(2002) Introduction À L'esthétique D'adorno
(2002) Introduction À L'esthétique D'adorno
(2002) Introduction À L'esthétique D'adorno
en
Ligne
INTRODUCTION
A
L'ESTHETIQUE
D'ADORNO
Approche
de
l'esthétique
d'Adorno
par
l'analyse
du
rapport
à
Marx
dans
la
Théorie
esthétique
Raphaël
CLERGET
Actuel
Marx
en
Ligne
n°14
(25/11/2002)
Ce
travail
a
pour
objet
d'introduire
à
l'esthétique
d'Adorno
en
l'abordant
sous
le
prisme
du
rapport
à
Marx.
Pour
ce
faire,
après
une
partie
méthodologique
se
confrontant
de
manière
auto-‐critique
à
la
réflexion
d'Adorno
sur
le
problème
de
la
méthode,
ce
dernier
refusant
de
manière
justifiée
l'extraction
d'une
méthode
préalable
à
l'étude
de
l'objet
proprement
dit,
une
partie
transversale
sur
le
matérialisme
et
la
dialectique
dans
l'art
et
dans
l'esthétique
permet
d'approcher
l'un
des
soubassements
travaillant
chaque
modèle
d'analyse
d'Adorno.
Les
deux
autres
parties
travaillent
à
balayer
le
champ
des
catégories
héritées
de
Marx
en
essayant
de
repérer
pour
chacune
d'elles
leur
usage
quand
elles
sont
utilisées
dans
le
domaine
esthétique.
La
première
partie
concerne
celles
plus
directement
liées
à
la
connaissance
du
monde
(idéologie,
fétichisme,
etc.)
et
la
seconde
celles
liées
à
la
transformation
du
monde
(praxis,
utopie,
etc.)
Notes
:
123
¨
les
notes
, , ,
etc.
indiquées
dans
le
texte
renvoient
en
fin
de
document
¨
les
guillemets
"
"
indiquent
une
citation,
et
les
'
'
indiquent
une
mise
entre
guillemets
de
l'expression
¨
les
ouvrages
sont
cités
en
italique.
En
l'absence
de
référence
en
note,
ils
sont
cités
dans
la
bibliographie
TABLE
DES
MATIERES
1
INTRODUCTION
1.1
Objet
d'étude
et
méthodologie
1.1.1
L'objet
de
ce
travail
et
son
contexte
1.1.2
Méthodologie
1.1.2.1
Le
refus
motivé
de
la
méthode
par
Adorno
1.1.2.2
La
méthode
employée
et
le
plan
1.1.2.3
Textes
et
références
employés
1.2
Situation
:
que
faire
?
1.2.1
Contexte
général
:
la
domination
et
la
raison
1.2.2
L'art
et
la
question
de
l'identité
1.2.3
Contexte
particulier
et
problématique
de
la
Théorie
esthétique
1.2.4
Critiques
d'Adorno
:
quelle
théorie
pour
une
stratégie
politique
?
2
MATÉRIALISME
ET
DIALECTIQUE
DANS
L'ART
ET
L'ESTHÉTIQUE
2.1
L'art
comme
lieu
d'une
lutte
dialectique
entre
l'individuel
et
l'universel
2.2
L'expression
de
la
souffrance
2.3
Une
pratique
différente
2.4
La
nécessité
de
la
distance
artistique
2.5
Les
forces
artistiques
2.6
Les
risques
de
l'œuvre
d'art
2.7
L'esthétique
3
LES
CATÉGORIES
DE
LA
CONNAISSANCE
DU
MONDE
3.1
Le
double
caractère
de
l'art
et
son
origine
dans
la
division
du
travail
3.1.1
Le
double
caractère
de
l'œuvre
d'art
3.1.2
Son
origine
dans
la
division
du
travail
3.2
Processus
de
production
3.2.1
Rapport
à
la
production
sociale
:
rationalité
et
artisanat
3.2.2
Rapport
intérieur
à
la
société,
par
la
forme
3.2.3
Relativisation
du
rôle
de
la
personne
privée
3.3
La
société
capitaliste
échangiste
et
ses
conséquences
dans
le
domaine
de
l'art
3.3.1
La
constellation
échange-‐idéologie-‐marchandise-‐réification-‐aliénation-‐fétichisme
3.3.2
Le
monde
marchand
et
l'art
:
combat
pour
l'identité
3.4
Idéologie
3.4.1
La
richesse
du
sujet
et
de
l'expérience
3.4.2
La
suppression
du
sujet
3.4.3
L'humanité
de
l'art
3.4.4
La
bonne
naturalité
de
l'art
3.4.5
Le
caractère
désengagé
de
l'art
3.4.6
L'harmonie
de
l'art
3.4.7
La
bonne
nouvelle
de
l'art
3.4.8
La
pure
spiritualité
de
l'art
3.4.9
L'art
communiquant
3.4.10
L'art
altruiste
3.4.11
La
culture
dans
toute
sa
gloire
3.5
Fétichisme
3.5.1
Le
fétichisme
de
la
marchandise
dans
la
sphère
esthétique
3.5.2
Le
fétichisme
du
caractère
d'en-‐soi
de
l'œuvre
d'art
3.5.3
Le
fétichisme
de
l'objectivation
3.5.4
Le
fétichisme
des
moyens
techniques
3.6
Réification
3.6.1
Affaiblissement
et
déformation
de
la
capacité
d'expérience
3.6.2
La
nécessité
et
les
risques
de
l'objectivation
artistique
3.7
Aliénation
3.7.1
Aliénation
comme
étrangeté
à
soi
et
comme
puissance
déterminante
3.7.2
Influence
sur
la
sphère
du
divertissement
3.7.3
Influence
sur
la
production
artistique
et
l'art
moderne
3.7.3.1
Le
montage
3.7.3.2
La
construction
3.7.4
Influence
sur
le
contemplateur
3.8
Bourgeoisie
3.8.1
Liberté
partielle
3.8.2
Quatre
grands
principes
bourgeois
:
conservation
de
soi,
échange,
propriété
et
travail
3.8.3
Idéaux
bourgeois
de
l'art
:
réconciliation,
satisfaction,
intuition
4
LES
CATÉGORIES
DE
LA
TRANSFORMATION
DU
MONDE
4.1
Praxis
4.2
Utopie
4.3
Critique
politique
4.4
Lutte
des
classes
4.5
Forces
et
rapports
de
production
4.5.1
Forces/rapports
de
production
artistiques
et
forces/rapports
de
production
sociaux
4.5.2
Les
forces
de
production
artistiques
et
les
rapports
de
production
4.5.3
Progrès
artistique
4.5.4
Le
sujet
collectif
résistant
non
encore
réalisé
5
CONCLUSION
6
BIBLIOGRAPHIE
SOMMAIRE
6.1
Textes
d'Adorno
traduits
en
Français
6.2
Textes
en
français
sur
Adorno
6.3
Autres
textes
utilisés
6.4
Dictionnaires
utilisés
6.5
Histoires
de
la
philosophie
utilisées
7
NOTES
"La
définition
de
ce
qu'est
l'art
est
toujours
donnée
à
l'avance
par
ce
qu'il
fut
autrefois,
mais
n'est
légitimée
que
par
ce
qu'il
est
devenu,
ouvert
à
ce
qu'il
veut
être
et
pourra
peut-‐être
devenir"
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique,
p.17.
1
Introduction
1.1
Objet
d'étude
et
méthodologie
1.1.1
L'objet
de
ce
travail
et
son
contexte
Ce
travail
constitue
une
première
étape
du
projet
d'une
interprétation
générale
de
la
pensée
de
la
Théorie
esthétique
(1970),
dernier
texte
inachevé
et
édité
de
façon
posthume
du
philosophe
-‐
et
musicien
-‐
allemand
Theodor
Wiesengrund
Adorno
(1903-‐1969).
La
position
dernière
de
la
Théorie
esthétique
dans
l'ensemble
de
la
production
théorique
d'Adorno,
et
donnant
la
dernière
station
de
sa
pensée,
n'était
cependant
pas
prévue
par
l'auteur.
En
effet,
les
trois
textes
essentiels
de
sa
production
théorique
auraient
dû
être
à
ses
propres
yeux[1]
la
Dialectique
négative
(1966),
la
Théorie
esthétique,
inachevée,
et
un
ouvrage
de
philosophie
morale
resté
à
l'état
de
projet.
La
Théorie
esthétique
s'attache
essentiellement
à
proposer
une
théorie
de
l'art
moderne
et
contemporain,
s'appuyant
en
particulier
sur
l'analyse
de
la
situation
des
œuvres
contemporaines
du
texte,
les
œuvres
d'après
la
Seconde
Guerre
mondiale,
d'après
l'Holocauste,
et
des
'révolutions'
artistiques
du
début
du
siècle,
en
tentant
de
penser
la
crise
qui
les
saisit
au
sein
de
leur
interrogation
sur
la
légitimité
de
leur
propre
existence
après
toutes
les
horreurs
du
siècle.
L'autre
station
théorique
essentielle
-‐
et
la
seule
achevée
-‐
a
donc
été
selon
lui
la
Dialectique
négative.
Celle-‐ci
est
présentée
dans
son
avant-‐propos[2]
comme
le
projet
de
"délivrer
la
dialectique
de
son
essence
affirmative"
en
s'efforçant
de
penser,
contre
la
pensée
systématique,
la
"discontinuité"
entre
la
méthodologie
des
travaux
appliqués
d'Adorno,
dont
le
plus
grand
nombre
porte
sur
la
musique
et
la
littérature,
et
ces
mêmes
travaux
appliqués
où
se
déploie
la
possibilité
de
"philosopher
concrètement",
et
en
cela
"parvenir
de
façon
rigoureuse
au-‐delà
de
la
séparation
officielle
entre
philosophie
pure
et
teneur
chosale
ou
forme
scientifique".
C'est
en
ce
sens
un
ouvrage
de
logique
et
l'intervention
philosophique
d'Adorno
était
donc
pensée
par
lui-‐même
comme
se
déployant
suivant
les
trois
axes
traditionnels
de
la
logique,
l'esthétique
et
l'éthique.
Cette
production
théorique
ne
se
limite
cependant
pas
au
sillage
qui
s'évanouit
le
long
des
trois
ouvrages
cités,
le
second
étant
inachevé
et
le
dernier
n'existant
pas.
Outre
l'ouvrage
La
dialectique
de
la
Raison
(1947)
écrit
avec
M.Horkheimer,
qui
constitue
un
premier
pas
important
sur
le
parcours
théorique
d'Adorno,
cherchant
à
répondre
à
la
question
de
savoir
comment
la
prétention
rationaliste
d'émancipation
de
l'homme
formulée
avec
enthousiasme
par
la
pensée
des
Lumières
a
pu
aboutir
à
l'horreur
de
l'Holocauste,
l'ambition
d'une
philosophie
concrète
d'Adorno
s'est
réalisée
le
long
d'un
grand
nombre
d'étude
sur
la
musique
et
la
littérature,
dont
l'ouvrage
Mahler
une
physionomie
musicale
(1960)
sur
le
compositeur
Mahler
du
même
nom
est
la
réalisation
la
plus
élaborée,
et
le
long
d'études
sociologiques.
Cette
première
étape
que
matérialise
le
présent
texte
a
pour
objet
limité
de
se
doter
d'instruments
de
compréhension
de
la
pensée
qui
s'y
déploie.
Ces
instruments
constituent
ce
qui
pourraient
s'appeler
des
cartographies
transversales
du
texte
en
ce
que
l'opération
analytique
a
consisté
à
recomposer
le
texte
suivant
l'axe
du
rapport
à
Marx
qu'il
faut
lire
comme
un
rapport
aux
catégories
qu'il
a
introduites.
La
justification
de
cette
opération
réside
dans
leur
massive
utilisation
tout
au
long
du
texte,
ainsi
que
l'hypothèse
que
c'est
la
dialectique
matérialiste
qui
permet
le
déroulement
du
discours
et
le
rapport
avec
Kant
et
Hegel,
qui
ont
développé
selon
Adorno
"les
conceptions
esthétiques
les
plus
puissantes"[3],
rapport
qui
ne
sera
pas
abordé
ici,
mais
qui
devra
l'être
au
cours
des
étapes
ultérieur
du
projet.
Cette
analyse,
en
tant
que
tentative
de
compréhension
philosophique
à
partir
d'une
cartographie
conceptuelle
n'est
ni
matérialiste
ni
dialectique
en
ce
sens
que
le
texte
d'Adorno
n'est
pas
déchiffré
à
partir
des
conditions
historiques
et
sociales
de
son
apparition[4].
En
cela,
c'est
bien
un
premier
pas
qu'il
s'agira
de
dépasser.
Son
intention,
elle,
n'est
pas
purement
théorique
mais
aussi
pratique
en
tant
que
permettant
de
se
doter
d'armes
théoriques
pour
affronter
les
discours
dominants
sur
l'art
qui
orientent
la
production
artistique
et
brouille
le
regard
porté
sur
les
œuvres
contemporaines.
1.1.2
Méthodologie
La
présentation
de
la
méthodologie
employée
pour
mener
à
bien
ce
travail
nécessite
un
retour
sur
le
problème
du
rapport
à
la
méthodologie
d'Adorno
qui
a,
comme
cela
a
été
évoqué
plus
haut,
constitué
le
noyau
épistémologique
de
la
Dialectique
négative.
En
effet,
sa
constitution
qui
relève
des
moyens
propres
de
l'auteur
n'est
pas
sans
poser
des
problèmes
par
rapport
à
ce
que
les
propos
méthodologiques
d'Adorno
enseignent,
en
ce
que
rien
n'assure
que
l'application
d'une
méthode
différente
de
celle
suivie
par
un
texte
dans
son
propre
effort
de
connaissance
aboutira
à
sa
connaissance.
1.1.2.1
Le
refus
motivé
de
la
méthode
par
Adorno
Le
problème
de
la
méthode
permettant
de
développer
la
connaissance
des
phénomènes
sur
lesquels
se
porte
l'attention
du
théoricien
est
ce
qu'Adorno
appelle
"l'aporie
du
nominalisme"
et
qui
touche
la
philosophie
comme
l'art
moderne,
à
savoir
la
possibilité
d'atteindre
la
réalité
spécifique,
individuelle,
à
l'aide
de
formes
pures
nécessairement
universelles,
le
concept
pour
la
philosophie
et
les
genres,
styles,
et
formes
pour
l'art[5].
Une
formulation
équivalente
est
le
projet
d'atteindre
le
détail
sans
philosophie
préconçue.
C'était
déjà
le
projet
hégélien
mais
il
échoue
selon
Adorno[6]
car
le
résultat
est
atteint
"comme
si
c'était
convenu
d'avance,
cet
esprit
qui
[était]
posé
dès
le
début
comme
totalité
et
comme
Absolu".
C'est
la
thèse
hégélienne
de
l'identité
de
l'a
priori
et
de
l'a
posteriori
qui
garantit
a
priori
-‐
et
donc
a
posteriori
-‐
de
manière
dogmatique
la
réussite
de
son
entreprise
théorique
et
dont
l'excès
se
montre
par
exemple
dans
la
construction
de
l'Etat
comme
instance
positive
résolvant
toutes
les
contradictions
sociales,
la
"réalité
de
la
raison"[7].
Dans
cet
excès
se
lit
la
tendance
à
intégrer
les
faits,
de
force
dans
une
unité
sans
faille,
et
finit
par
imposer
le
sujet
au
détriment
de
son
objet,
ce
contre
quoi
avait
lutté
Hegel
dans
sa
lecture
de
Kant
dont
la
Critique
de
la
Raison
Pure
semblait
aboutir
à
une
position
formelle
de
méthode
de
la
raison
sans
qu'aucune
connaissance
concrète
n'ait
été
acquise
et
en
imposant
l'a
priori
des
formes
subjectives
sur
leur
objet.
Cette
analyse
a
son
corrélat
social
en
ce
que
ces
formes
d'universalité
imposées
peuvent
être
décryptées,
après
Marx,
comme
formes
sociales
dominantes.
Les
répéter,
c'est
répéter
la
domination
sociale,
alors
que
dans
la
mise
à
jour
de
ce
qui
refuse
de
s'y
laisser
subsumer
peut
s'annoncer
le
ferment
de
sa
transformation.
Comment
dès
lors
s'assurer
du
résultat
d'une
étude
en
posant
préalablement
la
méthode
qui
le
garantira
?
C'est
le
point
d'achoppement
avec
le
positivisme
tel
que
l'interprète
Adorno,
attaché
au
projet
hégélien.
La
méthode
du
positivisme
assurant
sortir
du
subjectivisme
en
effectuant
la
soustraction
de
tout
ce
qu'a
de
spécifique
le
sujet
ne
conduit
selon
lui
qu'à
faire
de
la
méthode
un
nouveau
sujet
mais
un
faux
sujet,
un
"sujet
objectivé"
et
formel[8]
qui
tronque
l'expérience
du
sujet
au
sein
de
laquelle
l'objet
vient
à
l'expression.
Comme
le
dit
la
Dialectique
Négative,
"[L]e
tournant
dialectique
fait
ses
preuves
dans
sa
réalisation"[9].
Présenter
une
méthode
avant
l'étude
proprement
dite,
garantissant
sa
réussite,
donnant
la
manière
a
priori
d'y
arriver,
est
un
retour
à
la
métaphysique
de
la
prima
philosophia
pour
laquelle
il
existe
un
principe
a
priori
dont
tout
découle,
un
fondement
apodictique
dernier,
ce
qui
constitue
le
sommet
d'une
pensée
de
l'identité
qui
impose
à
ce
qui
est
penser
une
forme
immuable
sans
prendre
en
considération
les
exigences
qualitatives
et
individuelles
de
l'objet.
Cet
avertissement
de
l'idée
dialectique
élevé
par
Hegel
et
auquel
il
passa
outre
se
retrouve
dans
les
paragraphes
des
études
d'Adorno
consacrés
à
la
méthodologie,
comme
on
le
voit
dans
la
Philosophie
de
la
nouvelle
musique
[10]
et
dans
l'Introduction
première
de
la
Théorie
esthétique
[11],
où
le
refus
de
présenter
une
méthodologie
est
associé
au
fait
que
sa
réussite
ne
peut
être
hypostasiée
en
dehors
de
sa
réalisation
dans
l'ouvrage.
L'immanence
de
la
méthode
à
son
application
ne
permet
pas
de
l'en
dégager,
de
la
détacher,
pour
la
présenter
en
début
de
livre,
justifiant
par
avance
la
suite.
Ne
s'assurant
pas
par
avance
du
contenu
de
ce
qui
est
traité;
Adorno
dans
l'Introduction
première
de
la
Théorie
Esthétique[12],
explique
que
la
seule
méthodologie,
c'est
de
ne
pas
avoir
de
méthode,
seule
la
réalisation
du
projet
-‐
ici
faire
une
théorie
esthétique
-‐
prouvera
le
bien-‐fondé
de
la
méthode
immanente.
Comment
dès
lors
mettre
concrètement
en
œuvre
ce
projet
?
Quel
modus
operandi
employer
qui
ne
serait
pas
une
méthode
au
sens
de
garantie
a
priori
d'atteinte
de
l'objectivité
?
Dans
le
cadre
de
l'esthétique,
la
réponse
est
la
suivante
:
"la
meilleure
méthode
est
d'introduire
dans
les
catégories
traditionnelles,
au
moyen
de
modèles,
un
mouvement
du
concept
qui
les
fasse
se
confronter
à
l'expérience
artistique"
[13].
Cette
confrontation
s'appuie
sur
la
contrainte
à
la
réflexion
sur
soi
exercée
sur
les
phénomènes
à
l'aide
du
concept,
afin
par
ce
moyen
de
libérer
leur
expression
muette[14]
par
le
mouvement
que
cette
confrontation
fait
naître
dans
le
concept.
La
réponse
au
problème
nominaliste
commun
à
la
philosophie
et
à
l'art
moderne
passe
par
la
construction,
comme
forme
qui
cesse
d'être
imposée
du
dehors
mais
résulte
de
la
réflexion
de
l'expérience
par
la
raison
subjective[15].
En
philosophie,
cette
construction
est
celle
de
modèles,
de
développements
conceptuels
autour
de
problèmes
singuliers
comme
ceux
de
l'harmonie,
du
beau,
etc.
Par
la
démarche
de
confrontation
expérimentale,
avec
le
phénomène,
la
dialectisation
du
caractère
universel
du
concept
et
de
l'irréductible
singularité
des
phénomènes
auxquels
il
prétend
s'appliquer
est
libérée,
sans
que
ce
geste
répète
dans
la
théorie
celui
dominateur
qui
fait
des
phénomènes
des
exemples[16].
La
critique
même
du
principe
d'identité
de
l'idéalisme
avait
en
effet
porté
sur
le
caractère
schématique
du
concept
qui
surplombe
ses
exemplaires,
là
où
l'objectif
est
que
l'élément
singulier
'donne
de
la
voix',
surplomb
duquel
l'écho
reçu
par
la
voix
lancé
du
sujet
n'en
est
que
le
double[17].
Il
est
légitime
de
se
demander
alors
si
le
tour
de
force
dont
parle
Adorno
comme
geste
de
l'œuvre
d'art,
ne
s'applique
pas
à
la
philosophie,
le
tour
de
force
étant
qu'au
nom
de
l'être-‐en-‐soi,
l'œuvre
établit
artificiellement
une
cohérence
de
sens[18].
Ce
refus
de
l'écriture
qui,
des
principes,
en
déduit
le
concret,
refus
qui
s'était
retrouvé
en
art
comme
refus
de
l'organiser
à
partir
d'un
principe
de
structuration,
pose
aussi
la
question
de
savoir
comment
organiser
un
texte.
L'écriture
qu'Adorno
a
caractérisée
chez
Hölderlin
comme
écriture
'paratactique',
"synthèse
non
conceptuelle"
qui
devient
en
poésie
une
"dissociation
constitutive"
opérant
avec
une
syntaxe
faite
de
juxtapositions
s'opposant
à
la
"syntaxe
subordonnante"
[19],
s'applique-‐t-‐elle
à
Adorno
?
Dans
la
Théorie
esthétique,
cette
forme
différente
de
logicité
dans
l'art
est
caractérisée
comme
consistant
"dans
l'équilibre
des
éléments
coordonnés,
dans
cette
homéostasie
dans
le
concept
de
laquelle
l'harmonie
esthétique
finit
par
se
sublimer",
le
terme
'homéostasie'
renchérissant
sur
l'équilibre
pour
indiquer
la
stabilisation
des
éléments
en
question[20].
Le
principe
ou
le
concept
souverain
représentant
la
transposition
philosophique
de
la
transcendance
divine,
cette
écriture
accomplit
la
suppression
de
cette
transcendance
autoritaire
et
peut
être
dite
écriture
immanente.
Cette
constitution
de
modèles
s'appliquant
à
des
concepts
quand
il
s'agit
de
philosophie,
a
son
corrélat
quand
il
s'agit
des
œuvres
d'art
dans
la
constitution
de
constellations
de
fragments
d'analyse
de
détail,
"immanentes",
"micrologiques",
dont
la
finesse
et
le
caractère
qualitatif
seuls
sont
capables
de
dégager
un
"contenu
de
vérité",
l'universalité
à
laquelle
renvoie
la
caractérisation
de
ces
figures
particulières.
"Parmi
les
parties
de
la
totalité,
le
fragment
est
celle
qui
lui
résiste"[21].
Benjamin
dans
l'Origine
du
drame
baroque
allemand[22]
devient
ici
l'alternative
à
Hegel,
en
opposant
à
la
déduction
idéaliste
le
procédé
inductif,
utilisant
l'extrapolation,
Benjamin
voyant
dans
toute
parcelle
de
réalité
les
sédimentations
de
la
totalité
à
déchiffrer[23].
Là
où
dans
La
Dialectique
Négative
ou
dans
La
Théorie
esthétique,
l'analyse
se
fait
à
partir
des
matériaux
que
sont
les
concepts
les
plus
généraux
de
l'épistémologie
ou
de
la
logique,
et
de
l'esthétique,
dans
les
analyses
d'œuvres
singulières,
l'opération
est
double,
consistant
à
mouvoir
les
concepts
plus
locaux
de
l'esthétique
en
vigueur
à
l'époque
de
l'œuvre
considérée,
et
à
dégager
la
constellation
de
ses
caractères
propres
dont
la
figure
nomme
l'œuvre.
Pour
cela,
la
clé
pour
entrer
dans
l'œuvre
sera
sa
technique.
Et
c'est
une
réflexion
subséquente
qui
permettra
d'extrapoler
à
partir
de
sa
concrétion,
le
contenu
de
l'œuvre,
sa
complexion
technique
contenant
le
problème
objectif
de
l'œuvre
et
son
contenu
de
vérité[24].
1.1.2.2
La
méthode
employée
et
le
plan
La
mise
en
place
d'une
méthode
détaillée
pour
réaliser
l'étude
du
rapport
à
Marx
dans
la
Théorie
esthétique
n'a
pas
pu
s'appuyer
dès
le
départ
sur
la
théorie
adornienne
de
la
méthodologie,
en
ce
que
ce
rapport
a
été
découvert
au
fur
et
à
mesure
de
la
compréhension
de
l'auteur.
Le
présent
paragraphe
a
pour
objet
de
confronter
a
posteriori
cette
compréhension
avec
le
mode
opératoire
quelque
peu
positiviste
mis
en
place,
et
ce
afin
de
déterminer
ses
potentialités
et
ses
limites.
L'élucidation
du
rapport
aux
catégories
marxistes
s'est
limitée
à
leurs
mentions
explicites
dans
la
Théorie
esthétique;
tous
les
usages
implicites
ont
donc
été
écartés
ce
qui
se
justifie
par
l'a
priori
que
les
lieux
où
une
référence
explicite
était
faite
dénotaient
l'importance
cognitive
de
son
usage.
En
tant
que
l'usage
des
catégories
par
Adorno
suppose
une
certaine
lecture
de
Marx
et
du
marxisme,
et
toute
lecture
compréhensive
étant
théorisée
dans
le
texte
Skoteinos
des
Trois
études
sur
Hegel
comme
critique
et
comme
dépassement,
il
faudra
se
garder
de
voir
dans
cet
usage
la
simple
application
d'un
système
supposé
de
Marx,
mais
leur
usage
réfléchi,
reprise
de
la
pensée
sur
la
base
d'une
nouvelle
situation
historico-‐philosophique.
De
même
il
faudra
en
conclure
a
contrario
que
la
lecture
présente
d'Adorno
n'en
est
pas
la
pleine
compréhension
puisqu'elle
n'aboutit
à
aucune
critique
ni
dépassement.
Les
références
ont
donc
d'abord
été
compilées
par
reformulation
interprétative
tenant
compte
du
contexte
de
leur
apparition,
puis
les
catégories
principales
retenues
ont
été
regroupées
en
deux
groupes,
celui
de
la
connaissance
du
monde
en
ce
qu'elles
sont
utiles
à
la
critique
et
à
la
connaissance
du
monde
mais
n'abordent
pas
directement
la
problématique
de
sa
transformation,
et
celui
justement
de
la
transformation
du
monde.
La
répartition
a
donc
été
la
suivante
:
division
du
travail,
société
d'échange,
idéologie,
fétichisme,
réification,
aliénation,
bourgeoisie
pour
la
connaissance
du
monde
et
praxis,
utopie,
critique
politique,
lutte
des
classes,
forces
et
rapports
de
production
pour
sa
transformation.
Au
sein
même
de
chaque
catégorie,
l'organisation
s'est
fait
selon
le
sens
de
leur
application.
Au
sein
de
chaque
ensemble,
l'articulation
entre
les
catégories
s'est
fait
sur
la
base
de
leur
rapport
qui
a
émergé
de
leur
analyse
individuelle.
C'est
d'ailleurs
le
maillage
serré
des
catégories
qui
a
rendu
artificiel
leur
isolement
apparent,
isolement
souhaité
pour
répondre
au
problème
qui
avait
été
posé.
La
solution
proposée
au
problème
plus
complexe
du
statut
du
matérialisme
et
de
la
dialectique
a
été
d'en
faire
une
première
partie,
comme
sous-‐entendu
général
de
l'approche
d'Adorno,
aux
deux
autres
sur
les
catégories
de
la
connaissance
du
monde
et
de
sa
transformation.
Quant
au
rapport
entre
les
trois
parties,
il
est
de
juxtaposition.
En
ce
qui
concerne
l'introduction,
outre
l'exposition
de
l'objet
du
travail,
de
la
présentation
succincte
de
la
production
théorique
d'Adorno
et
de
la
méthodologie,
il
était
nécessaire
d'indiquer
plus
largement
la
place
de
la
question
de
l'art
et
de
la
Théorie
esthétique
dans
cette
production
théorique.
Pour
cela,
la
présentation
du
plus
général
au
plus
particulier
a
été
retenue
en
décrivant
d'abord
très
globalement
l'univers
conceptuel
d'Adorno
sous
la
forme
d'un
paragraphe
sur
la
question
de
la
domination
et
de
la
raison,
puis
l'insertion
de
la
question
de
l'art
dans
ce
questionnement
général,
enfin
la
problématique
de
la
Théorie
esthétique.
Cette
approche
à
trois
niveau
nous
a
paru
répondre
à
cette
question
de
la
mise
en
contexte
de
la
Théorie
esthétique.
La
conclusion,
pour
finir,
a
consisté
à
mettre
à
jour
les
découvertes
qui
nous
ont
paru
essentielles
au
cours
de
ce
travail
ainsi
que
le
schéma
succinct
des
études
suivantes
à
engager
pour
aboutir
à
une
interprétation
générale
de
la
Théorie
esthétique.
Les
difficultés
d'une
telle
approche
sont
celles
qui
peuvent
être
appelées
les
difficultés
de
la
lecture,
de
l'extraction,
de
la
classification(-‐reconstruction).
Le
problème
de
la
lecture
a
été
de
deux
ordres
:
d'une
part
en
tant
que
non
garantie
à
saisir
dans
sa
complexité
la
pensée
adornienne
malgré
l'immersion
dans
l'œuvre
sans
schémas
philosophiques
d'interprétation
conscients,
mais
avec
une
première
formation
à
l'arrière
plan
de
type
scientifique
qui
a
ralentit
par
ses
schémas
identificateurs
et
classificateurs
positivistes
fustigés
par
Adorno,
la
compréhension
d'une
pensée
dialectique;
d'autre
part,
en
tant
que
l'auteur
ne
disposait
pas
de
la
formation
artistique
et
de
la
connaissance
de
l'art
dont
disposait
Adorno
-‐
ce
problème
a
été
atténué
par
un
dialogue
théorique
avec
des
artistes[25].
Enfin,
Adorno
émaille
ses
textes
de
considérations
à
prendre
au
sérieux
sur
la
quasi-‐impossibilité
d'une
quelconque
réduction
d'un
texte
à
laquelle
la
présente
recomposition
se
trouve
confrontée.
Ainsi
la
philosophie
"doit
au
cours
de
sa
progression
se
renouveler
constamment,
de
par
sa
propre
force
autant
qu'en
se
frottant
à
ce
à
quoi
elle
se
mesure;
c'est
ce
qui
se
passe
en
elle
qui
décide
et
non
la
thèse
ou
la
position;
le
tissu
et
non,
déductive
ou
inductive,
la
marche
à
sens
unique
de
la
pensée.
C'est
pourquoi
la
philosophie
est
essentiellement
irrésumable."[26]
Cet
avertissement
rappelle
cette
phrase
de
Nietzsche
dans
Aurore[27]
:
"Ne
plus
jamais
rien
écrire
qui
n'accule
au
désespoir
toutes
les
sortes
d'hommes
pressés".
Le
problème
de
l'extraction
opère
de
fait,
malgré
tout
l'effort
interprétatif
cherchant
à
retenir
le
contexte,
une
extraction
hors
de
son
contexte
et
ne
se
garantit
pas
contre
la
perte
des
nuances
qu'elle
implique
a
priori.
Alors
qu'Adorno
aborde
successivement
les
différentes
catégories
afférentes
à
l'esthétique
et
les
dialectise
historiquement
et
socialement,
les
extractions
que
ce
travail
opèrent
ne
suivent
pas
ce
mouvement
insistant
autour
du
noyau
réel
de
ce
qu'exige
le
présent
-‐
comme
le
vide
sculpté
par
le
plein
du
texte
-‐
que
suit
chaque
modèle
dialectique.
La
seule
assurance
de
ce
choix
méthodologique
qui
empêche
de
le
réduire
au
pur
geste
du
'coup
de
dés'
est
la
reprise
par
Adorno
de
la
théorisation
benjaminienne
du
fragment,
à
savoir
que
les
fragments
du
réel
contiennent
comme
sédiments
la
totalité.
L'opération
n'est
cependant
pas
protégée
contre
le
fait
que
le
changement
de
vocabulaire
effectué
lors
de
l'interprétation
des
morceaux
extraits
du
corps
du
texte
d'Adorno
n'y
réimplante
pas
des
philosophies
implicites,
en
constituant
au
final
une
sorte
de
corps
de
texte
recousu
fait
d'un
'patchwork'
de
philosophies
non
encore
maîtrisées
mais
convoyées
par
les
mots
de
substitution
employées.
Pour
permettre
une
correction
ultérieure
de
cette
première
étape,
chaque
extraction
a
été
référencé
et
cela
explique
le
nombre
important
de
notes.
La
classification
a
opéré
de
manière
à
développer
de
manière
itérative
dans
chacune
des
trois
parties
un
arbre
classificateur
suivant
des
unités
distinctives
à
extension
de
moins
en
moins
grande,
l'opération
s'arrêtant
suivant
le
critère
subjectif
quelque
peu
arbitraire
du
sentiment
d'une
unité
cohérente
et
maîtrisée.
La
position
de
certaines
de
ces
unités
distinctives
était
évidemment
guidée
par
le
sujet
comme
par
exemple
le
premier
niveau
de
dégagement
des
catégories
marxistes,
mais
la
classification
a
permis
de
dégager
les
plus
représentatives
pour
Adorno,
se
basant
sur
l'a
priori
que
l'importance
de
la
catégorie
était
proportionnée
à
la
répétition
de
son
usage.
La
relecture
à
chaque
étape
des
morceaux
rapprochés
a
permis
de
développer
la
compréhension.
Cette
approche
en
apparence
ultra-‐positiviste
ne
s'est
cependant
pas
basée
sur
un
calcul
statistique,
aveugle
au
contenu
du
texte,
mais
sur
une
approche
qualitative
du
texte
associée
certes
à
une
classification
ultérieure.
Sans
la
lecture
répétée
et
insistante
du
texte,
aucune
sorte
de
compréhension
n'aurait
été
possible.
Cela
s'explique
en
ce
que
le
halo
contextuel
a
été
intégré
subjectivement
par
cette
lecture
répétée
et
réintroduit
à
chaque
moment
classificateur
et
au
moment
de
la
fusion
par
recomposition
discursive
des
morceaux
en
discours.
Sans
cela,
les
morceaux
prélevés
auraient
perdu
leur
sens
et
n'auraient
pu
se
constituer
en
fragments
potentiels
à
savoir
en
parties
non
contingentes
par
rapport
à
la
totalité,
tendant
au-‐delà
d'elles-‐mêmes
mais
résistant
à
la
totalité.
Cela
explique
la
difficulté
rencontrée
du
regroupement
par
catégorie
marxienne,
en
ce
que
chacune
renvoyant
au-‐delà
d'elle-‐même
vers
les
autres,
et
que
suivre
ces
renvois
menant
trop
loin,
un
équilibre
précaire
a
du
être
trouvé
dans
la
rupture
de
ces
liens
au
cours
de
la
classification,
quitte
à
les
recomposer
après.
La
méthodologie
s'expose
-‐
à
demi
-‐
au
reproche
d'Adorno
d'en
hypostasier
une
dès
le
départ
puisque
l'idée
générale
de
classification
est
bien
un
a
priori
mais
seulement
à
demi
parce
que
la
forme
détaillée
de
cette
classification
a
été
guidé
par
le
contenu.
Ce
geste
d'extraction
dans
le
corps
du
texte
afin
de
le
recomposer
sur
d'autres
axes
n'aboutit
pas
à
un
principe
premier
duquel
tout
découlerait.
Le
procédé
classificateur
n'est
donc
pas
utilisé
avec
la
finalité
des
tentatives
de
philosophie
positiviste.
Cependant
cette
classification
est
malgré
tout
fustigée
par
Adorno
comme
"méthode
de
la
raison
'théorique'
[…]
renonçant
expressément
à
la
connaissance
intime
de
l'objet"
[28].
C'est
la
limite
de
cette
étude
qui
n'a
pas
la
prétention
d'atteindre
au
regard
micrologique,
prétention
qu'il
faudrait
pourtant
avoir
sur
l'œuvre
d'Adorno,
afin
de
saisir
sa
"spécifique,
son
irremplaçable
législation"
[29].
En
particulier,
alors
que
la
technique
constitue
la
clé
d'accès
aux
œuvres
d'art,
et
à
la
philosophie
comme
le
montre
Adorno
pour
Hegel
dans
Skoteinos
des
Trois
études
sur
Hegel,
la
lecture
présente
et
préalable
ne
s'est
basée
que
sur
le
contenu
explicite
du
texte
et
non
à
son
geste
syntaxique,
et
attend
son
dépassement.
1.1.2.3
Textes
et
références
employés
Le
texte
de
la
Théorie
esthétique
a
été
utilisé
dans
l'édition
française
de
Klincksieck
de
1995,
la
traduction
étant
de
M.Jimenez.
Il
comprend
le
corps
de
la
Théorie
esthétique,
une
Introduction
première
qui
était
destinée
à
être
réécrite,
le
recueil
de
fragments
Paralipomena
et
une
digression
Théories
sur
l'origine
de
l'art.
Compte
tenu
des
remarques
éditoriales
cet
ensemble
a
été
considéré
comme
un
tout
cohérent[30].
Les
autres
textes
d'Adorno
ont
été
consultés
dans
leur
version
française
faute
de
connaissance
suffisante
de
l'allemand.
Les
textes
Modèles
critiques
et
Trois
études
sur
Hegel
ont
été
consultés
dans
des
éditions
américaines
faute
de
pouvoir
se
les
procurer
en
version
française.
Les
références
aux
autres
textes,
en
particulier
la
Dialectique
négative
publié
trois
années
avant
la
mort
d'Adorno,
sont
utilisées
quand
elles
permettent
d'éclairer
le
texte
sur
des
points
ponctuels
sans
introduire
de
nouveaux
problèmes
d'interprétation.
Pour
autant
il
n'a
pas
été
précisé
pour
chacun
leur
différence
spécifique
par
rapport
à
la
dernière
pensée
d'Adorno.
Des
références
contemporaines
singulières
émaillent
le
texte
-‐
J.Bidet,
E.Balibar,
F.Laruelle
-‐
afin
d'établir
des
correspondances
avec
aujourd'hui.
De
même,
des
références
aux
débuts
de
l'activité
pratique
et
théorique
de
D.Buren,
contemporains
du
texte
de
la
Théorie
esthétique,
et
visant
une
approche
transformatrice
de
l'art
à
l'extrême
opposé
d'Adorno
nous
ont
semblé
pertinentes.
1.2
Situation
:
que
faire
?
1.2.1
Contexte
général
:
la
domination
et
la
raison
Le
monde
tel
qu'il
est
interprété
par
Adorno
perpétue
la
domination
de
l'homme
sur
la
nature,
la
sienne
et
l'extérieure[31],
dont
les
formes
et
les
gestes
sont
naturalisés,
comme
s'ils
répondaient
à
une
fatalité
sans
fin,
donc
au
mythe.
Une
illustration
en
serait
chez
Marx,
la
critique
de
l'économie
politique
dont
la
description
semble
supposer
que
le
système
capitaliste
est
le
système
naturel
de
l'économie.
Ce
thème
central
d'Adorno
est
couplé
avec
l'Aufklärung,
les
Lumières,
ou
comme
le
définit
l'ouverture
de
La
dialectique
de
la
Raison,
"la
pensée
en
progrès"[32]
qui
accroît
certes,
la
maîtrise
de
la
nature,
mais
en
même
temps,
ce
qui
est
une
régression,
appauvrit
son
expérience
de
la
nature,
dont
la
sienne.
L'espèce
humaine,
mue
par
son
principe
d'auto-‐conservation,
ou
conservation
de
soi,
non
dénuée
de
dialectique
du
fait
de
la
contradiction
persistant
entre
sa
prétention
et
sa
réalisation,
entre
son
concept
et
ce
qu'il
en
est
dans
la
réalité,
travaille
en
partie
dans
le
sens
contraire
du
progrès
vers
le
bonheur
généralisé,
spécialement
en
substituant
les
moyens
mis
en
place
par
la
raison,
au
but,
à
la
finalité
de
ces
moyens[33].
Cela
se
traduit
par
l'irrationalité
de
l'activité
de
l'homme
comme
histoire
naturelle
aveugle[34].
La
finalité
de
la
rationalité,
le
bonheur,
est
oubliée.
Si
elle
nomme
l'ensemble
des
moyens
définis
pour
dominer
la
nature,
sa
finalité
reste
un
moyen,
et
la
raison
non-‐rationnelle
[35].
L'auto-‐conservation
fixée
sur
ses
moyens,
appauvrit
la
vie
du
sujet
et
mutile
le
monde,
en
particulier
la
faculté
humaine
de
différenciation,
qualitative,
sa
capacité
à
faire
l'expérience
du
monde
et
des
autres,
qui
peu
à
peu
n'est
plus
pratiquée
et
remplacée
par
des
schémas
pré-‐établis
de
pensée,
cherchant
à
préformer
et
à
uniformiser
les
individus
et
leurs
impulsions
sur
le
modèle
de
la
marchandise,
et
ce
afin
qu'ils
travaillent
à
la
conservation
de
la
société
telle
qu'elle
est[36].
La
tâche
de
la
philosophie
est
alors
de
critiquer
cet
esprit
d'auto-‐conservation
pour
s'aider
elle-‐même
et
les
autres
à
une
prise
de
conscience,
prélude
à
une
éventuelle
transformation
des
conditions
de
vie,
déterminées,
Adorno
étant
en
accord
avec
Marx,
par
le
mode
de
production
capitaliste
de
la
société.
La
Dialectique
négative
exprime
clairement
la
différence
entre
la
pensée
identificatrice
qui
domine
son
objet
en
voulant
le
subsumer
sous
une
catégorie,
comme
un
exemplaire,
et
une
pensée
dialectique
qui
cherche
à
se
corriger
en
cherchant
à
exprimer
à
l'aide
d'une
constellation
de
concepts
ce
que
la
chose
est,
à
se
servir
de
la
forme
identifiante
du
concept
contre
elle-‐même,
dans
le
but
différent
qui
est
d'exprimer
le
non-‐identique
et
non
l'identique,
et
ce
au
nom
de
l'identité
réprimée
de
la
chose
dont
il
est
question[37].Dans
le
domaine
de
la
connaissance
cette
domination
d'un
principe
borné
de
conservation
de
soi
entraîne
que
le
sujet
ne
retrouve
que
lui-‐même
dans
l'objet
de
son
étude
au
lieu
d'y
trouver
l'objet[38],
l'idéal
de
la
connaissance
étant
l'amour
pour
Adorno,
le
fait
de
laisser
son
objet
différent,
lointain,
tout
en
se
portant
à
sa
proximité[39].
Les
exemples
de
domination
sont
pléthores
et
semblent
pouvoir
être
trouvés
dans
tous
les
domaines
de
la
vie
comme
l'illustre
l'énumération
arbitraire
suivante
:
domination
de
la
femme
par
l'homme
dans
le
mariage
bourgeois,
de
l'animal
dans
les
expérimentations,
du
salarié
au
sein
de
l'entreprise
parfois
directement
par
l'intermédiaire
de
normes
de
rendement
associées
à
des
processus
de
travail,
du
citoyen
dans
l'Etat,
du
paysage
par
l'industrie
touristique,
de
l'écosystème
par
l'industrie,
de
la
recherche
musicale
par
son
immédiate
réception
ou
par
sa
rentabilité,
etc.
Cette
vision
de
la
domination
qui
s'est
exprimée
en
premier
lieu
dans
La
dialectique
de
la
Raison
écrit
en
collaboration
avec
Horkheimer
dans
le
contexte
historique
de
la
Seconde
Guerre
Mondiale,
est
ensuite
présente
dans
les
autres
œuvres
comme
un
prolongement
dans
divers
domaines
de
l'analyse
critique
de
la
Raison
qui
présente
le
caractère
double
de
développer
le
potentiel
de
liberté
en
même
temps
que
la
réalité
de
l'oppression[40],
par
la
tenue
séparée
des
instances
de
la
raison
et
de
la
nature.
1.2.2
L'art
et
la
question
de
l'identité
Adorno
a
travaillé
dans
nombre
de
ses
textes
avec
des
références
à
des
œuvres
d'art,
les
utilisant
comme
des
archétypes
esthétiques,
en
ce
que
les
œuvres
sont
pour
lui
une
forme
de
trace
sismographique
de
la
situation
-‐
dont
celle
primordiale
du
sujet
comme
l'illustre
dans
le
texte
Théorie
et
Pratique
des
Modèles
critiques
le
recours
à
Hamlet
et
Don
Quichotte
pour
parler
de
la
perte
d'expérience
de
l'autre,
de
l'individu[41].
Cependant
Adorno
voit
en
outre
dans
l'art
un
lieu
où
naît
l'espoir
de
voir
s'infléchir
ce
prétendu
'destin',
par
un
comportement
différent
vis
à
vis
de
l'objectivité,
et
où
vient
à
jour
l'image
d'une
situation
possible
où
l'humanité
serait
libérée
de
son
geste
dominateur
réduisant
l'autre
au
silence,
situation
où
les
êtres
et
les
choses
pourront
être
elles-‐mêmes.
Cela
ne
signifie
pas
pour
autant
que
l'art
serait
exempt
de
la
perte
par
la
vie
de
ses
qualités,
sa
dé-‐qualification
-‐
Entqualifizierung
en
allemand
-‐[42],
car
en
l'art
se
produit
l'Entkunstung
-‐
dés-‐esthétisation
ou
dés-‐artification[43]
-‐
,
la
perte
de
son
caractère
artistique.
C'est
alors
ici
la
question
de
l'identité
qui
est
en
jeu,
d'emprunt,
imposé
ou
propre
à
soi.
Et
l'art
critique
et
remet
en
cause
cette
domination
du
principe
universel
de
réalité
qu'est
la
principe
d'échange
complété
par
l'administration
du
monde
car
ce
qui
apparaît
en
elle
ne
peut
être
saisi
de
manière
définitive
dans
un
corps
de
concepts
l'identifiant
sans
reste
et
s'y
substituant[44].
Son
existence
est
résistance
à
cette
substitution
de
n'importe
qui
par
n'importe
qui,
modèle
de
l'échange
que
l'on
retrouve
jusque
dans
l'idéal
scientifique
positiviste
selon
Adorno
en
ce
le
sujet
ne
devant
plus
intervenir,
devant
être
retranché
pour
laisser
place
à
une
pure
objectivité,
il
devient
indifférent
de
savoir
qui
va
faire
l'expérience
scientifique[45].
La
raison
devient
obnubilée
par
son
caractère
de
moyen
et
oublie
la
finalité
humaine
du
bonheur
de
tous
avec
tous,
la
construction
d'une
totalité
rationnelle,
dans
sa
nuance
raisonnable.
Cette
obnubilation
de
la
raison
dans
le
moyen
tient
dans
la
formule
de
l'échange
où
une
chose
est
toujours
pour
autre
chose.
L'art
conserve
quant
à
lui
l'image
de
la
finalité
en
se
constituant
pour
soi.
Il
peut
ainsi,
par
ses
moyens
propres,
qui
ne
sont
pas
directement
politiques,
et
malgré
-‐
en
réalité
grâce
à
-‐
son
apparence,
son
caractère
de
fiction,
convaincre
le
monde
de
son
irrationalité.
En
tant
que
comportement
spécifique
vis
à
vis
de
l'objet,
de
son
autre,
l'art
est
une
forme
de
pratique
qui
tente
de
sortir
de
la
perpétuation
de
la
domination
de
l'un
sur
l'autre,
et
malgré
le
caractère
dialectique
de
sa
tentative
-‐
entre
le
geste
organisateur
qui
objective
les
impulsions
mimétiques
et
"leur
régression
à
la
magie"
-‐
dessine
l'utopie
à
savoir
l'horizon
d'une
réconciliation
où
la
raison
cessera
d'être
dominatrice[46].
Contrairement
à
Marx,
Adorno
ne
voit
pas
dans
le
prolétariat
le
sujet
de
l'histoire,
et
ne
voit
même
plus
quel
groupe
social
pourrait
représenter
son
instance,
à
savoir
la
force
qui
va
amorcer
l'émancipation
des
hommes,
et
ce
certainement
selon
J.M.Vincent
dans
La
théorie
critique
de
l'Ecole
de
Francfort
à
cause
de
la
conjoncture
historique
qui
a
vu
l'échec
des
tentatives
de
révolution
en
Allemagne,
et
la
montée
en
puissance
de
l'administration
bureaucratique
du
monde,
des
hommes
et
des
choses,
au
sein
même
des
partis
favorables
au
renversement
du
capitalisme.
L'art
représente
alors
une
pratique
où
se
conserve
encore
l'espoir
d'une
société
différente,
où
la
figure
utopique
d'un
monde
différent
peut
s'esquisser
dans
les
grandes
œuvres
d'art.
Figure
utopique
car
seule
une
image
en
est
donnée,
mais
l'espoir
s'y
loge
car
les
éléments
de
cet
image
sont
des
éléments
empruntés
à
la
réalité.
C'est
leur
organisation,
leur
agencement,
qui
diffère
de
celle
du
monde.
L'art
échappe
cependant
au
reproche
de
la
négation
abstraite,
du
'tout
autre'
en
ce
que
son
opération
est
une
négation
déterminée
qui
se
réalise
dans
la
concrétion
de
l'œuvre,
par
sa
technique
et
la
transformation
du
stade
technique,
et
qui
permet
de
faire
émerger
la
promesse
d'autre
chose,
l'image
du
réconcilié[47].
C'est
une
négation
déterminée
de
l'organisation
du
monde
existant[48].
Elle
est
mise
en
place
par
la
raison,
mais
au
nom
de
la
nature
opprimée[49]
et
projette
ainsi
une
réconciliation
avec
elle,
en
cherchant
à
donner
l'image
de
la
nature[50]
.
Le
beau
naturel
comme
s'opposant
au
principe
d'identité
réduisant
tout
à
la
forme
vide
du
sujet,
et
au
chaos
diffus
qui
emprisonne
de
même,
représente
ce
que
serait
le
réconcilié
.C'est
en
cela
que
la
nature
constitue
le
contenu
de
vérité
de
l'art[51].
L'image
de
la
nature
est
sauvée
par
l'art
et
c'est
cette
image
qui
représente
un
au-‐delà
de
la
société
bourgeoise,
quelque
chose
qui
la
transcende,
et
ce
au
sein
de
l'immanence
sociale,
comme
allégorie[52].
Elle
se
dépasse
en
laissant
une
énigme
qui
défie
le
pouvoir
identificateur,
la
réduction
violente
au
sujet,
réalisée
par
la
raison,
qu'Adorno
qualifie
de
subjective.
L'esprit
n'identifie
pas
le
non-‐identique
mais
s'identifie
lui[53]
et
l'œuvre
réalise
par
là
l'idéal
d'être
soi-‐même[54].
Cet
idéal
naît
dans
un
monde
où
l'identité
à
soi
est
imposé
par
la
société
et
aux
objets
naturels
par
le
mode
de
pensée
identificateur
qui
ramène
à
soi,
au
lieu
de
faire
émerger
l'identité
de
l'autre,
ce
que
cherche
à
faire
l'art
sans
cette
violence
qui
se
perpétue
dans
la
réalité
empirique,
violence
qui
fait
des
êtres
des
choses,
opération
de
chosification
ou
réification
qui
tronque
la
part
vivante,
qualitative
de
ces
êtres
qui
ne
se
réduit
pas
à
un
ensemble
figé
de
déterminations.
L'analyse
des
œuvres
devra
de
même
les
considérer
comme
vivantes
en
tant
qu'elles
parlent,
"communication
en
elles
de
tout
particulier"[55].
L'art
est
un
"correctif
parfait
de
la
conscience
réifiée
aujourd'hui
érigée
en
totalité"qui
ne
perçoit
plus
la
"communication
entre
des
éléments
dispersés"
ce
qui
est
le
propre
de
celui
qui
n'est
plus
capable
d'aucune
projection
en
répétant
simplement
ce
qui
est[56].
Il
est
en
cela
le
refuge
du
comportement
mimétique
qui
permet
cette
appréhension[57].
L'intérêt
porté
spécifiquement
par
Adorno
à
l'art
tient
en
ce
qu'il
présente
l'utopie
d'une
réalité
qui
est
elle-‐
même[58]
là
où
les
autres
réalités
et
en
premier
lieu
les
hommes
et
leurs
relations
se
voient
imposer
des
formes
figées
sur
le
modèle
de
la
marchandise
et
du
recouvrement
du
travail
concret
par
le
travail
abstrait.
A
l'encontre
de
l'irrationalité
du
monde
administré
du
capitalisme
qui,
en
faisant
de
la
rationalité
"l'ensemble
des
moyens
qui
dominent
la
nature",
masque
la
finalité,
l'art
représente
la
vérité
car
elle
conserve
l'image
de
la
finalité,
en
voulant
être
fin
en
soi,
et
critique
par
là
même
cette
irrationalité[59].
L'art
montre
ainsi
à
la
raison
triomphante
ce
qu'elle
oublie[60].
Là
où
la
société
est
antagoniste
et
présente
une
fausse
totalité,
l'art
en
est
le
modèle
antithétique
:
"La
totalité
esthétique
est
l'antithèse
d'une
totalité
non-‐vraie"
[61]
en
ce
que
la
formation
de
l'œuvre
est
un
geste
pacifique
qui
cherche
à
épouser
les
formes
du
formé,
qui
est
brisé,
pour
l'amener
à
l'expression.
Il
conserve
l'image
de
l'irrationalité
d'une
société
dirigée
par
les
moyens
dans
ses
failles
comme
sa
trace,
et
participe
ainsi
à
la
vérité
par
ce
biais[62].
Seul
l'art
selon
Adorno
est
peut
être
encore
en
mesure
de
satisfaire
à
cette
formulation
hégélienne
de
la
vérité
comme
étant
seule
concrète,
étant
donné
que
la
souffrance,
telle
quelle,
reste
muette
et
est
étouffée
sous
la
discursivité.
Seule
l'art
peut
lui
donner
la
parole[63]
en
se
constituant
alors
comme
conscience
authentique[64].
Dans
le
même
geste
d'expression,
l'œuvre
d'art
fait
apparaître,
dans
la
formation
de
sa
totalité,
dans
son
idéal
de
complète
structuration,
une
société
plus
digne
des
hommes,
les
images
d'une
humanité
transformée[65],
en
s'opposant
à
ce
qui
est
brut,
assimilé
au
mal
par
Adorno[66].
Par
sa
mise
à
distance
de
la
réalité
empirique
par
la
loi
de
se
forme
qui
recompose
les
éléments
de
l'Etant,
"elle
représente
négativement
un
état
dans
lequel
ce
qui
est
viendrait
à
sa
juste
place"[67].
Cependant,
comme
l'art
cherche
à
exprimer
la
douleur
de
ce
qui
est
et
à
travers
celle-‐ci
l'exigence
d'une
autre
situation,
il
est
une
tentative
de
faire
la
paix
avec
la
société
qui
ne
cesse
de
la
rompre[68],
en
présentant
dans
l'immanence
de
sa
forme
une
transcendance
vers
le
non-‐étant,
ce
qui
passe
entre
les
éléments
de
l'étant,à
partir
de
l'étant[69].
Sous
l'apparence
-‐
puisque
non-‐étant
-‐
de
cette
réalité
autre
pointe
cependant
sa
possibilité,
et
c'est
en
cela
que
l'art
est
utopique
et
promesse
de
bonheur[70],
et
qu'il
faut
sauver
le
caractère
d'apparence
de
l'art,
fustigé
comme
fiction
mensongère[71].
Même
si
l'art
dans
sa
distance
ne
participe
pas
directement
à
la
réconciliation
réelle,
en
apaisant
ce
qui
résiste
à
sa
mise
en
forme,
il
constitue
un
modèle
de
réconciliation
irréelle[72].
Il
anticipe
par
la
promesse
de
son
apparence
sur
une
praxis
qui
n'est
pas
garantie[73].
Cette
réconciliation
en
image
de
l'art
se
lit
aussi
comme
celle
de
l'âme
avec
le
corps
dont
la
séparation
platonicienne
-‐
choris
en
grec
-‐
est
souvent
utilisée
par
Adorno
pour
la
critiquer,
en
ce
que
les
impulsions
mimétiques
se
trouvent
apaisées
et
organisées
par
l'esprit.
Cependant,
cette
utopie
de
l'art
n'est
pas
sans
essuyer
la
contradiction
d'une
mise
en
forme
et
donc
d'une
certaine
violence
pour
laisser
parler
et
communiquer
les
éléments
du
réel.
Cette
contradiction
lui
donne
sa
tristesse
et
la
convainc
d'illusion
là
où
elle
cherche
à
tracer
une
possibilité
:
l'utopie
ne
se
laisse
pas
dessiner
positivement
sous
peine
de
ne
pas
en
être
une.
Les
œuvres
attaquées
par
Adorno
seront
alors
celles
qui
se
résignent
à
consoler
dans
un
monde
qui
continuera
sans
fin
à
perpétuer
le
malheur
de
certains.
Serait-‐ce
extrapoler
que
de
dire
qu'il
semble
qu'Adorno
pense
que
cette
différence
d'attitude
se
retrouve
dans
l'œuvre
et
la
conscience
de
l'artiste
en
ce
que
les
œuvres
résignées
seront
celles
qui
auront
tendance
à
se
conformer
à
un
idiome
établi,
attendu
du
public,
et
manipulé
à
fin
de
consommation,
alors
que
les
autres
se
confronteront
à
l'idiome
reçu
pour
sortir
de
l'immanence
artistique,
geste
à
rapprocher
à
celui
de
la
sortie
de
l'immanence
sociale.
1.2.3
Contexte
particulier
et
problématique
de
la
Théorie
esthétique
Le
monde
dans
lequel
Adorno
intervient
au
moment
de
la
Théorie
esthétique
est
caractérisé
par
lui-‐même
comme
l'époque
de
l'administration
généralisée,
où
règne
une
société
de
monopole
totalement
organisée[74].
Quant
au
contexte
artistique,
c'est
celui
des
années
soixante
et
spécialement
celui
des
œuvres
dites
de
"l'absurde"
comme
celles
de
Beckett,
qui
devait
être
dédicataire
de
l'œuvre.
La
compréhension
de
leur
sens
devient
un
défi.
Plus
généralement
ces
œuvres
et
leur
aspect
noir
et
brisé
s'intègrent
dans
la
crise
de
l'art
d'après
l'Holocauste,.
Il
s'agit
alors
pour
Adorno
de
tenter
une
explication
philosophique
de
la
situation
historique
de
l'art,
cette
dernière
s'éclairant
singulièrement
à
la
lumière
des
catégories
philosophiques.
Le
trajet
dialectique
qu'Adorno
parcourt
dans
la
Théorie
esthétique
au
sein,
et
entre
les
différentes
catégories
esthétiques,
a
pour
référence
récurrente
la
mise
en
place
d'une
défense
de
l'art
moderne.
Bien
que
la
peinture,
la
musique,
l'architecture,
le
théâtre,
la
littérature
et
la
poésie,
y
soient
abordées
-‐
la
sculpture
semble
absente
et
le
cinéma
simplement
effleuré
dans
l'analyse
de
la
catégorie
de
montage,
cinéma
considéré
en
1944
comme
"moyen
de
communication
de
la
culture
de
masse"
plutôt
que
"comme
une
forme
d'art
spécifique"[75]
-‐
c'est
la
musique,
le
domaine
dans
lequel
il
a
le
plus
œuvré,
avec
la
figure
de
la
Seconde
Ecole
de
Vienne
(Schönberg,
Berg,
Webern)
qui
de
l'atonalité
en
est
passé
au
dodécaphonisme[76],
et
la
littérature,
avec
les
figures
majeures
de
Baudelaire,
Kafka
et
Beckett
à
qui
la
Théorie
esthétique
était
destinée
à
être
dédiée,
qui
sont
les
référents
centraux
de
l'analyse.
La
défense
de
l'art
moderne
était
nécessaire
car
le
caractère
brisé
de
cet
art,
ne
présentant
plus
une
belle
apparence
harmonieuse,
l'a
rendu
d'une
part
globalement
peu
reconnu
ou
reconnu
et
vite
encadré
pour
ne
pas
en
entendre
parler,
et
d'autre
part
a
été
critiqué
non
seulement
par
la
critique
bourgeoise,
mais
par
le
réalisme
socialiste,
et
par
Lukacs,
Brecht
et
peut-‐être
même
par
Benjamin,
proche
d'Adorno,
sur
la
base,
pour
le
dire
schématiquement,
de
l'absence
d'une
protestation
immédiate
dans
ses
thèmes
contre
la
situation
sociale.
Outre
ce
motif
'extérieur',
et
lui
étant
lié,
le
problème
interne
de
son
caractère
d'apparence
se
posait
à
l'art,
de
manière
encore
plus
aiguë
après
les
horreurs
de
la
Seconde
Guerre
Mondiale,
car
ce
caractère
pouvait
être
interprété
comme
illusion,
comme
mensonge
contribuant
à
consoler
les
hommes
et
à
perpétuer
la
société
et
la
culture
telle
qu'elle
était,
société
et
culture
dont
l'un
des
résultats
fut
ces
horreurs.
La
remise
en
question
de
la
culture
dans
la
Dialectique
de
l'Aufklärung
à
travers
le
retournement
dialectique
de
la
'rationalité'
de
l'homme
au
cours
de
son
histoire,
se
poursuit
donc
avec
celle
de
la
position
de
l'art
au
sein
de
cette
même
culture.
La
Théorie
esthétique
prend
alors
le
rôle
d'une
analyse
qui
s'appuie
sur
ce
que
l'art
est
devenu,
pour
déterminer
ce
qu'il
s'agit
de
faire
ici
et
maintenant.
C'est
ce
qu'a
entrepris
concrètement
Adorno
en
musique
dans
le
texte
de
1961
Vers
une
musique
informelle
de
Quasi
une
Fantasia
[77].
Cette
réponse
musicologique
à
un
Que
faire?
politique
de
Lénine,
est
ainsi
une
réponse
partielle
aux
critiques
marxistes[78]
adressées
à
Adorno
sur
son
incapacité
à
analyser
concrètement
la
situation
historico-‐sociale
et
y
articuler
une
politique,
en
ce
sens
que
s'il
ne
l'a
effectivement
pas
fait[79],
ce
n'est
pas
le
cas
dans
le
domaine
musical,
là
où
le
domaine
de
l'art
est
selon
la
Théorie
esthétique
politique
d'une
manière
médiate.
Adorno
voyant
dans
l'art,
reprenant
une
formule
hégélienne,
un
déploiement
de
la
vérité,
il
s'agit
pour
lui
de
sauver
le
caractère
d'apparence.
Cette
utilisation
de
'sauver'
et
de
'sauvetage',
présente
dans
la
Dialectique
négative
et
la
Théorie
esthétique,
indique
que
la
condamnation
par
l'histoire
de
phénomènes,
de
réalités,
de
concepts,
etc.
a
souvent
été
unilatérale
en
manquant
ce
que
qu'ils
pouvaient
contenir
de
vérité,
vérité
qu'il
s'agit
de
faire
ressurgir
comme
toujours
liée
à
un
potentiel
d'émancipation.
Les
deux
plus
grands
efforts
pour
élaborer
une
théorie
esthétique
jusqu'ici
sont,
selon
Adorno,
Kant
et
Hegel,
et,
tels
quels,
ces
efforts
sont
insuffisants
pour
comprendre
l'art
moderne
et
apporter
les
instruments
nécessaires
à
l'analyse
du
problème
de
l'apparence
[80].
L'esthétique
kantienne
en
reste
à
une
analyse
orientée
sur
le
sujet
qui
fait
l'expérience
esthétique,
sur
l'effet
de
l'art.
Elle
est
de
ce
fait
formelle
et
se
ferme
aux
contenus
des
œuvres,
essentiels
à
leur
caractère
artistique.
Quant
à
l'esthétique
hégélienne,
elle
dépasse
la
précédente
dans
son
intention
de
faire
s'exprimer
la
chose
même,
mais
ne
réalise
pas
cette
intention
par
son
idéalisme
absolu.
Elle
cherche
à
se
séparer
de
la
matérialité
de
l'œuvre
pour
faire
place
à
une
pure
spiritualité,
pauvre
dans
son
détachement,
réductible
à
un
simple
message
discursif.
Cette
amputation
du
contenu
de
sa
base
matérielle
la
condamne
et
arrête
le
mouvement
dialectique
projeté.
Le
passage
au
matérialisme
est
alors
nécessaire,
comme
le
titre
un
paragraphe
de
la
Dialectique
négative[81].
Un
retour
rapide
est
ici
nécessaire
sur
ce
passage
présenté
dans
la
Dialectique
négative.
Ce
passage
suit
la
reconnaissance
du
primat
de
l'objet
dans
la
connaissance.
Une
réflexion
seconde,
réflexion
du
sujet
sur
la
réflexion
du
sujet,
révèle
que
le
primat
du
sujet
est
usurpé.
La
première
réflexion
du
sujet
était
intervenue
lors
de
la
question
de
savoir
comment
pouvait
se
déterminer
l'objet
que
l'on
cherche
à
connaître.
C'était
une
question
kantienne
dont
l'analyse
permettait
de
dégager
une
subjectivité,
en
dépit
de
la
chose
en
soi,
et
finissait
par
poser
un
primat
du
sujet,
un
sujet
qui,
royalement,
faisait
enfin
tourner
l'objet
autour
de
lui.
Cependant,
la
reconnaissance
que
la
connaissance
n'est
pas
arbitraire
dans
son
rapport
à
l'objet
dont
elle
doit
suivre
les
courbes,
et
que
le
sujet
n'a
pas
réussi,
comme
il
en
avait
la
prétention,
à
organiser
le
monde
raisonnablement,
aide
à
mener
à
la
reconnaissance
du
caractère
subreptice
du
primat
du
sujet.
Cette
reconnaissance
par
la
réflexion
sur
les
prétentions
du
sujet
de
la
connaissance
mène
à
la
dissymétrie
entre
le
sujet
et
l'objet.
Là
où
le
sujet
est
impensable
sans
l'objectivité,
la
sienne
-‐
le
quelque
chose
qui
est
visé
par
le
concept
de
sujet
-‐
l'objectivité
est
potentiellement
pensable
sans
le
sujet,
bien
que
reconnaissable
seulement
par
le
sujet.
Cette
reconnaissance
de
la
trace
de
quelque
chose
qui
n'est
pas
de
la
pensée
au
sein
même
de
la
pensée
mène
au
matérialisme
au
sens
d'Adorno
en
ce
que
ce
quelque
chose
renvoie
à
des
impulsions
corporelles,
comme
la
souffrance,
qui
par
elle-‐même
dit
'Passe
!',
Adorno
citant
ici
la
Chanson
ivre
de
Ainsi
parlait
Zarathoustra
de
Nietzsche
[82].
Au
niveau
de
la
théorie
esthétique,
il
faut
mettre
en
œuvre
ce
primat
de
l'objet,
la
pensée
philosophique
devant
avoir
pour
projet
de
mettre
à
jour
le
contenu
de
vérité
des
œuvres
d'art
à
partir
de
leur
complexion
sensible
organisée,
contenu
de
vérité
historique
faisant
de
l'art
une
historiographie
[83].
Ce
faisant,
il
s'agit
pour
Adorno
de
reprendre
les
apports
conceptuels
de
Kant
et
Hegel
et
de
les
dialectiser,
à
savoir
par
la
confrontation
de
leur
prétention
et
de
la
réalité
historique
de
l'art,
mettre
en
mouvement
leur
contenu.
Trois
directions
privilégiées
mettent
en
œuvre
ce
projet
doublement
motivé,
défendre
l'art
moderne
et
sauver
le
caractère
d'apparence
de
l'art.
D'abord,
l'insistance
est
mise
sur
la
distance
que
l'œuvre
d'art
instaure
avec
la
réalité
empirique
-‐
réalité
historique
et
sociale
même
dans
son
aspect
le
plus
particulier
de
la
vie
'privée'
-‐
dont
l'expérience
qu'en
fait
l'artiste
imprègne
l'œuvre.
Cette
distance
se
concrétise
par
le
fait
que
l'œuvre
est
une
mise
en
forme
des
éléments
de
cette
réalité,
recomposés
en
une
image,
recomposition
suivant
ce
qu'Adorno
nomme
la
loi
de
la
forme
de
l'œuvre.
Cette
distance
qui
est
le
problème
de
l'autonomie
-‐
relative
-‐
de
l'art
est
le
moyen
de
faire
s'exprimer
une
souffrance,
souvent
celle
d'une
contrainte,
même
au
sein
d'œuvres
qui
peuvent
présenter
une
surface
apparemment
en
harmonie
avec
le
monde
comme
chez
Mozart[84].
La
souffrance
à
laquelle
l'œuvre
donne
la
voix
au
chapitre
est
cette
seconde
direction.
La
phrase
citée
de
Nietzsche
:
"La
douleur
dit
:
'Passe
!'
",
devient
un
motif
du
cryptogramme
que
constitue
l'œuvre
d'art,
'cryptogramme'
étant
un
terme
récurrent
chez
Adorno
dans
le
cours
du
déchiffrement
du
contenu
de
vérité
des
œuvres
d'art.
Ainsi,
bien
que
sphère
de
l'esprit
avec
une
parcelle
d'autonomie,
l'art
n'est
pas
sans
rapport
avec
le
monde
matériel,
ce
qui
va
lui
permettre
de
ne
pas
être
réductible
à
de
l'idéologie.
Et
le
contenu
de
vérité
de
l'œuvre
d'art
qui
s'y
oppose,
suppose
une
expressivité
-‐
qui
peut-‐être
celle
de
pleurs
sans
larme
-‐
passant
dans
l'art
par
le
médium
sensible
pour
la
rendre
spirituelle,
d'une
spiritualité
qui
pourrait
être
dite
matérielle
en
ce
qu'elle
passe
nécessairement
par
le
sensible
sous
peine
de
n'être
rien.
Cette
insistance
sur
une
'spiritualité
matérialiste'
constitue
la
troisième
direction,
forme
de
défense
de
la
culture,
mais
contre
la
culture
telle
qu'elle
a
été.
Le
matérialisme
devient
pour
Adorno
après
la
lecture
de
Marx,
"l'ensemble
de
la
critique
de
l'idéalisme
et
de
la
réalité
pour
laquelle
opte
l'idéalisme
en
la
déformant"[85],
cette
critique
ayant
pour
base
la
souffrance,
dont
la
fin
est
sa
finalité,
le
bonheur,
sensible.
Pour
mener
à
bien
cette
critique
en
développant
les
trois
directions
privilégiées
dont
il
a
été
donné
une
première
coordination,
la
Théorie
esthétique
a
recourt
à
des
catégories
marxistes
dont
la
fonction
au
sein
du
texte
peut
être
présentée
selon
les
deux
pôles
de
la
théorie
et
de
la
pratique,
orientés
par
la
dialectique
et
le
matérialisme.
Après
donc
avec
éclairé
l'usage
dialectique
et
matérialiste
d'Adorno,
la
connaissance
du
monde
permise
par
les
catégories
marxistes
sera
présentée
dans
sa
conjonction
avec
la
sphère
esthétique.
De
la
même
manière,
la
question
de
la
transformation
du
monde
suivra,
la
connaissance
du
monde,
en
tant
qu'analyse
critique,
y
menant,
en
tant
qu'analyse
étant
susceptible
d'aider
à
déterminer
les
actions
pertinentes
à
entreprendre
à
cette
fin.
Il
s'agit
donc
des
deux
pôles
de
la
théorie
et
de
la
pratique,
dont
la
coordination
problématique
a
été
initiée
par
Adorno
dans
la
musique
comme
il
a
été
vu,
mais
semble
avoir
fait
défaut
dans
la
politique.
1.2.4
Critiques
d'Adorno
:
quelle
théorie
pour
une
stratégie
politique
?
La
critique
faite
à
Adorno[86]
semble
porter
sur
l'absence
dans
ses
travaux
d'
"analyse
concrète
d'une
situation
concrète"
permettant
de
déterminer
la
marge
d'action
possible
et
de
définir
une
stratégie
subséquente
en
vue
de
la
transformation
du
monde,
et
de
l'absence
de
la
référence
à
une
force
sociale
comme
le
prolétariat
comme
base
matérielle
de
cette
analyse[87].
Les
affirmations
d'Adorno
du
type
de
celles
qui
allèguent
que
dans
les
conditions
présentes,
"aucune
forme
supérieure
de
société
n'est
concrètement
visible"[88],
sont
ainsi
remises
en
cause
faute
d'analyses
concrètes.
Il
est
même
jusqu'à
être
identifié
à
un
auteur
tragique[89].
Le
texte
Résignation[90]
ne
répond
pas
à
cette
question
puisqu'il
porte
sur
une
défense
de
la
théorie
par
rapport
à
l'activisme,
sur
l'erreur
d'un
saut
irréfléchi
dans
la
praxis,
sur
l'atrophie
d'une
pensée
instrumentalisée,
sur
la
force
de
la
pensée
la
plus
solitaire
et
impuissante
comme
portant
l'universel.
Mais
l'activité
de
critique
d'Adorno
en
musique
jusqu'au
texte
Vers
une
musique
informelle[91]
qui
devait
précéder
une
réalisation
musicale
qu'Adorno
n'eut
pas
le
temps
d'accomplir[92]
rendent
compte
d'analyses
précises
d'œuvres
musicales
ou
du
monde
musical
qui
lui
était
contemporain
avec
des
indications
d'actions
possibles.
A
défaut
d'une
réalisation
dans
le
domaine
social
en
son
entier,
une
coordination
déterminée
de
la
théorie
et
de
la
praxis
a
donc
été
tentée
dans
le
domaine
musical.
Quant
aux
multiples
interventions
radiophoniques
d'Adorno
dont
les
Modèles
critiques
témoignent,
elles
étaient
destinées
à
faire
amorcer
une
prise
de
conscience
des
auditeurs.
Ce
type
d'intervention
de
type
individuel
s'oppose
à
celui
de
l'action
reposant
sur
une
prise
de
décision
au
sein
d'un
parti
ou
d'un
groupe
organisé
représentant
les
intérêts
déterminés
d'une
classe
sociale
ou
d'un
autre
regroupement
d'individus
partageant
des
conditions
de
vie
ou
des
intérêts
communs,
et
pouvaient
susciter
le
doute
quant
à
son
efficacité.
Le
texte
Marginalia
à
la
Théorie
et
la
Praxis
des
Modèles
critiques
[93]
avance
des
arguments
théoriques
contre
cette
critique.
Vouloir
que
la
théorie
soit
immédiatement
applicable,
la
condamne
selon
lui
à
se
lier
de
telle
manière
aux
conditions
existantes
qu'elle
en
reste
prisonnière,
là
où
elle
cherche
à
transformer
le
système
tout
en
y
appartenant
-‐
chez
Adorno,
le
dépassement
théorique
s'effectuant
de
manière
négative,
c'est
à
dire
sans
poser
positivement
ce
qui
doit
être,
et
ce
malgré
quelques
indications
de
sa
part
-‐
et
ce
vers
un
stade
réconcilié
de
l'homme
et
de
la
nature.
Le
problème
du
lien
entre
la
théorie
et
la
pratique
émerge
selon
Adorno
par
la
progressive
et
désormais
totale
domination
du
principe
d'identité,
de
la
"rationalité
du
toujours
semblable"
qui
ramène
l'autre
à
soi
et
ce
faisant
appauvrit
son
expérience
de
l'autre
-‐
du
monde,
de
la
nature,
de
son
semblable.
En
séparant
le
sujet
de
l'objet,
il
sépare
la
théorie
de
la
praxis.
Mais
la
théorie
séparée
est
sans
puissance
et
la
praxis
séparée,
arbitraire.
Ce
problème
marxiste
est
résumé
dans
la
question
'que
faire
?'
dont
l'ouvrage
du
même
nom
de
Lénine
abordait
la
question
de
la
séparation
des
mouvements
ouvriers
et
du
socialisme
et
leur
fusion
[94].
Les
deux
sont
pourtant
liés
car
penser,
c'est
déjà
faire,
la
théorie
est
une
forme
de
praxis.
L'immanence
de
la
pensée
est
complétée
par
le
fait
que
c'est
un
comportement
réel.
Sans
comprendre
théoriquement
le
lien
sujet-‐objet
et
théorie-‐praxis,
l'objet
devient
l'incommensurable
et
la
praxis
irrationnelle,
et
ce
lien
est
dévolu
au
destin,
à
la
fatalité,
au
hasard
[95].
Amor
fati.
2
Matérialisme
et
dialectique
dans
l'art
et
l'esthétique
Le
matérialisme
et
la
dialectique
d'Adorno
seront
présentés
dans
cette
partie
sans
appel
direct
aux
autres
catégories
marxistes
dont
il
use,
et
ce
afin
de
préparer
leur
mise
en
lumière.
Ces
positions
matérialistes
et
dialectique
sont
liées
indissolublement.
Là
où
le
matérialisme
montre
les
éléments
du
réel,
aussi
infimes
soient-‐ils,
qui
ne
sont
pas
apaisés,
la
dialectique
exprime
le
mouvement
que
leur
souffrance
ne
peut
manquer
de
générer,
par
son
impulsion
à
cesser,
alors
qu'un
hiatus
persiste
entre
cette
souffrance
qui
perdure
sous
différentes
formes
dans
l'histoire
et
les
formes
de
vie
sociale
qui
les
étouffent,
et
dont
l'origine,
à
l'époque
bourgeoise,
est
le
mode
de
production
capitaliste
pour
Adorno
qui
suit
en
cela
Marx
(institutions,
conventions
sociales,
catégories
de
pensée,
entre
autres).
Cette
souffrance
demande
à
cesser,
et
cela
nécessite
un
espace
de
co-‐existence
des
individus
et
de
la
nature
au
sein
d'un
ensemble
différent
de
ces
formes
qui
concourraient
à
son
apaisement.
2.1
L'art
comme
lieu
d'une
lutte
dialectique
entre
l'individuel
et
l'universel
Là
où
le
déroulement
de
l'histoire
pour
Marx
était
commandé
par
une
lutte
de
classes
dans
Le
Manifeste
du
Parti
communiste,
et
comme
détermination
économique
de
cette
lutte,
dans
la
préface
à
la
Contribution
à
la
critique
de
l'économie
politique,
par
la
contradiction
entre
les
forces
productives
et
les
rapports
de
production,
ce
déroulement
semble
interprété
philosophiquement
par
Adorno
à
travers
le
prisme
d'une
réflexion
esthétique
comme
une
dialectique
entre
le
particulier
et
l'universel.
Les
forces
en
présence
sont
celle
d'une
universalité
parce
qu'elle
s'impose
à
tous,
mais
une
universalité
particulière
et
donc
une
fausse
universalité
en
ce
qu'elle
sert
les
intérêts
d'une
classe
particulière
qui
développe
les
moyens
de
perpétuer
le
système
tel
qu'il
est,
et
celle
d'une
résistance
humaine
ou
naturelle
aux
conséquences
de
cette
domination,
qui
est
le
pôle
du
particulier
mais
qui
dans
sa
résistance
désigne
une
aspiration
universelle
à
ce
que
cesse
cette
oppression.
Une
illustration
dans
le
domaine
de
la
philosophie
serait
la
différence
introduite
entre
le
sujet
et
l'individu
par
l'idéalisme
en
ce
qu'elle
prélude
à
la
futur
absolutisation
du
sujet,
qui
s'interprète
de
manière
matérialiste
comme
la
position
d'une
fausse
universalité,
dont
un
modèle
serait
l'Etat
hégélien
censé
harmoniser
l'ensemble
des
conflits
d'une
société[96].
La
détermination
des
phénomènes
est
donc
la
conjonction
de
ces
deux
forces.
Cette
dialectique,
cette
lutte
de
forces
se
retrouve
à
tous
les
niveaux
de
la
réalité,
de
la
lutte
des
classes
à
l'individu
isolé,
quelque
soit
sa
classe
d'appartenance,
en
ce
qu'il
est
pour
partie
informé
par
les
formes
dominantes,
de
pensée
par
exemple,
et
qu'il
réagit
à
cette
domination
dans
la
limite
de
ses
forces,
et
se
retrouve
dans
la
pensée,
comme
la
dialectique
issue
de
la
volonté
de
la
pensée
d'identifier
sans
reste
ce
qu'elle
cherche
à
penser,
à
substituer
son
résultat
subjectif
à
son
objet,
là
où
l'objet
ne
se
laisse
pas
assimiler.
La
prima
philosophia
censée
donner
des
principes
premiers,
absolutisant
des
éléments
en
principes
premiers
qui
s'imposent
a
priori
aux
objets
l'illustre
emphatiquement
quand
elle
prend
pour
objet
la
totalité
du
réel.
Dans
l'art,
ce
sera
la
durée
esthétique
en
ce
que
l'œuvre
véritablement
d'art
devra
durer
éternellement[97].
La
vérité
dans
ce
contexte
est
historique
mais
objective
en
ce
qu'elle
désigne
une
configuration
historique
de
cette
lutte,
résultante
historique.
L'art
qui
fait
l'expérience
de
la
situation
présente[98],
réagit
à
la
société
et
à
son
emprise
qui
est
au
cœur
de
cette
expérience.
Il
prend
par
là
son
caractère
social
et
critique.
C'est
un
comportement
face
à
l'objectivité
où
se
rejoue
la
dialectique
de
l'universel
et
du
particulier,
et
c'est
ce
que
"l'esthétique
a
pour
fonction
d'amener
à
la
conscience",
"la
véritable
nécessité
d'une
conception
dialectique
de
l'art"[99].
En
effet,
une
première
figure
de
cette
dialectique
tient
à
ce
que
les
œuvres
d'art
utilisent
et
transforment
à
partir
d'une
expérience
individuelles
où
se
joue
déjà
des
schémas
sociaux[100],
des
matériaux,
procédures
et
thèmes
dont
le
contenu,
historico-‐social,
était
déjà
le
produit
d'une
telle
dialectique.
Il
doit
à
partir
de
ces
éléments
pétris
pour
une
part
par
un
élément
universel,
vrai
ou
faux,
se
particulariser,
ce
qui
signifier,
ne
pas
reproduire
un
schéma
de
fausse
universalité,
mais
dans
leur
'authenticité'
individuelle,
répondant
singulièrement
à
un
problème
artistique,
atteindre
un
universel.
La
force
de
l'œuvre
d'art
sera
alors
de
réussir
à
briser
les
barrières
sociales
[101].
La
dialectique
de
l'universel
et
du
particulier
est
cependant
plus
complexe
que
la
formule
la
réduisant
à
la
nécessité
pour
l'universel
de
se
particulariser,
en
ce
que
le
particulier
devient
l'universel,
non
seulement
par
la
vérité
à
laquelle
elle
tend,
mais
parce
que
plus
l'œuvre
est
spécifique,
plus
elle
réalise
son
type
et
ce
dans
un
conflit
avec
l'idée
ou
le
genre,
plutôt
que
par
subsomption[102].
L'œuvre
d'art
n'est
donc
pas
de
manière
idéaliste
"l'unité
présente
de
l'universel
et
du
particulier",
le
concept
hégélien,
car
elle
se
sépare
de
l'immédiateté
sensible
qui,
pétri
de
fausse
universalité,
ne
peut
être
copiée
telle
quelle
sous
peine
d'y
retomber.
L'œuvre
d'art
a
un
modèle
dans
l'allégorie,
telle
qu'interprétée
par
Benjamin
dans
l'Origine
du
drame
baroque
allemand
,
à
savoir
un
moyen
formel
qui
n'est
pas
rivé
à
un
signifié
fixe
comme
le
symbole,
et
ce
dans
un
but
expressif
et
critique
de
la
réalité
empirique[103].
D'autre
part,
ce
processus
de
particularisation
de
l'œuvre
d'art,
croise
la
seconde
figure
de
la
dialectique
de
l'individuel
et
de
l'universel,
à
savoir
celle
des
parties
de
l'œuvre
et
du
tout
de
l'œuvre,
reprise
en
son
sein
de
la
dialectique
de
l'individu
et
de
la
société
comme
universel,
en
ce
que
les
parties
quand
elles
sont
plus
que
des
exemplaires
d'une
idée,
substituables
en
tant
que
tels,
n'assurent
pas
a
priori
leur
articulation
dans
le
tout
de
l'œuvre,
et
pourtant,
sont
là
en
vue
du
tout,
ce
qui
fait
de
l'œuvre
un
mouvement
à
travers
ses
moments
particuliers
incluant
leur
dépassement[104].
L'analyse
la
plus
minutieuse
et
spécifique
de
l'œuvre
permet
de
détecter
un
renversement
du
particulier
esthétique
en
universel
comme
déterminé
par
la
chose
même,
en
ce
qu'elle
exécute
en
son
sein
des
contraintes
liées
au
genre[105].
Enfin,
une
troisième
figure
de
la
dialectique
individuel/universel
est
celle
qui
révèle
le
plus
immédiatement
la
part
matérialiste
de
la
dialectique,
c'est
celle
que
révèle
clairement
la
situation
de
l'art
moderne
d'après-‐guerre,
entre
l'expressif
et
le
constructif,
qui
polarise
entre
ces
deux
extrêmes
le
champ
des
oeuvres
d'art,
selon
qu'elles
se
réclament
du
primat
de
l'un
ou
de
l'autre,
alors
qu'une
conjonction
des
deux
est
nécessaire
en
toute
œuvre
d'art.
Elle
manifeste
la
dialectique
entre
l'organisation
et
l'individu,
l'expression
de
ce
dernier
étant
une
résistance
contre
la
totalité
fausse[106],
là
où
cette
expression
n'acquiert
de
force
que
par
la
construction.
L'idée
sociale
de
l'art
est
ainsi
exprimée
dans
la
question
de
la
possibilité
de
quelque
chose
de
particulier,
"d'une
façon
générale",
le
particulier
et
l'universel
devant
s'accorder
dans
l'idée
de
liberté[107].
L'œuvre
où
se
rejoue
la
dialectique
sociale,
intègre
donc
après
transformation
les
antagonismes
non
réconciliés
de
la
réalité,
qui
"ne
se
laissent
pas
non
plus
concilier
dans
l'imaginaire;
ils
agissent
à
l'intérieur
de
l'imagination
et
se
reproduisent
dans
sa
propre
cohérence,
proportionnellement
au
degré
auquel
ils
requièrent
une
cohérence"[108].
C'est
la
manière
de
l'art
d'écrire
l'histoire[109],
en
ce
que
ces
antagonismes
sont
historiquement
situés
ainsi
que
la
réaction
artistique.
L'affirmation
selon
laquelle
il
n'y
aurait
pas
d'histoire
de
l'art,
mais
seulement
une
histoire
de
la
lutte
des
classes,
trouve
là
une
nuance,
en
ce
que
la
réaction
artistique
n'étant
possible
qu'à
partir
d'un
certain
contexte
artistique
ayant
gagné
une
parcelle
d'autonomie
avec
la
bourgeoisie,
une
certaine
autonomie
relative
lui
échoit.
Il
n'en
reste
pas
moins
que
la
vérité
de
l'œuvre
lui
vient
de
son
contenu
historique,
avec
la
question
:
"la
part
d'esprit
objectif
que
recèle
objectivement
une
œuvre
dans
sa
forme
spécifique
est-‐elle
vraie
?"[110]
à
laquelle
l'esthétique
doit
répondre
en
s'appuyant
sur
son
travail
de
mise
à
jour
consciente
de
la
dialectique
du
particulier
et
l'universel
qui
se
joue
dans
l’œuvre[111].
2.2
L'expression
de
la
souffrance
La
souffrance,
inatteignable
par
la
connaissance
discursive,
représente
le
pôle
matériel
éminent
chez
Adorno
et
l'art
est
un
moyen
de
l'amener
à
l'expression,
alors
que
l'art
reste
récupéré
par
les
institutions
sociales
et
les
faux
besoins
culturels
comme
glorification
de
sa
propre
culture[112].
L'intérêt
matériel
de
l'individu
est
que
cette
souffrance
cesse.
Sa
naissance
face
à
une
nature
hostile,
non
maîtrisée
se
prolonge
par
le
fait
que
les
moyens
rationnels
mis
en
œuvre
pour
maîtriser
cette
nature
ont
été
hypostasiés,
oubliant
leur
finalité
qui
est
le
bonheur
sensible
de
tous
les
hommes.
Cette
forme
d'hybris
prend
la
pente
de
l'absolutisation
du
sujet,
de
soi,
sans
égard
pour
l'autre,
et
l'équilibre
qu'il
serait
souhaitable
de
trouver,
cet
autre
qui
prenait
d'abord
le
visage
de
la
nature
hostile,
a
pris
ensuite
ceux
des
impulsions,
des
désirs
corporels,
des
passions,
de
la
société
marchande
non
maîtrisée
où
la
main
invisible
de
Smith
est
bien
invisible,
encore
aujourd'hui
par
exemple
de
l'Islam
?
La
logique
de
la
concurrence
marchande
va
dans
le
même
sens
quand
le
président
de
la
société
aux
'canettes'
bien
connues
avait
pour
objectif
que
chaque
habitant
de
la
planète
en
ait
une
dans
ses
mains,
ce
qui
suppose
qu'il
n'en
est
pas
une
d'une
autre
marque.
La
finalité
d'une
entreprise
au
sein
du
marché
concurrentiel
est
le
monopole,
et
la
seule
barrière
qui
l'empêche
jusqu'ici
sont
les
lois
qui
l'en
empêche.
Quand
on
réclame
une
dérégulation,
l'argument
du
choix
pour
le
consommateurs
ou
de
la
baisse
des
prix
ne
tient
pas
face
à
cet
finalité
monopolistique,
et
donc
à
la
maîtrise
finale
du
prix.
Ces
exemples
montrent
que
l'idéal
de
co-‐existence
pacifique
et
bienheureuse
des
individus
entre
eux
et
avec
la
nature
est
a
priori
inatteignable
par
cet
volonté
de
cesser
la
dialectique
du
sujet
et
de
l'objet
par
son
écrasement
sur
le
sujet.
Ce
mouvement
conduit
en
outre
à
appauvrir
la
relation
du
sujet
au
monde,
en
particulier
sa
capacité
de
différenciation
subjective
qui
nécessite
une
ouverture
vers
l'autre,
sa
capacité
à
percevoir
les
qualités
du
monde
où
à
en
découvrir
de
nouvelles,
et
à
menacer
le
monde
d'uniformisation[113].
Ce
comportement
est
celui
de
l'idéalisme
qui
rejette
tout
ce
qui
n'est
pas
maîtrisé
par
le
sujet.
Et
cet
animalité
irréductible
de
l'homme,
ce
domaine
du
qualitatif
par
opposition
au
quantitatif,
est
rejeté
pour
une
part
du
fait
de
son
indétermination[114],
de
son
impossibilité
d'être
figé
puis
substitué
par
un
corps
de
concepts
plus
aisément
manipulable.
Car
ce
moment
'naturel'
est
ce
qui
n'est
pas
encore
formé
ou
articulé[115],
c'est
le
diffus
qui
est
le
pôle
matériel
opposé
au
formalisme
du
moi[116].
Le
beau
naturel
en
est
un
modèle,
puisant
son
essence
dans
ce
qui
échappe
au
concept
universel,
comme
rapport
formel,
là
où
c'est
son
expressivité
qui
fait
sa
substance[117].
Adorno
place
alors
dans
la
mimésis,
peut-‐être
forme
première
de
l'esprit,
en
tant
que
forme
physiologique[118],
qu'il
définit
comme
"l'affinité
non-‐conceptuel
pour
son
autre"[119],
ce
qui
rend
possible
un
rapport
à
l'objectivité.
Le
matérialisme
réalisé
signifierait
sa
destruction
comme
domination
des
intérêts
matériels,
et
donc
la
fin
de
la
pénurie.
Bien
qu'il
n'y
ait
qu'un
besoin
objectif,
celui
qui
vient
de
ce
qu'Adorno
appelle
la
"misère
du
monde"[120],
l'art
est
un
moyen
de
lui
donner
une
voix.
L'art
est
expression
de
la
souffrance,
l'œuvre
d'art
est
un
"schéma"
de
son
expérience[121]
sous
la
forme
d'images.
L'état
de
besoin,
gravée
dans
la
situation
historique,
passe
dans
l'œuvre[122]
car
la
"réaction
au
non-‐moi
devient
imitation
de
celui-‐ci"[123].
Et
par
le
seul
fait
de
son
existence,
l'art
critique
la
réalité
en
remettant
en
cause
la
pratique
dominante
pragmatique
qui
absolutise
la
raison
en
oubliant
les
fins,
et
ce
en
se
posant
comme
fin
pour
soi[124].
La
légitimation
de
l'art
par
son
existence
est
un
argument
récurrent
dans
la
Théorie
esthétique
et
répète
le
même
argument
employé
pour
la
philosophie
comme
théorie
en
face
de
la
praxis
dans
la
Dialectique
Négative[125].
Cet
argument
s'appuie
sur
le
fait
concret
d'une
existence
qui
pose
problème,
un
moment
matériel
que
la
pensée
ne
peut
éviter,
sinon
en
s'appuyant
sur
un
acte
pratique
d'extermination.
Mais
cette
existence
de
l'art
ne
devient
un
témoignage
probant
que
parce
qu'elle
présente
en
elle
un
élément
non-‐artistique,
rebelle
à
la
mise
en
forme,
amorphe,
la
souffrance
du
monde
et
de
l'individu
dans
ses
antagonismes,
ce
qui
peut
prendre
l'aspect
esthétique
de
la
laideur,
qui
devient
une
dénonciation
de
la
cause
de
cette
laideur[126].
L'art
cherche
à
libérer
l'expression
silencieuse
et
non
intentionnelle,
non-‐humaine
de
la
nature
par
le
véhicule
de
cette
intention,
et
quand
elle
atteint
ainsi
à
l'expression,
des
"interférences
chosales"
et
le
"matériau
naturel"
se
trouvent
libérés.
L'idée
de
l'art
qui
est
"la
reconstitution
de
la
nature
opprimée
et
impliquée
dans
la
dynamique
historique"[127]
fait
état
de
sa
finalité
qui
est
de
prêter
sa
voix
à
la
nature
opprimée.
L'art
veut
tenir
la
promesse
de
la
nature,
celle
d'être
phénomène
expressif
et
non
matière
première,
objet
d'action[128].
Comme
expression
de
la
souffrance,
d'un
contenu
humain,
y
puisant
sa
substance,
l'art
est
écriture
de
l'histoire,
"souvenir
de
la
souffrance
accumulée"[129].
Le
primat
de
l'objet
de
l'épistémologie
matérialiste
qu'Adorno
justifiait
dans
la
Dialectique
négative[130]
se
formule
alors
dans
la
Théorie
esthétique
d'une
double
manière.
D'abord
dans
la
composition
interne
par
le
fait
que
les
contradictions
objectives
de
la
situation
antagoniste
sillonnent
l'artiste
qui
les
posent
moins
par
sa
conscience
qu'ils
ne
les
articulent
au
moyen
de
ses
problèmes
techniques
spécifiquement
artistiques,
et
c'est
cette
"liberté
vis
à
vis
de
l'objet",
c'est
à
dire
la
part
de
liberté
que
l'art
prend
par
rapport
à
la
réalité
empirique,
qui
lui
permet
d'atteindre
à
la
réalité
de
la
domination
et
au
potentiel
de
libération
de
ce
qui
est
dominé.
Par
la
transformation
esthétique
des
éléments
de
la
réalité,
l'
"art
confère
à
la
réalité
empirique
ce
qui
lui
revient,
l'épiphanie
de
son
essence
cachée
et
le
juste
effroi
devant
celle-‐ci
en
tant
que
monstruosité",
mais
aussi
il
libère
la
parole
des
éléments
opprimés.
L'art
devient
ainsi
"historiographie
inconsciente",
"anamnèse
des
vaincus",
du
"refoulé",
et
d'un
"possible".
Ensuite,
ce
primat
de
l'objet,
c'est,
de
l'extérieur,
celui
de
l'œuvre
d'art
sur
celui
qui
contemple
et
interprète,
et
qui
implique
que
le
rapport
de
l'art
et
de
la
société
se
concrétise
dès
la
production,
que
c'est
en
ce
lieu
qu'il
s'agit
de
le
déchiffrer.
Ce
rapport
concret
à
l'histoire
et
à
la
société,
cette
mise
au
jour
de
la
situation,
cette
"cristallisation"
de
l'histoire
confère
son
contenu
de
vérité
et
sa
vérité
sociale
aux
œuvres,
en
tant
que
leur
expression
dévoile
les
stigmates
de
la
société,
"fait
apparaître,
en
sa
détermination
historique,
la
contre-‐
vérité
de
la
situation
sociale".
Et
c'est
ce
rapport
déterminé
à
l'histoire
et
à
la
société
qui
les
libère
du
fait
qu'en
tant
qu'instaurées,
faites,
et
donc
qu'en
tant
qu'artifices,
elles
ne
seraient
que
mensonge[131].
Donnons
deux
modèles
de
ce
rapport
de
l'art
au
monde.
D'abord
Beckett,
à
qui
l'ouvrage
inachevé
de
la
Théorie
esthétique
devait
être
dédié.
Des
couches
fondamentales
de
l'expérience
comme
la
perte
de
l'objet,
l'appauvrissement
du
sujet,
l'illusion
d'une
subjectivité
signifiante
viennent
à
l'expression
dans
son
œuvre
qui
emmagasine
l'expérience
du
processus
par
lequel
la
société
devient
totale,
se
réduisant
à
un
système
univoque.
Elle
devient
l'autre
de
la
société
à
laquelle
elle
reste
liée
par
l'abstraction,
ce
monde
étant
un
monde
abstrait
des
relations
humaines.
Les
expériences
historiques
se
trouvent
résumées
dans
le
monde
d'images
de
l'œuvre
d'art,
médiation
qui
seule
permet
d'atteindre
l'élément
déterminant,
à
savoir
"l'évidemment
de
la
réalité".
Le
monde
administré
laisse
son
empreinte
négative
dans
"le
caractère
minable,
abîmé
de
cet
univers
symbolique"[132].
Ensuite
le
cubisme
pour
lequel
il
ne
faut
pas
reproduire
les
propositions
idéalistes
de
Proust
et
Kahnweiler
sur
la
peinture
selon
lesquelles
elle
aurait
changée
la
vision
et
finalement
les
objets.
Ce
sont
les
objets
qui
se
sont
en
soi
modifiés
historiquement,
les
sens
s'y
sont
adaptés
et
la
peinture
en
a
trouvé
les
chiffres.
Ainsi
le
cubisme
serait
une
réaction
au
stade
de
la
rationalisation
du
monde
social
aux
formes
géométriques,
réaction
qui
en
enregistre
ce
niveau
d'expérience
contraire
à
l'expérience.
L'impressionnisme
a
tenté
d'éveiller
la
vie
réifiée
dans
le
monde
des
marchandises
en
utilisant
sa
dynamique
propre
et
la
sauver
là
où
le
cubisme
a
désespéré
de
telles
possibilités,
et
a
accepté
la
géométrisation
hétéronome
du
monde
comme
sa
nouvelle
loi,
ordre
permettant
de
garantir
l'objectivité
de
l'expérience
esthétique
et
a
montré
que
la
vie
ne
vit
pas[133].
2.3
Une
pratique
différente
Cette
expression
de
la
souffrance
par
l'art
est
aussi
son
atténuation.
Le
hurlement
est
une
première
extériorisation
de
la
douleur,
et
la
"main
maternelle
qui,
pour
consoler,
caresse
une
tête
enfantine
dispense
un
plaisir
sensuel.
Un
contenu
d'un
extrême
spiritualité
se
transforme
en
sensation
physique"[134].
L'art
participe
des
deux.
Son
expression
comme
exposition
est
une
mise
à
distance
de
l'immédiateté
de
la
souffrance
qui
contribue
à
l'atténuer
subjectivement
et
la
neutralise
pour
une
part
dans
son
résultat
objectif[135].
L'image
formée
de
la
souffrance
l'exprime,
en
est
l'écho
mais
aussi
l'atténuation,
la
sphère
esthétique
restant
en
dehors
de
la
souffrance[136].
La
notion
de
catharsis,
utilisé
par
Aristote
dans
sa
Poétique,
trouve
sa
vérité
selon
Adorno
dans
le
rapport
entre
le
contenu
matériel
et
la
loi
formelle
qui
en
est
la
catharsis[137].
Pour
autant
l'art
participe
aussi
à
une
certaine
violence
en
ne
laissant
pas
les
impulsions
tels
quels
s'exprimer
mais
leur
imprime
une
forme.
La
formulation
de
la
dialectique
de
la
forme
comme
contradiction
entre
le
fait
que
la
mise
en
forme
violente
ce
qui
est
à
former
et
celui
de
ne
pouvoir
faire
s'exprimer
ce
formé
qu'à
travers
la
mise
en
forme[138],
rend
compte
de
cela.
C'est
une
difficulté
déjà
présente
dans
le
domaine
théorique.
Contre
la
théorie
matérialiste
du
reflet
qu'Adorno
assimilait
-‐
sur
le
modèle
de
la
théorie
épicurienne
des
petites
images
émanant
des
choses
-‐
à
la
position
d'images
ou
de
représentations
mensongères
entre
le
sujet
et
l'objet
à
connaître,
il
prônait
dans
la
Dialectique
négative
un
matérialisme
sans
image
dont
l'intention
est
de
saisir
la
chose
même[139].
Il
répète
cette
intention
dans
l'esthétique
où
seule
une
beauté
sans
image
serait
à
même
de
rendre
justice
à
ce
qui
est
formé,
qui
s'apaiserait
[140].
Pour
que
les
impulsions
réprimées
viennent
à
la
parole
sans
que
celle-‐ci
soit
empruntée
à
des
schémas
de
pensée
dominant
qui
la
trahirait,
il
faut
une
pratique
différente
de
celle
dominante
dont
l'expression
'faire
parler'
rend
clairement
compte.
Adorno
voit
dans
l'art
cette
pratique
différente
et
l'atténuation
de
la
souffrance
dont
il
a
été
question
était
le
résultat
d'un
geste
pacificateur.
L'œuvre
d'art
"met
à
nu
dans
les
concepts
leur
couche
mimétique,
non-‐conceptuelle"[141],
là
où
le
concept
discursif
comme
unité
distinctive
avait
tendance
à
traiter
ce
qu'il
subsumait
comme
des
exemples
ou
à
ne
les
réduire
qu'à
cette
pointe
discursive.
C'est
l'ambition
hégélienne
de
retrouver
la
vie
sous
le
concept
que
l'art
réaliserait
tant
bien
que
mal.
Pour
cela,
le
sujet
qui
construit
l'œuvre
disparaît
dans
le
résultat,
processus
dialectique
nécessaire
à
la
réussite
de
l'œuvre
comme
expression
des
éléments
extraits
du
réel
pour
les
recomposer
dans
l'œuvre
suivant
leur
désir[142].
Cependant,
cette
pratique
est
un
nœud
de
dialectiques,
car
aussitôt
parlé
de
cette
disparition
du
sujet
en
tant
que
'comment'
-‐
que
manière
-‐
dans
l'objet
en
tant
que
'quoi'
-‐
que
contenu
-‐,
la
dialectique
de
l'objectivation
s'interroge
sur
la
réussite
du
processus.
En
effet,
en
tant
que
l'art
objective
les
impulsions
mimétiques,
elle
leur
fait
perdre
leur
caractère
d'immédiateté,
elle
les
nie
d'une
certaine
manière.
Ce
qui
la
sauve,
c'est
que
cette
négation
est
conservation
à
la
fois,
sur
le
modèle
d'œuvre
'noire'
qui
vibre
de
toutes
les
couleurs
qu'elles
ne
se
permet
plus
d'utiliser.
L'art
participe
à
cette
dialectique
de
la
raison
par
la
synthèse
de
l'hétérogène
mais
sa
rationalité
n'est
pas
celle
de
l'extérieure
car
son
mouvement
est
orienté
à
partir
de
ce
qu'elle
forme,
là
où
à
l'extérieur,
elle
s'est
constituée
en
schémas
prêt-‐à-‐l'emploi
qui
s'applique
violemment
sur
le
monde.
En
cela
cette
autre
pratique
de
la
raison
vise
à
la
réconciliation[143].
L'art
qui
manifeste
dans
ses
oeuvres
la
dialectique
sociale
entre
l'individu
et
la
société
par
le
rapport
entre
le
détail
et
le
tout,
corrige
l'injustice
sociale
en
image,
en
la
réfléchissant
dans
la
forme
en
essayant
de
saisir
le
mouvement
propre
des
parties
tout
en
constituant
un
tout[144].
2.4
La
nécessité
de
la
distance
artistique
La
distance
de
l'œuvre
à
la
réalité
empirique
par
sa
formation
d'une
image
est
essentielle
à
la
résistance
de
l’œuvre,
et
à
sa
pratique
différente.
Le
mouvement
et
les
contradictions
de
l'évolution
sociale
se
reproduisent
dans
l'art
en
vertu
du
développement
intra-‐esthétique
sans
en
être
l'imitation.
Le
passage
est
médiatisé[145].
Cette
insistance
sur
la
distance
est
une
défense
de
l'œuvre
moderne
autonome
par
rapport
à
l'œuvre
engagée
ou
du
réalisme
esthétique,
dont
une
espèce
est
le
réalisme
socialiste.
L'œuvre
engagée
retombe
dans
la
réalité
empirique
par
sa
dénonciation
directe
de
ce
qui
est;
elle
en
est
une
copie,
et
en
tant
que
telle
y
est
liée
et
laisse
les
éléments
opprimés
en
l'état,
les
manipulant
comme
le
discours
contraire,
en
y
appliquant
une
idée[146].
Quant
au
réalisme
esthétique,
le
matérialisme
philosophique
ne
l'implique
pas.
Alors
que
le
matérialisme
rend
sociale
toute
réalité,
son
implication
au
niveau
esthétique
est
de
voir
l'art
comme
forme
de
connaissance
de
cette
dimension
sociale,
dans
la
médiation
qu'il
accomplit
en
lui
entre
son
contenu
de
vérité
et
son
contenu
social.
Mais
son
contenu
de
vérité
transcende
la
connaissance
de
la
réalité,
de
l'étant,
comprise
comme
sa
copie,
ou
sa
photographie
car
il
ne
saisit
la
vrai
visage
de
l'étant
dans
sa
propre
complexion
formelle
que
par
recomposition
des
éléments
de
l'étant[147].
Cela
s'explique
en
ce
que
la
surface
de
l'étant
est
de
prime
abord
le
voile
de
la
fausse
universalité
dont
il
a
été
question,
voile
qu'il
s'agit
de
faire
apercevoir.
Ainsi
l'œuvre
d'art,
bien
qu'en
tant
que
produit
du
travail
social
se
reliant
à
la
réalité
empirique,
au
monde
social,
la
totalité
des
détails
de
l'œuvre
d'art
restant
la
sublimation
de
la
société
organisée[148],
elle
s'en
écarte
par
la
forme,
par
le
remodelage
des
éléments
du
monde
social[149].
Adorno
défend
alors
les
œuvres
hermétiques
comme
possédant
un
potentiel
critique,
et
généralise
la
structure
monadologique
et
hermétique
à
l'art
tout
entier.
L'art
sort
alors
du
solipsisme
grâce
à
son
objectivation
que
permet
ses
procédures
techniques
qui
développe
un
langage
au
contenu
social
latent[150].
Le
modèle
de
la
dialectique
de
la
poésie
permet
de
montrer
cette
distanciation
de
l’œuvre
d'art.
Elle
s'exprime
comme
la
tentative
d'user
du
langage
de
manière
à
ce
que
les
éléments
discursifs
soient
transformés
dans
l'immanence
du
texte
et
soient
ainsi
extirpés
de
leur
usage
habituel
dans
des
jugements,
et
ce
afin
de
ne
pas
faire
corps
avec
la
réalité
empirique,
de
s'en
distancer,
pour
produire
des
éclairs
de
significations
que
le
langage
ordinaire
ne
permet
plus,
réduit
à
une
fonction
utilitaire.
Cela
se
rapproche
des
propos
de
Deleuze
sur
le
devenir-‐étranger
des
écrivains
dans
leur
propre
langue,
sur
le
balbutiement[151]
[152].
La
plus
grande
liberté
dans
la
mise
en
place
de
cette
distance
nécessite
une
certaine
autonomie
extérieure
de
l'art.
C'est
la
structure
sociale
féodale
qui
a
généré
la
conscience
bourgeoise
de
la
liberté
et
c'est
cette
dernière
qui
est
à
l'origine
de
cette
autonomie
de
l'art[153].
Bach
ou
Mozart
était
contraint
de
composer
dans
certaines
formes
sous
peine
de
ne
pas
être
employés.
Cependant
les
œuvres
d'art
précédant
l'âge
bourgeois
avait
une
certaine
latitude
au
sein
de
l'hétéronomie
qui
a
permis
la
réalisation
de
chefs
d'œuvres.
L'art
a
donc
un
caractère
double
de
fait
social,
d'activité
issue
de
la
division
du
travail,
et
de
sphère
autonome,
bien
qu'encore
déterminée
socialement
dans
cette
autonomie,
en
ce
que
l'œuvre
est
une
réaction
à
la
société
comme
il
a
été
vu[154].
Cette
dialectique
des
caractères
d'en-‐soi
et
social
de
l'œuvre[155]
cache
la
dialectique
objective
entre
l'individu
et
la
société,
l'en-‐soi
de
l'œuvre
représentant
la
prétention
à
sa
propre
identité
de
l'individu,
et
le
caractère
social,
l'identité
imposée
par
la
société
à
cet
individu.
Il
faut
cependant
bien
comprendre
que
l'identité
libérée
de
l'individu
ne
sera
libérée
que
dans
la
société,
dans
les
multiples
relations
sociales,
que
l'individu
tend
ainsi
au-‐delà
de
lui-‐même.
Cette
dialectique,
après
fixation
en
deux
pôles
séparés
est
exploitée
par
la
dichotomie
entre
le
formalisme
et
le
réalisme
socialiste
comme
une
alternative
imposée
à
l'artiste,
le
formaliste
étant
particulièrement
attaqué
par
le
dogme
réaliste
comme
illusion
bourgeoise
respectant
la
division
du
travail[156].
Ce
caractère
de
liberté
nécessaire
à
l'expression,
a
rapport
à
la
prise
de
conscience
du
sujet
qui
est
émancipatoire.
Comme
il
a
été
dit,
exprimer
la
douleur,
l'objectiver,
c'est
déjà
en
sortir
quelque
peu,
la
mettre
devant
soi,
s'en
libérer,
en
prendre
conscience.
Ce
mouvement
est
celui
de
l'hétéronomie
vers
l'autonomie,
sans
pour
autant
qu'il
faille
oublier
que
l'autonomie
réalisée
serait
la
fin
de
l'autonomie,
ce
serait
l'hétéronomie
tout
aussi
bien,
en
ce
que
la
liberté
véritable
serait
dans
des
relations
apaisées
établies
et
reconnues
clairement
avec
les
autres
et
donc
que
la
loi
que
l'on
s'est
donné
à
soi
est
la
loi
des
autres
et
réciproquement.
L'histoire
de
l'art
présente
ce
lien
en
ce
que
le
caractère
de
nouveauté
en
art
est
exigé
par
l'art
existant,
ce
qu'explique
Adorno
selon
le
modèle
hégélien
en
ce
que
c'est
ainsi
que
l'art
prend
conscience
de
lui-‐même.
"La
force
de
l'Ancien,
qui
a
besoin
du
Nouveau
pour
se
réaliser,
pousse
à
la
création
du
Nouveau"[157].
Concrètement,
les
œuvres
sont
en
rapport
critique
les
unes
avec
les
autres,
et
l'unité
de
l'histoire
de
l'art
se
comprend
comme
un
processus
dialectique
de
négation
déterminée
des
unes
par
les
autres.
Cette
unité
dialectique
s'exprime
subjectivement
chez
les
artistes
d'un
même
domaine
dans
leur
sentiment
d'appartenir
à
"une
communauté
de
travailleurs
clandestins"[158].
L’art
qui
dépend
de
ce
qui
est,
de
la
société,
de
l’Etant
grevé
de
contradictions,
répond
à
la
souffrance
qui
s'étire
dans
la
faille
de
ces
contradictions
et
qui
appelle
à
passer.
L’art
s’emploie
à
répondre
à
cette
exigence
par
sa
mise
en
forme
d’éléments
issus
de
la
réalité
comme
"un
aimant
dans
un
champ
de
limaille
de
fer"[159].
Outre
par
sa
pratique
différente,
l'art
ouvre
sur
la
possibilité
d'un
changement
rien
qu'en
montrant
les
contradictions,
l'expression
du
sujet
étant
non
seulement
la
plainte
de
son
échec
mais
en
même
temps,
le
chiffre
de
sa
possibilité[160],
sur
le
modèle
de
la
ruine,
fragment
qui
montre
en
négatif
ce
qu'elle
pourrait
être,
un
château.
A
la
différence
cependant,
qu'Adorno
ne
voit
pas
que
dans
la
passé
l'utopie
ait
été
réalisée,
là
où
la
ruine
du
château
suppose
qu'il
y
ait
eu
un
château
auparavant,
et
attend
de
l'avenir
cette
réalisation
d'utopie.
Cependant
le
modèle
se
justifie
de
manière
pessimiste
en
ce
qu'Adorno
a
expérimenté
toute
la
perte
de
richesse
de
l'expérience
tout
au
long
du
XXème
siècle,
et
donc
qu'il
a
vu
en
quelque
sorte
des
pans
de
murs
s'effrondrer
et
des
ruines
s'accumuler.
La
dialectique
de
la
littérature
dite
'absurde'
montre
le
lieu
de
l'espoir
du
"fait
qu'elle
exprime
en
tant
que
cohérence
de
sens,
téléologiquement
organisée
en
soi,
qu'il
n'existe
aucun
sens.
Elle
conserve
par
là
même,
dans
la
négation
déterminée,
la
catégorie
du
sens;
c'est
ce
qui
rend
possible
et
exige
son
interprétation"[161].
C'est
dans
cette
force
de
mise
en
forme
de
l'expérience,
qui
rejoint
la
force
de
penser
l'expérience
au
lieu
de
se
résigner
aux
schémas
appris
et
imposés
que
réside
l'espoir.
Et
c'est
cette
force
de
constituer
encore
une
œuvre
d'art,
un
tout
qui
irradie
dans
le
détail
qui
rayonne[162].
Par
l'immanence
propre
à
la
sphère
de
l'art,
qui
s'est
certes
constituée
à
partir
du
principe
de
domination
extra-‐esthétique,
comme
domination
de
ce
qui
est
à
mettre
en
forme,
une
distance
est
prise
avec
la
domination
extérieure.
Cette
domination
par
la
mise
en
forme
est
non-‐littéral
et
en
ce
sens
est
critique
de
celle
à
l'extérieur.
En
constituant
une
objectivité
comme
image
de
l'être-‐en-‐soi
inconnu
que
la
nature
n'est
pas
encore,
à
savoir
en
tant
que
phénomène
et
non
objet
d'action,
cette
articulation
par
la
domination
constitue
la
dialectique
de
l'art
et
de
la
nature,
la
domination
se
retournant
en
son
contraire[163].
Et
le
moment
de
génie
consistera,
dans
l'atteinte
subjective
d'une
constellation
objective,
a
faire
s'épouser
le
plus
libre
et
le
plus
nécessaire,
le
plus
subjectif
et
le
plus
objectif,
le
nouveau
et
ce
qui
semble
avoir
toujours
été
là[164].
2.5
Les
forces
artistiques
Comme
le
paysage
culturel,
ruine
exprimant
"la
plainte
d'une
âme
aujourd'hui
muette"
[165],
l'
"expression
est
le
visage
plaintif
des
œuvres"[166].
Cette
expression
de
la
souffrance
par
l'art,
pour
y
résister
et
en
montrer
l'existence,
n'est
pas
celle
d'un
individu
isolé.
L'artiste
est
ici
le
corps
et
l'esprit
parle
au
nom
de
forces
collectives.
En
effet,
le
caractère
idiosyncrasique
de
l'artiste,
transmis
à
l'œuvre,
est
en
réalité
la
sédimentation
pré-‐individuelle
de
réactions
collectives
inconscientes
et
c'est
ainsi
que
le
particulier
communique
avec
l'universel,
et
que
la
société
est
immanente
au
contenu
de
vérité.
C'est
par
son
auto-‐critique
que
le
sujet
les
empêche
d'être
régressives,
et
le
seul
point
matériel
qui
intervient
dans
cette
réflexion
est
son
propre
besoin.
Comme
à
la
fin
de
la
Dialectique
négative[167],
la
force
productive
qui
est
au
noyau
des
processus
technologiques,
c'est
le
sujet,
la
pensée
mais
en
rapport
avec
ce
qui
en
elle
n'est
pas
pensée,
est
besoin,
moment
somatique.
Le
sujet
artistique
est
donc
en
soi
social
et
non
pas
par
la
collectivisation
forcée.
Et
ce
sont
dans
ses
corrections
que
se
déchiffre
un
sujet
global
non
encore
réalisé,
comme
l'attitude
nécessaire
et
légitime
exigée
par
ce
dont
il
est
question.
L'artiste
devient
un
"exécutant
d'une
objectivité
collective
de
l'esprit"
[168].
La
"seule
manière
de
concevoir
la
vérité
de
l’œuvre
d'art
est
la
lisibilité
d'un
élément
trans-‐subjectif
dans
l'en-‐soi
imaginé
subjectivement.
L'œuvre
d'art
sert
de
médiation
à
ce
trans-‐subjectif"
[169].
L'empreinte
de
l'expression
dans
les
œuvres
d'art
est
ce
non-‐subjectif
dans
le
sujet
[170].
Ce
qui
traverse
les
sujets
dans
l'expression
et
la
conditionne,
ce
"trans-‐subjectif",
"quelque
chose
d'objectif
subjectivement
médiatisé
:
tristesse,
énergie,
désir".
Adorno
finit
par
rapprocher
cette
expressivité
de
l'"
'animation'
",
sur
le
modèle
de
la
naissance
du
sujet
[171].
Au
niveau
de
l'interprétation
des
œuvres,
il
s'agira
alors
de
"remonter
au
cœur
de
cette
expérience
subjective
qui
dépasse
le
sujet"[172],
et
dans
laquelle
s'inscrit
la
vérité
de
l'œuvre.
Cette
problématique
du
'trans-‐subjectif'
rappelle
l'interprétation
matérialiste
de
l'homme
impliqué
par
Marx
selon
E.Balibar,
à
savoir
que
ce
sont
les
relations
que
les
hommes
nouent
qui
lui
sont
constitutives,
que
l'humanité
est
à
penser
comme
"réalité
trans-‐individuelle",
qui
amène
à
penser
"ce
qui
existe
entre
les
individus,
du
fait
de
leurs
multiples
relations"
[173].
Il
semble
qu'ici
la
difficulté
soit
de
penser
l'immanence
sans
réintroduire
de
transcendance
subrepticement,
ce
qui
est
a
été
une
tentative
de
Deleuze
et
qui
est
actuellement
au
centre
de
la
non-‐philosophie
de
F.Laruelle
qui
cherche
à
penser
de
manière
cohérente
une
'immanence
radicale'.
Ce
thème
des
forces
collectives
s'exprimant
dans
le
moi
individuel
expose
les
"esthétiques
subjective
et
objective,
en
tant
que
pôles
contraires,
[…]
à
la
critique
d'une
esthétique
dialectique
:
la
première,
parce
qu'elle
est
ou
bien
abstraite
et
transcendantale,
ou
bien
contingente
selon
le
goût
de
l'individu,
la
seconde,
parce
qu'elle
ignore
la
médiatisation
de
l'art
par
le
sujet.
Dans
l'œuvre,
n'est
sujet
ni
le
contemplateur,
ni
le
créateur,
ni
l'esprit
absolu,
mais
plutôt
celui
qui
est
lié
à
la
chose,
préformé
par
elle
et
lui-‐même
médiatisé
par
l'objet",
le
sujet
étant
ce
qui
parle
dans
l'art
et
qui
est
immanent
à
l’œuvre.
Pour
l'œuvre
d'art
comme
pour
sa
théorie
la
dialectique
tient
à
"ce
que
les
composants
de
l’œuvre
:
le
matériau,
l'expression,
la
forme,
sont
chaque
fois
aussi
bien
sujet
qu'objet"
à
savoir
respectivement:
pour
le
matériau,
le
sujet
sédimenté,
produit
des
générations
antérieures,
et
l'objectivité
présentée
à
l'artiste;
pour
l'expression,
sa
pénétration
comme
émotion
subjective
et
son
incorporation
objective
par
l'œuvre;
pour
la
forme,
élaboration
subjective
pour
que
la
relation
au
formé
ne
soit
pas
mécanique,
et
comme
obéissance
aux
nécessités
de
l'objet.
"La
force
de
cette
extériorisation
du
moi
privé
dans
la
chose
est
l'essence
collective
dans
ce
moi;
il
constitue
le
caractère
de
langage
des
œuvres".
C'est
un
"Nous"
qui
parle
dans
l'œuvre
la
plus
individualisée.
Adorno
donne
les
exemples
du
"rituel
choral"
dont
l'élément
collectif
et
son
caractère
de
discours
est
à
l'origine
et
se
retrouve
dans
la
dimension
harmonique,
du
contrepoint
et
de
la
polyphonie
de
la
musique
occidentale,
et
de
la
poésie
qui
est
du
langage
et
donc
directement
du
collectif[174].
Les
forces
historiques
qui
déterminent
l'œuvre
individuelle
s'expérimentent
déjà
dans
l'impossibilité
de
négliger
les
avancées
radicales
artistiques
qui
rendent
caduques
les
précédentes
procédures
jusqu'alors
non
remises
en
question[175].
Elles
interviennent
au
sein
de
la
dialectique
entre
les
normes
esthétiques
ambiantes
et
les
problèmes
singuliers
de
l'œuvre,
de
la
structuration
de
son
objet[176].
Les
contenus
concrets,
comme
éléments
entrant
dans
l'œuvre
ne
sont
pas
choisis
et
intégrés
selon
le
seul
bon
vouloir
de
l'intention
subjective
de
l'artiste
mais
sont
en
rapport
avec
ces
forces
historiques
qui
peuvent
amener
à
reléguer
des
motifs,
des
thèmes
ou
des
sujets
dans
l'oubli
et
en
met
en
avant
d'autres[177].
Ainsi
en
serait-‐il
de
romans
sur
l'adultère
dont
le
thème
n'a
plus
la
même
force
qu'au
XIXème
siècle.
Adorno
défend
cependant
l'importance
critique
de
l'individu
devant
la
croyance
que
ces
forces
collectives
les
plus
conscientes
soit
celles
de
la
conscience
globale.
Au
stade
actuel
de
la
société,
il
considère
que
la
conscience
globale
est
en
conflit
avec
la
conscience
la
plus
avancée,
qui
se
trouve
être
celle
d'individus.
Cela
entraîne
que
seul
l'esprit
individuel
peut
être
critique,
que
le
sujet
ne
peut
être
supprimé
comme
instance
critique
qui
restera
immanent
à
tout
travail
collectif
artistique
imaginable
aujourd'hui[178].
La
figure
du
prolétaire,
comme
classe
-‐
ou
non-‐classe
-‐,
instance
matérielle
critique
de
part
son
existence,
est
introuvable
chez
Adorno
sinon
que
le
prolétaire
devienne
le
noyau
réel
de
l'individu
lui-‐même
qui
charrie
des
forces
collectives
sédimentées
par
l'histoire.
C'est
comme
si
le
prolétariat
comme
(non)-‐classe
située
s'était
dissous
dans
la
réalité,
qu'il
s'était
comme
potentialisé
au
sein
d'individus
dispersés
sans
qu'une
recristallisation
historique
et
réelle
soit
apparue.
Son
interprétation
de
son
expérience
américaine
y
est
pour
quelque
chose,
en
ce
qu'il
a
trouvé
là-‐bas
des
travailleurs
intégrés
d'une
telle
manière
au
système
capitaliste
américain
qu'il
ne
lui
semblait
plus
représenter
la
force
révolutionnaire.
Cette
absence
de
création
ex-‐nihilo,
qui
distingue
radicalement
l'artiste
de
Dieu,
et
de
création
arbitraire
se
repère
techniquement.
Adorno
l'illustre
par
le
dodécaphonisme
de
Schönberg
qui
serait
une
réponse
au
problème
soulevé
par
Beethoven
sur
l'écriture
des
quatuors[179],
ou
par
la
mise
en
forme
par
Bach
d'une
forme
fugue
par
rapport
aux
canzoni
et
ricercare.
Ces
réponses
objectives
à
des
problèmes
artistiques
objectifs
montre
en
outre
en
quoi
le
caractère
éphémère
de
ces
formes
devenus
genres,
en
tant
qu'apparus
et
disparus,
n'entame
pas
leur
objectivité[180].
Le
lieu
de
la
technique
est
alors
privilégié
par
Adorno
pour
y
déchiffrer
ces
forces
artistiques.
C'est
en
elles
qu'elles
se
cristallisent.
Il
le
montre
dans
son
ouvrage
sur
Mahler,
d'une
manière
plus
générale
dans
ses
textes
sur
des
œuvres
musicales
ou
des
musiciens.
A
partir
de
ce
critère
technique,
dont
la
fonction
pleinement
développée
établit
"le
primat
du
'faire'
dans
l'art"[181],
la
fausseté
d'intentions
métaphysiques
dans
une
œuvre
pourra
être
repéré
dans
son
échec
technique[182],
sur
un
mode
équivalent
au
repérage
du
hiatus
entre
la
prétention
affichée
d'un
discours
et
sa
manière
d'être,
le
comportement
au
sein
duquel
il
s'énonce,
de
même
que
le
manque
de
qualité
d'une
œuvre
pourra
être
situé
objectivement
et
ne
plus
être
l'aléa
d'un
goût[183].
Car
l'éloquence
de
l'œuvre
d'art
est
équivalente
à
sa
contrainte,
à
sa
nécessité
et
que
celle-‐ci
est
rendu
possible
par
le
travail
de
la
technique.
La
dialectique
de
l'individuation
se
déroule
à
nouveau
au
sein
du
rapport
à
la
technique,
en
particulier
vis
à
vis
d'une
technique
au
d'un
style
hérité
qu'il
ne
s'agit
pas
de
plaquer
en
faisant
de
l'œuvre
un
de
ses
exemplaires
et
manquer
ce
dont
il
s'agit
d'exprimer[184].
Que
l'expression,
phénomène
mimétique,
soit
fonction
de
la
procédure
technique[185],
et
que
la
technique
entretienne
avec
le
contenu
philosophique
un
rapport
dialectique
en
ce
que
chacun
des
deux
passent
dans
l'autre
au
sein
de
l'œuvre[186],
cela
indique
d'abord
une
rupture
avec
l'idéalisme
esthétique
en
ce
que
le
caractère
spirituel
et
sensible
de
l'œuvre
d'art
sont
médiatisés
sans
qu'ils
soient
rabattus
l'un
sur
l'autre,
au
profit
du
spirituel
chez
Hegel
notamment[187],
et
que
l'élément
qui
permet
de
saisir
concrètement
cette
médiation
est
la
technique.
Dans
le
théâtre
dialectique
de
Brecht
par
exemple
qui
pour
objectif
de
déclencher
la
réflexion
et
non
de
fournir
un
message
tout
prêt,
la
suppression
des
nuances
subjectives
et
des
tons
intermédiaires
par
une
objectivité
conceptuelle
rigoureuse
est
interprété
par
Adorno
comme
des
principes
de
stylisation
et
non
un
message.
Et
le
style
de
procès-‐verbal
de
ces
poèmes
devient
éloquent
comme
négation
déterminée
de
l'éloquence[188].
Le
matérialisme
ne
signifie
pas
que
l'esprit
doive
être
écarté
mais
que,
contrairement
à
l'idéalisme,
il
ne
soit
pas
hypostasié
et
réifié
par
ce
biais
et
que
sa
réalisation
nécessite
son
moment
contraire,
la
choséité
et
l'aspect
sensible[189].
L'art
se
spiritualise
par
l'élémentaire,
non
par
les
idées
ce
qui
serait
une
vision
idéaliste[190].
Sa
spiritualité
et
son
contenu
de
vérité
n'apparaît
qu'à
partir
d'un
élément
sensuel
qui
nécessite
de
son
côté
la
forme[191],
les
impulsions
mimétiques
ne
permettant
à
l'œuvre
d'être
un
tout
que
par
le
langage
non
discursif
comme
syntaxe
d'éléments
qu'elle
développe.
Ce
qui
fait
être
artistique
une
œuvre
d'art
est
certes
ainsi
son
caractère
spirituel
selon
Adorno,
qui
n'est
pas
une
présence
immédiate,
un
étant,
mais
il
ne
se
constitue
qu'à
travers
la
configuration
sensible,
comme
l'illustre
le
fait
qu'un
passage
musical
où
il
se
passe
quelque
chose
se
trouve
au
moment
de
son
apparition
jeter
une
lumière
sur
ce
qui
l'a
précédé
et
sur
ce
qui
lui
succède,
et
ce
d'une
manière
nécessaire.
Ce
caractère
spirituel
est
non
seulement
fonction
de
ce
qui
le
fait
surgir,
ses
matériaux,
procédures
techniques
et
objets
qui
sont
hérités
historiquement
et
socialement[192],
mais,
devenu
principe
de
construction,
ne
s'illumine
que
dans
la
matérialité,
ce
qui
lui
est
opposé,
à
partir
de
la
mimésis,
des
impulsions
mimétiques,
en
s'y
intégrant,
en
les
objectivant
par
la
forme
selon
la
direction
qu'elles
prennent,
acte
qui
fait
participer
l'œuvre
d'art
à
la
réconciliation
et
élève
la
raison
à
l'esprit[193].
Le
contenu
spirituel
se
constitue
par
les
données
sensibles,
sans
qu'à
chacune
d'elle
en
soit
associé
un
de
manière
fixe.
Il
transcende
la
facture
par
la
facture,
la
rigueur
logique
de
sa
structuration[194].
La
dialectique
des
fins
et
des
moyens
est
ainsi
reconduite
dans
l'art
en
ce
que
les
moyens
sensibles,
les
effets
sensibles,
ont
une
autonomie
relative
par
rapport
au
contenu.
Elle
est
relative
en
ce
que
la
satisfaction
sensible
permet
l'accomplissement
de
l'œuvre
et
se
spiritualise,
sur
le
modèle
déjà
évoqué
de
la
caresse
maternelle
et
consolatrice.
A
l'inverse
le
détail
peut
aussi
devenir
sensible
grâce
à
l'esprit[195].
Ce
caractère
spirituel
n'est
donc
pas
la
pure
raison
organisatrice
mais
nécessite
la
part
mimétique
du
sujet,
qui
dialectiquement
se
fait
'raison'
en
ce
qu'elle
devient
connaissance
de
type
non-‐discursif
grâce
à
sa
séparation
d'avec
la
magie,
en
tant
qu'"affinité
non
conceptuelle
pour
son
autre"[196].
Cette
dialectique
entre
l'élémentaire
et
l'esprit
va
constituer
la
force
de
son
contenu
de
vérité
en
relation
avec
son
contenu
social
en
ce
que
cet
élémentaire
charrie
ce
qui
n'est
pas
déjà
approuvé
et
imposé
par
la
société[197].,
ce
que
l'on
peut
voir
dans
le
surréalisme
dans
sa
récupération
d'objets
mis
au
rebut.
La
technique
des
œuvres,
force
productive,
présente
un
aspect
social.
Les
procédures
techniques
des
œuvres
et
ce
sur
quoi
elles
s'appliquent,
les
matériaux
sont
pré-‐formés
historiquement
et
socialement[198].
Le
matériau
atonal
de
la
musique
par
exemple
résonne
de
la
tonalité
qu'il
refuse
à
une
époque
où
la
tonalité
n'est
plus
en
mesure
d'exprimer
l'expérience
du
sujet.
Il
n'est
donc
pas
naturel
et
n'est
pas
"un
pur
donné
du
matériau
sans
qualité".
La
déqualification
-‐
Entqualifizierung
-‐
même
du
matériau,
la
perte
de
son
caractère
historique
et
en
même
temps
le
résultat
d'un
mouvement
historique
qui
y
dépose
ses
sédiments[199].
Socialement,
la
production
artistique
a
son
modèle
dans
la
production
sociale
et
en
tire
sa
force
d'obligation[200],
déjà
d'une
manière
général
en
ce
que
le
travail
artistique
se
calque
sur
le
travail
matériel
dans
sa
transformation
de
l'attitude
esthétique
sensible
face
au
beau
naturel
en
travail
productif[201].
Elle
participe
par
exemple
comme
toute
activité
humaine
insérée
dans
la
totalité
sociale
au
processus
général
de
rationalisation[202].
Les
procédés
industriels
dominants
d'autre
part
investissent
la
sphère
esthétique[203]
-‐
comme
les
procédés
sérigraphiques
par
exemple.
L'histoire
réelle
se
retrouve
alors
dans
l'histoire
de
l'art
par
la
vie
de
ses
forces
productives
et
donne
aux
œuvres
leur
caractère
éphémère,
les
procédés
étant
remplacés
par
d'autres[204].
Les
médiations
sociales
ne
sont
pas
cependant
pas
toutes
décelables
comme
l'effet
probable
au
sein
de
l'esprit
du
contexte
de
concentration
et
de
centralisation
économiques,
de
la
prise
en
compte
des
existences
individuelles
au
sein
seulement
des
statistiques
[205].
Deux
exemples
identifiant
la
médiation
sociale
dans
la
technique
seront
ceux
de
Strauss
pour
lequel
Adorno
décèle
un
manque
de
cohérence
du
déroulement
des
événements
musicaux
qu'il
interprète
comme
l'expression
artistique
de
l
'anarchie
du
monde
des
marchandises
et
non
comme
sa
prétention
à
l'expression
de
la
liberté[206],
et
de
Beckett
où
l'abstraction
réelle
du
monde
gouvernée
par
le
principe
d'échange
passe
dans
l'abstraction
des
œuvres
[207].
2.6
Les
risques
de
l'œuvre
d'art
Le
traitement
spécifique
à
l'art
de
la
variété,
de
l'hétérogène,
du
différencié,
lui
donne
sa
dignité
en
rendant
justice
à
son
autre.
Cependant
rien
ne
garantit
la
réussite
d'un
traitement
qui
génère
une
unité
nécessaire
pour
que
cette
variété
s'exprime,
l'œuvre
purement
indifférenciée
au
moyen
de
cette
unité
devenant
uniforme[208].
Cette
uniformité
peut
se
révéler
aussi
par
son
manque
de
résonance
sociale
en
ne
développant
que
la
figure
apprêtée
de
l'expression
d'une
pure
subjectivité
abstraite[209].
En
effet,
l’art
qui
dans
son
geste
de
mise
en
forme
ne
conserve
rien
de
ce
qu’il
met
en
forme,
sa
matière
et
son
lien
d’hétéronomie,
devient
indifférent
et
échoue
dans
une
autonomie
abstraite.
Son
autonomie
ne
se
gagne
qu’en
conservant
les
traces
de
son
hétéronomie.
Cette
conservation
réussit
quand
les
éléments
issus
de
la
réalité
qui
sont
repris
par
l'œuvre
communiquent
entre
eux,
ce
qui
suppose
que
la
synthèse
a
été
non-‐violente[210].
Ainsi
l'échec
de
l'idéalisme
a
été
de
n'avoir
pas
su
s'ouvrir
au
réel,
et
ce
en
se
refermant
en
système[211]
:
l'
"esthétique
dialectique
en
progrès
devient
nécessairement
et
également
critique
de
l'esthétique
hégélienne"
qui
ne
laisse
pas
place
à
l'expérience
du
non-‐identique,
fuyant
et
fragile
qui
doit
être
réduit
pour
être
assuré,
car
la
subjectivité
est
absolutisée
et
le
réel
et
le
rationnel
identifiés[212].
Cet
échec
est
la
suppression
par
l'esprit
de
la
contradiction
du
détail
et
du
tout.
Elle
reste
apparence
car
il
n'en
résulte
pas
de
totalité,
à
savoir
un
rapport
réel
entre
des
parties
et
un
tout
et
non
un
tout
déterminant
unilatéralement
toutes
ses
parties
sans
leur
laisser
d'autonomie
relative[213].
L'objectivité
esthétique
recherchée
est
donc
tiraillée
entre
le
risque
de
retomber
en
deçà
de
l'artistique
dans
le
simple
fait
ou
le
décoratif,
par
une
construction
totalement
fonctionnelle
pour
une
œuvre
sans
fonction
-‐l'objectivité
absolue
est
équivalente
au
fait
brut
ce
qui
est
la
barbarie
pour
Adorno[214]
-‐,
et
le
risque
de
tomber
dans
l'arbitraire
là
où
le
sujet
ne
construit
pas
avec
exigence
et
suppose
une
organicité
naturelle
de
l'œuvre,
une
mise
en
forme
magique
de
ses
éléments
sans
l'intervention
consciente
et
réfléchie
du
sujet.
Ces
risques
témoignent
de
la
participation
de
l'art
à
"la
dialectique
de
la
Raison
dans
laquelle
le
progrès
et
la
régression
ne
font
qu'un"
et
de
la
dialectique
du
mimétique
et
du
constructif
qui
comme
la
dialectique
logique
se
développe
par
la
réalisation
extrême
de
l'un
dans
l'autre
et
non
dans
un
moyen
terme,
ou
une
moyenne.
Il
en
est
ainsi
de
la
construction
qui
n'est
valable
que
comme
obéissant
aux
impulsions
mimétiques[215],
et
de
l'articulation
qui
ne
devient
pas
un
principe
a
priori
dans
l'art
interprété
dialectiquement,
mais
un
élément
du
processus
artistique,
car
il
ne
suffit
pas
de
poser
comme
a
priori
la
distinction
pour
obtenir
l'unité
mais
réaliser
l'articulation
de
la
variété
qui
lui
donne
une
unité,
variété
qui
donne
un
sens
à
cette
articulation[216].
C'est
pourquoi
les
tabous
pesants
sur
le
sujet
et
l'expression,
sont
compréhensibles
comme
liés
à
la
dialectique
de
l'émancipation
vers
la
maturité,
l'autonomie
en
ce
sens
que
ce
mouvement
reste
infantile
là
où
il
ne
voit
les
œuvres
expressives
que
comme
des
grimaces
d'enfant
[217].
L'échec
guette
l'harmonisation
des
éléments,
des
détails
dans
la
totalité.
Il
peut
advenir
comme
perte
au
cours
du
processus
de
formation
de
l'œuvre
de
leur
identité
par
la
recherche
de
l'unité
de
la
totalité
en
s'appuyant
sur
leur
propre
tendance
qu'elle
cherchait
à
concilier[218].
Il
signifie
alors
soit
l'imposition
abstraite
d'un
principe
unitaire,
soit
la
confusion
indifférenciée.
La
dialectique
des
parties
et
du
tout,
où
les
parties
jouent
le
rôle
de
centres
de
forces
tendant
au-‐delà
d'eux-‐mêmes
est
alors
la
cause
de
la
crise
du
sens,
de
celle
de
la
croyance
en
la
possibilité
d'une
totalité
harmonieuse[219].
Le
problème
d'harmonisation
entame
alors
l'œuvre
avant
même
qu'elle
se
fasse,
comme
question
sur
la
possibilité
théorique
d'une
telle
conciliation
des
parties
dans
un
tout
qui
ne
serait
une
retombée
dans
l'un
des
deux
échecs
mentionnés.
C'est
l'interprétation
adornienne
de
l'idéalisme
de
l'œuvre,
où
il
voit
sa
prétention
à
l'identité
de
l'identité
et
de
la
non-‐identité
par
son
idée
de
la
forme,
cette
idéalisme
échoue
a
priori
dans
des
conditions
non
réconciliées[220].
Aucune
œuvre
n'est
une
totalité
mais
révèle
des
failles
et
des
insuffisances[221].
Et
c'est
au
moment
où
cette
cohérence
significative
de
l'œuvre
d'art
vient
à
être
théorisée
qu'elle
devient
incertaine[222].
L'esthétique
traditionnelle
est
dépassée.
Elle
privilégiait
le
tout
sur
les
parties
de
l'œuvre,
et
était
en
ce
sens
idéaliste,
puisqu'elle
tendait
à
la
négligence
de
l'élémentaire
et
à
sa
soumission
à
l'idée
de
l'œuvre,
donc
au
mensonge
sur
son
identité,
comme
identité
imposée.
C'est
le
fait
d'une
esthétique
que
l'on
pourrait
dire
critique,
par
analogie
à
la
confrontation
d'Horkheimer
entre
théorie
traditionnelle
et
théorie
critique,
qui
s'intéresse
aux
parties
dont
rien
ne
garantit
qu'elles
s'assemblent
d'elles-‐mêmes
en
un
tout
harmonieux
car
c'est
l'organisation
de
ses
éléments,
sans
a
priori,
que
réalise
l’œuvre[223].
Ce
problème
de
l'harmonisation
nomme
alors
aussi
celui
de
l'apparence.
La
dialectique
de
l'art
moderne
se
loge
dans
la
contradiction
motrice
entre
le
fait
d'être
apparence
en
tant
qu'œuvre
d'art,
et
donc
tout,
et
de
vouloir
s'en
débarrasser
pour
ne
plus
être
mensongère[224].
Cela
explique
la
volonté
de
se
débarrasser
du
charme
de
l'œuvre
qui
lui
venait
de
sa
phase
magique,
et
qui
s'était
sécularisé
en
se
débarrassant
de
sa
prétention
à
être
réel.
Adorno
prend
l'exemple
symptomatique
qu'est
la
pseudomorphose
à
la
science
-‐
dans
les
arts
plastiques,
l'assemblage
sur
le
modèle
de
la
machine,
et
en
musique
des
considérations
mathématiques
sur
l'organisation
des
sons.
Elle
découle
d'une
réaction
contre
l'apparence
esthétique,
l'apparence
d'une
totalité
bien
formée
et
harmonieuse,
comme
un
organisme,
analogon
du
monde
apprêté,
dont
la
façade
est
présentée
comme
harmonieuse
alors
que
le
malheur
y
règne[225].
Cependant
ce
charme
contribue
à
désenchanter
par
sa
critique
le
monde
enchanté
par
le
caractère
de
marchandise
-‐
le
monde
dit
'désenchanté'
par
Weber
à
cause
du
processus
de
rationalisation
-‐
qui
obscurcit
les
choses
en
les
identifiant.
Cette
critique
ce
loge
dans
le
processus
dialectique
où
l'art
qui
est
apparence
devient
par
sa
reconnaissance
de
sa
propre
apparence,
vérité,
et
devient
critique
de
la
ratio
absolue
par
l'existence
du
charme[226].
Cette
révolte
contre
la
belle
forme
dans
un
monde
divisé
donne
sa
tonalité
à
l'expression
artistique
de
cette
division,
qu'Adorno
nomme
le
dissonant,
l'élevant
depuis
la
musique
au
niveau
d'une
catégorie
de
l'esthétique,
comme
s'opposant
à
l'harmonie
soutenue
par
la
société
dont
les
intérêts
directeurs
n'ont
pas
intérêt
à
ce
que
l'art
soit
envahi
par
la
souffrance.
C'est
par
cette
expression
que
l'expérience
réelle
imprègne
l'œuvre
d'art
[227].
Le
lien
qu'entretiennent
les
œuvres
avec
le
lieu
historico-‐social
les
lie
à
l'éphémère
et
ne
garantie
pas
que
dans
des
conditions
sociales
modifiées,
leur
critique
des
œuvres
d'art
ne
soient
pas
neutralisée.
C'est
le
prix
de
leur
autonomie,
comme
on
le
voit
dans
l'art
abstrait
absorbé
comme
décoration
d'entreprise[228].
D'autre
part
leur
effet
social
extérieur,
perceptible,
sera
moins
dû
à
leur
grande
qualité
déchaînant
les
spontanéités
qu'à
la
tendance
sociale
globale
qu'elles
rencontrent.[229]
Adorno
donne
l'exemple
des
pièces
de
Beaumarchais
qui
a
eu
une
résonance
sociale
perceptible
car
il
portait
une
conscience
globale
qui
ne
cherchait
qu'à
s'exprimer,
et
de
Beckett
qui
a
l'effet
réel
de
générer
de
l'angoisse
face
à
au
caractère
abstrait
qu'est
devenu
la
vie
[230].
Le
changement
d'éclairage
qu'apporte
l'art
et
qui
répond
à
un
besoin
objectif
d'une
modification
de
la
conscience
pouvant
se
changer
en
modification
de
la
réalité[231],
aura
plus
généralement
un
effet
par
l'empreinte
qu'elle
laissera
dans
la
mémoire.
Ce
caractère
de
mémoire
et
de
trace
se
retrouve
dans
la
dialectique
du
caractère
fétichiste
de
la
construction,
de
la
mise
en
forme
dans
l'art,
alors
que
c'est
au
moment
où
"
la
forme
paraît
émancipée
de
tout
contenu
préétabli
que
les
formes
prennent
d'elles-‐mêmes
leur
expression
et
leur
contenu
propres".
Cela
s'explique
en
ce
que
les
formes
sont
des
contenus
sédimentés,
contenus
qui
avaient
été
conservés
dans
les
formes
comme
potentiel
d'expression
et
peuvent
ainsi
réapparaître
après
oubli[232].
Le
primat
de
l'objet
dans
l'art
est
ainsi
valable
aussi
à
un
discours
qui
insiste
sur
l'aspect
primordial
de
la
forme,
en
ce
qu'elle
est
un
contenu
sédimenté,
jusqu'au
ornements,
anciens
symboles
cultuels[233].
La
dialectique
de
la
forme
et
du
contenu
qui
s'oppose
à
leur
dichotomie
figée
présente
sous
cette
formule
matérialiste
leur
médiation.
En
plus
du
cas
des
ornements,
Adorno
l'illustre
par
les
formes
musicales
(sonates,
rondo,
etc.)
qui
étaient
autrefois
liées
à
la
danse,
et
donc
à
une
pratique
sociale
au
sens
déterminé.
C'est
l'expression
de
ce
contenu
qui
nécessite
de
s'objectiver
dans
une
forme,
de
la
même
manière
que
le
processus
d'intégration
de
l'œuvre
d'art.
Dans
cette
dialectique,
l'élément
de
contenu
est
déterminant,
ce
qui
constitue
l'aspect
matérialiste
de
l'esthétique
du
contenu,
en
ce
que
c'est
la
réalité
de
l'expérience
comme
contenu
qui
régule
sa
mise
en
forme
par
l'artiste
[234].
2.7
L'esthétique
Dans
son
rapport
à
l'art,
la
théorie
esthétique
hérite
des
catégories
esthétiques
formelles
-‐
le
développement
en
musique
par
exemple.
En
tant
que
théorie
matérialiste,
elle
tentera
de
déchiffrer
leur
contenu
matériel,
de
saisir
leur
contenu
de
vérité
historique
et
social[235].
Ainsi
en
est-‐il
des
catégories
centrales
du
laid
et
du
beau,
qu'ils
ne
faut
pas
opposer
en
tant
que
formelles
à
une
nature
matérielle
mais
les
comprendre
comme
résultant
d'un
processus
matériel,
comme
le
beau
est
le
résultat
d'une
émancipation
du
sujet
de
sa
peur
devant
la
nature
indifférenciée,
le
mana,
les
forces
naturelles
inquiétantes
et
non
maîtrisées
qui
généraient
la
crainte
dont
les
caractères
devinrent
ceux
du
laid
comme
aujourd'hui
ce
qui
est
violent,
ou
expression
de
la
souffrance[236].
D'autre
part,
la
laideur
est
une
catégorie
que
la
classe
dominante
appose
au
prolétariat
révolutionnaire
-‐
qui
cherche
à
la
renverser
à
cause
de
la
servitude
persistante
qu'elle
subit.
L'intégration
de
tels
éléments
dans
l'art
devient
alors
critique
et
matérialiste,
participant
à
l'impression
de
cette
honte
dans
la
mémoire
collective[237].
Adorno
complète
ce
déchiffrement
en
avançant
l'idée
qu'une
"théorie
formelle
de
l'esthétique,
à
la
fois
globale
et
matérielle"
devrait
être
envisagée
en
traitant
"de
la
continuité,
du
contraste,
de
la
liaison,
du
développement
et
du
'nœud',
et
surtout
de
savoir
si,
aujourd'hui,
tout
doit
être
aussi
près
du
centre
ou
de
densité
différente"[238].
L'écriture
même
de
la
Théorie
esthétique,
bien
qu'Adorno
se
défende
de
faire
d'une
théorie
une
œuvre
d'art,
est-‐
elle
confrontée
à
cette
question
?
Cela
supposerait
que
l'on
voit
son
écriture
comme
tournant
autour
d'un
centre
innommé,
chaque
partie
décrivant
l'empreinte
de
ce
centre
sur
les
différents
problèmes
de
l'esthétique
et
de
l'art.
Cette
hypothèse
est
plausible
à
condition
de
voir
ce
centre
comme
le
réel
que
la
pensée
tente
d'accompagner,
ce
qui
s'accorde
avec
sa
théorisation
de
la
Dialectique
négative
d'une
marque
dans
la
sujet,
dans
la
pensée,
de
ce
qui
n'est
pas
la
pensée
et
que
la
pensée
cherche
à
exprimer.
Outre
que
l'esthétique
ne
peut
se
mouvoir
qu'au
sein
de
concepts,
de
catégories
esthétiques,
il
doit
affronter
son
objet,
l'art.
Or
celui-‐ci,
en
cela
comme
la
nature,
ne
peut
être
fixé
dans
un
corps
de
concepts,
non
seulement
parce
que
c'est
un
objet
devant
le
sujet
de
connaissance
et
ne
s'y
réduisant
pas,
mais
parce
qu'il
cherche
lui
même
à
exprimer
non-‐discursivement
l'identité
du
réel.
Dans
l'expérience
esthétique
du
beau
naturel
ou
du
beau
artistique,
l'objet
prime
comme
en
témoigne
son
double
caractère
contraignant
et
interrogateur[239].
Cette
interrogation,
sorte
d'énigme
rejoint
son
caractère
indéfinissable
qui
le
définit
d'une
certaine
manière.
Ce
paradoxe
de
l'objet
de
l'esthétique
commande
celui
de
l'esthétique
chargée
d'interpréter
ce
que
l'art
"ne
peut
dire
alors
que
seul
l'art
est
capable
de
le
dire
par
le
fait
qu'il
ne
le
dit
pas"[240].
Le
contenu
n'est
plus
la
raison
comme
dans
l'idéalisme,
où
l'objet
est
déjà
un
concept
qui
doit
revenir
à
la
conscience
de
soi
par
le
sujet;
il
nie
donc
l'idée
absolue,
la
toute-‐
puissance
de
la
raison,
et
nécessite
une
interprétation
et
non
sa
substitution
par
la
clarté
du
sens[241].
C'est
ainsi
qu'Adorno
se
soumet
au
"primat
des
textes
sur
leur
interprétation"
comme
la
conséquence
de
l'autonomie
que
l'objectivation
d'un
texte
permet[242],
texte
littéraire
ou
partition
musicale.
L'esthétique
se
déroule
alors
comme
réflexion
de
l'expérience
artistique,
réflexion
des
phénomènes
esthétiques
avec
comme
conséquence
du
primat
de
son
objet,
le
"primat
de
la
sphère
de
production
dans
les
œuvres
d'art"
qui
s'impose
en
tant
que
primat
de
"leur
essence
en
tant
que
produits
du
travail
social
face
à
la
contingence
de
leur
élaboration
subjective".
Cependant
cette
"esthétique
non-‐idéaliste
traite
d'
'idées'
"
car
elle
traite
des
catégories
traditionnelles
qui
sont
comme
des
éléments
du
processus
de
production,
dans
la
mesure
où
l'artiste
est
confronté
au
stade
historique
de
leur
élaboration,
en
les
réfléchissant
à
l'aune
de
l'art
qui
les
nie,
libérant
ainsi
leur
dialectique
historique[243].
Une
sorte
de
'relais'
-‐
ou
de
ballet
-‐
dialectique
s'effectue
entre
l'artiste
et
le
philosophe,
la
production
artistique
remettant
en
cause
les
catégories
façonnées
par
la
production
philosophique
au
sein
de
laquelle
cette
remise
en
cause
est
replacée
sur
un
plan
discursif,
donnant
lieu
à
une
nouvelle
figure
des
catégories
esthétiques.
Ce
primat
de
l'objet
se
traduit
dans
la
connaissance
comme
"l'accomplissement
spontané
des
processus
objectifs
qui,
grâce
à
ses
tensions,
se
déroulent
à
l'intérieur"
de
la
chose
esthétique[244]
et
ce
déroulement
qui
est
celui
de
la
logicité
de
l'œuvre
n'est
perçue
que
par
prise
de
conscience
du
processus
qui
se
concrétise
dans
le
problème
que
pose
l'œuvre.
"La
qualité
objective
est
elle-‐même
médiatisée
par
ce
procès"
[245].
Cette
connaissance
esthétique
est
une
expérience
esthétique
qui
devient
"vivante
depuis
l'objet,
dans
l'instant
où
les
œuvres
d'art,
sous
son
regard,
deviennent
elles-‐mêmes
vivantes",
en
libérant
son
"caractère
processuel
immanent",
"résolution
des
antagonismes
que
toute
œuvre
d'art
renferme
nécessairement"[246].
La
constellation
formelle
développée
alors
par
la
pensée
pour
traduire
sur
un
plan
discursif
la
connaissance
expérimentale"
n'est
pas
indifférente
envers
l'objet
de
la
pensée"[247].
Ce
qui
était
vrai
pour
l'art
se
transpose
à
sa
connaissance
par
une
esthétique
dialectique,
à
savoir
que
c'est
lorsque
la
forme
est
issue
du
formé
sans
violence
qu'elle
devient
substantielle
et
non
quand
elle
est
appliquée
de
l'extérieur[248],
quand
des
schémas
philosophiques
sont
appliqués
de
l'extérieur
à
la
chose[249].
Ce
processus
de
connaissance
des
œuvres
d'art
nécessite
le
plus
intense
investissement
du
contemplateur
dans
l'œuvre
pour
atteindre
son
objectivité,
à
condition
que
cet
investissement
disparaisse
dans
l'œuvre[250].
Sous
réserve
d'une
approche
semblable
possible
avec
les
textes
philosophiques
-‐
une
différence
évidente
sont
les
produits
de
l'esprit
où
le
spectateur
assiste
à
une
performance,
comme
la
musique,
le
théâtre,
la
danse,
et
ceux
où
le
spectateur
lui-‐même
réalise
cette
'performance'
comme
la
littérature,
la
peinture,
etc.
-‐
sous
cette
réserve
donc,
cette
question
de
l'investissement
peut
être
précisée
avec
le
texte
Skoteinos
des
Trois
études
sur
Hegel
où
il
est
conseillé
au
lecteur
de
Hegel
de
se
laisser
porter
par
le
courant
du
texte
pour
ne
pas,
par
la
volonté
de
comprendre
exactement
et
d'être
totalement
fidèle,
tromper
cette
fidélité,
et
d'appliquer
un
tempo
lent
qui
s'adapte
à
la
difficulté
des
passage[251].
L'expérience
esthétique
de
l'œuvre
et
de
ses
problèmes
artistiques
liés
à
sa
qualité
entraîne
que
la
société
fonctionnelle
ne
peut
pas
sans
erreur
assigner
d'
'en-‐haut',
de
l'extérieur
une
fonction
à
l'art
en
laissant
de
côté
ces
problèmes
[252].
La
souffrance
à
laquelle
ne
peut
se
substituer
son
concept,
le
réel
que
ne
peut
remplacer
le
concept
et
qui
loge
sa
marque
dans
les
systèmes
philosophiques
clos
prétendant,
en
disant
la
totalité,
l'être,
laisse
sa
marque
d'origine
somatique
dans
la
fausseté
de
la
pure
immanence
de
la
pensée,
dans
ses
constellations
conceptuelles
dont
le
sens
est
lesté
d'affectivité.
C'est
dans
les
failles
des
différents
discours
censés
dire
ce
qui
est
qu'Adorno
travaille.
L'instance
matérielle-‐réelle
doit
être
pensée
par
l'introduction
par
Adorno
du
non-‐identique
comme
ce
qui
échappe
en
son
sein
même,
à
la
domination
actuelle
du
principe
d'identité,
comme
ce
qui
s'en
écarte
au
sein
des
failles,
des
écarts,
là
où
l'opprimé
réussit
tant
que
faire
se
peut
à
articuler
sa
faible
voix,
où
quelque
chose
de
différent
veut
être.
Le
beau
naturel
est
alors
une
de
ces
premières
"traces
du
non-‐identique",
avec
son
caractère
fugace
et
indéchiffrable
totalement[253].
Pour
l'œuvre
d'art
ensuite,
ce
qu'Adorno
nomme
"unité
matérielle"
dont
l'œuvre
donne
l'illusion,
ce
serait
le
fait
que
ses
composantes
s'organisent
selon
une
unité
sans
que
celle-‐ci
soit
introduite
subrepticement
de
l'extérieur
comme
par
des
"lieux
communs".
Or
cette
"variété
éparse"
est
celle
de
forces
qui
ne
se
laissent
pas
sans
aucune
violence
intégrer
dans
une
unité
sans
faille
en
ce
que
provenant
de
la
société
dont
la
structure
clive
les
hommes
et
la
nature[254].
Dans
le
rapport
des
œuvres
entre
elles
même
qui
n'est
pas
celui
d'un
continuum
qui
permettrait
de
gommer
la
spécificité
et
d'affirmer
que
rien
de
nouveau
ne
se
fait,
peut
se
localiser
le
lieu
de
ruptures
qu'ils
s'agit
de
déchiffrer
comme
l'expression
de
clivages
réels[255].
Enfin
dans
le
rapport
même
du
spectateur
à
l'œuvre,
où
son
apparition
comme
un
événement
dont
il
est
malaisé
de
substituer
à
une
formule
discursive
intentionnelle,
un
non-‐intentionnel
se
marque
par
l'impression
d'une
signification
cachée
de
quelque
chose
qui
parle
sans
que
cela
soit
substituable
à
une
clarté
de
sens[256].
Adorno
semble
ainsi
mettre
sur
le
même
plan
la
dialectique
du
sujet
et
de
l'objet
comme
traduction
épistémologique,
'spiritualisée'
de
la
dialectique
de
la
pensée
et
du
corps,
avec
son
lien
pratique
comme
dialectique
entre
la
réflexion
et
l'action,
la
théorie
et
la
pratique,
et
la
dialectique
sociale,
la
lutte
des
classes
dominantes
et
dominées.
Comme
il
a
été
vu,
la
référence
à
la
dialectique
de
l'individuel
et
de
l'universel,
tentait
de
faire
le
lien.
Dans
le
cadre
de
l'esthétique,
le
déchiffrement
matériel
des
catégories
esthétiques
qui
a
été
vu
sous-‐
entendait
l'évolution
historique
de
leur
signification
en
fonction
de
la
situation,
reprise
de
cette
dialectique
individuel/universel
comprise
comme
le
rapport
entre
le
noyau
réel
temporel
qui
n'est
pas
posé
et
l'universel
du
concept,
figé
au
moment
ou
il
est
posé.
La
dialectique
limite
toute
affirmation
comme
partielle,
ne
respecte
aucune
idée
isolée[257]
en
s'appuyant
sur
l'identité
changeante
de
l'histoire,
des
situations
concrètes
et
de
leur
insertion
sociale,
qui
explique
le
mouvement
dialectique
des
concepts.
L'expérience
d'un
hiatus
entre
la
nouvelle
situation.
et
le
sens
du
concept
issu
de
la
situation
précédente
permet
d'effectuer
en
pensée
leur
dialectisation.
Les
catégories
formelles
dynamiques
comme
la
tension
ou
l'équilibre
sont
des
paradigmes
de
la
dialectique
en
tant
que
n'ayant
de
valeur
que
par
rapport
à
ce
qu'elles
mettent
en
forme,
ayant
leur
mouvement
propre
car
elles
"se
modifient
en
fonction
du
formé,
[…]
et
totalement
par
la
négation
:
elles
agissent
indirectement
du
fait
qu'on
les
évite
et
les
abroge
[…]
le
fondement
de
la
dissonance
fut
l'harmonie,
celui
des
tensions
fut
l'équilibre".
Le
concept
de
dialectique
dans
l'art
peut
donc
bien
se
formuler
aussi
comme
dialectique
de
la
mise
en
forme
qui
est
une
modification
des
catégories
formelles
issues
du
matériau,
par
confrontation
avec
la
nouvelle
situation
du
matériau[258].
Outre
ces
catégories,
le
cas
du
laid,
de
l'ornementation,
des
'traits
barbares',
du
sublime,
de
l'exigence
de
distinction
vont
illustrer
cette
dialectisation
opérée
par
Adorno
dans
les
catégories
esthétiques:
-‐
Le
laid
tout
d'abord
connaît
une
dialectique
comme
évolution
de
sa
fonction
et
de
son
contenu
dans
l'histoire
de
l'art,
de
canon
d'interdits
généraux
à
celui
spécifique
de
ne
pas
contrarier
la
justesse
immanente
de
l'œuvre
singulière,
de
son
intégration
harmonieuse
à
l'impossibilité
de
cette
intégration
au
XIXème
siècle
alors
que
l'art
avait
gagné
en
autonomie
d'expression
et
que
les
antagonismes
sociaux
issus
de
la
révolution
industrielle
généraient
des
violences
que
l'artiste
n'arrivaient
plus
à
assimiler[259].
-‐
L'ornementation
ensuite
peut
jouer
un
rôle
de
décoration
théâtrale
de
quelque
chose,
et
donc
de
maquillage
mais
comme
décoration
absolue
dans
les
hautes
œuvres
baroques
comme
chez
Bach,
elle
prend
le
rôle
du
pur
malléable,
du
pur
plastique,
spectacle
des
Dieux[260].
-‐
Les
traits
barbares
peuvent
d'un
part
représenter
expressivement
à
un
moment
donné
une
émancipation
-‐
la
couleur
dans
le
fauvisme
-‐,
comme
rejet
nécessaire
de
la
culture
mais,
en
tant
qu'acte
de
violence
simplificateur,
il
signifie
aussi
par
son
geste
une
perte
de
différentiation
-‐
toutes
les
nuances
colorées
précédentes
-‐
qu'il
faut
recouvrer
ensuite
sous
peine
de
barbarie.
[261].
-‐
Le
sublime
peut
passer
de
la
croyance
en
la
grandeur
de
l'homme
comme
dominateur
de
la
nature
à
la
conscience
de
son
inanité,
de
sa
contingence
qu'il
cherche
à
sauver
par
l'absolutisation
ridicule
de
l'esprit,
passage
de
la
grandeur
au
ridicule[262].
-‐
La
distinction
enfin
supposée
garante
de
la
clarté
et
de
l'articulation
est
dépassée
par
la
logique
qui
veut
qu'une
œuvre
cherchant
à
exprimer
l'expérience
du
flou
niera
cette
logique
du
distinct
mais
ce
d'une
manière
élaborée
et
claire[263].
3
Les
catégories
de
la
connaissance
du
monde
3.1
Le
double
caractère
de
l'art
et
son
origine
dans
la
division
du
travail
3.1.1
Le
double
caractère
de
l'œuvre
d'art
Le
caractère
double
de
l'œuvre
d'art
est
celui
de
son
être-‐pour-‐soi
et
de
son
insertion
au
sein
de
relations
avec
la
société[264].
L'art
est
un
élément
différant
de
la
réalité
empirique
et
en
faisant
partie
à
la
fois;
il
en
diffère
comme
du
contexte
d'efficience
social,
de
son
effet
social,
soit
par
son
autonomie
qui
se
localise
dans
la
loi
spécifique
de
sa
forme,
qui
permet
de
distinguer
un
reportage
et
Mme
Bovary
de
Flaubert.
Les
phénomènes
esthétiques
sont
esthétiques
et
faits
sociaux[265]
et
l'aspect
social,
son
reste
de
finalité
hétéronome,
est
le
lieu
de
son
essence
mimétique[266]
Le
double
caractère
de
l'art
comme
produit
du
travail
social,
donc
fait
social,
et
sphère
autonome
rejoint
celui
marxien
de
la
marchandise
comme
valeur
d'usage
et
d'échange
par
la
médiation
du
couple
autonomie/hétéronomie
en
ce
que
la
valeur
d'usage
est
la
part
qualitative
de
l'objet,
qui
peut
être
dite
autonome
en
ce
sens
que
c'est
ce
qu'il
a
en
propre
et
qu'il
n'emprunte
pas
aux
relations
au
sein
desquelles
il
peut
se
trouver,
en
particulier
dans
le
rapport
d'échange
qui
lui
donne
une
valeur
d'échange,
valeur
pouvant
être
dite
hétéronome.
3.1.2
Son
origine
dans
la
division
du
travail
La
référence
a
la
division
du
travail
intellectuel
et
manuel
pour
Adorno
est
utilisée
pour
insister
sur
le
caractère
essentiel
de
l'autonomie
de
l'œuvre
d'art
comme
condition
de
"réalisation
de
son
universalité
humaine"[267].
En
effet
c'est
la
division
du
travail
manuel
et
intellectuel
qui
a
isolé
l'esprit
dans
une
sphère
autonome
-‐
relativement
-‐,
esprit
essentiel
à
l'œuvre
d'art
qui
montre
par
sa
constitution
sociale
qu'elle
n'est
pas
totalement
autonome
en
son
essence,
que
quelque
chose
de
social
s'oppose
à
l'art
au
sein
de
l'art
[268].
C'est
d'ailleurs
pourquoi
cette
autonomie,
d'abord
gagnée
sur
ses
anciennes
fonctions
sociales
comme
les
fonctions
cultuelles
(ex
:arts
premiers)
et
de
divertissement
(ex
:
musique
du
Moyen
Age),
n'est
pas
totale.
Les
éléments
de
l'œuvre
sont
empruntés
au
monde,
et
le
passage
d'une
époque
à
une
autre,
ne
garantit
pas
qu'ils
continueront
à
être
expressifs
dans
la
nouvelle.
Bien
que
l'esprit
de
l'œuvre
ne
soit
pas
sa
thématique,
il
n'est
pas
exclu
qu'il
sombre
avec
elle.
Le
division
du
travail
ayant
opéré
l'autonomisation
de
la
sphère
de
l'esprit
à
laquelle
appartient
l'art,
il
va
être
en
mesure
de
refléter
"les
contraintes
sociales
dans
lesquelles
il
est
pris",
et
en
particulier
cette
même
division
du
travail.
"[P]ermettant
ainsi
d'apercevoir
l'horizon
de
la
réconciliation,
il
est
spiritualisation;
mais
celle-‐ci
suppose
la
division
du
travail
manuel
et
intellectuel[269].
L'artiste
coupé
de
la
réalité
comme
conséquence
de
la
division
du
travail
ou
comme
propre
initiative
de
retrait
supplémentaire
ne
signifie
pas
qu'il
perdrait
la
conscience
de
ce
monde,
car
en
tant
que
réagissant
au
monde
et
à
cette
coupure,
elle
emmagasine
l'expérience
de
sa
réalité
et
en
est
une
forme
de
conscience[270].
La
boucle
est
donc
bouclée
:
la
totalité
sociale
a
généré
une
coupure
sur
son
propre
corps
social
-‐
la
division
du
travail
manuel
et
intellectuel
-‐
et
c'est
une
des
parties
en
souffrance
de
ce
corps
-‐
la
sphère
autonome
de
l'esprit
avec
l'art
-‐
qui
prend
conscience
de
cette
douleur,
spiritualisation
qui
permet,
en
'voyant'
la
blessure,
d'entrevoir
la
possibilité
de
sa
guérison.
Cela
explique
la
phrase
"Si
l'art
peut
encore
réaliser
son
universalité
humaine,
c'est
uniquement
à
travers
une
division
rigoureuse
du
travail;
tout
le
reste
est
fausse
conscience"[271]
qui
signifie
que
c'est
par
l'autonomie
acquise
par
cette
division
qu'une
conscience
de
la
situation
générée
par
cette
division
sera
prise,
conscience
vraie
de
la
totalité
sociale,
et
en
tant
que
telle,
universelle.
Cette
autonomie
est
cependant
relative,
de
par
son
origine
sociale
et
de
part
l'ensemble
des
éléments
entrant
dans
la
réalisation
de
l'œuvre
où
s'est
sédimentée
toute
l'histoire
et
la
société.
En
ce
sens
la
représentation
générée
par
la
division
bourgeoise
du
travail,
de
la
mise
à
l'écart
de
la
sphère
artistique
par
rapport
à
la
réalité,
celle
de
la
croyance
en
la
création
ex
nihilo
de
l'œuvre
alors
que
tout
dans
l'œuvre
a
des
racines
dans
la
réalité[272]
est
idéologique.
Cette
division
veut
faire
croire
qu'elle
s'est
effectuée
comme
celle
effectuée
dans
l'extension
lorsque
l'on
rompt
le
pain,
où
chaque
morceau
ne
garde
que
la
trace
de
la
coupure,
mais
dans
le
cas
de
la
division
du
travail
manuel
et
intellectuel,
comme
le
travail
intellectuel
est
une
forme
de
pratique,
une
gestuelle
désincarnée
là
où
le
travail
manuel
nécessite
des
éléments
d'intellection,
une
dialectique
s'instaure
entre
les
deux
qui
n'autorise
pas
leur
dichotomie
à
la
base
de
l'idée
de
création
ex
nihilo.
De
la
même
manière,
cette
division
du
travail
a
été
intériorisée
au
cours
du
temps
dans
le
sujet
comme
division
entre
le
sentiment
et
la
raison,
alors
que
le
sentiment
seul
sans
la
pensée
est
aveugle
devant
la
vérité
et
que
la
pensée
est
vide
sans
le
sentiment,
ce
qui
est
proche
de
la
formulation
de
Kant
concernant
le
concept
vide
sans
intuition
et
l'intuition
aveugle
sans
concept
[273].
Ces
divisions
ne
sont
cependant
pas
révocables
par
la
pensée
ou
par
l'art
qui
en
sont
des
produits.
C'est
leur
prise
de
conscience
qu'ils
permettent.
Cette
division
non
remise
en
cause
car
à
l'origine
de
l'autonomie
est
donc
aussi
à
l'origine
de
l'incompréhension
de
l'art
actuel.
En
prenant
l'exemple
de
l'incompréhension
d'un
non-‐spécialiste
face
aux
dernières
avancée
de
la
science
physique,
qui
s'est
constituée
elle
aussi
en
sphère
autonome,
Adorno
justifie
que
la
sphère
autonome
de
l'art
qui
a
eu
son
propre
déploiement
et
sa
propre
complexification
ne
soit
pas
immédiatement
accessible[274].
Et
la
distinction
faite
entre
la
science
physique
et
l'art
est
due
à
l'imputation
de
l'art
à
la
sphère
du
sentiment
et
de
la
science
physique
à
la
sphère
de
la
raison.
La
dernière
détermination
que
la
division
du
travail
marque
dans
la
sphère
artistique
se
situe
au
niveau
du
processus
de
production
artistique
où
l'artiste
ne
créant
pas
ex
nihilo,
mais
à
partir
d'éléments
marqués
par
l'histoire
et
la
société,
la
conjonction
de
ces
différents
éléments
est
une
forme
de
division
du
travail[275],
en
ce
que
la
force
intervenant
dans
ce
processus
de
production
ne
se
réduit
pas
à
celle
du
sujet
seul,
'nu'
pourrait-‐on
dire,
mais
aussi
de
sa
technique
qui
renvoie
à
une
élaboration
sociale,
à
son
expérience
dont
les
schèmes
d'appréhension
sont
aussi
sociaux,
etc.
3.2
Processus
de
production
Le
processus
de
production
qui
doit
primer
sur
la
réception
selon
Adorno
doit
être
en
premier
lieu
mis
en
rapport
avec
la
production
sociale
répondant
à
la
dialectique
de
la
raison
développée
par
Adorno
et
Horkheimer.
En
second
lieu,
il
faut
y
relativiser
le
rôle
de
la
personne
privée
et
ce
au
profit
de
l'œuvre
même,
de
sa
loi
formelle,
et
des
éléments
historiquement
situés
qu'elle
organise.
3.2.1
Rapport
à
la
production
sociale
:
rationalité
et
artisanat
Pour
le
rapport
au
processus
de
production
sociale,
le
mouvement
général
de
rationalisation,
anti-‐
mythologique,
de
la
raison
qui
emporte
ce
dernier
dans
le
développement
de
la
technique,
est
valable
dans
la
sphère
artistique,
vis
à
vis
des
procédés
de
production
artistiques[276].
Cependant
elle
garde
un
reste
d'artisanat
qui
lui
permet
de
résister
à
l'intégration
totale
aux
procédés
quantifiés
du
monde
capitaliste
réifié,
opposés
aux
fins
qualitatives
de
l'art.
La
technique
artistique
ne
se
réduit
néanmoins
pas
à
l'artisanat
en
ce
qu'il
instaure
un
libre
rapport
avec
les
moyens
dont
l'art
a
besoin[277].
3.2.2
Rapport
intérieur
à
la
société,
par
la
forme
L'enjeu
de
ce
rapport
est
la
question
de
l'idéologie
de
l'œuvre
d'art
:
conscience
fausse
ou
déploiement
de
la
vérité.
Pour
cela,
l'essentiel
est
de
comprendre
que
le
rapport
à
la
société
est
à
chercher
dans
la
forme
de
l'œuvre,
et
qu'en
cela
il
est
indirect,
médiat.
Comment
la
réalité
imprègne
l'œuvre
sans
que
cette
imprégnation
soit
un
reflet
et
ne
fasse
que
reproduire
la
réalité
d'une
manière
non
critique,
soit
directement
idéologique
ou
récupérable
par
l'idéologie,
entendue
par
là
comme
illusion
consistant
à
faire
de
l'œuvre
d'art
une
apologie
de
la
réalité
empirique,
du
monde
tel
qu'il
est.
Le
lien
entre
l'oeuvre
et
la
réalité
est
alors
localisé
au
niveau
de
la
"dialectique
de
la
nature
et
de
sa
domination"
qui
a
cours
dans
l'art
comme
dans
la
réalité
sociale
mais
d'une
manière
qualitativement
différente
en
ce
que
l'œuvre
d'art
est
un
modèle
de
tentative
pour
ne
plus
imposer
le
silence
à
l'autre
-‐
comme
opposé
au
même,
au
principe
d'identité
du
sujet
qui
rend
l'autre
identique
à
lui-‐même,
ne
plus
imposer
le
silence
à
la
nature
comme
nature
contemplée
et
non
objet
d'action
et
de
manipulation
à
des
fins
subjectives.
Il
y
a
une
telle
dialectique
en
ce
que
après
que
la
nature
ait
été
ce
qui
a
effrayé
l'homme,
l'homme
s'est
mis
en
position
de
dominateur
de
la
nature
(dont
la
nature
humaine),
et
que
l'œuvre
d'art,
elle,
essaye
par
des
moyens
rationnels
forgés
par
le
mouvement
dominateur,
de
sortir
de
la
domination,
paradoxe
constitutif
de
l'art.
L'expérience
à
l'origine
de
l'œuvre
d'art
est
celle
du
monde,
et
se
déployant
sous
forme
d'un
réflexe,
avec
le
sentiment
d'effroi,
imprègne
l'œuvre.
"Les
antagonismes
non
résolus
de
la
réalité
se
reproduisent
dans
les
œuvres
d'art
comme
problèmes
immanents
de
leur
forme".
Cela
définit
la
rapport
interne
de
l'art
la
société.
Par
l'écart
avec
la
réalité
et
ses
faits,
forme
esthétique
de
distance
critique,
elles
atteignent
le
réel[278].
L'essence
contradictoire
de
l'art
s'expose
donc
en
ce
qu'il
s'oppose
à
la
société,
tout
en
étant
une
activité
sociale
et
intégrant
une
dimension
sociale
dans
sa
mise
en
forme,
mais
la
déduction
de
la
société
à
l'art
n'est
pas
possible
sans
médiation,
comme
le
fait
la
théorie
du
reflet
qui
court-‐circuite
le
moment
proprement
esthétique
de
l'œuvre[279].
Une
des
expressions
du
lien
entre
la
société
et
le
sujet
s'éprouve
comme
l'approfondissement
de
l'autonomie
esthétique
parallèlement
à
l'augmentation
de
la
pression
sociale
sur
l'individu.
Le
jeu
de
forces
de
l'œuvre
d'art
converge
ainsi
avec
la
réalité
extérieure.
La
dissonance
est
un
élément
concret
d'effet
de
la
société
sur
l'art,
comme
signe
de
l'art
moderne,
l'"aliénation
sociale"
de
l'œuvre
d'art[280].
Dans
la
société
marchande
totalement
développée
en
ce
que
son
principe
d'échange
devient
universel,
imprégnant
toutes
les
activités
et
toutes
les
sphères,
son
imagerie
doit
être
intégrée
par
l'art
à
son
autonomie,
sinon
elle
risque
d'être
impuissante.
Pour
surmonter
le
marché,
et
acquérir
une
force
critique,
tel
Baudelaire
qui
porte
les
stigmates
du
monde
bourgeois
du
XIXème
dans
sa
poésie,
l'art
par
mimésis
doit
reprendre
la
figure
du
monde
moderne
pour
mieux
en
montrer
la
grimace[281].
Une
articulation
entre
la
structure
des
œuvres
et
la
structure
sociale
est
offerte
à
partir
de
la
théorie
psychanalytique
des
œuvres
d'art
en
ce
qu'elle
a
permis
d'identifier
une
part
non-‐artistique,
sociale,
au
sein
de
l'art,
à
partir
de
l'inconscient
de
l'artiste,
et
ce
bien
que
cette
théorie
soit
réductrice
-‐
réduisant
l'œuvre
à
une
projection
de
l'artiste
-‐
en
oubliant
l'importance
des
matériaux,
de
la
langue
dans
la
constitution
de
l'œuvre.
Elle
a
ainsi
permis
de
faire
barrage
à
l'idéalisme
de
l'esprit
absolu
tout
en
reconduisant
un
idéalisme
par
le
fait
qu'elle
manque
l'objectivité
de
l'œuvre
par
sa
réduction
à
une
projection
[282].
3.2.3
Relativisation
du
rôle
de
la
personne
privée
Dans
le
processus
de
production
artistique,
la
langue
-‐
ou
la
syntaxe
-‐,
le
matériau
et
les
produits
partiels
et
passés
importent
autant
que
l'artiste
dont
les
impulsions
sont
des
matériaux
comme
les
autres,
et
sont
médiatisées
par
la
loi
formelle
de
l'œuvre[283].
"Le
choix
du
matériau,
son
emploi
et
sa
limitation
constituent
un
aspect
essentiel
de
la
production"
[284].
Ainsi,
bien
que
l'art
soit
un
produit
du
travail
humain
et
non
une
chose
parmi
les
choses[285],
le
"processus
de
production
est
indifférent
selon
son
aspect
privé"
puisque
c'est
son
objet
à
qui
l'artiste
prête
sa
capacité
d'expression,
et
la
tâche
à
accomplir
est
dictée
par
les
exigences
de
l'objet.
L'artiste
est
"un
outil
de
passage
à
la
potentialité
de
l'actualité",
belle
formule
inversant
celle
de
type
aristotélicien
du
passage
de
la
potentialité
à
l'actualité
comme
l'illustre
le
bloc
de
marbre
qui
contient
potentiellement
la
statue,
statue
qui
ne
sera
actuellement
que
par
l'action
du
sculpteur.
Cette
inversion
à
pour
but
d'insister
sur
le
fait
que
ce
qui
importe,
c'est
l'élément
utopique
de
l'art,
le
fait
que
les
éléments
réels,
actuels,
rentrent
dans
l'œuvre
dans
une
nouvelle
configuration
qui,
bien
que
gardant
la
trace
des
antagonismes
présents,
ouvre
aussi,
en
particulier
dans
son
geste,
sur
le
potentiel
d'une
nouvelle
organisation
du
réel.
En
ce
sens
ne
pourrait-‐on
pas
dire
qu'il
en
est
de
même
pour
le
philosophe,
par
le
moyen
conceptuel,
qui
par
la
dialectique
rend
de
nouveau
fluide
les
phénomènes
figés
afin
de
libérer
leur
potentialités
?[286].
Cette
manière
différente
de
faire,
non
dominatrice
est
prise
au
sérieux
par
les
œuvres
modernes
qui
y
répondent
entre
autres
choses
par
l'intégration
dans
leur
processus
de
production
d'éléments
non
maîtrisés
[287],
dont
un
exemple
pourrait
être
le
hasard
comme
lorsque
le
peintre
Bacon
commence
un
tableau
par
une
tâche
involontaire.
3.3
La
société
capitaliste
échangiste
et
ses
conséquences
dans
le
domaine
de
l'art
3.3.1
La
constellation
échange-‐idéologie-‐marchandise-‐réification-‐aliénation-‐fétichisme
La
société
marchande
est
le
lieu
où
s'opère
la
combinaison
conceptuelle
des
notions
d'échange,
d'idéologie,
de
marchandise,
de
réification,
d'aliénation,
et
de
fétichisme.
Elle
est
présentée
succinctement
mais
de
manière
éclairante
dans
le
paragraphe
Objectivité
et
réification
de
la
Dialectique
négative[288]
et
permet
d'aborder
leur
utilisation
dans
la
Théorie
esthétique.
L'échange
présente
le
double
caractère
d'être
une
objectivité
réelle,
déterminant
les
pratiques
de
plus
en
plus
universellement,
et
de
contredire
sa
prétention
a
priori
de
répondre
au
principe
d'équivalence,
d'abord
en
ce
que
des
travaux
différents
et
leur
produits
différents
sont
mis
sur
le
même
plan,
et
que
dans
le
cas
du
salaire,
la
survaleur
générée
par
la
force
de
travail
du
salarié
est
appropriée
subrepticement
par
le
détenteur
des
moyens
de
production.
C'est
ce
double
caractère
qui
génère
nécessairement
la
fausse
conscience[289][290],
autre
nom
de
l'idéologie
pour
Adorno,
apparence
socialement
nécessaire
dont
la
conscience
dominante
ne
pourra
se
libérer
sans
conversion
sociale[291].
Cet
échange
de
marchandises
qui
s'universalise,
universalise
par
là
même
la
forme
d'objectivité
qu'est
la
marchandise.
La
réification
(ou
chosification,
Verdinglinchung
et
Versachlichung
en
allemand)
est
alors
la
"forme
subjective
de
réflexion"
de
la
"suprématie
de
la
marchandise",
une
"figure
de
la
conscience",
une
"forme
de
réflexion
de
la
fausse
objectivité",
"la
façon
dont
[les]
conditions
[de
l'impuissance
des
hommes]
leur
apparaisse".
Ces
conditions
réifiées
qui
n'apparaissent
pas
telles
qu'elles
sont
réellement,
à
savoir
comme
des
conditions
historico-‐sociales,
l'individu
en
fait
alors
l'expérience
comme
celle
d'une
chose
qui
lui
semble
étrangère.
Cette
aliénation
(Entfremdung
en
allemand
où
Fremd
veut
dire
étranger,
là
où
en
latin
alien
est
l'autre),
l'expérience
d'une
chose
vue
comme
une
étrangeté
à
soi,
quasi-‐naturelle,
est
donc
aussi
celle
de
l'oubli
des
conditions
humaines
de
sa
production.
Le
fétichisme
est
cette
apparence
qui
consiste
à
attribuer
aux
choses
en
soi,
la
condition
sociale
de
leur
production.
Ce
fétichisme
nomme
concrètement
le
mécanisme
originaire
de
l'idéologie,
terme
qui
se
rapprocherait
alors
d'
'idologie'
à
la
sonorité
et
à
l'
étymologie
semblable
(idea
signifiant
aspect,
et
eidolos
image).
Les
nuances
distinguant
dans
leur
usage
les
quatre
notions
d'idéologie,
d'aliénation,
de
réification
et
de
fétichisme
semblent
être
les
suivantes
chez
Adorno
:
l'aliénation
insiste
sur
la
perte
de
maîtrise
et
de
conscience
de
quelque
chose
de
propre
ou
de
produits
par
les
hommes,
ce
qui
donne
à
cette
chose
l'aspect
d'étrangeté.
La
réification
elle
cherche
à
nommer
la
transformation
en
chose
de
quelque
chose
d'originairement
humain,
schématiquement
et
de
manière
non
dialectique,
de
quelque
chose
d'immédiatement
vivant
à
quelque
chose
d'apparemment
mort.
L'idéologie
insiste
elle
sur
la
conscience
des
choses
qui
devient
fausse,
et
le
fétichisme
sur
la
fausse
attribution
à
des
choses
de
caractères
qui
ne
leur
sont
pas
propres
en
soi,
comme
si
elles
en
avaient
été
l'origine
par
elles-‐
mêmes,
ce
qui
conduit
à
les
'adorer'.
L'aliénation
et
l'idéologie
portent
plus
directement
un
caractère
protestataire,
clamant
tout
ce
que
le
système
capitaliste
a
fait
perdre
aux
hommes
et
visant
les
intérêts
des
classes
possédantes
à
ce
que
la
conscience
des
choses
reste
fausse
[292].,
là
où
la
réification
et
le
fétichisme
ont
une
connotation
plus
technique
et
descriptive,
visant
la
connaissance
d'un
processus
ou
d'un
mécanisme.
La
constellation
échange-‐idéologie-‐marchandise-‐réification-‐aliénation-‐fétichisme
donne
son
visage
à
l'art
à
partir
de
sa
théorisation
comme
fait
social,
hétéronomie
directe
et
en-‐soi,
autonomie
relative
ou
hétéronomie
indirecte.
C'est
l'autonomie
gagnée
par
l'œuvre
d'art
à
sa
période
moderne
qui
lui
permet
de
résister
aux
faux
échanges
d'équivalents
de
la
société
d'échange.
Cependant
celle-‐ci
nécessite
son
objectivation
réalisée
grâce
à
toute
la
force
de
ses
moyens,
et
passe
par
la
réification
pour
se
détacher
efficacement
de
la
réalité
empirique.
Mais
l'en-‐soi
qu'elle
pose
est
alors
investi
par
toute
l'idéologie
du
système
qui
cherche
à
réapproprier
l'art,
en
déformant
l'usage
des
catégories,
principalement
par
hypostase
anhistorique.
C'est
ce
mouvement
que
la
décomposition
suivant
chaque
catégories
se
propose
de
figurer.
3.3.2
Le
monde
marchand
et
l'art
:
combat
pour
l'identité
Par
rapport
à
cette
constellation
de
notions,
l'art,
qui
est
aussi
une
pratique
sociale,
critique
le
principe
abstrait
d'échange
qui
contredit
son
principe
d'équivalence,
et
pour
se
faire,
l'oeuvre
d'art
pose
une
identité,
non
substituable.
Ce
qui
apparaît
dans
l'œuvre
d'art
et
qui
peut
éblouir
n'est
pas
une
chose,
un
étant
substituable
à
un
autre,
ni
une
idée
générale
qui
nivelle
en
tant
qu'unité
distinctive
ce
qu'elle
subsume.
En
cela,
elle
critique
et
échappe
au
principe
d'échange
dominant
qui
égalise
et
écrase
les
différences,
en
présentant
la
possibilité
d'un
monde
où
les
êtres
et
les
choses
recouvrent
leur
propre
identité
et
non
une
identité
d'emprunt
imposée[293].
C'est
en
quoi
l'art
cherche
à
amener
à
la
parole
la
nature
opprimée,
car
cette
identité
est
la
nature
propre
des
êtres
et
des
choses.
Un
modèle
de
cette
oppression
est
la
réduction
de
la
nature
extérieure
à
la
matière
par
la
science[294].
L'art
moderne
est
celui
qui,
nécessitant
toute
la
force
du
sujet
[295],
affronte
la
réalité
du
monde
marchand
au
lieu
de
la
refouler,
en
fait
partie
et
résiste
à
son
objectivité
en
ne
s'y
abandonnant
pas.
Cet
abandon
est
le
risque
représenté
par
l'œuvre
élaborée
complètement,
qui
en
absolutisant
sa
rationalité
en
oublie
sa
finalité
expressive,
devient
une
sorte
de
machine
fonctionnelle
mais
sans
utilité,
ne
se
distinguant
plus
d'une
marchandise
quelconque,
et
n'instaurant
plus
d'écart
avec
la
réalité
empirique,
y
retombe
et
perd
la
condition
de
sa
force
critique
[296].
Ce
caractère
critique
qui
permet
une
distinction
entre
l'œuvre
d'art
et
la
marchandise
est
paradoxalement
porté
par
son
caractère
d'apparence.
Ce
pas
en
arrière,
cet
écart
de
l'œuvre
d'avec
le
monde
des
marchandises,
se
posant
comme
apparence,
le
convainc
d'apparence
comme
dissimulation
de
la
violence
exercée
par
l'attribution
d'identités
fonctionnelles
aux
êtres
et
aux
choses[297].
La
marchandise
se
prétend
être
universellement
pour
les
autres
alors
qu'elle
sert
les
intérêts
dominants,
là
où
l'œuvre
d'art
en
se
donnant
pour
soi,
en
présentant
la
possibilité
d'une
identité
est
pour
les
autres,
universellement.
Et
cet
écart,
comme
recomposition
en
image
selon
une
certaine
loi
de
sa
forme,
d'éléments
de
la
réalité,
pour
ces
éléments,
faisant
appel
à
une
rationalité
ne
s'érigeant
pas
en
finalité,
répondant
alors
à
l'idée
d'esprit
selon
Adorno,
donne
sa
dignité
à
l'esprit
comme
condition
de
cette
critique
[298].
C'est
là
la
répétition
de
la
défense
de
la
pensée,
de
la
théorie
dans
le
domaine
de
l'art.
Deux
confrontations,
avec
Benjamin
et
Buren
permettent
d'apprécier
ce
concept
de
l'art.
En
ce
qui
concerne
Benjamin,
bien
qu'Adorno
reconnaisse
la
pertinence
de
sa
distinction
entre
la
valeur
d'exposition
de
l'œuvre
d'art
maintenant
reproductible
techniquement
sur
différents
supports
et
la
valeur
cultuelle
de
l'œuvre
d'art
unique,
qui
développe
une
aura[299],
il
regrette
que
cette
distinction
n'ait
pas
été
dialectisée,
en
ce
que
l'idée
même
de
l'œuvre
unique,
du
fait
qu'elle
est
objectivée,
détachée
de
l'immédiateté
du
sujet,
implique
dans
son
idée
la
capacité
de
reproduction,
déjà
comme
réception
entre
plusieurs
personnes[300].
Cette
insistance
sur
la
reproduction
de
masse
semble
donc
relativisée
par
Adorno,
en
ce
qu'elle
ne
remet
pas
en
cause
la
défense
de
l'identité
propre
que
met
en
place
l'œuvre.
Même
en
niant
la
notion
d'œuvre,
l'objet
restant
parle
pour
ce
qui
ne
serait
pas
substituable
mais
soi-‐même.
C'est
ce
que
Buren
entreprend
à
la
même
époque,
puisque
son
activité
commence
vers
1966.
Cependant
sa
solution
est
aux
antipodes
d'Adorno.
Là
où
ce
dernier
veut
sauver
l'apparence,
Buren
veut
la
faire
disparaître
définitivement.
Supprimant
l’œuvre
d'art
selon
lui
aliénante,
car
imposant
aux
individus
la
vision
de
l'artiste
érigé
en
génie,
il
propose
un
objet
qui
devra
être
vu
pour
ce
qu'il
est,
qu'elle
que
soit
son
contexte
d'exposition,
à
savoir
par
exemple
de
la
toile
rayée
recouverte
de
peinture
aux
extrémités[301].
Cette
identité
à
laquelle
prétend
l'art
est
une
prétention
qui
se
joue
de
manière
interne,
en
ce
que
l'art,
comme
réaction
face
à
la
société
capitaliste
de
profit,
intègre
ses
catégories
et
son
comportement.
La
marchandisation
qui
exploite
le
monde
en
vue
du
profit
affecte
la
sphère
esthétique
et
en
tout
premier
lieu
sous
le
nom
d'industrie
culturelle[302].
Le
besoin
social
de
consolation
y
est
exploité,
donnant
lieu
à
une
production
de
masse,
orientée
par
le
profit,
pour
une
culture
de
masse.
L'industrie
culturelle
opère
pour
ce
faire
une
double
manipulation,
des
éléments
de
la
réalité,
et
du
moi
des
masses.
Par
le
calcul
des
réactions
du
public,
elle
lui
fait
croire
que
ses
produits
sont
là
pour
lui,
là
où
c'est
pour
le
plus
grand
profit
de
quelques-‐uns.
Ce
calcul
se
base
sur
la
faiblesse
du
moi
des
masses,
produite
par
la
société,
faiblesse
qu'elle
contribue
à
reproduire,
et
que
la
fatigue
physique
et
ou
psychologique
de
fin
de
journée
de
travail
permet
de
comprendre.
Cependant,
ce
divertissement,
une
fois
devenu
marchandise,
est
vulgaire
en
tant
qu'abaissant
les
hommes
en
réduisant
irrespectueusement
sa
distance
avec
eux
-‐
comme
une
bonne
tape
sur
l'épaule,
ou
un
clin
d'œil
complice
-‐
et
en
tant
que
se
pliant
au
bon
vouloir
des
hommes
dégradés.
Le
divertissement
est
alors
socialement
illégitime
en
tant
que
masque
de
l'oppression
et
de
la
répression
omniprésentes.
Et
par
la
reproduction
'fidèle'
de
la
réalité
dans
ses
produits,
un
miroir
réconfortant
sur
l'existence
d'un
monde
partagé,
aucun
effort
de
réflexion
n'est
plus
nécessaire.
En
second
lieu,
c'est
l'expérience
esthétique
de
la
nature,
prélude
à
celle
de
l'art,
qui
est
exploitée
commercialement[303].
Le
beau
naturel
porte
ainsi
l'empreinte
de
la
marchandise
avec
le
tourisme
organisé,
la
publicité
de
l'industrie
touristique
pour
les
sites
et
pour
les
enclaves
qu'il
n'a
pas
encore
défigurées.
L'extension
totale
du
principe
d'échange
entraîne
le
concept
de
beau
naturel
a
n'en
être
plus
qu'une
"fonction
contrastante"
qui
l'intègre
et
l'enchaîne
à
lui,
à
"l'essence
réifiée"
que
la
forme
d'objectivité
de
la
marchandise
du
monde
bourgeois
développe
bien
au-‐delà
des
conventions
réifiées
de
la
société
féodale
qu'il
avait
rejeté.
Enfin,
en
troisième
lieu,
l'art
comme
corrélat
urbain
de
l'exploitation
touristique
des
paysages
culturels,
voit
la
dévastation
esthétique
venir
s'infliger
aux
villes,
et
ce
car
venant
de
la
fausse
rationalité
de
l'industrie
gérée
par
le
profit[304].
Si
l'art
se
révèle
séducteur,
cette
part
séductrice,
à
laquelle
il
ne
s'y
réduit
pas,
est
récupéré,
exploité
commercialement.
Cela
finit
par
la
pervertir
d'où
leur
absence
des
oeuvres
qui
en
sont
affectées[305].
L'industrie
culturelle
exploite
les
besoins
de
bonheur
là
où
l'art
exigent
est
obligé
de
casser
cette
promesse
de
bonheur,
s'écarter
des
substitutions
de
satisfaction[306].
L'artiste
même,
par
l'identification
du
sujet
esthétique
et
de
la
personne
empirique
est
récupéré
à
fin
de
profit,
l'immédiateté
de
la
personne
étant
utilisée
pour
tromper[307].
Outre
l'industrie
culturelle,
la
mode
récupère
aussi
ce
qu'elle
peut
dans
l'art
sérieux;
cependant
ce
qui
la
distingue
et
la
rapproche
de
l'art
est
son
caractère
éphémère[308].
Et
l'art
lui-‐même
n'est
pas
exempt
d'un
geste
exploiteur
car
comme
objectivation,
il
participe
à
"l'exploitation
[des]
élans
mimétiques"
du
sujet[309].
3.4
Idéologie
La
question
de
l'idéologie
dans
la
Théorie
esthétique
ressort
plus
d'une
critique
de
l'idéologie
que
d'une
théorie,
au
sens
où
J.Bidet
l'entend
dans
Que
faire
du
Capital
?,
à
savoir
d'établir
"le
lien
nécessaire
existant
entre
structures
sociales
et
formes
de
représentation"[310].
Elle
relève
plutôt
de
la
critique
qui,
se
fondant
sur
une
théorie
de
l'œuvre
d'art,
suggère
moins
quel
pourrait
être
le
processus
qui
mène
à
ces
représentations,
suggestion
qui
quand
elle
apparaît
tourne
toujours
autour
des
moyens
de
perpétuer
la
domination
des
structures
sociales
en
place,
qu'elle
ne
démontre
leur
fausseté.
Dans
ce
contexte,
le
texte
de
la
Théorie
esthétique
s'attaque
à
deux
types
d'idéologie,
l'idéologie
de
l'art
et
celle
des
discours
sur
l'art,
de
l'esthétique,
qui
inclus
l'idéologie
de
la
réception
des
œuvres
en
ce
que
dans
ses
jugements
peuvent
se
lire
des
principes
esthétiques.
Concernant
l'art,
la
double
définition
de
l'idéologie
comme
"conscience
socialement
fausse"
et
"apparence
socialement
nécessaire"[311],
dont
la
fonction
sociale
est
finalement
de
servir
les
intérêts
matériels
qui
veulent
le
"statu
quo",
la
perpétuation
des
structures
économiques,
sociales
et
politiques
telles
qu'elles
sont,
et
qui,
au
niveau
de
la
sphère
esthétique
se
décline
comme
la
tendance
à
neutraliser
toute
théorie
qui
mettrait
l'art
en
relation
avec
la
vérité,
le
constituant
comme
force
critique,
pose
les
deux
problèmes
suivants.
Sa
première
formule
implique
déjà
une
sortie
hors
de
l'idéologie
puisqu'elle
est
bien
une
affirmation
concernant
la
société,
et
que
son
énonciation
suppose
de
s'être
trouvé
sur
le
haut
lieu
du
vrai
où
contempler
la
vallée
des
larmes
à
sa
source.
C'est
le
problème
du
fondement
de
la
théorie.
Sans
l'aborder
ici,
la
possibilité
de
sa
reconnaissance,
de
la
bipartition
du
champ
des
représentations
sociales,
donne
à
l'art
sa
propre
possibilité
de
témoigner
pour
le
vrai.
La
seconde
formule
de
la
définition
vient
le
préciser
avec
la
formulation,
pour
employer
une
terminologie
métaphysique,
de
la
possibilité
pour
une
conscience
d'atteindre
l'essence
d'un
phénomène
social
alors
que
la
société
génère
une
apparence
nécessaire
de
ce
phénomène
dans
les
consciences,
formulation
qui
pose
donc
aussi
le
même
problème
de
fondation
déjà
soulevé.
Cependant,
l'interrogation
qui
porte
sur
la
légitimation
de
l'expérience
de
ce
qu'elle
prétend
être
la
vérité,
peut
se
retourner
en
la
remarque
suivante
:
comment
la
distinction
entre
la
vérité
et
l'illusion
pourrait-‐elle
être
faite
sans
qu'il
y
ait
eu,
à
un
moment
donné,
un
démarquage
entre
les
deux.
La
réponse
matérialiste
d'Adorno
à
cette
question
est
dans
le
fait
matériel
qui
s'impose
sans
appel
:
les
impulsions
corporelles,
en
particulier
la
souffrance
qui
génèrent
une
résistance,
une
lutte,
pour
disparaître.
Le
fondement
est
donc
matériel
et
cette
matérialité
est
reconnue
dans
l'esprit,
dans
la
conscience
comme
quelque
chose
qui
n'est
pas
de
la
pensée
ou
de
la
conscience.
C'est
alors
dans
la
capacité
de
la
pensée
d'articuler
en
langage
ce
silence
douloureux,
articulation
qui
permet
de
prendre
conscience
de
son
sens
que
réside
la
question
de
la
vérité.
Cette
lecture
semble
renvoyer
Adorno
à
la
psychanalyse
freudienne,
la
théorie
à
l'interprétation
de
symptômes
et
la
société
à
un
corps
en
souffrance
-‐
trois
renvois
à
notre
connaissance
qui
ne
se
trouve
pas
chez
Adorno,
du
moins
tels
quels.
Que
devient
alors
le
statut
de
l'idéologie
?
J.Bidet
dans
Que
faire
du
Capital
?
montre
qu'elle
est,
dans
cette
œuvre
de
Marx,
"déduite"
de
la
structure
du
système
capitaliste
comme
une
de
ses
fonctionnalités,
et
dont
le
caractère
d'illusion
nécessaire
n'est
qu'un
effet.
En
ce
sens
elle
n'est
alors
pas
"une
censure
au
sens
freudien",
car
"dans
un
système
fondé
sur
l'antagonisme,
[…],
la
domination
n'a
pas
besoin
de
se
cacher
:
elle
est
d'abord
cachée"[312].
L'idéologie
est
là
une
nécessité
structurelle
'hors
sujet'
qui
s'impose
aux
sujets,
déterminant
leur
volonté,
et
non
pas
le
fait
du
sujet,
bien
que
ce
fût
des
sujets
contre
d'autres
qui
ont
posé
'au
départ'
cette
structure
objective
de
domination
qui
se
perpétue,
ce
qui
implique
qu'une
autre
pourrait
être
posée
-‐
c'est
le
caractère
historique
et
non
naturel
de
cette
structure.
Adorno
dans
la
Dialectique
négative
est
alors
en
accord
avec
l'analyse
de
Marx,
dans
son
glissement
de
l'idéologie
vers
"le
'fétichisme'
:
c'est
la
relation
marchande
elle-‐même,
impliquée
dans
le
rapport
plus-‐value,
qui
serait
le
principe
ultime
de
la
représentation
idéologique"[313],
analyse
J.Bidet.
Adorno
écrit
:
un
"universel
[…]
se
réalise
par-‐dessus
la
tête
des
sujets
[…]
L'idéologie
ne
vient
pas
se
poser
sur
l'être
social
comme
une
couche
qui
en
serait
détachable,
mais
elle
séjourne
au
plus
intime
de
lui.
Elle
se
fonde
dans
l'abstraction
qui
contribue
essentiellement
au
processus
d'échange
[…]
Au
cœur
de
cette
illusion,
la
valeur
comme
chose
en
soi,
comme
'nature'."[314].
Mais
l'allure
de
loi
naturelle
de
la
loi
économique
du
mouvement
de
la
société
moderne,
n'est
pas
à
prendre
"à
la
lettre"
et
Adorno
identifie
là,
dans
"la
possibilité
d'abolir
ces
lois",
"le
thème
le
plus
puissant
de
toute
la
théorie
de
Marx".
La
perpétuation
de
cette
"loi
naturelle"
s'appuie
sur
sa
négation,
car
c'est
lorsque
la
conscience
ne
reconnaît
pas
la
part
de
nécessité
qui
l'habite,
sa
part
naturelle,
qu'elle
finit
par
universaliser
ce
qu'elle
croit
être
sa
production,
et
transformant
le
monde
en
'seconde
nature'
-‐
le
droit
chez
Hegel
comme
monde
de
l'esprit
produit
par
lui-‐même
à
partir
de
lui-‐même
-‐
et
échoue
à
se
distinguer
d'elle.[315].
Cette
dialectique
entre
la
nature
et
l'histoire
est
celle
de
l'immédiateté
et
de
la
médiation
spirituelle,
et
éclaire
peut-‐être
la
dialectique
de
l'économique
et
du
politique,
l'économique
jouant
le
rôle
naturel
et
le
politique
l'historique.
Le
politique
serait
alors
déjà
la
prise
de
conscience
théorique
de
l'économique
comme
immédiateté
de
la
pratique.
Dans
la
sphère
esthétique,
c'est
la
théorie
esthétique
qui
prolonge
la
pratique
artistique
et
qui
pose
la
question
de
son
contenu
de
vérité,
comme
critère
du
décèlement
dans
l'œuvre
d'art
d'une
idéologie
partielle
ou
totale
:
"la
part
d'esprit
objectif
que
recèle
objectivement
une
œuvre
dans
sa
forme
spécifique
est-‐elle
vraie
?"[316].
Cela
permettra
de
reconnaître
un
certain
contenu
de
vérité
à
des
œuvres
professant
de
manière
manifeste
des
opinions
réactionnaires,
en
contradiction
avec
la
situation
sociale,
donc
"idéologique
dans
ses
intentions"[317]
en
ce
que
leur
forme
manifestera
expressivement
cette
situation
sociale.
C'est
le
critère
du
hiatus
entre
le
paraître
et
l'être,
entre
la
prétention
que
tel
discours
manifeste
ou
qu'il
implique
dans
le
cas
des
oeuvres
d'art
non-‐discursives,
et
ce
que
la
forme
'comportementale'
de
ce
discours
implique.
Dans
ce
contexte
Adorno
contribue
alors
par
la
Théorie
esthétique
à
la
reconnaissance
des
discours
idéologiques
dominants,
sur
la
base
d'une
connaissance
de
l'art,
qui
permet
de
déceler
son
risque
idéologique
inhérent
qui
rend
possible
son
utilisation
idéologique
par
un
usage
amphibologique
de
catégories
esthétiques
qui
perdent
leur
pertinence
qu'ils
ont
par
ailleurs,
dont
le
ressort
est
la
rupture
de
leur
dialectique,
leur
naturalisation
indue,
oublieuse
de
leur
caractère
historique
qui
permet
d'oublier
la
situation
historique
et
sociale
antagoniste
où
se
trouve
plongé
le
sujet.
3.4.1
La
richesse
du
sujet
et
de
l'expérience
Le
sujet,
le
particulier
ou
l'individus
et
sa
psychologie
sont
devenus
une
idéologie
là
où
est
sous-‐entendues
leur
autonomie,
la
liberté
et
la
richesse
de
leur
expérience
car
la
puissance
des
objectivités,
les
structures
sociales
les
ont
formés
dans
le
sens
de
sa
propre
reproduction[318].
L'utilisation
de
la
formule
de
la
'sensibilité
artistique',
qui
n'est
l'apanage
que
de
quelques-‐uns,
en
rend
compte
en
ce
qu'elle
masque
toute
la
répression
de
la
mimésis
qui
empêche
la
plupart
des
gens
de
la
développer[319].
Le
sujet
reste
un
concept
à
réaliser
mais
ne
l'est
pas
dans
ces
conditions
où
il
disparaît
sous
une
réification
toujours
plus
grande[320].
La
récupération
à
fin
de
preuve
complète
cette
apologie
de
l'individu
en
ce
que,
s'il
reste
réellement
un
particulier
ou
un
élément
individué
-‐
comme
l'œuvre
d'art
-‐
persistant
dans
certaines
enclaves,
il
est
utilisé
par
l'universalité
omnipotente
de
la
société
comme
preuve
de
la
bonté
du
monde
administré.
Un
telle
enclave
comme
la
vie
privée
est
ainsi
utilisée[321].
Dans
le
domaine
artistique,
cela
se
transforme
par
la
glorification
du
génie
en
ce
qu'on
projette
sur
lui
toute
la
puissance
d'un
sujet
qui
n'existe
plus
dans
ce
monde
devenant
de
moins
en
moins
humain
et
où
le
sujet
est
au
comble
de
l'impuissance
[322].
Complément
théorique
de
cette
idéologie,
est
le
nominalisme
qui
tient
à
ce
que
le
concret
soit
assimilé
au
donné,
là
où
ce
donné,
l'
'existant'
-‐
et
en
cela
suivant
la
leçon
de
Hegel
et
Marx
–
est
frappé
d'abstraction,
d'autant
qu'il
est
réglé
par
le
principe
dominant
et
abstrait
de
l'échange,
par
"des
relations
fonctionnelles
abstraites
et
universelles",
empêchant
"la
détermination
pacifique
de
l'étant"
que
serait
un
concept
non
positiviste
de
donné.
Alors
que
la
richesse
de
l'expérience
est
prétendue
être
ce
donné,
il
n'est
que
le
masque
de
l'abstrait.
C'est
l'œuvre
d'art
qui
se
montre
dans
son
inutilité
non
échangeable,
qui
se
pose
elle-‐même
comme
sa
propre
finalité
qui
essaye
de
rompre
le
cercle
enchanté[323].
Mais
l'art
est
alors
aussi
récupéré
parce
que
l'idéologie
nostalgique
d'un
"sujet
objectivement
affaibli
par
un
ordre
hétéronome",
lui
donne
un
modèle
de
l'œuvre
d'art
et
de
la
culture
closes,
garantissant
un
sens
immuable,
sur
lequel
on
sait
pouvoir
compter[324].
3.4.2
La
suppression
du
sujet
Face
à
la
glorification
du
sujet
et
de
sa
richesse,
le
fascisme
politique
propagea
l'idée
que
c'est
la
démission
du
sujet
qui
était
la
solution
à
un
Etat
qui
se
voudrait
sans
misère.
Cette
démission
prend
deux
formes.
La
première
correspond
à
la
formulation
selon
laquelle
la
conscience
'tue',
et
qu'en
conséquence,
il
s'agit
de
la
faire
taire
et
donc
de
cesser
de
penser,
ce
qui
permet
au
système
de
perdurer
sans
résistance.
La
seconde
se
trouve
dans
l'art
qui
pousse
l'objectivation
à
son
extrême
limite
et
ce
dans
volonté
d'objectivité
compromise
par
le
mensonge
du
sujet.
Prenant
acte
que
ce
sujet
est
mutilé,
il
pousse
jusqu'à
affirmer
qu'il
n'y
a
plus
de
sujet,
qu'il
est
mort.
Les
œuvres
tenant
se
raisonnement
suppriment
tout
résidu
subjectif
mais,
en
aboutissant
à
la
constitution
d'une
pure
chose
perdent
toute
la
force
critique
engagée[325].
Adorno
interprète
de
ce
point
de
vue
le
détournement
du
cubisme
par
Braque
et
Picasso
comme
la
compréhension
que
le
remplacement
par
l'ordre
géométrique
rationnel
de
la
réalité
empirique,
de
ce
que
l'expérience
ne
pouvait
plus
saisir,
finissait,
après
avoir
montré
à
quel
degré
de
schématisation
la
vie
se
réduisait,
par
confirmer
cet
ordre
au
lieu
de
le
combattre,
et
de
figurer
une
forme
de
renoncement[326].
D'une
manière
différente,
le
projet
du
constructivisme
de
constituer
une
objectivité
échoue
lui
aussi.
Il
affiche
une
prétention
exposé
a
priori,
dans
son
idée,
à
l'échec,
car
il
"tombe
sous
la
critique
de
l'apparence".
En
effet,
en
se
voulant
fonctionnel,
il
impose
une
finalité
hétéronome
au
détriment
de
la
téléologie
immanente
des
éléments
particuliers.
La
domination
de
l'uniformité
se
perpétue
pareil
"aux
intérêts
particuliers
socialement
réprimés
sous
la
totale
administration"[327].
3.4.3
L'humanité
de
l'art
La
récupération
de
l'art
comme
garantissant
le
sens
de
l'existence
ici-‐bas
pousse
à
la
critique
que
la
société
bourgeoise
porte
sur
l'art
moderne
qui,
brisé,
serait
inhumain,
alors
qu'il
devrait
être
plein
d'humanité,
la
culture
cherchant
par
là
à
conserver
une
belle
façade
avec
le
monde
qui
reste
antagoniste
et
brisé.
Même
la
représentation
classique
du
prolétariat
permet
à
la
bourgeoisie
de
s'en
débarrasser
en
lui
reconnaissant
une
belle
humanité
et
une
belle
nature[328].
L'art
qui
ne
résiste
pas
à
cette
situation
peut
présenter
deux
visages.
Le
premier,
sur
une
base
critique,
est
celui
d'une
réaction,
rébellion,
contre
le
sensible,
contre
l'harmonie
comme
contre
la
dissonance
même,
comme
rappel
du
sensible[329].
Cette
radicalisation
conduisant
à
supprimer
toute
trace
sensible
fait
rechuter
l'œuvre
d'art
dans
la
réalité
brute.
Le
second,
celui
de
l'art
qui
va
se
vendre
comme
consolation
au
milieu
d'une
réalité
sordide,
et,
en
tant
que
tel,
est
assimilable
à
une
tentative
de
faire
accepter
cette
réalité,
là
où
l'œuvre
authentique
se
fera
semblable
aux
aspects
sombres
de
la
réalité
pour
la
critiquer
efficacement,
à
l'opposé
de
la
façade
trompeuse
et
sensible
de
la
culture[330].
Pour
favoriser
ce
type
d'art
rassurant
et
consolant,
la
société
pose
la
séparation
entre
la
rationalité
et
la
sensibilité,
et
dans
le
domaine
esthétique,
celle
entre
l'intuition
et
le
conceptuel,
et
ce
afin
de
neutraliser
la
force
critique
de
l'art
pour
lui
faire
remplir
un
rôle
de
divertissement
sans
conséquence
permettant
de
reproduire
la
force
de
travail,
là
où
un
aspect
sombre
d'une
oeuvre
dénote
une
prise
de
conscience
de
quelque
chose[331].
3.4.4
La
bonne
naturalité
de
l'art
Pour
éviter
cette
prise
de
conscience
de
l'art
ou
de
sa
réception
qui
permettrait
peut-‐être
aux
sujets
de
prendre
conscience
de
leur
mutilation,
la
société
rationalisée
déploie
un
ensemble
de
représentations
naturalistes
de
l'art.
C'est
d'abord
l'art
comme
organisme,
permettant
d'attaquer
tout
art
conscient
de
lui-‐même
comme
les
mouvements
à
'programme'
-‐
exposé
explicitement
ou
non
-‐
comme
l'impressionnisme
ou
l'expressionnisme.
C'est
ensuite,
lié
à
ce
caractère
d'organisme,
ses
caractères
prétendument
irrationnel
et
inconscient,
utilisés
dans
la
perspective
de
cantonner
l'art
dans
une
région
bien
délimité
d'irrationalisme[332].
Comme
représentation
autorisant
les
précédentes,
c'est
la
mise
en
avant
du
génie,
comme
créateur
au
même
titre
qu'un
dieu,
en
oubliant
toute
la
part
de
finitude
technique
propre
à
l'homme,
dieu
qui
fait
la
nature
-‐
natura
naturans[333].
La
technique
se
trouve
alors
dépréciée
comme
signe
du
déclin
là
où
auparavant
l'art
était
"spontanément
humain",
alors
qu'elle
a
toujours
été
un
moment
essentiel
de
l'art
bien
que
n'apparaissant
dans
la
réflexion
esthétique
qu'au
XIXème
siècle[334].
C'est
la
nostalgie
de
la
croyance
que
le
grand
art
est
simple
alors
qu'il
est
le
lieu
d'un
"tour
de
force",
en
ce
que
l'œuvre
est
d'un
côté
un
artefact
mais
doit
de
l'autre
donner
lieu
à
l'apparition
d'un
en-‐soi,
ce
qui
est
antinomique[335].
Taxer
l'art
d'irrationalisme
permet
de
masquer
sa
participation
à
l'Aufklärung
en
tant
qu'ayant
rejeté
son
origine
dans
les
pratiques
magiques
pour
se
constituer[336].
Cela
permet,
en
outre,
alors
que
l'art
authentique
doit
conserver
une
part
de
son
mimétisme
comme
condition
de
l'expression
du
diffus,
en
lui
appliquant
faussement
les
règles
rationnelles
pragmatiques
qui
contredisent
le
mimétisme
en
tant
qu'elles
tendent
à
la
conservation
de
soi
sans
rapport
à
l'autre,
de
ne
laisser
comme
autre
possibilité
à
l'art
que
l'abandon
à
l'irrationalisme
que
l'on
cherche
à
lui
imposer.
C'est
le
risque
encouru
par
l'art,
du
fait
de
cette
pression
sociale
des
représentations
dominantes,
de
retomber
dans
la
croyance
qu'il
agit
directement
par
affinité
sur
les
choses
-‐
la
conservation
de
son
origine
dans
les
pratiques
magiques
-‐
et
que
la
technique
est
à
déprécier
comme
issue
de
la
raison
,
ce
qui
conduit
à
des
œuvres
mal
élaborées
perdant
toute
force
critique[337],
là
où
un
art
ayant
conservé
la
maîtrise
de
ce
mimétisme
lui
permettait
d'agir
comme
révélateur
:
conservant
sa
finalité
en
soi
et
élaboré,
il
convainc
de
son
absurdité
le
monde
comme
administration
fixée
sur
la
rationalité
de
ses
moyens.
Cette
naïveté
naturelle
vers
laquelle
est
poussée
l'art
trouve
son
modèle
dans
la
représentation
du
comportement
esthétique
comme
une
"éternelle
disposition
naturelle
de
l'instinct
ludique"[338]
dont
le
corrélat
est
de
stigmatiser
toute
trace
de
sérieux
esthétique
et
de
trop
grand
réflexion[339].
C'est
une
hargne
contre
la
pensée
qui
veut
réduire
l'art
à
un
pur
jeu
de
forme
alors
que
cette
mise
en
forme
est
réalisée
pour
donner
une
parole
à
ce
qui
est
opprimé,
pour
critiquer
le
fait
que
l'irrationalité
règne
encore,
la
raison
encore
particulière
rivée
sur
ses
moyens,
en
montrant
un
autre
usage
de
la
raison
possible
comme
aptitude
à
percevoir
dans
les
choses
plus
que
ce
qu'elles
ne
sont,
comme
processus
que
la
mimésis
déclenche
et
dans
lequel
elle
se
maintient
modifiée,
autorisant
ainsi
la
possibilité
de
ressentir
encore
quelque
effroi,
là
où
l'effroi
est
la
trace
de
la
vie
dans
le
sujet
rationnel,
comme
réaction
à
l'emprise
du
monde
non
maîtrisée
qui
permet
de
le
transcender,
comme
capacité
d'être
touché
par
l'autre.
Cette
hargne
contre
la
pensée
qui
est
un
signe
de
la
perte
de
l'immédiateté
dont
il
faut
retrouver
des
substituts
à
tous
prix
se
retrouve
dans
les
philosophies
de
la
culture
qui
stigmatisent
l'idée
de
progrès
et
l'intellectualisme
des
avants-‐gardes
tout
en
voulant
préserver
le
style,
conduisant
ainsi
droit
à
l'industrie
culturelle
manipulatrice[340].
C'est
l'expression
de
la
tendance
à
sauver
la
façade
alors
que
derrière
le
monde
est
laid
qui
se
traduit
par
la
condamnation
de
l'art
moderne
comme
dégénérescent
pour
lui
opposer
la
prétendue
éternité
naturelle
-‐
là
où
c'est
la
nature
qui
comporte
comme
moment
propre
la
dégénérescence[341].
Cette
récupération
de
l'art
dans
tout
ce
qui
peut
contribuer
à
sa
naturalisation
trouve
un
exemple
dans
le
mathématisme,
où
il
est
entendu
par
là
la
mise
en
avant
de
figures
de
proportions
immuables
dans
les
œuvres
d'art.
Or
cette
recherche
est
de
type
bourgeoise
comme
tendance
à
gagner
en
objectivité
face
au
peu
de
cohérence
d'un
traditionalisme
de
type
féodal.
Face
à
cette
origine
historique,
la
table
rase
du
mathématisme
de
l'art
comme
prétendant
indiquer
des
phénomènes
originels,
en
tant
que
naturels
et
autonomes,
occulte
leur
devenir
historique
qui
s'oppose
à
leur
immédiatement
donné,
à
leur
caractère
de
résultat
produit
historiquement,
que
permet
de
déceler
une
réflexion
seconde.
"Ce
qui
est
différent
n'occulte
pas
sa
dimension
historique"[342].
De
même,
l'attirance
vers
l'originel
comme
bonne
nature
se
trouve
dans
le
rejet
du
classicisme
comme
apparence
d'harmonie,
orienté
vers
son
prédécesseur
archaïque,
qui
retombe
dans
l'illusion
d'harmonie
propre
à
la
nature,
en
ce
que
c'est
de
la
violence
du
monde
archaïque
que
s'était
échappé
le
monde
classique
antique.
En
lieu
de
cette
régression,
l'art
devrait
selon
Adorno
se
tourner
vers
les
victimes
du
classicisme,
de
son
principe
d'harmonie
autoritaire[343].
3.4.5
Le
caractère
désengagé
de
l'art
Cette
naturalisation
de
l'art
va
de
pair
avec
la
représentation
de
son
autonomie
comme
désengagement
social
qui
permet
de
neutraliser
toute
force
critique
qu'il
pourrait
développer.
Dans
sa
propre
distance
constitutive,
l'œuvre
d'art
participe
pour
une
part
à
ce
désengagement.
Même
si
l'art,
par
ses
constructions
est
un
démontage
critique
car
il
met
en
perspective
par
une
association
plus
libre
des
éléments
de
la
réalité
en
quelque
chose
de
différent,
le
caractère
double
de
la
réalité,
réalité
et
idéologie,
représentant
la
domination[344],
cette
distance
par
rapport
à
la
société
laisse
cette
dernière
inchangée.
En
cela
elle
participe
de
l'idéologie.
Mais
comme
la
société
reproduit
la
vie
malgré
sa
négativité,
les
malheurs
qu'elle
reproduit,
l'art
participe
aussi
à
cela[345].
Par
rapport
à
la
menace
de
mort
qui
règne
cependant
sur
le
monde
déraisonnable,
l'art
prend
une
aspect
réconciliateur
de
par
sa
distance
avec
la
praxis[346]
et
proférer
le
sérieux
esthétique
masque
la
participation
de
l'art
à
l'activité
qui
n'a
d'autres
fins
qu'elle-‐même,
cynisme
à
l'époque
où
le
monde
possède
les
moyens
de
s'anéantir[347].
C'est
d'abord
l'analyse
des
œuvres
qui
connaît
ce
'destin',
en
ce
que
l'analyse
immanente
employée
initialement
pour
palier
l'absence
de
sens
artistique,
retrouver
l'expérience
du
caractère
concret
des
œuvres,
et
empêcher
par
là
leur
utilisation
au
sein
de
visions
du
monde,
se
retourne,
une
fois
intégrée
académiquement,
en
garde-‐fou
empêchant
toute
considération
sociale
de
s'approcher
de
l'œuvre,
affirmant
l'inanité
de
telles
considérations
comme
venant
de
l'extérieur
des
œuvres
et
se
plaquant
sur
elles,
qui
remettrait
en
cause
leur
autonomie
et
leur
liberté.
Or
cette
autonomie
s'est
constitué
historiquement
en
intégrant
la
part
d'autorité
qui
lui
incombait
dans
le
culte,
comme
effet
qu'elle
devait
avoir
sur
les
individus,
dans
l'autorité
de
l'organisation
de
sa
forme,
dans
la
position
de
sa
loi
formelle,
et
ce
après
avoir
gagné
son
autonomie
dont
l'idée
directrice
de
liberté
était
née
de
la
contrainte
du
culte.
Un
aspect
de
domination
a
donc
été
intégré
par
l'art
lors
de
la
formation
de
son
autonomie[348]
et
brandir
cette
liberté
et
cette
autonomie
tel
un
aspect
'naturel'
inaliénable
reconduit
la
domination.
Le
mécanisme
de
l'idéologie
se
répète
donc
avec
l'analyse
immanente
absolutisée
dans
cette
'défense
d'entrée',
alors
que
les
œuvres
d'art,
même
si
elles
répondent
au
qualificatif
de
monades,
ne
développent
leur
vérité
que
dans
une
interprétation
qui
vient
avec
des
concepts
de
l'
'extérieur'
mais
qui
par
réflexion
sur
l'expérience
de
l'œuvre
d'art
se
transforment[349].
C'est
justement
l'analyse
immanente
qui
permet
d'identifier
ce
qui
dans
les
œuvres
d'art
est
précaire,
indéterminé
et
insuffisant
comme
la
trace
d'un
esprit
"socialement
faux,
précaire,
idéologique".
Ce
passage
est
justifié
en
tant
que
le
comportement
de
l'art
face
à
son
sujet
est
une
"
'attitude
objective
vis-‐à-‐vis
de
l'objectivité'
et
à
ce
titre
reste
une
attitude
à
l'égard
de
la
réalité"[350].
Ce
désengagement
répond
à
la
tendance
de
retrouver
une
immédiateté
perdue
que
l'art
comme
substitut
pourrait
offrir
et
pour
ces
'retrouvailles',
la
condition
est
son
isolement
de
toutes
les
médiations
sociales
qui
le
constituent[351].
Pour
cela,
un
point
d'accroche
est
nécessaire
pour
convaincre
de
la
prétendue
immédiateté
de
l'art.
C'est
l'émotion
qui
jouera
ce
rôle,
le
résidu
mimétique
des
œuvres
sans
lesquels
elles
se
réduiraient
à
des
"acomptes"
pour
une
science
positiviste
prochaine,
mais
à
laquelle
elles
ne
réduisent
pourtant
pas.
C'est
pourquoi
l'émotion
sera
aussi
hypostasié
et
l'esprit,
la
pensée,
dépréciée
dans
l'art.
Cette
autonomie
de
l'art
comme
désengagement
social
est
déployée
par
l'abus
du
principe
de
l'art
pour
l'art
quand
son
antithèse
à
la
réalité
empirique
se
fait
dans
la
facilité
et
l'abstraction[352].
En
soi,
ce
principe
exprime
l'exigence
de
structuration
interne
selon
des
problèmes
spécifiquement
artistiques.
C'est
selon
Adorno
lorsque
cette
structuration
est
réalisée
en
fonction
du
structuré
et
non
comme
"habileté
tournant
à
vide",
ce
qui
constitue
son
excès,
que
l'en-‐soi
des
œuvres
intègre
leur
dimension
sociale
comme
sublimation
dans
la
loi
de
la
forme
de
leur
expérience.
Le
désengagement
social
de
l'œuvre
d'art
comme
monade
a
son
corrélat
subjectif
dans
l'intériorité
supposé
du
sujet
qui
est
le
substitut
à
son
impuissance
dans
la
réalité
face
aux
objectivités
des
structures
sociales.
L'intériorité
du
sujet
pour
soi
est
ainsi
l'illusion
d'un
royaume
intérieur
comme
compensation
de
ce
qui
est
refusé
par
la
société[353].
Cette
intériorité
jette
un
lien
illusoire
avec
la
tradition
comme
"refuge
de
souvenirs
subjectifs"
alors
que
les
œuvres
d'art
et
leurs
rapports
apparaissent
extérieurement
dans
la
société,
et
en
tant
que
tels
critiquent
l'intériorité[354].
Cette
critique
reste
valable
pour
la
représentation
de
la
possibilité
d'un
commencement
nouveau
et
absolu
en
art,
la
table
rase,
comme
y
ont
succombé
Schönberg[355]
Descartes
ou
Husserl,
en
ce
que
leur
réaction
dont
le
produit
est
cette
table
rase
est
une
réaction
sociale
et
historique.
3.4.6
L'harmonie
de
l'art
Cette
représentation
classique
qui
s'exprime
dans
l'harmonie
en
fait
une
simple
position,
statique,
et
masque
sa
vérité
comme
résultat
de
forces
en
tension[356].
C'est
par
la
représentation
de
la
totalité
de
l'œuvre
d'art
-‐
rapport
du
tout
aux
parties
-‐
comme
un
équilibre
harmonieux
entre
le
tout
et
les
parties,
que
la
tension
entre
les
deux
a
été
supprimée
par
une
prédominance
du
tout,
d'un
principe
autoritaire
de
l'œuvre
par
exemple.
C'est
ainsi
que
l'équilibre
en
vient
à
être
refusé
par
des
artistes,
comme
mensonge,
et
cela
initie
la
crise
de
l'art
et
du
beau[357]
comme
question
de
la
possibilité
de
constituer
encore
une
telle
totalité
sans
mensonge.
Le
risque
de
la
mise
en
forme
artistique,
à
l'époque
de
la
fausseté
de
la
totalité
sociale,
est
que
la
totalité
de
l'œuvre
qui
unifie
ses
éléments,
apparaissant
avec
un
caractère
d'harmonie
fasse
rejaillir
ce
caractère
sur
la
totalité
sociale
qui
a
permis
son
apparition[358].
Les
rives
du
cynisme
sont
atteintes
quand
la
prétendu
fuite
des
artistes
hors
du
monde
réel
se
trouve
critiquée,
en
ce
qu'elle
traduit
la
tendance
à
prêter
allégeance
à
l'esprit
d'adaptation
et
la
prétention
d'affirmer
que
le
monde
étant
harmonieux,
il
n'y
aurait
pas
de
raison
de
le
fuir[359].
3.4.7
La
bonne
nouvelle
de
l'art
Le
risque
permanent
d'idéologie
auquel
est
confronté
l'œuvre
d'art
est
le
fait
de
son
irréalité
là
où
il
pourrait
faire
croire
à
la
réalité
de
ce
qu'il
montre,
à
la
réconciliation
mais
il
n'en
reste
pas
moins
vrai
en
tant
que
n'identifiant
pas
le
non-‐identique
mais
en
se
faisant
pareil
à
lui[360].
Par
la
présentation
d'une
réalité
unique,
l'œuvre
d'art
critique
le
principe
d'échange,
sans
pour
autant,
sous
peine
d'idéologie,
en
inférer
que
rien
ne
serait
échangeable[361].
L'apparaissant
n'est
pas
échangeable
parce
qu'il
n'est
pas
inerte
mais
le
monde
ayant
apposé
des
masques
d'inertie
sur
tout,
le
monde
reste
échangeable.
L'art
amène
l'échangeable
à
la
conscience
critique
de
soi.
Ce
qu'il
montre
est
la
possibilité
d'une
réalité
où
les
choses
étant
à
leur
place
propre,
non
imposé,
mais
comme
apparence
sinon
son
sujet
collectif,
la
société
possible
serait
supposée
être
déjà
là,
ce
qui
reproduirait
le
mensonge
de
l'harmonie
déjà
présente[362].
Ce
risque
est
inséparable
de
la
vérité
de
l'art
car
dans
sa
distance
avec
de
la
réalité
empirique
qui
constitue
son
refus,
la
recomposition
d'un
non-‐étant
comme
s'il
était,
puisque
cette
recomposition
apparaît
dans
l'en-‐soi
de
l'œuvre,
ne
peut
se
distinguer
d'un
représentation
réconciliée
du
monde.
L'utopie
d'un
être
identique
à
soi
est
proche
de
l'horreur
d'un
domaine
séparé
qui
produirait
du
beau
indépendamment
du
monde.
Le
risque
idéologique
de
l'art
est
de
n'être
que
copie
pitoyable
et
autoritaire
de
la
réalité,
mais
devenir
pure
protestation
limite
l'art
et
affecte
sa
raison
d'être[363].
Ce
risque
de
la
copie
autoritaire
est
réalisé
par
l'art
dit
réaliste
du
réalisme
socialiste,
où
sa
reproduction
prétendue
sans
illusion
du
réel
ré-‐injecte
du
sens
à
la
réalité
comme
si
celle-‐ci
lui
avait
donné,
alors
que
cependant
cette
réalité
était
encore
irrationnelle[364].
L'utilisation
de
la
rationalité
esthétique
dans
une
telle
copie
minutieusement
étudiée
est
son
travestissement
à
fin
d'exploitation
et
de
domination
des
masses[365].
Là
où
la
réalité
ne
présente
plus
de
sens
évident,
l'œuvre
d'art
ne
peut
plus
se
reposer
sur
un
élément
extérieur
lui
permettant
de
s'assurer
d'un
sens[366].
3.4.8
La
pure
spiritualité
de
l'art
Cet
en-‐soi
que
pose
l’œuvre
d'art
et
qui
dans
cette
position
comme
réaction
à
l'expérience
du
monde
est
déterminé
intérieurement
par
la
société,
de
par
le
fait
que
l'œuvre
est
une
création
de
l'homme,
se
fait
attribuer
la
spiritualité
du
produit,
mais
dans
l'opération
se
glisse
la
représentation
que
l'élément
spirituel
est
indépendant
des
conditions
de
sa
production
matérielle,
alors
que
l'œuvre
d'art
est
un
produit
du
travail
social.
Purement
spirituelle,
l'œuvre
en
vient
à
être
considérée
comme
de
qualité
supérieure,
"en
trompant
sur
la
faute
séculaire
de
la
division
du
travail
intellectuel
et
manuel"[367].
Alors
qu'il
est
nécessaire
de
reconnaître
la
part
spirituelle
de
l’œuvre
et
ne
pas
en
rester
au
moment
du
'comment
cela
est-‐il
fait?'
de
la
confection,
le
contenu
philosophique
et
la
technique
restent
médiatisés
et
c'est
à
travers
l'analyse
technique
que
celle
est
reconnue
comme
on
peut
le
voir
chez
Shakespeare
où
ce
contenu,
"la
percée
nominaliste
vers
une
individualité
mortelle
et
infiniment
riche
en
soi"
répond
à
sa
technique
de
"succession
architectonique
et
quasi
épique
de
scènes
très
courtes",
d'épisodes.
L'expérience
de
l'auteur
où
ce
contenu
s'insère,
non
fabriquée,
rentre
en
contradiction
avec
les
procédés
en
cours,
et
sa
fabrication
les
transforment
en
de
nouveaux[368].
3.4.9
L'art
communiquant
La
réduction
représentative
du
contenu
de
l'œuvre
à
un
message,
formule
discursive
prétendant
donner
le
sens
de
l’œuvre,
qui
permet
de
se
saisir
et
manipuler
aisément
l’œuvre,
participe
à
la
tendance
à
rapprocher
l'art
de
la
réalité
empirique,
déjà
en
confondant
leur
rapport
en
traitement
discursif
imitatif
du
matériau
-‐
qui
permet
de
dire
qu’une
nature
morte
est
seulement
une
copie
des
objets
sur
la
table,
ou
que
Madame
Bovary
de
Flaubert
est
un
reportage
social[369]
-‐
le
moment
de
la
forme
étant
escamoté,
et
le
thème
surélevé
alors
qu'il
n'est
qu’un
des
matériaux
de
départ,
avec
l’état
de
la
technique,
les
matériaux
utilisés,
l’intention
de
l’artiste.
C'est
la
conséquence
de
la
réduction
de
l'œuvre
à
une
essence
purement
spirituelle,
là
où
la
spiritualité
de
l'œuvre
est
en
réalité
imbriquée
dans
sa
matière[370].
La
réintroduction
de
l'art
dans
la
vie
participe
de
la
même
tendance
en
tant
qu'elle
rend
les
attraits
esthétiques
disponibles
pour
une
exploitation
du
marché
de
la
culture[371].
Ce
rapprochement
se
transforme
en
souci
de
communiquer
que
devrait
connaître
les
œuvres,
ravalant
celles-‐ci
au
rang
de
monnaie
d'échange
et
de
service
rendu
aux
hommes.
Sans
se
rendre
à
cette
forme
de
servitude
de
la
communication,
l'hermétisme
qui
est
attaqué
comme
séparé
et
indifférent
au
monde
cherche
à
parvenir
encore
aux
hommes
par
une
expérience
de
la
conscience
sous
forme
de
choc[372].
L'œuvre
d'art
utilisant
les
formes
dominantes
de
communication,
jouant
le
jeu
de
l'échange
n'échappe
pas
à
la
représentation
dominante.
De
par
le
besoin
où
l'œuvre
d'art
se
trouve
de
ne
pas
jouer
ce
jeu
de
la
communication,
elle
y
réussit
par
"la
force
de
l'expression
[de
ce
besoin]
dont
la
force
de
tension
[lui]
permet
[…]
de
parler
en
un
geste
muet"[373].
La
structure
sociale
capitaliste
qui
par
le
moyen
d'un
faux
échange
d'équivalent
finit
par
'mutiler'
la
vie,
en
rendant
le
sujet
incapable
de
faire
une
expérience,
tend
à
tout
faire
pour
donner
l'illusion
d'une
nouvelle
proximité
consolante[374],
par
un
message
détachable
de
l'œuvre
et
par
le
plaisir
immédiat
qu'elle
doit
offrir,
tous
deux
préludes
à
l'industrie
culturelle
manipulatoire.
Cette
tendance
est
relayée
dans
la
théorie
positiviste
qui
fait
de
la
sphère
de
la
réception
des
œuvres
d'art
le
lieu
du
rapport
entre
l'art
et
la
société
comme
prélude
à
sa
manipulation
sous
forme
de
statistiques[375].
3.4.10
L'art
altruiste
Ce
souci
de
la
communication
se
prolonge
en
'altruisme'
de
l'art.
Il
doit
communiquer
car
son
existence
doit
être
pour
les
autres.
Cependant,
ce
discours
du
'pour
les
autres'
est
celui
de
la
marchandise
censée
être
ainsi
'pour
les
autres'
alors
que
son
système
basé
sur
l'antagonisme
ne
sert
les
intérêts
majoritaires
que
de
quelques-‐uns,
l'existence
de
ceux
qui
dirigent[376].
L'œuvre
qui
dans
son
idée
se
trouve
devoir
être
'pour
les
autres'
ne
peut
la
réaliser
en
acceptant
pour
cela
d'en
prendre
la
forme
dominante,
et
devient
ainsi
'pour
soi'.
C'est
ici
la
théorie
de
l’œuvre
d'art
moderne
comme
en-‐soi
déterminé
encore
socialement
dans
cet
en-‐soi
et
y
présentant
la
promesse
d'une
société
meilleure,
d'un
sujet
collectif,
qu'elle
répond,
par
l'hermétisme,
à
cet
altruisme.
D'un
côté
l'œuvre
d'art
échappe
à
la
marchandise
qui
prétend
être
pour
autre
chose
alors
qu'elle
est
simple
pour
soi,
en
se
donnant
comme
pour
soi,
secrètement
le
véritable
'pour
les
autres',
mais
ce
secret
dans
le
faux
monde
translucide
de
l'échange
faussement
transparent
devient
narcissisme
élitaire
dès
qu'il
revendique
cet
en-‐soi
qui
est
une
stigmate
de
la
structure
marchande
non
égalitaire.
De
même
dès
qu'elle
se
pose
comme
l'être-‐pour-‐autrui
comme
le
fait
l'industrie
culturelle,
elle
signifie
ce
que
l'on
peut
en
retirer
et
cela
devient
une
tromperie
de
croire
que
les
œuvres
de
l'industrie
culturelle
sont
faites
pour
les
hommes[377].
Excuser
ces
œuvres
vénales
devient
la
tendance
générale
comme
concession
à
sa
propre
faiblesse
subjective
produite
par
le
système,
par
rapport
à
l'exigence
des
œuvres
sérieuses[378].
La
notion
de
'culture
pour
tous'
traduit
cette
tendance
fonctionnelle
de
perpétuation
du
système
quand
elle
signifie
ne
voir
le
peuple
que
comme
"le
complément
de
la
société
de
classes
ou
comme
l'univers
statistique
des
éléments
qui
comptent
au
lieu
de
considérer
en
lui
le
potentiel
d'un
peuple
libéré"[379].
Elle
se
prolonge
dans
l'industrie
culturelle
par
le
détournement
de
la
notion
de
sublimation
dans
l'art,
faisant
de
l'art
et
de
ses
produits
des
succédanés
d'une
satisfaction
sensible
réelle
toujours
attendue.
L'effet
bénéfique
escompté
est
faux
et
la
catharsis
aristotélicienne
réévaluable
dans
le
sens
d'une
apparence[380].
3.4.11
La
culture
dans
toute
sa
gloire
L'
'altruisme'
de
l'art,
cet
être-‐pour-‐les-‐autres
qui
masque
le
rapport
marchand
doit
s'accompagner
de
la
glorification
de
soi
de
la
culture
pour
masquer
sa
marchandisation.
Il
s'agit
pour
la
culture
de
se
maintenir
tout
en
laissant
croire
à
la
nouveauté
de
la
production
culturelle[381].
Ce
maintient
passe
d'abord
par
la
glorification
des
œuvres
du
passé,
masquant
la
modification
interne
qualitative
qui
leur
advient
au
cours
du
temps
et
qui
entraîne
que
des
œuvres
perdent
leur
qualités
ou
ne
parlent
plus[382].
C'est
ainsi
que
le
refus
de
l'expérience
lucide
des
temps
présents
se
traduit
comme
la
plus
grande
compréhensibilité
des
œuvres
les
plus
éloignées.
En
réalité
la
communauté
d'expérience
de
l'art
contemporain
et
de
son
public
permet
une
compréhension
plus
directe
que
les
autres
époques
dont
les
principes
historico-‐philosophiques
ne
sont
pas
accessibles
immédiatement[383].
Cette
inaccessibilité
permet
de
projeter
sur
lui
n'importe
quel
discours
et
de
l'utiliser
ainsi
comme
moyen
de
glorification
de
la
société
conflictuelle[384].
En
outre,
ce
rapport
au
passé
est
reporté
sur
les
œuvres
à
venir
d'une
double
manière.
D'abord
par
l'intermédiaire
de
l'utilisation
détournée
de
la
tradition
de
l'esprit.
Adorno
suivant
en
cela
Brecht,
pense
qu'elle
est
pour
une
part
"une
chaîne
dorée
de
l'idéologie",
alors
que
l'oubli
est
parfois
nécessaire
aux
artistes
pour
se
déployer[385].
Ensuite,
par
le
rapport
aux
sujets
considérés
comme
sublimes,
qui
n'en
donnent
pas
pour
autant
la
qualité
aux
œuvres,
par
son
détournement
en
"respect
de
la
puissance
et
de
la
grandeur".
Cet
usage
est
démasqué
par
la
moindre
œuvre
justement
'sublime'
traitant
d'un
sujet
ne
se
conformant
pas
aux
critères
en
usage
d'un
sujet
sublime
:
c'est
le
cas
chaise
de
Van
Gogh
par
exemple
dont
la
manière
selon
Adorno
intègre
une
expérience
profonde,
celle
des
prémisses
de
la
catastrophe
historique[386].
Ce
rapport
de
contrainte
qu'exerce
le
passé
sur
la
tentative
des
œuvres
d'art
de
garder
leur
autonomie
s'exerce
d'autre
part
par
le
présent
en
l'instance
de
la
sphère
du
divertissement
désormais
totalement
administrée
par
l'industrie
culturelle.
Cette
contrainte
insidieuse
se
décèle
dans
l'affirmation
de
la
coexistence
des
sphères
du
divertissement
et
de
l'art,
comme
un
mécanisme
qui
permet
d'intégrer
sans
conflit
apparent
l'art
à
la
sphère
du
divertissement
comme
"bon
divertissement",
comme
marchandise
comme
une
autre,
ce
qui
a
pour
but
d'escamoter
sa
critique
de
la
société
et
de
la
sphère
du
divertissement
qui
lui
est
asservie[387].
De
ce
point
de
vue
même
les
œuvres
les
plus
agressives
devront
être
intégrées
et
neutralisées,
témoignant
du
mécanisme
général
idéologique
de
s'intégrer
ce
qui
lui
résiste[388].
L'objection
selon
laquelle
la
beauté
des
grandes
œuvres
semblent
réclamer
les
applaudissements,
ne
permet
pas
l'assimilation
entre
les
deux
sphères
du
divertissement
et
de
l'art.
La
différence
objective
entre
les
deux
sphères
peut
s'identifier
en
terme
d'une
élaboration
technique
poussée
à
ses
limites,
ne
prétendant
pas
plus
qu'elle
ne
peut.
Le
critère
de
la
disproportion
entre
la
présentation
et
la
substance
de
l'œuvre
permettra
de
juger
de
ce
niveau
d'exigence.
L'art
par
lui-‐même
ne
peut
se
débarrasser
d'un
résidu
d'affirmation,
au
sens
d'un
comportement
affirmant,
glorifiant
et
posant
la
culture
de
sa
société
positivement,
puisque
sa
réussite
et
ses
qualités
sont
virtuellement
reportées
sur
la
société
dans
laquelle
il
s'est
épanoui,
alors
qu'
"il
s'élève
au-‐dessus
de
la
misère
et
de
l'asservissement
des
simples
existants"[389],
et
plus
radicalement
qu'après
l'horreur
du
génocide
des
juifs,
la
seule
existence
de
l'art
qui
consolide
la
culture
qui
a
produit
cette
horreur
semble
disproportionnée
et
cynique.
Son
objectivation
en
outre
confine
à
une
certaine
froideur,
à
une
complicité
avec
la
barbarie,
alors
que
l'absence
d'objectivation,
c'est
à
dire
le
sacrifice
de
son
autonomie,
est
synonyme
d'entrée
dans
le
jeu
du
monde.
Cependant
l'esprit
dans
sa
forme
la
plus
avancée
reste
nécessaire
contre
la
toute-‐puissance
de
la
totalité
sociale
car
son
sacrifice
serait
la
résignation
à
la
barbarie
régnante[390].
Il
participe
d'autant
plus
à
cette
tendance
nécessaire
qu'il
se
pare
de
dignité,
qu'il
y
prétend
comme
à
telle
décoration,
dans
le
hiatus
entre
ce
que
l'on
veut
paraître
et
ce
que
l'on
peut
être,
compte
tenu
des
conditions
sociales
et
historiques[391].
La
prétendue
dignité
et
noblesse
des
œuvres
d'art
devenant
une
pose,
une
attitude
qu'elles
prennent,
se
détachent
de
leur
contenu
et
constituent
un
voile
affirmatif[392].
L'apologie
tombe
alors
sous
le
coup
de
la
publicité[393],
catégorie
centrale
de
la
société
marchande
qui
s'emparant
de
la
culture,
jette
des
doutes
sur
sa
substantialité,
son
marchandage
nommant
son
échec.
Cette
dignité
comme
pose
de
l'œuvre
d'art
suppose
en
outre
sa
réussite.
L'analyse
technique
est
le
moyen
de
montrer
que
toute
oeuvre
recèle
des
failles,
soit
par
un
manque
d'articulation,
soit
par
une
pure
perfection
formelle
qui,
comme
retombée
dans
le
monde
des
objets,
car
elle
se
révèle
alors
similaire
à
une
machine
inutile,
est
un
échec.
Cet
absence
d'œuvres
parfaites
s'interprète
comme
le
fait
de
conditions
historiques
non
réconciliées,
qui
passent
dans
les
œuvres
dans
ses
failles.
"Si
les
œuvres
parfaites
existaient,
la
réconciliation
serait
effectivement
possible
au
sein
de
l'irréconcilié
au
stade
duquel
appartient
l'art"[394].
Les
contradictions
de
la
culture
s'exprime
le
plus
nettement
dans
l'urbanisme,
où
les
belles
enclaves
moyenâgeuses
conservées
dans
les
villes
permettent
de
faire
illusion
sur
la
bonté
de
la
culture
pendant
qu'autour
se
poursuit
un
développement
urbain
irrationnel
et
violent[395].
Le
beau
naturel
lui-‐même
est
récupéré
et
transformé
en
"hypostase
de
l'immédiateté
au
moyen
du
médiatisé",
le
médiatisé
étant
ici
l'industrie
touristique
par
exemple
qui
en
tant
que
transformant
les
paysages
sauvegardés
comme
des
réserves
sous
verre
démontre
par
là
même
que
l'expérience
immédiate
de
la
nature
n'est
plus
possible.
Le
corrélat
subjectif
de
ces
fausses
glorifications
de
la
culture,
des
œuvres
du
passé,
de
l'œuvre
d'art
en
tant
que
tel,
des
paysages
culturels,
et
du
beau
naturel
est
double.
C'est
d'une
part
la
conviction
qu'ils
apportent
à
l'esprit
bourgeois,
qui
fait
ces
fausses
expériences,
de
sa
propre
bonté[396],
et
de
sa
propre
supériorité
en
tant
qu'amateur
d'art,
où
l'on
retrouve
de
manière
sous-‐jacente
le
jugement
de
valeur
conditionné
par
la
division
du
travail
intellectuel
et
du
travail
manuel,
des
classes
non
laborieuses
et
des
classes
laborieuses,
trompant
sur
la
réalité
de
l'art
dont
la
pratique
est
un
moment
essentiel[397].
C'est
d'autre
part
l'insistance
sur
le
besoin
subjectif
d'art
qui,
suite
à
l'échec
personnifié
de
la
culture
dans
les
horreurs
qui
ont
eu
lieu
en
son
sein,
n'est
que
la
substitution
subreptice
du
besoin
objectif
des
hommes
qu'est
la
suppression
de
la
"misère
du
monde"[398].
3.5
Fétichisme
Contrairement
au
fétichisme,
Adorno
réserve
le
terme
d'idéologie
pour
dénoncer
la
société
qui
l'a
produite,
et
malgré
sa
conscience
du
caractère
fonctionnel
de
l'idéologie
-‐
qui
passe
par
l'opération
fétichiste
-‐
,
il
lui
donne
une
coloration
morale
que
le
terme
de
conscience
fausse
dénote.
Une
phrase
comme
l'
"idéologie
proférée
n'est
jamais
cru
totalement
et
progresse
de
mépris
de
soi
en
auto-‐destruction.
Rien
n'est
fait
pour
améliorer
la
situation"
[399]
indique
que
c'est
le
caractère
déclamatoire,
engagé
qui
est
idéologique.
En
tant
que
simple
fonctionnalité
du
système,
cette
déclamation,
cette
passion
comme
défense
d'un
certain
ordre
ne
serait
pas
nécessaire.
Il
semble
alors
possible
d'avancer
que
son
usage
dénote
le
lieu
où
la
pointe
la
plus
possiblement
'consciente'
du
mécanisme
social
qui
génère
selon
sa
nécessité
les
représentations
qui
lui
correspondent,
se
loge.
Alors
que
l'arrogance
de
sa
profération
semble
intégrer
un
doute
sur
sa
vérité,
le
fétichisme
est
plus
utilisé
comme
présentation
d'un
mécanisme
aveugle.
Et
pour
caricaturer
cet
usage,
l'esthéticien
bourgeois
pourrait
être
dit
idéologue
alors
que
l'artiste
borné
serait
fétichiste.
En
ce
sens,
Adorno
réserve
son
usage
suivant
une
lecture
probable
de
Marx
où
l'introduction
de
l'idéologie
dans
l'Idéologie
allemande
était
le
lieu
de
la
critique
pleine
de
verve
et
où
le
chapitre
sur
le
fétichisme
du
Capital
était
le
lieu
de
la
description
scientifique
du
mécanisme
fétichiste.
Au
niveau
de
son
contenu,
la
catégorie
de
fétichisme
dénote
un
manque
fonctionnel
de
dialectique
car
il
est
le
résultat
d'une
opération
qui
consiste
à
isoler
et
hypostasier
des
éléments
du
réel,
à
les
absolutiser.
Il
nomme
alors
la
mystification
qui
est
une
forme
constitutive
de
la
socialisation[400].
Le
texte
d'Adorno
où
la
présence
du
fétichisme
dans
la
sphère
de
l'industrie
culturelle
est
particulièrement
étudiée
est
Le
caractère
fétiche
de
la
musique
et
la
régression
de
l'écoute
de
1938
dont,
comme
le
dit
le
traducteur,
les
éléments
d'analyse
se
retrouve
jusque
dans
la
Théorie
esthétique[401].
La
catégorie
marxienne
de
fétichisme
y
est
alors
interprétée,
après
avoir
rappelé
le
texte
du
Capital
sur
le
caractère
fétiche
de
la
marchandise[402],
comme
"la
vénération
de
ce
qui
s'est
fait
soi-‐même
[…]
de
ce
qui,
comme
valeur
d'échange,
s'est
aliéné
de
[…]
l'
'homme'
"
[403].
Adorno
distingue
deux
usages
du
fétichisme,
celui
qui
a
lieu
dans
la
sphère
de
consommation
des
biens
culturels
et
qui
est
directement
le
caractère
fétiche
de
la
marchandise,
et
celui
qui
se
déploie
dans
la
sphère
de
production
des
œuvres
d'art,
comme
fétichisme
du
caractère
d'en-‐soi
des
œuvres
d'art,
de
leur
objectivation
et
de
leurs
moyens
techniques.
C'est,
pourrait-‐on
dire,
le
fétichisme
de
l'hétéronomie
et
de
l'autonomie.
3.5.1
Le
fétichisme
de
la
marchandise
dans
la
sphère
esthétique
Le
monde
enchanté
par
le
fétichisme
de
la
marchandise
montre
que
des
produits
différents
de
travaux
différents
qui
se
trouvent
identifiés
dans
l'échange,
acquièrent
une
valeur
qui
semble
leur
être
naturelle[404].
Dans
le
domaine
de
la
consommation
de
biens
culturels,
la
surproduction
de
marchandises
dites
"culturelles"
(disques,
concerts,
films,
etc.)
transforme
la
valeur
d'usage
dont
la
fonction
vient
à
être
assurée
par
la
valeur
d'échange.
Précisément,
c'est
le
succès,
le
prestige,
le
caractère
à
la
mode,
de
telle
production
qui
finit
par
être
recherché
et
consommé,
et
les
œuvres
d'art
les
plus
célèbres
succombent
spécialement
à
ce
processus[405].
L'apparence
esthétique
comme
apparition
de
l'essence
est
masquée
par
cette
seconde
apparence
[406].
Ce
double
phénomène
d'apparence
s'exprime
aussi
par
le
fait
contradictoire
de
la
valeur
d'usage
consommé
comme
succès,
comme
l'être-‐
pour-‐autrui
du
produit,
et
de
la
finalité
de
l'œuvre
d'art
dans
son
concept,
chose
se
constituant
pour
elle-‐même,
par
rapport
à
ses
problèmes
immanents,
et
non
en
vue
des
autres[407].
Comme
le
dit
Le
caractère
fétiche
de
la
musique
et
la
régression
de
l'écoute
de
1938
en
accord
en
cela
avec
la
Théorie
esthétique
:
le
succès
"est
le
simple
reflet
de
ce
que
l'on
paie
sur
la
marché
pour
le
produit
:
le
consommateur
adore
véritablement
l'argent
qu'il
a
dépensé
[…]
Il
a
lui-‐même
'fait'
le
succès
qu'il
réifie
et
qu'il
accepte
comme
un
critère
objectif
sans
pourtant
se
reconnaître
en
lui"[408]
Là
où
l'art
avait
gagné
son
autonomie
en
s'arrachant
au
culte
d'abord,
puis
au
service
des
cours,
cette
autonomie
se
défigure
à
l'heure
où
la
culture
de
masse
s'intéresse
plus
au
succès
de
telle
ou
telle
production
qu'à
sa
qualité.
Par
le
fétichisme
de
la
marchandise,
où
le
succès
est
fait
par
le
porte-‐monnaie
des
gens,
et
se
trouve
être
hypostasié
pour
devenir
une
propriété
mystérieuse
du
produit,
le
fétichisme
archaïque
de
l'origine
de
l'art,
'fétichisme
de
l'autonomie'
ou
du
symbole
se
réitère
en
'fétichisme
de
l'hétéronomie',
quand
les
figures
sur
les
parois
de
la
grotte,
par
exemple,
prenait
une
vie
indépendante
et
magique
pour
prendre
le
dessus
sur
la
bête
désirée,
ou
quand
l'ointe
figure
du
Christ
sur
une
toile
en
venait
à
être
habitée
divinement[409]
Au
sein
du
capitalisme
de
monopole,
cette
jouissance
de
la
valeur
d'échange
est
une
participation
à
l'abstraction
issue
du
principe
d'échange.
Et
cette
abstraction
passe
à
l'art
moderne
dont
l'indétermination
de
ce
qu'il
doit
être
ou
de
son
pourquoi
en
est
le
chiffre.
Il
réagit
allégoriquement
au
monde
devenu
abstrait,
permettant
une
nouvelle
distanciation
esthétique
d'avec
le
monde
et
défiant
la
puissance
de
l'illusion
que
la
vie
existe
encore[410].
Le
fossé
entre
le
spectateur
et
l'œuvre
est
alors
extrême,
d'un
côté
il
n'y
plus
d'expérience
de
l'œuvre
mais
perpétuation
abstraite
d'un
succès
et
de
l'autre
l'abstraction
de
l'œuvre
qui
réagit
à
cette
situation
et
se
ferme
à
l'immédiateté
de
son
expérience.
3.5.2
Le
fétichisme
du
caractère
d'en-‐soi
de
l'œuvre
d'art
Un
élément
fétiche
persiste
dans
l'art
depuis
sa
naissance
où
intervenait
un
aspect
de
fétiche
magique,
mais
ce
fétichisme
n'est
pas
celui
de
la
marchandise.
Il
donne
à
croire
que
l'œuvre
d'art
possède
l'absolu,
mais
cet
aveuglement
est
nécessaire.
A
l'opposé
l'engagement
est
une
simplification
inévitable
des
données
de
la
situation,
et
en
tant
que
telle
donne
lieu
à
une
fausse
conscience[411][412]
En
effet
l'illusion
de
l'apparition
de
l'en-‐soi
ne
peut
être
obtenu
que
par
une
restructuration
formelle
des
éléments
de
l'étant,
qui
intégrés
tels
quels
ne
communiquent
pas
entre
eux,
communication
qui
conditionne
l'apparition.
Ainsi
toutes
les
esthétiques
du
'sujet',
se
centrant
sur
le
thème
et
non
sur
la
mise
en
forme
échoue
à
constituer
un
tel
en-‐soi,
une
telle
distance
avec
la
réalité
empirique.
C'est
le
cas
de
la
science-‐fiction
qui
se
focalise
de
manière
fétichiste
sur
l'histoire[413]
et
de
l'esthétique
sociale
dont
les
œuvres
manquent
leur
critique
qui
se
concentre
dans
les
problèmes
de
forme[414].
L'esthétique
ne
peut
cependant
plus
affirmer
naïvement
que
l'œuvre
d'art
est
le
lieu
de
la
révélation
-‐
en
tant
que
lieu
différant
de
la
répétition
de
ce
qui
est
-‐
et
répéter
ce
fétichisme
de
l'œuvre
d'art,
en
ce
que
cette
attribution
de
pouvoirs
à
l'œuvre
est
contradictoire
avec
son
caractère
de
produit
de
la
main
de
l'homme,
d'unité
artificiellement
réalisée[415].
Ce
caractère
fétichiste
des
œuvres
d'art
se
présente
plus
précisément
comme
venant
du
fait
que
c'est
leur
part
spirituelle
émergeant
de
leur
structure
qui
se
présente
comme
un
étant-‐en-‐soi,
alors
qu'elles
ont
été
faites[416].
C'est
cet
en-‐soi
qui
semble
se
présenter
qui
constitue
leur
caractère
d'apparence,
car
elles
prennent
cette
présentation
comme
celle
d'une
réalité.
Adorno
donne
comme
exemple
d'une
telle
apparence
de
vérité
immédiate
l'opéra
en
ce
que
cette
forme
est
considérée
comme
s'étant
naturellement
organisée
alors
que
les
effets
de
l'opéra
ont
été
calculés
comme
le
fruit
de
réflexions
sur
la
forme
et
son
effet[417].
Cependant,
c'est
grâce
à
ce
caractère
d'apparence
d'un
en-‐soi
que
l'art
s'est
émancipé
de
sa
fonction
précédente
de
divertissement[418]
et
cette
autonomie
acquise
est
essentielle
à
son
contenu
de
vérité
qui
suppose
ce
fétichisme
du
pour
soi
seul.
Sans
lui,
l'art
retomberait
inexorablement
sous
la
coupe
du
principe
d'échange
dominant,
pervertissant
comme
servant
le
profit.
"Seul
l'inutile
représente
la
valeur
d'usage
étiolée"
résume
Adorno.
La
raillerie
de
Marx
rappelée
par
Adorno
à
propos
de
l'échec
commercial
du
Paradis
perdu
de
Milton
comme
"travail
socialement
utile"
est
"la
défense
la
plus
forte
de
l'art
contre
sa
fonctionnalisation
bourgeoise".
L'œuvre
d'art
combat
contre
cette
"fonctionnalisation
bourgeoise"
-‐
l'être-‐pour-‐autre-‐chose
-‐
et
la
rationalité
fin-‐
moyen
de
l'utilité[419].
Ce
fétichisme
de
l'autonomie
se
retrouve
dans
le
principe
de
l'art
pour
l'art
qui
suppose
que
l'œuvre
d'art
se
suffirait
à
elle-‐même[420].
Pour
l'éviter
et
retrouver
le
regard
adéquat
d'un
double
caractère
de
l'œuvre
d'art,
Adorno
propose
comme
modèle
expérimental
de
la
regarder
de
l'extérieur,
dans
son
insertion
sociale,
comme
ambiance
par
exemple,
qui
est
la
négation
marchande
de
l'ennui
causé
par
le
monde
des
marchandises,
comme
divertissement
et
donc
finalité
sociale[421].
Il
est
répété
sur
le
modèle
qui
a
été
vu
de
la
naturalisation
de
l'art
à
fin
d'écarter
sa
fonction
critique,
et
ce
selon
les
trois
axes,
de
la
nature
en
tant
que
tel,
du
génie
et
de
l'intuition.
La
nature
comme
phénomène
et
non
plus
comme
objet
d'action,
à
savoir
manipulée
et
exploitée
sans
égard,
n'existe
encore
qu'à
l'état
de
signe
et
le
fétichisme
qui
lui
est
attaché
n'a
pas
lieu
d'être
et
n'est
que
"le
masque
affirmatif
d'une
fatalité
sans
fin"[422].
C'est
ce
fétichisme
de
la
nature
qui
est
répété
sur
le
génie
comme
nature,
comme
garantissant
la
riche
nature
du
sujet,
la
richesse
de
la
culture
et
sa
disponibilité
dans
la
profusion
de
ses
marchandises.
Pour
cela,
l'artiste
génial
est
représenté
comme
sujet
séparé,
abstrait,
alors
que
le
fait
de
la
technique
le
ramène
à
sa
finitude
concrète,
et
cela
finit
par
mettre
l'essentiel
sur
l'artiste
et
non
plus
sur
les
œuvres[423].
L'artiste
comme
individu
derrière
l'œuvre
est
fétichisé
comme
vérité
de
l'œuvre,
et
ce
à
but
commercial,
pour
faciliter
la
vente
de
ses
œuvres
comme
articles
de
consommation,
puisque
chacune
de
ses
productions
sera
a
priori
une
réussite,
l'artiste
étant
identifié
à
une
bonne
nature
fonctionnant
naturellement
et
produisant
naturellement
de
bon
produits[424].
C'est
enfin
la
doctrine
réduisant
l'œuvre
d'art
à
n'être
qu'intuitive
qui
devient
fétichiste,
en
attribuant
indûment
à
l'intuition
immédiate
des
effets
qui
ne
se
produisent
que
grâce
à
l'agencement
rationnel
des
éléments
constituant
l'œuvre[425].
Ce
fétichisme
se
prolonge
en
répondant
au
désir
bourgeois
que
l'œuvre,
devant
servir
à
quelque
chose,
prenne
comme
valeur
d'usage
le
plaisir
sensuel
qu'elle
doit
procurer,
et
ce
en
hypostasiant
la
différenciation
sensuelle,
là
où
celle-‐ci
ne
suffit
pas
et
où
une
structuration
est
nécessaire
pour
servir
la
valeur
spirituelle
de
l'œuvre
qui
est
ici
négligée
[426].
3.5.3
Le
fétichisme
de
l'objectivation
L'objectivation,
le
processus
artistique
qui
mène
à
fabriquer
un
objet
cohérent
en
soi,
est
perçu
de
l'extérieur,
comme
le
fétichisme
de
l'art.
Cependant,
elle
est
sociale
comme
produit
de
la
division
sociale
du
travail[427].
Ce
qui
est
vu
de
l'extérieur,
c'est
le
fait
que
par
cette
objectivation,
l’œuvre
a
tendance
à
se
figer
et,
en
cela,
à
renier
la
dynamique
des
forces
qui
se
joue
dans
l'œuvre.
Ce
processus
s'oppose
donc
au
concept
de
l'œuvre
d'art
qui
est
de
saisir
l'instant
fugitif
d'un
processus
vivant,
en
ce
qu'il
aspire
à
constituer
une
unité
reposant
en
elle-‐même,
comme
une
réalité
en
soi,
fermée,
là
où
son
ouverture
seule
lui
permet
de
dépasser
la
réalité
empirique,
d'établir
une
distance
avec
elle.
Si
ce
lien
tendu
avec
cette
réalité
empirique
vient
à
être
rompu,
elle
ne
se
réduit
plus
qu'à
une
forme
vide
de
sens,
et
retombe
dans
la
réalité
empirique,
chose
sociale
parmi
d'autres,
marchandise
parmi
les
marchandises[428].
Cette
objectivation
la
rapproche
donc
dangereusement
de
la
chose
sociale,
et
entraîne
la
fausseté
de
la
"fétichisation
de
ce
qui
est
processus
et
instant".
Ce
risque
est
cependant
nécessaire,
ce
n'est
qu'en
tant
qu'objectivée
qu'elle
gagne
son
autonomie[429].
La
volonté
de
durer
de
l'œuvre,
de
garder
ce
lien
tendu
à
la
réalité
empirique,
au
sein
de
son
autonomie
peut
se
muer
en
fétichisme
de
la
durée
qui
étouffe
l'œuvre
d'art
par
cette
exigence
d'inaliénabilité[430].
3.5.4
Le
fétichisme
des
moyens
techniques
Le
fétichisme
des
moyens
techniques
qui
concerne
l'art
comme
la
production
sociale
et
qui
substitue
les
moyens
aux
fins
desquelles
ils
sont
au
service,
provient
de
la
rationalité
pragmatique,
qui
réagit
suivant
le
principe
de
la
conservation
de
soi,
et
de
finalités
prochaines
en
finalités
prochaines,
est
obnubilée
par
ses
moyens.
L'art
y
participe
mais
de
manière
légitime
en
ce
que
c'est
grâce
au
métier
que
l'étendue
des
solutions
possibles
pour
l'œuvre
en
cours
est
limité.
Cependant
le
comportement
de
la
société
capitaliste
qui
masque
l'irrationalité
de
sa
confusion
des
moyens
rationnels
et
des
fins[431]
ne
laisse
pas
l'art
à
l'abri.
Le
symptôme
le
plus
récent
pour
Adorno
de
cette
fétichisation
de
la
rationalisation
des
moyens,
où
les
moyens
deviennent
des
fins
en
soi,
est
la
présentation
de
schémas
d'œuvre,
de
projets[432].
La
force
productive
technique
se
présente
mais
ne
se
réalise
pas.
Le
risque
est
le
règne
d'une
technocratie,
règne
de
la
domination.
La
valeur
de
toute
construction
ne
tient
cependant
pas
à
elle-‐même
mais
à
la
place
qu'elle
occupe
dans
son
rapport
au
contenu
de
vérité,
sa
finalité,
dans
l'œuvre
[433].
Lorsque
le
rapport
à
la
praxis
devient
ainsi
fétichiste,
en
devenant
simple
pour
soi,
en
oubliant
son
idée
même
qui
est
d'être
pour
autre
chose,
elle
trahit
sa
finalité
de
prêter
sa
voix
à
la
douleur
du
monde,
son
horizon
incertain,
le
bonheur,
comme
"centre
de
force
de
l'art
et
de
la
théorie"[434].
C'est
pourquoi
tout
progrès
en
art,
pour
ne
pas
être
fétichisé,
doit
être
confronté
à
son
contenu
de
vérité[435].
De
même
que
l'abandon
à
la
seule
technique
n'aboutit
à
aucune
œuvre
sinon
une
forme
vide,
la
croyance
nominaliste,
issue
de
son
refus
de
la
forme
comme
être-‐en-‐soi
spirituel,
est
fétichiste
en
donnant
à
l'œuvre
des
pouvoirs
qu'elle
n'a
pas,
à
savoir
en
croyant
que
l'œuvre
s'organisera
d'
"en-‐bas",
par
sa
seule
force,
en
s'abandonnant
complètement
à
elle[436].
Enfin
suivant
le
même
schéma
fétichiste
de
croire
que
l'élément
fétichisé
va
produire
de
lui-‐même,
avec
ses
propres
pouvoirs,
l'œuvre,
c'est
la
catégorie
même
de
nouveau
qui
le
devient
sur
modèle
de
la
marchandise
qui
doit
toujours
se
renouveler.
Elle
vient
à
être
recherchée
pour
elle-‐même,
comme
un
caractère
indépendant.
Ce
fétichisme
est
à
critiquer
dans
la
chose
même
et
peut
souvent
l'être
dans
des
œuvres
où
des
moyens
nouveaux
côtoient
des
fins
anciennes.
Une
nouveauté
qui
reste
abstraite
prend
le
risque
du
toujours
semblable,
et
la
volonté
du
nouveau
s'associe
au
toujours
semblable
du
mythe
car
viser
la
non-‐identité
revient
à
l'identification
tentée
du
non-‐identique.
C'est
la
perte
de
l'évidence
de
l'art
qu'illustre
sa
problématisation
comme
objet
fabriqué
qui
devrait
pourtant
exister
pour
lui-‐même
qui
conduit
ainsi
à
la
fétichisation,
car
le
nouveau,
voulu,
mais
comme
autre,
serait
le
non-‐voulu
[437].
3.6
Réification
Cette
notion
largement
utilisée
par
Adorno
est
présente
chez
Marx
mais
a
été
développé
spécifiquement
par
Lukacs
dans
Histoire
et
conscience
de
classe
en
1926,
qui
a
influencé
le
marxisme
dit
occidental[438].
Cette
notion
déborde
selon
E.Balibar[439]
l'usage
marxien
où
les
rapports
personnels
sont
remplacés
et
représentés
par
les
rapports
entre
marchandises,
en
ce
que
"l'objectivité
marchande"
devient
"le
modèle
de
toute
objectivité"
et
"l'objectivation
[…]
s'étend
à
toutes
les
activités
humaines".
Le
texte
d'Adorno
sur
son
expérience
des
Etats-‐Unis
Expériences
scientifiques
d'un
universitaire
européen
en
Amérique
donne
des
exemples
de
la
réification
du
côté
de
l'objet
:
la
standardisation,
la
transformation
de
créations
artistiques
en
biens
de
consommation,
la
pseudo-‐
individualisation
calculée;
et
du
côté
du
sujet
:
le
caractère
manipulable
de
la
conscience
et
son
incapacité
de
faire
une
expérience
spontanée[440].
La
réification
est
une
fixation,
conformément
à
l'étymologie
qui
indique
la
transformation
en
chose,
res
en
latin,
ce
qui
s'oppose
au
devenir
ouvert,
fluant
et
changeant
de
la
vie,
connotant
donc
la
mort,
et
dont
la
visée
est
l'immuabilité
et
inéluctabilité
de
l'existant[441].
En
figeant
les
aspects
qualitatifs,
une
manipulation
et
l'insertion
dans
des
calculs
devient
possible.
Ceci
peut
être
illustré
par
le
cas
de
l'individu
qui,
salarié,
peut
être
réduit
lors
de
sa
notation
annuelle
à
un
salaire,
un
certain
nombre
de
compétences,
de
'qualités
humaines'
avec
une
note
sur
une
échelle,
etc.
afin
de
décider
de
son
avenir
dans
l'entreprise.
Mais
aussi
par
cette
même
précédente
illustration
faisant
de
l'
'individu',
l'exemplaire
d'un
cas
abstrait,
le
cas
justement
donné
ci-‐dessus.
Enfin
cela
peut
être
illustré
par
un
mémoire
sur
l'utilisation
adornienne
des
concepts
issus
de
Marx,
qui
comptabiliserait
leur
nombre
d'occurrences,
et
qui
sur
la
base
d'une
statistique
en
conclurait
au
'centre'
de
cette
utilisation.
La
cause
de
cette
réification
est
essentiellement
pour
Adorno,
le
caractère
universel
de
la
forme
marchandise
affectant
au
premier
chef
les
relations
entre
les
hommes,
car
elle
est
la
"réflexion
d'un
rapport
de
travail
comme
s'il
était
objectif"[442].
Son
usage
dans
la
Théorie
esthétique
est
double
et
répond
exactement
au
double
caractère
du
fétichisme
présenté.
D'un
côté,
c'est
la
réification
occasionnée
par
les
rapports
marchands
et
qui
consiste
en
une
perte
de
capacité
à
faire
des
expériences
dont
le
contenu
ne
soit
pas
déjà
recouvert
par
des
catégories
les
déterminant.
De
l'autre,
c'est
la
réification
nécessaire
de
l'œuvre
d'art.
3.6.1
Affaiblissement
et
déformation
de
la
capacité
d'expérience
Le
phénomène
de
la
réification
touche
le
rapport
du
sujet
à
son
autre.
Adorno
caractérise
cette
conscience
réifiée
par
trois
traits.
D'abord
la
conscience
réifiée
est
une
conscience
sans
effroi,
c'est
à
dire
qui
n'est
plus
touchée
par
l'autre,
ce
qui
est
une
condition
de
la
connaissance
qui
se
trouve
relié
par
là
à
l'amour
pour
les
choses,
à
l'Eros[443].
Ensuite,
incapable
de
ressentir
cet
autre,
la
conscience
réifiée
suppose
son
immuabilité
et
inéluctabilité.
C'est
en
ce
sens
une
conscience
mythique,
c'est
à
dire
une
conscience
qui
ne
voit
dans
l'autre
que
du
toujours
semblable.
Elle
se
trouve
ainsi
par-‐delà
les
âges
mise
en
relation
avec
le
charme
antique[444].
Enfin
l'origine
de
cette
conscience
qui
n'est
plus
touchée
par
l'autre
est
localisée
dans
l'abstraction
impliquée
par
le
système
marchand
:
abstraction
du
travail
et
de
la
valeur
du
produit
par
le
temps
de
travail
qui
pose
des
grandeurs
calculables
et
en
premier
lieu
l'individu
réduit
à
sa
force
de
travail.
La
société
finit
par
assujettir
le
sujet
lui
imposant
des
modèles
modelés
socialement
de
ce
rapport
à
l'autre.
C'est
le
cas
de
l'individu
qui
est
regardé
par
l'employeur
comme
une
force
de
travail.
La
réification
a
augmenté
à
l'époque
bourgeoise,
car
après
les
conventions
féodales,
c'est
l'ensemble
de
l'expérience
qui
devient
conventionnelle[445]
alors
que
celle
de
la
nature
était
encore
possible
à
l'époque
de
Kant,
ce
dont
son
esthétique
du
sublime
témoigne.
Ce
sont
alors
le
rapport
au
prochain,
à
la
nature,
et
à
l'art
qui
se
trouvent
réifiées
et
la
science
positiviste
se
fait
le
modèle
de
ce
rapport
en
surestimant
le
quantitatif
parce
qu'il
est
mesurable
et
calculable,
au
détriment
du
qualitatif
insaisissable[446].
Dans
le
domaine
des
relations
entre
les
hommes,
des
modèles
de
ces
modèles
imposés
se
décèlent
dans
des
expériences
du
type
de
celle
du
visage
d'une
jeune
fille
que
l'on
ne
peut
voir
sans
penser
à
la
star
sur
le
modèle
de
laquelle
il
a
été
fait,
ou
du
type
de
celle
de
la
perception
de
la
nature
modifiée
selon
Proust
par
Renoir,
ce
qui
suppose
qu'on
a
besoin
d'un
modèle
pour
faire
l'expérience[447].
L'expérience
de
la
nature,
quant
à
elle,
ne
peut
plus
être
immédiate,
puisqu'elle
est
intégrée
dans
l'industrie
touristique[448]
qui
médiatise
chaque
regard
porté
par
un
panneau
indicateur.
Dans
le
domaine
de
l'art
enfin,
cette
incapacité
à
l'expérience
se
lit
dans
sa
vision
dichotomique
de
l'œuvre
d'art
prodiguant
du
plaisir
et
un
message,
et
dans
son
incompréhension
de
l'art
moderne
qui
raconte
justement
le
'destin'
de
cette
conscience
réifiée.
La
dichotomie
évoquée
se
formule
quant
au
plaisir
censé
être
prodigué
par
l'art
comme
le
fait
que
l'absence
d'un
lien
sensible
immédiat
au
monde
entraîne
que
la
conscience
projette
ce
besoin
sensible
sur
l'art
comme
ersatz,
dont
elle
se
convainc
de
se
satisfaire
contre
elle-‐même,
contre
la
possibilité
d'une
vraie
satisfaction
sensible[449].
Quant
au
'message',
cette
notion
tend
à
réifier
le
rapport
dialectique
entre
le
contenu
philosophique
et
la
technique
en
une
dichotomie
figée,
permettant
de
rendre
le
contenu
philosophique,
le
caractère
spirituel
de
l'œuvre,
ainsi
mutilé,
détachable
sous
la
forme
d'un
message[450],
d'une
"donnée
positiviste",
manipulable
et
trafiquable[451]
C'est
l'amputation
du
contenu
de
l'œuvre
là
où
le
lieu
de
l'esprit
est
dans
la
configuration
de
ses
composantes[452].
Pour
Mahler,
une
telle
formulation
détachable
serait
"l'absolu
est
pensé,
senti,
ardemment
désiré,
mais
n'existe
pas.
Mahler
n'ajoute
pas
foi
à
la
preuve
ontologique
de
Dieu,
que
presque
toute
la
musique
antérieure
répétait
sans
réfléchir.
Tout
pourrait
être
juste,
et
est
néanmoins
perdu
:
c'est
à
cela
que
répond
le
tressaillement
de
sa
musique."
Mais
Adorno
ajoute
que
seule,
cette
formulation
n'atteint
pas
l'œuvre,
ni
celui
qui
l'a
lit
pour
qui
elle
prend
une
allure
abstraite.
Ce
n'est
que
dans
sa
concrétion
qu'elle
prend
son
corps
et
agit
sur
le
sujet[453].
L'idéalisme
absolu
de
Hegel
a
participé
à
ce
mouvement
en
hypostasiant
l'esprit
dans
sa
métaphysique,
ce
qui
le
réifie
et
cela
finit
par
le
réduire
à
"l'idée
cernable"[454].
Le
matérialisme
au
contraire
ne
signifie
pas
que
l'esprit
doive
être
écarté
ou
rabattu
sur
la
matière
mais
que,
contrairement
à
l'idéalisme,
il
ne
soit
pas
hypostasié
et
réifié,
isolé
abstraitement
par
ce
biais,
et
que
sa
réalisation
nécessite
son
moment
contraire,
la
choséité
[455].
Une
fois
le
contenu
devenu
insaisissable,
c'est
le
mouvement
historique
des
œuvres
d'art
en
soi
qui
se
trouve
réduit
à
la
position
historique
des
spectateurs
par
rapport
à
elles,
alors
que
son
mouvement
essentiel
est
interne
et
figure
une
sorte
de
vie
:
disparitions
successives
de
ses
couches,
dissociation
de
sa
loi
formelle,
durcissement
une
fois
transparente,
vieillissement,
extinction[456].
Quant
au
rapport
d'incompréhension
de
la
conscience
réifiée
à
l'art
moderne,
il
se
lit
d'abord
comme
l'accusation
portée
de
la
part
de
cette
conscience
réifiée
comme
quoi
l'art
moderne
gagné
par
la
spiritualisation
se
serait
aliéné
sa
part
naturelle,
comme
en
témoignerait
sa
tendance
vers
le
non-‐figuratif.
Cette
représentation
est
erronée
en
tant
que
le
monde
n'étant
plus
accessible
qu'à
travers
des
verres
déformants
conçus
par
la
fabrique
sociale,
et
la
nature
ayant
été
elle-‐même
déformée
par
son
ravalement
au
niveau
de
la
matière,
c'est
par
la
formation
de
son
en-‐soi,
son
autonomie
que
l'art
peut
rejoindre
le
plus
adéquatement
la
nature,
c'est
à
dire
par
ce
que
l'on
pourrait
appeler
une
imitation
intérieure
et
non
une
imitation
extérieure[457].
La
logique
des
choses
coutumières
étant
rejetée
par
les
œuvres
modernes,
elles
deviennent
impopulaires,
comme
les
œuvres
expressives
de
la
seconde
école
de
Vienne[458]
qui
n'ont
pas
à
être
rejeté
par
un
matérialisme
non
exigeant,
sous
prétexte
de
ne
pas
être
immédiatement
populaire,
car
elle
représente
une
provocation
critique
de
la
réification
bourgeoise
par
le
geste
de
briser
cette
logique
coutumière[459].
C'est
n'est
d'ailleurs
plus
que
sous
forme
d'irruptions
sous
la
forme
par
exemple
de
l'irritation
que
suscitent
les
œuvres
d'art
modernes
hermétiques
que
la
rupture
possible
de
la
conscience
réifiée
devient
possible,
et
donc
par
une
sorte
de
communication
de
l'incommunicable,
en
tant
que
la
communication
a
elle
aussi
été
réifiée
et
ne
permet
plus
que
d'échanger
des
paroles
convenues[460].
Cette
incompréhension
de
l'art
moderne
engage
alors
un
processus
qu'Adorno
a
appelé
de
désartification
dont
les
deux
pôles
sont
le
rapport
entre
le
sujet
et
l'objet,
réduit
à
un
rapport
projectif,
et
la
transformation
des
œuvres
en
choses
parmi
les
choses.
L'élément
mimétique
propre
aux
œuvres
d'art
qui
leur
font
être
semblables
à
leur
autre,
société
comme
seconde
nature,
ou
propre
au
sujet
qui
regarde
l’œuvre
d'art
et
cherche
à
se
faire
semblable
à
elle
pour
la
comprendre,
repose
sur
l'affinité
du
sujet
pour
l'objet.
Le
caractère
universel
de
la
forme
marchandise
ayant
réifié
cet
élément,
il
finit
par
se
réduire
à
la
projection
du
sujet
sur
l'objet,
projection
qui
disqualifie
l'objet,
l'œuvre
d'art
en
question.
Ce
regard
qui
fait
de
l'œuvre
le
support
de
l'écho
de
soi,
en
faisant
s'évanouir
les
qualités
propres
de
l'objet
est
la
désartification
de
l'art,
tendance
à
la
suppression
des
caractères
spécifiquement
esthétiques
de
l'œuvre[461].
Un
doute
finit
par
planer
même
sur
l'art
moderne.
En
effet,
il
reste
difficile
à
distinguer
dans
le
rejet
de
l'expression
si
elle
vient
d'une
conscience
réifiée
ou
si,
convaincue
de
l'impossibilité
d'une
expression
immédiate
se
réfugie
dans
une
expression
inexpressive
comme
des
"pleurs
sans
larme"
.
Adorno,
dans
la
fin
des
années
soixante,
ne
voyait
ainsi
comme
seule
possibilité
d'expression
que
celle
qui
indirectement
se
meut
"au
travers
de
la
structure
aliénée
et
mutilée
des
choses"[462].
Kafka
en
constitue
ainsi
un
modèle,
celui
d'une
mimésis
de
cette
réification,
avec
sa
prose
au
style
objectif.
Par
l'écart
entre
cette
prose
et
les
situations
extraordinaires
narrées,
l'aveuglement
social
est
perçu[463].
Enfin,
la
conscience
réifiée
finit
par
atteindre
l'esthétique
dans
le
relativisme
qui
rejette
la
prétention
de
l'art
à
la
vérité.
Il
est
réifié
en
tant
que
détaché
de
la
chose
dont
il
est
question,
réflexion
sur
soi
qui
ne
sait
plus
faire
l'expérience
de
l'objet.
Adorno
y
oppose
que
"les
questions
techniques
peuvent
être
tranchées"
et
donc
que
par
ce
biais
l'expérience
de
l'objet
peut-‐être
retrouvée[464].
3.6.2
La
nécessité
et
les
risques
de
l'objectivation
artistique
La
réification
de
l'œuvre,
sa
transformation
en
chose
par
la
technique
objectivante
est
nécessaire
pour
sauver
dans
la
durée
le
fugitif,
l'éphémère,
qui
passent
dans
les
impulsions
mimétiques,
éphémère
qui
sinon
partirait
dans
l'oubli[465].
Son
modèle
est,
en
tant
qu'éphémère
échappant
au
destin
d'être
une
chose
morte,
le
feu
d'artifice
-‐
qui
brille
puis
s'évanouit[466]
et
sa
première
réalisation
probable
est
la
tentative
de
représentation
du
mouvement
dans
les
peintures
rupestres
qui
peut
être
interprétée
comme
une
première
résistance
contre
la
réification[467].
L'œuvre
d'art
vise
donc
l'horizon
d'un
langage
des
choses,
en
réduisant
par
la
technique
la
contingence
du
sujet
et
sa
seule
réalité
psychique[468].
Elle
est
cependant
antinomique
en
ce
que
l'intégration
croissante
des
éléments
mimétiques,
avec
l'horizon
de
devenir
une
simple
chose,
s'oppose
à
l'expression
humaine
qui
a
pourtant
besoin
de
cette
réification
sans
laquelle
elle
ne
serait
plus
qu'impulsion
subjective
impuissante,
sombrant
dans
la
réalité
empirique.
C'est
d'ailleurs
cette
chose
humaine,
cette
impulsion
qui
cherche
à
se
mouvoir
derrière
la
réification
du
sujet,
qui
pousse
son
impuissance
à
s'exprimer
sous
forme
de
langage.
La
réification
est
limitée
par
le
rudiment
mimétique
comme
représentant
de
la
vie
intacte
au
sein
de
la
vie
mutilée[469].
Cette
antinomie
se
répète
comme
celle
du
désir
d'éternité
auquel
la
réification
prétend
donner
accès
et
"le
caractère
éphémère
de
ce
qui
dans
le
temps
s'instaure
comme
réalité
durable"[470].
La
crise
entre
la
sphère
de
réception
et
la
production
se
situe
alors
dans
le
fait
que
l'importance
donnée
à
l'intuition
comme
"réflexe
dirigé
contre
la
réification
sociale",
comme
désir
de
retrouver
une
forme
d'immédiateté
dans
un
monde
des
marchandises
qui,
orienté
selon
le
principe
abstrait
de
l'échange,
l'empêche,
est
mis
en
échec
par
la
réification
à
l'œuvre
dans
l'art,
comme
ce
qui
permet,
par
une
synthèse
d'éléments
en
rapport
de
forces,
de
lui
donner
une
forme
objective.
L'intuition
ne
peut
accéder
immédiatement
à
l'œuvre
objectivée
aux
moyens
d'éléments
de
pensée.[471],
ni
l'imagination
s'introduire
librement
au
sein
de
l'exigence
constructive[472].
Ce
qui
se
meut
dans
la
réalisation
de
cette
construction
est
alors
la
part
spirituelle
de
l'homme,
sa
"force
d'objectivation"[473]
qui
se
fixe
dans
l’œuvre.
La
réification
est
en
cela
élaboration
spirituelle[474]
et
s'oppose
par
cette
réalité
non-‐chosale
qu'est
l'esprit,
à
la
réalité
chosifiée[475].
L'idée
de
classicité
[476]
se
comprend
comme
propre
aux
œuvres
dont
l'objectivation
a
le
mieux
réussi.
L'art
moderne
depuis
Baudelaire
se
caractérise
la
protestation
de
l'art
contre
la
réification
dans
le
monde
moderne
et
sa
critique
se
développe
par
l'expérimentation
des
archétypes
de
cette
réification
par
le
moyen
de
la
forme
poétique[477].
"Les
œuvres
modernes
s'abandonnent
mimétiquement
à
la
réification,
à
leur
principe
de
mort",
à
savoir
au
fait
qu'en
extrayant
des
éléments
de
la
réalité
empirique
et
en
les
objectivant
dans
l’œuvre,
ces
éléments,
perdant
leur
immédiateté,
perdent
l'immédiateté
de
leur
vie[478].
Les
risques
de
cette
opération
d'objectivation
sont
en
premier
lieu
l'expulsion
radicale
du
sujet
et
donc,
la
finalité
d'exprimer
la
douleur
du
sujet
étant
reniée,
elles
retombent
dans
la
réalité
empirique.
Cette
réification
des
œuvres
à
la
"littéralité
barbare"
est
une
conséquence
du
refus
de
l'apparence
esthétique,
s'identifiant
par
là
à
ce
qui
est,
à
la
chosalité,
en
expulsant
toute
trace
du
sujet,
de
l'humanité.
C'en
est
ainsi
de
la
"toile
et
matériau
sonore
brut"
qui
ne
peuvent
plus
camoufler
leur
réalité
et
qui
se
confondent
ainsi
avec
le
principe
de
réalité
et
d'adaptation,
supprimant
la
distance
au
monde.
Or
selon
Adorno,
l'œuvre
d'art
qui
n'est
pas
identique
à
la
réalité
empirique,
qui
s'en
détache,
perd
dans
ce
mouvement
sa
littéralité[479].
Il
faudrait
étudier
dans
le
cadre
de
cette
analyse
si,
au-‐delà
de
son
illustration
par
le
happening,
elle
s'applique
au
mouvement
plastique
'Support
Surfaces'
qui
cherche
à
montrer
le
matériau
brut
(le
cadre,
la
toile,
etc.)
et
à
D.Buren
qui
à
la
fin
des
années
soixante
expose
de
la
toile
pré-‐rayée
de
bandes
verticales
blanches
et
colorées
de
8,7
cm
et
dont
les
deux
extrêmes
sont
recouverts
de
peinture
blanc
mat,
et
ce
pour
ne
pas
imposer
au
spectateur
les
débordements
de
son
imagination
mais
lui
donner
à
voir
ce
qui
est
simplement
là[480].
En
art
le
positivisme
guette
ainsi
les
œuvres
qui
rejettent
le
sens,
comme
sens
emphatique
de
l'existence,
car
cela
peut
constituer
une
résignation,
"consistant
en
des
sentences
protocolaires
[…]
s'adaptant
à
la
réalité
donnée"[481]
et
dont
la
technicité
se
fige
en
"habileté
tournant
à
vide"
par
l'oubli
de
sa
raison
d'être,
de
ne
pas
être
pour
soi,
bien
que
ce
moment
de
fixation
sur
les
moyens
ait
pu
se
justifier
auparavant
comme
réaction
contre
la
prétention
à
l'œuvre
de
s'organiser
naturellement
comme
un
organisme[482].
Ces
œuvres
s'abandonnent
alors
à
la
conscience
réifiée,
elles
deviennent
indifférentes
au
matériau
sensible
et
se
réduisent
au
complément
subjectif
juste
nécessaire
à
effectuer
le
calcul[483].
3.7
Aliénation
3.7.1
Aliénation
comme
étrangeté
à
soi
et
comme
puissance
déterminante
La
notion
d'aliénation
est
reprise
par
Adorno
à
la
suite
de
Hegel,
Feuerbach
et
Marx,
pour
décrire
deux
phénomènes,
celui
de
l'étrangeté
d'un
monde
comme
d'une
puissance
étrangère
sur
laquelle
on
n'a
pas
de
prise,
qui
s'impose
à
soi,
et
ce
jusqu'au
plus
intimes
déterminations
de
l'individu,
étrangeté
plus
ou
moins
explicite
pour
celui-‐ci.
Ce
monde,
c'est
la
société
qui
est
figée
en
seconde
nature,
une
puissance
face
à
l'impuissance
de
l'individu[484].
L'aliénation
est
alors
le
signe
d'une
dépossession
du
monde
et
de
soi,
qui
se
comprend
en
rapport
avec
les
notions
de
réification
et
de
liberté
du
sujet.
Adorno
montre
son
influence
sur
la
production
pour
la
sphère
du
divertissement
et
la
sphère
artistique,
et
son
influence
sur
les
comportements
typiques
vis
à
vis
de
l'art.
C'est
l'occasion
pour
lui
de
défendre
l'art
moderne
qui
peut
présenter
un
aspect
hermétique
face
à
l'art
directement
engagé,
comme
un
art
dont
l'absence
de
concessions
et
l'exigence
en
font
un
art
essentiellement
critique,
en
particulier
de
l'espace
musical
ouvert
par
Schönberg
dans
lequel
il
s'est
lui-‐même
engagé
par
la
critique
et
la
composition[485].
Sans
se
pencher
spécifiquement
sur
les
facteurs
déterminants
de
cette
aliénation,
question
qui
a
fait
que
cette
notion
a
perdu
son
aspect
plus
ou
moins
central
chez
le
Marx
d'avant
l'Idéologie
allemande
pour
ne
plus
désigner
qu'un
phénomène
par
rapport
auquel
ce
qui
importait
était
d'en
expliquer
la
genèse[486],
Adorno
répond
à
l'exigence
de
n'en
pas
rester
à
l'énoncé
de
l'aliénation
en
la
spécifiant
selon
son
influence
dans
la
sphère
esthétique.
3.7.2
Influence
sur
la
sphère
du
divertissement
La
sphère
du
divertissement
est
le
lieu
de
ce
qu'Adorno
nomme
la
désartification,
la
perte
du
caractère
artistique.
La
tendance
à
cette
désartification[487]
rend
compte
du
mouvement
qui
consiste
à
rendre
proche
des
hommes
les
œuvres
par
l'adaptation
par
exemple,
comme
la
pratique
de
coupures
dans
une
symphonie
pour
ne
retenir
que
les
passages
les
plus
'efficaces'
ou
'impressionnants',
et
en
faire
des
'compilations'[488].
Or
cette
pratique
de
ce
qu'Adorno
et
Horkheimer
ont
nommé
l'industrie
culturelle,
nom
qui
annonce
bien
ce
dont
il
s'agit,
à
savoir
la
sphère
de
production
de
type
industrielle
de
biens
culturels,
témoigne
de
ce
qui
a
été
enlevé
à
la
plupart
des
hommes,
la
capacité
de
faire
sa
propre
expérience
d'un
phénomène
différent
de
soi,
de
son
ordinaire.
L'expérience
de
l'individu
réduite
à
la
réaction
stéréotypée
après
inculcation
n'est
plus
vraiment
une
expérience
en
ce
qu'elle
répète
ces
schémas
appris.
L'identité
concrète
de
l'individu,
ce
qui
lui
est
propre
et
qui
lui
permettrait
de
faire
cette
expérience
a
été
refoulé
et
substitué
par
une
identité
artificielle
dont
l'intérêt
pour
l'industrie
culturelle
est
la
manipulation
plus
aisée
à
fin
de
profit.
Car
si
le
calcul
statistique
lui
permet
de
déterminer
des
profils
et
en
vis
à
vis
leur
goût,
la
consommation
de
ses
produits
sera
assurée
comme
la
réussite
financière.
Les
productions
télévisuelles
qui
reproduisent
sans
scénario
élaboré
la
propre
vie
des
individus
est
plus
proche
du
spectateur,
ne
lui
demandent
que
peu
d'effort
puisque
se
schémas
de
pensée
lui
sont
restitués
devant
lui
-‐
qu'un
film
dit
d'
'art
et
d'essai'
qui
demande
un
effort
intellectuel.
et
un
certain
niveau
culturel
-‐
et
donc
aussi
un
rapport
de
classe.
3.7.3
Influence
sur
la
production
artistique
et
l'art
moderne
La
sphère
de
la
production
artistique
se
distingue
de
la
précédente
en
ce
que
l'œuvre
d'art
instaure
une
distance
avec
la
réalité
empirique,
à
savoir
le
monde
quotidien
de
la
pratique
-‐
vie
professionnelle,
loisirs
et
même
vie
privée
-‐
réglée
suivant
les
principes
d'échange,
de
conservation
de
soi
et
de
rationalité
coordonnant
des
moyens
à
des
fins
particulières
données.
Cette
distance
s'expérimente
d'abord
par
le
fait
que
chaque
œuvre
est
découvre
un
certain
monde
-‐
ainsi
en
est-‐il
immédiatement
pour
la
littérature
ou
la
peinture
mais
pour
la
musique
aussi
comme
monde
au
moins
sonore.
Le
rapport
instauré
avec
le
phénomène
d'aliénation
va
alors
distinguer
les
productions.
Selon
Adorno,
l'art
moderne
a
été
celui
qui
n'a
pas
refoulé
ce
phénomène
en
donnant
à
penser
que
l'individu
vivait
harmonieusement
dans
et
avec
ce
monde
qui
lui
semblait
sien,
en
répondant
harmonieusement
à
chacune
de
ses
impulsions,
mais
qui
en
porte
les
stigmates.
"L'art
est
moderne
grâce
à
la
mimésis
de
ce
qui
est
durci
et
aliéné"[489].
L'aliénation
sociale
est
reprise
par
l'art
moderne
qui
ne
peut
que
refuser
toute
belle
forme
harmonieuse.
Sa
forme
est
brisée
comme
la
brisure
séparant
le
sujet
du
monde
-‐
de
l'objet
-‐,
témoignage
de
l'aliénation[490].
L'aliénation
et
auto-‐aliénation
du
jeune
Marx[491]
signifie
pour
Adorno
la
situation
antagoniste
qui
est
un
moteur
de
l'art
moderne
sans
que
l'art
en
soit
une
copie
ou
une
reproduction.
La
dénonciation
de
la
situation
se
fait
par
son
transfert
dans
l'image
-‐
l'imago
-‐
où
une
liberté
est
gagnée
là
où
dans
la
réalité
cette
liberté
dans
la
réalité
se
fait
encore
attendre[492].
Du
point
de
vue
historique,
et
donc
non
selon
l'idée,
Adorno
fait
référence,
pour
la
notion
d'art
moderne,
aux
œuvres
qui
viennent,
en
littérature,
après
Baudelaire
et
son
intention
de
s'immerger
dans
le
monde
capitaliste
moderne;
en
musique,
après
Schönberg
qui
va
ouvrir
à
la
complète
atonalité
et
au
dodécaphonisme;
en
peinture,
après
Manet
qui
ouvre
à
l'impressionnisme.
D'une
manière
plus
générale,
c'est
un
art
d'après
la
féodalité,
de
l'installation
définitivement
dominante
du
monde
bourgeois
et
du
capitalisme.
C'est
l'art
des
débuts
de
la
forme
aliénée
de
la
vie
où
des
puissances
extérieures
déterminent
le
plus
intime
de
l'individu[493].
Selon
l'idée,
l'art
moderne
"s'éloigne
de
la
logique
des
choses
coutumières
et
englobe
les
produits
de
la
culture
de
masse,
marqués
au
fer
du
profit"
[494].
A
partir
de
l'expérience
de
cette
aliénation,
cet
art
moderne,
par
mimésis,
devient
éloquent
en
en
étant
l'expression,
à
la
différence
d'un
art
qui
refuserait
cette
réalité
en
faisant
croire
à
une
autre,
et
tomberait
ainsi
dans
l'idéologie[495].
L'aliénation
va
de
pair
avec
la
chosification
-‐
Versachlichung
-‐
ou
la
réification
-‐Verdinglichung
-‐
en
ce
que
ce
qui
a
été
perdu
et
qui
faisait
la
valeur
de
la
vie,
à
savoir
la
capacité
à
faire
une
expérience
-‐
de
la
nature,
de
l'autre,
du
monde,
de
l'art,
de
soi,
de
ses
impulsions
-‐
est
remplacé
par
la
capacité
à
répéter
et
appliquer
un
modèle
figé
issu
à
l'origine
de
ces
expériences.
Ainsi
en
est-‐il
par
exemple
de
l'expérience
de
la
tristesse
dont
les
signes
et
les
événements
sont
identifiés
pour
ensuite
être
manipulés,
et
en
ce
sens
sont
chosifiés,
mis
devant
soi
à
l'état
de
chose
manipulable
ayant
prétendument
des
propriétés,
en
particulier,
celles
de
déclencher
la
tristesse
ou
de
bien
représenter
la
tristesse.
Cette
étrangeté
que
constitue
cette
puissance
qu'est
aujourd'hui
celle
de
la
société
comme
seconde
nature,
comme
tout
qui
n'est
pas
maîtrisé,
mais
où
règne
partout
l'administration
appliquée
des
choses
et
des
êtres,
"l'universalité
administrative",
l'art
la
rend
accessible
en
exprimant
le
frisson
qu'elle
procure
par
sa
présence
universelle
dans
chaque
chose
ou
être
particulier,
et
cette
expression
est
une
mise
en
image,
une
théâtralisation
et
par
sa
distance,
devient
critique,
comme
lorsque
l'on
montre
une
photo
d'une
ville
détruite,
geste
qui
dit
"voilà
ce
qui
a
été
fait",
mais
avec
la
différence
essentielle
de
la
mise
en
forme,
du
caractère
non
littéral
de
ce
qui
est
montré
et
qui
est
essentiel
en
ce
qu'elle
intègre
une
autre
attitude
à
l'égard
de
l'autre
que
soi,
une
attitude
qui
cherche
à
sortir
de
la
domination
de
l'autre,
pour
le
laisser
s'exprimer.
Or
dans
le
cas
d'une
photographie
sans
mise
en
forme,
il
n'y
a
que
répétition
de
ce
qui
est,
renoncement,
victoire
de
ce
qui
est,
de
la
société
telle
qu'elle
est
constituée
et
qu'elle
fonctionne.
Ainsi
donc,
l'art
moderne
cherche
à
rendre
accessible
à
l'expérience
l'aliénation
et
cela
même
qui
fut
aliéné
et
chosifié.
Et
ce
dont
les
hommes
n'ont
plus
la
maîtrise
-‐
dans
l'intérêts
de
quelques-‐uns
-‐
prend
les
traits
des
anciennes
puissances
naturelles
incontrôlées,
aux
pouvoirs
mystérieux,
tel
le
mana[496].
Cependant
l'homme
qui
est
devenu
maître
de
cette
nature
enchantée
qu'il
a
désenchanté,
l'a
en
même
temps
chosifié,
a
fait
de
la
nature
une
chose
quasi
morte
là
où
le
charme
précédent
avait,
malgré
l'illusion,
la
force
et
le
dynamisme
de
la
vie[497].
Par
réaction
à
l'expérience
de
l'aliénation,
l'art
développa
de
nouvelles
techniques
pour
rompre
avec
les
techniques
traditionnelles,
étrangères,
imposées
et
perpétuant
l'aliénation.
Adorno
s'intéresse
en
particulier
au
montage
-‐
photographique,
pictural
et
puis
cinématographique
dont
il
voit
l'apogée
avec
le
surréalisme
-‐
et
ce
qui
lui
succéda,
la
construction.
3.7.3.1
Le
montage
Le
montage
vient
en
réaction
à
l'impressionnisme.
Celui-‐ci
avait
été
la
tentative
de
sauvegarder
l'élément
aliéné
et
hétérogène,
devenu
étranger
au
sujet,
par
la
recomposition
homogène
dans
une
image
par
de
petites
touches
colorées
de
tous
les
objets,
les
habituels
comme
les
nouveaux
issus
de
l'ère
industrielle.
Il
a
échoué
car
alors
qu'il
cherchait
une
réconciliation,
une
paix
du
sujet
avec
le
monde
aliéné,
tout
en
prenant
sur
lui
ses
stigmates,
à
savoir
en
essayant
de
retrouver
un
semblant
d'inscription
sensé
de
l'homme
dans
le
monde,
c'est
"l'élément
chosal
prosaïque"
qui
finit
par
être
plus
important
que
le
"sujet
vivant"
et
la
tentative
de
réconciliation
comme
l'aspect
forcé
du
mensonge
de
rendre
propre
au
sujet
les
objectivités
menaçantes
du
monde.
Le
montage
cubiste
ou
surréaliste
a
consigné
cette
échec
en
s'abandonnant
au
monde,
et
cela
après
une
première
étape
figurée,
en
intégrant
directement
"les
ruines
littérales"
du
monde
-‐
comme
du
papier
journal
par
exemple
-‐
intégration
qui
consomment
la
rupture
avec
le
monde[498].
Cependant,
en
avouant
cette
rupture
et
s'y
pliant,
il
est
la
"capitulation
intra-‐esthétique
de
l'art
devant
ce
qui
lui
est
hétérogène",
avouant
son
"impuissance
face
à
la
totalité
du
capitalisme
tardif"
[499].
3.7.3.2
La
construction
La
construction
va
plus
loin
que
le
montage
en
ce
qu'il
ne
s'arrête
pas
à
l'organisation
d'éléments
donnés
mais
décompose
jusqu'à
ce
qu'il
ne
reste
plus
rien
de
significatif
en
soi
les
éléments
avant
de
les
recomposer
selon
l'orientation
essentielle
de
leur
totalité[500].
Ce
procédé
est
une
tentative
de
résister
à
la
souffrance
de
l'aliénation
car
elle
ne
laisse
pas
tel
quel
les
objets
issus
de
la
réalité
empirique,
ce
qui
serait
une
forme
de
renoncement,
mais
les
décompose
pour
les
recomposer
avec
rationalité.
Elle
vise
en
cela
"l'horizon
d'une
rationalité
intégrale"[501].
En
effet,
une
rationalité
qui
ne
serait
plus
particulière
comme
celle
qui
a
cours
dans
la
monde,
particulière
car
servant
des
intérêts
particuliers,
mais
universelle
ferait
cesser
ainsi
la
violence
que
cette
particularité
implique,
violence
contraire
à
la
finalité
de
la
raison
qui
est
le
bonheur.
Cependant
dans
cette
construction
esthétique
s'annonce
deux
futurs
possibles
sans
qu'on
puisse
décider
vers
lequel
la
tendance
se
dirige,
la
fin
du
travail
ou
la
réification
totale.
En
effet,
la
construction
n'acceptant
plus
a
priori
ni
les
schémas
pré-‐établis
ni
les
objets
tels
quels,
répond
en
cela
à
la
volonté
nominaliste[502]
de
ne
pas
étouffer
l'élément
particulier,
individuel
sous
des
catégories
générales
ou
des
schémas.
Cette
impulsion
s'est
réalisée
dans
la
dynamisation
des
structures
des
œuvres,
par
le
développement
musical
par
exemple
ou
l'intrigue
en
littérature,
à
savoir
par
le
développement
du
discours
des
éléments
individuels
posés
par
l'œuvre.
Or
l'équivalent
dans
la
réalité
de
ces
développements,
est
le
processus
de
vie,
de
travail,
dont
le
progrès
s'est
révélé
illusoire
puisque
rien
ne
change
réellement
dans
la
société,
que
le
travail
se
perpétue
alors
que
le
stade
atteint
par
les
forces
productives
permettrait
de
cesser
ce
travail
selon
Adorno.
Ce
piétinement
constructif
exprimé
adéquatement
par
Beckett
où
le
déroulement
est
un
déroulement
sur
place,
peut
codifier
à
la
fois
la
démission
du
sujet
et
l'aliénation
absolue
comme
étant
dorénavant
le
propre
de
l'art
ou
bien
l'anticipation
d'un
état
réconcilié
au-‐delà
du
statique
et
du
dynamique[503].
Le
mouvement
historique
des
œuvres
d'art
suivant
l'exigence
de
la
mise
en
forme
est
alors
celui
d'une
auto-‐
aliénation
en
ceci
que
cette
recherche
de
toujours
plus
d'objectivité,
l'exigence
immanente
d'intégration
totale
des
éléments
hétérogènes,
a
comme
horizon
l'objectivité
absolue
qui
a
perdu
toute
part
humaine,
toute
trace
des
impulsions
mimétiques,
pour
n'être
plus
que
chose[504].
Cependant
cette
extériorisation
de
l'œuvre
grâce
à
ses
procédures,
qui
mène
à
l'objectivation,
cette
aliénation
permet
de
sortir
du
solipsisme[505].
Le
risque
est
ainsi
déjà
identifié
en
musique
par
Adorno
qui
fustige
les
procédures
aliénées
et
chosifiées
qui
utilisent
le
hasard
pour
confectionner
l'œuvre,
en
ce
qu'elles
renoncent
à
la
liberté
du
sujet,
et
figurent
le
renoncement[506].
3.7.4
Influence
sur
le
contemplateur
Le
comportement
typique
du
contemplateur
aliéné
est
de
refuser
qu'on
lui
montre
à
quel
point
il
l'est,
ce
pourquoi
il
refuse
les
œuvres
critiques
qui
enregistrent
cette
aliénation
et
cherche
les
'œuvres'
lisses
sans
conséquence
que
prodiguent
l'industrie
culturelle.
Cette
attitude
se
développe
dans
les
idées
en
façonnant
celle
de
la
permanence
que
les
oeuvres
devraient
avoir
alors
que
c'est
un
moyen
de
s'assurer
d'elle,
de
pas
la
perdre
et
donc
de
se
garantir
avec
elle
du
"non-‐aliéné"[507].
Ce
refus
n'est
pas
seulement
instinctif
mais
aussi
appris
en
tant
qu'il
sert
la
perpétuation
des
choses
telles
qu'elles
sont
et
qui
seraient
mises
à
mal
si
l'individu
devenu
pleinement
conscient
du
fait
qu'il
est
manipulé
car
il
réagirait
contre
cet
état.
Ce
refus
répond
donc
aussi
au
fait
que
le
surmoi
esthétique
-‐
à
savoir
l'idéal
artistique
à
laquelle
la
personne
aspire
intérieurement
-‐
est
aliéné,
composé
de
modèles
extérieurs
figés
qui
l'ont
constitué.
Ces
modèles
sont
des
écrans
entre
l'individu
et
ses
impulsions
mimétiques
réprimées
par
là
même,
et
l'œuvre
dont
il
s'agit
de
faire
l'expérience.
Ils
empêchent
donc
cette
expérience
adéquate
qui
nécessite
les
impulsions
mimétique
du
sujet
pour
suivre
les
courbes
de
l'œuvre[508].
Là
où
le
spectateur
aimerait
que
l'objectivité
de
l'œuvre
d'art
atténue
son
aliénation
dans
la
société
d'échange,
elle
reste
dans
son
intransigeance,
correspondant
au
respect
de
la
logique
de
l'objet,
et
renchérit
dessus
sans
complaisance[509].
3.8
Bourgeoisie
Le
monde
bourgeois
qui
a
dominé
le
XIXème
siècle
jusqu'à
aujourd'hui,
après
le
monde
féodal,
est
celui
du
mode
de
production
capitaliste.
Adorno
trace
une
physionomie
de
son
rapport
à
l'art,
tracé
dont
la
ligne
directrice
est
le
caractère
limité
et
non
universel
de
la
liberté
dont
il
a
permis
l'avènement
et
dont
le
signe
est
présent
dans
la
sphère
esthétique.
Outre
ces
signes,
le
rapport
bourgeois
à
l'art
fait
émerger
quatre
principes
contredisant
une
pleine
émancipation
:
la
conservation
de
soi
non
dialectique,
l'échange,
la
propriété,
et
le
travail.
Enfin,
la
perpétuation
du
monde
bourgeois
solidaire
du
mode
de
production
capitaliste
nécessite
que
l'art
ait
une
fonction
de
réconciliation.
3.8.1
Liberté
partielle
Le
mouvement
d'avènement
de
la
bourgeoisie
a
été
celui
d'une
libération
de
l'esprit
par
rapport
au
monde
féodal
aux
multiples
conventions.
L'œuvre
d'art
bourgeoise
se
devait
donc
d'être
nominaliste.
Cependant,
une
fois
la
bourgeoisie
installée,
l'esprit
s'est
de
nouveau
retrouvé
assujetti.
C'est
un
de
ses
invariants
de
promettre
la
liberté
et
en
même
temps
de
l'empêcher,
comme
peut
le
témoigner
au
cours
de
la
Révolution
française
les
versions
successives
des
constitutions,
où
est
repérable
le
combat
gagnant
de
la
bourgeoisie
d'assurer
politiquement
le
maintien
et
le
développement
de
la
propriété[510]
et
dans
le
domaine
de
l'art,
la
copie
de
style
propre
au
XIXème.
L'antinomie
de
la
liberté
bourgeoise
se
montre
en
ce
que
l'art,
qui
a
gagné
son
autonomie
extérieure
-‐
vis
à
vis
de
ses
commanditaires
-‐
avec
l'avènement
de
la
bourgeoisie
la
perd
à
nouveau
intérieurement
du
même
coup,
en
ce
que
dans
l'idée
elle
devrait
s'opposer
à
la
copie
des
styles
d'une
époque
qui
l'a
précédé,
et
dans
la
réalité,
restauratrice,
elle
empêche
un
développement
radicalement
autonome
de
l'art,
qui
autoriserait
de
"réaliser
librement
de
soi-‐même
quelque
chose
d'authentique"[511].
Cette
contradiction
se
retrouve
au
niveau
de
la
théorie,
l'esprit
bourgeois
y
étant
a
priori
hostile,
en
tant
que
susceptible
d'être
critique,
et
en
même
temps,
elle
se
retrouve
dans
l'autonomisation
de
la
raison,
avec
la
primauté
de
la
raison
pratique
chez
Kant
et
Fichte[512].
Le
rejet
de
principe
de
la
tradition[513]
par
la
bourgeoisie,
dont
le
modèle
social
est
son
renversement
du
féodalisme,
qui
s'exprime
en
art
par
la
négation
de
la
tradition
esthétique
en
tant
que
tradition,
est
donc
abstrait
en
ce
que
les
styles
précédents
ne
sont
pas
bannis.
Et
là
où
a
lieu
un
développement
propre
à
la
bourgeoisie,
dans
le
roman,
son
contenu
thématique
étant
la
vie
et
la
société
bourgeoise,
cela
constitue
une
intégration
de
l'art,
à
la
bourgeoisie,
plus
forte
qu'auparavant.
A
travers
le
roman,
l'avènement
de
la
bourgeoisie
rend
alors
plus
manifeste
le
caractère
social
de
l'art
là
où
l'épopée
chevaleresque
de
l'époque
féodale
était
"hautement
stylisée
et
distanciée".
L'art
devient
d'autant
plus
social
par
son
embourgeoisement[514].
3.8.2
Quatre
grands
principes
bourgeois
:
conservation
de
soi,
échange,
propriété
et
travail
Le
principe
de
conservation
de
soi
de
la
bourgeoisie
est
appauvrissant
en
ce
qu'il
repose
sur
l'absence
d'ouverture
à
l'autre,
sur
l'absence
de
réalisation
de
soi
dans
l'autre
que
le
projet
hégélien
dialectique
se
proposait
de
réaliser
pour
surmonter
la
scission
entre
le
sujet
et
l'objet.
Cela
semble
tenir
à
ce
qu'Adorno
identifie
comme
le
centre
de
l'ontologie
bourgeoise,
le
tabou
mimétique,
et
qui
est
selon
lui
lié
à
l'interdit
sexuel,
au
refus
de
l'expérience,
et
de
tout
ce
qui
n'est
pas
décidé
a
priori[515].
Ce
principe
se
décline
alors
dans
un
practicisme
reproductif
du
monde
auquel
il
reproche
à
l'art
de
ne
pas
prendre
part,
l'art
qui
suspend
la
praxis[516].
Cette
activisme
est
cependant
intégré
dans
l'art
dans
ses
procédés
comme
l'illustre
Beethoven
qui
réagit
envers
les
détails
comme
les
sciences
de
la
nature,
lui
enlevant
ses
qualités,
puis
développant
son
travail
à
partir
de
cellules
insignifiantes[517].
Le
principe
d'échange
a
son
application
en
art
en
ce
que
l'œuvre
d'art
doit
donner
quelque
chose
pour
l'esprit
bourgeois,
là
où
l'expérience
authentique
est
une
expérience
spirituelle
de
l'identification
à
l'œuvre
d'art
par
la
sortie
du
sujet
hors
de
soi[518].
Ce
principe
est
donc
la
réalisation
du
principe
de
conservation
de
soi
sans
dessaisissement,
sans
dialectique
du
sujet
et
de
l'objet.
Ce
principe
de
l'échange
s'associe
avec
l'utilitarisme[519]
auquel
ne
répond
pas
adéquatement
l'œuvre
d'art.
Pour
répondre
à
ce
principe,
la
valeur
d'usage
sera
modelée
sur
le
plaisir
à
prodiguer.
Le
principe
de
propriété
se
décline
dans
le
domaine
de
l'art
de
trois
manières.
D'abord,
l'art
étant
pris
comme
propriété
culturelle,
il
se
trouve
chosifié,
figé,
comme
le
sont
les
œuvres
classiques
dont
une
perception
authentique
n'est
plus
possible
selon
Adorno.
La
relation
à
l'œuvre
d'art
est
déformée
et
faussée
au
point
où
l'œuvre
est
assimilée
à
une
propriété
accessible
mais
pouvant
être
détruite
par
la
réflexion,
sur
le
modèle
d'un
bien
exploitable
dans
l'économie
psychique,
avec
la
peur
concomitante
de
perdre
son
bien[520].
Ensuite
elle
fait
naître
la
catégorie
de
durée,
le
spirituel
devant
lui
aussi
devenir
comme
la
propriété,
transmise
et
solide[521].
Enfin,
le
'béotien'
attend
que
l'œuvre
d'art
lui
rapporte
quelque
chose
en
l'assimilant
ainsi
faussement
en
propriété,
comportement
d'auto-‐conservation[522],
comme
la
volonté
de
disposer
d'un
objet
manipulable,
attendant
"du
tableau
ou
de
la
pièce
de
théâtre
un
contenu
solide
auquel
il
puisse
se
tenir
et
qu'il
puisse
palper"[523].
Face
à
ce
comportement
attaché
à
la
propriété
des
choses
et
des
êtres,
Adorno
rappelle
que
la
liberté
doit
être
liberté
par
rapport
au
principe
de
propriété,
et
ne
doit
ainsi
pas
pouvoir
être
possédée.
Dans
un
état
de
liberté,
il
ne
peut
être
dit
:
'je
possède
la
liberté'[524].
Le
principe
bourgeois
du
travail
s'est
imposé
en
art
en
commençant
par
s'opposer
au
féodalisme
qui
le
précédait,
et
par
rejeter
"l'hédonisme
ludique"
du
XVIIIème
siècle[525].
L'ethos
bourgeois
glorifie
au
contraire
le
travail
comme
création
humaine
avec
le
danger
de
tomber
dans
le
productivisme
sans
égard
pour
la
finalité
de
cette
production
-‐
'il
faut
produire'.
Ce
pathos
bourgeois
du
travail,
alors
qu'il
pourrait
devenir
inutile,
est
critiqué
par
les
œuvres
qui
en
sont
une
face
moqueuse
en
tant
que
l'activité
répétitive,
pour
elle-‐même
devient
ridicule[526],
mais
contraint
l'artiste
avec
la
notion
bourgeoise
de
profession
-‐
pour
gagner
sa
vie
-‐,
en
ce
qu'elle
oblige
à
continuer
dans
la
voie
choisie,
et
produire
même
si
l'artiste
n'en
ressent
pas
la
nécessité
immanente,
ce
qui
entraîne
une
indifférence
objective
dans
le
résultat[527].
Comme
corrélat,
il
veut
que
le
contemplateur
ne
fasse
pas
d'effort,
deux
éléments
trouvant
leur
application
dans
le
concept
de
génie
comme
créateur
puisqu'avec
le
génie,
l'œuvre
est
moins
considérée
-‐
ce
qui
demanderait
un
travail
-‐
que
l'individu
et
sa
biographie
-‐
ce
qui
ne
demande
pas
de
travail[528].
3.8.3
Idéaux
bourgeois
de
l'art
:
réconciliation,
satisfaction,
intuition
Adorno
diagnostique
l'attente
bourgeoise
en
matière
d'art
comme
un
domaine
pouvant
servir
à
convaincre
que
le
monde
tel
qu'il
est,
est
réconcilié,
qu'il
est
tel
qu'il
devrait
être,
comme
un
domaine
devant
apporter
du
réconfort,
de
la
consolation
-‐
sans
espoir-‐,
un
loisir
"supérieur".
En
outre,
l'apaisement
que
doit
proposer
le
monde
affirmé
par
l'art
dans
sa
forme,
serait
projeté
sur
le
monde-‐ci
qui
l'a
produit
et
dont
il
emprunte
les
éléments
à
mettre
en
forme,
qui
doit
ainsi
être
accepté
tel
qu'il
est.
Même
si
cet
aspect
affirmatif
et
donc
consolateur
ne
peut
être
totalement
supprimé,
l'art
ne
s'y
réduit
pas
comme
le
montre
ses
manifestations
dont
le
début
du
siècle
est
emblématique
(refus
de
la
tonalité
en
musique,
du
figuratif
en
peinture,
du
narrateur
omniprésent
et
omnipotent
en
littérature
par
exemple)[529].
Pour
la
bourgeoisie,
l'œuvre
d'art
ne
doit
pas
vouloir
transformer,
mais
être
en
paix
avec
le
monde,
être
pour
tous,
et
se
régler
sur
les
formes
acceptées
de
la
conscience
publique.
Cela
est
une
défense
de
l'ordre
établi[530].
La
bourgeoisie
cherche
à
neutraliser
l'art
ou
à
l'intégrer
comme
allié
du
contrôle
social[531]
dont
son
inquiétude
sur
l'état
de
l'art,
sur
l'inconnu
de
son
futur,
témoigne
[532].
L'esprit
bourgeois
attend
de
l'art
qu'il
puisse
en
tirer
quelque
chose
pour
le
plaisir
uniquement,
pour
sa
distraction
alors
que
la
vie
reste
ascétique
ce
qui
donne
à
dire
à
Adorno
la
belle
formule
:
"Le
bourgeois
désire
que
l'art
soit
voluptueux
et
la
vie
ascétique;
le
contraire
serait
préférable"[533].
L'esthétique
de
la
bourgeoisie
se
fonde
sur
la
doctrine
du
caractère
intuitif
de
l'art,
entendu
comme
le
primat
de
l''immédiateté
sensible,
au
détriment
de
toutes
les
médiations,
dans
l'art.
Cette
doctrine
est
politique
en
ce
qu'elle
vise
à
privilégier
les
œuvres
d'art
aux
belles
formes
achevées
qui,
comme
fait
social,
font
rejaillir
leur
bonté
sur
le
monde
social.
D'autre
part,
cette
esthétique
se
fonde
sur
le
fait
que
l'œuvre
doit
être
le
lieu
d'un
repos,
ce
que
le
terme
bourgeois
de
'perfection
formelle'
emblématise.
Il
est
à
bannir
selon
Adorno
comme
masquant
les
antinomies
et
contradictions
de
l'art
et
de
ses
œuvres,
ce
qui
explique
que
l'art
moderne,
conscient
des
contradictions
s'oppose
à
l'idéal
classique[534].
En
effet
c'est
l'oppression
de
la
nature
par
le
monde
bourgeois
qui
constitue
le
contenu
que
l'art
se
doit
de
mettre
en
forme
par
le
biais
de
ce
que
ce
monde
condamne,
stigmatise,
bannit
ou
interdit,
de
ce
qu'il
n'a
pas
encore
été
intégré,
"approuvé
et
pré-‐formé",
participant
ainsi
aux
forces
qui
critiquent
le
statu
quo
par
le
moyen
d'une
négation
déterminée.
Cette
part
de
prise
de
conscience
non
discursive
a
pour
but
la
réalisation
de
"ce
qui
est
propre
aux
figures
historiques
du
naturel
et
de
sa
subordination"
par
un
aspect
chaotique
s'il
le
faut
et
non
un
"ordre
sensible
et
concret"
comme
le
souhaiterait
une
doctrine
idéaliste
qui
étoufferait
la
nature
sous
sa
volonté
impérieuse[535]
et
qui
dans
le
repos
attendu
du
commerce
des
œuvres
en
font
des
choses,
alors
que
c'est
lorsqu'elles
vibrent
des
tensions
du
monde
qu'elles
témoignent
de
leur
spiritualité
et
de
leur
vie[536].
Cet
idéal
du
repos
se
retrouve
dans
le
modèle
de
la
division
de
la
vie
sociale
en
travail
et
loisir,
dans
la
réception
de
l'art
qui
doit
apporter
du
réconfort,
du
plaisir
d'un
côté,
et
de
l'autre
donner
un
message
conceptuel[537],
et
dans
son
irritation
face
aux
nouvelles
'écoles'
que
forment
les
mouvements
artistiques
qui
sont
à
la
fois
un
rejet
de
la
tradition
dans
une
négation
déterminée
et
leur
successeur,
là
où
l'art
devrait
être
"comme
l'amour
:
purement
spontané,
involontaire
et
inconscient"[538].
Ce
calme
et
cette
sérénité
attendus
de
l'art
se
retrouvent
dans
l'absence
de
trouble
souhaitée
pendant
les
loisirs
de
l'individu
de
caractère
bourgeois,
où
il
ne
veut
pas
entendre
des
récriminations
sur
la
qualité
des
productions
auxquelles
il
s'adonne,
l'art
étant
ravalé
au
rang
de
"rêve
synthétique",
ce
qui
est
encouragé
par
le
système
dont
on
ne
doit
pas
prendre
conscience
sous
peine
de
la
mettre
en
péril[539].
Enfin
cet
idéal
conciliant
pose
que
les
antinomies
objectives
-‐
comme
celle
de
l'objectivation
nécessaire
de
l'art
mais
qui
absolutisée
supprime
l'art
en
le
ravalant
au
rang
de
chose
-‐
sont
résolues
par
des
moyennes
entre
les
extrêmes,
moyenne
qui
ne
fait
que
dissimuler
ceux-‐ci
qui
finissent
par
la
briser[540].
4
Les
catégories
de
la
transformation
du
monde
ème
En
1968,
comme
si
cela
venait
après
une
lecture
de
la
11
thèse
sur
Feuerbach
de
Marx[541][542],
D.Buren
fustige
l'art
avec
la
volonté
de
le
renverser,
le
faire
s'effondrer
de
son
piédestal,
avec
une
conjonction
de
deux
pensées
dont
les
formules
"l'art
détourne
des
choses.
Il
ne
fait
pas
prendre
conscience
des
choses"
et
"La
machine
psycho-‐sociale
n'éclatera
pas
contre
une
neutralité,
mais
contre
une
agression
révélée
grâce
à
cette
neutralité,
agression
qui,
entre
autres,
est
celle
de
l'art"
sont
centrales.
"S'il
y
a
une
contestation
possible,
elle
ne
peut
être
formelle,
elle
ne
peut
qu'être
fondamentale,
au
niveau
de
l'art
et
non
au
niveau
de
la
forme
que
l'on
donnera
à
l'art"
"Il
en
sera
toujours
de
même
si
l'art
restera
approche
du
réel
et
non
propre
réalité".
"L'art
est
le
plus
beau
fleuron
de
la
société
telle
qu'elle
est
et
non
le
signe
prémonitoire
de
la
société
telle
qu'elle
devrait
être,
cela
jamais"[543].
Au
même
moment
Adorno
est
en
cours
de
rédaction
de
la
Théorie
esthétique.
Cette
question
du
rapport
entre
cette
exigence
de
transformation
du
monde
et
l'art
n'y
est
pas
occultée
mais
trouve
une
réponse
inverse
à
celle
de
Buren.
C'est
cette
réponse
que
l'on
tentera
de
suivra
à
travers
les
thèmes
marxistes
de
la
praxis,
de
l'utopie,
de
la
critique
politique,
de
la
lutte
des
classes,
et
enfin
du
rapport
entre
forces
et
rapports
de
production.
Dans
cette
constellation
de
thèmes,
l'élément
central
du
double
caractère
de
l'art
pour
Adorno,
comme
élément
social
et
élément
autonome
encore
déterminé
socialement
dans
cette
autonomie
semble
répondre
aux
éléments
centraux
de
Marx
que
sont
le
double
caractère
du
travail,
comme
travail
abstrait
et
travail
concret,
le
double
caractère
de
la
marchandise,
comme
valeur
d'échange
et
valeur
d'usage,
le
doublet
forces
et
rapports
de
production.
Plus
généralement
ce
double
caractère
va
se
trouver
relié
par
des
médiations
avec
l'ensemble
des
couples
de
notions
philosophiques
,
en
premier
lieu
les
couples
réel
et
conceptuel,
théorie
et
praxis,
politique
et
économie.
La
clef
de
la
médiation
sera
elle-‐même
le
couple
individuel/universel.
4.1
Praxis
Le
terme
de
praxis
codifie
la
question
d'une
pratique,
d'une
activité
politique,
artistique,
ou
autres
qui
soit
ou
non
porteuse
d'émancipation.
Le
texte
qui
l'aborde
directement
est
Théorie
et
pratique
dans
Modèles
Critiques.
Ce
texte
est
obnubilé,
certainement
de
par
sa
situation,
car
il
a
été
écrit
alors
que
des
reproches
avaient
été
faits
à
Adorno
de
rester
dans
une
tour
d'ivoire
et
de
ne
pas
s'engager
franchement
politiquement,
par
la
question
de
l'activisme
qui,
dans
l'urgence
et
l'attente
pressante
du
changement,
ne
s'embarrasse
pas
de
trop
longues
réflexions
théoriques
et
des
résistances
individuelles
qui
les
portent,
suspectées
rapidement
de
servir
le
statu
quo.
Dans
la
Théorie
esthétique,
le
cas
de
l'art
est
considéré.
La
praxis
serait
dans
son
idée
pour
Adorno
"l'ensemble
des
moyens
permettant
de
réduire
la
pénurie;
elle
serait
indistincte
de
la
jouissance,
du
bonheur
et
de
l'autonomie
qui
sont
la
forme
sublimée
de
ces
moyens"[544].
Le
stade
du
bonheur
sur
terre
est
donc
au-‐delà
de
la
praxis
actuelle,
de
l'emprise
du
travail.
Le
lieu
de
l'art
montre
doublement
le
schéma
d'une
meilleure
praxis
en
ce
qu'en
premier
lieu
l’œuvre
d'art
cherche
en
soi
à
réussir
une
synthèse
non-‐violente
dans
un
but
d'expression
et
non
d'exploitation,
et
par
là
d'échapper
à
la
répétition
sans
fin
du
geste
dominateur
qui
fait
taire
ce
sur
quoi
il
s'exerce,
qui
est
la
praxis
d'une
conservation
brutale
de
soi
dans
le
statu
quo,
qui
certes
conserve
et
reproduit
tant
bien
que
mal
la
vie
jusqu'ici
mais
dans
des
conditions
de
plus
en
plus
difficiles
et
précaires
-‐
emplois
précaires,
écosystème
fragilisé,
menace
de
guerre
permanente.
En
second
lieu,
c'est
la
contemplation
des
œuvres
d'art
par
le
spectateur,
qui
donne
un
modèle
d'attitude
qui
en
tant
qu'arrachement
à
la
praxis
immédiate
est
une
forme
de
praxis
comme
refus
d'entrer
dans
le
jeu.
L'art
présente
ainsi
le
schéma
d'une
praxis
différente,
en
s'abstenant
de
la
praxis
réelle[545],
ce
qui
dénonce
le
mensonge
de
la
production
comme
bonheur,
et
fait
penser
au
stade
suprême
du
bonheur
chez
Aristote
qui
est
la
contemplation,
bien
que
dans
les
conditions
actuelles,
ce
refus
de
la
praxis
sociale
dominante
sous
forme
d'expression
ou
de
contemplation
a
une
valeur
de
praxis
d'une
manière
négative
et
ne
pourrait
être
la
pure
contemplation
que
dans
un
état
réconcilié.
La
promesse
de
bonheur
sensible
que
l'art
veut
tenir
montre
par
différence
que
la
praxis
actuellement
dominante
qui
est
un
practicisme
est
un
obstacle
à
sa
finalité
comme
bonheur.
L'écart
entre
la
situation
réelle
et
l'utopie
peut
être
mesuré
par
la
négativité
de
l'œuvre
d'art,
comme
chez
Kafka[546].
Cependant
cette
praxis
n'est
qu'une
anticipation,
une
promesse
donnée
par
son
apparence
sur
une
praxis
qui
n'est
pas
garantie,
une
promesse
de
bonheur
et
non
le
bonheur[547].
La
rupture
de
l'art
avec
la
praxis
actuelle,
quand
elle
est
destinée
à
réaliser
une
praxis
permettant
à
ce
qui
est
diffus
de
s'exprimer
est
donc
une
rupture
avec
la
raison
pragmatiste
obnubilée
par
ses
moyens[548].
Cette
raison
qui
infuse
la
praxis
sociale,
essentiellement
recherche
de
moyens
tend
à
devenir
irrationnelle
car
elle
tend
à
se
prendre
elle-‐même
pour
sa
propre
finalité
alors
qu'elle
n'est
qu'un
moyen[549].
Alors
que
le
but
de
la
praxis
est
un
état
réellement
transformé
par
une
praxis
consciente
d'elle-‐même,
la
raison
qui
l'innerve
n'est
pas
consciente
de
son
geste[550].
Ce
caractère
de
praxis
de
l'art
prend
souvent
le
nom
de
comportement
chez
Adorno,
une
position
vis
à
vis
de
l'objectivité.
Elle
n'est
donc
pas
l'effet
social
des
œuvres
mais
elle
s'insère
dans
leur
contenu
de
vérité[551].
Les
œuvres
d'art
ont
transformé
leur
praxis
originellement
magique
dont
le
but
était
d'influencer
la
nature
-‐
les
peintures
rupestres
d'animaux
sont
interprétées
comme
des
moyens
de
prendre
le
dessus
sur
l'animal
-‐
en
moyen
de
faire
prendre
conscience
de
la
praxis
sociale[552].
Leur
pratique
de
structuration
formelle
des
contradictions
réelles
témoigne
pour
le
fait
qu'elles
ne
sont
pas
réductibles
à
une
fuite
devant
la
praxis
politique
immédiate.
Comme
prise
de
position
implicite,
son
effet
politique
ne
peut
qu'être
qu'essentiellement
médiat[553].
Sa
négation
de
l'essence
pratique,
l'art
agissant
moins
réellement
dans
le
monde
pratique
qu'il
ne
s'en
abstient,
ouvrant
la
possibilité
d'un
regard
critique
sur
le
mensonge
du
practicisme[554],
au-‐delà
d'être
une
forme
de
comportement
et
de
contestation,
permet
à
la
praxis
sociale
de
revenir
mais
neutralisée
dans
l'art.
Car
la
formation
de
l'œuvre
nécessite
une
technique
dont
l'histoire
tient
pour
une
part
à
des
emprunts
par
mimésis
du
monde
social
dont
la
force
imprègne
le
sujet.
C'est
ainsi
que
chez
Beethoven,
son
procédé
de
décomposition
en
éléments
insignifiants
et
de
recomposition
est
un
analogon
du
processus
manufacturier
où
le
processus
de
production
est
divisé
en
petites
tâches
se
coordonnant.
Cette
forme
critique
de
praxis
pose
la
question
de
l'effet
social
de
l'art.
Cette
dialectique
de
l'art
et
de
la
praxis
est
alors
celle
de
son
effet
social
indirect,
à
partir
du
souvenir,
comme
participation
à
l'esprit
qui
souterrainement
contribue
à
la
transformation
de
la
société
et
que
capte
l'œuvre
d'art.
C'est
une
prise
de
conscience
manifeste
ou
souterraine
modifiant
le
comportement
du
sujet
par
rapport
à
l'objectivité.
Cependant
une
condition
pour
la
fixation
de
ce
souvenir
est
de
ne
pas
reproduire
telle
quelle
la
réalité
mais
de
démonter
et
remonter
les
éléments
de
l'uniformité,
du
toujours-‐semblable
du
monde,
mécanisme
qui
seul
permet
une
prise
de
conscience[555].
Sa
reproduction
du
monde
est
donc
déformante
et
c'est
cette
déformation
qui
donne
chiffrée
le
vrai
visage
du
monde.
L'art
est
donc
praxis
comme
formation
de
la
conscience
mais
persuade
d'autant
mieux
qu'il
ne
cherche
pas
à
le
faire[556],
le
primat
de
la
volonté
de
convaincre
ne
desservant
pas
la
vérité
qu'elle
prétend
servir,
en
ce
que
les
moyens
calculés
pour
convaincre,
convainquant
plus
de
la
manipulation
dont
on
a
fait
l'objet
et
de
l'apparence
de
fausseté
qui
entache
en
conséquence
le
résultat.
C'est
le
risque
encouru
par
l'art
engagé
dont
la
praxis
objective
devient
intention
comme
conséquence
de
la
contradiction
devenue
irréconciliable
entre
l'art
et
la
société,
et
dont
la
mise
en
œuvre
menace
en
outre
en
collant
à
la
réalité
de
ne
pas
provoquer
de
prise
de
conscience[557].
Outre
cette
forme
de
praxis
critique
'extérieure'
de
l'art,
son
intervention
technique
peut
constituer
au
sein
même
cette
fois-‐ci
de
l'art
une
praxis
transformatrice,
donnant
l'image
d'une
transformation
du
monde
social
à
travers
la
transformation
des
formes
artistiques
héritées.
C'est
ainsi
que
l'intervention
artistique
de
la
conscience
la
plus
avancée
n'est
pas
une
reproduction
des
procédures
techniques
existantes
mais
en
s'en
emparant
devient
critique
en
les
transformant,
transformation
où
un
élément
individuel
spontané
joue,
renvoyant
à
des
forces
collectives
historiques
en
tant
que
réaction
historique
à
la
société,
comme
solution
aux
problèmes
artistiques
de
l'époque,
en
développant
une
"résistance
déterminée
contre"
"le
réel
extra-‐esthétique"
en
tant
qu'adaptation
à
ce
qui
est,
les
procédures
existantes[558].
Malgré
cette
description
de
la
praxis
de
l'art,
la
société
le
récupère
d'abord
comme
moyen
de
reproduction
de
la
force
de
travail,
comme
divertissement.
Le
mécanisme
employé
est
le
suivant
:
pour
neutraliser
la
force
critique
de
l'art
qui
nécessite
un
investissement
du
sujet,
intellectuel-‐sensible
pour
être
perçue,
la
société
et
son
discours
dominant
qui
cherche
à
en
faire
un
divertissement
sépare
l'intuition
du
concept,
après
la
séparation
épistémologique
de
la
sensibilité
et
de
la
rationalité,
et
ce
pour
réduire
le
conceptuel
au
message
immédiatement
discursif,
la
'morale'
de
l'histoire,
qui
devient
inefficace
dans
sa
séparation,
et
l'intuitif
au
plaisir[559].
Ensuite,
l'intégration
sociale
de
l'art
se
fait
par
le
caractère
de
nouveauté
mis
en
avant
pour
vendre
ses
marchandises.
La
nouveauté
est
la
marque
esthétique
de
la
reproduction
élargie
capitaliste,
modèle
économique
exprimant
l'augmentation
du
capital
et
de
la
production
globale,
car
elle
donne
la
promesse
d'une
abondance
illimitée
de
biens
esthétiques[560].
4.2
Utopie
L'art
qui
par
sa
constitution
d'une
forme
prend
une
distance
avec
la
réalité
empirique
répond
dans
son
domaine
à
la
pensée
de
l'utopie
comme
"pensée
de
la
différence
par
rapport
à
ce
qui
existe"[561].
L'horizon
de
cette
différence
étant
un
monde
meilleur,
l'art
a
le
désir
de
le
construire
dans
ses
œuvres,
monde
qui
serait
délivré
de
ses
contradictions,
de
sa
dialectique
totale[562].
Cependant
les
images
d'harmonie
se
révèlent
fausses
par
le
soupçon
de
cynisme
qu'elles
charrient
tant
que
le
monde
est
traversé
par
la
misère.
L'image
alors
donnée
par
l'art
moderne
est
celle
de
la
catastrophe,
de
la
ruine,
mais
par
la
mise
en
image,
c'est
une
mise
à
distance,
une
sortie
symbolique
hors
de
celle-‐ci,
comme
un
pas
en
arrière
impossible,
qui
révèle
par
cette
mise
en
image
la
possibilité
de
former
quelque
chose
et
donc
l'espoir.
Même
dans
la
négation
de
son
effigie,
c'est
la
nature
qui
est
sauvée
en
image
par
l'art,
comme
réalité
qu
serait
soi-‐même,
formée
par
soi-‐même;
c'est
cette
image
qui
représente
un
au-‐
delà
de
la
société
bourgeoise,
quelque
chose
qui
la
transcende,
et
ce
au
sein
de
l'immanence
sociale,
comme
une
allégorie[563].
L'art
est
ainsi
promesse
de
bonheur[564],
image
de
l'utopie
de
par
la
forme
de
l'œuvre
par
laquelle
elle
se
dégage
de
la
réalité
qui
impose
les
identités
pour
mieux
gérer
ses
équivalences
et
substitutions[565].
Il
suffirait
que
les
éléments
de
la
réalité
soient
dans
une
nouvelle
constellation,
à
leur
propre
place,
pour
que
la
réconciliation
advienne.
L'art
montre
en
cela
un
chemin
en
suivant
les
courbes
de
ses
éléments,
et
témoigne
de
la
"possibilité
du
possible"[566].
Les
œuvres
d'art,
en
se
séparant
de
la
réalité
empirique,
sont
"les
schèmes
non-‐
conscient
de
sa
transformation"
qui
s'actualisent
par
la
distance[567].
Cependant
l'art
qui
veut
être
utopie
tombe
dans
son
caractère
d'apparence,
son
illusionnisme,
en
construisant
l'utopie
comme
si
elle
était
réalisée,
comme
si
l'idée
absolue
était
réalisée.
Son
désir
de
consolation
trahit
cette
utopie
en
devenant
mensonge.
La
réalisation
de
l'utopie
serait
la
mort
de
l'art.
La
théorie
connaît
le
même
sort.
Cette
utopie
est
l'inexprimable,
en
tant
que
non
représentable
positivement,
mais
peut
l'être
négativement,
par
l'absolue
négativité
de
l'image
de
la
ruine,
la
ruine
dont
les
fragments
dessinent
en
négatif
ce
qui
pourrait
être.
Cependant
quand
Adorno
parle
du
Nouveau
qui
en
serait
le
cryptogramme,
la
question
suivante
se
pose
:
si
le
Nouveau
est
la
ruine
de
ce
qu'il
y
avait
alors,
et
qui
devient
l'Ancien,
et
cet
Ancien
ne
devenant
visible
qu'alors,
mais
en
tant
que
ruine,
cela
signifie-‐t-‐il
que
l'œuvre
-‐
et
pourquoi
pas
généraliser
à
l'action
politique
-‐
n'est
pas
en
mesure
de
déterminer
ce
qu'il
y
a
à
faire
?
Comment
concilier
le
mouvement
de
l'Angelus
Novus[568]
ange
de
l'histoire,
donc
sujet
de
l'histoire
qui
avance
sur
la
ligne
du
temps
de
dos,
ne
voyant
que
les
ruines
s'amonceler,
mouvement
auquel
semble
faire
référence
Adorno
quand
il
parle
du
Nouveau,
et
sa
détermination
théorique
de
ce
qu'il
y
a
concrètement
à
faire
musicalement
dans
son
texte
de
1961
Vers
une
musique
informelle
dans
Quasi
una
fantasia
?
Il
semble
que
la
réponse
soit
le
hiatus
-‐
l'abysse
-‐
insurmontable
entre
la
théorie
et
la
praxis
qui
ne
permet
pas
de
passer
d'une
manière
continue
de
l'un
à
l'autre
mais
nécessite
un
saut
sans
garantie
de
réussite,
la
praxis
demeurant
un
"point
aveugle"
au
sein
de
la
théorie[569].
Malgré
toute
la
détermination
de
ce
qu'il
faut
faire
et
qui
permet
de
ne
pas
sombrer
dans
l'arbitraire,
rien
ne
permet
que
la
mise
en
pratique
sera
une
réussite.
La
réussite
n'est
connu
qu'a
posteriori.
C'est
d'ailleurs
sur
un
schéma
approchant
qu'Adorno
juge
les
considérations
théoriques
sur
la
conduite
morale
dans
la
Dialectique
négative[570]
en
ce
que
rien
ne
permet
de
prévoir
avec
garantie
de
certitude
quel
sera
le
comportement
d'une
personne
dans
une
situation
donnée.
Ce
qu'il
y
nomme
le
"supplément"
fait
alors
référence
à
la
spontanéité,
au
caractère
pulsionnel,
à
la
réaction
motrice,
à
un
élément
somatique
dont
il
n'est
pas
dit
qu'une
forme
de
sa
maîtrise
ne
soit
pas
possible,
mais
qui
ne
peut
être
réduit
à
de
la
pensée.
Cet
art
donc
qui
refuse
l'apparence
de
réconciliation
et
maintient
l'utopie
en
donnant
l'image
de
la
catastrophe
fait
écho
aux
conjurations
magiques
archaïques[571].
Cependant
en
tant
que
formant,
que
confectionnant
cette
image,
la
visée
réconciliatrice
de
l'art
se
situe
dans
la
contradiction
qu'il
affronte
entre
son
caractère
mimétique
issu
de
la
magie
et
son
caractère
rationnel
chosifiant[572].
La
réconciliation
dans
l'œuvre
d'art
est
son
comportement
qui
perçoit
le
non-‐identique
en
se
faisant
identique
à
lui,
mimétisme,
pour
être
identique
à
soi[573]
et
ce
comportement
nécessite
la
construction
pour
s'objectiver,
dépasser
le
caractère
contingent
du
sujet,
et
tendre
à
l'objectivité[574].
C'est
dans
cette
objectivation
spirituelle
d'impulsions
mimétiques
chargées
d'étant,
dans
cette
constellation
d'étant
et
de
non-‐étant,
que
réside
l'utopie
de
l'art
comme
promesse[575].
4.3
Critique
politique
L'enjeu
est
de
savoir
si
l'art
suppose
une
politique
latente
progressiste.
Cela
mène
Adorno
à
des
polémiques
avec
Brecht
et
Benjamin,
avec
le
réalisme
socialiste
et
l'art
dit
engagé
afin
de
défendre
l'art
moderne
autonome
et
en
particulier
la
seconde
Ecole
de
Vienne
en
musique
(Schönberg,
Berg,
Webern)
qui
semblent
réservés
à
une
élite
bourgeoise.
De
prime
abord,
l'
"instrumentalisation
de
l'art
sabote
sa
protestation
contre
l'instrumentalisation"[576],
sa
défense
de
la
liberté,
et
de
son
autonomie.
Cette
instrumentalisation
répète
la
contrainte
de
"la
vie
marquée
et
standardisée
par
les
structures
de
la
domination"
et
dans
sa
résistance,
l'art
incarne
l'intérêt
pour
la
liberté[577].
L'art
est
par
cet
intérêt
en
soi
en
contradiction
avec
la
domination
sociale,
et
les
contrôles
sociaux[578].
Sa
politique
ne
peut
ainsi
logiquement
pas
se
rattacher
à
un
parti
sinon
de
manière
extérieure.
Un
indice
en
est
que
le
rapport
de
l'art
à
la
praxis
sociale
est
variable,
dans
le
sens
où
est
variable
la
conjonction
ou
disjonction
des
opinions
politiquement
et
esthétiquement
avancées.
Alors
que
le
début
de
XXème
siècle
voyait
en
Russie
la
conjugaison
du
futurisme
et
du
marxisme,
le
réalisme
socialiste
est
ensuite
revenu
à
une
pratique
artistique
du
XIXème[579].
Ce
sont
par
ses
caractéristiques
formelles
que
les
œuvres
d'art
se
relient
de
manière
médiate
à
la
politique,
par
le
contenu
qu'elles
forment.
Ainsi
la
libération
de
la
forme
comme
cohérence
esthétique
qui
relie
les
éléments
singuliers
est
un
chiffre
de
la
libération
sociale,
là
où
la
cohérence
de
l’œuvre
représente
le
rapport
social.
On
peut
s'interroger
si
ce
rapport
ne
serait
pas
valable
pour
toute
activité
organisant
des
rapports
entre
éléments
:
science,
décoration
d'intérieur,
jardinage,
etc.[580].
Les
œuvres
d'art
participent
alors
à
l'esprit
de
parti
par
l'intégration
critique
des
conditions
sociales
dans
la
dialectique
des
formes,
en
les
amenant
au
langage,[581]
au
travers
de
leur
objectivation
formelle,
qui
aboutit
à
une
forme
individuée
dans
une
parcelle
de
réalité[582].
La
contradiction
posée
entre
tendance
et
manière,
la
première
insistant
sur
la
contingence
de
la
seconde
qui
elle
proteste
contre
la
contrainte
de
la
première,
entraîne
le
fait
que
mettre
en
avant
la
tendance
est
un
mélange
de
conscience
sociale
juste
et
fausse[583],
juste
en
ce
que
ce
qui
parle
dans
l'œuvre
sont
des
forces
collectives
latentes,
un
sujet
global
non
réalisé,
et
fausse
en
ce
qu'elle
ne
peut
devenir
une
directive
d'un
parti
propre
à
orienter
la
fabrication
de
l’œuvre.
La
critique
de
celle-‐ci
se
déroule
ainsi
selon
un
mouvement
immanent
contre
la
société[584],
et
non
en
appliquant
une
doctrine
politique
de
l'extérieur.
C'est
ainsi
que
la
dynamisation,
soit
en
musique
et
en
littérature
le
développement
et
l'intrigue,
étant
l'image
de
ce
qu'ils
sont
dans
la
réalité,
en
constitue
alors
une
critique
comme
devenir
pour
soi,
superflu
par
rapport
à
l'essentiel
du
travail
social,
la
reproduction
de
la
vie,
car
ce
moyen
finit
par
se
prendre
pour
la
fin[585].
Cependant
l'art
n'a
pas
un
"effet
politique
réel"
à
cause
de
son
irréductible
caractère
d'apparence,
malgré
des
tentatives
comme
celles
de
Dada[586].
Dans
la
simple
indication
du
doigt
qui
dit
"là,
là"
est
contenu
comme
l'avait
déjà
vu
Hegel
dans
la
Phénoménologie
de
l'esprit
un
caractère
universel,
là
où
est
visé
une
réalité
concrète
pour
se
défaire
de
la
fiction.
On
peut
de
la
même
manière
se
poser
la
question
face
à
Buren
qui
affirmait
en
1966
que
la
seule
chose
à
faire
après
avoir
vu
sa
toile
bicolore
était
de
sortir
pour
aller
faire
la
révolution[587].
La
perspective
critique
de
l'œuvre
n'est
pas
garantie.
Déjà,
le
Nouveau
se
compromet
sur
le
plan
politique
car
il
apparaît
comme
une
fin
en
soi,
alors
que
politiquement
ce
devrait
être
pour
autre
chose,
bien
que
cela
se
légitime
par
le
tabou
qui
pèse
sur
la
finalité
de
l'histoire
-‐
tabou
en
ce
que
l'état
des
forces
productives
devraient
faire
cesser
la
pénurie,
et
que
celle-‐ci
continue
-‐
en
montrant
la
finalité
d'être
soi[588].
D'autre
part,
ce
qui
est
formé,
sublimé,
dans
l'œuvre
d'art
doit
être
conservé
sous
peine
d'aboutir
à
une
forme
pure
non
critique,
décorative.
Cette
mort
de
l'art
serait
alors
le
triomphe
des
activités
prenant
et
acceptant
le
monde
tel
qu'il
est,
et
c'est
en
ce
sens
que
"le
salut
de
l'art
est
éminemment
politique"[589].
C'est
ici
la
question
critique
de
l'art
de
savoir
si
par
sa
prise
de
distance
avec
la
réalité
empirique,
elle
concrétise
sa
relation
avec
la
réalité
suspendue
ou
si
elle
dégénère
en
jeu
vide[590].
L'autre
danger
est
de
rester
trop
proche
de
la
réalité
empirique,
l'engagement
qui
prend
ce
risque
peut
se
muer
en
démagogie[591].
De
la
même
manière,
poser
brutalement
le
primat
du
particulier
contre
l'universel
des
genres
et
des
conventions
peut
signifier
pactiser
avec
l'ordre
établi
et
donc
trahir
l'intention
critique,
en
ce
que
l'utilisation
des
formes
universels
sont
un
moyen
de
concrétiser
la
distance
esthétique[592].
Enfin,
l'œuvre
d'art
dite
dialectique
comme
celle
de
Brecht
qui
finit
par
sa
volonté
politique
par
réduire
la
différence
de
l'art
et
de
la
réalité
empirique,
en
se
mettant
au
niveau
du
spectateur,
risque
dans
sa
fraternisation
avec
le
monde
de
contredire
son
intention[593].
Après
le
formalisme,
l'art
engagé
et
Brecht,
Adorno
s'oppose
résolument
à
la
doctrine
du
réalisme
socialiste
et
s'appuie
d'abord
sur
le
fait
que
la
forme
rétrograde
-‐
fin
XIXème
-‐
est
en
contradiction
avec
le
contenu
supposé
progressiste.
Le
réalisme
socialiste
affirme
la
positivité
de
la
culture
bourgeoise
en
conservant
les
formes
traditionnelles
-‐
style
XIXème
pour
représenter
les
héros
de
la
révolution
par
exemple
-‐
là
où
l'art
moderne
devient
radical
et
critique
dans
ses
formes[594].
Adorno
en
vient
à
préférer
la
disparition
de
l'art
au
réalisme
socialiste
puisque
cela
signifierait
une
conscience
véridique
au
nom
de
l'art
et
du
beau
qui
se
trouve
avilit
en
du
poli
et
du
lisse[595].
Le
réalisme
socialiste
qui
se
nourrit
du
classicisme
hégélien[596]
a
enchaîné
et
brisé
les
forces
productives
artistiques,
par
une
fixation
petite-‐bourgeoise[597].
Cela
porte
le
soupçon
sur
la
réalité
sociale
qui
lui
a
donné
naissance,
comme
blocage
des
forces
productives.
L'insistance
sur
la
tendance
-‐
l'œuvre
représentant
implicitement
une
position
politique
-‐
donne
des
œuvres
tendancieuses
car
elles
prennent
le
risque
de
l'importation
de
raison
venues
de
l'extérieur
de
l'œuvre
et
non
développé
dans
l'immanence
de
leur
mise
en
forme
qui
peut
l'amener
à
ne
pas
se
plier
à
la
ratio
de
la
praxis[598].
Le
réalisme
socialiste
a
manqué
d'autre
part
le
moment
spirituel
de
l'art
dont
la
reconnaissance
n'est
pas
synonyme
d'idéalisme.
Si
par
le
réalisme
esthétique,
l'on
souhaite
se
débarrasser
de
toute
trace
d'idéalisme,
alors
cette
doctrine
manque
l'essence
de
l'art
en
ce
qu'il
est
un
phénomène
spirituel,
en
ce
que
l'esprit
est
un
moment
inévitable
de
la
réflexion
sur
l'art
et
de
son
expérience
qui
ne
peut
sans
reste
être
réduit
à
un
reflet
du
monde
tel
qu'il
est[599].
4.4
Lutte
des
classes
L'art
qui
doit
sublimer
les
impulsions
mimétiques,
les
réfléchissant
en
soi,
et
se
dégager
du
kitsch
présuppose
l'accès
à
la
culture
de
quelques-‐uns,
et
donc
les
rapports
de
classe[600].
C'est
le
kitsch,
mauvais
goût,
qui
introduit
le
facteur
de
classe,
en
ce
qu'il
se
trouve
consommé
par
les
classes
les
plus
basses
alors
que
les
plus
hautes
s'en
détourne
suite
à
une
éducation
artistique.
On
pense
ici
à
l'intégration
en
musique
classique
de
tels
éléments
populaires
par
Mahler,
comme
la
fanfare,
et
de
l'anecdote
de
Debussy
sortant
furieux
de
la
salle
de
nde
concert
où
la
2
symphonie
de
Mahler
était
jouée,
car
elle
intégrait
de
tels
éléments
à
connotation
populaire,
comme
l'utilisation
du
trombone
solo.
Adorno,
dans
son
Mahler,
défend
une
telle
intégration
en
ce
qu'elle
est
distanciée
et
répond
à
un
contenu
d'expérience.
Adorno
note
ici
que
le
vulgaire
qui
est
mis
au
compte
des
masses
est
le
propre
résultat
de
la
société,
comme
ce
qui
leur
a
été
infligé,
et
qui
se
perpétue
par
l'
'offre'
culturel
indigente
sans
réel
choix
dont
le
geste
est
plus
réellement
vulgaire
que
ceux
qui
le
subisse,
et
qui
contribue
à
former
l'esprit
sur
le
ligne
de
moindre
résistance
dans
l'horizon
de
la
plus
grande
consommation
possible[601].
Outre
ce
rapport
direct
à
la
classe
-‐
l'art
est
bourgeois
selon
Adorno
à
la
fin
des
années
60,
mais
ne
défend
pas
pour
autant
ses
intérêts
de
classe
-‐
la
question
esthétique
sur
laquelle
se
penche
Adorno
est
le
problème
de
l'affirmation
marxienne
de
l'histoire
toute
entière
comme
celle
de
la
lutte
des
classes
dans
le
Manifeste
du
Parti
communiste.
Prise
au
pied
de
la
lettre,
les
œuvres
d'art
devraient
y
être
réductibles
et
c'est
ce
que
tenta
Brecht
pour
Shakespeare.
Selon
Adorno,
son
élaboration
porte
la
trace
de
son
modèle
que
serait
le
capitalisme
libéral
d'entreprise,
en
ce
que
sa
formulation
suppose
un
haut
degré
d'intégration
et
de
différenciation
sociale
et
une
conscience
mûre
comme
elle
apparaît
avec
la
bourgeoisie.
C'est
pourquoi
Adorno
utilise
une
formulation
plus
générique
:
les
antagonismes
sociaux
qui
ne
deviennent
lutte
de
classes
que
lorsque
la
société
a
une
structure
marchande
de
type
bourgeoise[602].
Cela
n'explique
cependant
pas
pourquoi,
alors
que
la
structure
de
la
société
dans
laquelle
vit
Adorno
est
bien
de
type
bourgeoise
marchande,
il
continue
à
utiliser
la
formulation
des
'antagonismes
sociaux'
et
non
celle
de
'lutte
de
classes'.
Une
hypothèse
serait
sa
difficulté
à
trouver
une
(non)-‐
classe
du
prolétariat
en
véritable
lutte
avec
le
bourgeoisie,
et
ce
particulièrement
après
son
expérience
américaine.
Les
deux
exemples
ci-‐après
donnés
par
Adorno
d'une
telle
analyse
des
antagonismes
sociaux
fait
d'ailleurs
intervenir
l'individu
face
à
la
société.
On
retrouve
les
propos
de
l'introduction
où
l'instance
réelle
collective
passe
par
l'individu,
ce
qu'expliquerait
certainement
Adorno
par
la
situation
individualiste
à
laquelle
la
société
a
mené.
La
réduction
brechienne
de
Shakespeare
à
la
lutte
des
classes,
la
mise
en
valeur
des
conflits
tirés
de
l'histoire
romaine
entre
plébéiens
et
patriciens,
sont
ainsi
inadéquates
sauf
quand
il
s'agit
du
thème
de
la
pièce.
Sinon,
c'est
dans
la
forme
des
drames
qu'est
véhiculé
son
élément
social.
Ainsi
sont
sociales
les
catégories
d'individu
et
de
passion,
les
caractères
concrétiste
de
Caliban
et
des
marchands
véreux
de
Venise,
et
la
conception
d'un
monde
matriarcal
dans
Macbeth
et
Le
Roi
Lear,
et
le
dégoût
du
pouvoir
dans
Antoine
et
Cléopâtre
et
dans
l'abdication
de
Prospero [603].
Chez
Shakespeare,
les
antagonismes
apparaissent
essentiellement
au
niveau
des
individus,
car
c'est
du
point
de
vue
de
la
victime
du
"progrès"
qu'il
se
place[604].
Chez
Euripide,
le
problème
social
se
lit
dans
son
orientation
de
la
forme
tragique
vis
à
vis
des
sujets
mythiques.
Sa
forme
qui
a
pour
éléments
la
dissolution
du
poids
du
destin,
la
naissance
de
la
subjectivité
et
sa
collision
avec
la
loi
mythique,
témoigne
de
l'émancipation
sociale
des
rapports
familiaux
féodaux
et
de
l'antagonisme
entre
la
domination
liée
au
destin
et
l'humanité
s'éveillant[605].
L'art
parle
au
nom
de
la
société
toute
entière,
non
pour
une
classe
mais
pour
la
société
toute
entière
dans
la
mesure
du
stade
déterminé
du
rapport
entre
forces
et
rapports
de
production.
Le
"Nous",
sujet
collectif
possible
et
non
existant,
qui
parle
dans
les
œuvres
d'art,
et
médiatisé
par
le
sujet
individuel,
n'est
donc
pas
celui
d'une
classe
ou
d'une
position
sociale
déterminée
car
jusqu'à
présent
il
n'y
eu
d'art
que
bourgeois.
Il
est
celui
de
la
société
toute
entière[606].
Cette
transformation
adornienne
du
prolétariat
marxiste
en
sujet
résistant
n'est
donc
pas
radicale
mais
elle
est
le
fait
de
l'art
bourgeois.
Il
n'exclut
donc
pas
la
possibilité
d'un
art
de
classes
non-‐bourgeoises,
et
cite,
sans
prendre
partie,
Trotski
et
son
affirmation
qu'il
pourrait
y
avoir
un
art
socialiste
mais
non
prolétarien.
C'est
la
référence
déterminée
au
cas
par
cas
à
la
souffrance
comme
consécutif
d'une
oppression
qui
localise
en
quel
nom
parle
l'art.
L'art
se
charge
ainsi
pour
Adorno
de
faire
parler
ce
qu'oppresse
le
capitalisme
comme
l'animal,
le
paysage,
et
la
femme[607].
Plus
généralement,
dans
ce
capitalisme
de
monopole
où
l'échange
est
l'universel,
le
particulier
se
trouve
déterminé
comme
exemplaire
de
l'universel,
comme
son
masque.
Le
concret
devient
le
masque
de
l'abstrait
et
l'art
réalise
cette
fausse
concrétion,
le
déclin
de
la
concrétion
comme
dans
l’œuvre
de
Beckett[608].
C'est
ainsi
par
la
référence
générale
à
l'oppression
de
la
nature
par
le
monde
bourgeois,
qu'Adorno
identifie
le
contenu
que
l'art
se
doit
de
mettre
en
forme,
en
prêtant
sa
force
mimétique
et
constructive
à
ce
que
ce
monde
condamne,
stigmatise,
bannit
ou
interdit,
ce
qu'il
n'a
pas
encore
intégré,
"approuvé
et
pré-‐
formé".
C'est
sa
participation
aux
forces
critiques
du
statu
quo
par
le
moyen
d'une
négation
déterminée.
Cette
part
de
prise
de
conscience
non
discursive
a
pour
but
la
réalisation
de
"ce
qui
est
propre
aux
figures
historiques
du
naturel
et
de
sa
subordination"
par
un
aspect
chaotique
s'il
le
faut
et
non
un
"ordre
sensible
et
concret"
comme
le
souhaiterait
une
doctrine
idéaliste
qui
étoufferait
la
nature
sous
sa
volonté
impérieuse[609].
4.5
Forces
et
rapports
de
production
Le
sujet
de
l'art,
sujet
collectif
non
existant,
à
réaliser
et
médiatisé
par
l'individu
se
détermine
par
le
stade
concret
du
rapport
des
forces
de
production
artistiques
et
des
rapports
de
production
artistiques.
La
Postface
de
1967
Sociologie
de
la
musique
du
recueil
Introduction
à
la
sociologie
de
la
musique
aborde
sous
la
forme
d'un
programme
de
recherche
la
question
de
leur
rapport.
La
différence
de
traitement
de
ces
catégories
entre
ce
programme
sociologique
et
la
Théorie
esthétique
à
vocation
philosophique
se
voit
au
seul
niveau
des
définitions
nominales
-‐
à
dépasser
-‐
,
la
conjonction
des
textes
de
1967
et
de
la
Théorie
esthétique
permettant
de
définir
les
forces
productives
de
manière
apparemment
univoque
comme
incluant,
se
différenciant
dans
le
domaine
musical
entre
le
compositeur
et
l'interprète,
l'individu
-‐conscience
et
corps-‐,
le
niveau
technique
actuel
ou
métier
ou
ensemble
des
procédures
techniques
disponibles
ce
qui
permet
d'inclure
les
procédés
de
reproduction
mécanique.
Par
contre,
pour
les
rapports
de
production,
le
texte
de
1967
parle
des
"
conditions
économiques
et
idéologiques
dans
lesquels
s'inscrit
chaque
son",
des
réactions
à
son
écoute,
de
la
mentalité
musicale
et
du
goût
des
auditeurs,
ces
deux
derniers
points
dans
la
mesure
où
Adorno
semble
supposer
qu'ils
sont
réifiés
pour
une
part
et
possède
ainsi
une
stabilité
telle
qu'ils
sont
identifiables.
La
Théorie
esthétique
parle
elle
de
"tout
ce
en
quoi
la
force
productive
se
trouve
incluse
et
sur
quoi
elle
s'exerce"
qui
regroupe
le
contexte
économique
de
production
-‐
contrats
d'artiste,
forme
marchandise
-‐
et
le
matériau
-‐
genre
par
exemple[610].
Outre
les
éléments
économiques
et
de
réception,
le
troisième
élément
du
matériau
qui
semble
être
"ce
sur
quoi
[la
force]
s'exerce"
est
un
rapport
de
production
là
où
dans
le
texte
de
1967
il
n'apparaît
pas
sinon
caché
derrière
la
technique.
Le
matériau
est
en
effet
un
nœud
dialectique
en
ce
que
la
technique
artistique
n'a
de
sens
que
dans
la
matériau
où
elle
peut
s'exercer,
et
en
même
temps,
ce
même
matériau
qui
est
réglé
-‐
comme
l'illustre
la
tonalité
en
musique
ou
la
perspective
en
peinture
-‐
constitue
aussi
une
entrave.
Avant
d'aborder
les
différents
rapports
qu'entretiennent
les
forces
et
rapports
de
production,
sociaux
ou
artistiques,
et
la
question
du
progrès
qui
en
est
le
centre
et
que
le
modèle
marxien
en
forces
et
rapports
de
production
permet
d'articuler,
il
faut
rappeler
que
le
point
essentiel
pour
Adorno
dans
la
question
du
rapport
entre
l'art
et
la
société
est
que
son
aspect
social
de
l'art
ne
vient
ni
de
son
mode
de
production
où
se
joue
la
dialectique
des
forces
et
rapports
de
production
artistiques,
ni
de
l'origine
sociale
de
son
contenu
thématique,
mais
de
sa
position
antagoniste
adoptée
vis
à
vis
de
la
négativité
de
la
société
d'échange
totale
où
tout
existence
est
pour
autre
chose
de
par
le
principe
de
l'échange.
Cette
position
est
tenue
par
sa
seule
existence,
négation
déterminée
de
la
société
qui
se
cristallise
dans
la
sublimation
opérée
par
la
loi
de
sa
forme.
C'est
la
position
d'un
art
autonome,
comme
chose
spécifiée
en
soi
ne
se
conformant
pas
mécaniquement
aux
normes
sociales
en
répondant
à
l'étiquette
de
'travail
socialement
utile"[611].
Pour
autant
l'œuvre
d'art
a
le
double
caractère
d'en-‐soi
et
social
et
il
s'y
déroule
leur
dialectique
en
ce
que
la
vérité
sociale
de
l'œuvre
et
sa
vérité
esthétique
renvoient
l'une
à
l'autre.
L'œuvre
"devient
un
élément
social
par
son
en-‐soi,
et
devient
en-‐soi
par
la
force
productive
sociale
qui
agit
en
elle"[612].
4.5.1
Forces/rapports
de
production
artistiques
et
forces/rapports
de
production
sociaux
D'une
part,
la
force
productive
esthétique
possède
une
autonomie
relative
vis
à
vis
de
la
force
sociale
de
production
.
La
relativité
tient
à
ce
que
la
force
de
production
artistique
rejoint
celle
du
"travail
utile",
la
force
de
production
sociale,
en
ce
qu'elle
profite
des
avancées
technologiques,
et
"poursuit
en
soi
les
mêmes
fins",
à
savoir
le
bonheur,
la
fin
de
la
pénurie,
la
satisfaction
instinctuelle.
Quant
aux
rapports
de
production
artistiques,
ils
sont
"des
sédiments
ou
des
empreintes
des
rapports
sociaux
de
production"[613].
Plus
largement,
l'époque
se
caractérisant
par
les
rapports
sociaux
de
production,
et
le
stade
des
forces
de
production[614],
le
complexe
force/rapport
de
production
artistique
-‐
'la
base
artistique'
-‐
a
son
modèle
dans
le
complexe
social
équivalent,
base
sociale.
Les
forces
et
rapports
de
production
reviennent
toujours
dans
les
œuvres
d'art
en
tant
que
ceux-‐ci
sont
des
produits
du
travail
social,
mais
ils
reviennent
libérées
de
leur
factualité
au
sein
de
la
forme
de
l'œuvre[615].
Quant
au
caractère
autonome
de
l'autonomie
relative
de
la
force
productive
esthétique
vis
à
vis
de
la
base
sociale
tient
en
ce
que
la
substance
de
la
frayeur
constitutive
de
l'expérience
de
la
réalité
empirique
est
conservée
neutralisée
dans
la
constitution
de
la
forme,
alors
qu'à
la
période
archaïque,
la
trace
de
la
frayeur
des
hommes
face
à
la
nature
mystérieuse,
indomptée,
sauvage,
et
violente
fut
petit
à
petit
balayée
par
la
pensée
identificatrice
rationaliste
pour
aboutir
au
désenchantement
weberien
du
monde.
Cette
conservation
que
réalise
l'art
est
sans
mensonge,
en
ce
que
l'expression
bien
que
mise
en
forme
n'est
pas
simulée
comme
littéralement
réelle,
et
en
cela
fait
participer
les
œuvres
à
l'Aufklärung[616].
Cette
autonomie
relative
se
prolonge
du
fait
que
l'état
des
forces
productives
de
la
production
matérielle,
maintenus
sous
la
pression
des
rapports
de
production,
n'est
pas
la
cause
immédiate
de
la
technique
artistique
dont
la
tendance
subjective
d'emprunter
ses
procédés
au
domaine
social
afin
de
se
démarquer
de
son
origine
magique
est
contrebalancée
par
la
tendance
objective
de
disposer
librement
des
procédures
les
plus
adaptée
pour
structurer
l'œuvre[617].
Quand
bien
même
les
innovations
techniques
passent
dans
l'art,
ce
dernier
n'en
devient
pas
science
pour
autant,
en
ce
que
la
reprise
n'est
pas
littérale.
On
peut
émettre
l'hypothèse
que
l'exemple
avancé
par
Adorno
des
rapports
naturels
des
sons
harmoniques
fait
référence
à
la
création
d'un
tempérament
égal
pour
le
clavier
qui
permettait
une
modulation
à
la
quinte
tout
en
faussant
l'exactitude
de
ces
rapports
mathématiques[618][619].
Ce
n'est
donc
pas
en
soi
que
la
force
productive
artistique
est
différente
de
la
force
productive
sociale
mais
par
"son
éloignement
constitutif
vis
à
vis
de
la
société
réelle"[620].
"Est
moderne
l'art,
qui
d'après
son
mode
d'expérience
et
en
tant
qu'expression
de
la
crise
de
l'expérience,
absorbe
ce
que
l'industrialisation
a
produit
sous
les
rapports
de
production
dominants"[621].
L'art
moderne
n'est
pas
le
vague
esprit
du
temps
comme
le
montre
le
déchaînement
des
forces
productives
et
un
indice
de
preuve
est
le
rejet
comme
démodé
de
l'art
nouveau.
"Il
est
déterminé
aussi
bien
socialement,
par
le
conflit
avec
les
rapports
de
production,
qu'intra-‐esthétiquement
comme
exclusion
d'éléments
usagés
et
de
procédés
techniques
dépassés".
C'est
ainsi
un
concept
matériel
d'art
moderne.
Les
œuvres
veulent
être
au
niveau
de
la
production
matérielle
et
suppriment
tout
ce
qui
n'
est
pas
à
ce
niveau,
les
productions
matérielles
et
artistiques
convergeant
dans
l'exigence
de
cohérence
rationnelle
des
moyens[622].
D'autre
part,
le
lien
entre
forces
et
rapports
de
la
base
artistique
est
beaucoup
plus
lâche
que
celui
de
la
base
sociale
et
ce
qui
sauve
la
force
esthétique
du
danger
de
se
réduire
à
n'être
qu'une
activité
pour
elle-‐même,
moteur
tournant
à
vide,
de
par
cette
faible
contrainte
des
rapports
de
production
esthétique,
affaiblissement
de
la
contrainte
gagné
à
l'avènement
de
la
bourgeoisie,
est
son
investissement
comme
force
de
résistance
à
la
société[623].
C'est
cette
plus
grande
liberté
de
l'art
par
rapport
aux
autres
activités
sociales
qui
lui
permet
d'être
un
modèle
de
planification
que
ne
toléreraient
pas
les
rapports
de
production
dominants,
et
qui
permet
à
l'œuvre
de
développer
une
organisation
pacifique
et
raisonnée
de
ses
parties[624].
4.5.2
Les
forces
de
production
artistiques
et
les
rapports
de
production
Le
rapport
de
production
dominant
pour
la
force
de
production
artistique
est
social,
c'est
celui
de
la
forme-‐
marchandise,
de
l'adaptation
au
marché.
Bien
que
l'œuvre
d'art,
produit
social,
soit
dépouillée
de
l'apparence
d'un
être
pour
la
société,
par
son
caractère
de
sphère
d'immanence,
intègre
ce
rapport
de
production
dominant,
ainsi
que
le
stade
des
forces
de
production
et
leur
rapport[625].
Les
marques
de
cette
servitude
sociale,
la
pression
pour
l'adaptation
au
marché
se
retrouve
dans
les
œuvres
d'art[626].
Aujourd'hui,
dans
le
domaine
pictural,
il
y
a
une
exigence
sourde
que
ne
sont
valables
que
les
grands
formats
par
exemple.
Au
XVIIIème
siècle,
c'était
les
grands
sujets
d'histoire
qu'il
fallait
traiter,
un
des
soucis
de
Chardin
qui
s'épanouissait
plus
volontiers
dans
la
scène
de
mœurs,
la
nature
morte
ou
le
portrait[627].
Une
autre
de
ces
pression
du
domaine
pictural
est
l'unité
du
travail,
l'absence
de
dispersion.
C'est
ainsi
qu'une
exposition
se
fera
sur
un
thème
bien
circonscrit
et
que
l'encadrement,
la
facture
etc.
les
sujets
seront
intégrés
autour
de
ce
thème
comme
des
variations
sur
le
thème,
suffisamment
restreinte
pour
ne
pas
sentir
de
dispersion[628].
Cette
pression
peut
se
concrétiser
plus
fortement
encore
par
les
contrats[629]
que
l'artiste
peut
être
amené
à
signer
avec
des
'diffuseurs'.
C'est
le
cas
dans
la
peinture
où
le
peintre
peut
être
lié
à
une
galerie,
même
de
façon
exclusive,
avec
la
pression
directe
sous-‐jacente
de
persévérer
dans
la
production
'qui
se
vend',
forme
de
collectivisation
forcée
de
l'individu
par
le
primat
de
la
réception,
et
ce
au
détriment
de
la
force
productive
sociale
qui
peut
se
tarir
par
la
répétition[630].
Dans
la
musique,
les
contrats
légalisant
les
commandes
passées
aux
musiciens
intègrent
souvent
la
durée
de
la
pièce.
Cependant
Adorno
considère
à
l'époque
des
grands
monopoles
que
cette
pression
du
marché
n'est
pas
celle
des
besoins
et
que
le
prototype
des
rapports
de
production
dominants
est
la
manipulation
qui
se
loge
pour
une
part
dans
le
phénomène
de
la
mode[631],
à
savoir
que
la
demande
ne
se
développe
pas
librement
mais
est
pour
une
part
pré-‐formée
chez
les
individus
amenés
à
des
options
choisies
préalablement,
ce
qui
est
tout
à
fait
logique
par
rapport
au
primat
du
profit,
en
ce
que
mieux
le
comportement
du
consommateur
est
identifié,
plus
la
garantie
de
la
vente
sera
assurée.
Dans
le
domaine
enfin
directement
fonctionnel
de
l'architecture
ou
de
l'urbanisme,
où
la
manipulation
n'est
pas
absente[632],
où
les
forces
économiques,
fonctionnelles
et
esthétiques
mènent
peut-‐être
la
lutte
la
plus
rude,
les
productions
portent
difficilement
le
nom
d'œuvres
d'art
-‐
le
mot
art
indiquant
la
technique
et
l'esthétique
-‐,
car
les
forces
techniques
de
production
se
règlent
plus
sur
les
impératifs
d'augmentation
quantitative
de
production,
que
sur
la
nature
formée.
Cela
se
voit
dans
les
sites
industriels
à
l'opposé
des
paysages
culturels
comme
modèles
d'une
rationalité
réconciliée
avec
la
nature.
C'est
dans
la
fin
de
ce
rapport
de
domination
et
de
répression,
dans
une
"technique
pacifiée"
que
la
laideur
des
produits
de
cette
violence
cesseront,
et
non
dans
des
"enclaves
planifiés".
Le
geste
dont
la
nature
'pacifique'
en
fait
la
valeur[633]
par
la
prise
en
considération
de
la
situation
dans
laquelle
il
se
déploie,
prend
d'autant
plus
cette
valeur
et
s'avère
difficile
dans
un
environnement
défiguré
où
une
imagination
débridée
ne
pourrait
avoir
cours
sans
tomber
dans
le
kitsch.
Là
se
retrouve
la
question
de
la
praxis
de
l'art
et
au
sein
de
son
domaine
de
la
question
de
la
révolution.
Face
à
une
situation
étouffante,
comme
concilier
le
geste
émancipateur
de
l'art
sans
qu'il
implique
la
violence
?
Le
cas
du
fauvisme
est
symptomatique
de
la
dialectique
qui
s'instaure
:
libérant
la
couleur
pure,
toutes
les
nuances
de
la
peinture
précédente
sont
perdues.
Ces
problèmes
intra-‐esthétiques,
qui
apparaissent
bornés
face
à
la
situation
sociale
extérieure,
mais
qui
sont
la
condition
de
son
autonomie
et
donc
de
sa
capacité
critique,
implique
qu'il
est
impossible
de
décider
d'
'en-‐haut',
depuis
les
rapports
de
production,
de
la
possibilité
de
l'art,
la
décision
dépendant
du
stade
des
forces
productives
artistiques
qui
implique
ou
non
en
lui-‐même
le
possible
non
encore
réalisé;
dans
cette
exigence,
c'est
un
art
qui
s'oppose
à
l'idéologie
positiviste
qui
a
besoin
du
'donné'
présent
dans
ses
mains,
du
'palpable'
comme
garantie
d'efficacité
et
donc
de
vérité
selon
son
principe
pragmatique[634].
Ce
hiatus
entre
la
culture
établie,
représentant
l'instance
des
rapports
de
production,
et
les
forces
productives
s'actualise
concrètement
dans
le
problème
de
l'expérimentation
sans
garantie
de
réussite
qui
est
devenu
nécessaire
au
sein
de
l'art
comme
moyen
de
connaissance
de
son
matériau
mais
qui
du
point
de
vue
social
apparaît
comme
une
activité
pour
soi[635].
4.5.3
Progrès
artistique
Sous-‐jacent
à
ce
rapport
des
forces
et
rapports
de
production,
c'est
la
question
du
progrès
artistique
qui
se
pose
et
son
rapport
au
progrès
social.
Le
centre
de
la
réflexion
d'Adorno
semble
alors
être
l'articulation
de
la
finalité
de
l'art
et
de
ses
moyens.
Cette
finalité
se
lit
dans
l'une
des
définitions
de
l'art
comme
prétention
à
être
"conscience
des
malheurs"[636].
La
question
de
son
contenu
de
vérité,
"la
part
d'esprit
objectif
que
recèle
objectivement
une
œuvre
dans
sa
forme
spécifique
est-‐elle
vraie
?"[637]
est
donc
celle
de
l'accomplissement
ou
non
de
cette
prétention,
et
comme
le
malheur
présent
est
généré
essentiellement
par
l'oppression
sociale
sur
l'individu
et
la
nature,
c'est
la
question
de
la
réussite
ou
non
par
l'articulation
de
sa
forme
à
libérer
l'expression
de
la
nature
opprimée,
à
la
manifester
[638].
Pourrait-‐on
alors
dire
que
l'art
est
la
vraie
mauvaise
conscience
de
la
fausse
totalité
sociale
?
Mais
comme
la
finalité
sociale
qui
est
l'instauration
d'une
communauté
libre
et
heureuse
où
l'individu
qui
n'est
pas
un
pur
esprit
verra
ses
prétentions
à
la
satisfaction
sensible
remplies,
se
pose
le
problème
de
savoir
comment
une
œuvre
où
toute
trace
sensible
aurait
disparu
pourrait
encore
parler
pour
ce
qui
aspire
à
ce
lieu
sensible,
et
comment
une
œuvre
qui
fournit
une
satisfaction
sensible
peut
exprimer
le
malheur.
La
réponse
semble
être
dans
le
caractère
expressif
de
l'œuvre,
mais
d'une
expressivité
où
l'exprimé
est
libéré
par
une
recomposition
dans
une
forme
des
éléments
de
l'étant,
ou,
en
jouant
sur
les
mots,
par
une
re-‐formation
comme
ré-‐
forme[639]
ou
dé-‐formation
illuminante
de
l'image
apprêtée
du
monde,
et
non
d'une
expressivité
dont
peut
se
parer
tout
objet
dès
que
le
récepteur
prend
une
posture
de
réception
contemplative
du
monde,
où
tout
objet
devient
une
image
expressive
de
lui-‐même,
l'image
charriant
tout
le
flot
du
vécu
autour
de
cet
objet.
Comme
le
contenu
de
vérité
historique
d'une
œuvre
est
le
lieu
de
"la
conscience
la
plus
avancée
des
contradictions
dans
l'horizon
de
leur
réconciliation
possible"[640]
et
que
le
caractère
de
pratique
de
l'art
ne
garantie
pas
au
geste
de
porter
cette
conscience,
la
le
stade
des
forces
productives
artistiques
représenté
par
cette
conscience
n'assure
pas
ce
contenu
de
vérité.
La
comparaison
entre
Bach
et
Beethoven
donne
le
terme
conclusif
de
la
question
du
progrès
en
art
en
ce
que
celui-‐ci
se
différenciant
suivant
un
progrès
dans
la
maîtrise
du
matériau,
et
un
progrès
dans
la
conscience
de
la
liberté.
C'est
ce
dernier
qui
permet
de
comparer
des
artistes,
car
pour
ce
qui
concerne
la
maîtrise
du
matériau,
chacun
des
deux
le
maîtrise
parfaitement.
C'est
ainsi
que
qu'Adorno
constate
"que
la
voix
du
sujet
arrivé
à
maturité,
émancipation
du
mythe
et
réconciliation
avec
celui-‐ci
,
c'est
à
dire
le
contenu
de
vérité,
a
plus
évolué
chez
Beethoven
que
Bach".
C'est
pourquoi
il
n'y
a
dans
l'histoire
de
l'art,
en
suivant
ce
critère
autant
qu'aussi
peu
de
progrès
que
dans
la
société.
En
particulier,
Adorno
ne
croit
pas
que
le
mouvement
des
besoins,
avec
l'essor
des
forces
productives
équivaut
à
terme
à
un
progrès,
à
l'avènement
d'une
totalité
harmonieuse,
en
ce
sens
qu'il
observe
dans
la
société
une
intégration
et
manipulation
de
ces
besoins,
qui
ne
sont
plus
les
besoins
authentiques
des
hommes
mais
leur
figure
aliénée.
La
satisfaction
de
même
se
trouve
être
faussée,
réifiée
qu'elle
est,
comme
dans
la
musique
de
masse
imposée
sans
respect
comme
une
'bonne
tape
sur
l'épaule'[641].
Par
contre,
les
moyens
de
l'art
peuvent
s'enrichir
au
cours
de
son
histoire,
ses
matériaux
et
ses
techniques.
Cet
enrichissement
correspond
à
un
gain
de
puissance,
de
potentialité
pour
répondre
au
problème
posé
par
l'œuvre
et
pour
prêter
sa
voix
à
la
douleur
du
monde.
La
courbe
de
cet
enrichissement
au
cours
de
l'histoire
n'est
pas
linéaire,
mais
est
caractérisée
comme
un
ensemble
de
"séries
continues
brisés
par
la
contrainte
sociale"[642],
en
ce
sens
qu'un
changement
de
structure
sociale
provoque
des
ruptures
dans
les
progrès
au
sein
d'un
genre
donné
(ex:opéra).
D'autre
part,
les
progrès
dans
une
dimension
accompagne
une
perte
dans
une
autre,
comme
on
le
voit
avec
les
Fauves
qui
ont
perdu
en
différenciation
subjective
mais
gagné
en
expressivité
de
la
couleur,
ou
entre
la
musique
occidentale
et
exotique,
la
première
ayant
développé
par
des
rapports
lâches
de
production,
permettant
de
se
constituer
en
autonomie,
une
polyphonie
élaborée,
mais
en
perdant
par
là
une
capacité
de
différenciation
par
rapport
à
d'infimes
variations
dans
la
monodie,
au
contraire
de
la
musique
exotique
où
la
pression
rituelle
comme
rapport
de
production,
entraînant
une
domaine
de
tolérance
de
variation
étroit,
a
permis
le
renforcement
de
faculté
de
différenciation.
La
difficulté
de
la
question
du
progrès
et
de
mettre
à
jour
une
structure
unitaire
permettant
la
présentation
d'une
continuité
dans
son
histoire
tient
au
double
caractère
de
l'art,
son
ambiguïté
comme
élément
social
et
élément
encore
socialement
déterminé
dans
son
autonomie.
Les
ruptures
de
la
continuité
historique
d'un
progrès
sur
une
dimension
sont
souvent
le
sacrifice
de
l'autonomie
où
se
situe
la
force
productive
devant
l'élément
social,
les
rapports
de
production.
L'art
est
médiatisé
par
la
structure
sociale
dominante
du
moment.
L'histoire
de
l'art
ne
s'organise
suivant
une
certaine
nécessité
qu'eu
égard
à
la
tendance
sociale
globale[643].
Pour
analyser
si
l'œuvre
est
idéologique,
il
s'agit
alors
de
comparer
sa
structure
immanente
et
les
rapport
sociaux
du
moment.
4.5.4
Le
sujet
collectif
résistant
non
encore
réalisé
Le
problème
de
la
théorie
et
de
la
pratique,
à
savoir
pour
Adorno
du
caractère
non-‐continu
du
passage
de
l'un
à
l'autre
déjà
évoqué
au
sujet
de
l'utopie,
qui
empêche
de
garantir
a
priori
que
l'analyse
théorique
et
la
prise
de
conscience
concomitante
se
retrouve
dans
la
pratique
à
laquelle
elle
donne
lieu,
investit
la
question
du
sujet
des
œuvres
-‐
'qui
parle
dans
l'œuvre
?'
-‐
qu'Adorno
va
analyser
comme
un
sujet
collectif.
En
effet,
la
conscience
sociale
qui
est
devenu
un
des
facteurs
de
la
production
artistique,
n'est
qu'une
prétention
qui
ne
se
validera
que
dans
une
pratique,
fût-‐elle
théorique.
Dans
ce
dernier
cas,
l'analyse
effectuée
sur
les
œuvres
rejaillit
sur
les
théories
dont
la
réalisation
matérielle
comme
geste
se
trouve
analysée
par
leur
prétention,
et
qui
se
trouve
résumée
par
la
question
de
la
cohérence
entre
ce
qui
se
dit
et
ce
qui
se
fait
-‐
qui
est
un
dire
latent
que
l'analyse
peut
articuler,
donc
par
la
question
entre
le
manifeste
et
le
latent,
ce
qui
renvoie
à
la
question
de
l'apparence
et
de
l'essence,
et
qui
scinde
en
apparence
la
conscience
en
deux
selon
le
doublet
du
théorique
et
du
pratique.
Cette
problématique
nde
renvoie
au
matérialisme
de
la
pratique
au
sens
de
Marx
dans
la
2
thèse
sur
Feuerbach[644][645].
Et
'ce
qui
importe'
le
plus,
pour
Adorno
c'est
le
caractère
effectif
de
la
'seconde
conscience'
qui
s'exprime
dans
l'œuvre
et
qui
est
mis
à
jour
par
la
théorie,
et
qui
ne
coïncide
pas
avec
son
effet
social
à
cause
du
mécanisme
de
réification
des
consciences
et
de
l'idéologie.
La
"conscience
adéquate"
pour
Adorno
est,
depuis
"la
naissance
d'un
potentiel
de
liberté",
"la
conscience
la
plus
avancée
des
contradictions
dans
l'horizon
de
leur
réconciliation
possible.
Le
critère
de
la
conscience
la
plus
avancée
correspond
au
stade
des
forces
productives
dans
l'œuvre
auquel,
à
l'époque
de
sa
réflexivité
constitutive,
appartient
également
la
position
qu'elle
adopte
à
l'intérieur
de
la
société.
En
tant
que
matérialisation
de
la
conscience
la
plus
avancée
qui
englobe
la
critique
productive
de
la
situation
donnée
-‐
esthétique
et
extra-‐
esthétique
-‐
le
contenu
de
vérité
des
œuvres
d'art
est
une
historiographie
qui
s'ignore,
liée
à
ce
qui,
jusqu'à
aujourd'hui,
a
toujours
été
dans
le
camp
des
vaincus"[646].
Les
"vaincus"
sont
substitués
au
prolétariat.
Et
c'est
le
"stade
socialement
le
plus
avancé
des
forces
productives
-‐
parmi
lesquelles
figurent
la
conscience
-‐
[qui]
détermine
le
problème
posé
à
l'intérieur
des
monades
esthétiques"
dans
leur
structure
[647].
L'œuvre
présente
donc
en
elle
à
la
fois
un
problème
déterminé
historiquement
et
sa
réponse
historique.
L'élément
déterminant
de
celle-‐ci
est
l'
"impulsion
subjective
qui
enregistre
ce
qu'il
convient
de
faire"
et
qui
est
"l'apparition
d'un
élément
objectif
qui
s'accomplit
de
façon
sous-‐jacente,
apparition
du
déploiement
des
forces
de
production
que
l'art,
au
plus
profond
de
lui-‐même,
possède
en
commun
avec
la
société
à
laquelle
il
s'oppose
en
même
temps
par
son
propre
développement".
Cela
éclaire
la
thèse
d'Adorno
selon
laquelle
c'est
parce
qu'il
n'y
a
pas
de
progrès
social,
qu'il
y
en
a
un
dans
l'art.
En
effet
d'un
côté
le
noyau
des
forces
de
production
artistiques
comme
sociales
est
l'impulsion
du
sujet
-‐
dont
la
conscience
est
un
mode
avancé
-‐
qui
tend
logiquement
à
supprimer
sa
souffrance,
dont
l'expression
est
un
mode,
une
forme
de
distance
et
donc
une
sorte
de
prise
de
conscience.
De
l'autre,
la
contrainte
des
rapports
sociaux
de
production
étant
plus
fort
dans
la
société
que
dans
l'art,
cette
expression
est
bridée
dans
le
monde
social,
'tenue
en
laisse'[648],
et
le
développement
observé
dans
l'art
s'explique
alors
par
cette
expressivité
libérée
qui
dans
ce
développement
critique
le
monde
social
où
elle
est
emprisonnée.
La
thèse
d'Adorno
conduit
donc
logiquement
à
la
suivante
:
le
progrès
de
l'art
témoigne
de
l'absence
de
progrès
social.
Ce
progrès
de
l'art,
lié
à
ses
forces
productives
qui
"achèvent
leur
cristallisation
dans
son
autarcie",
et
qui
modifient
leur
stade
historique,
le
niveau
des
techniques,
de
la
conscience
et
de
sa
faculté
de
différenciation
subjective[649],
n'est
cependant
pas
réductible
à
l'individu
et
son
expressivité.
La
force
investie
dans
l'œuvre,
d'apparence
subjective
est
"la
présence
potentielle
de
l'élément
collectif
dans
l'œuvre,
proportionnellement
aux
forces
productives
disponibles".
L'apparence
nécessaire
d'intériorité
de
la
subjectivité
a
été
imposée
par
le
mode
de
production
capitaliste
et
son
processus
du
travail,
où
le
salarié,
étant
supposé
libre
sur
le
marché
du
travail,
doit
pour
perpétuer
le
système,
accomplir
par
devoir,
quasi-‐volontairement
son
travail
salarié[650].
Le
modèle
de
lieu
où
le
mensonge
de
cette
apparence
par
l'apparition
collective
peut
être
localisé
est
celui
des
corrections
que
les
artistes
effectuent,
et
au
cours
desquelles
ils
travaillent
alors
comme
agents
sociaux,
incarnant
"les
forces
sociales
de
production
sans
être
lié
en
même
temps,
nécessairement,
aux
censures
dictées
par
les
rapports
de
production
qu'il
ne
cesse
également
de
critiquer
par
la
rigueur
du
métier",
métier
qui
limite
la
palette
de
solutions
possibles
face
au
problème
singulier
de
l'œuvre[651].
Dans
ces
corrections
joue
aussi
et
se
modifie
par
leur
critique
le
canon
historique
des
interdits
esthétiques[652].
Cet
élément
collectif
explique
que
les
forces
productives
artistiques
'individuelles'
peuvent
être
renforcées
par
un
travail
collectif
réel
comme
dans
les
mouvements
en
"ismes"
-‐
impressionnisme,
expressionisme,
cubisme,
etc.
-‐
,
où
une
volonté
consciente
de
ce
qu'il
y
a
avait
à
faire
s'affirmait[653],
réalisation
sous
la
forme
de
mouvement
de
cette
une
force
collective
potentielle.
Ce
"Nous",
sujet
collectif
de
l'art
qui
représente
"la
société
dans
son
ensemble
dans
l'horizon
d'une
certaine
indétermination"
n'est
pas
arbitraire,
son
degré
de
détermination
étant
lié
à
celui
des
forces
productives
et
des
rapports
de
production
dominants
d'une
époque
[654].
Cependant
aucune
garantie
n'est
fournie
par
rapport
à
la
question
du
progrès.
D'abord
en
ce
que
l'objectivité
immanente
de
l'œuvre
que
l'artiste
doit
suivre
peut
s'avérer
trop
exigeante
pour
les
forces
productives
qui
doivent
la
former,
l'esprit
de
l'artiste
et
ses
procédés
techniques;
c'est
le
risque
supposé
par
la
possibilité
du
Nouveau
en
art.
L'individu
part
nécessairement
d'une
insuffisance
historique
face
à
la
souffrance
qui
doit
nouvellement
s'exprimer
par
lui[655].
Participe
à
cette
souffrance
et
cette
nécessité
du
Nouveau,
la
socialisation
des
innovations
de
l'art
dont
la
force
est
récupérée
à
fin
de
conservation
du
système[656].
Cette
résistance
à
son
instrumentalisation
sociale[657]
la
pousse
à
l'innovation.
Le
second
risque
auquel
est
confronté
l'art
se
formule
comme
le
fait
que,
pour
se
différencier
d'une
production
industrielle
dépouillée
de
toute
trace
de
la
part
sensible
de
l'humanité,
il
garde
un
rapport
à
l'artisanat
qui
comporte
dans
son
caractère
opérationnel
le
caractère
d'un
"faire
aveugle".
En
tant
que
tel,
le
façonnage
de
l'œuvre
peut
contribuer
à
inverser
sa
critique,
rien
ne
permettant
d'assurer
que
sa
pratique
obéira
à
sa
théorie.
C'est
"là
que
la
confiance
en
soi
des
forces
techniques
de
production
dans
l'identité
avec
la
conscience
la
plus
avancée
trouve
sa
limite"[658].
5
Conclusion
Cette
étude
s'est
proposé
de
lire
la
Théorie
esthétique
à
la
lumière
de
son
usage
des
catégories
marxistes
et
de
la
signification
d'une
esthétique
dialectique
et
matérialiste,
et
ce
dans
l'ambition
de
s'y
appuyer
pour
développer
une
interprétation
générale
de
l'esthétique
d'Adorno.
La
cartographie
transversale
des
usages
des
catégories
marxistes,
s'appuyant
sur
coupe
classificatrice
effectuée
dans
le
corps
du
texte
adornien,
a
permis,
outre
d'avoir
présenté
thématiquement
ces
usages,
de
faire
émerger
le
fait
que
la
théorisation
de
l'œuvre
d'art
dans
la
Théorie
esthétique
est
le
pendant
exacte
de
la
théorisation
de
la
pensée
dans
la
Dialectique
négative.
En
effet
l'œuvre
d'art
est
définit
par
son
double
caractère,
comme
un
être
duel,
possédant
deux
faces,
une
face
immédiatement
sociale,
hétéronome,
de
part
le
fait
que
l'objet
d'art
est
le
produit
d'une
pratique
artistique
qui
obéit
à
la
division
sociale
de
travail,
et
qui
s'intègre
ainsi
dans
l'ensemble
des
activités
sociales.
Sa
seconde
face,
est
sa
face
autonome
mais
d'une
autonomie
relative,
le
fait
que
l'émancipation
bourgeoise
de
l'époque
moderne
l'ait
libérée
de
ses
fonctions
sociales
précédentes,
fonctions
cultuelles
ou
de
divertissement,
comme
elle
l'a
fait
avec
l'individu
en
l'émancipant
de
son
intégration
dans
un
système
d'ordres,
de
corporations
et
de
jurandes
etc.
par
exemple,
et
ait
permis
que
se
développe
librement
la
sphère
de
la
mise
en
forme
de
l'expérience
du
sujet,
à
partir
de
la
réaction
du
sujet
à
l'objectivité
du
monde,
réaction
sublimée
en
loi
de
la
forme
selon
une
recomposition
des
fragments
de
l'étant
issus
de
cette
expérience
au
moyen
d'une
technique
déterminée
par
son
stade
historique.
Les
sédiments
historiques
et
sociaux
entrant
dans
le
sujet,
et
la
technique
et
l'expérience
du
moment
étant
de
caractères
social
et
historique,
cette
sphère
autonome
reste
déterminée
par
la
société
mais
indirectement,
suivant
ces
trois
prismes
dont
la
coordination
des
spectres
produit
l'image
que
l'œuvre
met
en
scène,
et
qui
décidera
si
le
lien
avec
la
réalité
empirique,
le
monde
social
du
moment
a
été
rompu
-‐
dans
le
double
sens
de
la
constitution
d'une
abstraction
ou
dans
la
retombée
comme
simple
élément
de
la
réalité
empirique
-‐
ou
si
dans
son
maintient,
la
vérité
de
l'instant
historique
est
atteinte
ou
non.
C'est
la
face
autonome
qui
répond
à
l'immanence
de
la
pensée.
Dans
celle-‐ci
l'élément
qui
n'est
pas
de
la
pensée
et
qui
la
marque
est
l'élément
somatique,
pulsionnel,
qui
se
remarque
dans
des
notions
comme
celle
de
sensation
qui
ne
peut
se
réduire
à
un
pur
fait
de
conscience
mais
est
lestée
d'une
composante
'matérielle'.
Quant
à
l'œuvre
d'art,
son
immanence
est
lestée
des
mêmes
impulsions
corporelles
mimétiques
que
la
technique
a
permis
d'objectiver
dans
une
forme,
à
l'instar
de
la
pensée
qui
objective
le
besoin,
qui
leste
son
immanence,
par
la
correction
conceptuelle
dialectique.
Pour
poursuivre
ce
projet
d'interprétation
générale,
il
s'agira,
de
confronter
le
rapport
d'Adorno
à
Kant
et
à
Hegel,
ce
rapport
se
justifiant
par
l'affirmation
de
la
Théorie
esthétique[659]
selon
laquelle
Kant
et
Hegel
auraient
développé
"les
conceptions
esthétiques
les
plus
puissantes"
et
par
le
fait
.que
le
texte
ne
cesse
de
s'y
confronter.
Par
la
comparaison
entre
des
interprétations
récentes
des
deux
philosophes
et
de
ce
rapport,
il
pourra
être
distingué
par
contraste
le
geste
proprement
adornien
d'interprétation
et
posé
la
question
du
caractère
déterminant
ou
non
de
sa
lecture
marxienne.
Pour
cela,
un
certain
nombre
de
concepts
d'Adorno
seront
à
approfondir,
comme
celui
d'esprit
par
exemple,
et
la
question
de
savoir
si
selon
Adorno,
c'est
le
caractère
marchand
qui
est
responsable
des
différents
phénomènes
de
réification,
de
fétichisme,
ou
le
caractère
capitaliste,
à
savoir
dès
que
la
force
de
travail
devient
une
marchandise.
6
Bibliographie
sommaire
Cette
bibliographie
est
réduite
aux
éditions
en
français
d'Adorno
et
directement
sur
Adorno.
Ne
sont
donc
pas
citées
les
différentes
éditions
de
magazines
par
exemple
où
des
textes
d'Adorno
ont
été
traduits
(ex
:
L'Arc
n°40
sur
Beethoven,
Cahiers
de
l'Ircam,
etc.).
Les
édition
indiquées
sont
les
dernières
en
date.
Les
œuvres
complètes
en
allemand
d'Adorno
-‐
Gesammelte
Schriften-‐
sont
éditées
par
Suhrkamp,
Frankfurt
am
Main
par
Rolf
Tiedemann.
Une
très
importante
bibliographie
allemande
d'ouvrages
allemands
surtout
et
américains
est
fournie
à
la
date
1983
dans
l'ouvrage
Adorno
Konferenz
(Frankfurt
am
Main,
Suhrkamp
Verlag,
1983)
Une
bibliographie
internationale
est
fournie
à
l'année
1986
par
l'ouvrage
de
M.Jimenez,
Adorno
et
la
modernité
(Paris,
Klincksieck,
1986).
Les
textes
sont
présentés
dans
l'ordre
décroissant
de
la
dernière
date
d'édition
et
par
auteur.
6.1
Textes
d'Adorno
traduits
en
Français
Auteur;Titre;Edition;Utilisation/Compléments
·∙
T.W.Adorno;L'art
et
les
arts;Paris,
Desclée
de
Brouwer,
2002,
trad.
J.Lauxerois;Interventions
ayant
valeur
de
modèle
dans
le
domaine
artistique
(musique,
architecture,
genres
artistiques)
·∙
T.W.Adorno
et
W.Benjamin;Correspondance
Adorno-‐Benjamin
1928-‐1940;Paris,
La
Fabrique
éditions,
2002,
trad.
P.Ivernel;
·∙
T.W.Adorno;Minima
Moralia
Réflexions
sur
la
vie
mutilée;Paris,
Payot,
2001,
trad.
J.R.Ladmiral,
E.Kaufholz;Interventions
dialectiques
dans
la
vie
quotidienne
·∙
T.W.Adorno;Dialectique
négative;Paris,
Payot
et
Rivages,
2001,
trad.
G.Coffin,
Joëlle
Masson,
Olivier
Masson,
Alain
Renaut,
D.Trousson;La
dialectique
selon
Adorno
et
son
rapport
au
matérialisme
(édition
de
1978
utilisée)
·∙
T.W.Adorno;Sur
Walter
Benjamin;Paris,
Gallimard,
2001,
trad.
C.David;
·∙
T.W.Adorno;Contribution
à
:
Nietzsche
l'antipode,
le
drame
de
Zarathoustra
de
H.G.Gadamer
;Paris,
Allia,
2000,
trad.
C.David;
·∙
T.W.Adorno;Notes
sur
la
littérature;Paris,
Flammarion,
1999,
trad.
S.
Muller;Interventions
dialectiques
en
critique
littéraire
·∙
T.W.Adorno;Théorie
Esthétique,
Paralipomena,
Introduction
première;Paris,
Klincksieck,
1995,
trad.
M.Jimenez;Œuvre
étudiée
et
compléments
·∙
T.W.Adorno;Sur
quelques
relations
entre
musique
et
peinture;Paris,
La
Caserne,
1995,
trad.
P.Szendy
avec
collaboration
de
J.Lauxerois;
·∙
T.W.Adorno;Texte
Parataxe
intégré
dans
:
Hymnes,
élégies
et
autres
poèmes
de
F.Hölderlin;Paris,
Flammarion,
1995,
trad.
S.Muller
(pour
Parataxe);voir
Notes
sur
la
littérature
·∙
T.W.Adorno;Introduction
à
la
sociologie
de
la
musique;Paris,
Contrechamps
Editions,
1994,
trad.
V.Barras,
C.Russi;forces
et
rapports
de
production
artistiques
dans
la
Postface
·∙
T.W.Adorno;Essai
sur
Wagner;Paris,
Gallimard,
1993,
trad.
H.Hildenbrand,
A.Lindenberg;
·∙
T.W.Adorno;Philosophie
de
la
nouvelle
musique;Paris,
Gallimard,
1990,
trad.
H.Hildenbrand,
A.Lindenberg;méthodologie,
application
de
la
dialectique
·∙
T.W.Adorno;Jargon
de
l'authenticité;Paris,
Payot,
1989,
trad.
E.Escoubas;
·∙
T.W.Adorno;Alban
Berg
:
le
maître
de
la
transition
infime;Paris,
Gallimard,
1989,
trad.
R.Rochlitz;
·∙
T.W.Adorno;Préface
à
Etudes
sur
la
philosophie
de
Walter
Benjamin
de
Rolf
Tiedemann;Arles,
Actes
Sud,
1987,
trad.
R.Rochlitz;
·∙
T.W.Adorno;Prismes
:
critique
de
la
culture
et
société;Paris,
Payot,
1986,
trad.
G.
et
R.
Rochlitz;
·∙
T.W.Adorno;Modèles
critiques
:
interventions
répliques
;Paris,
Payot,
1984,
trad.
M.Jimenez
et
E.Kaufholz;Théorie
et
Praxis.Texte
consulté
dans
l'édition
américaine
:
Critical
Models
Interventions
and
catchwords,
New-‐York,
Columbia
University
Press
1998,
trad.
H.W.Pickford
·∙
T.W.Adorno;Quasi
una
fantasia;Paris,
Gallimard,
1982,
trad.
J.L.Leleu
avec
collaboration
de
O.Hansen-‐Love,
P.Joubert;Interventions
dialectiques
en
critique
musicale
·∙
T.W.Adorno;Ecrits
Musicaux;Paris,
Gallimard,
1982
;
·∙
T.W.Adorno;Trois
études
sur
Hegel;Paris,
Payot,
1979,
trad.
du
séminaire
de
traduction
du
Collège
de
philosophie;Rapport
à
Hegel.
Texte
consulté
dans
l'édition
américaine:
Hegel
:
Three
Studies,
Cambridge
(Massachusetts),
The
MIT
Press,
1993,
trad.
S.Weber
Nicholson
·∙
T.W.Adorno
avec
K.Popper;Contribution
à
:
De
Vienne
à
Francfort
:
la
querelle
allemande
des
sciences
sociales;Bruxelles,
Editions
Complexe,
1979,;
·∙
T.W.Adorno;Préface
de
:
Allemands
:
une
série
de
lettres
de
W.Benjamin;Paris,
Hachette,
1979,
trad.
G.Goldschmidt;
·∙
T.W.Adorno;Mahler,
une
physionomie
musicale;Paris,
Les
Editions
de
Minuit,
1976,
trad.
J.L.Leleu
et
T.Leydenbach;Exemple
de
réalisation
d'une
étude
esthétique
·∙
T.W.Adorno
avec
Max
Horkheimer;La
dialectique
de
la
Raison;Paris,
Gallimard,
1974,
trad.
E.Kaufholz;l'industrie
culturelle,
la
dialectique
de
la
raison
·∙
T.W.Adorno
avec
Hanns
Eisler;Musique
de
Cinéma;Paris,
L'Arche,
1972,
trad.
J.P.Hammer;
6.2
Textes
en
français
sur
Adorno
Auteur;Titre;Edition;Utilisation
·∙
Y.Cusset,
S.Haber;Le
Vocabulaire
de
l'Ecole
de
Francfort;Paris,
Ellipses,
2002;
·∙
P.L.Assoun;L'Ecole
de
Francfort;Paris,
PUF,
2001
;
·∙
B.Ouattara;Adorno
et
Heidegger,
une
controverse
philosophique;Paris,
Montréal
(Québec),l'Harmattan,
1999
·∙
B.Ouattara;Adorno
:
philosophie
et
éthique;Paris,
Montréal
(Québec),
l'Harmattan,
1999
·∙
A.Boissière;Adorno,
la
vérité
de
la
musique
moderne;Villeneuve
d'Ascq,
Presses
Universitaires
du
Septentrion,
1999
·∙
F.Vandenberghe;Une
histoire
critique
de
la
sociologie
allemande.
Tome
2,
Horkheimer,
Adorno,
Marcuse,
Habermas
:
aliénation
et
réification;Paris,
Editions.
la
Découverte,
,
1998
·∙
M.Jimenez;Qu'est-‐ce
que
l'esthétique
?;Paris,
Gallimard,
1997
·∙
M.Jimenez;Les
enjeux
de
la
critique
esthétique;
Lire
Adorno
aujourd'hui;Villeurbanne,
Nouveau
musée-‐Institut
d'art
contemporain,
1996
·∙
M.Jimenez;Adorno
et
la
modernité
:
vers
une
esthétique
négative;Paris,
Klincksieck,
1986
·∙
M.Jimenez;Theodor
W.
Adorno
:
art,
idéologie
et
théorie
de
l'art;Paris,
Union
générale
d'éditions,
1973
·∙
J.M.Paul
(Dir.
de
pub.)
Actes
du
colloque
de
Nancy,
novembre
1995,;Max
Horkheimer,
Theodor
W.
Adorno
et
la
"Dialektik
der
Aufklärung";Nancy,Centre
de
recherches
germaniques
et
scandinaves
de
l'Université
de
Nancy
2,
1996
·∙
M.Leter;Observations
sur
le
conflit
heuristique
du
laïque
et
de
l'herméneutique
chez
les
penseurs
juifs
:
des
"Thèses
sur
Feuerbach"
de
Marx
à
la
"Dialectique
négative"
d'Adorno;Le
Perreux,
Presses
du
Centre
de
recherches
heuristiques,
1996
·∙
Joan
Nordquist
(Bibliographie);Theodor
Adorno,
II
:
a
bibliography;Santa
Cruz
(Calif.),
Reference
and
research
services,
1994
·∙
C.Menke;La
souveraineté
de
l'art
:
l'expérience
esthétique
après
Adorno
et
Derrida;Paris,
A.Colin,
1993,
trad.
P.Rusch
·∙
R.Wiggershaus;L'Ecole
de
Francfort
:
histoire,
développement,
signification;Paris,
PUF,
1993,
trad.
L.Deroche-‐
Gurcel
·∙
P.Lacoue-‐Labarthe;Musica
ficta
:
figures
de
Wagner;Paris,
C.Bourgeois,
1991
·∙
Collectif;Théories
esthétiques
après
Adorno
/
Hans
Robert
Jauss,
Rüdiger
Bubner,
Karl
Heinz
Bohrer,
Peter
Bürger,
…
;Paris,
Actes
Sud,
1990,
trad.
R.Rochlitz
et
C.Bouchindhomme
·∙
Garcia
Düttman;La
Parole
donnée
:
mémoire
et
promesse;Paris,
Galilée,
1989
·∙
M.Jimenez,
T.W.Adorno,
R.Tiedemann,
etc.;Adorno;Toulouse,
Privat,
1985
puis
Paris,
Revue
d'esthétique
n°8,
1985
·∙
R.Court;Adorno
et
la
nouvelle
musique
:
art
et
modernité;Paris,
Klincksieck,
1981
·∙
J.M.Vincent;La
théorie
critique
de
l'école
de
Francfort;Paris,
Galilée
1976;Rapport
théorie-‐pratique
·∙
Numéro
spécial
de
la
Revue
d'esthétique
1975;Présences
d'Adorno;Paris,
Union
générale
d'éditions,
1975
·∙
A.Tosel;Le
métamarxisme
de
la
Théorie
critique
de
l'école
de
Francfort
in
Histoire
de
la
philosophie
tome
III;Paris,
,
Gallimard,
Bibiothèque
de
la
Pléiade,
1974;L'Ecole
de
Francfort
6.3
Autres
textes
utilisés
Auteur;Titre;Edition;Utilisation
·∙
J.Bidet;Que
faire
du
Capital
?;Paris,
PUF,
2000;Idéologie
·∙
G.Raulet;Walter
Benjamin;Paris,
Ellipses,
2000;
·∙
J.M.Lachaud
(dir.);Art,
culture
et
politique;Paris,
PUF,
1999;Article
sur
Adorno
par
V.Gomez
·∙
G.Deleuze;La
philosophie
critique
de
Kant;Paris,
PUF,
1997;L'esthétique
de
Kant
·∙
E.Kant;Critique
de
la
Raison
Pure;Paris,
Aubier,
1997,
trad.
A.Renaut;Intérieur,
extérieur
d'un
objet
de
connaissance
·∙
E.Kant;Critique
de
la
Faculté
de
Juger;Paris,
Gallimard
1985,
trad.
A.J.L.Delamarre,
J.R.Ladmiral,
M.B.de
Launay,
J.M.Vaysse;Concept
de
finalité,
subjective
et
objective,
le
beau,
le
sublime
·∙
L.Althusser;Pour
Marx;Paris,
Editions
La
Découverte,
1996;Le
"Piccolo"
Bertolazzi
et
Brech
(Notes
sur
un
théâtre
matérialiste)
·∙
B.Chavance;Marx
et
le
capitalisme;Paris,
Nathan,
1996;Introduction
à
l'économie
de
Marx
·∙
M.Horheimer;Théorie
traditionnelle
et
théorie
critique;Paris,
Gallimard,
1996,
trad.
C.Maillard
et
S.Muller;Le
concept
de
théorie
critique
·∙
E.Balibar;La
philosophie
de
Marx;Paris,
La
Découverte,
1993;Idéologie,
fétichisme
chez
Marx
et
présentation
générale
des
catégories
introduites
par
Marx
·∙
Collectif;Anthologie
de
la
poésie
allemande;Paris,
Gallimard,
1993;Lecture
de
Nietzsche,
Borchardt,
Georg,
Wedekind,
Celan,
etc.
·∙
W.Benjamin;Origine
du
drame
baroque
allemand;Paris,
Champs
Flammarion
1985,
trad.
S.Muller,
A.Hirt;Concepts
communs
à
Adorno
:
fragment,
micrologie,
etc.
·∙
K.Marx;Œuvres
I
et
III
(philosophie
et
Economie
1);Paris,
Gallimard,
Bibliothèque
de
La
Pléiade,
1982,
trad.
M.Rubel;Thèses
sur
Feuerbach,
Critique
du
programme
de
Gotha
et
autres
textes
référencés
par
Adorno
·∙
F.Hegel;Introduction
à
l'esthétique
–
Le
Beau;Paris,
Champs
Flammarion,
1979,
trad.
S.Jankélévich;Conception
hégélienne
du
Beau,
rapport
avec
l'esthétique
de
Kant
·∙
F.Hegel;Phénoménologie
de
l'Esprit;Paris,
Aubier,
1941,
trad.
J.Hyppolite;La
dialectique
·∙
A.Tosel;Le
métamarxisme
de
la
Théorie
critique
de
L'Ecole
de
Francfort
in
Histoire
de
la
philosophie
tome
III
;Paris,
Gallimard,
Bibliothèque
de
la
Pléiade,
1974;Critique
d'Adorno
·∙
E.Balibar,
P.Macherey;Dialectique;Article
de
l'Encyclopédie
Universalis
1970;Dialectique
·∙
B.Bourgeois;Idéalisme;Article
de
l'Encyclopédie
Universalis
1970;Idéalisme
·∙
L.Guillermit;Kant;Article
de
l'Encyclopédie
Universalis
1970;L'esthétique
et
le
rapport
à
la
finalité
·∙
G.
Lukacs;Histoire
et
conscience
de
classe;Paris,
Les
Editions
de
Minuit,
1960,
trad.
K.Axelos;Dialectique,
réification
6.4
Dictionnaires
utilisés
Auteur;Titre;Edition;Utilisation
·∙
J.Bidet,
E.Kouvelakis
(dir.);Dictionnaire
Marx
Contemporain;Paris,
PUF,
2001;Articles
de
G.Raulet
sur
l'Ecole
de
Francfort,
et
de
J.M.Vincent
sur
Adorno
·∙
G.Labica,
G.Bensussan
(dir.);Dictionnaire
critique
du
marxisme;Paris,
PUF,
1999;Dialectique,
Ecole
de
Francfort,
etc.
·∙
A.Lalande;Vocabulaire
de
la
philosophie;Paris,
PUF,
1997;
·∙
D.Kambouchner
(dir.);Notions
de
philosophie;Paris,
Gallimard,
1995;
·∙
D.Julia;Dictionnaire
de
la
philosophie;Paris,
Larousse,
1992;
·∙
A.Cuvillier;Nouveau
vocabulaire
philosophique;Paris,
Armand
Colin,
1956;
6.5
Histoires
de
la
philosophie
utilisées
Auteur;Titre;Edition
·∙
B.Parain,
Y.Belaval
(dir.);Histoire
de
la
philosophie;Paris,
NRF,
Encyclopédie
de
la
Pléiade,
1969
(tome
1),1973
(tome
2),1974(tome
3)
·∙
F.Châtelet
(dir.);Histoire
de
la
philosophie;Paris,
Hachette,
1999
·∙
J.Hersh;L'étonnement
philosophique,
une
histoire
de
la
philosophie;Paris,
Gallimard,
1993
·∙
E.Bréhier;Histoire
de
la
philosophie;Paris,
PUF,
1991
7
Notes
Sous
le
titre
Théorie
esthétique
publié
par
Klincksieck,
nous
entendons
aussi
bien
le
corps
de
la
Théorie
esthétique,
son
premier
projet
d'introduction
destiné
à
être
réécrit
Introduction
première,
ainsi
que
les
fragments
regroupés
sous
le
nom
de
Paralipomena
Soleil
du
Sud
L'esprit
et
la
lettre
[1]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(Klincksieck,
Paris,
1995,
trad.M.Jimenez),
p.501
[2]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(Payot,
Paris,
1978,
trad.
G.Coffin,
J.Masson,
O.Masson,
A.Renaut,
D.Trousson.),
p.7-‐8
[3]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.489
[4]
Un
exemple
d'une
telle
tentative
d'interprétation
d'Adorno
est
le
livre
La
théorie
critique
de
l'Ecole
de
Francfort
de
J.M.Vincent
(Paris,
Galilée,
1976)
qui
cependant
semble
plus
juxtaposer
une
partie
de
contexte
historique
et
une
partie
théorique
qu'à
parvenir
à
faire
le
lien
entre
les
deux.
Un
modèle
nouveau
d'une
telle
analyse
sur
l'objet
de
la
modernité
est
fourni
par
Topologie
d'une
alternative
de
J.Bidet
in
Dictionnaire
Marx
Contemporain
sous
la
direction
de
J.Bidet
et
E.Kouvélakis
(Paris,
PUF
2001)
p.360,
un
des
fils
conducteurs
de
Théorie
générale
(Paris,
PUF,
1999)
[5]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.307
[6]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.
cit.),
p.237-‐238
[7]
voir
G.W.F.Hegel,
Principes
de
la
philosophie
du
droit
(Librairie
philosophique
J.Vrin,
1982)
§360
p.341
[8]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.
cit.),
p.150
[9]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.
cit.),
p.126
[10]
T.W.Adorno,
Philosophie
de
la
nouvelle
musique,
(Paris,
Gallimard,
1990,
trad.
H.Hildenbrand,
A.Lindenberg),
p.34-‐37
Introduction
-‐
§
De
la
méthode
[11]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.494-‐497
[12]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.494-‐497.
[13]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(dans
Théorie
esthétique
op.
cit.),
p.364
[14]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.363
[15]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.308
[16]
Il
serait
intéressant
de
comparer
cette
manière
de
cerner
le
réel
à
travers
des
modèles
à
une
autre
solution
à
cette
question
donnée
par
F.Laruelle
avec
une
axiomatique
transcendantale,
où
selon
l'occasion
d'un
matériel
philosophique,
un
nouveau
visage
du
Réel
se
donne
dans
l'écriture.
[17]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.307
[18]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.155
[19]
T.W.Adorno,
Notes
sur
la
littérature
(Flammarion,
Paris,
1984,
trad.S.Muller)
Parataxe
p.330
[20]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.221
[21]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.74
[22]
W.Benjamin,
Origine
du
drame
baroque
allemand
(Flammarion,
Paris,
1985,
trad.
S.Muller),
p.24-‐25
[23]
Il
pourrait
être
intéressant
de
comparer
cette
alternative
avec
la
vision
monadique
de
Leibniz
sans
l'harmonie
pré-‐établie,
à
savoir
avec
la
philosophie
nietzschéenne
comme
monadologie
athée
selon
l'interprétation
de
Heidegger
dans
Nietzsche
(Paris,
Gallimard,
1990-‐1995,
trad.P.Klossowski))
[24]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.296
[25]
sur
le
lien
travail
solitaire
et
collectif
chez
Adorno,
voir
Dictionnaire
Marx
Contemporain
sous
la
direction
de
J.Bidet
et
E.Kouvélakis
(PUF,Paris,
2001)
p.360
[26]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.
cit.),
p.34
[27]
F.Nietzsche,
Aurore
(Gallimard,
Paris,
1980)
Avant
Propos
§5
p.18
[28]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.232
[29]
T.W.Adorno,
L'art
et
les
arts
(Desclée
de
Brouwer,
Paris,2002,
trad.J.Lauxerois),
p.124
[30]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.501sq.
[31]
T.W.Adorno,
Mahler,
une
physionomie
musicale
(Les
Editions
de
Minuit,
Paris,
1976,
trad.
J.L.Leleu
et
T.Leydenbach),
p.22
[32]
M.Horkheimer,
T.W.Adorno,
La
dialectique
de
la
Raison
(Gallimard,
Paris,1974,
trad.
E.Kaufholz),
p.21
[33]
T.W.Adorno,
Mahler,
une
physionomie
musicale
(op.
cit.),
p.22
[34]
T.W.Adorno,
Mahler,
une
physionomie
musicale
(op.
cit.),
p.22
[35]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.cit.),
p.85
[36]
T.W.Adorno,
Minima
Moralia
Réflexions
sur
la
vie
mutilée
(Payot,
Paris,
2001,
trad.
J.R.Ladmiral,
E.Kaufholz),
p.246
[37]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.
cit.),
p.121-‐122
[38]
T.W.Adorno,
Minima
Moralia
(op.
cit.),
p.76
[39]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.cit.),
p.152
[40]
T.W.Adorno,
Minima
Moralia
(op.
cit.),
p.157
[41]
T.W.Adorno,
Critical
models
Interventions
and
catchwords
(Columbia
University
Press,NewYork,1998,trad.H.W.Pickford),
p.260
[42]
T.W.
Adorno,
Critical
models
Interventions
and
catchwords
(op.cit.)
§1
p.260
[43]
Il
sera
traduit
par
la
suite
par
désartification
suivant
une
idée
de
M.Jimenez
qu'il
n'a
pas
retenu
dans
sa
traduction
ici
utilisée
de
la
Théorie
esthétique,
puisqu'il
choisit
désesthétisation
(Théorie
esthétique
p.36
note
7),
mais
qui
a
l'avantage
de
faire
penser
au
désertique,
et
donc
à
la
perte
de
qualités,
renvoyant
ainsi
par
connotation
à
un
terme
employé
par
Adorno
:
Entqualifizierung
et
à
l'aliénation
elle-‐même
Entfremdung.
On
a
ici
une
série
de
terme
en
Ent-‐
exprimant
une
forme
de
négativité,
celle
de
la
perte
d'un
qualité
propre
à
soi.
[44]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.124-‐125
[45]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.cit.),
p.39
[46]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.85-‐86
[47]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.112
[48]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.132
[49]
Un
rapprochement
serait
à
faire
avec
G.Deleuze
dans
L'abécédaire
de
Gilles
Deleuze
(Paris,
Editions
Montparnasse,
1998)
pour
qui
l'art
c'est
parler
pour,
au
nom
des
animaux
qui
meurent
[50]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.97
[51]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.118
[52]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.105
[53]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.191
[54]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.19
[55]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.20
[56]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.456
[57]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.85
[58]
Cette
recherche
de
l'identité
post-‐hégélienne
se
retrouvent
dans
les
tentatives
contemporaines
de
la
non-‐
philosophie
de
F.Laruelle
avec
l'Un-‐en-‐Un
et
de
la
philosophie
de
A.Badiou
avec
la
multiplicité
pure
[59]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.85
[60]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.102
[61]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.400
[62]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.126
[63]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.39
[64]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.58
[65]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.333
[66]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.320-‐321
[67]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.314
[68]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.303
[69]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.242
[70]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.38
[71]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.471
[72]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.83
[73]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.125
[74]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.37
et
47
[75]
T.W.Adorno,
H.Eisler,
Musique
de
cinéma
(L'Arche
Editeur,
Paris,1972,
trad.J.P.Hammer),
p.9
[76]
Là
où
un
morceau
ou
passage
tonal
avait
un
centre
de
référence,
la
tonalité
du
morceau
ou
du
passage
en
question,
par
exemple
Do
majeur,
par
rapport
auquel
s'organisait
le
morceau,
l'atonalité
rompt
ce
centre
de
référence,
l'analyse
pouvant
difficilement
rattacher
les
passages
à
une
tonalité,
où
sinon
sur
une
période
si
courte
que
cette
analyse
suivant
le
centre
tonal
n'est
plus
pertinente.
Le
dodécaphonisme
est
un
système
où
chacune
des
douze
notes
de
l'octave
(par
exemple
do,
do#,
ré,
ré#,
mi,
fa
etc.
jusqu'à
si,
c'est
à
dire
sur
un
piano
une
série
contiguë
de
12
notes
blanches
et
noires)
a
une
valeur
égale
-‐
ce
qui
supprime
le
centre
tonal.
La
composition
se
donnera
alors
une
série
de
12
notes
dans
un
certain
ordre
comme
point
de
départ,
et
opérera
des
transformations
sur
cette
série
comme
moyen
de
composition.
[77]
T.W.Adorno,
Quasi
una
fantasia
(Gallimard,Paris,1982,
,
trad.J.L.Leleu
avec
O.Hansen-‐Løve,
P.Joubert),
p.339
[78]
voir
à
ce
sujet
les
critiques
contenues
dans
les
ouvrages
de
J.M.Vincent,
La
théorie
critique
de
l'Ecole
de
Francfort
(Paris,Galilée,1975)
et
A.Tosel,
Le
développement
du
marxisme
en
Europe
occidentale
depuis
1917,
§
Le
métamarxisme
de
la
Théorie
Critique
L'Ecole
de
Francfort
(1955,1958)
dans
l'Histoire
de
la
philosophie
(Paris,
Gallimard,
Bibliothèque
de
la
Pléiade,
1974)
tome
III
p.984
sq.
[79]
Pour
un
exemple
d'une
telle
articulation,
voir
J.Bidet,
Théorie
générale
(Paris,PUF,Paris,
1999),
[80]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.463
[81]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.
cit.),
p.153-‐154
[82]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.161
[83]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.356
[84]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.247
[85]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.156
[86]
J.M.Vincent,
La
théorie
critique
de
l'Ecole
de
Francfort
(Galilée,
Paris,
1976)
et
A.Tosel,
Le
développement
du
marxisme
en
Europe
occidentale
depuis
1917,
§
Le
métamarxisme
de
la
Théorie
Critique
L'Ecole
de
Francfort
(1955,1958)
(Gallimard,
Bibliothèque
de
la
Pléiade,
Paris,
1974)
p.984
sq.
[87]
voir
pour
comprendre
l'importance
d'un
telle
instance
:
G.Lukacs,
Histoire
et
conscience
de
classe
(Les
Editions
de
Minuit,
Paris,1960,
trad.
K.Axelos
et
J.Bois)
Qu'est-‐ce
que
la
marxisme
orthodoxe
?
p.17-‐45
[88]
T.W.
Adorno,
Critical
models
Interventions
and
catchwords
(op.cit.),
p.292
[ma
propre
traduction
en
français]
[89]
C.Menke,
Théorie
critique
et
connaissance
tragique
in
Actualités
d'Adorno
(PUF,
Rue
Descartes
n°23,
1999),
p.27-‐45
[90]
T.W.
Adorno,
Critical
models
Interventions
and
catchwords
(op.cit.),
289-‐293
[91]
T.W.Adorno,
Quasi
une
fantasia
(op.cit.)p.291-‐340
[92]
T.W.Adorno,
Quasi
une
fantasia
(op.
cit.),
p.XIV
[93]
T.W.Adorno,
Critical
models
Interventions
and
catchwords
(op.cit.),
p.
259-‐278
[94]
Dictionnaire
critique
du
marxisme
(PUF,
Paris,
1999),
article
Fusion
p.497
[95]
T.W.
Adorno,
Critical
models
Interventions
and
catchwords
(op.cit.)
§1
p.260-‐261
[96]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.278
et
voir
G.W.F.Hegel,
Principes
de
la
philosophie
du
droit
(Librairie
philosophique
J.Vrin,
1982)
§360
p.341
[97]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.52
[98]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.58
[99]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.252
[100]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.104
[101]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.272
[102]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.279-‐280
[103]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.141
[104]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.199
[105]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.252
[106]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.422-‐423
[107]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.69-‐70
[108]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.237
[109]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.255
[110]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.465
[111]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.252
[112]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.39
[113]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.137
[114]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.96
[115]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.148
[116]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.157
[117]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.107
[118]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.163
[119]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.86
[120]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.53
[121]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.397
[122]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.188
[123]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.395
[124]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.91
[125]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.
cit.),
p.117
[126]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.79-‐80
[127]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.187
[128]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.101
[129]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.359
[130]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.
cit.),
p.146-‐148
[131]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.
189,314,315,328,356,448
[132]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.55-‐56
[133]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.418
[134]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.383
[135]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.169
[136]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.65
[137]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.329
[138]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.265
[139]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.
cit.),
p.161-‐164
[140]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.83
[141]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.142
[142]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.90
[143]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.424
[144]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.422
[145]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.313
[146]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.127-‐129
et
Notes
sur
la
littérature
(op.cit.),
Engagement
p.285-‐
306
[147]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.356
[148]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.422
[149]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.20
[150]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.358
[151]
voir
L'abécédaire
de
Gilles
Deleuze
(Paris,
Editions
Montparnasse,
1998)
[152]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.145
[153]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.311
[154]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.292
[155]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.342
[156]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.353
[157]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.44
[158]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.61
[159]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.24
[160]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.169
[161]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.221
[162]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.262
[163]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.116
[164]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.240
[165]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.100
[166]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.161
[167]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.
cit.),
p.317
[168]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.
70,187,319,374
[169]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.392
[170]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.163
[171]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.161
et
163
[172]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.393
[173]
E.Balibar,
La
philosophie
de
Marx
(op.
cit.),
p.31-‐32
[174]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.232-‐234
[175]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.49
[176]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.63
[177]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.206
[178]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.70
[179]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.279
[180]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.280
[181]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.94
[182]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.184
[183]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.68
[184]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.297
[185]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.165
[186]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.296
[187]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.132
[188]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.56
[189]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.130
[190]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.274
[191]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.383
[192]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.133
[193]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.170
[194]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.184
[195]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.33
[196]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.85-‐86
[197]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.274
[198]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.190
[199]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.209-‐210
[200]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.326
[201]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.116
[202]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.86
[203]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.377
[204]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.316
[205]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.56
[206]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.298
[207]
T.W.Adorno,
Notes
sur
la
littérature(op.cit.),
Engagement
p.300-‐301
[208]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.266-‐267
[209]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.54
[210]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.22
et
24
[211]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.186
[212]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.116
[213]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.158
[214]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.95
[215]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.72
[216]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.266
[217]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.71
[218]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.219
[219]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.249
[220]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.206
[221]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.291
[222]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.410
[223]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.198
[224]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.150
[225]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.150
[226]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.91
[227]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.160-‐161
[228]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.316
[229]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.334
[230]
T.W.Adorno,
Notes
sur
la
littérature(op.cit.),
Engagement
p.300-‐301
[231]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.336
[232]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.404
[233]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.205
[234]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.20-‐21
[235]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.391
[236]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.76-‐82
[237]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.78
[238]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.149
[239]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.108
[240]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.110
[241]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.50
[242]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.147
[243]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.365
[244]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.106
[245]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.263
[246]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.245-‐246
[247]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.161
[248]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.201
[249]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.370
[250]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.245
[251]
T.W.Adorno,
Hegel
:
Three
Studies
(MIT
Press,
Cambridge,1993,
tard.S.W.Nicholsen),
Skoteinos
p.123
[252]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.345
[253]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.111
[254]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.260
[255]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.40
[256]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.117-‐118
et
121
[257]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.113
et
115
[258]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.404
[259]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.77
[260]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.408
[261]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.137
[262]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.275-‐276
[263]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.408-‐409
[264]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.314
[265]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.348
[266]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.349
[267]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.325
[268]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.18-‐19
[269]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.382
[270]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.26
[271]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.325
[272]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.242
[273]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.457
[274]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.325
[275]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.234
[276]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.85
[277]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.295
[278]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.21
[279]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.24
et
33
[280]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.34
[281]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.42
[282]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.25
[283]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.25-‐26
[284]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.209
[285]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.91
[286]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.233
[287]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.64
[288]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.
cit.),
II
§25
p.150-‐152
[289]
Cette
notion
de
fausse
conscience,
implicitement
morale
selon
E.Balibar,
n'est
pas
présente
chez
Marx
[290]
E.Balibar,
La
philosophie
de
Marx
(Editions
La
Découverte,
Paris,
1993),
p.55
[291]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.326
[292]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.433
[293]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.124
[294]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.187
[295]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.168
[296]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.302
[297]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.388
[298]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.433
[299]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.74
[300]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.58-‐59
[301]
D.Buren,
Les
écrits
(op.
cit.),
Tome
I,
p.40
[302]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.38,88,314,330,331,366,367,436
[303]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.103-‐105
[304]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.286
[305]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.122
[306]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.432
[307]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.349
[308]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.248
[309]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.161
[310]
J.Bidet,
Que
faire
du
Capital
?
(PUF,
Paris,
2000),
p.179
[311]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.347
et
322
[312]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.206
[313]
J.Bidet,
Que
faire
du
Capital
?
(op.cit.),
p.207
[314]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.
cit.),
p.276-‐277
[315]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.
cit.),
p.278-‐279
[316]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.465
[317]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.322
[318]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.95
[319]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.457
[320]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.169
[321]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.423,
73
[322]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.240
[323]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.192
[324]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.224
[325]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.244
[326]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.418
[327]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.220
[328]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.318
[329]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.34
[330]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.66-‐67
[331]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.144
[332]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.47-‐48
[333]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.239
[334]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.93
[335]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.154
[336]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.87
[337]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.85
[338]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.455-‐457
[339]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.275,212
[340]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.288
[341]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.79
[342]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.406
[343]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.229
[344]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.352
[345]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.312
[346]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.345
[347]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.275
[348]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.37-‐38
[349]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.251-‐252
[350]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.391
[351]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.357
[352]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.327
[353]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.167
[354]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.417
[355]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.300
[356]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.404
[357]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.84
[358]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.89
[359]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.26
[360]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.191
[361]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.124
[362]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.235-‐236
[363]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.323
[364]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.446
[365]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.89
[366]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.215
[367]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.314
[368]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.296
[369]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.23
[370]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.23-‐24
[371]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.330
[372]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.445,274
[373]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.328
[374]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.36-‐37
[375]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.316
[376]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.327
[377]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.430-‐431
[378]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.435
[379]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.332
[380]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.330
[381]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.341
[382]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.270
[383]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.255
[384]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.359
[385]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.291
[386]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.210-‐212
[387]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.434
[388]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.137
[389]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.225
[390]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.323-‐324
[391]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.66
[392]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.248
[393]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.438
[394]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.264
[395]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.99
[396]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.105
[397]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.333
[398]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.53
[399]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.325
[400]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.
cit.),
p.278
[401]
T.W.Adorno,
Le
caractère
fétiche
de
la
musique
et
la
régression
de
l'écoute
(Editions
Allia,
Paris,
2001,
trad.
C.David),
p.85
[402]
K.Marx,
Le
Capital,
Livre
I,
sections
I
à
IV
(Flammarion,
Paris,
1985,
trad.
J.Roy),
p.68-‐76
[403]
T.W.Adorno,
Le
caractère
fétiche
de
la
musique
et
la
régression
de
l'écoute
(op.cit.),
p.29
[404]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.92
[405]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.272
[406]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.36-‐37
[407]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.37
[408]
T.W.Adorno,
Le
caractère
fétiche
de
la
musique
et
la
régression
de
l'écoute
(op.cit.),
p.29-‐30
[409]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.37
[410]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.43
[411]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.315
[412]
voir
le
texte
d'Adorno,
Engagement
dans
Notes
sur
la
littérature
(Paris,
Flammarion,
1984)
[413]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.124
[414]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.318
[415]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.154
[416]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.256
[417]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.370
[418]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.330
[419]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.314-‐315
[420]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.314
[421]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.348
[422]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.112
[423]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.239
[424]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.238
[425]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.142
[426]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.33
[427]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.315
[428]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.412
[429]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.147
[430]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.52
[431]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.71-‐72,85
[432]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.410-‐411
[433]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.302
[434]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.442
[435]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.289
[436]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.305
[437]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.44
[438]
G.Lukacs,
Histoire
et
conscience
de
classe
(Editions
de
Minuit,
Paris,1960,
trad.
K.Axelos),
voir
Préface
de
K.Axelos
[439]
E.Balibar,
La
philosophie
de
Marx
(La
Découverte,
Paris,1993),
p.69
[440]
T.W.Adorno,
Critical
Models
(op.
cit.),
p.222
[441]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.319
[442]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.236
[443]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.457
[444]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.319
[445]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.105
[446]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.
cit.),
§
Moment
qualitatif
de
la
rationalité
p.40-‐42
[447]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.103
[448]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.105
[449]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.32
[450]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.296
[451]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.205
[452]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.215
[453]
T.W.Adorno,
Mahler
(op.
cit.),
p.122-‐123
[454]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.135
[455]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.130
[456]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.249-‐250
[457]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.117
[458]
La
seconde
école
de
Vienne
regroupe
les
compositeurs
Schönberg,
Berg
et
Webern
[459]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.88
[460]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.273
[461]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.37
[462]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.169-‐170
[463]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.319
[464]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.390
[465]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.304
[466]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.52
[467]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.451
[468]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.94
[469]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.169
[470]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.245
[471]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.145-‐147
[472]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.73
[473]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.129
[474]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.384
[475]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.234
[476]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.412
[477]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.43
[478]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.190
[479]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.150
[480]
voir
D.Buren,
Les
écrits
1965-‐1990
(Bordeaux,
CAPC-‐Musée
d'art
contemporain,
1991)
tome
1
[481]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.217
[482]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.299
[483]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.34
[484]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.100
[485]
T.W.Adorno,
Le
caractère
fétiche
dans
la
musique
et
la
régression
de
l'écoute
(op.
cit.),
p.84
[486]
G.Bensussan
G.Labica,
Dictionnaire
critique
du
marxisme
(op.
cit.),
p.16-‐21
[487]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.37
[488]
T.W.Adorno,
Le
caractère
fétiche
dans
la
musique
(op.
cit.),
p.37-‐43
[489]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.43
[490]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.205
[491]
G.Bensussan
G.Labica,
Dictionnaire
critique
du
marxisme
(op.
cit.),
p.16-‐21
[492]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.358-‐359
[493]
T.W.Adorno,
Minima
Moralia
(op.
cit.),
p.xxx
[494]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.88
[495]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.43
[496]
"Mot
polynésien
signifiant
force.
Puissance
occulte,
telle
que
l'envisagent
certaines
religions
primitives,
et
qui
serait,
selon
les
sociologues,
à
l'origine
de
notre
idée
de
cause."
(Paris,
Nouveau
Petit
Larousse,
1967)
[497]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.125
[498]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.218
[499]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.218
[500]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.89
[501]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.354
[502]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.308
[503]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.311
[504]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.245
[505]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.358
[506]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.347
[507]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.164
[508]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.168
[509]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.238
[510]
voir
Les
constitutions
de
la
France
depuis
1789
(Paris,
Garnier
Flammarion,
1993)
[511]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.286
[512]
T.W.Adorno,
Criticals
Models
(op.
cit.),
p.261
[513]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.42
[514]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.312
[515]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.167-‐168
[516]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.33
[517]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.258
[518]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.37
[519]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.151
[520]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.32-‐34
[521]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.52
[522]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.368
[523]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.379
[524]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.359
[525]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.113
[526]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.311
[527]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.317
[528]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.239
[529]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.16
[530]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.341-‐342
[531]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.327
[532]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.347
[533]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.32
[534]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.228
[535]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.138
[536]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.140
et
143
[537]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.143
[538]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.374
[539]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.433
[540]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.413
[541]
"Les
philosophes
n'ont
fait
qu'interpréter
le
monde
de
diverses
manières;
ce
qui
importe,
c'est
de
la
transformer"
[542]
K.Marx,
Thèses
sur
Feuerbach
in
Œuvres
III
(Gallimard,
Bibliothèque
de
la
Pléiade,
Paris,
1982,
trad.
M.Rubel),
p.1033
[543]
D.Buren,
Les
écrits
(op.
cit.),
p.49-‐56
et
77
[544]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.442
[545]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.316
[546]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.30
[547]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.125
[548]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.87
[549]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.170
[550]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.341
[551]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.341
[552]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.198
[553]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.321
[554]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.333
[555]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.432
[556]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.336
[557]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.339
[558]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.269
[559]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.144
[560]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.42
[561]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.
cit.),
p.245
[562]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.27
[563]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.105
[564]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.124
[565]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.154
[566]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.188
[567]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.247
[568]
Benjamin
avait
en
sa
possession
un
dessin
de
Klee,
Angelus
Novus
représentant
un
ange
dessiné
d'un
seul
coup
de
crayon
par
les
entrelacs
de
son
unique
ligne,
et
symbolisant
pour
lui
l'ange
de
l'histoire
[569]
T.W.Adorno,
Critical
Models
(op.
cit.),
Marginalia
on
theory
and
praxis,
p.278
[570]
T.W.Adorno,
Dialectique
négative
(op.
cit.),
p.176-‐178
[571]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.57-‐58
[572]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.86
[573]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.191
[574]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.90
[575]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.323
[576]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.444
[577]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.376
[578]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.311
[579]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.350
[580]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.352
[581]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.321
[582]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.385
[583]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.418
[584]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.314
[585]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.309
[586]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.151
[587]
D.Buren,
Les
écrits
1965-‐1990
(op.
cit.),
tome
1,
p.38
[588]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.58
[589]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.139
[590]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.352
[591]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.430
[592]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.283
[593]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.129
et
Notes
sur
la
littérature
(op.cit),
Engagement
p.285-‐306
[594]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.79
[595]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.84-‐85
[596]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.289
[597]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.350
[598]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.87
[599]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.136
[600]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.171
[601]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.331
[602]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.351
[603]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.351
[604]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.351
[605]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.321
[606]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.235
[607]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.97
[608]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.56
[609]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.138
[610]
T.W.Adorno,
Introduction
à
la
sociologie
de
la
musique
(Contrechamps
Editions,
Genève,
1994,
trad.V.Barras,
C.Russi.),
Postface
p.223
et
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.21,58,61,65,72,290,317,327,438
[611]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.312-‐313
[612]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.342
[613]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.21
[614]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.303
[615]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.326
[616]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.21
[617]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.92
[618]
L'intervalle
sonore
exacte
d'une
quinte
est
celui
entre
le
son
obtenu
par
vibration
d'une
corde
de
longueur
L
donnée
et
le
son
obtenu
par
la
vibration
de
2/3
de
la
longueur
L.
En
terme
de
fréquence,
le
rapport
entre
les
deux
fréquences
est
de
3/2=1,5.
Or
le
piano
au
tempérament
égal
a
été
conçu
de
telle
façon
que
les
douze
notes
de
l'octave
juste
(rapport
de
fréquence
2/1)
soit
espacé
par
des
rapport
égaux
de
fréquence.
Le
rapport
de
fréquence
5/12
entre
deux
sons
espacés
d'une
'quinte'
devient
2
environ
égal
à
1,33.
La
'quinte'
au
clavier
est
donc
fausse
[619]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.320
[620]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.326
[621]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.59
[622]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.60
[623]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.313
[624]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.423
[625]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.327
[626]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.285-‐286
[627]
Dans
son
contenu,
cette
question
de
la
grandeur
est
délicate.
Quand
Godard
par
boutade
affirme
que
le
cinéma
avec
son
grand
écran
ne
sera
pas
détrôné
par
le
petit
écran,
la
télévision,
rien
que
par
ce
geste
de
regarder
au-‐dessus
de
soi
quelque
chose
de
plus
grand
que
soi,
il
renvoie
à
la
question
kantienne
du
sublime
dont
Adorno
corrigeait
une
interprétation
erroné
de
n'y
voir
que
la
valorisation
de
l'immense
qui
y
est
malgré
tout
présente,
de
la
puissance
alors
que
c'est
le
sentiment
mêlé
de
sa
finitude
et
de
sa
liberté
qui
s'y
déploie.
Cependant,
en
terme
de
'profondeur'
de
l'expérience
-‐
mais
aussi
donc
de
puissance
intérieure,
de
force
-‐
cette
expérience
du
sublime
peut
être
décrite
ainsi
que
les
autres,
et
c'est
bien
ainsi
qu'Adorno
parle
de
la
chaise
de
Van
Gogh
dont
à
travers
sa
facture
"peut
être
quelque
chose
de
très
important",
"se
sédimenter
des
expériences
plus
profondes"
que
des
tableaux
d'une
facture
traditionnelle
avec
un
grand
thème.
C'est
donc
l'aspect
a
priori,
formel
de
la
grandeur
qui
est
critiqué,
non
pas
en
soi,
et
cette
grandeur
ne
devient
évidente
qu'a
posteriori,
au
cours
de
l'expérience,
comme
richesse
ou
puissance
de
signification
de
cette
expérience.
[628]
Cette
question
nécessiterait
aussi
un
développement
pour
déterminer
en
quoi
elle
se
justifie
en
soi,
et
en
quoi
elle
est
déterminée
par
la
capacité
réceptive
de
la
sphère
de
réception,
et
son
rapport
à
la
division
du
travail.
Il
peut
d'ors
et
déjà
être
dit
rapidement
en
premier
lieu
qu'en
soi
la
recherche
étant
une
insistance,
il
est
justifié
que
la
production
y
retrouve
son
unité.
Ensuite,
que
l'effort
de
réflexion
est
moindre
quand
une
unité
synthétique
autour
d'un
thème
est
déjà
produite
pour
le
spectateur
qui
se
repaît
des
variations
dans
un
sentiment
de
maîtrise
de
ce
dont
il
s'agit.
Enfin
que
cette
unité
d'exposition
permet
d'identifier
sans
reste
l'artiste
:
'peintre
animalier'
par
exemple,
que
sa
fonction
bien
circonscrite
par
la
division
du
travail
permet
une
manipulation
plus
aisée
de
la
personne,
celle-‐ci
étant
classifiée.
[629]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.317
[630]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.316
[631]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.438
[632]
En
particulier
dans
la
question
du
'neuf'
qui
est
mis
en
avant
dans
la
construction
face
à
la
transformation
de
l'
'ancien'.
[633]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.76
[634]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.347
[635]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.64
[636]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.289
[637]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.465
[638]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.289
[639]
Pour
Buren
en
1968,
l'histoire
de
l'art
n'a
jamais
présenté
de
révolution
dans
son
propre
domaine
mais
que
des
réformes,
et
ce
justement
parce
qu'elle
se
réduisait
à
des
changements
de
formes,
à
un
jeu
de
formes.
Voir
Les
écrits
1965-‐1990
(op.cit.)
tome
I,
p.53-‐57
[640]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.267
[641]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.38
[642]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.290
[643]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.292
[644]
"La
question
de
savoir
si
le
penser
humain
peut
prétendre
à
la
vérité
objective
n'est
pas
une
question
de
théorie,
mais
une
question
pratique.
C'est
dans
la
pratique
que
l'homme
doit
prouver
la
vérité,
c'est
à
dire
la
réalité
et
la
puissance,
l'ici-‐bas
de
sa
pensée.
La
querelle
de
la
réalité
ou
de
l'irréalité
du
penser
-‐
qui
est
isolé
de
la
pratique
-‐
est
un
problème
purement
scolastique"
[645]
K.Marx,
Thèses
sur
Feuerbach
in
Œuvres
III
(op.cit.),
p.1030
[646]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.267
[647]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.61
[648]
La
thématique
nietzschéenne
de
l'élevage
et
du
dressage
des
pulsions
est
présente
de
façon
plus
ou
moins
cachée
chez
Adorno
[649]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.268
[650]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.167
[651]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.72
[652]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.63
[653]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.48
[654]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.235
[655]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.65
[656]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.167
[657]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.345
[658]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.267
[659]
T.W.Adorno,
Théorie
esthétique
(op.
cit.),
p.489