis).
Le contrat de vente qui intervenait alors au profit
d'un tiers portait le nom d'ana (1). Il emportait
obligation pour l'acquéreur de faire les améliora-
tions exigées et de payer à perpétuité une rente an-

(1) Lecontrat s'appelait aussi djelça. V. sur le bail à djelça


un jugement du tribunal supérieur d'Alger du 22 avril 1841.
Ménerville, jurisprudence, v° Louage.
nuelle qui prenait la place de l'immeuble dans les
transmissions successives dont il pouvait être l'objet,
et continuait de grever la propriété dans quelques
ttiains qu'elle résidât. »
La cause qui introduisit le habous a disparu de-
puis la conquête française, et on remarque même
que, dans les territoires soumis à notre adminis-
tration, on ne voit plus les indigènes faire de cons-
titutions de habous. D'ailleurs, les établissements
religieux au profit desquels ces substitutions étaient
faites n'existent plus aujourd'hui. Le habous n'est
donc plus qu'une entrave inutile à la libre disposi-
tion des biens. Sans s'expliquer sur la question de
savoir si les habous existants continueront à pro-
duire leur effet entre musulmans, la loi déclare
que l'inaliénabilité résultant du habous ne pourra
être opposée par des musulmans à des Euro-
péens (1\
Cette exception au principe de l'inaliénabilité des
biens habous, créée dans un intérêt d'ordre public

(1) M. Montagne soutient que l'ordonnancede 1844 a eu pour


effet d'abolir les habous même entre musulmans. (F. son com-
mentaire sur l'ordonnance de 1844, ait. 31.) - Mais les tribu.
naux musulmans maintiennent chaque jour des dévolutions de
successions faites en vertu de constitutions de habous, et leurs
jugements sont confirmés par la
cour d'appel d'Alger. V. Mé-
nerville, jurisprudence, vu Propriété, et Hobe, passim.
et de sécurité territoriale, est absolue, et doit être
appliquée dans tous les cas. Il en doit être ainsi,
même au cas où, à raison de l'inaliénabilité des
biens habous entre musulmans, la possession de
ces biens n'avait pas cessé d'être précaire dans les
mains de celui qui en a disposé en faveur du colon
européen. En effet, si les contestations, même
justes d'après la loi musulmane, élevées contre les
indigènes qui auraient possédé des biens habous,
ou en auraient disposé malgré les droits éventuels
qui dérivent de la nature de ces biens au profit des in-
digènes successivement appelés, pouvaient réfléchir
,
contre le colon européen la propriété transmise à
celui-ci serait, par là même, toujours incertaine et
menacée, ce qui ne tendrait à rien moins qu'à rui-
ner dans leur base et à détruire dans leurs effets
les dispositions de l'article 17 (1).
Un décret du 30 octobre 1858 a été plus loin en-
core, et déclare purement et simplement applicables
aux transactions passées ou à venir, de musulman à
musulman et de musulman àisraélite, les dispositions
de l'article 3 de l'ordonnance du 1 er octobre 1844 et
celles de l'article 17 de la loi du 16 juin 1851. En
d'autres termes, le habous subsiste encore, mais il

(1) Civ. rejet, 21 mars 13â9, Aïcha, Sirc3,, 3,9, 1, 380.


n'est plus obligatoire pour le grevé, qui peut tou-
jours l'anéantir en aliénant (1).
En même temps qu'il rend le habous aliénable,
notre article maintient, mais d'une manière facul-
tative pour le juge, le droit de cheffa, sorte de re-
trait d'indivision. On sait que l'indivision entre co-
propriétaires est un fait habituel en Algérie; les
Partages y sont rares. La conséquence de ce fait est
le droit attribué à chaque propriétaire de retraire
la part de la propriété commune vendue à un
étranger. 1

Le droit de cheffa (2) s'exerce contre tout acqué-


reur à titre onéreux d'une part indivise dans un
immeuble il ; a lieu moyennant l'offre du prix et
des loyaux coûts. Il se prescrit par six mois ou par
un an à partir du contrat, suivant que le retrayant
a été ou non présent à la vente. Entre plusieurs
concurrents la préférence pour l'exercice du droit
de cheffa se règle suivant le degré de successibilité.
Ainsi elle appartient d'abord aux héritiers à portion
légale, puis aux héritiers simples, puis enfin aux

(1) Le habous est tellement anéanti par la vente, que le dé-


Volutaire éventuel n'a plus aucun droit non-seulement sur
l'immeuble, mais même sur le prix. (Alger, 29 décembre 1862
et 23 mars 1863 ; Robe, 1863, p. 47 et 69.)
(2) V. Khalil, au titre du droit de clteffa (t. IV, p. 420) et les
arrêt:; cités par Mcncrville, jurisprudence, VU Chçfaa.
étrangers ; entre plusieurs concurrents au même
titre, la portion retirée se partage proportionnelle-
ment.
Notre article, conforme aux errements de la ju-
risprudence antérieure, donne aux tribunaux fran-
çais un pouvoir discrétionnaire pour admettre ou
rejeter, suivant les circonstances, l'exercice de ce
droit de retrait.

TITRE IV.
De l'expropriation et de l'occupation temporaire
pour cause d'utilité publique.

L'expropriation pour cause d'utilité publique et


la fixation des indemnités ont été longtemps aban-
données, en Algérie, à l'arbitraire de l'adminis-
tration, et il était difficile qu'il en fût autrement
jusqu'à ce que l'état de guerre eût cessé et que les
progrès de la colonisation eussent permis d'établir
dans la colonie une organisation judiciaire sembla-
ble à celle de la métropole. Voici l'analyse des di-
vers arrêtés qui sont venus successivement régle-
menter cette matière.
Dès le 26 octobre 1830, un arrêté du général en
chef ordonna de nombreuses démolitions dans la
ville d'Alger ; cet arrêté porte que les indemnités
seront fixées ultérieurement, et deux autres arrêtés
des 19 janvier et 24 mai 1831 réglèrent les forma-
x
lités imposées aux propriétaires pour obtenir leur
payement. Les titres devaient être produits à bref
délai devant les muftis et le kadi, transmis par eux
avec leur avis au directeur des domaines, et le comité
du gouvernement devait régler l'indemnité (1).
Ce n'était là qu'une mesure transitoire et d'ur-
gence. Il fallut bientôt prescrire des règles géné-
rales. Aux termes d'un arrêté du 17 octobre 1833
,
l'expropriation est prononcée par arrêté du général
en chef, et l'indemnité fixée par experts arbitres. Il
n'est dû aucune indemnité à raison des terrains pris
ou fouillés pour ouvrir des routes (2).
Le 9 décembre 1841, un nouvel arrêté ajoute
quelques formalités nouvelles.
C'est en conseil d'administration que le gouver-
neur général déclare l'utilité publique et prononce
l'expropriation ; c'est le conseil d'administration qui
fixe l'indemnité après une expertise contradictoire,
mais il n'est point lié par cette expertise. Le prin-
cipe d'indemnité est admis en matière d'occupation

(1) Conseil d'État, 21 juin 1850, Trouin.


(2) Conseil d'État, 25 décembre 1840, Bayle.
;
temporaire si cette occupation se prolonge pendant
plus de trois ans, le propriétaire peut exiger son
expropriation définitive. Enfin, un recours au mi-
nistre est ouvert contre les décisions du conseil
d'administration(1) ; mais l'indemnité n'est pas préa-
lable a la prise de possession par l'État ; aux termes
de l'article 23 elle doit toujours être liquidée en
rentes.
Enfin l'ordonnance du 1er octobre 1844 a institué
pour les territoires civils un nouveau règlement
d'expropriation. Elle a déclaré que l'indemnité se-
rait préalable et réglée par l'autorité judiciaire.
L'article 21 de la loi a rendu cette ordonnance ap-
plicable à tout le territoire de l'Algérie. Ce régime
est à peu près celui qu'avait établi en France la loi
du 8 mars 1810 ; il reste encore un pas à faire ,
c'est d'établir en Algérie, comme on l'a fait en
France et dans les colonies françaises, le jury d'ex-
propriation.
Les règlements antérieurs à l'ordonnance du
1er octobre 1844 ont eu pour conséquence une in-
terminable liquidation d'indemnités arriérées. Il
fallut, en 1848, créer pour cette liquidation une

(t) Sous l'empire de l'arrêté du 9 décembre 1841, les déci-


sions ministérielles ne pouvaient étredéféréesau conseil d'État.
(Conseil d'État, 15 novembre 1851,Rambour. V. toutefois con-
seil d'État, 11 mai 1854,Fabus.)
commission spéciale (1), dont les fonctions furent
transférées aux conseils de préfecture par un décret
du 5 février 1851.
Cette commission statuait sauf recours au conseil
d'Etat (2), dans tous les cas où il avait
y eu expro-
priation consommée. D'après l'article 79 de l'ordon-
nance de 1844 et l'arrêté du 5 mai 1848, l'expro-
priation devait être réputée consommée par le seul
fait de la démolition ou de l'occupation effective de
l'immeuble (3). Ainsi, en réalité , jusqu'au 1 er jan-
vier 1845, l'expropriation en Algérie s'opérait par
simple voie de fait (4).

«
(1) Arrêté du gouverneur général du 5 mai 1848, approuvé
par le ministre le 1er juillet suivant.
(2) Par suite, ses décisions n'étant pas en dernier ressort
n'étaient pas susceptibles de requête civile. ( Conseil d'État,
22 janvier 1857, Aillaud.)
(3) S'il s'élevait des doutes sur la question de propriété, ou
Sllr l'époque de la dépossession, la question devait être ren-
voyée aux tribunaux. (Arrêté du 5 mai 1848, art. 6; conflit,
4 juin 1857, Aoulzerate; conseil d'État, 18 février 1858, Sagot
de Nantilly, 16 août 1860, Aillaud.) L'ordonnance ne posait
cette règle que pour les expropriations antérieures à l'arrêté du
17 octobre 1833;
on s'est demandé s'il avait pu y être légale-
ment dérogé par l'arrêté du gouverneur général du 5 mai 1848;
celle question a été résolue affirmativement par la cour d'Al-
ger. V. Robe, 1859, p. 166; 1861, p. 99; 1«63, p. 65.
(4) Voici l'indication des décisions rendues par le conseil
d'État sur cette matière. Quoique la plupart aient statue en
fait, on peut cependant y trouver des précédents utiles à con-
ARTICLE 18.

«
L'État ne peut exiger le sacrifice des propriétés
ou des droits de jouissance reconnus par les arti-
cles 10, 11 et 12 de la loi que pour cause d'utilité
publique légalement constatée, et moyennant le
payement ou la consignation d'une juste et préa-
lable indemnité. »

Cet article reproduit, presque dans les mêmes


termes, l'article 545 du Code Napoléon.
Le principe qu'il consacre n'a été introduit en
Algérie que par l'ordonnance royale du 1er octobre
1844 (art. 48).

sulter : 21 juin 1850, janvier 1851, Astruc; 22 fé-


Trouin; 4
vrier 1851, Brossette-Gaillard; 1er mars 1851, Marc Bellard;
21 juin 1851, Trouin; 26 juillet 1851, Hadj Mustapha; 12 dé-
cembre 1851, Mathieu; 9 janvier 1849 et 18 novembre 1852,
Brassens; 1er décembre 1852, Cohen et Lasry; 27 janvier 1853,
Lainné; id., Pebeyre; 17 février 1853, Siéveking; 27 mars 1853,
Lasry; 30 mars 1853, Marc Bellard; 6 mai 1853 , Lieutaud;
12 mai 1853, Passeron; 7 juillet 1853, Remy-Long; 21 juillet
1853, Senellart ; 20 avril 1854, Boccara; 14 décembre 1854,
Chirac; 21 décembre 1854, Bellart; 10 mai 1855, Malboz;
31 mai 1855, Hébert; 23 février 1854 et 10 janvier 1856,
Berthelot ; 21 février 1856, Lavollée; 6 mars 1856, House;
8 mai 1856, Sid Abd el Kader; 24 juin 1858, Aillaud; 20 jan-
vier 1859, Badenco; 18 décembre 1862, Boccara.
La loi étend ce principe à tout le territoire civil
ou militaire, et à toutes les propriétés, sans dis-
tinction entre les possesseurs musulmans ou eu-
ropéens.
Quant aux droits de propriété ou de jouissance
qui appartiennent à des tribus, le projet du gou-
vernement traçait un mode d'expropriation spécial.
L'expropriation aurait été prononcée et l'indemnité
réglée parle gouverneui"généralen conseil de gouver-
nement. L'indemnité aurait consisté en argent, ou,
pour les droits de jouissance, en un titre de pro-
priété sur la portion de territoire laissée à la tribu.
Ces règles spéciales ont été supprimées, et les droits
des tribus comme ceux des particuliers restent sou-
mis au droit commun (1).

ARTICLE 19.

« L'expropriation peut être prononcée pour les


causes suivantes :
« Pour la fondation des villes, villages ou ha-
meaux, ou pour l'agrandissement de leur enceinte
ou de leur territoire ;

(1) V. le sénatus-consulte du 22 avril 1863, art. 7.


« Pour l'établissement des ouvrages de défense et
des lieux de campement des troupes ;
« Pour l'établissement de fontaines, d'aqueducs,
d'abreuvoirs ;
« Pour l'ouverture des routes, chemins, canaux
de dessèchement, de navigation ou d'irrigation ,
et
l'établissement de moulins à farine ;
« Pour toutes les autres causes prévues et déter-
minées par la loi française. *»

L'article 3 de la loi du 3 mai 1841 énumère les


travaux d'utilité publique qui peuvent donner lieu
à l'expropriation. Ce sont tous les grands travaux
publics, routes, canaux, chemins de fer, canalisa-
tion des rivières, bassins et docks entrepris par
l'État, les départements, les communes, ou par
compagnies particulières, avec ou sans péage, avec
ou sans subsides du trésor, avec ou sans aliénation
du domaine public. Mais cette énumération n'est
pas limitative ; ainsi, en règle générale, la cons-
truction , l'agrandissement ou l'amélioration de tous
ouvrages d'utilité publique générale, départemen-
tale ou communale entraînent, lorsqu'il y a lieu,
l'application de la loi de 1841; il suffit que l'utilité
ait été reconnue dans les formes prescrites.
Ce principe eût peut-être suffi, sauf à être appli-
qué en Algérie plus largement qu'en France, eu
égard aux besoins de la guerre et de la colonisation ;
néanmoins il a paru utile d'écrire dans la loi les
nécessités exceptionnelles spéciales à l'Algérie (i).
Tel est le motif de notre article et
nous le trouvons
clairement indiqué dans l'exposé qui précède le pro-
jet uu gouvernement.
« Les terres domaniales, dit le ministre, ne sont
pas toujours assez bien disposées pour qu'on y
puisse trouver constamment les emplacements né-
cessaires soit à la création , soit au développement
des villages indispensables à la sécurité ou à la mise
en valeur du sol.
« Les étapes des troupes sont indiquées en Algé-
rie par la nature même, de telle façon que les
lieux de campement sont pour ainsi dire forcés et
fixes.
«Quant aux autres établissements, ils sont d'une
importance telle et si générale dans un pays où les
cours d'eau sont si peu nombreux et si peu abon-

(t) L'article 25 de l'ordonnance du 1er octobre 1844 indiquait


comme seules causes d'expropriation spéciales à l'Algérie, la
fondation et l'agrandissement des villes et villages, et les
travaux de défense ou d'assainissement du territoire.
Il ne faut pas oublier que le dommage résultant d'un fait
de guerre
ne donne pas lieu à indemnité. Le conseil d'État a jugé
que l'occupation d'un terrain pour le pacage des bestiaux dans
les environs de Mahelma, de 1844 à 1847,
ne constituait pas un
fait de guerre. (Conseil d'État, 2 février 1860, Sagotde Nantilly.)
dants qu'on pourrait presque considérer comme
une calamité le droit qui serait laissé à un proprié-
taire de s'opposer à la création d'une fontaine, d'un
abreuvoir, ou à l'utilisation d'une chute d'eau pour
mettre en mouvement un moulin à farine (i). »
Le projet du gouvernement rangeait la création
de pépinières parmi les travaux publics donnant lieu
à expropriation. Mais cette disposition ne se re-
trouve déjà plus dans le projet définitif présenté par
la commission d'accord avec le gouvernement.

ARTICLE 20.

« Il sera toujours tenu compte, dans le règlement


des indemnités, de la plus-value résultant de l'exé-
cution des travaux pour la partie de l'immeuble
qui n'aura pas été atteinte par l'expropriation.
« La plus-value pourra être admise jusqu'à con-
currence du montant total de l'indemnité, et, dans
aucun cas, elle ne pourra motiver le payement d'une
soulte par le propriétaire exproprié. »

(1) On trouve un exemple d'une expropriation semblable


dans une affaire terminée par décision du conseil d'État du
26 juin 1856 (de Bérard).
La première partie de cet article est empruntée à
l'article 40 de l'ordonnance du 1er octobre 1844 et
à l'article. 51 de la loi du 3 mai 1841. La seconde
partie est de droit nouveau.
La jurisprudence de la cour de cassation est, en
effet, fixée en ce sens que, dans le cas d'expropriation
partielle, la plus-value ne peut jamais se compen-
ser entièrement avec l'indemnité, en sorte que toute
espèce d'indemnité soit refusée au propriétaire ex-
proprié (1). L'article 38 de la loi du 3 mai 1841 don-
nant au jury la mission de fixer le montant de l'in-
demnité, la cour a pensé que l'article 51 n'autorisait
pas le jury à ne fixer aucun chiffre d'indemnité.
Notre article tranche la difficulté en sens con-
traire. Le législateur a sans doute pensé que la
plus-value résultant de l'exécution de travaux d'u-
tilité publique était bien plus considérable en Algé-
rie qu'en Franèe, et que plus d'un terrain en
Algérie reçoit toute sa valeur des travaux exécutés
dans le voisinage aux frais de l'État (2).

(1) Civ. cass., 28 août 1839 et 28 février 1848.


(2) Tous les actes de concessions rurales émanées de l'admi-
nistration dans ces dernières années ont fait, en faveur des tra-
vaux publics, des réserves semblables et plus rigoureuses en-
core. Ils portent, en effet, que pendant dix ou quinze années, à
Partir de la prise de possession, l'État pourra s'emparer sans
indemnité des terrains même cultivés qui pourront être néces-
saires à ses travaux.
Mais pour prévenir toute extension d'une dispo-
sition déjà rigoureuse, la loi déclare que le proprié-
taire exproprié ne sera jamais tenu au payement
d'une soulte à titre de plus-value. La loi du 16 sep-
tembre 1807 (art. 30 à 54) n'avait pas reculé devant
cette conséquence. Notre article la repousse expres-
sément.

ARTICLE 21.
« Jusqu'à ce qu'une loi en ait autrement décidé,
l'ordonnance du 1er octobre 1844 continuera à être
exécutée, en ce qui touche les formes à suivre en
matière d'expropriation ou d'occupation temporaire
pour cause d'utilité publique, et sera appliquée
dans les territoires militaires comme dans les terri-
toires civils. »

Les articles 24 à 79 de l'ordonnance du 1er oc-


tobre 1844 sont empruntés à la loi du 3 mai 1841
et à celle du 30 mars 1831, dont ils reproduisent
les dispositions principales. Seulement l'ordonnance
attribue aux tribunaux le règlement des indemnités,
le jury d'expropriation n'ayant pas encore pu être
organisé dans la colonie.
Aux termes de l'article 113 de cette ordonnance,
ses dispositions n'étaient applicables qu'aux por-
tions de l'Algérie comprises dans le ressort des tri-
bunaux civils de première instance (1). Cette res-
triction est abrogée, et l'ordonnance s'applique sur
tout le territoire algérien (2).

ARTICLE 22.

« Continueront à être exécutées : fies dispositions


de l'ordonnance du 21 juillet 1846, relatives à' la
vérification des titres de propriété, jusqu'à l'achè-
vement des opérations actuellement commencées ;
2° l'ordonnance du 3 octobre 1845, relative
au sé-
questre des biens appartenant à des indigènes, jus-
qu'à ce qu'une loi en ait autrement ordonné. »

Ces deux ordonnances, que nous avons eu sou-


Vent l'occasion de citer, forment une partie
importante de la législation algérienne. L'article 4
Envoyait déjà à l'ordonnance du 31 octobre i845 ;
quant à celle du 21 juillet 1846, il fallait une dis-

(t) F. conseil d'État, 6 mars 1856, House.


I2) V. l'Appendice.
position expresse pour la maintenir en vigueur.
« La vérification générale et administrative des
titres de propriété rurale se poursuit avec ardeur
depuis quatre ans, dit M. Henri Didier dans son
premier rapport; elle n'a donné jusqu'à présent que
de bons résultats, et aujourd'hui qu'elle a fait la
plus grande partie de son œuvre, pourrait-il être
sage et utile d'y renoncer, et d'en revenir, à cet
égard comme à tous les autres, aux formes accou-
tumées du droit commun? La rigueur des princi-
pes le voudrait sans aucun doute, mais par là on
laisserait subsister pour un temps indéfini le désor-
dre le plus regrettable dans un grand nombre de
propriétés, et on s'exposerait à ébranler la foi que
méritent les travaux de vérification déjà accomplis.
Ce serait jeter de nouveau la propriété' tout entière
dans des embarras inextricables. »
Nous avons déjà donné l'exposé historique de la
législation sur le séquestre en Algérie, il nous reste
à indiquer les diverses dispositions relatives à la
vérification des titres de propriété rurale.
Dès les premières années de la conquête, deux
arrêtés, l'un du 21 septembre 1832, l'autre du
1er mars 1833, avaient essayé d'accomplir la tâche
déjà difficile de cette vérification. Les détenteurs de
terres devaient être sommés de déposer leurs titres
dans les trois jours entre les. mains d'une commis-
sion chargée de délimiter les propriétés et d'attri-
buer à l'État les biens reconnus vacants. Mais ces
deux arrêtés ne furent pas exécutés; les transmis-
sions de propriété eurent lieu librement, c'est-à-
dire sans règle et sans garantie pour les acheteurs.
La propriété devint bientôt incertaine et il fallut
apporter un rerïiède au mal.
L'ordonnance du 1er octobre 1844 reproduisit en
partie le système dès arrêtés de 1832 et de 1833,
filais le but de l'ordonnance était moins de donner
aux propriétaires des droits certains et inattaqua-
bles,
que de reconnaître les biens vacants pour les
attribuer au domaine de l'Etat, et les terres incultes
Pour les frapper d'un impôt spécial (1).
Dès qu'on essaya d'exécuter cette ordonnance,
llne crise éclata. Des procès sans nombre s'élevè-
rent; on s'aperçut que le remède était insuffisant,
et on se décida à entreprendre la vérification par
Mesure administrative de toutes les propriétés im-
mobilières1 en Algérie. De là l'ordonnance du
21 juillet 1846
et les arrêtés ministériels du 17 sep-
tembre et du 2 novembre de la même année. Les
dépositions combinées de cette ordonnance et de
c&s deux arrêtés régissent aujourd'hui la matière, et
la loi les maintient
en vigueur jusqu'à l'achèvement

(1) Ord. du 1er octobre 1844, art. 80 à 108.


des opérations commencées, c'est-à-dire jusqu'à
délimitation complète des territoires déterminés par
les arrêtés ministériels rendus en exécution de l'or-
donnance (1).
On trouvera, dans l'Appendice, l'ordonnance du
31 décembre 1845 et celle du 21 juillet 1846.

- ARTICLE 23.

« Sont abrogés, en tout ce qu'ils ont de contraire à


la présente loi, les ordonnances, arrêtés et règle-
ments antérieurs, relatifs au domaine national, au
domaine départemental au domaine communal et à
la propriété privée en Algérie, notamment les dispo-
sitions de ces ordonnances, arrêtés et règlements qui
s'appliquent aux terres incultes et aux marais. »

Nous avons pris soin d'indiquer sous chaque ar-


ticle les dispositions de la législation antérieure, et
de marquer en quoi il y était dérogé par la loi de
1851. Il serait inutile de revenir ici sur ces ques-
tions ; un mot seulement sur le régime des terres

(1) V". ministre sur le pourvoi terminé


les observations du
par décision du conseil d'État du 23 décembre 1858, Guérin.
incultes et des marais, expressément abrogé par
notre article.
Les dangers de la guerre, les difficultés de la co-
lonisation , la spéculation sur une plus-value à ve-
nir, ont longtemps arrêté, en Algérie, la culture des
terres achetées par les Européens.
L'ordonnance du 1er octobre 1844 (art. 80 à 108)
essaya de porter un remède au mal. La culture
devait être déclarée obligatoire par arrêtés admi-
nistratifs. Les terres incultes dans l'étendue du
périmètre déterminé par les arrêtés, devaient être
constatées, et les titres des détenteurs vérifiés. Ces
derniers étaient soumis à un impôt spécial de 5 fr.
Par hectare, et, s'ils demeuraient plus de six mois
sans payer cette taxe, réputés avoir délaissé tous
leurs droits au domaine. En outre, l'État pouvait
s'emparer de toute terre inculte à sa convenance,
sauf à indemniser ultérieurement le propriétaire en
terres incultes d'une étendue égale (i).

(1) Sous l'empire de l'ordonnance de 1844, lorsque la culture


avait été rendue obligatoire par un arrêté inséré au Moniteur
algérien, tout Européen ou indigène qui n'avait pas fait signi-
fier ses titres à l'administration, dans les trois mois, était déchu
de ses droits. Dès lors le terrain devait être réputé vacant, et
ceux qui n'avaient pas réclamé en temps utile n'avaient pas
qualité pour demander l'annulation des actes administratifs
Portant disposition des terrains. (Conseil d'État, 1er décembre
1852, de Fleziry.)
L'ordonnance du 21 juillet 1846 porta l'impôt
spécial à 10 francs par hectare, mais apporta quel-
ques adoucissements à la condition des propriétai-
res. L'expropriation pour inculture fut soumise aux
formes ordinaires et ne put désormais avoir lieu que
moyennant une indemnité raisonnable en argent.
(Art. 33 à 45.)
-
Enfin, les arrêtés ministériels des 17 septembre
et 2 novembre 1846 avaient prescrit dans quelles
formes l'inculture serait constatée.
« C'était avec la meilleure foi du monde, dit
M. Henri Didier dans son premier rapport, qu'on
prétendait obtenir ainsi de vive force la. mise en va-
leur, la fertilisation et l'appropriation utile du ter-
ritoire de l'Algérie, par une nombreuse population
européenne.
« Le travail, disait le rapport placé en tête de
l'ordonnance du 21 juillet 1846, est un titre, le
meilleur peut-être à la possession du sol; » et en
partant de cet axiome difficilement contestable, on
s'était laissé entraîner, de déduction en déduction,
jusqu'à cette singulière et extrême conséquence que ,

le propriétaire de terres qui ne travaillait pas devait


être dépossédé. Mais une telle logique offense la
conscience de toute société civilisée; elle est conJ
traire à nos mœurs non moins qu'aux premiers élé-
ments de notre droit, et les prescriptions aux-
quelles elle prêtait son appui ne réussirent qu'à
augmenter les alarmes de la propriété et à exciter
un soulèvement à peu près général de l'opinion,
sans qu'aucune dépossessiou ait pu être prononcée
et sans qu'un hectare de plus ait été cultivé. »
La législation relative aux marais allait bien plus
loin encore.
Un arrêté du 7 octobre 1833 ordonnait le dessè-
chement de tous les marais par mesure de salubrité.
Faute par les propriétaires d'exécuter les travaux,
l'Etat devait les faire exécuter ou les exécuter lui-
même à leurs frais.
L'ordonnance du i eroctobre 1844 (art. 109 à 112)
considéra tous les marais comme biens vacants, ren-
trant comme tels dans le domaine de l'Etat. Seule-
ment une indemnité était accordée aux détenteurs
qui produiraient des titres de propriété antérieurs
au 5 juillet 1830. Cette indemnité fut supprimée
-par l'ordonnance du 21 juillet i846. (Art. 46et53.)
Ces dispositions sont abrogées par notre article.
« Il n'appartient pas plus à l'État qu'il ne pourrait
appartenir à des particuliers, dit M. Henri Didier
dans son premier rapport, de mettre la main sur la
propriété d'autrui. Les marais qui sont l'objet d'une
propriété privée ont droit au respect de l'autorité
Publique non moins que les autres immeubles. Si,
dans l'intérêt de la salubrité, on juge qu'ils doivent
être desséchés, qu'on suive la voie de l'expropria-
tion pour cause d'utilité publique, à la bonne heure !
Mais déclarer à l'avance et d'une façon absolue
qu'ils doivent être considérés comme biens vacants
et que l'Etat peut s'en servir sans fn payer la valeur,
ce n'est pas faire autre chose qu'ériger en droit la
spoliation. »
DEUXIÈiME PARTIE.

-
APPENDICE.

SECTION I.
LÉGISLATION DOMANIALE.

I. — Ordonnance du 9 novembre 1845


sur le Domaine.
I

TITRE PREMIER.
ADMINISTRATION DES BIENS DU DOMAINE DE L'ÉTAT
ET DU DOMAINE PUBLIC (I).

ART. fer. Il sera dressé pour chaque province un


état général des biens domaniaux, indiquant leur situa-

(1) Le décret du to décembre 1860, qui a institué près du


gouverneur général un conseil consultatif, porte, article 10 :
* Tout acte engageant le domaine de 1 État, ou contenant alié-
nation dudit domaine à quelque titre que ce soit, et rentrant dans
les pouvoirs du
gouverneur général, doit être fait en conseil
tion, leur consistance, leur emploi et leurs produits.
Ces états seront tenus constamment à jour. Ils seront
centralisés à la direction des finances et du commerce
(aujourd hui à la préfecture de chaque département) et
transmis à notre ministre de la guerre par le gouver-
neur général. 11 sera rendu compte chaque mois à no-
tre ruii islre de la guerre des modifications faites aux-
dits états pendant le mois précédent.
ART. 2 (1). Lorsqu'il y a lieu d'affecter un bien do-
manial à un service public, la demande en est faite
par le chef de service et elle est communiquée au di-
recteur des finances el du commerce (aujourd hui au
préfet).
1.11e est effectuée par une décision de notre ministre
de la guerre, rendue sur la proposition ou l'avis du
gouverneur général, le conseil supérieur d'administra-
tion entendu.
ART. 3. Il sera dressé un tableau de ces affectations. -

Ce tableau sera constamment tenu à jour. Il contien-


dra la date de l'affectation et l'indication du service
auquel l'immeuble est affecté , ainsi que sa valeur es-
timative.

consultatif. Toute amodiation dépassant dix-huit années pour


les biens de 1 État, quelle que soit la nature des biens, ne pourra
être faite que par nous, notre conse'l d'Etat entendu. Le conseil
consullatif est nécessairement appelé il délibérer sur les actes
concernant le domaine, qui doivent, aux termes de la légis-
lation en V igueur, être soumis à notre conseil d'État. » (r. décret
du 30 avril 1U61.)
(1) En France, l'affectation d'un bien domanial à un service
public ne peut être effectuée que par un décret (décret du 24
mars 1852). 1
ART. 4 (1). Les immeubles domaniaux qui ne sont
pas affectes à un service public doivent être affermés
dans les formes suivantes :
Les baux ont lieu aux enchères publiques ,
sur des
cahiers de ch irges approuvés par noire ministre de la
guerre. Ils sont faits dans la forme administrative et
passés par le directeur des finances et du commerce
(aujourd'hui par le préfet).
Néanmoins, .si des circonstances exceptionnelles
l'exigent, les baux peuvent être faits de gré à gré avec
l'autorisation préalable et spéciale de notre ministre
de la guerre, sur l'avis du conseil supérieur d'admi-
nistration.
La durée des baux n'excédera pas neuf ans.
ART. 5. Lorsqu'il y a lieu d'affermer en tout ou en
Partie des immeubles ou po. tions d'immeubles doma-
niaux affectés à un service public, il est procédé con-
formément à l'article précédent.
ART. 6. Ceux des biens fusant partie du domaine
public, ou considél és comme des dépendances de ce
domaine, et qui sont de nature à produire des fruits,
peuvent être momentanément affermés dans les formes
établies par l'article 4 de la présente ordonnance.
ART. 7. Les baux mentionné, aux articles 5 et 6 sont
essentiellement révocables sans indemnité.
ART. 8. Toute cession de bail doit être autorisée par
notre ministre de la guerre, sinon elle sera de plein

(t) En France, les règles sur l'amodiation des biens de l'État


sont les mêmes, seulement les baux de gré à gré ne sont pas
admis.
droit nulle et de nul effet sans qu'il soit besoin de ju-
gement (1).

II. — Décret du 26 avril 1851 sur les concessions.

ordonnances des 21 juillet 1845, 5juin


ART. 1ER. Les
et ler septembre 1847 sont modifiées ainsi qu'il
suit (2).
ART. 2 (3). Les concessions d'une étendue de moins
de cinquante hectares sont autorisées par le préfet sur
l'avis du conseil de préfecture.
ART. 3 (4). Les actes de concession en Algérie con-

(1) Le titre II de l'ordonnance du 9 novembre 1845 est abrogé


par le décret du 25 juillet 1860. Les articles 16,18 et 19 relatifs,
le premier aux échanges de terres incultes, le second à la com-
pétence, le troisième à la preuve des droits réclamés par des ,

particuliers sur les bois et les cimetières , sont abrogés par les
• articles 23, 13 et 11 de la loi du 16 juin 1851. L'article 17 est
un renvoi qui a cessé d'être exact, et l'article 20 ne contient que
l'abrogation des dispositions antérieures.
(2) Il eût mieux valu abroger ces trois ordonnances et re-
produire les articles maintenus. Ce sont pour l'ordonnance du

5.
21 juillet 1845 les articles 1 et 8, pour celle du 5 juin 1847 les

1
articles 5, 7, 11, 13 et 15, pour celle du 1er septembre 1847 les
articles 1, 2 et
(3) Abrogé par le décret du 25 juillet 1860, articles 23, 25.
(4) Cet article apporte une innovation importante à la légis-
lation antérieure. « Aujourd'hui, dit l'exposé des motifs, les co-
lons reçoivent au moment de leur mise en possession un titre
provisoire indiquant les.conditions imposées et le délai accordé
pour leur accomplissement. Pendant toute la.durée de ce délais
Géreront, à l'avenir, la propriété immédiate des im-
nieuhleî- concédés, à la charge de l'accomplissement
des conditions prescrites.
Ces actes contiendront les indications portées aux

le concessionnaire ne peutvalablementconférer une hypothèque


sur la propriété, ni l'aliéner, en totalité ou en partie, sans l'au-
torisati n préalable de l'administration. Ce délai expi é, il est
Procédé à une vérification des travaux effectués: si Us condi-
tions sont remplies en totalité, le colon reçoit un titr& définitif
de propriété; si elles ne sont remplies qu'en partie, il peut ob-
tenir soit un titre partiel de propriété, soit une prorogation de
délai; si le colon n'a rien fait, il doit être frappé de déchéance,
et l'immeuble retourne à l'État; le titre provisoire ne renférme
ainsi qu'un simple droit de jouissance qui peut, à certaines
conditions, constituer ultérieurement un droit de propriété:
c est
une simple promesse de concession soumise à une condition
suspensive. — Ce mode de concession renferme l'un des vices
Principaux de la législation actuelle, car il occasionne de très-
grandes difficultés pour les concessionnaires qui ne peuvent ja-
mais trouver de crédit, avec leur titre provisoire, qu'à des
taux d'intérêt ruineux. projet (art. 3 et 7) lève ces en-
— Le
traves en prescrivant de délivrer immédiatement aux conces-
sionnaires non plus un simple titre provisoire, mais un titre de
propriété avec clause résolutoire en cas d'inexécution des con-
ditions imposées, et en leur conférant, sous, la seule réserve de
cette clause résolutoire, le droit d'hypothéquer et d'aliéner, sous
toutes les formes, les immeubles concédés.
»
Les conditions stipulées par l'État dans les actes de conces-
sion varient suivant la nature des objets concédés et suivant
les circonstances. La principale consiste
en une rente annuelle
et perpétuelle (Ordonnance du 5 juin 1847, art. 5). Cette rente,
dont le taux varie de
un à trois francs par hectare, est rachetable
aux termes de l'article 530 du Code Napoléon. Elle n'est exigible
Qu'après l'expiration du délai accordé au concessionnaire pour
1 entier accomplissement des divers
travaux imposés.
l'ans tous les actes de concession, l'État se réserve la propriété
numéros 1, 2, 3 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance du
5 juin 1847. 1

Ils seront dressés en minute, enregistrés et transcrits.


Il eu sera remis une expédition accompagnée du plan
de l'immeuble, tant au concessionnaire qu'au direc-
teur des domaines.
Le concessionnaire sera tenu de faire élection de
domicile dans le ressort du tribunal de la situation de
l'immeuble. 11 en sera fait mention dans l'acte de con-
cession..

des sources et cours d'eau et des objets d'art qui pourraient être
découverts sur la concession. De plus, il/impose au concession-
naire t*ol>lioration d'abandonner sans indemnité les terrains né-
cessaires à l'ouverture des routes et canaux de dessèchement et
d'irrigation, et en général aux travaux d'utilité publique.
Pour les énonci tions que l'acte de concession devra contenir,
notre article se réfère aux numéros 1, 2, 3 et 4 de l'article 7
de l'ordonnance du à juin 1847. En conséquence, la concession
devra indiquer:
1° Lts nom, prénoms et profession du concessionnaire ;
2° La situation , les tenants et aboutissants, la nature et l'é-
tendue de la concession ;
"3° Les diverses conditions imposées ;
4° La date de la décision qui a autorisé la concession et l'au-
torité; de laquelle elie émane.
Notre article ajoute que le concessionnaire sera tenu d'élire
domicile dans le ressort du tribunal de la situation de l'immeu-
ble. Si la concession est faite en territoire militaire où il n'y a
pas de tribunaux, il faudra que l'élection de domicile soit faite
dans le ressort du tribunal le plus voisin. (V. article 13 de la
loi.)
Les travaux à imposer aux concessionnaires se réduisent au-
- jourd'hui à la construction d'unehabitation (décret du 25 juil-
let 1860, article 23).
ART. (1). Sur la présentation de l'acte de conces-
A

sion et du plan qui l'accompagne, le concessionnaire


est mis en possession de l'immeuble concédé, par les
soins de l'autorité locale.
Cette opération est constatée par un procès-verbal
contradictoireuicni dressé et contenant une descrip-
tion de l'état des lieux au moment de l'entrée en pos-
session.
ART. 5. Si le concessionnaire ne requiert pas sa mise
en possession dans le délai de trois mois, à partir de
la date. de la concession, la déchéance a lieu de plein
droit.
ART. 6 (2). Est rapporté l'article 6 de l'ordonnance
du 5 juin 1847, qui exige un cautionnement des con-
cessionnaires d'une superficie de cent hectares et au-
dessus.
ART. 7 (3). Le concessionnaire peut hypothéquer et

(1) « Jusqu'à ce moment, dit l'exposé des motifs,n'a jamais


il
été assigné aux concessionnaires aucun délai obligatoire pour la
prise de possession. Par suite, il arrive quelquefois que des
concessionnaires inactifs différent indéfiniment de se présenter,
et que les immeubles restent ainsi inoccupés au détriment des
intérêts de l'État et de lu colonisation. » L'article 5 comble
cette lacune.
(2) Ce cautionnement était fixé à dix francs par hectare.
L'article 4 xde l'ordonnance du, Ie» septe'mbre 1847 en avait
affranchi les conossionnaires indigènes. Notre article supprime
entièrement cette charge tres-lourde, qui, comme dit l'exposé
des motifs, prive les colons d'une partie de leurs moyens d'ac-
«
tion et n'est pas nécessaire pour assur r l'exécution des tra-
vaux prescrits, car la clause résolutoire fournit à ce sujet une -
garantie suffisante. »
(3) D'après la législation antérieure (ordonnance du 5 juin N
1847, art. 9; ordonnance du i Il septembre 1847, art. 2; or-
transmettre, à titre onéreux ou à titre gratuit, tout ou
partie des terres à lui concédées.
Les détenteurs successifs sont soumis à toutes les
obligations imposées au concessionnaire.

donnance du 21 juillet 1845, art. 9), le concessionnaire à titre


provisoire ne pouvait, sous peine de déchéance, consentir au-
cune substitution, aliénation ou hypothèque, sans une autori-
sation spéciale émanant du fonctionnaire qui avait accordé la
concession.
On jugeait même que l'expropriation des immeubles concédés
à titre provisoire ne pouvait être prononcée par les tribunaux
qu'en exécution de substitutions, d'aliénations ou d'hypothè-
ques autorisées par l'administration. (Conflit 3 juin 1850, Ni-
caud. )
La prohibition d'aliéner ou d'hypothéquer avant d'avoir ob-
tenu le titre définitif ou une autorisation de l'administration
emportait-elle nullité? La cour d'Alger avait d'abord jugé l'af-
firmative; mais, après un nouvel examen, sa jurisprudence
s'est fixée en sens contraire. Seulement, il est bien entendu que
les droits des acquéreurs ou créanciers sont restés soumis à la
même condition suspensive que le droit du concessionnaire pri-
mitif. (F. les arrêts cités par Ménerville, jurisprudence, v° Con-
cessions.)
A ce système, qui nécessitait à tout moment l'intervention
administrative, notre article substitue un système plus simple.
Le concessionnaire peut librement disposer de la concession,
seulement il ne peut transférer à des tiers plus de droits qu'il
n'en a lui-même. En conséquence, les sous-concessionnaires ou
ceux qui ont acquis des droits réels sur les immeubles concédés
sont sujets aux mêmes charges et à la même condition résolu-
toire que le concessionnaire primitif. C'est là un principe de
droit commun.
Sous la législation antérieure au décret, tant que le titre défi-
nitif n'avait pas été délivré, toute contestation relative aux im-
meubles concédés devait être vidét' par décision du préfet, sauf
recours au conseil de préfecture. Telle était la disposition de
Les affectations hypothécaires sont régies par les dis-
positions de l'article 212o du Code civil.
ART. 8 (1). Dans le mois qui suit l'expiration du délai
fixé pour l'exécution des conditions, ou plus tôt si le
concessionnaire ou ses ayants droit le demandent, il
est procédé contradictoirement à la vérification pres-
crite par l'article 11 de l'ordonnance du 5 juin 1847,
par une commission composée de trois membres ,
savoir :
Un inspecteur de colonisation ;
Un agent du service topographique ;
Un colon désigné par le concessionnaire, ou, à son
défaut, par le préfet.
r

l'arrêté du gouverneur général, en date du 18 avril 1841, art. 14.


(V. l'arrêt du tribunal des conflits du 3 juin 1850, déjà cité plus
haut.)
Aujourd'hui que le concessionnaire n'a plus seulement un
droit éventuel, mais un droit de propriété résoluble, la com-
pétence exceptionnelle de l'administration doit cesser, au moins
en ce qui touche les rapports du concessionnaire avec les tiers,
mais elle subsiste pour les rapports du concessionnaire avec
l'État, car la concession est un acte administratif dont l'inter-
prétation appartient à l'administration. (Conflit, 20 février 1858,
Brumault.)
(1) JI s'agit de savoir si les conditions imposées ont été ou
non remplies. • Dans l'état des choses, dit l'exposé de motifs,
la vérification des travaux imposés
aux concessionnaires est ef-
fectuée simplement par un inspecteur de colonisation ou par
tout autre délégué de l'autorité administrative. » Cet acte est
d'une grande importance, puisqu'il doit avoir pour résultat ou
d'affranchir la propriété de la clause résolutoire, ou d'anéantir
la concession et tous les droits du concessionnaire. Il a
paru es-
Sentiel de l'entourer de garanties plus réelles, tel est l'objet des
articles 8, 9 et 10 du projet.
Il est dressé procès-verbal de cette opération. Les
parties sont admises à faire consigner leurs dires et
réquisitions au procès-verbal, dont il leur est donné
copie.
ART. (1). Si toutes les conditions sont exécutées,
9
le préfet, après avoir pris l'avis du directeur des do-
maines, déclare l'immeuble affranchi de la condition
résolutoire.
En cas de dissentiment entre le directeur des do-
maines et le préfet, il est statué par le ministre de la
guerre.
Si toutes les conditions ne sont pas exécutées, il est
statué, soit sur la prorogation du délai, soit sur la
déchéance totale ou partielle, conformément aux or-
donnances des 21 juillet 1845 et 5 juin 1847.
ART. 10 (2). La décision administrative qui déclare

(1) En cas d'excuse légitime, des prorogations de délai peu-


vent être accordées par l'autorité de qui émane la concession.
A l'expiration de,ces prorogations, il est procédé à une nouvelle
inspection de l'état des lieux, et, suivant les cas, l'immeuble est
déclaré affranchi de la condition résolutoire ou la déchéance du
concessionnaire est proclamée. (Ordonnance du 5 juin 1847,
art. 15 ; ordonnance du 1er septembre 1847, art. 2.)
Si les conditions de la concession n'ont pas été remplies ou
ne l'ont été qu'en partie, le préfet a la faculté de provoquer
auprès du gouverneur général la déchéance du concessionnaire
en tout ou en partie. La déchéance est prononcée par le minis-
tre de la guerre sur le rapport du gouverneur général et l'avis
du conseil de préfecture, le concessio -naire préalablement en-
tendu, et sauf recours au conseil d'État par la voie conten-
tieuse. (Ordonnance du 5 juin 1847, art. 13: ordonnance du
21 juillet 1845, art. 8.) V. le décret du 25 juillet t8t,0, art. 26.
(2) Les tiers qui veulent traiter avec le concessionnaire ont
intérêt à savoir s'il n'est pas déchu ou s'il est déclaré proprié-
l'immeuble affranchi de la clause résolutoire, ou qui
prononce la déchéance, 'est transcrite au bureau des
hypothèques de la situation des biens.
ART. 11 (f). Lorsque la déchéance sera prononcée,
l'immeuble concédé fera retour à l'État franc et quitte
de toutes charges.
Néanmoins, si le concessionnaire a fait sur l'im-
meuble des améliorations utiles et constatées par le
procès-verbal de vérification, il sera procéda publi-
quement par voie administrative à l'adjudication de
l'immeuble.
Les concurrents seront tenus de justifier de facultés

taire incommutable. Ils pourront s'en assurer en consultant le


registre de transcription.
(1) C'est l'effet naturel de lat condition résolutoire. L'Etat re-
prend sa propriété comme s'il ne l'avait jamais aliénée (Code
Napoléon, art. 1184). Mais, en même temps, rÉlat ne doit pas
s'enrichir aux dépens du concessionnaire. Les travaux de cul-
ture ou de construction faits par ce dernier constituent une va-
leur qui lui appartient et dont il doit être fait distraction à son
Profit. Cette mesure, qui ne se trouvait pas dans les ordon-
nances antérieures, augmente le crédit du concessionnaire en
rendant moins précaire le gage hypothécaire qu'il peut offrir
aux préteurs.
Mais notre article exige que les travaux faits sur la conces-
sion soient des travaux utiles, c'est-à-dire des travaux qui
aient ajouté une valeur à l'immeuble, un défrichement par
exemple, ou une construction. L'administration considère, non
les dépenses faites par le concessionnaire, mais la plus-value
qu'il a créée.
La somme provenant de la vente des améliorations est distri-
buée par voie d'ordre entre les créanciers hypothécaires, puis
par voie de contribution entre les autres créanciers.
suffisantes pour satisfaire aux conditions du cahier des
charges.
Le prix de l'adjudication, déduction faite des frais,
appartiendra au concessionnaire ou à ses ayants cause.
Tous les droits réels provenant du fait du conces-
sionnaire seront transportés sur ce prix, et l'immeuble
en sera de plein droit affranchi par le seul fait de l'ad-
judication.
ART. 12 (1). S'il ne seprésente aucun adjudicataire,
l'immeuble fera retour à l'Etat, franc et quitte de tou-
tes charges provenant du concessionnaire déchu. Le
procès-verbal en fera la déclaration expresse et fcera
transcrit au bureau des hypothèques de la situation
de l'immeuble.
ART. 13 (2). Les concessions provisoires faites avant
la promulgation du présent décret, en vertu des or-

(1) S'il ne se présente aucun adjudicataire, l'État, qui pour-


suit la vente, reste adjudicataire pour la mise à prix. C'est le
droit commun en matière de ventes forcées. (V. l'article 706 du
Code de procédure.)
(2) L'exposé de motifs fait Remarquer que cette disposition ne
saurait s'appliquer aux concessions faites dans les colonies,
agricoles fondées par les lois des 19 septembre et 18 novembre
1848, 19 mai 1849 et 20 juillet 1850. Ces concessions ont été
faites gratuitement, à charge pour les concessionnaires de met-
tre les immeubles en valeur dans un délai de trois ans. Faute
par eux d'avoir rempli cette condition, ils peuvent être dépos-
sédés. Durant les six premières années de leur mise en posses-
sion, ils ne peuvent aliéner les immeubles concédés qu'à la*
condition de rembourser à l'État le montant des sommes dé-
pensées pour leur installation (V. la loi du 19 septembre 1848).
Ces concessions toutes gratuites ne pouvaient être assimilées
aux concessions faites par l'État moyennant une rente.
donnances des 21 juillet 1845, 5 juin et 1er septembre
1847, et qui ne sont pas devenues définitives, pour-
ront, si le concessionnaire en fait la demande, être,
conformément à l'article 2 du présent décret, échan-
gées contre un nouveau titre, dans lequel les délais
restant à courir pour l'accomplissement des conditions
imposées seront déterminés d'après les clauses de
l'acte de concession primitif.
ART. 14. Les dispositions du présent décret sont ap-
plicables aux territoires militaires. Dans ces territoires,
les attributions conférées au préfet et au conseil de
préfecture par les ordonnances et décrets antérieurs,
sont remplies par le général commandant la division,
et par la commission consultative de la subdivision.

III. — Décret du avril 1854 -


2
sur les partages de biens indivis entre le domaine
de l'État et les particuliers (t).

TITRE PREMIER.
DU PARTAGE DES BIENS INDIVIS.

ART. fer. Il seraprocédé par l'autorité administrative


au partage, et, s'il y a lieu, à la licitation des biens

0) Le rapport à l'empereur qui sert d'exposé de motifs à ce


décrt't prétend qu'attribuer à la juridiction administrative les
Partages de cette sorte, c'est revenir au droit commun de la
indivis entre le domaine de l'État et les particuliers en
Algérie, conformément aux dispositions du présent
décret.
ART. 2. Ceux de ces biens qui seront reconnus
n'être susceptibles d'être partagés seront vendus en
tuta ité aux enchères publiques, et le produit de la
vente sera réparti mire l'État et les autres intéressés.
ART. 3 (I). Toutes coutestalions, tant sur le fond que

France. Il cite les lois des rr floféal an III et 28 pluviôse


an VIII et le décret contentieux du 12 juin 1813; mais ces dis.
positions >ont uniquement relatives aux biens indivis entre
l'État et des émigrés. Elles ne s'appliquent pas d'une manière
générale à tous les biens dans lesquels l'État a une part de pro-
priété. Le decret de 1854 constitue donc une dérogation au droit
commun.
(1) « Le décret, dit l'exposé de motifs, n'a en aucune façon pour
but d'établir le dioit de propriété en tui-méme. Son action ne
commence qu'au moment où ce droit est reconnu à chacune
des parties en présence sur 'le même immeuble, et où il s'agit
d'en régler l'exercice en ce qui concerne le domaine de lÉtat
par rapport à ses copropriétaires. Il est donc évident que, lors-
que les articles r et 3 du projet de décret chargent les préfets
d'abord, puis, sur l'appel des parties, les conseils de p'réfecture
et le conseil d'État, de statuer tant sur le fond que sur la forme
des allotissements ou abandonnements et des licitations, ils
n'enlèvent rien aux attributions des tribunaux civils, puisqu'il
n'e,t plus question à ce moment de la contestation des droits
respectifs de propriété, mais seulement de l'exercice de ce droit
en ce qui concerne l'État.
« Il en
est de même des dispositions combinées des articles fi
et 7. Il ne saurait en résulter une nouvelle déchéance du droit
de propriété. mais seulement l'impossibilité, pour les copro-
priétaires de l'État, de contester la régularité des opérations de
partage, lorsque, mis en demeure d'y intervenir, ils auront né-
gligé de remplir, dans les délais voulus; les formalités indispen"
sur la forme des partages, des allotissements ou aban-
donnements et des licilations, seront déférées au conseil
de préfectu e, sauf appel au conseil d'État.
ART. 4. La fixation de la quotité afléreiite à l'État,
dans la propriété indivise, sera déterminée soit d'après
les titres, soit, en cas d'absence
ou d'insuffisance de
titres, par voie d'enquête administrative.
ART. 5. Les partages, en ce qui concerne la distinc-
tion et l'attiibution de la part revenant à l'État et les
ventes sur licitation, seront réputés contradictoires
avec le domaine à l'égard de tout copropriétaire, après
l'accomplissement des formalités prescrites au titre Il
du présent décret.

sables pour cela. La production des titres qu'on leur demande


n'a pour but que d'indiquer la quotité appartenant à chacun
deux, et non point de soumettre aux vérifications prescrites ,

par l'ordonnance du 21 juillet 1846 ceux de ces titres que la loi


du 16 juin 1851 dispense desdites vérifications. Le partage
opéré, quant au 'domaine, les anciens copropriétaires de celui-ci
,
restent tous en présence les uns des autres également en me-
sure de faire valoir leurs droits respectifs sur la portion restant
de l'immeuble qui n'est plus indivis qu'entre
eux. »
Lorsqu'une question de propriété est soulevée relativement
a un immeuble qui est l'objet d'une procédure en partage, le
conseil de préfecture excede se- pouvoirs s'il homologue le par-
tage de l'immeuble avant que les tribunaux aient statué sur
la question de propriété. La contestation de propriété résulte
suffisamment de ce que, 1111'" de la mise en vente, un particulier
a fait connaître sa préti ntion au prélet lui a notifié :-on titre,
et a otfVrt de communiquer uu plan. (.Conseil d'État, 7 mars 1861,
Xozey.)
,
TITriE II.
DU MODE DE PROCÉDER EN MATIÈRE DE PARTAGE.

ART. 6. La demande en partage ou en licitation sera


introduite devant le préfet, par simple requête, soit
par le chef du service des domaines, soit par l'un des
copropriétaires.
ART. 7. Dans la quinzaine, à dater de la réception
de cette demande, le préfet fera insérer au Moniteur
algérien, dans l'un des journaux du département, et,
s'il s'agit d'indigènes, dans le Mobacher, l'avis qu'il
sera procédé, contradirtoirement avec le domaine, à
la distraction de la part revenant à l'État, dans la pro-
priété indivise, et qu'il sera fait masse du surplus pour
être attribué aux copropriétaires.
Notification administrative de cet avis sera faite à
chacune des parties intéressées. Dans le cas où celles-ci
ne seraient pas connues, comme dans celui où leur do-
micile actuel serait ignoré, la notification administra-
tive sera faite au parquet du procureur impérial.
Cette notification contiendra sommation aux inté-
ressés d'avoir à désigner, dans le délai d'un mois, un
expert, pour procéder, avec celui qui sera désigné par
le chef du service des domaines, aux opérations d'es-
timation et de formation des lots.
ART. 8. Les copropriétaires de l'État, quel que soit
leur nombre, ne pourront nommer qu'un seul expert.
ART. 9. Dans le délai de soixante jours, à dater des
publications et notifications prescrites par l'article 7,
toute partie intéressée sera tenue de produire ses titres,
et de fournir par écrit ses observations. Le dépôt en
sera fait, sur récépissé, au secrétariat de la préfecture.
ART. 10. A l'expiration du délai prescrit en l'article
précédent., le préfet ordonnera qu'il soit procédé aux
opérations du partage.
Il donnera acte aux parties de la nomination des
experts; et, à défaut de nomination, il y procédera
lui-même d'office par le môme acte, et fixera, en outre,
le délai dans lequel les experts devront prêter serment
devant l'autorité qu'il aura désignée.
ART. 11. Faute par lesdits experts ou l'un d'eux de v

remplir cette formalité dans le délai prescrit, le préfet


pourvoira d'office à leur remplacement.
ART. 12. Les experts procéderont à l'estimation des
immeubles et à la formation des lots, en raison des
droits respectifs de l'État et des particuliers. En cas
de désaccord, ils nommeront immédiatement un tiers
expert; à défaut de nomination dans la huitaine du
désaccord, le choix du tiers expert sera fait d'oftice
par le préfet. Le tiers expert devra prêter serment, dans
la huitaine, devant l'autorité désignée en vertu de
l'article 10.
ART. 13. Lés experts devront procéder dans le mois,
et le tiers expert dans la quinzaine qui suivront leur
prestation de serment. Ils déposeront leur rapport au
secrétariat de la préfecture.
ART. 14. L'expert ou le tiers expert qui, après avoir
prêté serinent, ne remplira pas sa mission, sera rem-
placé d'office par le prefet.
Il pourra être condamné par le conseil de préfec-
ture aux frais fruslratoires.
ART. 15. S'il s'élève des difficultés sur l'exécution
de l'arrêté qui aura ordonné de procéder aux opéra-
tions du partage, le préfet renverra les parties devant
le conseil de préfecture, pour être statué ce que de
droit.
ART. 16. Le procès-verbal de l'attribution des lots,
soit par la voie du sort, soit par abandonnement, sui-
vant qu'il aura été réglé par arrêté du préfet, sera ho-
mologué par l'arrêté du conseil de préfecture pronon-
çant le partage.
Les arrêtés de partage seront notifiés administrati-
vement aux parties intéiessées, à la diligence de l'ad-
ministration des domaines, dans la même forme que
l'avis prescrit à l'article 7 du présent décret.
Ils seront transmis au ministre de la guerre.
Ces arrêtés deviendront définitifs si les parties ne
se sont pas pourvues au conseil détat dans le délai de
trois mois à partir de la notification.
ART. 17. Les immeubles reconnus non susceptibles
de partage seront vendus aux enchères publiques, d'a-
près les. formes établies en Algérie pour la vente des
biens du domaine.
ART. 18. Ces immeubles seront revendus dans la
même forme, à la folle enchère de l'adjudicataire qui
n'effectuerait pas des payements aux échéances fixées.
ART. 19. Le prix de ces adjudications sera versé par
les acquéreurs, savoir : pour ce qui sera dû à l'Etat,
dans la caisse du receveur des domaines, et, pour ce
qui sera dû aux copropriétaires, entre leurs mains, sur
la déclaration qui leur aura été fournie par le piéfet,
de la portion qui leur reviendra dans le produit de ces
ventes.
ART. 20. Les frais d'expertise et autres, faits pour
parvenir à la vente, seront prélevés sur le prix, comme
frais de poursuites privilégies èt payés immédiatement.
ART. 21. Les frais de partage et de traduction de
titres, s'il y a lieu. seront supportés par l'État et les
copar ageurs, JUI prorata de leurs droits.
Ces frais seront taxés par le préfet.
ART. 22. Tous actes et pièces relatifs à l'exécution
du présent décret seront dispensés de la formalité du
timbre et enregistrés gratis. ",,4-

DiSPOSITIONS SPÉCIALES.

ART. 23. A l'égard des partages de biens indivis si-


thés dans les territoires militaires, toutes les attribu-
tions qui sont exclusivement du ressort du préfet se-
ront exercées par le commandant de la division.
Les contestations qui s'élèveront seront déférées au
conseil de préfecture.
En conséquence, les publications et notifications
présentés par l'article 7 de l'arrêté déclaratif du par-
tage mentionné aux articles 10 et 16, la nomination
des experts t tiers experts, dans les cas prévus aux
<

articles 10, 11, 12 et 14, seront faits par le comman-


dant de la dhision.
Sera également faite, à sa diligence, devant le juge
de la situation de l'immeuble, l'enquête administrative
prescrite par l'article 4.
Enfin, les dépôts de pièces et de rapports indiqués
aux articles 9 et 13 seront effectués au secrétariat de
la division, et le tout transmis au conseil de préfec-
tare pour être, par lui, statué conformément aux arti-
cles 15 et 16.
1
ART. 24. Dans toutes les instances en partage où des
indigènes sont intéressés, les notifications administra-
tives exigées par les articles 7 et 16 seront faites par
l'intermédiaire du bureau arabe de la situation des
biens.
ART. 25. Les tribunaux civils de l'Algérie sont des-
saisis des instances sur partage actuellement pendantes
devant eux. Il sera statué sur ces instances dans les
formes prescrites au présent décret.

IV. Décret du 25 juillet 1860 sur l'aliénation des



terres domaniales.

TITRE PREMIER.
DES PÉRIMÈTRES DE COLONISATION.

ART. fer. Les terres appartenant à un titre quelcon-


que à l'État sont inscrites sur les sommiers de consis-
tance des domaines et affectées en totalité ou en partie
à l'établissement de périmètresvde colonisation.
ART. 2. Les projets des périmètres de colonisation
sont préparés, en territoire civil, par les préfets ; en
territoire militaire, par les généraux commandant les
divisions.
Ils sont arrêtés par le ministre de l'Algérie et des
colonies.
Réserve y est faite, s'il y a lieu, de terrains propres
à l'exécution de travaux publics, à la fondation de
villes, de villages et hameaux, à la formation de com-
munaux ou autres biens d'établissements publics.
ART. 3. La décision ministérielle qui arrête un pé-
rimètre de colonisation désigne les parties du lotisse-
ment et les numéros des lots qui doivent être tenus en
réserve, tant pour l'application du paragraphe 3 de
l'article précédent que pour le placement immédiat de
colons, et détermine le mode d'aliénation des autres
lots, conformément aux dispositions du présent
décret.
ART. 4. La décision du ministre est insérée au Bulle-
tin officiel de l'Algérie et des Colonies, et reçoit, indé-
pendamment des publications et dépôts obligatoires ré-
sultant des dispositions qui suivent, toute autre publi-
cité qu'il juge convenable.
Une notice annexe, accompagnée d'un plan de lotis-
sement et d'un tableau indicatif des lots, avec leurs
numéros d'ordre, fait connaître la situation du péri-
mètre, sa superficie, les cours d'eau, fon.taines et
sources qui s'y trouvent, les routes et chemins ouverts
ou dont l'ouverture est arrêtée, les centres de popula-
tion déjà existants, etc.

TITRE II.
DES MODES D'ALIÉNATION.

ART. 5. Les terres comprises, en exécution des dis-


Positions précédentes, dans les périmètres de coloni-
sation, sont aliénables par vente à prix fixe ou par
,
vente aux enchères publiques.
Elles peuvent aussi être aliénées, sous les condi-
tions déterminées par le présent décret, par vente
de gré à gl é, par voie d'échange, par voie de con-
cession.

SECTION PREMIÈRE.

De la vente à prix fixe.

ART. 6. Les ventes à prix fixe sont affranchies


de toute charge relative à la mise en valeur du sol.
ART. 7. Le prix de chaque lot à vendre est fixé par
le ministre, sur l'avis d'une commission composée du
préfet ou du général commandant la division, suivant
le territoire, du chef du service des domaines , d'un
membre du conseil général de la province, désigné
par le ministre, et de deux autres personnes également
nommées par lui.
ART. 8. Le prix est payable par tiers , dont un tiers
comptant, et les deux autres d'année en année.
ART. 9. Au moment du payement du premier tiers
du prix, le receveur des domaines mentionne la vente
sur le tableau indicatif et sur le plan de lotissement,
fait signer à l'acquéreur le contrat de vente et le fait
mettre immédiatement en possession. Il est dressé, con-
tradictoirement et sans frais, procès-verbal de cette
première opération.
ART. 10. Le contrat de vente est enregistré et trans-
crit aux frais de l'acquéreur, qui en reçoit une expé-
dition dans le délai d'un mois à dater du jour de la
vente.
ART. 11. Les ventes à prix fixe sont faites par le re-
ceveur des domaines.
La mise en vente est précédée des publications pres-
crites par l'article 4. Elle est, en outre, annoncée par
voie d'affiches. Le plan de lotissement reste déposé au
bureau du receveur pour être communiqué au public
pendant deux mois au moins avant le jour de la vente.
Il est également à la disposition du public tant que
tous les lois qui y sont compris n'ont pas été vendus.
ART. 12. Les acquéreurs ne sont admis qu'à dater
du jour fixé par le ministre pour l'ouverture de la
vente.
Le même individu peut se rendre acquéreur de plu-
sieurs lots.
Tout demandeur est tenu, sous peine de nullité de
sa demande, de verser immédiatement entre les mains
du receveur, à titre de dépôt de garantie, une somme
égale au tiers du prix de la vente de chacun des lots
soumissionnés. Le lendemain, cette somme est encais-
sée définitivement, en déduction du prix de la vente,
ou restituée au déposant, suivant que la vente est ou
non réalisée.
Si deux ou plusieurs personnes voulant acquérir le
même lot se présentent le même jour, pendant le
temps compris entre l'ouverture et la fermeture régle-
mentaire du bureau du receveur, une enchère publique
est ouverte à huitaine par les soins du receveur, et le
lot est acquis
au plus offrant, aux conditions de paye-
ment déterminées par l'article 8, et sans qu'il soit be-
soin d'aucune approbation de l'autorité supérieure.
Ues affiches, dont
une ap osée dans le bureau du re-
ceveur, font connaître le jour et l'heure de l'enchère.
ART. 13. Au commencement de chaque trim sire,
les préfets et les généraux commandant les divisions
,
suivant le territoire, transmettent au ministre un état
des ventes effectuées pendant le trimestre précédent.
Cet état indique le montant du prix de chaque lot
par numéro. Il est certifié par le directeur des do-
maines et visé par le préfet ou le général.
ART. 14. A l'expiration de l'année qui suit le jour
fixé pour l'ouverture de la vente, le ministre détermine
à nouveau, conformément aux dispositions du présent
décret, le mode d'aliénation des lots qui n'ont pas été
vendus.

SECTION II.
De la vente aux enchères publiques.

ART. 15. La mise à prix des terres désignées pour


être vendues aux enchères publiques est établie par
expertise.
Le jour de la vente est fixé par le ministre sous l'ob-
servation des publications et délais prescrits par les ar-
ticles 4 et 11.
ART. 16. Les adjudications ne sont valables et exé-
cutoires qu'après l'approbation du ministre.
Cette approbation doit toujours précéder l'entrée en
possession de l'adjudicataire, à moins qu'il n'y ait
urgence reconnue.

SECTION III.
De la vente de gré à gré.

ART. 17.Sauf en ce qui concerne les départements,


les communes et les établissements publics, les alié-
nations de gré à gré ne peuvent être faites qu'en cas
d'indivision, d'enclave et de préemption légale ou de
possession de bonne foi.
ART. 18. Les ventes de gré à gré sont précédées
d'une estimation contradictoire.
L'acte de vente, dressé par le directeur des domai-
nes, soumis à l'examen du conseil de préfecture ou
du conseil des affaires civiles, est transmis, avec avis,
au ministre, par le préfet ou le général commandant la
division.
Il est statué définitivement par un décret impérial
rendu sur le rapport du ministre.
ART. 19. Lorsque l'estimation est inférieure à dix
mille francs, l'acte de vente est approuvé par le mi-
nistre, qui nous soumet, tous les trois mois, l'état des
ventes ainsi effectuées.

SECTION IV.

De l'échange.

ART. 20. Toute demande d'échange doit être adres-


sée directement au ministre.
Si le ministre estime qu'il puisse y avoir lieu à échange,
la demande est
par lui renvoyée, suivant le territoire,
81) préfet ou au'général commandant la division.
Il est fait estimation contradictoire des biens par ex-
perts désignés, l'un par le directeur des domaines,
l'autre par le propriétaire. Un tiers expert est désigné
Par le président du tribunal de la situation des biens.
Les résultats de l'expertise sont constatés par un
Procès-verbal, affirmé par les experts.
Le dossier de l'affaire, acéorftpagré des titres de
propriété <t de l'et t des charges, servitudes et hypo-
thèques, est renvoyé à l'examen du conseil de préfec-
ture ou du conseil des affaires ci ilt's, qui délibère sur
l'utilité et les conditions de l'échange. Le préfet ou le
général commandant ta division donne son avis, et le
ministre décide s'il y a lieu de passer acte avec l'é-
changiste.
ART. 21. Le contrat d'échange détermine la soulte
à payer, s'il y a lieu ; il contient h désignaI ion de la
nature, de la consistance et de lasituation des immeu-
bles, avec énonciation des charges et servitudes dont
ils peuvent être grevés; il relate les titres de propriété*
les actes qui constatent la libération des prix, enfin les
procés-verhaux d'estimation qui doivent y demeurer
annexés. -
Si la valeur de l'échange est inférieure à dix mille
francs, le contrât est approuvé par le ministre, qui
nous rend compte tous les trois mois, 'comme il est
dit à l'article 19.
Tout échangé d'une valeur supérieure est soumis à
notre approbation.
L'entree en possession de l'échangiste n'a ,
lieu qu'a-
près l'approbation. Elle est subordonnée, dans tous les
cas, à la radiation des hypothèques de l'immeuble
cédé par l'échangiste.
ART. 22. Le contrat d'échange est enregistré gratis
et transcrit sans autres frais que le salaire du conser-
vateur.
La soulte est régie, quant au droit proportionnel
d'enregistrement parles dispositions relatives aux alié-
nations des biens de l'État.
Les frais de l'échange sont supportés moitié par
l'État, moitié
par l'échangiste.
Les formalités établies par l'article 2194 du Code
Napoléon, par les avis du conseil d'État des 9 mai 18U7
et o mai 1812, et par l'article 1er de la loi du 23 mars
1855, sont remplies à la diligence de l'administration
des domaines.
S'il existe des inscriptions sur l'immeuble cédé par
l'échangiste, il est tenu d'en rapporter mainlevée et
radiation dans les quatre mois de la transcription du
contrat d'échange, à moins qu'il ne lui ait été accordé
Un. plus long délai.
Faute par lui de rapporter ces mainlevée et radia-
tion, le contrat d'échange est résilié et l'échangiste
demeure passible de tous les frais auxquels l'échange
a donué lieu.
L'acte d'échange, ainsi que toutes les pièces et ti-
tres , est déposé aux archives de la direction des do-
maines.

SECTION V.

Des concessions.

ART. 23. Sur les lots réservés , conformément aux


dispositions des articles 2 et 3 du présent décret, le mi-
nistre peut faire des concessions d'une contenante
Maximum de trente hectares au profit d'anciens mili-
taires, ou d'immigrants et de cultivateurs résidant en
Algérie»
Les travaux à imposer à ces concessionnaires sont
imités à la construction d'une habitation.
Leminis'repcut, par un''décision spéciale à cha-
que lotissement, déléguer aux prefets et aux généraux
le droit de faire ces concessions.
Des états trimestriels certifiés des concessions ainsi
faites sont adressé.; au mini tre.
ART. 24. Des concessions d'une plus grande étendue
peuvent être exceptionnellement accordées par nous,
sur le rapport de notre ministre secrétaire d'État
de l'Algerie et des Colonies, notre conseil d'Élat
entendu.
Le décret qui accorde la concession en détermine
les conditions.
ART. 25. Ne sont pas soumises aux conditions du
présent décret les concessions qui pourront être faites
aux communes, aux départements et aux établisse-
ments publics.

TITRE III.
DISPOSITIONS TRANSITOIRES.
*

ART. 26. Est affranchi des obligations relatives AUX


plantations et au mode de mise en culture tout pro-
priétaire d'une concession accordée antérieurement au
présent décret, qui aura rempli la condition de bâtir
stipulée dans son titre.
ART. 27. Pourront être régularisées conformément
-

aux dispositions actuellement existantes, les conces-


sions qui ont fait l'objet de mises en possession provi-
soire ou de demandes sur lesquelles les conseils de
préfecture ou les conseils des affaires, civiles auront
délibéré antérieurement à la promulgation du présent
décret.
ART. 28. Les prescriptions des sections 2, 3, 4 et 5
du titre II sont applicables aux immeubles urbains.
ART. 29. Toutes dispositions contraires au présent
décret sont et demeurent abrogées.
ART. 30. Notre ministre secrétaire d'État au dépar-
tement de l'Algérie et des colonies est chargé de l'exé-
cution du présent décret.

SECTION Il.
*
EXPROPRIATION.

I. Ordonnance du 1er octobre 1844 sur la propriété



en Algérie.

TITRE IV.
DE L'EXPROPRIATION ET DE L'OCCUPATION TEMPORAIRE
POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE.

CHAPITRE PREMIER.
Forme de l'expropriation.

L'expropriation pour cause d'utilité publi-


ART. 24.
que sera prononcée dans les cas et dans les formes ci-
après déterminées, sauf les exceptions portées aux ar-
ticles 107 et 111 de la présente ordonnance (1).
ART. 25. (2).
ART. 26 (3). Lorsqu'il y aura lieu de déclarer l'uti-
lité publique, un avis indiquant la nature et la situation
des travaux à entreprendre et des établissements à

(1) Les articles 107 et 111 maintenaient pour les terres in-
cultes et les marais les formes rapides d'expropriation établies
par les arrêtés antérieurs. Ces deux articles ont été abrogés par
l'article 53 de l'ordonnance du 21 juillet 1846, qui attril ue im-
plicitement tous les marais à l'État (art. 46) et établit une nou-
velle forme d'expropriation pour les terres incultes (art. 40—i 5).
Mais tout qe régime exceptionnel est supprimé par l'article 23
de la loi qui abroge expressément toutes les dispositions anté-
rieures relatives aux terres incultes et aux marais.
(2) Cet article, qui déterminait les causes d'expropriation
pour utilité publique, est remplacé par l'article 19 de la loi.
(3) Depuis l'arrêté du 9 décembre 1848, la direction et les
sous-directions de l'intérieur sont remplacées par trois préfectu-
res et un certain nombre de sous-préfectures.
L'institution des commissaires civils a été provisoirement
maintenue par l'article 11 du décret du 9 décembre 1848. Leurs
fonctions, à la fois administratives et judiciaires, ont été déter-
minées par l'arrêté ministériel du 18 décembre 1842, en partie
moditié par l'ordonnance du 15 avril 1845. Aux termesde l'ar-
ticle 90 de cette dernière ordonnance, il y a un commissaire
civil par cercle, celui du chef-lieu de l'arrondissement excepté.
Les formalités prescrites par cet article tiennent lieu de l'en-
quête administrative prescrite par l'article 3 de la loi du 3 mai
1841, et dont les formes ont été déterminées par les ordonnan-
ces du 18 février 1834 et du 23 aoùt 1835. La commission spé-
ciale de notables propriétaires et industriels qui, d'après l'or-
donnance de 1834, se réunit au chef lieu de chaque département
pour dépouiller l'enquête et donner son avis sur le projet, est
remplacée en Algérie par le conseil de Gouvernement.
Les motifs de cette innovation ont été clairement expliqués
former sera, à la diligence du gouverneur général (1),
inséré dans le Journal officiel de V Algérie (i) et affiché
au siège de la justice de paix, et, à défaut de justice de
paix, au chef-lieu du commissariat civil (3).
Pendant dix jours à partir de ces insertions et affi-

par M. Dumon, dans son rapport sur le projet d'ordonnance


(commission de co'lonisation de l'Algérie, lre sous-commission,
séance du 10 juin 1842): Les conditions de la première en-
«
quête n'existent pas en Afrique. Le-législateur a pu l'établir
'< en France, parce que les représentants légaux des populations

s'y trouvent partout, parce que les besoins des localités peu-
vent être appréciés dans les localités mêmes, parce que les
w chambres consultatives et toutes les réunions électives ou

nommées par le roi sont autant d'organes ou de soutiens de


l'intérêt général ; mais rien de pareil n'existe ni ne peut
exister encore en Afrique. A qui le gouvernement demande-
rait-il des lumières? à qui confierait-il le soin d'apprécier
M l'importance et l'utilité des travaux? Il n'y a d'autorité con-

stituée que la sit-nne. Il se consulterait lui-même et nous


n'aurions introduit dans la loi qu'une formalité sans va-
** leur. »

En France, l'utilité publique est déclarée par un décret. En


Algérie, elle est dans tous les cas déclarée par un arrêté minis-
tériel. C'est toutefois au gouvernement qu'il appartient d'or-
donner par décret la fondation de nouveaux centres de popula-
tion et d'en déterminer le périmètre. (Ordonnance du 21 juil-
let 1845, art. 3; décret du 25 juillet 1860, art. 1er.)
(1) Aujourd'hui du préfet en territoire civil, ou du général
commandant la division en territoire militaire. (Décret du 8 sep-
tembre 1859.)
(2) L'insertion est publiée dans le journal désigné pour l'in-
sertion des annonces judiciaires. (Même décret.)
(3) L'affiche a lieu dans la commune de la situation des
biens, et à défaut
au chef-lieu du commissariat civil ou de l'au-
torité qui en tient lieu. (Même décret.)
ches, les propriétaires et autres intéressés seront ad mis
à consigner leurs observations sur un registre ouvert,
pour la province d'Alger à la direction de l'intérieur,
et pour les autres provinces à la sous-direction de l'in-
térieur (1).
Toutefois, dans les portions du territoire qui seront
formées en districts, ces observations pourront être
faites au commissariat civil du district.
Les observations des propriétaires et autres inté-
ressés seront soumises au conseil d'administration,
qui en constatera sommairement les résultats.
La déclaration d'utilité publique ne pourra être faite
qu'après l'accomplissement de ces formalités : elle sera
rendue par notre ministre de la guerre sur les avis du
conseil d'administration (2) et du gouverneur général.
ART. 27 (3). Extrait de la décision ministérielle por-

(1) Les registres d'enquête sont ouverts aux lieux où l'affiche


a été faite. Les observations écrites adressées aux autorités char-
gées de procéder à ces enquêtes sont annexées aux registres.
(Décret du 8 septembre 1859, art. 2 et 3.)
(2) Aujourd'hui, la constatation est faite et l'avis donner
suivant les territoires, par le préfet en conseil de préfecture, ou
par le général en conseil des affaires civiles. (Même décret,
art. 1 er.)
(3) En France, aux termes de l'article 2 de la loi du 3 mai
1841, la loi ou l'ordonnance qui déclare l'utilité publique est
:
suivie 10 d'un acte du préfet qui désigne les territoires sur les-
quels les travaux doivent avoir lieu ; 2° d'un arrêté ultérieur
pris après une nouvelle enquête et par lequel le préfet déter-
mine les propriétés particulières auxquelles l'expropriation est
applicable. L'expropriation est ensuite prononcée par les tribu-
uaux. (Loi du 3 mai 1841, art. 1er.)
En Algérie, ces deux formalités se confondent, la première
tant déclaration d'utilité publique et indiquant, en ou-
tre, les immeubles qui doivent être soumis à l'expro-
priation, leur nature, leur situation et leurs proprié-
taires, s'ils sont connus, sera inséré dans le Journal
officiel de l'Algérie et affiché aux lieux déterminés au
paragraphe 1er de l'article précédent.
Les observations des propriétaires et autres parties
intéressées seront reçues dans les formes et délais dé-
terminés au même article, et soumises au conseil d'ad-
ministration, qui en constatera sommairement les ré-
sultats (1).

avec la déclaration d'utilité publique, la seconde avec la déci-


sion administrative qui ordonne l'expropriation. Mais cette dé-
cision doit toujours être précédée d'une enquête sur le mode
d'exécution des travaux ordonnés. Notre article règle les formes
;
de cette enquête il correspond aux articles 4-12 de la loi du
3 mai 1841. La commission, composée de conseillers généraux,
du maire et de l'ingénieur, qui d'après l'article 8 de cette loi se
réunit au chef-lieu de chaque arrondissement pour dépouiller
l'enquête et donner son avis, est encore remplacée en Algérie
par le conseil de préfecture.
« Nous n'avons pas donné à la seconde enquête, disait
* M. Dumon dans son rapport, le même caractère ni la même
solennité qu'en France; les moyens d'instruction ne sont ni
* aussi efficaces ni aussi nombreux ; et d'ailleurs il s'en faut
que les difficultés à rencontrer et les intérêts divers à conci-
lier soient les mêmes en Algérie que dans un pays ancien-
* nement constitué. Toutefois nous avons demandé que, lors-
que les travaux auront été projetés et arrêtés, les propriétaires
intéressés soient nécessairement admis à présenter leurs ob-
servations sur le tracé adopté. »
(1) Ces dispositions ont été modifiées comme celles de 1 arti-
cle précédent par le décret du 8 septembre 1859 en ce qui tou-
ART. 28 (1). L'expropriation sera prononcée par une
décision de notre ministre de la guerre, rendue sur
l'avis du conseil d'administration et sur celui du gou-
verneur général (2).

che la publication, l'affiche, et l'attribution au conseil d'admi-


nistration.
Le plan parcellaire des immeubles compris dans la déclara-
tion d'utilité publique sera tenu à la disposition des intéressés
aux mêmes lieux et pendant le même délai que les registres
d'enquête. (Même décret, art. 3.)
(1) En France, l'expropriation est prononcée par jugement
du tribunal. V. les articles 14 et 15 de la loi du 3 mai 1841.
L'article 13, qui donne à tous administrateurs légaux ou re-
présentants d'incapables le droit de consentir amiablement à
l'aliénation des biens expropriés, après autorisation du tribunal,
n'est pas reproduit par l'ordonnance. Cette disposition, néces-
saire quand l'indemnité doit être fixée par un jury, devient inu-
tile dans un système où le règlement des indemnités appartient
au tribunal. La même raison explique la suppression des arti-
cles 19, 25, 26 et 27.
En Fiance, le jugement d'expropriation peut être attaqué
par la voie du recours en cassation pour incompétence, excès
de pouvoir ou vice de forme (loi du 3 mai 1841. art. 20). En
Algérie, la décision ministérielle qui prononce l'expropriation
peut être attaquée par la voie du recours au conseil d État. Il
n'y a aucune raison pour rejeter ce recours, qui est de droit
commun, et qui peut être utile pour assurer l'exécution des
formalités prescrites par l'ordonnance.
L'article 14 de la loi du 3 mai 1841 donne aux parties le
droit de poursuivre l'expropriation si, dans l'année de l'arrêté
du préfet, l'administration a négligé de le faire. Cette disposi-
tion n'est pas reproduite dans l'ordonnance Elle a sans doute
paru incompatible avec un système qui attribue à l'administra-
tion même le droit de prononcer l'expropriation.
(2) Aujourd'hui, du préfet en conseil de préfecture, ou du gé-
néral en conseil des affaires civiles, suivant les territoires. (Dé-
cret du 8 septembre 1859, art. 1 er.)
Toutes les pièces de l'instruction seront, à cet effet,
transmises à notre ministre de la guerre par le gou-
verneur général. Les parties intéressées pourront
adresser au même ministre leurs réclamations ou ob-
servations, indépendamment de celles qui auront été
faites conformément à l'article précédent.
Extrait de la décision portant indication des im-
meubles expropriés, avec les désignations portées en
l'article précédent, sera publié et affiché sans délai, de
la même manière que la décision déclarative de l'uti-
lité publique.
Pareil extrait sera notifié aux propriétaires inté-
ressés (1).

CHAPITRE II.
Effets de l'expropriation quant aux priviléges,
hypothèques et autres droits réels.

ART. 29 (2). Immédiatement après la notification

(1) Quand la décision ministérielle prononçant l'expropriation


a été publiée, affichée et transcrite, ainsi que le prescrivent les
articles 28 et 29, la propriété des immeubles qui s'y trouvent
désignés est transférée à l'État, à la charge de payer à l'expro-
prié l'indemnité qui sera ultérieurement fixée par le tribunal
compétent. L'exproprié devient créancier de cette indemnité.
Dès lors le ministre ne peut, sans excéder ses pouvoirs, ordonner
par une décision postérieure que l'exproprié sera tenu, nonobs-
tant toute opposition de sa part, de reprendre les immeubles
dont il avait été exproprié et de consentir l'abandon du droit qui
lui était acquis à une indemnité. (Conseil d'État, 2 décembre
1858, Lavie.)
(2) F. l'article 16 de la loi du 3 mai 1841.
prescrite par l'article précédent, la décision ministé-
rielle portant expropriation sera "transcrite sans frais
au bureau de la conservation des hypothèques, con-
formément à l'article 2181 du Code civil.
ART. 30 (1). Dans la quinzaine de la transcription,
les priviléges et les hypothèques conventionnelles ju-
diciaires et légales, antérieures à la publication de la
décision, seront inscrits.
A l'expiration de ce délai, l'immeuble exproprié de-
viendra libre de tout privilége et de toute hypothèque
non encore inscrits, de quelque nature qu'ils soient,
sans préjudice du recours contre les maris, tuteurs
et autres administrateurs qui auraient dû requérir ces
inscriptions, et les droits des créanciers, des femmes,
mineurs, interdits et de l'État, seront transportés sur
le montant de l'indemnité, tant qu'elle n'aura pas été
payée ou que l'ordre n'aura pas été définitivement
réglé.
Les créanciers inscrits n'auront, dans aucun cas, la
faculté de surenchérir, mais ils pourront exiger que
l'indemnité soit fixée par l'autorité judiciaire confor-
mément aux dispositions ci-après.
ART. 31 (2). Les actions en résolution ou en reven-
dication, et toutes autres actions réelles, ne pourront
arrêter l'expropriation ni en empêcher l'effet. Le droit
des réclamants sera transporté sur le prix,' et l'immeu-
ble en demeurera affranchi.

(1) F. l'article 17 de la loi du 3 mai 1841.


(2) V. l'article 18 de la loi du 3 mai 1841.
CHAPITRE III.
Règlement, attribution et payement de l'indemnité.

ART. 32 (1). Le propriétaire qui voudra faire valoir


ses droits à l'indemnité sera tenu de justifier de son
droit de propriété. Les titres et autres documents qu'il
aura produits seront communiqués au directeur des
finances (aujourd'hui au préfet), qui procédera à leur
examen et prendra ou provoquera telles mesures qu'il
jugera convenables pour la conservation des intérêts
du domaine.
ART. 33 (2). Dans la huitaine qui suit la notification
prescrite par l'article 28, le propriétaire est tenu d'ap-

(1) L'état d'incertitude de la propriété algérienne rendait


nécessaire cette disposition, qui ne se retrouve pas dans la loi du
3 mai 1841. Il ne faut pas oublier que l'ordonnance du 1eroc-
tobre 1844 a prescrit les premières mesures relatives à la véri-
fication des titres de propriété.
« En France, disait M. Dumon (rapport précité, page 28),
on n'exige pas du propriétaire qu'il prouve sa propriété ; si son
droit en cette qualité est contesté, il l'est par des tiers qu'on
;
renvoie à se pourvoir devant les tribunaux il n'en pouvait être
de même en Algéne. Le fait de la propriété n'a ni la même évi-
dence ni la même authenticité dans la plaine de la Métidja que
dans celle de la Beauce ; il ne peut donc fonder la même pré-
somption légale. De là, la nécessité de demander au proprié-
taire la justification de sa qualité; de là, pour le domaine, le
devoir d'intervenir contradictoirement et de mettre l'intéressé en
demeure de montrer ses titres et de prouver son droit. Cette né-
cessité et ce devoir qu'a établis l'arrêté du 9 décembre 1841,
nous les avons maintenus. »
(2) V. l'article 21 de la loi du 3 mai 1841.
peler et de faire connaître à l'administration les fer-
miers, locataires, ceux qui ont des droits d'usufruit,
d'usage ou d'habitation, tels qu'ils sont réglés par le
Code civil, 6t ceux qui peuvent réclamer des servitudes
résultant des titres mêmes du propriétaire on d'autres
actes dans lesquels il serait intervenu ; sinon il restera
seul chargé envers eux des indemnités que ces der-
niers pourront réclamer.
Les autres intéressés seront en demeure de faire
valoir leurs droits par I'averlissetrent énoncé en l'arti-
cle 28, et tenus de se faire connaître à l'administration
dans le même délai de huitaine, à défaut de quoi ils se-
ront déchus de tous droits à l'indemnité.
ART. 34 (4). Les dispositions de la présente ordon-
nance relatives aux propriétaires et à leurs créanciers,
sont applicables à l'usufruitier et à ses créanciers.
ART. 35 ;2). Dans la huitaine de la notitication pres-
crite par l'article 28, l'administration notifiera aux pro-
priétaires, et à tous autres intéressés qui auront ré-
clamé, les sommes qu'elle offre pour indemnités.
ART. 36 (3). Dans la quinzaine suivante, les proprié-
taires et autres intéressés sont tenus de déclarer leur
acceptation, ou, s'ils n'acceptent pas les offres qui

(1) V. l'article 22 de la loi du 3 mai 1841.


(2) V. l'article mai 1841 aux termes duquel
23 de la loi du 3
les offres doivent en outre être affichées et publiées.
(3) Cet article reproduit l'article 24 et l'article 50, S ler, de la
loi du 3 mai 1841. L'article 50, § 2, permet en certains cas
aux propriétaires de terrains de réclamer l'expropriation en-
tière. L'ordonnance ne donne ce droit qu'aux propriétaires de
bâtiments.
leur sont faites, d'indiquer le montant de leurs pré-
tentions.
Is sont également tenus de déclarer dans le même
délai, à peine de déchéance, s'ils requièrent l'expropria-
tion entière des bâtiments dont une portion seulement
serait comprise dans l'expropriation pour cause d'uti-
lité publique.
ART. 37 (1). Si dans le délai ci-dessus les offres de
l'administration ne sont pas acceptées, l'administra-
tion citera les propriétaires et tous les autres intéressés
devant le tribunal civil de première instance de la si-
tuation de l'immeuble exproprié, pour qu'il y soit pro-
cédé au règlement de l'indemnité.
La citation contiendra l'énonciation des offres qui
auront été faites et des moyens à l'appui.
ART. 38 (2). Dans la huitaine de la citation, les parties
assignées signifieront leurs demandes et les moyens à
l'appui.
A l'expiration de ce délai, le tribunal pourra se
transporter sur les lieux ou déléguer à cet effet un ou
plusieurs de ses membres.

(1) V. l'article 28 de la loi du 3 mai 1841, aux termes duquel


la citation a lieu devant le jury.
(2) Les articles 29-36 de la loi du 3 mai 1841 règlent la for-
mation du jury spécial chargé de fixer les indemnités. L'or-
donnance qui substitue les tribunaux au jury n'avait pas be-
soin de reproduire ces articles
La discussion orale et publique établie par les articles 37 et
38 de la loi est remplacée dans le systeme de l'ordonnance par
une procédure écrite. Mais le tribunal peut toujours se trans-
porter sur les lieux ou même ordonner une expertise. (F. l'arti-
cle 17 de la loi du 7 mars 1810.)
Il fixera par le même jugement le jour et l'heure où
le transport devra s'effectuer, et nommera d'office, s'il
y a lieu, un ou plusieurs experts.
ART. 39. Le tribunal ou, le cas échéant, le juge-
commissaire, parties présentes ou dûment appelées,
fera sur les lieux toutes vérifications, y prendra tous
renseignements, ou entendra toutes personnes qu'il
croira pouvoir l'éclairer.
Les experts prêteront serment, et procéderont en
la forme ordinaire.
Les opérations terminées, la minute du procès-ver-
bal sera remise au greffe du tribunal dans les huit
jours.
Lorsque le procès-verbal aura été déposé, le tribu-
nal délibérera, en chambre du conseil, toutes affaires
cessantes, sur les mémoires produits et sur les con-
clusions écrites du ministère public. Le jugement sera
prononcé en audience publique.
ART. 40 (1). Le tribunal appréciera la sincérité des
titres produits, et les actes et circonstances qui seront
de nature à modifier l'évaluation de l'indemnité.
Si l'exécution des travaux qui ont modifié l'expro-
priation doit procurer une augmentation de valeur im-
médiate et spéciale au restant de la propriété, cette
augmentation sera prise en considération dans l'éva-
luation du montant de l'indemnité (2).

(1) Cet article reproduit les articles 48 et 51 de la loi du


3 mai 1841 ; le second paragraphe est reproduit par l'article 20
de la loi du 16 juin 1851.
(2) Réciproquement, si l'exécution des travaux doit occasionner
un préjudice, le tribunal est compétent pour l'apprécier. (Con-
flit, 10juin 1857, Lavie.)
ART. 41 (1). Si le tribunal acquiert la conviction
que des ouvrages ou travaux quelconques ont été faits
par le propriétaire, de mauvaise foi, et dans la vue
d'obtenir une indemnité plus élevée, le tribunal de-
vra, selon les circonstances, rejeter ou réduire la va-
leur de ces ouvrages ou travaux.
ART. 42 (2). Si dans les six mois, à compter de la
décision ministérielle prononçant l'expropriation, l'ad-
ministration ne poursuit pas la fixation de l'indemnité,
les parties pourront exiger qu'il soit procédé à cette
fixation.
Quand l'indemnité aura été réglée, si elle n'est ni
acquittée ni consignée dans les six mois du jugement
du tribunal, les intérêts courront de plein droit à l'ex-
piration de ce délai.
ART. 43 (3). Le tribunal accordera des indemnités
distinctes aux parties qui les réclameront à des titres
différents, comme propriétaires, fermiers, locataires,
ou en toute autre qualité.
Dans le cas d'usufruit, le tribunal ne fixera qu'une
seule indemnité, égale à la valeur totale de l'immeu-
ble; le nu propriétaire et l'usufruitier exerceront leur

(1) F. l'article 52 de la loi du 3 mai 1841.


(2) V. l'article 55 delà loi du 3 mai 1841.
(3) Cet article et le suivant reproduisent l'article 39 de la loi
du 3 mai 1841, moins le paragraphe
4, d'après lequel, s'il s'é-
lève des difficultés étrangères à la fixation de l'indemnité, le
Jury doit régler l'indemnité indépendamment de ces difficultés
sur lesquelles les parties sont renvoyées à se pourvoir. Cette
disposition devenait inutile dans
un système qui attribue aux
tribunaux civils le règlement des indemnités.
droit sur le montant de l'indemnité au lieu de l'exer-
cer sur la chose.
L'usufruitier sera tenu de donner caution. Les pères
et mères ayant l'usufruit légal des biens de leurs en-
fants en sont seuls dispensés.
ART. 44. L'indemnité allouée par le tribunal ne
pourra en aucun cas être inférieure aux offres de
l'administration, ni supérieure à la demande de la
partie intéressée.
ART. 45 (1). La décision du tribunal, seulement en
ce qui concerne la fixation du montant de l'indemnité,
sera souveraine et sans appel.
ART. 46 (2). Les frais de l'instance en règlement de
l'indemnité sont supportés comme il suit :
Si l'indemnité réglée par le tribunal ne dépasse pas
l'offre de l'administration, les parties qui l'auront re-
fusée seront condamnées"aux dépens.

(t) V. l'article 42 de la loi du 3 mai 1841. — Bien que sou-


veraine et sans appel, la décision du tribunal peut cependant
être attaquée par voie de recours en cassation, pour défaut de
forme ou violation des articles 38, 39, 43 et 46. Ce recours est
en effet de droit commun, et il doit avoir lieu dans les formes
ordinaires, l'ordonnance n'ayant pas reproduit les formes spé-
ciales tracées par la loi du 3 mai 1841, art. 42 et 20. L'article
53 de l'ordonnance du 26 septembre 1842 sur l'organisation
judiciaire en Algérie porte qu'en toute matière le recours en
cassation est ouvert contre les arrêts ou jugements en dernier
ressort.
Quant aux décisions par lesquelles le tribunal statue sur d'au-
tres questions que celles du montant des indemnités, elles sont
soumises au droit commun relativement à l'appel et au pourvoi
en cassation.
(2) V. l'article 40 de la loi du 3 mai 1841.
Si l'indemnité est égale à la demande des parties,
l'administration sera condamnée aux dépens.
Si l'indemnité est à la fois supérieure à l'offre de
l'administration et inférieure à la demande des par-
ties, les dépens seront compensés de manière à être
supportés par les parties et par l'administration dans
la proportion de l'offre et de la demande avec l'indem-
nité réglée.
Tout indemnitaire qui n'aura pas indiqué le mon-
tant de ses prétentions, conformément à l'article 36,
sera dans tous les cas condamné aux dépens.
ART. 47 (1). L'indemnité sera liquidée en une somme
capitale.

(1) Cet article ne se retrouve pas dans la législation fran-


çaise, parce qu'en France l'aliénation à charge de renteajieu
rarement. En Algérie, au contraire, cette sorte de transaction
est très-fréquente. L'ordonnance du 1er octobre 1844, art. 11 à
15, avait déclaré les rentes perpétuelles rachetables et fixé les
conditions du rachat. Aujourd'hui, ces rentes sont régies par
l'article 530 du Code Napoléon.
Le bail à rente donnait aux colons le moyen de devenir pro-
priétaires sans se défaire actuellement de leurs capitaux ; il est
Juste que l'État jouisse du même avantage lorsqu'il poursuit
leur expropriation pour cause d'utilité publique.
En cas d'expropriation partielle, une difticulté se présente :
Un immeuble est vendu 500 francs de rente; l'acheteur est
exproprié pour moitié. Par qui la rente sera-t-elle payée?
Si l'on restait sous l'empire du droit commun, on dirait : le
Propriétaire n'a pas cessé d'être débiteur de la rente; d'un autre
côté, la partie expropriée passe à l'État, franche et quitte de
toutes charges; c'est au créancier de la rente à veiller à ce qu'il
soit fait emploi de l'indemnité.
Mais, d'après notre article, il en est autrement. L'État doit,
dans tous les
cas, se charger du service de la rente. Que si,
Toutefois, si l'immeuble exproprié est grevé d'une
rente valablement constituée pour prix de la transmis-
sion du fonds, cette rente ne sera pas comprise dans la
liquidation. L'indemnité en ce cas consistera dans la
somme que l'immeuble sera jugé valoir en sus de la
rente.
L'administration aura l'option de continuer le ser-
vice de la rente ou de la racheter au taux légal.
ART. 48 (1). L'administration ne pourra se mettre en
possession des immeubles qu'après avoir délivré aux
proprétaires expropriés le montant de l'indemnité ou
en avoir fait la consignation.
ART. 49 (2). S'il s'élève des contestations relatives à
l'attribution de l'indemnité, le tribunal en ordonnera
la consignation pour le compte de qui il appartiendra.
La consignation sera également ordonnée, si l'im-
meuble est chargé d'inscriptions hypothécaires, ou s'il
s'élève des oppositions ou autres empêchements à la
délivrance de l'indemnité.

comme dans l'exemple choisi, la rente représente la valeur de


la totalité de l'immeuble dont une partie seulement est prise
par expropriation, alors on ne peut songer ni à diviser le ser-
vice de la rente, ni à la rembourser partiellement; les droits
du créancier s'y opposent (Code Napoléon, art. 1244 et 2114)-
L'État devra donc se charger de servir intégralement la rente,
sauf à constituer à son profit le propriétaire partiellement expro-
prié débiteur d'une rente proportionnelle à ce qu'il garde. Dans
le cas que nous avons pris pour exemple, l'Etat se chargera
de 500 francs de rente, et le propriétaire exproprié pour moi-
tié sera constitué débiteur d'une rente de 250 francs envers
l'État.
(1) V. l'article 5 de la loi du 3 mai 1841.
(2) V. l'article 54 de la loi du 3 mai 1841.
Les titres de liquidation ne seront délivrés par l'ad-
ministration que sur le vu d'un jugement ou d'un arrêt
définitif, ou sur une transaction régulière et authenti-
que.

CHAPITRE IV.

De l'occupation temporaire (i).

(1) Les articles 50-61 de l'ordonnance du 1er octobre 1844


appliquaient à l'occupation temporaire en Algérie les règles
tracées par la loi du 30 mars 1831 pour l'expropriation d'ur-
gence. D'après l'article 60, ces règles devaient s'appliquer même
aux fouilles et extractions de matériaux. Ainsi, par une singu-
lière anomalie, toute cette matière qui rentre, en France, dans
la compétence des conseils de préfecture, était attribuée en Algé-
rie à la juridiction des tribunaux civils.
Ce chapitre de l'ordonnance a été formellement abrogé par
un décret du 5 décembre 1855 qui renvoie au droit commun de
la France. D'après l'article 1er de ce décret, lorsqu'il y aura lieu
d'occuper temporairement des terrains, soit pour l'exécution
des travaux publics, soit pour l'extraction des matériaux néces-
saires à ces travaux, la désignation des propriétés, la prise de
possession, et le règlement de l'indemnité ont lieu d'après les
mêmes lois et dans les mêmes formes qu'en France, c'est-à-dire
d'après l'arrêt du conseil du 7 septembre 1755, les lois du 6 oc-
tobre 1791, du 28 pluviôse an VIII, du 16 septembre 1807, le
décret du 6 septembre 1813, les lois du 30 mars 1831 et 3 mai
1841. L'article 2 ajoute que, pour l'exécution du décret en terri-
toire militaire, les attributions du préfet y seront remplies par
le général commandant la division, celles de l'ingénieur en chef
par le directeur des fortifications, et la juridiction du conseil de
préfecture du département s'étendra à tout le territoire de la
province.
La légalité de ce décret a été contestée. En effet, l'article 21 de
la loi du 16 juin 1851 porte que jusqu'à ce qu'une loi en ait au.
trement ordonné l'ordonnance du 1er octobre 1844 continuera à
CHAPITRE Y.

De la prise de possession en cas d'urgence (1).

CHAPITRE VI.

Dispositions générales.

ART. 71 (2). La décision qui déclare l'utilité publi-


que et celle qui prononce l'expropriation sont rendues
sur la proposition du chef de service dans l'intérêt du-
quel l'expropriation est poursuivie.
Le règlement et l'attribution de l'indemnité sont

être exécutée, en ce qui touche les formes à suivre en matière


d'expropriation ou d'occupatiou temporaire. Mais d'autre part
la constitution de 1852 n'admet plus l'intervention du Corps
législatif dans les affaires de l'Algérie et des colonies. La cour
de cassation a réservé la question, en se bornant à déclarer
qu'en aucun cas le décret n'avait pu rétroagir. (Civ. cass.,
3 décembre 1862, Delmonte, Sirey, 63, 1, 94.) Le conseil d'État a
fait de même. (26 août 1858, Delmonte; 15 juin 1861, Roubière;
conflit, 13 janvier 1860, Roubière.) Cette question sera sans
doute bientôt tranchée par le sénatus-consulte qui s'élabore en
ce moment.
(1) Ce chapitre, textuellement emprunté aux articles 65-74 de
la loi du 3 mai 1841, est abrogé et remplacé par un décret du
11 juin 1858. V. ci-après.
(2) Cet article, qui avait pour but de régler la compétence des
divers chefs de service administratifs, n'a plus d'intérêt depuis
que l'administration a été ramenée à l'unité par l'ordonnance
du 1er septembre 1847 et surtout par l'arrêté du 9 décembre
1848, qui a divisé l'Algérie en départements administrés par
des préfets.
effectués pour tous les services publics, à la diligence
du directeur de l'intérieur.
Le domaine et les anciennes corporations sont re-
présentés par le directeur des finances, soit devant
l'autorité judiciaire, soit devant l'autorité administra-
tive.
ART. 73 (1). Les significations et notifications, men-

(1) L'ordonnance du 16 avril 1843 a rendu le Code de procé-


dure civile ex cutoire en Algérie sous certaines modifications.
Les articles 3 et 4 sont ainsi conçus :
Art. 3. Aucune citation ou signification ne pourra être vala-
blement faite qu'à la personne ou au domicile réel ou d'élec-
tion, ou à la résidence de la partie citée, sauf les dispositions de
l'article suivant.
Sera nulle toute signification faite à la personne ou au do-
micile d'un mandataire, à moins qu'il ne soit porteur d'un pou-
voir spécial et formel de défendre à la demande. Cette nullité
pourra être prononcée en tout état de cause, sur la demande de
la partie intéressée et même d'office par le tribunal.
Art. 4. Lorsque le lieu du domicile ou de la résidence de la
partie citée ne sera pas connu, l'exploit sera affiché à la prin-
cipale porte et dans l'auditoire du tribunal où la demande sera
portée. Il en sera, en outre, donné copie en duplicata H l'offi-
cier du ministère public près le tribunal compétent, lequel vi-
sera l'original, gardera l'une des copies, dont il fera insérer
1 extrait
au Moniteur algérien, et transmettra l'autre au minis-
tère de la guerre si la partie est française, ou au ministère des
affaires étrangères si la partie est étrangère.
Néanmoins, dans le même cas, la citation ne sera valable
qu'autant que le demandeur rapportera un certificat constatant
que la partie assignée n'a point fait la déclaration du lieu de sa
résidence à la mairie du chef-lieu de l'arrondissement judi-
ciaire, sur un registre qui sera spécialement tenu à cet effet dans
ladite mairie. Ce certificat
sera délivré sans frais et dispensé de
la formalité de l'enregistrement.
tionnées en la présente ordonnance, seront faites ainsi
qu'il est prescrit par les articles 3 et 4 de l'ordonnance
du 16 avril 1843.
ART. 74 (1). Pour les ajournements donnés en exé-
cution des articles 37 et 63 de la présente ordonnance,
seront observés les délais fixés par les articles 6 et7 de
l'ordonnance du 16 avril 1843, sans que dans aucun
cas ce délai puisse excéder trente jours.
ART. 75 (2). Les significations et notifications, men-
tionnées en la présente ordonnance, peuvent être faites
tant par huissier que par tout agent de l'administra-
tion dont les procès-verbaux font foi en justice.
ART. 76 (3). Les plans, procès-verbaux, certificats,
significations, jugements, contrats, quittances et au-
m. ,.vr

(1) Les articles 6 et 7 de l'ordonnance du 16 avril 1843 sont


ainsi concus :
Art. 6. Le délai pour les ajournements à comparaître devant
les tribunaux de l'Algérie sera augmenté d'un jour par chaque
myriamètre de distance par terre entre le tribunal devant le-
quel la citation est donnée et le domicile ou la résidence en
Algérie de la partie citée.
Art. 7. Lorsqu'une partie domiciliée en Algérie et assignée
à comparaître devant un tribunal de cette colonie ne peut se
rendre que par la voie de mer dans le lieu où siège ledit tribu-
nal, il y aura un délai fixe de trente jours pour la traversée ma-
ritime, indépendamment du délai réglé par l'article précédent,
pour la distance par terre, s'il y a lieu.
(2) V. l'article 57 de la loi du 3 mai 1841, § 2.
(3) V. l'article 58, §§ 1 et 2 de la loi du 3 mai 1841. L'ar-
ticle 56, qui permet de passer les contrats et quittances en la
forme administrative, n'est pas reproduit par l'ordonnance.
Dans un système qui attribue aux tribunaux le règlement des
indemnités, il a sans doute paru plus simple de faire insérer
toutes les conventions dans le jugement.
tres actes faits en vertu de la présente ordonnance,
seront visés pour timbre et enregistrés gratis, lorsqu'il
y aura lieu, à la formalité de l'enregistrement.
Il ne sera perçu aucun droit pour la transcription
des actes au bureau des hypothèques.
ART. 77 (1). Les concessionnaires de travaux publics
exerceront tous les droits et seront soumis à toutes les
obligations de l'administration, tels que ces droits et
obligations sont réglés par la présente ordonnance.

II. Décret du 11 juin 1858 sur l'expropriation



d'urgence.

ART. fer. Lorsqu'il y aura lieu, en Algérie, d'acquérir


par voie d'expropriation, et d'occuper immédiatement
tout ou partie d'une ou plusieurs propriétés pour
l'exécution des travaux spécifiés à l'article 19 de la loi
du 16 juin 1851, et que l'urgence ne permettra pas
d'accomplir les formalités prescrites à cet égard par
l'ordonnance du 1er octobre 1844, notre ministre de la
guerre pourra, en approuvant ces travaux, déclarer
qu'il y sera procédé conformément aux dispositions du
présent décret.
ART. 2. Un avis indiquant la nature et la situation

(1) F. l'article 63 de la loi du 3 mai J 841. Les dispositions


des articles 60, 61 et 62 sur la rétrocession des terrains non
employés par l'administration ne sont pas reproduites par l'or-
donnance.
des travaux à entreprendre et des établissements à
former, la désignation des immeubles qui doivent être
soumis à l'expropriation, leur nature, leur situation et
les noms-de leurs propriétaires, s'ils sont connus, sera
inséré, à la diligence du gouverneur général (1), dans
le Moniteur algérien, et dans un journal de la localité
la plus rapprochée. Il sera affiché dans la commune de
la situation des biens; et, s'il s'agit d'immeubles situés
dans la circonscription d'une des localités non érigées
en communes, au chef-lieu du district, en territoire
civil, et en territoire militaire, à la résidence des com-
mandants de cercle ou de place. Cet avis fera connaître
l'intention de prendre possession d'urgence.
Pendant dix jours, à partir de ces insertions et affi-
ches, les propriétaires et autres intéressés seront admis
à consigner leurs observations sur un registre ouvert
à cet effet dans le lieu où l'affiche a été apposée.
Ces observations seront soumises au conseil de pré-
fectureen territoire civil, ou à la commission mixte en
territoire militaire, qui en constateront sommairement
le résultat.
Toutes les pièces seront transmises ensuite à notre
ministre de la guerre, qui pourra, par une seule déci-
sion, déclarer l'utilité publique, prononcer l'expro-
priation et déclarer l'urgence.
ART. 3. La déclaration d'urgence sera notifiée au
président du tribunal civil, avec invitation de désigner
d'office, dans les vingt-quatre heures, trois experts qui

(1) Aujourd'hui du préfet enterritoire civil, ou du général


commandant la division en territoire militaire. (Décret du
8 septembre 1859, art. 1 er.)
prêteront serment entre ses mains, ou entre les mains
du fonctionnaire désigné par son ordonnance. Ces ex-
perts seront chargés de visiter les lieux, et de procé-
der, dans un délai de dix jours, à la rédaction d'un pro-
cès-verbal indiquant la nature et la contenance des cul-
tures, plantations, bâtiments, clôtures et autres acces-
soires du fonds à exproprier. Cet état descriptif devra
être assez détaillé pour pouvoir servir de base à l'ap-
préciation de la valeur foncière, et, en cas de besoin,
de la valeur locative, ainsi que des dommages-intérêts
qui pourraient résulter des changements ou dégâts oc-
casionnés au surplus de la propriété. Il devra enfin
contenir tous les renseignements nécessaires pour la
fixation de l'indemnité.
Les experts indiqueront, dans leur procès-verbal, la
valeur approximative de chaque immeuble, les motifs
des évaluations diverses et le temps qu'il paraîtra né-
cessaire d'accorder aux occupants pour évacuer les
lieux.
La déclaration d'urgence sera, en outre, publiée par
affiches, tant à la porte de l'église du lieu qu'à celle
de la maison commune, du commissariat civil, ou du
commandant du cercle, suivant les circonscriptions
administratives. Cette publication, qui durera au moins
trois jours, fera connaître l'époque de la visite des
experts.
La déclaration d'urgence sera en même temps noti-
fiée, avec l'indication susénoncée, au propriétaire, si
son domicile est connu, et, en tout cas, au détenteur
de l'immeuble, fermier, locataire, gardien, régisseur
ou autre occupant.
ART. 4. Le président du tribunal, sur le vu du pro-
cès-verbal des experts, ordonnera la prise de posses-
sion et la consignation de l'indemnité approximative
de dépossession. La consignation devra comprendre,
outre le principal, la somme nécessaire pour assurer,
pendant deux ans, Je payement des intérêts au taux
légal.
Le président déterminera le délai dans lequel, à
compter de la notification faite administrativement de
son ordonnance et du procès-verbal de consignation,
les détenteurs seront tenus d'abandonner les lieux. Ce
délai ne pourra excéder sept jours.
Il sera ensuite procédé, à la poursuite de la partie
la plus diligente, au règlement définitif des indem-
nités, d'après les renseignements contenus au procès-
verbal, et appréciation faite de tous actes, documents
et circonstances, en se conformant aux formalités in-
diquées dans l'ordonnance du 1er octobre 1844.

SECTION III.
VÉRIFICATION.

Ordonnance du 21 juillet 1846 (i).


ART. fer. Notre ministre de la guerre déterminera.
par des arrêtés spéciaux, le périmètre des territoires

(1) Nous rattachons au texte de cette ordonnance les règle-


ments ministériels des 11 septembre et 2 novembre 1846 faits
dans l'étendue desquels les titres de propriété rurale
devront être vérifiés conformément à la présente or-
donnance (1).

en exécution de la délégation contenue dans l'article 54 de l'or-


donnance.
(1) Ou peut voir dans le Recueil officiel des actes du gouver-
nement en Algérie, les nombreux arrêtés en vertu desquels di-
verses parties du territoire de l'Algérie ont été successivement
soumises à la mesure de la vérification générale des propriétés.
Le conseil de préfecture n'est compétent pour procéder à la vé-
rification des titres qu'à l'égard des propriétés comprises dans
les limites fixées par ces arrêtés ministériels. (Conseil d'État,
23 décembre 1852, Fortin-d'Ivry.)
Le rapport au roi qui précède l'ordonnance (Moniteur du
26 juillet 1846) explique les motifs de l'exception posée par
notre article. « Dans la banlieue des villes, dit le ministre, où
la terre était possédée, où généralement chaque propriété était
délimitée, close de murs ou de haies, parfaitement connue, les
mesures dont je viens de parler auraient été sans objet et sans
motifs. Le projet soumis à Votre Majesté détermine les excep-
tions applicables aux propriétés de cette catégorie. »
Le règlement du 2 novembre 1846, art. 1", porte : « A partir
du 1er mars 1847, aucun contrat ayant pour objet un immeuble
rural, situé dans les territoires civils de l'Algérie et en dehors
des périmètres déterminés par l'article 1er de l'ordonnance, ne
pourra être passé devant notaire, si, préalablement, les titres de
propriété n'ont reçu l'homologation du conseil du contentieux.
Les notaires qui contreviendront au présent article encourront
la révocation. » Par arrêt du 14 janvier 18i0, la cour d'appel
d'Alger a décidé que les actes passés en contravention a cette
disposition ne sont pas nuls. On ne peut admettre, en effet,
que le ministre, qui ne décrétait pas une loi, mais qui faisait
un règlement pour assurer l'exécution de l'ordonnance du
21 juillet 1846, ait pu ou voulu ajouter à cette ordonnance des
prohibitions ou des dispositions qu'elle n'avait pas prévues.
(V. Ménerville, Dictionnaire, p. 591.)
Ne seront pas compris dans ces territoires :
1° Pour le district d'Alger, les communes d'Alger,
d'El-Biar, de Mustapha-Pacha, de Birmandreïs, de
Draria, de Birkadem, de Kouba, de Dely-Ibrahim, de
Bouzaréa, de la pointe Pescade, et la partie de la
commune de Hussein-Dey située sur la rive gauche de
l'Arrach;
2° La commune de Blidah, telle qu'elle a été déli-
mitée par notre ordonnance du 29 octobre 1845;
3° La commune d'Oran, telle qu'elle a été délimitée
par notre ordonnance du 29 octobre 1845;
4° La commune de Mostaganem, telle qu'elle a été
délimitée par arrêté ministériel du 18 juillet 1845;
5° Le territoire communal et civil de Bone tel qu'il
avait été constitué par l'arrêté ministériel du 28 juillet
1838 (1).
ART. 2. Chaque arrêté sera affiché aux lieux ordi-
naires dans toutes les villes, bourgs ou villages exis-
tant dans le périmètre déterminé, et spécialement à la
porte de la mairie ou du siège de l'autorité qui rem-
place le maire 12).
Le maire ou l'autorité qui le remplace dressera
procès-verbal de l'apposition des affiches.
Le même arrêté sera inséré au Moniteur universel à
Paris, et au Moniteur algérien à Alger.
L'insertion au Moniteur algérien rappellera la date
du procès-verbal d'affiche.

(l) V.une application de cet article, conseil d'État, 10 juin


1857, Talleh.
(2) C'est-à-dire des kaïds et cheiks dans les tribus ou fractions
de tribus et de l'officier chargé du pouvoir municipal dans les
territoires non érigés en communes.
ART 3. Dans les trois mois de cette double inser-
tion, tout Européen ou indigène qui se prétendra
propriétaire de terres comprises dans le périmètre
déterminé déposera ses titres de propriété, pour l'ar-
rondissement d'Alger, entre les mains du directeur
des finances et du commerce, et pour les autres loca-
lités entre les mains du receveur du domaine (aujour-
d'hui à la préfecture de chaque département).
Le vendeur non payé ainsi que le bailleur à rente
perpétuelle ou leur cessionnaire, et généralement
toute personne prétendant un droit réel sur l'immeu-
ble, seront admis à faire ou à compléter le dépôt des
titres de propriété (1).
Le délai de trois mois courra contre les interdits,
les mineurs et les femmes mariées, sauf leur recours
contre qui de droit (2).

(1) Les tiers qui ont des droits réels sur les immeubles véri-
fiés sont évidemment intéressés à intervenir, car leurs droits
peuvent être compromis par suite de la décision à intervenir
sur la validité des titres de propriété et sur leur application au
terrain.
(2) La forme du dépôt des titres a été réglée par l'article il,
de l'arrêté du 17 septembre 1846, et par les articles 2 et 3 de
celui du 2 novembre 1846.
Les articles 2, i, 4, 5 et 8 de ce dernier règlement ont même
modifié, dans l'intérêt des propriétaires, l'article 3 de l'ordon-
nance. Pour laisser au propriétaire le temps de réunir et de
faire traduire ses titres, ce règlement ne l'assujettit plus à dé-
poser dans les trois mois qu'une déclaration contenant le nom
du propriétaire, le nom, la situation, l'étendue et les limites de
l'immeuble et l'indication des titres. Le délai pour produire les
titres eux-mêmes et pour en demander l'homologation est de
deux ans. Le dépôt peut être fait directement au secrétariat du
ART. 4. Le déposant sera tenu de faire élection de
domicile pour la province d'Alger à Alger, pour les
autres provinces au lieu de la résidence du receveur
du domaine. Toutes les significations tendantes à
l'exécution de la présente ordonnance seront vala-
blement faites à ce domicile élu, sans qu'il soit besoin
d'observer les délais des distances, à raison du domi-
cile réel du réclamant. A défaut d'élection de domi-
cile, toutes ces significations seront valablement faites
au parquet du procureur du roi ou à l'autorité qui
le remplace (1).
ART. 5. Les terres comprises dans le périmètre dé-
terminé par notre ministre de la guerre en vertu de
l'article 1er, et dont la propriété n'aura pas été réclamée,
conformément à l'article 3 ci-dessus, seront réputées
vacantes et sans maître, et l'administration pourra en
faire immédiatement la concession, aux clauses et
conditions qu'elle jugera convenables (2).

conseil du contentieux et il est constaté par un récépissé dé-


taché d'un registre à souche. Enfin, la demande en homologation
est publiée à trois reprises dans le Moniteur universel et le
Moniteur algérien, et signifiée à l'administration des domaines
directement et à toute partie intéressée en la personne du pro-
cureur impérial. Le règlement ajoute que le> parties ainsi mises
en demeure devront faire valoir leurs droits dans le délai d'un
mois, à peine de déchéance.
(1) Toutefois, si le déposant est un indigène, les. significations
qui lui sont faites doivent être accompagnées d'une traduction
par extrait en arabe; l'absence de cet extrait peut entraîner,
suivant les cas, la nullité des significations. (Oi-donriancedu
23 septembre 1842, art. 68.)
(2) La présomption dont il s'agit ici est définitive et n'admet
pas la preuve contraire. Celui qui ne produit pas ses titres dans
ART. 6. La vérification des titres produits sera faite
par le conseil du contentieux (aujourd'hui par le con-
seil de préfecture) (1).

les délais prescrits est déchu de son droit, mesure rigoureuse


sans doute, mais nécessaire pour obtenir le résultat que l'on se
proposait d'atteindre, la vérification de toutes les propriétés
rurales. La déchéance n'est pas simplement comminatoire elle;
est rigoureuse et absolue (Alger, 26 juillet 1858, 18 mai 1859,
6 février 1860; Robe, 1859, p. 175; 1860, p. 108).
(1) L'ordonnance du 1er octobre 1844 avait laissé les tribu-
naux ordinaires juges de la validité des titres relatifs aux terres
incultes dont elle ordonnait la vérification. L'ordonnance du
21 juillet 1846, qui ordonne la vérification générale de toutes
les propriétés rurales, a dû confier l'exécution de cette mesure
à la juridiction administrative. « Y avait-il convenance et pos-
sibilité, dit l'exposé des motifs, de laisser aux tribunaux la
charge de vérifier les titres d'acquisition? Il a été objecté que
les tribunaux, qui ont déjà tant de peine à remplir leur tâche
ordinaire, ne pourraient suffire à ce surcroît de travail. Ceci
m'a amené à rechercher quel est le caractère réel de la vérifica-
tion générale des titres. Cette mesure a pour but de rendre pos-
sible la colonisation, de pourvoir à un grand intérêt à la fois
politique et administratif. C'est en se plaçant à ce point de vue
que la commission de colonisation proposa de soumettre la ré-
vision des titres à une commission administrative. Des scru-
pules écartèrent cette idée, à laquelle l'expérience a démontré
qu'il fallait revenir. Telle a été aussi la pensée de la commission
des crédits extraordinaires pour 1846, qui vient de déclarer que
les difficultés de la situation ne peuvent être vidées que par une
grande mesure administrative. Il est donc juste et opportun
que l'application des règles établies par l'ordonnance, et spécia-
lement la révision générale des titres, soient confiées à une juri-
diction administrative déjà régulièrement constituée, au conseil
du contentieux. »
Le conseil du contentieux établi en Algérie par l'ordonnance
du 15 avril 1845 (art. 67-89), a été supprimé par l'ordon-
ART. 7. Les receveurs du domaine enverront dans la
huitaine au directeur des finances et du commerce
(aujourd'hui au préfet) les titres dont ils auront reçu
le dépôt.
Le directeur des finances et du commerce (aujour-
d'hui le préfet) transmettra au conseil du contentieux
(aujourd'hui au conseil de préfecture), après inven-
taire et dans le délai de huit jours à partir de la ré-
ception ou. du dépôt, les titres envoyés par les rece-
veurs du domaine et ceux qui lui auront été remis
directement.
ART. 8. Le conseil du contentieux (aujourd'hui le
conseil de préfecture) déclarera réguliers en la
forme les titres remontant avec date certaine à une
époque antérieure au 5 juillet 1830, et constatant le
droit de propriété, la situation précise, la contenance
et les limites de l'immeuble (1).

nance du 1er septembre 1847 (art. 5), et remplacé par trois


conseils de direction, un dans chaque province (art. 4 et 6).
L'article 13 de l'arrêté du 9 décembre 1848 a transformé les
conseils de direction en conseils de préfecture. Les conseils de
préfecture statuent, sauf recours au conseil d'État.
(1) Il est essentiel de bien déterminer la nature de cette pre-
mière décision. Examinons les diverses hypothèses qui peuvent
se présenter..
,
Si aucun titre n'a été produit dans les délais le conseil n'a
pas à statuer. L'immeuble non réclamé est considéré comme
vacant, et l'administration des domaines peut se mettre immé-
diatement en possession (art. 5).
Si des titres ont été produits, le conseil en examine l'état
matériel, et alors :
Ou bien ces titres sont conformes aux prescriptions tracées
par notre article ; en ce cas le conseil doit ordonner la délimi-
La même décision ordonnera que l'un des membres
du conseil du contentieux ou des auditeurs autorisés
à participer aux travaux de ce conseil, se transporte
sur les lieux pour y faire l'application des titres,
avec l'assistance d'un ou plusieurs experts nommés

tation contradictoire de l'immeuble réclamé (V. conseil d'État,


10 juin 1857, Talleh).
Ou bien les titres, ne remplissent pas toutes les conditions
exigées par notre article, et en ce cas le conseil doit en décla-
rer la nullité (art. 18). En conséquence de cette annulation,
l'État peut revendiquer l'immeuble comme bien vacant, sauf
au possesseur à invoquer, s'il y a lieu, le bénéfice de l'article 24
de l'ordonnance.
Il peut arriver que plusieurs prétendants à la propriété du
même immeuble aient simultanément déposé leurs titres, mais
cette circonstance ne change rien aux attributions du conseil.
Le conseil n'a pas à juger la question de savoir qui est proprié-
taire de l'immeuble, il est seulement charge de constater si des
titres de propriété privée ont été produits et si ces titres sont
réguliers en la forme. Si la production est jugée suffisante pour
établir que l'immeuble n'est pas un bien vacant, il y a lieu à
délimitation, au profit de qui il appartiendra, et tous droits au
fond réservés.
Les règlements ministériels des 17 septembre et 2 novembre
1846 ont encore modifié cet article dans l'intérêt des proprié-
taires.
Peuvent être considérés comme réguliers en la forme les
actes notariés passés depuis le 5 juillet 1830, mais avant le
21 octobre 1844, lorsqu'ils contiennent renonciation des titres
primitifs antérieurs au 5 juillet 1830; seulement ces titres pri-
mitifs ne doivent pas être de simples actes de notoriété. (Rè-
glement du 2 novembre 1846, art. 6 et 7.)
La condition de l'homologation préalable est supprimée et
l'application dts titres produits au terrain a lieu dans tous les
cas : il pour les Européens, quand les énonciations de leurs
titres paraissent suffisantes et qu'ils y joignent un plan et une
d'office (i) par le conseil du contentieux, si la descente
a lieu dans la province d'Alger, et par le membre dé-
légué si la descente se fait dans une autre province.
ART. 9. Le membre délégué rendra, dans le plus
bref délai, une ordonnance pour fixer le jour et l'heure
de la descente sur les lieux. Cette ordonnance sera
notifiée en la forme administrative :
1° A la partie qui aura produit les titres, au domi-
cile élu conformément aux prescriptions de l'article 4;
2° Dans la province d'Alger, au directeur des finan-
ces et du commerce (aujourd'hui au préfet du dépar-
tement) ; dans les autres provinces, au receveur des
domaines ;
3° Aux experts ;
48 Aux propriétaires riverains dont les titres auront
été reconnus valables (2).

déclaration de contenance ; 2° pour les indigènes, quelles que


soient les énonciations de leurs titres, quand ils paraissent en
possession de bonne foi. (Règlement du 17 septembre 1846,
art. 1, 2 et 3.) La décision sur la régularité des titres est ren-
voyée après la vérification sur le terrain. En conséquence, l'ar-
rêté par lequel le conseil de préfecture prescrit qu'il sera pro-
cédé à la reconnaissance et à la délimitation d'un haouch ne
fait pas obstacle à ce que le même conseil statue ultérieurement
sur la régularité des titres, s'il y a lieu, et sur l'opération de la
délimitation. (Conseil d'État, 7 juillet 1853, Ouled Merbouni.)
(1) L'ordonnance veut 1° que le conseiller délégué soit assisté
d'un ou plusieurs experts; 2° que ces experts soient nommés
d'office. Cette double formalité est substantielle et prescrite
à peine de nullité. (Conseil d'État, 23 février 1854 , Berthelot;
21 avril 1854, Dervieu; l?rjuin 1854, de Bérard.)
(2) L'article 4 du règlement du 17 septembre 1846 porte que
l'ordonnance devra en outre être affichée et insérée quinze jours
ART. 10. Le transport ne pourra s'effectuer que huit
jours après la notification de l'ordonnance mentionnée
au précédent article.
ART. 11. Un agent de l'administration des domaines,
désigné pour la province d'Alger par le directeur des
finances et du commerce (aujourd'hui par le préfet
du département), pour les autres provinces par le re-
ceveur du domaine, et toutes autres parties appelées,
devront se présenter sur les lieux au jour et à l'heure
indiqués, pour assister à la délimitation.
ART. 12. Le membre du conseil du contentieux (au-
jourd'hui le conseiller de préfecture) délégué recevra
sur les lieux le serment préalable des experts.
ART. 13. Les experts, parties présentes ou dûment
appelées, détermineront par des bornes les limites,
le périmètre, la contenance de la propriété, et en lè-
veront le plan.
ART. 14. Au cas de contestation, le plan devra fi-
gurer l'objet précis de la réclamation.
ART. 15. Il sera dressé procès-verbal de l'opération.
Ce procès-verbal mentionnera :
Le jour et l'heure où l'opération aura commencé :
La date des notifications faites conformément à l'ar-
ticle 9;
La présence ou l'absence des parties appelées ou in-
tervenantes ;
Le serment prêté par les experts;
Le nombre et la durée des vacations ;

à l'avance au Moniteur algérien ou au journal de la localité.


Tous intéressés pourront assister à l'opération. — Les notifica-
tions et publications ont lieu d'office.
La situation et la contenance de la propriété, les
bornes posées, et, au cas de contestation, les préten-
tions respectivement élevées.
Le conseil du contentieux (aujourd'hui le conseil de
préfecture) prononcera sur les contestations auxquelles
pourra donner lieu l'exécution des mesures ci-dessus
prescrites (1).

(t) Après avoir constaté la régularité des titres, le conseil de


préfecture en fait faire l'application au terrain.
Lors de cette nouvelle opération toute personne a le droit
d'intervenir, de contester et de requérir l'insertion de ses con-
testations au procès-verbal.
Deux sortes de contestations peuvent s'élever; les unes sur
,
les limites réelles de l'immeuble les autres sur la propriété
de cet immeuble, dont les limites sont d'ailleurs acceptées.
Le conseil de préfecture est compétent pour statuer sur les
premières, bien qu'elles impliquent une question de propriété
qui, de droit commun, devrait être tranchée par les tribunaux
civils. Le but de l'ordonnance a été précisément d'attribuer ces
sortes de questions aux tribunaux administratifs.
Mais quand, les limites étant d'ailleurs reconnues ou accep-
tées, une personne élève des prétentions i la propriété de l'im-
meuble délimité, en tout ou en partie, le conseil doit surseoir
et renvoyer les parties à se pourvoir devant les tribunaux ci-
vils pour y faire juger la question de propriété. La contestation
insérée au procès-verbal vaut comme opposition à l'homologa-
tion d» s titres du produisant. ( F. le Règlement ministériel du
17 septembre 1846, art. 5 et 6.) Lorsqu'une propriété réclamée
se compose de plusieurs parcelles ou moksems, il est nécessaire
de les délimiter tous. Le conseillei délégué ne peut en omettre
quelques-uns, sous prétexte qu'ils auraient été déjà délimités
dans une autre opération, ni se borner à faire toutes réserves
des droits des réclamants. Cette omission rend l'opération
insuftisante et irrégulière. (Conseil d'État, 24 février 1853,
Jouve.)
ART. f6. Le plan et le procès-verbal seront homo-
logués, s'il y a lieu, par le conseil du contentieux (au-
jourd'hui par le conseil de préfecture).
A la suite de l'homologation, le conseil rendra une
décision qui vaudra titre au propriétaire, et ne pourra
être attaquée, pour quelque cause que ce soit, par les
tiers qui n'auront pas réclamé antérieurement.
Copie certifiée par le secrétaire du conseil du con-
tentieux en sera déposée à la direction des finances et
du commerce (aujourd'hui à la préfecture) (1).

(1) Si les titres produits s'appliquent au terrain et si les opé-


rations de délimitation ont été régulièrement faites, le conseil
homologue le plan et le procès-verbal, et les annexe aux titres
qui, par là deviennent inattaquables.
,
Si les titres produits ne s'appliquent pas au terrain, ou si les
opérations n'ont pas été régulières, le conseil peut, suivant les
cas, rejeter les titres, ou ordonner que les opérations seront
recommencées.
Enfin si des oppositions sont intervenues avant la décision
d'homologation, il faut distinguer :
S'agit-il d'une simple question de limites, le conseil est com-
pétent pour y statuer, aux termes du dernier paragraphe de l'ar-
ticle 15.
S'agit-il au contraire d'une question de propriété, la délimi-
tation étant d'ailleurs acceptée, alors le conseil doit surseoir à
l'homologation jusqu'à ce que les tribunaux civils aient décidé
(art. 17).
Les tiers qui ont réclamé antérieurement à l'arrêté d'homolo-
gation peuvent attaquer cet arrêté par tierce opposition (ordon-
nance du 15 avril 1845, art. 80). On doit considérer comme ayant
réclamé antérieurement celui qui a fait une demande régu-
lière avec production de titres et élection de domicile (conseil
d'État, 21 février 1856, Javal), mais non celui qui a fait une
simple déclaration de propriété, sans dépôt de titres ni production
ART. 17. Si les immeubles délimités par le conseil
du contentieux sont revendiqués par plusieurs préten-
dants, le conseil surseoira à statuer jusqu'à ce que les

complémentaire (conseil d'État, 12 juillet 1855, Guérin). Est


également non recevable la tierce opposition formée par des in-
digènes qui ont assisté aux opérations (conseil d'État, 7 avril
1859, Mériouma). Dans tous les cas, les arrêtés des conseils de
préfecture rendus sur une tierce opposition sont toujours sus-
ceptibles d'opposition lorsqu'ils sont par défaut. (Conseil d'État,
6 janvier 1853, Javal.)
A qui profite l'arrêté d'homologation? La jurisprudence
admet que dans le cas d'indivision entre cohéritiers, cas si or-
dinaire en Algérie chez les indigènes, l'homologation demandée
et obtenue par celui qui parait être le chef de la famille, et qui
en détient les titres, profite à tous les autres. (Alger, 27 mai
186.3, Robe, 1863, p. lOS.) Mais cette règle ne s'applique plus
dans le cas où des tiers prétendent avoir été simplement copro-
priétaires par indivis, sans aucun lien avec le réclamant. (Alger,
7 juin 1859 et 6 janvier 1860 ; Robe, 1859, p. 208 et 1860,

p. 72.)
Mais l'arrêté d'homologation qui reconnaît les droits de
propriétaires indivis ne fait pas obstacle à ce que ceux-ci se
pourvoient devant les tribunaux compétents pour obtenir une
nouvelle fixation de parts. (Conseil d'État, 1859, Meriouma.)
L'homologation ne produit pas novation des titres, elle ne purge
pas les droits réels qui peuvent grever la propriété. (Conseil
d'État, 7 avril 1859, Meriouma, Alger, 11 juillet 1860; Robe,
1860, p 229.)
Enfin, l'arrêté d'homologation ne fait pas obstacle par lui-
même a ce que les réclamants fassent valoir devant l'autorité
compétente les droits qu'ils prétendent avoir sur les terrains
délimités. Si donc une revendication s'éleve, l'autorité judi-
ciaire est compétente pour y statuer (conseil d'Etat, 25 mars
1852, Clauzel; 10 juin 1857, Talleh; conflit, 27 août 1857,
Roche) ; mais cela ne veut pas dire que la revendication soit
recevable.
tribunaux civils aient prononcé sur la question de
propriété (1).
ART. 18. Lorsque les titres déposés dans les délais
fixés par l'article 3 de la présente ordonnance ne réu-
niront pas toutes les conditions exigées par le § 1er de

(t) L'ordonnance du 21 juillet 1846 a surtout pour but, 1° de


constater les terres vacantes pour les attribuer à l'État; 2° d'an-
nuler et de faire disparaître de la circulation les titres non sé-
rieux: 3° de compléter et de rendre inattaquables les titres sé-
rieux. L'exécution des mesures nécessaires pour atteindre ce
but ne pouvait être contiée qu'à un corps administratif. Mais
quand deux prétendants se présentent, t'us deux porteurs de
titres sérieux , il n'y a plus le même intérêt, il y aurait même
de graves inconvénients à faire juger la question de propriété
par un conseil de préfecture.
Le règlement du 17 septembre 1846, art. 6, trace les formes
et les détails de l'instance renvoyée devant les tribunaux. Si
l'instance n'est pas introduite dans le délai d'un mois, le con-
seil de préfecture est autorisé à prononcer sur la régularité des
titres, mais cette disposition ne l'autorise pas à juger la ques-
tion de propriété. (Conseil d'État, 21 juin 1859, Aziza.) Le con-
seil de préfecture ne peut juger cette question sans commettre
un excès de pouvoir. (Conseil d'État, 24 mai 1854, Théron.) Il
en est ainsi même dans le cas où la question de propriété est
soulevée par le domaine de l'État (conseil d'État, 15 avril 1858,
Ganzin), et alors même que l'État invoque le séquestre (conseil
d'État, 17 mars 1859, Hanifa).
D'après le règlement du 17 septembre 1856, il ne peut être
produit devant les tribunaux d'autres titres que ceux qui ont
été déposés en exécution de l'article 3 de l'ordonnance. — La
décision rendue par les tribunaux civils après renvoi prononcé
est définitive. Le conseil de préfecture ne peut plus rejeter les
titres de celui qui a été déclaré propriétaire. (Conseil d'État,
14 juin 1855, Sagot de Nantilly.)
l'article 8 ci-dessus, le conseil du contentieux décla-
rera la nullité de ces titras (1).
La même décision portera que, conformément à l'ar-
ticle 5 de notre ordonnance du 21 juillet 18i5, l'admi-
nistration sera tenue de délivrer à l'acquéreur dont le
titre aura été annulé, lorsqu'il en fera la demande, un
hectare de terre par chaque trois francs de rente sti-
pulé dans le dernier acte d'acquisition ayant acquis
date certaine antérieurement à la promulgation
de l'ordonnance du 21 juillet 1845 relative aux con-
cessions (2).
ART. 19. Ces terres seront prises dans les parties
disponibles du territoire civil.

(1) Une production de titres insuffisants, faite dans les dé-


lais, peut-elle être ultérieurement complétée, par exemple en
appel devant le conseil d'État ? Le conseil d'État a d'abord dé-
cidé la négative (2 février 1854, Mahieddin), mais il est ensuite
revenu sur cette jurisprudence (30 mars 1854, Narboni).
Voici l'indication de quelques décisions du conseil d'État qui
peuvent être utilement consultées : 23 décembre 1852, Fortin
d'Ivry ; 6 mai 1853, Durand; 7 juillet 1853, Ouled Nerbouni ;
1er décembre 1853, Buès; 26 janvier 1854, Clauzel; 26 avril
1855, Lakradar el Senani: 10 mai 1855, Malboz; 5 aoùt 1855,
Seid Ahmed ben Schigr ; 15 avril 1858, Ganzln; 23 décembre
1858, Guérin.
il va de soi que, pour se pourvoir au conseil d'État, il faut
avoir été partie en première instance Celui qui n'a figuré ni par
lui-même ni par représentant dans les opérations de délimita-
tion est sans qualité pour se pourvoir. (Conseil d'État, 20 avril
1854, Mohammed Tharezi, 1er juin 1854, de Bérard.)
(2) Cette disposition donne aux détenteurs de titres annulés
un dédommagement sous la forme d'une concession de terres.
Cette concession a lieu en franchise de toute rente. (Ordon-
nance du 21 juillet 1845, art. 6; ordonnance du 5 juin 1847,
art. 5.)
Elles seront concédées en franchise de redevance et
dans la forme établie par notre ordonnance du
21 juillet 1845 (1). à la diligence du directeur de l'in-
térieur et de la colonisation (aujourd'hui du préfet).
Elles seront délivrées, si la partie le demande, par
fractions et à des époques différentes; toutefois les
fractions ne pourront être ni supérteures ni inférieures
à vingt hectares.
La demande du tout devra être formée dans le délai
de cinq ans à partir du jour de l'annulation des titres,
sous peine de déchéance.
ART. £ 0. L'acte de concession, indépendamment
des conditions généralement imposées, soumettra le
concessionnaire à construire une maison et à y établir
une famille européenne, le tout par chaque vingt hec-
tares de terre, et à planter et entretenir trente arbres
par chaque hectare.
La maison devra avoir une valeur de cinq mille
francs au moins. Seront considérées comme dépen-
dances de la maison, et comprises dans l'estimation
qui en sera faite, les bâtisses utiles pour l'exploitation,
jusqu'à concurrence d'une valeur de trois mille francs.
Les mêmes conditions seront exigées pour les par-
celles dont la contenance sera moindre de vingt hec-
tares.
Les concessionnaires seront tenus de remplir les
conditions qui leur sont imposées dans le délai de cinq
ans, à partir de leur mise en possession. Néanmoins

(1) L'ordonnance du 21 juillet 1845 a été successivement mo-


difiée par celles du 5 juin et du 1er septembre 1847 et par les dé-
crets du 26 avril 1851 et du 25 juillet 1860.
les constructions devront être faites dans les six mois,
et les familles établies (J/ms l'année.
L'administration pourra modifier, à l'égard des in-
digènes, les conditions établies par le présent article.
ART. 21. En cas d'inexécution des conditions pres-
crites, il sera procédé conformément aux dispositions
de notre ordonnance du 21 juillet 1845.
ART. 22. Si la même terre est demandée par plu-
sieurs personnes, la préférence sera accordée à celui
qui, justification faite de sa solvabilité, aura soumis les
propositions de culture reconnues les plus avantageuses
pour l'intérêt général.
Il sera statué définitivement par notre ministre de la
guerre.
ART. 23 ( I). Le droit établi par le § 2 de l'article 18
est susceptible de transmission.
Toutefois le ccssionnaire sera soumis aux mêmes
conditions que le cédant.
L'acle de transmission sera fait en la forme authen-
tique, et la mutation ne donnera lieu à aucun droit
d'enregistrement.
ART. 24 (2). Celui qui aura cultivé même en l'ab-
sence d'un titre régulier recevra la concession défini-
tive de la partie du sol cultivée, si les travaux exécutés
sont conformes aux prescriptions de l'article 20.

;
(1) Cet article déclarait la concession transmissible aujour-
d'hui il en est de même de toutes les concessions aux termcsdu
décret du 26 avril 1851.
(2) Cet article et les suivants sont les seuls que puisse invo-
quer le possesseur dépourvu de titres réguliers, alois même qu'il
prétendrait avoir prescrit. (Alger, 6 janvier 1860 et 16 juin 1862;
Robe, 1860, p. 72 ; 1862, p. 185.)
En cas de contestation il sera statué par notre mi-
nistre de la guerre, sur l'avis du conseil du conten-
tieux (1), sauf recours devant nous en notre conseil
d'État.
Indépendamment des terres pour lesquelles le récla-
mant aura obtenu une concession définitive, il aura le
droit de demander l'étendue de terre qui lui revient,
d'après la rente stipulée dans son acte d'acquisition,
conformément à l'article 18, § 2 et suivants (2).
ART. 2a. S'il y a eu, antérieurement à la publication
de la présente ordonnance, simple commencement de
travaux entrepris par le réclamant ou par ses auteurs
européens, il sera préféré à tout autre, pour la conces-
sion des terrains .sur lesquels les travaux ont été com-
- mencés, dans la proportion et moyennant les conditions
mentionnées aux articles 18, §2, 19, 20 et 21 de la
présente ordonnance.
La demande en devra être formée dans le délai de
trois mois déterminé par l'article 3. Passé ce délai, l'ad-
ministration aura la libre disposition de ces-terrains.
Toutefois la concession ne pourra en être faite à
des tiers qu'à la condition de rembourser par le con-

(1) Aujourd'hui du conseil de préfecture. Cet avis est prescrit


à peine de nullité. (Conseil d'État, 19 juillet 1855, Maltieddin.)
(2) Si les travaux de culture exécutés sur un domaine peu-
vent donner droit à la concession de terres cultivées, il n'appar-
tient qu'à l'administration de faire cette concession, et le conseil
de préfecture ne peut la faire lui-même par la voie détournée
d'une validation de titres irréguliers. (Conseil d'État, 12 novem-
bre 1851, Peyssel.) La concession ne peut être directement de-
mandée ni au conseil de préfecture (conseil d'État, 7 juillet
1853, Ouled Merbouni), ni au conseil d'État (conseil d'État,
lOjuin 1857, Talleh).
cessionnaire, soit le coût dûment justifié des ouvrages
effectués par le possesseur évincé ou par ses auteurs
européens, soit une somme égale à celle dont ses ou-
vrages ont augmenté la valeur du fonds, le tout au
choix de l'administration. ,
Les contestations, le cas échéant, seront portées de-
vant le conseil du contentieux. 'ë"°-"
ART. 26. Lorsqu'il s'agira d'une exploitation ayant
pour objet l'élève du bétail ou le boisement, l'état des
lieux sera constaté par le conseil du contentieux, et,
eu égard à l'importance des travaux exécutés, il pourra
être pareillement accordé une conce.-sion définitive,
même à ceux qui ne se trouveraient pas dan% les con-
ditions prescrites par l'article 20.
ART. 27. Le titre définitif conféré en vertu des ar-
ticles 24, § fer, et 26, déterminera la situation, la con-
tenance et les limites de l'immeuble, conformément à
la constatation qui en aura été faite par le conseil du
contentieux dans les formes prescrites par les articles 8,
§ 2, et suivants de la présente ordonnance. -
Ce titre définitif ne pourra, en aucun cas, être con-
testé par les tiers.
ART. 28 (1). Lorsqu'un jugement ou un arrêt rendu
contre le domaine antérieurement à la présente ordon-
nance, et ayant acquis l'autorité de la chose jugée,
aura attribué la propriété d'une terre à un particulier,
ce jugement ou cet arrêt aura son plein et entier effet
à l'égard de l'administration.
ART. 29. Si le jugement ou l'arrêt indique la conte-

(1) Un jugement est un titre et fait preuve contre l'adminis-


tration quand il a été rendu contre elle.
nance et les limites de l'immeuble, la reconnaissance
et la constatation en seront faites par le conseil du
contentieux, en conformité des articles 8, § 2, et sui-
vants de la présente ordonnance.
ART. 30. Si le jugement ou l'arrêt ne fait pas con-
naître la contenance et les limites de l'immeuble, et si
les titres de propriété n'ont pas été déclarés conformes
aux prescriptions de l'article 8, 91 er, la contenance sera
fixée par le conseil du contentieux, d'après la règle
posée au § 2 de l'article 18, et les limites seront établies
par le même conseil, conformément aux dispositions
des articles 8, § 2, et suivants.
ART. 31. Les rentes ou prix stipulés pour ventes ou
baux à rente perpétuelle annulés en exécution de la
présente ordonnance, cesseront d'être payés même
pour les termes échus antérieurement à ladite ordon-
nance.
ART. 32. Les créanciers de ces rentes ou prix pour-
ront réclamer des terres à cultiver, moyennant les
conditions qui seront déterminées par l'administration,
selon les circonstances.
ART. 33-50. (1).
ART. 51. Tout acte ayant pour objet l'exécution des
dispositions de la présente ordonnance est affranchi
des droits de timbre et d'enregistrement.
ART. 52. Les dispositions de la présente ordon-
nance ne sont point applicables aux propriétés qui
ont fait l'objet d'actes d'aliénation de la part de l'admi-
nistration. (2).

(1) Ces articles relatifs aux terres incultes et aux prohibitions


d'acquérir sont abrogés par la loi du 16 juin 1851.
(2) Le reste de l'ordonnance est sans intérêt.
SECTION IV.
SÉQUESTRE.

- u
Ordonnance du 31 octobre 1845 sur
le séquestre (i).

TITRE PREMIER.

DES BIENS SÉQUESTRÉS ANTÉRIEUREMENT A LA PRÉSENTE


ORDONNANCE.

ART. Sont maintenues et sortiront leur plein


1ER.

et entier effet toutes décisions antérieures d'une auto-

(1) Nous avons déjà parlé sous l'article 4 des arrêtés qui ont
établi ou réglementé le séquestre en Algérie. Le séquestre est
une confiscation provisoire qui frappe les biens des ennemis de
la France et se termine, après connaissance de cause, soit par
la remise des biens à leurs anciens maîtres, soit par une con-
fiscation détinitive. Ce droit rigoureux, justifié par les nécessités
de la guerre et de la politique, a été pratiqué de tout temps en
pays d'islamisme.
Voici comment s'exprimait sur ce sujet M. Romiguières, rap-
porteur du projet d'ordonnance (commission de colonisation de
l'Algérie, lre sous-commission, séance du 22 juin 1842) :
«
La France et ses armées ont conquis sur les Turcs les trois
« régences; et de même que la terre d'Afrique est désormais
« et pour toujours française,
de même les indigènes de ces con-
rité civile ou militaire, ordonnant la remise de biens
séquestrés.
Si la remise ordonnée n'a pas été effectuée, elle se
fera immédiatement.
Sortiront également leur plein et entier effet les

« trées, cessant d'être soumis à la puissance du dey, sont de-


« venus sujets de la France et tenus des obligations de tout
« sujet envers son souverain. Or, une partie de ces indigènes
« s'est constituée, s'obstine à se maintenir en état de guerre ou
« plutôt de rébellion envers la France.
« Et il
s'agit d'examiner les mesures à prendre relativement
« aux biens situés dans les pays occupés, possédés, régis par la
« France, et qui appartiennent ou à ceux qui font notoirement
« partie des bandes ennemies, ou à ceux qui, par leur absence
« de ces territoires ainsi occupés, sont en présomption, soit de
« faire partie de ces bandes, soit de leur prêter secours, soit,
« en tout cas, de ne vouloir pas accepter la domination fran-
« caise.
«
C'est, en d'autres termes et tour à tour, ou l'application du
« droit de conquête,
qui autorise le conquérant à exiger que ses
« nouveaux sujets, tléliés
du serment prêté au souverain dé-
« possédé, se soumettent à ses
lois. où l'application du principe
« consacré par
la loi du 9 février 1792, qui mit sous la main de
« la nation et sous la surveillance des corps administratifs les
« biens des
émigrés, loi à laquelle il n'y aurait eu aucun re-
« proche à faire, puisqu'il ne s'agissait alors que des émigrés
« portant les armes ou
fomentant la guerre contre la France,
« si cette même loi n'avait
été le fatal prétexte d'une si odieuse
« extension et de si terribles conséquences. »
L'ordonnance de 1845, qui forme aujourd'hui la loi de la
matière, ne statue pas seulement pour l'avenir, elle liquide le
passé.
L'ancien séquestre comprenait deux espèces de biens :
1° Les biens séquestrés, de 1830 à 1832, sur les Turcs exilés
ou les Maures absents, soit 577 immeubles ;
2° Les biens séquestrés sur les indigènes qui avaient porté les
décisions définitives, rendues avant la publication de
la présente ordonnance, qui ont rejeté des demandes
en mainlevée des biens séquestrés.
ART. 2. Les biens séquestrés qui sont encore dans
les mains du domaine, et sur la remise desquels il n'a
pas été définitivement statué, seront remis aux an-
ciens propriétaires qui justifieront ne se trouver dans

ordonnance.
ART. 3.
-
aucun des cas prévus par l'article 10 de la présente

Les demandes en remise seront receva-


bles à quelque époque que le séquestre ait été établi
depuis 1830.
Elles devront, à peine de déchéance, être formées

armes contre nous depuis l'insurrection de 1839, soit 1,072 im-


meubles; mais sur ce nombre le domaine n'avait pu se mettre
en possession réelle que de 337 seulement.
Sur les 477 immeubles de la 1" classe, 267 avaient été rendus
par le gouvernement français à leurs anciens propriétaires.
Enfin, de tous les immeubles restés en la possession du do-
maine, 230, c'est-à-dire environ la moitié, avaient été affectés
à d"S services publics.
En 1845, l'Algérie était presque entièrement pacifiée; le gou-
vernement français pouvait se montrer généreux.
Le premier séquestre, de 1830 a I8;i2, avait frappé les biens
des absents comme ceux des ennemis de la France; c'était une
mesure fiscale. L'arrêté du 1er décembre 1840 lui avait rendu
son caractère exclusivement politique; mais le séquestre avait
été appliqué sur une trop large échelle pour qu'il n'y eût pas
des erreurs à réparer.
L'ordonnance de 1845 qui, par son article 10, indique pour
l'avenir les causes de séquestre, accorde en même temps la
mainlevée de tout séquestre antérieurement établi pour d'autres
causes ou par erreur.
dans le délai d'un an, à partir de la publication de la
présente ordonnance (I).
ART. 4. Il ne sera statué sur les anciennes de-
mandes non rejetées qu'autant qu'elles auront été re-
nouvelées dans le délai d'un an, à partir de la publica-
tion de la présente ordonnance.
ART. 5. Les demandes en remise seront déposées
à, la direction des finances à Alger; il en sera donné
récépissé.
Dans les trois mois de ce dépôt, la demande sera
transmise à notre ministre de la guerre, par le gou-
verneur général, avec son avis et celui du conseil
d'administration.
Il sera statué par notre ministre de la guerre,
dans les six mois de la réception des pièces au mi-
nistère.
La décision sera définitive (2).

(1) Lorsqu'une rente ayant appartenu à des indigènes décédés


avant 1842, et néanmoins portés à cette époque sur les listes du
séquestre/a été vendue en .1844 par leurs héritiers, la demande
en restitution formée par l'acquéreur de la rente ne peut être
rejetée pour cause de déchéance, en vertu de l'article 3 de l'or-
donnance. En effet, le dicèsde l'ancien propriétaire de la rente
étant antérieur au séquestre, ses héritiers en ont eu la libre dis-
position. (Conseil d'État, 18 décembre 1862, Fabre.)
(2) Le séquestre constitue une mesure de haute administration
qui n'est pas susceptible d'être déférée au conseil d'État par la
voie contentieuse. En conséquence, aucun recours n'est ouvert
contre les d cisions de l'administration, soit sur l'étendue et les
effets du séquestre, soit sur les demandes en mainlevée. C'est
la jurisprudence constante du conseil d'État. (F. arrêts du
30 août 1842, Roux; 5 septembre 1842, Negroni; 1er février
;
1844, Chevreau; 24 juillet 1845, Caussidon 18 novembre
ART. 6. La remise des biens séquestrés antérieu-
rement à la/ présente ordonnance ne donnera droit
qu'à la restitution des fruits perçus depuis les de-
mandes faites ou renouvelées dans le délai établi par
les articles 3 et 4 (1).
ART. 7. Si les immeubles séquestrés ont été, du-
rant le séquestre, baillés à rente ou vendus par l'État,
l'ancien propriétaire n'aura droit qu'à la rente consti-
tuée ou au prix principal de la vente reçu par l'Ittat,
avec restitution des arrérages ou intérêts, conformé-
ment à l'article précédent.
ART. 8. Nulle remise de biens séquestrés ne sera

1846, Mahmoud.) Le conseil du contentieux de l'Algérie, au-


jourd'hui les conseils de préfecture, sont également incompé-
tents pour connaitre de cette matière, que l'ordonnance réserve
au ministre seul. (F. arrêts du conseil d'État des 22 juillet
1848t Durand, et 2 février 1850, Ahmed.) L'article 17 de l'ar-
rêté du l" décembre 1840 accordait un recours par la voie con-
tentieuse quand il y avait eu de la part de l'administration er-
reur matérielle sur la personne ou sur la chose ; mais cet article
parait être implicitement abrogé par les articles 2, 10 et 25 de
l'ordonnance. Le conseil d'État a évité de se prononcer sur cette
question dans son arrêt du 2 février 1850.
C'est encore au ministre seul qu'appartient l'interprétation
des arrêtés de séquestre, et les arrêtés d'interprétation ne peu-
vent être déférés au conseil d'État que pour excès de pouvoir.
(Conseil d'État, 23 décembre 1858, Jullienne.)
(J) Conseil d'État, 19 juin 1856, Rozan. Toutefois, lorsque le
domaine a détenu des immeubles, non en vertu d'un arrêté de
séquestre proprement dit, mais comme bien d'absent, il doit
rendre les fruits perçus. (Conseil d'État, ter août 1848, Boccara.)
Il en est de même lorsque des immeubles ont été détenus par
erreur comme provenant du beylick. (Conseil d'État, 5 juillet
1855, Fabus.)
faite aux anciens propriétaires, s'ils ne sont pas, à l'é-
poque de la promulgation de la présente ordonnance,
établis sur le territoire algérien soumis à notre domi-
nation, et s'ils ne se présentent en personne devant le
directeur des finances à Alger, ou devant le chef du
service des domaines dans les provinces (1).
Le conseil supérieur d'administration de l'Algérie
sera juge des cas de légitime empêchement qui se-
raient allégués, sauf recours devant notre ministre de
la guerre, dont la décision sera définitive (2).
ART. 9 (3). En cas d'aliénation des biens séques-

(1) Aux termes de l'article 10, l'absence est une présomption


de passage à l'ennemi. Il était naturel d'exiger que les anciens
propriétaires se présentassent en personne pour recevoir les
biens dont il leur serait fait remise. Cette disposition a encore
un autre motif : on a voulu empêcher la spéculation sur les im-
meubles séquestrés.
(2) Ces termes de l'ordonnance excluent tout recours par la
voie contentieuse, soit devant le conseil de préfecture, soit de-
vant le conseil d'État. (F. la note sur l'article 5.)
(3) Un arrêté du 26 avril 1834, reproduit par l'article 12 de
l'arrêté du 1er décembre 1840, interdisait aux officiers ministé-
riels de recevoir des actes de vente de biens séquestrés. On
avait voulu empêcher les spéculations sur les chances de restitu-
tion, mais la nullité des actes passés en contravention n'avait
pas été expressément prononcée; d'ailleurs, le séquestre n'ayant
été accompagné d'aucune formalité extérieure, les acquéreurs
avaient pu l'ignorer. Des ventes d'immeubles notoirement sé-
questrés avaient même été validées par les tribunaux.
L'ordonnance, après avoir supprimé la prohibition de vendre,
décide, en conséquence, qu'il y a lieu de restituer aux acqué-
reurs comme aux propriétaires primitifs. Seulement elle donne
à l'État un droit de retrait, comparable au retrait litigieux de
l'article 1699 du Code Napoléon. Si, lors de la cession, l'immeu-
très, l'État pourra se faire tenir quitte par l'acquéreur,
en lui remboursant le prix de la vente ou de la cession
avec les intérêts, à compter du jour où ledit prix a été
payé et les loyaux coûts dûment justifiés.
Si le bien séquestré était, lors de la vente, affecté
notoirement à un service public, l'État pourra user de
la faculté mentionnée au paragraphe précédent; et, en
ce cas, il ne sera tenu de rembourser à l'acquéreur
que le prix capital sans intérêts, avec les frais et loyaux
coûts.

TITRE II.

DES BIENS SÉQUESTRÉS POSTÉRIEUREMENT A LA PRÉSENTE


ORDONNANCE.

CHAPITRE PREMIER.
Établissement du séquestre.

ART. 10 (IJ. A l'avenir, le séquestre ne pourra

ble était notoirement affecté à un service public, l'État, pour


exercer le retrait, n'est pas tenu de rembourser au cessionnaire
les intérêts du prix qu'il a payé. Le législateur a sans doute
pensé que, dans ce cas, l'acquéreur était moins favorable, n'ayant
pas du compter sur la restitution de l'immeuble, et n'ayant
acheté à proprement parler que l'espérance d'une indemnité.
(1/ Cet article reproduit presque dans les mêmes termes l'ar-
ticle 2 de l'arrêté du il, décembre 1840. D'après ce dernier ar-
rêté, la mesure du séquestre était applicable aux terres des tribus
passées à l'ennemi. L'ordonnance est muette à cet égard, mais
un arrêté du gouverneur général, en date du 18 avril 1846, a
comblé cette lacune en décidant que toute tribu ou fraction de
être établi sur les biens meubles et immeubles des in-
digènes que si ces indigènes ont :
1° Commis des actes d'hostilité soit contre les
Français, soit contre les tribus soumises à la France,
ou prêté, soit directement, soit indirectement, assis-
tance à l'ennemi, ou enfin entretenu des intelligences
avec lui;
2° Abandonné, pour passer à l'ennemi, les pro-
priétés ou les territoires qu'ils occupaient.
L'abandon et le passage à l'ennemi seront présu-
més à l'égard de ceux qui seront absents de leur do-
micile depuis plus de trois mois, sans permission de
l'autorité française.
ART. Il (1). Aucun séquestre ne pourra être
établi que par un arrêté, du gouverneur général, le
conseil d'administration préalablement entendu.
L'arrêté indiquera les causes qui l'auront motivé.
Toutefois le, séquestre pourra être ordonné pro-

tribu qui émigrera sera dépossédée de ses propriétés communes


ou particulières, si, dans le délai d'un mois à compter du jour
de l'éinigration, elle n'a pas obtenu l'aman du commandant
su-
périeur de la province ou de lasubllivision.
L'absence prolongée pendant plus de trois mois sans permis-
sion de l'autorité française est une présomption de défection qui
justifie le séquestre ; mais cette présomption peut être détruite
par la preuve contraire. Cette preuve pourra être utilement
fournie dans les deux ans à partir de la publication de l'arrêté
de séquestre.
(1) Comme l'arrêté qui établit le séquestre n'est sujet à aucun
recours par la voie contentieuse, l'ordonnance a voulu qu'il ne
fùt pris qu'en connaissance de
cause. Aujourd'hui le conseil d'ad-
Qiinistration est remplacé par un conseil consultatif. (Décrets des
10 décembre 1860 et 30 avril 1861.)
visoirement et d'urgence par les commandants mili-
taires, sauf décision ultérieure du gouverneur général,
dans la forme ci-dessus déterminée.
Tout arrêté portant établissement du séquestre
sera soumis par le gouverneur général à notre ministre
de la guerre, qui statuera définitivement.
ART. 12. Les arrêtés ainsi confirmés seront pu-
bliés immédiatement en arabe et en français dans le
journal officiel de l'Algérie. 1
Dans le cas où ces arrêtés ne désigneraient pas
nominativement les individus atteints par le séquestre,
les états nominatifs en seront ultérieurement dressés
et arrêtés, après avoir entendu le conseil supérieur
d'administration. Ils seront publiés en la même forme
que les arrêtés établissant le séquestre.
Il sera également dressé des états des biens immeu-
bles séquestrés que les agents du domaine découvri-
ront. Ces états seront arrêtés et publiés en la même
forme, aussitôt après la découverte ou la prise de pos-
session (1).

CHAPITRE Il.
Effets du séquestre.
ART. 13 (2). Les biens séquestrés seront régis par
l'administration des domaines.

(1) Les articles et 8 de la loi du 30 mars 1792 prescrivaient


7
amsi la confection d'une liste des biens séquestrés. — V. la toi
du 28 mars 1793, section V.
(2) Les biens séquestrés sont administrés comme biens doma-
niaux. — V. la loi du 30 mars 1792, art. 3.
Elle ne pourra consentir des baux pour un temps
excédant neuf années.
Les maisons et bâtiments dont l'état de dépérisse-
ment sera constaté pourront être aliénés sur la propo-
sition du gouverneur général et l'autorisation de notre
ministre de la guerre, dans la même forme que les
immeubles domaniaux.
Il en sera de même des terres incultes nécessaires
pour l'exécution de l'article 80 de notre ordonnance du
1er octobre 1844 (1).
ART. 14 (2). Toutes les sommes principales échues,
les intérêts desdites sommes, les loyers et fermages et
généralement tout ce qui sera dû à un individu frappé
de séquestre, sera versé dans la caisse du domaine.
L'administration des domaines pourra, en cas d'of-
fres de la part des débiteurs, recevoir les sommes non
échues et le principal des rentes perpétuelles.
ART. 15 (3). Les payements faits, durant le séques-
tre, à l'individu qui en est frappé ou à ses héritiers,
ayants cause ou mandataires, ne libéreront pas le dé-
biteur envers l'État.
Il en sera de même des payements de sommes non
échues faits antérieurement au séquestre, s'ils ne sont
constatés par des actes ayant date certaine.
ART. i6 (4). Tous détenteurs, dépositaires, admi-
nistrateurs et gérants, fermiers ou locataires de biens

(1) Disposition abrogée par l'article 23 de la loi du 16 juin


1851.
(2) V. les lois du 30 mars 1792, art. 14, et du 25 juillet 1793,
section H, art. 17.
(3) V. la loi du 30 mars 1792, art. 15.
(4) V. la loi du 25 juillet 1793, section u, art. 11 et suivants.
placés sous le séquestre, tous débiteurs de rentes,
créances ou autres droits incorporels, atteints par le
séquestre, seront tenus d'en faire la déclaration dans
les trois mois qui suivront la publication, soit de l'ar-
rêté de séquestre, soit de l'état nominatif désignant le
propriétaire desdits biens.
ART. 17. Cette déclaration indiquera aussi exacte-
ment que possible :
4° La nature, la situation, la consistance des im-
meubles et le montant des fermages, rentes et loyers;
2° La nature des biens meubles, objets mobiliers,
droits et actions, le montant des capitaux exigibles ou
non exigibles, avec les noms, profession et domicile
des débiteurs et détenteurs;
3° Les noms, profession et domicile des proprié-
taires ;
4° Les noms, profession et domicile des déclarants.
ART. 18. La déclaration sera faite dans chaque loca-
lité au chef du service des domaines, qui l'inscrira sur
un registre à talon, ouvert à cet effet, et qui en don-
nera récépissé.
ART. 19. Toute personne assujettie à la déclaration
énoncée en l'article 16, qui aura omis de la faire dans
le délai prescrit, pourra, suivant les cas, être con-
damnée parle conseil du contentieux (aujourd'hui par
le conseil de préfecture de chaque département), à
une amende qui ne pourra excéder le quart de la va-
leur des biens non déclarés.
Le recours, s'il y a lieu, sera porté devant nous en
notre conseil d'État (i).

(1) On a voulu éviter la juridiction correctionnelle, afin de


,
ART. 20. Postérieurement à la publication de l'ar-
rêté qui aura ordonné le séquestre, aucun droit utile
ne pourra être conféré au préjudice de l'État sur les
biens séquestrés (1). *

ART. 21. Tous créanciers des individus atteints par


le séquestre devront, à peine de nullité, inscrire les
hypothèques et privilèges établis en leur faveur par
des actes antérieurs au séquestre, et présenter leurs
demandes avec les titres à l'appui, à la direction des
"finances à Alger (aujourd'hui à la prélecture de
chaque département) dans le délai d'un an à partir de
la publication de l'arrêté ou de l'état concernant le
nom du débiteur (2).
Le dépôt de la demande et des titres sera constaté
par un procès-verbal énonçant la nature dn titre, le
montant de la créance et l'époque de son exigibilité; il
en sera donné récépissé.
ART. 22. Nul titre de créance sur un individu frappé
de séquestre ne sera admis s'il n'a une date certaine
et antérieure au séquestre.
ART. 2 ; (3). Le conseil du contentieux (aujourd'hui
le conseil de préfecture) prononcera sur l'admission
ou le rejet des titres déposés.

laisser à l'administration l'appréciation de la bonne foi. Il est


à remarquer que l'ordonnance ne fixe pas le minimum de
l'amende. — F. la loi du 28 mars 1793, art. 50, et celle du
25 juillet 1793, section u, art. 16.
(1) F. la loi du 30 mars 1792, art. 2, et la loi du 28 mars
1793, section VIII.
(2) V. la loi du 2 septembre 1792, art. 5 et 6, et la loi du
25 juillet 1793, section v.
(3) V. la loi du 2 septembre 1792, art. 7.
Si la créance antérieure au séquestre n'est pas éta-
blie par titre, le conseil statuera sur la légitimité des
droits des réclamants.
ART. 24 (1). Les créances admises ne seront payées
qu'après que les biens séquestrés auront été définiti-
vement réunis au domaine, conformément à l'article 28
ci-après, et jusqu'à concurrence seulement de la va-
leur totale de ces biens. -
En cas d'insuffisance, les biens séquestrés seront
vendus; il sera procédé, devant les tribunaux, à l'ordre
ou à la distribution, à la requête de la partie la plus
diligente.

,.
CHAPITRE III.
Mainlevée du séquestre.

ART. 25 (2). Toute demande en remise de biens


séquestrés devra établir ou que le propriétaire desdits
biens n'était pas l'individu désigné dans l'arrêté du
séquestre, ou qu'il ne s'est rendu coupable d'aucun
des faits énoncés en l'article 10 ci-dessus.
ART. 26. Les demandes seront formées, et il y sera

(1) V. la loi du 2 septembre 1792, art. 4 et 9.


(2) L'article 17 de l'arrêté du 1er décembre 1840
accordait un
recours au contentieux en cas d'erreur matérielle sur les per-
sonnes ou sur les choses. Cet article est remplacé et implicite-
ment abrogé par les articles 25 et 26 de l'ordonnance. Toute
erreur sur la chose est nécessairement une erreur sur la per-
sonne, et celle-ci est expressément prévue par l'article 25. L'in-
tention du législateur a été de supprimer tout recours au con-
tentieux en matière de séquestre.
statué conformément aux articles 3 et 5 ci-dessus (1).
ART. 27. La remise des biens séquestrés postérieu-
rement à la présente ordonnance donnera droit à la
restitution des fruits ou intérêts perçus depuis le jour
de la demande en remise, sauf déduction des impenses
faites par le domaine.
Les immeubles seront repris dans l'état où ils se
trouveront, sans aucun recours contre l'État, et à la
charge de maintenir les baux existants (2).
1

CHAPITRE IV.
Réunion des biens séquestrés au domaine.

ART. 28 (3). Seront réunis définitivement au do-

(1) La demande adressée au préfet est transmise dans les


trois mois avec l'avis du gouverneur général au ministre de la
guerre qui, dans les six mois, statue définitivement et sans re-
cours. La compétence administrative était déjà stipulée 'dans
l'arrêté du 10 juin 1831, mais cet arrêté s'étant trouvé abrogé
par l'ordonnance du 10 aoùt 1834 sur l'organisation judiciaire
(art. 63), et par l'arrêté ministériel du 2 aoùt 183G (art. 49),
l'autorité judiciaire s'est alors trouvée compétente pour statuer
sur ces questions, jusqu'à l'arrêté du 1er décembre 1840, qui a
stipulé de nouveau la compétence administrative. (Alger, 17 aoùt
1843; Ménerville, jurisprudence, p. 69.)
(2) C'est aux mêmes conditions qu'en France les biens des
émigrés leur ont été rendus par la loi du 5 décembre 1814.
(3) Le délai de deux ans prescrit par cet article à peine de
déchéance court contre les mineurs, les interdits et les femmes *
mariées, et en général contre toutes personnes sans exception.
Il en est ainsi, à moins d'exception formelle, de toutes les dé-
chéances édictées par la législation algérienne, notamment par
les ordonnances des 1er octobre 1844 et 21 juillet 1846. On n'a
pas voulu laisser trop longtemps la propriété incertaine.
maine, sauf les droits des créanciers, les biens frap-
pés de séquestre qui n'auront pas été réclamés dans le
délai de deux ans, à compter des publications prescrites
par l'article 12 de la présente ordonnance.
Il en sera de même en cas de rejet des réclamations,
prononcé dans les formes prescrites par les articles 25
et suivants.
ART. 29. Lorsque le séquestre sera établi sur des
terres, villes ou villages abandonnés en masse par la
population, l'arrêté qui l'établira ou une décision ulté-
rieure pourront en ordonner immédiatement soit la
réunion au domaine, soit l'affectation à un service pu-
blic, soit la concession à d'autres populations indigènes
ou à des colons européens (1).

TITRE III.
DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

ART. 30. Si, antérieurement à la demande en remise


de biens séquestrés, soit avant, soit après la présente
ordonnance, les immeubles réclamés ont été affectés
à un service public, et si l'administration veut main-
tenir-celte affectation, l'ancien propriétaire dont la
réclamation aura été admise n'aura droit qu'à une in-

(1) L'article 10 fait de l'absence individuelle prolongée pen-


dant plus de trois mois sans permission une présomption de dé-
fection, mais cette présomption tombe devant la preuve con-
traire. L'article 29 considère l'abandon en masse comme une
défection évidente. Il y a alors présomption juris et de jure
contre laquelle aucune preuve n'est admise.
demnité qui sera réglée par le conseil d'administration,
sauf recours devant nous, en notre conseil d'État (i).
Cette indemnité sera liquidée conformément aux
dispositions de l'article 47 de l'ordonnance du 1er oc-
tobre 18-44 (2).
ART. 31. Les actions en revendication et toutes ac-
tions des tiers, prétendant un droit quelconque sur les
biens remis, en vertu de la présente ordonnance,
seront portées devant les tribunaux, sans recours
contre l'État,
Si la remise n'a pas encore été effectuée, elle sera
suspendue jusqu'après les jugements définitifs ou ar-
rêts à intervenir.
ART. 32. Nonobstant toutes déchéances ou tout rejet
de réclamations, les biens séquestrés pourront, tant
qu'ils seront dans les mains du domaine, être remis par
nous, par grâce spéciale et en vertu de notre pleine
autorité, aux anciens propriétaires ou à leurs héritiers,

(1) Une mesure analogue se trouvait dans l'article 7 de la loi


du 5 décembre 1814. Le conseil d'administration n'existant plus
aujourd'hui, l'indemnité ne peut plus être liquidée en première
instance que par le ministre.
(2) C'est-à-dire comme en matière d'expropriation pour cause
d'utilité publique, et en une somme capitale. En se référànt
uniquement à l'article 47, l'ordonnance exclut les autres for-
malités prescrites par l'ordonnance du 1er octobre 1844, et no-
tamment l'expertise. (Conseil d'État, 19 juin 1856, Rozan.)
Aux termes de l'article 18 de l'arrêté du 1er décembre 1840,
article qui doit être considéré comme encore en vigueur au-
jourd'hui, dans le cas où il y a lieu à la restitution d'un im-
meuble séquestré affecté à un service public, l'indemnité doit
être calculée d'après la valeur de l'immeuble au moment où il a
été placé sous le séquestre. (Même décision.)
qui les reprendront dans l'état où ils se trouveront, et
sans aucune restitution de fruits perçus (I).
ART. 33. Toutes dispositions des ordonnances, ar-
rêtés ou règlements antérieurs sont abrogées en ce
qu'elles ont de contraire à la présente ordonnance.

SECTION V.

CONSTITUTION DE LA PROPRIÉTÉ

DANS LES

TERRITOIRES OCCUPÉS PAR LES ARABES.

1. Sénatus-consulte du 22 avril 1863.



ART. fer. Les tribus de l'Algérie sont déclarées pro-
priétaires des territoires dont elles ont la jouissance
permanente et traditionnelle, à quelque titre que ce
soit.

(1) La remise faite en vertu de l'article 32 ne saurait être


l'objet d'aucun recours par la voie contentieuse. Elle ne fait
d'ailleurs pas obstacle à ce qu'il soit statué par le ministre sur
une réclamation fondée sur ce que le séquestre aurait dû être
levé non par grâce spéciale, mais par des motifs de droit, comme
établi par erreur. (Conseil d'État, 12 juillet t860, Fabre.)
Tons actes, partages ou distractions de territoires,
intervenus entre l'État et les indigènes, relativement
à la propriété du sol, sont et demeurent confirmés (1).

(1) L'article 11 de la loi du 16 juin 1851 se bornait à main-


tenir les droits de propriété et de jouissance appartenant aux
particuliers, aux tribus et aux fractions de tribus. Nous avons
montré, dans le commentaire de cet article, en quoi consis-
taient ces droits. Le législateur de 1863 a voulu compléter
l'œuvre commencée en 1851, consolider les droits de jouissance
et les transformer en propriété incommutable par l'abandon
de toutes prétentions de la part du domaine de l'État, puis re-
connaitre et délimiter les propriétés collectives pour arriver à
constituer la propriété individuelle.
Cette opération est substituée à celle du cantonnement par
laquelle l'État donnait aux tribus, en échange de leurs droits de
jouissance, un droit de propriété sur une surface restreinte.
Jusqu'ici seize tribus seulement avaient pu être cantonnées, et
un cinquième environ de leur territoire primitif, soit 61,633 hec-
tares, avait été réuni par ce moyen au domaine de l'État.
« A
la suite de ces opérations, dit l'exposé de motifs, il s'est
produit un fait qui mérite d'être signalé. Lorsque les terres
obtenues par le cantonnement furent aliénées par l'Étal, des
Arabes les rachetèrent aux Européens, ou se présentèrent en
concurrence avec eux aux enchères pour rentrer en possession
du sol qui venait d'être détaché du territoire de leur tribu;
d'autres, n'ayant pas les moyens de se porter acquéreurs, solli-
citèrent des Européens la faveur d'être maintenus sur les ter-
rains à titre de fermiers.
« Ces faitsdevaient
appeler de plus en plus l'attention du gou-
vernement sur le caractère et les conséquences des opérations
dites de cantonnement. Ils prouvaient en outre combien sont
grands chez les Arabes le sentiment de la propriété et ce besoin
de la terre que quelques personnes sont portées à leur con-
tester. <
« Le
projet de sénatus-consulte,
* dit le rapport de M. de Casa-
bianca au Sénat, n'a point pour but d'interpréter la loi du
Aut. 2. Il sera procédé administrativement et dans
le plus bref délai :
1° A la délimitation des territoires des tribus;,
20 A leur répartition entre les différents douars de
chaque tribu du Tell et des autres pays de culture,
avec réserve des terres qui devront conserver le carac-
tère de biens communaux;
3° A l'établissement de la propriété individuelle
entre les membres de ces douars, partout où cette
mesure sera reconnue possible et opportune.
Des décrets impériaux fixeront l'ordre et les délais
dans lesquels cette propriété individuelle devra être
constituée dans chaque douar (1).

16 juin pour ou contre le domaine. La déclaration formu-


1851
lée dans l'article 1er n'est ni une reconnaissance des droits an-
térieurs des tribus, ni une renonciation à ceux de l'État. C'est
le sénatus consulte qui, sans réagir sur le pa^é, dispose pour
l'avenir, et, de son autorité suprême, met un terme à un litige
qui lèse l'intérêt public. Voilà ce qu'exprime l'article 1 er. »
(1) Pour arriver à constituer la propriété individuelle il était
nécessaire de passer par la tribu et par le douar. Avant d'en-
treprendre un partage il faut procéder à la composition de la
masse à partager.
Quelques membres de la commission du Sénat avaient de-
mandé qu'il fùt procédé directement à la constitution de la
propriété individuelle sans passer par la propriété collective. Ce
système a été repoussé et avec grande raison. Il suffit de lire le
règlement d'execution et l'instruction générale pour se convain-
cre que la marche tracée pour les opérations est à la fois la
seule ju.,te et la seule possible. La propriété collective est un
fait préexistant. Le séuatus-consulte ne la crée pas. Il devait
donc en tenir compte. -
D'ailleurs, en ce qui concerne la constitution de la propriété
individuelle, le gouvernement a cru nécessaire de se réserver
ART. 3. Un règlement d'administration publique
déterminera :
1° Les formes de la délimitation des territoires des
tribus;
2° Les formes et les conditions de leur répartition
entre les douars et de l'aliénation des biens apparte-
nant aux douars;
3° Les formes et les conditions sous lesquelles la
propriété individuelle sera établie, et le mode de déli-
vrance des titres.
ART. 4. Les rentes, redevances et prestations dues à
l'État par les détenteurs des territoires des tribus con-
tinueront à être perçues comme par le passé, jusqu'à
ce
qu'il en soit autrement ordonné par des décrets im-
périaux rendus en la forme des règlements d'adminis-
tration publique.
ART. 5. Sont réservés les droits de l'État à la pro-
priété des biens du beylick et ceux des propriétaires
des biens welk.
Sont égab ment réservés, le domaine public, tel qu'il
est défini par l'article 2 de la loi du 16 juin 1851, ainsi
que le domaine de l'État, notamment en ce qui con-

une certaine liberté d'action. Sans méconnaître le but à attein-


dre, il pourra, dans certains cas exceptionnels, juger à propos
de maintenir provisoirement l'indivision dans le sein du
douar. « La prudence et l'énergie de l'administration, dit l'ex-
posé de motifs, la guideront dans la conduite qu'elle devra
suivre. Le gouvernement ne perdra pas de vue que la tendance
de sa politique doit, en général, être l'amoindrissement de l'in-
fluence des chefs et la désagrégation de la tribu. C'est ainsi
qu'il dissipera ce fantôme de féodalité que les adversaires du
sénatus-consulte semblent vouloir lui opposer. »
cerne les bois et forêts, conformément à l'article 4,
§ 4, de la même loi.
ART. 6. Le second et le troisième paragraphe de
l'article 14 de la loi du 16 juin 1851, sur la constitu-
tion de la propriété en Algérie, sont abrogés ; .néan-
moins la propriété individuelle qui sera établie au
profit des membres des douars ne pourra être aliénée
que du jour où elle aura été régulièrement constituée
par la délivrance des titres.
ART. 7. Il n'est pas dérogé aux autres dispositions
de la loi du 16 juin 1851, notamment à celles qui con-
cernent l'expropriation pour cause d'utilité publique
et le séquestre.

II. Décret du 23 mai 1863, portant règlement



d'administration publique pour l'exécution du sé-
natus-consulte du 22 avril 1863, relatif à la
constitution de la propriété en Algérie, dans les
territoires occupés par les Arabes.

TITRE PREMIER.
V
-
DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES.

décrets, rendus sur les propositions


ART. 1ER. Des
du gouverneur général de l'Algérie et sur le rapport
du ministre de la guerre, désigneront successivement
les tribus dans lesquelles il sera procédé aux opéra-
tions de délimitation et de répartition prescrites par
l'article 2 du sénatus-consulte du 22 avril 1863.
Ces décrets seront insérés dans le Bulletin officiel
du gouvernement et dans le Mobacher.
Ils seront, en outre, affichés dans les chefs-lieux de
subdivision et de cercle, et publiés dans les marchés
et dans les tribus intéressées.
Cette publication sera constatée par des procès-
verbaux de l'autorité locale et constituera, pour le
service des domaines, en ce qui concerne les biens
beylick, pour les propriétaires de biens melk, pour les
tribus et pour les douars, une mise en demeure de
prendre toutes mesures conservatoires de leurs droits.
ART. 2. Les opérations de délimitation de tribus et
de répartition de leurs territoires entre les douars se-
ront effectuées, dans le plus bref délai, par des com-
missions administratives désignées par le gouverneur
général et composées ainsi qu'il suit :
Un général de brigade ou un colonel ou un lieute-
nant-colonel, président;
Un sous-préfet ou un conseiller de préfecture, ou
un membre du conseil général de la province, vice-
président;
Un officier de bureau arabe militaire ou un agent de
bureau arabe départemental ;
Un agent du service des domaines.
A chaque commission seront adjointes par le gou-
verneur général une ou plusieurs sous-commissions
chargées de procéder aux opérations préliminaires de
délimitation et de répartition, et de préparer l'instruc-
tion des contestations auxquelles ces opérations pour-
raient donner lieu.
La commission et les sous-commissions seront assis-
tées d'interprètes et d'agents du service topogra-
phique.
ART. 3. Des indigènes désignés par les tribus et par
les douars les représenteront près des commissions et
, des sous-commissions et seront admis à leur fournir
les observations et les renseignements qu'ils jugeraient
convenables.

TITRE II.

DÉLIMITATION DES TERRITOIRES DES TRIBUS.

ART. 4. Les commissions procéderont immédiate-


-
ment sur les lieux, d'après les éléments fournis par les
sous-commissions, à la reconnaissance des limites du
territoire de chaque tribu, en présence des représen-
tants de la tribu et de ceux des tribus limitrophes.
Elles indiqueront ces limites dans un mémoire
descriptif, qui mentionnera toutes les observations des
intéressés et auquel seront annexés les plans ou cro-
quis visuels qui seraient nécessaires pour l'intelligence
des opérations et des contestations.
ART. 5. Les commissions statueront sur toutes les
contestations auxquelles pourraient donner lieu les
opérations de la délimitation, sous la réserve des droits
du domaine pour les biens beylick et des droits des
particuliers pour les biens melk.
Elles délibéreront à la majorité des voix. En cas de
partage, la voix du président sera prépondérante.
Leurs décisions seront soumises à l'approbation du
général commandant la division en territoire militaire,
ou du préfet en territoire civil (1).
ART. 6. Les commissions feront établir des bornes
sur les points où les limites ne seraient pas suffisam-
ment indiquées sur le sol d'une manière durable. Le
bornage sera constaté par un procès-verbal qui sera
présenté à la signature des représentants indigènes.
ART. 7. Les commissions résumeront l'ensemble
de leurs travaux relatifs à chaque tribu dans un rap-
port auquel seront joints le mémoire descriptif des
limites et ses annexes, les décisions rendues et le
procès-verbal du bornage.
Ce rapport sera adressé au général commandant la
division ou au préfet, selon le territoire, et transmis
par lui, avec son avis, au gouverneur général, qui
constatera la régularité des opérations.
La délimitation ne sera définitive que lorsqu'elle
aura été sanctionnée par des décrets rendus sur les
propositions du gouverneur général et sur le rapport
du ministre de la guerre (2).

(1) Ainsi les contestations sur les limites entre tribus sont
jugées par les commissions. Lesdécisions de cescommissions,ap-
prouvées par le préfet ou par le général, peuvent être déférées
par la voie contentieuse au ministre et au conseil d'Etat, d'a-
près le droit commun.
(2) La délimitation n'a lieu qu'après le jugement des contes-
tations sur les limites. Le décret qui la sanctionne est donc un
acte purement administratif. D'après le droit commun, il ne
pourrait être déféré au conseil d'État que pour excès de pou-
voir.
TITRE III.

RÉPARTITION DES TERRITOIRES DES TRIBUS ENTRE LES


DOUARS.
,

ART. 8. La délimitation du territoire de la tribu


étant accomplie, les commissions procéderont immé-
diatement, dans le Tell et dans les autres pays de cul-
ture, à la répartition du territoire de cette tribu entre
les douars qui s'y trouvent compris et à la délimita-
tion de chacun de ces douars.
ART. 9. La commission opérera la délimitation des
douars de la tribu, dans les formes prescrites par les
articles 4, 5 et 6 du titre précédent, en présence des
représentants de la tribu et des douars intéressés.
Il sera fait réserve des terres de la tribu qui devront
conserver le caractère de biens communaux, lesquels
pourront rester provisoirement indivis entre les douars
ou être attribués à l'un ou plusieurs d'entre eux, d'a-
près les usages locaux et les déclarations des inté-
ressés.
Si l'un ou plusieurs des douars se trouvait avoir
subi une distraction de son territoire au profit de la
colonisation ou d'un service public, il pourrait lui être
attribué, sur les terres de la tribu, une part proportion-
nelle à la perte qu'il aurait éprouvée.
ART. 10. Dans les deux mois de la publication
prescrite par l'article 1er du présent décret, les
propriétaires des biens melk, et le service des do-
maines, en ce qui concerne les biens beylick situés
sur le territoire de la tribu ou des douars, devront, à
peine de déchéance, former leur revendication devant
le président de la commission.
Les revendications pourront être exercées, dans l'in-
térêt des absents ou des incapables, par le cheik du
douar.
Il sera dressé un état des propriétés melk et beylick
qui auront été revendiquées, indiquant leurs limites,
leurs dénominations particulières, les noms des au-
teurs de la revendication et les faits invoqués à l'appui.
A cet état seront annexés les plans ou croquis visuels
qui seraient jugés nécessaires (1).
ART. f f. Les revendications seront immédiatement
communiquées aux représentants des tribus et des
douars intéressés, qui devront, dans le délai d'un mois
à partir du jour de cette communication, sous peine de
déchéance, faire opposition à celles des revendications
qu'ils ne croiraient pas fondées.
Ce délai expiré sans opposition, les biens melk et
les biens beylick seront acquis qux auteurs de la reven-
dication.
En cas d'opposition, le revendiquant devra, à peine
de nullité, former sa demande en justice dans le mois
qui suivra la communication qui lui aura été faite de
cette opposition (2).

(1) L'article 10 déroge au droit commun en ce qu'il impose à


celui qui se prétend propriétaire de biens melk ou de biens
beylick la nécessité d'intenter une revendication dans les deux
mois, et sans distinguer s'il est ou non en possession.
(2) Ainsi, en cas d'opposition, le l'evendiquant doit former,
dans le mois, sa demande en justice, alors même qu'il serait en
possession. Autrement il serait déchu de son droit. Toutefois la
ART. 12. Les contestations auxquelles donneraient
lieu les revendications des biens melk et beylick seront,
à la diligence des parties intéressées, portées devant la
juridiction compétente.
L'appel sera porté devant la Cour impériale d'Alger.
Les instances introduites ne suspendront pas la
marche des opérations des commissions (1). *

conséquence de cette déchéance serait que le bien revendiqué


comme melk serait considéré comme arch, et compris dans le
partage. Le possesseur ne serait donc pas absolument sacrifié,
puisqu'il retrouverait lors du partage au moins une partie de
ce qu'il aurait perdu.
(1) Les revendications sont portées devant la juridiction
compétente, c'est-à dire devant le kadi, s'il n'y a que des musul-
mans en cause, devant les tribunaux français dans tous les au-
tres cas.
L'appel sera toujours porté devant la cour impériale d'Alger
par dérogation à l'article 2'l du décret du 31 décembre lSft9,
aux termes duquel les tribunaux de première instance connais-
sent des jugements rendus par les kadis, pour les actions immo-
bilières jusqu'à 15o francs de revenu, déterminé soit en rente,
soit par prix de bail.
Le décret ne dit pas quelle partie sera tenue de faire la
preuve. En obligeant le propriétaire à se porter demandeur, et à
intenter l'action en revendication, même alors qu'il possède,
a-t-il entendu mettre à sa charge le fardeau de la preuve? Il
faudrait dire alors que la propriété collective est présumée
jusqu'à preuve contraire. Mais ne serait-ce pas une atteinte
portée à l'article 5 du sénatus-consulte, qui réserve les droits
de l'État à la propriété des biens du beylick, et ceux des pro-
priétaires des biens melk?
Le projet de décret maintenait à cet égard le droit commun,
et ajoutait plusieurs dispositions utiles sur la preuve du droit
de propriété à défaut de titres. Le conseil d'État les a suppri-
mées comme n'étant pas à leur place. On voit par là, du moins,
quelle a été la pensée des rédacteurs du décret.
ART. 13. L'ensemble des travaux concernant la dé-
limitation des douars et les revrndic'ations et reconnais-
sances des biens melk et beylick sera résumé dans un
rapport auquel seront annexés les procès-verbaux,
plans, copies de jugements et autres pièces relatives
aux opérations.
Ce rapport sera adressé au général commandant la
division ou au préfet, selon le territoire, et transmis
par lui, avec son avis, au gouverneur général qui
constatera la régularité des opérations.
Les opérations ne seront définitives que lorsqu'elles
auront été sanctionnées par des décrets rendus sur la
proposition du gouverneur général et sur le rapport
du ministre de la guerre.
ART. 14. Une expédition de ces décrets sera, à la
,
diligence de l'administration enregistrée gratis et
transcrite sur un registre spécial au bureau des hypo-
thèques du chef-lieu de la province (1). -

ART. 15. ,Le service des contributions diverses éta-


blira, d'après ces décrets et les décisions judiciaires
intervenues, la matrice foncière du territoire de cha-
que douar, comprenant :

(1) La transcription doit avoir lieu sur un registre spécial, au


bureau des hypothèques du chef-lieu de la province, et non sur
le registre ordinaire, au bureau d'arrondissement. Il ne s'agit
pas, en effet, d'une transcription destinée à produire les effets
ordinaires de la transcription en droit civil. Par sa nature,
l'acte de partage et de délimitation n est pas translatif de pro-
priété, par conséquent pas susceptible, de transcription. La
mesure ordonnée par la loi est une mesure, toute spéciale. Elle
a voulu constituer au centre de la province une sorte de
registre terrier, complet et public.
4° Les biens beylick;
2° Les biens melk;
3D Les biens communaux; i
4° Les biens collectifs de culture.

TITRE IV.
ALIÉNATION DES BIENS APPARTENANT AUX DOUARS.

§ 1ER.
— BIENS COMMUNAUX.

ART. 16. IJes djemâas instituées par le général


commandant la division ou par le préfet, dans les
douars dont le territoire aura été constitué ainsi qu'il
(
est dit ci-dessus, auront qualité pour consentir l'alié-
nation par voie d'échange ou par vente, au profit de
l'État ou des particuliers, de tout ou partie de leurs
biens communaux. Ces ventes auront lieu de gré à gré
ou aux enchères publiques.
ART. 17. Les demandes d'échange seront adressées,
par les djemâas, aux généraux ou aux préfets qui en
autoriseront, s'il y a lieu, l'instruction.
Il sera fait estimation contradictoire des biens, par
experts désignés par les parties intéressées. Un tiers
expert sera désigné par le cadi.
Les résultats de l'expertise seront constatés par un
procès-verbal affirmé par les experts.
Le dossier de l'affaire, accompagné de la délibéra-
tion de la djemâa, constatant le consentement des inté-
ressés, d'un extrait de la matrice foncière et d'un plan
des immeubles, sera renvoyé au général ou au préfet,
qui statuera sur l'utilité et les conditions de l'échange,
et autorisera, s'il y a lieu, à passer l'acte avec l'é-
changiste.
Si la valeur de l'échange est inférieure à 5,000 francs,
le contrat sera approuvé par le gouverneur général.
Tout échange d'une valeur supérieure sera soumis à
notre approbation.
AUT. 18. Les aliénations par vente de gré à gré se-
ront instruites et autorisées comme les échanges, dans
les formes établies par l'article précédent.
ART. 19. Les aliénations aux enchères seront sou-
mises aux formalités suivantes :
Les demandes seront adressées aux généraux ou
aux préfets qui autoriseront l'instruction, s'il y a lieu.
Il sera fait une estimation de l'immeuble, pour la
détermination de la mise à prix, par un expert désigné
par l'autorité administrative du ressort.
Le procès-verbal d'expertise sera soumis à la déli-
bération de la djemâa, qui donnera son avis sur les
conditions de la vente et sur la mise à prix.
Le cahier des charges de la vente, appuyé du
,
procès-verbal d'expertise de la délibération de la
djemâa, d'un extrait de la matrice foncière et d'un
plan de l'immeuble, sera soumis au général ou au
préfet, qui décidera s'il y a lieu de procéder à la
vente.
La mise en vente sera précédée de publications qui
indiqueront le jour de la vente et le lieu où seront
déposés le cahier des charges et le plan.
Les adjudications auront lieu en présence des inté-
ressés ou de leurs mandataires, et sous la présidence
d'un délégué de l'administration.
Les adjudications ne seront valables et exécutoires
qu'après l'approbation du gouverneur général.
ART. -0. Le prix de vente sera versé, pour le
compte du douar, dans la caisse du receveur des con-
tributions diverses de la circonscription.
ART. 21. Les actes d'échange, de vente de gré à
gré ou aux enchères, seront soumis à l'enregistrement
et transcrits au bureau des hypothèques du chef-lieu
de la province (1).
ART. 22. En cas d'expropriation pour cause d'uti-
lité publique, il sera procédé vis-à-vis des douars à
l'exercice du droit et au règlement de l'indemnité,
conformément aux dispositions de la loi du 16 juin 1851.
Le montant de l'indemnité sera versé, pour le compte
du douar, dans la caisse du receveur des contributions
diverses de la circonscription.

§ 2. — TERRAINS DE CULTURE.

ART. 23. Les terrains de culture dont jouissent les


membres des douars ne peuvent être aliénés tant que
la propriété individuelle n'a pas été constituée con-
formément aux dispositions du titre V du présent
décret.
ART. 24. Après qu'il aura été statué sur les con-

(1) Nous avons déjà fait remarquer sous l'article 14 qu'il ne


s'agit pas ici de la transcription ordinaire. Celle-ci pourra être
requise au bureau ordinaire d'arrondissement par la partie in-
téressée. La transcription prescrite par l'article 21 doit avoir
lieu au bureau du chef-lieu de la province, pour compléter le
recueil des titres constitutifsde la propriété des douars.
te-stations conformément à l'article 12, et que les
biens revendiqués comme melk ou comme beylick
auront été reconnus appartenir au douar, ces biens
seront réunis, suivant leur nature, soit aux commu-
naux, soit aux terres de culture destinées à être ré-
parties individuellement. Dans le cas où la répartition
individuelle serait consommée au moment de cette
réunion, ces biens pourront donner lieu soit à des
aliénations, soit à une répartition nouvelle, confor-
mément aux dispositions du titre V suivant.

TITRE V.

CONSTITUTION DE LA PROPRIÉTÉ INDIVIDUELLE


ET DÉLIVRANCE DES TITRES.

ART. 25. Lorsqu'un décret impérial aura désigné


les douars dans lesquels la propriété individuelle
devra être constituée, il y sera procédé immédia-
tement par les commissions et sous-commissions
administratives instituées en l'article 2 du présent
décret.
ART. 26. Les commissions prépareront, sur les
lieux, d'après les éléments fournis par les sous-com-
missions et de concert avec les djemâas de chacun des
douars, un projet d'allotissement du territoire à par-
tager entre les familles ou les individus, en tenant
compte, autant que possible, de la jouissance anté-
rieure, des coutumes locales et de l'état des popu-
lations.
ART. 27. Le projet d'allotissement mentionnera :
1° les noms des familles ou individus au profit des-
quels on propose d'altribuer la propriété; 2° la conte-
nance et l'indication des lots.
Ce projet sera remis aux djemâas de chaque douar,
dans lesquelles il restera déposé pendant un mois et qui
devront le communiquer aux intéressés et recueillir
leurs observations.
Il sera, en outre, déposé au chef-lieu du cercle et
publié dans les marchés.
ART. 28. Les commissions statueront sur les ré-
clamations auxquelles pourrait donner lieu le projet
d'allotissement (1).

(1) D'après l'article 26 le projet d'allotissement doit tenir


compte, autant que possible, de la jouissance antérieure, des
coutumes locales, et de l'état des populations. « Dans la répar-
tition entre les membres des douars, dit le rapport de M. de
Casabianca, on tiendra compte des droits acquis et des usages
locaux, x C'est qu'en effet, ainsi qu'il a été reconnu dans la dis-
cussion, la propriété individuelle existe déjà dans un grand
nombre de tribus, notamment chez les Kabyles. Là même où la
propriété est collective, la culture est individuelle. « Le sol
que les tribus arabes occupent dans le Tell, dit encore M. de Ca-
sabianca, se divise en terres de parcours et en terres de culture.
Les premières sont en commun. On répartit les autres en lots
d'une contenance moyenne de dix hectares entre les familles
qui possèdent des attelages de bœufs. Cbaque lot est la quantité
de terrain qu'un attelage laboure et ensemence dans une saison.
Les familles conservent presque toujours les mêmes champs
sans avoir le droit de les aliéner. »
Ces droits, quelque imparfaits qu'ils soient, sont cependant
des droits. Les commissions sont chargées de les reconnaître et
de les transformer en véritables droits de propriété. Elles sont
même autorisées à les modifier dans une certaine mesure, mais
elles ne peuvent les méconnaître absolument. Il faut conclure
ART. 29. Lorsque les parties seront d'accord, ou
après qu'il aura été statué sur les réclamations, il sera
fait, aux frais des parties intéressées, un bornage des
lots.
Les commissions résumeront l'ensemble des opé-
rations dans un rapport qui devra être présenté à la
signature des djemâas des douars, et auquel seront
annexés des plans ou croquis visuels et les décisions
rendues.
Ce rapport sera adressé au général commandant la
division ou au préfet, et transmis par lui, avec son avis,
au gouverneur général, qui constatera la régularité
des opérations.
La constitution de la propriété individuelle dans
chaque douar ne sera définitive que lorsqu'elle aura
été sanctionnée par des décrets rendus sur la pro-
position du gouverneur général et sur le rapport
du ministre de la guerre.
ART. 30. Le service des contributions diverses éta-
blira, d'après ces décrets, la matrice foncière indi-
quant le numéro de chaque propriété, sa situation, sa
dénomination et le nom de son propriétaire.
ART. 31. Des titres, établis d'après les indications
de la matrice foncière et dans la forme déterminée
par l'administration, seront délivrés aux proprié-
taires.
Ces titres seront soumis au droit fixe d'enregistre-

de là que les décisions des commissions sur les réclamations


soulevées par le projet d'allotissement peuvent avoir le carac-
tère contentieux, et, par suite, être déférées au ministre de la
guerre et au conseil d'État.
ment et transcrits au bureau des hypothèques du chef-
lieu de la province (1).
ART. 32. Sont nuls tous actes d'aliénation consentis
par des particuliers portant sur des immeubles dont
la propriété individuelle n'aurait pas été préalable-
ment constatée par la délivrance des titres.
La nullité en sera poursuivie, soit par les parties in-
téressées, soit d'office par l'administration.
Les notaires ou autres officiers ministériels qui au-
raient prêté leur ministère pour ces aliénations, sui-
vant la gravité des cas, pourront être suspendus ou ré-
voqués, sans préjudice, s'il y a lieu, de dommages et
intérêts envers les parties (2).

TITRE VI.
DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

» ART. 33. Les frais de bornage des territoires des tri-


bus et des douars, les frais de justice auxquels seraient
condamnés les tribus ou les douars par suite des con-
testations prévues par l'article 12 du présent décret,
seront à la charge des tribus ou des douars intéressés,
et supportés par les contribuables de ces tribus ou de
ces douars, au prorata du montant de leurs impôts:
Le recouvrement en sera fait suivant le mode qui
sera déterminé par l'autorité administrative.

(1) Même observation qu'à l'article


14. L'allotissement n'est
pas translatif de propriété, mais simplement déclaratif. Il ne
s'agit donc pas ici de la transcription ordinaire, à fins civiles,
mais d'une mesure d'administration.
(1.) Cet article reproduit l'article 15 de la loi du 16 juin 1851.
ART. 34. L'administration réglera annuellement les
conditions auxquelles les tribus sahariennes seront
admises à exercer, sur les territoires des douars, les
anciens usages de dépaissance de leurs troupeaux.
ART. 35. L'administration déterminera également
les réserves qu'i! y aurait lieu d'établir sur les com-
munaux des douars avoisinant les voies de communi-
cation, soit pour le campement des convois indigènes,
soit pour celui des troupes.
ART. 36. Le présent décret sera traduit et publié en
arabe. Il sera inséré dans le Bulletin officiel du gou-
vernement de l'Algérie et dans le Mobacher. Il en sera
de même pour tous les décrets qui seront rendus en
exécution des dispositions qui précèdent.
ART. 37. Notre ministre secrétaire d'État au dépar-
tement de la guerre et le gouverneur général de l'Al-
gérie sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de
l'exécution du présent décret.

ln. — Instructions générales pour l'exécution du


sénatus-consulte du 22 avril 1863 et du règlement
d'administration publique du 23 mai suivant (i).

Le sénatus-consulte du 22 avril 1863 inaugure un

(1) Ces instructions générales, rédigées par le ministre de la


guerre, approuvées par l'empereur à la date du 11 juin 1863, et
publiées au Moniteur algérien, forment le commentaire officiel
du sénatus-consulte et du décret. Nous les reproduisons en entier.
régime nouveau pour la propriété en Algérie dans les
territoires occupés par les indigènes.
Sous l'empire de la loi de 1851, aucun- droit de pro-
priété ou de jouissance portant sur le territoire d'une
tribu ne pouvait être aliéné au profit de personnes
étrangères à la tribu : à l'État seul était réservée la
faculté d'acquérir ces droits dans l'intérêt des services
publics ou de la colonisation, et de les rendre, en tout
ou en partie, susceptibles de libre transmission.
Les droits de jouissance, dont la nature n'était pas
définie, étaient considérés comme des droits incom-
plets à la possession du sol, et on pensait qu'ils pou-
vaient autoriser le partage de la terre entre ses déten-
teurs et l'État.
Le sénatus-consulte renferme les effets de la con-
quête dans les limites que le droit commun impose
aux sociétés civilisées. Là où la propriété est réguliè-
rement constituée, il la dote d'une liberté complète ;
là, au contraire, où elle ne présente que des formes
vagues, incompatibles avec le progrès agricole et op-
posant des obstacles aux relations qui doivent naître
du contact des Européens et des indigènes, il la cons-
titue d'après des règles basées sur une équitable ap-
préciation des droits de chacun.
C'est pour que ce caractère éminemment libéral du
sénatus-consulte soit uniformément maintenu dans les
mesures de détail auxquelles donnera lieu son exécu-
tion, qu'il est important de déterminer le sens et la
véritable portée de ses diverses dispositions.
Aux termes de l'article 1er, « les tribus de l'Algérie
« sont déclarées propriétaires des territoires dont elles
a ont la jouissance permanente et traditionnelle à quel-
« que titre que ce soit. » Cette déclaration de principe
s'applique à toutes les tribus de l'Algérie indistincte-
ment, à celles du Sahara comme à celles du Tell;
néanmoins ses effets pourront être différents, suivant
l'état de la propriété dans les tribus.
Ainsi, dans les tribus où la propriété a un caractère
essentiellement melk, où les particuliers et les grou-
pes de population ont le droit d'user sans restrictions
de leurs biens fonciers, la délimitation et la répartition
prescrites par le sénatus-consulte ne constitueront
qu'une mesure administrative qui aura pour résultat
de déterminer exactement les circonscriptions, de dé-
gager les biens communaux des biens individuels et de
faciliter l'établissement d'une matrice foncière au
moyen de laquelle on pourra suivre ultérieurement
les mutations de la propriété. — Les transactions im-
mobilières entre particuliers sont dès à présent libres
dans ces tribus, tandis que celles relatives aux biens
communaux seront assujetties aux formalités admi-
nistratives indiquées par le titre IV du règlement d'ad-
ministration publique du 23 mai 1863.
Dans les tribus de la province de Constantine qui
sont établies sur des territoires azel, le droit de pro-
priété de l'État est réservé en principe. Néanmoins il
est dans l'esprit du sénatus-consulte de reconnaître
aux populations de ces tribus, à défaut de compensa-
tions possibles sur d'autres territoires, des droits défi-
nitifs de propriété sur le sol qu'elles occupent. L'Em-
pereur se réserve de statuer par décisions spéciales
sur les propositions qui devront lui être soumises pour
constituer au profit de ces tribus la propriété commu-
nale et la propriété individuelle. Suivant ces décisions,
il sera procédé aux opérations prescrites par le sénatus-
consulte et par le règlement.
Dans les tribus qui occupent des territoires prove-
nant du séquestre, il conviendra de distinguer : i" les
territoires dont la jouissance a été laissée aux indigè-
nes atteints par le séquestre, comme les Ouled-Dhann,
par exemple, dans la province de Constantine; 2° ceux
sur lesquels les populations ont été resserrées par suite
de l'attribution d'une partie de ces territoires aux be-
soins de la colonisation, comme cela est arrivé dans la
province d'Oran pour les Hachem et les Beni-Amer;
3° ceux enfin qui ont été entièrement repris aux popu-
lations évincées. — Dans le premier cas, le sénatus-
consulte a pour effet d'annuler le séquestre. - Dans
le second, le séquestre n'est annulé que sur la partie
occupée par les indigènes; si cette partie du territoire
suffit aux besoins de la population, il y sera procédé,
sans revenir sur le passé, aux opérations de la délimi-
tation et de la répartition : si, au contraire, elle est
jugée insuffisante, elle sera complétée, autant que pos-
sible, au moyen de compensations. — Dans le troisième
cas, le sénatus-consulte, tout en confirmant l'attribu-
tion du territoire à la colonisation, sera interprété en
ce sens que la tribu évincée devra recevoir, autant que
possible, des compensations proportionnelles à ses
besoins constatés.
Il sera statué au sujet de ces tribus par décisions
spéciales de l'Empereur.
Dans les tribus qui occupent des territoires autrefois
mayhzen, comme dans celles qui sont établies sur des
territoires arch ou sab^ga, le sénatus-consulte doit re-
cevoir son application pleine et entière; ces tribus
réunissent à un titre égal les conditions de jouissance
permanente et traditionnelle sur lesquelles est basée
la déclaration de propriété.
Enfin, en ce qui concerne les tribus cantonnées, le
sénatus-consulte a pour double conséquence, d'une
part, de confirmer les faits accomplis; d'autre part,
d'arrêter les cantonnements en cours d'exécution.
Poursuivies simultanément sur divers points du terri-
toire, les opérations de cantonnement étaient arrivées
à différents degrés d'instruction ou d'exécution. Il y a
lieu de poser en principe que les cantonnements sur
lesquels le conseil consultatif du gouvernement général
n'a pas été appelé à se prononcer conformément à
l'article Ier, § 3, du décret du 30 avril 1861, seront con-
sidérés comme non avenus. Il en sera de même de
ceux qui, bien qu'ayant été soumis au conseil consul-
tatif, n'ont pas été suivis d'effet avant la promulgation
du sénatus-consulte. — Pour les tribus qui, par suite
des cantonnements effectués, n'ont reçu que des titres
collectifs de propriété, le sénatus-consulte aura pour
effet d'y faire constituer la propriété individuelle, lors-
que la mesure sera reconnue possible et opportune. —
Dans les autres tribus où les cantonnements entrepris
seront considérés comme non avenus, toutes les opé-
rations recevront leur exécution successive.
Dans tous les cas, si des ventes, partages, concessions
ou attributions diverses de territoires au profit d'Eu-
ropéens ou d'indigènes ont été consommés, soit sur
des terres domaniales, soit sur des territoires com-
pris dans les projets de cantonnement, soit même
sur des territoires de tribus, ces actes, quoique non
encore régularisés, devront être confirmés, pourvu
toutefois qu'avant la promulgation du sénatus-consulte
les intéressés aient fait acte de possession et d'exploi-
tation réelle. Il sera dressé pour chaque province, par
les généraux et par les préfets, un état des prises de
possession ainsi effectuées, et elles seront définitive-
ment régularisées par un décret.
Le sénatus-consulte ne touche en rien à l'assiette
actuelle des impôts de toute nature, mais il pose, ar-
ticle 4, un principe nouveau et considérable qui en-
traîne l'abrogation de la disposition de l'ordonnance
du 17 janvier 1845, en vertu de laquelle les impôts
arabes sont établis par des arrêtés ministériels. A l'a-
venir, lorsqu'il y aura lieu d'opérer soit dans l'assiette,
soit dans la quotité des impôts, une modification quel-
conque, cette modification ne pourra être réalisée que
par un décret rendu en la forme d'un règlement d'ad-
ministration publique. Ces garanties nouvelles accor-
dées par le sénatus-consulte aux populations de l'Algé-
rie, sont la conséquence de l'inauguration du droit
commun en matière de propriété.
Le sénatus-consulte établit, article 6, que partout où
la propriété est constituée, elle est librement trans-
missible même au profit de personnes étrangères aux
tribus. La liberté des transactions est donc dès à pré-
sent pleine et entière dans les tribus de cette catégo-
rie ; dans les autres, elle est restreinte aux melk, et ne
recevra son effet complet qu'au fur et à mesure des opé-
rations à la suite desquelles la propriété communale et
la propriété individuelle seront définitivement consti-
tuées. Il convient de remarquer en outre que, lors de
ces opérations, les possesseurs de melk, quels qu'ils
soient, seront tenus d'en faire la déclaration.
L'esprit général du sénatus-consulte étant ainsi
compris, il reste à examiner et à expliquer les disposi-
tions du règlement d'administration publique qui s'y
rattache.

Règlement d'administration publique du 23 mai 1863.

TITRE Ier.

Un intérêt particulier exige que le champ d'action


ouvert par les décrets qui doivent désigner les tribus à
délimiter, n'embrasse au début, dans chacune des pro-
vinces, que des espaces restreints. L'administration
possède de nombreux et précieux documents sw l'état
de la propriété en Algérie; mais il reste encore beau-
coup à apprendre sur cette question, et l'expérience
qui ressortira incontestablement des premières opéra-
tions fournira des données précieuses pour les com-
pléter. D'un autre côté, il importe aussi de faire l'é-
preuve des difficultés ou des facilités d'exécution qu'on
pourra rencontrer, du temps que pourront absorber les
opérations et des dépenses qu'elles occasionneront. Par
ces motifs, il ne sera formé à l'origine qu'une commis-
sion par province qui fonctionnera dans les deux terri-
toires indistinctement.
Les premières tribus à délimiter devront être choi-
sies parmi les plus rapprochées de nos centres de co-
lonisation et d'occupation, et particulièrement en ter-
ritoire civil.
Le choix des présidents des commissions devant
avoir une grande importance, leur nomination sera
soumise à l'approbation de l'Empereur. Les autres
membres seront nommés par le gouverneur général et
choisis parmi les fonctionnaires et agents réunissant
à la connaissance des affaires arabes l'activité, la vi-
gueur, le dévouement et le zèle nécessaires pour con-
courir à cette œuvre considérable.
Mais, quel que soit le mérite des membres de ces
commissions, ils ne sauraient suffire à leur tâche et la
poursuivre avec la rapidité que réclame l'intérêt de la
colonie, s'ils n'étaient secondés par des auxiliaires
tirés des administrations locales, et qui, par leur con-
naissance approfondie des personnes et des choses de
chaque localité, seront à même de réunir simultanément
tous les éléments d'une instruction préliminaire. Tel
est le motif de la disposition du règlement qui institue
les sous-commissions.
Le nombre de ces sous-commissions, leur composi-
tion et le mode de nomination des membres, sont lais-
sés à la latitude du gouverneur général.
Il en est de même de la désignation des délégués in-
digènes qui devront assister les sous-commissions dans
leurs travaux préparatoires et représenter plus tard,
auprès des commissions, les intérêts des tribus et des
douars. Le nombre de ces délégués ne saurait être fixé
à l'avance. Il appartient à l'administration de veiller à
ce que la représentation de chaque tribu soit suffisante
et efficace. Les chefs investis feront, dans tous les cas,
partie de droit de cette représentation.
Après la promulgation des décrets qui désigneront
les tribus dans lesquelles il sera procédé aux opéra-
tions de délimitation et de répartition, les commissions
et les sous-commissions seront immédiatement insti-
tuées. Les représentants des tribus seront en même
temps désignés, et c'est seulement alors que seront
établis les procès-verbaux qui doivent donner la date
certaine à partir de laquelle courra le délai de reven-
dication des biens beylick et des biens melk.
Ces procès-verbaux seront dressés sur le rapport des
autorités locales par les généraux commandant les divi-
sions, ou parles préfets, lorsqu'ils se seront assurés que
les décrets ont reçu une publicité suffisante.
Aux termes de l'article 10 du titre III, les revendi-
cations du service des domaines et des propriétaires de
melk doivent être faites devant le président de la com-
mission. On comprend combien il est utile que ces dé-
clarations soient rendues faciles aux intéressés. Si les
tribus à délimiter ne formaient pas un tout compacte
dans chaque province, ou si , pour des motifs impré-
vus, les présidents des commissions ne pouvaient se
tenir à portée des populations pour recevoir leurs dé-
clarations, il serait nécessaire qu'ils se fissent suppléer
par des membres des commissions ou des sous-com-
missions.
Quoi qu'il en soit, les déclarations seront inscrites
successivement sur des étals dont la formule sera
préalablement fournie aux présidents des commissions.
Il y aura pour ces inscriptions un état spécial par
tribu. Les présidents des commissions ou leurs sup-
pléants donneront aux intéressés acte de leur déclara-
tion, et il en sera fait mention sur les états.
Ces revendications de biens beylick et de biens melk
seront accompagnées de tous les renseignements pro-
pres à faire connaître la situation et l'étendue des ter-
rains revendiqués, ainsi que les titres sur lesquels elles
sont appuyées. Des feuilles imprimées reproduisant le
tracé des états destinés à l'inscription de ces revendi-
cations, seront délivrées gratuitement aux intéressés,
afin de les astreindre à fournir uniformément les indi-
cations exigées.
L'article 11 du titre III prescrit que les revendications
seront immédiatement communiquées aux représen-
tants des tribus et des douars intéressés, afin que ceux-
ci puissent faire opposition dans le délai voulu à celles
qu'ils ne croiraient pas fondées. Ces communications
seront faites par les soins des présidents des commis-
sions ou par leurs suppléants, au moyen de la remise
d'un extrait de l'état indiqué ci-dessus.
Lorsque, à la suite de ces communications, des op-
positions seront formées par les représentants des tri-
bus ou des douars, il en sera immédiatement donné
avis aux présidents des commissions ou à leurs sup-
pléants, et ceux-ci en feront mention sur l'état de la
tribu, en regard de chaque revendication.
Dans leur organisation actuelle, les tribus n'ont pas
de représentation régulièrement autorisée à ester en
justice et à défendre aux revendications. Le gouver-
neur général provoquera les mesures nécessaires pour
faire donner à leurs représentants le mandat légal
dont ils doivent être pourvus devant les tribunaux.
Ainsi, recevoir les déclarations du service des do-
maines ou des propriétaires de mclk; en donner avis
aux représentants des tribus ou des douars, tel est le
début des travaux des présidents de commissions ou
de leurs délégués pour cette partie de leurs attribu-
tions.
Concurremment, les sous-commissions s'occuperont
de réunir tous les documents de nature à éclairer les
commissions :
t ° Sur les limites de la tribu :
2° Sur celles de chaque douar;
3° Sur celles, dans chaque douar, des biens commu-
naux et des biens collectifs de culture ;
4° Sur celles, dans chaque masse de biens commu-
naux ou de biens collectifs de culture, des biens bey-
lick et des biens melk revendiqués ;
5° Sur les contestations qui pourraient s'élever à
l'occasion de ces limites.
Dans cette enquête préparatoire, les sous-commis-
sions devront s'enquérir soigneusement des traditions,
des coutumes sur lesquelles les populations appuient,
à défaut de titres, leurs prétentions réciproques. Tout
en mentionnant dans leurs rapports l'opinion qu'elles
pourront se faire sur les droits de chacun, elles n'ou-
blieront pas qu'elles doivent, avant tout, y consigner
fidèlement les observations des intéressés, et qu'elles
ont pour mission de préparer les opérations de délimi-
tation et de répartition, et non de préjuger les déci-
sions qu'auront à rendre les commissions.
Les informations des sous-commissions seront ap-
puyées, chaque fois que besoin sera, de croquis vi-
suels faisant ressortir la situation des terrains contes-
tés. Des officiers ou des agents du service topogra-
phique seront chargés de ce travail graphique, qui
devra toujours être fait sommairement et avec rapidité.
TITRE II.

Les travaux préliminaires des sous-commissions étant


achevés, ils seront centralisés par le général comman-
dant la division ou par le préfet, suivant le territoire,
et envoyés au président de la commission.
La commission se réunira alors et procédera, en s'é-
clairant des travaux des sous-commissions, à la recon-
naissance des limites de la tribu. Elle se rendra, à cet
effet, sur les lieux, avec les représentants de la tribu
et ceux des tribus limitrophes, parcourra les limites
point par point, vérifiera la description qui en a été
faite par les sous-commissions, et les éléments réunis
pour éclairer les litiges. Elle s'appliquera à régler,
séance tenante, ceux de ces litiges concernant les melk
que les parties intéressées consentiraient à vider à l'a-
miable.
La commission est autorisée à statuer elle-même,
sous l'approbation du général commandant la division
ou du préfet, sur les litiges qui portent sur des ter-
rains arch ou sabega. Cette attribution de juridiction
lui a été conférée par l'article 5, parce que les contes-
tations de cette nature reposent sur des faits histori-
ques, établis le plus souvent par des traditions contra-
dictoires, qu'elle seule pouvait apprécier sainement
sur les lieux, en se formant une opinion au contact
même des populations. C'est avec la plus grande cir-
conspection qu'elle devra user du pouvoir dont elle est
exceptionnellement investie, en ne négligeant rien pour
que, dans les formes comme pour le fond, ses déci-
sions soient accueillies par les tribus avec la confiance
et le respect qu'elles montrent pour les arrêts de la
magistrature française.
Si les terrains contestés ont un caractère melk ou bey-
lick, le litige devra être porté devant les tribunaux. Mais,
quelles que soient les contestations auxquelles les opé-
rations de délimitation pourront donner lieu, qu'elles
aient été réglées à l'amiable, renvoyées aux tribunaux
ou jugées souverainement par la commission, celle-ci
aura toujours à se prononcer d'une manière définitive
sur le fait même de la délimitation qui, dans son en-
semble, est une opération essentiellement administra-
tive.
Les décisions des commissions sur les litiges élevés
relativement à des terrains arch pouvant affecter l'in-
térêt politique ou administratif, il était naturel de les
soumettre à l'approbation du général commandant la
division ou du préfet; mais ce recours ne saurait dans
aucun cas arrêter la marche des opérations. L'appro-
bation ou l'infirmation du général ou du préfet sera
jointe au rapport de la commission, et c'est au gou-
verneur général qu'il appartiendra en dernier lieu de
maintenir ou d'annuler les décisions.
La reconnaissance contradictoire pourra faire re-
naître des litiges depuis longtemps pendants sur des
terrains inoccupés et que les indigènes désignent quel-
quefois par l'expression de blad-el-baroud, parce qu'ils
ont été souvent revendiqués par les armes. Les tribus
ne sauraient invoquer le bénéfice de l'article 1er du
sénatus-consulte pour prétendre que la propriété de
ces terrains leur est acquise, puisqu'elles ne peuvent
faire preuve d'une jouissance permanente et tradition-
nelle. Dans ce cas, les commissions sont autorisées à
prononcer l'attribution de ces terrains au domaine
de l'État, sous la réserve de l'approbation mentionnée
à l'article 5.
Enfin, s'il s'agit d'une tribu frontière dont le terri-
toire touche à celui de la régence de Tunis ou de
l'empire du Maroc, la commission se conformera aux
délimitations consacrées par les traités internationaux.
En cas de doute dans l'interprétation de ces traités,
et s'il s'élevait des difficultés, le président de la com-
mission devrait en référer au gouverneur général, qui
prendrait les ordres de l'Empereur.
La délimitation de la tribu étant arrêtée, la com-
mission la fera repérer sur le terrain, conformément
aux indications du mémoire descriptif, au moyen d'un
bornage qui sera aussitôt effectué aux frais des tribus.
Les travaux de la commission seront ensuite résu-
més dans un rapport sommaire qui sera transmis,
avec toutes les pièces de l'instruction, par le prési-
dent, au général commandant la division ou au préfet,
et par ces derniers au gouverneur général, qui consta-
tera la régularité des opérations. Le contrôle exercé
par le gouverneur général sur les travaux des com-
missions implique nécessairement pour lui le droit
d'annuler celles des opérations qui ne seraient pas
reconnues régulières, et de prescrire les mesures né-
cessaires pour les faire rectifier ou recommencer.

TITRE m.

La délimitation du territoire de la tribu étant ac-


complie, le rapport résumant les opérations et les
pièces à l'appui étant adressés au gouverneur général,
la commission procédera sans désemparer à la répar-
tition du territoire entre les douars.
Cette seconde phase de ses travaux comporte égale-
ment le soin de s'approprier tout d'abord les infor-
mations préliminaires des sous-commissions, après les
avoir vérifiées, modifiées et complétées, s'il y a lieu.
A part le cas particulier, dont il sera parlé, où un
ou plusieurs douars de la tribu auraient subi une dis-
traction de territoire au profit de la colonisation ou
d'un service public, la répartition ne sera pas autre
chose que la délimitation des douars entre eux, après
le règlement des litiges soulevés par leurs prétentions
réciproques à la possession de certaines parcelles de
biens communaux ou de biens collectifs de culture.
Le règlement de cette nature de litiges sera donc pour
la commission le point de départ de ses opérations.
On a déjà fait remarquer combien il était délicat
pour la commission d'avoir à se prononcer sur des
questions de propriété dans les délimitations de tribu
à tribu. Sa responsabilité morale est encore plus sé-
rieusement engagée dans l'usage qu'elle aura à faire
de cette partie de ses attributions vis-à-vis des douars,
car son action portera alors ,sur des intérêts généraux
auxquels se rattachent plus directement les intérêts
privés. De même que les questions de propriété de
particulier à particulier sont plus ardentes que celles
de douar à douar, ces dernières passionnent plus
d'habitude les indigènes que celles de tribu à tribu.
Des influences religieuses ou politiques ont souvent
modifié dans le passé le territoire des douars, et le
souvenir des luttes et des regrets que ces empiéte-
ments ont engendrés est encore vivace au cœur des
populations. Il ne saurait entrer dans le rôle de la
commission d'entreprendre la réparation des injus-
tices qui auraient pu être commises à une époque
éloignée. Sa mission se bornera en général à consa-
crer les faits accomplis dans la distribution du sol, et
ce n'est qu'exceptionnellement, en agissant avec la
plus grande réserve, qu'elle devra modifier des situa-
tions acquises.
Cependant, si un ou plusieurs douars de la tribu
avaient subi des distractions de territoire, il ne serait
pas juste de laisser peser sur les uns les conséquences
de cette dépossession, alors que d'autres, dans la même
tribu, en seraient affranchis. La commission consta-
tera, dans ce cas, contradictoirement avec les repré-
sentants de la tribu, la contenance du territoire pri-
mitif, celle des prélèvements supportés, et évaluera la
part proportionnelle pour laquelle les douars demeu-
rés intacts contribueront aux compensations territo-
riales à accorder aux douars dépossédés. Toutefois
ces compensations seront réalisées autant que possible
sans bouleverser les divisions anciennes de la pro-
priété.
Les terres de tribu présentent deux caractères bien
-
tranchés. Les unes, communes à la tribu tout entière,
ou à un ou plusieurs douars, servent au pâturage des
troupeaux. Les autres, propres à chaque douar, com-
prennent les terres de culture, non pas indivises en
fait, non pas communes à tous, non pas sujettes à
la répartition annuelle et arbitraire des chefs, mais
possédées en général, par parcelles bien définies, par
les mêmes familles, qui se les transmettent hérédi-
tairement. Cette distinction sera soigneusement ob-
servée par la commission, ainsi qu'elle a été établie
dans le règlement d'administration publique par les
dénominations de biens communaux et de biens collec-
tifs de culture.
Les litiges entre les douars une fois réglés, et les
biens communaux distingués des biens collectifs de
culture, la commission n'aura plus qu'à arrêter la
délimitation de la circonscription de chaque douar,
de manière qu'elle comprenne les biens propres du
douar, ainsi que les melk faisant l'objet des reven-
dications déférées aux tribunaux. Quant aux biens
beylick, aux biens communaux provisoirement indivis
entre plusieurs douars, et aux melk non contestés, ils
pourront être compris indifféremment dans tel ou tel
douar, suivant les convenances administratives.
Après l'expiration du délai accordé à la tribu et aux
douars pour former opposition aux revendications de
biens beylick et de biens melk, les biens non contestés
seront acquis aux auteurs de la revendication. Il sera
dressé, par le président de la commission, un procès-
verbal de cette attribution, et des extraits de ce procès-
verbal seront remis aux intéressés.
Enfin, au fur et à mesure que les tribunaux rendront
leurs arrêts dans les affaires dont ils auront été saisis,
les biens beylick ou melk pour lesquels les douars
obtiendraient gain de cause feront retour, soit aux
biens communaux, soit aux biens collectifs de culture.
TITRE IV.
Le sénatus-consulte prévoit le cas où, soit dans l'in-
térêt des populations indigènes, pour faciliter le libre
essor de leur activité ou de leurs besoins, soit dans
l'intérêt de la colonisation européenne, pour la réali-
sation des entreprises que pourraient former de grandes
associations de capitaux, soit enfin dans l'intérêt de
l'État lui-même, pour l'exécution des travaux d'intérêt
général, il conviendrait de traiter avec les douars de
l'aliénation de la propriété collective.
Le règlement d'administration publique détermine
les formes de cette aliénation.
Une fois investis de la propriété de leur territoire,
il faut que les douars aient une représentation revêtue
du caractère de personne civile, apte à transiger et à
stipuler au nom de la communauté. — De là nécessité
de donner l'institution officielle aux réunions de nota-
bles qui, sous la dénomination de djemâa, représen-
tent, suivant la coutume arabe, l'intérêt collectif des
différents groupes. Cette institution, qui sera conférée
par les généraux ou les préfets, suivant le territoire,
donnera qualité aux djemâa pour remplir, dans l'ins-
truction des demandes d'échange ou de vente des
biens communaux, un rôle analogue à celui des con-
seils municipaux dans les communes constituées.
Ultérieurement, le gouverneur général soumettra
des propositions à l'Empereur pour créer dans les
tribus une organisation municipale adaptée à la situa-
tion de la société arabe et susceptible de se compléter
à mesure que le comporteront le progrès matériel et
moral et les besoins des populations.
Le règlement indique les formalités à remplir pour
les aliénations par voie d'échange ou par voie de vente
aux enchères ou de gré à gré. Bien que ce dernier
mode ne soit pas admis en France pour les biens des
communes, il pourra être autorisé par l'administra-
tion pour les biens des douars, afin de faciliter et de
simplifier les transactions dans certains cas. Les for-
malités édictées par les articles 17, 18 et 19 sont em-
pruntées en général à la législation municipale et à
celle qui régit en Algérie l'aliénation des biens doma-
niaux. L'administration est armée du pouvoir le plus
large pour apprécier les considérations de toute na-
ture qui pourraient justifier les projets d'aliénation ou
commander de les restreindre. Elle devra veiller à ce
que les djemàa ne se laissent pas trop facilement en-
traîner à déshériter les générations futures pour satis-
faire à l'intérêt du moment.
Si les douars étaient organisés en communes, ils
auraient leur budget particulier, dont le germe existe
dans le budget des centimes additionnels à l'impôt
arabe, et qui s'alimenterait de la part contributive des
populations indigènes dans la répartition de l'octroi
de mer, des taxes locales et nécessairement du produit
de l'aliénation des biens communaux. — En attendant
que cette institution ait pu être réalisée, il importait
d'indiquer un moyen transitoire de garantir aux douars
la localisation de leurs ressources. Le règlement y a
pourvu en prescrivant que le prix de l'aliénation des
biens des douars sera versé, pour leur compte, dans la
caisse du service des contributions diverses, qui en
tiendra comptabilité spéciale, et l'administration devra
veiller à ce qu'il en soit fait régulièrement emploi dans
l'intérêt exclusif du groupe qui aura consenti l'aliéna-
tion de sa propriété. Cette condition est essentielle
pour justifier aux yeux des populations indigènes la
moralité des transactions de l'espèce. Ce sera d'ail-
leurs une mesure politique et féconde, que de créer
ainsi la possibilité d'appliquer sur place, au profit de
la communauté prise dans son ensemble, une res-
source fournie par le patrimoine commun et qui sera
souvent d'une grande utilité pour l'amélioration de la
situation des douars.
L'organisation de cette comptabilité particulière et
le mode d'ordonnancement des dépenses devront faire
l'objet de dispositions spéciales qui seront étudiées et
proposées par le gouverneur général. Le principe de
ces dispositions existe déjà d'ailleurs dans l'article 54
du décret du 27 octobre 1858.
La restriction apportée par l'article 23 du règlement
au droit d'aliénation des douars découle de l'interpré-
tation de l'article 3 du sénatus-consulte combinée avec
celle de l'article 6; elle s'applique spécialement aux
terres de culture. La propriété de ces terres a été con-
sacrée collectivement, il est vrai, au profit du douar,
mais, en réalité, les familles en usent à titre privatif,
et si celles-ci étaient dépossédées par le douar, elles
devraient être indemnisées, soit en argent, soit par des
compensations en nature. Or l'attribution d'une in-
demnité en argent aux détenteurs dépossédés préju-
gerait des droits qui ne peuvent être déterminés que
par le partage, et, d'un autre côté, une compensation
en nature troublerait l'assiette de la possession des
autres occupants. Jamais d'ailleurs on n'obtiendrait le
consentement de ces familles, et, en fait comme en
droit, les terrains dont il s'agit ne pourraient être
aliénés que lorsqu'ils auront fait l'objet d'une répar-
tition individuelle.

TITRE V.

Des décrets impériaux doivent désigner successive-


ment les douars dans lesquels il sera procédé à la
constitution de la propriété individuelle par des com-
missions ou des sous-commissions instituées confor-
mément à l'article 2 du titre Ier. Cette mesure pourra
suivre immédiatement les opérations de délimitation
et de répartition, si elle est justitiée tout à la fois par
les intérêts particuliers des indigènes et par les inté-
rêts généraux de la colonie.
La constitution de la propriété individuelle ne doit
nécessairement embrasser que les terres de culture,
et consiste à y faire cesser l'indivision, en déterminant
les droits respectifs des familles qui les détiennent.
Après l'opération, il n'existera plus dans le douar
d'autre propriété collective que celle des biens com-
munaux.
Cette substitution de droits individuels incommu-
tables au droit collectif du douar sur une partie de
son territoire est une véritable révolution à opérer
dans l'état de la propriété chez les Arabes ; c'est, en
fait, l'abrogation des dispositions obscures du droit
musulman en ce qui concerne la terre arch ou sabega.
De plus, elle touche aux intérêts les plus considéra-
bles de la population indigène, qui est essentiellement
agricole et qui estime la possession foncière au-dessus
de toutes les richesses. A ce double titre, elle mérite
de fixer toute l'attention des commissions et se recom-
mande d'une manière toute spéciale à leur esprit de
justice et d'équité.
Les bases d'après lesquelles doit s'opérer le fraction-
nement du droit collectif du douar n'ont pas été fixées
d'une manière absolue par le règlement. L'article 26
se borne à énoncer que le partage aura lieu en tenant
compte, autant que possible, des jouissances anté-
rieures, des coutumes locales, de l'état des populations.
Le sens de ces termes généraux doit être bien compris
par les commissions, afin que la latitude qui leur est
laissée ne les entraîne pas au-delà des intentions du
législateur.
On a déjà rappelé que les terres de culture ne sont
pas l'objet d'une répartition annuelle abandonnée à
l'arbitraire des chefs, qu'elles sont, au contraire, dé-
tenues en grande partie par les mêmes familles, qui
se les transmettent héréditairement tant qu'elles se
perpétuent sur les lieux et qu'elles ont les moyens
d'exploiter. Il convient d'ajouter que, lorsqu'une fa-
mille s'éteint ou quitte le douar, ses terres font retour
à la communauté. Il en est de même des terres qu'une
famille laisse retomber en friche. Le douar dispose
alors des terres non occupées en faveur d'autres exploi-
tants.
La conséquence à tirer de cet état de choses, c'est
que toutes les familles ne sauraient prétendre au par-
tage et qu'elles ne peuvent y être admises avec des
droits égaux. Les individus qui ne sont pas originaires
du douar ou qui n'y ont pas leur domicile, ceux qui
ne possèdent pas de ressources, pourront être exclus
de la répartition, tandis que les titres les plus sérieux
sur lesquels une famille puisse appuyer ses préten-
tions résultent de l'étendue et de la durée de la jouis-
sance dont elle est en possession. Les commissions
devront donc se proposer, en général, la consécration
des droits de jouissance existants, bien plus que l'éta-
blissement d'une assiette nouvelle de la propriété.
Elles ne devront créer des droits nouveaux qu'avec la
plus grande réserve, en tenant compte cependant des
considérations particulières qui pourraient militer en
faveur de certaines situations.
Ainsi, par exemple, il existe dans les douars des fa-
milles considérées qui sont momentanément tombées
dans le dénûment. Sous le régime précédent, ces
familles pouvaient espérer se relever un jour et recou-
vrer des droits de jouissance sur le collectif. Il ne
serait ni équitable ni politique de leur enlever au-
jourd'hui cette perspective, en les excluant rigoureu-
sement du partage.
Des individus ou des familles prolétaires jusqu'alors
pouvaient espérer, par leur travail et par leur éco-
nomie, s'éiever au rang de fellah. Il serait également
rigoureux de les priver du bénéfice auquel leur qua-
lité de membre du douar pouvait leur donner des
droits.
Les situations de cette nature constituent ce que le
règlement a entendu dire par l'état des populations. Il
y a loin néanmoins de cette appréciation équitable des
droits de chacun à l'application d'une loi agraire, qui
troublerait profondément la société arabe, en détrui-
sant les véritables bases sur lesquelles le sénatus-con-
sulte a voulu fonder la propriété.
La commission aura souvent à constater l'existence
dans les douars de certaines terres qui constituent
pour ainsi dire l'apanage des chefs et sur lesquelles
ces derniers n'ont qu'un droit de jouissance transitoire
et révocable comme leur commandement. Ces terres
seront rattachées aux biens communaux, lorsqu'il n'y
aura pas lieu de les comprendre dans le territoire à
partager.
Dans cet ordre d'idées, les travaux préliminaires
dont les sous commissions auront à s'occuper com-
portent une enquête approfondie dans chaque douar
sur l'état des individus, sur l'état actuel de la posses-
sion, sur les droits qui en résultent pour les occu-
pants. Elles rechercheront les usages locaux, les tra-
ditions, les faits historiques ou administratifs qui ont
pu modifier la situation de chacun. En un mot, leurs
investigations embrasseront les questions de la pro-
priété dans tous ses détails, afin de sauvegarder tous
les intérêts.
A l'aide de ces documents, les commissions prépa-
reront sur les lieux un projet d'allotissement, dont le
cadre pourra être calqué utilement sur les opérations
analogues faites par la commission des transactions et
partages qui a fonctionne dans la province d'Alger
jusqu'à ces derniers temps. On devra respecter autant
que possible les divisions anciennes du sol : elles sont
connues des populations, elles portent des dénomina-
tions qui aident à faire reconnaître la situation des
biens de chacun sans avoir recours à des plans.
Le projet d'allotissement, dressé avec le concours
des djemâas des douars, sera communiqué aux inté-
ressés par les soins mêmes des commissions, qui de-
vront prendre toutes les mesures nécessaires pour que
les réclamations soient produites dans le délai fixé.
Un procès-verbal dressé par le président de la com-
mission donnera date certaine à la communication, et
une enquête sera aussitôt ouverte dans chaque douar
pour recevoir les réclamations des intéressés.
Le délai d'un mois expiré, l'enquête sera close et la
commission se réunira pour statuer définitivement sur
le projet d'allotissement. Le pouvoir dont elle est in-
vestie à cet égard est considérable puisqu'il lui confère
le droit de prononcer souverainement entre particu-
liers sur des questions d'attribution de propriété. Il a
paru nécessaire, dans l'intérêt même des familles,d'éten-
dre jusqu'à ce degré la compétence des commissions.
Les droits de ces familles reposent sur la tradition,
sur des appréciations de faits matériels et moraux,
qui ne peuvent être bien compris que sur les lieux et
au moyen de relations directes avec les populations.
Les tribunaux ordinaires n'eussent pas suffi à cette
tâche.
Les contestations réglées, le projet d'allotissement
modifié, s'il y a lieu, la commission veillera à ce qu'il
soit fidèlement repéré sur le terrain à l'aide d'un bor-
nage, qui sera exécuté aux frais des intéressés.
L'ensemble des opérations donnera lieu aux forma-
lités administratives prescrites par l'article 29, et la
constatation de la propriété individuelle ne sera défi-
nitive que lorsqu'elle aura été sanctionnée par des
décrets.
L'administration délivrera aux ayants droit des titres,
portant en arabe et en français le nom du proprié-
taire, le numéro de la matrice foncière de chaque pro-
priété, sa situation et son étendue.
La délivrance de ces titres fera cesser de droit la
restriction édictée par l'article 3 du sénatus-consulte
en ce qui concerne la liberté des transactions immo-
bilières.

TITRE VI.

L'article 33 porte que les frais de bornage et les


frais de justice seront à la charge des tribus et des
douars. Ces dépenses ne sauraient en effet concerner
l'État, qui aura d'ailleurs à pourvoir à toutes celles que
pourront entraîner les opérations des commissions.
Néanmoins il y aura lieu d'examiner, après expé-
rience faite des premières opérations, s'il ne con-
viendrait pas de faire également supporter aux tribus
une partie de ces dépenses. En attendant, il y sera
pourvu au moyen des crédits disponibles du cha-
pitre XII du budget de l'État (Colonisation et topo-
graphie).
L'article 34 maintient en principe l'obligation pour
les tribus du Tell de recevoir à certaines époques de
l'année sur leurs communaux les troupeaux des
Sahariens. De temps immémorial, des tribus du Sahara
descendent dans le Tell poury rechercher les pâturages
qui leur font défaut sur les hauts plateaux. Ces mi-
grations périodiques n'ont pu créer aux nomades des
titres absolus de jouissance, mais il convenait de ne
pas troubler des usages anciens et de réserver l'ave-
nir tout en respectant les droits de propriété des tri-
bus. Les indemnités dues par les nomades seront ré-
glées par l'administration.
Les réserves imposées aux tribus par l'article 35
sont justifiées bien plus par leur propre intérêt que par
celui de l'État. Aussi devra-t-on les établir, non-seule-
ment sur le parcours des grandes voies de communica-
tion, mais aussi sur les chemins de moindre impor-
tance, fréquentés par les indigènes, et aux points qui
leur servent habituellement de gîtes.
Ces instructions, qui ont pour but de fixer les prin-
cipes généraux d'après lesquels on doit procéder à la
constitution de la propriété dans les territoires occu-
pés par les Arabes, ne sauraient prévoir toutes les dif-
ficultés et les circonstances accidentelles qui pourront
se présenter dans l'exécution. Chaque fois qu'il y aura
lieu à interprétation soit du sénatus-consulte, soit du
règlement, le gouverneur général devra en référer à
l'Empereur.
Le gouverneur général devra en outre rendre

FIN.
TABLE DES MATIÈRES.

édition.
Avant-propos.
Avertissement de la deuxième
Pages.
1

PREMIÈRE PARTIE.

Loi du 16 juin 1851 sur la propriété en Algérie. 19

DEUXIÈME PARTIE.
— APPENDICE.
SECTION I, LÉGISLATION DOMANIALE.

I. Ordonnance du 9 novembre 1845 sur le Domaine. 153


II. Décret du 26 avril 1851 sur les concessions. 156
III. Décret du 2 avril 1854 sur les partages de biens in-
divis entre le domaine de l'État et les particuliers. 165

domaniales.
IV. Décret du 25 juillet 1860 sur l'aliénation des terres
172

Algéhe.
SECTION II, EXPROPRIATION.

I. Ordonnance du 1er octobre 1844 sur la propriété


en 181
II. Décretdu 11 j Uin 1858 sur l'expropriation d'urgence. 201
Orllonnancc du 21
SECTION III, VÉRIFICATION.

juillet 1846. :
SECTION IV, SÉQUESTRE.
., Pages.
204

Ordonnance du 31 octobre 1845 sur le séquestre. 224

SECTION V, CONSTITUTION DE LA PROPRIÉTÉ ARABE.

1863.
1863.
I. Sénatus-consulte du 22 avril
II. Décret du 23 mai
III. Instructions générales du 11 juin 1863.
240
244
259

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