Manon Lescaut

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Manon Lescaut, Abbé Prévost

Le XVIII ème siècle a eu la passion des idées. Après des années d’absolutisme, le pouvoir des
rois (Louis XIV, XV, XVI) et l’Ancien régime sera redéfini. La société d’ordres (tiers état,
séculier, noble) n’a plus lieu d’être. Sans parler d’opportunisme, l’époque -en particulier la fin
du XVIII ème- sera celle des changements de carrière et des retournements de veste. Avec une
légèreté de ton encore jamais expérimentée en littérature, le mouvement philosophique du
libertinage sera l’un des exemples de la fissure de l’Ancien Régime. L’un des romans les plus
emblématiques du mouvement sera L’Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut
rédigé en 1731 par l’Abbé Prévost. Figure type du sacristain aux moeurs débraillées, l’Abbé
Prévost eut une vie mouvementée. Tour à tour religieux et faussaire, il ira jusqu’à s’exiler en
Angleterre pour fuir ses détracteurs français. Son roman principal porte les traces de cette vie
rocambolesque. En effet, l’ouvrage traite de l’histoire passionnelle du Chevalier des Grieux,
noble de son état, et de Manon Lescaut, une libertine qui lui fera accomplir les pires actions.
Dans…
Thème 1
L’organisation du récit et ses composantes:
Ellipses: « J’avais passé près d’un an à Paris sans m’informer des affaires de Manon” =>
ellipse relatant les deux ans que le Chevalier aura passé sans Manon à Paris. Et « Environ
deux heures auparavant » à « le soir-même » Le récit de la mort de Lescaut. Deux ellipses
au plus que parfait.
Résumé: “Nous nous hâtâmes tellement d’avancer que nous arrivâmes à Saint-Denis
avant la nuit.” Résumé des passages moralisateurs de Tiberge (parce que le chevalier DG en
a assez de sans cesse écouter les reproches de son ami), de la mort de Manon (pas raconté car
insupportable à raconter).
Développement: De “Je demeurai interdit à sa vue, et ne pouvant conjecturer quel était le
dessein de cette visite” à “Le désordre de mon âme, en l’écoutant, ne saurait être exprimé”
quand le Chevalier raconte sa première rencontre avec Manon.
Pause: « Manon ne put lui refuser quelques baisers ; c’était autant de droits qu’elle
acquérait sur l’argent qu’il lui mettait entre les mains » alors que son amant lui fait les
premiers cadeaux, permet au Chevalier de faire des remarques sur Manon et l’argent.
Prolepse (anticipation, vue vers le futur): « ma chute fut d’autant plus irréparable que, me
trouvant tout d’un coup au même degré de profondeur d’où j’étais sorti, les nouveaux
désordres où je tombai me portèrent bien plus loin vers le fond de l’abîme », un des
nombreux passages qui permettent au narrateur d’instaurer du suspens dans le récit. Donne un
côté tragique: leur histoire ne pourra que mal se finir.
=> A certains moment les procédés s’enchaînent. Par exemple on a la scène de la mort de
Manon racontée dans de nombreux détails, mais après une l’ellipse qui ne nous permettra pas
de voir les dernières secondes de sa vie.
« Hélas ! que ne le marquai-je un jour plus tôt ! j’aurais porté chez mon père toute mon
innocence » nombreux commentaires soulignant ses regrets et ses souffrances
Thème 2
Dans quelle mesure peut-on dire que Manon Lescaut est un roman des Lumières ?Ce roman
est-il capable de « refléter » les Lumières ?
Elements d’introduction: Roman écrit en 1731, se passe sous la Régence, alors que Prévost est
encore Bénédictin. Le lien avec les Lumières est ténu… Se situe sous la Régence en 1731
alors que le livre pivot du mouvement des Lumières, les Lettrespersanes de Montesquieu, a
déjà 10 ans. Prévost était moine en 1728 quand il entame l’écriture des quatre premiers tomes
des Mémoires d’un homme de qualité (et Manon est le tome VII). Il s’échappe en Hollande
puis en Angleterre. Manon Lescaut relève des Lumières par la composition même du roman.
Sa forme est inédite.

I Le libertinage dans Manon Lescaut


II La moralité dans le roman
Le libertinage dans Manon Lescaut:
– « Manon était passionnée pour le plaisir, j’étais passionné pour elle »
– « On l’envoyait au couvent pour arrêter sans doute son penchant au plaisir »
– « Nous fraudâmes les droits de l’Eglise, et nous nous trouvâmes époux sans y avoir fait
réflexion »

– A rapprocher de Sapho, Alphonse Daudet, réécriture de Manon Lescaut: origines


provinciales du héros promis à un brillant avenir. Rencontre de la femme fatale, mi courtisane
et mi femme exploitée. Beaucoup de points communs
– « C’est qu’une sotte vertu que la fidélité » phrase clé
– « Il faut compter ses richesses par les moyens qu’on a de satisfaire ses désirs. »
– « De la manière dont nous sommes faits, il est certain que notre félicité consiste dans
notre plaisir ; je défie qu’on s’en forme une autre idée ; or le cœur n’a pas besoin de se
consulter longtemps pour sentir que de tous les plaisirs, les plus doux sont ceux de
l’amour. »
– « Le commun des hommes n’est sensible qu’à cinq ou six passions, dans le cercle
desquelles leur vie se passe, et où toutes leurs agitations se réduisent. Ôtez-leur l’amour
et la haine, le plaisir et la douleur, l’espérance et la crainte, ils ne sentent plus rien. »
– « Ne vois-tu pas, ma pauvre chère âme, que, dans l’état où nous sommes réduits, c’est
une sotte vertu que la fidélité ? Crois-tu qu’on puisse être bien tendre lorsqu’on manque
de pain ? »
– « Rien n’est plus capable d’inspirer du courage à une femme que l’intrépidité d’un
homme qu’elle aime. »
– « On se demande la raison de cette bizarrerie du cœur humain qui lui fait goûter des
idées de bien et de perfection dont il s’éloigne continuellement dans la pratique. »

La moralité dans Manon Lescaut


Exemples : d’actes de moralité dans le roman:

– Manon était destinée au couvent par ses parents. Des Grieux se fait enlever et séquestrer par
le vieux de GM. Les deux amants sont jetés en prison pour escroquerie.
– Prison pour enlèvement au Châtelet par Tiberge.
– Déportation de Manon en Louisiane.
– Lorsque le Chevalier parle à son ami de sa passion pour Manon au début du roman, celui-ci
ne réagit pas comme il l’aurait espéré: « je lui fis l’entière confidence de ma passion. Il la
reçut avec une apparence de mécontentement qui me fit frémir ».

– « Il m’exhorta à profiter de cette erreur de jeunesse pour ouvrir les yeux sur la vanité
des plaisirs. », ou encore « Le poison du plaisir vous a fait écarter du chemin ».

– « J’avais autant de penchant que vous vers la volupté, mais le ciel m’avait donné, en
même temps, du goût pour la vertu. (…) J’ai conçu pour le monde un mépris auquel il
n’y a rien d’égal. »
– « Il me menaça des châtiments du Ciel. »
– « La plus terrible punition de dieu serait de vous en laisser jouir tranquillement. »
« On ne peut réfléchir sur les préceptes de la morale, sans être étonné de les voir tout à
la fois estimés et négligés. » (Abbé Prévost)

A rapprocher de Paul et Virginie, Bernardin de Saint Pierre:


“Qu’il est difficile de faire le bien ! Il n’y a que le mal de facile à faire.”
Autres informations importantes sur le roman:
Relier le livre avec le parcours: « parcours en marge, plaisirs du romanesque ». Toujours
définie par rapport à une norme, la marge peut être spatiale, sociale, émotionnelle ou morale.
Les personnages qui s retrouvent en marge peuvent le choisir ou le subir. Le passage dans la
marginalité est donc lié à des péripéties et devient un élément de l’action romanesque.
Le romanesque, quant à lui, est une catégorie esthétique qui rappelle, par son caractère
exceptionnel, le monde du roman. Il est associé à des personnages avec des sentiments
intenses, des aventures spectaculaires, un dépaysement géographique ou de forts contrastes (le
bien et le mal, le beau et le laid, la vertu et le vice).

Le parcours rapproche ce terme de celui de plaisir. Il invite à réfléchir aux plaisirs que le
lecteur éprouve, à la lecture d’un roman, grâce aux rebondissements, aux situations
problématiques, et aux émotions fortes des personnages. Le parcours propose également de
s’interroger sur le plaisir que le lecteur peut avoir à suivre les péripéties de marginaux qui
l’emmènent dans les lieux insolites et lui font ressentir des sentiments contraires.
Thème 3
Dans quelle mesure peut-on dire que le roman Manon Lescaut s’inscrit dans le parcours «
Personnages en marge, plaisirs du romanesque » ?
I Des personnages entre marge et norme
A) Manon, une marginale involontaire qui tente vainement d’être intégrée?

• Quand débute le roman, Manon est présentée comme une jeune fille issue d’un milieu
modeste (voir le passage de la rencontre « J’avais marqué le temps »).
• Pourtant, c’est une jeune femme charmante, qui sait se tenir et dispose d’une culture
élégante.
= > Vision de Renoncourt qui la juge pouvoir être une personne de qualité alors qu’elle est
dans un convoi de prostituées.
=> Lorsque Manon prend contact pour la première fois avec Monsieur de G… de M… (fils)
elle cite des vers d’Iphigénie de Racine pour prouver sa fidélité à Des Grieux.
• C’est donc la société de l’Ancien Régime qui condamne Manon de façon bien plus dure
qu’elle ne le fait pour Des Grieux.
=> Différence de traitement dans les prisons et vis-à-vis de la déportation.
• Lorsqu’elle vit de façon simple et heureuse à La Nouvelle Orléans, Manon abandonne même
ses désirs de marginalité.
=> Lorsque Des Grieux lui propose de devenir son épouse, elle affirme qu’elle ne désire que
cela.
• Pour autant, c’est en faisant le choix d’une vie en marge des lois sociales que Manon entend
conquérir sa liberté dans le roman.
=> Manon désobéit à ses parents, vole, et s’évade de prison. Manon est une séductrice
manipulatrice.

=> Elle utilise ses charmes sur Monsieur de B…, les hommes de la famille de G… de M…, le
prince italien, Des Grieux lors de leur rencontre ou à Saint-Sulpice.
• L’héroïne a également un rapport complexe à la morale et à la société dans sa relation avec
Des Grieux. Elle défend une vision du bonheur opposée aux valeurs traditionnelles.
=> Le confort matériel, les divertissements et les plaisirs sont plus importants que la fidélité
dans un couple.
• Enfin, la marginalité de Manon est d’ordre narratif. Le récit à la première personne place le
lecteur dans la seule vision de Des Grieux. La pensée de Manon demeure un mystère et sa
voix n’est entendue que grâce à une lettre.

B) Des Grieux, un marginal assumé ou conduit par le destin?

• Contrairement à Manon, Des Grieux est un jeune noble de haute naissance qui possède les
valeurs associées à son rang.
=> Rencontre avec Renoncour qui le reconnait comme un homme de sa classe.
Récit de l’éducation respectable qu’il a reçue et récit du séjour dans le château familial.
• Tout au long du roman, il utilise largement les privilèges associés à son rang et montre un
grand orgueil vis-à-vis de sa naissance.
Traitement privilégié lors des emprisonnements, argent reçu de Renoncour, Tiberge, et
Monsieur de T…, mépris pour Monsieur de B… qui a acheté son titre de noblesse.
• Son aventure avec Manon le conduit à transgresser toutes les règles sociales et à passer du
côté de la marge.
Des Grieux quitte le séminaire, il triche aux cartes, tue un garde, et rompt définitivement avec
son père.
-Le héros semble y prendre un certain plaisir et sa passion est renforcée par les obstacles
sociaux qui se dressent en travers de son chemin. Fierté de Des Grieux lors du meurtre du
portier. Pourtant, il affirme tout au long de l’histoire qu’il est le jouet du destin et qu’il subit
une histoire tragique.
Affirmation initiale lors de la rencontre avec Manon et confirme à la fin à sa mort.
II Les plaisirs du roman:

A) Un roman d’aventure
• Le plaisir romanesque du lecteur de Manon Lescaut provient tout d’abord, de la densité des
évènements qui bouleversent la vie des héros en un temps restreint.
=> En un peu plus de quatre ans, Des Grieux et Manon connaissent un coup de foudre, une
fuite vers l’inconnu, des infidélités, des réconciliations, un incendie, un vol, des escroqueries,
des enfermements, des évasions, une déportation, un duel et une fuite dans le désert
américain.
• En lisant le roman, le lecteur a l’occasion de vivre des aventures renversantes.
=> On pense à l’évasion de Des Grieux qui finit par un meurtre, ou a celle de Manon où la
jeune fille est déguisée en homme. L’impression de densité des évènements est également
renforcée par la narration. Des Grieux concentre son attention sur les faits marquants de
l’aventure comme les séjours en prison, les tromperies de la famille de G…M, ou la fuite en
Amérique.
En revanche, il accélère le rythme du récit lorsque l’action est moins spectaculaire, c’est le cas
lors des mois dans le château familial ou de l’année passée au séminaire de Saint- Sulpice.

B) Des lieux romanesques


• Grâce à Manon Lescaut, l’abbé Prévost fait également voyager son lecteur dans des lieux
hautement romanesques.
=> En effet, le roman permet de découvrir des lieux de la marginalité parisienne. Des Grieux
raconte ainsi longuement son séjour à la prison de Saint-Lazare et décrit son expérience dans
la prison du Châtelet. Il parle également des cercles de jeux.
• Le lecteur voyage également dans des espaces insolites et exotiques.
=> Dans la deuxième partie du roman, on suit le voyage de deux mois sur l’océan Atlantique,
on découvre la vie dans la ville de La Nouvelle-Orléans, on est transporté dans les espaces
sauvages de Louisiane.

C) Des personnages captivants:


• Enfin, en parcourant le roman, le lecteur peut éprouver un plaisir certain à suivre la vie de
personnages passionnés et prêts à tout pour suivre leur passion.
=> Des Grieux semble presque suivre uniquement ses émotions: coup de foudre et donc fuite
à paris, jalousie envers Monsieur de B… et donc reprise des études, jalousie envers la famille
de G… de M… et donc tromperies.
• Il découvre surtout une histoire d’amour intense dans laquelle les deux héros s’engagent
pleinement.
=> Des Grieux fait preuve d’un dévouement amoureux spectaculaire qui touche le lecteur: il
tue pour Manon, organise son évasion, la suit lors de la déportation, se bat en duel pour éviter
que Synnelet ne l’épouse contre sa volonté et puise dans ses dernières forces pour lui donner
une sépulture au milieu du désert américain.
=> Malgré la vie de courtisane de Manon, cette dernière donne au seul Des Grieux la fidélité
de ses sentiments, elle ridiculise un prince italien qui veut la séduire pour prouver son amour
pour le jeune homme et cède à tous ses caprices même lorsque cela est contre son intérêt
(acceptation d’emmener Des Grieux chez le vieux G… de M… et de coucher avec lui dans le
lit de G… de M…).

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