Kossi TSI 2014
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RÉSUMÉ. Cet article traite de l’évaluation de la fiabilité de mission des avions en opération
pour aider à la planification des missions et de la maintenance. Nous développons une
approche de modélisation basée sur un méta-modèle permettant de structurer les
informations nécessaires à la construction d’un modèle stochastique. Ce dernier peut être mis
à jour en opération afin de tenir compte de la situation courante et d’évaluer la fiabilité de
mission en opération. Une étude de cas, relative à un sous-système avion, est considérée à
titre d'illustration en utilisant les réseaux d'activités stochastiques.
ABSTRACT. This paper addresses aircraft mission reliability assessment during operation to
support aircraft mission and maintenance planning. We develop a modeling approach, based
on a meta-model, that is used to structure the information needed to build a stochastic model.
The latter can be tuned in operation to take into account the current situation in order to
assess the aircraft mission reliability in operation. A case study, related to an aircraft
subsystem, is considered for illustration purpose, using the Stochastic Activity Networks.
MOTS-CLES : fiabilité opérationnelle, évaluation basée sur les modèles stochastiques,
réévaluation de sûreté de fonctionnement, planification de mission et maintenance.
KEYWORDS: operational reliability, stochastic model-based assessment, dependability re-
assessment, aircraft mission and maintenance planning.
1. Introduction
2. Travaux connexes
La réalisation d’une mission est telle que chaque vol est suivi d'une escale où
l'avion est préparé pour le prochain vol. A chaque escale, les anomalies observées
AR_entetedroit Fiabilité de mission d’un avion — Evaluation stochastique en opération 5
lors du vol précédent sont examinées et l'avion est inspecté. Si une défaillance est
détectée, une décision doit être prise quant à l’aptitude à effectuer le prochain vol.
Le commandant de bord et les agents de maintenance se référent à un document
(appelé Minimum Equipment List) où les composants sont répertoriés avec le statut
Go, Goif ou Nogo.
Le statut Go correspond au cas où l'avion peut voler avec le composant
défaillant.
Le statut Goif autorise le vol à condition qu’un certain nombre d’autres
équipements soient opérationnels et que certaines procédures opérationnelles ou de
maintenance soient possibles. On distingue deux cas :
- Goif-o : Des procédures opérationnelles doivent être effectuées ou
réalisables pour pouvoir effectuer le vol. Il s'agit essentiellement d'une
limitation des fonctionnalités disponibles pendant le vol.
- Goif-m : Des dispositions concernant la maintenance doivent être prises
dans un délai acceptable prédéfini pour régler le problème.
Le statut Nogo empêche l'avion de voler. Dans ce cas, la défaillance doit être
réparée avant tout vol. Le vol est autorisé s’il n'y a pas de composants ayant un
statut Nogo et si toutes les conditions Goif sont réalisables. Lorsque l'avion ne
répond pas aux exigences suite à une défaillance, des activités de maintenance sont
entreprises pour résoudre le problème. L’ampleur des conséquences d’une
défaillance dépend ainsi de l’aptitude à résoudre le problème avant l'heure de
décollage prévue. En fait, le vol n’est considéré comme retardé qu’après le
dépassement d’une marge donnée de retard.
Lorsque le vol est autorisé, le vol commence par un roulage vers la piste de
décollage. Au cours de cette période, et même après le décollage, le vol peut être
interrompu à la suite d'une défaillance critique. L'avion retourne alors à l'aéroport de
départ. En fait, le vol peut être dérouté à tout moment si la capacité de l'avion à
continuer est dégradée. Les procédures décrites dans les documents comme le
FCOM (Flight Crew Operating Manual) ou le QRH (Quick Reference Handbook)
servent de support pour une décision de déroutement (Ahmadi et al., 2010).
Les situations indésirables pendant la réalisation d’une mission sont les
interruptions de vol, à savoir les retards, les annulations, les demi-tours (retours à
l’aéroport de départ) et les déroutements.
Les procédures existantes concernent le vol en cours et le prochain vol
uniquement. Nos travaux visent à les compléter par des évaluations stochastiques
afin de couvrir la totalité de la mission.
3.1. Exigences opérationnelles et mesures à évaluer
Pour conclure cette section, nous noterons que les modèles adaptés à notre problème
sont des modèles stochastiques de sûreté de fonctionnement qui compilent les
caractéristiques des systèmes et de mission définies dans la section 3.2. Cette
dernière propose aussi un premier niveau de structuration de ces données reflétant
des natures d’objets et des champs d’expertise différents : systèmes de l’avion,
mission, maintenance, ...
La section 3.3 met en évidence que des niveaux d’expertise élevés et diversifiés
peuvent être mobilisés lors de la construction du modèle mais pas lors de sa mise à
jour quotidienne. Afin de permettre une mise à jour facile et rapide en opération, il
est proposé de décomposer le modèle stochastique en deux parties : 1) un modèle du
système dédié à la représentation du comportement du système et des exigences
minimales, et 2) un modèle de la mission représentant les informations liées au
profil de la mission et qui peut être modifié sans affecter la possibilité d'utiliser le
modèle système pour une évaluation de fiabilité. Ainsi, la structure du modèle
système est indépendante de la mission pour un avion donné.
Examinons à présent comment ces choix peuvent être formalisés à l’aide de méta-
modèles de données, qui pourront aussi ultérieurement être utilisés pour produire des
interfaces masquant les détails des modèles stochastiques superflus pour les
opérateurs de mise à jour.
4. Le méta modèle
Une exigence est une contrainte liée à une partie du système ou au profil de la
mission. Elle doit être satisfaite pour réussir la réalisation d’une partie de la mission.
Elle est caractérisée par (EClass Requirement) : i) l’attribut reference, un
identificateur qui peut être utilisé pour faire référence à la même exigence dans
différentes situations, ii) une variable booléenne status qui indique si l'exigence est
satisfaite ou non et iii) l’expression booléenne qui spécifie la condition à satisfaire
par différentes variables d’états des composants ou des fonctions. Enfin, une
exigence peut résulter de la combinaison d'autres exigences.
14 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche
5. Cas d’étude
Le cas d’étude concerne un sous-système qui contrôle l'une des surfaces mobiles
des avions (Bernard et al., 2007), dénommé CSM dans le reste de l’article. Après
avoir décrit brièvement ce système, nous présentons une spécification basée sur les
éléments du méta-modèle pour décrire le contenu du modèle stochastique
correspondant qui fera l’objet de la partie 5.
Le système (Figure 9) est composé de trois calculateurs primaires (P1, P2, P3),
d’un calculateur secondaire S1, de trois actionneurs (ServoCtrl_G, ServoCtrl_B et
ServoCtrl_Y), d’un module de commande secours (BCM) et de deux composants
permettant d’alimenter le module de secours en énergie (BPS_B et BPS_Y).
AR_entetedroit Fiabilité de mission d’un avion — Evaluation stochastique en opération 17
Les calculateurs sont connectés aux actionneurs, qui font mouvoir la surface. S1
et P1 sont connectés à l’actionneur ServoCtrl_G, P2 est connecté à ServoCtrl_B, et
P3 à ServoCtrl_Y. La connexion entre un calculateur et un actionneur forme une
ligne de commande qui peut agir sur la surface. On distingue les lignes de
commande suivantes :
- PL1: connecte P1 et ServoCtrl_G
- PL2 : connecte P2 et ServoCtrl_B
- PL3 : connecte P3 et ServoCtrl_Y
- SL : connecte S1 et ServoCtrl_G
Il y a aussi la ligne de commande secours BCL qui est formée de BCM, BPS_B,
BPS_Y, ServoCtrl_Y et ServoCtrl_B.
En utilisant les lignes de commande, dont les états sont des combinaisons d'états
des composants de base, l'expression devient :
Min_Sys_Req = { PL2 =ok ∧ BCL =ok ∧
(2)
(PL1 =ok ∨ (PL3 =ok ∧ SL =ok)) ∧
(PL3 =ok ∨ (PL1 =ok ∧ SL =ok)) ∧
(SL =ok ∨ (PL1 =ok ∧ PL3 =ok)) }.
Le profil de la mission est spécifié en utilisant les éléments définis dans le §4.2.
Nous considérons p vols par jour, pendant d jours. Il faut créer des instances de
CompleteFlight correspondant à ces vols. Pour leur identification (id), une
20 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche
numérotation suffit. Pour chaque instance, une période au sol est considérée, avec
gpd comme durée estimée. La période au sol comprend une période d'activités de
maintenance planifiée dont la durée SM_Time peut être considérée comme
déterministe avec une valeur smd. Les activités de maintenance planifiée sont
prolongées par des activités de maintenance non planifiée, qui ont généralement lieu
lorsque les conditions d’autorisation du vol ne sont pas satisfaites. Les autres
activités au cours de la préparation du vol sont considérées comme ayant une durée
donnée oad.
Les périodes de vol suivant les périodes au sol sont divisées en trois phases
dénommées Taxing_to_Takeoff, In_Flight et Landing, décrites comme suit :
Taxing_to_Takeoff : duration: distribLaw=deterministic, parameter: t=ttd
In_Flight : duration: distribLaw=deterministic, parameter: t=ifd
Landing : duration: distribLaw=deterministic, parameter: t=ld
Les variables ttd, ifd et ld sont les durées estimées pour ces phases.
Nous supposons que les activités de maintenance ont lieu tous les soirs.
Le modèle SAN du contrôle primaire, PC, est donné à la Figure 12. Les activités
x_failure représentent les événements de défaillance du composant x. Leur
activation est conditionnée par la présence d'un jeton dans la place flight. Les
activités Maintainx représentent la maintenance et leur activation est conditionnée
par la présence d'un jeton dans la place CP_M. La place flight (respectivement,
CP_M) représente le fait que l’avion est en phase de vol (respectivement, en période
de maintenance). Leurs marquages sont gérés dans le modèle mission. Pour des
raisons de clarté, certaines places impliquées dans les prédicats ou fonctions des
portes d'entrée ne sont pas explicitement reliées à ces dernières sur la représentation
graphique.
Dans cette étude de cas, il est supposé pour des raisons d'illustration que la
mission est composée de vols identiques. Le modèle mission est présenté dans la
Figure 13, ainsi que sa composition avec le modèle système. Sa partie supérieure
modélise les phases d’un vol et sa partie inférieure représente les activités au sol,
lors d’une escale.
7. Exemples de résultats
Pour traiter le modèle et obtenir les mesures SR et MR, il faut définir les
paramètres du modèle (marquages initiaux des places, les lois de distribution des
activités temporisées). Dans le but de préserver la confidentialité industrielle, les
valeurs numériques utilisées dans cette partie de l’article ont été sélectionnées pour
former un ensemble cohérent, sans correspondre aux valeurs réelles issue de
l’observation du système étudié.
Afin d’obtenir des exemples de résultats d'évaluation, nous avons supposé que
les événements de défaillance ont des distributions exponentielles. Les taux de
défaillance sont supposés entre 10-4/h et 10-6/h.
doit pas être inférieure à un seuil acceptable (appelé exigence minimale de fiabilité,
notée MRR). MRR est fixée par la compagnie aérienne, en accord avec l'avionneur.
Par souci d'illustration, nous avons considéré MRR = 0,975. La courbe A de la
Figure 14 montre la fiabilité du système, obtenue en traitant le modèle système. Elle
montre que la durée maximale de mission, sans activités de maintenance, doit être
inférieure à 95 heures de vol, pour respecter le seuil MRR = 0,975. Cette évaluation
suppose que tous les composants du système sont opérationnels au début de la
mission. La courbe B de la même figure suppose que le calculateur P1 est défaillant
au début de la mission. Elle montre que, pour satisfaire MMR= 0,975, la durée
maximale de mission, sans activités de maintenance, doit être inférieure à 45 heures
de vol.
PR0
PR1
PR2
PR3
8. Conclusion
Dans cet article, nous avons présenté un modèle qui peut être utilisé pour évaluer
la fiabilité opérationnelle des avions avant et durant la réalisation d’une mission de
plusieurs jours. Les procédures actuelles d’autorisation de vol concernent le vol en
cours et le prochain vol uniquement. Nos travaux visent à les compléter par des
évaluations stochastiques, afin de couvrir la totalité d’une mission constituée de
plusieurs vols successifs.
Nous avons développé une approche de modélisation permettant de satisfaire cet
objectif en tenant compte des spécificités des systèmes avion et de la façon dont les
missions sont réalisées. L'approche considère en plus de la construction du modèle
de fiabilité opérationnelle, la mise en place d'une base commune pour aider à la
construction de modèles correspondant à différentes familles d’avions. Une
caractéristique importante qui a guidé le développement de l’approche proposée
dans cet article concerne la facilité de mettre à jour le modèle en opération. Pour ce
faire, un méta-modèle a été proposé comme support de construction de modèles
stochastiques pouvant être facilement mis à jour et traités pour obtenir les résultats
d’évaluation. Ce méta-modèle a été utilisé pour construire le modèle correspondant à
un sous-système d’avion et pour présenter des exemples de résultats issus du
traitement du modèle.
Le cas d'étude illustre l'utilisation du modèle de fiabilité i) pour évaluer la
fiabilité opérationnelle d’un avion avant et pendant sa mission, et ii) pour ajuster
l’évaluation lorsque des changements significatifs, affectant les états des composants
système ou le profil de la mission, se produisent. L’analyse des résultats montre
comment l'évaluation peut aider à planifier la maintenance ou à ajuster une mission,
suite à l’occurrence des changements durant la réalisation de la mission.
L'évaluation de fiabilité opérationnelle en service pourrait être utile à tout
système dont l’opération nécessite une certaine surveillance. Les résultats obtenus
représentent donc une base préliminaire qui devrait stimuler le développement de
nouveaux moyens, intégrant de plus en plus l’évaluation de la sûreté de
fonctionnement dans l’aide à l’exploitation optimale des systèmes.
Les réseaux d'activités stochastiques sont une extension des réseaux de Petri. Le
formalisme consiste en quatre objets fondamentaux : les places, les activités, les
portes d'entrée et les portes de sortie. Les activités sont l'équivalent des transitions
en réseaux de Petri. Elles sont soit temporisées ou instantanées. Les activités
temporisées ont une durée et une loi de distribution associée. Les activités
instantanées représentent des actions qui s’exécutent immédiatement après
activation. Les portes d'entrée sont utilisées pour contrôler l'activation des activités
et pour définir les changements de marquage après le franchissement d’une activité.
Chaque porte d'entrée est définie avec un prédicat d'activation et une fonction. Les
portes de sortie sont comme les portes d'entrée et sont utilisées pour modifier l'état
30 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche
du système après le franchissement d’une activité. Une porte de sortie est définie
seulement avec une fonction. Les fonctions définissent les changements de
marquage à appliquer après le franchissement d’une activité. Les portes d'entrée et
de sortie sont représentées graphiquement par des triangles (voir Figure 20).
Une activité est activée lorsque les prédicats de toutes les portes d'entrée reliées à
l'activité sont vrais, et toutes les places connectées en entrée ont un marquage non
nul. Une fois activée, une durée est échantillonnée pour déterminer le temps avant
son franchissement. Quand une activité est tirée, l'état du modèle est mis à jour en
soustrayant des jetons aux places connectées en entrée vers les places connectées en
sortie, et en exécutant les fonctions des portes d'entrée et de sortie.
L’outil Möbius permet la construction de modèles composés. En effet, pour un
grand système, il peut être utile de construire le modèle global à partir de sous
modèles moins complexes. Ceci est possible en utilisant les opérateurs « Join » et
«Replicate». L'opérateur « Join » permet de combiner plusieurs modèles partageant
un certain nombre de variables d'état. L'opérateur « Replicate » est utilisé pour créer
des copies de modèle ; les copies sont combinées en un modèle global. Les copies
peuvent avoir des variables d'état partagées.
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