Divisions de L'art Oratoire, Topiques (Deuxième Édition)

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COLLECTION DES UNIVERSITÉS DE FRANCE

publiée sous le patronage de Γ ASSOCIATION GUILLAUME-BUOÈ


_ _ _ ___ _____ _ ___ __ __ _ _ __ _ ____ _ _________

CICÉRON
DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE
TOPIQUES

TEXTE ÉTABLI ET TRADUIT


PAR

Henri BORNECQUE

DEUXIÈME ÉDITION

PARIS
SOCIÉTÉ D’ÉDITION « LES BELLES - LE TTRES »
95, BOULEVARD RASPAIL

1960
4

it

.1

Conformément aux statuts de lf Association Guillaume-Budé, ce


I

volume a été soumis à I*approbation de la commission technique,


qui a chargé Μ. Jules Martha d'en faire'la révision et d’en sur-
veiller V impression, en collaboration avec Μ. Bomecque.

fi

© Société d'Édition < Lea Belles Lettres », 1960.


I

DIVISIONS DE PART ORATOIRE


/
Y,
INTRODUCTION

Les Partitiones Oratoriae, « Di


Objet et caractères
généraux de Pou- visions (1) de l’art oratoire », sont
rrage.
un manuel de rhétorique,composé
par Cicéron, durant un séjour à la campagne, pour son
fils et à la demande de celui-ci (2), qui voulait recevoir
en latin les enseignements que son père lui avait déjà
donnés en grec.
La forme est celle du dialogue, d’ailleurs tout exté­
rieure : aucun des deux interlocuteurs, surtout le fils, n’a
de caractère accusé. Dans cette façon de présenter la
matière, ne voyons rien de particulièrement original ;
Μ. Junius Brutus, le célèbre jurisconsulte, l’avait choisie
pour exposer à son fils les éléments de la jurisprudence,
b
et, dans le Brutus (3), Cicéron mentionne un ouvrage de
Curion où celui-ci s’entretenait avec son fils. Il est pos­
sible que cette forme, « exacte et méthodique, mais sèche
et abstraite » (e. thomas), toute semblable à un caté­
chisme, ait assuré, durant le moyen âge, la popularité de
l’ouvrage.
La précision du fond y a contribué aussi. En effet,
(1) D’après les Topiques (28 sqq.), parlitio est la décomposition
d’une chose en ses éléments.
(2) § 1.
(3) Brutus, § 218.
b
Vin DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE

avec le de Inventione et les Topiques, les Partitiones cons­


tituent, parmi les traités de rhétorique, le groupe des
ouvrages proprement techniques. La langue est semée de
termes d’école,voire peu usuels ; le style précis, quelque­
fois obscur (1) à force de précision ; le sujet plus didac­
tique et plus didactiquement traité, bien qu’on soit fort
loin de la complication et de la minutie du de Inventione.

EnefEet, qu’on jette les yeux sur


Plan.
le plan des Partitiones.
Préface (1-2).
Introduction : grandes divisions de l’art oratoire
(34).
CORPS DE L’OUVRAGE.

I. Le talent propre de l’orateur (7-26).


A. L’invention : arguments inhérents au sujet et pris
au dehors ; où les puise-t-on ? (5-8).
B. La disposition (9-15) :
1° en général (9),
2° dans une cause particulière (10-11),
a) genre d’apparat (12) ;
b) genre délibératif (13) ;
c) genre judiciaire (14-15).
C. L’élocution (16-24).
1° Élocution qui se déroule librement (16-22) :
a) mots considérés isolément (16-17) ;

(1) Nous avons eu de ce fait à surmonter une difficulté s’ajou­


tant à celle qui résulte de la fluidité de la langue déjà signalée à
propos de Y Orator.

A
INTRODUCTION ix

b) mots unis à d’antres (18) ;


c) qualités communes aux deux cas (19-22).
2° Élocution à formes travaillées et variées (23-24).
D. L’action (25).
E. La mémoire (26).
IL Le discours (27-60).
A. L’exorde (28-30).
B. La narration (31-32).
C. Confirmation et réfutation (33-57) :
1° Confirmation (34-43) :
o) Question conjecturale (34-40) ;
t) Question de définition (41) ;
c) Question de qualité (42-43).
2° Réfutation (44).
3° Comment traiter les arguments dans cette partie
(45-51).
D. Péroraison (52-60).
1° Amplification (52-58).
2° Résumé (59-60).
III. Les questions (61-138). Leurs genres principaux (61).
A. Questions indéterminées : de théorie et de prati­
que (62-63).
1° Questions de théorie r conjecture, définition, qua­
lification (64-66) ;
2° Questions de pratique (67-68).
B. Questions déterminées : les trois genres (68-70).
1° Genre laudatif (70-82) :
a) but visé (70-71) ;
b) la forme (72-73) ;
c) le fond (74-82).
DIVISIONS VE L’ART ORATOIRE

2° Genre délibératif (83-97).


3° Genre judiciaire (98-138).
a) Avant la délivrance de la formule (99-100).
b) Devant le tribunal (101-138).
a. Les états de la cause : conjecture, définition, qua­
lification et cause portant sur un texte (101-108) ;
ß. Façon de les traiter : conjecture, accusation et
défense (110-122), définition (123-128), qualification
(129-131), états légaux, qui sont de trois sortes (132-138).

Conclusion (139-140)

Les conseils donnés ici sont au


Conseils donnés.
fond, on voudra bien le remar­
quer, les mêmes que dans les autres ouvrages de rhé­
torique de Cicéron (1), en particulier dans V Orator (2),
peut-être plus nets et plus dépouillés (3) : mettre à la
< base de l’éloquence la connaissance de la philosophie (4)
et du droit civil (5), consacrer au style un soin particu­
lier (6), ne pas écarter la forme périodique et nom­
breuse (7).
Aussi qu’on ne s’y trompe pas : la sécheresse de l’ex­
l

position n’enlève rien à la richesse du fond. Certains


développements sont très fouillés, par exemple celui sur

(1) Voir Merchant, de Ciceronis parlitionibus oratoriis commen-


lalio, p. 76 sqq.
(2) Piderit, préface de son édition, § 9, p. 11.
y (3) V. Merchant, p. 73-74.
(4) Voir surtout §§ 139 et 140.
P (5) Voir § 131.
(6) Voir §§ 18-24.
(7) Voir §§ 18-19.
INTRODUCTION XX

la praevaricatio (1) et, comme l’écrit Marmontel, « le


plan de la Milonienne est tracé en dix lignes dans le
traité des Partitions Oratoires (2) ».

Authenticité de l’ou- H ®st donc assez difficile de


wage. soutenir que les Partitiones ne
soient pas de Cicéron. H est vrai que, dans ses Lettres,
Cicéron n’y fait aucune allusion. Mais, à ce silence on
peut opposer le témoignage de Quintilien, pour lequel
il n’y. a aucun doute sur l’auteur. D’autre part, les con­
sidérations invoquées par Curcio (3) sont des remarques
de détail, infiniment subtiles, mais insuffisantes pour
infirmer le témoignage de Quintilien et pour expliquer
comment un autre que Cicéron aurait si admirablement
réussi à s’assimiler les théories cicéroniennes, voire à les
perfectionner. Quant au style.il est sans art, c’est incon­
testable; mais on peut en dire autant pour les Topiques,
dont l’authenticité n’est mise en doute par personne.

Date de la composi- Des considérations analogues


tioa, 54, 4β ou 44? ne nous permettent pas d’admet­
tre, pour la composition des Partitiones, la date de 54,
proposée par différents savants. Le fils de Cicéron, alors
âgé de onze ans et qui, nous le savons, n’était pas
exceptionnellement doué, aurait été vraisemblablement
incapable de suivre ces développements profonds ou
ingénieux sur la philosophie ou le droit civil. Aussi

(1) Voir § 124 sqq.


(2) Voir §§ 104-106.
(3) Le opéré retoriche di Μ. Tullio Cicerone, p. 209 et suiv
1

XII DIVISIONS DE L'ART ORATOIRE

bien les jeunes Romains a’abordaient-ils pas si jeunes


l’étude de la rhétorique. A onze ans, ils n’avaient
même pas commencé à fréquenter le grammaticus.
A quelle date faut-il donc reporter la composition des
Partîiiones ? A 46 au plus tôt, semble-t-il. Cicéron nous
dit, au début de l’ouvrage, qu'il vient seulement de pou­
voir quitter Rome. Or nous savons (1) que, de 51 jusqu’à
la fin de 47, il n’a pas été à Rome. Cette date de 46 s’ac­
corde d’ailleursavee un passage où Quintilien (2) semble
rapporter les Partitiones à la même époque que Γ Orator.
Il semble même qu’on puisse préciser davantage. Mar­
cus Cicéron étant parti en mars 45 pour Athènes, où il
allait se perfectionner dans l’étude de la rhétorique et de
la philosophie, le présent traité serait comme une prépa­
ration à ce séjour : il aurait donc été composé à la fin
de 46 ou au début de 45.
Dans ces ccnditicns, l’on ne s’étonnera pas que Mar­
cus, alors âgé de dix-neuf ans ou de vingt ans, soit encore
interrogé en grec sur la rhétorique. Il s’agit d’une révi­
sion dans un but déterminé. D’ailleurs n’oublions pas
que, jusqu’à sa préture, Cicéron déclama en grec (3).
On peut de même, croyons-nous, répondre aux autres
objections dirigées contre la date de 46. Au début des
Partitiones, le jeune Cicéron exprime la crainte que son
père n’ait pas le temps de lui donner satisfaction. Mais,
en 46 et 45, objecte Hirzel (4), le grand orateur avait

(1) Voir Piderit, Préface de son édition, p. 5 et suiv.


(2) Inst. Or., 3, 3, 7.
(3) Suétone, De Claris rheL, 1.
(4) Der Dialog., I, p. 493.
INTRODUCTION

plutôt trop de loisirs. Sans doute, si l’on pense à la seule


politique. Au contraire, si l’on a -devant les yeux l’acti­
vité littéraire déployée par Cicéron en 46 et 45, on
reconnaîtra à Marcus le droit de se demander si, entre
tous les ouvrages si importants, si élevés, que son
père écrivait ou préparait, celui-ci trouverait encore
le temps de hii donner les conseils pratiques qu’il ré­
clame.
D’autre part, si l’ouvrage est contemporain — ou à
V

peu près—de VOrator et du de Optimo geriere oratorum,


comment n’y trouve-t-on pas d’allusion aux Néo-Atti
ques? Mais on n’en relève pas davantage dans les Topi­
ques, que l’on s’accorde à placer en 44, c’est-à-dire dix-
huit mois seulement après V Orator. D’ailleurs reprendre
les idées de Γ Orator, n’est ce pas continuer la lutte contre
les Néo-Attiques ?
Enfin cette date de 46 (ou une date voisine) n’est pas
inconciliable avec un passage d’une lettre à Quintus (1),
écrite incontestablement en 54. Cicéron ne s’y déclare
pas satisfait sur tous les points des conseils que Paeonius
donne sur la rhétorique au fils de son frère et il ajoute *
« Si jamais je l’emmène avec moi à la campagne, je l’ini­
tierai à ma méthode et âmes habitudes. »Comme les Par-
titiones ont été composées à la campagne, on en conclut
qu’il faut y voir précisément l’ouvrage que Cicéron
annonçait à son frère. Encore conviendrait-il de prouver
que ce qui s’applique au neveu de Cicéron se rapporte
également au fils de l’orateur. Une affirmation ne suffit

(1) III, 3, 4.
4

XIV DIVISIONS DE L*ART ORATOIRE

pas, même sous la plume de Schanz (1). Bien que les deux
cousins aient reçu une éducation en grande partie com­
mune, la lettre même de Cicéron prouve qu’ils n’étaient
pas toujours réunis.
Nous estimons donc qu’il faut placer la rédaction des
Partitioned à fin 46. La reporter à 44 avec Merchant (2),
c’est y voir un dialogue purement fictif, puisque Μ. Cicé­
ron était absent, et même ne tenir aucun compte des
circonstances où Cicéron nous dit que le traité a été
composé.

„ , „ Sur les sources, même désaccord


Sources de l'ouvrage.
que sur les dates. Comme Cicéron
nous dit, à la fin de l’ouvrage (3) :« Je t’ai exposé toutes
les divisions de l’art oratoire, telles du moins qu’elles sont
nées au sein de l’école philosophique à laquelle j’appar­
tiens, l’Ancienne Académie », on a voulu conclure de ce
1
r passage que Cicéron s’est borné à traduire un manuel
grec. Mais ce passage indique simplement que Cicéron, en
1
général, s’est inspiré de la doctrine académique, comme
dans 1’Orator (4). Puis, a fait observer Laurand (5),
pourquoi Cicéron, dans ce cas, n’aurait-il pas mis pure­
ment et simplement le manuel en question entre les
mains de son fils, qui savait le grec ? Aussi bien,comme
nous l’avons montré, les théories exposées sont, en grande

j (1) Geschichte d. röm. Literatur, 1,2, 3e éd., p. 302.


(2) Op. laud., p. 75 sqq.
(3) Voir § 139.
(4) §§ 12 et 237.
(5) Tlièse latine, p. 76.
iv

I
INTRODUCTION XV

partie, originales. D’autres remontent à Aristote (1)


comme la division des arguments (2),la distinction entre
les auditeurs (3), la théorie de la question générale (4).
a L’influence de la Nouvelle-Académie
» se fait surtout
sentir dans la façon de traiter les questions indétermi­
nées (5), les vertus et les vices (6),la division des biens (7),
la théorie des causes (8). Dans bien des passages, nous
trouvons les idées propres à Antiochus : le concept de
la justice (9), la définition de l'éloquence (10), certaines
parties de la théorie des biens (11), ce qui est dit sur le
plaisir (12). »

Le texte (13) repose avant tout


Le texte.
sur deux manuscrits de Paris, l’un,
désigné par P, du xe siècle (Parisinus 7232), l’autre,
(1) Cf. Jentsch, Aristotelis ex arte rhelorica quaeritur quid habeat
Cicero, Berlin, thèse 1886, p. 52 sqq.
(2) Voir § 6.
(3) Voir § 10.
(4) Cf. Orator, 46.
(5) §§ 63-68.
(6) § § 76-82.
(7) § 86 sqq.
(8) § 97 sqq.
(9) § 78.
(10) § 79.
(11) §§ 86-87.
(12) § 90. — Passage traduit de Teuffel, Geschichte d.roem. Lite­
ratur, 6· édition, t. I, § 182, 5, 1, p. 398.
(13) Voir en particulier Friedrich, Philologue, N. F. I, p. 291-
309 et Stroebel, zur Handschriftenkunde und Kritik oon Ciceros
Partitiones Oratoriae,1887, Programm der kgl. Studienanstalt Zwei­
brücken. — Pendant la guerre a paru, dans la Bibliotheca Teubne-
riana, une nouvelle édition des Partitiones et des Topiques. Je
n’ai pu me la procurer (elle est épuisée),ni la trouver dans aucune
des bibliothèques françaises ou étrangères qui m’étalent accessi­
bles. De ce fait quelques leçons Intéressantes m’auront peut-être
échappé, surtout pour les Topiques, où je n’al pu remonter aux
manuscrits mêmes.
_____ mTW

XVÎ DIVISIONS DE UART ORATOIRE

désigné par p du xn® siècle (Parisinus 7696) : je les ai


collationnés moi-même en vue de cette édition. Ces
deux manuscrits semblent remonter à un même arche
type, dont P paraît mieux reproduire le texte. Nous les
avons pris pour base et avons mis en italique tout ce qui
s’en écartait.
Parmi les autres manuscrits, assez nombreux, on en
distingue cinq, trois du xve siècle, tous d’Erlangen,un de
Wittenberg, enfin un qui figurait dans la bibliothèque
fondée par Thomas Rédiger en 1575 et qui est actuelle­
ment conservé dans la Bibliothèque de l’Administration
municipale (Magistratsbibliothek) de Breslau. Ces ma­
nuscrits se divisent en deux groupes, formés, le premier,
de deux manuscrits d’Erlangen (848 et 858), le deu­
xième, des autres manuscrits.
L’examen des clausules métriques, particulièrement
soignées (1), fournit, ici encore, un contrôle, non sans
intérêt.

On peut donc lire dans un texte


Conclusion.
assez bien établi cet ouvrage, trop
laissé de côté. « Une rhétorique complète que Cicéron
écrivit par demandes et par réponses, pour l’instruction
de son fils, semblerait devoir être répandue dans toutes
les écoles et cependant elle est à peine connue. Le sens

(1) Π ne reste, en définitive,que cinq irrégularités irréductibles :


les deux premières appartiennent au fils, les trois autres au père.
15 uolunuis, lenere possumus ?
48 ecquonam modo orlis indigent ?
50 uim lormenlorum perlulerinl.
100 dissimililudine generis,
139 Iraelari posseni,
INTRODUCTION χνπ

vague du titre, la sécheresse et les difficultés de quel*


ques parties, les doutes mêmes qu’on a exprimés sur l’au­
thenticité de cet ouvrage, dont Cicéron ne parle pas,ont
pu contribuer à cette indifférence. Les bons livres élé­
mentaires sont si rares, qu’il est impossible que celui-ci
ait été négligé sans raison. »
Ainsi s’exprimait J.-V. Le Clerc. C’était, il est vrai, en
1821, époque où la rhétorique était enseignée dans tous
les établissements d’enseignement secondaire. Il n’en
reste pas moins que l’ouvrage est plein de choses, qu’il
abonde en idées originales ; si le style manque d’éclat
et de variété, du moins, comme l’écrivait Marmontel,
« c’est surtout dans ce dialogue que, en un quart d’heure
de lecture, vous apprendrez, en théorie, tout ce que Cicé­
ron lui-même savait dans l’art d’amener les esprits au
but de la persuasion (1) ».

(1) Comme pour les Topiques, mon collègue et ami Μ. Lefas a


bien voulu examiner l’ouvrage en ce qui concerne le droit ro­
main. Je lui dois beaucoup et je tiens à l’en remercier ici.
I
SIGLA (cf. p. XV sq.)

cet. = Omnes codices, excepto uno uel altero qui


ante vel post notatur.
= codices Erlangenses 848,858et 863,saec.xv.
= cod. Redigeranus, saec. xiv-xv.
codd­ = omnes codices, exceptis Pp.
ed. Norimb. = editio Norimbergensis (1497).
om. Pp = habent codd. dett., omiserunt Pp
— cod. Parisinus, 7231, saec. x.
P = cod. Parisinus 7296, saec. xn.
ERV = addiderunt codd. ERV, om. Pp.
= codex Vitebergensis, saec. xv.
vulg. = vulgata lectio.
.3..

DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE

I 1 Cicéron fils. Je désire vivement,


Préface. mon père, t’entendre m’exposer en
latin les préceptes que tu m’as donnés en grec sur
l’éloquence, si toutefois tu en as le loisir et si tu le veux.
Cicérôn péri. Te voir aussi savant que possible, est-il
rien, mon cher flls, que je puisse préférer ? Quant au
loisir, je le possède entièrement, puisqu’enfln il m’est pos­
sible de quitter Rome ; d’ailleurs ces études dont tu me
J
parles, je les ferais volontiers passer même avant mes
occupations les plus sérieuses.
2 F. Veux-tu donc que, procédant comme toi, qui
as coutume de me poser en grec des questions sur tous les
points, moi, à mon tour, je te pose en latin des questions
sur les mêmes matières ?
P. Certainement, si tu le désires. Par ce moyen, je
verrai si tu as retenu ce que l’on t’a enseigné, et toi, tu
m’entendras exposer sur tous les points ce que tu me
demanderas.

Introduction : lea
3F. En combien de parties doit-
grandes divi­ on diviser la science de la parole
sions de l'art considérée d’ensemble ?
oratoire·
C. P. En trois.
F· Lesquelles, dis-moi ?
R P· D’abord le talent propre de l’orateur, ensuite le dis­
cours (1), enfin la question (2).
w

(1) Considéré en lui-même, comme œuvre d'art. — Le rappro-


chement orator-oratio ne peut être rendu en français.
(2) C'est-à-dire les dlflérents genres de causes, comme on va le
voir.
r-
Μ. TULLI CICERONIS

PARTITIONES ORATORIAE

11 Cicero Filius. Studeo, mi pater, Latine ex te au-


dire ea quae mihi tu de ratione dicendi Graece tradi-
disti, si modo tibi est otium et si uis.
Cicero Pater. An est, mi Cicero, quod ego malim, quam
te quam doctissimum esse ? Otium autem primum est
summum, quoniam aliquando Roma exeundi potestas
data est, deinde ista tua studia uel maximis occupatio-
nibus meis anteferrem libenter.
2 F. Visne igitur, ut tu me Graece soles ordine interro-
gare, sic ego te uicissim eisdem de rebus Latine inter­
rogeai ?
P. Sane,si placet. Sic enim et ego te meminisse intel-
legam quae accepisti, et tu ordine audies quae requires.
3 F. Quot in partes tribuenda est omnis doctrina
dicendi ?
P. Tris.
F. Cedo quas ?
P. Primum in ipsam uim oratoris, deinde in oratio-
nem, turn in quaestionem.
Μ. Tulll Ciceronls partitiones oratoriae incipiunt fellciter Pp
Dialogus Ciceronls cum fillo Cicerone add. P
1 si modo ERV : modo Pp.

1-3 DIVISIONS DE ΠART ORATOIRE 3

F. Où réside le talent propre de l’orateur ?


P. Dans les idées et dans les mots. Qu’il s’agisse des
idées et des mots, il faut distinguer l’invention et la dis­
position. Invention s’applique proprement aux idées ;
pour les mots on dit élocution. Quant à la disposition,
quoiqu’elle vaille pour les idées comme pour l’expression,
cependant on la joint à l’invention (1). La voix, le geste,
les jeux de physionomie, et même l’action en général ac­
compagnent l’élocution ; la mémoire est le dépôt de tous
ces éléments.
4 F. Et pour le discours, combien de parties ?
P. Quatre. Deux servent à exposer le fait, la narra­
tion et la confirmation, deux à émouvoir les âmes, l’exorde
et la péroraison.
F. Et pour la question, combien de parties ?
P. La question indéterminée (2), que j’appelle cas gé-
néral,et la question déterminée, que j’appelle cause parti·
culière.

Le talent propre II 5 F. Eh bien! puisque l’ inven-


de l'orateur.— tion est le premier objet de l’orateur,
L’ïnyention. que cherchera-t-il ?
P. A trouver (3) le moyen de convaincre ceux qu’il
voudra persuader et de toucher les passions dans leur
âme.
F. Comment arrive-t-il à convaincre ?
P. Par les arguments, que l’on tire des lieux inhérents à
la cause ou pris en dehors d’elle ?
F. Qu’appelles-tu lieux ?
P. Ce qui renferme les arguments.
F. Qu’est-ce qu’un argument ?
P. Une raison plausible inventée pour convaincre.

(1) Où il ne s’agit proprement que des idées.


ü (2) Qui ne s'applique pas à une personne, à un temps, à un lieu
P déterminés.
(3) Rapprochement, intraduisible en français, entre invenlio et
irwenire.

Vi
3 PARTITIONES ORATORIAE 1-3

F. In quo est ipsa uis ?


P. In rebus et uerbis. Sed et res et uerba inuenienda
sunt et conlocanda. Proprie autem in rebus inuenire, in
uerbis eloqui dicitur. Conlocare autem, etsi est commune,
tarnen ad inueniendum refertur. Vox, motus, uoltus,
atque omnis actio eloquendi comes est ; [si] earum re­
rum omnium custos memoria.
4 F. Quid ? orationis quot sunt partes ?
P. Quattuor. Earum duae ualent ad rem docendam,
nairatio et confirmatio, ad impellendos animos duae,
principium et per oratio.
F. Quid ? Quaestio quasnam habet partes ?
P. Infinitam, quam consultationem appello, et de-
finitam, quam causam nomino.
II 5 F. Quoniam igitur inuenire primum est oratoris,
quid quaeret ?
P. Vt inueniat quem ad modum fidem faciat eis
quibus uolet persuadere, et quem ad modum motum
eorum animis adferat.
_____ r

F. Quibus rebus fides fit ?


P. Argumentis, quae ducuntur ex locis aut in re ipsa
insitis aut adsumptis.
F. Quos uocas locos ?
P. In quibus latent argumenta.
F. Quid est argumentum ?
P. Probabile inuentum ad faciendam fidem.

3 conlocanda ERV : locanda Pp 11 inuenire ERV: - ri Pp || ea­


rum E : si earum PpV sed earum jR
4 impellendos P : pellcndos p
5 fit argumentis P : flet argumentaque p

’: ..... .··
--------------

π-β DIVISIONS DE L'ART ORATOIRE 4

8 F. Quelle distinction fais-tu entre les deux genres


< de lieux > dont tu as parlé plus haut ?
P. Ceux que l’on regarde comme n’exigeant < de l’ora­
teur > aucun art (1), voilà ceux que j’appelle extrinsè­
ques, par exemple les témoignages, et inhérents à la cause
ceux qui tiennent au sujet même.
F. Dans les témoignages, quels genres y a-t-il ς1/
P. Divins et humains : divins (2), comme les oracles, les
auspices, comme les prédictions et les réponses des prê­
tres, des aruspices, des devins (3) ; humains, qui se tirent
d'une intervention extérieure (4), de la volonté < des
parties > , de paroles obtenues de gré ou de force; c’est
dans cette catégorie que l’on fait entrer les textes (5),
les conventions, les promesses, les serments et les aveux
obtenus par la torture.
7 F. Quels sont les arguments que tu appelles inhérents
au sujet ?
P. Ceux qui tiennent au fond même, comme la défini­
tion (6), comme le contraire, comme ce qui offre, avec la
définition même ou le contraire, un rapport de ressem
blance ou de différence, de compatibilité ou d’incompati­
I
bilité, comme les idées qui sont pour ainsi dire (7) appa­
rentées ou celles qui sont pour ainsi dire en conflit,
comme les causes des faits, au sujet desquels on plaide,
comme les effets des causes, comme les divisions, comme
les genres des parties ou les parties des genres, comme 1

(1) La question est reprise dans les Topiques, 24 et 73. Elle


est traitée aussi dans le de Oratore II, 114, mais en termes moins
techniques. V. aussi Quintllien, Znst Or., 5,1, 1 sqq.
(2) Cf. Topiques, 77.
(3) Qui interprètent tous les présages, mais surtout les songes.
(4) Il s'agit de l'intervention de quelque chose de supérieur
aux parties.
(5) Comme les lois. Cf. 130.
(6) Qui détermine le point important.Cicéron attache une grande
importance à la définition. Voir Topiques, 9, 26 et suiv., 83, et
de Oratore,!! 164.
(7) Parce que l'adjectif est pris ici en un sens figuré, rare en
latin.
4 PARTITIONS ORATORIAE π-β

βF. Quomodo igitur duo genera ista diuidis ?


P. Quae sine arte putantur, ea remota appello, ut
testimonia, insita quae inhaerent in ipsa re.
F. Testimoniorum quae genera sunt ?
P. Diuinum et humanum. Diuinum est, ut oracula,
auspicia, ut uaticinationes et responsa sacerdotum, ha-
ruspicum, coniectorum. Humanum, quod spectatur ex
auctoritate, ex uoluntate, ex orationeaut libera aut
expressa ; in quo insunt scripta, pacta, promisse, iurata,
quaesita.
7 F. Quae sunt quae dicis insita ?
P. Quae [iura] infixa sunt rebus ipsis[tum extoto,
turn ex partibus, turn ex nota,turn ex iis rebus quae quo-
dam modo affectae sunt ad id de quo quaeritur. Sed ad
id totum de quo quaeritur turn definitio adhibeatur turn
partium enumeratio, turn notatio uerbi. Ex iis autem
rebus quae quodam modo affectaesunt ad id de quo quae­
ritur, alia coniugata appellantur, alia ex genere, alia ex
similitudine, alia ex differentia, alia ex contrario, alia ex
coniunctis, alia ex antecedentibus, alia ex consequenti-
bus,alia ex repugnantibus, alia ex causis, alia ex effectis,
alia ex comparatione maiorum aut parium aut mino-
rum], ut definitio, ut contrarium, ut ea quae sunt aut
ipsi aut contrario eius aut similia aut dissimilia aut con-
sentanea aut dissentanea, ut ea quae sunt quasi coniunc-
ta aut quae quasi pugnantia inter se, ut earum rerum, de
quibus agitur, causae, ut causarum euentus, [id est quae
7 Quae vulg. : quae iura Pp EV quae iure R ]| turn ex toto —
aut mlnorum Pp. Hane locum, redactum ex Topicis 8,9et 11 in com­
pendia modum, seel. Ernesii,auctore Lambin 1) aut quae P : aut ea
quae cel. y id est — de causis et in quibus— argument! seclusl
— «ί

II-7 DIVISIONS DE L'ART ORATOIRE 5

les principes et en quelque sorte (1) les avant-couréurs


des choses, comme les comparaisons entre plusieurs
choses, ce qu’il y a de plus grand, d’égal ou de plus pe­
tit, où l’on met en parallèle, soit la nature des choses,
soit leurs qualités.
III 8 F. Tous les lieux dont tu parles nous fourniront-
ils des arguments ?
P. Non vraiment. Nous porterons sur tous notre exa­
men et nos recherches ; mais nous ferons un choix qui
écartera toujours les arguments faibles et parfois aussi
laissera de côté ceux qui sont banals ou ne sont pas essen­
tiels.
F. Sur le moyen de convaincre, tu m’as répondu ; je
voudrais bien entendre celui d’émouvoir,
P. Ta question est bien à sa place (2); mais j’exposerai
i
mieux ce que tu veux, lorsque j’en serai arrivé à l’étude
méthodique du discours même et de la question.

9 F. Qu est-ce qui vient donc main-


La disposition. .......... . „
?
U * tenant ?
P. Après l’invention, la disposition : pour une question
indéterminée, l’ordre est à peu près celui que j’ai indiqué
pour les lieux (3) ; mais, pour une question déterminée,
4 il faut ajouter également les moyens qui tendent à émou­
voir les âmes.
F. Comment expliques-tu ce conseil ?
P. J’ai des préceptes communs pour convaincre et pour
émouvoir. Mais la conviction est un état stable, l’émotion
de l’âme, au contraire, un mouvement rapide vers le plai­
sir, la peine, la crainte ou la passion (tels sont, en effet,
les genres, dans chacun desquels on distingue plusieurs
parties) ; je règle donc toute la disposition sur le but que
l’on se propose dans le sujet en question. En effet, pour le
cas général, le but est de convaincre, pour la cause parti­
culière, de convaincre et d’émouvoir. Aussi, quand j’au-

(1) Parce que l’expression est assez hardie.


(2) Voir en effet § 5, début.
(3) Voir § 6 et suiv.
1

I
I
5 PARTITIONES ORATORIAE ii-7

sunt effecta de causis], ut distributiones, ut genera par­


tium generumue partes, ut primordia rerum et quasi
praecurrentia, [in quibus inest aliquid arguments], ut
rerum contentiones, quid maius, quid par, quid minus
sit, in quibus aut naturae rerum aut facultates compa-
rantur.
III 8 F. Omnibusne igitur ex istis locis argumenta
sumemus ?
P. Immo uero scrutabimur et quaeremus ex omni­
bus ; sed adhibebimus indicium, ut leuia semper reicia-
mus, nonnumquam etiam communia praetermittamus
et non necessaria.
F. Quoniam de fide respondisti, uolo au dire de motu,
P. Tu loco quidem quaeris, sed plenius quod uis
explicabitur, cum ad orationis ipsius quaestionumque
rationem uenero.
9 F. Quid sequitur igitur ?
P.Cum inueneris.conlocare; cuius in infinita quaes­
tione ordo idem fere quem exposui locorum ; in definita
autem adhibenda sunt illa etiam quae ad motus animo-
rum pertinent.
F. Quomodo igitur ista explicas ?
P. Habeo communia praecepta fidem faciendi et
commouendi. Quoniam fides est firma opinio, motus
autem animi incitatio aut ad uoluptatem aut ad moles-
tiam aut ad metum aut ad cupiditatem (tot sunt enim
genera, partes plures generum singulorum), omnem con-

8 et non P : non p
9 cuius in ER V : cuius Pp || quaestione ER V : quaestio est Pp ||
consultatione ERV : proposito Pp || et Odes cet. : fldes P
—*«

ΙΠ-9 DIVISIONS DE L'ART ORATOIRE 6

rai parlé de la cause particulière, qui implique < tou-


jours > un cas général (1), j’aurai traité de l’une et de
l’autre.
1OF. Qu’as-tu donc à dire sur la cause particulière ?
P. Qu’elle se traite différemment suivant ceux qui
écoutent. En effet ceux qui écoutent sont là soit tout sim­
plement pour entendre, soit pour juger, c’est-à-dire pour
se prononcer sur le fait et par une sentence; par suite,
ils écoutent, les uns par plaisir, les autres pour prendre
f
une décision. La décision porte sur le passé, par exem­
ple au tribunal, ou sur l’avenir, par exemple au sénat.
De là les trois genres que voici : judiciaire, délibératif,
d'apparat ; comme ce dernier est surtout consacré à l’é­
loge, maintenant il tire de là son nom (2).
IV 11 F. Que se propose l’orateur dans les trois genres
I que tu viens d’énumérer .*
P. Dans le genre d’apparat, plaire; dans le judiciaire,
exciter le juge à la sévérité ou à l’indulgence ; lorsqu’on
donne un avis, offrir des motifs de crainte ou d’espoir à
ceux qui délibèrent.
F. Pourquoi donc est-ce ici (3) que tu parles des divers
genres de sujets ?
P. Afin de régler sur le but qu’on se propose (4) la
méthode à suivre dans chacun d’eux pour la disposition.
i
12 F. Mais comment ?
P. Parce que, dans les discours où l’on se propose de
plaire, on peut disposer ses arguments de différentes façons.
On peut dans le discours d’apparat adopter l’ordre chro­
nologique, la division en catégories générales (5), ou
bien monter du moins important au plus important,
descendre du plus important au moins important, ou bien
t

(1) Voir § 61.


(2) Genre laudatif.
(3) Et non pas dans la troisième partie, consacrée aux différents
genres de sujets.
(4) Cf. § 9.
Ü- (5) Comme dans le de Imperio Cn. Pompei, où Cicéron consi­
îl dère successivement le talent militaire de Pompée, sa valeur, sa
puissance et sa chance.

!
6 PARTITIONES ORATORIAE in-®

locationem ad finem accommodo quaestionis. Nam est in *

consultatione finis fides, in causa et fides et motus. Quare


cum de causa dixero, in quo inest propositum, de utro-
que dixero.
10 F. Quid habes igitur de causa dicere ?
P. Auditorum [si] earn genere distingui. Nam aut
auscultator modo est qui audit, aut disceptator, id est
rei sententiaeque moderator, ita aut ut delectetur qui*
audit, aut ut statuât aliquid. Statuit autem aut de prae-
teritis, ut iudex, aut de futuris, ut senatus. Sic tria haec
genera, iudicii, deliberationis, exornationis, quae, quia in
laudationis maxime conferatur, proprium iam habet ex
eo nomen.
IV 11 F. Quas res sibi proponit in istis tribus gene-
ribus orator ?
P. Delectationem in exornatione ; in iudicio, aut sae-
vitiam aut clementiam iudicis ; in suasione, auts pern
aut refonnidationem deliberantis.
F. Cur igitur hoc loco exponis genera controuersia.
rum ?
P. Vt rationem conlocandi ad finem cuiusque ac-
commodem.
12 F. Quonam tandem modo ?
P. Quia quibus in orationibus delectatio finis est,
uarii sunt ordines conlocandi. Nam in exornatione aut
temporum seruantur gradus aut generum distribution es,
10 earn ERV : si lam Pp II delectetur qui V* : qui d. Pp || lauda-
tlonis P : -ne p || lam Stangl : tarnen codd.
11 Quas res ERV : quas Pp || controuersiarum VE : causaruin
PpR
12 in exomatione addidi || seruantur ERV : seruabitur Pp U
Incredibilia probabUlbus om. Pp
iv-12 DIVISIONS DE UART ORATOIRE 7

relever et varier ces développements de différentes ma­


nières, en mêlant le petit au grand, le simple au com­
plexe, l’obscur à l’éclatant, la joie à la tristesse, l’in­
croyable au vraisemblable, contrastes qui conviennent
tous à l’éloquence d’apparat.
13 F. Et dans le genre délibératif, sur quoi porter son
attention ?
P. L’exorde doit être court ou souvent ne pas exister ;
car ceux qui délibèrent, leur propre intérêt les porte à
écouter (1). Et généralement, il faut consacrer peu de
place à la narration : la narration porte sur le passé ou
sur le présent, la délibération sur l’avenir. Convaincre et
émouvoir, voilà donc où doit tendre tout discours < de ce
genre > .
14 F. Et devant les tribunaux, quel plan adopter ?
P. Différent pour l’accusateur et pour l’accusé, parce
que l’accusateur suit l’ordre des faits ; tous ses arguments,
comme des javelots, il les tient dans sa main (2) ; il les pré­
sente d’une manière forte, les résume sous une forme péné­
trante; il les renforce par des écrits < émanant de par­
ticuliers >, des décisions <de magistrats > , des témoi­
gnages ; il s’arrête sur chacun d’eux avec le soin néces­
saire ; les règles oratoires pour exciter les âmes sont
I
appliquées par lui dans tout le discours en de rapides
digressions et avec plus de véhémence dans la pérorai­
son. Car son but est d’appeler < sur l’accusé > la colère
du juge.
V 15 F. Et l’accusé, lui, que doit-il faire ?
P. Tout le contraire. Comme exorde, en choisir, un qui
lui concilie la sympathie ; de la narration retrancher ce qui
peut nuire, ou la supprimer, si, dans toutes ses parties,
r elle lui est contraire ; les preuves sur lesquelles l’accusa­
teur s’appuie pour convaincre, il doit les réfuter directe­
ment, ou les faire perdre de vue, ou bien les enterrer sous
des digressions ; les parties de la péroraison éveilleront la
pitié.

(1) Il n’y a donc pas besoin de piquer leur attention, ce qui,


dans les autres cas, est le rôle de l’exorde.
(2) Tel un guerrier prêt à l’attaque ♦ Comparaison fréquente.
I

Er

S
1

7 PARTITIONES ORATORIAE iv-12

aut a minoribus ad maiora ascendimus, aut a maioribus


ad minora delabimur, aut haec inaequabili uarietate dis-
tinguimus, cum parua magnis, simplicia coniunctis, obs­
cura dilucidis, laeta tristibus, incredibilia probabilibus
nteximus, quae in exornationem cadunt omnia.
13 F. Quid ? in deliberatione quid spectas ?
P. Principia, uel non longa uel saepe nulla. Sunt
enim ad audiendum qui délibérant sua causa parati.
Nec multum sane saepe narrandum. Est enim narratio
praeteritarum rerum aut praesentium, suasio autem
futurarum. Quare ad fidem et ad motum adhibenda est
omnis oratio.
V 14 F. Quid ? in iudiciis quae est conlocatio ?
P. Non eadem accusatoris et rei, quod accusator
rerum ordinem prosequitur, et singula argumenta, quasi
hastas in manu conlocat, uehementer proponit, con-
cludit acriter, confirmât tabulis, decretis, testimoniis,
accuratiusque in singulis commoratur, eis orationis
praeceptis, quae ad incitandos animos ualent, et in reli-
cua oratione, paululum digrediens de cursu dicendi,
utitur,et uehementius in perorando.Est enim propositum
ut iratum efficiat iudicem.
15 F. Quid faciendum est contra reo 1
P. Omnia longe secus. Principia sumenda ad bene
uolentiam conciliandam ; narrationes aut amputandae,
quae laedunt, aut relinquendae, si totae sunt molestae ;
firmamenta ad fidem posita aut per se diluenda aut obs-
14 eis add. Friedrich || orationis P : per- cel.
15 contra reo EBV : contraria Pp 11 aut amputandae ERV :
autem putandae Pp || uolumus tenere possumus clausula viliosa 11
est P : sit p
V-15 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 8

F. Pour la disposition, sommes-nous donc toujours


maîtres de l’ordre à suivre ?
P. Non vraiment, car les oreilles des auditeurs servent
de guide à l’orateur prudent et prévoyant ; ce qu’elles
repoussent, il faut le changer.

L'élocutioû. 1β F. Maintenant donne-moi les


préceptes relatifs au style même et
aux mots.
P. H y a deux genres d’élocution, l’une qui se déroule
librement (1), l’autre à formes travaillées et variées (2).
Les mots ont une première valeur employés seuls, une
seconde unis à d’autres. Employés seuls, il faut les bien
choisir, unis à d'autres, les bien placer. Considérés seuls,
les mots sont primitifs ou créés artificiellement. Primitifs
sont ceux qui ont été imposés originellement, créés ceux
qui ont été dérivés des premiers et formés par analogie,
imitation (3), flexion (4), ou composition. 17 On peut
encore distinguer les mots d’après leur nature ou leur em­
ploi. D’après leur nature, les uns sont plus sonores, plus
nobles, 'plus harmonieux et en quelque sorte (5) plus
brillants ; ou inversement. D’après leur emploi, ce sont
des termes pris avec leur valeur propre ou employés
comme épithètes, nouveaux ou archaïques, modifiés par
l’orateur et en quelque sorte détournés < de leur signifi­
cation > ; par exemple lorsque nous étendons le sens mé­
taphoriquement ou le transformons (6), que nous nous
servons des mots pour ainsi dire abusivement (7), que
nous atténuons (8), que nous employons des expressions

(1) Voir 55 16-22.


(2) Voir §§ 23-24.
(3) Π s’agit sans doute des mots latins Imités du grec.
(4) Cicéron pense vraisemblablement aux mots grecs transcrits
en latin par addition d'une simple désinence latine.
(5) Parce que nitidus, jusque-là, n’avait jamais été appliqué
aux mots.
(6) La métonymie.
(7) La catachrèse.
(8) La litote.
8 PARTITIONES ORATORIAE v-15

curanda aut digressionibus obruenda


« ; perorationes au-
tern ad misericordiam conferendae. <

F. Semperne igitur ordipem conlocandi quern uolu-


mus teuere possumus ?
P. Non sane. Nam auditorum aures moderantur
oratori prudenti et prouido ; eae quod respuunt immu-
tandum est.
1β F. Expone deinceps quae [in] ipsius orationis uer-
borumque praecepta sint.
P. Vnum genus est eloquendi sua sponte fusu II
alterum uersum atque mutatum. Prima uis est in simpli-
cibus uerbis, in çoniunctis secunda. Simplicia inuenien-
da sunt, coniunctio conlocanda est. Et simplicia uerba
partim natiua sunt, partim reperta. Natiua ea, quae
significata sunt sensu ; reperta, quae ex eis facta sunt et
nouata aut similitudine aut imitatione aut inflexione aut
adiunctione uerborum. 17 Atque etiam est haec distinc-
tio in uerdis, altera natura, tractatione altera. Natura,
ut sint alia sonantiora, grandiora, leuiora et quodam mo­
do nitidiora, alia contra. Tractatione autem, cum aut
propria sumuntur rerum uocabula aut addita ad nomen,
aut noua aut prisca aut ab oratore modificata et indexa
quodam modo ; qualia sunt ea quae transferuntur aut
immutantur, aut ea, quibus tamquam abutimur, aut ea
quae obscuramus, quae incredibiliter tollimus, quaeque

16 ipsius ERV : in ipsius Pp |] quae significata sunt primo


sensu habet Qvint. β, 3, 36
17 uerbis ERV : neruis Pp || sint alia ERV : sint altera Pp ||
ornamus ERV : ora- Pp
V-17 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 9

hyperboliques ou des figures plus extraordinaires que ne


permet la langue de tous les jours.
V118 F. Voilà pour les mots pris isolément ; mainte­
nant considérons-les unis à d’autres.
P. Lorsqu’ils sont unis à d’autres (1), il faut une
allure un peu nombreuse et une certaines harmonie
< dans l'emploi des tours grammaticaux > .Le nombre (2),
ce sont les oreilles qui le sententd’elles-mêmes (3) ; elles ne
veulent pas qu’il manque des mots pour exprimer l’idée
ou qu’il y en ait trop. L’harmonie des tours évite dans le
style des disparates choquantes de genre, de nombre, de
temps, de personne et de cas. Car, lorsque les mots sont
employés isolément, il faut blâmer ce qui n’est pas latin,
et, quand ils sont unis à d’autres, ce qui est discordant.
19 Sont communes aux mots employés isolément ou
unis à d’autres les cinq qualités suivantes, qui sont
pour ainsi dire (4) les flambeaux < du style >, à savoir
clarté, brièveté, convenance, éclat, agrément.
Pour la clarté, employer des mots usuels, pris dans leur
sens propre, bien placés, qu'ils soient < d’ailleurs > dans
une période parfaite, des phrases coupées ou de brèves
incises ; l’obscurité tient au caractère délayé ou concis
du style, à l’ambiguïté des mots ou à leur emploi détourné
et figuré.
La brièveté est atteinte par l’emploi de mots simples,
quand on M'exprime chaque idée qu’une fois et qu’on ne
s’attache à l’idée que pour l’exprimer clairement.
Coilvenable est le style qui n’est pas trop peigné et
travaillé, où les mots ont de l'autorité et du poids, où les
pensées sont fortes ou bien adaptées soit à l’opinion soit
au caractère des auditeurs.
(1) C’est-à-dire dans la phrase. On notera que Cicéron traite à
part la concinnilas (§ 21), alors que dans le de Oratore, III 171
et sulv. il ne sépare pas cette question de celles qu’il examine ici.
(2) On sait que la question du nombre oratoire a été longue-
III ent traitée par Cicéron dans YOralor, 168 et suiv.
(3) Même opinion par exemple dans VOrator9177 et le Brutus,
34.
(4) A cause de K emploi métaphorique et nouveau du mot
lamina.
PARTITIONES ORATORIAE v-17

admirabilius quam sermonis consuetudo patitur orna-


mus.
VI 18 F. Habeo de simplicibus uerbis ; nunc de con-
iunctione quaere.
P. Numeri quidam sunt in coniunctione seruandi
consecutioque uerborum. Numeros aures ipsae metiun-
tur, ne aut non compleas uerbis quod proposueris aut
redundes. Consecutio autem, ne generibus, numeris, tem-
poribus, personis, casibus perturbetur oratio. Nam, ut in
simplicibus uerbis quod non est Lafinum, sic in coniunc-
tis quod non est consequens uituperandum est.
19 Communia autem simplicium coniunctorumque
sunt haec quinque quasi lumina, dilucidum, breue, pro­
bable, illustre, suaue.
Dilucidum fiet usitatis uerbis, propriis, dispositis aut
circumscriptione conciusa aut intermissione aut conci-
sione uerborum. Obscurum autem aut longitudine aut
contractione orationis aut ambiguitate aut inflexione
atque immutatione uerborum.
Breuitas autem conficitur simplicibus uerbis, semel
unaquaque re dicenda, nulli rei, nisi ut dilucide dicas,
seruiendo.
Probabile autem genus est orationis, si non nimis est
comptum atque expolitum, si est auctoritas et pondus
in uerbis, si sententiae uel graues, uel aptae opinionibus
hominum ac moribus.
18 Latinum ERV : linitum Plinum p
19 aut ERV || circumscriptione ERV : -nem p ciitum- P ut
uidetur || conclusa V : -cisa P -sam p ]| inflexione ERV : -bile
Pp II dicenda ERV : —di Pp || sententias uel graues aptas opinio­
nibus hominum ac moribus habet Qvint. 8, 3, 43,
Π-20 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 10

20 On donne de l’éclat au style en se servant de mots


choisis pour leur allure noble, de métaphores, d’hyper­
boles, d’épithètes, de reprises, de synonymes, pourvu que
tout cela ne jure pas avec le ton général du discours et
avec la réalité. En effet, cette partie du style est celle qui
place les choses pour ainsi dire sous nos yeux (1) ; ce
sens en est particulièrement frappé (2), mais les autres
sens et particulièrement l’intelligence même peuvent aussi
en être émus (3). D’ailleurs ce que j’ai dit de la clarté du
style, s’applique exactement à l’éclat. En effet,l’éclat est
quelque chose de plus que la clarté, dont je parlais plus
haut. Celle-ci nous fait comprendre une chose, l’autre fait
que nous croyons la voir.
21 L’agrément du style tiendra d’abord au choix et à
l’agrément de mots sonores et harmonieux, puis à leur
assemblage, qui n’offrira pas d’aspérités, de trous ou
d’hiatus (4); qui formera une période bien arrondie, non pas
trop longue dans son contour, mais en rapport avec la
puissance du souffle ; qui présentera dans les mots quel­
que ressemblance et quelque symétrie, due soit à l’oppo­
sition des mots, soit au balancement des mots de même
longueur ; on reprendra le même mot deux fois à la file,
ou bien à la fin d'une phrase et au commencement de la
suivante ; on le répétera même à plusieurs reprises ; enfin
entre les membres de phrase on trouvera tantôt des con­
jonctions, tantôt la liberté de l’asyndète. 22 L’on don­
nera aussi de l’agrément au style en exposant des choses
que n'ont été ni vues ni entendues ou qui sont entièrement
nouvelles. Ce qui plaît, en effet, c’est ce qui étonne, et le
discours qui émeut surtout est celui qui provoque quel­
que émotion dans les âmes et celui qui laisse voir que
le caractère de l’orateur (5) même mérite d’exciter la

(1) LTiypotypose.
(2) A cause des images.
(3) En raison de la valeur des métaphores ou du charme que
les comparaisons mêmes offrent à l’intelligence.
(4) Cf. en particulier de Oratore, III, 171-172.
(5) Nous n'avons pu rendre le rapprochement oratto-oralor. —
Par mores, Cicéron traduit le grec t)0oî.
ία PARTITIONES ORATORIAE VI-20

20Illustris est autem oratio, si et nerba grauitate


delecta ponuntur et translata et supralaia, et ad nomen
adiiincta et duplicata et idem significantia, atque ab
ipsa actione aique ùnitatione rerum non abhorrentia. Est
enim haec pars orationis quae rem constituât paene ante
oculos. Is enim maxime sensus attingitur, sed et ceteri
tarnen et maxime mens ipsa moueri potest. Sed quae
dicta sunt de oratione dilucida, cadunt in banc illustrem
omnia. Est enim plus aliquanto illustre, quam illud dilu-
cidum. Altero fit ut intellegamus, altero ut uidere uidea-
mur.
21 Suaue autem genus erit dicendi, primant elegantia
et iucunditate uerborum sonantium et leuium, deinde
coniunctione, quae neque asperos habeat concursus,
neque disiunctos atque hiantis, et sit circurnscripta non
longo anfractu, sed ad spiritum uocis apto, habeatque
similitudinem aequalitatemque uerborum, cum ex con-
trariis sumptam uerbis, turn ut uerba paria paribus res-
pondeant relataque ad idem uerbum et geminata ac
duplicata uel etiam saepius iterata ponantur, construc-
tioque uerborum turn coniunctionibus copuletur, tant dis-
solutionibus relaxetur. 22 Fit etiam suauis oratio, cum
aliquid aut inuisum aut inauditum aut nouum dicas.
Delectat etiam quicquid est admirabile maximeque
20 delecta, translata, superlata, ad nomen adiuncta, duplicla,
et idem significantia, ab ipsa actione atque imitatione rerum non
abhorrentia habet Qvint. ib. fl translata P : tra- p’fl et supralata
ER V 1] atque Jmitatione ER V fl Is p : iis P fl maxime p1 : -is Pp’ [|
sunt ERV II intellegamus P : -ligamus p
21 primumEPV flhiantis p:hiantes P |] cum ERV·. tum Pp fl
sumptam Schuetz : -ta codd. fl turn ut add. Schuetz fl copuletur
tum dissolutionlbus ERV
22 inuisum nos : inuisum tuum ER V tuum Pp inusitatum oulg.

•V7 •V
I
I

vi-22 DIVISIONS DE L'ART ORATOIRE 11

sympathie. Il produit cet effet, soit en marquant un juge­


ment et un cœur humain et généreux, soit en usant d’un
artifice de langage, quand, pour élever quelqu’un ou se
rabaisser lui-même, on sent qu'il dit d’une façon et pense
d’une autre, et cela par courtoisie plutôt que par men­
songe. D’ailleurs, parmi ces préceptes sur l’agrément,
beaucoup peuvent rendre le style plus obscur (1) ou moins
convenable au sujet (2). Donc, ici encore (3), nous devons
considérer nous-mêmes (4) les exigences du sujet (5).
«
VII 23 F. Π te reste donc à parler de l’expression à for­
mes travaillées et variées.
P. Ce style consiste uniquement à modifier l’emploi des
mots. Pour les mots considérés isolément, on part d’un
mot afin de développer la pensée ou on la resserre en un
mot. On part d’un mot, lorsque le mot propre, son syno­
nyme ou un mot créé est étiré en plusieurs mots. On la
4
resserre, quand une définition est ramassée en un seul
mot, ou bien que l’on écarte les mots accessoires (6),
ou bien que les périodes sont coupées (7), ou bien que l’on
fond deux mots en un mot composé. 24 Pour les mots
unis à d’autres, il y a deux manières de modifier, non pas
les mots, mais simplement leur ordre : lorsque l’on a pré­
senté la pensée suivant l’ordre direct et naturel, on le re­
tourne, et l’on exprime la même idée en suivant, pour ainsi
dire, l’ordre inverse et contraire; on peut également sépa­
rer des mots qui se construisent ensemble et même faire
permuter des mots entre eux. La pratique de la parole
se reconnaît surtout dans toutes ces manières de varier
l’expression.

(1) Par exemple, si l’on emploie un langage trop figuré et allé­


gorique.
(2) Si le style est trop tendu et prétentieux, par exemple.
(3) Cf. § 8.
(4) Malgré les règles générales et objectives, il y a une part
d’application subjective.
(5) Voir si elles ne sont pas contraires aux règles générales.
(6) Synonymes, épithètes, etc.
(7) Et remplacées par des membres de phrase composés d’un
mot.
t
11 PARTITIONES ORATORIAE VI-22 |

mouetea quae motum aliquem animis eiet oratio, quaeue I


significat oratoris ipsius amabilis mores, qui exprimun-
tur aut signando iudicio ipsius et animo humano ac libe­
ral!, aut inflexione sermonis, si aut augendi alterius aut
minuendi sui causa, alia dici ab oratore, alia existimari
uidentur, idque comitate fieri magis quam uamtate. Sed
sunt multa suauitatis praecepta, quae orationem aut
magis obscuram, aut minus probabilem faciunt. Itaque
hoc etiam loco nobis est ipsis quid causa postulet iudi-
candum.
VII 23 F. Relicuum est igitur ut dicas de conuersa
oratione atque mutata.
P. Est quidem id genus totum in commutatione
uerborum, quae simplicibus in uerbis ita tractatur ut aut
ex uerbo dilatetur aut in uerbum contrahatur oratio. Ex
uerbo, cum aut proprium aut idem significans aut fac­
tum uerbum in plura uerba diducitur. Ex cou/ractione,
cum aut definitio ad unum uerbum reuocatur aut ad-
sumpta uerba remouentur aut circuitus diriguntur aut
coniunctione fit unum uerbum ex duobus. 24 In coniunc-
tis autefli uerbis duplex adhiberi potest commutatio, non
uerborum, sed ordinis tantummodo, ut, cum semel dic­
tum sit directe, sicut natura ipsa tulerit, inuertatur or-
do et idem quasi sursum uersum retroque dicatur, deinde
idem • intercise atque permixte.
» Eloquendi autem exerci-
est ERV : sit Pp || animis ciet Friedrich : animi icit Pp || quaeue
nos : -que Pp || exprimuntur P : -mentur p H fieri magis P : m. f.
p H minus ERV : eminus Pp
23 diducitur P : de- p || contractione ed. Norimb. : orat- celt. l|
definitio P : -one p
24 duplex Piderit : tri- codd. || uersum cet. : -sus p || conuertendi
cel. : -tandi p
ΥΠ-25 DIVISIONS DB L'ART ORATOIRE 12

„ . 28 F. C’est l’action qui vient main-


L’action. . . , ,
tenant, je crois.
P. Oui, et l’orateur doit avoir particulièrement soin de
la régler sur l’importance du fond et de la forme. En effet,
elle donne au style de la clarté, de l’éclat, de la convenance
et de F agrément, non par les mots, mais par la variété
des intonations, les attitudes du corps, < les jeux > de
physionomie, moyens très puissants, s’ils sont en harmo­
nie avec le ton du discours et qu’ils en rendent exactement
la valeur et la variété.

La mémoire»
26 F. Ne te reste-t-11 rien d ’autre à
dire sur l’orateur même ?
P. Non, quand j’aurai parlé de la mémoire, qui est
comme la sœur jumelle de l’écriture et qui a tant de res­
semblance avec elle, bien que dans un genre très différent.
Dans l’écriture, on distingue les caractères et la matière
sur laquelle on grave ces caractères ; de même la mémoire
a comme tablettes ses catégories propres, où elle place les
images, qui sont comme ses lettres.

. .. VIII 27 F. Puisque tu m as expo-


Le discours. . . x x x „ ..f
sé maintenant tout ce qui constitue
le talent propre de l’orateur, qu’as-tu à me dire siîr les
préceptes relatifs au discours (1) ?
P. On y distingue quatre parties : la première et la
dernière doivent toucher l’âme ; car le début et la péro­
raison ont pour rôle de l’émouvoir ; la seconde, la narra­
tion, et la troisième, la confirmation, rendent le discours
convaincant. Quant à l’amplification, bien qu’elle ait sa
place propre, souvent au commencement, presque tou­
jours à la fin, on doit l’employer, aussi dans tout le corps
du discours, surtout à l’appui des preuves ou des réfuta­
tions. Voilà pourquoi elle aussi est un puissant moyen de
convaincre ; en effet, l’amplification est comme une aigu

(1) Nous n’avons pu, ici encore, rendre Je rapprochement ora·


tto-ora/or.

««s*?*»*
4

12 PARTITIONES ORATORIAE vn-24

tatio maxime in hoc toto conuertendi genere uersatur.


25 F. Actio igitur sequitur, ut opinor.
P. Est ita ; quae quidem oratori et cum rerum ei
cumuerborum momentis commutanda maxime est.Facit
enim et dilucidam orationem et illustrent et probabilem
et suauem, non uerbis sed uarietate uocum, motu cor­
poris, [ac] uol/u, quae plurimum ualebunt, si cum ora­
tionis genere consentient eiusque uim ac uarietatem
subsequent«.
26 F. Num quid iam tibi de oratore ipso restât aliud ?
P. Nihil sane, praeter memoriam, quae est gemina
litteraturae quodanunodo, et in dissimili genere persi-
milis. Nam ut ilia constat ex notis litterarum et ex eo in
quo imprimuntur illae notae, sic confectio memoriae,
tamquam cera, locis utitur et in his imagines ut litteras
conlocat.
VIII27 F. Quoniam igitur uis oratoris omuis exposita
est, quid habes de orationis praeceptis dicere ?
P. Quattuor eius partis esse, quarum prima et pos-
trema ad motum animi ualet ; is enim est initiis et per-
orationibus concitandus. Secunda, narratio, et tertia,
confirmatio, fidem tacit orationi. Sed amplificatio quam-
quam habet proprium locum, saepe etiam primum
postremum quidem fere semper, tarnen relicuo in cursu
orationis adhibenda est.maximeque cum aliquid aut con-

25 ut ERV : aut Pp U ita ERV om. Pp II oratori ERV


-lord Pp H et cum ERV : tum Pp H commutanda ERV : comlta
tu Pp [J uultu ER V : ac uoltus Pp
26 quid iam ERV : quidnam P aliquis p (1 et. in diseimlli cel. :
in disslmlli p
27 concitandus ERV : -dis Pp || et tertia ceL : tertia p
I

vn-27 DIVISIONS DE L'ART ORATOIRE 13

mentation passionnée ; l'argumentation instruit, l’am-


pli flcation émeut.
28 F. Aie donc la bonté de me parler successivement des
quatre parties que tu viens d’énumérer.

L'exorde. P. Je le ferai et commencerai par


l’exorde. H se tire des personnes ou
des faits mêmes (l).On s’y propose un triple objet: obte­
nir de 1’auditeur sympathie, intérêt, attention (2).
Pour le premier objet, les moyens se tirent de nous, de
nos juges, de nos adversaires. C’est là que nous cherchons
les germes qui nous concilieront la bienveillance ,· nous
parlerons de nos services, de notre situation morale, ou
de quelqu’une de nos qualités, en particulier libéralité,
serviabilité, justice, bonne foi ; nous reprocherons à nos
adversaires les défauts contraires et nous indiquerons les
X

points de contact (3) entre les juges et nous dans le pré­


sent ou pour l’avenir. Si l’on a excité contre nous la haine
ou la défiance, il faut détruire ou affaiblir ces impressions,
en les effaçant, en les atténuant, en mettant nos mérites
en balance, en apitoyant.
28 Pour être écoutés avec intérêt et avec attention, il
faut commencer directement par les faits. Mais il est bien
plus facile pour l'auditeur (4) d’apprendre et de com­
prendre ce dont il s’agit, si, dès le début, l’orateur résume
le genre et la nature de la cause, s'il la définit, s’il la divise,
s’il ne trouble pas l’intelligence de l’auditeur par la con­
fusion des parties, ni sa mémoire par leur nombre. Aussi
bien les conseils que nous donnerons tout à l’heure (5)
touchant la clarté de la narration pourront-ils s’appliquer
ici aussi.

(1) Cicéron a traité cette question plus particulièrement dans


le de Oratore, II, 315.
(2) Idée souvent exprimée par Cicéron : voir de Inventione,
I 20 ; de Oratore II80 ; Orator 122 ; Topiques 97.
(3) Classe sociale, par exemple.
(4) Il est impossible de rendre en français le rapprochement
audiamur-auditor.
(5) Voir §32.

.b
THE LIBRARY
THE UNIVERSITY
OF TEXAS

13 PARTITIONES ORATORIAE VII-27

firmatum est aut reprensum. Itaque ad fidem quoque uel


plurimum ualet. Estenimamplificatio uehemens quaedam
argumentatio, ut ilia docendi causa, haec commouendi.
28 F. Perge igitur ordine quattuor istas mihi partis
explicare.
P. Faciam et a principiis primum ordiar, quae qui-
dem ducuntur aut ex personis aut ex rebus ipsis. Sumun-
tur autem trium rerum gratia, ut amice, ut intellegenter,
ut attente audiamur.
Quorum primus locus est in personis nostris, discep-
tatorum, aduersariorum. E quibus initia beneuolentiae
conciliandae comparantur, aut meritis nostris aut digni-
tate aut aliquo genere uirtutis et maxime liberalitatis, of­
ficii, iustitiae, fidei, contrariisque rebus in aduersarios con-
ferendis, et cum eis, qui disceptant, aliqua coniunctionis
aut causa aut spe significanda,et,si in nos aliquod odium
offensioue colZata sit, ea tollenda minuendaue aut diluen-
do aut extenuando aut compensando aut deprecando.
29 Intellegenter autem ut audiamur et attente, a rebus
ipsis ordiendum est. Sed facillime discit auditor et quid
agatur intellegit, si complectare in principio genus natu-
ramque causae, si definias, si diuidas, si neque pruden-
tiam eius impedias confusione partium nec memoriam
multitudine ; quaeque mox de narratione dilucida dicen-
tur, eadem etiam hue poterunt recte referri.

uel ERV II ilia Pp* : haec p1


28 E EV om. cet. || et cum els qui disceptant codd. dell. : capiant
Pp II coniunctionis cet. : -tio P || aliquod P : -quid cel. || offensioue
ERV : -ne Pp || collata RV : -locata PpE
29 rebus ipsis cel. : ipsis rebus P || de ERV || reierri B :
ferri Pp V conferri E

1086820
—a»

vm-30 DIVISIONS DE L’ART ORA TOIRE 14

30 Pour être écoutés avec intérêt, il faut user de l'un


de ces trois moyens : annoncer d’emblée quelque chose
d’important ou d’inéluctable ou à quoi soient intéressés
ceux-là mêmes devant lesquels nous parlerons (1). N’ou­
blions pas non plus la recommandation suivante : si
d’aventure la date même, l’affaire, le lieu (2), l’arrivée de
quelqu’un (3), une interruption, un mot prononcé par
l’adversaire nous offrent, surtout dans la péroraison, l'oc­
casion d'un développement adapté à la circonstance, ne
la négligeons pas. Les conseils que nous donnerons à leur
place pour l’amplification (4) peuvent aussi, en grande
partie, s’appliquer à l’exorde.

La narration. IX 31 F’Et dans la narration, quel­


les règles faut-il observer ?
P. La narration est l’exposé des faits ; c’est sur elle pour
ainsi dire que l’on se repose et s’appuie pour établir la
conviction ; il faut donc avant tout observer les mêmes
règles que dans les autres parties du discours ; les unes
sont indispensables, les autres accessoires et d'ornement.
La narration sera claire et vraisemblable ; cela est indis­
pensable ; accessoirement nous ajouterons l’agrément.
32 Donc, pour faire une narration claire, nous reprendrons
les préceptes donnés plus haut (5) sur la netteté et l’é­
clat du discours ; il s’en trouve également sur la brièveté,
qui fait très souvent le principal mérite de la narration.
Celle-ci sera vraisemblable, si les choses racontées (6) ne
sont pas en contradiction avec les personnes, avec les
circonstances de temps et de lieu ; si chaque fait, chaque
effet reçoit son explication ; si ce qu’on dit paraît établi
par un témoignage appuyé sur l’opinion générale ou

(1) Les juges, par exemple.


(2) La curie ou le forum.
(3) L'arrivée d’un personnage notoire.
(4) Voir § 53.
(5) Voir § 19.
(6) Nous n’avons pu rendre en français le rapprochement narra-
tio-narrabuniur.

K
$

14 PARTITIONES ORATORIAE vni-30

30Vt attente autem audiamur, trium rerum aliqua


consequemur.Nam aut magna quaedam proponemus aut
necessaria aut coniuncta cum ipsis apud quos res agetur.
r
Sit autem hoc etiam in praeceptis, ut, si quando tempus
ipsum aut res aut locus aut interuentus alicuius aut inter-
pellatio aut ab aduersario dictum aliquod, et maxime in ►
»,

perorando, dederit occasionem nobis ut dicamus aliquid


ad tempus
» apte, ne relinquamus ; et, quae suo loco de
amplificatione dicemus, multa ex eis poterunt ad princi-
-piorum praecepta transferri.
IX 31 F. Quid ? in narratione quae tandem obser-
uanda sunt ?
P. Quoniam narratio est rerum explicatio et quae­
dam quasi sedes ac fundamentum constituendae fidei, ea
sunt in ea seruanda maxime, quae etiam in relicuis fere
dicendi partibus ; quae partim sunt necessaria, partim
adsumpta ad ornandum. Nam ut dilucide probabiliter-
que narremus, necessarium est ; sed adsumimus etiam
suauitatem. 32 Ergo ad dilucide narrandum eadem ilia
superiors explanandi et illustrandi praecepta repetemus,
in quibus sit breuitas eaquae saepissimeinnarratione lau-
datur [de qua supra dictum est]. Probables autem erit,
si personis, si temporibus, si locis ea, quae narrabuntur ;
consentient ; si quoiusque facti et euenti causa ponetur,
si testata dici uidebuntur, si cum hominum opinione,
auctoritate, si cum lege, cum more, cum religione coniunc-

30 agetur E : agitur ceL II hoc etiam cel. : etiam hoc P || apte


ERV : ad te Pp
31 partim sunt necessaria ERV
32 de qua supra dictum est seclusi || Probabilis ERV : -bit Pp

73^7 A
—**

ιχ-32 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 15

sur quelque autorité, conforme aux lois, aux mœurs, à


la religion ; si le narrateur donne de lui l’idée d’un homme
probe, de vieille souche, doué d’une bonne mémoire, qui
parle franc et auquel sa vie sert de garant. On trouvera
de l’agrément aux narrations qui présentent des passages
qui étonnent, qui captivent, des dénouements inattendus,
par endroits des mouvements pathétiques, des dialogues (1),
de la douleur, de la colère, de la crainte, de l’allégresse,
des passions. Mais voyons le reste.
I K

Confirmation et 33 F. Ce qui vient maintenant


réfutation. concerne sans doute les moyens de con­
vaincre ?
P. Oui. On y distingue la confirmation et la réfutation.
Dans la confirmation, nous voulons donner nos preuves,
dans la réfutation, détruire celles de l’adversaire. Or,
dans tout procès, on cherche si la chose existe ou non, ce
qu’elle est, de quelle qualité elle est ; le premier point
se traite par la conjecture, le deuxième par la définition,
le troisième par la qualification (2).

La confirma tion X 34 F. Je comprends ta division.


conjecturale. Maintenant je voudrais connaître les
lieux pour la conjecture.
P. C’est sur la vraisemblance et les indices caractéris­
tiques de chaque chose qu’elle repose tout entière. Pour
nous faire comprendre, appelons vraisemblable ce qui se
produit le plus souvent, par exemple que la jeunesse est
plus portée au plaisir, et indices caractéristiques un rap­
port constant et infaillible, comme entre la fumée et le
feu. Le vraisemblable résultera des parties et en quelque
sorte des membres de la narration, c’est-à-dire de ce qui
a trait aux personnes, aux localités, aux temps, aux faits,
aux effets, à la nature des choses et des questions con­
sidérées en elles-mêmes (3}.

(1) Cf. Quintilien Inst. Or. 4, 2, 107.


(2) Ce sont les trois états de cause, sur lesquels Cicéron revien­
dra dans les §§ 101-106.
(3) Indépendamment des circonstances de temps, lieu, etc.
PARTITIONES ORATORIAE ix-aa

ta; si probitas narrantis significabitur, si antiquitas, si


memoria, si orationis ueritas et uitae fides. Suauis autem
narratio est, quae habet admirationes, exspectationes,
exitus inopinatos, [si] interpositos motus animorum,
colloquia personarum, dolores, iracundias, metus, laeti­
tias, cupiditates. Sed iam ad relicua pergamus.
33 F. Nempe ea sequuntur, quae ad faciendam fidem
pertinent.
P. Ita est ; quae quidem in confirmationem et in
reprensionem diuiduntur. Nam in confirmando nostra
probare uolumus, in reprendendo redarguere contraria.
Quoniam igitur omne, quod in controuersiam uenit, id
aut sit necne sit aut quid sit aut quale sit quaeritur, in
primo coniectura ualet, in altero definitio, in tertio ratio.
X 34 F. Teneo istam distributionem. Nunc coniec-
turae locos quaero.
P. In ueri simiZi&us et in propriis rerum notis posita
tota est. Sed appellemus docendi gratia uerisimile, quod
plerumque ita fiat, ut adulescentiam procliuiorem esse ad
libidinem, propriae autem notae argumentum, quod
numquam aliter fit certumque declaret, ut fumus ignem.
Verisimilia reperientur ex partibus et quasi membris nar-
rationis. Ea sunt in personis, in locis, in temporibus, in
factis, in euentis, in rerum ipsarum negotiorumque na-
turis.

Il si ERV II interpositos ERV : si interpositos Pp || admirationes,


exspectationes, exitus inopinatos, colloquia personarum habet
Qvint. I. 0. 4, 2,107 || iracundias ERV : -iae Pp
34 coniecturae locos ERV : -ra locosque Pp || similibus ERV :
simillimis Pp |J notae vulg. : notatum ER -tur Pp V
η

DIVISIONS DE L'ART ORATOIRE 16

35 Pour les personnes, on examine d’abord ce qui est dû


à la nature, santé, extérieur, force, âge, sexe masculin ou
féminin, voilà pour le corps ; pour l'âme, ses caractères,
vertus ou vices, talents ou leur contraire, ses passions,
désir, crainte, plaisir, peine. Voilà pour ce qui est des qua­
lités naturelles. Quant aux qualités accidentelles, on
considère la naissance, les amis, les enfants, les parents
par le sang et par alliance, les ressources, les honneurs,
les fonctions, les richesses, l’indépendance, et ce qui
s’oppose à tout cela.
38 Pour les localités, on examine ce qui vient de la
nature — sont-elles près ou loin de la mer, plates ou mon-
tueuses, unies ou escarpées, salubres ou malsaines, ombra-
gées ou exposées au soleil ?—et ce qui vient du hasard —
sont-elles cultivées ou non, fréquentées ou désertes, cou­
vertes d’édifices ou nues, inconnues ou célèbres par le sou­
venir d’actions mémorables, sacrées ou profanes ?
XI 37 Pour le temps, on envisage le présent, le passé et
l'avenir ; dans ces divisions mêmes on distingue ce qui est
ancien, récent, imminent, d’une réalisation prochaine
ou éloignée. Dans le temps rentre aussi ce qui en marque
soit la nature, si j’ose me servir de ce mot (1), comme
l’hiver, l’été, soit les divisions, comme le mois, comme le
jour, comme la nuit, l’heure, toutes distinctions qui vien­
nent de la nature. C’est au hasard que se rapportent les
sacrifices, les jours fériés, .les mariages.
38 Quant aux faits et aux effets, ils sont voulus ou non
prémédités, et < dans le second cas > imputables au hasard
ou à un trouble de l’âme : au hasard, quand l’événement a
dérangé nos calculs, à un trouble quand l’accusé a été
troublé par un oubli, une erreur, la crainte ou quelque
passion. Dans les cas où il n’y a pas eu préméditation,
nous rangerons aussi la nécessité.
En ce qui concerne les choses bonnes ou mauvaises, il y
en a de trois catégories : elles peuvent se rattacher à l’âme,
au corps ou à des contingences extérieures.

(1) Parce que le mot natura ne semble pas pouvoir s'appliquer


à tempus.
$
1
16 PARTIT IONES ORATORIAE X-35

35In personis naturae primum spectantur ualetudi-


nis, figurae, uirium, aetatis, marium, feminarum ; atque
haec quidem in corpore ; animi autem, aut quern ad
modum affecti sint, uirtutibus, ui/iis, artibus, inertiis,
aut quem ad modum commoti, cupiditate, metu, uolup-
tate, molestia. Atque haec quidem in natura. In fortuna,
genus, amicitiae, liberi, propinqui, affines, opes, honores,
potestates, diuitiae, libertas, et ea, quae sunt his contraria.
36 In locis autem et ilia naturalia, maritimi an remoti
a mari, plani an montuosi, leues an asperi, salubres an
pestilentes, opaci an aprici, et ilia fortuita, culti an
inculti, célébrés an deserti, coaedificati an uasti, obs-
curi an rerum gestarum uestigiis nobilitati, consecrati
an profani.
XI 37 In temporibus autem, praesentia, praeterita,
futura cernuntur, in his ipsis uetusta, recentia, instantia,
paulo post aut aliquando futura. Insunt etiam in tempo­
ribus ilia quae temporis quasi naturam notant, uthiemps,
ut aestas out anni tempora, ut mensis, ut dies, ut nox,
hora [tempestas], quae sunt naturalia ; fortuita autem
sacrificia, festi dies, nuptiae.
38 lam facta et euentus aut consilii sunt aut im-
prudentiae, quae est aut in casu aut in quadam ani-
mi permotione ; casu, cum aliter cecidit quam puta-
turnest, permotione, cum aut oblivio aut error aut
metus aut aliqua metus aut cupiditatis causa per-

85 ultiis ERV : uiris Pp || inertiis cet. : -tis p || et ea ce(. : ea p


36 Illa ERV: alia Pp
87 uetusta cet. : -täte p || aut ERV || temporis EV : -ribus Pp
-rum R || aut anni ER V : ut annl Pp
88 facta et ERV : factae Pp
Xi-38 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE Π

Voilà donc la matière où nous pouvons puiser pour


l’argumentation ; il faut promener notre pensée sur toutes
les parties (1), ét tirer de quelqu’une les conjectures
propres à la cause en question.
39 II y a un autre genre d’arguments tiré des indices
qui accompagnent un fait (2), comme une arme, du sang
répandu, des cris, des lamentations, une démarche mal
assurée, un changement de couleur, un langage contradic­
toire, un tremblement et tout ce que les sens peuvent per­
cevoir ; de même les préparatifs, les confidences < anté­
rieures au crime > , et ce qui a été vu, entendu, dénoncé
après son exécution.
40 De ces arguments vraisemblables, les uns touchent
par leur propre force, même présentés isolément ; les au­
tres peuvent sembler faibles par eux-mêmes, mais agissent
très efficacement une fois groupés. Et, parmi ces argu­
ments vraisemblables, il y a parfois aussi des indices cer­
tains et caractéristiques des faits (3). Ce qui rend la vrai­
semblance particulièrement convaincante, c’est un exem-
ple? puis un cas voisin ; quelquefois même un cas imagi­
naire, même incroyable, touche beaucoup les auditeurs.

Question de dé- ΧΠ41 F. Et la définition, comment


finition. l’étudier méthodiquement ?
P. Π n’est pas douteux que la définition se tire du genre
et du caractère spécifique ou encore d’un groupement de
qualités communes < à plusieurs objets, mais dont l’en­
semble > met en lumière ce caractère spécifique. Toute­
fois, comme, sur ces caractères spécifiques, il y a générale­
ment une vive divergence d’opinions, il faut définir sou-,
vent par des contraires, souvent aussi par des différences,
souvent par des similitudes. Aussi les descriptions sont-
elles également à leur place dans cette partie, ainsi que

(1) Cicéron entend sans doute: sur toutes sans exception.


(2) On trouvera le développement de ce § dans la Rhétorique
à Hérennius II 8.
(3) Donc plus que des soupçons.

i
17 PARTITIONES ORATORIAE xi-3 8

mouit. Sit etiam in imprudentia nécessitas ponenda.


Rerum autem bonarum et malarum tria genera sunt.
Nam aut in animis aut in corporibus aut extra esse pos-
sunt.
Hac igitur materie ad argumentum subiecta, perlus- t
1

trandae animo partes erunt omnes, et ad id quod agetur λ

ex singulis coniectura capienda.


39 Est etiam genus argumentorum aliud, quod ex facti
uestigiis sumitur, ut telum, cruor, clamor, eiulatus, titu-
batio, permutatio coloris, oratio inconstans, tremor
[eorum], aliorum quidquid sensu percipi possit ; etiam
si praeparatum aliquid, si communicatum cum aliquo,
si postea uisum, auditum, indicatum.
40 Verisimilia autem partim singula mouent e suo
pondéré, partim, etiamsi uidentur esse exigua per se,
multum tarnen, cum sunt coaceruata, proficiunt. Atque
in his uerisimilibus insunt nonnumquam etiam certae
rerum et propriae notae. Maximam autem fidem facit ad
similitudinem ueri primum exemplum deinde introducta
rei similitudo ; fabula etiam nonnumquam, etsi sit incre-
dibilis, tarnen homines commouet.
XII 41 F. Quid ?definitionis quae ratio est et quae uia?
P. Non dubium est id quidem, quin definitio genere
declaretur et proprietate quadam aut etiam commu-
nium frequentia, ex quibus proprium quid sit eluceat.
Sed quoniam de propriis oritur plerumque magna dis-
sensio, definiendum est saepe ex contrariis, saepe etiam
agetur ERV : agitur Pp
39 eiulatus V‘: audltus Pp P|| eorumseel. WiUrins||quidquidP:
quid quod p || indicatum ER V : inditum Pp
41 eluceat ERV : luceat Pplldeflniendum ERV: deflendumPp
« 3
—Λ*

KU-41 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 18

l’énumération des conséquences nécessaires ; surtout


l'explication < étymologique > d’un mot et d’un nom est
d’un effet puissant.

Question de 42 F. Tu m’as exposé maintenant


qualité. à pen près toutes les questions à se poser
sur le fait et la façon de le qualifier. Reste donc, lorsque
l’on est d’accOTd sur le fait et le nom à lui donner, un
point sur lequel on discute : la qualité.
P. En effet.
F. Dans ce cas, quels sont les partis possibles ?
P. Dire quel’actionestjuste, ayant étéfaite pour se défen­
dre ou pour se venger, pour un motif de piété, de chasteté,
de religion ou de patriotisme, enfin par nécessité, par igno­
rance, par hasard. 43 D’ailleurs, pour ce qui a été fait
sans dessein prémédité sous l’empire d’une émotion et
d’une passion, on ne saurait invoquer ce moyen de dé­
fense en cas de poursuites criminelles définies par les
lois, mais bien dans les autres cas, où la décision du juge
est plus libre. Lorsque se pose la question de qualité,
la question ordinairement est de savoir si l’action a été
faite justement ou non Fexamen des lieux fournira la
matière de la discussion.

La réfutation. 44 F. Mais tu avais divisé (1) en


confirmation et réfutation les moyens
qui rendent le discours convaincant ; tu as traité de la
confirmation (2): parle-moi maintenant de la réfutation.
P. Π faut ou bien nier tout ce que l’adversaire a avancé
dans son argumentation, si l’on peut prouver que c’est
fabriqué ou faux, ou bien réfuter ce qu’il a avancé comme
vraisemblable : d’abord < l’adversâire > a avancé pour
certain ce qui est douteux ; on pourrait tenir le môme lan­
gage à propos de choses évidemment fausses ; enfin, de ce
qu’il a avancé, Fon ne peut pas tirer ce qu'il veut conclure.
D faut saper ses preuves les unes après les autres ; ainsi

i
(1) Voir § 33.
(2) Voir §§ 34-43.
?

c t

(
r

18 PARTITIONES ORATORIAE xn-41

ex dissimilibus, saepe ex paribus. Quamobrem descrip- *1

tiones quoque sunt in hoc genere saepe aptae et enume­


rate consequentium, in primisque commouet explicate I
I
uocabuli ac nominis.
42 F. Sunt exposita iam fere ea quae de facto quaeque
de facti appellatione quaeruntur. Nempe igitur ea res-
9
tant, quae, cum ei factum constat et nomen, qualia sint
uocatur in dubium.
P. Est ita ut dicis.
F. Quae sunt igitur in eo genere partes ?
P. Aut iure factum, depellendi aut ulciscendi dolo-
ris gratia, aut pietatis aut pudicitiae aut religionis aut
patriae nomine, aut denique necessitate, inscitia, casu.
43 Nam quae motu animi et perturbatione facta sine
ratione sunt,ea defensionem contra crimen legitimis iudi-
ciis non habent, in liberis disceptationibus habere pos-
sunt.Hoc in genere, in quo quale sit quaeritur, [ex con-
trouersia] iure necne factum sit quaeri solet ; quorum
disputatio ex Zocorum descriptione sumenda est.
44 F. Agesis, quoniam in confirmationem et repren-
sionem diuiseras orationis fidem, et dictum de altero est,
expone nunc de reprendendo.
P. Aut totum est negandum quod in argumenta-
tione aduersarius sumpserit, si fictum aut falsum esse
possis docere, aut redarguendum ea quae pro uerisimi-
libus sumpta sunt, primum dubia sumpta esse pro certis,

42 et factum V : ex facto Pp factum ER || constat V : constant


Pp constet ER || nomen ER V : nomine Pp
43 quale ERV : -lis Pp || ex controuersia seel. Schuelz || necne
Stroebel : et recte Pp || locorum ERV : colorum Pp
'feu —«*
J
1*

χπ-44 DIVISIONS DE V ART ORATOIRE 19

l’ensemble s’écroulera. On doit citer également des cas


Air où, dans une discussion analogue, des preuves n’ont pas
trouvé de crédit ; il faut déplorer le danger auquel tout
JT
le monde est exposé, si les inventions de gens portés à
&
accuser (1) peuvent menacer la vie des innocents.

Comment traiter XIII 45 F. Puisque je vois où l’ on


les arguments trouve les arguments nécessaires pour
dans cette par­ convaincre, je voudrais apprendre
tie?
*

comment la parole doit traiter chacun


d’eux.
P. C'est, me semble-t-il, l’argumentation que tu désires
I **· ir
connaître, c’est-à-dire la manière de développer les argu­
ments (2).
F. C’est précisément ce que je réclame.
46 P. Donc, comme je viens de le dire, l’argumentation
est la manière de développer les arguments ; pour y réus­
sir, elle part de propositions non douteuses ou vraisembla­
bles, et en tire ce qui, considéré seul, paraît douteux ou
moins vraisemblable (3). L’argumentation a deux modes,
dont l’un tend directement à convaincre (4),tandis que l’au­
tre fait un détouret s’adresse à l’émotion (5). Directement,
lorsqu’elle a exposé un point à faire admettre, qu’elle a
avancé les raisons sur lesquelles elle s’appuie, et, celles-ci
établies, est revenue au point exposé et a conclu. L’autre
argumentation, la seconde, suit une marche pour ainsi
dire (6) inverse et contraire; elle avance d’abord les rai­
sons choisies et les établit solidement, puis quand elle a
vivement ému les âmes, elle lance enfin ce qu’elle aurait
dû exposer <en commençant > , 47 On peut aussi varier

(1) Les sycophantes, par exemple.


(2) Question traitée dans la Rhétorique à Hérennius II, 27 sqq
dans le de Inventione I 44 sqq. et dans Ie de Oratore II, 177.
(3) Π y a donc là une sorte de raisonnement inductif.
(4) Il s’adresse donc à l'intelligence.
(5) Cf. § 5.
(6) Parce qu’il y a comparaison avec une route.
1

19 PARTI TION ES ORATORIAE XII-44

deinde etiam in perspicue falsis eadem posse dici, turn ex


eis quae sumpserit non effici quod uelit. /ncidere autem
oportet singula ; sic uniuersa frangentur. Commemoran-
da sunt etiam exempla quibus in simili disputatione cre-
ditum non est; conquerendacondicio communis periculi,
si ingeniis hominum criminosorum sit exposita uita in-
no centium.
XIII45 F. Quoniam unde inueniantur quae ad fidem
pertinent habeo, quemadmodum in dicendo singula trac-
tentur exspecto.
P. Argumentationen! quaerere uideris, quae est ar­
gument! explicatio, [quae, sumpta ex locis eis expositis,
conficienda et distinguenda dilucide est].
F. Plane ipsum istuc desidero.
46 P. Est ergo, ut supra dictum est, explicatio argu­
ment. argumentatio ; sed ea conficitur, cum sumpseris
aut non dubia aut probabilia, ex quibus id eiTicias quod
aut dubium aut minus probabile per se uidetur. Argu-
mentandi autem duo genera sunt, quorum alterum ad
fidem derecto spectat, alterum se inflectit ad moium,
Dererfo igitur, cum proposuit aliquid quod probaret,
sumpsitque ea quibus niteretur, aique, his confirmatis.
ad propositum se rettulit atque conclusit. Ilia autem
altéra argumentatio, quasi rétro et contra, prius sumit
quae uult eaque confirmât ; deinde id quod proponen-

44 dicitum ERV : dictum Pp || Incidere Piderit : accidere codd.||


singula Schuetz : ut s.P de s.p ad s.ER V || quibus in ERV : quibus
sit Pp II conquerenda ERV : conqui - Pp
45 quae sumpta - est sect. Ernesti
46 argumentl ERV || motum ERV : modum Pp H Derecto Frie­
drich : de re Pp || atque hls ERV : iis Pp
DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 20

l’argumentation et la relever avec quelque agrément, en


nous interrogeant nous-mêmes, ou bien en adressant < à
l’adversaire > une question,une invitation précise ou un
souhait, figures de pensées choisies entre mille. Pour
éviter la monotonie, on ne commence pas toujours par
exposer < le point à faire admettre > ; on ne veut pas tout
établir par un raisonnement; on indiquera parfois
brièvement ce qui est suffisamment clair, et, quand les
conséquences des prémisses seront claires, on ne croira
pas nécessaire de tirer toujours une conclusion en règle.
XIV 48 F. Et les arguments que l’on trouve sans le
secours de l’art et que tout à l’heure (1) tu as appelés
extrinsèques, dans quelle mesure n’ont-ils donc pas besoin
d’art î
P. Mais ils en ont besoin. On les appelle sans art, non
qu’ils soient tels en effet, mais parce que ce n’est pas l’art
de l’orateur qui les trouve ; ils lui viennent du dehors,
mais il lui faut de l’art pour les manier, surtout les témoi­
gnages. 49 En effet, à propos des témoignages en général,
il faut revenir souvent sur leur fragilité, et sur le fait que
les arguments dépendent des événements, les témoigna­
ges des volontés ; il faut citer des précédents, où l’on n’a
pas ajouté foi à des témoins. Les témoins en particulier,
on cherche s'ils ne sont pas de caractère superficiel, léger,
s'ils n'ont pas été notés d’infamie, s’ils ne sont point pous­
sés par l’espérance, par la crainte, par la colère, par la
pitié, s’ils ne sont pas séduits par l’intérêt ou la faveur.
Enfin on compare leur autorité avec celle des témoins
cités plus haut et auxquels on n’a pas ajouté foi.
50 II faut souvent aussi s’élever contre les dépositions
faites à la question, parce qu’on peut dire que, pour fuir
la douleur, bien des gens ont souvent menti à la torture
et ont mieux aimé faire un faux aveu et mourir que de
dire la vérité et de souffrir. Beaucoup aussi ont fait le
sacrifice de leur vie pour sauver (2) ceux qui leur étaient

(1) Au $ 6.
(2) Par un faux aveu.
20 PARTITIONES ORATOR1AE Χΐπ-4β

dum fuit permotis animis iacit ad extrema II 47 Est


etiam ilia uarietas in argumentando et non iniucunda
distinctio, cum interrogamus nosmet ipsi aut per conta
mur aut imploramus aut optamus, quae sunt cum aliis
compluribus sententiarum ornamenta. Vitare autem
similitudinem poterimus, non semper a proposito ordien-
tes, et si non omnia disputando confirmabimus, breui-
terque interdum.quae erunt satis aperta, ponemus, quod-
que ex eis efficietur, si id apertum, non habebimus ne-
cesse semper concludere-
XIV 48 F. Quid ? ilia, quae sine arte appellantur,
quae iamdudum assumpta dixisti, ecquonam modo indi­
gent artis ?
P. Hla uero indigent, nec eo dicuntur sine arte, quod
ita sint, sed quod ea non parit oratoris ars, sed foris ad se
delata tarnen arte tractat.et maxime in testibus. 49 Nam
et de toto genere testium, quam id sit infirmum, saepe
dicendum est, [si] et argumenta rerum esse propria, tes
timonia autem uoluntatum ; utendumque exemplis, si
quis testibus creditum non sit ; et de singulis testibus, si
natura uani, si feues, si cum ignominia, si spe, si meta,
si iracundia, si misericordia impulsi, si praemio, si gratia
adducti ; comparandique cum superiore auctoritate tes-
tium, quibus tarnen creditum non sit.
5Q Saepe etiam quaestionibus resistendum est, quod
et dolorem fugientes multi in tormentis ementiti persae-
pe sint morique maluerint falsum fatendo, quam uerum
47 cum cet. : quae p || ornamenta E : argu- cet.
48 ecquonam p : et q. P || ecquonam modo artis indigent clau­
sula oitiosa
49 et ERV : si et Pp
χιν-50 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE

plus chers qu’eux-mêmes. D’autres, par contre, naturelle­


ment moins sensibles, ou habitués à souffrir, ou craignant
le supplice et la mort, ont supporté toute la cruauté des
tortures. D’autres ont accusé faussement ceux qu’ils
haïssaient. Il faut appuyer toutes ces allégations par des
exemples.
51 D’ailleurs il est clair que l’on peut trouver des exem­
ples pour et contre, et de même des lieux propres à four­
nir des conjectures pour et contre ; donc, dans les cas
contraires, il faudra prendre des raisons contraires.
D se présente également une autre manière d’infirmer
les témoignages, ainsi que les dépositions faites à la tor­
ture : souvent, en effet, contre les paroles prononcées (1),
si elles sont ambiguës, contradictoires, invraisemblables,
ou même en désaccord avec un autre témoignage, on di­
rige une critique adroite.

XV 52 F. Reste la dernière partie du


discours, qui consiste dans la
son (2): je voudrais bien t’en entendre parler.
P. Π est assez facile de te donner des éclaircissements
sur la péroraison. En effet, on y distingue deux parties,
l’amplification et le résumé. Elargir les sujets trouve sa
place surtout dans la péroraison ; mais, au cours même
du discours, des digressions sont permises en vue d’une
amplification, quand on a apporté une preuve ou réfuté
celle de son adversaire. 53 L’amplification est donc une
sorte d'affirmation plus forte, qui,en touchantles âmes (3),
doit rendre le discours convaincant. Elle produit son
effet par le choix des mots et par le fond.
H faut employer des mots capables de jeter de l’éclat
et qui ne seront pas éloignés de l’usage courant, forts,
pleins, sonores ; composés, nouveaux, synonymes ; distin­
ct) Par les témoins ou à la torture.
(2) Cf. § 4.
(3) Tandis que les arguments s’adressent à l’intelligence.
À J

21 PARTITION ES ORATORIAE xiv-50

dicendo dolere ; multi etiam suam uitam neglexerint, ut A

eos qui his cariores quam ipsi sibi essent liberarent ; alii
I

I
1

autem aut natura corporis aut consuetudine dolendi aut


metu supplici ac mortis uim tormentorum pertulerint ;
alii ementiti sint in eos, quos oderant. Atque haec exem-
plis firmanda sunt.
a

51 Neque est obscurum, quin, quoniam in utramque


partem sunt exempla et item ad coniecturam faciendam
loci, in contrariis contraria sumenda sint.
Atque etiam incurrit alia quaedam in testibus et in
quaestionibus ratio. Saepe enim ea quae dicta sunt, si
>I
aut ambiguë aut inconstanter aut incredibiliter dicta
sunt aut etiam aliter ab alio dicta, subtiliter reprendun-
tur.
XV 52 F. Extrema tibi restât pars orationis, quae
posita in perorando est, de qua sane uelim audire.
P. Fa ci I z or est explicatio perorationis. Nam est
diuisa in duaspartes, amplificationemet enumerationem.
Augendi autem et hic est proprius locus in perorando, et
in cursu ipso orationis declinationes ad amplificandum
dantur, confirmata re aliqua aut reprensa. 53 Est igitur
amplificatio grauior quaedam affirmatio, quae motu ani-
morum conciliet in dicendo fidem. Ea et uerborum gé­
néré conficitur et rerum.
Verba ponenda sunt quae uim habeant illustrandi nec
ab usu sint abhorrentia, grauia, plena, sonantia, iuncta,
I
/

50 dicendo Friedrich·, infltiando codd. || dolere ERV: -lore Ppfi


qui his ER V : quls Pp || tormentorum pertulerint clausula vitiosa
62 Facillor ERV : -le Pp
I

xv-53 DIVISIONS- DE L'ART ORATOIRE 22 1

gués, hyperboliques, surtout métaphoriques. Voilà pour


les mots isolés. Lorsqu’ils sont unis à d’autres, pas de
liaison entre les membres de phrase, pour que les mots
semblent plus nombreux. 54 A grandir les choses contri­
bue aussi le parallélisme des expressions (1), leur reprise,
leur répétition (2), les gradations ascendantes, enfin, d’une
manière générale, un style pour ainsi dire naturel et aisé,
mais plein d’expressions fortes, convient mieux pour gran­
dir les sujets. Voilà pour les mots, auxquels il faut joindre
l’action convenable et propre à faire impression sur les
âmes. Mais, et dans les mots et dans l’action, il faut tenir
compte de la cause et régler le ton sur le fond. Car on
trouve tout à fait absurde un développement trop relevé
pour la cause ; il faut donc bien voir ce qui convient (.3)
dans chaque cas.
XVI55 Pour le fond, l’amplification puise dans tous les
lieux sans exception indiqués plus haut (4) comme pro­
pres à convaincre. On emploiera avec le plus de succès les
définitions accumulées, l’énumération des conséquences
nécessaires, le conflit des notions opposées, différentes,
contradictoires, les causes,ce qui sort des causes, surtout
les similitudes et les précédents. Que l'on donne même la
parole à des personnes imagin.air.es, voire à des choses ina­
nimées (5) ; d’une façon générale, si la cause le permet, on
fait appel à tout ce que l'on regarde comme grand. On y
distingue deux groupes. 58 II y a, en effet, des choses qui
semblent grandes par leur nature, d’autres par leur utilité.
Par leur nature, comme les choses célestes (6), les choses
divines (7), celles dont op ignore les causes, ou les phéno­
mènes terrestres ou célestes qui soulèvent notre étonne­
ment : ces choses et d’autres semblables, si tu veux bien

(1) Π s'agit de la conchmitas, question sur laquelle Cicéron


revient souvent dans le de Oratore, Te Brutus et l’Orator.
(2) Cf. Orator 135.
(3) Cicéron insiste sur ce point dans l’Orator 70
(4) Au § 33 sqq.
<5> C’est la prosopopée- Cf- de. Oratore I 245 et Orator 85.
(6) Les phénomènes astronomiques.
(7) Tout ce qui concerne la divination.
PARTITIONES ORATORIAE XV-53

facta, cognominata, non uulgaria, superlata, imprimis-


que tralata.Haec in singulis uerbis:sed in continentibus
soluta, quae dicuntur sine coniunctione, ut plura uidean-
tur. 54 Augent etiam rela/a uerba, iterata, duplicata et
ea quae ascendant gradatim ab humilioribus [uerbis] ad
superiora, omninoque semper est quasi naturalis et
explanata oratio, sed grauibus referta uerbis, ad augen-
dum accommodatior. Haec igitur in uerbis, quibus actio
[uocis et gestusjcongruensetapta ad animos permouen-
dos accommodata est. Sed et in uerbis et in actione causa
erit ponderanda et pro re agendum.Nam haecquia uiden­
tur perabsurda, cum grauiora sunt quam causa fert, dili­
genter quid quamque deceat iudicandum est.
XVI 55 Rerum autem amplificatio sumitur eisdem
ex locis omnibus e quibus ilia quae dicta sunt ad fi dem ;
maximeque ualent ei definitiones conglobatae et conse-
quentium frequentatio et contrariarum et dissimilium
et inter se pugnantium rerum conflictatio et causae, ea-
que quae sunt orta de causis, maximeque similitudines et
exempla ; fictae etiam personae, mu/a denique loquan-
tur, omninoque ea sunt adhibenda, si causa patitur, quae
hahentur magna, quorum est duplex genus. 56 Alia enim
natura magna uidentur, alia usu; natura, ut caelestia »
ut diuina, ut ea quorum obscurae causae, ut in terris
IIlundoque admfrabilia quae sunt, ex quibus similibus

que, si attendas, adaugendum permulta suppetunt ; usu.

64 relata ERV : -tlua Pp II ea quae ERV II uerbis seel. Schuett ||


explanata ERV : -anda Pp || uocis et gestus seel. Sauppe p actione
ERV : auc- Pp || ponderanda oulg. : -rata Pp tenendà ERV || quia
ERV
55 et definitiones V : definitiones ER || muta ERV : mnlta Pp
xvi-B6 DIVISIONS DE L'ART ORATOIRE 23

y faire attention, fournissent de nombreux développe­


ments pour grandir le sujet. Par leur utilité, quand elles
semblent plus particulièrement utiles ou nuisibles aux
hommes. En vue de l’amplification, on y distingue trois
groupes. En effet, ce qui peut émouvoir les hommes,
ce sont les sentiments de respect (1), par exemple envers
les dieux, envers la patrie, envers les parents ; d’affection,
par exemple pour des frères, pour une femme, pour
des enfants, pour des amis ; < enfin > la valeur morale,
par exemple la pratique des vertus, surtout de celles qui
servent à rapprocher les hommes et à leur faire du bien.
L’orateur trouve ici l’occasion d’engager à ne pas se dé­
partir de ces vertus, d'exciter la haine contre ceux qui n’y
sont pas restés fidèles, et de faire naître le pathétique.
XVII 57 Grandir les choses convient surtout lorsqu’il
s’agit de biens perdus ou qu’on craint de perdre ; rien en
effet n’excite la pitié comme le passage de la richesse à un
état digne de pitié. L'on touchera toujours les auditeurs,
en montrant de quelle situation heureuse tombe quel­
qu’un, à quelles affections il est arraché, ce qu’il perd ou
a perdu, à quels malheurs il est ou sera en proie, <tout
cela> brièvement.En effet, les larmes sèchent vite (2), sur­
tout lorsque les malheurs concernent notre prochain.
Dans l’amplification il ne faut pas vouloir aller jusqu’au
fond de la question ; les détails sont toujours minutieux
et cette partie demande des touches larges.
58 C'est au goût à décider la manière dont nous pour­
rons grandir chaque cause. Dans celles où l’on se propose
de plaire (3) et qui appartiennent au genre d'apparat, il faut
employer les développements qui peuvent provoquer la
curiosité, la surprise, le plaisir. Dans le genre délibératif,
c’est le résumé des avantages et des inconvénients qui est
le plus puissant, avec les exemples. Devant les tribunaux,
l’accusateur s’adresse surtout aux moyens qui excitent
(1) Au § 88, on retrouve encore amor, caritas et honestas rap­
prochés.
(2) Adage que, dans le de Irwentione (I, 56), Cicéron attribue
au rhéteur Apollonius.
(3) Cf. §§ 10 et 69.

ÎTé •Tav
23 PARTITIONES ORATORIAE χνι-6β

quae uidentur hominibus aut prodesse aut obesse uehe-


mentius, quorum sunt genera ad amplificandum tria.
Nam aut cavitate mouentur homines, ut deorum, ut
patriae, ut parentum ; aut amove, ut fvatvum, ut coniu-
gum, ut liberorum, ut familiarium ; aut honestate, ut
uirtutum maxime que earum quae ad communionem
hominum et libevalita tern ualent. Ex his et cohortationes
sumuntur ad ea retinenda, et in eos, a quibus ea uiolata
sunt, odia incitantur, et miseratio nascitur.
XVII 57 Proprius locus augendi in iis rebus aut
amissis aut amittendi periculo. Nihil est enim tarn mi-
serabile quam ex beato miser. Et hoc totum est quod
moueat, si qua ex fortuna quis cadat, et a quorum cavi­
tate diuellatur, quae amittat aut amiserit, in quibus
malis sit futurusue sit exprimitur breui. Cito enim
exarescit lacrima, praesertim in alienis malis. Nec
quicquam in amplificatione nimis enucleandum est ;
minuta est enim omnis diligentia. Hic autem locus gran-
dia requirit.
58 lllud iam sit iudicii, quo quaque in causa genere
utamur augendi. In illis enim causis, quae ad delecfatio-
nem exomantur, ii loci tractandi qui mouere possunt
exspectationem, admirationem, uoluptatem. In cohor-
tationibus autem bonorum ac malorum enumerationes
et exempla ualent plurimum. In iudiciis accusatori fere

56 homines ERV : omnes Pp |] ut ante familiarium ERV || et


miseratio ERV : ex miseratione Pp
57 amissis cet. : ad- p || amittendi ERV : mit- Pp 11 diuellatur
ERV : de- Pp || amittat ERV : ad- Pp || breui nos clausulae causa :
breuiter codd.
58 delectationem ERV : délibéra -Pp|| ii loci ERV : et longi pp

TO
·*ΛΜΙ\ΓΖ ■ f■

XYII-BB DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 24

la colère < des juges > , l’accusé à ceux qui excitent leur
compassion ; quelquefois cependant l’accusateur doit pro­
voquer la compassion, le défenseur la colère.
59 Reste le résumé ; il est nécessaire quelquefois dans
le genre démonstratif, rarement dans le genre délibéra­
tif, et, < devant les tribunaux > , plus souvent à l’ac­
cusateur qu’à l’accusé. Il trouve sa place dans deux
cas, lorsqu'on se méfie de la mémoire de ceux devant
qui l’on plaide, en raison du temps écoulé ou de la
longueur du discours, ou bien lorsque, en rassemblant les
preuves et en les exposant brièvement, le discours doit
acquérir plus de force. 90 Si l’accusé doit faire plus rare­
ment usage de la récapitulation, c’est qu’il doit répondre
à l’accusation, et quela réfutation n’apparaîtra pas en de
courtes réflexions ; de plus des traits rapides seront bles­
sants (1). Mais, dans le résumé, il faut éviter· un étalage
de mémoire qui risquerait de sembler puéril. On y réus­
sira en ne reprenant pas tous les moindres détails, mais en
passant rapidement sur chaque point pour grouper ce
qu’il y a vraiment d’essentiel.

Les questions. XVHI 81 F- Ρ^Φ«* tu m’as parlé


Leurs genres de l’orateur même et du discours, parle-
principaux. moi maintenant du dernier (2) des trois
points que tu as distingués, la question.
P. Comme je l’ai dit en commençant (3), il y a deux
genres de questions, l’une où le temps et les personnes sont
déterminés et que je nomme cause particulière, l’autre,
Indéterminée, sans circonstance de personne ni de temps
et que je nomme thème général (4). Mais le thème géné­
ral est comme une partie de la cause particulière : en effet
l’indéterminé est contenu dans le déterminé et toujours
c’est à lui que l’on ramène tout.

(1) Ce que l’accusé doit éviter ; § 15.


(2) Voir § 4,
(3) Voir § 4.
(4) Le terme latin proposltum est évidemment inspiré du grec
θίσις, v
24 partitiones oratoriae χνΐι-5β

quae ad iraeundiam, reo plerumque quae ad misericor-


diam pertinent. Nonnumquam tarnen accusator mise-
ricordiam mouere debet et defensor iracundia u
59 Enumeratio relicua est, laudatori nonnumquam,
suasori non saepe, accusatori saepius quam reo neces-
saria. Huius tempora duo sunt, si aut memoriae diffidas
eorum apud quod agas uel interuallo temporis uel longi-
tudine orationis, out freqaentatis firmamentis orationis et
breuiter èxpositis ùim est habitura causa maiorem.
SO Reo rarius utendum, quod ponenda sunt contraria,
quorum dissolutio in breuitate non lucebit, aculei pun­
gent. Sed erit in enumeratione uitandum ne ostentatio
memoriae suscepta uideaturessepuerilis. Id effugiet,qui
non o: Illi ia minima repetet, sed, breui singula attingens,
pondéra rerum 'ipsa comprendet.
XVIΠ 61 F. {De questione] Quoniam et de ipso
oratpre et de uratione dixisti, expone eum mihi nunc,
quem ex tribus extremum proposuisti, quaestionis
locum.
P. Duo sunt, ut in initio dixi, quaestionum genera, quo-
rum.alterum, finitum temporibus et personis, causam ap­
pelle, alterum infinitum, nullis neque personis neque tem­
poribus notatum, propositum uoco. Sedpropositum quasi
pars causae [controuersiae] ; inest enim infinitum in
definite et ad illud tarnen referuntur omnia.

mouere ERV : monere Pp


69 si aut ERV II aut - orationis ERV
60 breui Manutius : -uia Pp
61 De questione habet P ante quoniam, ,p ante oratione, seel·
ERV II quasi ERV : latio Pp || controuersiae seel. Kayser |1 refe-
runtur ERV : -runt Pp
XVII-62 DIVISIONS DE U ART ORATOIRE 25

62 Aussi parlons d’abord du thème


Questions indé­
terminées· général, dont il y a deux genres (1), le
premier de théorie, dont le but est
de connaître, par exemple : peut-on se fier aux sens ?
l’autre de pratique, qui a en vue quelque action, comme
si l'on se demande par quels bons offices l’amitié peut
s’acquérir. Revenons au premier genre ; on en distingue
trois sortes : La chose existe-t-elle ou non ? Qu’est-elle ?
Quelle est sa qualité ? Existe-t-elle ou non (2) ? Exemple :
« le droit est-il dans la nature ou dans la coutume ? »
Qu’est-elle (3) ? Exemple : « Entend-on par droit ce qui
est utile au plus grand nombre ? »Sa qualité ? Exemple :
« Est-il utile de vivre selon la vertu (4) ? » 63 De thè­
ses pratiques, il y a deux genres, la première, quand on
recherche ou qu’on repousse une chose, par exemple: «de
quelle façon peut-on acquérir la gloire ?» ou : « comment
éviter l’envie ? » l’autre, quand on a en vue quelque but
avantageux ou utile, par exemple comment il faut admi­
nistrer l’Etat ou comment il faut vivre dans la pauvreté.
64 Pour revenir à l’examen des cas généraux théori­
ques, où l’on cherche si une chose est ou n’est pas, a été
ou sera, il y a un premier genre de questions : possibilité
-d’une chose,par exemple quand on cherche si quelqu’un
peut posséder la parfaite sagesse ; un deuxième, origine
d’une chose, par exemple d’où vient la vertu ? de notre
nature, de notre volonté ou de nos habitudes ? Dans ce
genre rentrent par exemple toutes les questions de re­
cherche abstruse (5) et de physique, où l’on développe
les causes et les raisons des choses. g XIX 65 Dans le
genre où Ton cherche la nature du point en litige, on
peut distinguer deux cas : dans l’un, la discussion doit
porter sur l'identité ou la non identité, par exemple, de
l'obstination et delà persévérance; dans l’autre, il s’agit

(1) Gf. Topiques, 81 sqq. }

(2) Conjecture.
(3) Définition.
(4) Théorie des stoïciens.
(5) Les questions les plus profondes de philosophie, surtout
dans le domaine de la métaphysique.

Λ
wr·

25 PARTITIONES ORATORIAE χνιπ-β2

82 Quamobrem prius de proposito dicamus, cuius A


1

genera sunt duo, cognitionis alterum ; eins scientia est


finis, ut uerine sint sensus ; alterum actionis, quod refer-
tur ad faciendum quid,ut si quaeratur quibus ofiiciis ami- J

citia quaerenda sit. Rursus superioris genera sunt tria,


sit necne sit et quid sit et quale sit. Sit necne sit, ut ius in
natura sit an in more ; quid autem sit, sitne ius id quod
$
maiori parti sit utile ; quale autem sit, sic iuste uivere
sitne utile. 63 Actionis autem duo sunt genera, unum ad
persequendum aliquid aut declinandum, ut quibus
rebus adipisci gloriam .possis aut quomodo inuidia uite-
tur ; alterum,quod ad aliquod commodum usumque refe- Π,

ratur, ut quem ad modum sit res publica administranda


aut quem ad modum in paupertate uiuendum.
64 Rursus autem ex cognitionis consultatione, ubi
sit necne sit aut fuerit futurumue sit quaeritur, unum ge­
nus est quaestionis,possitne aliquid effici, ut, quom quae­
ritur ecquisnam perfecte sapiens esse possit,alterum [cum]
quem ad modum quicque fiat, ut quonam pacto uirtus
pariatur, naturane an ratione an usu. Quoins generis
sunt omnes in quibus, ut in obscuris naturalibusque
quaestionibus, causae rationesque rerum explicantur.
XIX 65 Ulius autem generis in quo quod sit id de quo
agitur quaeritur, duo sint [genera], quorum in altero
disputandum est aliud an idem sit, ut pertinacia et perse-
uerantia ; in altero autem, descriptio generis aliquoius et

62 sic ERV : sit Pp


64 cognitionis consultatione ubl sit ERV : cogitationlbus con-
sultationibus Pp || ut vulg. : turn Pp || cum seek ERV
65 genera seel. Friedrich || sit ut ceL : sit aut p || et ERV || all-
quolus nos : aequius Pp alicuius ERV
-I

DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 26


de tracer la description et comme le portrait de tout un
groupe ; par exemple : on peint un avare ou ce qu’est
un orgueilleux (1). 66 Enfin le troisième genre, qui étudie
la question de qualification, doit porter sur l’honneur,
Futilité ou l’équité. Sur l’honneur, par exemple : « Exi­
il conforme à l’honneur de s’exposer pour un ami au dan
ger ou à l’envie ? » Sur l’utilité, par exemple : « Est-il
utile de se mêler aux affaires publiques ? « Sur l’équité, par
exemple: «Est-il équitable de préférer ses amis à ses pa­
rents par le sang ? » Dans ce même genre se présente aussi
une discussion d’une autre nature. On ne se borne plus à
chercher directement ce qui est vertueux (2), ce qui est
utile, ce qui est équitable, mais, aussi, par comparaison,
ce qui est plus vertueux, ce qui est plus utile, ce qui est plus
équitable et même ce qu’il y a de plus vertueux, de plus
utile, de plus équitable ; dans ce genre rentre la recherche
de ce qui constitue la plus haute dignité de l’existence (3).
Tout ce que je viens d’exposer se rapporte aux questions
de théorie.
67 Restent celles de pratique. Une première catégorie
donne des préceptes sur la règle de nos devoirs, par
exemple sur là manière d’honorer nos parents. La se­
conde vise à calmer les âmes et à les guérir (4)par nos pa­
roles, par exemple, à consoler la douleur, à réfréner la
colère, à chasser la crainte ou à modérer la passion. A cette
* catégorie est opposée celle où le développement s’adresse
à ces mêmes sentiments^ mais, comme il arrive souvent f
<

I dans l’amplification (5), se propose de les provoquer ou de


les exciter. Telle est à peu près la division des cas géné­
raux.
XX 88 F. J'ai compris ; mais je voudrais savoir quelle
est ici la méthode pour trouver et disposer les arguments.

il» Comparer Topiques 83.


(2) Π nous a semblé contraire au sens de rendre honestum par
« honorable », quoique honesfas soit rendu par « honneur ».
(3) Question souvent traitée par la philosophie grecque.
(4) Nous n’avons pu rendre l’allitération ndandoe-smandos.
(5) Voir § 52 sqq.
1

26 PARTITIONES ORATORIAE xrx-65

quasi imago est exprimenda,ut qualis sit auarus aut quid


sit superbus. 66 Tertio autem in genere in quo quale sit
quaeritur, aut de honestate aut de utilitate aut de aequi-
täte dicendum est. De honestate sic, ut honestumne sit
pro amico periculum aut inuidiam subire. De utilitate
autem, sitne utile in re publica administranda uersari.
De aequitate autem, ut sitne aequum amicos cognatis
anteferre. Atque in hoc eodem genere, [in quo quale sit
quaeritur,] exoritur aliud quoddam disputandi genus.
Non enim simpliciter solum quaeritur quidhonestum sit,
quid utile, quid aequum, sed etiam ex comparatione
quid honestius, quid utilius, quid aequius, atque* etiam f

quid honestissimum, quid utilissimum, quid aequissi-


mum, cuius generis ilia sunt, quae praestantissima sit
dignitas uitae. Atque ea quidem quae dixi cognitionis
sunt omnia.
67 Restant actionis, cuius alterum est praecipiendi
JI
genus, quod ad rationem officii pertinet, ut quern ad
modum colendi sint parentes ; alterum autem ad sedan-
dos animos et oratione sanandos, ut in consolandis mae-
roribus aut in iracundia comprimenda aut in timoré
deleniendo aut in cupiditate minuenda. Quoi quidem
generi contrarium est disputandi genus ad eosdem illos
r

animi motus, quod in amplificanda oratione saepe facien-


dum est, uel gignendos uel concitandos. Atque haec fere
partitio est consultationum.

66 est ERV : si Pp || in quo -quaeritur seclusl |j aliud quoddam


ut. : q. a. p
67 maeroribus aut nos : m. ut codd. |] Quoi p1 : quold P cul ut.
•4

xx-68 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 27

P. Quoi ? Tu penses qu’elle n'est pas absolument sem­


blable à celle que j’ai exposée (1) et que les mêmes lieux
ne fournissent pas tous les développements pour porter la
conviction comme pour trouver les arguments ? Quant à
leur ordre, la méthode exposée pour les autres sources de
développements (2) sera appliquée ici.

Questions déter­ F. Puisque je connais tout ce qui con ­


minées·, leurs cerne la division logique des thèmes
genres. généraux, restent les différents genres
de causes particulières et les préceptes qui s’y rapportent.
69 P. Précisément. De ces causes il y a deux sortes (3).
L’une veut plaire à l’oreille,· l’autre obtenir justice, prou­
ver et faire triompher sa thèse ; car c’est de là que part
tout débat. Aussi la première se nomme-t-elle discours
d’ornement; comme ce genre peut être étendu et très
varié, nous y choisirons un seul type, celui où l’on se pro­
pose de louer les hommes illustres et de blâmer les mé­
chants. En effet, il n’y a pas de discours plus fécond pour
l'éloquence, plus utile à l'Etat ou dans lequel l’orateur
ait plus l’occasion d’appliquer la connaissance des vertus
et des vices. Les autres genres de causes portent (4) sur
la prévision de l’avenir ou la discussion du passé ; dans
le premier cas, il s’agit de délibérer, dans l’autre de juger.
70 Cette division fournit donc trois genres de causes : le
premier, envisagé sous son jour le plus favorable (5), a
été appelé laudatif, le second délibératif, le troisième
judiciaire. Parlons donc en premier lieu du premier, si tu
le veux bien.
F. Je le veux bien

Genre laudatif. XXI P. Les règles de l’éloge et du


blâme, règles valables non seulement
pour parler éloquemment, mais pour vivre bien, je les ex­
il) Dans les §§ 5, 8, 13, 33 sqq.
(2) Voir § 9 sqq.
(3) Comparer § 10,
(4) Nous n'avons pas pu rendre par le même verbe français
les deux formes uerseiur et uersalur.
(5) U sert aussi poiir le blâme ; cf. § préc.
27 PARTITION ES ORATORIAE XX-S8

XX 68 F. Cognoui, sed quae ratio sit in his inue-


niendi et disponendi requiro.
P. Quid ? tu aliamne censes ac non eandem quae est
exposita ut ex iisdem locis ad fidem et ad inueniendum
ducantur omnia ? Collocandi autem quae est exposita in
aliis ratio, eadem hue transferetur.
F. Cognita igitur omni distributione propositorum,
causarum genera et praecepta restant.
69 P. Admodum. Et earum quidem forma duplex est,
quarum altera delectationem sedatur aurium, alterius, ius
ut obtineat, probet et efficiat quod agit, unde omnis est
suscepta contentio. Ziaque illud superius exornatio dici-
tur ; quod cum latum genus esse potest saneque uarium,
unum ex eo deligimus, quod ad laudandos claros uiros
suscipimus et ad improbos uituperandos. Genus enim
nullum est orationis, quod aut uberius ad dicendum aut
utilius ciuitatibus esse possit aut in quo magis orator in
cognitione uirtutum uitiorumque uersetur. Relicuum
autem genus causarum aut in prouisione posteri tempo­
ns aut in praeteriti disceptatione uersatur, quorum al­
teram deliberationis est, alteram iudicii. 70 Ex qua
partitione tria genera causaram exstiterunt, unum,
quod a meliore parte laudationis est appellatum, delibe­
rationis alterum, tertium iudiciorum. Quamobrem de
primo primum, si placet, disputemus.
F. Mihi uero placet.

68 his cet. : iis p || Quid tu ERV : Quidne Pp || ac non Stroebel:


an non Pp et non ERV II propositorum Lambin : -taru: . codd.
69 altera-aurium ERV || alterius ius nos : altera lus Pp alterius
ERV. II unde ERV || Itaque ERV : et eaque Pp
1
1

XXI-70 DIVISIONS DE L9ART ORATOIRE 28

poserai brièvement (1), en commençant par remonter aux


sources de l’éloge et du blâme. 71 On doit, en effet, louer
tout ce qui touche à la vertu, et, tout ce qui touche au vi­
ce,le blâmer.Aussi lebut de l’éloge est-il ce qui est bien (2),
celle du blâme ce qui est mal. Ce genre de discours con­
siste à raconter et à exposer les faits sans aucune argu­
mentation, parce qu’il s’occupe de toucher doucement
les cœurs plutôt que de former ou de renforcer la con­
viction (3). En effet, on ne prouve pas ce qui est dou­
teux, mais on grandit ce qui est certain ou donné comme
tel. Aussi devra-t-on se reporter aux préceptes donnés
antérieurement sur la narration et l’amplification (4).
72 Puisque, dans ces causes, on ne se préoccupe guère
que de plaire à l’auditeur et de le charmer, on emploiera
un style orné, des mots éclatants qui parent très agréable­
ment le discours (on y réussit par l’emploi fréquent de
>
mots (5) nouveaux, ou archaïques, ou pris métaphori­
quement), et simplement un arrangement des mots,oùse
répondent souvent des termes de même longueur et de
désinence semblable, des antithèses, des redoublements,
des périodes nombreuses, qui, sans ressembler au vers (6),
satisfont les exigences instinctives de l’oreille, comme par
une sorte de rythme dû en quelque sorte au juste groupe­
ment des mots. 73 Π faut aussi recourir assez fréquemment
aux ornements de fond que voici : faits surprenants et
inattendus, ou bien annoncés par des phénomènes ex­
traordinaires, des prodiges, des oracles, ou bien tels que
les dieux et les destins semblent les avoir envoyés au per­

il) La question est abordée déjà dans la Rhétorique à Héren-


nias III10 et suiv., dans le de Inoentione II 177-178 et dans le
de Oratore II 341 et suiv.
(2) Cf. de Irwentione II 156 et Topiques 91.
(3) Ce qui est précisément le but de l'argumentation ; v. §§ 5
et 33.
(4) Voir §§ 31 et 53 sqq.
(5) Cicéron distingue les mêmes catégories dans le de Oratore
III 152.
(6) Ce qui est une faute grossière ; v. à oe propos le de Oratore
III175.
1

PARTITIONES ORATORIES X»-70

XXI P. Ac laudandi uituperandique rationes, quae


non ad bene dicendum solum sed etiam ad honeste uiuen-
dum ualent, exponam breuiter atque a principiis exor-
diaret laudandi et uituperandi. 71 Omnia enim suntpro-
fecto laudanda quae coniuncta cum uirtute sunt, et quae
cum uitiis, uituperanda. Quamobrem finis alterius est
honestas, alterius turpitudo. Conficitur autem genus
hoc dictionis narrandis exponendisque factis, quod sine
ullis argumentationibus ad animi motus leniter trac
tandos magis quam ad fîdem faciendam aut con firman­
dam accommodatur. Non enim dubia firmantur, sed ea
quae certa, aut pro certis posita sunt augentur. Quam­
obrem ex iis quae ante dicta sunt, et narrandi et au-
gendi praecepta repetentur.
72 Et quoniam in his causis omnis ratio fere ad uolup-
tatem auditoris et ad delectationem refertur, a utendum
erit in iis ornata oratione et singulorum uerborum insigni-
bus,quaehabent plurimum suauitatis (idfit si factis uerbis
aut uetustis auttralatisfrequenter utamur), et ipsa cons-
tructione uerboru: It ut paria paribus et similia similibus
saepe referantur, ut contraria, ut geminata, ut circums­
cripta numerose, non ad similitudinem uersuum, sed ad
explendum aurium sensum apto quodam quasi uerborum
modo. 73 Adhibendaque frequentius etiam ilia ornamen-
ta rerum, siue admirabilia siue nec opinata siue signifi-
cata monstris, prodigiis et oraculis, siue quae uidebuntur
ei de quo agemus cecidisse diuina alque fatalia. Omnis
71 aut ERV : et Pp
72 ratio ER : oratio Pp V || ornata add. Friedrich || tralatis P :
trans- cet. || ut geminata ER V : aut g. Pp
73 opinata ERV : opina Pp || atque ERV : que Pp

Γ·
—<*

XX I-73 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 29

sonnage dont il s’agit. En effet l’attente des auditeurs,


l'étonnement, un dénouement imprévu sont toujours
pour eux une source de plaisir.
XXII 74 Puisqu’on distingue trois espèces de biens et
de maux (1), occupons-nous d’abord de ceux qui nous sont
extérieurs et qui reposent sur la naissance : on la louera
brièvement et avec modération ; si elle n’est pas honora­
ble, on la passera sous silence ; si elle est basse, on n'en
dira rien ou l’on s’en servira pour ajouter à la gloire de
celui que nous louons. Puis, si le sujet le comporte, on
parlera immédiatement des richesses et des ressources.
On passera alors aux biens corporels ; celui qui est le plus
clair symbole de la vertu, à savoir la beauté, prête le
mieux à l’éloge. 7B Ensuite on en vient aux actions, pour
lesquelles on peut adopter trois plans différents. En effet,
l’on doit suivre l’ordre chronologique, ou prendre avant
tout ce qu’il y a de plus récent, ou faire rentrer des actions
nombreuses et variées dans les groupes particuliers où
l’on range les vertus.
...Mais ce lieu des vertus et des vices, si étendu,a été
l’objet de discussions nombreuses et variées que nous
résumerons ici en peu de mots précis. 76 La vertu, dans
son essence, est double (2) : elle est du domaine spéculatif
ou pratique. Car celle que l’on appelle prudence, ou bien
habileté, ou bien, d’un si beau nom, sagesse, est purement
spéculative. Mais celle qu’on loue parce qu’elle gouverne
les passions et règle les mouvements de l’âme est pratique
de par son rôle : on la nomme modération (3). Pour en re
venir à la prudence, appliquée aux affaires domestiques,
on l’appelle ordinairement économie, aux affaires de l'Etat,
politique. 77 De même (4), la modération peut s’exercer sur
les biens qui nous appartiennent en propre et sur ceux

(1) Cf. § 38.


(2) Théorie d’Aristote (Ethique I, 13), que suivait entre au­
tres Panétius, si l’on en croit Diogène Laerce (VII, 92).
(3) Cicéron donne ici au mot un sens beaucoup plus vaste que
dans le de Inventlone, par exemple (II164).
(4) Comme la prudence.
1
<
29 PARTITIONES ORATORIAE xxr-73 i
F
enim exspectatio eins qui audit et admiratio et improuisi
exitus habent aliquam in audiendo uoluptatem. j
XXII 74 Sed quoniam in tribus generibus bona mala- 1
ue uersantur [externi et corporis et animi], prima sint
externa, quae ducantur a genere ; quo breuiter modice-
que laudato, aut, si erit infame, praetermisso, si humile,
uel praeterito uel ad augendam eius quern laudes gloriam
tacto, deinceps, si res patietur, de fortunis erit faculta-
tibusque dicendum. Postea de corporis bonis, in quibus,
quod quasi uirtutem maxime significat, facillime forma
laudatur. 75 Deinde est ad facta ueniendum quorum col-
locatio triplex est. Aut enim temporum seruandus ordo
est aut in primis recentissimum quidque dicendum aut
multa et uaria facta in propria uirtutum genera sunt
di geren da.
... Sed hie locus uirtutum atque uitiorum latissime
patens ex multis et uariis disputationibus nunc in quan-
dam angustam et breuem concludetur. 76 Est igitur uis
uirtutis duplex. Aut enim scientia cernitur uirtus aut
actione. Nam quae prudentia, quae calliditas quaeque
grauissimo nomine sapientia appellatur, haec scientia
pollet una. Quae uero moderandis cupiditatibus regen-
disque animi motibus laudatur, eius sit munus in agendo;
quoi temperantiae nomen est. Atque ilia prudentia in
suis rebus domestica, in publicis ciuilis appellari solet,
uoluptatem cel. : uolun- p
7 4 extemi-animl sect Sauppe || tacto E V : taclto Pp tracto Λ H
quod ER V : quid Pp || virtutem ER V : -turn Pp
15 quidque P : quic- p || digerenda Lambin. : dirlgenda codd. Π
Ante sed lacunam significant.
76 uirtus ERV : -tutes Pp || actione ERV : actio Pp || laudatur
cet. : -dentur p || quoi nos auctore Wilkins : quo Pp
i

JOCII-77 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 30

qui nous sont communs avec d'autres. En ce qui concerne


les choses agréables, elle en use de deux manières : elle ne
convoite pas celles qu’elle n’a pas et elle s’abstient de celles
dont elle peut légitimement disposer. Pour les choses dé­
sagréables, elle est également double : lorsqu’elle résiste
i
aux maux à venir, on la nomme courage ; quand le mal­
heur est là et qu’elle le supporte jusqu’au bout sans fai­
blir, on la nomme patience. Le résumé de ces qualités est
appelé noblesse d’âme ; elle comprend la libéralité dans
l’emploi de l’argent et aussi la force d’âme pour accepter
les choses désagréables, surtout les injustices, et, d’une
façon générale, tout ce qui est de même genre. 78 Quand
1
elle s’exerce à l’égard des autres, la modération est nom­
mée justice. Envers les dieux, elle s’appelle piété, envers
t
les parents respect, à propos de nos engagements honnê­
teté, dans la modération à punir douceur, a: II itié dans la
bienveillance qu'elle atteste. Ces vertus s’aperçoivent
dans la pratique.
XXIII Π y a d’autres qualités dont on pourrait dire
qu’elles sont les servantes et les compagnes de la sagesse.
fi L'une discerne et juge ce qu’il y a de vrai et de faux dans
les discussions et ce qui se tire des prémisses ; cette vertu
réside tout entière dans la science théorique de la discus­
sion. L’autre est le talent oratoire. 7Θ L’éloquence, en
effet, n'est autre chose que la sagesse parlant (1) avec
abondance ; issue de la même source que la sagesse appli­
quée à la discussion (2), elle est plus féconde (3), plus éten­
due et plus capable d’émouvoir les passions de l’âme et
la sensibilité de la multitude. Quant à la vertu qui veille
sur les autres, qui fuit ce qui est déshonorant et recherche
avant tout l’estime, c’est la pudeur. Telles sont à peu près
ce que l’on pourrait appeler des manières d’être de l’âme;
leur tendance et leur nature sont telles qu’elles se distin-

(1) Nous n’avons pu rendre le rapprochement eloquentla-lo-


quens.
(2) La dialectique.
(3) Cf. dans l'Orator 113-114 la manière dont Zénon rapproche
l'éloquence et la dialectique.
30 PARTITIONES ORA TORIAS •χχη-77

77 Temperantia autem in suas itidem res et in communes


distributa est duobusque modis in rebus commodis discer-
nitur, et ea quae absunt non expetendo, et ab eis quae
in potestate sunt abstinendo. In rebus incommodis est
itidem duplex. Nam quae uenientibus malis obstat, for­
titude, quae, quod iam adsit tolérât et perfert, patientia
nominatin'. Quae autem haec uno genere complectitur,
agnitudo animi dicitur ; quoius est liberalitas in usu
pecuniae simulque altitudo animi in capiendis incommo­
dis et maxime iniuriis, et omne quod est eius generis
[graue sedatum]. 78 In communione autem quae posita
pars est, iustitia dicitur, eaque erga deos religio, erga
parentes pietas, [uulgo autem bonitas,] creditis in rebus
fides, in moderatione animaduertendi lemtas, amicitia
in beniuolentia nominatur. Atque hae quidem uirtutes
cernuntur in agendo.
XXIII Sunt autem aliae quasi ministrae comitesque
sapientiae'; quarum altera quae sint in disputando uera
atque falsa quibusque positis quid sequatur distinguit
et iudicat ; quae uirtus omnis in ratione scientiaque dis-
putandi sita est, altera autem oratoria. 79 Nihil estenim
ahnd eloquentia nisi copiose loquens sapientia ; quae ex
eodem hausta genere quo ilia, quae in disputando, est
uberior atque latior et ad motus animorum uulgique sen-
sus accommodatior. Custos uero uirtutum omnium, dede­
cus fugiens laudemque maxime consequens, uerecundia
est. Atque hi quidem sunt fere quasi quidam habitus

77 in rebus commodis ERV II graue, sedatum sed. Lambin


78 uulgo autem bonitas seel. Schuetz
79 aliud ER V : apud Pp
ΧΧΠΙ-79 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 31

guent les unes des autres par le caractère particulier de la


vertu propre à chacune d’elles ; mais tous les actes qu’elles
peuvent inspirer sont nécessairement vertueux et dignes
des plus grands éloges.
80 Π y a aussi d’autres manières d’être de l’âme, qui,
pour ainsi dire, sont d’avance formées et disposées à la
vertu par les études et les sciences nobles : telle est, pour
ce qui ne concerne que nous (1), l’étude de la littérature,
celle des rythmes et des sons, celle des quantités, celle des
astres, celle de l’équitation, celle de la chasse, celle des
armes, et, pour ce qui concerne aussi les autres, les études
qui nous portent à cultiver plus particulièrement tel
groupe de vertus, comme le dévouement absolu à la reli­
gion ou un attachement particulier et ardent aux parents,
aux amis, aux hôtes.
Voilà pour les vertus, auxquelles s’opposent les diverses
catégories de vices. 81 II faut prendre bien garde de nous
laisser abuser par les vices qui, au premier abord, resserrII
blent à des vertus. A la prudence ressemble la finesse, à
la modération la sauvagerie, qui fait fi des plaisirs, à la
noblesse d’âme l'orgueil, qui porte trop haut les honneurs,
et le dédain, qui les méprise, à la libéralité la prodigalité,
au courage l’audace, à la patience une insensibilité sau­
vage (2), à la justice la rigueur, à la religion la superstition,
à la clémence la faiblesse de caractère, à la pudeur un ins­
tinct timoré, à l’art de discuter loué plus haut (3) celui
de disputer et de chicaner (4) sur les mots, au talent
oratoire que je viens de mentionner (5) un vain flux de
paroles. Aux tendances vertueuses peut également pa­
raître ressembler leur exagération même.

(1) Abstraction faite des rapports avec les autres.


(2) On pense ici à Γ απάθεια stoïcienne. — On remarquera que,
en latin, duritia ( « insensibilité ») n’implique pas un blâme.
(3) Voir § 78.
(4) Nous n’avons pu réussir à rendre l’allitération concerlatio-
capiatio.
(5) Voir § 79.
t

31 PARTITIONES ORATORIAE ΧΧΙΠ-7Β


(

animi, sic affecti et constituti ut sint singuli inter se pro­


prio uirtutis genere dictincti ; a quibus ut quaeque resges- i

ta est, ita sit honesta necesse est summeque laudabilis.


r
80 Sunt autem alii quidam [ficti] animi habitus, ad
uirtutem quasi praeculti et praeparati rectis studiis et
artibus, ut in suis rebus studia lifterarum, ut numerorum
ac sonorum, ut mensurae, ut siderum, ut equorum, ut
uenandi, ut armorum ; in communibus propensiora stu­
dia in aliquo genere uirtutis praecipue colendo aut diuinis
rebus deseruiendo aut parentibus, amicis, hospitibus,
praecipue atque insigniter diligendis.
Atque haec quidem uirtutum. Vitiorum autem sunt
genera contraria. 81 Cernenda autem sunt diligenter ne
fallant ea nos uitia quae uirtutem uidentur imitari. Nam
et prudentiam malitia et temperantiam immanitas in
uoluptatibus aspernandis et magnitudinem animi super­
bia in rtimis extollendis et despicientia in contemnendis
honoribus et liberalitem efîusio et fortitudinem audacia
imitatur et patientiam duritia immanis et iustitiam acer-
bitas et religionem superstitio et lenitatem mollitia animi
et uerecundiam timiditas et illam disputandi prudentiam
concertatio captatioque uerborum et hanc oratoriam uim
inanis quaedam profluentia loquendi. Studiis autem
bonis similia uidentur ea, quae sunt in eodem genere
nimia.

ita sit honesta ERV


80 ficti seel. Lambin || litterarum ERV : ac turn rarum Pp || ut
numerorum ERV || ut ERV
81 Nimis Orelli : animis codd. || immanis ERV : ina- Pp || et
ERV
»
DIVISIONS DE VART ORATOIRE 32

82 Aussi, quand il s’agira de louer ou de blâmer, c’est


exclusivement dans cette distinction des vertus et des
vices que l’on puisera les développements les plus effica­
ces. Mais c’est dans tout ce que je pourrais appeler la trame
du discours que l’on devra marquer de traits frappants
les points suivants : naissance du personnage ; son éduca­
tion; formation de son intelligence (1) et de son caractère ;
choses importantes ou extraordinaires qui lui sont arri- I

vées, surtout si l’on semble pouvoir y trouver une inter­


vention des dieux. Puis on rapportera ses pensées, ses
paroles, ses actions aux différentes espèces de vertus que
nous avons distinguées (2), et, grâce à ces lieux où pui­
i
sera l’invention, on recherchera les causes, les effets et les

conséquences nécessaires des faits. La mort de ceux dont


on louera la vie ne devra pas non plus être passée sous
silence, s’il y a quelque chose de remarquable dans le
genre même de la mort ou dans ce qui l’a suivie.

Genre dêllbi- XXIV 83 F. Je t’ai bien compris et


ratif. tu m’as enseigné en peu de mots com­
ment louer quelqu’un, et, en outre, comment diriger mes
efforts pour mériter moi-même d’être loué. Voyons
maintenant, pour contihuer, la méthode et les règles à
snivre lorsque l’on doit exprimer un avis (3).
P. Eh bien ! dans le genre délibératif, l’utilité est le
but auquel on rapporte tout en donnant un conseil ou en
exprimant un avis ; c’est au point que celui qui conseille
ou déconseille quelque chose doit examiner avant tout ce
qui est possible ou non, nécessaire ou non. En effet, si
une chose ne peut être réalisée, quelque utile qu’elle
soit, la délibération n’a pas lieu, et, si elle est nécessaire
(est nécessaire ce qui est essentiel pour notre vie et notre
liberté), il faut lui sacrifier toutes les considérations de
gloire politique ou d’avantage.

(1) Par l’enseignement.


(2) Voir $ 75 et suiv-
(3) C’est-à-dire dans le genre délibératif.
32 PARTITIONES ORATORIAE xxiIt-82

82Quamobrem omnia uis laudandi et uituperandi ex


his sumetur uirtutum uitiorumque partibus ; sed in toto
quasi contextu orationis haec erunt illustranda maxime,
quem ad modum quisque generatus, quern ad modum
educatus, quern ad modum institutus moratusque fuerit,
et si quid cui magnum aut incredibile accident maxime-
que si id diuinitus accidisse potuerit uideri ; turn quae
quisque senserit, dixerit, gesserit ad ea quae proposita
sunt uirtutum genera accommodabuntur, ex illisque
innen tend t locis causae rerum et euentus et consequentia
requirentur. Neque uero mors eorum quorum uita lauda-
bitur silentio praeteriri debebit, si modo quid erit ani-
maduertendum aut in ipso genere mortis aut in eis rebus
quae post mortem erunt consecutae.
XXIV 83 F. Accept ista didicique breuiter non solum
quern ad modum laudarem alterum, sed etiam quern ad
modum eniterer ut possem ipse iure laudari. Videamus
igitur deinceps in sententia dicenda quam uiam et quae
praecepta teneamus.
P. Est igitur in deliberando finis utilitas, ad quern
referuntur omnia in consilio dando sententiaque dicenda,
ut ilia prima sint suasori aut dissuasori uidenda, quid aut
posait fieri aut non possit et quid aut necesse sit aut non.
necesse. Nam et, si quid effici non potest, deliberatio tol-
litur, quamuis sit utile et, si quid necesse est (necesse / ’
autem id est, sine quo salui liberiue esse non possumus),

82 his cet. : ils P || Inueniendi ERV : Inuidendis Pp || praeteriri


ERV : -re Pp || consecutae ERV
88 ista cet. : Istuc p II Est ERV : si Pp || sit ERV : est Pp
■ XXTV-84 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 33

■ 84 Lorsqu'on cherche si une chose est possible, il faut


■ considérer aussi avec quelle facilité elle est possible. En
I effet celles qui sont très difficiles doivent souvent être
■ regardées comme irréalisables. Et quand nous porterons
■ notre attention sur la nécessité, même si une chose ne
I paraît pas nécessaire, il faut néanmoins en envisager
I l’importance. En effet ce qui est très important est sou-
I vent regardé comme nécessaire.
I 85 Ce genre de causes consistant à conseiller et à décon-
I seiller, celui qui conseille voit s’ouvrir devant lui une
I seule route : une chose est-elle utile et faisable, il faut la
I faire. Celui qui déconseille peut en suivre deux : si la’chose
I , n'est pas utile, il ne faut pas la faire ; si elle n’est pas fai-
I sable, il ne faut pas l’entreprendre. Celui qui persuade
doit donc prouver les deux points (1) ; celui qui dissuade
peut se contenter de ruiner l’un des deux.
I
I I
88 Donc comme toute délibération roule sur ces
I deux points (2), parlons d’abord de l’utilité, qui se
traite par la distinction des choses bonnes et mau­
vaises. Parmi les choses bonnes, les unes sont indis-
' pensables, comme la vie, la retenue (3), la liberté, comme
îί les enfants, une épouse, des frères, les père et mère ;
les autres ne sont pas indispensables. 87 Ces derniers
biens sont recherchés soit pour eux-mêmes et leur va­
leur morale propre, soit pour un avantage quelconque.
Pour leur valeur morale, ceux qui se rattachent aux
vertus dont j’ai parlé plus haut (4) et qui sont louables
par eux-mêmes ; pour un avantage quelconque, ceux des
biens du corps ou de la fortune qui méritent d’être dési­
rés, les uns ayant comme un lien avec ce qui est mora­
lement beau, par exemple l’honneur et la gloire, d’au-

(1) Que la chose est possible et qu’elle est faisable.


(2) Ce qui est utile et ce qui est faisable.
(3) En mettant la retenue au nombre des choses bonnes indis­
pensables, Cicéron semble bien, comme l’indique Piderit, avoir
particulièrement pensé à son fils, plus porté au plaisir qu’à l’étude.
Voir aussi l’avertissement discret du § 90.
(4) Voir § 76 sqq.
to*»

33 PARTITJONES ORATORIAE xx iv-83

id est relicuis et honestatibus in ciuili ratione et commo-


dis anteponendum.
84 Cum autem quaeritur quid fieri possit, uidendum
etiam est quam facile possit. Nam quae perdifficilia sunt
perinde habenda saepe sunt acsieffici nonp ossint, et cum
de necessitate attendemus, etiam si non necessarium ali-
quid uidebitur, uidendum tarnen erit quam sitid magnum.
Quod enim permagni interest pro necessario saepe habetur.
85 Haque cum constet genus hoc causarum ex suasione
et dissuasione, suasori proponitur simplex ratio ; si et
utile est et fieri potest, [si] fiat ; dissuasori duplex, una,
si utile non est, ne fiat, altera, si fieri potest, ne suscipia-
tur. Sic suasori utrumque docepdum est, dissuasori alte-
rum infirmare satis est.
86. Quare quoniam in his uersatur omne consilium
duobus, de utilitate ante dicamus, quae in discernendis
bonis malisque uersatur. Bonorum autem partim neces-
saria sunt, ut uita, pudicitia, libertas, ut liberi, coniuges,
germani, parentes, partim non necessaria, [quorum alia
sunt per se expetenda,utea quae sita sunt inofficiis atque

uirtutibus, alia, quod aliquid commodi efiiciunt, ut opes
ut copiae].87 Horum [autem] partim, [quae] propter se
[expetuntur partim] honestate ipsa, partim commoditate
aliqua expetuntur; honestate, ea quae proficiscuntur ab his
uirtutibus, de quibus paulo ante est dictum, quae sunt
In ciuili ratione ERV
84 cum ERV
86 Itaque vulg. :lta Pp || constet ERV : constatPp || flat ERV :
si flat Pp II inflrmare E: infirma Pp infirmât R inflrmarlt V II satis
nos clausulae causa : sat codd.
86 quorum- copiae seel. Schuetz II ut copiae P : copiae p
87 Horum partim propter se Schuetz : Eorum autem quae
5
•—3^

Ύ-β7 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 34

très n’en ayant aucun, par exemple la \igueur, la beauté,


la santé, la noblesse,les richesses, les clients. XXV 88 H
y a encore un groupe qui alimente, pour ainsi dire (1),
les biens de valeur morale : il comprend surtout les sen­
timents d’amitié, lesquels se divisent en sentiments
de tendresse respectueuse et d’affection. Les devoirs que
nous rendons aux dieux, à nos père et mère, à notre'patrie,
aux hommes distingués par leur sagesse ou leurs dignités,
sont habituellement classés dans les sentiments de ten­
dresse respectueuse. Les époux, les entants, les frères et
ceux qui sont liés par une étroite intimité, sont unis par
des sentiments de tendresse respectueuse, sans doute,
mais surtout d’affection. Comme les choses bonnes sont
telles que je viens de les exposer, on voit sans peine ce qui
s’y oppose.
89 Si nous pouvions toujours nous attacher aux choses
les meilleures (2), comme d’ailleurs elles sont évidentes,nous
n’aurions guère besoin de conseil. Mais les circonstances
particulières (3), si puissantes, mettent souvent en conflit
l’honnête et l’utile (4), et c’est cette opposition qui générale­
ment donne lieu aux délibérations, parce que l’on veut
éviter de sacrifier les choses avantageuses à des vues d’hon­
nêteté ou les choses honnêtes à des vues d’utilité ; voici
donc des préceptes pour résoudre cette difficulté.
90 Puisque notre discours doit être en rapport non seu­
lement avec la vérité, : II ais aussi avec le sentiment de nos
auditeurs, comprenons d'abord qu'il y a deux espèces
d'hommes, l’une ignorante et grossière, qui préfère tou­
jours l’utile à l'honnëte,l’autre, éclaùéeet cultivée(5), qui
met la dignité morale au-dessus de tout. Celle-ci place en

(1) A cause de l'emploi figuré de materiez.


(2) Celles qui sont bonnes et droites en elles-mêmes et pour
elles-mêmes.
(3) De temps par exemple.
(4) Cf. De Oratore II 335. Même opposition encore dans le de
Offleiis III 19.
(5) Ces deux termes s’opposent, par chiasme, à < ignorante
et grossière ».
34 PARTITIONES ORATORIAE xxiv-87

laudabiliaipsaper sese; commoditate autem aliqua,quae


sunt in corporis aut in fortunae bonis expetenda. Quo­
rum alia sunt quasi quadam cum honestate coniuncta,
ut honos, ut gloria ; alia diuersa, ut uires, ut forma, ua-
letudo, ut nobilitas, diuitiae, clientelae. XXV 88 Est
etiam quaedam quasi matèries subiecta honestati, quae
maxime spectatur in amicitiis. Amicitiae autem caritate
et amore cernuntur. Nam cum deorum, tum parentum
patriaeque cultus eorumque hominum qui aut sapientia
aut opibus excellunt ad caritatem referri soient. Coniu-
ges autem et liberi et fratres et illi quos usus familiari-
tasque coniunxit, quamquam etiam caritate ipsa, tarnen
amore maxime con/inentur. In his igitur rebus cum bona
sint facile est intellectu quae sint contraria.
89 Quodsi semper optima teuere possemus, hand sane,
quoniam quidem ea perspicua sunt, consilio multum ege-
remus. Sed quia temporibus, quae uim habent maximam,
persaepe euenit ut utilitas cum honestate certet earum-
que return contentio plerumque deliberationes efficit ne
aut opportuna propter dignitatem aut honesta propter
utilitatem relinquantur, ad hanc difficultatem explican-
dam praecepta referamus.
90 Et quoniam non ad ueritatem solum, sed etiam ad
opiniones eorum qui audiunt, accommodanda est oratio,
hoc primum intellegamus, hominum duo esse genera, al-
terum indoctum et agreste, quod anteferat semper utili-
propter se expetuntur partira Pp || ipsa- honestate ERV II est
ERV H cum ERV || alia diuersa ERV || clientelae cet. : et c. p
88 sapientia cet. : -tiae p U maxime ERV ; -meque Pp || conti
nentur ERV : conentur Pp
89 ut ERV
90 intellegamus P : -ligamus p
XXV-SO DI VISIONS DE VART ORATOIRE 35

première ligne la considération, l’honneur, la gloire, la


bonne foi, la justice et toutes les vertus ; pour les autres,
c’est l’intérêt, le profit et le bénéfice. La volupté même(l),
le plus grand ennemi de la vertu et qui, par une imitation
trompeuse, change d’aspect la nature du bien, est recher­
chée avec ardeur par les gens les plus grossiers, qui la
font passer avant les choses honnêtes et même avant les
choses nécessaires(2) ; donc, dans l'éloquence délibérative,
lorsque c’est à des hommes de ce caractère que l’on donne
un conseil, il faut bien souvent faire l’éloge de la volupté.
XXVI 91 Π faut aussi considérer combien les hommes
fuient ce qui est mal plus qu’ils n’aspirent à ce qui est
bien. Car ils recherchent les choses honnêtes moins qu’ils
n’évitent les choses honteuses. En effet, qui a jamais re­
cherché soit la considération, soit la gloire, soit la louange,
soit l’honneur sous une forme quelconque, autant qu’il a
fui l'ignominie, l’infamie, l’outrage, le déshonneur ? La
douleur que nous ressentons de ces vices prouve bien que
certains hommes, nés pour l’honnêteté, ont été corrom­
pus par la mauvaise éducation et des idées perverses.
Aussi, dans nos conseils et nos avis, proposons-nous bien
de leur montrer comment nous pouvons atteindre ce qui
est bien et éviter ce qui est mal. 92 Mais, devant des
hommes ayant reçu une éducation libérale, nous insis­
terons sur la gloire, l’honnêteté et parlerons surtout des
vertus propres à maintenir et à développer les bons rap­
ports des hommes (3). Si au contraire, c’est devant des gens
ignorants et simples que nous parlons, mettons en avant
les profits, les avantages, les voluptés, les douleurs évi­
tées ; ajoutons également la honte et l’ignominie en pers­
pective. Personne en effet n’est assez grossier pour n’être
pas vivement touché, sinon par les sentiments d'hon-

(1) Encore un conseil qui s’adresse plus particulièrement au


jeune Cicéron.
(2) Ci. § 86.
(3) On trouvera la même idée exprimée dans le de Oratore, II,
346.
35 PARTITIONES ORATOR!AB xxv-90

tatem honestati, alterum humanum et politum, quod


rebus omnibus dignitatem anteponat. Itaque huic generi
laus, honos, gloria, fides, iustitia omnisque uirtus, illis
autem alteris quaestus, emolumentum, fructusque pro-
pouitur. Atque etiam uoluptas, quae maxime est inimica
uirtuti bonique naturam fallaciter imitando adultérât,
quam immanissimus quisque acerrime sequitur neque
solum honestis rebus sed etiam necessariis anteponit, in
suadendo, cum ei generi hominum consilium des, sane *
saepe laudanda est.
XXVI91 Et illud uidendum est,quantomagishomines
mala fugiant quam sequantur bona. Nam neque honesta
tarn expetunt quam deuitant turpia. Quis enim honorem,
quis gloriam, quis laudem, quis ullum decus tarn um-
quam expetiuit,quam[ut] ignominiam.infamiam, contu-
meliam, dedecus fugii ? Quarum rerum dolor est grauis
testis genus hominum ad honestatem natum malo cultu
prauisque opinionibus esse corruptum. Quare in cohor-
tando atque suadendo propositum quidem nobis erit
illud, ut doceamus qua re bona consequi malaqué uitare
possimus ; 92 sed apud homines bene institutes pluri-
mum de laude et de honestate dicemus, maximeque ea
genera uirtutum tractabimus, quae in communi homi­
num utilitate tuenda augendaque uersantur. Sin apud
indoctos imperitosque dicemus, fructus, emolumenta,
uoluptates uitationesque dolorum proferantur ; addan-

sane saepe nos clausulae causa : saepe sane codd.


91 quis gloriam, quis laudem cel. : quis laudenII quis gloriam p ||
quam EV : quam ut Pp R || fugit ERV : -giat Pp || testis Λ : est
Pp est est EV 11 esse add. vulg.
χχνι-92 DIVISIONS DE L'ART ORATOIRE 36

neur, du moins par la crainte de la honte et du déshon­


neur.
03 Ce qui concerne l’utilité se tirera donc de ce que nous
avons dit (1). Mais ce qui peut être réalisé, développe­
ment auquel se rattache la question de facilité et d’oppor­
tunité, doit être examiné surtout en partant des causes
qui amènent chaque fait (2). Or il y a plusieurs genres
de causes : les unes produisent des effets par elles-mêmes,
les autres ne font que contribuer à l’effet. Aussi les pre­
mières peuvent-elles être appelées efficientes ; les autres
appartiennent plutôt au groupe de celles sans lesquelles
aucun effet ne peut être produit (3). 04 Parmi les causes
efficientes, les unes agissent à elles seules et par elles seu­
les, les autres prêtent leur concours à l’effet, auquel elles
s’associent, pour ainsi parler. Celles-ci ont une efficacité
variable (4), souvent ou plus grande ou moins grande.
Π y a encore d’autres causes qu'on appelle efficientes,
parce qu’elles contribuent au commencement de l’action
ou à sa fin (5). Or, lorsque l’on cherche la meilleure solu
tion (6), c’est par l’utilité ou par l'espoir d’une réalisation
que l’on emporte l’assentiment des esprits.
XXVII05 Nous avons parlé de l’utilité (7); parlons des
possibilités de réalisation. Dans cette partie tout entière,
il faut rechercher avec qui et contre qui l’on doit agir; à
quelle époque, à quel endroit, quels sont nos moyens en
armes,en argent, en alliés et en tout ce qui concerne la réa­
lisation jusque drns le détail. Ce n’est pas seulement ce
que nous pouvons avoir à notre disposition que nous de­
vons examiner, mais aussi ce qui peut nous être opposé.

(1) Voir § 85 sq.


(2) Nous n’avons pu rendre efflci et efflcianl par des formes da
même verbe français.
(3) On ne peut rendre en français l’opposition de cum de confl-
ciens et de sine (his).
(4) Nous n’avons pu rendre l'allitération uis uaria.
(5) Leur efficacité détermine le point de départ de l’action ou
se révèle lorsque l’action s'achève.
(6) Ce qui est l’objet du genre délibératif.
(7) Voir § 86 sqq.

4
ί

36 PARTITIONES ORATORIAE χχνι-92

tur etiam contumeliae atque ignominiae.Nemo est enim


tarn agrestis, quem non, si ipsa honestas minus, contu-
melia tarnen et dedecus magnopere moueat.
93 Quare quid ad utilitatem spectet, ex his quae dicta
sunt reperietur, quid autem possit e//îci, in quo etiam
quam facile possit quamque expédiât quaeri solet, maxi­
me ex causis eis quae quemque rem efficiant, est uiden- H

dum. Causarum autem genera sunt plura. Nam sunt


aliae, quae ipsae confidant, aliae, quae uim ad conficien-
dum aliquam afférant. Itaque illae superiores confiden­
tes uocentur ; hae relicuae ponantur in eo genere, ut sine
his confici non possit. 94 Confïciens autem causa alia est
absoluta et perfecta per se, alia ad aliquid adiuuans et
efficiendi socia quaedam ; cuius uis generis uaria est et
saepe aut maior aut minor. Sunt autem aliae causae, quae
aut propter principium aut propter exitum conficientes
uocantur. Cum autem quaeritur quid sit optimum factu,
aut utilitas aut spes efficiendi ad assentiendum impellit
animos.
XXVII 95 Et quoniam deutilitate iam diximus, de
efficiendi ratione dicamus. Quo toto genere quibuscum et
contra quos, quo tempore aut quo loco aut quibus facul-
tatibus armorum, pecuniae, sociorum earamue rerum
quae ad quamque rem efïiciendum pertinent, possimus
uti, requirendum est. Neque solum ea sunt, quae nobis

92 contumelia P : -liae cet.


93 effîci add. Lambin || ipsae-quae ERV || uim ERV : uiam Pp |]
Illae ERV
94 causa ERV : -sam Pp || absoluta ERV : soluta Pp
95 Quo toto genere ER Quo genere toto V H quo ERV || solum
ERV
XXVII-95 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 37

Et si la comparaison penche en notre faveur, non seule­


ment il faudra persuader que ce que nous conseillons (1)
est réalisable, mais nous arranger pour présenter notre
projet comme facile, aisé, agréable. S’agit-il -de dissuader,
il faut saper les considérations d’utilité ou exagérer les
difficultés de réalisation, et cela non pas suivant d’autres
règles que pour persuader, mais en puisant dans les mêmes
lieux.
99 Dans l’un et 1’autre cas, pour agrandirles questions (2),
l’orateur aura toujours une provision d’exemples, récents,
pour qu’ils soient plus connus, ou anciens, pour qu’ils
aient plus de poids. En outre, il se sera beaucoup exercé
en ce genre, de manière à amener souvent l'auditeur à
préférer l’utile et le nécessaire à l’honnête ou inversement.
Pour émouvoir les esprits, s’il est nécessaire de les échauf­
fer, on produira avec le plus de succès les avis qui porte­
ront à satisfaire les passions, à assouvir la haine, à venger
une injure. Faut-il les calmer, on appellera l’attention
sur l’inconstance du sort, l’incertitude de l'avenir, le ris­
que d’exposer sa fortune, si elle est prospère, et si elle ne
l’est pas, de la perdre. Voilà des développements pour la
péroraison. 97 L’exorde (3), quand on donne son avis, doit
être court. En effet, ce n’est pas pour supplier, comme de­
vant un juge, que se présente l’orateur, mais pour donner
un conseil et ouvrir un avis. Aussi lui sufHt-il d'exposer
brièvement (4) dans quel espritil parle, ce qu’il se propose,
de quoi il va parler, et de solliciter l'attention pour une
courte harangue. D’ailleurs tout le discours doit être sim­
ple et grave, plus travaillé pour le fond que dans la
forme.

(1) Nous n’avons pu rendre le rapprochement suademus-per-


suadendum, ni traduire par le même adjectif français procliuiora et
procliuia.
(2) Surtout dans la peroratio; v. § 52.
(3) Cf. §13.
(4) Même conseil dans la Rhétorique à Hérennius II28 et dans
le de Oratore II177.
37 PARTITIONES ORATOR!AE

suppetant, sed etiam ilia, quae aduersentur uidenda. Et


si ex contentione procliuiora erunt nostra, non solum
effici posse quae suademus, erit persuadendum,sed curan-
dum etiam ut ilia facilia, procliuia, iucunda uideantur.
Dissuadentibus autem aut utilitas labefactanda est aut
efliciendi difficultates efferendae neque aliis ex praecep-
tis, sed iisdem ex suasionis locis.
96 Vterque uero ad augendum habeat exemplorum
aut recentium, quo notiora sint, aut ueterum, quo plus
auctoritatis habeant, copiam, maximeque sit in hoc ge­
nere meditatus, ut possit uel utilia ac necessaria saepe
honestis uel haec illis anteferre. Ad commouendos autem ΐ

animos maxime proficient, si incitandi erunt, huiusmodi


sententiae, quae aut ad explendas cupiditates aut ad
odium satiandum, aut ad ulciscendas iniurias pertine-
bunt ; sin autem reprimendi, de incerto statu fortunae
dubiisque euentis rerum futurarum et retinendis suis for­
tunis, si erunt secundae, sin autem aduersae, de periculo,
commonendi. Atque hi quidem perorationis sunt loci.
97 Principia autem in sententiis dicendis breuia esse
debent. Non enim supplex, ut ad iudicem, uenit orator,
sed hortator atque auctor. Quare proponere qua mente
dicat, quid uelit, quibus de rebus dicturus sit, debet hoi-
tarique ad se breuiter dicentem audiendum. Tota autem
oratio simplex et grauis et sententiis debet ornatior esse
quam uer&is.

erit ERV
96 habeant ER V : habent Pp || commonendi ERF : -uendi Pp
97 auctor ERV : ac- Pp II quam uerbis ERV : quamuis Pp

•■r
·—k

xxvm-38 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 38

3») Genre judi- XXVIII 88 F. Je connais mainte-


ciaira. nant les lieux pour les genres laudatif
et délibératif. J’attends ce qui convient devant les tri-
bunaux, seul genre qu’il nous reste, je crois, à examiner.
P. C’est juste. Dans ce genre le but est l'équité ; on ne
la considère pas toujours en elle-même, mais quelquefois
par comparaison, comme quand on cherche l’accusateur
le plus autorisé ( 1 ), ou qu’on demande l’envoi en possession
d’un héritage, sans invoquer ni loi ni testament ; dans ces
causes, on cherche ce qui est plus équitable ou le plus
équitable et l’on puise toute l’argumentation dans les
lieux de l’équité, dont nous parlerons plus loin (2).
38 Avant même d’aller devant les juges, il y a ordinai­
rement un débat au sujet des juges, quand on exa­
mine si le demandeur possède une action, si l’action est
prématurée ou prescrite, recevable en vertu de la loi in­
voquée, dans les termes employés. Lors même que ces
moyens ja’ont pas été concertés,tranchés, indiqués, avant
que la cause ne soit soumise à un juge, devant le juge
même ils ont souvent beaucoup de poids, par exemple
si l’on dit : ’Ta demande est exagérée; ta demande est trop
tardive ; tu n’avais pas qualité pour la faire, pour la faire
contre moi, en vertu de cette loi, en ces termes, par
cette procédure. » 100 Les causes de ce genre reposent
sur le droit civil, lequel repose sur la législation ou sur la
coutume qui régit les intérêts privés et publics; la con­
naissance en est généralement négligée par les orateurs ;
nous, elle nous semble indispensable pour parler (3). Aussi
Intenter une action, demander une formule (4) ou l’accep­
ter, exciper de ce que l’action est contraire à l’équité,
en peser le plus ou moins d’équité, autant de points
qui, par leur nature, se discutent souvent devant le
juge ; mais ils semblent devoir être traités avant ; et je
(1) C'est le cas qui a donné naissance à la Dwinatio in Caeci-
lium.
(2) Voir § 129 sqq.
(3) C’est une idée que Cicéron a dévelooée aussi bien dans le
de Oratore (1,166 et suîv.), que dans Orator (120).
(4) Au sens Juridique du mot.
il
38 PARTITIONES ORATORIAE XXV III-98 Λ I

XXVIII 98 F. Cognoui iam laudationis et suasionis


locos. Nunc quae iudiciis accommodata sint exspecto,
idque nobis genus restare unum puto. I

P. Recte intellegis. Atque eins quidem generis finis est


aequitas ; quae non simpliciter spectatur, sed ex compa-
ratione nonnumquam, ut cum de uerissimo accusatore 'j

disputatur aut cum hereditatis sine lege auf sine testa-


mento petitur»
possessio ; in quibus causis quid aequius
atque aequissimum sit quaeritur ; quas ad causas facul­
tas petitur argumentationum ex his de quibus mox dice-
tur aequitatis locis.
99 Atque etiam ante iudicium de constituendo ipso t

iudicio solet esse contentio, cum aut sitne actio illi qui
agit aut iamne sit aut num iam esse desierit aut illane
lege, hisne uerbis sit actio quaeritur. Quae etiam si ante
quam res in iudicium uenit aut concertata aut diiudicata
aut confecta non sunt,tarnen in ipsis iudiciis permagnum
saepe habent pondus, cum ita dicitur, plus petisti ; sero
petisti ; non fuit tua petitio ; non a me, non hac lege, non
his uerbis, non hoc iudicio. 100 Quarum causarum genus
est positum in iure ciuili, quod est inpriuatarum ac publi­
carum rerum lege aut more positum ; cuius scientia,
neglecta ab oratoribus plerisque, nobis ad dicendum
necessaria uidetur. Quare de constituendis actionibus,
capiendis subeundisque iudiciis, de excipienda iniquitate
98 idque ERV : at- Pp || ut cum de ERV : aut e Pp R aut sine
ERV : ac sine Pp || testamento ERV : testimonio Pp 11 facultas
ERV : -tates Pp || ex his p : ex els cet.
99 num iam ERV : nimium Pp (( hisne ERV : his ut Pp II in
ipsis ERV : ipsis Pp || dicitur Manulius : -cuntur Pp || petisti sero
petisti ERV : petistis pro petistis Pp
iOO capiendis V : acci-cd.

V

XXVHI-100 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 39

les distingue uu peu des Instances mêmes, parce qu'on les


soulève à un autre moment, non parce qu’ils sont de
nature différente. En effet, toutes les discussions qui
portent sur le droit civil, sur ce qui est équitable et bon,
rentrent dans la catégorie des causes qui roulent sur la
question de qualité, dont nous allons parler (1) et qui
reposent surtout sur l’équité et le droit.
XXIX101 Donc, pour toutes les causes, il y a trois
attitudes possibles, et il faut en adopter une, sinon plu­
sieurs, comme ligne de résistance. Car il faut prendre une
des positions suivantes : nier ce qu’on nous reproche;
avouer le fait, mais nier qu’il ait laportée qu’on lui attribue
ou qu’il soitce que l’adversaire prétend; enfin, sil'onnepeut
discuter sur le fait ou sur le nom à lui donner, nier que ce
dont on nous accuse soit tel que le dit l’adversaire, ou allé­
guer pour notre défense que ce que nous avons fait est légi­
time ou excusable. 102 Ainsi la première positionne qu’on
pourrait appeler le premier conflit avec l’adversaire, doit
se traiter par une conjecture, la seconde par la définition
et l’étymologie, la troisième par l’examen de ce qui est
équitable, vrai, conforme au droit et humainement par­
donnable (2). Le défendeur doit toujours résisteren prenant
appui sur l’un de ces états nettement déterminés, c’est-
à-dire nier, définir ou invoquer l’équité, mais de plus
fonder sa défense sur un moyen rationnel ; le premier
état a comme moyen de défense la négation même de
l’accusation injuste et la contestation du fait, le second
la prétention qu’il n’y a pas dans le fait ce que l'ad­
versaire met dans le mot < dont il le qualifie > , le troi­
sième l’assertion que l’équité permettait l’action, que
l'on avoue, sans < d'ailleurs > discuter sa qualification.
103 Ensuite, à chacun de ces moyens, il faut que l’accusa­
teur oppose quelque chose qui doit se trouver (3) dans l’ac-

(1) Voir § 129 sqq.


(2) Cf. particulièrement 130 et 131.
(3) Cf. Rhétorique à Hireardus, I, 26.
39 PARTITIONES ORATORIAE XXVIII-1OO

action is, de comparanda aequitate, quod ea fere generis


eius sunt ut, quamquam in ipsum indicium saepe delà-
bantur, tarnen ante indicium tractanda uideantur, pau-
lum ea separo a iudiciis, tempore magis agendi quam dis-
similitudine generis. Nam omnia quae de hire ciuili aut
de aequo et bono disceptantur cadunt in earn formam in
qua quale id sit ambigitur, de quo dicturi sumus, quae in
aequitate et iure maxime consistit.
XXIX 101 In omnibus igitur causis très sunt gradus,
ex quibus unus aliquis capiendus est, si pluris non queas,
ad resistendum. Nam aut ita consistendum est ut id quo
de agitur factum neges ; aut, si factum fateare, neges earn
uim habere atque id esse quod aduersarius criminetur ;
aut, si neque de facto neque de facti appellatione ambigi
potest, id quod arguare neges tale esse quale ille dicat
et rectum esse quod feceris concedendumue defendas.
102 Ita primus ille status et quasi conflictio cum aduer­
sario coniectura quadam, secundus autem definitione
atque informatione uerbi, tertius aequi et ueri et recti et
humani ad ignoscendum disputatione tractandus est. Et
quoniam semper is qui défendit non solum résistât opor­
tet aliquo certo statu aut infitiando aut definiendo aut
aequitate opponenda, sed etiam rationem subiciat récu­
sation! s suae, primus ille status rationem habet iniqui
criminis ipsam negationem in/üiaü'onemque facti, secun-
dus, quod non sit in re quod ab aduersario ponatur in

actionis ERV : - ne Pp II uideantur ERV : - atur Pp II dissimi-


lltudine generis clausula vitiosa.
101 aliquls ER V : -qui Pp ||Nam—consistendum ERV || factum
neges ERV || facto neque de ERV || - Ue ERV : ut Pp
102 aut definiendo ERV II infltlationem, ERV || non ERV II rec
turn P : -te p
XXDC-103 DIVISIONS DE L'ART ORATOIRE 40

cusation, sans quoi le procès n'existerait pas. Aussi ce


que l’on réplique dans ces conditions pourrait-il être appelé
points essentiels du procès. A vrai dire ce que l’on apporte
contre le moyen de défense ne contient pas plus l’essentiel
de la cause que les moyens mêmes de défense. Néanmoins,
pour plus de clarté, appelons moyens de défense ce que
dit l’accusé pour se défendre et repousser l’accusation,
moyen sans lequel il ne saurait y avoir de défense, et
armature de l’accusation, ce que réplique celle-ci pour
ébranler le moyen de défense et sans laquelle l’accusation
ne pourrait subsister.
XXX 104 Le conflit et, si j’ose dire, la rencontre du
moyen de défense et de l’armature de l'accusation met-
tent toujours en lumière une question, que je nommerai
point à trancher ; on y cherche (1) ordinairement sur
quoi doit porter le jugement et ce qui èst à trancher. En
effet dans la première confrontation entre les adversaires
la question <qui se pose> est vague. Conjecture : Dé-
cius (2) a-t-il pris de l'argent ? Définition : Norbanus (3)
a t-il attenté à la majesté <du peuple romain > ? Equi­
té : Opimius a-t-il eu le droit de tuer Gracchus ? Ces ques­
tions, qui représentent la première confrontation entre
l'accusation et la défense, sont générales, comme je le
disais, et vagues. La confrontation du moyen de défense et
de l’armature de l'accusation précise le point à trancher.
Dans l’état de conjecture, cette confrontation n’existe
pas. Car personne, niant un fait, ne peut, ne doit ou n’a
coutume de l'expliquer. Aussi, dans les causes de ce genre,
(1) Nous n'avons pu rendre le rapprochement du latin guoerere-
quaatio.
(2) P. Décins, le tribun de 121, le préteur de 114, qui accusa
d’illégalité le consul Opimius, après la mort de C. Gracchus. Opi-
, mius avait été préteur en 125 et consul en 121.
(3) C. Junius Norbanus, tribun de la plèbe en 95, avait accusé
le consul Q. Servillus Caepio de haute trahison pour avoir pillé le
temple d’Apollon à Tolosa en 106, et, en 105, amené la défaite de
l'armée par les Cimbres. Le sénat soutenait Cépion. Norbanus
excita une émeute et Cépion fut condamné à l'exil. En 104, le jeune
Sulpicius accusa Norbanus, qui fut sauvé par une plaidoirie d’An­
toine. Dans le de Orators II, Cicéron revient souvent sur cette
cause.
40 PARTITIONES ORATORIAE XXTX-1QI

uerbo, tertius quod rectum esse defended quod sine ulla


noininis conirouersia factum esse fateatur. 103 Deinde
unicuique rationi opponeadum est ab accusatore id
quod, si non esset in accusatione, causa omnino esse non
posset. Itaque eaquae sic referuntur [ut] continentia
causarum uocentur, quamguam non ea magis, quae con­
tra rationem defensionis afferuntur, quam ipsae defen­
sionis rationes continent causas. Sed distinguendi
gratia rationem appellemus earn quae affertur a reo
ad recusandum depellendi criminis causa,quae nisi esset,
quod defenderet non haberet; firmamentum autem,
quod contra ad labefactandam rationem refertur, sine
quo accusatio r stare non potest,
XXX 104 Ex rationis autem et ex firmamenti con-
flictatione et quasi concursu quaestio quaedam exoritur,
quam disceptationem uoco ; in qua quid ueniat in indi­
cium et de quo disceptetur quaeri solet. Nam prima
aduersariorum contentio diffusam habet quaestionem,
ut in coniectura, « Ceperitne pecunias Decius» ? in defini-
tione, « Minueritne maiestatem Norbanus» ? in aequitate,
« lurene occiderit Opimius Gracchum »? Haec,quaepri-
mam contentionem habent ex arguendo et resistendo,
lata, ut dixi, et di/fusa sunt. Rationum et firmamento-
rum contentio adducit in angustum disceptationem.
Ea in coniectura nulla est. Nemo enim eius, quod ne-
gat factum, rationem potest aut debet aut solet reddere.
I

esse— controuersia ERV


103 rationi ERV : -ne Pp || continentia ERV : ut c. Pp U quam
quam ERV : quam Pp U defensionis ERV : -nés et Pp || sine ERV
si Pp
104 diffusa Lambin : con- Pp

*. fc 'it 11t " H -*7’«


XXX-104 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 41

se confondent la première forme de la question et la der­


nière du point à trancher.
105 Mais prenons les autres causes, où l’on dit, par
exemple : La majesté du peuple romain n’a pas été lésée
< par Norbanus > .parce que sa conduite à l’égard de
Cépion a été trop violente ; ce qui a provoqué ce mouve­
ment, c’est le juste ressentiment du peuple et non le dis­
cours du tribun ; or la majesté, qui, en somme, n’est autre
chose que la grandeur (1) du peuple romain et qui con­
siste à maintenir sa puissance légitime et ses droits, a
été augmentée plutôt que diminuée (2). On répond : La
majesté consiste dans la dignité de la puissance et du nom
romain ; elle est lésée par celui qui, soulevant la multi­
tude, provoque une sédition. On arrivera ainsi au point
à trancher : lèse-t-on la majesté du peuple romain pour
avoir fait, conformément à la volonté du peuple romain,
mais par violence, une chose agréable < au peuple > et
équitable ?
106Passonsaux causesoùl’accusésoutient que son acte
est juste ou qu’il faut l’excuser. Quand l’explication en a
été fournie, Opimius disant, par exemple : « J’avais le
droit d’agir ainsi, pour le salut de tous et l’intérêt de la
république#; etDécius répondant: «Même le plus criminel
des citoyens, tu n’avais pas le droit de le tuer sans juge­
ment b, le point à trancher se présente ainsi : « A-t-il pu
avec juste raison, dans l'intérêt de la république, tuer un
citoyen qui bouleversait la cité, mais n’avait pas été con­
damné ? » Ainsi le point à trancher, tel qu’il se présente
dans les causes de ce genre, où les circonstances de per­
sonnes et de temps sont précises, redevient indétermi­
né, lorsqu’on fait abstraction du temps et des personnes,
et se ramène à la forme et à la méthode des cas géné­
raux (3).
XXX1107 Mais, au nombre des armatures les plus soli­
des de l’accusation, il faut ranger également celles que f our-
(1) En latin, majutas et magnitude se rattachent à la même
racine.
(2) Parce que Norbanus a obéi à la volonté du peuple.
(3) Voir $ 4.
41 PARTIT IONES ORATORIAE xxx-104

Itaque in his causis eadem et prima quaestio et discep-


tatio extrema est.
105 In illis autem, ubi ita dicitùr « Non minuit maies-
tatem, quod egit de Caepione turbulentius ; populi eni «9
dolor iustus non tribuni actio ; maiestas autem, quoniam
est magnitude quaedam populi Romani, in eius potes-
tate ac iure retinendo, aucta potius est quam deminuta >
et ubi ita refertur « Maiestas est in imperu atque in nomi-
nis populi Romani dignitate, quam minuit is qui per uim
multitudinis rem ad seditionem uocauit », exsistet ilia
disceptatio « Minueritne maiestatem, qui uoluntate popu­
li Romani rem gratam et aequam per uim egerit ? »
106 In his autem causis, ubi aliquid recte factum aut
concedendum esse defenditur, cum est facti subiecta
ratio, sicut ab Opimio, « lure feci, salutis omnium et
conservandae reipublicae causa », relatumque ab Decio
est « Ne sceleratissimum quidem ciuem, sine iudicio,
iure ullo necare potuisti », oritur illadisceptatio «potue-
ritne recte, salutis reipublicae causa, ciuem, euersorem
ciuitatis, indemnatum necare ? » Ita disceptationes eae,
quae in his controuersiis oriuntur, quae sunt certis per-
sonis et temporibus notatae, fiunt rursus infinitae,
detractis personis et temporibus rursum ad consultatio­
ns formam rationemque reuocantur.
XXXI 107 Sed in grauissimis firmamentis etiam ilia
ponenda sunt, si quae ex scripto legis aut testament! aut

105 Maiestas est in imperio atque in omnl populi Romani digni­


tate habet Quint. 7, 3, 35 || imperii cel. : -io P || uoluntate ERV :
uolup- Pp
106 et ERV
6
■<w

χχχι-107 DIVISIONS DB L’ART ORATOIRE 42

nit 16 te xte d’une loi, d’un testament, les termes de la pro-


céduremême, d’une stipulation ou d’un promesse solen­
nelle. H est vrai que ces moyens sont, eux aussi (1), sans
application dans les causes qui se traitent par conjecture,
car, lorsqu'un fait n’est pas reconnu, on ne peut confondre
l’adversaire par un texte. Dans les questions de définition
le texte n’intervient pas non plus et cela de par sa nature
même : on doit bien y préciser la valeur exacte d’un mot
d'un texte, chercher, par exemple, dans les testaments,
ce qu'on entendpar provisions (2), ou dans la loi prédiato-
rlale (3) ce qu'on entend par objets exceptés de la vente (4) ;
ί

mais c'est l’interprétation d’un mot et non la nature


du texte qui est à l’origine du procès. 108 Mais un texte
a-t-il plusieurs sens, à cause dfl l’ambiguïté d'un terme ou
de plusieurs, et, par suite, permet-il au défendeur d’in­
terpréter le texte à son avantage ou à son gré, ou, s’il n’y
a pas ambiguïté, soit de montrer l’opposition entre les mots,
d'une part, et, de l'autre, la volonté et la pensée de celui
qui les a écrites, soit de se défendre au moyen d’un autre
texte contraire sur la même question ? Alors le point à
trancher naît de la discussion sur le texte. En cas d'am-
bigufté, ce sera l'interprétation exacte ,* en cas d’opposi­
tion entre les termes et l’intention, le parti que le juge doit
adopter de préférence dans le cas de textes contradic­
toires, le texte que l'on doit reconnaître pour valable.
Comment irai- 109 Lorsque le point à trancherest
ter ces causes, bien établi, l’orateur ne le quittera
plus des yeux et concentrera sur lui tous les arguments
fournis par les lieux de l'invention. C’en est assez pour qui
voit ce que renferme chacun d'eux et possède bien ces
(1) Cf. g 104.
(2) Désigne-t-on par là seulement les provisions alimentaires
et quelles ou d'autres encore 1
(3) Il s'agit d’une législation archaïque et comportant des
rigueurs d'exécution particulières.
(4) L'origine de ces termes, dont le sens a pris une valeur géné­
rale, est ainsi expliquée par Festus, s. v. ruta cassa : ruta caesa
dlcuntur quae uendltor possessionis sui usus gratta concldlt ruen-
doque extraxlt.
42 PARTITIONES ORATORIAE xxxi-107

uerborum ipsius iudicii aut alieuius stipulationis aut


cautionis opponuntur defensioni contraria. Ai ne hoc
quidem genus in eis causis incurrit quae coniectura con-
tinentur. Quod enim factum negatur, id argui scripto
non potest, Ne in defmitionem quidem uenit genere
scripti ipsius. Nam etiam si uerbum aliquod ex scripto
definiendum est quam uim habeat, ut, cum ex testamen-
tis quid sit penus aut cum ex lege praedi quaeritur quae
sint ruta caesa, non scripti genus, sed uerbi interpretatio
controuersiam parit. 108 Cum autem au/ plura signift-
cantur scripto, propter uerbi aut uerborum ambigui-
tatem, ut liceat ei qui contra dicat eo trahere significa-
tionem scripti quo expédiât ac uelit,aut, si ambiguë scrip·
turn non ait, uel a uerbis ad uoluntatem et sententiam
scriptoris abducere, uel alio se eadem de re contrarie
scripto defendere, tum disceptatio ex scripti contentione
exsistit, ut in ambiguis disceptetur quid maxime signi-
ficetur, in scripti sententiaeque contentione utrum potius
iudex sequatur, in contrariis scriptis utrum magis sit
comprobandum.
108 Disceptatio autem cum est constitute, proposi­
tion esse debet. oratori quo omnes argumentations,
repetitae ex inueniendi locis, coniciantur. Quod quam-
t
(
quam satis est eiqui uidet quid in quoque loco lateat
quique illos locos tamquam thesauros aliquos argumen-

107 cautionis ERV : catonls Pp |) At Wilkins : ac Pp || praed


ER V : pedi Pp
108 aut ERV : ad Pp || quo ERV : quod Pp || script! ERV : -tlo
Pp II utrum ERV : uerum Pp
103 proposltum uulg. : -ta Pp

OTï'Âli'W
χχχι-108 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 43

lieux comme des trésors où l'on puise des arguments


déterminés ; cependant nous dirons un mot de ce qui est
propre aux causes précises (1).
XXXII 110 Dans la question conjecturale, l’attitude
de l’accusé est de nier. Voici donc les deux points que
l’accusateur doitenvisager avanttout—par accusateur(2),
j’entends tout demandeur ou plaignant ; en effet, même
sans qu’il y ait accusation, ces mêmes genres de débats
peuvent se rencontrer dans les causes civiles (3) ; — bref,
il doitenvisager avant tout deux choses, le motif et l’effet.
J’appelle motif la raison d’agir, effet le résultat des
motifs d'action.
Les différents genres de motifs, j’en ai traité un peu plus
haut (4), à propos des lieux du genre délibératif, 111 En
effet, les recommandations faites sur les conseils à donner
touchantl’avenir(5),parce qu’elles semblaient devoir établir
soit l’utilité (6), soit la possibilité, il faut s'y reporter lors­
qu’on argumente sur un fait, parce qu’elles permettent de
montrer qu’il a été utile à celui que nous accusons et qu’il
lui a été possible de le faire. On conjecture l’utilité en
disant que l’acte incriminé a été provoqué par l’espoir de
conséquences heureuses ou la crainte de conséquences fâ­
cheuses ; on fera d’autant plus d’impression que les argu­
ments apportés à l’appui des deux thèses seront plus
forts. 112 Interviennent aussi commemotifs de l’action les
dispositions morales, colère toute fraîche, haine ancienne,
désir de se venger, ressentiment d’une injustice, passion
des honneurs, de la gloire, du pouvoir, de l’argent, crainte
d’un danger, âme audacieuse, légère, cruelle, emportée, im­
prudente, folle, amoureuse,intelligence troublée < par une

(1) Les différents genres distingués dans les §§ 101 et suiv.


(2) Le terme accusator s’applique proprement aux affaires cri-
minelles.
(3) Où il y a non pas un accusateur et un accusé, mais un de­
mandeur et un défendeur.
(4) § 93 sqq.
(5) § 83 sqq.
(6) § 86 et suiv.
43 PARTITIONES ORATORIAE xxxi-109

torum, notatos habet, tarnen ea quae sunt certarum


causarum propria tangemus.
XXXI1110 In coniectura igitur, cum est in infitiando
reus, accusatori haec duo prima sunt (sed accusatorem
pro omni actore et petitore appello ; possunt enim etiam
sine accusatione in causis haec eadem controuersiarum
genera uersari), sed haec duo sunt ei prima, causa et
euentus. Causam appello rationem efficiendi, euentum, id
quod ex causis est effectum.
Atque ipsa quidem partitio causarum paulo ante in
suasionis locis distributa est. 111 Quae enim in consilio
capiendo futuri temporis praecipiebantur, quam ob rem
aut utilitatem uiderentur habitura aut efficiendi facul-
tatem, eadem qui de facto argumentabitur colligere debe-
bit quam ob rem et utilia illi quem arguet fuisse et ab eo
effici potuisse demonstret. Vtilitatis coniectura mouetur,
si illud quod arguitur aut spe bonorum aut malorum
metu fecisse dicitur, quod co fit acrius, quo ilia in utroque
genere maiora ponuntur. 112 Spectanf etiam ad causam
facti motus animorum, si ira recens, si odium uetus, si
ulciscendi Studium, si iniuriae dolor, si honoris, si gloriae,
si imperi, si pecuniae cupiditas, si periculi, [si]timor, [si
aes alienum, si angustiae rei familiaris], si audax, si leuis,
1 si crudelis, si impotens, si incautus, si insipiens, si amans,
si commota mente, si uinolentus, si cum spe efficiendi, si

110 in ERV || enim el ei ERV || ex causis add. ; cf. § 7.


111 dicitur ERV : dlcatur Pp || eo add. Stangl || quo ERV :
quod Pp
112 Spectant Lambin : -tantur codd. || ira recens ERV : irascens
Pp II si sed. ERV || periculi ERV : —lum Pp || si aes — familiaris
seel, nos

1
T*,·

XXX1-112 DIVISIONS DB L’ART ORATOIRE 44

passion >, goût de la boisson ; < l’accusé avait > l’espoir de


réussir, l'opinion qu'il échapperait au soupçon, ou, s’il
était découvert, qu’il se justifierait, qu’il se soustrairait au
procès ou le ferait reporter à une époque lointaine ; la peine
entraînée par le jugement était moins grave que les suites
de son acte n’étaient avantageuses,le plaisir du crime supé­
rieur à la honte de la condamnation. 113 C’est en effet
par ces considérations ou d’autres semblables que l’on
J
corrobore les soupçons contre l’accusé, surtout quand on
trouve en lui motif de vouloir et moyens d’exécuter (1).
Vouloir ? On examine l’utilité : rechercher quelque avantage
ou fuir quelque désavantage, si bien que (2) l’accusé sem­
1
’ ‘5 ble avoir été déterminé par l’espérance, par la crainte, ou
> · ‘Ά

par un autre mouvement subit de l’âme, qui détermine à


une mauvaise action plus vite encore que des vues d’uti­
lité. Mais c'en est assez sur les motifs.
U

XXXII1114 F. Je les possède bien, et je te prie de


m’expliquer ce que sont ces effets, dont tu m’as dit (3)
qu'ils sont produits par les causes.
.a
P. J’entends par là des conséquences nécessaires (4) qui
• /·
sont les lignes du passé et comme les traces laissées par
l'action. Ce sont eux qui font le plus fortement naître les
*
soupçons ; témoins pour ainsi dire muets des crimes, ils ont
>·.
V
d’autant plus de poids que, par les motifs d’action, on sem­
ύ

Λ
ble pouvoir incriminer et accuser indifféremment tous
X
* I ceux qui avalent quelque intérêt à l'action, tandis qu’eux
neretombent vraimentque surl’accusé:telssontune arme,
la trace de pieds, du sang répandu, la découverte en la pos­
r
session de l’accusé d’un objet qui semble avoir été enlevé
ί
ou arraché, des réponses contradictoires, des hésitations,
un ton mal assuré, l’accusé rencontré avec un homme sus­
f pect, rencontré sur le lieu du crime, sa pâleur, un tremble­

ment, un écrit, un cachet, un dépôt. En effet, ces indices,
» ’1
; : i

;- J (1) Cf. § 119.


À .

.
Γ

? (2) Cicéron résume tout le développement.


(3) S HO.
(4) Voir de Oratore, Il 170 et Topiques, 63.
n

..
j
PARTITÏONES 'ORATORIAB XXXII-11»

cum opinione celandi, aut, si patefactum esset, depellendi


criminis uel perrumpendi periculi uel in longinquum tern-
pus di/ferendi ; aut si iudicii poena leuior quam facti
praemium ; aut si facinoris uoluptas maior quam damn
tionis dolor. 113 His enim fere rebus facti suspicio conflr-
matur, cum et uoluntatis in reo causae reperiuntur et
facilitates. In uoluntate autem utilitas ex adeptione all··
cuius commodi uilationeque incommodi quaeritur, ut aut
spes aut metus impulisse uideatur aut aliquis repenlinus
animi motus, qui etiam citius in fraudem quam ratio
utilitatis impellit. Quamobrem sint haec dicta de causis.
ΧΧΧΙΠ114 F. Teneo, et quaero qui sint illi euentus
quos ex causis effici dixisti.
P. Consequentia quaedam signa praeteriti et quasi
impressa facti uestigia ; quae quidem uel maxime suspi-
cionem mouent et quasi tacita sunt criminum testimonia
atque hoc quidem grauiora quod causae communiter
uidentur insimulare et arguere omnes posse quorum
i

modo interfuerit aliquid, haec proprie attingunt eos ipsos


qui arguuntur.uttelum, ut uestigium.ut cruor, ut depren-
sum aliquid quod ablatumue ereptumue uideatur, ut
responsum inconstante!, ut haesitatum, ut titubatum,
ut cum aliquo uisus ex quo suscipio oriatur, ut eo ipso in
loco uisus in quo facinus, ut pallor aut tremor aut scrip*
! .

turn aut obsignatum aut depositum quippiam.Haec enim


différend! ERV : de- Pp
113 uoluntatis ERV : uolup -Pp||facultates Stroebel : -tls codd.H
uoluntate ERV : uolup-Pp || autem ERV : aut Pp y [adeptione
ERV : appetitis ne Pp || uitationeque incommodi ERV |i quaeritur
ER V : quaertur Pp || aliquis P : -qui p || repentinus ER V : reperi-
tor Pp as
114 qui ERV : si Pp y atque p : atqul P y Interfuerit ERV :
fuit Pp

·. t
χχχπι-114 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 45

relatifs à l’époque même du crime, ou encore à celles qui


l’ont précédée ou suivie,sont de nature à éveiller le soupçon.
115 S’ils n’existent pas, il n’en faut pas moins insister sur
les motifs mêmes et les possibilités d’action, en ajoutant
ce développement, commun à tous les procès, que l’accusé
n’était pas assez dénué d'intelligence pour ne pas trouver
le moyen de faire disparaître ou de dissimuler les indices
du crime, pour être simple au point de laisser prise à une
accusation. On répond par un autre lieu commun, que l'au­
dace s’allie à la témérité, non à la prudence. 116 Alors se
place cet autre lieu, qui élargit (1) la question, à savoir
qu’il ne faut pas attendre des aveux : c’est par des preuves
qu’on établit la faute, et, ici encore (2), on ajoutera des
exemples. Voilà pour les preuves matérielles.
XXXIV 117 Peut-on, en outre, produire des témoins ?
On louera d’abord la valeur du témoignage en général, et
l’on dira que l'accusé a pris ses précautions pour se déro­
ber aux preuves matérielles, mais qu’il ne peut se garantir
des témoins. Ensuite on fera l’éloge de chaque témoin en
particulier ; on a indiqué plus haut (3) ce qui était digne
d’éloge. On ajoutera qu’une preuve matérielle, même
sûre, peut souvent induire en erreur et l’on a le droit de
ne pas y croire ; mais un homme de bien, un homme sûr,
un juge ne peut pas ne pas le croire, sans commettre une
faute. Certains témoins sont-ils obscurs ou pauvres ? H
faudra dire que la confiance ne doit pas se mesurer aux
circonstances fortuites et que les témoins les plus riches
ne sont pas ceux qui, sur une affaire, sont le mieux infor­
més. Si la question a été appliquée ou si l’on a réclamé
qu’elle le fût, et que cela puisse servir la cause, il faut
d'abord justifier l’utilité de la question(4): on parlera de
l’effet de la douleur, de l’opinion de nos ancêtres, qui,
assurément, auraient complètement supprimé ce moyen
probatoire, s'ils ne l'avaient approuvé, 118 des règles sul-

(1) Voir § 52 sqq.


(2) Cf. par exemple § 51.
(3) § 71 sqq.
(4) Opposer le § 51.
* ·*

45 PARTITIONES ORATORIAE xxxiu-114

talia sunt, quae aut in re ipsa aut etiam ante quam fac
turn est aut postea suspiciosum crimen efficiant. 115 Quæ
si non erunt, tarnen causis ipsis et efficiendi facultatibus
niti oportebit, adiuncta ilia disputatione communi, non
fuisse ilium tarn amentem ut indicia facti aut effugere
aut occultare non posset, ut ita apertus esset ut locum
crimini relinqueret. Communis ille contra locus,audaciam
temeritati non prudentiae esse coniunctam. 116 Sequi-
tur ille autem locus ad augendum, non esse exspectan-
dum dum fateatur, arguments peccata convinci, et hic
etiam exempla ponentur. Atque haec quidem de argu-
mentis.
XXXIV 117 Sin autem erit etiam testium facultas,
primum genus ipsum erit laudandum, dicendumque, ne
argumentis teneretur reus, ipsum sua cautione effecisse,
testis effugere non posse ; deinde singuli laudentur
(quae autem essent laudabilia, dictum est) ; deinde ar-
gumento etiam firmo, quia tarnen saepe falsum est
posse recte non credi, uiro bono et firmo sine uitio iudi-
cis non posse non credi. Atque etiam, si obscuri testes
erunt aut tenues, dicendum erit non esse ex fortuna
fidem ponderandam aut eos esse cuiusgue rei locupletis-
simos testes, qui id quod agatur facillime scire pos-
sint.Sin quaestiones habitae autpostulatiout habeantur
causam adiuuabunt, confirmandum primum genus erit
quaestionum ; dicendum de ui doloris, de opinione maio-

115 et ERV II posset ERV : possit Pp


116 non ERV || dum ERV
117 obscuri testes ERV : obscuritates Pp II cuiusque ERV :
hulus Pp
XXXIV-117 DIVISIONS DE L'ART ORATOIRE

vies par Ies Athéniens, Ies Rhodiens, peuples très éclairés,


qui cependant poussent la rigueur jusqu’à mettre à la
question des hommes libres et des citoyens (1), des règles
posées par nos concitoyens les plus prudents (2), qui, désap­
prouvant la question infligée aux esclaves contre leur
maître, l'ont cependant admise dans une affaire d’in
ceste (3) et lors de la conjuration ourdie sous mon con­
sulat (4). Il faut également tourner en ridicule le raison­
nement par lequel on attaque habituellement la question
et le traiter de tendancieux et de puériLA cet endroit, il
faut bien établir que la question a été appliquée soigneu­
sement et sans partialité, et peser les réponses obtenues à
la question, en les comparant aux preuves matérielles et
conjecturales. Telles sont à peu près toutes les parties de
l’accusation.
XXXV 119 La défense doit commencer par infirmer
les motifs attribués à l’acte : ils n’existaient pas, pas avec
cette importance, pas pour l’accusé seul ; il avait une voie
plus commode pour atteindre le même but ; il n’avait
ni ce caractère, ni ce genre de vie ; il n’avait pas de pas­
sions, ou pas d'aussi violentes. En ce qui concerne les
possibilités d’exécution, pour les infirmer, on montrera
que l’accusé n’avait ni les forces, ni la résolution, ni les
ressources, ni les richesses nécessaires, ou que les circons­
tances n’étaient pas favorables, le lieu pas propice, ou
qu’il y avait de nombreux témoins, et qu'il ne pouvait
se fier à aucun d’eux, ou qu'il n’était pas assez simple
pour entreprendre un acte qu'il ne pouvait cacher, ni
assez dénué d’intelligence pour négliger les châtiments et
les tribunaux. 120 Quant aux conséquences nécessaires,

(1) Il ne s’agit sans doute que des Rhodiens ou d’une époque


toute récente ; car, au temps de Péri clés ou de Démosthène, les
Athéniens ne mettaient à la question que des esclaves, ceux de
l’accusé ou de son adversaire.
(2) Peut-être Cicéron pense-il plus spécialement aux furispra-
dentes
(3) Celle de Clodlus.
(4) En vertu du senatusconsultum ultlnram, elle fut appli­
quée aux esclaves des conjurés.
1

I
46 PARTITIONES ORATORIAE XXXIV-117
r
rum, qui rem totam, nisi probassent, certe répudiassent ;
118 de institutis Atheniensium, Rhodiorum, doctissi-
morum hominum, apud quos etiam, id quod acerbissi-
mum est, liberi ciuesque torquentur ; de nostrorum etiam
prudentissimorum honimum institutis, qui cum in domi­
nos de seruis quaeri noluissent, tarnen de incestu et de
coniuratione, quae facta me consule est, quaerendum ft
I

putauerunt. Irridenda etiam disputatio qua soient uti


ad infirmandas quaestiones et meditata puerilisque
dicenda. Tum facienda fides diligenter esse et sine cupi-
ditate quaesitum, dictaque quaestionis argumentis et
coniectura ponderanda. Atque haec accusationis fere
membra sunt.
XXXV 119 Defensionis autem primum infirmatio
causarum, aut non fuisse aut non tantas aut non sibi
soli aut commodius potuisse idem consequi, aut non
iis se esse moribus, non ea uita, aut nullos animi motus
aut non /am impotentes fuisse. Facultatum infirmatione
autem utetur, si aut uires aut adiumenta aut copias aut
opes a/uisse demonstrabit, aut alienum tempus aut
locum non idoneum aut multos arbitros quorum crederei
nemini, aut non se tam apertum ut id susciperet quod
occultare non posset, neque tam amentem ut poenas ac
iudicia contemneret. 120 Consequentia autem diluet
exponendo non esse ilia certa indicia facti quae etiam
118 utl ad infirmandas ERV : ut in firmas P ut infirmandas p ||
quaesitum ERV : quaestum Pp
119 non tantas ERV : tanta Pp || non ils ERV : He Pp fl tam
ERV : earn Pp || facultatum ERV : -tem Pp || afulsse ERV : all
Pp U crederet ERV : crede P credere p H se ERV : sed Pp || aper-
tum ERV : aut certum Pp || contemneret P : eontep- p
XXXV-120 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 47

on en détruira l’effet en exposant que ce ne sont pas des


signes irréfutables de l’action et qu'ils pourraient se ren­
contrer même en l’absence de tout crime ; on s’arrêtera
sur chacune d’elles et l’on soutiendra que les signes se
rapportent exactement aux actions avouées par l’accusé,
plutôt qu’à l’objet de l’accusation, ou qu’ils sont applica­
bles à l’accusateur comme à l’accusé et qu’ils doivent mi­
liter en faveur d’un homme en danger plutôt que contre
son salut. Quant aux témoignages et aux tortures consi­
dérées en général, et, le plus possible, dans le détail, on
les combattra au moyen des lieux indiqués plus haut (1)
pour la réfutation.
121 Dans ces causes (2), l’accusateur, par son exorde, de­
vra se proposer de jeter le soupçon et d’exciter la haine ; il
fera valoir le danger dont ce crime menace tout le monde;
il piquera les esprits pour éveiller leur attention. L’ac­
cusé, lui, mettra en avant des plaintes contre l’accu­
sation forgée, les soupçons amassés, les artifices (3)
de l’accusateur et aussi le danger qui menace tout le
monde (4) ; il portera les esprits à la compassion et avee
mesure se conciliera la bienveillance des juges. La nar­
ration de l’accusateur développera le fait pour ainsi dire
point par point sous un jour défavorable ; il y dissémi­
nera les preuves matérielles et enveloppera d’obscurité
ce que l’accusé pourrait dire pour sa défense. Le défen­
seur, lui, laissera de côté ou dans l’obscurité les preuves
matérielles des soupçons ; il racontera les faits mêmes,
leurs incidents et leurs Circonstances. 122 En confirmant
ses preuves et en infirmant celles de l’adversaire, Vac-
cusateur devra souvent exciter les passions, l’accusé les
calmer. L’un et l’autre s’y attacheront surtout dans la
péroraison, le premier par l'énumération des preuves et

(l)Volr §§33 et 44.


(2) Conjecturales. Cicéron les examine maintenant en passant
successivement en revue l'exorde, la narration, l’argumentation
et la péroraison.
(3) Le latin reprend le mot tnsidiae que nous avons dû traduire
plus haut par « crime ·.
(4) Du fait de ces artifices.

S
V

47 PARTITIONES ORATORIAE χχχν-120

nullo admisso consequi possent consistetque in singulis


et ea aut eorum, quae ipse facta esse dicet, propria esse
defendet potius quam criminis, aut sibi cum accusatore
communia esse et pro periculo potius quam contra salu-
tem ualere debere, testiumque et quaestionum genus
Universum, et, quod poterit, in singulis, ex reprensionis
locis de quibus ante dictum est refelle/.
121 Harum causarum principia, suspiciosa ad acerbi-
tatem, ab accusatore ponentur, denuntiabiturque com- .
mune insidiarum periculum excitabunturque animi, ut
attendant A reo autem querela conflati criminis collec-
tarumque suspicionum et accusatoris insidiae et item
commune periculum proferetur, animique ad misericor-
diam allicientur et modice beneuolentia iudicum colli-
getur. Narratio autem accusatoris erit quasi membratim
gesti negoti suspiciosa explicatio, sparsis omnibus argu­
ments obscuratis defensionihus. Defensori auf prae-
teritis auf obscuratis suspicionum arguments, rerum
ipsarum euentus erunt casusque narrandi. 122 In confir-
mandis autem nostris argumentationibus infirmandisque
contrariis, saepe erunt accusatori motus animorum inci-
tandi, reo mitigandi. Atque hoc guidem utrigue maxime
in peroratione faciendum,alten frequentatio ne argumen­
ter um et coaceruatione uniuersa, alteri, si plane causam
120 possent ERV : posse Pp || consistetque In ERV : consiste!
quin Pp H ea ERV || et add. Sauppe || ualere ERV : ual ei trtum
lillerarum spalium Pp || ex ERV || refellet ERV : -letur Pp
121 ad ERV || attendant ERV : -tur Pp (| querela ERV : -lae
Pp II beneuolentia ERV : -ae Pp ||defenslonibus E.RV:-soris Pp U
aut ER V : autem Pp
122 conflrmandis ERV·. ftr- Pp || incltandi ERV : -do Pp || qul-
dem ERV : idem Pp || utrlque ERV : utri Pp
XXXV-122 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 48

leur récapitulation générale, le second, s’il n’a rien omis


dans sa réfutation, par le résumé des moyens qui lui ont
servi à détruire les chefs d’accusation, et, à la fin, par un
mouvement pathétique.

Comment traiter XXXVI 123 F. Je crois que, main ­


la question de tenant, je sais la façon de traiter une
définition. cause conjecturale. Passons donc à là
définition (1).
P. Dans le genre que tu viens de citer, les mêmes règles
sont valables pour l’accusateur et le défenseur. Celui des
deux, en effet, qui, en définissant et en délimitant le sens
du mot, sera le plus près du sentiment et de l’opinion du
juge, celui des deux qui se sera le mieux et le plus rap­
proché de la valeur habituelle du vocable et de l’idée,
d'ailleurs imprécise, que les auditeurs en auront dans l’es­
prit (2), celui-là est sûr de vaincre. 124. Car ce n’est pas en
produisant des preuves que l’on traite ce genre de causes,
mais pour ainsi dire en développant et en fouillant le sens
du mot. Par exemple, supposons un accusé ayant acheté
son acquittement et de nouveau cité en justice. D’après
l’accusateur, la prévarication s’étend à tout acte de cor­
ruption émanant de l’accusé et relatif au procès ; d’après
le défenseur, non pas à tout acte de corruption, mais seu- .
Hlent à ceux où l'accusateur a été corrompu par l’accusé.

JD y a donc là avant tout une question de mots, et la défi­


nition du défenseur a beau être la plus voisine de l’usage
et de l’esprit de la langue, l’accusateur, lui, s'appuie sur
les intentions de la loi ; 125 il dit en effet qu'on ne peut
accepter que le législateur ait voulu tenir une procédure
pour valable, quand elle a été entièrement corrompue, et
l'annuler ( 3), si le seul accusateur a été corrompu; il s’appuie
sur l’équité, sur Futilité, comme si l’on devait faire une
loi qui s’y conformât, et soutient que tout ce que renfer­
merait alors l’expression « procédures viciées par la cor
(1) Cicéron en a déjà dit un mot au § 101.
(2) Cf. Topiques, § 31.
(3) Les expressions latines ratum habere et rescinder sont des
termes juridiques.
48 PARTITION ES ORATORIAE XXXV-12Ä 4

redarguendo explicarit, enumeratione, ut quidgue dilue-


rit, et miseratione ad extremum.
XXXV1123. F. Scire mihi iam uideor quern ad modum
coniectura tractanda sit. Nunc de definitione audiamus.
P. Communia dantur in isto genere accusatori defen-/
sorique praecepta. V ter enim definiendo describendoque
uerbo magis ad sensum iudicis opinionemque penetrant
έ)

et uter ad communem uerbi uim et ad earn praeceptio-


nem, quam inchoatam habebunt in animis ei qui audient,
magis et propius accesserit, is uincat necesse est.
124 Non enim argumentando tractatur hoc genus, sed
tamquam explicando excu/iendoque uerbo, ut si in reo,
pecunia absoluto rursusque reuocato, praeuaricationem
accusator esse definiatomnemiudicii cormptelam ab reo,
defensor autem non omnem, sed tantummodo accusa-
toris corraptelam ab reo, sit ergo haec contentio primum
uerborum, in quo, etiamsi propius accédât ad consue-
tudinem mentemque sermonis defensoris definitio, tarnen
accusator sententia legis nititur ; 126 negat enim pro-
bari oportere eos qui leges scripserint ratum habere indi­
cium, si totum corruptum sit, si unus accusator cor-
ruptus sit, [non] uoluisse rescindere ; nititur aequitate,
utilitate, [et] quasi scribendalex sic sit.quaeque turn com

quldque dlluerltEPV : quid ua- Pp


123 sit ERV : est Pp || de ERV || uter ERV : uterque Pp || pene-
trarlt ERV bit Pp || uter EBV:uterque Pp|| propius ce(.:-prius p
124 explicando excutlendoque ERV : infer explicando et que,
spatium sex litterarum in P, tri um in p II praeuaricationem ERV ,
-torem Pp || accedat ERV : -dit Pp II nititur ERV : -tetur Pp.
125 uoluisse add. Reid || nititur ERV : utltur Pp || quasi KRV
ac q. P et q. p || quaeque ERV : quaque Pp
XXXVl-125 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 49

ruption » est compris dans ce seul mot de prévarication.


126 Le défenseur, lui, invoque l’usage de la langue et
cherche la valeur véritable du mot soit dans les termes
qui s’opposent, par exemple (1) dans l’expression accusa­
teur de bonne foi, à laquelle s’oppose le nom de prévari­
cateur, soit dans les rapports de conséquence à cause
( < le bulletin de vote portant > la lettre P (2) n’est-il
pas ordinairement donné au juge contre l’accusateur
seul ?), soit dans l’étymologie, le mot (3) désignant un
homme qui semble avoir un pied dans chacun des deux
camps opposés, à la façon d’un cagneux. Mais lui aussi
doit avoir recours aux lieux de l’équité, à l’autorité des
choses jugées, à la nécessité de mettre fin au danger qui
menace l’accusé. Π est encore un précepte commun < à
l’accusateur et à l’accusé > ; lorsque tous deux auront
donné une définition aussi conforme que possible au sens
ordinaire et à la valeur véritable du mot, qu’ils citent des
interprétations analogues et les exemples de ceux qui ont
parlé dans le même sens; ils fortifieront ainsi leur définition
etleur avis. 127 Pour ce genre de causes, l’accusateur a un
autre lieu commun : on ne doit pas accorder à un homme
qui avoue un fait la permission de se défendre par l’in­
terprétation d’un mot. Le défenseur, lui, invoquera les
considérations d’équité dont j’ai parlé (4), et se plaindra,
ayant l’équité pour lui, qu’on le chicane, non sur le fait,
mais sur l’interprétation forcée d'un mot ; à ce propos, il
pourra passer en revue presque tous les lieux de l’inven­
tion (5) ; il invoquera, en effet, les cas analogues, les
contraires, les rapports de conséquence à cause ; accusa­

it) Parce que l’expression, expliquée par actio bonae fldei, est
créée pour les besoins de la cause.
(2) Initiale de praeuarlcator.
(3) Il y a une parenté, quoiqu’elle soit difficile à expliquer,
entre praeuarlcator et uaricus, lui-même dérivé de uarus. On a
supposé qu’il est fait allusion au jeu de paume, l’un des joueurs
laissant avec intention passer la balle au Heu de l’arrêter ou de la
renvoyer. (D’après Bréal et Bailly, Dictionnaire étymologique.)
(4) Voir § préc,
(5) Voir $ 7 sqq
49 PARTITIONES ORATORIAE xxxvi-125

plectereturin iudiciiscorruptis, ea uerbo uno praeuarica-


tionis comprendisse dicitur.126 Defensor autem testatur
consuetudinem sermonis uerbiqueuim ex contrario repe­
tit quasi er uero accusatore, cui contrarium est nomen
praeuaricatoris, et ex consequentibus, quod ea littera de
accusatore soleat dari iudici.et ex nomine ipso,quod si-
gnificat eum qui in contrariis causis quasi uare positus
esse uideatur.Sed huic tarnen ipsi confugiendum est ad I

aequitatis locos, ad rerum iudicatarum auctoritatem, ad


finem aliquem periculi; communeque sit hoc praecep-
tum, ut, cum uterque definierit quam maxime potuerit
ad communem sensum uimque uerbi, turn similibus
exemplisque eorum qui ita locuti sint, suam de/initio-
nem sententiamque confirmet. 127 Atque accusatori
in hoc genere causarum locus ille communis, minime
esse concedendum ut is qui de re confiteatur uerbi se
interpretatione defendat ; defensor autem ad ea quae I
proposui aequitate nitatur, et ea cum secum faciat, non
re sed deprauatione uerbi se urgeri queratur. Quo in
genere percensere poterit plerosque inueniendi locos.
Nam et similibus utetur et contrariis et consequentibus ;
quamquam uterque, tarnen reus, nisi plane erit absurda
causa, frequenfius. 128 Amplificandi autem causa, quae
aut cum degredientur a causa, dicere uolent, aut cum
perorabunt, ea uel ad odium uel ad misericordiam uel

126 ex uero ERV : conuerso Pp || et ERV || lu did ERV : -ell


Pp I) uare Gessner : uarie codd. || ad ERV : de Pp || auctoritatem
ERV : -te Pp ||ut—definierit ERV || deflnitionem ERV ; defen-
sionem Pp
127 accusatori ERV', -tor Pp || frequentius ERV: -tloribus Pp
128 aut ERV
7
*1 ■

XXXVI-127 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 50

teur et accusé peuvent tous deux les employer, mais l'ac-


cusé plus abondamment, à moins que la cause ne soit
complètement absurde. 128 Reste l’amplification, avec
les développements qu’on voudra lui donner dans les
digressions on dans, ta péroraison ; elle excitera dans
l'âme des juges la haine, la compassion ou quelque autre
sentiment ; pour cela, on puisera aux sources que nous
avons indiquées phis haut (1), si toutefois on en voit
la nécessité dans l'importance des faits, dans l’impo­
pularité jetée sur les parties en cause ou dans leur dignité.
Comment traiter XXXVII 120 F. Je comprends. Et
la question de lorsqu'on discute sur la qualité, que
qualité. doit-on dire de part et d’autre ? Voilà
ce que je voudrais maintenant savoir.
P. Dans ce genre de causes, l’accusé convient du fait
qu’on lui reproche, mais, comme il soutient qu’il avait le
droit d’agir ainsi, ce sont uniquement des moyens de
droit qu’il faut développer. Le droit se divise en deux
parties principales, droit naturel et lois ; chacun de ces
genres, d’après son principe, se partage en droit divin et
droit humain (2); celui-cirepose sur l'équité, l'autre sur la
religion. 130 L’équité, d’après son principe, est double :
tantôt elle s’appuie purement et simplement sur la vérité
et la justice, et, selon l’expression consacrée (3), sur ce
qui est équitable et bon ; tantôt elle consiste à rendre la
pareille ; quand c’est un service, on la nomme reconnais­
sance, quand c’est unelnjure, vindicte. Toutcela est com­
mun au droit naturel et aux lois ; mais les lois ont en
propre ce qui est écrit, et ce qui, sans être écrit, est
conservé dans le droit des gens ou la coutume des ancê-
très. Les écrits sout,les uns d’ordre privé, les autres d’or­
dre public. Sont d’ordre public une loi,un sénatus-con-
sulte, un traité ; d’ordre privé, un titre, une promesse, une
convention, une stipulation. Quant au droit non écrit,
il repose sur la coutume,sur les conventions et pour ainsi
dire sur le consentement tacite des hommes. D’ailleurs et
(1) Voir § 52 sqq.
(2) Cette double subdivision du droit est encore employée par
les canonistes.
(3) Expression proverbiale.
w I 1

50 PARTITIONES ORATORIAE xxxvi-188


r
ad omni modo animos iudicum mouendos ex his quae
sunt ante posita sumentur, si modo rerum magnitude
J

hominumue aut invidia aut dignitas postulabit. *


XXXVII 129 F. Habeo ista ; nunc ea quae, cum
quale sit quippiam disceptatur, quaeri ex utraque parte
deceat, uelim audire.
P. Confitentur in isto genere qui arguuntur, se id
fecisse ipsum in quo reprendantur ; sed, quoniam iure se
fecisse dicunt, iuris est omnis ratio nobis explicanda.
Quod diuiditur in duas primas partis, naturam atque
legem, et utriusque generis uis in diuinum et humanum
ius est distribute, quorum aequitatis est unum, alterum
religionis. 130 Aequitatis autem uis est duplex, cuius
altera derecta ueri et iusti et.ut dicitur, aequi et boni ra-
tione defenditur, alteraI ad uicissitudinem referendae gra-
tiae pertinet, quod in beneficio gratia, in iniuria poenitio
nominatur. Atque haec communia sunt naturae atque
legis ; sed propria legis et ea quae scripta sunt et ea quae,
sine litteris, aut gentium iure aut maiorum more retinen-
tur. Scriptorum autem priuatum aliud est, publicum
aliud. Publicum lex, senatusconsultum, foedus ; priua­
tum tabulae, pactum, conventum, stipulatio. Quae autem
scripta non sunt,ea aut consuetudine aut conuentis homi-
num et quasi consensu obtinentur. Atque etiam hoc in
primis, ut nostros mores legesque tueamur, quodammo-
do natur ali iure praescriptum est. 131 Et quoniam bre-
uiter sunt aperti quasi fontes quidam aequitatis, medi-

129 legem ER V : om. p, in P, quinque lUterarum spatlum


130 in ERV || poenitio Wilkins : pu- ERV eo Initio Pp || et
Bunt ER V || aliud ER V || praescriptum ER V : scriptum Pp

XXXVii-130 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 51

avant toutes choses ce respect de nos coutumes et de


nos lois nous semble dicté par une sorte de droit naturel.
131 Puisque Je viens de t’indiquer brièvement certaines
sources, si j’ose ainsi parler, de l’équité, il faudra, en vue
de ce genre de causes, nous Être préparés à ce que, dans
nos discours, nous devons dire sur le droit naturel, sur les
lois, sur la coutume des ancêtres, sur l’injustice à repous-
ler ou l’injustice à venger (1), sur toutes les parties du
droit. Si, par imprudence, par nécessité ou par hasard,
l’accusé a commis un acte qu’on ne passerait pas à qui
l’aurait commis de plein gré et volontairement, il faut de­
mander l’indulgence qui fera absoudre le fait (2); pour
cela on reprendra à peu près tous les lieux de l’équité.
Je t’ai exposé le plus brièvement que j’ai pu tous les
genres de procès. Désires-tu quelque autre éclaircissement ?
Comment traiter XXXVIII 132 F. Oui, sur le cas
les états légaux, dont je vois qu’il n’a pas été traité ;
lorsque la question en litige roule sur des textes.
P. 'Tu as raison. Après cela j’aurai entièrement tenu ma
promesse. Quand il s’agit de termes ambigus, les mêmes
préceptes valent pour les deux adversaires. L’un et l’au­
tre, en effet, soutiendra que l’interprétation dont il part
est conforme à la sagesse du rédacteur ; l’un et l’autre
dira que le sens prêté par l’adversaire au texte ambigu
est absurde, inutile, injuste, honteux ou même en con­
tradiction avec tous les autres textes émanant, soit d’au­
tres personnes, soit, surtout, si possible, de la personne
même en question ; au contraire, ce qu’il soutient lui-
même, idée et intention, n’importe quel homme sage et
juste, s’il se trouvait en face d’une page blanche, l’écri­
rait, sauf à le faire plus clairement ; 133 de plus, le sens
que, d’après lui, on peut tirer du texte n’a rien de captieux
ni de dangereux, au lieu que, si l’on admettait celui de
(1) Nous avons dû employer deux mots français différents
pour rendre le latin iniurla.
(2) C’est là une partie de ce que, dans le de Irwentione, Cicé-
ion appelle « cause empruntée » (assumption), parce que la dé­
fense, ne pouvant rien arguer du fait lui-même, s’appuie, pour
le justifier, sur des considérations prises hors du sujet.
51 PARTITIONES ORATORIAE xxxvn-131

fata nobis ad hoc causarum genus esse debebunt ea quae


dicenda erunt in orationibus de natura, de legibus, de
more maiorum, de propulsanda iniuria, de ulciscenda, de
omni parte iuris. Si imprudente? aut necessitate aut
casu quippiam fecerit, quod non concederetur his, qui
sua sponte et uoluntate fecissent, ad eius facti depreca-
tionem ignoscendi petenda uenia est, quae sdmetur ex
plerisque locis aequitatis.
Expositum est.ut potui breuissime, de omni controuer-
siarum genere, nisi praeterea tu quid requiris.
XXXVII1132 F. Hlud equidem, quod iam unum res­
tare uideo, quale sit, cum disceptatio uersatur in scriptis.
P. Recte intellegis; eo enim exposito, munus promissi
omne confecero. Sunt igitur ambigui duobus aduersariis
praecepta communia. Vterque enim earn significationem
qua nitehir ipse dignam scriptoris prudentia esse défen­
dit ; uterque id quod aduersarius ex ambiguë scripto
intellegendum esse dicet aut absurdum aut inutile aut
iniquum aut turpe esse defendet aut etiam discrepare
cum ceteris scriptis uel aliorum uel maxime, si poterit
eiusdem ; quamque defendet ipse, earn rem et sententiam
quemuis prudentem et iustum hominem, si integrum
daretur, scripturum fuisse, sed planius ; 133 eamque sen­
tentiam, quam significari posse dicet, nihil habere aut
captionis, aut uitii ; contrariam autem si probarint, fore
131 de ERV Upropulsanda ERV : pul- Pp 11 Imprudente! ERV
-tes Pp H uolunta te ER V : uolup Pp
132 equldem ERV : qui- P 11 uersatur ER : -setur Pp V || nlte-
tur R : utetur EV uteretur Pp || defendet ERV : -dit Pp || cum
ERV : quam a Pp || quamque cet. : quoque p || scriptunim ERV :
torem Pp
133 significari ERV : -re Pp || dicet ERV : de- Pp II

XXXVIU-133 DIVISIONS DE L'ART ORATOIRE 52

l’adversaire, il s’en suivrait beaucoup de conséquences


dangereuses, absurdes, iniques, contradictoires.
Lorsque l’intention du rédacteur paraît contraire aux
termes de la rédaction, celui qui s’appuie sur la rédaction,
après avoir exposé l’affaire, devra lire le texte ; ensuite il
presse l’adversaire, reprend ses questions, revient à la
charge, demande <à la partie adverse> si elle récuse le
texte ou au contraire si elle nie le fait. Puis il rappellera
le juge à la valeur du texte. 134 Ayant ainsi fortement
établi son opinion, il élargira la question par un éloge de
la loi, et il stigmatisera l’audace d’un homme qui, ayant
ouvertement agi contre la loi et l’avouant, se présente
néanmoins et ose défendre son action. Ensuite il infirmera
la partie de la défense où son adversaire soutient que la
volonté et l’intention du rédacteur sont en contradiction
avec la rédaction. H est inadmissible que la pensée de celui
qui a proposé une loi soit mieux expliquée que par la loi.
Pourquoi cette rédaction, si sa pensée était autre ? Pour­
quoi l'adversaire laisse-t-il de côté une rédaction claire,
pour en mettre en avant une autre qui n'a existé nulle
part ? Pourquoi, contre des hommes· qui ont beaucoup
réfléchi en rédigeant, diriger une telle accusation de folie?
Quel obstacle se serait opposé à ce que le rédacteur
exceptât (1) du texte le cas que l’adversaire, par sa
conduite, admet qu’il avait excepté? 135 H apportera
des exemples où le même rédacteur, ou d'autres,à défaut,
ont excepté ce qu'ils ont jugé qu’il fallait excepter, n faut
aussi chercher la raison, si l’on en peut trouver, pour
laquelle le cas n'a pas été excepté. La loi, dira-t-on,
aurait été Injuste ou inutile, il y aurait des raisons pour
lui obéir, d'autres pour la repousser ; enfin l'opinion de
la partie adverse est en désaccord avec la loi. Ensuite,
pour élargir l'idée, le thème de l’observation des lois, du

(1) L‘exceptio, dans la procédure formulaire, est l’énonciation


d’une condition qui, sans nier dlrectementl'in/enflo delà formule,
lui oppose un fait qui restreint le pouvoir de condamner du juge:
ainsi, Â une convention passée, on opposera, par l’exceptio doit
malt, que le consentement d’une des parties a été vicié par le
dol de l'autre. Le mot semble d’ailleurs avoir Ici un sens plus
général (Lefas).
i
f

52 PARTITIONES ORATORIAE XXXVIII-133

uti multa uitiosa.stulta, iniqua, contraria consequantur.


Cum autem aliud sensisse scriptor uidetur et aliud
scripsisse, qui scripto nitetur, eum, re exposita, recita tione
uti oportebit, deinde instare aduersario, iterate, reno-
uare, interrogate num aut scriptum neget, aut contra
factum infitietur. Post, iudicem ad uim scripti uocet.
134 Hac confirmatione usus, amplified rem lege lau-
danda audaciamque con/utet eius qui, curù palam contra
f ecerit idque fateatur, adsit tarnen factumque defendat.
Deinde in firmet defensionem, cum aduersarius aliud
uoluisse ac sensisse scriptorem, aliud scripsisse dicat ;
non esse ferendum a quoquam potius latoris sensuïn
quam a lege explicari. Cur ita scripserit, si ita non sense-
rit ? Cut, cum ea quae plane scripta sint neglexerit, quae
nusquam scripta sint proférât ? Cur prudentissimos in
sctibendo uiros summae stultitiae putet esse damnan-
dos ? Quid impedierit scriptorem quo minus exciperet
illud, quod aduersarius, tamquam si exceptum esset, ita
se dicit secutum ? 135 Vtetur exemplis eis quibus idem
scriptor, aut, si id non potent,, quibus alii quod excipien-
dum putarint exceperint. Quaetenda etiam ratio est, si
qua poterit inueniri, quare non sit exceptum ; aut ini­
qua lex aut inutilis futura dicetur aut alia causa obtem-
perandi, alia abrogandi; dissentire aduersarii uocem
atque legis. Deinde ampliflcandi causa, de conseruandie
legibus, de periculo rerum publicarum atque priuatarum

consequantur ERV : -quentur Pp || renouare ERV : nouare Pp


134 confutet ERV : -putet Pp || quae ERV
136 excipiendum, cet. : -undum p
ΧΧΧΐχ-135 DI VISIONS DE UART ORATOIRE 53

danger que courront les affaires publiques et privées, <si


les lois ne sont pas observées> , devra être traité avec
force et fougue à plusieurs reprises, mais surtout dans la
péroraison.
XXXIX 13β Au contraire, celui qui, pour sa défense,
s'appuiera sur le sens et l’intention de la loi, soutiendra
que c’est dans le dessein et l’esprit du rédacteur, non dans
les mots et la lettre que réside la valeur de la loi ; il louera
le législateur de n’avoir prévu aucune exception, pour
éviter de fournir un refuge à la faute, et pour que, suivant
chaque espèce, le juge interprétât l’esprit de la loi. En­
suite on apportera des cas, où toute équité serait détruite,
si l’on se réglait sur la lettre de la loi et non sur ses inten­
tions.137Ensuite contrece genre d’astuce et dechicane(l)
on essaiera de soulever la colère du juge, en chargeant
l’adversaire de griefs propres à jeter la défaveur sur lui.
k
S’il y a une imprudence, qui révèle non pas une faute,
1.

mais un de ces actes imputables au hasard ou à la néces­


sité et dont nous avons parlé un peu plus haut (2),il fau­
dra prier le juge de prononcer conformément aux mê­
mes considérations d’équité et contrairement à la rigueur
des mots.
S’agit-il de textes contradictoires ? L’art de la rhéto­
rique forme un tout si bien lié, et presque tous les précep-
res y sont si étroitement coordonnés que les règles expo­
sées un peu plus haut (3) sur l'ambiguïté des termes et
il y a un instant (4) sur l’esprit et la lettre s’appliquent
encore à ce troisième genre de causes. 138 En effet, les
développements qui, en cas d’ambiguïté des termes, nous
servent à défendre le sens qui nous est favorable, doivent,
en cas de lois contradictoires, être employés pour défendre
celle sur laquelle nous nous appuyons. Ensuite il faut nous
efforcer de défendre l’esprit d’un des textes et la lettre de
l’autre : ainsi tous les préceptes que nous venons de don­
ner (4) sur la lettre et l'esprit s’appliqueront ici exacte­
ment.
(1) La calumnia est le cas du plaideur de mauvaise fol.
(2) Voir § 131.
(3) § 132.
(4) § 136.
«

53 PARTITIONES ORATORIAE xxxvin-135

cum aliis locis tum in perorando maxime grauiter erit


uehementerque dicendum.
XXXIX 136 Ule autem, qui se sententia legis uolun-
tateque defendet in consilio atque in mente scriptoris,
non in uerbis ac litteris uim legis positam esse defendet,
quodque nihil exceperit in lege laudabi/, ne deuerticula
s
r
peccatis darentur atque ut ex facto cuiusquè iudex ♦ legis
mentem interpretaretur. Deinde erit utendum exemplis,
in quibus omnis aequitas perfurbetur, si uerbis legum ac
non sententiis pareatur. 137 Deinde genus eiusmodi cal-
liditatis et calumniae trahatur in odium iudicis cum
quadam inuidiosa querela. Et si incidet imprudentiae
causa, quae non ad delictum, sed ad casum necessita-
temue pertineat, quod genus paulo ante attigimus, erit
iisdem aequitatis sententiis contra acerbitatem uerbo­
rum deprecandum.
Sin scripta inter se dissentient, tanta series artis est et
sic inter se sunt pleraque connexa et apta, ut, quae paulo
ante praecepta dedimus ambigui quaeçue proxime sen-
tentiae et scripti, eadem ad hoc genus causae tertium
transferantur. 138 Nam quibus locis in ambiguo defen-
dimus earn significationem quae nos adiuuat, eisdem in
contrariis legibus nostra lex defendenda est. Deinde
est efficiendum ut alterius scripti sententiam, alterius
uerba defendamus. Ita quae modo de scripto senten-
136 defendet EV : -dit Pp R II defendet ERV - dit Pp || quod
que ERV : quo- Pp || in lege ERV : Intelllgi Pp II laudabit ERV :
-bis Pp H Iudex legis ER V : 1.1. Pp II perturbetur ER V : propren-
detur P perpendetur p
137 ilsdem ER V : hls- P 1s- p || sic inter cet. : si inter p || ante
ER V H quaeque ER V : quae Pp || proxime ER V : -ml Pp
138 quibus cet. : quibus in p U earn cet. : lam p II in ERV modo
t

ηυαχ-138 DIVISIONS DE L’ART ORATOIRE 54

XL 139 Je t'ai bien exposé toutes


Conclusion.
les divisions de l’art oratoire, telles
du moins qu’elles sont nées au sein de l’école < philoso-
phique> à laquelle j’appartiens, l’ancienne Académle(l);
sans elle, on n’aurait pu ni les découvrir, ni les compren­
dre, ni les mettre en œuvre. En effet savoir simplement
diviser le sujet,le définir, distinguer les diverses divisions
d’une question douteuse, connaître les lieux des arguments,
savoir faire un tout de l’argumentation même, voir les
prémissessur lesquelles ilfauts’appuyerdans l'argumenta
tion et les conséquences des prémisses posées, discerne
et séparer le vrai et le faux, le vraisemblable et l’in­
vraisemblable, relever les erreurs dans les prémisses ou
leurs conséquences, s avoir indifféremment traiterles ques­
tions Sous une forme serrée, comme les philosophes nom­
més dialecticiens, ou, comme il convient à un orateur,
les développer largement, tout cela s'acquiert par les
exercices auxquels on se livre dans l'Académle et par l’art
qu’on v apprend de discuter avec précision et de parler
avec Äondance.
140 Pour ce qui est bien ou mal, Juste ou injuste,
utile ou nuisible, vertueux ou honteux, comment l'ora
tear peut-il en parler avec facilité ou abondance sans la
science des connaissances les plus relevées (2) ?
Aussi les préceptes que je t’ai donnés, mon cher Cicé­
ron, doivent-ils te montrer pour ainsi dire les sources où
tu puiseras. Si tu t’en approches en prenant pour guides
soit les mêmes maîtres que mol (3), soit d'autres, tu acquer­
ras une connaissance plus approfondie du sujet même que
j'ai traité, et aussi d’autres notions bien plus impor­
tantes (4).
F, Je le ferai, mon père, et même avec une vive ardeur,
et de tous les magnifiques bienfaits que je puis recevoir de toi
je n’en attends pas de plus important < que ce conseil > .
(1) On y range les disciples de Platon et aussi ceux d’Aristote ;
et de Finibus 5, 3, 7.
(2) La physique, et surtout l’éthique et la dialectique.
(3) Les philosophes de la Nouvelle-Académie.
(4) La philosophie étudiée pour elle-même.
54 PARTITIONES ORATORIAE XXXIX-138

tiaque praecepimus, eadem hue omnia transferemus.


XL 139 Expositae tibi omnis sunt oratoriae partitio-
nes, quae quidem e media ilia nostra Academia efilorue-
runt, neque sine ea aut inueniri aut intellegi aut tractari
possent. Nam et partiri ipsum et definire et ambigui par-
titiones diuidere et argumentorum locos nosse et argu-
mentationem ipsam concludere et uidere quae sumenda
in argumentando sint quidque ex his quae sumpta sunt
efliciatur et uera a falsis, uerisimilia ab incredibilibus
diiudicare et distinguere, et aut male sumpta aut male
I

conclusa reprendere, et eadem uel anguste disserere.ut


dialectic! qui appellantur, uel, ut oratorem decet, late
expromere.illius exercitation is et subtiliter disputandi et
copiose dicendi artis est.
140 De bonis uero rebus et malis, aequis, iniquis, utili-
bus, inutilibus, honestis, turpibus,quam potest habere
orator sine illis maximarum rerum artibus facultatem
aut copi am ?
Quare haec tibi sint, mi Cicero, quae exposui, quasi
indicia fontium illorum ; ad quos si his eisdem ducibus
aliisue perueneris, tum et haec ipsa melius et multo
maiora alia cognosces.
F. Ego uero ac magno quidem studio,mi pater ,multisque
ex tuis praeclarissimis muneribus nullum maius exspecto.
descripto ERV : mo ocio litterarum spatium script* P moderate
scripta p
139 tractari possent clausula vitlosa 11 definire ERV : -ri Pp H
ambigu! E : argul Pp arguere R || concludere ERV : in- Pp II sint
ERV : slt Pp [| quldque cet : quo- P II sunt ERV : sciant Pp ||
ut dialectic! ERV : et d. Pp || late ERV : ex te Pp II axercltatlonls
ERV : -ne Pp
Μ. TVLLII CICERONIS PARTITIONES ORATORIAE EX-
PLICIVNT Pp
, I
INTRODUCTION

„ , Tout comme dans les Partitiones


Sujet.
* Oratoriæ, Cicéron, dans les Topiques,
« procède avec cette précision rigoureuse qui convient
au genre didactique» (Causeret) ; il ne recule pas devant
les expressions techniques et devant les termes grecs,
particulièrement nombreux.
Mais, à la différence des Partitiones, les Topiques, du
moins pour les quatre cinquièmes, portent sur une par­
tie déterminée de l’art oratoire, la recherche des sources
de développement, des « lieux » qui fournissent tes argu­
ments. Seule la dernière partie traite de questions plus
générales et rejoint les Partitiones.
pjaa Voici, en effet, le plan systématique
del’ ouvrage.

Préface (1-5).

CORPS DE L’OUVRAGE
(6-99)

I. Généralités sur la façon de trouver les arguments


(6-24).
A. Les « lieux » (6-7).
59 TOPIQUES

B. Arguments inhérents au sujet et arguments ex­


trinsèques (7-24).
1° Arguments inhérents au sujet (9-23).
2° Arguments extrinsèques ou témoignages (24).
II. Détails sur les lieux indiqués ci dessus (25-78).
A. Inhérents au sujet (26-71).
1° La définition. Ses genres (26-35).
a) Portant sur ce qui existe dans la réalité ou
V

dans notre pensée (26-27).


b) Par énumération ou par analyse (28).
c) Méthode à suivre (29).
d) Précisions sur la définition par énumération
ou par analyse (30-34).
2° L’étymologie (25-37).
3° Choses ayant quelque rapport au point en litige
(38-45).
Ê.

a) Mots de même famille (38-40).


b) Similitude (4M5).
4° Différence (46).
5° Contraires et leurs genres : opposés, privatifs,
antinomies (47-49).
6° Notions voisines (50-52).
7° Conséquences, antécédents et choses contradic­
toires (53-57).
8° Causes. Différents genres (58-66).
9° Effets (67).
10° Comparaison. Différents genres (68-71).
11° Conclusion sur les arguments intrinsèques (71).
B. Lieux extrinsèques : le témoignage et ses variétés
(72-78).

A ii ’
INTRODUCTION

III. Les lieux à employer varient avec les questions à


traiter (79). Deux grands genres de questions, générales
et particulières (79-80).
A. Questions générales : théorie et pratique (81-82).
1° Les trois genres de questions de théorie (82) :
a) conjecture (82).
b) définition (83).
c) qualité (84-85).
2° Questions de pratique (86).
3° Lieux propres aux différentes questions (87) :
a) conjecturale (87).
b) définition (87-88).
c) qualité (89-90).
B. Cas particulier (90-91), envisagé dans les différents
genres (judiciaire, délibératif, laudatif) et plus parti­
culièrement dans les questions à propos d’un texte,
qu’il s’agisse du discours entier (91-97) ou de ses parties
(97-99).
Conclusion (l 9-100).

Le traité porte donc, avant tout, sur une question


très spéciale et assez abstruse, dont Cicéron, lorsqu’il
envoyait l’ouvrage à Trebatius (1) se demandait lui-
même si elle ne lui offrirait pas de trop grandes diffi­
cultés.
C’est, en effet, à l’intention du grand
Circonstances^de jurisconsuite, alors en Gaule avec
César, que les Topiques ont été com­
posés. Au cours du premier chapitre, Cicéron nous ra­
il) Fern., 7,19.
4

61 TOPIQUES

conte lui même ce qui l’a déterminé à les entreprendre


et dans quelles conditions il les a rédigés, en juillet 44,
au cours de la traversée entre Vélie et Rhégium, « privé
de toute espèce de livres, au milieu des embarras et de la
fatigue d’un voyage par mer, au milieu des inquiétudes
que devait lui inspirer la situation de Rome (1)... Ce ne
fut pas même sa seule occupation ; car il écrivit aussi
pendant cette traversée (2) une nouvelle préface pour
son traité de la Gloire » (J. V. Le Clerc).
Convenons-en : la rapidité du travail apparaît dans
le fond et dans la forme. Pour la composition (3), après
que les « lieux » ont été énumérés rapidement au para­
graphe 11, ils sont définis dans les §§ 12 à 24, et enfin
plus longuement traités dans les §§ 25-78. D’autre part
le îiofnbre des exceptions irréductibles (4) aux lois des
claüsules métriques est beaucoup plus considérable
fjü’on ne s’ÿ attendrait dans un ouvrage si court et à
cette époque de la vie de Cicéron.

Etant donné les circonstances où


Sources.
1 ouvrage a été composé, 1 on ne sau­
rait soutenir, sans aller contre les faits, que Cicéron ait *
(1) Top., 5 et 62.
(2) AU., 16, 6, 4.
(3) Cf. P. Thielscher, Cicero Topik und Aristoteles, Philologue
67, N. F. 21 (1908), p. 52 et suiv.
(4) 19 et 20 manere nihlloportet 21 usufruclum non amillet 22 'sus~
pendi non posset 28 fieri passant 29 transferri possit 33 ullam prae-
termittas 38 pluendo creuisset 50 fieri possit 63 uoluntaria, quae con·
stllo 71 et ei qui defendant 81 alteram actlonis 87 sumi passant 99
mecum legere cum uoles. — Les quatre premières s'expliquent sans
doute comme expressions techniques ; au § 38, l’o final est peut-
être compté comme bref et au § 63 lé deuxième i comme consonne.
Mais ces explications ne m'apparaissent pas comme absolument
convaincantes.
INTRODUCTION 62

transcrit purement et simplement un original grec


quelconque. Il a puisé dans ses souvenirs, et ses sou­
venirs remontent à des Grecs (1), Aristote avant
tout (2), avec mélange ou non d’autres éléments, stoï­
ciens (3) ou peut être épicuriens (4).
Quel est celui des ouvrages d’Aristote qu’il a surtout
reproduit? Les Topiques, naturellement. « A-t-il connu
de même la Rhétorique ? Nous pouvons en douter et il
est possible qu’il se soit contenté de l’ouvrage très dif­
férent du même auteur qu’il cite (5) avec beaucoup
d’éloges, et dont le sujet était l’analyse et la critique des
traités de rhétorique des auteurs précédents (συναγωγή
τεχνών).» (Emile Thomas.)

Dans ce cadre grec, l’auteur a versé


Part de Cicéron. ... , , .. 4
des exemples qu il a tirés du droit ro­
main, par attention pour Trebatius (1) et peut-être fl

même pour les matières que Trebatius avait plus spé­


cialement traitées(6). Il semble avoir imaginé lui-même
certains de ces exemples; mais d’autres étaient classiques

(1) Top., 24.


(2) Top., 5 ; Fam. 7, 19.
(3) V. Index, s. u. dialectic! et stoici.
(4) Cf. § 31.
(5) De itw., 2, 2, 6 et de Orat., 2, 38, 160.
(6) Top., 32.
(7) Voir notes sur les §§ 22 et 23. — Comme les Topiques ne
sauraient être comprises sans de nombreuses notes, et qu'il n’y
a pas d’édition de cet ouvrage, nous avons dû renvoyer à la fin
du volume un certain nombre d’explications. Pour ce qui con­
cerne les questions de droit, je ne saurais assez dire tout ce que je
dois à moncollègue et amiM.Lefas: il a bien voulu relire mon ma­
nuscrit au point de vue des questions de droit ; il l’a fait avec un
dévouement dont je lui exprime toute ma gratitude et une compé­
tence qui ajoute à la traduction un intérêt nouveau.
63 TOPIQUES

dans l’étude du droit et familiers à la société romaine,


où la technique juridique était partie intégrante de l’é­
ducation d’un citoyen riche.
D’ailleurs, tout en s’adressant à Trebatius, Cicéron
avait en vue un public plus vaste (1). Aussi relève-t-on
des comparaisons fréquentes entre les méthodes d’expo­
sition ou de développement des jurisconsultes, des ora­
teurs, des philosophes, voire des poètes (2). A côté de
citations de juristes, on en trouve de poètes (3). Les
préoccupations de langue qui ont dicté toute une partie
de Y Orator (4) se retrouvent ici (5).

Aussi bien Cicéron ne s’abusait-il


Succès de l’ou­
vrage. pas sur l’intérêt que pouvait offrir le
traité. Quintilien y fait de nombreuses
allusions. Marius Victorinus avait publié, sur certaines
parties des Topiques, quatre volumes malheureusement
perdus.Boèce, au ive siècle, croyait utile d’écrire, sur les
§§ 1-77, un commentaire qui n’est pas d’un médiocre
secours pour résoudre les difficultés de texte. Enfin nous
avons, de l’ouvrage, des manuscrits très nombreux.

Ils se répartissent en deux groupes.


Le texte
Le premier, sur lequel on doit s’ap­
puyer avant tout pour établir le texte, est constitué
parl’Ottobonianus 1406, du xe siècle(O);leVitebergensis
de 1432 (f) lui est apparenté. Du deuxième groupe les meil-
(1) Top., 25, 51, 72.
(2) V. index, s. u. iuris consult!, oratores, philosophi, poetae.
(3) Top. 55 et 61.
(4) Orator, 149 sqq.
(5) Top., 30, 35. 92.
INTRODUCTION

leurs représentants sont trois manuscrits du x® siècle, I


deux Vossiani et un Marcianus. Les autres rendent »I
H
peu de services. Nous avons pris pour base l'Ottobo- J
nianus et le Vitebergensis, mettant en italique tout ce J
qui s’en écarte : car nous n’avons pas laissé de côté le |
second groupe, qui fournit quelques bonnes leçons. ’
Comme on s’en apercevra, nous n’avons pas négligé
non plus le secours offert par les clausules métriques.

i
r
I
SIGLA (cf. p. 61-62)

a = cod. Einsiedlensis 324, saec. x.


A = (A) (B) m consentientes.
(A.) = cod. Vossianus 84, saec. x.
(B) = cod. Vossianus 86, saec. x.
cel. = omnes codices, excepto uno vel altero qui ante
vel post notatur.
codd. = (AJ, Ο, V consentientes.
d = cod. Sangallensis 818, saec. xi.
e = cod. Erfurtensis, saec. xn.
/ = cod. Vitebergensis, saec. xv (1432).
m = cod. Marcianus 257, saec. x.
0 = cod. Ottobonianus 1406, saec. x.
V = cod. Vossianus 70, saec. x.

4
LES TOPIQUES DE Μ. TULLIUS CICÉRON

ADRESSÉES A C. TRÉBATIUS.

„ ..
Préfüco J
11’avais entrepris,
* * C. Trébatius,
7 d’é-
crireune œuvre plus considérable (l),et
plus digne des ouvrages que j’ai publiés, en assez grand
nombre,dans un court espace de temps (2); alors quej’étais
au milieu de la carrière, ton désir m’a fait changer d’avis.
En effet lorsque tu étais avec moi dans ma villa de Tus­
culum, et que dans la bibliothèque, chacun de son côté,
selon son goût, parcourait les livres qu’il voulait, tu tom­
bas sur les Topiques d’Aristote, sujet développé par lui en
plusieurs livres (3). Frappé de ce titre, tu voulus savoir
aussitôt le sujet de ces livres. 2 Je t’exposai qu’ils conte­
naient un enseignement théorique imaginé par Aristote
pour trouver les arguments, et tel que, sans erreur possi­
ble, nous y réussissions par une voie méthodique. Alors,
avec la discrétion que tu apportes en toutes choses, mais
non sans me laisser voir ton vif désir, tu me demandas
de t’enseigner ce qu’il y avait dans cet ouvrage. Moi, non
pour m’épargner le travail, mais parce que je pensais que
cela valait mieux pour toi, je te conseillai ou de les lire
toi-même directement, ou de te faire expliquer toute la
théorie < des topiques > par un rhéteur très docte que
je t’indiquai. A ce que tu m’as raconté, tu as essayé
(1) On ne sait exactement de quel ouvrage Cicéron veut parler
ici, peut-être d’une histoire de son temps.
(2) Le de natura deorum, le de diuinatione, le de fato, le de amicitia,
le de seneclute, enfln le de gloria, qu’il venait de faire paraître.
(3) En huit livres.
Μ. TVLLI CICERONIS

AD

C. TREBATIVM

TOPICA

11 Maiores nos res scribere ingressos, C. Trebati, et


his libris, quos breui tempore satis multos edidimus,
digniores, e cursu ipso reuocauit uoluntas tua. Cum enim
mecum in Tusculano esses et in bibliotheca separatim
uterque nostrum ad suum Studium libelles quos uellet
euolueret, incidisti in Aristotelis Topica quaedam, quae
sunt ab illo pluribus libris explicata. Qua inscriptione
commotus continuo a me eorum librorum sententiam
requisisti. 2 Quam cum tibi exposuissem, disciplinam
inueniendorum argumentorum, ut sine ullo errore ad ea
ratione et uia perueniremus, ab Aristotele inuentam,libris
illis contineri, uerecunde tu quidem, ut omnia, sed tarnen
ut facile cernerem te ardere studio, mecum ut tibi illam
traderem egisti. Cum autem ego te non tam uitandi
laborismei causa quam quod id tua interesse arbiträrer,
Μ. TVLLI CICERONIS TOPICA O : MARCI TVLLII CICE­
RONIS TOPICORVM LIBER A
2 ea Klotz ex Boethio : earn 0/1| ratione et uia vulg. ei Boethio ||
rationem uia Of
I

1-2 TOPIQUES 68

l’un et l’autre moyen. 3 Mais l’obscurité de l’ouvrage t’a


rebuté et ce rhéteur, ce rhéteur habile t’a répondu, je crois,
qu’il ne connaissait pas cette partie de l’œuvre d’Aristote.
Je ne me suis pas trop étonné que ce philosophe ne fût
pas connu du rhéteur, car, à peu d’exceptions près, il est
ignoré même des philosophes ; ceux-ci sont d’autant moins
excusables qu’ils auraient dû être séduits, non seulement
par les idées mêmes que ce grand homme a exposées et
trouvées, mais aussi par son style d’une abondance et
même d’une douceur vraiment extraordinaires (1).
4 Dans ces conditions, après tes instances réitérées et
malgré ta crainte de m’importuner (car je la voyais bien),
je n’ai pu rester plus longtemps ton débiteur, pour ne pas
sembler méconnaître les droits d’un interprète du droit.
En effet, pour moi et pour les miens tu as si souvent écrit
tant de choses (2) que, si je trouvais ta demande impor­
tune, je craignais de voir mon attitude taxée d’ingrati­
tude ou d’orgueil. Mais, tant que nous avons été ensem­
ble, j’ai été accablé d’affaires, tu peux en témoigner mieux
que personne ; 5 quand je te quittai pour me rendre en
Grèce, puisque ni la république, I ni mes amis n’avaient
recours à mes services, et que je ne pouvais garder une
attitude honorable en restant au milieu des armées (3),
même s’il m’était permis, de le faire sans danger, arrivé
à Vélie (4) et voyant tes propriétés et ta famille (5), j’ai
repensé à ma dette et n’ai pas voulu ne pas faire droit à
ta réclamation, que tu n’exprimais même pas (6). Ge
travail, comme je n’avais pas de livres avec moi, je l'ai
(1) ■ Les qualités que Cicéron loue Ici chez Aristote ne nous frap­
pent pas beaucoup ; mais nous n'avons que ses ouvrages les plus
ésotériques, les moins littéraires, * (Pichon.)
(2) · Nous ne savons ce qu'indiquent au juste ces mots. Ds peu­
vent désigner des conseils, de simples consultations juridiques,
tout autant que de véritables ouvrages dédiés par Trébatlus à
Cicéron ou à quelqu'un de sa famille. > (E Thomas.)
(3) La guerre de Modène allait éclater.
(4) Petit port sur la mer Tyrrhénienne.
(5) Elle se trouvait alors près de Vélie.
(6) Elle est seulement rappelée à l'esprit de Cicéron par la vue
de la famille et de la propriété de Trébatlus.
<
68 TOPICA

uel ut eos per te ipse legeres uel ut totam rationem a doc-


tissimo quodamrhetoreacciperes,hortatusessem, utrum-
que, ut ex te audiebam, es expertus. 3 Sed a libris te
obscuritas reiecit. Rhetor autem ille magnus haec, ut
opinor, Aristotelia se ignorare respondit. Quod quidem
minime sum admiratus, eum philosophum rhetori non
esse cognitum, qui ab ipsis philosophis, praeter admo-
dum paucos, ignoretur, quibus eo minus ignoscendum
est, quod non mo do rebus iis, quae ab illo dictae et inuen-
tae sunt, allici debuerunt, sed dicendi quo que incredi-
bili quadam cum copia, tum etiam suauitate.
4 Non potui igitur tibi, saepius hoc roganti et tarnen
uerenti ne mihi
* grauis esses (facile enim id cernebam)
debere diutius,ne ipsi iuris interpret! fieri uideretur iniu-
ria.Etenim cum tu mihi meisque multa saepe scripsis­
ses, ueritus sum ne, si ego grauarer, aut ingratum id
aut superbum uideretur. Sed, dum fuimus una, tu opti-
mus es testis quam fuerim occupatus ; 5 ut autem a
te discessi, in Graeciam proficiscens, cum opera mea nec
respublica nec amici uterentur nec honeste inter arma
uersari possem, ne si tuto id quidem mihi liceret, ut ueni
Veliam tuaque et tuos uidi, admonitus huius aeris alieni,
nolui deesse ne tacitae quidem flagitationi tuae. Itaque
haec, cum mecum libros non haberem, memoria repe-
tita, in ipsa nauigatione conscripsi, tibique ex itinere
misi, ut mea diligentia mandatorum tuorum, te.quoque,
etsi admonitore non eges, ad memoriam nostrarum
rerum excitarem. Sed iam tempus est ad id, quod insti-
tuimus, accedere.
4 scripsisses A : cauisses 0/
I

1-5 TOPIQUES 69

donc rédigé de mémoire pendant la traversée, et je te


l’envoie avant d’avoir achevé mon voyage (1), pour que
mon zèle à faire ce que tu m’avais demandé te pousse, de
ton côté, encore qu’on n’ait pas besoin de t’y faire pen­
ser, à ne pas oublier ce qui me concerne. Mais il est
temps d’en venir à mon sujet.

II β Toute méthode exacte de dis­


Généralités sur la cussion comporte deux parties, trouver
façon de trou­
ver les arau- des arguments> et juger de leur va­
men ts. es leur ; dans les deux cas, Aristote me
lieux.
semble vraiment avoir montré la voie.
Les stoïciens se sont appliqués à la seconde partie. Us ont
en effet parcouru très exactement toutes les avenues du
jugement, dans la science qu’ils appellent dialectique.
Mais l’art de trouver des arguments> , nommé topi­
que, préférable dans la pratique et, dans l’ordre naturel,
assurément le premier, ils l’ont complètement laissé de
côté. 7 Pour nous, qui estimons l’une et l’autre très utile,
et qui avons l’intention de traiter complètement de
l’une et de l’autre, si nous en avons le loisir, nous com­
mencerons par ce qui se présente en premier lieu.
Un objet bien dissimulé, lorsque le lieu où il est caché
est indiqué et repéré, est facile à découvrir; de même, lors­
que nous voulons dépister des arguments, nous devons
savoir les lieux où <on les trouve> ; c'est ainsi en effet
qu’Aristote appelle comme qui dirait les magasins où l’on
cherche les arguments. 8 La définition du lieu pourrait
donc être : magasin des arguments, et celle de l’argu­
ment : moyen servant à convaincre d’une chose douteuse.

Arguments inbé- Mais’ de ces lieux qui renferment les


rents au sujet arguments, les uns sont inhérents au
on intrinsèques. sujef. même, les autres sont pris en de­
hors. Inhérents, ils se rapportent à l'ensemble, à une par­
tie, à l’étymologie, à l’une des choses qui ont quelque

(1) Il le lui adresse de Rhégium, aussitôt débarqué.


69 TOPICA 1-5

II 6 Cum omnis ratio diligens disserendi duas habeat


partis, unam inueniendi, alteram iudicandi, utriusque
princeps, ut mihi quidem uidetur, Aristoteles fuit. Stoici
autem in altera elaborauerunt. Iudicandi enim uias dili­
genter persecuti sunt, ea scientia quam διαλεκτικήν appel­
lant. Inueniendi uero artem, quae τοπική dicitur, quae et
ad usum potior erat et ordine naturae certe prior, totam
reliquerunt. 7 Nos autem, quoniam in utraque summa
utilitas est, et utramque, si erit otium, persequi cogi-
tamus, ab ea, quae prior est, ordiemur.
Vt igitur earum rerum, quae absconditae sunt, de­
monstrate et notato loco, facilis inuentio est, sic, cum
peruestigare argumentum aliquod uolumus, locos nosse
debemus ; sic enim appellatae ab Aristotele sunt hae
quasi sedes, e quibus argumenta promuntur. 8 Itaque
licet definire locum esse argument! sedem, argumen­
tum autem, rationem quae rei dubiae faciat fidem.
Sed ex his locis in quibus argumenta inclusa sunt, alii
in eo ipso de quo agitur haerent, alii adsumuntur extrin-
secus. In ipso, turn ex toto, turn ex partibus eius, turn
ex nota, tum ex eis rebus quae quodammodo adfectae
sunt ad id de quo quaeritur. Extrinsecus autem ea du-
cuntur, quae absunt longeque disiuncta sunt.
9 Sed ad id totum de quo disseritur, turn definitio
adhibetur, quae quasi inuolutum euoluit id de quo quae­
ritur ; eius argument! talis est formula ; « lus ciuile est
aequitas constituta eis qui eiusdem ciuitatis sunt, ad res

6 partis Of : artes A || quae et Of : quaeque et A


9 quae O : qua f om. A || euoluit 0 : -uitur f
IJ-8 TOPIQUES 70

rapport à la question. Les lieux que l’on appelle pris en


dehors sont étrangers au sujet et cherchés loin de lui.
8 Lorsqu’ils se rapportent à l’ensemble du sujet traité,
on emploie une définition qui développe les voiles dont
le point en question était pour ainsi dire enveloppé. Voici
la formule (1) de cette argumentation : « Le droit civil,
ce sont les règles d'équité qui permettent à ceux qui font
partie de la même cité d’obtenir ce qui leur appartient.
La connaisssance de ces règles d’équité est utile. Donc la
science du droit civil est utile. »
10 L’énumération des parties se traite comme suit :
< S’il n’a été affranchi ni par l’inscription <au nombre des
citoyens > sur les registres du cens, ni parla vindicte (2)
ni par testament, il n’est pas Libre ; aucun de ces modes
d’affranchissement n’a eu lieu ; donc il n’est pas libre, b
L’étymologie tire un argument de la valeur d’un mot.
Exemple. « Puisque la loi (3) ordonne que le citoyen (4) qui
intervient à l’action de la loi (v index) pour défendre
un inscrit dans l’une des classes du cens (assiduus) soit
également un inscrit, elle ordonne par là même qu’il soit
riche, s’il intervient pour un riche ; car, comme le dit
Aelius, assiduus vient de asse dando(5). »
III 11 On tire aussi des arguments des choses qui ont
quelque rapport au point en question. Dans ce genre, on
distingue plusieurs groupes : on les nomme apparentés,
tirés du genre, de l’espèce, d’une similitude, d’une diffé­
rence, des contraires, d’analogies, des antécédents, des
conséquences, de notions contradictoires, des causes, des
effets, de la comparaison avec des objets plus grands,
égaux ou plus petits.
12 On appelle apparentés les arguments tirés de mots
de même famille. Sont de même famille ceux qui, se rat­
tachant à la même racine, ont des formes différentes,
comme « sage, sagement, sagesse ». Cettè parenté de mots,
en grec συζυγία, fournit des arguments du type suivant :
« Si un champ est un pâturage commun, on a le droit d’y
envoyer des troupeaux pâturer en commun. »
(1) Ne pas oublier la valeur juridique du mot.
(2) (4) (5) Voir à la fin du volume.
(3) La loi des XII Tables.
4

70 TOPICA π-9

suas obtinendas ; élus autem aequitatis utilis est cogni- 1

tio ; utilis est ergo iuris ciuilis scientia ».


10 Tum partium enumeratio, quae tractatur hoc mo­
do « Si neque censu nec uindicta nec testamento liber
factus est, non est liber. Neque nulla est earum ; non est
igitur liber. »
Tum notatio, cum ex uerbi ui argumentum aliquod
elicitur, hoc modo « Cum lex assiduo uindicem assi-
duum esse iubeat, locupletem iubet locupleti »; is est
enim assiduus, ut ait L. Aelius,appellatus ab asse dando.
Ill 11 Ducuntur etiam argumenta ex iis rebus, quae
quodammodo adfectae sunt ad id de quo quaeritur. Sed
hoc genus in pluris partis distributum est. Nam alia
coniugata appellamus, alia ex genere, alia ex forma, alia
ex similitudine, alia ex differentia, alia ex contrario, alia
ex adiunctis, alia ex antecedentibus, alia ex consequen-
tibus, alia ex repugnantibus, alia ex causis, alia ex effec-
tis, alia ex comparatione maiorum aut parium aut mi-
norum.
12 Coniugata dicuntur quae sunt ex uerbis generis
eiusdem. Eiusdem autem generis uerba sunt, quae, orta
ab uno.uarie commutantur, ut sapiens, sapienter, sapien-
tia. Haec uerborum coniugatio graece συζυγία, dicitur,
ex qua huiusmodi est argumentum : « Si compascuus
ager est, ius est compascere. »
13 A genere sic ducitur : « Quoniam argentum omne
mulieri legatum est, non potest ea pecunia, quae nume-

10 est enim Ο : est f || L. Aelius Of : Laelius A U ab asse Lambin


cf. Gell. 16, 10, 16 : ab aere Of
11 forma Of : -mula A || adlunctis 0 : con- Af
1

πι-13 TOPIQUES

13 Argument tiré du genre : « Tout ce qui est argent a


été légué à la femme ; donc l’argent comptant trouvé dans
la maison n’a pas pu ne pas lui être légué ; en effet, l’espèce
ne se sépare jamais du genre, tant qu’elle conserve le
même nom, L’argent comptant conserve le nom d’argent ;
par suite il semble bien avoir été légué. »
14 Argument tiré de l’espèce du genre, ou de la partie,
comme l'on peut dire quelquefois, pour plus de clarté.
Exemple : « Si une somme est léguée à Fabia par son mari
sous condition que, par rapport à son mari, elle ait le
titre de materfamilias, et que la femme n’ait pas été cons­
tituée en la puissance légale (manus) de son mari (1),
rien ne lui est dû. Le genre, en effet, est épouse légitime.
On en distingue deux sortes : l’une, celle des mères de
famille ; l’autre celle des simples épouses légitimes. Fabia
rentrant dans le second groupe, c’est comme si aucun legs
ne lui avait été fait. »
15 Argument tiré d’une similitude. Exemple : « Si un
édifice, dont l’usufruit a été légué, s’écroule ou se dété­
riore, l’héritier (2) n’est pas tenu de le reconstruire ou de
le réparer, pas plus qu’il ne le serait de remplacer l’esclave
dont l’usufruit a été légué et qui viendrait à périr. »
16 Argument tiré d’une différence : « Si un mari a légué
à sa femme tout l’argent qui lui appartenait, il ne s’ensuit
pas qu’il lui ait légué ses créances. H y a en effetune grande
différence entre l’argent en caisse et celui qui figure sur
les livres de compte. «
17 Argument tiré de contraires. Exemple. « La femme
à qui son mari a légué l’usufruit de ses biens et a légué des
caves pleines de vin et d’huile, ne doit pas se comporter
comme si cela lui appartenait. C’est en effet le droit d’user
et non celui de disposer (3) qui lui a été légué. »
IV 18 Argument tiré de l’analogie. « Si une femme a
fait un testament, sans, avoir jamais vu son état juridique
diminué (4), il n’y a pas lieu, d’après l’édit du préteur,
d’accorder un envoi en possession en vertu de cette pièce.
(1) (2) (4) Voir à la fin du volume.
(3) Nous n’avons pu rendre, dans la traduction, l’opposition
usus-abusus.
71 T0P1CA in-13

rata domi relicta est, non esse legata ; forma enim a


genere, quoad suum nomen retinet, numquam seiun-
gitur ; numerata autem pecunia nomen argenti retinet ;
legata igitur uidetur. »
14 A forma generis, quam interdum, quo planius acci-
piatur, partem licet nominare, hoc modo : « Si ita Fabia,
pecunia legata est a uiro, si ei uiro materfamilias essete
si ea in manum uiri non conuenerat, nihil debetur. Genus
enim est uxor ; eius duae formae, una matrumfamilias,
[eae sunt quae in manum conuenerunt], altera earum,
quae tantummodo uxores habentur. Qua in parte cum
fuerit Fabia, legatum ei non uidetur.
15 A similitudine, hoc modo : « Si aedes eae corrue-
runt uitiumue faciunt, quarum usus fructus legatus est, ■ll

hères restituere non debet nec reficere, non magis quam


senium restituere, si is cuius usus fructus legatus est
deperisset. » J
16 A differentia : « Non, si uxori uir legauit argentum
omne quod suum esset, idcirco quae in nominibus fue-
runt legata sunt. Multum enim differt in arcane positum
sit argentum an in tabulis [debeatur]. »
17 Ex contrario autem sic : «Non debet eamulier, cui uir
bonorum suorum usum fructum legauit, cellis uina-
riis et oleariis plenis relictis, putare id ad se pertinere.
Vsus enim, non abusus, legatus est. [Ea sunt inter se
contraria.] »

14 eae— conuenerunt seel. Nizolius Hlegatumei V : legatum 0/


16 debeatur seel. Holman
17 Ea sunt — contraria seel. Hammer
9
ιν-18 TOPIQUES 72

Autrement, en effet, l’analogie conduirait à décider que,


pour des testaments d’esclaves, d’exilés, d’enfants, l’envoi
en possession devrait être possible aux termes de l’édit. »
19 Arguments tirés des antécédents, des conséquences,
des notions contradictoires. Des antécédents : « Si c’est
par la faute du mari que le divorce a eu lieu, encore que ce
soit la femme qui ait envoyé le message < de répudia­
tion > (1), il ne doit rien être retenu de la dot pour l’en-
tretien des enfants. » 20 Des conséquences. « Si une femme,
unie à un homme avec lequel elle ne pouvait contracter
un mariage légitime, a envoyé le message de répudiation,
comme les enfants de cette union ne sont pas rattachés à
leur père (2), rien ne doit être retenu de la dot <par ce
dernieo pour l’entretien des enfants ». 21 Des notions
contradictoires : « Si le chef de famille a légué à sa femme
l’usufruit des femmes esclaves, à la charge de son fils,
•I
mais non à celle de l’héritier institué en seconde ligne, si
f
le fils meurt, la femme ne perdra pas l'usufruit. En effet
on ne peut enlever malgré lui, à quelqu'un, ce qui lui a
I
Γ
été une bonne fois donné par testament. Car il est contra­
Ί
ί
dictoire qu’on ait eu le droit de recevoir, et que l’on doive
rendre malgré soi. »
r

22 Argument tiré des causes efficientes.Exemple : « Tout


le monde a le droit d’appuyer un mur perpendiculaire­
ment à un mur mitoyen, soit plein, soit voûté. Mais si,
en cas de démolition du mur mitoyen, l’on a fourni cau­
tion pour le dommage éventuel (3), on ne devra pas
réparation du dommage provenant du fait de la voûte. »
Ce n’est pas, en effet, par le fait de celui qui démolit que
le dommage s'est produit, mais par le fait de la construc­
tion, élevée de telle sorte qu’elle ne peut rester sans être
I étayée.
(1) L’époux qui veut renoncer à la vie commune signifie sa
volonté à l’autre époux parl’envoi d’unmessager (nuntius), qui
était un affranchi porteur du message de répudiation.
(2) En l’absence de mariage légitime, les enfants sont rattachés
à leur mère.
(3) Nous savons que, dans ses ouvrages, Trébatius avait traité
du damnum in/ectum.
1

72 TOPICA ιν-1β

IV 18 Ab adiunctis : « Si ea mulier testamentum fecit,


quae se capite num quam deminuit, non uideturex edicto
praetoris secundum eas tabulas possessio dari. » Adiun-
gitur enim, ut secundum seruorum, secundum exsulum,
secundum puerulorum tabulas possessio uideatur ex
edicto dari.
19 Ab antecedentibus autem et consequentibus et
repugnantibus, hoc modo. Ab antecedentibus: « Si uiri
culpa factum est diuortium.etsi mulier nuntium remisit,
tarnen pro liberis manere niliil oportet. » 20 A conse­
quentibus : « Si mulier,« cum fuisset nupta cum eo qui-
cum conubium non esset, nuntium remisit, quoniam qui
nati sunt patrem non sequuntur, pro liberis manere
nihil oportet. » 21 A repugnantibus : « Si paterfamilias
uxori ancillanim usum fructum legauit a filio neque a
secundo herede legauit,mortuo filio mulier usumfructum
non amittet. Quod enim semel testamento alicui datum
est, id ab eo inuito,cui datum est, auferri non potest. »
Répugnât enim recte accipere et inuitum reddere.
22 Ab efiicientibus causis, hoc modo : « Omnibus est
ius parietem directum ad parietem communem adiun-
gere uel solidum uel fornicatum. At si quis in pariete
communi demoliendo damni infecti promiserit, non debe-
bit praestare quod fornix uitii fecerit. » Non enim eius
uitio qui demolitus est damnum factum est, sed eius
operis uitio, quod ita aedificatum est ut suspendi non
posset.
17 Adiungltur Of : -geretur A
19 et 20 manere nihll oportet clausula villosa
21 Répugnât O : pugnat A/
22 suspendi non posset clausula vltiosa II posset O : posait A/
1►

ιν-23 TOPIQUES 73
23 Argument tiré des effets. Exemple. « Quand une
femme tombe sous la puissance légale de son mari, tout
4· ! ce qui appartenait à la femme devient la propriété du mari
à titre de dot. »
La comparaison fournit des arguments qui ont tous de
la valeur, s’ils revêtent une des formes suivantes. Qui
prouve le plus prouve le moins. « Si les fonds urbains ne
s
comportent pas d’action en bornage, à plus forte raison
ne comportent-ils pas l’action pour détourner les eaux
pluviales (1) ». Inversement qui prouve le moins prouve
le plus. On n’a qu’à renverser l’exemple précédent. De
même, ce qui est prouvé pour une chose le demeure pour
une autre chose identique. Ainsi, pour les fonds de terre,
le délai requis pour en acquérir la propriété par suite de
l’usage est de deux ans ; il en sera de même pour les mai­
sons. Mais la loi (2), objecte-t-on, ne nomme pas expres­
sément les maisons ; elles sont donc comprises dans la
catégorie des biens dont la propriété s’acquiert par un an.
<Non> , l’équité doit l’emporter, et elle veut qu’à des cas
identiques, on applique des principes juridiques identiques.
I
24 Les arguments pris en dehors de la cause valent
surtout par leur garant. Aussi les Grecs les appellent-ils
άτεχνοι, c’est-à-dire sans art (3). Tel serait, par exemple,
le cas de la réponse (4) suivante : α P. Scévola (5) a dit
que l’on doit réserver le titre de pourtour (6) d'une mai­
son juste à l’espace couvert par la projection, sur le toit
du mur mitoyen, de l’eau qui tombe du toit de Γ édi fice
protégeant ce mur mitoyen. Tu dois considérer cet avis
comme disant le droit. »

Détails sur les 3® Ie **ens de t’ex-


25 Ces lieux Φ12
lieux indiqués poser et qui servent à trouver tous les
ci-dessus. arguments,sont comme des lettres dont
je t’ai donné la signification et la valeur. Est-ce suffi­
sant ? Oui, je pense, pour un homme pénétrant et occupé

(1) (4)(5) (6) Voir à la fin du volume.


(2) La loi des XII Tables.
(3) Entendez: qui n’exigent de l’orateur aucun art.

Ά·
73 TOPICA ιν-23

Ab effectis rebus, hoc modo : « Cum mulier uiro in


23
manum conuenit, omnia quae mulieris fuerunt viri hunt
dotis nomine. »
Ex comparatione autem omnia ualent, quae sunt eius-
modi. Quod in re maiore ualet, ualeat in minore, ut,
« Si in urbe fines non reguntur, nec aqua in urbe arcea-
tur. » Item contra, quod in re minore ualet, ualeat in
maiore. Licet idem exemplum conuertere. Item quod in
re pari ualet, ualeat in hac quae par est, ut quoniam
usus auctoritas fundi biennium est, sit etiam aedium. At
in lege aedes non appellantur et sunt ceterarum rerum
quarum annuust usus. Valeat aequitas, quae paribus in
causis paria iura desiderat.
24 Quae autem adsumuntur extrinsecus, ea maxime
ex auctoritate ducuntur. Itaque Graeci talis argumen-
tationes άτέχνους uocant, id est artis expertis.Vt si ita
respondeas : Quoniam P. Scaeuola id solum esse ambitus
aedium dixerit, quantum parietis communis tegendi
causa tectum proiceretur, ex quo tecto in* eius aedis qui
protexisset, aqua deflueret, id tibi ius uideri.
25 His igitur locis, qui sint expositi, ad omne argu­
mentum reperiendum, tamquam elementis quibusdam,
significatio et demonstratio [ad reperiendum] datur.
Vtrum igitur hactenus satis est ? Tibi quidem, tarn acuto
et tarn occupato, puto. V Sed, quoniam auidum homi-

23reguntur O :-gantur/ || ualeat in minore Af : u. in re minore Ο H


In re minore ualet J. Martha : in minore u. Of || annuust nos
clausulae causa : annuus est codd.
24 quantum 0 : qua f || tecto in eius Boethivs : in tectum eius 0/
25 argumentum reperiendum 0 : argumentum / || ad reperien-
dum om. 0
ιν-25 TOPIQUES Ί4

comme tu l’es. V Cependant, comme j’ai convié à ce repas


de science un convive affamé, j’aime mieux, le recevant,
qu’il y ait des restes plutôt que de te voir partir d’ici sur
ton appétit. 28 Donc, puisque chacun des lieux que je
viens d’exposer a en quelque sorte ses membres, je les
passerai en revue avec le plus de précision possible.

Lieux inhérents : Commençons parla définition même.


1° la défini- La définition est un discours qui expli-
tioa- que en quoi consiste l’objet à définir.
On y distingue deux groupes principaux, l’un comprend
les choses qui existent réellement, l’autre celles qui n’exis­
tent que dans la pensée. 27 J’appelle existant réellement
celles que l’on peut voir ou toucher, fonds de terre, mai­
son, mur, gouttière, esclave et gros bétail, menu bétail,
meubles meublants, provislsions, etc.; de ce groupe vous
avez parfois des objets à définir. Par contre j’appelle
n’existant pas réellement celles qui ne peuvent être tou­
chées et désignées, mais peuvent être vues et comprises
par l’esprit, comme si j’avais à définir l’usucapion (1),
la tutelle, la gens (2), l’agnation (3), toutes choses qui
n'ont aucun substratum corporel, mais qui comportent
une certaine image innée, une certaine idée empreinte
< dans l’esprit > , à quoi je donne le nom de notion (4) ;
souvent, dans l’argumentation, les notions doivent être
expliquées par une définition.
28 La définition se donne par énumération ou par ana­
lyse. Par énumération, lorsque l’idée proposée est divi­
sée en ce que j’appellerai ses membres, comme si l’on
disait que le droit civil (5) est celui qui résulte des lois,
des sénatus-consultes, des choses jugées, de l'autorité
des jurisconsultes, des édits des magistrats, de la cou­
tume, de l’équité. Les définitions par analyse embrassent,
elles, toutes les espèces comprises dans le genre à définir.
(1) Mode d’acquisition de la propriété par possession prolongée.
(2) Cf. § 29 la définition des gentiles.
(3) Voir à la fin du volume.
(4) Cf. 8 31.
(5) Cf. § 9.
I
74 T0P1CA v-25

nem ad has discendi epulas recepi, sic accipiam ut reli-


quiarum sit potius aliquid quam te hinc patiar non satia-
tum discedere. 26 Quando ergo unusquisque eorum loco-
rum quos exposui sua quaedam membra habet, ea quam
subtilissime persequamur.
Et primum de ipsa definitione dicatur. Definitio est
oratio quae id quod definitur explicat quid sit. Defini-
tionum autem duo sunt genera prima, unumearum rerum
quae sunt, alterum earum quae intelleguntur. 27 Esse
ea dico quae cerni tangiue possunt, ut fundum, aedes,
parie tern, stillicidium, mancipium, pecudem, suppellec-
tilem, penus et cetera ; quo ex genere quaedam inter-
dum uobis definienda sunt. Non esse rursus ea dico quae
tangi demonstrariue non possunt, cerni tarnen animo
atque intellegi possunt, ut si ususcapionem, si tutelam,
si gentem, si agnationem definias, quarum rerum nul­
lum subest [quasi] corpus, est tarnen quaedam confor-
matio insita et impressa intellegentia, quam notionem
uoco. Ea saepe in argumentando definitione explicanda
sunt.
28 Atque etiam definitiones aliae sunt partitionum,
aliaediuisionum; partitionum, cum res ea.quae proposita
est, quasi in membra discerpitur, ut si quis ius ciuile di­
cat id esse, quod in legibus, senatus consultis.re bus iudi-
catis, iuris peritorum auctoritate, edictismagistratuum,
more, aequitate consistât ; diuisionum autem definitio

27 tanglue A : -que Of || et cetera 0 : cetera Af II quasi seel.


Proust (I intellegentia vulg. : -ae Of || explicanda sunt A : e. est/
est e. Ο
28 Iuris om. Af

1*1
V-28 TOPIQUES 75

Exemple : L’aliénation de la propriété d'une res man-


clpi (1) se fait soit par sa remise à autrui accompagnée
d’un lien de droit civil,soit par cession devant le magis­
trat, à la condition que les deux parties, de par le droit
civil, soient habilitées à se servir de ces moyens.
VI Π y a encore d’autres espèces de définition ; mais
elles n'ont point de rapport à l’objet de cet ouvrage. Il me
faut seulement indiquer la méthode à suivre pour définir.
20 Voici à ce propos ce que recommandent les anciens
maîtres (2) : énoncer d’abord les caractères que la chose
à définir présente en commun avec d’autres ; ensuite
poursuivre l’analyse jusqu’à ce qu’on arrive à un carac­
tère particulier qu'on ne peut retrouver nulle part ailleurs.
Par exemple « l’hérédité (3) est un ensemble de biens ».
Voilà un caractère commun; car il y a de nombreux genres
de biens. Ajoutons ce qui suit : « qui à la mort d’une per­
sonne est transmis à une autre personne ». La définition
n’est pas complète, car il y a beaucoup de façons, dont
peuvent nous parvenir les biens d’un mort, sans que nous
soyons héritiers. Ajoutons encore un mot : « conformé-
ment au droit ». Désormais l’idée semble sortir de ce qu’elle
présente de commun avec d’autres et la définition peut
revêtir la forme suivante : « L’hérédité est un ensemble
de biens, qui, à la mort d’une personne, est transmis à
une autre personne conformément au droit ».Ce n’est pas
encore assez. Ajoutez : « et qui n’a pas été l’objet d’un
legs par testament (4), ni conservé par suite de la pos­
session qu’on en avait (5) » et la définition est complète.
Autre exemple : < On appelle gentiles ceux qui portent
le même nom (6). » C’est insuffisant, a Qui sont issus de
parents ayant toujours été libres (7) » C’est encore insuf­
fisant. « Dont aucun des ancêtres n’a jamais vécu dans
l’esclavage ». Il manque encore quelque chose. « Qui n’ont
jamais vu leur état juridique diminué (8) ». Cela me pa­
raît suffire, car je ne vois pas que Scévola le pontife (9)
ait rien ajouté à cette définition.

(1-9) Voir les notes à la fin du volume.


15 TOP/CA v-28

formas omnes complectitur, quae sub eo genere sunt


quod definitur, hoc modo : Abalienatio est eius rei, quae
mancipi est, aut traditio alteri nexu aut in iure cessio,
inter quos ea iure ciuili fieri possunt.
VI Sunt etiam alia genera definitionum, sed ad huius
libri institutum ilia nihil pertinent ; tantum est dicen-
dum qui sit definitionis modus. 29 Sic igitur ueteres
praecipiunt. Cum sumpseris ea quae sunt ei rei quam
definire uelis cum aliis communia, usque eo persequi
dum proprium efficiatur quod nullam in aliam rem
transferri possit. Vt haec «hereditas est pecunia». Com­
mune adhuc ; multa enim genera pecuniae. Adde quod
sequitur, «quae morte alicuius ad quempiam pervenit».
Nondum est definitio; multis enim modis sine hereditate
teneri mortuorum pecuniae possunt. Vnum adde uer-
bum « iure ».lam a communitate res disiuncta uidebitur,
ut sit explicata definitio sic : « Hereditas est pecunia, quae
morte alicuiusad quempiamperuenit iure». Nondumest
satis. Adde : « nec ea aut legata testamento aut posses-
sioneretenta ». Confectum est.
Itemque [ut illud] : « Gentiles sunt qui inter se eodem
nomine sunt ». Non est satis. « Qui ab ingenuis oriundi
sunt ». Ne id quidem satis est. « Quorum maiorum nemo
seruitutem seruiuit». Abest etiam nunc. « Qui capitenon
sunt deminuti ». Hoc fortasse satis est. Nihil enim uideo
Scaeuolam pontificem ad hanc definitionem addidisse.
Atque haec ratio ualet in utroque genere definitionum,

nexu Of : nexo A || fieri possunt clausula villosa


29 transferri possit clausula uttlosa || Vt haec Of : ut hoc / II ut
Ulud seel, Friedrich
νι-28 TOPIQUES 78

Cette méthode s’applique à toutes les définitions,qu’elles


portent sur des choses qui existent réellement ou sur des
choses qui n’ont d’existence que dans notre pensée.
30 En quoi consistent les définitions par énumération
et par analyse, je l'ai exposé plus haut (1) ; mais en quoi
elles diffèrent, je dois l’exposer plus clairement. Dans
l’énumération, il y a pour ainsi dire des membres ; comme
dans le corps on distingue la tête, les épaules, les mains, les
flancs, les jambes, les pieds, etc. ; VII dans la définition
par analyse, il y a des espèces, que les Grecs appellent
είδη ; nos écrivains — du moins ceux qui traitent ces
matières — emploient le mot species (2), qui n’est pas mal
choisi, mais inutile, faute de cas pour le décliner. En effet,
même si les formes specierum et speciebus étaient latines,
je ne voudrais pas m’en servir et il faut souvent employer
ces cas ; par contre je me servirais volontiers de formis
et formarum. Or, quand deux mots rendent la même
idée, j’estime que la question de commodité dans le lan­
gage n’est pas négligeable. 31 Le genre et l’espèce se dé­
finissent de la façon suivante. Le genre est une notion
commune à plusieurs objets distincts. L’espèce est une
notion dont la marque distinctive peut être ramenée au
genre comme à son principe et en quelque sorte à sa
source. J’appelle notion ce que les Grecs nomment tan­
tôt έννοια (3), tantôt πρόληψίς. C’est la connaissance
de chaque caractère spécifique innée et connue d’a­
vance par l’esprit, mais ayant besoin d’être dévelop­
pée. Les espèces sont donc les divisions entre lesquelles
le genre se répartit, sans qu'on en omette aucune, comme
si l’on divisait le droit en loi, coutume, équité (4). Assi­
miler les espèces aux parties, c’est jeter de la confusion
dans l’art, et, aveuglé par une vague ressemblance, ne pas
distinguer avec assez de pénétration ce qu’il faut séparer.

(1) § 28.
(2) « Espèce. ·
(3) Chez les Epicuriens, notion acquise par les sens ; par exten­
sion, idée innée, notion antérieure à toute perception par les sens
ou à toute acquisition de l’esprit. Πρόληψίς, « notion, conception ».
(4) Voir à la fin du volume.
76 TOPICA vi-29

siue id quod est siue id quod intellegitur definiendum


est.
30 Partitionum [autem] et diuisionum genus quale
esset ostendimus, sed quid inter se différant planius
dicendum est. In partitione quasi membra sunt, ut cor­
poris caput, umeri, manus, latera, crura, pedes, et cete­
ra ; VIIin diuisione formae sunt.quas Graeci είδη uocant,
nostri, si qui haec forte tractant, species appellant, non
pessime id quidem, sed inutiliter ad mutandos casus in
dicendo. Nolim enim, ne si Latine quidem dici possit,
I specicrum et speciebus dicere, et saepe his casibus uten-
dum est ; at formis et formarum uelim. Cum autem utro-
que uerbo idem significetur, commoditatem in dicendo
non arbitror ncglegendam. 31 Genus et formam defi-
niunt hoc modo. Genus est notio ad pluris differentiae
pertinens ; forma est notio, cuius differentia ad caput
generis et quasi fontem referri potest. Notionem appello
quod Graeci turn έννοιαν tum πρόληψιν. Ea est insita et
animo praecepta cuiusque formae cognitio, enodatio-
nis indigens. Formae sunt* igitur eae, in quas genus sine
ullius praetermissione diiuditur, ut si quis ius in legem,
morem, aequitatem diuidat. Formas qui putat idem esse
quod partis, confondit artem, et, similitudine quadam
conturbatus, non satis acute quae sunt secernenda dis-
tinguit.
Saepe etiam definiunt et oratores et poetae per trans-
lationem uerbi ex similitudine, cum quadam suauitate.

30 autem sed. Lambin


31 animo Hammer : ante codd. || praecepta / : per- codd. || sunt
igitur A : i. s. 0 sunt /
νιι-31 TOPIQUES 77

Souvent aussi les orateurs et les poètes définissent en


partant d’une ressemblance pour passer du sens propre au
sens figuré : ce procédé n’est pas sans agrément. 32 Mais
moi je ne veux pas m’écarter, sinon contraint et forcé, des
exemples que vous pouvez me fournir, < vous les juris­
consultes > . Je dirai donc qu’Aquilius (1), mon col­
lègue et intime ami, à propos des rivages, où vous voyez
une propriété publique, interrogé par ceux que cette ques­
tion intéressait, sur ce qu’il entendait par rivages, donna
la définition suivante: « l’endroit où les flots se jouent » (2).
C’est comme si l’on voulait définir l’adolescence par « la
fleur de l’âge » et la vieillesse par « le déclin de la vie ».
En se servant de cette métaphore,il s’écartait des termes
propres à la chose et de ceux qui convenaient à sa pro­
fession. Sur ces définitions, je m’arrête. Voyons le reste.
VIII33 Dans la définition par énumération des parties,
il faut s’attacher à n’en omettre aucune. Par exemple, si
l'on voulait définir ainsi la tutelle, ce serait une preuve
d'ignorance d’en omettre une seule sorte. Au contraire,
si l’on définit de cette façon les formules de stipulation
ou d’action, ce n’est pas une faute, la matière étant
illimitée, que de faire une omission. Même observation,
pour la définition par analyse, en ce qui concerne les dé­
fauts à éviter. D’une part, le nombre des espèces qui se
rattachent à un genre est limité ; d'autre part, souvent,
les parties à distinguer sont presque illimitées, comme les
ruisseaux qui peuvent dériver d’une même source. 34 Aus­
si, dans l’art oratoire, dès qu’on a établi le genre de la
question qui se pose, toutes les espèces en découlent-elles
d'une manière précise. Mais, lorsqu’on donne des précep­
tes sur les figures de mots, de pensées, en grec σχήματα,
ce n’est pas la même chose. Le sujet, en effet, est presque
infini. L’on voit ainsi d’une autre façon la différence que
nous voulons établir entre les définitions par énumération
et par analyse. Les mots pouvaient sembler avoir presque

(1) Voir à la fin du volume.


(2) Ce sont les vagues et leur écume Jetée sur le rivage qu'il
appelle les jeux de la mer.

■· "W
77 T0P1CA vii-32

32 Sed ego a uestris exemplis, nisi necessario, non rece-


dam. Solebat igitur Aquilius.conlegaet familiaris meus,
cum de litoribus ageretur, quae omnia publica esse uul-
tis, quaerentibus eis, quos ad* id pertinebat, quid esset
litus, ita definire « qua fluctua eluderet»; hoc est quasi
qui adulescentiam florem aetatis, senectutem occasum
uitae uelit definire ; translatione utens discedebat a
uerbis propriis rerum ac suis. Quod ad definitiones atti-
net, hactenus ; relicua uideamus.
VIII 33 Partitione autem sic utendum est, nullam
ut partem relinquas, ut si partiri uelis tutelas, inscienter
facias, si ullam praetermittas. At si stipulationum aut
iudiciorum formulas partiare, non est uitiosum in re
infinita praetermittere aliquid. Quod idem in diuisione
uitiosum est. Formarum enim certus est numerus.quae
cuique generi subiciuntur ; partium distributio saepe
est infinitior, tamquam riuorum a fonte diductio.34 Ita-
que in oratoriis artibus, quaestionis genere proposito,
quot eius formae sint subiungitur absolute. At cum de
ornamentis uerborum sententiarumque praecipitur,
quae uocant σχήυ.χτα, non idem fit*.Res est enim infini-
tior ut ex hoc quoque intellegatur quid uelimus inter
partitionem et diuisionem interesse. Quamquam enim
uocabula prope idem ualere uide&antur, tarnen, quia
res differebant, nomina rerum distare uoluerunt.

32 per translatlonem Of : translatlonem A || quos ad A : ad


quos Of
33 autem Schuetz : turn Of II ullam praetermittas clausula
oitiosa H est infinitior A/ : i. e. 0
34 non idem fit nos clausulae causa : n. f. 1. Of || uldebantur
Orelll : -antur Of -entur Boethivs
f

TOPIQUES 78

la même valeur ; cependant, comme les choses étaient


différentes, on a voulu que les noms désignant les choses
ne fussent pas synonymes.
35 On tire aussi beaucoup de l’é-
I. «ymozogrie. tymologie (ηοία1ίο)φ cela consiste à
faire sortir son argumentation du sens d’un mot, ce que
les Grecs appellent ετυμολογία, c’est-à-dire, en mot à
mot, ueriloquium (1). Mais nous, fuyant un mot nou­
veau insuffisamment harmonieux, nous appliquons à
ce groupe de phénomènes le mot notatio, parce que les
mots sont le signe (nota) des choses. Aussi Aristote cm-
ploie-t-il de même en grec σύμβολον, qui correspond au
latin nota. D’ailleurs, comme la chose est claire, il faut
moins s’inquiéter du nom.
36 Donc, dans la discussion, par l’étymologie on fait
sortir beaucoup d’un mot. Supposons par exemple, que
l’on veuille définir le mot postliminium (2). Je ne parle
pas de ce que comprend le postliminium, car ce serait
une définition par énumération, qui serait la suivante :
le droit de postliminium s’applique à l'homme, au
navire, au mulet de bât, au cheval, à la jument habi­
tuée à recevoir le frein (3). Mais quand on cherche la
valeur du postliminium en lui-même, c’est à l’étymolo­
gie même que l’on s’adresse. Or notre ami Servius (4)
veut, si je ne me trompe, que post détermine seul la
valeur étymologique, liminium n’étant qu’un suffixe ;
de même, dans finilimus, legitimus, aeditimus, limus n’a
pas plus de valeur que tullium dans meditullium ,(5).
37 Au contraire Scévola, fils de Publius (6), y voit un
mot composé formé de post et de Urnen. C’est ainsi que les
choses dont nous avons perdu la propriété, lorsqu’elles
sont tombées au pouvoir de l’ennemi, ont franchi pour
ainsi dire notre seuil (Urnen). Lorsqu’ensuite (post) elles
(1) Mot à mot «véritable acception du terme ·.
(2) (4) Voir à la fin du volume.
3) La jument de selle ou de trait.

15) « Milieu, centre », mot assez rarement employé.


6) Voir p. 75, n. 9.
•5

1
78 TOPICA VIlbSB

Multa etiam ex notations sumuntur. Ea est autem,


35
cum ex ui nominis argumentum elicitur ; quam Graeci
ετυμολογίαν uocant, id est, uerbum ex uerbo, uerilo-
quium ; nos autem nouitatem uerbi non satis apti fugien-
tes, genus hoc notationem appellamus, quia sunt uerba
rerum notae. Itaque hoc idem Aristoteles σύμδολον appel-
lat, quod latine est nota. Sed cum intellcgitur quid signi-
ficetur, minus laborandum est de nomine.
36 Multa igitur in disputando notatione eliciuntur ex
uerbo ut cum quaeritur postliminium quid sit (non
dico, quae sint postlimini ; nam id caderet in partilio-
nem, quae talis est : postliminio redeunt haec, homo,
nauis, mulus clitellarius, equus, equa quae frena reci-
pere solet ; sed cum ipsius postlimini uis quaeritur et
uerbum ipsum notatur. In quo Seruius noster, ut opinor,
nihil putat esse notandum, nisi post, et liminium illud
productionem esse uerbi uult, ut in finitimo, legitimo,
aeditimo, non plus esse timum, quamin meditullio tullium.
37 Scaeuola autem, P. filius, iunctum putat esse uerbum,
ut sit in eo et post et Ihnen ; ut quae a nobis alienata, cum
ad hostem peruenerint, ex suo tamquam limine exierint,
hinc ea cum redierint post ad idem limen, postliminio
redisse uideantur. Quo genere etiam Mancini causa de­
fend! potest, postliminio redisse, deditum non esse, quo­
niam non sit receptus, nam neque dcditionem, neque
donationem sine acceptione intellegi posse.

85 hoc idem Af : hoc quidem O


36 parlitionem nos : diuisionem codd.
37 hinc ea Of : quatluor litlerarum spalium ea A
νιπ-37 TOPIQUES 79

repassent ce seuil, elles nous font retour en vertu du post­


liminium. C’est encore ainsi qu’on peut défendre la cause
de Mancinus (1) et lui appliquer le postliminium, en di­
sant que sa livraison < comme captif > n’a pas eu
d’existence légale, puisqu’elle n’a pas été acceptée. Car ’
une livraison, pas plus qu’une donation, ne peut se con­
cevoir sans une acceptation (2).
IX 38 Vient ensuite le lieu qui com-
Chosea ayant quel- prend les choses ayant quelque rapport
poLtlnP°ïtige. au Point en litigC ? comme 3e Fai
plus haut (3), on y distingue plusieurs
parties. Le premier lieu, ce sont les mots
de même parenté, ce que les Grecs appellent συζυγία ; il
offre beaucoup de ressemblance avec l'étymologie, dont
je viens de parler. Si, par exemple, nous ne consi­
dérons comme eau de pluie (4), que celle qui tombe
< directement > du ciel, nous verrions Mucius (5), ar­
guant de ce que « pluie » et « quand il pleut »sont apparen­
tés, nous dire que toute eau sujette à crue quand il pleut
peut donner lieu à l’action pour détourner les eaux plu­
viales.
39 Lorsque c’est le genre qui doit fournir un argument,
il ne sera pas nécessaire de remonter, < pour l’espèce envi-
sagée> , jusqu’au chef le plus éloigné. Souvent même il
suffit de s’arrêter en deçà, à condition que ce qui sert de
preuve soit plus général que ce que l’on veut prouver. Par
exemple, si l’on remonte au genre le plu. compréhensif,
l’eau de pluie est celle qui vient du ciel et s’accroît par la
pluie ; mais, en un genre moins éloigné, qui suffit à condi­
tionner l’exercice de l’action en détournement des eaux
pluviales, on ne considère que l’eau de pluie qui cause des
dégâts : de ce genre les espèces sont les dégâts imputables
au vice du lieu, et ceux qui sont imputables au travail
de l’hom II e. C’est dans le second cas que l’arbitre ordonne
de détourner les eaux, non dans le premier.
(1) (2) Voir à la An du volume.
(3) Voir § 11.
(4) Voir § 23.
(6) Voir p, 73, n. 5.
TOPICA ιχ-3β

IX 38 Sequitur is locus, qui constat ex eis rebus quae


quodammodo affectae sunt ad id de quo ambigitur ;
quem modo dixi in plures partes distributum. Cuius est
primus locus ea coniugatione, quam Graeci συζυγίαν
uocant, finitimus notationi, de qua modo est* dictum, ut
si aquam pluuiam earn modo intellegeremus quam imbre
conlectam uideremus, ueniret Mucius, qui, quia coniu-
gata uerba essent pluuia et pluendo, diceret omnem
aquam oportere arceri quae pluendo creuisset.
39 Cum autem a genere ducetur argumentum, non
eritnecesse id usque a capite arcessere. Saepe etiam citra
licet, dum modo supra sit, quod sumitur, quam id ad
quod sumitur ; ut aqua pluuia ultimo genere ea est quae
de caelo ueniens crescit imbri ; sed propiore, in quo quasi
ius arcendi continetur, [genus est, aqua pluuia] nocens ;
eius generis fonnae loci uitio et manu nocens, quarum
altera iubetur ab arbitro coerceri, altera non iubetur.
40 Commode etiam tractatur haec argumentatio quae
ex genere sumitur, cum ex toto partis persequare hoc
modo. Si dolus malus est, cum aliud agitur, aliud simu-
latur, enumerare licet quibus id modis fiat, deinde in
eorum aliquem id quod arguas dolo malo factum inclu-
dere. Quod genus argument! in primis firmum uideri
solet.
X 41 Similitudo sequitur, quae late patet, sed orato-
ribus et philosophie magis quam uobis. Etsi enim omnes
38 coniugatione Of ■. coniunc- A || est dictum nos clausula«
causa : d. e. Of || coniugata Of : iugata A || pluendo creuisset clau­
sula villosa
39 genus-pluuia seel. Friedrich || altera... altera Of : -rum...
-rum A
10
tX-40 TOPIQUES 80

40 On peut aussi développer avec utilité l’argumen­


tation tirée du genre, en passant en revue toutes les par­
ties. Par exemple, si le dol consiste une chose à faire
alors qu’on feint d’en faire une autre, on peut énumérer
toutes les manières dont s’accomplit le dol, puis ramener
à l’une d’elles l’acte contre lequel on dirige l’accusation
de dol. On a coutume de regarder ce genre de raison­
nement comme solide entre tous.
X 41 Vient ensuite la similitude, qui offre un vaste
champ, mais aux orateurs et aux philosophes plus
qu’à vous, < jurisconsultes > . En effet, bien que tous les
lieux doivent fournir des arguments à toutes les discus­
sions, cependant, suivant le genre de discussion, ils les
présentent tantôt plus abondants, tantôt moins nom­
breux. Il te suffira donc de connaître les différents types.
Où il faut les employer, les questions t’en avertiront
d’elles-mêmes.
42 II y a, en effet, des similitudes qui conduisent à leur
but par plusieurs rapprochements. Par exemple, si le
tuteur, si l’associé, si le mandataire, si l’acquéreur fidu­
ciaire (1) doivent observer les règles de la bonne foi (2),
le représentant en justice doit les observer également.
Ce raisonnement qui, en plusieurs étapes, conduit à son
but, s’appelle induction, en grec επαγωγή ; Socrate s’en
est beaucoup servi dans ses entretiens.
43 Un autre genre de similitude résulte d'un rappro­
chement où l’on compare une chose à une autre, un objet
d’une certaine nature à un autre de même nature. Par
exemple, si, dans une ville, il s’élève une contestation de
bornage, comme le bornage est une question rurale plu­
tôt qu’urbaine, il est impossible d’aboutir à l'arbitrage
prévu dans l’action en bornage. De même, si les eaux de
pluie causent des dégâts en ville, comme toute la question ■
est plutôt d’ordre rural, il est impossible d’aboutir à l’ar­
bitrage prévu dans l’action pour détourner les eaux de
pluie (3).
44 Dans ce même lieu des similitudes, on invoque aussi
quelquefois des exemples. C’est ainsi que Crassus (4), dans
la cause de Curius (5), fit un fréquent usage d’exemples.
(1-5) Voir à la fin du volume.

/
80 Ί OP ICA x-41

loci sunt omnium disputationum ad argumenta suppe-


ditanda, tarnen aliis disputationibus abundantius occur-
runt, aliis angustius. Itaque genera tibi nota sint ; ubi
autem his utare, quaestiones ipsae te admonebunt.
42 Sunt enim similitudines, quae ex pluribus conlatio-
nibus perueniunt quo uolunt, hoc modo. Si tutor fidem
praestare debet, si socius, si cui mandaris, si qui fidu-
ciam acceperit, debet etiam procurator. Haec ex pluri­
ribus perueniens quo uult appellatur inductio, quae
graece έ-αγωγή nominatur, qua plurimum est usus in ser-
monibus Socrates.
43 Alterum similitudinis genus conlatione sumitur,
cum una res uni, par pari comparatur,hoc modo. Quern -
admodum, si in urbe de finibus controuersia est, quia
fines magis agrorum uidentur esse quam urbis, finibus
regundis adigere arbitrumnonpossis, sic, si aqua pluuia
in urbe nocet, quoniam res tota magis agrorum est, aquae
pluuiae arcendae adigere non possis arbitrum.
44 Ex eodem similitudinis loco etiam exempla su-
muntur, ut Crassus in Curiana causa exemplis plurnnis
usus est, [qui testamento sicheredes instituissent, ut, si
filius natus esset in decern mensibus, isque mortuus prius
quam in suam tutelam uenisset.hereditatem obtinuissent]·
Quae commemoratio exemplorum ualuit, eaque uos in
respondendo uti multum soletis.
45 Ficta etiam exempla similitudinis habent uim ; sed
ea oratoria magis sunt quam uestra, quamquam uti
etiam uos soletis, sed hoc modo. Finge mancipio aliquem
42 appellatur Of : -etur A
44 qui testamento — obtinuissent seel. Friedrich
χ-44 TOPIQUES 81

La mention de ces exemples ne fut pas sans effet, et,


dans vos consultations, vous avez l'habitude d'en citer
souvent.
45 Même les exemples de similitudes imaginés de toute
pièce ont leur force. Mais ils sont du domaine des orateurs
plus que du vôtre, quoique vous ayez coutume de les e: II
ployer aussi,mais sous la forme suivante.Supposez qu'un
homme ait transféré par mancipation (1) la propriété
d’une chose qui n’est pas susceptible d'être mancipée.
La chose est-elle devenue ainsi la propriété de celui qui
l’a reçue ? ou bien l’auteur du transfert par mancipation
ne s'est-il obligé à rien à propos de cette chose ? Dans ce
genre, il est permis aux orateurs de faire parler même des
choses muettes, d’évoquer les morts des enfers, d’avancer
une chose absolument impossible pour amplifier une idée,
ce qu’on appelle < en grec > ύπερβολή , ou pour l’affai­
blir, sans parler debeaucoup d’autres choses merveilleuses.
Mais le champ qui s'ouvre aux orateurs et aux philosophes
est plus vaste. Cependant, comme je l’ai dit plus haut (2),
ces mêmes lieux fournissent des arguments pour tous les
sujets, les plus importants comme les moins importants.
XI 46 Après la similitude vient la différence, qui
est tout l’opposé de ce qui précède; mais c’est la même
opération d’esprit qui fait trouver la dissemblance et la
ressemblance. Exemple : De ce que, si l’on a une dette
envers une femme, on peut valablement l’acquitter direc­
tement entre ses mains sans l’assistance (3) de son tu­
teur, il ne s’en suit pas, lorsque la dette est contractée
envers une pupille ou un pupille, qu’on puisse l’acquit-
ter valablement de la même façon.
47 Immédiatement après vient le
leurs^genres* ^ieu *ïu^ tire son nom des contraires.
Or il y a plusieurs genres de contrai­
res. D'abord ceux qui, tout en étant très différents,
appartiennent au même genre, par exemple la sagesse
et la sottise. On dit que les idées appartiennent au
(1) (3) Voir à la fin du volume.
(2) §41.
r

81 T0P1CA x-45
F

dedisse id quod mancipio dari non potest. Num idcirco


id eius factum est qui accepit? autnum is qui mancipio
dedit ob earn rem se ulla re obligauit ? In hoc genere ora-
toribus et philosophis concessum est ut muta etiam lo-
quantur, ut mortui ab inferis excitentur, ut aliquid,
quod fieri nullo modo possit, augendae rei gratia dicatur, l

quae ίιπερδολή dicitur, *aut minuendae, multa alia mira-


bilia. Sed latior est campus illorum. Eisdem tarnen ex
locis, ut antedixi,etin maximiset in minimis quaestio-
nibus argumenta ducuntur.
XI 46 Sequitur similitudinem differentia rei, maxime
contraria superior! ; sed est eiusdem dissimile et simile
inuenire. Eius generis haec sunt. Non, quemadmodum
quod mulieri debeas, recte ipsi mulieri, sine tutore auc-
tore, soluas, ita quod aut pupillae aut pupillo debeas,
recte possis eodem modo soluere
47 Deinceps locus est qui a contrario dicitur. Contra­
riorum autem genera sunt plura, unum eorum quae in
eodem genere plurimum différant, ut sapientia et stul-
titia. Eodem autem genere dicuntur, quibus propo-
sitis occurrunt, tamquam e regione, quaedam contraria
ut celeritati tarditas, non débilitas. Ex quibus contrariis
argumenta talia exsistunt. Si stultitiam fugimus.sapien-
tiam sequamur, et bonitatem, si malitiam. Haec, quae
ex eodem genere contraria sunt, appellantur aduersa.
48 Sunt enim alia contraria, quae priuantia licet appel­
lerons Latine, Graeci appellant στερητικά. Praepositio
enim « in » priuat uerbum ea ui, quam haberet, si « in »

46 aut minuendae post quae-dicitur nos


VI aduersa 0/ : di- A
ïl

I Xl-47 TOPIQUES 82

I même genre, quand, l’une étant exprimée, une autre se


I présente immédiatement pour ainsi dire en regard, comme
I vitesse, lenteur, mais non faiblesse. De ces contraires,
I on tire des arguments comme : si nous évitons la sottise,
recherchons la sagesse, et la bonté, si nous évitons la mé­
chanceté. Ces contraires d’un même genre s’appellent
opposé^. 48 Π y a en effet d’autres contraires, que nous
pourrions appeler en latin priuantia (1), le nom grec
étant στερητικά. En effet, la présence du préfixe in
prive un mot de la valeur qu’il aurait si le préfixe in était
absent, digniias, indignilas, humaniias, inhumanitas, et
autres exemples semblables, que l'on manie comme les
contraires précédents que j’ai appelés opposés (2). 49 II
y a encore d’autres genres de contraires (3), par exemple
ceux qui impliquent une comparaison, comme double et
simple,beaucoup etpeu,long et court,plus grand et moins
grand. H y a même des contraires tout à fait marqués, que
’ l’on appelle negantia (3), άποφατικά en grec : ils expri­
ment des idées absolument opposées. Si telle chose est,
>jI telle autre n’est pas. En effet, qu’y a-t-il besoin d’exem­
ple <précis> ? Il suffit de comprendre que, lorsqu’on
1 cherche un argument, tous les contraires ne peuvent être
convenablement opposés.
„ ..
Notions voisines. Pour
50 les arguments
® tirés de l’ a-
nalogie, j ai cité un peu plus haut (4),
un exemple, montrant qu’il y avait un grand nombre
de cas analogues, qu’il aurait fallu admettre, si nous
avions établi qu’aux termes de l’édit l’envoi en posses­
sion pouvait être accordé à un héritier institué par un
testament, dont l’auteur n’avait pas la capacité de tester.
Mais ce lieu convient surtout aux causes conjecturales
qui viennent en justice, et où l’on examine ce qui est, ce
qui s’est produit, ce qui sera, ou, d’une façon générale,
ce qui peut advenir. Telle est, en effet, la forme du lieu
(1) « Privatifs, exclusifs ·.
(2) Voir § 47.
(3) « Antinomies. »
(4) § 1S.
I
I
i
’ V
d
TOPICA χι-4β

praepositum non fuisset, ut dignitas, indignitas, huma-


nitas, inhumanitas, et cetera generis eiusdem, quorum
tractatio est eadem, quae superiorum, quae aduersa dixi.
49 Nam alia quoque sunt contrariorum genera, uelut ea
quae cum aliquo conferuntur, ut duplum simplum,mul-
ta pauca, longum breue, maius minus. Sunt etiam ilia
ualde contraria, quae appellanturnegantia,ea άποφατιχά
Graeci, contraria aientibus, si hoc est,illud non est. Quid
enim opus exemplo est ? Tantum intellegatur in argu-
mento quaerendo contrariis omnibus contraria non
conuenire.
50 Ab adiunctis autem posui equidem exemplum
paulo ante,multa adiungi, quaesuscipienda essent si sta-
tuissemus ex edicto secundum eas tabulas possessionem
dari; quas is instituisset cui testament! factio nulla esset.
Sed locus hic magis ad coniecturales causas, quae uersan-
tur in iudiciis, ualet, cum quaeritur quid aut sit aut eue-
nerit aut futurum sit aut quid omnino fieri possit. Ac
loci quidem ipsius forma talis est. XII 51 Admonct au­
tem hie locus ut quaeratur quid ante rem, quid cum re,
quid post rem euenerit. « Nihil hoc ad ius, ad Ciceronem»,
mquiebat Gallus noster,si quis ad eum tale quid rettu-
lerat, ut de facto quaereretur. Tu tarnen patiere nullum
a me artis institutae locum praeteriri, ne, si nihil nisi
quod ad te pertineat scribendum putabis, nimium te
amare uideare. Est igitur magna ex parte locus hie ora-
torius, non modo non iuris consultorum, sed ne philoso-
49 uelut Of : uel A || negantia ea Of : ea στη. A Λ Graeci A* :
Graece A1 Of
50 fieri possit clausula vitiosa
51 quis ad eum quid OA : quid ad eum quis f
■ Xl-50 TOPIQUES 83

H considéré en lui-même. XII 51 Or ce lieu nous avertit de


■ chercher les circonstances qui ont précédé le fait, qui l’ont
■ accompagné, qui l’ont suivi. « Cela ne regarde pas le droit,
■ cela regarde Cicéron (1) », disait notre ami Gallus (2)
■ quand on le consultait sur une question de ce genre, qui
I portait sur les faits. Mais toi, tu me permettras de n’omet-
I tre aucun lieu qui rentre dans le sujet que je me suis pro-
I posé, car, si tu ne juges digne d’être écrit que ce qui a
■ rapport à ta profession,tu sembleras pécher par égoïsme.
H Donc ce lieu, qui se rapporte presque exclusivement aux
I discours, ne concerne pas les jurisconsultes, ni même les
H philosophes. 52 En effet, comme circonstances ayant
I précédé le fait, on examine les préparatifs, les entretiens,
I le lieu, le rendez-vons, un repa' ; l’ayant accompagné,
I le bruit de pas, l’ombre d’un corps et autres choses sem-
I blables ; l’ayant suivi, la pâleur, la rougeur, une démar-
I ehe hésitante, et les autres indices du trouble et du
I remords ; en outre, les lumières éteintes, un glaive ensan-
I glanté et tout ce qui peut faire naître les soupçons.
I■ ■>’ _
Conséquences,an- 53Vient maintenant le lieu,> rpropre r
I técédentB et aux dialecticiens, sur les conséquen-
I choses contra- Ces, jes antécédents et les choses con-
I w oires‘ tradictoires : il est tout différent aussi de
I celui des analogies. Car les analogies dont il a été question
I un peu plus haut (3) ne se présentent pas toujours, tandis
I que les conséquences seprésentent toujours. En effet j’ap-
I pelle conséquences les suites nécessaires d’une action (4).
I De même pour les antécédents et les choses contradic­
toires; en effet, tout ce qui suit une chose a nécessaire­
ment un lien avec cette chose,et tout ce qui est en contra­
diction < avec une chose > a pour caractère de n’avoir
jamais de lien avec elle. XIII Quoique ce lieu se
divise en trois parties, conséquence, antécédent, contra­
diction, pour fournir des arguments, il est simple, triple
(1) C’est-à-dire l’avocat, qui s’occupe des considérations de
fait et non de droit.
(2) Voir p. 77, note 1.
(3) Voir § 50.
(4) Nous n’avons pu rendre le rapprochement consequentla-
consequuntur.

1 d
F

phorum qui dem. 52 Ante rem enim quaeruntur quae


talia sunt, apparatus, conloquia, locus, constitutum,
conuiuium ; cum re autem, pedum crepitus [strepitus
hominum], corporum umbrae et si quid eiusmodi ;
post rem, rubor, pallor, titubatio, si qua alia signa con-
turbationis et conscientiae, praeterea restinctus ignis,
gladius cruentus, ceteraque quae suspicionem facti pos­
sunt mouere.
53 Deinceps est locus dialecticorum proprius ex conse-
quentibus et antecedentibus et repugnantibus, qui etiam
ab adiunctis longe diuersus est. Nam adiuncta, de quibus
paulo ante dictum est, non semper eueniunt ; consequen-
tia autem semper. Ea enim dico consequentia quae rem
necessario consequuntur, itemque et antecedentia et
repugnantia. Quidquid enim sequitur quamque rem, id
cohaeret cum re necessario, et quidquid répugnât, id
eiusmodi est ut numquam cohaerere possit. XIII Cum
tripertito igitur distribuatur locus hic, in consecutionem,
antecessionem, repugnantiam, reperiendi argument!
locus simplex est, tractandi triplex. Nam quid interest,
cum hoc sumpseris,pecuniamnumeratam mulieri deberi,
cui sit omne argentum legatum, utrum hoc modo con-
cludas argumentum ? « Si pecunia signata argentum est,
legata est mulieri. Est autem pecunia signata argentum.
Legata igitur est » ; an illo modo : « Si numerata pecunia
non est legata, non est numerata pecunia argentum. Est
autem numerata pecunia argentum. Legata igitur est » ;

52 crepitus strepitus Af : s. c. 0 |] strepitus hominum sect Fried-


rich ]] et si quid Of : et οτη. A || ceteraque AlOf : cetera A1
53 adiuncta Manulius : con- codd·
xm-53 TOPIQUES 84

pour les développer. Si l’on admet, par exemple, que les


deniers comptants sont dus à la femme, qui est légataire
de tout l’argent, qu’importe la forme d’argument adop­
tée ? « Si la monnaie frappée est comprise dans l’argent,
elle a été léguée à la femme. Or la monnaie est comprises
dans l’argent. Donc elle a été léguée ». Ou bien : « Si l’argent
monnayé n’a pas été légué, c’est que l’argent monnayé
n’est pas compris dans l’argent. Or l’argent monnayé est
compris dans l’argent. Donc il a été légué ». Ou bien : « On
ne peut admettre en même temps que tout ce qui est ar­
gent ait été légué et que l’argent monnayé n’ait pas été
légué. Or tout ce qui est argent a été légué ; donc l’argent
monnayé a été légué ».
54 Les dialecticiens appellent premier mode de la con­
clusion la conclusion de l'argument où, d'une première
proposition posée, s'en tire une autre liée à la première.
Le raisonnement qui nie cette proposition liée à la pre­
mière, ce qui conduit à nier également celle à laquelle elle
est liée, est appelé par eux le second mode de la conclu­
sion. Nier que des choses puissent coexister, admettre
ensuite une ou plusieurs de ces choses, de manière à re­
pousser ce qui reste, est appelé par eux le troisième mode
de conclusion. 55 De là ces conclusions bien connues que
les rhéteurs tirent des contraires et qu’ils nomment eux-
mêmes ένθυμήματα ; non que toute pensée ne puisse à
à bon droit recevoir le nom d’έv&ύμημα (1) ; mais il en
est comme pour Homère, qui, en raison de son génie su­
périeur, a vu chez les Grecs son nom devenir celui du
poète en général; de même, quoique toute pensée puisse
être appelée ενθύμημα, comme celle qui résulte de l’op­
position des contraires semble la plus subtile, elle s’est
appropriée seule le nom général. En voici des exemples :
« Craindre une des alternatives, ne pas voir dans l’autre
un sujet de crainte ICelle à qui tu ne reproches rien, tu la
condamnes, celle dont tu dis qu'elle t’a fait du bien, tu lui
fais du mal ! Ce que tu sais ne t’est pas utile ; ce que tu ne

(1) En effet, le sens propre de ένβύμημα est < ce que l’on a


dans l’esprit », donc « pensée, réflexion, etc. ».
84 TOF/CA ΧΠΓ&8

an illo modo:« Non et legatum argentum est et non est


legata numerata pecunia. Legatum autem argentum est.
Legata igitur numerata pecunia est. »
54 Appellant autem dialectic! earn conclusionem argu­
ment!, in qua, cum primum adsumpseris, consequitur id
quod adnexum est, primum conclusions modum ; cum
id quod adnexum est negaris, ut id quoque cui fuerit
adnexum negandum sit, secundus is appellatur conclu-
dendi modus ; cum autem aliqua coniuncta negaris et ex
eis unum aut plura sumpseris, ut quod relinquitur tol-
lendum sit, is tertius appellatur conclusionis modus.
55 Ex hoc ilia rhetorum sunt ex contrarias conclusa, quae
ipsi ενθυμήματα appellant ; non quod omnis sententia
proprio nomine ενθύμημα non dicatur ; sed, ut Homerus
propter excellentiam commune poetarum nomen efll-
cit apud Graecos suum, sic, cum omnis sententia
ενθύμημα dicatur, quia uidetur ea quae ex contrariis
conficiatur acutissima, sola proprie nomen commune
possedit. Eins generis haec sunt
Hoc metuere, altenim in metu non ponere t
Earn, quam nihil accusas, damnas ; bene quam meritam esse
autumas,
male mererz ? Id quod seis prodest nihil ; id, quod nescis
obest.

55 non quod omnis Of : non qui nominis A1 non quia non omnis
A* H non dicatur Of : trium literarum rasura dicatur A || Hoc me­
tuere habet Cicero adAtt. XII 51 et XIV 21, 3 II Hoc metuere
—obest Ribb.Trag.* inc. inc. 204 || Earn—obest habet Orator 166\cf.
Ribbeck Trag,* inc. inc. 200-201 ||mereri a et Oratoris A : -re
Of A el Oratoris L
xiii-55 TOPIQUES 85

sais pas t’est nuisible ». XIV 56 Ce type de raisonnement


se rencontre aussi généralement dans la méthode de dis­
cussion que vous employez lors de vos consultations ; mais
il est plus usité chez les philosophes,qui ontadopté, comme
les orateurs, cette conclusion tirée de notions contraires.
Les dialecticiens distinguent encore plusieurs modes,
fondés sur la disjonction, a C'est l’un ou l’autre. Or c'est
l’un. Donc ce n’est pas l’autre ». De même : « C’est l’un
ou l’autre. Or ce n’est pas l’un ; donc c’est l’autre ». Ces
conclusions sont péremptoires, car, dans le cas de dis­
jonction, il ne peut y avoir plus d’un des termes qui soit
vrai. 57 Les conclusions que je viens d’indiquer sont nom­
mées par les dialecticiens la première le quatrième mpde,
la seconde le cinquième. Ils ajoutent la négation de propo­
sitions conjointes. Par exemple : « Ce ne peut être à la fois
ceci et cela. Or c’est ceci. Donc ce n’est pas cela ». C’est le
sixième mode. Voici le septième : « Ce ne peut être à la
fois ceci et cela. Or ce n’est pas ceci. Donc c’est cela ». De
ces modes se tirent d'innombrables conclusions, et c’est
là presque toute la dialectique. Aussi bien même celles
que je viens d’exposer (1) ne sont-elles pas indispensa­
bles à mon objet .

58 Vient ensuite le lieu des forceseffl-


Ditîérents genres cjentes nommées causes, puis des effets
produits par les causes efficientes. J’en
ai, un peu plus haut (2), comme pour les autres lieux,
donné des exemples et des exemples tirés du droit civil,
mais leur domaine est plus vaste. XVII y a deux sortes de
causes : les unes, par leur propre action, font inévitable­
ment l’effet qui dépend d’elles ; par exemple « le feu pro­
duit la flamme » ; les autres n’ont pas le pouvoir de
produire un effet, mais sans elles l’effet ne pourrait être
produit, par exemple si l’on voulait dire que le bronze
est la cause de la statue, parce que, sans bronze, elle ne
pourrait être faite.
(1) La quatrième et les suivantes.
(2) § 22 pour efficientes causae, 23 pour effectue res.
85

XIV 5β Hoc disserendi genus attingit omnino uestras


quoque in respondendo disputationes ; sed philosopho-
rum magis, quibus est cum oratoribus ilia ex repugnan-
tibus sententiis communis conclusio [ quae a dialecticis
tertius modus a rhetoribus ενθύμημα dicitur].
Relicui dialecticorum modi plures sunt, qui ex disiunc-
tionibus constant : « Aut hoc, aut illud. Hoc autem ; non
igitur illud. » Itemque : « Aut hoc, aut illud. Non autem
hoc ; illud igitur. » Quae conclusions idcirco ratae sunt,
quod in* disiunctione plus uno uerum esse non potest.
57 Atque ex eis conclusionibus quas supra scripsi, prior
quartus,posterior quintus a dialecticis appellatur modus*.
Deinde addunt coniunctionum negantiam, sic : « Non
et hoc et illud. Hoc autem ; non igitur illud. » Hie modus
est sextus. Septimus autem : « Non et hoc et illud. Non
autem hoc ; illud igitur. »Ex eis modis conclusions innu-
merabiles nascuntur, in quo est tota fere διαλεκτική. Sed
ne hae quidem quas exposui du hanc institutionem
sunt necessariae.
58 Proximus est locus rerum efficientium, quae causae
appellantur, deinde rerum effectarum ab efficientibus
causis. Harum exempla, ut relicuorum locorum, paulo
ante posui, ei quidem ex iure ciuili ; sed haec patent
latius. XV Causarum [igitur] genera duo sunt, unum
quod ui sua id quod sub ea subiectum est certo efficit, ut
ignis accendit ; alterum, quod naturam efficiendi non
habet, sed sine quo effici non possit, ut si quis aes cau-
56 quae a—dicitur seclusi
57 appellatur modus nos clausulae causa : m. a. codd. || ad hanc
0 : ad haec Af
58 et quidem A : equidem Of || igitur seel. Orelli || ui sua A/ :
sua ui Ο II quod Af : non quod 0 || non habet e : habet A/ ha-
beat Ο II sed 0/ : et A
χν-5θ TOPIQUES

59 Parmi les causes sans lesquelles aucun effet n'est


produit, les unes sont en repos, sans action, on pourrait
dire inefficaces, comme le lieu, le temps, le bois, les outils et
autres choses du même genre. D’autres préparent l'effet
en quelque façon et apportent certaines circonstances
d’appoint, mais non de nécessité. G’est ainsi que l’amour
avait eu pour cause l’entrevue, le crime l'amour. A ce
genre de causes, qui existent de toute éternité, les stoï­
ciens rattachent le destin. De même que j’ai distingué
plusieurs genres parmi les causes sans lesquelles un effet
ne peut être produit, on peut également en distinguer
parmi les causes efficientes. Car il y en a qui produisent
directement leur effet sans concours étranger, d’autres
qui ont besoin de ce concours. Par exemple : La sagesse à
elle seule et par elle-même fait des sages ; mais fait-elle
à elle seule et par elle-même des gens heureux ; c’est une
question.
60 Aussi lorsqu’il se présente dans une discussion une
cause produisant nécessairement un certain effet, on
peut, sans hésitation, de cette cause conclure à cet effet.
XVI Mais si la cause est telle qu'elle ne produise pas né­
cessairement l'effet, la conclusion ne suit pas nécessaire­
ment. Le genre de causes qui produit nécessairement un
effet ne donne presque jamais lieu à une erreur ; le genre
de causes sans lesquelles il ne peut y avoir d’effet déroute
souvent. En effet, de ce que, sans père et mère, il ne peut
y avoir d'enfants, il ne s’ensuit pas pour cela qu'un couple
humain (1) doive nécessairement engendrer. 61 II faut
donc séparer soigneusement la cause, sans laquelle une
chose n'existe pas, de ce dont cette chose est la consé­
quence certaine. Il y a là quelque chose d’analogue à :
« Plût aux dieux que dans la forêt du Pélion... » (2)·
En effet, «si les hautes tiges des pins n'étaient tombées à
terre », le célèbre vaisseau Argo n’aurait pas été construit;
(1) Je n'ai pu rendre de la même façon parentibus dans les
deux cas.
(2) La citation complète signifie : « Plût aux dieux que, dans
la forêt du Pélion, la haute tige des pins, frappée par la hache,
ne fût pas tombée à terre, »
1
88 TOPJCA χν-ββ I
Fl
sam statuae uelit dicere, quod sine eo non possit efiici. ■
69 Huius generis causarum, sine quo non cfficitur, Ί
alia sunt quieta, nihil agentia, stolida quodammodo, ut 1
locus, tempus, materia, ferramenta et cetera generis eius- J
dem ; alia autem präecursionem quandam adhibent ad |
efficiendum, et quaedam adferunt per se adiuvantia, etsi fl
non necessaria, ut « amori congressio causam attulerat,
amor flagitio ». Ex hoc genere causarum ex aetemitate
pendentium fatum a Stoicis nectitur. Atque ut earum I
causarum sine quibus efiici non potest genera diuisi.sic
etiam efficientium diuidi possunt. Sunt enim aliae cau­
sae quae plane efiiciant nulla re adiuuante, aliae, quae
adiuuari uelint, ut sapientia eflicit sapientes sola per se ;
beatos efiiciat necne sola per sese, quaestio est. ï

60 Quare cum in disputationem incident causa effi- r


ciens aliquid necessario, sine dubitatione licebit quod (
eflicitur ab ea causa concludere. XVI Cum autem erit |
talis causa, ut in ea non sit efiiciendi nécessitas, necessa­
ria conclusio non sequitur. Atque illudquidem genus cau­
sarum quod habet uim efiiciendi necessariam errorem
afferre non fere solet, hoc autem sine quo non efiicitur
saepe conturbat. Non enim, si sine parentibus fili esse
non possunt, propterea causa fuit in parentibus gignendi
necessaria. 61 Hoc igitur sine quo non fit ab eo a quo
certe fit diligenter est separandum. Illud enim est tam-
quam : « Vtinam ne in nemore Pelio ». Nisi enim« accidis-
statuae causam 0 : c. s. A/
59 et cetera Of : cetera A H attulerat codd. dell. Boethiuc : -rit
OfA
60 in parentibus causa fuit 0 : causa f. i. p. Af
61 utinam—Pelio Ribb? Ennii Medea 205 || accidisset abiegna
I p«. -

χνι-β1 TOPIQUES 87

toutefois dans ces hautes tiges il n’y avait pas la force


efficiente nécessaire. Mais lorsque, sur le vaisseau d’Ajax
fut lancée < la foudre, pareille à un serpent de feu », le
vaisseau doit nécessairement s’embraser.
62 Π y a une autre différence entre les causes. Les unes,
sans désir de l’âme, sans acte de volonté ou de jugement,
font ce que j’appellerai leur travail ; ainsi tout ce qui est
né périra. D’autres le font sous l’action de notre volonté,
d’une agitation de l’âme, d’une disposition du caractère,
de la nature, de l’art, du hasard : volonté, comme toi,
quand tu lis ce traité;agitation de l’âme, comme si l’on
craignait ce qui sortira de la situation < politique > pré­
sente ; disposition du caractère, si l’on se met en colère
facilement et vite; nature, quand un défaut augmente de
jour en jour ; art, si l’on a des aptitudes pour la peinture ;
hasard, quand une navigation est heureuse. De ces effets,
aucun n’arrive sans cause ; d’ailleurs rien n’arrive sans
cause ; mais les causes de ce genre ne sont pas d’un effet
infaillible.
63 De toutes ces causes, les unes sont permanentes, les
autres non. La nature et l’art sont permanents, au con­
traire de toutes les autres. XVII Mais parmi celles qui ne
sont pas permanentes, les unes sont manifestes, les autres
cachées. Manifestes sont celles qui s’adressent à un désir
de notre esprit ou à notre jugement, cachées celles qui
dépendent du hasard. Quoique aucun effet ne se produise
sans cause, on réserve le nom de hasard à l’événement
produit par une cause obscure et dont l’action nous
échappe. On peut dire encore que les effets se produisent
tantôt à notre insu, tantôt par notre volonté : à notre insu
quand ils sont dus à l’action du hasard,par notre volonté,
quand ils sont dus à l'action d’un dessein réfléchi.64 Lan­
cer un trait est un acte de notre volonté, frapper quelqu’un
qu’on ne visait pas l’acte du hasard. De là cette fameuse
machine de guerre qui constitue l'armature de vos plai­
doiries : « Si le trait a échappé de sa main, plutôt qu'il
n’a été lancé ? »Dans le cas d’actions faites à notre insu
et contre toute prévision, rentrent aussi les états.d’agita-
87 TOPICA χνιβΐ

sent abiegnae ad terram trabes », Argo ilia facta non


esset. Nec tarnen fuit in his trabibus efliciendi uis neces-
saria. At cum in Aiacis nauim « crispisulcans igneum
fulmen » iniectum est, inflammatur nauis necessario.
62 Atque etiam est causarum dissimilitude, quod aliae
sunt quae sine ulla appetitione animi, sine uoluntate,
sine opinione, suum quasi opus efliciant, uelut ut omne
intereat quod ortum sit ; aliae autem aut uoluntate
efliciuntur aut perturbatione animi aut habitu aut na­
tura aut arte aut casu ; uoluntate, ut tu cum hunc
libellum legis ; perturbatione, ut si quis euentum horum
temporum timeat ; habitu, ut qui facile et cito irascitur ;
natura, ut uitium in dies crescat ; arte, ut bene pingat ;
casu, ut prospéré nauiget. Nihil horum sine causa, nec
quidquam omnino ; sed huiusmodi causae non neces-
sariae.
63 Omnium autem causarum in aliis inest constantia,
in aliis non inest. In natura et in arte constantia est, in
ceteris nulla. XVII Sed tarnen earum causarum, quae
non sunt constantes, aliae sunt perspicuae, aliae latent.
Perspicuae sunt quae appetitionem animi iudiciumque
tangunt; latent, quae subiectae sunt fortunae. Cum enim
nihil sine causa fiat, hoc ipsum est fortuna euentus qui
obscura causa et latenter eflicitur. Etiam ea quae hunt
partim sunt ignorata, partim uoluntaria,ignorata,quae
fortunaeffecta sunt, uoluntaria, quae consilio. 64[Quae
ad terram trabes ib. 206 || accidissent A: cecl- 0/1| cum in—fulmen
Ribb. trag. inc. inc. 36 || nauim Of : nauem A
62 irascitur 0 : -catur A/
63 in arte Af : arte 0 || fortuna Madoig : -nae 0/ || qui add.
Madoig || uoluntaria, quae consilio clausula oitiosa
64 Quae—uoluntaria seel. Schuetz
I

II
XVII· Μ TOPIQUES 88

tion de l'âme t tout en étant volontaires, car une répri­


mande ou un avis peuvent les calmer, ils excitent en nous
des mouvements si violents, que les actes de la volonté
semblent parfois amenés par la nécessité ou du moins
à notre insu.
66 Maintenant que tout ce lieu des causes est déve­
loppé, on voit que leur caractère différent fournit une
I era..

grande abondance d’arguments, du moins dans les grandes


causes, lorsqu’elles sont traitées par des orateurs ou des
··.

philosophes ; dans celles que vous plaidez, ils sont peut-


être moins nombreux niais plus précis. En effet les sen­
tences des juges privés (1), dont dépendent les intérêts
les plus considérables, me paraissent reposer sur la saga­
cité des jurisconsultes. Car on les volt fréquemment en
justice, on leur demande conseil et ils dirigent les procé-
i dures (2) pour le compte des patrons diligents qui ont
recours à lepr expérience. 66 C’est ainsi que, pour toutes
■" j les actions dans la formule desquelles figure la clause :
i s d’après la bonne foi», ou celle-ci encore : « ainsi qu’on
hj ; doit agir entre honnêtes gens », et surtout dans l’action
1 arbitraire (3) de restitution de la dot, où l’on trouve ces
i: ; mots : «ce qui est le plus équitable et le meilleur », les
jurisconsultes doivent être bien préparés. Ce sont eux
qui nous ont défini le dol, la bonne foi, ce qui est équitable
et bon, les obligations de l’associé envers son associé, du
gérant d’affaires envers celui dont les affaires ont été gé­
rées, les obligations réciproques du mandant et du manda­
taire, celles d’un mari envers sa femme, d’une femme en­
vers son mari. Donc, connaissant bien les lieux des causes,
non seulement les orateurs et les philosophes, mais aussi
les gens habiles dans l’art du droit pourront discuter avec
abondance sur les questions qui leur seront posées.

(1) Ce sont eux qui rendaient la sentence.


(2) V. à la fin du volume.
(3) Où le }udex privalus reçoit du magistrat des pouvoirs d’ar­
bitre.
88 TOPICA χνπ-ΙΗ

autem fortuna, uel ignorata uel uoluntaria]. Nam iacere


telum, uoluntatis est,ferire quem nolueris, fortunae. Ex
quo aries subicitur ille in uestris actionibus : « Si telum
manu fugit magis quam iecit. » Cadunt etiam in igno-
rationem atque in imprudentiam perturbationes animi,
quae quamquam sunt uoluntariae (obiurgatione enim
et admonitione deiciuntur), tarnen habent tantos motus
u t ea quae uoluntaria sunt aut necessar ia inter dum aut
certe ignorata uideantur.
65 Toto igitur loco causarum explicate, ex earum dif­
ferentia in magnis quidem causis uel oratorum, uel philo-
sophorum magna argumentorum suppetit copia ; in ues­
tris autem, si non uberior, at fortasse subtilior. Priuata
enim iudicia maximarum quidem rerum in iurisconsulto-
rum mihi uidentur esse prudentia. Nam et adsunt mul-
tum et adhibentur in consilio et patronis diligentibus ad
eorum prudentiam confugientibus hastas ministrant.
66 In omnibus igitur eis iudiciis,in quibus « ex fide bona »
est additum, ubi [uero] etiam « inter bonos bene agier »
inprimisque in arbitrio rei uxoriae, in quo est « aequius
melius », parati eis esse debent. Illi enim dolum malum,
illi fidem bonam, illi aequum bonum, illi quid socium
socio, quid eum qui negotia aliéna curasset ei cuius ea
negotia fuissent,quid eum qui mandasset eumue cui man-
datum esset alterum alteri praestare oporteret, quid ui-
rum uxori, quid uxorem uiro, tradiderunt. Licebit igitur,
diligenter cognitis argumentorum locis, non modo orato-

68 ubi etiam A : ubl uero etiam Of || argumentorum cognltis 0:


c. a. Af

'i
xvni-67 TOPIQUES 89

. XVIII 67 A ce lieu des causes se lie


Eiiets. .. . . . , ~ . j
étroitement celui des effets des cau­
ses. En effet la cause indique l’effet ; de même l’effet
révèle la cause. Ce lieu fournit ordinairement aux orateurs
et aux poètes, souvent même aux philosophes, mais à
ceux qui savent parler avec élégance et facilité, une
abondance oratoire extraordinaire, lorsqu’ils annoncent
les conséquences de chaque chose. En effet la connais­
sance des causes entraîne celle des effets.
ββ Reste le lieu de la comparaison ;
C0Ûrents geiles. J’en ai exPosé plus haut (l)le caractère
avec un exemple, comme pour tous
les autres lieux. Je dois maintenant en expliquer l’usage.
Je rappelle que l’on compare des choses qui sont dites plus
grandes, plus petites ou égales ; on y considère le nom­
bre, l’espèce, l’efficacité, et, dans certains cas, le rapport
à d’autres choses.
69 En ce qui concerne le nombre, les comparaisons
donnent la préférence à un plus grand nombre de biens
sur un moins grand nombre, à un moins grand nombre de
maux sur un plus grand nombre,à des biens plus durables
sur des biens plus passagers, à des avantages étendus dans
tous les sens sur des avantages restreints, à ceux enfin
d’où résultent un plus grand nombre d’avantages et
qu'un plus grand nombre d’hommes cherche à se procurer
en les imitant.
Pour l'espèce, les comparaisons donnent la préférence
aux avantages qui doivent être recherchés pour eux-mê­
mes sur ceux qui le sont pour une autre raison, aux avan­
tages innés et naturels sur les avantages empruntés et
étrangers, à ceux qui sont purs sur ceux qui présentent
quelque tache, à ceux qui sont agréables sur ceux qui le
sont moins, à l’honnête même sur l’utile, à l’aisé sur le
difficile, au nécessaire sur ce qui ne l’est pas, à notre bien
sur celui d’autrui, au rare sur le vulgaire, à ce dont on re­
grette la privation sur ce dont on peut aisément se passer,
à ce qui est achevé sur ce qui est ébauché, au tout sur les
(1) Voir § 23.
89 TOPICA xvu-ββ

ribus et philosophie sed iuris etiam peritis copiose de con-


sultationibus suis disputare.
XVIII 67 Coniunctus huic causarum loco locus ille est
qui efiicitur ex causis. Vt enim causa effectum indicat,
sic quod effectum est quae fuerit causa demonstrat. Hie
locus suppeditare solet oratoribus et poetis, saepe etiam
philosophis, sed eis, qui ornate et copiose loqui possunt,
mirabilem copiam dicendi, cum denuntiant quid ex qua-
que re sit futurum. Causarum enim cognitio cognitionem
euentorum facit.
68 Relicuus est comparationis locus, cuius genus et
exemplum supra positum est, ut ceterorum ; nunc expli-
canda tractatio est.Comparantur igitur eaquae autmaio-
ra aut minora aut paria dicuntur ; in quibus spectantur
haec, numerus, species, uis, quaedam etiam ad res ali-
quas affectio.
69 Numero sic comparabuntur, plura bona ut paucio-
ribus bonis anteponantur, pauciora mala malis pluribus,
diuturniora bona breuioribus, longe et late peruagata
angustis, ex quibus plura bona propagentur quaeque
plures imitentur ut faciant.
Specie autem comparantur, ut anteponantur quae
propter se expetenda sunt eis quae propter aliud, et ut
innata atque insita assumptis atque aduenticiis, integra
contaminatis, iucunda minus iucundis, honesta ipsis
etiam utilibus, procliuia laboriosis, necessaria non neces-
sariis, sua alienis, rara uulgaribus, desiderabilia eis qui­
bus facile carere possis, perfecta inchoatis, tota partibus,

69 atque aduenticiis Of : et a. A II ut faciant nos oucLBoethio :


et f. codd.
X νυι-ββ TOPIQUES 90

parties, aux choses raisonnables sur les déraisonnables,


à celles qui dépendent de la volonté sur celles qui nous sont
Imposées, aux choses inanimées sur les animées,aux choses
naturelles sur celles qui ne le sont pas, à ce qui est artis­
tique sur ce qui ne l’est pas.
70 Quant à l'efficacité, voici comment on l’envisage
dans les comparaisons : la cause efficiente l’emporte sur
celle qui ne l’est pas ; les choses complètes par elles-mêmes
sont préférables à celles qui ont besoin du concours d'au-
tres choses, celles qui sont en notre pouvoir à celles qui
sont au pouvoir des autres, celles qui sont stables à celles
qui sont mal assurées, celles qui ne peuvent nous être en­
levées à celles qui peuvent l’être.
Le rapport à certaines choses sera de la nature suivante :
les intérêts des premiers citoyens l’emportent sur ceux des
autres ; de même ceux qui sont le plus agréables, le plus
généralement approuvés, loués par tous les gens vertueux.
La comparaison fait apparaître ces intérêts comme meil­
leurs, et, par suite, comme moins bons ceux qui leur sont
contraires.
71 Quand il s'agit de choses égales, la comparaison
n'admet ni supériorité ni infériorité. : tout est sur le
même plan. Mais il y a des cas où la comparaison s’impose
justement parce qu’elles sont sur le même plan ; elle se
présente généralement sous la forme suivante : « S’il est
également digne d’éloges de prêter à ses concitoyens le
secours de ses avis et de son bras, une gloire semblable
doit être réservée à ceux qui nous donnent leurs avis et
à ceux qui nous défendent. » La première proposition est
exacte ; la seconde l’est aussi.
Maintenant les préceptes relatifs à la façon de trouver
les arguments sont absolument complets : en effet, lors­
qu’on s’est adressé à la définition, à la division, à l'éty­
mologie, aux mots apparentés, aux genres, aux espèces,
à la similitude, à la différence, aux notions contraires, à
l’analogie, aux conséquents, aux antécédents, aux notions
contradictoires, aux causes, aux effets, à la comparaison
avec supériorité, infériorité, égalité, il ne faut pas cher­
cher d’autre source d’arguments.
90 TOPICA χνιπ-60

ratione utentia rationis expertibus, uoluntaria necessa-


riis, animata inanimis, naturalia non naturalibus, arti-
ficiosa non artificiosis.
70 Vis autem in comparatione sic cernitur : efliciens
causa grauior quam non efliciens ; quae se ipsis contenta
sunt meliora quam quae egent aliis ; quae in nostra quam
quae in aliorum potestate sunt ; stabilia incertis ; quae
eripi non possunt eis quae possunt.
Adfectio autem ad res aliquas est huiusmodi : princi-
pum commoda maiora quam relicuorum ; itemque quae
iucundiora, quae pluribus probata, quae ab optimo quo-
que laudata. Atque ut haec in comparatione meliora, sic
détériora quae eis sunt contraria.
71 Parium autem comparatio nec elationem habet nec
summissionem ; est enim aequalis. Multa autem sunt
quae aequalitate ipsa comparantur ; quae ita fere con-
cluduntur : Si consilio iuuare ciues et auxilio aequa in
laude ponendum est, pari gloria debent esse ei qui consu-
lunt et ei qui defendunt. At quod primum est. Quod
sequitur igitur.
Perfecta est omnis argumentorum inueniendorum
praeceptio, ut, cum profectus sis a defmitione, a parti-
tione, a notatione, a coniugatis, a genere, a forma, a simi-
litudine, a differentia, a contrariis, ab adiunctis, a conse­
quentibus, ab antecedentibus, a repugnantibus, a causis,
ab effectis, a comparatione maiorum, minorum, parium,
nulla praeterea sedes argument! quaerenda sit.

70 ipsis Of : ipsa A
71 comparantur Of : -rentur A || et el qui defendant clausula
Oltiosa H at quod Of : et q. A atqui Boethivs

Χτ ·
xix-72 TOPIQ UES 91

XIX 72 Mais en établissant, au dé­


Lieux extrinsè­
ques. Le témoi­ but de cet ouvrage (1), la division des
gnage et ses va­ lieux, nous disions que les uns se ratta­
rié tes.
chaient étroitement au sujet en question
— et nous en avons parlé suffisamment, —que les autres
étaient pris en dehors du sujet ; nous allons parler briève­
ment de ces derniers, bien qu’ils n’aient aucun rapport
avec vos discussions. Mais traitons le sujet dans toute
son ampleur, puisque nous avons commencé. Aussi bien
n’es-tu pas homme à ne trouver de charmes qu’au droit
civil, et puisque cet ouvrage a été composé pour toi, mais
de façon à pouvoir tomber aussi en d’autres mains, appli­
quons-nous à rendre le plus de services possible à ceux
que charment les bonnes études.
73 Cette argumentation, qu’on appelle sans art (2)
repose sur le témoignage et nous appelons ici témoignage
tout ce qui est emprunté à une circonstance extérieure
pour fonder la conviction. Mais on n’attache pas de poids
à tout témoignage ; en effet, la conviction se fonde sur
l’autorité, et l’autorité résulte delà nature ou des circons­
tances. L’autorité venant de la nature est contenue sur-
tout dans la vertu ; comme circonstances interviennent
de nombreuses considérations qui donnent de l’auto­
rité, talent, richesse, âge, chance, beauté, art, expé­
rience, force inéluctable et même quelquefois concours
d’événements fortuits. En effet, les gens qui possèdent
du talent, des richesses, et qui ont pour eux la garan­
tie d’une vie longue, sont regardés comme dignes de
créance. Peut-être n’est-ce pas avec juste raison, mais on
ne saurait changer l’opinion du vulgaire et c’est elle qui
règle toujours l’opinion de ceux qui ont à donner une sen­
tence ou un avis. En effet, ceux qui se distinguent sous
un des rapports que je viens d’indiquer semblent se
distinguer par la vertu même. 74 Mais les autres circons­
tances aussi que je viens d’énumérer ont beau n’impliquer
la vertu en aucune façon ; la conviction est fortifiée quel-
(1) § 8-
(2) Voir § 24.
91
r
XIX 72 Sed quoniam ita a principio diuisimus, ut
i

alios locos diceremus in eo ipso de quo ambigitur haerere,


r
de quibus satis est dictum, alios adsumi extrinsecus, de
eis pauca dicamus, etsi ea nihil omnino ad uestras dispu-
tationes pertinent ; sed tarnen totam rem perficiamus,
quandoquidem coepimus. Neque enim tu is es quem
nihil nisi ius ciuile delectet, et quoniam ad te haec ita
scribuntur ut etiam in aliorum manus sint uentura, detur
opera ut quam plurimum eis quos recta studia delectant
prodesse possimus.
73 Haec ergo argumentatio quae dicitur artis expers,
in testimonio posita est. Testimonium autem nunc dici-
mus omne quod ab aliqua re externa sumitur ad facien-
dam fidem. Persona autem non qualiscunque est testi-
moni pondus habet ; ad fidem enim faciendam auctoritas
quaeritur ; sed auctoritatem aut natura aut tempus ad-
fert. Naturae auctoritas in virtute inest maxima ; in tem­
pore autem multa sunt quae adferant auctoritatem, inge-
nium, opes, aetas, fortuna, forma, ars, usus, nécessitas,
concursio etiam nonnumquam return fortuitarum.Nam et
ingeniöses et opulentes et aetatis spatio probatos, dignos
quibus credatur putant ; non recte fortasse, sed uulgi
opinio mutari uix potest ad eamqueomnia dirigunt et qui
indicant et qui existimant. Qui enim his rebus quas dixi
excellunt, ipsa uirtute uidentur excellere. 74 Sed relicuis
quoque rebus quas modo enumeraui, quamquam in his
nulla species uirtutis est, tarnen interdum confirmatur

72 ambigitur Of : -etur A
73 inest A : est Of || maxima A/ : me Ο II forma addidimus
auct. Boethio
xix-74 TOPIQUES

quefois, soit par l’art (car la science possède une grande


force de persuasion), soit par l’expérience (car générale­
ment on croit (1) ceux qui ont beaucoup vu).
XX La conviction est produite aussi par une force irré­
sistible, venant soit du corps soit de l’âme. En effet, le
langage tenu par ceux qu’ont épuisés les verges, la ques­
tion ou le feu (2), semble l'expression même de la vérité
d’autre part, celui qui est arraché par des passions de
l’âme, ressentiment, désir, colère, crainte, qui ont la puis­
sance d’une force irrésistible, a de l’autorité et un pouvoir
de conviction. 75 Dans le même groupe rentrent les cir­
constances qui servent quelquefois à trouver la vérité, âge
tendre, sommeil, imprudence, ivresse, folie. Car de petits
enfants ont souvent fourni des indications,n’en voyant pas
la portée; le sommeil,le vin,la folie ont souvent aussi révélé
bien des choses. Bien des gens également se sont perdus
par leur imprudence : tel a été récemment le cas de Staie-
nus (3), qui prononça des paroles écoutées à son insu
par des gens dignes de foi placés de l’autre côté d’un mur :
elles furent révélées, produites au tribunal et Staienus se
vit faire application des dispositions légales concernant
un crime capital. 76 Le concours de circonstances fortuites
consiste par exemple dans la découverte par hasard d’actes
où de paroles destinés à rester secrets. Dans ce genre
rentre aussi l’histoire bien connue de Palamède (4),
contre lequel furent relevés mille indices pouvant le faire
soupçonner de trahison ; ce genre d’apparences, la vérité
même a quelquefois peine à l’écarter. D comprend aussi
le bruit public, sorte de témoignage de la multitude.
Lorsque les témoignages fondant la conviction reposent
sur la vertu, ils sont de deux sortes : ils tirent leur force
les uns de leur propre nature, les autres d’une valeur

(1) Allusion au proverbe experto crede.


(2) Les formes de la torture autres que les verges et les brû­
lures au moyen d’un fer ardent.
(3) Personnage peu recommandable, convaincu de corruption;
dans le procès d’Opplanicus, v. pro Cluentio, 66, 68 et passim.
(4) Voir à la fin du vohim e.
92 TOPÎCA xrx-74
T
fides, si aut ars quaedam adhibetur (magna est enim uis
ad persuadendum « scientiae) aut usus (plerumque enim
creditur eis, qui experti sunt).
XX Facit etiam nécessitas fidem, quae turn a corpo-
ribus, tum ab animis nascitur. Nam et uerberibus, tor-
mentis, igni fatigati quae dicunt, ea uidetur ueritas ipsa
dicere, et quae perturbationibus animi, dolore, cupidi-
tate, iracundia, metu, quia necessitatis uim habent, afïe-
runt auctoritatem et fidem. 76 Cuius generis etiam ilia
sunt ex quibus nonnumquam uerum inuenitur, pueritia,
somnus, imprudentia, uinolentia, insania. Nam et parui
saepe indicaueruntaliquid.quoid pertineret ignari.et per
somnum, uinum, insaniam, multa saepe patefacta sunt.
Multi etiam in res odiosas imprudentes inciderunt, ut
Staieno nuper accidit, qui ea locutus est, bonis uiris sub-
auscultantibus parie te interposito, quibus patefactis in
iudiciumque prolatis, ille rei capitalis iure damnatus est.
[Huie simile quiddam de Lacedaemonio Pausania acce-
pimus.] 76 Concursio autem fortuitorum talis est, ut si
interuentum est casu, cum aut ageretur aliquid, quod
proferendum non esset, aut diceretur. Inhoc généré etiam
ilia est in Palamedem coniecta suspicionum proditionis
multitudo ; quod genus refutare interdum ueritas uix
potest. Huius etiam generis est fama uulgi, quoddam
multitudinis testimonium.
Quae autem uirtute fidem faciunt, ea bipertita sunt,
ex quibus alterum natura ualet, alterum industria. Deo-
rum enim uirtus natura excellit, hominum autem indus-

75 imprudentla Of : -tes A || Hulc—accepimus sect Friedrich*

4
xx-76 TOPIQUES 93

adventice. C’est la vertu des dieux qui est éminente par


sa nature propre, celle des hommes par une valeur ad­
ventice. 77 Voici à peu près les témoignages divins : les
paroles (1) (en effet les oracles tirent précisément leur nom
de ce qu’ils expriment les paroles des dieux),puis les choses
qui renferment pour ainsi dire une action de la divinité,
d’abord le monde même, avec tout son ordre et sa beau­
té, le vol des oiseaux dans l’air et leur chant, puis les
bruits qui se font entendre dans cet air, ses flammes (2),
les présages que sur la terre fournissent de nombreux
indices, les moyens aussi de prévoir l’avenir qu’on dé­
couvre dans les entrailles,ainsi que les nombreuses indica­
tions fournies par les images vues dans le sommeil. C’est à
ces lieux que l’on emprunte ordinairement les témoigna­
ges des dieux pour établir la conviction. 78 Pour les hom­
mes, c’est l'opinion de leur vertu qui a le plus de valeur.
Or cette opinion accorde la réputation de vertu, non seu­
lement à ceux qui possèdent la vertu, mais à ceux qui
semblent la posséder. Aussi quand elle voit des hommes
en qui elle trouve le talent, le goût du travail, la science,
des hommes à la vie sans faiblesse et sans critique, comme
Caton, Lélius, Scipion et plusieurs autres, elle les considère
comme des modèles à imiter. Et elle ne donne pas ce suf­
frage seulement à ceux qui ont obtenu les honneurs
publics et une part dans le gouvernement ; orateurs, phi­
losophes, poètes, historiens aussi voient l’autorité de
leurs paroles et de leurs écrits invoquée souvent pour
fonder la conviction.

Les lieux à e. H
XXI 79 Maintenant que nous avons
ployer varient exposétous les lieux de l'argumentation,
avec les ques­ il faut comprendre, d'abord qu’il n'y a
tions à traiter*
aucune discussion qui n'en comporte
quelqu’un, qu'il est exceptionnel que tous se rencontrent
à propos de toutes les questions à traiter, et que, suivant
les questions, tels ou tels lieux conviennent mieux.
(1) Oracula et oratio se rattachent à la même racine ; on ne
peut en français rendre le rapprochement.
(2) Il s'agit des météores.
e
93 TOPICA xx-76
Γ
tria. 77 Diuina haec fere sunt testimonia, primum ora-
tionis (oracula enim ex eo ipso appellata sunt quod inest
in his deorum oratio), deinde rerum in quitus insunt
quasi opera diuina quaedam, primum ipse mundus eius-
que omnis ordo et omatus, deinceps aerii uolatus auium
atque cantus, deinde eiusdem aeris sonitus et ardores,
multarumque rerum in terra portenta atque etiam per
exta inuenta praesensio, a dormientibus quoque multa
significata uisis. Quibus ex locis sumi interdum soient ad
fidem faciendam testimonia deorum. 78 In homine uir-
tutis opinio ualet plurimum. Opinio autem est non modo
eos uirtutem habere qui habeant, sed eos etiam qui
habere uideantur. Itaque quos ingenio, quos studio,quos
doctrina praeditos uident quorumque uitam constantem
et probatam, ut Catonis, Laeli, Scipionis aliorumque plu-
rium, rentur eos esse quales seipsi uelint. Nec solum eos
censent esse talis qui in honoribus populi reque publica
uersantur, sed et oratores et philosophes et poetas et his­
toriées ; ex quorum et dictis et scriptis saepe auctori-
tas petitur ad faciendam fidem.
XXI 79 Expositis omnibus argumentandi locis, illud
primum intellegendum est nec ullam esse disputationem
in qua non aliquis locus incurrat, nec fere omnis locos
incidere in omnem disputationem, et quibusdam quaes-
tionibus alios esse aptiores locos.
Quaestionum duo genera» alterum infinitum, defini-
tum alterum. Definitum est quod Οπόθεσιν Graeci, nos

77 in his a : his Of
79 in qua 0/ : in quam A II alterum infinitum de finitum alterum
XXi-79 TOPIQ UES 94

Parmi ces questions, on distingue deux genres, 1’un


déterminé, l’autre indéterminé. Celui qui est déterminé
est appelé par les Grecs ύπόθεσις, par nous cas spécial ;
celui qui est indéterminé est appelé par eux θέσις et
nous pouvons le nommer proposition générale (1).
60 La cause particulière porte sur des personnes, des
lieux, des époques, des actions, des circonstances déter­
minés, tous ou la plupart ; la proposition générale n’est
déterminée que sur un ou plusieurs points, mais non les
plus importants. Aussi la causeparticulièren’est-elle qu’une
partie de la proposition générale, et toute question ren­
ferme quelqu’une des circonstances qui constituent les
causes particulières, une, plusieurs ou quelquefois toutes.
81 Les questions indéterminées sont de deux sortes :
questions de théorie et questions de pratique. 82 Les
questions de théorie sont celles dont Je but est tout spé­
culatif, par exemple quand on demande si le droit dérive
de la nature ou bien d’une certaine condition des hommes
et de la convention. Comme type des questions de prati­
que nous citerôns : « Convient-il à un sage de se mêler
aux affaires publiques ? »
Les questions de théorie sont de trois genres : on cher­
che si la chose est, quelle est sa nature ou quelle est sa
qualité. On traite ces différents points, le premier par la
conjecture, le second par la définition, le troisième par la
distinction du juste et de l’injuste.
La question conjecturale se divise en quatre parties,
où Ton recherche d’abord si une chose existe, puis quelle
est son origine, en troisième lieu la cause qui l'a produite,
en quatrième lieu les changements qu’elle peut subir.
Une chose existe-t-elle ? Exemple : y a-t-il des choses
honnêtes en soi, justes en soi ; ou ces notions ne reposent-
elles que sur une opinion variable ? L’origine ? Exemple :
quand on cherche si c’est la nature ou l’instruction qui
donne la vertu. Pour la cause efficiente, on cherchera de
(1) Dans les Partitiones, Cicéron se sert de causa dans le même
sens, mais, au lieu de proposition, il emploie consultatio ; v. in­
dex des mots et locutions latines techniques.
11
94 TOPICA XXI-7B ■
Fl
causam ; infinitum, quod Οέσιν illi appellant, nos propo- J
situm possumus nominare. Ί
80 Causa certis personis, locis, temporibus, actionibus, Ί
negotiis cernitur, aut in omnibus, aut in plerisque eo- I
rum ; propositum autem aut in aliquo eorum aut in plu- jl
ribus, nec tarnen in maximis. Itaque propositi pars est Π
causa el omnis quaestio earum aliqua de re est, quibus I
causa continentur, aut una aut pluribus aut nonnum- J
quam omnibus. I
81 Quaestionum autem, quacumque de re, sunt duo
genera [sunt], unum cognitionis, altenim actionis.
82 Cognitionis sunt cae, quarum finis est scientia, ut si
quaeratur a naturane ius profectum sit an ab aliqua '
quasi conditione hominum et pactione. Actionis autem i
huiusmodi exempla sunt : « Sitne sapicntis ad rem I
publicam accedere. » I
Cognitionis quaestiones tripertitae sunt ; aut sitne aut |
quid sit aut quale sit quaeritur. Horum primum coniec-
tura, secundum definitione, tertium iuris et iniuriae dis-
tinctione explicatur.
Coniecturae ratio in quattuor partes distributa est, qua-
rum una est, cum quaeritur sitne aliquid, altera, unde
ortum sit, tertia, quae id causa eflecerit, quarta, m qua
de mutatione rei quaeritur. Sitne [necne] sic : Ecquid-
nam sit honestum, ecquid aequum re vera an haec tan-
80 Causa certis—eorum habet Quint. I. 0. 3,3, 18 || propositi
nos : - tum codrf. || causa nos : causae codd. || et nos : sed codd. ||
autem aut 0 : autem Af
81 sunt d : sint OfA || sunt sect. Friedrich || alterum actionis
clausula oitiosa
82 Sitne sic Friedrich : sitne necne sit A sit necne sit 0/ Il sic
Of : sit A H sint om. 0
T1’*« i

χχΐ-82 TOPIQUES 95

quels éléments est faite (1) l’éloquence. Pour le change­


ment, exemple : est-il possible que, par un changement
quelconque, un homme éloquent puisse devenir incapable
I de parler ?
I XXII 83 Lorsqu’on cherche quelle est la nature d’une
chose, il faut en dégager le concept, le caractère propre,
les éléments et les parties. Tout cela rentre dans la défi­
nition. On y ajoute encore le portrait, que les Grecs appel­
lent χαρακτήρ. Pour le concept, on cherche, par exemple,
si le juste est ce qui est utile au plus puissant ; pour le
caractère propre, si le chagrin affecte seulement l’homme
ou aussi les animaux. Pour la décomposition en éléments
I et aussi en parties, exemple : y a-t’il trois genres de biens ?
Portrait: qu’est-ce qu’un avare ? qu’est-ce qu’un flatteur ?
et autres sujets du même genre où l’on trace le portrait
d’après la nature et la réalité vivante.
84 Cherche-t-on la qualité d’une chose, on examine
,. < P cette chose soit en elle-même, soit par comparaison. En
elle-même : faut-il rechercher la gloire ? Par comparaison :
,, faut-il préférer la gloire aux richesses ? Quand on consi-
dère une chose en elle-même, il y a trois façons de l’envi-
.1 '|| sager : est-elle à rechercher ou à fuir ? est-elle juste ou
injuste? est-elle belle ou honteuse ? Pour la comparaison,
il y a deux modalités, l’une par ressemblance et diffé­
rence, l’autre par supériorité et infériorité. Une chose est-
elle à rechercher ou à fuir ? Exemple : faut-il rechercher
les richesses, faut-il fuir la pauvreté ? Est-elle juste ou
injuste ? Est-il juste de se venger de celui dont on a reçu
une injure ? Est-elle belle ou honteuse ? Est-il beau de
mourir pour la patrie ? 85 En ce qui touche l’autre façon(2)
< d’examiner une chose> , qui, avons-nous dit, com­
porte deux modalités, l’une procède par ressemblance et
différence : comparaison entre l’ami et le flatteur,-leroi et
le tyran ; l'autre par supériorité et infériorité, par exemple

(1) Nous n’avons pu rendre le rapprochement latin efficiens·


efflclalar. ?
(2) Par comparaison.
95 TOPICA χχι-82

tum in opinione sint. Vnde autem sit ortum, ut cum


quaeritur, natura an doctrina posait efiici uirtus. Causa r

autem efliciens sic quaeritur : Quibus rebus eloquentia


efficiatur. De conunutatione sic : Possitne eloquentia
commutatione aliqua conuerti in infantiam.
XXII 83 Cum autem quid sit quaeritur, notio expli-
canda est et proprietas et diuisio et partitio. Haec enim
sunt definition! attribute ; additur etiam descriptio,
quam Graeci χαρακτήρα uocant. Notio sic quaeritur :
Sitne id aequum quod ei qui plus potest utile est. Pro­
prietas sic : In hominemne solum cadat an etiam in
beluas aegritudo. Diuisio et eodem pacto partitio sic :
Triane genera bonorum sint. Descriptio : Qualis sit aua-
rus, qualis [sit] adsentator ceteraque eiusdem generis,
in quibus natura et uita describitur.
84 Cum autem quaeritur quale quid sit, aut simplici­
ter quaeritur aut comparate. Simpliciter : Expetendane
sit gloria? Comparate : Praeponendane sit diuitiis glo­
ria ? Simplicium tria genera sunt, de expetendo fugien-
doque, de aequo et iniquo, de honesto et turpi. Compara-
tionum autem duo, unum de eodem et alio, alterum de
maiore et minore. De expetendo et fugiendo, huius-
modi : Si expetendae diuitiae, si fugienda paupertas?
De aequo et iniquo : Aequumne sit ulcisci a quocumque
iniurium acceperis ? De honesto et turpi ·. Honestumne
sit pro patria mori ? 85 Ex altero autem genere, quod
erat bipertitum, unum est de eodem et alio, ut si quae-
ratur quid intersit inter amicum et adsentatorem, regem
83 partitio sic 0/ : partitio A || adsentator 0/ : sit a. A II et na­
tura Of : natura A
12
χχπ-85 TOPIQVSS 96

si l'on se demande : doit-on faire plus de cas de l’élo­


quence ou de la science du droit civil ? Voilà pour les
questions de théorie.
86 Restent les questions de pratique : elles se divisent
en deux genres, relatifs, l’un aux devoirs, l’autre à l’agi­
tation de l’âme qu’il faut exciter,calmer ou extirper radi­
calement. Aux devoirs, quand on cherche par exemple
s’il faut élever ses enfants. Exciter les âmes, ce serait
exhorter à la défense de la république, à l’honneur, à la
gloire ; dans ce genre rentrent les reproches, les mouve­
ments passionnés, la pathétique et ses larmes ; s’y oppose
le langage qui apaise la colère, qui dissipe la crainte, qui
réprime les transports de joie, qui efface la tristesse. Tous
ces développements appartiennent aux questions qui se
posent dans les propositions générales ; ils s’appliquent
également aux causes particulières.

Lieux propres XXIII87 Les lieux propres à chacune


aux dutéreutes des questions doivent successivement
causes. être passésen revue.Tous ceux que j'ai
énumérés conviennent bien à la plupart des questions, mais
mieux toutefois à telle ou telle, comme je l’ai dit (1).
Aux questions conjecturales conviennent surtout ceux
qui peuvent être tirés soit des causes, soit des effets, soit
des rapports nécessaires.
Pour définir < la nature d’un fait> , il faut employer
la méthode rationnelle de la définition. A ce cas se ratta­
che celui qui, nous l’avons dit (2), s’appelle la ressem­
blance et la différence, parce que c'est, en quelque sorte,
une espèce de la définition : demande-t-on, en effet, si
l’obstination et la persévérance sont une même chose,
c’est par les définitions qu’on doit en décider. 88 Les lieux
qui conviendront à une question de ce genre sont les consé­
quents, les antécédents, les notions contradictoires ; ils s’a­
joutent à ceux qui sont tirés des causes et des effets. Car si
telle chose en suit telle autre, elle n’en suit pas une troi-

(1 ) Cf. § 79.,
(2) § 84.
06' TOPICA χχ» 85

et tyrannum. Alterum de maiore et minore, ut si qua-


ratur eloquentianepluris sit an iuris ciuilis scientia. De
cognitionis quaestionibus hactenus.
8β Actionis relicuae sunt, quarum duo sunt genera,
unum ad officium,alterum ad motum animi uel gignen-
dum uel sedandum planeue tollendum. Ad officium sic,
ut cum quaeritur suscipiendine sint liberi ? Ad mouen-
dos animos cohortationes ad defendendam rem publicam,
ad laudem, ad gloriam, quo ex genere sunt quercllae,
incitationes miserationesque Debiles, rursusque oratio
cum iracundiam restinguens, tum metum eripicns, turn
exsultantem laetitiam comprimens, tum aegritudinem
abstergens. Haec cum in propositi quaestionibus genera
sint, eadem in causas transferuntur.
XXIII 87 Loci autem qui ad quasque quaestiones
accommodati sint,deinceps est uidendum. Omnes illi qui-
dem ad plerasque sunt, sed alii ad alias, ut dixi, aptiores.
Ad coniecturam igitur maxime apta quae ex causis,
quae ex effectis, quae ex coniunctis sumi possunt.
Ad definitionem autem pertinet ratio et scientia defi-
niendi. Atque huic generi finitimum est illud, quod appel-
lari de eodem et de altero diximus, quod genus forma
quaedam definitionis est. Si enim quaeratur idemne sit
pertinacia et perseuerantia, definitionibus iudicandum
est. 88 Loci autem conuenient in eius generis quaestio
nem consequentis, antecedents, repugnantis, adiunct
etiam eis, qui sumuntur ex causis et effectis Nam si

86 propositi Hammer : -tis codd.


87 sumi possunt clausula vitiosa || eodem et de A/ : eodem O
88 eis B1 : bis O hi fB1 ei el septem lilerarum rasura A
■ xxni-88 TOPIQUES 97

■ sième ; si elle précède telle autre, elle n’en précède pas


H une troisième ; si elle est en contradiction avec celle-ci,
■ elle ne l’est pas avec celle-là ; ou si cette chose-ci a telle
■ cause, celle-là en a une autre ; ou si telle cause produit tel
■ effet, telle autre cause produit un effet différent : tous ces
H lieux indifféremment permettent de trouver ce que l’on
■ cherche, < à savoir > s’il y a identité ou différence.
■ 89 A l’égard du troisième genre de questions, où l’on
■ cherche la qualité d’une chose, pour les comparaisons l’on
■ retrouve l’emploi des arguments que j’ai énumérés un
■ peu plus haut (1), en traitant le lieu de la comparaison.
H Dans le lieu où l’on se demande ce qu’il faut rechercher et
■ fuir, on invoque ce qui est relatif à l’âme, au corps, aux
■ objets extérieurs, avantages ou inconvénients. De même,
H quand l’on se demande ce qui est beau ou honteux, ce
■ sont les qualités ou les défauts de l’âme qui doivent four-
■ nir exclusivement le fond du discours. 90 Lorsque c’est
Hi p î sur le juste et l’injuste que l’on disserte, c’est aux lieux
■ communs de l’équité que l’on aura recours. Ils se divisent
■ γ i en deux groupes : droit naturel et institutions.
H naturel comprend deux parties : attribuer à chacun ce
■ il qui lui appartient et venger les offenses. Les instit
■ fondées sur l’équité se divisent en trois groupes : les pre-
■ miers résultent de la loi, les secondes des conventions,
■ les troisièmes de la coutume maintenue pendant assez
■ longtemps (2).
■ XXIV C’est assez parler de la proposition générale.
■ Nous allons traiter moins longuement de la cause parti-
■ culière, car presque toutes les règles y sont les mêmes que
■ pour la proposition générale.
■ 91 II y a trois genres de causes, judiciaire, délibératif,
H laudatif. Leur objet même indique les lieux dont on doit
■ se servir. En effet dans le genre judiciaire l’objet est le
■ droit (/us) dont il tire même son nom. Les parties du droit
■ ont été exposées à propos de l’équité (3). Dans la déli-

■ (1) § 68 sqq.
■ (2) Cf § 31, note sur les sources du droit.
■ (3) Voir § 90.

Μ· WM ill.! J ---- -- y.,|j.. . |||Ι·,||||·Μ»ΜΜΗ||


ij
97 TOPICA χχιπ-88

hanc rem ilia sequitur, hanc autem non sequitur; aut si


huic rei ilia antecedit, huic non antecedit ; aut si huic rei
répugnât, illi non répugnât ; aut, si huius rei haec, illius
alia causa est ; aut si ex alio hoc, ex alio illud efiectum
est ; ex quouis horum id de quo quaeritur, idemne an
aliud sit, inueniri potest.
89 Ad tertium genus quaestionis,in quo quale sit quae­
ritur, in comparationem ea cadunt quae paulo ante in
comparationis loco enumerata sunt. In illud autem ge­
nus, in quo de expetendo fugiendoque quaeritur, adhi-
benturea quae sunt aut animi aut corporis aut externa,
uel commoda uel incommoda. Itemque cum de honesto
turpique quaeritur, ad animi bona aut mala omnis
oratio dirigenda est. 90 Cum autem de aequo et iniquo
disseritur,aequitatis loci conligentur. Hi cemuntur biper-
tito, et natura et instituto. Natura partes habet duas,
tributionem sui cuique et ulciscendi ius. Institutio
autem aequitatis tripertita est ; una pars légitima est,
altera conueniens, tertia moris uetustate firmata.[ Atque
etiam aequitas tripertita dicitur esse,unaad superos deos,
altera ad manes, tertia ad homines pertinere. Prima
pietas, secunda sanctitas, tertia iustitia aut aequitas
nominatur. ]
XXIV De proposito satis multa : deinceps de causa
pauciora dicenda sunt ; pleraque enim sunt ei cum pro­
posito communia.
91 Tria sunt igitur genera causarum, iudici, delibe-
rationis, laudationis. Quarum fines ipsi declarant quibus
utendum locis sit. Nam iudici finis est ius, ex quo etiam

90 tributionem A/ : tuitionem O|| Atque—nominatur sed.Schuetz


91 igitur om. 0
xxrv-91 TOPIQUES 98

bération l’objet est l’utilité; les parties sont celles que


j’ai exposées un peu plus haut (1). Dans le genre laudatif
l’objet est la beauté morale dont il a également été ques­
tion (2).
82 Mais les questions déterminées ont chacune leur
arsenal de lieux qui leur appartiennent pour ainsi dire en
propre... elles se partagent en accusation et défense. On
y relève les cas suivants. L’accusateur reproche à l’accusé
un fait ? Le défenseur oppose un des trois moyens que
voici : le fait n’a pas eu lieu, ou, s'il a eu lieu, il ne mérite
pas le nom qu’on lui donne, ou il est légitime. Aussi
pourrait-on appeler la première question négative ou
conjecturale, la deuxième question de définition, la
troisième, si lourd que soit le mot, on pourrait la nommer
juridiciaire (3). XXV Les arguments propres à ces cau­
ses et tirés des lieux que nous avons passés en revue sont
:
exposés dans les préceptes de l’art oratoire.
93 La réfutation de l’accusation, qui renferme les mo­
yens de défense, s’appelle en grec στάσις ; on pourra
έί ' donc employer en latin le mot status (position) ; c’est le
terrain sur lequel se place d’abord la défense quand elle
va en venir aux mains comme pour repousser l’attaque.
Dans le genre délibératif aussi et le genre laudatif on
trouve les mêmes positions. Souvent, en effet, lorsqu’un
orateur, donnant son avis, prétend qu’une chose arrivera,
on le nie, parce que la réalisation en est absolument im­
possible ou se heurte à de très grands obstacles ; ce mode
d’argumentation implique l’état conjectural. 94 Lors­
qu'on disserte sur l’utilité, l’honnêteté, l’équité ou leurs,
contraires, on trouve aussi les états portant sur une question
de droit ou sur un mot .De même dans le genre laudatif :
car on peut nier l’existence d’un fait qui mérite d’être

(1) Voir § 84.


(2) Cicéron semble renvoyer au § 76.
(3) C'est apparemment le mot grec δικαίολογιχον , que Cicé­
ron traduit ainsi.
98 TOPICA xxrv’91
r
nomen. Iuris autem partes turn expositae.cum aequita-
tis. Deliberandi finis utilitas,cuius eae partes quae modo
expositae [rerum expetendarum].Laudationis finishones-
tas, de qua item est ante dictum.
82 Sed definitae quaestiones a suis quaeque locis quasi
propriis instruuntur ... quae in accusationem defensio-
nemque partitae ; in quibus exsistunt haec genera, ut
accusator personam arguat facti, defensor aliquid oppo-
nat de tribus, aut non esse factum, aut si sit factum, aliud
eius facti nomen esse, aut iure esse factum. Itaque aut
infitialis aut coniecturalis prima appelletur, definitiua
altera, tertia, quamuis molestum -nomen hoc sit, iuridi-
cialis uocetur. XXV Harum causarum propria argumen­
ta, ex iis sumpta locis quos exposuimus, in praeceptis
oratoriis explicata sunt.
93 Refutatio autem accusationis, in qua est depulsio
criminis, quoniam Graece στάσις dicitur, Latine appel­
letur status ; in quo primum insistit quasi ad repugnan-
dum congressa defensio. Atque in deliberationibus etiam
et laudationibus idem exsistunt status. Nam et negantur
saepe ea futura, quae ab aliquo in sententia dicta sunt
fore, si aut omnino fieri non possint aut sine summa dif-
ficultatenon possint; in qua argumentatione status con­
iecturalis exsistit. 94 Aut cum aliquid de utilitate,ho­
nestate,aequitate disseritur, deque iis rebus quae iis sunt

rerum expetendarum seel. Friedrich


92 quaeque A : quoque Of || instruuntur A : institu-O/ || Post
instruuntur aliquid excidisse docci Kayser || quae om. Of || sit fac­
tum Of : f. s. A
93 in quo—defensio habet Quint. I. 0. 3. 6, 13.
94 Aut Friedrich : at codd.
xxv-94 TOPIQUES 99

loué, ou bien soutenir qu’on ne doit pas lui donner le nom que
lui a donné celui qui le loue, ou qu’il ne mérite nullement
d’être loué, n’étant ni bien ni légitime. Tous ces genres
d'arguments, César les a employés, avec un peu trop
d'impudence, pour réfuter mon Caton (1).
95 Mais le conflit auquel donne lieu la position, et que
les Grecs nomment χρινόμενον (2), j’aime mieux, puis-
qu’aussi bien je m’adresse, à toi, l’appeler a le point
litigieux » (3). Les parties sur lesquelles repose essen­
tiellement le point litigieux, on peut les nommer parties
essentielles ; c’est en quelque sorte l’armature de la dé­
fense. car si on les supprime elle s’écroule.
Mais comme, dans la discussion des procès, il ne doit
pas y avoir d’étai plus sûr que la loi, il faut tâcher que la
loi nous prête son secours et son témoignage. Ici se pré­
sentent pour ainsi dire de nouvelles positions, qu’on ap­
pelle discussions sur le texte de la loi. 96En effet tantôt le
défendeur soutient que la loi dit non pas ce que prétend
l’adversaire, mais autre chose. C’est le cas lorsque la ré­
daction est ambiguë et semble pouvoir offrir deux sens
différents. Tantôt, à la rédaction, il oppose l’intention
du rédacteur, ce qui conduit à chercher si l’on doit atta­
cher plus d’importance aux mots ou au sens. Tantôt il
oppose à la loi une loi contraire. Tels sont les trois moyens
de discussion que l’on peut soulever à propos de tout texte
écrit (4) : ambiguïté des termes, désaccord de la rédac­
tion et de l’intention, textes contraires. XXVI On voit
déjà que non seulement les lois, mais aussi les testaments,
les stipulations et toute action reposant sur un texte écrit
peuvent soulever des discussions de ce genre. La manière

(1) Cicéron, après le suicide de Caton (46), avait publié un


éloge de Caton, lequel avait eu un grand succès. César, alors en
Espagne, chargea Hirtius de répondre, puis le Ht lui-même en deux
Anlicatones successifs.
(2) « Ce qui est à juger. »
(3) Expression toute faite de la langue juridique.
(4) 11 ne nous a pas été possible de traduire partout scriptum
de la même façon.
4

99 TOP ICA xxv-94

contrariae, incurrunt status aut iuris aut nominis. Quod


idem contingit in laudationibus ; nam aut negari potest
id factum esse quod laudetur.aut non eonomine adficient
dum quo laudator adfecerit, aut omnino non esse lau-
dabile quod non recte non iure factum sit. Quibus
omnibus generibus usus est nimis impudenter Caesar
contra Catonem meum.
95 Sed quae ex statu contentio eflicitur, earn Graeci
xp ινόμενον uocant ; mihi placet id, quoniam quidem ad
te scribo, qua de re agitur uocari. Quibus autem hoc, qua
de re agitur, continetur, haec continentia uocentur, quasi
firmamenta defensionis, quibus sublatis defensio nulla
sit.
Sed quoniam lege firmius in controuersiis disceptandis
esse nihil debet, danda est opera ut legem adiutricem et
testem adhibeamus. In qua re alii quasi status exsistunt
noui, qui appellantur legitimae disceptationes. 96 Tum
enim defenditur non id legem dicere quod aduersarius
uelit, sed aliud. Id autem contingit cum scriptum ambi-
guum est, ut duae sententiae differentes accipi possint.
Tum opponitur scripto uoluntas scriptoris, ut quaeratur
uerbane plus an sententia ualere debeant. Tum legi
lex contraria adfertur. Ista sunt tria genera, quae con-
trouersiam in omni scripto facere possunt, ambiguum,
discrepantia scripti et uoluntatis, scripta contraria.
XXVI lam hoc perspicuum est, non magis in legi­
bus quam in testamentis, in stipulationibus, in relicuis

95 uocant Of : appellant A || continentia, quasi—nulla sit habet


Quint. I. 0. 3,11,18.
96 ista OA*f : ita A1 || possunt Of : possint A
xxvi-ae TOPIQUES 100

de les traiter est développée dans d’autres ouvrages (1).


97 Ce ne sont pas seulement les plaidoyers entiers, mais
les parties d’un discours qui empruntent l’aide de ces
lieux, dont les uns sont propres à telle ou telle cause et les
autres communs à toutes. Par exemple l’exorde doit viser
à rendre les auditeurs bienveillants, dociles et attentifs,
cela par des lieux qui lui sont propres. Π en est ainsi des
narrations, afin qu'elles répondent à leur but, c’est-à dire
qu’elles soient claires, brèves, dignes de foi, vraisem?
blables, naturelles, pleines de noblesse. Ces qualités doi­
vent se trouver dans tout le discours, mais conviennent
plus spécialement à la narration. 98 La partie qui suit
la narration, la preuve, est faite de persuasion ; les lieux
les plus efficaces pour persuader ont été exposés à propos
de la façon de parler en général (2). La péroraison, entre
autres lieux spéciaux, emploie surtout l’amplification,
dont l’effet doit être d’exciter ou de calmer les âmes, et, si
elles sont déjà dans ces dispositions, le discours doit aug­
menter cette émotion ou l’affaiblir. 99 Sur la manière
d'exciter la pitié, la colère, la haine, l’envie et tous les
autres sentiments de l’âme, les règles sont exposées dans
d'autres livres que tu pourras lire avec moi quand tu le.
désireras.

Mais si j’ai compris ce que tu dési­


Conclusion.
rais, je dois avoir amplement satisfait
à tes désirs. 100 En effet, afin de ne rien omettre de
ce qui regarde toutes les manières de trouver les argu­
ments, j’ai embrassé plus de détails que tu ne le deman­
dais, et j’ai fait comme souvent ces vendeurs généreux,
qui, après s'être réservé (3), dans la vente d’une maison
ou d'un fonds de terre, tous les meubles susceptibles d’être

(1) Surtout dans le de Inventions, livre II, chap. 40-49.


(2) Cicéron semble se référer aux §§ 6-24.
(3) Pour rutis caesis, cf. page 42, n° 4. La propriété est ven­
due dans l’état où elle sera lorsque le vendeur aura repris les
objets réservés : de là l'expression receptis.
100 TOPICA XXVI-98

rebus quae ex scripto aguntur, posse controuersias eas-


dem exsistere. Horum tractationes in aliis libris expli-
cantur.
97 Nec solum p.erpetuae actiones, sed etiam partes
orationis iisdem locis adiuuantur, partim propriis, par­
tim communibus ; ut in principals, quibus ut beneuoli,
ut dociles, ut attenti sint qui audiunt, efficiendum est
propriis locis. Itemque narrationes,ut ad suos fines spec­
tent, id est ut planae sint.ut breues,ut euidentes, ut cre-
dibiles, ut moratae, ut cum dignitate. Quae quamquam
in tota oratione esse debent, magis tarnen sunt propria
narrandi. 98 Quae autem sequitur narrationem fides, ea
persuadendo quoniam efficitur, qui ad persuadendum
loci maxime ualeant, dictum est in eis in quibus de omni
ratione dicendi. Peroratio autem et alia quaedam habet
et maxime amplificationem, cuius efiectus is debet esse,
ut aut perturbentur animi aut tranquillentur, et, si ita
iam affecti ante sunt, ut augeat eorum motus aut sedet
oratio. 99 Huie generi, in quo et misericordia et iracundia
et odium et inuidia et ceterae animi adfectiones pertur-
bantur,praecepta suppeditantur aliis in libris, quod pote-
ris mecum legere, cum uoles.
Ad id autem quod te uelle senseram, cumulate satis-
factum esse debet uoluntati tuae. 100 Nam ne praete-
rirem aliquid quod ad argumentum in omni ratione
reperiendum pertineret, plura quam a te desiderata erant

97 moratae edd. veil. cf. Quint. I. 0. 4, 2,64 : moderate codd.


98 sequitur 0 : consequitur Af II aut augeat / : adaugeat A au­
geat 0
99 et iracundia / : iracundia AO || in libris A* : libris A'O/ ||
mecum legere, cum uoles clausula oitiosa
χχνί-100 TOPIQUES 101

enlevés, font cependant à l’acheteur la concession de lui


en laisser tels ou tels, qui, pour l’ornement, semblent par­
ticulièrement utiles et à leur place. De même nous, à
ce dont nous nous sentions obligés (1) de te transmet­
tre pour ainsi dire la propriété, nous avons tenu à ajouter
quelques ornements qui ne rentraient pas dans notre
stricte obligation.

(1) Ct § 4
101 TOP1CA xx vi-100
r
sum complexus fecique quod saepe liberales uenditores
soient, ut, cum aedes fundumue uendiderint, rutis caesis
receptis, concédant tarnen aliquid emptori quod or-
nandi causa apte et loco positum esse uideatur. Sic tibi
nos ad id quod quasi mancipio dare debuimus, ornamen-
ta quaedam uoluimus non débita accedere.
4

NOTES SUPPLÉMENTAIRES

Page 70.
Note II (§ 10).— Le maître et l’esclave comparaissent
devant le magistrat, assistés d’un tiers citoyen et simulent
un procès concernant l’état civil de l’esclave. Le tiers
prétend qu’il est homme libre et revendique sa liberté en
le touchant avec une baguette, vindicia. A cette revendi­
cation, le maître n’oppose aucune contradiction. Le maî­
tre et l’esclave étant d’accord, le magistrat sanctionne cet
accord en déclarant l’esclave libre (Lefas).
Note IV (§ 10). —Certaines actions de la loi ne lais­
saient pas- à l’homme revendiqué, soit comme esclave,
soit comme débiteur insolvable (iudicatus), la possibilité
de se défendre lui-même. Il fallait qu'un tiers (vindex)
consentît à jouer le rôle de défendeur au procès (Lefas).
NoteV (§ 10).— Sans doute Sex. Aelius Paetus Catus,
consul en 198, censeur en 194. Il avait publié un ou­
vrage, dont une des parties était consacrée à com­
menter la Loi des XII Tables. — Il est à peine besoin
de dire que cette étymologie d’assiduus est purement
fantaisiste.

Page 71.
NoteI(§14).—Le mariage, accompagné ou suivi de la
conventio in manum mariii, faisait entrer la femme
dans la famille de son mari, sous la puissance légale du
paterfamilias.
<
NOTES SUPPLÉMENTAIRES 103

des legs, ce qui pose la question de savoir où s'arrête


son obligation à l'égard du légataire d'un usufruit.
c

Note IV (§ 18). — La femme qui a toujours été libre


(ingenua) continue, à l’époque de Cicéron, à ne pas pou-
voir tester. Mais l'affranchie y est autorisée. D’où ce dé­
tour, imaginé pour permettre aux femmes ingénues de
tester : faire simuler une vente de la femme ingénue, sui­
vie de son affranchissement par le prétendu acheteur. Tel
est le changement d’état (capiüs deminutio), auquel Cicé­
ron fait allusion, comme condition préalable du testament
(Lefas).
Page 73.
Note I (§ 23). —On notera que l’égoût des eaux de
pluie donnait lieu à des servitudes et réglementation
différentes, suivant que cette eau provenait d’un fonds
bâti ou qu’elle courait sur le sol d’un champ avant de venir
dans un autre. C’est dans ce dernier cas seulement qu’on
donnait Yactio aquae pluviae arcendae, lorsque l’eau
était dirigée .artificiellement vers un champ par suite de
travaux exécutés sans droit et qu’on voulait obtenir la
suppression de ces travaux. Le texte de Cicéron est donc
particulièrement difficile à rendre dans une traduction
française, car nous ne disposons pas de deux termes dif­
férents pour désigner l’écoulement des eaux de pluie, sui­
vant qu’elles viennent d’un fonds bâti ou non bâti. Nous
savons d’ailleurs que Trébatius avait traité de ces ma­
tières (Lefas).
Note IV (§ 24). —Terme pris ici dans le sens techni­
que : réponse à une consultation. On sait que les res­
ponse prudenlium étaient à Rome une des sources du
droit.
Note V (§ 24). — Consul en 133. Le premier juriste
célèbre de la famille des Scévola.
Note VI (§ 24). — L’ambitus est un espace de deux
pieds et demi, selon les uns, de cinq pieds selon les autres,
que la loi des XII Tables avait prescrit de ménager entre
I

104 TOP1QVES

deux fonds urbains. Ce système fut plus tard remplacé à


Rome par celui de la mitoyenneté, d’où le problème auquel
répond Scévola (Lefas).

Page 74.
Note III (§ 27). — L’agnation comprend tous ceux
qui, descendant d'un même ancêtre par les mâles, ne
sont jamais sortis de la famille par une capilis demi­
nutio.
Page 75.
Note I (§ 28). — Les res mancipi comprennent les
esclaves et les personnes libres qui sont e loco servi » par
le fait de la mancipatio — les bêtes de somme et de trait
(le menu bétail, comme l’argent, étant pecunia) — les
fonds de terre italiques et les servitudes prédiales de ce
fonds. Mais, comme Cicéron vient de nommer les fonds,
il a pris ici mancipium dans le sens restreint et courant
d’esclave ou de bête de somme (Lefas).
Note II (§ 29). — Terme consacré pour désigner les
anciens jurisperiti qui tenaient école.
Note III (§ 29). — Le mot héritage ne rend pas
toute la condition de l’heres qui continue la personne et
les sacra du défunt.
Note IV (§ 29). — L’heres, soit testamentaire, seit
ab intestat, s’oppose en droit romain au légataire qui
n’est pas, lui, le continuateur de la personne du défunt.
Note V (§ 29). — Allusion à l’usucapion; cf. p. 74,
n. 1.
Note VI (§ 29). — Π s’agit, bien entendu, du nomen
gentil!ci um.
Note VII (§ 29). — L’ingénu s’oppose à l'affranchi.
Note VIII (§ 29). — Par perte de la liberté du droit
de cité romain ou des droits de famille.
Note IX (§ 29). — Q. Mucius Scaevola, fils de Pu-
NOTES SUPPLÉMENTAIRES

blius, distingué, parle cognomen Pontifex Maximus, de


son oncle l'augure. Edile en 104, préteur en 100, consul
en 95.

Page 76.
Note IV (§ 31). — Ressortissent à la coutume la
jurisprudence (jugements, réponses des prudents) et à
l’équité les édits des magistrats qui corrigent la rigueur
du vieux droit civil ou qui comblent des lacunes.

Page 77.
*
Note I (| 32). — C. Aquilius Gallus, préteur en 66,
juriste réputé, élève de Q. Mucius Scaevola, eut lui-
même comme élève Ser. Sulpicius Rufus,

Page 78.
Note II (§ 36). — Le Romain fait prisonnier deve­
nait esclave de son vainqueur. Mais, s’il parvenait à re­
conquérir sa liberté, l’application du postliminium lui res­
tituait, à sa rentrée dans ses foyers, la qualité d’homme
libre, comme s’il n’avait jamais cessé de l’être, et effaçait
rétrospectivement toute déchéance juridique provenant
de sa captivité. De même l’esclave, le navire et les ani­
maux dressés et de bât capturés par l’ennemi étaient ren­
dus à leur propriétaire, s’ils revenaient en la puissance
des Romains (Lefas).
Note IV (§ 36). —Ser. Sulpicius Rufus, le célèbre ju­
riste, préteur en 65, consul en 51, mort en 43.

Page 79
Note I (§38). —H s’agit de C. Hostilius Mancinus,
consul en 137. Vaincu parles Sagontins en 136, il con­
clut un traité que le sénat refusa de ratifier. En consé­
quence il fut livré parles féciaux aux ennemis, qui refu­
sèrent de le recevoir.
106 TOPIQUES

Note II (§ 38). —Allusion à ce que la donation n’est


parfaite que par l’acceptation du donataire.

Page 80.
Note I (§ 42). —La convention de fiducie, qui peut
accompagner certains modes de transfert de la pro­
priété, a pour objet d’obliger l’acquéreur à retransférer
la propriété de cet objet à l’aliénateur plus tard, après
l’échéance de certaines conditions. L’aliénation fiduciaire
peut ainsi servir à réaliser un nantissement (Lefas).
Note II (§ 42). — La bona fides s’entend ici par
opposition aux rigueurs et au formalisme du droit strict
ancien.Elle fait partie de ces règles d’équité, que le ma­
gistrat tendit à faire prévaloir, et qui, après avoir été au
début sanctionnées uniquement par son édit, finirent par
passer dans le droit civil (Lefas).
Note III (§ 43). — Cf. supra, § 23.
Note IV (§ 44). — L. Licinius Crassus, consul en 95,
censeur en 92, mort en 92, Dans la cause de Curius, il
eut pour adversaire Q. Mucius Scaevola.
Note V(§ 44).— Voici en quoi consistait le procès.
Un homme près de mourir, croyant sa femme enceinte,
avait testé en faveur de l’enfant dont la naissance était
présumée en ajoutant que, si cet enfant venait à mourir
avant d’être sorti de tutelle, l’héritage devait échoir à un
héritier substitué, Μ. Curius, tuteur désigné de l’enfant.
La femme n’ayant pas eu d’enfant, Μ. Curius revendiqua
l’héritage. Mais un certain Coponius, parent du défunt,
l’attaqua en justice, soutenant que, puisque l’enfant n’é­
tait pas né, il n'avait pas pu mourir avant d’être sorti de
tutelle, qu’ainsi l’une des clauses du testament n’avait
pas été observée, et que, par suite, le testament était nul
(J. Martha, note dans son édition du Brûlas à. l’usagedes
professeurs, § 194).
NOTES SUPPLÉMENTAIRES 107

Page 81.
Note I (§ 45). — La mancipation est le mode civil
d’aliénation des res mancipi (v. page 75, n. 1).
Note III (§ 46). — L’assistance par laquelle le tu­
teur habilite le pupille à agir valablement, par opposi­
tion à d’autres cas, où c’est le tuteur qui agit lui-même
aux lieux et place du pupille.

Page 88.
Note II (§ 65). — Les hastae continuaient à dési­
gner certaines procédures anciennes, soumises à des règles
formalistes, et qui exigeaient un guide expérimenté. La
hasta est encore,à l’époque classique, l’insigne planté de­
vant le tribunal des centumvirs, où le procès se déroule
dans la vieille forme de la legis actio (Leîas).

Page 92.
Note IV (§ 76). — Eubéen; démasqua Ulysse, qui
voulait se faire passer pour fou afin de ne pas prendre
part à la guerre de Troie. Ulysse se vengea en tramant
des machinations criminelles pour le présenter comme
traître. Palamède fut lapidé par l’armée.

s*.
1
INDEX DES MOTS GREGS <
î

Ν··Β· — Les numéros renvoient aux JJ.

αποφατικά, 49 πρόληψι 31
άτεχνοι... 24 στάσις. 93
διαλεκτική 6,57 στερητικά 48
ειοη........ 30 12,38
ενθύμημα . 55,56 σύμόολον. 35
έννοια.... 31 σχήματα. 34
επαγωγή . 42 τοπική . . 6
ετυμολογία 35 υπερβολή 45

θέσις....... 79 υπόδεσις. 79
κρινόμενον. 95

(1) Il n'y a pas de mots grecs dans les Parlltiones.

r
Sht
I

; INDEX DES NOMS PROPRES


‘ N. B. — Les numéros renvoient aux §§.

I
I

I. — PARTITIONES
■ Academia. 139. L. Opimius, 104,106.
■ Athenienses, 116. Rhoclii, 116.
■ Caepio, v. Servilius Roma, 1.
■ Cicero, o. Tullius. Romanns, 105.
■ P. Decius, 104, 106. C. Sempronius Gracchus, 104
■ Gracchus, v. Sempronius. Q. Servilius Caepio, 105.
■ C. Junius Norbanus, 104. Μ. Tullius Cicero, filius, 1, 140.
■ Norbanus, v. Junius.
■ '' r E II. --- TOPICA
H L'Aelius. 10. C. Laelius, 78.
H '-μ : ’ C. Aquilius Gallus, 32, 51. L. Licinjus Crassus, 44.
■ Aristoteles 1, 2, 6, 7, 35.
■ 'j ( Aristotclius, 3.Mancinus, p. Helvius.
P. Mucius Scaeuola, 24.
■ Caesar, v. Julius. Q. Mucius Scaeuola Pontifex,
■ Cato, p. Porcius 29, 37, 38.
■ Cato, 94.
■ Cicero, p. Tullius. Palamedes, 76.
■ P. Cornelius Scipio Aemilianus Pausanias, 75.
■ Africanus, 78. Μ. Porcius Cato, 78.
■ Crassus, p. Liclnius.
■ Curiana (causa), 44. Scaeuola, p. Mucius.
Scipio, p. Cornelius.
■ Fabia, 14. Socrates, 42.
■ Gallus, p. Aquilius. Staienus, 75.
■ Graeci, 48, 49. Ser. Sulpicius Rufus, 36.
■ Graecia, 5.
Topica, 1.
■ C. Helvius Manci nus, 37. C. Trebatius Testa, 1,
■ Homerus, 55. Μ. Tullius Cicero, 52.
Tusculanum, 1.
■ C. Julius Caesar, 94.
Velia, 5.
H Lacedaemonius, 75.
/ «■
JH;t
/

A
J

λ
I

INDEX DES MOTS ET LOCUTIONS


LATINES TECHNIQUES
N. B. — 1° Quand les mots sont employés à la fois dans leur sens cou­
rant et dans un sens technique, ils ne figurent ici que pour Ici para·
graphes où ils ont leur signification spéciale»
2· Les numéros renvoient aux

PARTITIONES

abhorrentia : uerba nonabhor- ars : sine arte argumenta, 6, 48.


rentia ab ipsa actione atque ascendere a nünoribus ad ma-
imitatione rerum 20 ; — ab tora, 12 ; — gradatlm ah hu-
usu 53. milioribus ad supcriora, 54.
abuti (uerbis), 17. asper, 21.
accusator, 14, 59, 110, 121.
acriter, 14. breuis, de rebus, 19.
actio, 3, 20, 25, 54 ; actionis breuitas, 19, 32.
quaestio, 62,63, 67.
actor, 110. causa = ratio efficiendi, 7, 55,
addita (ad nomen uerba). 17. 93, 94, HO, 112 ; = quaestlo
adiuncta (ad nomen uerba), 20. deflnlta, 4, 9, 10, 61, 63, 69,
adiunctio (uerborum), 16. 127,131 ; v. conflciens el efll-
adsumpta (uerba), 23. ciens.
aequalitas (uerborum), 21. circuitus, 23.
aequitas, 104. circurnscripta conïunctio, 21 ;
ambiguë, 51. 107,132. — constructio uerborum, 72.
ambiguitas, 19, 108. circumscriptio, 19.
ambiguum, 132, 137, 138, 139. cognitionis (quaestlo), 62, 64,
ampliflcare, 52, 56, 67,128,134 66.
135. cognominata (uerba), 53.
ampliflcatio, 27, 30, 52, 53, 55, cohortarl, 91.
57. cohortationes, 58.
aptus (uerborum modus), 72. collocare, 3, 9, 11, 12, 15, 16,
arguere, 104. 68.
argumentari, 46, 47, 111, 124, collocatio, 9.
139. colloquia personarum, 32.
argumentatio, 27, 44, 45, 46, commouere, 27.
47, 71, 98, 109, 122,139. complere (uerbis), 18.
argumentum, 5, 7, 8,14, 34, 38, comptum (dicend. genus), 19,
39, 45, 46, 49, 109, 116, 117, communia, 41.
118,121,122,139. commutatio (uerborum) ,23, 24,

•Î *
112 INDEX DES MOTS ET LOCUTIONS LATINES

concisio, 19. dicere (alia dici,alla existimari),


conclusa (circumscriptio), 19* 22.
concursus, 21- dictio, 71.
conflciens (causa), 93, 94. diducitur uerbum in plura uer
confirmare, 27,33,46,47,52- ba, 23.
conflrmatio, 4, 27, 33, 44, 134. dlgredi, 14,128.
conicctura, 33, 34, 51,102,104, dîgressio, 15.
107, 110,111, 118, 123. disiunctus (concursus), 21.
coniuncta, 7 ; — uerba, 16, 19, dllatare orationem ex uerbo,
24. 23.
conîunctio, 21, 23 ; — uerbo- diiuride, 19, 31, 32, 45.
mm, 16, 18, 53. dilucidus, de rebus, 19, 20, 25,
consecutio uerborum, 18. 29.
consentanea, 7. directe dicere, 24.
consequens, 18 ; conséquentes diriguntur circuitus, 23.
res, 55 ; consequentia, 41, 55, disceptare, 28, 104, 108, 129.
82, 114, 120, 126, 127. dlsceptatio, 43, 104, 105, 106,
constructio uerborum, 21, 72 108, 109, 132.
consuetudo sermohis, 17. disceptator, 28.
consultatio, 4, 64, 67, 106. disponere, 68.
contentio, 7, 124. disposita (uerba), 19.
continentia, 103 • h·· (uerba), disputare, 47, 65, 66, 67, 78, 79,
53.
81, 139.
disputatio, 43, 44, 75, 115, 118.
contractio 23 ; — oratlonis, 19. dissimiles (res), 55.
(
contrahere (orationem in uer- dissolutiones, 21.
bum), 23. dissuadere, 95.
ί contraria, 127 ; contrariae cau­ dissuasor, 83, 85.
sae, 126 ; — leges, 138 ; — dissuasio, 85.
res, 55 ; contrarium, 7, 126. distlnguere inacquali uarietate
conuersa atque mutata (oratio), 12.
23 ; y. uersum. distributio, 7, 33.
conuertere, 24. diuidere, 139.
copiose, 139. docere, 4, 27.
cursus orationis, 27. doctrina docendi, 3.
duplicata (uerba). 21,’54.
declinatio, 52.
deflnlre, 41, 139. elegantia, 21.
deflnita (quaestio), 4, 9. eloquentia, 79.
definitio, 7,33, 41, 55,102,104, eloqui, 3, 24.
107,123. enucleare, 57,
delabi a maioribus ad minora, enumeratio, 41, 52, 58, 59, 60,
12. 122.
deliberare, 83. euentus (causarum), 7/32, 38,
deliberatlo, 10, 13, 69, 70. 82, 110, 113, 121.
deprauatio uerbl, 127. exempla, 44, 51, 55, 58.
descriptio, 10, 41, 43, 65. exomatio, 10, 11, 12, 69.
dlalectici, 139. explanata (oratio), 54.
PARTITIONES ORATOR IÆ 113

explicatio, 41, 45. intermissio, 19.


expolitum (genus orationis), 19. inuenlre, 3, 5, 9,16, 68,82,109.
inuertere : inuertitur ordo, 24.
fabula, 40« iterata uerba 21,54.
factum (uerbum), 23, 53, 72. iucundltas, 21. <
fictae personae loquuntur, 55. iudicium, 10, 11, 14, 43, 58, 69,
fides, 8, 9,13, 15, 44, 45, 46, 55, 70, 98.
68 ; fi dem conciliare 53, cons- iuncta uerba, 53.
tituere 31, facere, 5, 9, 27, lurata, 6.
33, 40, 71, 118.
firmamentum, 103, 104, 107. late, 139.
fusum (eloquendi genus), 16. latine, 2.
latinus, 3, 18.
geminata (uerba), 21, 72. latus, 4.
genus, 41 ; — dicendi 21 ; — laudatio, 10, 70, 93.
eloquendi, 16. laudator, 59.
gestus, 54. legitimus, 43.
graece, 2. leuia argumenta, 8 ; — uerba,
gradatim (quae — ascendunt 17, 21.
ab humiùoribus ad superiora) litteratura, 26.
54. locus, 5, 8, 9, 26, 34, 45, 51, 55,
grandis, 17, 58. 58, 61, 68, 74, 82, 95, 96, 98,
grants, de rebus, 19, 53, 54, 76. 109, 110, 115, 116, 120, 139.
grauitas (uerborum), 20. longitudo (orationis), 19.
grauiter, 15. lumina, 19.
hlans (concursus), 16. memoria, 3, 26.
minnere, 2.
illustrare, 53. miseratio, 122.
illustris,de rebus, 19, 20, 25. modlficata uerba, 17.
imagines, 26. modus uerberum, 72.
imitatio rerun 20 ; — uitae, mores = ήθη, 22.
16. motus — πάθο;,3, 5, 8, 13, 27,
immutare uerba, 17. 46.
immutatio uerborum, 19. muta loquuntur, 55.
incitare animos, 14. mutatus, ». conuersus el uersus.
inconstante^ 51.
incredibiliter, 51. narrate, 13, 32, 121.
infinite disceptatio 106 ; — narratio, 4, 13, 15, 27, 29, 31,
quaestio, 4, 9. 32, 34, 121.
inflexa uerba, 17. natiua (uerba), 16.
inflexio sermonis, 22; — uerbo­ nitida (uerba), 17.
rum, 19. notae : lïtterarum 26 ; — pro-
informatio uerbi, 102. priae rerum, 34, 40.
initia, 27. notatae disceptationes certis
insignia, 72. personis et temporibus, 106.
insitus, 5, 6, 7. noua uerba, 17.
intercise atque permlxte dîci- numeri, 18, 80.
tur idem, 16. numerose, 72.
114 INDEX DES MOTS ET LOCUTIONS LATINES

oratio, 3,4,8,13,14,16, 18,19, relata (uerba), 54 ; — ad idem


20,22, 23, 25, 27, 52, 54, 61, uerba, 21,
67, 72, 97, 131. remoti (loci), 6.
oratorius, 139. remonentur adsumpta uerba,
obscurare uerba, 17. 23.
obscurus, de rebus, 19, 22. reperta (uerba), 16.
omamenta, 73 ; — sententia- reprendere, 27, 33, 44, 52.
rum, 47. reprensio, 33, 44, 120.
omare : uerba, 17 ; — mirabi- resistere, 104,
lius quam sermonis consue- reus, 14, 15.
tudo patitur, 17. reuocatur definitio ad unum
ornata (oratio), 72, uerbum, 23.
pana paribus referuntur, 72 ; scriptum = ρητόν, 108, 132,
— respondent, 21. 133, 137, 138.
partiri, 139. sententia = otavoia, 108, 132
partitiones, 139. 133,136,137,138.
permixte, υ. intercise. sîgniflcantia idem uerba, 20, 23.
perorare, 14, 30, 52, 128, 135. similia, 126, 127 ; — similibus
peroratio, 4, 14, 15, 27, 52, 96, referuntur, 72.
122. similitudines, 55.
personae fictae, 55. similitndo uerborum, 16, 21.
petitor, 110. simplicia uerba, 16, 18,19, 23.
plenum (uerbum), 53. singula uerba, 53.
praecurrentia, 7. soluta uerba, 53,
prlmordla, 7. sonans uerbum, 17, 21, 53.
prlncipia, 13, 15, 28, 30, 70, 97, status = στάσις, 102.
121 ; — um, 4. suadere, 90, 91.
prlsca (uerba), 17. suasio, 11,13, 85, 95, 98,110.
probablliter, 31, 32. suasor, 59, 83, 85.
pronüssa, 6. suauis, de rebus, 19, 21, 22, 25,
proponere, 97. 32.
propositum : Οεσι;, 9, 61, 62, suauitas, 22, 31, 72.
63. subtiliter, 139.
proprietas, 41. superlata uerba, 20, 53.
proprium, 41 ; — uerbum, 17, sursum :quasi s. uersum retro­
19, 23- que dicitur idem, 24.
pugnantes inter sese res, 55.
pugnantia inter se, 6. testimonia, 6.
tollere uerba, 17.
quaesita, 6. tractatio uerborum, 16.
quaestio : 4, 5, 8, 9, transferre uerba, 17.
61, 64 ; = disceptatio, 104. translata uerba, 20, 53, 72.
ratio : ποιότης, 33 ; = 102, über, 79.
103, 104, 106 ; — aequi et uehementer, 14,135.
boni, 130 ; —dicendl, 1, uerisimile, 34, 40.
redarguere, 33. uersum atque mutatnm clo-
redundare, 18> quendi genus, 16*
4

PARTITIONES ORATORIÆ, TOPICA 115


uetusta uerba, 72. uox, 3.
uis oratoria, 81 ; — oratoris, 3, usitata uerba, 19.
27. uulgata uerba, 53.
uocabula rerum, 17. uultus, 3, 54.

«
iJ
II TOPICA

actionis (quaestio), 81, 82, 86. coniugata, 11, 12, 38, 71.
adfectae : res quae quodammo- coniugatlo, 12, 38.
do — sunt ad id de quo quae­ coniuncta, 54, 87.
ritur, 8,11, de quo ambigitur coniunctiones, 57.
38. copia dicendi, 3, 67.
adiuncta, 11, 18, 50, 53, 54, 71, copiose, 67.
88. consecutio, 53.
aduersa, 47, 48. consequents, 11, 19, 20, 53, 71.
agitur (qua de re), 95. contents, 95.
ambiguum (scriptum), 96. continentia, 95.
amplificatio, 98. contraria» 48, 49, 55, 71 ζ con-
antecedentia, 11, 19, 53, 71, 88. trarium, 11, 17, 47.
antecessio, 53. controuersia, 95, 96.
argumentai!, 27, 79. credibllis, 97.
argunientatio, 40, 73, 93.
argumentum, 2, 7, 8, 9, 10, 11, deflnire, 29, 31, 32, 87.
12, 25, 35, 39 40, 41, 45, 47, definitio, 9, 26, 27, 28, 29, 32,
49, 53, 54, 65, 71, 92, 100. 71,82, 83, 87.
artis expers argumentatio, 73, deflnitiua quaestio, 92.
augere, 15. deflnitum quaestionis genus,79.
deliberate, 91.
breuis, 97. delibcratio, 91, 93.
depulsio, 93.
causa=ratio efficiendi, 11,22, describitur natura et ulta, 83.
58, 59, 60, 61, 62, 63, 65, 67, descriptio, 9.
70, 71, 87, 88 ύπόΟεσις dialectice (nom), 10.
79, 80, 86, 90 ; d. efficientes, dialectic!, 53, 54, 56, 57.
cognitionis (quaestio), 81, 82, differentia, 11,16, 31, 46, 71.
85. dignitas : cum dignitate, 97.
comparatio, 11, 23, 68, 70, 71 disceptare, 95.
89. disceptatio, 95.
concludendi modus, 54. discrepantia (script! et uolun-
conclusa, 55. tatis), 96.
conclus io, 54, 56, 57 ; — con­ disiuncta, 8.
clusions modus, 54, 56, 57. disiunctio, 56.
coniectura, 82, 87. disputare, 36.
conjecturales causae, 50, 92 ; — disputatio, 41, 56, 60, 72, 79.
status, 93. distinctio iuris et iniuriae, 82.
116 INDEX DES MOTS ET LOCUTIONS LATINES

mortuos ab inferis excitare, 45.


res 23, 58. muta loqul, 45.
efficientes res, 58 ; — causae,
22, 59, 70. narratio, 97, 98
enumeratio partium, 10. negantia, 49.
esse : res quae sunt 26, 27, quae nota, 8, 35.
non sunt, 27. notare, 36.
euidens, 97. notatio, 10, 35, 36, 38, 71.
extrinsecus argumenta adiu- notio, 27,31,83.
uuntur, 8, 24, 72.
oratio, 26, 76, 86, 89, 97, 98.
fides, 8, 73, 74, 76, 98. oratores, 31, 41, 45, 46, 65, 66,
flrmamenta, 95. 67, 78.
forma (generis), 11, 14, 30, 31, oratorios, 45, 51, 92.
33, 34, 39, 71. ornamenta (uerborum senten-
tiarumque), 34.
genus, 13, 31, 33, 34, 39,40, 71.
partiri, 33.
haerent : argumenta h. in eo partitio, 28, 30, 33, 34, 36, 71,
ipso de quo agitur 8, de quo 83.
ambigitur, 72. patronî, 65.
historici, 78. peroratio, 98.
perpétua actio, 97.
Inductio, 42. philosophi, 41, 45, 51, 56, 65,
infitialis (quaestio), 92. 66, 67, 78.
infinitum quaestionis genus, 79. plana (narratio), 97.
inuenire, 2, 6, poetae, 31. 67, 78.
iudicium, 91. principia, 97.
iunctum uerbum, 37. priuantia, 48.
Juridicialis, 92. productio, 36.
iurisconsulti, cf. uos, 41, 44, propositum = ΰίσις, 79, 80, 86,
45, 51, 65, et uester, 32, 45, 90.
56, 64, 65, 72. proprietas, 83.
iurisperiti, 66. propriu «I 29 ; propria uerba,
32.
latine, 30, 35, 48.
laudatio, 91, 93, 94. quaestio = ζτ^τησι;, 34, 41, 45,
légitima (disceptatio), 95. 79, 80, 81, 86, 87, 88, 89, 92.
locus, 7,8, 25, 26,38, 41,44,45,
47, 50, 51, 53, 58, 65, 67, 68, refutatio, 93.
72, 77, 79, 87, 88, 89, 90, 91, repugnantia (nom.), 63.
92, 97, 98. repugnantia (plur. n.), 11, 19,
21, 53, 71 : répugnantes loci,
membra partitionis, 30. 88, sententiae, 56.
minuere, 45. rhetor, 2, 3, 55, 56.
mlrabilia, 45.
miseratio, 86. scientia, 82.
modi conclusionis, 54, 56, 57. scriptum, 96,
morata (narratio), 97. sententia = διανοία, 96.
TOPICA
117
similltudo, 11, 15, 41, 42, 43, testimonium. 73 77
44, 45, 46, 71. topice, 6.
species = είδη, 30. translate, 31, 32.
status = στάσις, 93, 95.
stoicl, 6, 59. ueriloquium, 35.
suauitas, 3.
À

TABLE DES MATIÈRES

I. — PARTITIONES ORATORLE
Introduction...............................
Texte et traduction.. ................... vn
.............................. 2
Π. — TOPICA
Introduction...................
...................................................... ; 58
Texte et traduction.........
Notes supplémentaires............... .
····♦♦·«< lUZ

INDEX
Mots grecs..................... .. e
Noms propres............................ ’ .................
Mots et locutions techniques............... ..

ACHEVÉ D’IMPRIMER EN MAI I960


SUR LES PRESSES DE L'i. P. Μ. R. P.

4. RUE CAMILLE-TAHAN A PARIS

NQ d’ordre éditeur 769


Dépôt légal 2* trimestre i960
Imprimé en France

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