14 15 Applications - Lineaires

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Université Claude Bernard Lyon 1 Applications linéaires

L1 de Mathématiques : Math. II Algèbre (parcours prépa.)


Année 2014–2015

Les applications linéaires et leur omniprésence en mathématiques sont la raison pour laquelle
on a introduit les espaces vectoriels – ce qui est intéressant, ce ne sont pas les objets mais
les relations entre les objets, c’est-à-dire les applications qui en préservent la structures, les
morphismes.

Dans tout le chapitre, on fixe un corps K et deux espaces vectoriels E et F sur K.


I Généralités
1◦ Définition et exemples
a) Ce que c’est

Définition. Soient E et F deux espaces vectoriels et soit ϕ : E → F une application. On dit


que ϕ est linéaire ou que c’est un morphisme d’espaces vectoriels si, pour tous vecteurs u, u0 ∈ E
et tout scalaire λ ∈ K,

ϕ(u + u0 ) = ϕ(u) + ϕ(u0 ) et ϕ(λu) = λϕ(u).

Lorsque E = F , on dit que ϕ est un endomorphisme.


Lorsque ϕ est bijective, on dit que ϕ est un isomorphisme.
Lorsque E = F et ϕ est bijective, on dit que ϕ est un automorphisme.

À l’instar du  test du sous-espace , on peut vérifier la linéarité en une seule identité.

Lemme. Soit ϕ : E → F une application. Alors ϕ est linéaire si et seulement si pour tous
vecteurs u, u0 ∈ E et tous scalaires λ, λ0 ∈ K,

ϕ(λu + λ0 u0 ) = λϕ(u) + λ0 ϕ(u0 ).

Démonstration. Supposons que ϕ soit linéaire et soient u, u0 ∈ E et λ, λ0 ∈ K. On obtient en


deux temps évidents : ϕ(λu + λ0 u0 ) = ϕ(λu) + ϕ(λ0 u0 ) = λϕ(u) + λ0 ϕ(u0 ).
Réciproquement, supposons la condition du lemme remplie. En prenant λ = λ0 = 1, on obtient
l’additivité : ϕ(u + u0 ) = ϕ(u) + ϕ(u0 ) et en prenant λ0 = 0, on obtient la compatibilité au
produit : ϕ(λu) = λϕ(u).

Voici une autre propriété formelle facile à vérifier.

Lemme. Soit ϕ : E → F une application linéaire bijective. Alors ϕ−1 : F → E est linéaire.

Démonstration. Soient v, v 0 ∈ F et λ, λ0 ∈ K. On note u = ϕ−1 (v), u0 = ϕ−1 (v 0 ). Par linéarité


de ϕ, on a : ϕ(λu + λ0 u0 ) = λϕ(u) + λ0 ϕ(u0 ) = λv + λ0 v 0 donc, en utilisant la définition de u et u0
et en appliquant ϕ−1 , il vient : λϕ−1 (v) + λ0 ϕ−1 (v 0 ) = λu + λ0 u0 = ϕ−1 (λv + λ0 v 0 ).


Exemples. 1. L’application nulle 0̃ : E → F , u 7→ 0 est linéaire.
2. Si E = F , l’identité IdE : E → E, u 7→ u est linéaire.

1
3. Si E = F = R2 , on retrouve la notion rencontrée en S1. (Ouf
 !) Onconnaı̂t
 leur forme,
retrouvons-la. Soit ϕ : R 2 → R2 linéaire. On pose ϕ 1 = a et ϕ 0 = b . Alors, pour
0 c 1 d
tout xx12 ∈ R2 :


                
x1 1 0 1 0 a b ax1 + bx2
ϕ = ϕ x1 + x2 = x1 ϕ +x2 ϕ = x1 +x2 = .
x2 2 1 0 1 c d cx1 + dx2

4. Si E = Kn pour n ∈ N et F = K, et si (a1 , . . . , an ) ∈ Kn est fixé, on définit (vérifier !) une


application linéaire sur E en posant :

`(x1 , . . . , xn ) = a1 x1 + · · · + an xn .

5. Les applications habituelles en analyse : limite d’une suite (un )n∈N 7→ limn→+∞ un ,
évaluation en un point f 7→ f (2) ou ou plus généralement f 7→ f (x0 ), dérivation d’une
fonction en un point f 7→ f 0 (2) ou plus généralement f 7→ f 0 (x0 ), dérivation d’une fonction
Rb
f 7→ f 0 , intégrale f 7→ a f (t) dt, etc., sont linéaires
b) Un exemple très général
L’exemple qui suit a une portée plus générale, d’ailleurs le chapitre sur les matrices consiste en
premier lieu à montrer que tout s’y ramène.
Exemple ( des systèmes linéaires ). Soit E = Kn et F = Km pour n, m ∈ N. Fixons une
 matrice  A = (aij )16i6m , on définit une application linéaire de K
n dans Km en posant :

 
  a11 x1 + · · · + a1n xn
x1
 ..   a21 x1 + · · · + a2n xn 
 
ϕA  .  =  .. .
 . 
xn
am1 x1 + · · · + amn xn

Remarquer l’inversion de l’ordre alphabétique : la matrice est de taille m × n mais l’application


va de Kn vers Km . Remarquer également que résoudre un système linéaire de m équations à n
inconnues, c’est chercher un vecteur X ∈ Kn tel que ϕA (X) = B, où A ∈ Mm,n (K) et B ∈ Km
sont donnés : c’est donc chercher le ou les antécédents de B par ϕA .
2◦ Opérations linéaires

Notation. On note L (E, F ) l’ensemble des applications linéaires de E dans F .

Définition. Soient ϕ, ϕ0 ∈ L (E, F ). On définit leur somme ϕ + ϕ0 par :

ϕ + ϕ0 : E −→ F
u 7−→ ϕ(u) + ϕ0 (u)

et le produit d’un scalaire λ ∈ K par ϕ par :

λϕ : E −→ F
u 7−→ λϕ(u).

Autrement dit, on a : (ϕ + ϕ0 )(u) = ϕ(u) + ϕ0 (u) et (λϕ)(u) = λ ϕ(u) pour tout u.

Lemme. La somme et le produit par un scalaire sont bien définies et font de L (E, F ) un espace
vectoriel. (Le vecteur nul est l’application linéaire nulle 0̃ définie plus haut.)

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Démonstration. La première partie du lemme signifie qu’avec les notations de la définition, ϕ+ϕ0
et λϕ sont linéaires. En effet, pour u, u0 ∈ E et µ, µ0 ∈ K, on a :

(ϕ + ϕ0 )(µu + µ0 u0 ) = ϕ(µu + µ0 u0 ) + ϕ0 (µu + µ0 u0 ) = µϕ(u) + µ0 ϕ(u0 ) + µϕ0 (u) + µ0 ϕ0 (u0 )


= µϕ(u) + µϕ0 (u) + µ0 ϕ0 (u) + µ0 ϕ0 (u) = µ(ϕ + ϕ0 )(u) + µ0 (ϕ + ϕ0 )(u0 )

(λϕ)(µu + µ0 u0 ) = λ ϕ(µu + µ0 u0 ) = λ µϕ(u) + µ0 ϕ(u0 )


   

= µλϕ(u) + µλ0 ϕ(u0 ) = µ(λϕ)(u) + µ0 (λϕ)(u0 ).

Remarque. Ah, un espace vectoriel. Et sa dimension alors ? Réponse au chapitre suivant...


3◦ Composition
Proposition. La composée de deux applications linéaires est linéaire.

Démonstration. Soient ϕ ∈ L (E, F ) et ψ ∈ L (F, G). On veut montrer que ψ ◦ ϕ est linéaire.
Soient u, u0 ∈ E et λ, λ0 ∈ K, on a :

ψ ◦ ϕ(λu + λ0 u0 ) = ψ ϕ(λu + λ0 u0 ) = ψ λϕ(u) + λ0 ϕ(u0 ) = λψ(ϕ(u)) + λ0 ψ(ϕ(u0 )),


 

ce qui montre que ψ ◦ ϕ est linéaire.

On peut ajouter des propriétés de distributivité utiles – preuve laissée en exercice.

Proposition. Soient ϕ, ϕ0 ∈ L (E, F ), ψ, ψ 0 ∈ L (F, G) et λ, λ0 ∈ K. Alors :

ψ ◦ (λϕ + λ0 ϕ0 ) = λψ ◦ ϕ + λ0 ψ ◦ ϕ0 et (λψ + λ0 ψ 0 ) ◦ ϕ = λψ ◦ ϕ + λ0 ψ 0 ◦ ϕ.

Notation. On note L (E) l’espace des applications linéaires de E dans E.

Corollaire. L’espace vectoriel L (E) est aussi un anneau unitaire (le produit est la composition,
le neutre du produit est l’identité IdE ).

Démonstration. Les propriétés demandées la somme sont contenues dans la structure d’espace
vectoriel. La composition des applications, qu’elles soient linéaire ou pas, est une propriété
générale, de même que le fait que l’identité soit neutre (ϕ ◦ IdE = ϕ = IdE ◦ ϕ pour tout
ϕ : E → E). La distributivité a déjà été vue.

Remarque. Dès que la dimension de E est supérieure ou égale à 2, l’anneau L (E) n’est pas
commutatif. Donnons un exemple avec E = K2 . On pose, pour xy ∈ K2 :
               
x y x 0 x x x 0
ϕ = et ψ = , ce qui donne : ϕ ◦ ψ = et ψ ◦ ϕ = .
y 0 y x y 0 y y

Remarque. En plus de la structure d’anneau, on a une structure d’espace vectoriel et une relation
de compatibilité supplémentaire entre la multiplication d’un scalaire par une application linéaire
et la composition. Pour λ ∈ K et ϕ, ψ ∈ L (E), on a :

(λψ) ◦ ϕ = λ(ψ ◦ ϕ).

On résume toutes ces propriétés en disant que L (E) est une algèbre (associative unitaire). On
en connaı̂t au moins une autre : l’anneau K[X] est également une algèbre.

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II Sous-espaces associés à une application linéaire
1◦ Image
a) Ce que c’est
Définition. Soit ϕ ∈ L (E, F ). On appelle image de ϕ l’ensemble
 
Im ϕ = ϕ(E) = v ∈ F, ∃u ∈ E, v = ϕ(u) = ϕ(u), u ∈ E .
Lemme. L’image d’une application linéaire est un sous-espace vectoriel de l’espace d’arrivée.
Démonstration. Soit ϕ ∈ L (E, F ) et soient v, v 0 ∈ Im ϕ et λ, λ0 ∈ K. Par définition de l’image
de ϕ, il existe u, u0 ∈ E tels que ϕ(u) = v et ϕ(u0 ) = v 0 . On peut alors calculer, par linéarité :
λv + λ0 v 0 = λϕ(u) + λ0 ϕ(u0 ) = ϕ(λu + λ0 u0 ) ∈ Im ϕ.
Définition. Soit ϕ ∈ L (E, F ) une application linéaire. On appelle rang de ϕ et on note rg(ϕ)
la dimension de l’image de ϕ :
rg ϕ = dim Im ϕ.
b) Critère inutile de surjectivité
Proposition. Soit ϕ ∈ L(E, F ). Alors, ϕ est surjective SSI Im ϕ = E.
Démonstration. C’est évident.
c) Application aux systèmes
Reprenons les notations de I1◦ b) et revenons au système ϕA (X) = B. Par définition de l’image,
l’existence d’une solution X ∈ Kn à ce système équivaut à la propriété : B ∈ Im(ϕ).
2◦ Noyau
a) Ce que c’est
Définition. Soit ϕ ∈ L (E, F ). On appelle noyau de ϕ et on note Ker(ϕ) l’ensemble

− →

Ker ϕ = {u ∈ E, ϕ(u) = 0 } = ϕ−1 ( 0 ).
Lemme. Le noyau d’une application linéaire est un sous-espace vectoriel de l’espace de départ.

− →

Démonstration. Soit ϕ ∈ L (E, F ). D’abord, Ker(ϕ) n’est pas vide puisque ϕ( 0 ) = 0 . Ensuite,
soient u, u0 ∈ E et λ, λ0 ∈ K. On a :

− →
− →

ϕ(λu + λ0 u0 ) = λϕ(u) + λ0 ϕ(u0 ) = λ 0 + λ0 0 = 0 ,
si bien que λu + λ0 u0 ∈ Ker ϕ.
b) Critère d’injectivité (à savoir par cœur)


Proposition. Soit ϕ ∈ L (E, F ). Alors ϕ est injective SSI Ker ϕ = { 0 }.


Démonstration (à connaı̂tre). Supposons que ϕ soit injective. L’inclusion { 0 } ⊂ Ker ϕ va se

− →

soi. Inversement, soit u ∈ Ker ϕ. On a donc : ϕ(u) = 0 = ϕ( 0 ). Par injectivité de ϕ, on en

− →

déduit : u = 0 . D’où l’égalité Ker ϕ = { 0 }.


Réciproquement, supposons que Ker ϕ = { 0 }. Soient u, u0 ∈ E tels que ϕ(u) = ϕ(u0 ). Par


linéarité, on a : ϕ(u − u0 ) = 0 , c’est-à-dire que u − u0 ∈ Ker ϕ. Cela signifie que u − u0 ∈ Ker ϕ =


{ 0 }, c’est-à-dire que u = u0 .
Mise en garde. Toutes les applications que l’on rencontre dans sa vie ne sont pas linéaires : ce
critère n’a aucun sens pour des applications qui ne seraient pas linéaires (ou, plus généralement,
des morphismes de groupes, structure que l’on n’étudie pas cette année).

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c) Application aux systèmes
Reprenons les notations de I1◦ b) et revenons au système ϕA (X) = B. Supposons que B appar-
tienne à l’image de ϕA , c’est-à-dire que ce système ait une solution X1 . Alors, pour tout X ∈ Kn ,
on a :


ϕA (X) = B ⇐⇒ ϕA (X) = ϕA (X1 ) ⇐⇒ ϕA (X − X1 ) = 0 ⇐⇒ X − X1 ∈ Ker ϕA .

Ainsi, X est solution du système SSI X − X1 ∈ Ker ϕ SSI X = X1 + (X − X1 ) peut s’écrire


comme somme de la solution particulière X1 et d’une solution du système  homogène  associé

− →

ϕA (X) = 0 (où on a remplacé le second membre quelconque B par 0 ).
C’est la même situation que pour les équations différentielles linéaires :
SGEASM = SPEASM + SGESSM
(solution générale de l’équation avec second membre = solution particulière de l’équation avec
second membre + solution générale de l’équation sans second membre).
En ce sens, le noyau de ϕA contrôle l’unicité de la solution du système : si Ker ϕA est réduit


à { 0 }, le système possède au plus une solution ; sinon, il en a plusieurs (généralement une
infinité pour peu que K soit infini). Remarquer que ceci ne dépend pas de B.
3◦ Injectivité, surjectivité et familles
Ce paragraphe un peu formel sera utile pour le théorème principal du chapitre. L’image  d’une
famille (u1 , . . . , uk ) par une application linéaire ϕ est la famille ϕ(u1 ), . . . , ϕ(uk ) .

Proposition. (i) Une application linéaire est injective SSI l’image de toute famille libre est
libre.
(ii) Une application linéaire est surjective SSI l’image de toute famille génératrice est
génératrice.
(iii) Une application linéaire est injective SSI l’image de toute base est une base.

Démonstration. Soit ϕ ∈ L (E, F ).


(i) Supposons que ϕ soit injective et soit u = (u1 , . . . , uk ) une famille libre. On veut montrer


que ϕ(u1 ), . . . , ϕ(uk ) est libre. Soit (λ1 , . . . , λk ) ∈ Kk tel que ki=1 λi ϕ(ui ) = 0 . Alors, par
 P
Pk →
− Pk →

linéarité : ϕ i=1 λi ui = 0 . Par injectivité, cela donne : i=1 λi ui = 0 . Puis, par indépendance
linéaire de u, il vient : λi = 0 pour tout i.
Réciproquement, supposons que l’image de toute famille libre soit libre.  Soit u un vecteur non


nul : la famille à un vecteur (u) est libre, de même que son image ϕ(u) . D’où ϕ(u) 6= 0 . Ainsi,


Ker ϕ ⊂ { 0 } (on vient de prouver l’inclusion des complémentaires) et ϕ est injective.
(ii) Supposons que ϕ soit surjective  et soit u = (u1 , . . . , uk ) une famille génératrice. On veut
montrer que ϕ(u1 ), . . . , ϕ(uk ) est génératrice. Soit v ∈ F . Par surjectivité, v possède un
antécédent u. Comme u est génératrice, on peut trouver (λ1 , . . . , λk ) ∈ Kk tel que u = ki=1 λi ui .
P
Pk
Par linéarité, il vient : v = ϕ(u) = i=1 λi ϕ(ui ), ce qui prouve l’assertion.
(iii) Cela résulte de (i) et (ii).

III Théorème du rang


Le théorème du rang joue le même rôle que le théorème de la base incomplète adjoint au théorème
de la dimension pour les applications linéaires : il en décrit complètement la structure. De plus, il
permet de prévoir la taille de l’ensemble des solutions d’un système linéaire. Plus prosaı̈quement,
il est utilisé dans tous les contrôles...

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1◦  Version abstraite 
La version abstraite n’est ici qu’une étape pour la formule du rang du paragraphe suivant.

Théorème. Soit ϕ ∈ L (E, F ). Soit E 0 un supplémentaire du noyau de ϕ dans E. Alors ϕ


induit par restriction un isomorphisme ϕ0 : E 0 → Im ϕ, u 7→ ϕ(u).

Démonstration. L’application ϕ0 est bien définie : en effet, tout vecteur de la forme ϕ(u) avec
u ∈ E 0 appartient bien à l’image de ϕ. D’après les critères précédents, il s’agit montrer que


Ker ϕ0 = { 0 } et que Im ϕ0 = Im ϕ.
Pour la première relation, remarquons qu’un élément du noyau de ϕ0 est un élément u de E 0

− →

tel que ϕ0 (u) = 0 , c’est-à-dire ϕ(u) = 0 , c’est-à-dire un élément de Ker ϕ. Autrement dit :


Ker ϕ0 = E 0 ∩ Ker ϕ, intersection réduite à { 0 } par hypothèse.
La deuxième relation n’est pas très difficile. Soit v ∈ Im ϕ. Il existe u ∈ E tel que v = ϕ(u).
Le problème, c’est qu’a priori, le vecteur u n’appartient pas à E 0 . En revanche, comme E =
E 0 + Ker ϕ, il s’écrit comme somme d’un vecteur u0 de E 0 et d’un vecteur u0 de Ker ϕ. De la
relation u = u0 + u0 on tire : v = ϕ(u) = ϕ(u0 ) + ϕ(u0 ) = ϕ0 (u0 ), ce qui montre que v ∈ Im ϕ0 .

2◦ Formule du rang (à savoir par cœur)


Théorème. Soit ϕ ∈ L (E, F ), où E est un espace de dimension finie. Alors :

rg ϕ + dim Ker ϕ = dim E.

Démonstration. Appliquons la version abstraite du théorème du rang. Soit donc E 0 un


supplémentaire de Ker ϕ dans E. On a en particulier : dim(E 0 ) + dim Ker ϕ = dim E. Il
suffit donc de démontrer que dim E 0 = rg ϕ. Or, d’après le théorème, ϕ induit un isomor-
phisme ϕ0 ∈ L (E 0 , Im ϕ). D’après la proposition II3◦ , l’image d’une base de E 0 par ϕ0 est une
base de Im ϕ, si bien que dim(E 0 ) = rg(ϕ).

3◦ Critère de bijectivité
Proposition. Soient E et F deux espaces de même dimension (finie) : dim E = dim F . Soit
ϕ ∈ L (E, F ). Alors ϕ est injective SSI ϕ est surjective SSI ϕ est bijective.

Remarque. Cette proposition résonne avec une propriété connue des ensembles finis : pour f :
X → Y une application entre ensembles finis de même cardinal, f est injective SSI f est surjective
SSI f est bijective.
Par ailleurs, compte tenu de la formule du rang ou de la proposition II3◦ , pour qu’il existe une
bijection entre deux espaces, il est nécessaire qu’ils aient la même dimension. L’hypothèse de
cette proposition n’est donc pas restrictive.

Démonstration. Il suffit de montrer que ϕ est injective SSI ϕ est surjective (pourquoi ?). Or,
d’une part, ϕ est injective SSI dim Ker ϕ = 0 ; d’autre part, ϕ est surjective SSI rg ϕ = dim F SSI
dim E − rg ϕ = 0. Comme d’après la formule du rang, on a égalité des deux entiers, dim Ker ϕ =
dim E − rg ϕ, on voit que la nullité de l’un équivaut à la nullité de l’autre.

4◦ Application aux systèmes linéaires


Si on considère le cas des systèmes, le résultat devient frappant. Reprenons les notations de I1◦ b)
et revenons au système ϕA (X) = B. On suppose qu’il y a autant d’inconnues que d’équations,
i.e. que la matrice est carrée, i.e. que m = n. Alors :
— le système ϕA (X) = B admet au plus une solution SSI il admet au moins une solution ;
— ceci est indépendant de B.

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Étonnant, non ? (Pas tant que ça si on se rappelle que la propriété est connue lorsque m = n = 1
et m = n = 2 et si on croit que l’algèbre en dimension 2 est  typique .)
On peut récapituler les renseignements sur le système ϕA (X) = B :
— il admet au moins une solution SSI B ∈ Im ϕA ;
— si c’est le cas, et si X1 est une solution particulière, alors l’ensemble des solutions ϕ−1 (B)
est paramétré par le noyau de ϕA : cela signifie que l’application Ker ϕA → ϕ−1 (B),
X0 7→ X1 + X0 est une bijection 1
— par le théorème du rang, ledit noyau a pour dimension n−r, où n = dim(E) et r = rg(ϕA )
est le rang du système (assez facile à calculer en pratique).
Remarque. En général, quand on ajoute une équation, le rang r du système augmente de 1 et on
perd une dimension dans l’espace (affine) des solutions. Ainsi, une équation dans le plan définit
en général une droite ; une équation dans l’espace définit en général un plan, deux équations une
droite, trois équations un point.
IV Construction d’applications linéaires
1◦ Par restriction à des sous-espaces supplémentaires
a) Cas général

Proposition. Soient E1 et E2 deux supplémentaires dans E. Soient ϕ1 ∈ L (E1 , F ) et ϕ2 ∈


L (E2 , F ). Alors il existe une unique application linéaire ϕ ∈ L (E, F ) telle que ϕ|E1 = ϕ1 et
ϕ|E2 = ϕ2 .

Démonstration. Prouvons l’unicité de ϕ. Pour cela, supposons qu’il existe une telle application.
Soit u ∈ E. Il existe (u1 , u2 ) ∈ E1 × E2 unique tel que u = u1 + u2 . On a donc :

ϕ(u) = ϕ(u1 + u2 ) = ϕ(u1 ) + ϕ(u2 ) = ϕ1 (u1 ) + ϕ2 (u2 ) :

cela montre que sous réserve d’existence, ϕ est parfaitement déterminée par les données, c’est-
à-dire unique.
Prouvons que l’application définie par la formule précédénte – c’est-à-dire ϕ(u) = ϕ1 (u1 )+ϕ2 (u2 )
pour u = u1 + u2 avec (u1 , u2 ) ∈ E1 × E2 – est linéaire. Soient u, u0 ∈ E et λ, λ0 ∈ K. On
décompose u = u1 + u2 et u0 = u01 + u02 avec (u1 , u2 ), (u01 , u02 ) ∈ E1 × E2 . On a alors :

λu + λ0 u0 = λ(u1 + u2 ) + λ0 (u01 + u02 ) = λu1 + λ0 u01 + λu2 + λ0 u02 ,


| {z } | {z }
∈E1 ∈E2

de sorte que

ϕ(λu + λ0 u0 ) = ϕ1 (λu1 + λ0 u01 ) + ϕ2 (λu2 + λ0 u02 )


= λϕ1 (u1 ) + λ0 ϕ1 (u01 ) + λϕ2 (u2 ) + λ0 ϕ2 (u02 )
= λ ϕ1 (u1 ) + ϕ2 (u2 ) + λ0 ϕ1 (u01 ) + ϕ2 (u02 )
 

= λϕ(u) + λ0 ϕ(u0 ).

b) Projecteurs et symétries

Définition. Soient E1 et E2 deux supplémentaires dans E. On appelle projection sur E1 pa-


rallèlement à E2 (resp. symétrie par rapport à E1 parallèlement à E2 ) l’application π (resp. σ)
définie ainsi. Étant donné un vecteur u ∈ E, on l’écrit sous la forme u = u1 + u2 avec
(u1 , u2 ) ∈ E1 × E2 . L’image de u par la projection π est π(u) = u1 (resp. σ(u) = u1 − u2 ).

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E2
u
u2 = π2 (u)


− E1
0
u1 = π(u)

u1 − u2 = σ(u)

Lemme (Notations de la définition). Les applications π et σ sont linéaires et on a : σ = 2π−IdE .


Démonstration. La linéarité résulte de la proposition précédente à π : E1 → E, u1 7→ u1 et


π2 : E2 → E, u2 7→ 0 (resp. σ1 : E1 → E, u1 7→ u1 et σ2 : E2 → E, u2 7→ −u2 ). (On pourra
écrire une preuve spéciale.)
Pour prouver la relation σ − 2π + IdE = 0̃, on remarque que pour u1 ∈ E1 , on a : (σ − 2π +

− →
− →

IdE )(u1 ) = u1 − 2u1 + u1 = 0 et pour u2 ∈ E2 , on a : (σ − 2π + IdE )(u2 ) = −u2 − 0 + u2 = 0 .
Par unicité dans la proposition, l’application nulle 0̃ est l’unique application linéaire dont la
restriction à E1 et E2 est l’application nulle : d’où σ − 2π + IdE = 0̃.
(Plus simplement, on a : σ(u) = u1 −u2 et 2π(u)−u = 2u1 −(u1 +u2 ) = u1 −u2 pour tout u.)

2◦ Par l’image d’une base


Ce paragraphe montre que pour connaı̂tre une application linéaire, il n’est pas nécessaire de
retenir l’image de tous les vecteurs : il suffit de connaı̂tre l’image d’une base. Cela fait qu’il est
facile de coder une application linéaire, par exemple dans un ordinateur.
Proposition. Soit (e1 , . . . , en ) une base de E et (v1 , . . . , vn ) une famille quelconque de F . Il
existe une unique application linéaire ϕ ∈ L (E, F ) telle que ϕ(ei ) = vi pour tout i.
Démonstration. Commençons par l’unicité en admettantP l’existence de ϕ. Soit u ∈ E et soit
(xi )16i6n ∈ K l’unique famille de scalaires telle que u = ni=1 xi ei . On a par linéarité :
n

n
X n n
 X X
ϕ(u) = ϕ xi e i = xi ϕ(ei ) = xi vi ,
i=1 i=1 i=1

de sorte que ϕ(u) est parfaitement déterminé par les données.


Pour l’existence, montrons P que l’application définie par la formule précédente est linéaire. Soit
u0 ∈ E, (x0i ) tel que u0 = ni=1 x0i ei et soient λ, λ0 ∈ K. On a alors :
n
X n
X n
X
0 0 0
λu + λ u = λ xi e i + λ xi e i = (λxi + λ0 x0i )ei ,
i=1 i=1 i=1

d’où :
n
X n
X n
X
0 0
ϕ(λu + λ u ) = (λxi + λ0 x0i )vi =λ xi vi + λ 0
x0i vi = λϕ(u) + λ0 ϕ(u0 ),
i=1 i=1 i=1

ce qui prouve la linéarité de ϕ.



1. Attention, ce n’est pas une bijection linéaire parce que ϕ−1 (B) n’est pas un espace vectoriel si B 6= 0 .

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