Article-BUP 13341
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La rôle du physicien.
La tâche du physicien est originale ; elle se situe tout à la
fois en amont et en aval de la théorie.
E n aval de la théorie, le travail du physicien consiste à
vérifier les conséquences d e cette théorie : c'est essentielle-
ment un travail d'expérimentateur qui nécessite toutefois de
solides connaissances mathématiques nécessaires pour une bonne
compréhension dc la théorie à vérifier.
En amont de la théorie, le travail du physicien est plus
original, plus complexe et par suite plus difficile à définir :
c'est le travail préparatoire qui doit conduire à la découverte
des « bons axiomes » de la théorie (de la mécanique par exemple).
Il semble que ce travail préparatoire comporte les phases
suivantes : observer, schématiser, paramétrer, mesurer, expéri-
menter, choisir enfin parmi les lois empiriques découvertes
celles qui peuvent avoir valeur d'axiome.
Conséquences pédagogiques.
Parce qu'il faut enseigner aux élèves cet « art » du physi-
cien, l'enseignement au niveau du second cycle de la phsyique,
l'enseignement de la mécanique même considérée comme parfai-
tement achevée, ne sauraient être axiomatiques.
L'enseignement traditionnel.
L'enseignement traditionnel de la mécanique n'a pas la répu-
tation d'être axiomatique, mais il est pire : il est gravement
dogmatique et n'exerce pas l'élève aux tâches physiciennes
précédemment définies. En effet, la force y est a priori définie
comme cause d'un mouvement ... ou d'une déformation. Puis les
« éléments » de la force : direction, sens, module sont introduits
à partir d'observations discutables : on cite la laisse tenue par
l'homme et tendue par le chien. Quel est alors le mobile ? le
chien ? la laisse ? l'homme ? S'agit-il d'un solide ou de corps
déformables ?... La force est, dit-on, représentée par un vecteur ;
mais cela ne va pas actuellement sans conflits avec des élèves
pour qui les mots : vecteur, espace vectoriel ont des significa-
tions mathématiques précises. Or, le professeur est dans l'inca-
pacité de prouver que la force est un vecteur puisque cette force
est la cause d'effets que l'on se refuse à étudier, puisque l'on
veut faire de la mécanique sans faire, au préalable, de la ciné-
matique. Dans l'inconfortable situation qui résulte de ce qu'il
a imposé un concept artificiel, le professeur doit, pour valoriser
ce concept, passer aussitôt qu'il le peut, à la mesure d'une force.
Mais cela le conduit à introduire la notion de poids, à choisir
une unité : le kilogramme-poids (!) et un appareil de mesure :
le dynamomètre. Il lui faudra postuler l'additivité des poids
accrochés au ressort pour étalonnage ... Mais plus grave est l'in-
troduction prématurée en mécanique, d'une force d'un type très
particulier : la force gravitationnelle qui possède en exclusivité
la propriété d'être proportionnelle à la masse du corps auquel
elle s'applique alors qu'aucune loi n'a encore été établie. De cette
introduction, beaucoup trop précoce de la gravitation en méca-
nique (sous la forme de la pesanteur) il résulte de graves confu-
sions entre masse d'inertie et masse de gravitation et, plus
grave encore, cette confusion entre masse et poids contre laquelle
il est si difficile de lutter.
Ce n'est quc deux ans apriis, en terminales, que l'on se
décide à faire de la dynamique ; mais on le fait alors en postulant
sans toujours l'avouer, la « relation fondamentale de la dyna-
mique », sans espoir d e l'établir ou de la vérifier par expéri-
mentation directe puisqu'elle s'applique à une abstraction : le
point matériel. Le chemin à parcourir sera alors assez long
avant que puissent être vérifiées expérimentalement certaines
déductions.
Donner un visage moderne à la mécanique classique.
C'est p a r provocation, on s'en doute, que nous opposons
moderne à classique ! Mais peut-on sérieusement donner un
visage moderne à la mécanique newtonienne et cela a-t-il un
sens ? Enseigner ressemble parfois à l'art du maquillage : il s'agit
de mettre l'accent sur tel trait du visage. Or, la mode change :
après les lèvres, ce sont maintenant les yeux que I'on souligne ;
il n'empêche qu'un visage de femme contient à la fois des yeux
et des lèvres.
Le visage de la mécanique comporte d e nombreux traits :
le maquillage traditionnel met l'accent sur la notion de force ;
le maquillage moderne consiste à souligner la notion fondamen-
tale de quantité de mouvement.
La raison en est, que dans le passage de la mécanique clas-
sique aux mécaniques relativistes et quantiques, la notion de
force perd d e son intérêt alors que les notions d e quantité de
mouvement, de moment cinétique, et d'énergie demeurent les
notions fondamentales. Ce sont donc ces trois notions qui doivent
être présentées en priorité et soulignées dans l'enseignement de
la mécanique classique si I'on souhaite que les élèves puissent,
sans dépaysement et p a r généralisation facile, aborder ensuite
l'étude de mécaniques évoluées.
Dans cet esprit, les lois les plus importantes de la méca-
nique peuvent être ainsi présentées :
- il existe u n espace homogène et isotrope et un temps uni-
forme ; dans cet espace-temps, un système isolé est mécanique-
ment caractérisé p a r trois invariants : la quantité de mou-
-+
vement p (conséquence de l'homogénéité de l'espace), le moment
\/7
Fig. 1
Forces d'inertie.
2 2
Ceci nous incite à introduire la définition suivante : on
appelle énergie cinétique de translation d'un mobile la grandcur :
P?
dEo/df = d / d t ( 1 =
1
-m p dp/dt = v dp/dt = v f.
Energie potentielle.
Fig. 9
laire est constante (on peut encore dire que le solide est mécani-
quement isolé relativement au degré de liberté de rotation).
Deux solides tournant librement autour d'axes fixes paral-
lèles peuvent interagir, par choc tangentiel par exemple (fig. 9 ) .
L'expérience montre que les accroissements des vitesses angu-
laires résultant du choc, w'>- wl pour le premier solide,
idz--w3 pour le second, sont dans un rapport invariant carac-
téristique du système des deux disques. On posera alors, p a r
définition des moments d'inertie J1 et Ja des deux solides :
w3z-- W ? J I
-- - -
- - - --
LU'^ - lui J,
On définira alors le moment cinétique d'un solide par la rela-
tion : M = J w ; c'est l'analogue de la quantité de mouvement
pour la translation.
L'invariance précédemment découverte peut alors s'écrire :
J~w',+ J~W',= J ~ w , + J 2 ~ 2
elle exprime l'invariance du moment cinétique total pour le
système « isolé » des deux solides.
Lorsque le moment cinétique M = J w d'un solide varie, on
dit que le solide a subi une action mécanique. Cette action peut
être caractérisée p a r la dérivée p a r rapport au temps du moment
cinétique ; cette dérivée est appelée couple :
C = dM/dt = J dw/dt.
On définira une énergie cinétique de rotation :
1 M2
E, = -- J w L = - - - ;
2 25
une puissance et un travail du couple : P = C w, d T = C w dt.
On établira enfin le théorème d e l'énergie cinétique pour
la rotation comme pour la translation.
Relations entre l'es deux mécaniques.
Mais il n'y a pas totale indépendance et le moment est venu
de jeter un pont entre mécanique de translation et méclinique
de rotation.
On peut se d-mander si l'énergie cinétique de rotation,
telle qu'elle vient d'être définie se confond avec l'énergie ciné-
tique définie à propos du mouvement d e translation. Un très
petit morceau, de masse dm du solide, ayant la vitesse u = w r
1 1
possède l'énergie cinétique -- u2 d m = - c d r' d m ;
2 2
1
l'énergie cinétique totale du solide sera : -- w" I: r2d m .
2
686 BULLETIN DE L'UNION DES PIIYSICIENS
P . PROVOST,
(Lycée Louis-le-Grand - Paris).
BIBLIOGRAPHIE