Fiche 4 DAG 2021

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Fiche n° 4 – LA POLICE ADMINISTRATIVE

Section 2 – la police administrative

Il ne s’agit pas du corps de fonctionnaire ou de l’institution mais de l’activité de


police administrative.

C’est l’activité de service public qui a pour mission le maintien de l’ordre public.

Le corollaire de cette mission, c’est l’obligation pour l’administration d’intervenir


lorsque l’ordre public est menacé.

A défaut, l’administration engage sa responsabilité.

Nous étudierons la notion de police administrative, avant de voir son objet et ses
limites.

§1 : La notion de police administrative

La définition initiale de la police administrative a connu des évolutions.

A. Définition de la police administrative

La police administrative se définit en opposition avec la police judiciaire.

Problème : les opérations de police administrative et de police judiciaire sont


souvent exercées par les mêmes personnes (policiers, gendarmes).

Toutefois, ce n’est pas le même juge qui est compétent. Le juge administratif est
compétent lorsque l’on se trouve face à une opération de police administrative, et le
juge judiciaire est compétent pour les opérations de police judiciaire.

Il est donc impératif de les distinguer.


A l’origine, on utilisait le critère organique : on recherchait quel était l’organe à
l’origine de l’action et du dommage.

On recherchait seulement qui était l’auteur de l’opération.

Ce critère s’est toutefois rapidement révéré insuffisant, puisque les missions étaient
exercées par les mêmes agents.

Un tournant important est intervenu en 1951 : CE, 11 mai 1951, consorts BAUD.

Les faits : des inspecteurs de police, recherchant des malfaiteurs, entrent dans un café.
Un consommateur prend peur et s’enfuit. Un des policiers se lance à sa poursuite et le
tue.
Procédure : la famille saisit le juge administratif d’une demande indemnitaire. Le juge
administratif décline sa compétence en considérant qu’il s’agit d’une opération de
police judiciaire. Le juge considère que les policiers agissaient dans le cadre d’une
mission de police judiciaire, afin de réprimer une infraction.

A compter de la jurisprudence BAUD, le critère retenu est un critère finaliste : on


recherche le but poursuivi par l’auteur du dommage.

Police judiciaire : constatation d’une infraction et recherche de ses auteurs.


L’objectif de la police judicaire est de sanctionner un comportement
contraventionnel, délictuel ou criminel.
Elle relève du droit pénal et du juge judiciaire.

Police administrative : elle vise la prévention et la protection de l’ordre public.


Elle intervient en l’absence de tout comportement délictuel, contraventionnel ou
criminel.
Elle relève du droit et du juge administratif.

Exemple : la décision d’interdire le stationnement dans une rue relève de la police


administrative. La contravention dressée à l’encontre d’un automobiliste qui aurait
contrevenu à cette interdiction relève de la police judiciaire.

Cependant, une même opération matérielle peut être qualifiée de police


administrative, puis de police judiciaire :

TC, 5 décembre 1977, Delle MOTSCH : dans le cadre d’une opération de contrôle
d’identité dans un but préventif (mesure de police administrative), un automobiliste
refuse de s’arrêter et prend la fuite. La Demoiselle Motsch est passagère de la
voiture. Les policiers se lancent à sa poursuite et, devant le refus d’obtempérer de
l’automobiliste, tirent et blessent Mademoiselle Motsch. Le TC a considéré que le
dommage était intervenu à un moment où l’activité de police administrative
préventive (contrôle d’identité) s’était muée en une opération de police judiciaire
(attraper une personne en fuite).

Il fallait donc qualifier les faits et se placer dans l’état d’esprit des policiers au
moment du dommage.

La situation était complexe pour les victimes et une évolution s’imposait pour fixer
la définition.

B. Evolution et définition actuelle de la police administrative

L’évolution de la jurisprudence est rapide.

TC, Sté Le Profil, 12 juin 1978 : Les services de police étaient chargés d’escorter la
société Le Profil, qui convoyait des fonds lui appartenant de la banque jusqu’à son
siège. Le convoi est attaqué par des braqueurs, et malgré les efforts de la police
(poursuite des voleurs), les agresseurs réussissent à s’enfuir avec leur butin.
La société Le Profil a entendu obtenir une réparation financière.

Si devait appliquer strictement le critère finaliste, on devrait considérer que


l’opération était une opération de police administrative jusqu’à l’attaque puis
opération de police judiciaire ensuite. Il aurait donc fallu que le propriétaire des
fonds mène deux actions, l’une devant le juge administratif (puisque la police
n’avait pas réussi à sécuriser le convoi) l’autre devant le juge judiciaire (puisque la
police n’avait pas réussi à attraper les voleurs). Ces deux actions devaient être
dirigées contre l’Etat, sur le même droit applicable (le juge judiciaire applique le
droit administratif – Cass. 23 novembre 1956, GIRY) et avec le même préjudice.
La situation était insoluble.

Le Tribunal des Conflits a donc aménagé le critère finaliste et considéré la mission


poursuivie dans sa globalité. Il a considéré que la mission était globalement une
mission de protection du convoi et donc une mission de police administrative qui
relevait de la compétence du juge administratif.
« Considérant que le préjudice allégué, intervenu au cours d’une opération tendant à
assurer la protection des personnes et des biens, trouve essentiellement son origine
dans les conditions dans lesquelles a été organisée cette mission de protection ;
qu’une telle mission relève de la police administrative ; que les litiges relatifs aux
dommages que peuvent causer les agents du service public dans de telles
circonstances relèvent de la compétence de la juridiction administrative ».

Le juge a donc été amené à aménager le critère finaliste, dans un objectif de bonne
administration de la Justice.

La police administrative est donc une police chargée de la protection et de la


prévention, et elle recouvre des mesures très variées :

- mesures négatives (obligation de ne pas faire) : interdiction de commercialiser un


produit ; interdiction d’une manifestation, etc.
- mesures positives (obligation de faire) : réquisitions, injonctions (de quitter le domaine
public, par exemple)
- mesures de refus d’autorisation (refus de permis de construire, par exemple)
- les mesures passives : surveillance des voies publiques, protection des zones sensibles,
veille sanitaire, etc.

§2 – L’objet de la police administrative

On distingue la police administrative générale des polices administratives spéciales,


dédiées à un objet spécifique.

L’objet est différent selon qu’il s’agit de la police administrative générale ou de


polices administratives spéciales.

A. la police administrative générale et la mission de maintien de


l’ordre public

La police administrative générale constitue le droit commun, et sa mission est de


prévenir les atteintes à l’ordre public.

1. Qu’est-ce que l’ordre public ?

a) Il est essentiellement définit par l’article L 2212-2 du Code Général des


Collectivités Territoriales (CGCT) : « La police municipale a pour objet d'assurer le
bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ».
Les composantes de l’ordre public sont donc :

- Le bon ordre (ou encore la tranquillité publique) : il s’agit de garantir le calme et le


repos des habitants.

L’article L 2212-2 en donne des illustrations :

2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes
accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée
publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements
nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la
tranquillité publique ;

3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements


d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles,
jeux, cafés, églises et autres lieux publics ;

- La sécurité, assimilée globalement à la sûreté : la police administrative doit veiller


à la sécurité des personnes et des biens.

L’article L 2212-2 précise :

1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et
voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des
encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires
menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui
puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou
causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements,
déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que
ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées

6° Le soin de prendre provisoirement les mesures nécessaires contre les personnes atteintes
de troubles mentaux dont l'état pourrait compromettre la morale publique, la sécurité des
personnes ou la conservation des propriétés ;

7° Le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés
par la divagation des animaux malfaisants ou féroces ».

- La salubrité publique : la police administrative générale doit veiller à la protection


de la comestibilité des denrées, à la protection contre les épidémies ou épizooties.
La notion de salubrité rejoint souvent la notion de sécurité.
L’article L 2212-2 liste :

4° L'inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids ou à la mesure et
sur la salubrité des comestibles exposés en vue de la vente ;

5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution
des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de
toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements
de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies
épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures
d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration
supérieure ;

Les actuelles mesures sanitaires ressortent tout à la fois de la police générale de la


sécurité et de la salubrité publique.

b) Le Juge administratif a ajouté à la liste de l’article L 2212-2 la notion de respect


de la dignité de la personne humaine.

CE – 27 octobre 1995 – Commune de Morsang sur Orge : un spectacle appelé


« lancer de nains » avait été interdit par le Maire de la Commune de Morsang. Le
professionnel avait contesté la décision en invoquant la liberté du travail et la liberté du
commerce et de l’industrie.
Il n’y avait pas d’atteinte à l’ordre public entendu classiquement comme devant préserver
la tranquillité, la sécurité ou la salubrité.
Le CE a fait appel à la notion de respect de la dignité de la personne humaine pour
valider a mesure de police prise par le Maire.

Cette notion a été peu utilisée ensuite, hormis dans l’arrêt dit « Dieudonné » du 9
janvier 2014. Le CE a validé l’interdiction d’un spectacle au motif que celui-ci
présentait un risque sérieux que soient portées des atteintes graves au respect des
valeurs et principes et notamment à la dignité de la personne humaine (l’auteur
ayant été condamné à plusieurs reprises pour propos antisémites et raciaux).

c) Le cas particulier de la morale (moralité) publique : il n’entre en principe pas dans


la définition de l’ordre public, même s’il apparaît dans l’article L 2212-2-6° du
CGCT : « 6° Le soin de prendre provisoirement les mesures nécessaires contre les personnes
atteintes de troubles mentaux dont l'état pourrait compromettre la morale publique, la
sécurité des personnes ou la conservation des propriétés »

Il a toutefois fait l’objet de quelques décisions de jurisprudence.


CE, 18 décembre 1959, Sté des films Lutétia : le maire de Nice avait interdit la projection
de plusieurs films qu’il estimait contraires à la décence et aux bonnes mœurs. Les films en
question avaient pourtant été autorisés par le Ministre de l’information au titre de la police
spéciale des cinémas.
Le CE a validé l’interdiction fondée sur le motif tiré de l’atteinte à la moralité, alors même que
la moralité ne fait pas partie de la définition de l’ordre public. Le Conseil d’Etat a considéré
que les circonstances locales justifiaient l’interdiction fondée sur le principe de moralité. La
notion de circonstances locale est cependant restée vague en l’espèce.

Pour un exemple plus explicite : TA Caen, 20 décembre 1960, Sté des films Marceau :
interdiction du film à la réputation sulfureuse « les liaisons dangereuses » à Lisieux, en
période de pèlerinage. Dans ce cas, la notion de circonstances locales apparaissait plus
explicite.

Au contraire : CE, 26 juillet 1985, Ville d’Aix en Provence : le CE a annulé un arrêté du


Maire d’Aix interdisant le film « le pull-over rouge » faute de circonstances locales
particulières justifiant l’interdiction.

Le critère de morale publique est donc parfois utilisé par le juge, sous la stricte
condition de l’existence de circonstances locales particulières.

2. Qui exerce la police administrative générale ?

Le pouvoir de police administrative générale sur l’ensemble du territoire appartient


au pouvoir exécutif, sur un fondement constitutionnel : CE, 8 août 1919, LABONNE.

Sous la 5ème République, ce pouvoir appartient au 1er ministre (CE, 13 mai 1960,
SARL Restaurant Nicolas).

Au niveau local, le pouvoir de police administrative générale appartient au Maire (sur


le territoire de la Commune) et au Préfet (sur le territoire départemental).

Certaines autres autorités disposent d’un pouvoir de police administrative générale


résiduel, notamment en matière de voirie départementale (le Président du conseil
départemental) ou intercommunale (président de l’EPCI).

Un cas particulier : A Paris, le pouvoir de police administrative générale n’appartient


pas au Maire mais au Préfet de Police (le maire conserve la salubrité et partiellement
la réglementation de la circulation).

Dans tous les cas, il s’agit d’un pouvoir propre qui ne peut pas être délégué.
L’exécution des missions de police administrative est menée par :
- les militaires de la gendarmerie
- la police nationale et municipale
- Certains fonctionnaires assermentés

B. le cas particulier des polices administratives spéciales

A côté de la police administrative générale existe une multitude de polices spéciales


qui portent sur un objet particulier plus précis que la police administrative générale
et qui sont instituées par une loi particulière.

Il s’agit le plus souvent de domaines qui supposent des connaissances techniques


particulières.

Exemples de polices administratives spéciales :


- police des chemins de fer ou des transports aériens
- police des installations classées pour la protection de l’environnement
- police des édifices menaçant ruine
- police du cinéma
- police de l’urbanisme
- police des eaux destinées à l’alimentation humaine

Les autorités de police générale sont souvent également autorité de police spéciale
(Maire, Préfet, notamment).

Mais certaines polices spéciales sont confiées à des autorités qui ne sont pas
autorités de police générale, notamment les ministres (de la culture pour le cinéma ;
de l’Intérieur (+ Préfet) pour les étrangers ; des transports, etc.). Le Président de
l’Université dispose de la police de l’Université.

C. la conjugaison de la police administrative générale et des polices


administratives spéciales

Il peut arriver que certaines situations relèvent tout à la fois de la police


administrative générale et d’une police spéciale, voire de deux polices spéciales, ou
encore de plusieurs autorités différentes de police administrative générale.
Il va donc falloir régler les éventuels conflits de compétence, ou simplement
concomitance de compétence.

1. Conflit entre deux autorités de police générale

Au titre de la police générale, le Préfet peut intervenir sur le territoire communal en


cas de carence du Maire. Il se substitue à l’autorité de police du Maire.

Une autorité de police locale (Maire, par exemple) peut de son côté prendre une
mesure de police même si une mesure a déjà été prise au niveau supérieur, sous
deux conditions :
• il faut que les circonstances locales l’exigent
• l’autorité locale ne peut qu’aggraver la mesure supérieure (CE, 18
avril 1902, Commune de NERIS LES BAINS : un Préfet avait interdit les jeux
d’argent, sous réserve d’une dérogation qui serait accordée par l’Etat pour
certaines stations thermales. Le Maire de Néris-les Bains a pris un arrêté
plus restrictif, interdisant les jeux d’argent sans possibilité de dérogation.
L’arrêté était légal puisqu’il était plus restrictif).

L’idée est que l’autorité locale peut affiner une mesure plus générale prise par
l’autorité supérieure lorsque les circonstances locales le justifient. Elle ne peut pas,
par contre, être plus libérale que l’autorité supérieure, qui a fixé un cadre général
qu’il convient de respecter.

2. Choix entre police générale et police spéciale exercées par la même


autorité.

Le principe qui gouverne ce choix est celui selon lequel « les lois spéciales dérogent
aux lois générales » : il faut donc faire application en priorité de la police
administrative spéciale.

Exemple : Dans le cas d’un bâtiment en ruine qui menace de s’effondrer : Le Maire va
devoir prioritairement utiliser la police spéciale des édifices menaçant ruine, qui
suppose des garanties plus importantes pour le propriétaire, que la police générale de
la sécurité publique.
3. Conflit entre Police spéciale nationale et police générale municipale

Pendant longtemps, la jurisprudence des films Lutetia s’est appliquée (le maire peut
interdire un film autorisé au titre de police spéciale en cas de risque pour l’ordre
public local).

Elle est dorénavant abandonnée et la police nationale spéciale prévaut.

CE, 10 avril 2002, n° 238212, Ministre de l’Equipement et des Transports : l’existence du


pouvoir de police spéciale confié au ministre chargé de l’aviation civile en matière de
circulation aérienne exclut la possibilité pour le maire d’user des pouvoirs de police
administrative générale pour règlementer les évolutions des aéronefs d’écoles de pilotage au-
dessus du territoire de sa commune.

4. Concurrence de polices spéciales

On applique le principe de l’indépendance des législations.

Ce principe suppose que chaque police réglemente son propre objet.

Exemple : un agriculteur souhaite construire un poulailler industriel de 5000 poulets.


Il lui faudra un permis de construire pour édifier le poulailler (police de l’urbanisme)
et une autorisation au titre des installations classées pour la protection de
l’environnement pour y installer les poulets (police des ICPE). Le permis de construire
sera délivré ou refusé sur les seules règles d’urbanisme, sans qu’il soit tenu compte,
par exemple, des nuisances qui seraient causées par l’épandage des fumiers, qui
relèvent de la police des ICPE.

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