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L'enseignement de la mécanique

La mécanique est-elle Physique ou Mathématiques?

Admettre des axiomes et en déduire toutes les conséquences


logiques. telle est l'œuvre essentielle du mathématicien. Cette
(ieuvrc peut se confondre avec celle du physicien s'il s'agit de
prévoir et d'expliquer toutes les lois qui régissent notre monde
physique à partir d'un petit nombre d'axiomes. Ceci est une
vile idéale de la physique « achevée ».Peut-on dire que la mCca-
nique est une partie « achevée » de la physique ? E n cas de
réponse affirmative à cette question, il convient que I'cnsei-
gnement de cette science soit confié à un mathématicien ou
mieux, D cause du caractère assez spécial de cette discipline
h un mkeanicien de formation nettement mathématique.
Les remarquables succès de la mécanique newtonienne,
notamment dans le domaine de l'astronomie et de la conquête
spatiale conduisent effectivement à fournir une réponse affir-
mative à la question posée et à en tirer les conséquences que
nous avons dites, relatives à son enseignement. Mais des ingé-
nieurs vous diront que s'ils appliquaient les lois de la méca-
nique classique, ces grandes machines que sont les accéléra-
teurs de particules ne marcheraient pas ! l'atomiste vous dira
que la mécanique classique ne décrit pas correctement les mou-
vements des particules intra-atomiques et intranucléaires ; pour
le physicien des hautes énergies, la mécanique classique n'est
d'aucun secours et même l'astronome, qui parcourt en pensée
de vastes espaces, considère que la mécanique classique ne vaut
que localement pour notre << petit » système solaire.
Non, la mécanique n'est pas achevée, il faut la remettre sur
le métier ; il faut lui trouver de meilleurs axiomes et cela, c'est
le travail original du physicien.

La rôle du physicien.
La tâche du physicien est originale ; elle se situe tout à la
fois en amont et en aval de la théorie.
E n aval de la théorie, le travail du physicien consiste à
vérifier les conséquences d e cette théorie : c'est essentielle-
ment un travail d'expérimentateur qui nécessite toutefois de
solides connaissances mathématiques nécessaires pour une bonne
compréhension dc la théorie à vérifier.
En amont de la théorie, le travail du physicien est plus
original, plus complexe et par suite plus difficile à définir :
c'est le travail préparatoire qui doit conduire à la découverte
des « bons axiomes » de la théorie (de la mécanique par exemple).
Il semble que ce travail préparatoire comporte les phases
suivantes : observer, schématiser, paramétrer, mesurer, expéri-
menter, choisir enfin parmi les lois empiriques découvertes
celles qui peuvent avoir valeur d'axiome.
Conséquences pédagogiques.
Parce qu'il faut enseigner aux élèves cet « art » du physi-
cien, l'enseignement au niveau du second cycle de la phsyique,
l'enseignement de la mécanique même considérée comme parfai-
tement achevée, ne sauraient être axiomatiques.
L'enseignement traditionnel.
L'enseignement traditionnel de la mécanique n'a pas la répu-
tation d'être axiomatique, mais il est pire : il est gravement
dogmatique et n'exerce pas l'élève aux tâches physiciennes
précédemment définies. En effet, la force y est a priori définie
comme cause d'un mouvement ... ou d'une déformation. Puis les
« éléments » de la force : direction, sens, module sont introduits
à partir d'observations discutables : on cite la laisse tenue par
l'homme et tendue par le chien. Quel est alors le mobile ? le
chien ? la laisse ? l'homme ? S'agit-il d'un solide ou de corps
déformables ?... La force est, dit-on, représentée par un vecteur ;
mais cela ne va pas actuellement sans conflits avec des élèves
pour qui les mots : vecteur, espace vectoriel ont des significa-
tions mathématiques précises. Or, le professeur est dans l'inca-
pacité de prouver que la force est un vecteur puisque cette force
est la cause d'effets que l'on se refuse à étudier, puisque l'on
veut faire de la mécanique sans faire, au préalable, de la ciné-
matique. Dans l'inconfortable situation qui résulte de ce qu'il
a imposé un concept artificiel, le professeur doit, pour valoriser
ce concept, passer aussitôt qu'il le peut, à la mesure d'une force.
Mais cela le conduit à introduire la notion de poids, à choisir
une unité : le kilogramme-poids (!) et un appareil de mesure :
le dynamomètre. Il lui faudra postuler l'additivité des poids
accrochés au ressort pour étalonnage ... Mais plus grave est l'in-
troduction prématurée en mécanique, d'une force d'un type très
particulier : la force gravitationnelle qui possède en exclusivité
la propriété d'être proportionnelle à la masse du corps auquel
elle s'applique alors qu'aucune loi n'a encore été établie. De cette
introduction, beaucoup trop précoce de la gravitation en méca-
nique (sous la forme de la pesanteur) il résulte de graves confu-
sions entre masse d'inertie et masse de gravitation et, plus
grave encore, cette confusion entre masse et poids contre laquelle
il est si difficile de lutter.
Ce n'est quc deux ans apriis, en terminales, que l'on se
décide à faire de la dynamique ; mais on le fait alors en postulant
sans toujours l'avouer, la « relation fondamentale de la dyna-
mique », sans espoir d e l'établir ou de la vérifier par expéri-
mentation directe puisqu'elle s'applique à une abstraction : le
point matériel. Le chemin à parcourir sera alors assez long
avant que puissent être vérifiées expérimentalement certaines
déductions.
Donner un visage moderne à la mécanique classique.
C'est p a r provocation, on s'en doute, que nous opposons
moderne à classique ! Mais peut-on sérieusement donner un
visage moderne à la mécanique newtonienne et cela a-t-il un
sens ? Enseigner ressemble parfois à l'art du maquillage : il s'agit
de mettre l'accent sur tel trait du visage. Or, la mode change :
après les lèvres, ce sont maintenant les yeux que I'on souligne ;
il n'empêche qu'un visage de femme contient à la fois des yeux
et des lèvres.
Le visage de la mécanique comporte d e nombreux traits :
le maquillage traditionnel met l'accent sur la notion de force ;
le maquillage moderne consiste à souligner la notion fondamen-
tale de quantité de mouvement.
La raison en est, que dans le passage de la mécanique clas-
sique aux mécaniques relativistes et quantiques, la notion de
force perd d e son intérêt alors que les notions d e quantité de
mouvement, de moment cinétique, et d'énergie demeurent les
notions fondamentales. Ce sont donc ces trois notions qui doivent
être présentées en priorité et soulignées dans l'enseignement de
la mécanique classique si I'on souhaite que les élèves puissent,
sans dépaysement et p a r généralisation facile, aborder ensuite
l'étude de mécaniques évoluées.
Dans cet esprit, les lois les plus importantes de la méca-
nique peuvent être ainsi présentées :
- il existe u n espace homogène et isotrope et un temps uni-
forme ; dans cet espace-temps, un système isolé est mécanique-
ment caractérisé p a r trois invariants : la quantité de mou-
-+
vement p (conséquence de l'homogénéité de l'espace), le moment
\/7

cinétique a (conséquence de l'isotropie de l'espace), l'énergie W


(conséquence de l'uniformité du temps) ;
- lorsque l'une au moins de ces trois grandeurs subit une
variation, on dit que le système a subi une action mécanique ;
cette action peut être caractérisée à un instant donné p a r les
dérivées par rapport au temps de ces trois grandeurs ; ces
+ -f
dérivées sont respectivement appelées : force (f = d p / d t ) ,
moment de force CC-= d à / d t ) , puissance (P = d W / d t ) .
On reconnaît dans la première de ces trois relations, la
relation « fondamentale » de la dynamique écrite pour un sys-
tcme quelconque et non plus seulement pour un point matériel.
Il reste, pour prévoir l'évolution d'un système, à savoir calculer
l'action mécanique caractérisée par la force et le moment de
force exercés sur le système étudié par un autre système. Cette
action s'exprime par des lois physiques faisant intervenir les
distances et les vitesses relatives des deux systèmes en inter-
action ainsi que des grandeurs physiques propres à chacun des
systèmes : masses gravitationnelles, charges électriques, moments
magnétiques, etc...
Conséquences pédagogiques : des choix à faire.
Enseigner nécessite des choix : choix des méthodes d'abord,
choix des sujets d'étude ensuite.
1" choix des méthodes : il nous paraît que, si la présentation
axiomatique convient bien à l'enseignement de la mécanique en
faculté, il faut, par contre utiliser, dans l'enseignement secon-
daire, une méthode expérimentale susceptible d'entraîner réel-
lement les élèves aux activités physiciennes telles qu'elles ont
été présntées plus haut. Nous pensons d'autre part que l'en-
seignement traditionnel ne satisfait pas à ces exigences ;
2" choix des sujets : il nous semble que, p u r aller du
simple au compliqué, il convient d'étudier expérimentalement
en premier lieu un système mécaniquement isolé et de décou-
v r i r les invariants caractéristiques ; puis de n'étudier qu'ensuite
les interactions et d'introduire la notion de force.
D'autre part, il résulte de l'homogénéité de l'espace que
les lois de la mécanique s'expriment de la même façon pour
chacune des trois coordonnées cartésiennes. (Plus généralement,
en mécanique de LAGRANGE, les lois de la mécanique s'expriment
de la même façon pour toutes les coordonnées généralisées.)
On peut donc encore simplifier l'enseignement dans une pre-
mière étape en étudiant la mécanique du solide à un seul degré
de liberté de translation, d'abord libre puis soumis à une force :
les lois établies dans ce cas particulier se généralisent aisément
à n degrés de liberté.
Observation, schématisation et technologie.
Le physicien se trouve placé devant une situation objective
qu'il a plus ou moins créée ou qui est due au hasard. 11 est
d'abord observateur ; aussi n'est-ce pas une tâche médiocre
que d'apprendre aux jeunes à bien observer. Mais observer
quoi ? L'attachement à l'histoire des sciences conduit trop sou-
vent le professeur à recréer des conditions anachroniques
d'observation peu convaincantes alors que la technologie am-
biante offre souvent des illustrations frappantes de lois phy-
siques qu'il fut, autrefois difficile d e mettre cn évidence. Il
est vrai, p a r contre, qu'une société techniquement trop avancée
qui n'offre a la vue des enfants crue des machines mvstérieuses
soigneusement enveloppées de carters et enjolivées d e voyants
lumineux, de cadrans, d'écrans oscilloscopiques, a moins à
apprendre aux enfants qu'une société artisanale oii l'on voit le
forgeron ramollir le fer, tremper l'acier, etc ... Mais, fort heu-
reusement, on projette un enseignement d e technologie dans
les classes de quatrième et de troisième des lycées et collèges :
dans un tel projet, les élèves auraient à observer, à démonter,
à remonter, à scliérnatiser par u n dessin, des objets que l'indus-
trie produit abondamment : stylos à billes, serrures, arrêts d c
porte...
La technologie place d'emblée l'élève dans la complexité
du monde physique et ne peut prétendre, à cause de cette
complexité, lui faire découvrir les lois de la physique. Mais elle
fera naître chez l'élève le besoin de simplification, d'abstraction,
de schématisation : il fera la distinction entre corps solide et
corps déformable ; i l découvrira les premières notions de ciiié-
matique, non p a r l'étude abstraite du mouvement d'un point
matériel, mais en constatant des mouvements de solides en
translation rectiligne, en rotation autour d'un axe fixe ; il
découvrira que certains solides ont des mouvements indépen-
dants alors qu'on ne peut mouvoir un solide particulier sans
entraîner le mouvement de quelques autres solides (engrenages
par exemple), il acquerra à cette occasion, les importantes notions
de liaison, d e degrés de liberté ; il distinguera des fonctions
accomplies p a r les différentes pièces de l'objet étudié ; il fera
quelques mesures (introduction à la métrologie) ; il traduira enfin
ses découvertes p a r u n ou plusieurs dessins cotés (schéma-
tisation).
La notion d e fonction technologique d'un objet, d'un ins-
trument de mesure p a r exemple (pied à coulisse, clironomètre ...)
est u n e acquisition primordiale pour la suite ; faute de connais-
sances en physique, la façon dont la fonction est accomplie ne
sera pas toujours bien comprise, mais des recettes pour la
réalisation et l'accomplissement d e telle ou telle fonction seront
retenues : elles seront indispensables pour la suite c'est-à-dire
pour l'expérimentation conçue pour une étude plus approfondie
des phénomènes.
Expérimentation en cinématique (néon-cinégraphie).
E n technologie, l'élève étudiera des objets simples pouvant
faire intervenir de la physique complexe (frottements par
cxemple) ;
E n physique, l'élève étudiera des phénomènes physiques
simplifiés p a r l'emploi d'appareils pouvant faire intervenir unc
technologie complexe. De cette technologie complexe, seul l'as-
pect fonctionnel sera envisagé. 11 est remarquable qu'un accrois-
sement de la simplicité du phénomène physique entraîne le
plus souvent un accroissement de complexité technologique :
la roue est un antique moyen pour réduire les frottements,
Galilée en usait lorsqu'il faisait rouler des sphères sur un plan
incliné ; mais le mouvement de roulement avec ou sans glisse-
ment est encore trop complexe : il est plus simple d'envisager
un mouvement de translation rectiligne sans frottement, mais la
grande surface de contact entre solide mobile et solides guides
imposée p a r la réalisation de ce type de mouvement entraîne deî
frottements qui n e peuvent être considérablement réduits que
par des techniques plus récentes et plus « avancées » telles que
la technique du coussin d'air. Si, avant d'aborder l'étude de la
physique, l'élève a d'abord fait de la technologie, il sera mieux
préparé à comprendre la nécessité d'une simplification acquise
au prix d'une complication qu'il aura rencontrée et admise.
Expérimentalement, Galilée ne pouvait étudier que le « mou-
vement d'ensemble » (cette expression ayant une signification
précise : mouvement du centre d'inertie) des sphères qu'il faisait
rouler ; il ne pouvait découper les durées qu'en « quantas » assez
longs : durée d'écoulement d'une clepsydre (ou d'un sablier).
La situation actuelle d'un expérimentateur reste qualitativement
la même, mais on peut considérablement réduire le volume de
matière dont on étudie le mouvement d'ensemble (approche assez
satisfaisante du « point matériel ») ainsi que la période d e l'hor-
loge qui sert à découper les durées de telle sorte que la vitesse
moyenne correspondant à une période soit une approche satis-
faisante de la « vitesse instantanée ». Il n'est peut-être pas inu-
tile d e remarquer au passage que le seul point matériel que
connaisse le physicien est le centre d'inertie d'un système maté-
riel et que les particules dites élémentaires, trop complexes
pour être décrites p a r trois paramètres de position seulement,
ne sont pas des points matériels.
Pour jalonner dans l'espace et le temps le mouvement d'un
<< point », nous avons utilisé la niéthode « néon-cinégraphique >,
mise au point p a r le professeur ODIER et la firme LME et déjà
décrite dans ce bulletin. Rappelons que cette méthode consiste
h fixcr sur le mobile une micro-lampe au néon. Cette lampe est
alimentée sans fils par un champ électromagnétique de haute
fréquence ; elle émet des éclairs périodiques de très courte duréc
de période égale à 0,01 seconde ou à 0,02 s au choix. Un appa-
reil photographique utilisant des émulsions très sensibles (film
polaroid de 3 000 A S A) et dont l'obturateur reste ouvert tant
que dure le mouvement, fournit un cliché sous la forme d'une
trajectoire ponctuée par les images blanches quasi-ponctuelles
des éclairs. La distance entre deux points voisins, mesurés sur
le cliché, fournit une mesure de la vitesse (voir figures 1 et sui-
vantes). Plusieurs lampes peuvent être fixées sur un même solide
mobile. Dans le cas particulier du mouvement de translation, on
constate que les trajectoires de ces lampes sont parallèles et
qu'elles ont à tout instant, mêmes vitesses.
Homogénéité et isotropie de l'espace : notion de masse.
Nous utilisons des solides de matière homogène, peu épais,
en forme de disques circulaires ou de carrés, sur lesquels nous
fixons, en leurs centres des micro-lampes au néon. Ces mobiles
glissent sans frottement sur coussin d'air horizontal. L a n ~ o n sun
de ces mobiles et étudions son mouvement par néon-cinégraphie.
Le cliché 1 montre que la trajectoire est rectiligne et que la
vitesse est constante (loi d'inertie). Chaque instant pouvant être
pris pour instant initial, et la vitesse à cet instant condition-
nant le mouvement ultérieur, on peut dire, la vitesse étant la
même en tous les points de la trajectoire, que l'espace est
homogène. D'autre part, l'expérience fournit le même résultat
quellle que soit la direction de lancement : toutes les directions
du plan horizontal sont donc équivalentes : l'espace est isotrope.
Par définition, nous dirons d'un solide dont le mouvement
est un mouvement de translation rectiligne à vitesse constantc,
qu'il est mécaniquement libre (ou mécaniquement isolé).
Provoquons maintenant un choc entre deux mobiles et étu-
dions les mouvements des centres des deux mobiles (figure 1).
On constate que sauf pendant la durée, très courte, du choc, les
solides sont libres.
Faisons choix, dans le plan horizontal du cliché, d'un axe
orienté quelconque Ox, et mesurons la distance qui sépare les
projections orthogonales sur cet axe de deux points consécutifs
d'une trajectoire. Cette distance mesure ce que nous appellerons
« composante sur l'axe O s de la vitesse du centre du disque >>.
Désignons par VI, et va, les composantes sur O r des vitesses
des mobiles 1 et 2 avant le choc ; par di, et v',, les compo-
santes sur Ox des vitesses des mobiles après le choc. Comparons,
par leur rapport, les accroissements des composantes sur O r des
vitesses des deux mobiles, provenant de l'interaction. L'expk-
672 BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS

Fig. 1

rience répétée dans des conditions variées montre que ce


rapport :
- 1" est indépendant du point de choc (homogénéité de
l'espace),
- 2" est indépendant de l'angle des trajectoires avant le
choc (isotropie de l'espace),
-- 3" est indépendant du choix de l'axe 0 x (isotropie de
l'espace).
Il ne dépend donc que des mobiles. En particulier, si l'on
considère des axes orthonormés O z et Oy, les rapports des
accroissements des composantes des vitesses selon 0 x et 011
sont égaux et ne dépendent que des mobiles :

L'invariant m, peut être appelé masse du mobile 1 quand on


prend le mobile 2 pour unité. Plus généralement, on peut poser :
mi
I>1,2 = - --.
m?
BULLETIN DI-. I,>UNION DES PHYSICIENS

Les relations précédentes peuvent alors s'écrire :

Ainsi peut-on, sans parler de poids, introduire la notion de


masse sans risque de confusion entre masse et poids.
+
Considérons le vecteur vl de composantes VI, et VI, et, sem-
-t + -t
blablement définis les vecteurs vitesses uî, v', et v'r ; les équa-
tions précédentes peuvent s'écrire :

Une nouvelle définition peut encore simplifier l'expression


de nos résultats : appelons vecteur quantité de mouvement d'un
disque le produit de sa masse par le vecteur vitesse de son
centre ; appelons en outre quantité de mouvement d'un système
de plusieurs disques mobiles la somme des quantités de mouve-
ment de ces disques ; on peut alors écrire :
+ - b + +
p = pr + Pr p'% + = invariant.
Ce résultat se généralise à un nombre quelconque de mobiles.
Par définition, un système dont la quantité de mouvement
totale est invariante est dit I( libre » ou << mécaniquement isolé ».
Centre d'inertie.
Nous n'avons, jusqu'à présent, utilisé que des mobiles de
matière homogène possédant un centre de symétrie ; pour lever
cette restriction, il faut introduire un point Ci appelé centre de
masse ou centre d'inertie, de coordonnées XQ et ye définies, pour
les mobiles 1 et 2 précédemment utilisés par les relations :
+
(ml mA X Q = mlxl m,x2 + et +
(ml mz) y~ = mlyl meUn. +
-+
On a alors évidemment, en appelant V Q la vitesse du centre d'iner-
+ -*
tie : p = (ml + mJ v . Ces définitions se généralisent évidem-
ment à un nombre quelconque de disques ou de carrés ; puis,
finalement pour un solide inhomogène de formes quelconques
que l'on considérera comme un empilement de petits cubes
homogènes.
On prévoit alors que les définitions et résultats précédents
seront valables pour des systèmes de solides quelconques à condi-
tion de faire jouer aux centres d'inertie les rôles précédemment
joués par les centres des disques (on y placera les micro-lampes
au néon). Le cliché reproduit en figure 2 montre que la loi
d'inertic se vérifie pour le centre d'inertie : deux micro-lampes
Fig. 2

au néon sont fixées sur un même mobile : l'une au centre d'iner-


tie décrit une trajectoire rectiligne à vitesse constante, l'autre
en un point quelconque obéit à une loi de mouvement analysable
mais nettement plus complexe.
On peut d'ailleurs procéder autrement et découvrir par voie
purement expérimentale l'existence du centre d'inertie défini
comme étant celui des points d'un solide libre pour lequel se
vérifie la loi d'inertie.
Le lecteur sait pourquoi nous nous sommes limités aux
deux dimensions d'un plan horizontal ; l'élève lui ne le sait
pas et ne manquera pas de poser la question. On peut d'abord
lui répondre qu'à bord d'un satellite, on découvrirait un espace
homogène et isotrope (en première approximation) et que l'on
pourrait y faire nos expériences et y jouer au billard tridimen-
sionnel ; d'ailleurs, grâce à la télévision, tout le monde a pu
voir se vérifier la loi d'inertie à bord de satellites. Mais il fau-
dra bien envisager l'étude d'un mouvement vertical dans l'es-
pace terrestre. On peut résoudre la question comme suit :
Notion de force.
Supposons qu'un disque, glissant sur coussin d'air horizon-
tal soit aimanté et qu'à proximité se trouve un aimant. Dans ces
13UL1,ETIN Dl3 ],>UNION DES PHYSICIENS 675

conditions, la loi d'inertie ne se vérifie plus, la quantité de


mouvement cesse d'être invariante, en d'autres termes, le mobile
cesse d'être libre. II y a plusieurs façons de traduire cela. On
peut d'abord caractériser l'effet constaté par la dérivée par rap-
port au temps (le la quantité de mouvement ; cette dérivée est
-P +-
appelée « force >> ; (l'où la relation classique : f = d p / d t .
On peut encore dire que l'espace a cessé d'être liomogéne
et isotrope ; ou encore qu'il s'cst, à un espace homogène et iso-
trope, superposé un « champ magnétique ». Il importe, pour la
suite, d'insister sur le fait qu'un tel champ a une source iden-
tifiable : l'aimant.
II est alors possible de répondre complètement à la ques-
tion relative au fait que la composante verticale de la quantité
de mouvement d'un solide abandonné à lui-même croit : le
globe terrestre situé sous les pieds de l'expérimentateur constitue
la source d'un champ appelé champ gravitationnel.

Forces d'inertie.

Supposons maintenant le disque mobile, non aimanté, glis-


sant sur coussin d'air horizontal, l'ensemble de l'appareillage
étant à bord d'un véhicule.
Lorsque le véhicule est animé d'un mouvement de transla-
tion rectiligne uniforme, les expériences précédemment décrites
peuvent être réalisées à bord du véhicule comme au sol, et
conduisent aux mêmes rksultats ; en particulier les expériences
dc choc entre mobiles fournissent les mêmes mesures de masse ;
et la dérivée de la quantité de mouvement, c'est-à-dire la force,
est la même pour l'observateur du véhicule et pour un obser-
vateur lié au sol.
Ainsi se trouve être introduite la notion de repère galiléen
et la constatation : « les lois de la mécanique sont invariantes
dans un changement de repère galiléen ».
Mais, si le véhicule à bord duquel se font les expériences
est animé d'un mouvement accéléré par rapport au sol, un disque
lancé sur coussin d'air horizontal, décrit, au regard d'un expé-
rimentateur situé dans le véhicule, une trajectoire non recti-
ligne et à vitesse variable ; sa quantité de mouvement relative au
véhicule est variable. Que peut-on en conclure 7
On pourrait d'abord, comme précédemment, appeler force,
la dérivée, par rapport au temps de la quantité de mouvement.
Mais, cette façon d'interpréter les faits se heurte à deux
objections :
676 RUI.LEï'IN DE L'UNION DES PIKYSICIZNS

1" cette force, contrairement à ce qui se passait précédem-


ment, n'a aucune source identifiable pour origine, elle ne décrit
pas une interaction entre deux systèmes matériels, c'est donc
un force de nature différente : on l'appelle « force d'inertie >> ;
2" supposons qu'un appareil Polaroid lié au sol puisse éga-
lement photographier le disque lancé par l'opérateur situé à bord
du véhicule : le cliché néon-cinégraphique révèle que, pour
un observateur immobile dans le repère terrestre, la quantité de
mouvement du disque est constante. Les deux observateurs ne
sont donc pas d'accord : pour l'observateur lié au sol, le disque
est isolé (force nulle) alors que pour l'observateur lié au véhi-
cule, le disque est soumis à une force. Si l'on tient à employer
-> +
la relation f + d p / d t dans n'importe quel repère, il faut consen-
tir à ce que, soit la masse, soit plus logiquement la force varie
avec le repère choisi.
Une seconde attitude, plus fréquemment adoptée, consiste
à admettre que la force et la masse doivent être des grandeurs
+ +
invariantes et que, par suite, la relation f = d p / d t n'est valable
que dans les repères galiléens.

Critique du repère terrestre.

Le physicien a l'habitude de constater que toute loi phy-


sique n'est valable avec une précision choisie à l'avance que
dans un certain domaine de variation des grandeurs reliées par
la loi. Si le coussin d'air horizontal était de grande étendue
et si le disque était lancé à de très grandes vitesses, la trajectoire
n'apparaîtrait plus parfaitement rectiligne mais présenterait une
légère courbure révélant ainsi l'existence d'une très faible force
liée à la vitesse ; aucune << source w ne paraît être à l'origine de
cette force qui est donc une force d'inertie (de Coriolis).
Par conséquent, le repère terrestre n'est un repère « gali-
,
léen qu'en première approximation.

Critique de la mécanique classique.

Si les vitesses étaient encore beaucoup plus grandes, voi-


sines de celles de la lumière, le rapport : v', - vi/vJrr- va ne
serait plus invariant dans une expérience de choc, mais
on retrouverait un rapport invariant, définissant le rapport
des masses en remplaçant chaque vitesse v par l'expression

, c étant la vitesse de la lumière.


Etude de la chute des corps.
L'étude néon-cinégraphique de la chute des corps révèle
que, quel soit le corps qui tombe, sa vitesse et sa quantité de
mouvement sont respectivement donnés par les relations : u = gt,
p = m u = m g t , g étant une constante indépendante du corps
et caractéristique du lieu. Il en résulte que la force pesan-
teur, cause du mouvement de chute a pour expression :
f = d p / d t = m g : elle est proportionnelle à la masse du corps,
ce qui constitue une particularité intéressante ; en effet, on
disposera de forces double, triple, quadruple, etc... d'une pre-
mière en utilisant les poids de corps de masses qui sont entre
elles comme les nombres 1, 2, 3, 4 ,...
Application à l a mesure des forces.
Un objet, fixé à l'extrémité libre d'un ressort d'axe vertical
commence à << tomber », mais son mouvement se révèle très dif-
férent du mouvement de chute libre, ce qui peut s'interpréter
en disant qu'une < force de liaison f i exercée par le ressort
s'ajoute à la force a: à distance », appelée pesanteur f i exercée
par le globe terrestre. La relation fondamentale de la dyna-
mique s'écrit alors : d p / d t = fi + fa. L'expérience montre que
la quantité de mouvement finit par s'annuler et rester nulle ;
la relation précédente s'écrit alors : fa = - f i . On constate d'autre
part un allongement 1 - 1. du ressort. Nous avons vu qu'on peut
donner à f i des valeurs connues proportionnelles à la masse de
l'objet accroché, on peut donc se proposer l'étude expérimentale
de l'allongement du ressort à l'équilibre en fonction de f a = - f i .
On trouve que, dans un certain domaine de variation de f i ,
l'allongement est proportionnel à la force : f , = k (1 - 1.1. Le
ressort ainsi étalonné pourra servir de source de force connue
et d'appareil de mesure d'une force (dynamomètre).
Nous demandons au lecteur d'admettre que notre point de
vue est pédagogique et d'excuser en conséquence l'extrême sim-
plicité du contenu de cet exposé ; nous lui demandons de s'atta-
cher surtout à l'enchaînement des idées et de voir en quoi cet
exposé diffère de l'exposé traditionnel.
Ce qui va suivre est relatif à la mécanique à un seul degré
de liberté.
Energie cinétique : théorème de l'énergie cinétique.
Au cours des expériences de chocs entre mobiles glissant
sur le banc linéaire à coussin d'air, les mobiles peuvent être
munis de ressorts, ou de bandes de caoutchouc, ou de rubans
adhésifs, etc. .. Dans tous les cas, on vérifie la conservation de la
quantité de mouvement totale. Dans certains cas, lorsque les
mobiles sont munis de resscrts qui s'interposent entre les mobiles
au moment du choc, on peut aussi vérifier, quoique avec une
moins honnc approximation, la conservation de la quantiti? :
1 1
-- m,vl" +-

2 2
Ceci nous incite à introduire la définition suivante : on
appelle énergie cinétique de translation d'un mobile la grandcur :
P?

Il y a donc, pour un système isolé, et seulement pour cer-


tains types d'interaction, conservation approximative de l'éner-
gie cinétique totale. La parfaite conservation de l'énergie ciné-
tique totale d'un système isolé apparaît expérimentalement (au
moins pour les expériences « macroscopiques ») comme un cas
limite idéal. Par définition, lorsque ce cas est supposi? réalisé,
les interactions entre les différentes parties du système sont
dites « élastiques ». Revenons au cas d'un solide mobile non
isolé : son énergie cinétique varie ; calculons sa dérivée par
rapport au temps :

dEo/df = d / d t ( 1 =
1
-m p dp/dt = v dp/dt = v f.

Nous appellerons puissance de la force f le produit :


P = f * v ; la dérivée par rapport au temps du solide est égale
W la puissance d e la force.
Par suite : dE, = P d f = f v d i .
Or : d x = v * d i est le déplacement élémentaire du mobile pen-
dant le temps dt ; on appelle travail élémentaire de la force f ,
la quantité dT = P dt = f d x . Le travail total T pendant unc
durée finie est la somme des travaux élémentaires el le < théo-
rème de l'énergie cinétique » s'exprime par la relation : AE, = T .
La généralisation aux trois degrés de liberté de translation se
fait aisément : on appelle énergie cinétique de translation la
somme des énergies cinétiques de translation correspondant à
chacun des trois degrés de liberté :
1 1 1 1
Eo = -- m uZ, + -m u3, + --m u2, = -m u2.
2 2 2 2
Les résultats précédents étant valables pour chacun des
degrés de liberté, le théorème de l'énergie cinétique se mettra
sous la forme :
dE,= f.*dx+ f,*dy + f,*dz
+ +
soit encore, par définition du produit scalaire : dE, = f dl.
BULLETIN DE L'UNION DES PEIYSICIENS 679

Energie potentielle.

La notion d'énergie est fondamentale en physique, aussi


avons-nous choisi de l'aborder le plus rapidement possible car
l'étude particulière de certains mouvements, qui aurait pu être
entreprise plus tôt peut être très enrichie par cette notion.
Considérons un solide animé d'un mouvement de translation
rectiligne d'axe O r et soit f (vecteur à une dimension), la force
qui lui est appliquée. Il arrive souvent que f soit la dérivée
d'une fonction -U de x ; tel est le cas pour deux forces déjà
rencontrées : la force pesanteur (f = - m g, U = m g x, l'axe 0 x
étant vertical ascendant), la force exercée par un ressort
1
(f = - k x ; U = -- k 2,x étant l'allongement) ; on pour-
2
rait aussi citer une force électrostatique : f = K qq'x" ; U =
+ K qq'x-'.
Dans ces conditions, le théorème de l'énergie cinétique
s'écrit :
dEc du dx du d
-- - f.v - OU : -- (E, U) = 0. +
df df dt dt dt
Appelons énergie mécanique la somme de l'énergie cinétique
et de l'énergie potentielle : W = E, + U. Dans le cas présent
dw
-- = O, W = cste.
dt
L'énergie mécanique est alors une constante caractéristique
du système.
La figure 4 présente le cas d'une barrière de potentiel :
1
l'énergie cinétique étant essentiellement positive - mu2 =
n
'5
W - U et xl, XB étant solutions de l'équation U = IV, on voit que
l'on doit avoir soit x < X I soit x > x2 ; le mobile ne peut franchir

Fig. 4. - - Barrière de potentiel ( x < x, ou x ) G).


BULLETIN D E L'UNION DES PIXYSICIENS

Fig. 5. - Cuvette de potentiel (x, < x < q).


la barrière de potentiel. La figure 5 représente une cuvctte dc
potentiel limitée par deux barrières : pour une énergie méca-
nique pas trop élevée, le mobile sera « prisonnier » de la cuvette
ct oscillera cntre deux valeurs limites de x : XI < x < x2. Au
cours de ces oscillations, énergie cinétique et énergie potentielle
s'échangent, le corps qui tombe et rebondit élastiquement sur le
sol, le solide accroché à l'extrémité d'un ressort fournissent des
exemples de telles oscillations (figures 6 et 7).

Fig. 6. - Oscillations inharmoniques d'un corps qui tombe et rebondit


(0 <
x <
~23,).

Fig. 7. - Oscillations harmoniques d'un corps accroché à un ressort


(-5, < <+
x Gn).
BULLETIN D E L'UNION DES PlIYSICIENS 681

Plus généralement, le mobile peut être soumis, en plus de


du
la force f,, = - - -- dérivant d'un potentiel, à une force appli-
dx
du
quée fa. Le travail élémentaire de f, est dT, = - -dx = - d u ,
dx
le travail total, somme des travaux élémentaires, est égal à la
diminution de l'énergie potentielle : Tu = -AU. Désignons par
Ta le travail de la force appliquée, le théorème de l'énergie
cinétique s'écrit : AE, = -AU + T a ou : A (E, + U) = AW = T , :
l'accroissement de l'énergie mécanique est égal au travail de la
force appliquée.

Frottements : sysGmes dissipatifs.

Les oscillations citées en exemple (corps tombant et rebon-


dissant sur le sol ; solide accroché à un ressort) ainsi que toutes
les oscillations mécaniques de systèmes sur lesquels il n'y a pas
de force appliquée (fa = O) ne se reproduisent pas indéfiniment :
l'énergie mécanique ne cesse de décroître : on dit que ces sys-
tèmes sont « dissipatifs ».
Pour interpréter ces faits, en l'absence de tout travail de
forces appliquées, il faut admettre l'existence de forces particu-
lières, appelées forces de frottement, dont le travail T t satisfait
au théorème de l'énergie cinétique sous la forme : AW = T,.Ces
forces ont un caractère original ; en effet, à chaque demi-
oscillation, c'est-à-dire quel que soit le sens du déplacement,
quel que soit le signe de la vitesse, l'énergie diminue : AW < O ;
par suite TI< O. Le travail des forces de frottement est toujours
négatif et la force de frottement est toujours de signe opposé
à celui de la vitesse (Pr = f f v < 0).
Les forces de frottement entraînent une irréversibilité des
phénomènes physiques. Il y a donc lieu, pour l'application du
théorème de l'énergie cinétique, de distinguer :
- les forces f, qui dérivent d'un potentiel, et dont le tra-
vail, qui ne dépend que des positions initiale et finale, est égal
à la diminution d'une fonction du paramètre de position :
T , = -AU;
- les forces appliquées fa qui ne dérivent pas d'un poten-
tiel mais dont le travail T , est réversible (la puissance change de
signe avec la vitesse) ;
- les forces de frottement qui ne dérivent pas d'un poten-
tiel et dont le travail T I est toujours négatif (nul dans un cas
idéal limite plus ou moins bien réalisé en utilisant un coussin
d'air par exemple).
Introduction à l a thermodynamique.
Si l'on tient compte de ces trois types de forces, le théorème
de l'énergie cinétique s'exprime sous la forme :

Or, les forces de frottement sont mal connues et cette méconnais-


sance est la rançon nécessaire de notre schématisation trop
simple : celle d'un solide à un seul degré de liberté. La réalité
est beaucoup plus complexe, la matière est formée d'atomes et
les forces de frottement résultent d'interactions entre les très
nombreux atomes des corps en contact. Soit N ce nombre. On
pourrait tenter d'appliquer les lois de la mécanique à ce système
de N atomes, mais, même s'il était possible de schématiser chaque
atome par un point matériel, on aurait affaire à un système à
3 N degrés de liberté : la schématisation serait très différente.
Il est pédagogiquement intéressant de remarquer en passant cet
aspect de la méthodologie scientifique : un même phénomène
peut être étudié à l'aide de schémas ou modèles différents et
il ne faut pas confondre le modèle et le phénomène physique,
même si le modèle contient une part importante de réalité
physique. Revenons à notre nouveau modèle à 3 N degrés dc
liberté : son étude nécessite la résolution de 3 N équations dif-
férentielles, or, ce nombre est si grand qu'il nous est partiel-
lement impossible de traiter le problème, même en se servant
des plus puissants ordinateurs.
On peut cependant conserver ce modèle mais consentir à
n'en retirer que des renseignements de caractère macroscopique,
encore faut-il, pour cela, utiliser des méthodes dites statistiques
dont on peut se demander ce qu'on pourrait en dire à des élèves
du second cycle des lycées ? Rien sans doute si ce n'est leur
existence. On peut revenir au modèle du solide à un degré de
liberté et se contenter du seul renseignement que l'on possède,
à savoir, que le travail des forces de frottement est toujours
négatif ; il en résulte l'inégalité :

Cette inégalité, qui prépare à d'autres inégalités de la thermo-


dynamique « classique », est l'une des conséquences les plus
simples du « second principe ».
Il est plus honnête et pas beaucoup plus difficile, d'ensei-
gner que, pour produire une transformation mécanique bien
définie, il faut fournir un travail supérieur ou au minimum égal
à l'accroissement de l'énergie mécanique plutôt que d'enseigner
comme on le fait traditionnellement << la conservation du tra-
vail dans les machines simples ».
On peut en outre, rbsoudre, d'une manière sans doute discu-
table mais qui nous paraît meilleure que la méthode classique,
le difficile problème de l'introduction de la notion de quantité
de chaleur. Si la température du système étudié est invariante,
et si le solide ne subit pas de transformation macroscopique,
on dira qu'il reçoit une quantité de chaleur Q donnée par :
T, + Q = AW.
On remarquera à cette occasion qu'un physicien à qui l'on
confie l'enseignement de la mécanique a tendance à supprimer
toute barrière qui ferait de la mécanique une science indépen-
dante dont le physicien aurait à se servir comme d'un outil
mais qui ne ferait pas partie intégrante de la physique ! Pour
nous, au contraire, affinement et développement de la mécanique
sont inséparables d'une étude approfondie des phénomènes
physiques.
La mécanique des particules.
Une autre façon de moderniser l'enseignement de la phy-
sique dans le second cycle des lycées consiste à introduire très
tôt l'exemple des chocs entre particules ; on ne peut d'ailleurs
manquer d'être frappé par la ressemblance que présente le
cliché néon-cinégraphique de la figure 1, avec les clichés de
chocs entre particules obtenues à la chambre de Wilson ou à
la chambre à bulles. La mécanique des particules est d'ailleurs
en un certain sens simplifiée par le fait qu'il n'existe pas, à
cette échelle, de forces de frottement et que des chocs entre
particules peuvent être parfaitement élastiques. Cet enseignement
trouvera, par contre, très vite sa limitation dans le fait que la
mécanique newtonienne ne s'applique qu'à de rares cas et qu'il
faut faire appel aux mécaniques relativiste et quantique.
On pourra toutefois étudier un modèle de gaz à un degré
de liberté, et calculer la pression résultant des chocs de ses
molécules sur une paroi, ce qui permet une définition de la
température.
Mécanique du solide à un degré de liberté de rotation.
Deux lampes au néon, fixées sur un même rayon d'un
disque tournant autour de son axe, fournissent le cliché néon-
cinégraphique de la figure 8 ; ce cliché révèle que la vitesse
d'un point quelconque du disque est proportionnelle à sa dis-
tance r au centre : u = lu * r ; le coefficient w est appelé vitesse
angulaire du disque. Un certain parallélisme peut être établi
entre mécanique du solide à un degré de liberté de translation
et mécanique du solide à un degré de liberté de rotation. Par
définition, la rotation est dite « libre » lorsque la vitesse angu-
Fig. 8

Fig. 9
laire est constante (on peut encore dire que le solide est mécani-
quement isolé relativement au degré de liberté de rotation).
Deux solides tournant librement autour d'axes fixes paral-
lèles peuvent interagir, par choc tangentiel par exemple (fig. 9 ) .
L'expérience montre que les accroissements des vitesses angu-
laires résultant du choc, w'>- wl pour le premier solide,
idz--w3 pour le second, sont dans un rapport invariant carac-
téristique du système des deux disques. On posera alors, p a r
définition des moments d'inertie J1 et Ja des deux solides :
w3z-- W ? J I
-- - -
- - - --
LU'^ - lui J,
On définira alors le moment cinétique d'un solide par la rela-
tion : M = J w ; c'est l'analogue de la quantité de mouvement
pour la translation.
L'invariance précédemment découverte peut alors s'écrire :
J~w',+ J~W',= J ~ w , + J 2 ~ 2
elle exprime l'invariance du moment cinétique total pour le
système « isolé » des deux solides.
Lorsque le moment cinétique M = J w d'un solide varie, on
dit que le solide a subi une action mécanique. Cette action peut
être caractérisée p a r la dérivée p a r rapport au temps du moment
cinétique ; cette dérivée est appelée couple :
C = dM/dt = J dw/dt.
On définira une énergie cinétique de rotation :
1 M2
E, = -- J w L = - - - ;
2 25
une puissance et un travail du couple : P = C w, d T = C w dt.
On établira enfin le théorème d e l'énergie cinétique pour
la rotation comme pour la translation.
Relations entre l'es deux mécaniques.
Mais il n'y a pas totale indépendance et le moment est venu
de jeter un pont entre mécanique de translation et méclinique
de rotation.
On peut se d-mander si l'énergie cinétique de rotation,
telle qu'elle vient d'être définie se confond avec l'énergie ciné-
tique définie à propos du mouvement d e translation. Un très
petit morceau, de masse dm du solide, ayant la vitesse u = w r
1 1
possède l'énergie cinétique -- u2 d m = - c d r' d m ;
2 2
1
l'énergie cinétique totale du solide sera : -- w" I: r2d m .
2
686 BULLETIN DE L'UNION DES PIIYSICIENS

Si l'on postule l'identité de cette énergie cinétique et de


1
celle qui a été définie par la relation J lu', on doit avoir,
2
pour expression du moment d'inertie
J = Zydm.
Cette expression permet le calcul des moments d'inertie
de quelques solides homogènes de formes géométriques simples
par rapport à des axes de symétrie ; les résultats de ces calculs
pourront être expérimentalement vérifiés puisque l'on sait, par
des interactions entre deux solides tournant autour d'axes paral-
lèles, faire des mesures relatives de moments d'inertie. Ces véri-
fications satisfaisantes prouvent l'identité des deux expressions
de l'énergie cinétique.
-t
L'expérience montre d'autre part qu'une force f normale à
l'axe (pour simplifier) et dont le support est à une distance r
de l'axe provoque un mouvement de rotation. &lais cette force
n'est pas seule en cause : on peut supposer l'existence de forces
exercées sur l'axe sinon la force f agissant seule produirait un
mouvement de translation ; on sait peu de choses sur les forces,
appelées réactions d'axe exercées par l'axe sur le solide, mais
on peut dire que l'ensemble de la force f et des réactions d'axe
équivaut à un couple C dont la puissance P = C w peut aussi
se calculer à partir des forces. Les vitesses des points de l'axe
étant nulles, les réactions d'axe ne travaillent pas. Supposons
+
la force f appliquée au point RI (fig. 10) de vitesse w r, la puis-

Fig. 10. - Moment d'une force.

sance de la force f qui est aussi la puissance totale de f et des


réactions d'axe, vaut : P = f v = f r w (on pourra d'ailleurs
établir que la force f a même puissance quel que soit le point
choisi sur le support de la force).
On a donc : P = C * W = f e r - W d'ou : C = f e r ;
C , couple équivalent à l'ensemble de f et des réactions d'axe est
encore appelé : moment de la force f par rapport à l'axe.
BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 687

On peut ainsi, à l'aide d'une force connue (dynamomètre)


exercée à une distance r connue, exercer sur un solide un couple
connu ; on pourra donc, a l'aide de forces, mesurer des couples.
On fera par exemple l'étude d'un fil de torsion, on établira
que le couple de torsion C = - k 6 (6 : angle de torsion) dérive
1
d'un potentiel U = -- kB2 ; on fera l'étude des oscillations de
2
torsion, etc...
Autres développements.
Le passage à la mécanique du solide à trois degrés de
liberté de rotation n'est pas envisageable pour des élèves de
second cycle des lycées sauf peut-être pour la sphère, car Ia
* -*
relation M = J w devient : XI = (J) w faisant intervenir un
+ -b
vecteur vitesse angulaire w, un vecteur moment cinétique M
mais aussi, et c'est là que réside la difficulté, un tenseur d'iner-
tie (J). P a r contre, on pourra étudier le solide possédant un
degré de liberté de translation et un degré de liberté de rota-
tion (cylinctre roulant sur un plan incliné) ; ce sera l'occasion
d'introduire la notion de repère propre, le théorème de Kœnig,
et l'importante distinction entre mouvement d'ensemble et
mouvement propre. On pourra enfin étudier des systèmes for-
més de solides possédant un degré de liberté de translation
ou un degré de liberté de rotation.
Conclusion.
Nous voici parvenus au terme de notre exposé. Nous conclu-
rons en réaffirmant la nécessité de moderniser et de développer
l'enseignement des Sciences Physiques dans les lycées et col-
lèges. Un telle conclusion rouvre le débat plutôt qu'elle ne le
ferme. Moderniser suppose une refonte des programmes. Il est
traditionnel de diviser la physique en plusieurs disciplines assez
bien cloisonnées : mécanique, thermodynamique, électricité,
optique ... or, les cloisons tombent : acousticiens, électroniciens,
opticiens tendent de plus en plus à parler le même langage ; les
échanges conceptuels entre les anciennes branches de la phy-
sique tendent à unifier la physique. De cela, les programmes
devraient tenir compte.
Développer les Sciences Physiques nous parait plus encorc
nécessaire : les mathématiciens sont parvenus à faire comprendrc
l'importance des mathématiques « de la maternelle au collègc,
de France >> mais pour beaucoup de gens, la physique reste
affaire de spécialistes ; nous voyons là la cause principale du
fait que l'homme se sent aliéné dans un monde dc plus en plus
dominé p a r la technique. Le physicien, lui, ne se sent pas aliéné :
il comprend et dominz la technique, il la crée, mais surtout il
découvre au-delà des apparences les merveilleux domaines de
l'univers physique qui offrira toujours, quel que soit le nombre
des chercheurs, des contrées inexplorées où les esprits jeunes,
curieux et aventureux pourront faire carrière, et ou les esprits
spéculatifs, philosophes, voire métaphysiciens trouveront ample-
ment matière à penser.

P . PROVOST,
(Lycée Louis-le-Grand - Paris).

BIBLIOGRAPHIE

M. ODIER. - Méthodologie et exemples d'applications de néon-ciné-


graphie. Information scientifique, no 5, 1968.
JI. ODIER.- Sur une technique simple d'études cinématiques. Bulle-
t i n de l'Union des Physiciens, n o 483, 1965.
P. PROVOST. - U.ne nouvelle présentation de la mécanique. Infor-
mation scientifique, n o 3, 1968 (Baillière et fils, éditeurs).
51. JOYAI.et P. PROVOST. - Dunamique, Masson et Cie.
Dossiers pédagogiques de l a radio-télévision scolaire, second
cycle, sciences physiques. Janvier-Février-hlars 1969. S.E.V.P.E.N.

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