La Pompe A Eau D Al Jazari

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Cycles 3 et 4

La pompe à eau d'al-Jazarî


Une séquence du projet Les découvertes en pays d'Islam

Résumé
Dans un premier temps, les élèves s'approprient un problème : « Comment élever l’eau d’une rivière ? ». Ils
découvrent ensuite la pompe d’al-Jazarî et étudient deux parties spécifiques de ce dispositif : la partie
hydrostatique « aspirante/foulante », et la partie mécanique concernant la transmission et la transformation du
mouvement. Enfin, ils associent ces deux parties étudiées séparément, afin de comprendre le mécanisme global de
la pompe.
La pompe à eau

La pompe hydraulique d’al-Jazarî 130


Salim Al-Hassani et Mohammed Abattouy

Comment élever l’eau d’une rivière ? 136


À la découverte de la pompe d’al-Jazarî
Cécile de Hosson, avec la collaboration de Loïc Chesnais
et Joëlle Fourcade

Texte pour enfants 146


Anne Fauche

129
La pompe hydraulique d’al-Jazarî

Mécanique et technologie arabes


Trois courants principaux dominent la tradition arabe de mécanique : la
mécanique théorique ou statique, l’étude des questions d’hydrostatique et de
gravité spécifique, la science des machines, qui est une discipline consacrée
à la description des machines et à l’étude de leur fonctionnement. Appelée
en arabe ’ilm al-hiyal, qui signifie « science des procédés ingénieux », la
science des machines constitue l’ancêtre des sciences de l’ingénieur. Elle
comprend la construction et la description des machines et l’explication
de leurs applications dans diverses tâches pratiques : élever des corps
pesants, pomper de l’eau à partir des rivières et des puits, construire et faire
fonctionner des horloges, des automates et autres engins ingénieux.
Quelques ouvrages en ont posé les jalons :
– le Kitâb al-hiyal (Le Livre des procédés ingénieux) de Banū Mūsâ (ixe
siècle) comprend la description de cent machines dont la plupart sont des
mécanismes sophistiqués pour servir les liquides et les boissons ;
– le Kitâb al-asrâr fî natâ’ij al-afkâr (Le Livre des secrets à propos des résultats
des pensées) d’al-Murâdî (ixe siècle) consiste en des descriptions d’horloges
hydrauliques et d’automates ;
– le Kitâb ’ilm al-sâ’ât wa l-’amal bihâ (Livre sur la science des horloges et leur
utilisation) d’Ibn Ridhwân as-Sâ’âtî (xiie siècle) ;
– l’Al-Jâmi’ bayna al-’ilm wa l-’amal al-nâfi’ fî sinâ’at al-hiyal (Compendium
de la théorie et de la pratique dans la construction des machines) d’al-Jazarî
(xiie-xiiie siècle) ;
– l’Al-Turuq al-saniya fî ’l-âlât al-rūhâniya (Les Méthodes sublimes pour les
machines pneumatiques) de Taqî al-Dîn ibn Ma’rūf (xvie siècle).

130
La pompe à eau

Al-Jazarî : un ingénieur novateur


Badî’ al-Zamân b. Ismâ’îl al-Jazarî est considéré comme le plus célèbre et
le plus novateur des ingénieurs arabes. Il est né au milieu du xiie siècle et
il a vécu dans la région d’al-Jazîra, située entre le Tigre et l’Euphrate. En
1174, il entre au service des princes Banû Artaq qui gouvernent alors la
région de Diyarbakir, aujourd’hui au sud de la Turquie. À l’époque, c’est une
région prospère, qui jouit de paix et de stabilité. Vivant à la cour des princes
Artukides et bénéficiant de conditions de travail favorables, al-Jazarî monte
en grade et finit par occuper les fonctions de Ra’îs al-a’mâl (ingénieur en
chef) de la principauté. C’est à la demande du prince régnant qu’il rédige
son grand traité de mécanique, le seul qu’il ait légué à la postérité. Selon
toute vraisemblance, al-Jazarî meurt en 1206, quelques mois après avoir
achevé son ouvrage.
Le livre en question est un traité monumental en cinquante chapitres
qui représente une somme impressionnante de mécanique. Ces cinquante
chapitres sont divisés en six catégories : dix chapitres sont consacrés aux
horloges et aux clepsydres, dix aux récipients destinés à servir des boissons,
dix aux récipients et vases pour les ablutions et les saignées, dix aux fontaines
jaillissantes et intermittentes et aux flûtes perpétuelles, cinq aux machines
élévatrices d’eau et cinq à des machines diverses.
L’ouvrage contient des détails saisissants qui révèlent la maîtrise
technologique de son auteur. En fait, il permet de classer celui-ci parmi les
meilleurs ingénieurs de la période prémoderne. En plus d’avoir amélioré
la conception de plusieurs machines qui existaient à son époque, al-Jazarî
décrit rigoureusement les méthodes de construction et d’assemblage de la
cinquantaine de machines qu’il étudie dans son livre.

Mécanisme de la pompe hydraulique


Al-Jazarî consacre le cinquième chapitre de son ouvrage à des machines
élévatrices d’eau, dont deux pompes. La première de ces pompes (voir
le dessin page suivante) dispose d’une manivelle fixée à une roue dentée
dont le mouvement circulaire est alimenté par une tige mue par un animal

131
Les découvertes en pays d’Islam

installé sur une plate-forme surélevée. Le maneton de la manivelle glisse à


l’intérieur d’une ouverture pratiquée dans le manche de la louche, qui est
fixé à son extrémité de façon à ne permettre qu’un déplacement angulaire.
En tournant sous l’effet du mouvement circulaire de la roue dentée, la
manivelle fait se déplacer vers le haut, puis vers le bas, le manche et la louche
et, par conséquent, le cuilleron de cette dernière. Le cuilleron se remplit
lorsqu’il passe dans l’eau puis déverse son contenu dès qu’il est au-dessus
de l’horizontale : l’eau se met à couler par l’extrémité de son manche creux
dans une rigole et, de là, vers le lieu choisi.
La seconde des deux pompes d’al-Jazarî recèle une importante innovation
technologique, assez significative dans l’histoire des techniques. Il s’agit de
la première application complète du système bielle-manivelle, quelque trois
siècles avant que cette technique fasse son apparition en Europe.
Le principe du système bielle-manivelle est le suivant : une tige OA de
longueur r tourne autour de O à la vitesse constante ω. Une tige AB permet

132
La pompe à eau

de transformer le mouvement de rotation


de A en un mouvement rectiligne. Elle
est articulée en A et une glissière oblige le
point B à rester sur Ox. Ce système permet,
entre autres, de transformer un mouvement de rotation en un mouvement
de translation alternatif (va-et-vient). Plusieurs machines modernes sont
basées sur ce mécanisme simple en théorie mais assez complexe à mettre
en œuvre, comme la scie sauteuse, la machine à coudre et les moteurs à
pistons.
La pompe d’al-Jazarî est en fait constituée de deux pompes, l’une
aspirante et l’autre foulante de façon alternative. Dans cette double pompe
(voir le document ci-dessous et aussi page 137), une roue hydraulique fait
tourner une roue dentée verticale qui, à son tour, fait tourner une roue
horizontale. Cette dernière provoque l’oscillation de deux pistons opposés
faits de cuivre. Les cylindres des pistons sont reliés à des tuyaux d’aspiration
et de refoulement qui sont équipés de valves à clapet s’ouvrant dans une seule
direction (vers le haut). Les tuyaux
d’aspiration puisent l’eau dans
une fosse située en contrebas et les
tuyaux de refoulement la déchargent
dans le système d’évacuation, situé
à 12 m au-dessus de l’installation.
Le fonctionnement de cette
double pompe aspirante et refoulante
peut être décrit comme suit. La roue
à pales fixée à l’extrémité d’un arbre
horizontal est actionnée par une eau
courante. En tournant, elle entraîne la
roue dentée placée à l’autre extrémité
de l’arbre. Les dents de celle-ci
s’enclenchent entre les dents d’un
disque-maneton placé à l’extrémité La pompe d’al-Jazarî (tiré du
d’un arbre parallèle au premier. Le manuscrit Ahmet III 3472,
maneton fixé sur le disque denté Bibliothèque Topkapi, Istanbul)

133
Les découvertes en pays d’Islam

commande le déplacement de l’arbre à glissière vers la droite puis vers la


gauche, entraînant alternativement l’un et l’autre piston dans son cylindre.
Ce dernier comporte deux clapets, l’un d’aspiration et l’autre de refoulement,
dont le fonctionnement est commandé par les variations de pression. Chaque
piston est constitué de deux disques placés à l’extrémité d’une tige. Entre ces
deux disques est enroulé du fil de lin qui joue le rôle de joint d’étanchéité et
améliore le rendement de la pompe. Le piston et la tige forment un solide
animé d’un mouvement de translation suivant l’axe du cylindre.
Les deux pompes fonctionnent de la façon suivante. Le clapet d’aspiration
de l’un des deux cylindres étant ouvert, le piston, dans son mouvement
entraîne un volume de fluide à une pression constante ; après quoi il y a
fermeture du clapet d’aspiration, compression du fluide sans variation du
volume et ouverture du clapet de refoulement. Ensuite, le piston, dans son
mouvement inverse, repousse vers le haut le volume du fluide à pression
constante. Quand le cylindre est complètement vide, le clapet de refoulement
se ferme tandis le clapet d’aspiration s’ouvre pour permettre à l’eau d’être à
nouveau aspirée dans le cylindre à piston.
Le mouvement de va-et-vient des deux pistons est actionné par un
système bielle-manivelle qui transforme le mouvement circulaire continu
d’un disque-maneton en un mouvement rectiligne alternatif des tiges des
deux pistons. La réalisation d’un tel dispositif n’est pas chose facile car le
système bielle-manivelle comporte plusieurs points mobiles : il faut utiliser
des systèmes articulés qui permettent le déplacement simultané des différents
organes sans que ce déplacement provoque une rupture du système. Pour
remédier à ce problème, al-Jazarî a utilisé de gros anneaux qui assuraient la
liaison entre la bielle à coulisse et les tiges des deux pistons.
Selon le schéma de la figure page 137, le rendement des deux pistons
et, partant, des cylindres aspirant et refoulant peut être décrit ainsi : à
l’aller du piston N, l’eau est aspirée du fleuve dans le cylindre T et refoulée
dans le tuyau F vers la rigole et, de là, vers le lieu de déversement choisi.
Réciproquement, au retour du piston N, l’eau est aspirée dans le cylindre S
avant d’être refoulée vers le tuyau Z.
De par la nouveauté du principe qui la gouverne, l’ingéniosité de sa
conception, la complexité des différentes phases de son fonctionnement, les

134
La pompe à eau

difficultés liées à la construction de ses composantes, la pompe à pistons d’al-


Jazarî occupe une place de choix dans l’évolution des techniques. En effet, elle
incorpore un moyen effectif de conversion du mouvement de rotation en un
mouvement rectiligne grâce au mécanisme bielle-manivelle. De même, elle
fait usage du principe de double action et présente pour la première fois de
véritables tuyaux d’aspiration. Pourtant, notre mécanicien la décrit de façon
anodine et ne fait à son propos aucune remarque particulière, la couvrant,
comme ses autres inventions, du manteau de la revendication d’originalité
avancée au début de son livre. Cette « nonchalance » dans le traitement indique
peut-être que cette pompe était déjà en fonction lorsqu’elle a été décrite par
al-Jazarî. Cependant, le fait qu’il l’ait singularisée en la présentant à la fin de
l’avant-dernière série de ses inventions (la dernière, sorte d’appendice, ne
présente que des machines diverses) laisse à penser qu’il était conscient de sa
valeur en tant qu’invention originale représentant le sommet de son art.
Par ses innovations, la pompe d’al-Jazarî peut être considérée comme
l’origine de la pompe aspirante. L’affirmation selon laquelle l’ingénieur italien
Mariano di Jacopo Taccola fut le premier à décrire une pompe aspirante
n’est pas prouvée. Il est probable que l’apparition de la pompe aspirante
dans les traités de mécanique de la Renaissance européenne s’inspira d’une
source islamique. Jusqu’à présent, nous n’avons pas d’information sur une
éventuelle circulation du traité d’al-Jazarî en Europe à cette époque, mais
elle n’est pas à exclure, au moins en raison de la large diffusion de l’ouvrage
dans le monde islamique et
Expulsion
de la multiplicité des moyens de l’eau vers
d’échange et de transmission Clou le haut
du savoir scientifique et mobile Roue à
technologique entre les deux
Pompe 1 pédales
rives de la Méditerranée durant
toute l’époque médiévale, un
réseau de communication dont
l’histoire des sciences a révélé Pompe 2
Aspiration
d’une façon étonnante l’existence
de l’eau
dans plusieurs disciplines.
Schéma moderne de la pompe
d’al-Jazarî

135
LE 3 LEGE COLLEGE

COL
CYC
COLLEGE

COL
CYC CYCLE 3
LE 3 LEGE
CYCLE 3
Comment
EG
élever l’eau d’une rivière ?
LE 3 E COLLEGE COLLEGE
À la Ldécouverte de la pompe d’al-Jazarî
COL
CYC

COL
CYC

LE 3 LEGE CYCLE 3 CYCLE 3

Objectifs
Il existe des dispositifs permettant la transmission de mouvements de
rotation : les roues dentées.
Le système bielle-manivelle permet la transformation de mouvements
de rotation en mouvements de translation.
Référence au programme de sciences et technologie du cycle 3
de l’école primaire
« Le monde construit par l’homme : transmission des mouvements ».
Matériel
Bassines, eau, tuyaux souples, tés de dérivation en matière plastique,
seringues, kit technologique Celda©, tiges de bois, rondelles de carton.

Cela fait bien longtemps que les sociétés humaines déploient des trésors
d’imagination pour détourner de multiples manières l’eau nécessaire à
l’irrigation de leurs champs. Le recours aux pompes, notamment, permet
par exemple de prélever toute l’année l’eau des rivières. Celle-ci est ensuite
transportée par canaux, parfois très loin de son lieu de prélèvement, vers
les différentes parcelles à irriguer. L’invention des machines de pompage
remonte au Moyen Âge. Elles sont le fruit de contributions de plusieurs
savants de langue arabe. C’est celle d’al-Jazarî que nous proposons d’étudier
avec les élèves.

136
La pompe à eau

partie transmission-
transformation

partie
Z
F aspirante-
foulante

A T
N S

Figure 1

Le module présenté ici est structuré autour de quatre activités. La première


vise l’appropriation du problème par les élèves : « Comment élever l’eau d’une
rivière ? » Les deux séances suivantes ont pour but de faire découvrir aux
élèves deux parties spécifiques de la pompe que nous choisissons d’étudier
séparément de façon à ne pas alourdir la charge cognitive des élèves. La
partie hydrostatique « aspirante/foulante » sera donc étudiée pour elle-même
(activité 1, voir la figure ci-dessus), ainsi que la partie mécanique concernant
la transmission et la transformation du mouvement (activité 2, voir également
ci-dessus) ; la quatrième activité ayant pour but d’associer ces deux parties
étudiées séparément afin de comprendre le mécanisme global de la pompe.

Activité introductive :
Exploitation du texte pour enfants
L’activité débute par la lecture du texte pour enfants. Les élèves y découvrent le
problème qu’ils vont avoir à résoudre, problème autour duquel les séances vont
s’articuler : « Imaginer ce que le savant al-Jazarî a pu proposer à Nabil pour
arroser sa sœur Fadila même lorsqu’elle se trouve tout en haut de la berge ».
Dans cette première phase, que nous appelons « activité introductive », le texte
a donc pour rôle d’initier le questionnement des élèves. Il leur est demandé

137
Les découvertes en pays d’Islam

d’imaginer (de manière individuelle) un moyen d’élever l’eau d’une rivière,


moyen qui pourrait ensuite servir à irriguer des champs situés en hauteur.
Le texte pour enfants contient un certain nombre d’indices qui sont autant
de pistes que les élèves peuvent explorer afin de dégager les éléments leur
permettant de répondre à la question posée. Le mouvement de « moulinet »
des bras de Nabil les mène sur la voie des roues à aubes : certains élèves ont
en tête des images de moulins dont la roue est entraînée par le courant d’une
rivière. Ils comprennent que celle-ci permet l’élévation de l’eau de la rivière,
mais ils peinent à concevoir la façon dont cette eau peut être récupérée avant
qu’elle ne retourne à la rivière, emportée par le mouvement de la roue. Il faut
donc trouver un moyen de « pousser » l’eau à l’extérieur de la roue lorsqu’elle
se trouve au plus haut. Un consensus se dégage alors, résultat d’un débat
collectif où chacun exprime ses idées. La construction d’une telle machine
doit répondre à une double exigence : d’abord, il faudra faire monter l’eau,
ensuite, il faudra la pousser. Tout cela doit se faire sans fatigue.

Activité n° 1 :
Élever l’eau par aspiration et refoulement
Les élèves ont à leur disposition des bassines remplies d’eau, des robinets,
une seringue, des tuyaux souples, des tés de dérivation. Ils doivent trouver
le moyen de faire passer l’eau d’un récipient posé sur le sol vers un récipient
posé sur leur table. Ils constatent qu’il est possible d’élever de l’eau par
aspiration1 mais qu’il est ensuite impossible de recueillir cette eau dans un
récipient. Un problème se pose alors : comment faire pour conserver l’eau
que l’on a réussi à élever d’une certaine hauteur ? Cette difficulté nécessite
d’imaginer un dispositif complémentaire : aspirer l’eau, certes, mais il faut
pouvoir la récupérer. Les élèves s’emparent de ce problème technique et
imaginent des solutions. L’idée d’un réservoir intermédiaire, en hauteur, est
alors introduite ; c’est l’eau de ce réservoir qui sera ensuite refoulée.
Le dispositif complet imaginé par les élèves comprend les éléments
suivants : un premier tuyau sur lequel est placé un robinet R1, un té sur
lequel on place la seringue, un deuxième tuyau surmonté d’un second
robinet R2 (voir dessins et schémas ci-contre).

138
La pompe à eau

Dessin de Benjamin (CE2) Dessin de Myriam (CE2)

Le dispositif fonctionne donc en deux étapes. D’abord, l’eau est montée


dans le réservoir de la seringue par aspiration (1 et 2 dans le schéma ci-
dessous) via un premier tuyau. Le robinet R1 est ouvert, R2est fermé. On
ferme R1, et on ouvre R2, puis on pousse le piston de la seringue (3) de façon
à refouler l’eau vers le lieu souhaité (4).

4
1 Robinet R2

Robinet R1
2

À la fin de l’activité, les élèves comprennent que la quantité d’eau élevée


dépend du mouvement de va-et-vient effectué par le piston de la seringue.
Il s’agit donc maintenant de trouver un moyen d’entretenir ce mouvement
sans intervention humaine.

139
Les découvertes en pays d’Islam

Activité n° 2 :
Transmettre et transformer un mouvement
L’activité précédente avait pour objet d’élever l’eau d’une bassine. Or, dans
le texte pour enfants, il est question de l’eau d’une rivière. Celle-ci est en
mouvement, contrairement à l’eau de la bassine, et ce mouvement permet de
faire tourner des roues. Cette idée n’a d’ailleurs pas échappé aux élèves lors de
la lecture du texte pour enfants. Elle est exploitée dans la suite de la séquence.

Étape 1 : Transformer un mouvement de rotation


en un mouvement de va-et-vient
Après avoir rappelé aux élèves le problème laissé en suspens à l’issue de
l’activité précédente (trouver un moyen d’entretenir le mouvement de va-et-
vient du piston sans intervention humaine), l’enseignant revient sur l’idée de
la roue à aubes évoquée par certains. Il leur explique qu’il est possible d’utiliser
le mouvement d’une roue pour créer un mouvement de va-et-vient. Mais
comment faire ? Pour répondre à cette question, les élèves disposent d’une
tige de bois au bout de laquelle se trouve une rondelle de carton adaptée à la
section du réservoir de la seringue ; cette tige remplace le piston, qui présente
l’inconvénient de glisser difficilement dans le réservoir de la seringue. Ils
disposent également d’une roue dentée et d’un morceau de pâte fixante. Cette
étape nécessite un moment de recherche pendant lequel l’intervention du
maître est déterminante. Pour obtenir le mouvement recherché, il faut fixer la
tige sur la roue elle-même (voir la figure ci-dessous, à gauche). Ils découvrent
ainsi le système « bielle-manivelle » (voir la figure ci-dessous, à droite).

Le mouvement de va-et-vient de la tige Schéma du système


de bois est obtenu par un système bielle- bielle-manivelle
manivelle : en faisant tourner la roue
(rotation), la tige se déplace d’avant en
arrière (translation)

140
La pompe à eau

Étape 2 : Changer de plan de rotation


Nous avons désormais les moyens d’entretenir le mouvement de va-et-vient
du piston sans utiliser la force de l’homme et ce, grâce au mouvement de
rotation d’une roue. Toutefois, un nouveau problème apparaît : cette roue
reliée à la tige de bois doit être située à proximité de la tige, en altitude et
dans le même plan, un plan horizontal. Ce n’est pas elle qui va se trouver
directement en contact avec l’eau de la rivière. Le schéma de la figure ci-
dessous en explique les raisons. Il est reproduit au tableau.
Grâce au système de robinets,
l’eau est refoulée par ce second tuyau

Piston
L’eau de la rivière est aspirée
par ce tuyau, elle monte dans
le réservoir de la seringue

Ici, la roue n’est plus verticale (voir les deux illustrations précédentes), mais
horizontale. De la même façon que dans l’exemple précédent, le mouvement de
rotation de la roue horizontale provoque le mouvement de va-et-vient du piston.
Il est maintenant nécessaire d’ajouter une deuxième roue, cette fois-ci verticale.
C’est elle qui entraînera la roue horizontale grâce au courant de la rivière.

Pour entraîner la roue horizontale, il faut une deuxième roue, placée


verticalement et suffisamment grande pour être en contact avec l’eau. C’est
elle qui sera entraînée par le courant. Elle sera appelée « roue menante ». Les
élèves découvrent par ce biais que deux roues dentées peuvent s’entraîner
l’une l’autre dans un mouvement de rotation, même lorsqu’elles ne sont
pas situées dans le même plan (voir la photo page suivante). Ils réalisent
le montage grâce au kit Celda©. Une première roue disposée verticalement
est entraînée par le courant dans un mouvement de rotation. Elle entraîne
une seconde roue disposée horizontalement dans un mouvement identique.
Cette dernière joue le rôle de manivelle, elle entraîne la tige de bois dans
un mouvement de va-et-vient qui permet l’aspiration puis le refoulement
de l’eau à élever.

141
Les découvertes en pays d’Islam

Le mouvement de rotation de la roue horizontale (roue-manivelle)


est obtenu grâce à celui de la roue verticale (roue menante)

À l’issue de ces deux activités, les élèves disposent d’une solution pour
répondre au problème de l’irrigation des champs. Reste à savoir si celle-ci
est proche de celle imaginée par le savant al-Jazarî.

Activité n° 3 :
Comprendre le fonctionnement de la pompe d’al-Jazarî
L’animation « La pompe à eau d’al-Jazarî » présentée sur le site du projet
permet aux élèves de découvrir et de comprendre la solution proposée
par le savant al-Jazarî au xiie siècle et de la confronter à leur propre
solution. L’objectif de cette activité est de percevoir le principe général de
fonctionnement de la pompe d’al-Jazarî (en particulier le rôle des clapets
et le principe de la double aspiration) et d’amener les élèves à décrire les
différents organes de la pompe ainsi que leur rôle dans l’acheminement de
l’eau de la rivière.

Le rôle des clapets


La pompe inventée par al-Jazarî est composée d’un piston se déplaçant dans
un cylindre et de clapets permettant l’entrée et la sortie du fluide dans la
pompe – ils remplacent les robinets utilisés par les élèves.

142
La pompe à eau

Sur cet extrait de l’animation on voit le piston animé par


le système bielle-manivelle. Lorsque la bielle part vers l’arrière (à gauche),
le premier clapet s’ouvre et laisse passer l’eau de la rivière, qui est aspirée.
Le mouvement vers l’avant de la bielle repousse le piston, le clapet se ferme
(à droite). L’eau est alors repoussée, le deuxième clapet s’ouvre afin de laisser
passer l’eau qui s’élève dans la conduite supérieure, sous la poussée du piston

Lorsque le piston se déplace vers la droite (figure de gauche), il se


crée une dépression dans le cylindre, le clapet va monter sous la pression
du fluide à l’aspiration et permettre le remplissage du cylindre. Lorsque
le piston repart vers la gauche, le fluide du cylindre est mis en pression,
le clapet d’aspiration est alors plaqué sur son siège interdisant le retour
du fluide vers l’aspiration. Le clapet de refoulement va se soulever sous
l’effet de la pression et permettre l’évacuation du fluide vers la conduite de
refoulement (figure de droite). Le déplacement du piston est obtenu grâce
au mouvement de rotation d’une roue dentée (la roue-manivelle) entraînée
par une série de plusieurs autres roues dont la dernière, plongée dans l’eau
de la rivière, est entraînée par le courant.

Étape 2 : La double aspiration


En fait, la pompe d’al-Jazarî est constituée de deux systèmes d’aspiration
identiques : pendant qu’un piston aspire l’eau d’un côté de la roue-manivelle,
un second piston, situé de l’autre côté de la roue-manivelle, repousse l’eau
contenue dans le réservoir. L’intérêt de cet ingénieux dispositif est discuté
en classe.

143
Les découvertes en pays d’Islam

Étape 3 : Le nombre de roues


Une autre différence apparaît, qui concerne le nombre de roues. Dans
la pompe d’al-Jazarî, la roue verticale entraînée par la rivière n’est pas
directement reliée à la roue-manivelle horizontale car ces deux roues se
trouvent assez éloignées l’une de l’autre. Pour les relier, al-Jazarî utilise
une tige et une petite roue verticale supplémentaire. Cette petite roue est
engrainée dans la roue-manivelle horizontale et reliée à la grande roue par
l’intermédiaire de la tige fixée au centre de ces deux roues : la grande roue
verticale tourne sous l’effet du courant de la rivière, elle entraîne avec elle
la tige qui fait tourner la petite roue verticale qui à son tour fait tourner la
roue-manivelle horizontale. Au final, les élèves n’ont pas de mal à retrouver
les différentes parties de la pompe et leur rôle dans l’acheminement de l’eau,
comme en témoignent les dessins ci-après :

Dessin de Marcelle (CM2) Dessin de Kevin (CE2)

Cette série d’activités se poursuit par la réalisation en classe de la pompe


d’al-Jazarî avec l’aide de l’enseignant. On y retrouve la double aspiration,
l’assemblage d’une roue verticale (la roue entraînée par le courant) avec
plusieurs roues horizontales. Les clapets sont remplacés par les robinets
utilisés lors de la première activité, et les pistons des seringues par les tiges
de bois de la deuxième. La pompe ainsi réalisée joue davantage le rôle de
modèle et présente les limites suivantes :
– la roue menante n’étant pas en contact direct avec de l’eau en mouvement,
son mouvement est obtenu « à la main » ;
– les rondelles des pistons n’étant pas parfaitement ajustées au réservoir
des seringues, l’aspiration n’est pas parfaite et la quantité d’eau récupérée
demeure faible ;

144
La pompe à eau

– les robinets n’ayant pas été remplacés par des valves, la manipulation de
la pompe nécessite l’intervention de plusieurs personnes.
Ces inconvénients et les contraintes qui leur sont associées (pas de
rivière dans la classe, pas de valves, etc.) sont discutées en classe et assumées
par l’ensemble des élèves. La construction devient un support concret de
raisonnement et l’occasion pour tous d’associer la partie « hydrostatique »
de la pompe à la partie « mécanique ». Elle permet également aux élèves
d’explorer d’autres systèmes d’élévation et d’acheminement d’eau (vis
d’Archimède, pompe à godets, etc.) par le biais d’une activité documentaire
et de les comparer à la pompe d’al-Jazarî.

Détail de la pompe réalisée en classe

Les élèves sont maintenant en mesure de rédiger une lettre à Nabil et


à Fadila, dans laquelle la machine qu’ils sont parvenus à concevoir sera
minutieusement décrite. Le problème de l’élévation de l’eau de la rivière leur
a permis d’approcher de manière concrète l’une des plus belles inventions
techniques de l’histoire des sciences arabes.

Note
1. On peut élever de l’eau par aspiration à l’aide d’une seringue à piston et d’un
tuyau (ou d’une paille). Mais attention, on ne peut pas élever l’eau jusqu’à une
hauteur infinie. Au-delà de 10 mètres de hauteur, la pression atmosphérique
exercée à la surface de l’eau n’est plus suffisante pour compenser la pression
exercée par la colonne d’eau dans le tuyau (ou la paille).

145
L e jeu favori de Nabil et de sa sœur Fadila était de résoudre les
énigmes qui surgissaient dès qu’ils se mettaient à observer ce qui se passait
autour d’eux, ou en eux. Ils étaient d’autant plus passionnés qu’avec le temps,
un peu de magie s’en mêlait, comme le jour où ils tentèrent d’imaginer une
machine qui pourrait monter de l’eau sans effort.
Tout avait commencé pendant leur promenade favorite au bord du
fleuve. Il faisait chaud ce jour-là. Ils décidèrent de quitter le petit chemin
qui longeait les champs desséchés et descendirent au milieu des roseaux.
Les pieds dans l’eau, Fadila ferma les yeux tout en mouillant avec délice
son visage et son cou. En la voyant, Nabil, toujours prêt à la taquiner, eut
soudain une idée. Il se mit à s’agiter et commença à l’arroser à grand fracas
en faisant des moulinets avec ses bras à la surface du fleuve.
— Arrête tout de suite Nabil, mais quel idiot tu fais !
— Je fais ce que tu voulais, non ? Tu es bien rafraîchie comme ça !
Fadila, furieuse, monta se réfugier tout en haut de la berge :
— Je suis trempée, c’est malin ! Mais ce qui me console, c’est que là où
je suis, tu ne peux plus m’arroser !
Nabil s’arrêta net. Effectivement, même avec les moulinets les plus
vigoureux, il ne pouvait pas atteindre sa sœur. Tout essoufflé, il alla s’asseoir
un peu plus loin dans les roseaux. Devant la mine renfrognée de son frère,
Fadila descendit de son refuge et vint s’asseoir près de lui en riant :
— Alors Nabil, tu boudes ?
— Non, pas du tout, je réfléchis ! J’essaie d’inventer une machine pour
t’arroser, même quand tu es là-haut !

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La pompe à eau

— Quelle bonne idée ! Elle pourrait surtout arroser les champs, ce serait
plus utile que de m’embêter ! Allez, arrête de faire cette tête, je vais t’aider.
D’abord, il faudrait construire un moulin sur le bord du fleuve qui prendrait
de l’eau et la monterait au-dessus de la surface. ça, tu sauras très bien faire,
parce que les moulinets, tu connais !
Et Fadila essora ses cheveux encore trempés. Nabil lui répondit par une
grimace, puis prit la parole :
— Ensuite, il faudrait pousser l’eau beaucoup plus loin. Mais comment
faire pour lui donner assez d’élan ?
Fadila lui posa la main sur le bras pour lui signifier de se taire. Surgissant
de derrière les roseaux, un homme au turban et au long manteau bleus
venait s’asseoir près d’eux. Il observa tranquillement le cours du fleuve puis
leur parla en souriant :
— Je vous observe depuis que vous êtes au bord de l’eau. Savez-vous
que vos jeux sont déjà des expériences intéressantes et que vous avez
de bonnes idées ? Je m’appelle al-Jazari et j’ai construit la machine que
vous tentez d’imaginer. Si cela vous intéresse, je peux vous expliquer son
fonctionnement. Venez !
L’homme se leva et sortit de son vêtement des plans avec des roues
dentées, des tiges et des tuyaux. Les yeux de Nabil et d’Fadila brillaient de
curiosité. Ils se levèrent d’un bond et suivirent l’homme qui disparut avec
eux dans les roseaux.
Ce qui se passa alors ne nous est pas parvenu, c’était il y a si longtemps,
la mémoire s’est perdue ! Il n’en reste pas moins que c’est bien al-Jazari qui
a le premier conçu une ingénieuse machine pour pomper l’eau… Et d’une
manière ou d’une autre, comme il a autrefois accompagné Nabil et Fadila, il
accompagne aujourd’hui tous ceux et toutes celles qui se posent les mêmes
questions. D’une manière ou d’une autre…

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Cette ressource est issue du projet thématique Les découvertes en pays d'Islam, paru
aux Éditions Le Pommier.

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