Les Journees Africaines de La Rse

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COLLOQUE INTERNATIONAL

Sous le thème

LES JOURNEES AFRICAINES DE LA RSE : ETHIQUE & MANAGEMENT

Les 11 et 12 Mai 2018

RSE ET SPECIFICITES DU CONTEXTE AFRICAIN

LE MANAGEMENT DES COMPETENCES ET LA RSE DANS


LE CONTEXTE MAROCAIN :

QUELLE SPECIFICITES ?

AMZIL FATIMA-ZAHRA CHAOUKI Farid

Doctorante en sciences de gestion Professeur de l’enseignement supérieur

Laboratoire de recherche Nouvelles Laboratoire de recherche Nouvelles


Pratiques de Gestion (NPG)
& pratiques de gestion (NPG)

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES


ECONOMIQUES ET SOCIALES ECONOMIQUES ET SOCIALES

UNIVERSITE CADI AYYAD, MARRAKECH UNIVERSITE CADI AYYAD, MARRAKECH

[email protected] [email protected]
RESUME

Considéré longtemps comme étant défavorable par les Entreprises Marocaines, un optimisme
semble planer dans les airs et laisse penser que le climat de travail au sein des entreprises doit
connaître des améliorations importantes au cours des prochaines années
Cet optimisme trouve sa source dans les efforts colossaux déployés par les organismes
étatiques et non gouvernementaux ainsi que les entreprises qui manifestent un intérêt pour se
prémunir contre les effets négatifs et les conséquences flagrantes du mauvais management du
capital humain
L’incorporation des valeurs véhiculées par la responsabilité sociale des entreprises (RSE)
constitue un défi pour les grandes entreprises mais également pour les petites et moyennes
entreprises. En effet, l’implémentation de la RSE concerne toutes les structures et tous les
leviers de l’organisation à leur tête la gestion des ressources humaines
Ainsi, entre pilier de management et simple effet de mode, le construit de la RSE nécessite
encore des clarifications conceptuelles allant de la perception y faite par le top management et
les collaborateurs jusqu’à l’importance de l’intégration de la RSE dans l’agenda stratégique
des entreprises marocaines.
Dans cet article nous tenterons d’explorer le management des compétences vu de l’angle de
la RSE, l’objectif étant de répondre à la problématique de la spécificité du contexte Marocain.
Pour répondre à cette problématique, nous avons divisé notre travail en deux parties, la
première partie est une présentation d’une cartographie conceptuelle et théorique autour de la
RSE et de la GRH dont l’objectif est d’établir une relation théorique entre les deux construits ;
la deuxième partie est une présentation des principaux résultats issus de notre terrain d’étude
De ce fait, la feuille de route qui guidera notre réflexion dans la première partie de l’article
reprend l’état de l’art des éléments suivants :

 Le management des compétences au carrefour des évolutions à l’échelle


internationale
 La GRH des entreprises socialement responsables
La deuxième partie de notre article est une présentation des résultats issus de notre terrain
d’étude. Notre étude terrain s’est basée sur une méthode qualitative auprès de la Ménara
Holding qui a réussi à construire du sens autour de la RSE par un management bienveillant et
une gestion responsable des ressources humaines. Le choix de la Ménara holding nous est
apparu pertinent au regard de son vécu et de son expérience en matière de la conduite du
changement. Nous avons mené des entretiens auprès des responsables RH afin de mettre en
exergue l’engagement de l’organisation en matière de la RSE et jeter la lumière sur la
spécificité du contexte marocain quant aux pratiques de la GRH socialement responsables
I-CARTOGRAPHIE CONCEPTUELLE ET THEORIQUE
Pour faire un tour d’horizon sur la GRH, nous allons présenter brièvement les écoles de
pensées les plus importantes tout en soulignant à chaque fois les dimensions stratégiques

1.1 Le management des compétences au carrefour des évolutions à l’échelle


internationale

La GRH peut être considérée comme étant « un champ caractérisé par un ensemble de savoir
faire qui doit permettre de satisfaire un ensemble d’engagements en parallèle : relier les
intérêts des collaborateurs travaillant au sein de l’entreprise avec ceux du top management et
des actionnaires tout en respectant un cadre financier, législatif et environnemental bien
déterminé »
Elle est également définie par Jean marie Peretti1comme étant « une structure chargée de
l’administration du personnel, des relations sociales et de la mise en œuvre des politiques
ressources humaines de façon plus ou moins partagée avec la hiérarchie »
1.1.1 De la gestion de personnel au management des compétences
Nous pouvons résumer le passage de la GRH de la « Gestion de personnel » au
« Management des compétences » à travers les phases suivantes:
 La GRH mécanique

Est qualifiée de mécanique la GRH des années trente. En effet, la mission principale de la
fonction était de veiller aux activités opérationnelles à l’égard du recrutement et de la paie en
se basant sur des règles strictes et standards
Malgré les évolutions qu’a connu cette période (apparition des relations syndicales, managers
et dirigeants formés dans des business schools et mise en place de nouveaux modes de
management, etc.) la fonction de la gestion du personnel restait toujours distante de la
performance de l’entreprise
 La GRH organique
Face à la prise de conscience des employés de leurs droits et face aux revendications de la
société civile sur le respect de certaines valeurs primordiales au travail, la GRH est passée
d’une fonction qui applique strictement et de manière standard les règles de travail à une
fonction organique qui inclut les exigences et les besoins des employés dans ses politiques.
Le résultat est l’instauration des nouveaux soubassements de la relation de l’entreprise avec
ses collaborateurs dont l’objectif est l’amélioration des conditions de travail relatives à
plusieurs volets (congés payés, le SMIC, l’égalité homme/femme, etc.)
Avec ces nouvelles missions, le périmètre d’action de la fonction RH s’est élargit
commençant ainsi à acquérir un pouvoir de décision de plus en plus important qui lui a
attribué une place importante dans les comités de direction
 La GRH stratégique
Des restructurations profondes et des mises à niveaux nécessaires ont caractérisées le champ
d’action de la GRH après les crises mondiales successives (suppression des emplois non

1
Peretti, 2008
qualifiés, formation des employés, augmentation de la décentralisation pour pouvoir limiter
les conséquences des crises d’ordre international, etc.)
L’utilisation des nouvelles technologies d’information et de communication (TIC) a joué un
rôle primordial dans la restructuration de la fonction RH. En effet, l’informatisation des tâches
administratives a épargné à la fonction RH le temps pour se concentrer sur des tâches
beaucoup plus stratégiques et à forte valeur ajoutée pour l’entreprise.
 La GRH médiatique
A nos jours, la fonction RH est en étroite relation avec tous les services de l’entreprise, tous
les volets stratégiques importants, elle a réussi à intégrer les comités de direction.
Aujourd’hui, la fonction RH mène les activités relatives à la communication interne et externe
et au marketing social.
Aujourd’hui, la fonction RH donne l’importance primordial à l’optimisation des compétences
des collaborateurs en proposant des mesures et des pratiques en faveur du savoir, du savoir
faire et du savoir être des collaborateurs
1.1.2 Modélisation des rôles de la GRH (Modélisation de D.Ulrich :19 97, 2012 et 2016)
Pour D. Ulrich (1997), la fonction RH doit passer d’une fonction « support » ou
« secondaire » à une fonction business créatrice de richesse2. Son objectif est de générer une
création de valeur qui participe à la création du profit. Afin d’établir son modèle, l’auteur a
interrogé de nombreuses entreprises dont l’objectif était de déterminer les compétences RH
permettant la performance.
Les résultats de l’étude démontrent qu’un professionnel RH doit assurer les activités
opérationnelles au quotidien sans oublier l’importance d’agir également sur des aspects
stratégiques
Figure N°1: Les rôles de la fonction RH

Process

Strategic Partner administrative expert

Strategic focus Operational focus

Change agent Employee champion

People

Source : Ulrich, 1997

2
Peretti
Ainsi, D. Ulrich propose quatre typologies :
 Un partenaire opérationnel : qui est expert dans les ressources humaines, il
conjugue entre les missions de la conception et du déploiement des systèmes
ainsi que l’optimisation des programmes. En tant qu’expert, il a la charge
d’administrer le quotidien.
 Un champion des employés : il joue le rôle du porte parole des employés et il
félicite les contributions
 Un agent de changement : il doit avoir les compétences et les connaissances
nécessaires qui permettront de concevoir et de mettre en œuvre les outils et les
processus d’appropriation des éléments relatifs aux changements. Il doit être
capable de faire adhérer et de réussir l’implication des différents collaborateurs
concernés par le changement.
 Un partenaire stratégique : qui participe à la formulation de la stratégie de
l’entreprise, il prend part aux décisions stratégiques.
En 2012, D.Ulrich a fait évoluer son travail et a proposé un modèle en cinq dimensions. Il a
fait ressortir une nouvelle variable ou donnée qui était présente dans tous les interviews
administrés, il s’agit du leadership. L’auteur place alors le leadership au centre de la matrice
des rôles.
Figure N°2 : Modèle de Dave Ulrich, 2012

Stratégie /Futur

Stratège et agent de changement avocat des salariés

Leader
Processus Hommes

Expert fonctionnel Développeur du capital humain

Quotidien /opérationnel

Source : Ulrich, 2012


Il est demandé alors de la fonction RH d’articuler le triangle magique entre la satisfaction des
attentes de ses clients, l’image de l'entreprise et la « marque employeur ».
Le groupe RBL en partenariat avec l’université de Michigan ainsi que d’autres partenaires ont
opéré une méta-analyse (la 7ème dans son genre sur la fonction RH), cette étude a connu la
participation de 1500 unités de business de tailles différentes et de secteurs d’activité
différents. Les répondants à l’enquête sont au nombre de 30000
L’analyse des réponses a permis de construire un nouveau modèle de compétences RH en
forme d’œil
Figure N°3 : Le modèle de compétence des RH, Dave Ulrich, 20163

Manager et développer les talents et


leaders, conception de plan de
développement et conduite de la
performance
Capacité à mettre en œuvre le
Etre capable de gérer le bien être
changement
des salariés par la récompense
financière et non financière

Human
capital
curator Total
Culture and
rewards
change
steward
champion

La création de la valeur pour


Paradox les parties prenantes internes
Strategic Navigator Credible exige d’être un activiste
positioner activist crédible, c'est-à-dire
Orienter ses actions en
Capacité à naviguer entre les d’instaurer des relations de
fonction de la stratégie confiance et d’influence
attentes souvent
contradictoires des parties
prenantes

Technolog
Compliance
y and
manager
media
Analytics
integrator
designer and
interpreter

Capacité à être en
conformité avec le cadre Capacité à utiliser les médias
réglementaire technologiques et sociaux pour
conduire des organisations
Capacité à prendre les décisions performantes
par l’analyse des données

Source : Ulrich, 2016

3
Disponible sur le site du colloque « les clés de la performance RH » andrh,m2grh, IAE, UPEC, eapm - 1juin 2016
En résumé, il ressort du modèle que la fonction RH doit assurer aux collaborateurs des
conditions de travail optimales en proposant des solutions innovantes. Ainsi, la créativité
devient une condition indispensable des responsables RH.
Partant du principe que la performance de l’entreprise est en fonction de sa capacité à réagir
aux transformations du marché voire d’être proactive à tout changement, le management des
compétences est apparu comme un enjeu majeur

1.2 La GRH des Entreprises socialement responsables

1.2.1 Etablissement d’une relation théorique GRH/RSE


Selon Perroux, « l’entreprise est une machine à produire des externalités qui sont soit des
externalités positives ou des externalités négatives » (pollution, licenciements, assèchements
de sites, abrutissement des cerveaux…).
Des externalités qui légitiment le rôle de RSE, ce construit qui nous renvoie aux obligations
économiques, légales, éthiques et philanthropiques qu’a l’entreprise envers son
environnement. D’après Bowen4 (1953) : « la responsabilité sociale de l’entreprise renvoie à
l’obligation pour les hommes d’affaires de réaliser les politiques, de prendre les décisions et
de suivre les lignes de conduite répondant aux objectifs et aux valeurs qui sont considérés
comme désirables dans notre société ».
La RSE est également définit par la Commission Européenne dans son Livre vert (2001)
comme étant « l'intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et
environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties
prenantes. ». D’une autre part, Donaldson et Preston (1995) considèrent que la satisfaction
des différentes parties prenantes garantit le bon fonctionnement de l’entreprise.
Partant de ce constat et afin d’arbitrer les intérêts souvent contradictoires des tops
management et des collaborateurs, et d’assurer un rééquilibrage des pouvoirs5, les institutions
étatiques se retrouvent dans l’obligation de réguler la relation et d’assurer le bien être
commun6. Une nécessité qui va permettre alors aux managers de mettre la RSE dans l’agenda
stratégique de l’entreprise.
Igalens affirme que « La DRH est à la croisée des chemins et elle se trouve dans la même
situation que dans les années soixante-dix, lorsqu’elle n’était encore que la direction du
personnel : ou bien elle accepte de relever le défi de la RSE ou bien elle stagnera et
régressera dans la hiérarchie des responsabilités notamment au sein des grands groupes7 »

Avant presque vingt ans, les auteurs considéraient que : « la fonction Direction des ressources
humaines pourrait glisser vers la Direction de la Responsabilité Sociale »8. Un postulat qui
est aujourd’hui largement soutenu par les travaux de Peretti et Uzan qui considèrent que « la
DRH apparaît désormais comme un acteur majeur dans le cadre de l’implémentation des
programmes de RSE/DD développés dans les entreprises et les organisations9 »

4
Bowen, 1953
5
Postel et Rousseau, 2010
6
Grahl et Teague, 1997
7
Igalens
8
PLUCHART, 2011
9
Peretti et Uzan
L’engagement dans la démarche RSE invite les entreprises d’infléchir leurs pratiques de
gestion des ressources humaines et les rôles traditionnellement dévolus à la fonction RH en se
posant la question sur les conséquences de ses actions sur les collaborateurs et leur entourage
tout en introduisant une dimension sociale dans le processus de prise de décision.
Rares sont les recherches empiriques qui se sont intéressées aux pratiques GRH impactées par
la mise en place de la démarche RSE. Des auteurs limitent la relation entre la GRH et la RSE
aux problèmes de la santé et de la sécurité au travail, d’autres à l’amélioration des conditions
de travail. (Kagnicioglu, 2007).
Des praticiens font appel au concept du Personnel-Mix inventé par Martory et Crozet en 2008
pour analyser l’impact de l’implémentation de la RSE sur les pratiques de gestion des
ressources humaines. Le concept du Personnel-Mix reprend cinq composantes à savoir10 :
 Politique salariale
 La valorisation sociale
 Climat et comportements sociaux
 Relations paritaires
 Image sociale interne et externe

1.2.2 La GRH socialement responsable des entreprises marocaines

L’émergence de la RSE au Maroc a été initiée principalement par les pressions des firmes
multinationales. En effet, dans le cadre de l’alignement et de l’harmonisation des stratégies
des firmes avec la maison mère que l’engagement dans la démarche RSE a été exigé.
Dans cette optique, deux autres raisons ont encouragé l’appropriation de la RSE par les
entreprises marocaines. Au-delà des filiales des multinationales qui étaient obligées de suivre
la stratégie des maisons mères, d’autres facteurs s’y ajoutent :
 La majorité des dirigeants marocains ont toujours aspiré à la modernité11
 La volonté royale qui encourage toute initiative sociètalement et socialement
responsable12
« Ma conviction première est que l'investissement constitue, d'abord et avant tout, un moyen
qui doit trouver sa finalité dans le progrès et la justice sociale, dans l'émancipation et le bien-
être des femmes et des hommes, dans la cohésion sociale, la protection du milieu naturel et le
respect des droits et des intérêts des générations futures13 … »
Les principales sources normatives internationales de la RSE14 sont :
- Le pacte mondial : il s’agit d’une énumération de dix principes inspirés de la
charte des droits humains, de la déclaration de Rio de Janeiro sur le
développement durable (1992) et de la déclaration des principes et des droits
fondamentaux de l’OIT en (1998)

10 Martory et Crozet, 2007


11 Mezouar, 1998
12 A l’occasion de la troisième édition des intégrales de l’investissement en 2005, le discours royal a incité les entreprises à mettre en place des indicateurs et
outils de la responsabilité sociale.
13 Partie du discours royal, 2005
14
Document écrit par Rachid Filali Meknassi disponible sur le site www.cgem.ma
- La déclaration sur les multinationales de l’OIT qui aborde cinq thèmes : la
politique générale, l’emploi, la formation, les conditions de travail et de vie et
les relations professionnelles

- Les principes directeurs de l’OCDE : ces principes visent à harmoniser les


politiques des multinationales avec les politiques gouvernementales, entretenir
la confiance entre les firmes multinationales et les pays d’accueil et de
renforcer la contribution des multinationales au développement durable
Au niveau national, le label de la CGEM s’inscrit dans cet esprit. En effet, la CGEM a élaboré
une charte de responsabilité sociale et s’est dotée d’un label pour la RSE. Cette charte a été
adoptée par le conseil national de l’entreprise le 14 décembre 2006.
La charte de la responsabilité sociale de l’entreprise est structurée autour de neuf axes15 :
1. Respecter les droits humains
2. Améliorer en continu les conditions d’emploi et de travail et les relations
professionnelles
3. Protéger l’environnement
4. Prévenir la corruption
5. Respecter les règles de la saine concurrence
6. Renforcer la transparence du gouvernement d’entreprise
7. Respecter les intérêts des clients et des consommateurs
8. Promouvoir la responsabilité sociale des fournisseurs et sous-traitants
9. Développer l’engagement sociétal
D’une autre part, Aboudrar et el hasnaoui en 2006 ont analysé les définitions de la RSE des
opérateurs économiques au Maroc postulant pour le label RSE de la CGEM ; le résultat est
que pour 86,4% des répondants la RSE est « un ensemble d’engagements concrets par
rapport à des objectifs précis qui permettent de combiner la performance économique avec la
prévention des risques sociaux, sociétaux, environnementaux et de gouvernance » Tandis que
8,6% la définissent comme étant « un ensemble de comportements moraux librement adoptés
et relevant de l’éthique »
Pour ces deux auteurs, les entreprises marocaines s’engagement dans la RSE suite à la
décision du top management (30% de l’échantillon), la mise en place des pratiques RSE est en
deuxième ordre suite à un changement interne (18% de l’échantillon) ; la troisième raison
résulte de la décision de la maison mère dans le cas des filiales des multinationales16

15
www.cgem.ma
16
Article : « Etat des lieux de la RSE au Maroc » publié dans un ouvrage commun
Tableau N° 1 : Les domaines d’engagement en matière de la RSE dans les Entreprises Marocaines

Domaines d’engagement Nombre d’engagements

Pratiques RH socialement responsables 25


Engagement envers la communauté 16
Bonne gouvernance 11
Respect des règles de marché 7
Engagement envers l’environnement 5
Respect et développement des libertés individuelles 1
total 67

Source : Aboudrar et el hasnaoui (2006), p.23

Nous pouvons classer les freins à la RSE au Maroc en trois grandes catégories :
 Freins individuels
Vu qu’au Maroc, on assiste à la culture des Entreprises familiales où règne une gouvernance
paternaliste, l’engagement dans la démarche RSE dans ce genre d’entreprises est conditionné
par les valeurs, les croyances et les convictions spirituelles du chef d’entreprise.

 Freins organisationnels
Les freins organisationnels sont surtout liés à la taille des Entreprises. En effet, le tissu
productif marocain est représenté en grande partie par les petites et moyennes Entreprises
(PME) et les très petites Entreprises (TPE). Les PME représentent au Maroc plus de 75 % du
tissu productif.
Les demandes pour la labellisation restent timides vu les critères de la labellisation qui sont
beaucoup plus adaptés aux grandes Entreprises et également les prix de la certification qui
restent à notre sens très élevés. Les praticiens voient que les prix de certification
n’encouragent pas les moyennes ou petites Entreprises d’aller dans la procédure de la
certification malgré qu’elles s’approprient les valeurs véhiculées par la RSE dans leurs
relations au quotidien avec les parties prenantes.
 Freins institutionnels
Malgré la mondialisation et l’ouverture sur de nouvelles perspectives de développement, on
assiste toujours dans les Entreprises marocaines à une peur de la transparence et de la
communication à propos des modes de gouvernances et de management. Un manque de
transparence qui ne peut accueillir les comités responsables de l’audit de la gouvernance de
l’entreprise pour mériter le label ou de ne pas le mériter.
S’ajoute à cette limite l’application conditionnée des dispositions légales. Comment une
Entreprise peut demander la certification et se doter d’un label RSE alors qu’elle n’applique
pas déjà les dispositions de la loi ? Comment peut on admettre d’innover dans les pratiques et
de proposer de bonnes pratiques de gestion des ressources humaines sans appliquer déjà les
standards ?
II-POSTURE METHODOLOGIQUE, TERRAIN D’ETUDE ET
ANALYSE DES RESULTATS

2.1 Choix méthodologiques


2.1.1 La méthode qualitative
Pour répondre à la question de la spécificité de l’entreprise marocaine quant au déploiement
de la RSE dans la gestion des ressources humaines nous avons opté pour la démarche
qualitative auprès du groupe de la Ménara holding qui a réussi à construire du sens autour de
la RSE par un management bienveillant et une gestion responsable des ressources humaines.
Le choix de la Ménara holding nous est apparu pertinent au regard de son vécu et de son
expérience en matière de la conduite du changement. Nous avons mené des entretiens auprès
des responsables RH afin de mettre en exergue l’engagement de l’organisation en matière de
la RSE et jeter la lumière sur la spécificité du contexte marocain quant aux pratiques de la
GRH socialement responsables
Cette méthode qualitative s’est basée sur des entretiens avec des responsables RH. Nos
orientations méthodologiques se veulent en adéquation avec la nature exploratoire de la
thématique choisie
En ce qui concerne notre recherche, nous avons opté pour la démarche qualitative inductive
pour des raisons multiples :
 D’abord par rapport à l’objectif même de notre article qui est de comprendre et
d’expliquer les pratiques de gestion des ressources humaines socialement responsables
réputées dans l’entreprise marocaine

 Eclairer les perceptions et les interprétations des acteurs de cet objet de recherche -
compte tenu de sa nature- nécessite de prôner pour une méthodologie qualitative basée
sur leurs récits, leurs interprétations et leurs perceptions

 Notre orientation inductive est dictée par notre terrain de recherche qui revêt un
caractère exploratoire

 L’utilisation de la méthode qualitative de type inductive nous a permis de faire


émerger de nouvelles données relatives au contexte marocain
2.1.2 La stratégie de l’étude de cas
« C’est une analyse spatiale et temporelle d’un phénomène complexe en prenant en
considération les acteurs, les événements et les conditions » (wacheux,1996)
En effet, le choix de la stratégie de l’étude de cas dépend de l’objectif poursuivi par le
chercheur. Nous pouvons distinguer en ce qui concerne les recherches qualitatives
l’échantillon de taille « un » et les cas multiples
L’étude de cas peut être un individu, un groupe, une entreprise ou encore une population
d’entreprises. La raison d’être de la stratégie des études de cas est de dépasser le stade de la
détermination des causes et des relations expliquant le phénomène pour déterminer le
pourquoi et le comment des relations
2.2 Terrain d’étude

2.2.1 Historique et maturité

Ménara Holding est un groupe à plusieurs activités. Fondé par Feu Abderrahmane Zahid et à
sa tête aujourd’hui Mohamed Zahid l’ainé de la deuxième génération. Il compte plus de 1600
collaborateurs et présent dans six villes du Maroc
Crée en 1976, le groupe était spécialisé dans le transport, devenu par la suite carrières et
transport. Au fur et à mesure, plusieurs sites ont vu le jour ce qui a fait que l’idée du holding
s’est imposée en 2006. Un progrès flagrant qui a fait passer la PME familiale à Ménara
holding
Ce modèle d’entreprise soucieux de l’environnement et animé par l’excellence et
l’engagement lui a valu plusieurs prix et label

2.2.2 L’importance de la RSE dans l’agenda stratégique de la Ménara holding

Ménara holding a décroché le titre de meilleur employeur au Maroc, un titre décerné par
l’institut américain Best compagnies group. Cette distinction récompense les efforts du
groupe dans le domaine de la formation continue des collaborateurs et de développement de
leurs compétences.
Ce programme de « meilleur employeur » est basé sur l’environnement de travail, l’enquête a
duré six mois, établie via différents questionnaires administrés auprès d’un grand échantillon
de collaborateurs. L’objectif est de recevoir des feed backs sur la perception des politiques
RH et leurs outils sur la culture de l’entreprise, les conditions de travail, le système de
rémunération et la reconnaissance professionnelle
Le groupe est considéré comme un des rares entreprises de Marrakech qui ont fait le pas vers
la labellisation. En effet, depuis sa création, le groupe a fait preuve de beaucoup d’attention et
d’engagement vis-à-vis de ses collaborateurs et de la société en général. Ainsi, parmi les
actions nous pouvons citer les programmes d’alphabétisation des collaborateurs, des actions
en vue de la préservation de l’environnement avec des stations de traitement dans les
carrières.
Le groupe a toujours souhaité donner l’exemple et de créer un effet d’entrainement tant au
niveau régional que national

2.2.3 Résultats de l’étude terrain

Nos résultats démontrent que la participation de l’entreprise à ce genre de palmarès a été


décidée par la direction générale de la Ménara holding ainsi que sa direction des ressources
humaines qui revêt un caractère stratégique au sein du groupe
En effet, le top management de la Ménara holding a depuis toujours pratiqué de la
responsabilité sociale sans avoir le label, la labellisation n’est qu’une récompense des efforts
déployés surtout en faveur du capital humain du groupe
E effet, la Ménara holding a le souci de récompenser la loyauté et le professionnalisme de ses
collaborateurs
Selon les interviewés, soumettre au prix du « meilleur employeur » et le remporter est une
forme de reconnaissance aux soins que la direction porte à la gestion du capital humain et à la
qualité et l’ambiance au travail
A la question qu’est ce qui rend une entreprise plus attractive qu’une autre aux yeux du grand
public ? La réponse a été qu’au-delà des fondements de la marque employeur qui changent
suite aux changements des conjonctures c’est l’attention particulière vis-à-vis de l’être humain
au sein de l’entreprise qui est importante
L’engagement responsable en matière de la gestion des ressources humaines est manifesté à la
Ménara holding par l’attention particulière aux espaces fondamentaux de la RH : le
recrutement, la formation, la gestion de carrière, la diversité, la rémunération, la santé/sécurité
et le bien être au travail ainsi que l’employabilité
Les actions RH socialement responsables sont pilotées et mesurées, outre les outils
analytiques, par l’écoute active face à face et à travers le baromètre social de l’entreprise qui
fait objet de propositions d’améliorations.
Les résultats sont largement diffusés, partagés et analysés ainsi que transformés en plan
d’action pilotés par les responsables et directeur RH ainsi que les managers
Quant à la nature des politiques RH socialement responsables, on en distingue deux
catégories :
 Les politiques RH en amont de l’arrivée du collaborateur
 Les politiques RH d’accompagnement du collaborateur

 Les politiques RH socialement responsables en amont de l’arrivée du collaborateur

Pratiques socialement responsables

Le recrutement passe par la diffusion interne sur


le portail RH de l’entreprise des offres avec
collecte des demandes.
Des fois l’entreprise fait appel à des cabinets de
recrutement ou passe par des chasseurs de tête
quand il s’agit des profils bien pointus, mais dans
la majorité des cas l’entreprise passe par le
recrutement interne.
Après sélection les candidats retenu(e)s passent
deux entretiens successifs, en respectant les
règles de la non discrimination, le non clientisme
et le non favoritisme
Recrutement
Difficulté de respecter un quota puisque le métier
de l’entreprise est plutôt masculin, mais
l’entreprise montre un engagement fort en la
matière, en effet Ménara holding essaye de
privilégier le recrutement de la femme quand les
mêmes compétences se présentent à une offre
d’emploi.
Si l’entreprise enlève le biais de la masculinité de
son métier on va se retrouver avec un
pourcentage qui avoisine les 40% des femmes
qui occupent des postes de responsabilités.
Il existe un déséquilibre historique qui se
manifeste par la présence de plus d’hommes que
de femmes dans les postes qui peuvent être
occupés aussi bien par les hommes et par les
femmes que par les hommes. Mais l’entreprise
s’efforce de corriger ce déséquilibre en essayant
à chaque fois de favoriser

Instauration d’un baromètre social qui repsente


une évaluation des retombés des politiques et
activités mises en place, et qui touchent les
Communication collaborateurs directement ou indirectement.
Les satisfactions représentent toujours plus de 80
%

L’interdiction des discriminations s’applique à toutes les étapes de la vie professionnelle des
collaborateurs : embauche, évaluation et rémunération ainsi que la carrière
Dans le cadre de l’engagement de l’entreprise dans la politique de recrutement des personnes
handicapées, Ménara holding a établit un recensement des postes qui peuvent être occupés par
des personnes en situations d’handicap.
Les dispositifs de la RSE exigent 5% des postes à attribuer aux personnes handicapées.
L’entreprise a recruté quatre personnes handicapées. Il existe d’autre qui -suite aux accidents
de travail- se sont retrouvées handicapées. L’entreprise garde ses collaborateurs qui ont
souffert d’un accident de travail et essaye de leur insérer dans d’autres postes adaptés à leurs
états
 Les pratiques RH socialement responsables relatives à l’accompagnement du
collaborateur

Politiques Pratiques socialement responsables

1. Approche collective

Les installations et les équipements


Le management, l’organisation et la formation

2. Approche individuelle

Suivi médical
Analyse de l’activité
Santé et sécurité
3. Approche ergonomique

Eviter les risques


Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités
Combattre les risques à la source
Planifier la prévention
Prendre des mesures de protection
Donner les instructions nécessaires aux employés
L’entreprise fait des efforts colossaux pour
améliorer les compétences de ses collaborateurs
via des séances de formations diplomantes ou
non diplomantes

L’entreprise met en œuvre le plan « ingénierie de


la formation », Ménara holding a créée
récemment « l’académie Ménara » pour
Formation améliorer la prestation formation

L’entreprise essaye de détecter les besoins de


l’entreprise en terme de compétences en fonction
de la stratégie, et d’une autre part elle collecte
des besoins des collaborateurs pour croiser les
deux besoins afin de décider de la nature des
formations qui sont dans l’intérêt de l’entreprise
et de ses collaborateurs

L’entreprise essaye de prévoir les compétences


dont elle aura besoin dans le futur (prochaines
trois ans) et essaye de voir parmi les
collaborateurs ceux et celles qui peuvent
bénéficier des améliorations de compétences et
aller au-delà de leurs capacités afin de bâtir de
nouvelles carrières.
Carrière
L’entreprise se projette dans le futur pour
permettre aux collaborateurs une promotion
équitable.
Plus de 40% des postes de responsabilité et des
managers sénior sont des cadres internes qui se
sont développé(e)s au sein de l’entité

Equité interne et externe


Présence d’une grille salariale qui est devenue
obsolète. l’entreprise est entrain d’établir une
nouvelle grille salariale avec des méthodes
beaucoup plus scientifiques.
Une partie fixe des rémunérations est en fonction
du poids du poste et de son importance au sein de
l’entreprise indépendamment des personnes qui
Evaluation et rémunération les occupent, une

deuxième partie qui est variable est en fonction


de la performance et des réalisations.
L’élaboration de la nouvelle grille salariale passe
par la hiérarchisation des postes en terme de leur
importance
Cela dénote le souci d’équité de l’entreprise
L’entreprise est soucieuse d’améliorer
l’employabilité de ses collaborateurs
L’entreprise se pose la question sur le devenir de
Employabilité ses collaborateurs dans les prochaines années
L’entreprise essaye de collecter la satisfaction
des collaborateurs dans leur poste actuels et leur
visibilité qu’ils ont du futur

Si on élimine les postes qui ne doivent être


occupés que par les hommes, l’entreprise se
retrouvera avec plus de 40% de postes occupés
par les femmes
Les Femmes bénéficient d’une grande flexibilité
Diversité et Plafond de verre temporelle suite à leurs demandes
Des femmes interviewées annoncent que leur
travail ne les a pas empêchés d’articuler la vie
privée/vie professionnelle

Conclusion

La volonté de créer un environnement favorable au développement des compétences au sein


des entreprises passe par la prise de conscience de la responsabilité sociale vis-à-vis du capital
humain.
Nos résultats démontrent que l’entreprise marocaine prend conscience de plus en plus de la
nécessité d’améliorer les conditions de travail et de déployer encore des efforts dans le
développement des compétences à sa disposition.
Etre une entreprise apprenante, c’est créer un environnement qui permet collectivement et
individuellement aux collaborateurs de se développer et d’acquérir en permanence de
nouvelles compétences dont les entreprises auront besoin
Constituant leur principal atout, les entreprises doivent être attentives aux règles importantes.
Nos résultats démontrent qu’une entreprise qui prend la voie de la performance humaine doit
être capable à faire bénéficier ses collaborateurs d’un « good place to work » et d’un
environnement sécurisé préservant la santé et la sécurité et articulant entre la vie privée et
professionnelle des collaborateurs tout en étant conforme à la législation en vigueur
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