Droit - Chapitre 4

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Chapitre 4 : Les régimes de responsabilité

Analyser les responsabilités en jeu dans une situation juridique suppose une qualification des faits précise.
Cette qualification déterminera le régime juridique applicable.
Parce que la loi spéciale déroge toujours à la loi générale, il faut d'abord envisager les régimes spéciaux de
responsabilité, puis le régime de la responsabilité contractuelle et, enfin, à défaut de tous les autres, les
régimes de la responsabilité extracontractuelle.

1. Les régimes spéciaux


Les régimes spéciaux dérogent aux règles de la responsabilité civile notamment dans le cas des accidents
de la circulation, dans le cas des dommages causés par le défaut d'un produit et dans le cas des accidents
du travail.
Enfin, en cas de dommage écologique, une nouvelle voie d'action en responsabilité a été ouverte depuis
2016 par le législateur.

a. Les conditions de la responsabilité dans les accidents de la


circulation
Les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 visent une meilleure indemnisation des victimes. Ce n'est pas une
loi portant directement sur la responsabilité. En effet, derrière le mécanisme d'indemnisation mis en place,
les règles relatives à la responsabilité restent présentes. Globalement, l'indemnisation est mise à la charge
d'un assureur.
Ces dispositions ne sont donc rendues possibles que parce qu'il existe une obligation d'assurance pour les
véhicules terrestres à moteur (VTM).
Le principe de la loi est simple : la (ou les) victime(s), hormis le conducteur, est (sont) systématiquement
indemnisé(es) des dommages corporels qui leur sont causés, même si elles sont fautives (sauf cas de faute
inexcusable qui serait la cause exclusive de l'accident). L'indemnisation des dommages matériels repose sur
les règles communes de responsabilité civile.

Les conditions d'applications

En cas d'accident, la loi du 5 juillet 1985, dite loi Badinter (du nom du ministre de la Justice, garde des
Sceaux à cette date), s'applique :
 dans les accidents de la circulation : la notion de circulation doit être comprise au sens
large sur les voies privées et publiques, peu importe que les véhicules soient en
mouvement ;
 si un véhicule terrestre à moteur est impliqué : sont visés ici tous les véhicules circulant sur
les voies dès lors qu'ils sont pourvus d'un système de motorisation. Cela inclut les
tondeuses autoportées, les vélos à assistance électrique, les motos des neiges ; Par contre,
les trains circulant sur des voies propres sont exclus. La notion d'implication est très large.
Selon la cour de cassation « est impliqué au sens de l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985,

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tout véhicule qui est intervenu à un titre quelconque dans la survenance de l’accident ».
Cette notion est plus large que l'existence d'un rôle causal ;
Sont exclus du bénéfice de la loi, le conducteur lorsqu'il est seul impliqué dans l’accident, il est bien
victime d’un accident de la circulation mais il ne peut exercer de recours contre personne. C'est pour cette
raison que les assureurs proposent systématiquement une garantie des dommages corporels pour les
conducteurs.

Modalités d'indemnisation

 La victime s'adresse à l'assureur de n'importe quel véhicule impliqué.


 L'assureur du véhicule impliqué est dans l’obligation de faire une offre d'indemnisation à la
victime dans le délai 8 mois après la date des faits dommageables.
 Le règlement définitif ne peut intervenir avant la consolidation de la victime (guérison ou
stabilisation durable de son état).

Moyens d'exonération : seule la faute inexcusable de la victime, si elle a été la cause exclusive de l'accident,
peut la priver de son droit à indemnisation. Cette faute inexcusable (rarissime) est définie par la
jurisprudence comme « la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son
auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ».
Par ailleurs, le droit à indemnisation du conducteur (et de lui seul) peut être réduit en fonction de la faute
qu'il a commise.
Remarque : à défaut d'assureur ou de responsable solvable ou identifié, c'est le Fonds de garantie des
assurances obligatoires qui interviendra.

b. La responsabilité en cas de produits défectueux


En application d'une directive européenne (Directive RC produits de 1985), le législateur a créé un régime
spécifique de responsabilité pour les dommages causés par le défaut des produits (articles 1245-1 et
suivants du Code civil).
La victime d'un produit défectueux est obligée d'agir sur ce fondement à l'exclusion des autres régimes de
responsabilité.

Principes et conditions

Les producteurs sont responsables de plein droit des dommages causés par les produits défectueux qu'ils
mettent en circulation :
 la définition de produit est très large = tout bien meuble ;
 la loi ne distingue pas les victimes contractantes des non contractantes ;
 l'action est dirigée contre le producteur ou l'importateur ou, à défaut, contre le vendeur ;
 un produit est défectueux lorsqu'il ne présente pas la sécurité à laquelle on peut s'attendre.
Par conséquent les produits dangereux (outils coupants) sont exclus de l'application de la
loi sauf s'ils présentent un défaut.

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Modalités

La victime doit prouver :


 le dommage ;
 le défaut du produit.
 le lien de causalité entre le défaut du produit le dommage.

c. La réparation du préjudice écologique


D'une manière générale, le droit de la responsabilité permet une réparation des préjudices causés à autrui.
Dès lors que le dommage était causé à la « nature » en général, les actions en justice avaient du mal à
aboutir. Les dommages restaient finalement à la charge de la collectivité.
C'est pourquoi le législateur a inséré de nouvelles dispositions dans le Code civil en 2016.
Le Code civil prévoit que toute personne responsable d'un préjudice écologique est tenue de le réparer. Le
préjudice est défini comme toute atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes
ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement.
L'action en réparation n'est possible que par les acteurs cités dans le Code civil : « l'État, l'Agence française
pour la biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi
que les établissements publics et les associations […] qui ont pour objet la protection de la nature et la
défense de l'environnement. Ils devront prouver le dommage et le fait de l'auteur des dommages ».

2. La responsabilité contractuelle
Hormis si les conditions d'application des régimes spéciaux sont réunies, lorsqu'un dommage survient à
l'occasion de l'exécution d'un contrat, ce sont les règles de la responsabilité contractuelle qui s'appliquent.

a. Principe et modalités de la responsabilité contractuelle


Les parties au contrat valablement formé doivent exécuter les obligations auxquelles elles se sont
engagées. On dit que le contrat a force de loi (art. 1134 du Code civil) puisque les obligations s'imposent
aux parties (voir chapitre 2 sur l'exécution et l'inexécution du contrat).

Étendue de la responsabilité Article 1231-3 du Code civil

Le contrat peut prévoir une limitation ou une exclusion de la Le débiteur n'est tenu que des
responsabilité de l'une ou l'autre des parties. Les clauses dommages et intérêts qui ont été
limitatives ou exclusives de responsabilité sont en effet prévus ou qui pouvaient être prévus
valables dès lors qu'elles ne vident pas le contrat de sa lors de la conclusion du contrat, sauf
substance ou dès lors qu'elles ne sont pas abusives envers lorsque l'inexécution est due à une
des consommateurs. faute lourde ou dolosive.
En l'absence de clause(s) limitative(s) de la responsabilité, les
contractants sont responsables des dommages causés dans les limites du dommage prévisible.
Pour déterminer si un dommage résulte de l'inexécution d'une des obligations du contrat, il faut analyser
les clauses du contrat qui fixaient les engagements de chaque partie.
Dans le silence du contrat, le juge va déterminer, sans dénaturer le contrat, si une partie a commis un

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manquement contractuel.

Nature de l'obligation à l'origine du dommage

Si l'obligation qui lie les contractants est de moyen, la faute de celui qui aurait manqué à son obligation doit
être prouvée. Par exemple, le contrat entre un médecin et son patient contient l'obligation de soins : c'est
une obligation de moyen, le fait que le patient ne soit pas guéri n'implique pas la responsabilité du
médecin. Le médecin ne sera responsable que s'il a commis une faute.
Dans le cas d'une obligation de résultat, la preuve est constituée par les dommages causés par l'inexécution
(ou la mauvaise exécution) de cette obligation. Par exemple, le juge considère qu'une obligation de sécurité
(obligation de résultat) n'a pas été respectée si un contractant est blessé.
Un même contrat peut contenir des obligations de résultat et des obligations de moyens Par exemple, dans
un contrat de transport de voyageurs, le transporteur est soumis à une obligation de résultat pour la
sécurité et la destination et à une obligation de moyen pour l'horaire.

b. Le cas particulier du contrat de travail


Les accidents survenus à l'occasion de l'exécution d'un contrat de travail font l'objet d'un régime particulier.
Un salarié, déclaré ou non, victime d'un accident du travail n'a pas à produire la preuve de la faute de son
employeur. Il perçoit une indemnisation forfaitaire en contrepartie des dommages qu'il a subis (Code de la
sécurité sociale, Annexe I à l'art. R. 434-35).
C'est un régime d'indemnisation favorable au salarié en matière de preuve. Par contre, les indemnisations,
notamment pour les rentes en cas d'incapacité permanente sont inférieures au régime du droit commun. Si
la victime prouve que l'employeur a commis une faute inexcusable, alors il bénéficie d'une indemnisation
intégrale.
Le régime des accidents du travail de la Sécurité sociale est financé par les cotisations sociales.
Pour être qualifié d'accident du travail, un accident doit avoir eu lieu à l'occasion du travail ou sur le lieu
de travail ou sur le trajet entre le domicile et le lieu de travail.
Les accidents de trajet obéissent à un régime juridique voisin.

3. La responsabilité extracontractuelle
Le régime commun de la responsabilité civile est encadré par quatre articles du Code civil : 1240 à 1244. Il
n'a pas de fonction punitive mais a pour objet la réparation des dommages causés à partir du moment où
un lien de causalité existe entre le dommage et le fait générateur.
Le droit distingue 3 formes de responsabilité :
a. La responsabilité du fait personnel : elle est fondée sur la faute commise (article 1240 du Code
civil). Cette faute dont la qualification juridique repose sur les juges du fond est analysée in
concreto, c'est-à-dire par rapport à des circonstances précises, et non in abstracto. C'est donc une
responsabilité subjective.
La faute peut se définir d'une façon très générale comme un manquement à une obligation
préexistante : dans une circonstance donnée j'aurais du faire (comme l'aurait fait un bon père de
famille) ceci ou cela et je ne l'ai pas fait. Il s'agit d'une faute volontaire.
On peut également être responsable en cas de faute involontaire (article 1241 du Code civil). Par
conséquent, toute faute aussi légère soit-elle, toute maladresse, toute négligence est susceptible
d'être qualifiée de faute au sens juridique et entraîner la responsabilité de son auteur.
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b. La responsabilité du fait des choses : les juges ont tiré de l'article 1242 al 1 du Code civil un principe
général de responsabilité du fait des choses. Le propriétaire d'une chose ou celui qui en a la garde
est responsable si cette chose a joué un rôle actif dans la réalisation des dommages. C'est donc une
responsabilité objective.
Si, à l'origine, les seules « choses » reconnues comme entraînant la responsabilité de leur
propriétaire étaient les animaux (article 1243) et les bâtiments (article 1244), cette qualification a
été par la suite étendue à l'ensemble des choses en général (pierre, gaz, etc.).
Dans ces trois cas, la victime doit prouver le dommage, le fait générateur (rôle actif de la chose) et
le lien de causalité entre le fait générateur et le dommage.
Remarque : Les produits défectueux et les véhicules terrestres à moteur font l'objet de régimes de
responsabilité spéciaux. Voir plus haut.

c. La responsabilité du fait d'autrui : elle est par nature exceptionnelle. Par principe, les rédacteurs du
Code civil ont mis en avant la responsabilité individuelle corollaire du libre arbitre.
Le principe général de responsabilité du fait d'autrui est limité aux cas où des associations
acceptent de prendre en charge des personnes à titre permanent (centre de rééducation par
exemple).
La responsabilité du fait d'autrui s'applique :
 aux parents du fait des enfants : il s'agit d'une responsabilité de plein droit. Les parents
sont responsables des dommages causés par leurs enfants mineurs cohabitant avec eux. La
responsabilité des parents n'exclut pas celle de l'enfant ;
 aux employeurs (commettants) du fait de leur(s) préposé(s) : cette responsabilité est
limitée au moment du travail. Le commettant est responsable des dommages causés par le
préposé (sauf abus de fonction). La victime est obligée d'agir contre le commettant ;
 les enseignants du fait de leurs élèves, les artisans du fait de leurs apprentis. Cette
responsabilité est fondée sur l'obligation de surveillance des enseignants et des artisans.
Dans chacun de ces cas, la victime doit prouver le dommage, le fait générateur, le fait (ou la faute)
de l'enfant, du salarié, etc. et le lien de causalité entre le fait générateur et le dommage. C'est une
responsabilité objective.

4. Les moyens d’exonération


Le responsable peut s'exonérer de la responsabilité qui pèse sur lui en prouvant :
 la force majeure : un événement a les caractères de la force majeure lorsqu'il est imprévisible et
irrésistible (Assemblée Plénière, 14 avril 2006). Cette définition est reprise depuis 2016 par le Code
civil dans l'article 1218 : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement
échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la
conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées,
empêche l'exécution de son obligation par le débiteur » ;
 la faute de la victime : la faute de la victime peut venir réduire son droit à indemnisation en tout ou
partie selon une quotité qui sera fixée par le juge. L'exonération du responsable sera totale si la
faute de la victime présente les caractéristiques de la force majeure ;
 le fait d'un tiers : le fait d'un tiers qui contribue à la réalisation du dommage peut entraîner un
partage des responsabilités selon une quotité qui sera là aussi fixée par le juge.

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