Hanz Zimmer - La Ligne Rouge

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2019 04:07

Revue musicale OICRM

La Ligne rouge de Hans Zimmer. Matrice d’un « nouvel Hollywood »


électro-minimaliste et contemplatif
Cécile Carayol

Création musicale et sonore dans les blockbusters de Remote Control Résumé de l'article
Volume 5, numéro 2, 2018 À travers une étude comparative de plusieurs films au contexte narratif contemplatif
comme La Ligne Rouge (Terrence Malick, 1998), partition-matrice qui a marqué une
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1054148ar nette évolution dans l’esthétique zimmerienne, Hannibal (Ridley Scott, 2001), Da Vinci
DOI : https://doi.org/10.7202/1054148ar Code (de Ron Howard, 2006) « synthèse la plus raffinée des influences du
minimalisme » (Berthomieu 2013, p. 698), jusqu’à des partitions que Hans Zimmer a
composées pour Christopher Nolan comme Inception (2010) et Interstellar (2014), cet
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article montre de quelle manière Zimmer parvient pleinement à imposer un nouveau
courant musical à Hollywood en intégrant une écriture épurée imprégnée notamment
par le minimalisme d’Arvo Pärt à des boucles élaborées par des synthétiseurs ou des
Éditeur(s) sons électroniques : si les hommages ciblés à des oeuvres d’Arvo Pärt sont propices à
souligner le tourment intérieur ou le recueillement sombre, Zimmer reprend
Observatoire interdisciplinaire de création et recherche en musique (OICRM)
également des principes plus généraux de cette forme de minimalisme – souvent une
oscillation immuable et répétée à l’infini autour d’un accord parfait mineur – presque
ISSN systématiquement mêlés à cette énergie créative de timbres hybrides, afin de créer
2368-7061 (numérique) une autre temporalité apportant une forme d’inéluctable à l’image tout en maintenant
empathie et synchronisme discret comme soutiens à l’action (La Ligne rouge,
Batman Begins, Da Vinci Code, Inception). La quinte – seule, en ostinato ou répétée sur
Découvrir la revue
un motif – quintessence du tintinnabuli zimmerien (au-delà de l’accord parfait
pärtien), souligne l’instant suspendu (La Ligne rouge, Hannibal, Interstellar), tandis
qu’une forme de radicalisation de ce minimalisme qui va parfois jusqu’à la négation
Citer cet article de toute mélodie, remplacée par une note unique, devenue texture abstraite, ou par un
cluster diatonique en blend mode (Da Vinci Code, Interstellar), évoque le désespoir, la
Carayol, C. (2018). La Ligne rouge de Hans Zimmer. Matrice d’un « nouvel Hollywood »
mort, ou le néant. Loin d’être un « monde » qui « se réduit alors au vide d’un présent
électro-minimaliste et contemplatif. Revue musicale OICRM, 5 (2), 79–102.
sans rêve » (Berthomieu 2004, p. 75), l’écriture électro-minimaliste et contemplative
https://doi.org/10.7202/1054148ar
de Zimmer, marquée par une cohérence narrative forte, est connectée au programme
esthétique des films auxquels elle se destine.

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La Ligne rouge de Hans Zimmer.
Matrice d’un « nouvel Hollywood »
électro-minimaliste et contemplatif
Cécile Carayol

Résumé
À travers une étude comparative de plusieurs films au contexte narratif contemplatif
comme La Ligne Rouge (Terrence Malick, 1998), partition-matrice qui a marqué
une nette évolution dans l’esthétique zimmerienne, Hannibal (Ridley Scott, 2001),
Da Vinci Code (de Ron Howard, 2006) « synthèse la plus raffinée des influences du
minimalisme » (Berthomieu 2013, p. 698), jusqu’à des partitions que Hans Zimmer a
composées pour Christopher Nolan comme Inception (2010) et Interstellar (2014), cet
article montre de quelle manière Zimmer parvient pleinement à imposer un nouveau
courant musical à Hollywood en intégrant une écriture épurée imprégnée notamment
par le minimalisme d’Arvo Pärt à des boucles élaborées par des synthétiseurs ou des
sons électroniques : si les hommages ciblés à des œuvres d’Arvo Pärt sont propices
à souligner le tourment intérieur ou le recueillement sombre, Zimmer reprend
également des principes plus généraux de cette forme de minimalisme – souvent une
oscillation immuable et répétée à l’infini autour d’un accord parfait mineur – presque
systématiquement mêlés à cette énergie créative de timbres hybrides, afin de créer une
autre temporalité apportant une forme d’inéluctable à l’image tout en maintenant
empathie et synchronisme discret comme soutiens à l’action (La Ligne rouge,
Batman Begins, Da Vinci Code, Inception). La quinte – seule, en ostinato ou répétée
sur un motif – quintessence du tintinnabuli zimmerien (au-delà de l’accord parfait
pärtien), souligne l’instant suspendu (La Ligne rouge, Hannibal, Interstellar), tandis
qu’une forme de radicalisation de ce minimalisme qui va parfois jusqu’à la négation
de toute mélodie, remplacée par une note unique, devenue texture abstraite, ou par
un cluster diatonique en blend mode (Da Vinci Code, Interstellar), évoque le désespoir, la
mort, ou le néant. Loin d’être un « monde » qui « se réduit alors au vide d’un présent
sans rêve » (Berthomieu 2004, p. 75), l’écriture électro-minimaliste et contemplative
de Zimmer, marquée par une cohérence narrative forte, est connectée au programme
esthétique des films auxquels elle se destine.
Mots clés : Zimmer ; électro-minimaliste ; minismalisme ; contemplatif ; Pärt ;
statique ; électronique ; synthétique ; hybride ; texture abstraite ; matrice ; épure ;
radicalisation.

Abstract
Through a comparative study of several films with a contemplative narrative context
such as Thin Red Line (Terrence Malick, 1998), a score-matrix that marked a clear

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evolution in Zimmerian aesthetics, Hannibal (Ridley Scott, 2001), The Da Vinci Code
(Ron Howard, 2006) “the most sophisticated synthesis of the influences of
minimalism” (Berthomieu 2013, p. 698), to scores that Hans Zimmer composed
for Christopher Nolan as Inception (2010) and Interstellar (2014), this article shows
how Zimmer manages to impose a new musical trend in Hollywood by integrating
a pared-down writing impregnated notably by the minimalism of Arvo Pärt to loops
developed by synthesizers or electronic sounds: if tributes to works of Arvo Pärt are
appropriate to highligh inner torment or dark meditation, Zimmer also takes up more
general principles of this form of minimalism – often an immutable and infinitely
repeated oscillation around a minor perfect chord – almost systematically mixed with
this creative energy of hybrid timbres, to create another temporality bringing a form
of ineluctable to the image while maintaining empathy and discreet synchronism as
supports for the action (The Thin Red Line, Batman Begins, The Da Vinci Code, Inception).
The fifth – alone, in ostinato or repeated on a motif –, which is the quintessence
of the Zimmerian tintinnabuli (beyond the perfect Pärtian agreement), emphasizes
the suspended moment (The Thin Red Line, Hannibal, Interstellar), while a form of
radicalization of this minimalism which sometimes goes as far as the negation of any
melody, replaced by a single note, becoming abstract texture, or by a diatonic cluster
in blend mode (The Da Vinci Code, Interstellar), evokes despair, death, or nothingness.
Far from being a “world” which “is reduced to the emptiness of a present without
a dream” (Berthomieu 2004, p. 75), Zimmer’s electro-minimalist and contemplative
writing, marked by a strong narrative coherence, is connected to the aesthetic program
of the films for which it is intended.
Keywords: Zimmer; electro-minimalism; minismalism; contemplative; Pärt; static;
electronic; synthetic; hybrid; abstract texture; matrix; outline; radicalization.

Si Hans Zimmer ne déroge pas forcément aux codes instaurés par les compositeurs
du néo-hollywoodisme 1, cet article s’applique à montrer en quoi sa manière de
privilégier et d’intégrer une forme d’épure dans son écriture (imprégnée notamment
par le minimalisme d’Arvo Pärt) à des boucles élaborées par des synthétiseurs ou
des sons électroniques, participe pleinement à imposer un nouveau courant musical
à Hollywood à l’aube de ce vingt et unième siècle, à apporter des significations
narratives différentes et à transporter la perception du rapport musique-images dans
une temporalité autre.
Afin de cerner l’un des aspects majeurs du langage de ce compositeur, cette étude
s’appuie sur l’analyse de plusieurs films « d’émotions collectives » (Chion 1995,
p. 155) comportant une dimension contemplative plus ou moins marquée comme
La Ligne rouge (Terrence Malick, 1998), dans une moindre mesure Hannibal (Ridley
Scott, 2001) et Batman Begins (premier volet de la trilogie de Christopher Nolan,
2005), ou encore Da Vinci Code (Ron Howard, 2006), Inception (Christopher Nolan,
2010) et Interstellar (Christopher Nolan, 2014). Elle se fonde en partie sur les pistes

1 Au sujet du néo-hollywoodisme, voir par exemple Carayol 2012 (chapitre II). La partition de
Hans Zimmer pour Hannibal de Ridley Scott (2001) s’inscrit en partie dans le prolongement des principes
musicaux du cinéma d’horreur des années 1990.

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« nouvel Hollywood » électro-minimaliste et contemplatif

amorcées par Pierre Berthomieu dans plusieurs de ses ouvrages, quelques études
consacrées à Arvo Pärt, ainsi que sur quelques-uns de nos travaux précédents sur le
symphonisme intimiste et la dimension contemplative et minimaliste de la musique
dans le film de guerre à travers l’exemple de La Ligne Rouge qui a servi de matrice ici 2.
Ce film qui « repose sur des idées minimalistes, déclinées et enflées par des nappes
synthétiques voluptueuses sur de longues durées » (Berthomieu 2004, p. 140), auquel
on relie souvent le son Zimmer et Remote control 3, marque une rupture stylistique par
rapport à ce qui se pratiquait auparavant, ouvrant une voie nouvelle dans la musique
du cinéma hollywoodien.
Après avoir observé en quoi les hommages ciblés à des œuvres d’Arvo Pärt sont
propices à souligner le tourment intérieur ou le recueillement sombre, l’analyse
se centrera sur trois notions issues de principes plus généraux de ce minimalisme
statique : le brouillage des repères temporels par les nappes électro-minimalistes, la
quinte répétée comme symbole de l’instant suspendu, ou encore l’anti-lyrisme et les
clusters diatoniques en « blend mode » 4 – sorte de radicalisation de ce minimalisme –
pour évoquer le désespoir, la mort ou le néant.

« Darkness into Light » – Hommages à Arvo Pärt :


tourment intérieur et recueillement sombre

Le film La Ligne rouge traite de la bataille de Guadalcanal dans le Pacifique opposant


les Américains aux Japonais pendant la Seconde guerre mondiale. Terrence Malick
livre une réflexion métaphysique de l’homme face à la guerre, son rapport à l’amour, à
la mort et à la nature, à travers les monologues intérieurs de soldats qui finissent par se
confondre. Il filme la beauté d’une nature paisible par de nombreux plans méditatifs
et poétiques qui exacerbent d’autant plus la violence des combats. Pour répondre à ce
choix esthétique, la musique de Zimmer offre un contrepoint aux champ de batailles
avec une écriture minimaliste qui s’exprime notamment à travers l’inspiration du
compositeur estonien. Zimmer en retient surtout la dimension contemplative, mais
parfois cette influence permet aussi d’accompagner des situations où le sacré, et du
moins le caractère spirituel, a une place prépondérante dans le récit. La séquence de
La Ligne rouge où les soldats américains sont en période de relâche sur l’île – moment
propice aux réflexions, aux introspections secrètes, ou encore au remord qui consume
l’être, Zimmer écrit un motif au titre évocateur « Light » qui est une réminiscence
du Cantus in memoriam Benjamin Britten en la mineur modal (extrait vidéo 1 et extrait
audio 1). On entend l’esquisse de la même référence dans le cue « Virtue » de Hannibal

2 Pour toutes ces références, voir la bibliographie en fin d’article.


3 Anciennement nommé Media Ventures, Remote Control Productions est un studio fondé par Hans Zimmer
en 2003 comprenant des compositeurs à l’image (James Newton Howard, Klaus Badelt, Rupert Gregson-
Williams, John Powell, etc.) avec lesquels il lui arrive de partager le travail sur une bande originale et d’autres
collaborateurs liés plus ou moins directement à la conception musicale et sonore d’un film. Remote Control
comporte des studios de mixage, d’enregistrement et produit également des films, des sagas et des jeux vidéo.
4 Orchestration hybride mêlant instruments acoustiques et sonorités de synthèse (électroniques,
numériques).
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dans un contexte plus postromantique au moment où le Docteur Lecter soigne l’agent


Starling, dont il est épris, pour accompagner cette brève trêve du monstre. Mais c’est
surtout dans le cue de Da Vinci code intitulé « Malleus Maleficarum » (marteau des
sorcières) au caractère contemplatif, mystique et douloureux que cet hommage au
Cantus réapparaît ostensiblement pour souligner un des flashbacks les plus importants
du film, dans lequel le secret sur la descendance du Christ nous est révélé par des
images évocatrices de peintures préraphaélites (extrait audio 2 et figures 1a, 1b et 1c).
Que ce soit dans « Light » ou « Malleus Maleficarum », une même ligne mélodique
à la mélancolie recueillie chute inlassablement, donnant une impression similaire de
géotropisme statique fait essentiellement de valeurs longues. Le tout converge sur une
gamme modale et non modulante – do mineur modal dans La Ligne Rouge, la mineur
modal dans Da Vinci Code – renvoyant à la même sacralisation de l’accord parfait 5
(exemples 1a et 1b).

Extrait vidéo 1 : Terrence Malick, La Ligne rouge, recueillement sombre des soldats
pendant une période de relâche (02 :00 :43- 02 :03 :23) © Twentieth Century Fox Film Corporation.

Extrait audio 1 : Arvo Pärt, Cantus firmus in memoriam Benjamin Britten (00:36-02:18)
© Bis Records 1997. Écouter.

Extrait audio 2 : Hans Zimmer, Da Vinci Code, cue « Malleus Maleficarum » (00:00-00:57) © Decca. Écouter.

Figures 1a, 1b et 1c : Ron Howard, Da Vinci Code, trois photogrammes du flashback de la scène
de Marie-Madeleine enceinte et de la légende du marteau des sorcières (01:08:10-01:10:15) © Colombia Pictures.

5 Arvo Pärt explique : « J’ai découvert que c’était suffisant lorsqu’une seule note était bien jouée.
Cette note, ou une pulsation de silence, ou un moment de silence me réconfortent. Je travaille avec très
peu d’éléments – avec une voix, avec deux voix. Je construis avec les matériaux les plus primitifs – avec
l’accord parfait, avec une tonalité spécifique. Trois notes d’un accord sont comme des cloches. Et c’est
pourquoi j’appelle cela tintinnabulation » (propos recueillis par Wolfgang Sandner pour Tubula Rasa, dans
Moindrot 2004, p. 69).

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« nouvel Hollywood » électro-minimaliste et contemplatif

Exemple 1a : Hans Zimmer, La Ligne rouge, cue « Light ». Transcription personnelle (mes. 1-13),
à partir de la bande originale (03: 46-04:41).

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Exemple 1b : Arvo Pärt, Cantus firmus in Memoriam Benjamin Britten (mes. 12-20).
Transcription personnelle à partir du CD 6.

Dès la première apparition de Silas dans Da Vinci Code, moine sombre de l’Opus Dei,
Zimmer compose un cue intitulé « The Paschal Spiral » qui se rapproche en grande
partie de Festina Lente et de Trisagion de Pärt (œuvre très symbolique évoquant la
trinité) pour souligner les châtiments corporels que s’inflige à deux reprises ce
personnage à la fois bourreau et martyr semblant donner vie à certaines peintures de
la renaissance lorsqu’il serre un Silice sur sa cuisse ensanglantée, puis quand il fouette
son dos (figures 2a, 2b et 2c, extraits audio 3, 4 et 5).
Dans ces trois morceaux cités – « Light », « Malleus », « Paschal Spiral » – Zimmer
retient de ces œuvres une même couleur instrumentale globale (violons divisés, altos,
violoncelles, contrebasses) – excepté pour « Malleus » dans lequel le chœur lié à la
dimension sacrée de l’histoire domine, une écriture modale, sans modulation, des
valeurs allant de la noire, à la blanche pointée ou à la ronde, l’insistance sur un accord,
voire une note (le mi dans « The Paschal Spiral »), des renversements de l’accord
parfait invitant au suspensif – chiffré 6 dans « Light » et « Malleus » comme au début
de Trisagion, ou accord de la chiffré 6/4 dans « The Paschal Spiral » comme dans le
Cantus. Zimmer retient aussi le principe de « dissonance diatonique » (Moindrot 2004,
p. 69) amenée soit par surimpression de deux accords ou par les notes de passages,
celles de la mélodie qui chute perpétuellement (« Light », « Malleus ») ou celle des
différents contrechants (« The Paschal Spiral »). Le morceau « Malleus Maleficarum »,
en la mineur modal, offre une illustration convaincante de ce procédé (que l’on trouve

6 Voir extrait audio 1.

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dans des pièces comme le Cantus in memoriam Benjamin Britten – exemple 1b – ou


Trisagion). Les accords de ré mineur, de fa majeur ou de do majeur s’entremêlent à
l’accord de la mineur sous forme de tuilage. Tous ces accords – harmonies blanches
ne comportant aucune altération – invitent au diatonisme. Par exemple, les notes si
(mesure 2) sol et fa (mesure 3) de la mélodie qui descend de manière conjointe viennent
ajouter une tension à l’accord parfait de la mineur sans heurt (tout frottement est
globalement entendu comme une couleur de 9e ou de 7e d’espèce) ; les notes de l’accord
de la mineur, mesures 4 et 8, viennent, au détour d’un accord de passage, se mêler à
l’accord de ré mineur (exemple 2) : « Ainsi, un fa et un ré exprimés conjointement avec
un accord de la mineur forment-ils une dissonance diatonique » (ibid., p. 69).
Pour « Paschal Spiral », comme le fait Arvo Pärt dans le début de Trisagion, Zimmer
maintient une note pédale dans le grave sous une texture éthérée. Enfin, au moment
précis où Silas prononce les mots « Je châtie mon corps », devant la croix du Christ fixée
au mur de sa chambre ascétique, il reprend la même structure que la fin de Festina Lente.
La répétition pianissimo d’un intervalle tendu à la texture fantomatique est suivie d’un
silence, d’un « presque rien » (Jankélévitch 1976, p. 21) chez Zimmer, puis d’un éclat
douloureux des cordes (exemples 3a et 3b). Pour correspondre au programme esthétique
du film qui consiste à conjuguer des éléments du passé avec un savoir faire moderne
à l’aide de l’électronique et du numérique, comme ailleurs dans certaines œuvres du
compositeur estonien (Cantus in memoriam Benjamin Britten, Trisagion), lequel a étudié la
monodie grégorienne, Zimmer mêle ici une écriture contemporaine, mâtinée de drones
et autres infrabasses, avec des hommages à la musique ancienne. Il traite un des thèmes
principaux du film relié à la quête du Saint Graal – très évocateur d’un plain-chant joué
à l’alto ici – à la manière d’un organum, les notes contre notes formant souvent des
intervalles de quintes et de quartes (exemple 4).

Figures 2a, 2b et 2c : Ron Howard, Da Vinci Code, trois photogrammes de la scène


où Silas s’inflige des sévices corporels (07:16-08:50) © Colombia Pictures.

Extrait audio 3 : Hans Zimmer, Da Vinci Code, cue « The Paschal Spiral » (00:55-02:38) © Decca. Écouter.

Extrait audio 4 : Arvo Pärt, Trisagion (01:39-01:57) © Decca. Écouter.

Extrait audio 5 : Arvo Pärt, Festina Lente (04:59-05:35) © Decca. Écouter.

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Exemple 2 : Hans Zimmer, Da Vinci Code, cue « Malleus Maleficarum ».


Transcription personnelle à partir de la bande originale (00:00-00:51).

Exemple 3a : Hans Zimmer, Da Vinci Code, cue « The Paschal Spiral ». Transcription personnelle à partir de la
bande originale (01:49-02:15).

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Exemple 3b : Arvo Pärt, Festina lente (mes. 193-207). Transcription personnelle à partir du CD 7.

Exemple 4 : Hans Zimmer, Da Vinci Code, cue « The Paschal Spiral ».


Transcription personnelle à partir de la bande originale (00:55-01:26).

La « Question sans réponse » – Une variante de l’épique et de l’héroïsme :


brouillage des repères temporels par les nappes électro-minimalistes

Même quand ce ne sont pas des hommages aussi ciblés à des œuvres précises
d’Arvo Pärt, Zimmer conserve les principes généraux de ce minimalisme, produisant

7 Voir extrait audio 5.


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88 Cécile Carayol

« des effets de stase […] sur un mode plus strictement technique [c’est à dire des
samples ou des boucles élaborés par des synthétiseurs et des sons numériques] que ses
modèles historiques ou mystiques [Arvo Pärt en l’occurrence] » (Berthomieu 2013,
p. 697). A l’instar du war adagio de La Ligne rouge (analysé dans le paragraphe suivant),
d’autres partitions de Zimmer composées pour des grandes productions marquantes
du cinéma hollywoodien contemporain comme Batman Begins (« Vespertilio » –
amorce du thème principal développé dans la trilogie), Da Vinci Code (« Chevaliers de
Sangreal »), Inception (« Time ») ou Interstellar (« Day One » ou « Cornfield Chase »)
suivent la même trajectoire. En remodelant timbres et intervalles associés au caractère
épique ou héroïque dans les bandes originales néo-hollywoodiennes, ces nappes élec-
tro-minimalistes étirées longuement en proposent une variante en procédant à un
brouillage temporel dans ces films, en particulier celui de Malick ou encore ceux de
Nolan (Inception, Interstellar, et plus récemment dans Dunkerque, 2017), où la notion
du temps est centrale et revisitée.
Le cue « Time » entendu précisément au moment où Cobb est censé revenir au
niveau 0 de la réalité pour retrouver ses enfants à la fin d’Inception, après s’être enfoncé
dans plusieurs niveaux de rêves, est très semblable au war adagio que Zimmer – connu
depuis pour ses créations de timbres hybrides – avait écrit pour la séquence de l’assaut
du camp japonais par les soldats américains dans La Ligne Rouge 8. Le war adagio étant
une variation épurée, moderne et personnelle de celui de Samuel Barber retenu pour
Platoon. Dans les deux films, ces nappes cycliques dont le statisme est exacerbé ici par
la modalité (Fleury 1996, p. 219) – ré mineur modal pour La Ligne rouge, la mineur
modal pour Inception – évoluent de façon identiques. Une trame minimaliste – cycle de
onze mesures dans La Ligne rouge et cycle de huit mesures dans Inception – fait entendre
une succession de tierces en valeurs longues écrasées dans le grave pour souligner le
caractère tragique de la guerre ou éclatées alternativement en 10e pour symboliser les
projections mentales de Cobb. Ces cycles sont pris dans un gonflement pyramidal
marqué par la fusion de sonorités traditionnelles (cordes, cuivres, percussions, voire
le piano dans Inception) avec des timbres actuels (synthétiseurs, infrabasses, sons
numériques, voire la guitare électrique dans Inception). Des contrechants en noires
au mouvement descendant et une pulsation émergent peu à peu à l’intérieur de ces
motifs extatiques. Cela crée à la fois une empathie émotionnelle et un synchronisme
« aléatoire » (Berthomieu 2004, p. 137) associé à la mort guerrière (par exemple la
cloche plus ou moins synchrone avec les tirs) ou au rêve potentiellement inaccessible
de Cobb (celui de retrouver enfin ses enfants).
À la fin de l’affrontement des deux camps ennemis dans La Ligne rouge, les cordes
aiguës divisées de la Question sans réponse (première contemplation – au titre évocateur)
de Charles Ives se superposent en clair-obscur au monochrome sombre du war adagio
pour relier agonie et élégie ou souffrance et déshumanisation. Selon Michel Guiomar,

8 Pour le film Les Associés (Ridley Scott, 2003), Zimmer reprend pratiquement le même motif en moins
étendu que celui de La Ligne rouge.

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La Ligne rouge de Hans Zimmer. Matrice d’un 89
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le clair-obscur se présente comme un jeu réciproque de contre-jour et de contre-nuit,


[…] équilibre statique de deux équilibres dynamiques établis, […] neutralisation qui
se révèlera comme l’un des caractères essentiels du Funèbre (Guiomar 1988, p. 79).

Pour autant, les deux morceaux entretiennent également une réelle parenté. Ils sont
connectés tout d’abord par la structure : le réalisateur a fait le choix de donner la
forme ABA au morceau de Ives – symétrie absente dans l’œuvre d’origine – afin de
correspondre à la forme en arche du war adagio. On y trouve aussi un minimalisme
statique similaire en rondes et valeurs longues. Le contrechant en noires du violoncelle
de la Question sans réponse semble être un écho élégiaque du war adagio, comme si le
morceau de Zimmer résonnait encore, même de manière disloquée et distendue, dans
le morceau de Ives. Que ce soit la mélodie disjointe de la trompette solo atonale de
la Question sans réponse (dont le commentaire strident des bois dans l’œuvre originale
ont été retirés) ou les cuivres du war adagio bouchés puis sans sourdine – mais doublés
par le synthétiseur pour homogénéiser leur brillance – les deux morceaux, aux allures
d’hymnes contrariés, ne louent pas le courage des soldats. L’un murmure un héroïsme
discret, l’autre déplore, avec une sorte d’ironie amère, ce champ funeste de désolation
où les corps sans vie sont déjà convoités par les vautours. En créant une osmose
dans son écriture avec celle du morceau de Ives, bien plus qu’une « grande question
déconnectée » (Chion 2004, p. 35), Zimmer estompe surtout la limite entre héroïsme et
folie des soldats. À la fin de La Ligne Rouge, à la place d’un hymne héroïque qui aurait
pu accompagner les soldats survivants traversant le cimetière militaire, on entend le
spectre sombre et minimaliste du war adagio (cue intitulé « Silence ») – hymne évité.
C’est un « Silence » élégiaque de la musique qui correspond à la partie en intervalles
creux du war adagio (vide funeste), avec la ponctuation de la cloche tel un glas, en guise
d’un dernier adieu aux soldats morts au combat.
La musique crée une sorte de temporalité oxymore entre empathie émotionnelle et
distance. Dans La Ligne rouge, elle semble absorber la violence des coups, les blessés
agonisant, le montage très morcelé, les effets de caméra à l’épaule, les panoramiques
latéraux vertigineux, ou encore les sonorités guerrières, intégrant les bruitages en un
tout coagulé afin de souligner le caractère implacable de l’assaut. Dans Inception,
lequel donna à Zimmer le « nouveau défi d’une formule susceptible de traiter à la
fois la matière du temps et le concept du film qui bascule personnages et public d’un
univers mental à l’autre » (Berthomieu 2013, p. 698), elle devient l’alliée de Cobb,
lui insufflant une sorte d’énergie qui l’encourage, que ce soit réel ou non, à ne pas
cesser de croire qu’il va enfin retrouver ses enfants, alors que la mise en scène montre
à quelques reprises le doute qui s’immisce dans son esprit : regard perplexe de Cobb
ou personnages qu’il croise (dont son beau-père) ponctuellement floutés. Les deux
morceaux ont la même forme en arche, commençant et terminant par la « silhouette »
du motif – tierces graves sous un cliquetis électronique dans La Ligne rouge, partie
supérieure de la mélodie jouée par les harmoniques de cordes dans Inception – pour
accompagner un même type de plans en début et fin de séquence : soldats agonisants
ou morts et à demi enterrés dans La Ligne rouge ; la toupie symbole possiblement
illusoire (comme la bague de mariage) censée indiquer si Cobb se trouve dans un
niveau de rêve ou non dans Inception.

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90 Cécile Carayol

Extrait vidéo 2 : Terrence Malick, La Ligne rouge, séquence de l’assaut du camp japonais
par les soldats américains (01 :39 :36- 01 :50 :18) © Twentieth Century Fox Film Corporation.

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« nouvel Hollywood » électro-minimaliste et contemplatif

Exemple 5 : Hans Zimmer, La Ligne rouge, cue « War Adagio ». Transcription personnelle à partir de la bande
originale (fragments).

Extrait vidéo 3 : Christopher Nolan,


Inception, scène du retour éventuel de Cobb
à la fin du film (02 :11 :04-02 :15 :06)
© Warner Bros. Pictures.

Revue musicale OICRM, volume 5, no 2


92 Cécile Carayol

Exemple 6 : Hans Zimmer, Inception, cue « Time ».


Transcription personnelle à partir de la bande originale
(01:01-03:17, fragments).

Le thème associé au héros Batman (« Vespertilio ») dès le premier épisode de la


trilogie (Batman Begins, Nolan, 2005), que Zimmer co-écrit avec James Newton Howard,
s’inscrit dans un schéma à peu près similaire à celui du war adagio de La Ligne rouge.
Une même série de cellules – moins statique, les doubles remplaçant les rondes –

Revue musicale OICRM, volume 5, no 2


La Ligne rouge de Hans Zimmer. Matrice d’un 93
« nouvel Hollywood » électro-minimaliste et contemplatif

forme une boucle autour de l’accord parfait ré mineur (modal) étiré sur un temps
long. Cela est vrai pour la trilogie entière et particulièrement prégnant dans The Dark
Knight Rises, 2015. Le motif évolue peu à peu par l’ajout de strates sonores pour
devenir très massif selon une convention du genre : après un battement d’aile (sound
design) sur une infrabasse réalisée à l’aide de distorsion de basse (métal sombre et
statique) et une tenue de voix synthétiques, les cordes (traitées par informatique)
jouent deux notes ré et fa (croche deux doubles) répétées en miroir sur une cellule de
base dans le médium-grave (la-fa-ré-la). Une autre ligne fait entendre une nappe la et
sib au rythme instable, par dessus laquelle se rajoute une variante épique de cuivres
qui entonnent la tierce mineure ascendante ré-fa, en valeurs longues, ponctuée par le
rythme itératif et syncopé de la note ré (proche de la dance ou de la transe). Zimmer se
démarque des blockbusters néo-hollywoodiens en intégrant cette tierce épique – et non
plus « la quinte ascendante héroïque » (Huvet 2017, p. 80) – de forme interrogative et
au rythme iambique (stagnance selon Fleury 1996, p. 231), suggérant la vulnérabilité
de ce super-héros non doté de pouvoirs surnaturels, en proie aux doutes et souvent
confronté à des choix difficiles, à ce « statisme généralisé […] accru par l’emploi
de polarisations parfois extrêmement longues » (Revol 2004, p. 55). Ce thème de
Batman Begins sert visiblement de « patron » au morceau de Da Vinci code intitulé
« Chevaliers de Sangreal », apparaissant au moment où tous les éléments font sens
pour le professeur Langdon, le menant, tel un élu (chevalier), au décryptage final
après une longue quête difficile. Un battement numérique dans le grave sur lequel
un motif en double (même si on passe en ternaire ici), ayant la même allure interro-
gative, forme un cycle amorcé par les mêmes notes autour de l’accord de ré mineur.
Les harmonies changent davantage, mais elles sont non modulantes et contempla-
tives (modalité, accord parfait et septième d’espèce 9). Au fur et à mesure (on conserve
la même idée de gonflement pyramidal des couches sonores), le « lyrisme épique »
(Carayol 2012, p. 60-65) des cordes, puis des cuivres synthétiques (doublés par les voix
aiguës reliées au caractère sacré de l’intrigue), émanent progressivement de cette trame
minimaliste au moment où le professeur trouve enfin l’emplacement du tombeau de
Marie-Madeleine. Pour Interstellar, Zimmer a enregistré l’orgue de Temple Church à
Londres (choisi pour son ampleur colossale) dont il a ensuite « samplé » chaque son
en une infinité de cellules musicales de synthèse (« Cornfield Chase »), prenant de
plus en plus de place dans le geste (humain) de la composition porté ici par le genre de
la science fiction. La progression du thème pensée également par un épaississement
de cellules qui se démultiplient ajoutant des strates au motif de base (faM7, sol6, lam,
sol6/5), nourrit encore une fois une parenté – même si ce n’est pas aussi ostensible
que pour Inception – avec celle de la Ligne rouge, partition matrice. Associés à d’autres
sons réalisés à partir de machines (dub step, sub-bass, sound design), ces samples de
l’orgue, auquel on a retiré à la fois son appartenance à une temporalité bien définie et

9 Détail de la succession d’harmonies du cycle (« Chevaliers de Sangreal ») : ré m, ré chiffré 6/5, fa M,


do sus 4, do M, la m.

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94 Cécile Carayol

son essence « organique » 10, deviennent la catharsis d’une peur transcendée. Celle de
ce groupe d’astronautes, à l’instar du personnage principal Cooper (père de famille),
qui tente un voyage interstellaire par l’intermédiaire d’un trou de ver 11 bouleversant
totalement le temps du vécu terrestre au détriment de tout attachement familial. La
mélodie qui émerge sur la trame, en forme de question (évoquant de ce point de vue
la construction thématique de Batman et de Da Vinci code), fait entendre successive-
ment et inlassablement une quinte (la-mi), une quarte (sol-mi), une tierce (do-mi) et
une seconde (ré-mi) à l’image de l’étau qui se resserre pour ce père de famille et ses
deux enfants qui voient leur espace-temps bouleversé – brouillé – lorsqu’il part à la
conquête d’une planète viable qui pourrait permettre de préserver l’espèce humaine.

Certains motifs à la dimension contemplative de La Ligne rouge (le war adagio),


Batman (le thème principal, fin du morceau« Lasiurus »), Da Vinci Code (« Malleus
Maleficarum », « Chevaliers de Sangreal ») Inception (« Time ») et Interstellar (« Day one »,
« Cornfield Chase ») naissent et/ou s’éteignent sur un cliquetis électronique (oscillation
d’une infrabasse, répétition ininterrompue d’une même note et autre battement d’ailes
de chauve-souris mêlé à une rythmique pop) qui relève de « l’effet chronomètre », lequel
« est un moyen d’évoquer le décompte du temps, souvent à la manière de vieilles montres
à aiguilles » (Brosch 2018, p. 55). Chez Zimmer, les sonorités numériques remplacent les
« synthétiseurs imitant les cymbales charleston » pour lancer « un compte à rebours avant
même que les notes du thème ne se fassent entendre » (ibid.). Elles soulignent ensuite
les cellules répétitives ou donnent une pulsation quasi subliminale, mais suffisamment
présente pour engendrer une sensation d’imminence, à ces trames étirées sur un temps
long. Cet « effet chronomètre », se conjuguant idéalement avec l’écriture minimaliste
zimmerienne, permet de renforcer le caractère inéluctable de ces destinées sombres
(fatalité et âpreté du combat dans La Ligne rouge), de ces quêtes inaccessibles (Da Vinci
Code, Inception) ou d’exacerber le sentiment d’incertitude et la vulnérabilité du héros
(Batman Begins), parfois confronté à des phénomènes qui le dépassent (Interstellar).
De manière plus générale, dans les films analysés ici, les nappes électro-minima-
listes sont surtout le symbole d’un héroïsme hors du temps (Batman, Da Vinci Code) ou
encore celui d’un éternel recommencement, brouillant les repères spatio-temporels
(La Ligne rouge, Inception, Interstellar), où « temps et non-temps sont indissociablement
liés » (Pärt 2010, au sujet de Trisagion) : elles se font l’écho du brouillard blanc qui
enveloppe les soldats d’une menace ennemie invisible peu avant l’affrontement, de ces
entrelacs du conscient et du subconscient dans lesquels Cobb est possiblement perdu,
ou encore des imbrications parallèles de cet espace-temps (dilaté ou compressé) qui
change fondamentalement la manière dont Cooper communique avec sa fille (afin
qu’elle puisse l’aider à réussir sa mission).

10 Selon le compositeur, l’orgue « prend vie […] par de grandes goulées d'air, comme nous les humains
restons vivants grâce à la respiration » (propos recueillis par Rivaud 2014).
11 Un trou de ver (étudié dans le domaine de la physique quantique) est une sorte de sas sphérique de
l’espace-temps qui permettrait d’atteindre une autre galaxie.

Revue musicale OICRM, volume 5, no 2


La Ligne rouge de Hans Zimmer. Matrice d’un 95
« nouvel Hollywood » électro-minimaliste et contemplatif

Le « Tintinnabulum » zimmerien – La quinte répétée comme symbole de l’instant suspendu


Quelle retentisse en solo, en ostinato ou répétée sur un motif, la quinte, quintessence
du minimalisme zimmerien (au-delà de l’accord parfait pärtien), symbolise
l’instant suspendu.
Le film La Ligne rouge, marqué par l’esthétique contemplative de Malick, comporte
naturellement l’une des premières manifestations de cette utilisation de la quinte dans
la séquence où deux soldats se font tuer alors qu’ils partent faire un repérage dans
les collines gardées par les japonais. Ils sont comme paralysés par la crainte du sort
funeste que leur réserve leur progression vers le camp adverse. Ils sont figés dans
l’instant suspendu d’une ellipse temporelle connotée à la fois par le changement de la
lumière sur les herbes hautes de la colline balayée par le vent, ainsi que par la quinte
à vide (ré-la) étendue à tous les registres de l’orchestre (résonant plus ostensible-
ment à la harpe). Selon Michel Fleury, les quintes superposées suscitent un statisme
que différents compositeurs associent à l’idée de solitude, de calme immuable de la
nature ou encore d’évocation de la torpeur moite de la jungle profonde (Fleury 1996,
p. 220). Trois qualificatifs qui correspondent au ressenti des soldats dans le film et à
l’atmosphère générale de l’intrigue (extrait vidéo 4).

Extrait vidéo 4 : Terrence Malick, La Ligne rouge, scène où deux soldats partent faire un repérage
dans les collines (00:44:36-00 :45 :17) © Twentieth Century Fox Film Corporation.

La courte scène précédant un des climax horrifiques du film Hannibal où le docteur


cannibale se joue de sa proie, ici l’inspecteur italien Pazzi attaché à la verticale comme
un judas crucifié, lui infligeant la torture suprême de suspendre le temps avant de le
tuer, fait appel au même principe : une quinte ascendante est jouée en ostinato par
la harpe sous le contrechant cristallin du piano - variation du motif d’Hannibal – et
les réverbérations électroniques liées à l’enquête menée par Pazzi. Cette suspension
poétique du temps par la musique crée, à l’image de la mise en scène dont l’action se
déroule dans la ville de Florence, du beau dans l’horreur, ce qui accentuera d’autant
plus la sauvagerie du meurtre qui va suivre au son d’une musique bruitiste faite de
distorsions (extrait vidéo 5). Une quinte obstinée en doubles croches retentit aussi
à la harpe sous le motif « Malleus Maleficarum » dans Da Vinci Code lorsque Sir
Teabing explique le secret de la descendance du Christ. C’est encore une succession
de quintes descendantes en marche (suivant un schéma tonal simple) qui apparait
ostensiblement aux synthétiseurs dans Inception au moment où Cobb revient chez
lui se demandant s’il va enfin pouvoir retrouver ses enfants – illusion ou réalité –
dans l’ambiguïté de cet instant suspendu. C’est enfin la note mi, ostinato suspensif,
quinte de l’accord de la mineur autour duquel s’enroule la mélodie qui résonne dans

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96 Cécile Carayol

Interstellar pour exprimer le doute et la fascination d’un père de famille dans l’instant
suspendu d’une décision grave quand il se prépare à l’idée de piloter un vaisseau dans
une autre galaxie (afin de potentiellement y trouver un endroit habitable alors que la
terre se recouvre peu à peu d’une poussière mortelle) en sachant qu’il ne verra pas ses
enfants grandir (extrait vidéo 6).

Extrait vidéo 5 : Ridley Scott, Hannibal,


scène précédant le meurtre de Pazzi (01 :12 :40-
01 :14 :17) © 2001 Métro-Goldwyn-Mayer
Pictures Inc. et Universal Studios.

Extrait vidéo 6 : Christopher Nolan,


Interstellar, scène où Cooper est sollicité par
les astrophysiciens pour piloter le vaisseau
(00:26 :46-00 :30 :15) © Warner Bros.
Pictures et Paramount Pictures.

« Wormhole » – Anti-lyrisme et cluster diatonique en blend mode : désespoir, mort et néant


L’écriture électro-minimaliste zimmerienne va parfois jusqu’à la négation de toute
mélodie, remplacée par une note unique devenue texture abstraite ou encore par un
cluster diatonique en blend mode afin d’évoquer le désespoir, la mort, ou le néant, dans
un contexte narratif plus ou moins contemplatif.
Dans La Ligne rouge, la progression des soldats américains vers le camp ennemi
dans les explosions, est accompagnée par une note tenue – sorte de râle dans l’extrême
grave. Le caractère chaotique de la séquence naît de cet anti-lyrisme produisant une
sorte de « gel dramatique », lequel selon Mario Litwin ne peut être obtenu que par
« un son tenu ou prolongé » et « impossible à obtenir avec une musique mouvante
ou même un silence » (Litwin 1992, p. 57) – pratiquement à l’infini ici. Ce « presque
rien » musical funeste rampe au côté des prises de vue à ras du sol (plans fixes ou
travelling) qui accompagnent ces soldats et exacerbe le caractère impitoyable – parfois
fatal – de ces explosifs (extrait vidéo 7). Si « drones, vrombrissement, infrabasses
permanentes, etc. » sont « la quintessence du style Remote Control » (Berthomieu 2013,
p. 693), le film de Malick a sans doute une valeur initiatique dans l’apparition de
la sub-bass chère à Zimmer qui participe amplement à créer ce « gel dramatique » :
cette sub-bass qui sert de toile de fond à la quasi totalité des motifs originaux de la
partition (y compris le war adagio), se fait l’écho d’une destinée sombre tracée par

Revue musicale OICRM, volume 5, no 2


La Ligne rouge de Hans Zimmer. Matrice d’un 97
« nouvel Hollywood » électro-minimaliste et contemplatif

la guerre, que rien – ni la dimension contemplative, ni la beauté de la nature, ni


les réflexions intérieures – ne peut empêcher. Au sujet du traitement du son dans
La Ligne rouge, Martin Barnier remarque que l’« on trouve ici assez peu d’infrabasses en
comparaison avec la plupart des films de guerre contemporains. L’homme doit se taire
devant la nature, rester contemplatif, seule sa pensée pouvant flotter sur les images »
(Barnier 2007, p. 41-49). En prenant à son compte ce sound design que voulait éviter
le cinéaste dans son discours narratif, Zimmer, à travers l’usage de la sub-bass, crée de
nouveau une complémentarité oxymore avec les images afin de compenser ce qu’un
bruitage trop lourd aurait altéré, tout en préservant le caractère en demi-teinte du film.
Dans Da Vinci Code, la première partie du cue « The Paschal Spiral » se compose
d’un accord de la mineur joué par les cordes sur un mi de la contrebasse. Cet accord
est altéré par une pédale électronique de si et un halo de synthèse faisant résonner
un sol dans le lointain, puis il laisse place à un cluster diatonique (ré-mi-fa) du piano
et des voix en blend mode, avant de réapparaitre. Cette partie du morceau amorce la
scène où Silas (qui n’hésite pas à tuer pour accéder au secret gardé par le prieuré) est
filmé comme un vampire : que ce soit le travelling spiralique ascendant nous menant
à sa chambre plongée dans une demie obscurité rappelant l’ouverture d’Entretien avec
un vampire (Neil Jordan, 1994), la lumière froide bleutée, sa toge noire, le fait qu’il
soit albinos, la voix transformée du guide durant la conversation téléphonique en
latin ou son ombre falote écrasée dans une sorte de faux raccord (figures 3a et 3b).
Silas est comme désincarné de lui-même (peu avant de mourir, ses derniers mots
seront « Je suis un fantôme »). Le tout renvoie à sa dévotion absolue et extrêmement
malsaine que la musique exprime ici avec un motif à la fois mystique (chaque
partie ABA retentit trois fois – chiffre symbolique – la pédale électronique de si se
rapproche d’un son de cloche) et sombre (anti-lyrisme, cluster et tremblement crescendo
d’une infrabasse dans laquelle se loge un chœur d’hommes 12 quasi imperceptible).
Ce morceau associé à ce messager de la mort dans Da Vinci Code deviendra la genèse
du motif intitulé « The Wormhole » (Trou de ver) dans Interstellar, notamment au
moment où le vaisseau piloté par le héros est symboliquement happé par cet immense
trou noir. Même si le timbre bruitiste des cordes qui souligne le mouvement en spirale
de la caméra rappelle certaines partitions de science-fiction (Rencontres du troisième
type, Spielberg/Williams, 1977 ; Alien, Scott/Goldsmith, 1979), la texture globale
(piano, flûte alto, voix en blend mode, cordes) évoque celle de « The Paschal Spiral ».
On retrouve une même insistance sur la note mi (notamment la même pédale dans
le grave), un même caractère lancinant, suspensif et quasiment le même cluster (do-ré-
mi-fa). Ce motif, plus ou moins varié, est repris dans le film à chaque fois qu’il est
question de se confronter aux aléas de l’espace, remettant sans cesse en cause la
possibilité pour Cooper de retrouver sa famille et où, dans tous les cas, chaque minute
écoulée l’éloigne spatio-temporellement des siens (extrait vidéo 8). Pour paraphraser
Christophe Franco-Rogelio lorsqu’il analyse le Credo de Pärt intégrant le Prélude de

12 L’utilisation d’un chœur d’hommes bouche fermée ou aux paroles blasphématoires est devenu un
topique du cinéma d’horreur (Carayol 2017b, p. 154).

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98 Cécile Carayol

Bach dans son ouvrage Éthiques du temps (Franco-Rogelio 2014, p. 130), dans les deux
films, cette scansion récurrente de ce cluster diatonique « entraîne » tous les autres
motifs – ceux au lyrisme dissonant pärtien associé au mysticisme sombre de Silas
ou encore les cellules de l’orgue reliant ailleurs Cooper à sa famille – vers lui « à la
manière d’un trou noir ».

Extrait vidéo 7 : Terrence Malick, La Ligne rouge, progression des soldats américains
vers le camp ennemi dans les explosions (00 :45 :20-00 :47 :53)
© Twentieth Century Fox Film Corporation.

Exemple 7 : Hans Zimmer, Da Vinci code, cue « The Paschal Spiral ».


Transcription personnelle à partir de la bande originale (00:00-00:19).

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La Ligne rouge de Hans Zimmer. Matrice d’un 99
« nouvel Hollywood » électro-minimaliste et contemplatif

Figures 3a et 3b : Ron Howard, Da Vinci Code, deux photogrammes de la scène


où Silas est assimilé à un vampire (06:19-07:15) © Colombia Pictures.

Extrait audio 6 : Hans Zimmer, Da Vinci Code, cue « The Paschal Spiral » (00: 00-00:54) © Decca. Écouter.

Exemple 8 : Hans Zimmer, Interstellar, cue « The Wormhole ».


Transcription personnelle à partir de la bande originale (00:09-00:28).

Extrait vidéo 8 : Christopher Nolan, Interstellar,


scène où le vaisseau piloté par Cooper s’apprête à
pénétrer dans un trou de ver (00 :56 :33-00 :58 :09)
© Warner Bros. pictures et Paramount Pictures.

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100 Cécile Carayol

Conclusion – « New Moon » : minimalisme dans les blockbusters hollywoodiens contemporains


Même si on ne peut évidemment pas réduire l’écriture de Zimmer à ce seul aspect 13,
il est tout de même possible d’affirmer que ce minimalisme, référence ciblée à Arvo
Pärt (plus rare au cinéma que celle de John Adams et Philip Glass) ou plus globale,
mêlée à cette énergie créative de timbres hybrides, depuis la partition initiatique La
Ligne rouge, atteste bien d’une appréhension nouvelle du rapport musique-image : que
ce soit cette temporalité inéluctable élaborée à partir des nappes électro-minimalistes,
la quinte – sorte de tintinnabulum zimmerien – soulignant l’instant suspendu ou cette
forme de radicalisation qui s’exprime dans l’emploi de clusters diatoniques en blend
mode pour évoquer la mort et le néant. Ce schème minimalisme-blockbuster, sur lequel
Berthomieu insiste dans ses écrits récents (Berthomieu 2013, p. 697-698) au sujet de
films où les caractères épique et héroïque dominent et auxquels on n’associerait moins
naturellement ce type d’écriture (cette remarque étant à nuancer au regard d’un film
comme La Ligne rouge où l’esthétique de Malick invite la dimension contemplative)
peut sans doute être considéré comme une force vive et originale de cette empreinte
musico-sonore hollywoodienne contemporaine :
En quête de la note parfaite pour créer le son du Joker de The Dark Knight, le discours
d’Hans Zimmer se calque presque sur l’ambition théorique de Pärt. […] Dans la
trilogie de Batman, le héros est signalé par deux notes ré-fa et le Joker s’annonce
par la manipulation électronique d’une seule note suraiguë (un ré) qui en devient
deux (ré-fa aussi) sous forme de palpitation synthétique. […] Man of Steel répète le
principe du Dark Knight : la formule musicale de Superman se résume à deux notes,
une quinte en do majeur, une sorte de début de fanfare à la Copland/Williams en
version minimale, répétée en boucle (ibid., p. 697-698).

Et plus loin, il ajoute : « Da Vinci code reste à ce jour la synthèse la plus raffinée des
influences minimalistes chez Zimmer, de Penderecki à Pärt » (ibid.).
À l’instar de ce phénomène qu’Hans Zimmer (et Remote control) participe
activement à instaurer, un compositeur comme Alexandre Desplat qui est issu du
symphonisme intimiste (courant du cinéma français contemporain 14) et qui s’inspire
également d’Arvo Pärt 15, notamment dans ses partitions pour Jacques Audiard,
transpose ce type d’écriture, par lequel il est imprégné depuis ses débuts, dans les

13 Pour chaque film, Zimmer, qui a un sens aiguisé de l’image, cherche un concept visant à cibler au plus
juste le propos narratif : dans Da Vinci code, par exemple, le compositeur repense le leitmotiv avec une approche
stematique – par stem (procédé de mixage, sous Pro Tools par exemple, qui permet de masquer certaines pistes
instrumentales) – guidée par sa virtuosité dans la mao. C’est à dire qu’il entremêle des motifs ou des nappes
sous forme de strates (verticalement et/ou horizontalement) dans une infinité de combinaisons afin de créer
un réseau thématique dense à l’image de ce jeu de décryptage que comporte l’intrigue.
14 Voir à ce sujet Carayol 2012.
15 « Parmi les compositeurs du symphonisme intimiste, Alexandre Desplat est celui qui va le plus loin
dans l’expérimentation du minimalisme au cinéma dans des films comme Sur mes lèvres, De battre mon cœur
s’est arrêté et Les Corps impatients. […] En appliquant également son écriture minimaliste et épurée à tous
les paramètres (mélodie, harmonie, timbre, rythme, dynamique), Alexandre Desplat crée un minimalisme
intégral » (ibid., p. 129).

Revue musicale OICRM, volume 5, no 2


La Ligne rouge de Hans Zimmer. Matrice d’un 101
« nouvel Hollywood » électro-minimaliste et contemplatif

films anglo-saxons et américains. Une des singularités de Desplat – et c’est sans doute
une des raisons pour laquelle il est autant sollicité, c’est qu’il utilise aussi bien le
minimalisme dans des films intimistes (où ce langage est devenu une convention du
genre 16) comme La Jeune Fille à la perle (Peter Webber, 2003), Bright Star (Jane Campion,
2009), The Tree of life (Terrence Malick, 2011) ou encore The Danish Girl (Tom Hooper,
2015), que dans des blockbusters, et en ce point il rejoint Zimmer, mais avec son style
propre 17, comme dans les sagas Harry Potter et les reliques de la mort (David Yates,
2010 et 2011) 18, ou encore Twilight : New Moon (Chris Weitz, 2009). Dans ce dernier
film, par exemple, il peut passer d’un langage proche du symphonisme intimiste
dans des cues destinés à des scènes sentimentales comme « Memories of Edward »,
« The Cullens », ou « Marry Me, Bella » à une forme « d’undersoundesigning 19 »
(Carayol 2017a) pour les scènes d’action (« Wolves V. Vampire », « The Volturi »),
comme le fait ailleurs Hans Zimmer, même si c’est de manière moins texturale, moins
abstraite et plus symphonique (en ce sens Desplat propose une alternative stylistique
située à mi-chemin entre néo-hollywoodisme et Remote Control).
Ainsi, la musique du cinéma hollywoodienne contemporaine, portée en partie par
l’école Zimmer à l’initiative d’une esthétique oxymore mêlant minimalisme, épure et
machines massives, que l’on ne peut plus réduire désormais « au vide d’un présent
sans rêve » (Berthomieu 2004, p. 75), offre un renouveau nécessaire, induit notamment
par les avancées techniques dans le domaine des effets sonores d’un film, menant
des compositeurs néo-hollywoodiens (comme James Horner 20, Danny Elfman ou
John Williams) – hors Remote control – à repenser leur approche d’une musique de
film dans leurs bandes originales les plus récentes 21.

Bibliographie

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University Press.

16 La Leçon de piano (Jane Campion, Michael Nyman, 1993), Eyes Wide Shut (Stanley Kubrick, Jocelyn
Pook, 1998), The Hours (Stephen Daldry, Philip Glass, 2002), Carol (Todd Haynes, Carter Burwell, 2015).
17 Écriture plus symphonique, utilisation d’instruments exotiques ou modes de jeux inusités.
18 Voir Pignolet 2018.
19 « L’undersoundesigning (stricte transposition moderne du concept d’underscoring évoqué notamment
par Kalinak) consiste à créer une orchestration symphonique et/ou hybride qui puisse rivaliser avec le
sound design (et non plus le dialogue, problématique déplacée) aux infrabasses de plus en plus marquées, par
l’utilisation de percussions conventionnelles aux côtés de percussions très résonnantes telles que le taiko
japonais (percussion le plus souvent jouée en polyrythmie par 3 – petite, médium et grande), l’emploi de
certains pupitres repris par l’overdub (servant à démultiplier le timbre numériquement) ou d’un cuivre solo
renforcé par le mixage. Le tout pensé dans un juste équilibre afin de ne pas générer une valeur ajoutée qui
viendrait créer un chaos sonore tonitruant, mais qui comporte néanmoins un niveau sonore suffisant pour
s’entremêler en contrepoint timbral au sound design qui accompagne les scènes d’action » (Carayol 2017a).
20 Compositeur né en 1953 et mort en 2015.
21 Voir à ce sujet Huvet 2017.
Revue musicale OICRM, volume 5, no 2
102 Cécile Carayol

Berthomieu, Pierre (2004), La musique de film, Paris, Klincksieck.


Berthomieu, Pierre (2013), Hollywood. Le temps des mutants, Pertuis, Rouge Profond.
Brosch, Ludwig (2018), La musique des films d’épouvante aux États-Unis dans les années 1970. Une décennie
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Carayol, Cécile (2012), Une musique pour l’image, vers un symphonisme intimiste dans le cinéma français,
Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
Carayol, Cécile (2015), « Dimension contemplative et minimaliste de la musique dans le film de guerre :
exemple de La Ligne Rouge (Terrence Malick, Hans Zimmer, 1998) », communication lors de la
journée d’étude dirigée par Chloé Huvet et Jérémy Michot, Reconfiguration des pratiques musicales
dans le cinéma hollywoodien contemporain, Université Rennes 2, 28 novembre 2015
Carayol, Cécile (2017a), « Effets spéciaux de l’orchestre dans Twilight, New Moon (Weitz-Desplat,
2009) : modes de jeux et alliages instrumentaux spécifiques d’un épique obscur entre tradition
et renouveau », communication lors de la journée d’étude dirigée par Jérôme Rossi, L’orchestre et
la musique de film, Université de Nantes, 22 septembre 2017. Disponible en ligne : https://webtv.
univ-nantes.fr/fiche/10859/cecile-carayol-effets-speciaux-de-l-orchestre-dans-twilight-new-moon-
weitz-desplat-2009-modes-de-jeux-et-alliages-instrumentaux-specifiques-d-un-epique-obscur-
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de la Hammer à Twilight (New moon) », dans Cécile Carayol, Pierre-Albert Castanet et Pistone Pascal
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Revue musicale OICRM, volume 5, no 2

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