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Dissertation

Sujet :
L’abbé Vincent écrit, dans Théorie des genres littéraires : « Il y a une différence de degré,
non une différence radicale et essentielle, entre la tragédie et la comédie. La même
passion, avarice hypocrisie, amour, selon sa violence, et suivant qu’elle cause de simples
mésaventures ou de vrais malheurs, peut être comique ou tragique. »
Vos lectures confirment-elles cette analyse ?

Shakespeare va présenter le théâtre comme un miroir dans Hamlet : « Le théâtre a pour


objet d’être le miroir de la nature, de montrer à la vertu ses propres traits, à l’infamie sa
propre image, et au temps même sa forme et ses traits dans la personnification du passé. »
Cette citation nous montre que le théâtre a comme objectif de renvoyer à la réalité.
Cependant, dans le théâtre, plusieurs genres s’opposent, notamment la tragédie et la
comédie. Peut-on ainsi réunir sous un même objectif des genres aux caractéristiques si
différentes ? L’abbé Vincent écrit, dans Théorie des genres littéraires : « Il y a une différence
de degré, non une différence radicale et essentielle, entre la tragédie et la comédie. La
même passion, avarice hypocrisie, amour, selon sa violence, et suivant qu’elle cause de
simples mésaventures ou de vrais malheurs, peut être comique ou tragique. » Il n’y aurait
donc pas un clivage strict entre comédie et tragédie puisque leur différenciation serait dans
l’intensité.
Nous nous demanderons dans quelle mesure le théâtre, dans la diversité et l’opposition
de ses genres, se calque sur la citation « docere, movere, placere », traduite en français par
« instruire, émouvoir, plaire » dans la Poétique d’Aristote.
Nous verrons tout d’abord que les caractéristiques de ces deux genres vont tout d’abord
s’opposer. Cependant, quel que soit son genre, comique ou tragique, le théâtre doit plaire
car c’est un divertissement ; il a également pour but d’émouvoir car il se doit de susciter une
émotion chez le spectateur, qui fait entièrement parti du système théâtral. Nous verrons
enfin que son but le plus complexe est celui d’instruire, de faire réfléchir le spectateur sur
des questionnements sociétaux ou philosophique

On va d’abord s’intéresser au fait que la comédie et la tragédie sont à première vue des
genres rivaux dans le théâtre.
Le théâtre classique, celui de la tragédie, est le genre théâtral considéré comme le
plus noble. En effet, le tragique fait partie inhérente de la vie de l’homme et l’homme va
donc se fasciner pour la mort et la tragédie. La tragédie tire ses sujets de mythes comme
Phèdre, ou de la religion comme Athalie. Les personnages sont extraordinaires, héroïques. Il
y a des crimes d’amour, de la jalousie, de vengeance,… L’action n’est pas réaliste car elle est
soumise à des règles de temps (action qui se passe en une journée), de lieu (un seul lieu), de
bienséance (pas de comique ni de violence montrée sur scène). Dans ces pièces, l’homme
est montré comme faible car ordinaire. Le théâtre comique s’y oppose donc clairement, son
sens premier est celui d’une pièce de théâtre qui fait rire et dont le dénouement est
heureux. Ce sous-genre regroupe la comédie de mœurs, de caractère, le vaudeville, la

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commedia dell’arte, la farce,… Elle se différencie de la tragédie car elle représente la vie
quotidienne, les sujets sont quotidiens, le langage est familier, les personnages de toutes
classes sont représentés. Selon Molière, elle est plus difficile que la tragédie car elle doit
représenter le réel et non l’extraordinaire, elle doit faire rire. Pour cela, elle a recours à des
comiques de gestes, de mots, de situations. D’après ces définitions, la barrière entre
comédie et tragédie est claire.
Cependant, la frontière entre les deux genres va devenir plus floue avec le temps. Des
pièces vont alors réunir des caractéristiques classiques de la tragédie avec des
caractéristiques de la comédie. Dans Combat de nègre et de chien, Koltès présente une
tragédie moderne qui intègre une écriture et un sujet moderne, la solitude et la difficulté à
communiquer, tout en respectant les caractéristiques de la tragédie. L’intrigue est simple, il
y a peu de personnages. L’unité de lieu est respectée, le décor n’est pas réaliste. L’unité de
temps est également respectée car l’intrigue commence le matin et se termine le matin
suivant, elle se déroule donc en vingt-quatre heures. Toutefois, la pièce s’émancipe de la
tragédie classique en représentant la violence dans le meurtre et la mutilation des
personnages.
On peut également être confronté au genre de la tragi-comédie. Ce genre reprend les
thèmes de la tragédie excepté une fin qui est heureuse. Il y a également un affranchissement
des règles des unités (temps, lieu, bienséance et vraisemblance). Il y a souvent des
rebondissements, et plusieurs intrigues qui se chevauchent. On peut prendre l’exemple de la
pièce de Shakespeare, Beaucoup de bruit pour rien. Cette pièce se passe en Sicile au XVIème
siècle et les intrigues sont multiples et il y des coups de théâtre. En effet l’histoire commence
quand les hommes reviennent de la guerre et Claudio veut épouser Héro, son demi-frère,
Don Juan va donc tenter de saboter leur mariage en faisant croire que Hero ne lui est pas
honnête et fidèle, elle doit donc feindre sa propre mort. En même temps les personnages
essaient de réunir Benedict et Béatrice, deux personnages qui s’opposent dans des joutes
verbales tout en ayant le même avis sur le mariage. Tout fini bien par les deux mariages.
Si la frontière entre comédie et tragédie est plutôt nette par leurs définitions, ce ne
sont que des catégories données pour aider à un classement. Cette frontière va avoir
tendance à se flouter avec des pièces qui réunissent des caractéristiques des deux
catégories. En effet, c’est seulement une différence de degré qui les sépare, le théâtre doit
avant tout plaire et susciter une réaction chez le spectateur.

Dans un second temps, on peut remarquer que le théâtre sur les injonctions « movere,
placere », il doit émouvoir et plaire au public car c’est en premier lieu un divertissement et il
doit également provoquer une émotion chez le spectateur.
Le théâtre prend une place particulière dans la littérature car c’est un genre visuel,
qui nécessite une représentation, une mise en scène. Ainsi, c’est un divertissement qui doit
plaire au public. Molière dit « le théâtre n’est fait que pour être vu », c’est un genre
esthétique. Dans le Misanthrope par exemple, les perruques des aristocrates sont un
élément visuel comique qui va accentuer justement le comique de caractère présent dans la
pièce. Il y aussi une importance des objets et du décors : dans une représentation de Jeu de
l’amour et du hasard de Marivaux, une énorme machinerie fait défiler les décors sur la
scène.
Le théâtre va aussi susciter des émotions chez le spectateur. On retrouve notamment
le terme de catharsis, terme qui désigne le fait que l’homme va se purger de ses passions, en

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assistant à une scène. Le spectateur est un élément clé du théâtre car il en est le réceptacle,
le complice. En cela, il fait partie intégrante du théâtre et les émotions suscités chez ce
dernier sont des réponses à la pièce. Le théâtre va provoquer des pleurs, de la pitié, du rire à
la vue de personnages ridicules, grotesques,… Par exemple, dans Ubu Roi de Jarry, nous
avons affaire à un personnage grotesque qui se retrouve en position de pouvoir alors qu’il ne
devrait pas. Le roi Ubu provoque des émeutes dans son propre peuple, ses dialogues avec la
mère Ubu sont plein de malentendus,… Il utilise à plusieurs reprises le mot « merdre » et le
mot « phynance », des mots qui n’ont pas le bon sens. Cette pièce provoque le comique.
Dans le théâtre tragique, le spectateur assiste à ses scènes d’hybris, où les personnages sont
soumis à la folie. Cela provoque un choque et la catharsis chez le spectateur.
Les représentations théâtre plaisent donc au public qui va alors éprouver quelque
chose. Cette catharsis faite par le spectateur va alors le pousser à mener une réflexion, sur
lui, sur son existence.

Le théâtre suit également l’injonction finale « docere », peut être la plus complexe mais
également la plus importante si on s’intéresse au message caché derrière les pièces. Le
théâtre doit instruire le spectateur, le faire réfléchir.
Le théâtre va prendre une dimension politique. Dans Le Cid de Corneille, le
dramaturge va opposer deux conceptions politiques différentes, l’une incarnée par Don
Gomès, et l’autre par Rodrigue. L’un représente l’aristocratie, en se rebellant et en refusant
d’accepter la décision prise par le monarque, tandis que Rodrigue va se soumettre au
monarque et reconnait donc le pouvoir qui lui est supérieur. Cette pièce est donc
représentative de l’époque car à ce moment-là, la noblesse cherche à s’opposer à une
monarchie qui ne fait que gagner en puissance. Corneille dénonce ainsi les conflits politiques
de son temps.
Jean Giraudoux, dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu, se sert de la réécriture d’un mythe
antique, celui de la guerre de Troie, pour illustrer sa réflexion sur la guerre. La Grèce et les
troyens s’apprêtent à faire la guerre et deux partis vont s’opposer : les pacifistes, las de la
guerre comme Hector, et les Grecs qui veulent reprendre Hélène à Pâris par la violence.
Alors que l’on pense que la guerre sera évitée, le conflit renaît lorsqu’un grec insulte
Andromaque et insulte Hector, Hector finira par tuer ce Grec et la bataille commencera.
Giraudoux prend place dans son temps puisque cette pièce sort dans les années 30,
quelques années avant la seconde guerre mondiale. Sachant que la guerre n’est plus
réellement évitable, il dénonce à travers sa pièce les mensonges et les malentendus qui
mènent à la violente et à la guerre
Le théâtre, notamment au XXème siècle va évoluer, dépasser les normes de théâtre
classique, tragique ou comique pour évoluer vers un genre d’expression des maux du siècle
et des réflexions philosophiques qui en résultent.
On peut prendre l’exemple du théâtre de l’absurde qui se développe après la seconde guerre
mondiale. En effet, après les atrocités qu’a connu le monde, surtout l’Europe, une réflexion
se met en place sur le sens de la vie. Le théâtre de l’absurde, porté notamment par Ionesco
et Beckett, rend compte de l’absurdité du sens de la vie et de l’existence. L’existence semble
sans but, la mort est inéluctable. La prise de conscience de cette lassitude de la vie permet à
l’homme de dépasser ce dégoût de la vie. Le langage va être une clé de l’absurde car c’est
une représentation directe de la communication et surtout de son échec. Dans La Cantatrice
chauve de Ionesco, le langage est parfois totalement désarticulé, dénué de sens.

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Jean-Paul Sartre, dans Huis-Clos, développe sa réflexion philosophique sur l’identité et la
confrontation avec autrui. En effet, Inès le dit bien : « l’enfer c’est les autres ». L’homme est
soumis au regard des autres, ce qui le transforme en objet, et ce processus est réciproque.
Les personnages sont pris au piège les uns des autres, par le jugement qu’ils exercent les uns
sur les autres. Ainsi, trois solutions sont proposées : l’isolement, l’entraide, ou l’amour. Mais
même l’amour ne fonctionne pas car le couple sera toujours soumis au regard d’une
troisième personne. La double face, objet d’autrui et jugement sur autrui ne permet pas de
sortir de cette spirale.

Pour conclure, le théâtre est un genre littéraire complexe car il regroupe des sous-
catégories qui s’opposent, comme la tragédie et la comédie. Cependant ces sous genres ne
se différencient que par un certain degré d’intensité, certaines pièces sont également plus
difficiles à catégoriser car elles regroupent des caractéristiques de plusieurs sous genres. En
effet, au-delà de cette catégorisation, le théâtre va suivre le modèle « docere, movere,
placere » d’Aristote. Le théâtre est un genre esthétique où la mise en scène est très
importante, il se doit donc de plaire. Il va également provoquer des émotions et des
réactions chez le spectateur, il doit émouvoir. Et enfin, ses sentiments vont mener à une
réflexion, le théâtre instruit.

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