La Douleur en Kinésithérapie:: Les Techniques D'analgésie Pour La Mobilisation Articulaire

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 8

Ann. Kinésithér., 1991, t. 18, nO 6, pp. 297-304 CONDUITE À TENIR DEVANT ...

© Masson, Paris, 1991

La douleur en kinésithérapie :
Les techniques d'analgésie pour la mobilisation articulaire
P. CALMELS (1), D. BAYLOT (2), B. LAURENT (3), A. RICHARD (4), G. JACQUEMOND (2),
C. GONARD (1), M. DOMENACH (1), P. MINAIRE (1)
(1) Service de Rééducation et Réadaptation Fonctionnelles, (2) Service d'Anesthésie-Réanimation (Pr C. Auboyer), (3) Service de
Neurologie - Hôpital de Bellevue, F 42023 Saint-Étienne, (4) Service d'Anesthésie-Réanimation (Pr. C. Auboyer) - Hôpital Nord,
F 42270 Saint-Priest-en-Jarez.

La douleur est un phénomène très subjectif, la douleur aiguë et les moyens ainsi que leur
dans lequel s'intriquent des éléments de connais- mode d'action bien souvent démontrés, mas-
sances, d'émotions, de relations personnelles et sages, électrothérapie, thermo ou cryothérapie,
de culture propre à chaque individu. Cependant, balnéothérapie, vibrations, etc, ... (14). La prise
on doit cliniquement distinguer deux types de en charge de la douleur chronique est source
douleurs : de nombreuses études mettant en œuvre des
- la douleur aiguë : connue, détectible, courte, moyens divers et souvent peu spécifiques au
associée à l'anxiété, d'un traitement simple, regard des différentes étiologies : des réponses
logique et souvent efficace, qui la plupart du psychologiques très importantes qui s'allient aux
temps entraîne une disparition complète; traitements médicamenteux, physiques, aux
- la douleur chronique : mal connue, difficile conseils de soins et à une prise en charge globale,
à analyser, qui dure depuis des mois ou des longue, variée et souvent un management
années, s'associe à un état dépressif et à des pluri-disciplinaire (7).
changements de personnalité. Elle est complexe
à traiter, nécessitant d'associer ou de faire
succéder plusieurs méthodes thérapeutiques, et La douleur et la rééducation fonctionnelle
aboutissant à un résultat incbmplet (17). Cette
douleur chronique est reconnue actuellement
par sa propre spécificité suite aux connaissances En Rééducation Fonctionnelle, on peut être
neurophysiologiques récentes (Gate control). confronté aux deux types de douleurs, aiguë
Au cours de son exercice, le kinésithérapeute d'origine le plus souvent mécanique ou inflam-
rencontre tous les jours la douleur qui est matoire, d'étiologie rhumatismale, post-trauma-
souvent l'objet de la prise en charge pour tique ou post-chirurgicale, ou chronique dans
l'atténuer à partir de différents moyens physi- les lésions neurologiques essentiellement quelles
ques, mais elle constitue dans bien des cas de que soient l'origine de cette atteinte
rééducation ou de réadaptation à proprement neurologique.
parlée un obstacle à la mobilisation du patient La kinésithérapie aura donc deux rôles,
et à la récupération fonctionnelle des activités indépendants ou associés, simultanément ou
motrices. alternativement. Elle sera antalgique seule,
L'action antalgique de différentes techniques mobilisatrice seule ou mobilisatrice sous antal-
physiques a été de nombreuses fois évoquée pour gie. Le kinésithérapeute sera ainsi souvent
confronté à une impossibilité de mobiliser face
Tirés à part: P. CALMELS, à l'adresse ci-dessus. à la douleur qui persiste.
298 Ann. Kinésithér., 1991, t. 18, n° 6

LA KINÉSITHÉRAPIE ANTALGIQUE LES MASSAGES

Elle correspond spécifiquement à la recherche Techniques anciennes et diverses, effleurages,


de l'antalgie par les moyens physiques la plupart pressions glissées profondes, pressions locales
du temps. Ces moyens sont divers et ne feront statiques, frictions, foulages, pétrissages, ma-
pas l'objet de développement spécifique (2, 8, 9, laxages, vibrations, massages transversaux pro-
10, 14, 21, 22, 26) : fonds de Cyriax, technique du palper-rouler de
1) massages; Wetterwald, les massages trouvent essentielle-
2) physiothérapie : ment leurs indications comme analgésiques (2).
- courant électrique galvanique, basse, N on douloureux, leur mécanisme d'action
moyenne ou haute fréquence; s'explique à partir des stimuli véhiculés par les
- vibrations (ultra-sons) ; voies de gros calibre et inhibant les voies des
- infra-rouge; nocicepteurs (Gate control); les frictions effec-
3) balnéothérapie; tuées loco-dolenti ont leur efficacité dans les
4) thermothérapie. douleurs péri-articulaires, les douleurs tendi-
Ces moyens sont très largement utilisés, le neuses, les pétrissages en cas d'infiltrats sous-
plus souvent dans les formes aiguës de douleurs, cutanés. Les pétrissages profonds et longs, les
mais aussi comme adjuvants dans la panoplie pressions locales permettent la relaxation des
des traitements des formes chroniques. contractures musculaires mécaniques. Le drai-
nage de l'œdème par la technique de drainage
lymphatique de Leduc constitue un moyen très
LA DOULEUR OBSTACLE À LA
efficace et, est souvent un préalable à la
KINÉSITHÉRAPIE
rééducation en cas d'œdème post-traumatique,
post-chirurgical ou post-phlébitique.
Dans de très nombreux cas, la douleur est un
Les massages sont cependant inéfficaces en cas
obstacle à la kinésithérapie et en particulier à
de contracture pyramidale ou extra-pyramidale,
la mobilisation : verticalisation, mobilisation
ils doivent être prudents en cas d'hématome
articulaire passive ou active, correction d'atti-
modéré. Ils sont contrindiqués en cas de
tudes vicieuses, désenraidissement articulaire, thrombose veineuse, d'affections rhumastimales
reprise fonctionnelle de la déambulation ou de
inflammatoires en poussée, de maladies infec-
la préhension. tieuses, de troubles cutanés.
La rééducation doit faire appel aux moyens Ce sOnt des moyens simples, doux, qui doivent
antalgiques pour pouvoir être effectuée. Les être utilisés en début de rééducation mais d'une
moyens sont nombreux, divers, d'intensité pro- efficacité parfois modérée et de courte durée.
gressive, et doivent être utilisés précocemment
pour éviter, lorsque la douleur est aiguë,
post-traumatique ou post-chirurgicale, l'installa- LA PHYSIOTHÉRAPIE
tion d'une raideur (18, 22) qui exigerait des
moyens antalgiques plus puissants pour sa Les moyens physiothérapiques très divers
réduction. peuvent constituer selon leurs applications des
techniques antalgiques permettant la remobilisa-
tion et la rééducation

Les techniques antalgiques d'aide à la La thermothérapie


mobilisation
L'effet de la chaleur est très bénéfique sur les
contractures musculaires et les douleurs mus-
Ces techniques doivent en principe être culaires, par des applications de poches chaudes
envisagées avant les exercices de mobilisations pendant 20 à 30 minutes, sur les rétractions
et le kinésithérapeute dispose d'un grand nombre musculaires fibreuses et articulaires lorsque s'y
de moyens d'effets plus ou moins importants. associent des exercices d'étirements mettant en
Ann. Kinésith ér., 1991, t. 18, n° 6 299

évidence des modifications objectives des possi- et en particulier les atteintes inflammatoires de
bilités de mobilisation articulaire par rapport la polyarthrite rhumatoïde, le bain de la main
aux étirements appliqués seuls (8, 18, 22). ou du pied, avec le recouvrement par un film
de paraffine pendant vingt à trente minutes,
La cryothérapie facilite la mobilisation active des extrémités (18,
22).
L'utilisation du froid comme technique
d'analgésie trouverait son explication soit sur la L'électrothérapie
base du « gate-control », soit sur la libération
d'endomorphines (22). L'application du froid Le courant galvanique isolé ou par son
sous forme de « packs » permet de diminuer application en ionisations apporte un effet
la contracture musculaire après au moins vaso-dilatateur et antalgique dans les affections
10 minutes d'application. Le froid est également rhumatismales ou traumatiques, mais essentiel-
très efficace en cas de lésions traumatiques (22), lement local.
tant dans le cas de fractures, que de lésions des Les courants de basse fréquence, modulables,
parties molles; certaines études montrent l'amé- permettent d'apporter une analgésie transcuta-
lioration de récupération de l'amplitude arti- née par stimulation des fibres de gros diamètre
culaire de sujets ayant eu des applications de et une fréquence autour de 100 Hz. Son
froid par rapport à un groupe contrôle, la application sur les points névralgiques avec
diminution de l'œdème (22). Les applications de variation de fréquence et modulation des impul-
froid sont efficaces pour faciliter les mobilisa- sions, apporte une antalgie rapide. Nous l'utili-
tions articulaires en cas de spasticité qu'elles sons plus spécifiquement en application sur les
atténuent par probablement une action réflexe trajets nerveux, cubital, médian, souvent simul-
sur les récepteurs sensitifs cutanés (22). L'action tanément, afin d'obtenir une analgésie du terri-
du froid sur la douleur est par contre très toire d'innervation, avant mobilisation, essentiel-
contreversée dans les indications de lésions lement dans les lésions du membre supérieur.
articulaires inflammatoires chroniques et une Son action est celle reconnue par son utilisation
étude récente de Bulstrode conclue qu'une dans le cas de la stimulation trans-cutanée, effet
application de froid ne modifie pas l'état endomorphinique à basse fréquence « 10 Hz),
inflammatoire de l'articulation même s'il existe inhibiteurs à fréquence plus élevée (50-150 Hz),
chez les sujets une diminution subjective de la dont l'utilisation est surtout répandue dans le
douleur (8). cas des douleurs chroniques (26).
Les courants de haute fréquence ont un effet
La balnéothérapie antalgique musculaire et décontracturant, essen-
L'hydrothérapie par les différents effets, pres- tiellement par action thermique, agissant par
sion hydrostatique, effet décontracturant et absorption au niveau des différents tissus sous-
antalgique de l'eau chaude, pression hydrique, jacents et non seulement au niveau cutané (22),
et dont l'effet semble amélioré lorsque l'applica-
relaxation, constitue un moyen important d'aide
tion est effectuée sous forme pulsée. Sur les
à la mobilisation (12) pouvant bénéficier de rétractions articulaires sans lésion osseuse son
différents artifices techniques, sangles de flottai-
son, tractions, postures, etc... action est positive pour faciliter la récupération
des amplitudes articulaires en l'associant aux
La paraffinothérapie et parafangothérapie
mobilisations passives mais moins efficace que
les ultra-sons.
La parafangothérapie et paraffinothérapie L'application de ces courants est usuelle,
constituent un mode physique d'application nécessitant souvent des applications répétées
thermique par conduction avec une température pour bénéficier d'un effet durable mais est d'un
d'environ 50 à 56°. Les applications locales apport modéré dans l'aide à la mobilisation. Ils
apportent un effet antalgique et décontracturant peuvent être contre indiqués ou source de lésions
important. Dans le cas d'atteintes périphériques, à type de brûlures (14).

1
300 Ann. Kinésithér., 1991, t. 18, n° 6

La vibrothérapie Elles sont habituellement utilisées en fin de


séance de rééducation, dans un but décontractu-
Son utilisation essentielle est représentée par
rant. On peut se demander si pratiquée avant
les ultra-sons à des fréquences entre 0,8 et la séance, leur effet myorelaxant ne serait pas
1,5 MHz, qui provoquent en fonction du bénéfique pour la mobilisation.
coefficient d'absorption des différents tissus Leur action sur l'anxiété, son retentissement
traversés, un effet calorique (22) par conversion sur la douleur, la prise de conscience corporelle
d'énergie mais aussi des modifications de per-
méabilité cellulaire. Ces ultra-sons ont fait qu'elles peuvent induire doivent conduire tout
thérapeute à mieux les considérer dans l'arsenal
l'objet de nombreuses études mettant en évi- thérapeutique à mettre en œuvre, en particulier
dence un effet thérapeutique important même lorsque la douleur devient chronique.
sur les tissus profonds (os, capsule, synoviale),
sur les contractures et douleurs musculaires, sur
les raideurs articulaires en particulier dans le cas LES THÉRAPEUTIQUES MÉDICAMENTEUSES
de péri-arthrites de l'épaule ou de fractures de
hanche se traduisant par des améliorations de Elles sont fort connues, très employées, sous
l'amplitude articulaire (22), sur les syndromes forme orale, intra-veineuse, intra-musculaire ou
algo-neurodystrophiques par stimulation du par applications locales.
ganglion stellaire et dans les rétractions arti- Les antalgiques périphériques sont très utilisés
culaires liées à des fibroses du tissu cutané ou
pour la rééducation, antalgiques purs, souvent
sous-cutané (sclérodermie, Dupuytren). associés à des anti-inflammatoires non stéroï-
Des vibrations mécaniques appliquées au
diens, en particulier dans le cas de douleurs
niveau des tendons musculaires sont susceptibles
aiguës et inflammatoires, rhumatismales, trau-
d'induire une restauration rapide de la mobilité
matiques ou post-chirurgicales (4).
articulaire après immobilisation en induisant Les psychotropes de type anti-dépresseur ou
une sensation illusoire de mouvement par benzodiazépines sont de plus en plus utilisés à
stimulation d'afférences proproceptives (24, 25). des fins antalgiques dans les douleurs
Ces applications n'ont fait encore que l'objet de chroniques (3).
peu d'études cliniques. Cependant, malgré une utilisation très fré-
LASER et champs magnétiques quente, il semble que l'on puisse se poser la
question d'une meilleure adaptation de leur
Bien que très à la mode, ces techniques n'ont prescription par rapport à la douleur dans son
pas permis encore de bien faire préciser leur rythme et son intensité quotidienne. Ainsi peut
mode d'action biologique, et des résultats être pourraient-ils être donnés avant la kinésithé-
cliniques probants dans leur application antalgi- rapie, pour faciliter la mobilisation articulaire
que en rééducation fonctionnelle. Leur effet reste mais nous n'avons pas retrouvés d'études clini-
souvent aléatoire et de courte durée pour avoir ques faisant propos des effets de substances
une application comme aide à la mobilisa- antalgiques directement sur la mobilité. Il nous
tion (5). apparaît intéressant de pouvoir développer un
protocole plus spécifique des prises médicamen-
teuses antalgiques avec les séances de rééduca-
tion qui permettrait d'obtenir une analgésie
LES MÉTHODES DE RELAXATION efficace lors des exercices de mobilisation.

Différentes dans leur pratique, elles visent


LES INFILTRATIONS ARTICULAIRES
d'une manière générale à induire un état de
OU PÉRI-ARTICULAIRES
relâchement musculaire, un ralentissement des
rythmes cardiaques et respiratoires ainsi qu'une
sensation de réchauffement de la température Classiquement utilisées pour lutter contre
cutanée. l'inflammation articulaire ou dans le cas de
Ann. Kinésith ér., 1991, t. 18, n° 6 301

certaines atteintes péri-articulaires elles le sont plusieurs jours a permis par la poursuite de
plus rarement dans le but de créer une analgésie l'analgésie de réaliser une mobilisation post-
articulaire pour la mobilisation. opératoire précoce (16).
Comme de nombreux autres services (20)
nous réalisons des infiltrations répétées (4 à a) Les blocs tronculaires :
5 fois), associant anti-inflammatoire stéroïdien Sur le membre supérieur ils peuvent être
et anesthésique local sur des épaules gelées réalisés dans le territoire du médian, du cubital,
stables, modérément douloureuses, où la rétrac- du radial par un abord au coude ou au poignet,
tion capsulaire est certaine. L'infiltration, réali- dans le territoire du musculo-cutané en complé-
sée un jour sur deux, est suivie d'une mobilisa- ment d'un bloc axillaire. Il est préférable de
tion articulaire passive effectuée par le kinésithé- réaliser un bloc plexique dans le but d'une
rapeute et du port d'une attelle d'abduction mobilisation articulaire pour obtenir une meil-
d'épaule en matériau thermo-transformable, leure répartition topographique.
régulièrement réadaptée au gain d'amplitude, et Sur le membre inférieur l'anatomie rend plus
porté tout le reste de la journée. Cette technique difficile l'utilisation de ces techniques car si il
est envisagée en hospitalisation d'une durée de est possible d'effectuer des blocs tronculaires sur
quinze jours puis une kinésithérapie active en le sciatique, le crural, le fémoro-cutané et
ambulatoire est poursuivie pendant de nom- l'obturateur, ou leurs branches il n'est pas
breuses semaines.
envisageable de les réaliser simultanément. Une
technique spécifique du « 3 en 1 » décrite par
L'ANESTHÉSIE LOCO-RÉGIONALE Winnie (16) rend possible le bloc simultané des
nerfs crural, fémoro-cutané et obturateur.
Il existe différents types de blocs nerveux dont b) Les blocs plexiques :
l'utilisation plus ou moins ancienne est parfois
spécifique à certaines indications et s'ils peuvent Seul actuellement le bloc du plexus brachial
être utilisés pour différents buts, diagnostic pour est couramment utilisé. Trois voies d'abord sont
définir précisément la zone douloureuse, pronos- décrites :
tique pour apprécier les effets probables d'une - la voie axillaire : ce bloc permet une
interruption nerveuse définitive, c'est dans un anesthésie et un bloc moteur de la main et du
but thérapeutique qu'ils doivent servir à la bras et il est possible d'agir sur tout le bras en
kinésithérapie. fonction des doses d'anesthésiques. La méthode
consiste à injecter au niveau du creux axillaire
Les blocs sympathiques dans une gaine unique qui entoure les structures
Ils sont utilisés dans le traitement des vasculo-nerveuses et constitue l'espace « neuro-
vasculaire ». Les techniques avec repérage par
neuro-algodystrophies sous forme de blocs régio- stimulation électrique permettent une meilleure
naux intra-veineux à la guanéthidine (15). Leurs précision. Les signes de bloc sympathique,
effets sur le système nerveux périphérique sensitif et moteur sont obtenus après 10 minutes
sympathique justifie leur utilisation aux phases environ (23) ;
chaudes de l'algo-neurodystrophie ce qui en fait - la voie supra-c1aviculaire : le bloc s'effectue
un des moyens thérapeutiques propres de cette
au croisement du plexus brachial et de la
affection plutôt qu'une aide à la mobilisation
dans les formes anciennes. première côte. Il réalise l'anesthésie de tout
le membre supérieur mais a pour risque le
pneumothorax (23) ;
Les blocs anesthésiques
- la voie inter-scalénique : l'injection au
Les blocs nerveux périphériques tronculaires niveau du cou dans la gouttière inter-scalénique
ou plexiques sont essentiellement des techniques n'expose pas au pneumothorax mais n'apporte
d'analgésie en chirurgie orthopédique ou trau- pas une efficacité suffisante sur l'ensemble des
matique des membres. Le maintien de cathéters territoires.
~---

302 Ann. Kinésithér., 1991, t. 18, n° 6

Olivier (23) rapporte de nombreuses études la mise en place d'un cathéter maintenu plu-
sur les analgésies per et post-opératoires et sieurs jours permet de réaliser une analgésie en
propose un protocole après repérage par stimula- continu dans le cas d'indications de mobilisa-
tion électrique d'injection de bupivacaïne ainsi tions articulaires importantes. Effectuée en
que le maintien du cathéter pendant les milieu spécialisé, la mise en place d'un cathéter
72 heures post-opératoires permettant des injec- doit être très soigneuse pour éviter les incidents
tions à la demande du malade (pas plus d'une (obstruction, rupture, ...), la surveillance rigou-
par heure). Il rapporte une étude de Ang (1) qui reuse en raison des effets secondaires (hypo-
maintient le cathéter jusqu'à 9 jours à raison de tension artérielle) et des complications éven-
2 injections par jour. tuelles (extension du territoire anesthésié, injec-
Selon ces techniques de bloc, nous avons tion intra-vasculaire ou sous-arachnoïdienne,
réalisé un bloc plexique par voie axillaire chez infections, ...).
deux patients présentant des algo-neurodystro- Une étude récente de Cooper (13) rapporte les
phies post-traumatiques du membre supérieur, effets d'une anesthésie péri-durale auprès de
sévères, anciennes, rebelles aux traitements quatorze patients présentant une algodystràphie
initiaux se traduisant par un tableau de douleurs post-traumatique du genou d'évolution moyenne
chroniques diffuses de tout le membre, d'une depuis le traumatisme initial de 6,3 mois. Ce bloc
perte totale de la mobilité tant active que passive. péri-duraI associait un anesthésique local et
L'analgésie de la main et de l'avant-bras par secondairement un morphinique lorsque le
injection de 20 ml de bupivacaïne dans le patient était mobilisé passivement. Le cathéter
cathéter a été répétée chaque jour durant 7 jours maintenu entre quatre et huit jours n'a été source
pour l'un et 9 jours pour l'autre sans complica- d'aucune complication et les résultats montrent
tion. Les patients bénéficiaient d'une kinésithéra- une nette amélioration de la symptomatologie
pie de mobilisations passives puis actives et douloureuse et surtout des amplitudes arti-
passives au bout de 5 jours associées dès le début culaires. Cet auteur propose l'utilisation d'un
au port d'une orthèse dynamique durant tout bloc épi-duraI dans l'algo-dystrophie pour per-
le reste de la journée. Cette méthode a permis mettre une analgésie et une mobilisation
aux deux patients de retrouver une activité articulaire.
volontaire de la main permettant une opposition Nous avons utilisé cette technique dans deux
polici-digitale de tous les doigts. Ceci a permis cas, une algodystrophie du membre inférieur
une antalgie et une prise de conscience des extensive et trainante (plus de deux ans d'évolu-
possibilités motrices autorisant enfin une prise tion) avec un bloc lombaire maintenu 7 jours
en charge rééducative classique. et une algodystrophie du membre supérieur (un
Au niveau du membre inférieur la disposition an d'évolution) avec un bloc cervical maintenu
anatomique des nerfs ne permet pas de réaliser 7 jours. Le maintien du cathéter s'est déroulé
des blocs plexiques assurant l'anesthésie de tout sans complication. Dans les deux cas la mobilisa-
le membre d'ou la préférence des blocs tron- tion passive a été obtenue mais la mobilisation
culaires (bloc « 3 en 1 ») utilisés en pratique . motrice volontaire recherchée après un simple
en urgence ou chirurgie ou de l'anesthésie bloc anesthésique au bout de 5 jours n'a pas pu
médullaire. être obtenue et les résultats à terme ont été
inefficaces dans ces deux cas.
c) L'anesthésie médullaire
L'anesthésie péri-durale ou épi-durale est une
L'ANESTHÉSIE GÉNÉRALE
technique d'anesthésie loco-régionale très utili-
sée liée à l'injection d'un anesthésique local dans
l'espace péri-duraI (depuis le trou occipital à la Son utilisation dans le but de mobilisations
membrane sacro-coccygienne) (16). Les indica- articulaires est ancienne, bien développée dans
tions chirurgicales pour le membre supérieur les raideurs post-chirurgicales du genou (19),
(péri-durale cervicale) ou le membre inférieur dans les raideurs d'épaules (rhumathologiques
(péri-durale lombaire) sont plus nombreuses et et traumatologiques) (6) et donne selon ces
Ann. Kinésithér., 1991, t. 18, nO 6 303

auteurs des résultats satisfaisants. Si elle permet orthopédique. ln : Épaule et Médecine de Rééducation, sous
la direction de L. Simon et J. Rodineau, Masson Édit, Paris,
une mobilisation sans douleur, outre le risque 1984.
propre qu'elle constitue, elle présente l'inconvé- 7. BRUXELLE J. - Multiplicité des composants de la douleur.
nient de ne pas permettre au patient de voir les Approche clinique du douloureux chronique. J.E.P.U. La
Pitié-Salpétrière, La Douleur et son traitement, Arnette
possibilités de mobilisations, elle ne peut pas Édit., Paris, 1988.
facilement être répétée. Ses indications sont bien 8. BULSTRODE S., CLARKE A., HARRISON R. - A controlled
spécifiques de certaines raideurs. trial to study the effects of ice therapy on joints inflammation
in chronic arthritis. Physiother. Prac., 1986, 2, 104-108.
9. CALMELS P., MINAI RE P. - L'ionisation de substances
anti-inflammatoires : les facteurs de pénétration tissulaire.
Ann. Réadapt. Méd. Phys., 1986, 28, 425-433.
Conclusion 10. CALMELS P. - Physiothérapie par ultra-sons. La Pratique
Médicale Quotidienne, 1986, 460, 5-8.
11. CALMELS P., RICHARD A., BAYLOT D., LAURENT B.,
JACQUEMOND G., DOMENACH M., MINAIRE P. - Douleur
Bien que présentant une expérience réduite, et kinésithérapie : l'anesthésie 10co-régiona1e comme aide
il nous semble que les possibilités techniques à la mobilisation articulaire. ln : Actualités en Rééducation
offertes par les blocs anesthésiques et le maintien Fonctionnelle et Réadaptation, sous la direction de L. Simon,
J. Pélissier et Ch. Hérisson, Masson Édit., Paris, 1990.
de cathéters qui permettent d'effectuer quoti- 12. CODINE P., BRUN V., PÉLISSIER J. - Raideur articulaire
diennement un bloc anesthésique offrent des et hydrothérapie. Hydrothérapie et kinébalnéothérapie, sous
possibilités pour aider le kinésithérapeute dans la direction de C. Hérisson et L. Simon, Masson Édit, Paris,
le but d'une mobilisation articulaire. Bien 1987, 96-102.
13. COOPER D. E., DELEE J. C., RAMAMURTHY S. - Reflex
d'autres techniques peuvent être utilisées anté- sympathetic dystrophy of the knee. Treatement using
rieurement ou complémentairement. Il nous continuous epidura1 anesthesia. J. Bone Joint. Surg., 1989,
apparaît intéressant d'essayer de graduer ces 71, 3, 365-369.
14. DOMENACH M., CALMELS P., MINAIRE P. - Rééducation
différents effets pour mieux savoir les utiliser et et douleur. Actes des Journées Rhône-Alpes des Médecins de
surtout déterminer leurs indications au bon Rééducation, La Douleur, 25-26 novembre 1988, Lyon.
moment par rapport à la persistance de douleurs 15. FARCOT J.-M., GILLIOT R, NORTH P., BRAUN S.,
FOUCHET G., CONSTANTINESCO R. - Les techniques lo-
et aux risques de survenue de raideurs. cales intra-veineuses et épi-durales analgésiantes appliquées
à l'a1goneurodystrophie post-traumatique. ln : La douleur
chronique, sous la direction de L. Simon, B. Roquefeuil et
J. Pélissier, Masson Édit., Paris, 1985, p. 259-266.
16. GAUTHIER-LAFAYE P. - Précis d'anesthésie loco-régionale.
Masson Édit., Paris, 1986, 336 p.
Références 17. HANNA M. - Management of chronic pain. ln : Rehabilita-
tion of the Physical Disabled Adult, edited by C. J. Goodwill
an M. A. Chamberlain, Croom Helm Edit., London, 1988,
1. ANG E. T., LASSALE R, GOLDFARB G. - Continuous p. 83-94.
axillary brachial plexus bloc. A clinical and anatomical 18. HAWKES J., CARE G., DIXON J. S., BIRD H. A.,
study. Anesth. Analg., 1984, 63, 680-684. WRIGHT V. - A comparison of three different physiothe-
2. AUGE R, CHEVARIN P., LEDUC A., MARGULIES D. - Le rapy treatments for rheumatoid arthritis of the hands.
massage : technologie de base. Techniques particulières. Physiother. Pract., 1986, 2, 155-160.
E.M C Kinésithérapie (Paris, France), 26110 A 10, 4.11.04, 19. HEULEU J.-N., CARZON J., COURTILLON A., BRETON G.,
14 p. DANIEL F., DARNAULT A., LALOU F. - Les raideurs du
3. BALDy-MoULlNIER M. - Utilisation des antidépresseurs genou : classification et attitude thérapeautique. ln :
tricycliques et de la carbamazepine comme analgésiques Actualités en rééducation fonctionnelle et réadaptation, sous
centraux. ln : La douleur chronique, sous la direction de la direction de L. Simon, Masson Édit., Paris, 1987,299-306.
L. Simon, B. Roquefeuil et J. Pélissier, Masson Édit., Paris, 20. HÉRISSON C., SIMON L. - Rééducation et algodystrophies
1985, p. 174-179. sympathiques réflexes. ln : Les algodystrophiessympathiques
4. BANNWARTH B., NETTER P., PERE P., GAUCHER A. - Les réflexes, sous la direction de L. Simon et C. Herisson,
antalgiques périphériques. ln : La douleur chronique, sous Masson Édit, 1987, p. 232-235.
la direction de L. Simon, B. Roquefeuil et J. Pélissier, 21. JACKSON M., FISCHER J., PERKINS P. - Physitherapy. ln :
Masson Édit., Paris, 1985, p. 165-174. Rehabilitation of the Physical Disabled Adult, edited by
5. BASFORD J. R, SHEFFIELD C. G., MAIR S. D., ILS- C. J. Goodwill and M. A. Chamberlain, Croom Helm Edit.,
TRUP D. M. - Low-energy helium neon laser treatement London, 1988, p. 569-592.
of thumb osteoarthritis. Arch. Phys. Med. Rehabil., 1987, 22. LEHMANN J. F., DE LATEUR B. J. - Diathermy and
68, 794-797. superficial heat and cold therapy. ln : Krusen 's handbook
6. BOITARD J., MARNAY Th., VIDAL J. - Les indications de of physical medecine and rehabilitation, 3e édition,
mobilisation de l'épaule sous anesthésie générale en milieu W. B. Saunders Company Edit, 1982, p. 275-350.
304 Ann. Kinésith ér., 1991, to 18, n° 6

230 OLIVER M., COLOMBANI A. - Analgésie par cathétérisme 25. ROLL J.-P., GILHODES J.-C. - Méthodes de rééducation
du plexus brachial. Repère par stimulation électrique. Actes motrice par assistance proprioceptive vibratoire. I-Données
des Journées Toulousaines d'Anesthésie-Réanimation, 1988. fondamentales concernant les effets perceptifs et moteurs
24. NEIGER H., GILHODES J.-C., ROLL J.-P. - Méthodes de des vibrations tendineuses chez l'homme. Anno Kinésithér.,
rééducation motrice par assistance proprioceptive vibratoire. 1983, la, 1-10.
II-Restauration de la mobilité articulaire après immobilisa- 26. STILLWELL G. K. - E1ectrotherapy. ln : Krusen's hand-
tion thérapeutique. Anno Kinésithér., 1983, la, 11-19. book of physical medecine and rehabilitation, 3e édition,
W. B. Saunders Company Edit., 1982, p. 360-371.

Vous aimerez peut-être aussi