Psaume 108
Psaume 108
Psaume 108
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Jean-François BRUNO
Mars 2024
INTRODUCTION
Le psaume 108 (109) est l’un des psaumes les plus vindica fs, les plus violents du psau er. Il fait se
poser la ques on de la violence dans la Bible et aussi de la présence, voire de l’omniprésence, des
ennemis. Il est l’un des paumes dits d’impréca ons.
Le mot impréca on vient du la n im precari qui signifie li éralement : prier contre. En 1355, une
impreca o est une prière par laquelle on vouait quelqu’un aux dieux de l’enfer. L’an quité pra quait
souvent les souhaits de malheur. Et du coup on peut se poser la ques on de savoir si on peut prier
contre quelqu’un. C’est une ques on pra quement inaudible pour un chré en et que nous reverrons
en conclusion si vous le voulez bien.
Dans la Bible en général, mais surtout dans le psau er, on constate la présence des méchants (le mot
hébreu rasha est u lisé 329 fois dans la Bible, dont 92 fois dans le psau er), des ennemis, des
persécuteurs. Assaillis par les mensonges, les moqueries, les violences, les psalmistes ripostent en
demandant à Dieu de les traiter en coupable (Ps 5,11), de leur briser le bras (Ps 9, 15), de les exclure
du monde des vivants (Ps 16, 13 – 14) et autres amabilités, comme par exemple de briser leurs enfants
contre le roc (Ps 136, 8 – 9).
On a pu regrouper les psaumes de violence, ou les versets de psaumes dont l’objet est la violence, en
trois catégories :
(1) Ceux qui parlent en termes très crus de situa on de guerre ou de massacres. C’est le cas, par
exemple du psaume 18, 58 – 39 : « Je poursuis mes ennemis, je les ra rape, je ne reviens pas
avant de les avoir achevés. Je les massacre, ils ne peuvent se relever ».
(2) Ceux qui a ribuent à Dieu, directement, des actes de violence, de cruauté. C’est le cas, par
exemple du psaume 136 qui louange Dieu pour ses ac ons contre Pharaon et les Egyp ens en
les précipitant dans la mer, et pour avoir tué des rois redoutables.
(3) Et ceux, enfin, où c’est la prière du psalmiste lui-même qui fait usage de formula ons violentes,
notamment pour demander à Dieu d’intervenir. C’est le cas de notre psaume.
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Comment comprendre la présence de telles expressions dans le psau er ? Je crois qu’il faut adme re
l’idée que les psaumes retracent souvent des expériences fortes, souvent trauma santes vécues par
des êtres de chair. Les psaumes ne sont pas des médita ons éthérées ou des spécula ons coupées des
réalités de ce monde. On doit aussi considérer que le psalmiste a la convic on que ce qui l’affecte
profondément affecte également Dieu personnellement. Et, enfin, il faut prendre en compte la distance
culturelle existante entre notre monde et celui du Proche Prient ancien, beaucoup plus sauvage que le
nôtre.
STRUCTURE
1. V. 1b – 5 : Supplica on du psalmiste adressée à Dieu pour que cesse l’adversité et le mal que
lui infligent ses ennemis, et ce en dépit de l’ami é dont il fait preuve à leur égard, et malgré
son a tude de prière.
2. V. 6 -20 : ce e par e liste les impréca ons proprement dites que le psalmiste profère contre
son ennemi. C’est une par e qui peut étonner et choquer dans ce qui est un psaume, c’est-à-
dire une prière.
3. V. 21 – 31 : dans ce e troisième par e, le psalmiste revient à meilleure composi on, en une
sorte de conversion. D’abord, il revient à la supplica on, en misant sur l’amour de Dieu. Puis,
dans une série de lamenta ons, il évoque son malheur, pour ensuite, dans une ul me
supplica on implorer l’aide de Dieu, dans la totale cer tude que c’est l’amour de Dieu qui lui
apportera le salut. Et, enfin, le psalmiste ne demande plus la vengeance contre son ennemi,
mais seulement qu’il soit couvert de honte. Le psalmiste peut ainsi reprendre la louange de
Dieu.
ANALYSE LITTERAIRE
Comme toujours dans la traduc on liturgique, le tre est omis. Il est pourtant intéressant.
Pour la lecture hébraïque du psaume, quasi-unanimement, l’auteur est bien David qui, mille ans avant
Jésus-Christ, vivait entouré d’adversaires et d’ennemis dont il fallait constamment se méfier,
notamment de Saül (2 S 22, 4, 58-39).
La lecture chré enne du psaume, notamment celle des Pères de l’Eglise, juge évidente que le juste qui
est accablé par ses ennemis alors qu’il leur voue un amour total est Jésus. Et dès lors, l’adversaire du
juste souffrant est Judas. Luc, dans les Actes des Apôtres (1, 16-21) fait ainsi parler Pierre : « Frères, il
fallait que s’accomplisse ce que l’Esprit Saint avait annoncé dans l’Ecriture, par la bouche de David, à
propos de Judas devenu le guide de ceux qui ont arrêté Jésus […] Il est de fait écrit dans le livre des
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Psaumes [… ] « qu’un autre prenne sa charge ». ». Ce e référence est celle du verset 8 de notre
psaume, ce qui fait que certains l’ont appelés « Psaume de Judas ».
Vous pourrez choisir de lire ce psaume, comme vous le souhaitez ou le ressentez, au fil des versets que
nous allons examiner, soit comme un psaume dont le juste souffrant est David, ou le psalmiste qui se
serait inspiré de la vie de David, voire du peuple d’Israël, ou bien de Jésus lui-même, l’ennemi étant
alors Judas ou ceux qui n’auront pas reconnu Jésus, comme le pense St Augus n. Et, dans ces derniers
cas les jugements et châ ments annoncés dans le psaume seraient d’essence prophé que.
Le psalmiste, qui a déjà louangé Dieu dans le passé, est prêt à reprendre sa louange dans l’avenir, mais
il supplie Dieu de l’écouter et de sor r de son silence, afin qu’Il intervienne en sa faveur.
Versets 2-3 : La bouche de l’impie, la bouche du fourbe, s’ouvrent contre moi : ils parlent de moi pour
dire des mensonges. / Ils me cernent de propos haineux, ils m’a aquent sans raison
En effet, l’impie et le fourbe parlent de lui avec haine et médisent de lui. Peut-être même qu’ils
produisent des faux témoignages. Ces paroles malveillantes et mensongères créent un climat de haine
qui paralyse le psalmiste.
Versets 4-5 : Pour prix de mon ami é, ils m’accusent, moi qui ne suis que prière. / Ils me rendent le mal
pour le bien, ils paient mon ami é de leur haine.
Et encore pire, toutes les paroles haineuses et mensongères viennent en réponse à l’ami é que le
psalmiste porte à son ennemi. Ici, dans une an thèse, l’ami é s’oppose à la haine, le mal s’oppose au
bien. Face à ces a aques le psalmiste ne peut répondre que par la prière. On retrouve la même
an thèse bien/mal et le même recours à la prière dans Jr 18 -20. Et bien sûr, il faut se rappeler la
passion du Christ relatés par Luc (Lc 22-34) au cours de laquelle Jésus prie pour ses bourreaux.
Sur un plan plus culturel, toute société théocra que de l’An quité, comme l’est la société hébraïque,
se doit de faire dominer le bien, et doit donc punir celui qui rend le mal pour le bien (PS 17, 13), le
fau f devenant lors un ennemi de Dieu puisqu’il s’a aque à l’un de ses serviteurs. Il faut d’ailleurs se
souvenir qu’à l’époque du psalmiste, le bien et le mal ne sont pas envisagés comme des abstrac ons
philosophiques, mais sont a achés à des personnages concrets comme le juste et l’impie. Et donc, en
demandant à Dieu le châ ment de l’impie, on assure aussi le salut du monde.
Dans ses impréca ons, le psalmiste u lise un vocabulaire judiciaire. Il demande qu’un impie, qu’il soit
juge ou témoin à charge (« accusateur »), se me e en peine de l’a aquer devant un tribunal de son
ennemi, lui-même un impie (v 2). Dans une telle configura on, la décision des juges ne pourrait être
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qu’inique. Ce qui est normal, car celui qui est un persécuteur par abus de son pouvoir doit, par un juste
retour des choses, être jugé et persécuté par une autorité malfaisante. En spécifiant qu’un accusateur
devait se tenir à la droite de son ennemi, le psalmiste semble exiger que soit retourné sur l’impie le
mal qu’il a fait. Celui qui l’a accusé (v.4) le sera à son tour.
On peut noter aussi qu’à par r de ce verset le psalmiste a aque « un ennemi » au singulier et non plus
« les ennemis » au pluriel, ce qu’il avait fait dans les cinq premiers versets. C’est pourquoi la lecture
chré enne du psaume a pu en déduire que c’est bien Judas l’ennemi visé, puisqu’il est la quintessence
de l’adversaire et du traître.
Verset 7 : A son procès, qu’on le déclare impie, que sa prière soit comptée comme une faute.
Ce verset prolonge l’impréca on. : au procès, l’impie doit être déclaré coupable. Sa protesta on
d’innocence (sa « prière ») doit être tenue pour nulle et non avenue, puisqu’elle est malhonnête et
donc entachée de fraude. Sa plaidoirie même sera comptée comme un péché. On peut penser que le
jugement est ici prononcé par Dieu, ce qui explique que la prière même de l’adversaire ne puisse être
exaucée.
Verset 8 : Que les jours de sa vie soient écourtés, qu’un autre prenne sa charge
Dans ce verset, le psalmiste demande la peine de mort pour son ennemi et qu’un autre s’empare de sa
charge, terme qui peut désigner ses biens et/ou le poste qu’il occupait.
Versets 9 – 10 : Que ses fils deviennent orphelins, que sa femme soit veuve. / Qu’ils soient errants,
vagabonds, ses fils, qu’ils mendient, expulsés de leurs ruines.
On a l’impression que le psalmiste veut la mort de son adversaire pour que ses enfants et sa veuve
tombent dans la misère et en soit réduit à la mendicité, sans protec on ni appui.
Verset 11 : Qu’un usurier saisisse tout son bien, que d’autres s’emparent du fruit de son travail.
Dans le Proche- 0rient ancien les créanciers jouissaient d’un pouvoir considérable face aux impayés de
leurs débiteurs : ils pouvaient bien sûr saisir les biens, mais aussi prendre les enfants pour en faire des
esclaves qu’ils vendaient.
Versets 12-15 : Que nul ne lui reste fidèle, que nul n’ait pi é de ses orphelins. / Que soit retranchée sa
descendance, que son nom s’efface avec ses enfants. / Qu’on rappelle au Seigneur les fautes de ses
pères, que les péchés de sa mère ne soient pas effacés. / Que le Seigneur garde cela devant ses yeux et
retranche de la terre leur mémoire.
On retrouve dans ces versets la solidarité familiale dans le châ ment que l’on a vu au versets 9 et 10.
Ce e vision des choses se retrouve dans la Bible. C’est ainsi que la faute des parents entraînant un
châ ment jusque sur leurs enfants se trouve en Ex 20, 5 : « Je suis un Dieu jaloux poursuivant la faute
des pères sur les fils sur trois et quatre généra ons ». Et que dire de la malédic on de David sur la
maison de Joab en 2 Samuel 3, 29 : « Qu’il [le sang d’Abner] rejaillisse sur la tête de Joab et toute sa
famille, qu’il ne cesse pas d’avoir dans la maison de Joab des gens a eints d’écoulement ou de lèpre,
ou qui ennent le fuseau, ou qui tombent sous l’épée, ou qui manquent de pain ».
Un point intéressant dans ces versets : alors que le psalmiste demande que le nom même de l’impie et
de sa famille disparaisse des mémoires, il demande que Dieu garde le souvenir de l’iniquité (« qu’il
garde cela devant ses yeux »). En effet, le souvenir de l’iniquité des ascendants de l’impie (« ses pères »)
doit être maintenu pour que Dieu puisse la punir. Dieu, en effet, ne peut oublier les péchés non expiés :
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c’est donc Lui qui s’en souvient et qui pourra punir l’iniquité. C’est donc Dieu qui effacera jusqu’au
souvenir de l’impie.
Verset 16 : Ainsi, celui qui m’accuse oublie d’être fidèle : il persécute un pauvre, un malheureux, un
homme blessé à mort.
Ce verset apporte une explica on aux impréca ons : l’impie n’a ni manifesté ni pra qué l’amour de
solidarité qu’il devait pourtant aux plus faibles du fait de l’alliance avec Dieu.
Versets 17 – 19 : Puisqu’il aime la malédic on, qu’elle entre en lui ; il refuse la bénédic on, qu’elle
s’éloigne de lui ! / Il a revêtu comme un manteau la malédic on, qu’elle entre en lui comme de l‘eau,
comme de l’huile dans ses os. / Qu’elle soit l’étoffe qui l’habite, la ceinture qui ne le qui e plus.
Ces versets nous montrent un bel exemple d’an thèse : malédic on / bénédic on.
Le psalmiste commence par souhaiter que ce que son ennemi lui a fait lui retombe dessus, selon le
principe du boomerang : que la malédic on produise ses effets sur celui qui l’a lancée et que ma
bénédic on s’éloigne de celui qui l’a dédaignée.
Puis, le psalmiste constate que, toute sa vie, l’impie a maudit, n’a pris aucun plaisir à bénir, au point
que la malédic on dont il s’est fait le serviteur est devenue pour lui comme un manteau, puis a pénétré
son corps et ses os jusqu’à la moëlle. Dire que la malédic on arrive en lui comme de l’eau est peut -
être une évoca on de l’ordalie décrite en Nb 5, 22 (et plus généralement Nb 5, 11 et s.) : à une épouse
accusée d’adultère et qui s’en défend, le prêtre fera boire une eau dite d’impréca on qui, si elle a men ,
« fera dépérir son sein et enfler son ventre » et elle « servira, pour son peuple, d’exemple pour les
malédic ons ».
Et enfin, le psalmiste conclut que la malédic on sera pour son ennemi comme son habit et comme sa
ceinture, elles l’enserreront à jamais.
Verset 20 : C’est ainsi que le Seigneur paiera mes accusateurs, ceux qui profèrent le mal contre moi.
Ce verset clôt la série d’impréca ons du psalmiste : Dieu punira ses accusateurs. Les impréca ons
auront donc un résultat, mais c’est Dieu lui-même qui va le me re en œuvre. En d’autres termes, le
psalmiste nous rappelle que nous devons nous reme re en èrement au jugement de Dieu et à sa
protec on.
On peut aussi rappeler que les impréca ons, au temps du psalmiste, étaient supposées hâter
l’interven on divine. Elles avaient essen ellement pour but de me re ce e interven on divine en
marche, au moins par la parole, interven on dont on ne doutait pas de l’efficacité.
Le psalmiste change de ton. Il demande à Dieu d’agir pour lui et de le sauver, de le délivrer de ses
adversaires. Et si Dieu doit agir c’est « à cause de son nom » et aussi en raison de son amour pour
l’homme et de sa bonté. (P 106,8 : « Il les sauvera pour l’honneur de son nom, pour montrer sa
puissance ».).
Verset 22 : Vois, je suis pauvre et malheureux ; au fond de moi, mon cœur est blessé.
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Ce verset nous dit pourquoi et de quoi le psalmiste veut être délivré :
Le psalmiste est pauvre et malheureux : on retrouve les qualifica fs u lisés au verset 16. Pour tout Juif
qui pra que le psau er, ces qualifica fs rappellent que Dieu n’oublie pas les pauvres et malheureux (Ps
9, 19), qu’il délivre (Ps 35,10), pas plus que ceux que les violents oppriment (Ps 37, 14), que Dieu relève
(Ps 107, 41) et dont il rétablira les droits (Ps 140, 13). Le psalmiste est donc certain que Dieu l’assistera.
Calvin a d’ailleurs relevé dans ces versets que le psalmiste ne compte pour être délivré que sur la bonté
de Dieu et non sur ses mérites.
Versets 23 – 25 : Je m’en vais comme le jour qui décline, comme l’insecte qu’on chasse. / J’ai tant jeûné
que mes genoux se dérobent, je suis amaigri, décharné. / Et moi, on me tourne en dérision, ceux qui me
voient hochent la tête.
Ces trois versets poursuivent la lamenta on que le psalmiste a commencé au verset 22.
Il est dans un état physique déplorable, il décline comme l’ombre du soir qui s’allonge, comme l’insecte
que l’on chasse (allusion aux sauterelles d’Ex 10, 19 ?) parce qu’on veut s’en débarrasser.
Dans l’a ente d’une réponse de Dieu (qui a gardé le silence v. 1), il a tant jeûné que ses genoux
flageolent et qu’il dépérit. Le psaume 15, 13 nous rappelle que le jeûne est une façon de s’humilier
devant Dieu pour qu’il accède aux prières de l’orant.
Et, comble de l’humilia on, c’est ce dépérissement même qui a re l’a en on de ses proches et de ses
voisins. Selon le principe de la jus ce rétribu ve, s’il est malade, c’est qu’il a commis une faute au
regard de Dieu. Ce qui entraîne sarcasme et mépris de ses voisins.
Verset 26 – 27 : Aide-moi, Seigneur mon Dieu : sauve-moi par ton amour ! / Ils connaîtront que là est
ta main, que toi, Seigneur, tu agis.
La demande de salut du psalmiste est fondée sur l’amour de Dieu. Il veut que les impies reconnaissent
que la délivrance du pauvre, du malheureux et du cœur blessé est l’œuvre de la main de Dieu. On
retrouve l’agir de Dieu du verset 21, mais non plus à l’impéra f, mais à l’indica f, ce qui marque le
passage d’une demande à l’exaucement de la demande. C’est ce que nous disent les versets suivants.
Versets 28 – 29 : Ils maudissent, toi, tu bénis. Ils se sont dressés, ils sont humiliés : ton serviteur est dans
la joie. / Qu’ils soient couverts d’infamie, mes accusateurs, et revêtus du manteau de la honte !
On retrouve ici l’an thèse malédic on / bénédic on. De fait, la bénédic on divine annule les
malédic ons lancées par les ennemis. Le psalmiste, qui est fou de joie, se reconnaît serviteur de Dieu,
et reconnaît ainsi que YHWH est son Dieu.
Quant à ses accusateurs, le psalmiste implore l’aide de Dieu pour qu’ils soient couverts de honte, qu’ils
soient déshonorés. Il n’est plus ques on de mise à mort ou de demandes de vengeance telles qu’elles
apparaissaient dans les versets d’impréca ons.
Je trouve que le verset 28 est l’un des plus beaux versets du psaume. Comme l’a relevé André Wénin,
dans un parallélisme, le psalmiste révèle ce qu’il a end de Dieu et le résultat de son interven on. Le
verset 28 comprend 18 mots qu’on peut regrouper en huit ainsi :
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Les ennemis (« eux ») sont synthé sés en trois verbes : ils maudissent, ils agressent, mais sont frappés
par la honte, ce qui laisse entendre que leur projet a échoué. Et pourquoi ? Parce que Dieu est intervenu
(« eux, mais toi ») en opposant la bénédic on à la malédic on, ce qui provoque la joie du serviteur de
Dieu. Dieu est sor de son mu sme du verset 1b.
Versets 30 – 31 : A pleine voix, je rendrai grâce au Seigneur, je le louerai parmi la mul tude, / car il se
ent à la droite du pauvre pour le sauver de ceux qui le condamnent.
Dieu étant sor de son mu sme et de son indifférence du début du psaume, le psalmiste peut
reprendre « à pleine voix », et non pas ab imo pectore, pour que tous puissent entendre, sa louange.
Sa louange fera connaitre à tous la puissance salvifique de Dieu, puissance qui l’a libéré du monde clos
et fermé sur lui-même dans lequel vivait le psalmiste perclus d’angoisse et entouré d’ennemis.
Et si Dieu a pu sauver le psalmiste de ses calomniateurs, il peut sauver n’importe qui se trouvant dans
la même situa on. C’est ce que nous dit le psalmiste dans le dernier verset qui ne parle plus de lui,
maos du « pauvre » en général, à la droite duquel Dieu se ent pour le sauver.
On peut également noter le contraste de ces deux versets avec les versets 6 et 7 traitants de l’impie.
CONCLUSION
Les sujets de médita on sur ce psaume sont nombreux. Et tout aussi nombreuses sont les
ques ons qu’il soulève.
Je voudrai, puisque nous nous intéressons à la prière, m’a arder sur l’une d’entre elles : peut-on prier
un tel psaume, un psaume de vengeance ? Peut-on donner à la prière du psaume le sens d’une
vengeance à vue humaine, jusqu’à envisager voire souhaiter l’élimina on physique de personnes
perçues comme des ennemis ?
Il est clair que la réponse à une telle ques on appar ent à chaque lecteur et on peut penser que celui
ou celle qui ne se sent pas en phase avec les sen ments, les émo ons, la situa on ou la foi qu’exprime
le psaume ne puisse le faire. Mais je crois qu’il est u le d’aller plus loin dans l’examen de la ques on,
ce que je vous propose de faire autour de trois points qui peuvent servir d’aide à la décision de prier
ou non un tel psaume.
1. La lecture chré enne des psaumes est certainement à prendre en compte. Le lecteur se doit
en effet de prendre en compte le message du Christ et de l’Eglise, message évident qui nous
rappelle l’amour des ennemis et la prière pour les persécuteurs. Je vous recommande à ce sujet
la lecture de certains passages du Nouveau Testament :
Mt 5, 44-45 ;
Lc 6, 27-28 ;
Rm 12 – 14 ;
Lc 11, 4 :
Lc 22-34 (et Ac 7, 60.)
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2. En outre, la lecture du psaume 108 (109), comme d’ailleurs tous les passages de violence dans
la Bible) nous montre que, pour rer profit des psaumes, il faut les interpréter, les expliquer,
bref les comprendre dans leur structure, leur contexte, notamment historique et narra f, leur
façon par culière de s’exprimer, etc… Ce n’est qu’après ce travail qu’on peut dire quelque chose
de la per nence humaine et spirituelle de ces textes difficiles. C’est ainsi, par exemple, que l’on
n’aura pas la même approche pour prier ce psaume si on considère que les versets 6 à 20 sont
les impréca ons que les adversaires du psalmiste lui lancent ou si, au contraire, c’est le
psalmiste qui les profère contre ses ennemis.
D’ailleurs tous les psaumes que nous avons examinés ensemble nous ont fait reconnaître qu’ils
sont souvent des cris de protesta ons face à des rela ons difficiles que le psalmiste rencontre
dans sa vie. Ces cris sont souvent salutaires, ne serait-ce que parce qu’ils perme ent de sor r
de l’enfermement toujours destructeur dans le silence. La prière des psaumes est donc une
communion avec l’humanité souffrante.
3. Et, enfin, je crois qu’il faut se souvenir que la tradi on chré enne considère les psaumes non
pas comme une prière individuelle, mais comme la prière de l’Eglise, voire comme une école
de prière.
Et c’est pourquoi il ne faut pas se contenter de prier les seuls psaumes « convenables », mais
au contraire accepter de se plier à l’exigence des psaumes, pour apprendre ce que prier veut
dire. Il faut se laisser éduquer par la parole de Dieu afin d’envisager une juste rela on avec Lui,
ce qui implique, pour l’orant, de prendre en compte la réalité du mal avec son caractère
tragique et notamment les souffrances, les indigna ons et les révoltes des vic mes du mal.
C’est aussi montrer sa confiance en ce Dieu qui ne peut laisser le mal triompher.
Et d’ailleurs, la prière du Notre Père ne lui demande-t-elle pas de nous délivrer du mal ?