Kossi TSI 2014

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Fiabilité de mission d’un avion —

Evaluation stochastique en opération


Kossi Tiassou1, Karama Kanoun 1, Mohamed Kaâniche1,
Christel Seguin2, Chris Papadopoulos3
1. CNRS, LAAS, Université de Toulouse
7 Avenue du Colonel Roche, BP 54200, F-31031 Toulouse, France
[email protected]
2. ONERA/DCSD/CD,
2 Avenue Edouard Belin, 31055 Toulouse Cedex 4, France
[email protected]
3. AIRBUS Operations Ltd,
New Filton House, Golf Course Lane, Filton, Bristol, BS99 7AR, United Kingdom,
[email protected]

RÉSUMÉ. Cet article traite de l’évaluation de la fiabilité de mission des avions en opération
pour aider à la planification des missions et de la maintenance. Nous développons une
approche de modélisation basée sur un méta-modèle permettant de structurer les
informations nécessaires à la construction d’un modèle stochastique. Ce dernier peut être mis
à jour en opération afin de tenir compte de la situation courante et d’évaluer la fiabilité de
mission en opération. Une étude de cas, relative à un sous-système avion, est considérée à
titre d'illustration en utilisant les réseaux d'activités stochastiques.
ABSTRACT. This paper addresses aircraft mission reliability assessment during operation to
support aircraft mission and maintenance planning. We develop a modeling approach, based
on a meta-model, that is used to structure the information needed to build a stochastic model.
The latter can be tuned in operation to take into account the current situation in order to
assess the aircraft mission reliability in operation. A case study, related to an aircraft
subsystem, is considered for illustration purpose, using the Stochastic Activity Networks.
MOTS-CLES : fiabilité opérationnelle, évaluation basée sur les modèles stochastiques,
réévaluation de sûreté de fonctionnement, planification de mission et maintenance.
KEYWORDS: operational reliability, stochastic model-based assessment, dependability re-
assessment, aircraft mission and maintenance planning.

Nom entier de la revue – n° 1/2012, 1-5 AR_pied-page1


2 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche

1. Introduction

Le transport aérien est devenu un moyen de déplacement usuel pour un nombre


de plus en plus grand de personnes. Dans ce contexte, en plus de la garantie d’un
niveau de sécurité élevé aux passagers, il est devenu essentiel pour les avionneurs et
les compagnies aériennes d’optimiser l’exploitation des avions et leur maintenance.
Ainsi, des travaux doivent être menés pour développer des moyens efficaces
permettant, en particulier, de prévenir et limiter les risques d’interruptions des vols
et éviter ainsi les pertes économiques dues à l'impossibilité d’opérer et à
l'insatisfaction des clients.
Notre travail vise à développer une méthode de modélisation de la sûreté de
fonctionnement permettant d'évaluer l’aptitude de l'avion à continuer sa mission
jusqu’à une destination donnée, où tout éventuel problème pourrait être réglé
facilement. Le modèle est destiné à être utilisé durant la planification d’une mission
(constituée d’un ensemble de vols et d’opérations de maintenance) et durant sa
réalisation. Avant une mission, il sera utilisé pour estimer la durée pendant laquelle
l’avion pourra effectuer sa mission sans se retrouver dans un état indésirable. Cette
évaluation vise à fournir un support pour l'attribution d’un profil de mission adapté à
l'avion (d'autres critères opérationnels qui ne sont pas abordés dans cet article
doivent être également pris en compte). Une fois qu'une mission est assignée à
l'avion, le modèle sera utilisé en cours d’opération pour évaluer l’aptitude à
poursuivre la mission, en cas d'occurrence d'un événement majeur. Le modèle peut
ainsi aider à la planification de la maintenance grâce à la comparaison des fiabilités
opérationnelles correspondant à différentes solutions de maintenance.
Le but ultime de notre travail est de développer un modèle stochastique de sûreté
de fonctionnement qui peut être configuré facilement au cours de la mission pour
évaluer la fiabilité opérationnelle de l’avion, tenant compte de l'état opérationnel de
l'avion par rapport à la mission en cours ou à effectuer. En opération, la
configuration du modèle nécessite une bonne connaissance de l'architecture et du
comportement du système, mais ne devrait pas nécessiter la connaissance des
techniques de modélisation sous-jacentes. Le modèle est à configurer par des
opérateurs qui ont été formés à cet effet. En revanche, la construction du modèle
exige à la fois une connaissance approfondie des techniques de modélisation de
sûreté de fonctionnement et de l'architecture détaillée ainsi que du comportement du
système vis-à-vis des fautes et dans des conditions diverses. Ainsi, le modèle
stochastique ne peut être construit que par des spécialistes de la modélisation, avec
l’aide de l’avionneur.
La modélisation peut être basée sur les chaînes de Markov, les réseaux de Petri
stochastiques et leurs extensions, construits directement ou à partir de la
transformation d’un modèle dans un langage dédié, les réseaux d'activités
stochastiques, SAN (Movaghar et Meyer,1984), ou le langage AltaRica (Arnold et
al., 1999; Boiteau et al., 2006). La seule exigence est que, une fois le modèle
construit, il puisse être facilement ajusté de l'extérieur et traité efficacement. Pour
l'utilisation finale de notre approche, le modèle sera en AltaRica, langage déjà
expérimenté par Airbus. Le module de traitement du modèle est propriétaire et est en
AR_entetedroit Fiabilité de mission d’un avion — Evaluation stochastique en opération 3

cours de développement. Pour obtenir des résultats nous permettant de vérifier la


validité de la démarche, avant la fin du développement de tous les modules
propriétaires, nous avons utilisé le formalisme SAN, et son outil associé Möbius
(Daly et al., 2000).
Lors de la construction du modèle stochastique, une attention particulière doit
être accordée à sa validation. En effet, il n'est pas possible d’effectuer une validation
complète du modèle en opération, à cause des contraintes de temps (à l'exception de
quelques contrôles simples, tels que des contrôles de cohérence des données
modifiées). Il est donc primordial de construire le modèle en suivant un processus
bien défini, accompagné d'un processus de validation approfondie. Dans notre
approche, nous recommandons de développer d'abord un méta-modèle pour
structurer les informations nécessaires à sa construction. D’autre part, compte tenu
du fait que ce type d'évaluation sera effectué pour plusieurs familles d'avions, le
méta-modèle fournit en plus une approche unifiée pour aider à la construction de
modèles correspondant à différents avions. De plus, le méta-modèle permet aussi de
mettre en évidence les paramètres mis à jour lors de l’opération de chaque avion.
Enfin, le méta-modèle a été pensé pour permettre à terme la compilation d’un même
modèle dans différents formalismes comme par exemple les réseaux d'activités
stochastiques (SAN) ou AltaRica.
L’article est structuré comme suit. La section 2 donne quelques travaux
connexes. La section 3 présente le contexte de modélisation et d'évaluation. La
section 4 présente les principes généraux du méta-modèle. La section 5 propose une
étude de cas et donne une base pour la construction d'un modèle correspondant, en
utilisant le méta-modèle. Une mise en œuvre concrète est donnée à la section 6, en
utilisant le formalisme des réseaux d'activités stochastiques (SAN). La section 7
présente des exemples de résultats d'évaluation. Enfin, la section 8 conclut l’article.

2. Travaux connexes

A notre connaissance, la modélisation de la fiabilité opérationnelle des avions a


été peu abordée dans la littérature. Les études réalisées sont plutôt concentrées sur
les aspects de sécurité (voir (Kehren et al., 2004; Prescott et Andrews, 2005;
Ramesh et al., 2008), par exemple), et la plupart des travaux publiés sur la fiabilité
opérationnelle ont été réalisés à des fins d’amélioration de la conception des avions
(Bineid et Fielding, 2003; Saintis et al., 2009). Dans (Sachon et Paté-Cornell, 2000),
la problématique de l’estimation des retards et de la sécurité des vols en rapport avec
les activités de maintenance a été abordée. Un modèle probabiliste d’analyse de
risque a été développé afin de quantifier l'effet de la politique de maintenance sur
l’opérabilité des avions.
Une approche d’aide à la décision, concernant la planification des activités de
maintenance, est présentée dans (Papakostas et al., 2010). Les auteurs proposent une
méthode pour planifier la maintenance en tenant compte des critères d'optimisation
comme le coût, la durée de vie résiduelle et les risques opérationnels. Le travail
4 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche

effectué ne concerne pas l’évaluation de fiabilité, mais utilise plutôt la mesure de


fiabilité comme entrée.
Dans (Ahmadi et Soderholm, 2008), les conséquences opérationnelles des
défaillances système ont été analysées en utilisant les arbres d'événements. L’article
analyse les éventuelles conséquences des défaillances en tenant compte de la phase
de vol durant laquelle elles ont eu lieu. Une approche de modélisation basée sur
l'arbre de défaillance du système avion est présentée dans (Saintis et al., 2009), en
considérant seulement les événements liés à l'autorisation de vol, sans aborder les
conséquences des défaillances en vol.
En ce qui concerne les aspects de modélisation, le problème est généralement
catégorisé, comme problème de modélisation de systèmes à missions structurées en
phases (PMS – Phased-Mission System). L'approche PMS a été utilisée dans (Meyer
et al., 1980) pour analyser les performances d'un calculateur de commande de vol
tolérant aux fautes. Le modèle développé consiste en trois niveaux hiérarchiques.
L'étude s’est limitée à un seul vol, et la maintenance n'est pas considérée. (Mura et
Bondavalli, 2001) analyse les PMS et présente une approche de modélisation de la
sûreté de fonctionnement. Il a été démontré que, sous certaines conditions, le modèle
peut être traité en utilisant une méthode analytique. (Chew et al., 2008) aborde le
problème dans le cadre de la mise en œuvre du concept de MFOP (Maintenance-
Free Operating Periods), qui caractérise des périodes durant lesquelles le système est
utilisé sans possibilités de maintenance. Le modèle développé est résolu par
simulation.
De tous ces travaux, aucun ne vise directement la modélisation de la fiabilité des
avions en phase opérationnelle. Les travaux les plus proches (Ahmadi et Soderholm,
2008; Saintis et al., 2009) sont effectués pour une analyse globale de la fiabilité
opérationnelle, portant sur toute la période de vie du système. Ces travaux se sont
basés sur des arbres de fautes et des arbres d'événements pour l’évaluation de la
fiabilité opérationnelle des avions, à des fins de planification de maintenance quand
l'avion est en service, en utilisant les modèles stochastiques à espace d’états.
Concernant l'évaluation de la sûreté de fonctionnement en ligne, (Malek, 2008)
et (Masci et al., 2011) abordent l'utilisation de l'évaluation en ligne pour faire les
choix de solutions les plus adaptées à l’opération d’un système.

3. Contexte de modélisation et d'évaluation

Cette section présente les principaux besoins et contraintes opérationnelles qui


doivent être pris en compte lors de la construction des modèles de sûreté de
fonctionnement adaptés à notre problématique. Il s’agit de définir les domaines de
données à modéliser ainsi que la structuration des données optimisant la mise à jour
du modèle.

La réalisation d’une mission est telle que chaque vol est suivi d'une escale où
l'avion est préparé pour le prochain vol. A chaque escale, les anomalies observées
AR_entetedroit Fiabilité de mission d’un avion — Evaluation stochastique en opération 5

lors du vol précédent sont examinées et l'avion est inspecté. Si une défaillance est
détectée, une décision doit être prise quant à l’aptitude à effectuer le prochain vol.
Le commandant de bord et les agents de maintenance se référent à un document
(appelé Minimum Equipment List) où les composants sont répertoriés avec le statut
Go, Goif ou Nogo.
Le statut Go correspond au cas où l'avion peut voler avec le composant
défaillant.
Le statut Goif autorise le vol à condition qu’un certain nombre d’autres
équipements soient opérationnels et que certaines procédures opérationnelles ou de
maintenance soient possibles. On distingue deux cas :
- Goif-o : Des procédures opérationnelles doivent être effectuées ou
réalisables pour pouvoir effectuer le vol. Il s'agit essentiellement d'une
limitation des fonctionnalités disponibles pendant le vol.
- Goif-m : Des dispositions concernant la maintenance doivent être prises
dans un délai acceptable prédéfini pour régler le problème.
Le statut Nogo empêche l'avion de voler. Dans ce cas, la défaillance doit être
réparée avant tout vol. Le vol est autorisé s’il n'y a pas de composants ayant un
statut Nogo et si toutes les conditions Goif sont réalisables. Lorsque l'avion ne
répond pas aux exigences suite à une défaillance, des activités de maintenance sont
entreprises pour résoudre le problème. L’ampleur des conséquences d’une
défaillance dépend ainsi de l’aptitude à résoudre le problème avant l'heure de
décollage prévue. En fait, le vol n’est considéré comme retardé qu’après le
dépassement d’une marge donnée de retard.
Lorsque le vol est autorisé, le vol commence par un roulage vers la piste de
décollage. Au cours de cette période, et même après le décollage, le vol peut être
interrompu à la suite d'une défaillance critique. L'avion retourne alors à l'aéroport de
départ. En fait, le vol peut être dérouté à tout moment si la capacité de l'avion à
continuer est dégradée. Les procédures décrites dans les documents comme le
FCOM (Flight Crew Operating Manual) ou le QRH (Quick Reference Handbook)
servent de support pour une décision de déroutement (Ahmadi et al., 2010).
Les situations indésirables pendant la réalisation d’une mission sont les
interruptions de vol, à savoir les retards, les annulations, les demi-tours (retours à
l’aéroport de départ) et les déroutements.
Les procédures existantes concernent le vol en cours et le prochain vol
uniquement. Nos travaux visent à les compléter par des évaluations stochastiques
afin de couvrir la totalité de la mission.
3.1. Exigences opérationnelles et mesures à évaluer

Certaines exigences doivent être satisfaites tout au long de la mission. Elles


doivent être vérifiées systématiquement lors de l’inspection de l'avion et pendant le
vol suite à l’occurrence d'un imprévu tel que la défaillance d'un composant. Si ces
exigences ne sont pas satisfaites, le vol n'est pas autorisé. Nous supposons qu'elles
6 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche

sont satisfaites au moment où l'évaluation est effectuée (date initiale de l'évaluation).


Nos objectifs sont d'évaluer i) pendant combien de temps elles resteront satisfaites
et/ou ii) la probabilité qu'elles soient satisfaites jusqu’à la fin de la mission planifiée.
Si cette probabilité est inférieure à un seuil acceptable donné, une action doit être
entreprise.
Nous distinguons deux catégories d'exigences liées au système et à la mission :
- Min_Sys_Req, exigences minimales relatives au système, indépendantes des
profils de mission, qui doivent être satisfaites quel que soit le vol à effectuer.
Elles sont données par la Minimum Equipment List et les dossiers de
certification des systèmes.
- M_Prof_Req, exigences qui sont spécifiques au profil de la mission. Elles
sont composées des exigences spécifiques aux vols de la mission.
Nous avons défini deux mesures de fiabilité associées à ces exigences :
- La fiabilité du système (SR) : évaluée par rapport à Min_Sys_Req. Elle est
utilisée lors de la planification d'une mission, afin de déterminer le nombre
maximum d'heures de vol pouvant être effectuées sans maintenance (ou de manière
équivalente, au cours de laquelle les exigences seront satisfaites sans aucune action
de maintenance). Elle peut donc être utilisée pour aider à déterminer la durée
maximale de la mission.
- La fiabilité de la mission (MR) qui correspond à la probabilité de réaliser la
mission avec succès, i.e., les exigences seront satisfaites tout au long de la mission
(ou, en d'autres termes, la mission sera accomplie sans interruption opérationnelle).
MR est évaluée en considérant Min_Sys_Req et M_Prof_Req. Elle est à évaluer au
cours de la réalisation d'une mission, suite à l’occurrence d’un évènement majeur,
pour déterminer si une action préventive doit être entreprise, et à quel moment.
Il convient de mentionner qu’afin d'obtenir rapidement des résultats dans
certaines situations, on peut envisager d’analyser seulement la fiabilité d'un sous-
ensemble de fonctions, identifiées comme critiques pour la mission.

3.2. Les principales informations nécessaires à la construction du modèle

L’évaluation des deux mesures de sûreté de fonctionnement SR et MR est


généralement effectuée à partir de modèles stochastiques de sûreté de
fonctionnement. Dans notre cas, les modèles doivent compiler des connaissances
précises sur l'état d’opération de l’avion. Comme indiqué dans la Figure 1, les
informations requises par la construction du modèle peuvent être structurées en
quatre catégories : les informations relatives au comportement du système, au profil
de la mission, aux exigences et à la maintenance.
AR_entetedroit Fiabilité de mission d’un avion — Evaluation stochastique en opération 7

Figure 1 Catégories d'informations

Profil de mission : Il est composé d'informations relatives à la succession des


périodes au cours desquelles l'avion est soit en vol, soit au sol (où la maintenance
peut avoir lieu), ainsi qu’au nombre et à la durée des vols inclus dans une mission.
Comportement du système : Le système à bord est composé de sous-systèmes
et de composants atomiques qui, selon leur état, peuvent fournir ou pas différentes
fonctions importantes. La description des scénarios de défaillance et de maintenance
des composants, ainsi que les éventuelles pertes de fonctions engendrées constituent
un point fondamental dans la construction du modèle.
Exigences : Il s’agit de la représentation de Min_Sys_Req et de M_Prof_Req,
formulées comme des compléments d'expressions booléennes, représentant les
différentes combinaisons d’états pouvant conduire à une interruption.
Maintenance : Les possibilités de maintenance (en termes de ressources et de
durées) sont différentes d’un aéroport à un autre.

3.3. Compétences requises pour construire et mettre à jour le modèle

Traditionnellement, l’analyse de sûreté de fonctionnement à partir de modèles


stochastiques est réalisée de bout en bout par un spécialiste en modélisation. Ce
spécialiste construit le modèle et le configure pour analyser les différents scénarios
d’exécution jugés pertinents. Le modèle est validé par une équipe spécialisée, avec
l’aide de l'avionneur, qui est la seule entité à bien connaître le système.
Dans le cadre de notre travail, le scénario d’exécution est déterminé par la situation
courante en opération, et la présence de l’équipe spécialisée qui réalise
traditionnellement les modèles stochastiques n’est pas garantie en opération. La
mise à jour du modèle doit pouvoir être effectuée par des opérateurs formés à cette
fin, qui n'ont pas nécessairement une culture de modélisation stochastique, ni une
connaissance approfondie de la dynamique de fonctionnement interne du système.
Ils feront la mise à jour en se basant sur des procédures préétablies et grâce à une
interface conviviale. La Figure 2 résume les étapes du processus de construction et
de configuration du modèle.
8 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche

Figure 2 Processus de construction et de mise à jour du modèle

Différents types de changements peuvent avoir lieu lors de la réalisation d'une


mission et induire la mise à jour le modèle stochastique en opération. Ces
changements peuvent être liés : 1) à l'état des composants du système, 2) aux
distributions de probabilité caractérisant les défaillances des composants, 3) au
profil de mission (i.e., le nombre de vols ou leur durée), ou 4) aux possibilités de
maintenance, ainsi qu’au temps moyen de maintenance des composants défaillants
ou la distribution de probabilité des temps de réparation.
La figure 3 donne un aperçu de la mise en œuvre pratique de l’évaluation en
opération.

Figure 3 Mise en œuvre de la modélisation en opération


L’ensemble de nos travaux est détaillé dans (Tiassou, 2013). Cet article aborde
principalement la construction du modèle stochastique (dont une première version a
été publiée dans (Tiassou et al., 2012)), en mettant l’accent sur le méta-modèle. Il
présente également quelques modèles en SAN qui sont plus détaillés dans (Tiassou,
2013-b) et résume les principaux résultats du cas d’étude.
AR_entetedroit Fiabilité de mission d’un avion — Evaluation stochastique en opération 9

3.4. Synthèse de l’impact des besoins opérationnels sur la modélisation

Pour conclure cette section, nous noterons que les modèles adaptés à notre problème
sont des modèles stochastiques de sûreté de fonctionnement qui compilent les
caractéristiques des systèmes et de mission définies dans la section 3.2. Cette
dernière propose aussi un premier niveau de structuration de ces données reflétant
des natures d’objets et des champs d’expertise différents : systèmes de l’avion,
mission, maintenance, ...
La section 3.3 met en évidence que des niveaux d’expertise élevés et diversifiés
peuvent être mobilisés lors de la construction du modèle mais pas lors de sa mise à
jour quotidienne. Afin de permettre une mise à jour facile et rapide en opération, il
est proposé de décomposer le modèle stochastique en deux parties : 1) un modèle du
système dédié à la représentation du comportement du système et des exigences
minimales, et 2) un modèle de la mission représentant les informations liées au
profil de la mission et qui peut être modifié sans affecter la possibilité d'utiliser le
modèle système pour une évaluation de fiabilité. Ainsi, la structure du modèle
système est indépendante de la mission pour un avion donné.
Examinons à présent comment ces choix peuvent être formalisés à l’aide de méta-
modèles de données, qui pourront aussi ultérieurement être utilisés pour produire des
interfaces masquant les détails des modèles stochastiques superflus pour les
opérateurs de mise à jour.

4. Le méta modèle

Nous avons choisi de modéliser les concepts structurant la construction des


modèles stochastiques pertinents dans notre contexte applicatif à l’aide d’Ecore, afin
de bénéficier de l’environnement de développement associé. Après un rappel de
cette notation de méta-modélisation, nous présentons plus particulièrement les méta-
modèles des parties « système » et « mission » qui soulèvent des difficultés
différentes. Les méta-modèles des exigences sont discutés en lien avec chacune de
ces deux parties. Le méta-modèle « maintenance » a été réalisé en suivant la même
philosophie que le méta-modèle « mission » et ne sera présenté que brièvement.

4.1. Notations du méta-modèle

Le méta-modèle est développé en utilisant les éléments de méta modélisation


définis dans EMF (Eclipse Modeling Framework) (Griffin, 2003), plus précisément
les notations de Ecore. Ecore est principalement basé sur les concepts des
diagrammes de classes UML (Unified Modeling Language). La Figure 4 présente les
principaux concepts.
- EClass : représente une catégorie d’éléments essentiels de modèle,
caractérisée par des attributs et des opérations, respectivement dénommés
EAttribute et EOperation.
10 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche

- EReference : représente les relations entre les éléments du modèle. D’un


point de vue conception orientée objet, il représente le fait que les objets de
l’EClass source ont des attributs qui sont des références à des objets de
l’EClass de destination. Dans notre cas, l'orientation indique que l'objet
source utilise les informations de l'objet de destination. Une EReference
peut être déclarée containment, exprimant le fait que l'objet de destination
fait complètement partie de l'objet source.
- Héritage : représente une relation entre deux EClass, définissant la source
comme un sous-type de la destination.

Figure 4 Notations Ecore

4.2. Le méta-modèle du système

Le premier méta-modèle présenté est baptisé méta-modèle « système » car il doit


caractériser les principaux constituants des modèles du comportement de l’avion en
présence de défaillances et réparation des systèmes embarqués. La difficulté est de
déterminer le niveau de granularité et la structure des modèles de propagation de
défaillance (et donc du méta-modèle) suffisants pour d’une part faciliter la mise à
jour des paramètres des modèles en cours d’opération et pour d’autre part capturer le
contenu des modèles de sûreté de fonctionnement utilisés lors des évaluations
La Figure 5 présente le méta-modèle proposé pour répondre à ce besoin et les
sections suivantes motivent les choix de méta-modélisation effectués.
4.2.1 Elément facilitant le référencement des éléments du système
Le système à modéliser est organisé en sous-système physiques (par exemple
sous-système de commande de vol et sous-système électrique) assurant des
fonctions de haut niveau (par exemple génération et distribution d’énergie pour le
système électrique). Les sous-systèmes physiques sont eux même constitués de
composants physiques élémentaires variés (calculateurs, actionneurs, cables, …).
Les différents paramètres à mettre à jour appartiennent à ces différents éléments.
En effet, nous devons mettre à jour les modèles en tenant compte d’observations sur
l’état des composants des systèmes physiques et nous devons aussi évaluer l’impact
de cet état sur les fonctions à réaliser. Comme indiqué dans la Figure 5, notre méta-
AR_entetedroit Fiabilité de mission d’un avion — Evaluation stochastique en opération 11

modèle explicite donc les concepts de Subsystem, SysComponent, Function et


demande que chaque instance de ces concepts soit caractérisée par un identifiant Id
défini pour faciliter le référencement des paramètres mis à jour.

Figure 5 Méta-modèle correspondant au système

4.2.2 Eléments caractérisant le comportement des composants


Les paramètres à mettre à jour durant l’opération dépendent du contenu du
modèle de sûreté de fonctionnement permettant d’évaluer les différentes exigences
opérationnelles identifiées dans la section 3.1. Les modèles utiles dans notre cas sont
des modèles de fiabilité, qui décrivent le comportement du système à l’aide d’états
et de transitions comme les processus Markovien ou les réseaux de Petri
stochastiques.
Il faut noter que ce type de modèle décrit un espace d’états globaux du système.
Or, dans notre cas, les mises à jour doivent être localisées dans les composants et
des mécanismes de composition doivent propager l’effet des mises à jour locales sur
les états globaux du système, comme dans les formalismes SAN ou AltaRica utilisés
dans ce projet pour évaluer les mesures. Nous présentons donc dans cette section les
concepts permettant de paramétrer le comportement de chaque composant
atomique, nous discuterons dans la section suivante les concepts utilisés pour
pouvoir les composer.
Le comportement de chaque composant est fonction de variables d’état et
d’événements qui entraînent un changement de valeur des variables d’état. Une
variable d’état (EClass Variable) possède un nom (name), un domaine qui définit les
valeurs possibles que peut prendre l’état, et une valeur initiale (initialValue) qui
correspondra à son initialisation dans le modèle.
12 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche

Ainsi, le diagnostic d’une défaillance en opération amène à réinitialiser certaines


variables d’états
De manière similaire, un événement (EClass Events est identifié par son nom
(name). Les défaillances et les activités de maintenance représentent les principaux
événements considérés dans les modèles d’évaluation de la sûreté de
fonctionnement. Nous distinguons les événements de type Failure et ceux de type
Maintenance car la définition et la mise à jour des paramètres des événements
peuvent être sous la responsabilité d’experts métier différents.
De plus, le calcul des mesures de sûreté de fonctionnement nécessite de
caractériser ces événements par des données qualitatives (effets des événements sur
le système) et des données quantitatives (intervalles de temps avant défaillances,
durées de maintenance).
Ainsi, un événement est caractérisé sur le plan qualitatif par les conditions
conditionnant son occurrence (guard) et ses effets (effect) exprimant le changement
dans l'état du système suite à son occurrence.
Ces informations décrivent les lois physiques du système, elles sont a priori
constantes.
Leur contenu doit être spécialisé selon le type de modèle stochastique à produire à
partir du méta-modèle. Par exemple, les événements correspondent aux « activités »
des modèles écrits dans le formalisme SAN présentés en section 6. La valeur de
l’attribut « guard » définit pour chaque activité les portes franchies lors de
l’exécution de l’activité et les préconditions associées à ces portes. Le méta-modèle
proposé n’explicite pas davantage la structure de ces attributs des événements pour
deux raisons : ils ne seront a priori pas mis à jour en opération et la liberté laissée
permet aux utilisateurs de produire les modèles de sûreté de fonctionnement dans le
formalisme de leur choix.
Sur le plan quantitatif, l’événement est défini par la distribution caractérisant le
temps jusqu’à son occurrence (TTOdistrib). TTOdistrib est un objet de
DurationDistrib, qui vise à représenter la loi de distribution du temps passé dans une
situation donnée. La distribution est décrite par le nom de la loi de distribution
(distribLaw - par exemple, exponentielle ou Weibull) et ses paramètres
distribParams, qui sont de l’EClass Parameter. Un paramètre de distribution est
caractérisé par son nom (name) et une valeur (value).
Le pronostic d’une défaillance à court terme amène à réinitialiser la valeur des
paramètres de distribution.
4.2.3 Elément caractérisant les dépendances entre composants
Examinons à présent les concepts de dépendances entre composants d’un même
sous-système et entre composants et fonction permettant de produire un modèle
stochastique global.
Il peut s’agir de dépendances fonctionnelles induites par exemple par la
connexion entre entrées et sorties des composants ; il peut aussi s’agir de relations
AR_entetedroit Fiabilité de mission d’un avion — Evaluation stochastique en opération 13

plus complexes permettant de modéliser par exemple la propagation de l’état d’un


composant sur le reste du système. Concrètement, ces relations de dépendances
doivent faire référence à des attributs de composants différents. Cependant, l’accès
direct depuis un objet aux attributs d’un autre objet n’est pas toujours possible. La
ERelation Dependency a été introduite pour pallier ce manque. Elle permet d’une
part d’accéder aux valeurs d’attributs de composants distincts. D’autre part, la valeur
retournée (stateInfo) par l’attribut relation permet de spécifier précisément la
dépendance existant entre des attributs d’un groupe d’objets.
Les fonctions (Function) délivrées par les composants du système sont
également décrites en utilisant des instances de Dependency, car la valeur de la
variable d'état d'une fonction est également déterminée par la combinaison des
variables d’état des composantes qui contribuent à sa délivrance.
Ces relations de dépendances sont a priori constantes et doivent être
spécialisées selon le formalisme utilisé pour réaliser le modèle stochastique.
4.2.4 Elément caractérisant les exigences applicables aux sous-systèmes
Les fonctions, ainsi que les états des composants système, sont utilisés pour
définir les exigences relatives au système. La Figure 6 présente les éléments
intervenant dans la définition des exigences.

Figure 6 Méta-modèle concernant les exigences

Une exigence est une contrainte liée à une partie du système ou au profil de la
mission. Elle doit être satisfaite pour réussir la réalisation d’une partie de la mission.
Elle est caractérisée par (EClass Requirement) : i) l’attribut reference, un
identificateur qui peut être utilisé pour faire référence à la même exigence dans
différentes situations, ii) une variable booléenne status qui indique si l'exigence est
satisfaite ou non et iii) l’expression booléenne qui spécifie la condition à satisfaire
par différentes variables d’états des composants ou des fonctions. Enfin, une
exigence peut résulter de la combinaison d'autres exigences.
14 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche

Les exigences qui ne nécessitent pas d'information particulière liée au profil de la


mission sont exprimées dans le modèle système.

4.3. Le méta-modèle du profil de la mission

La Figure 7 présente la partie du méta-modèle destinée à la description des


informations concernant le profil de mission. Le modèle de sûreté de
fonctionnement permettant d’évaluer les conditions de réalisation d’une mission est
similaire au modèle utilisé pour évaluer la fiabilité dynamique des systèmes.
Néanmoins la description d’une mission est beaucoup plus standardisée que la
description des composants d’un sous-système et doit être mise à jour plus
régulièrement en opération. Par conséquent, les concepts généraux de variables
d’états, d’événements ou de dépendances sont ici spécialisés en tenant compte des
concepts « métier ».

Figure 7 Méta-modèle pour la partie concernant la mission

4.3.1 Elément caractérisant les constituants d’une mission


Un profil de mission est défini par un nombre (NbFlights) de vols à effectuer en
séquence. Pour la réalisation de chaque vol, une période au sol (GroundPeriod) pour
préparer le vol, et une période de vol (FlightPeriod), qui consiste en l'exécution
proprement dite du vol, sont distinguées. L'ensemble du processus pour réaliser le
vol est dénommé CompleteFlight. La période de vol est décomposée en phases. Une
phase est caractérisée par son appellation (denomination), sa durée (duration) et des
informations additionnelles (AdInfo) qui pourraient être nécessaires dans la
définition des exigences.
AR_entetedroit Fiabilité de mission d’un avion — Evaluation stochastique en opération 15

4.3.2 Elément caractérisant les dépendances entre constituants


Comme le profil de la mission est décomposé en une séquence de périodes et
phases, une Eclass Sequenced est définie pour représenter leurs caractéristiques
communes, qui sont l'identifiant (id) et l’attribut execState. L’attribut execState
indique si la partie correspondante de la mission est en cours de réalisation ou pas.
L'information sur la partie de la mission en cours de réalisation est transmise au
modèle système en utilisant un objet de CurrentProcess. L'information concerne le
type (période au sol ou phase de vol), l'identifiant de la phase de vol (FPhase) s'il
s'agit d'une phase de vol et l'information d'autorisation de maintenance si c'est une
période au sol. Les objets dérivés de CurrentProcess feront partie de l'interface entre
le modèle système et le modèle mission.
4.3.2 Elément caractérisant les exigences applicables à la mission
Avant tout vol, l'état opérationnel du système est testé par rapport aux exigences
d'autorisation de vol (DR), qui représente une synthèse de la Minimum Equipment
List. DR correspond à Min_Sys_Req s'il n'y a pas d'exigences spécifiques à la
mission. Les activités de maintenance sont telles qu'elles ne peuvent pas être
considérées comme terminées si DR n’est pas satisfait. La réussite de la période au
sol est déterminée par la réalisation des activités correspondantes durant la période
de temps alloué. La réussite de la période de vol est déterminée par la réussite de ses
différentes phases. Une phase est réalisée avec succès si les exigences
correspondantes sont satisfaites durant la réalisation.
4.3.3 Elément caractérisant les moyens de maintenance en fonction de la mission
La réalisation des activités de maintenance dépend des moyens logistiques
adéquats à l’escale considérée. Une station de maintenance est associée à chaque
période au sol et la dépendance est prise en compte en considérant une distribution
de probabilités caractérisant le temps nécessaire à la prise en charge des activités
correspondantes. Par exemple, une fonction LDF (Figure 8) est définie pour prendre
en compte le retard dans la prise en charge des activités. LDF est une sous-classe de
DurationDistrib (Figure 5). Des types de stations de maintenance, comme base
principale et hors base, peuvent être utilisés pour les catégoriser. Les tâches sont
effectuées en considérant un ordre de priorité (prioritization) dans leur réalisation.
16 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche

Figure 8 Représentation des informations relatives à la maintenance

4.4. Remarques finales sur le méta-modèle

Il convient de mentionner que le méta-modèle présenté dans cet article est


destiné à illustrer la philosophie de l'approche. Les attributs des classes définies
peuvent être enrichis avec d’autres informations spécifiques. Seul l’avionneur a une
connaissance complète du système et des opérations possibles. Le modèle peut être
construit en utilisant un sous-système particulier ou plusieurs sous-systèmes
ensemble, surtout s’ils sont fortement dépendants.
Le principal objectif du méta-modèle est d’aider à la construction des modèles
stochastiques. Cependant, il peut également être utilisé à des fins différentes. En
particulier, il peut être utilisé comme un support pour donner un aperçu du contenu
global du modèle. Le méta-modèle peut être aussi utilisé pour la formation des
équipes qui seront en charge de la mise à jour du modèle en opération.

5. Cas d’étude

Le cas d’étude concerne un sous-système qui contrôle l'une des surfaces mobiles
des avions (Bernard et al., 2007), dénommé CSM dans le reste de l’article. Après
avoir décrit brièvement ce système, nous présentons une spécification basée sur les
éléments du méta-modèle pour décrire le contenu du modèle stochastique
correspondant qui fera l’objet de la partie 5.

5.1. Présentation du système

Le système (Figure 9) est composé de trois calculateurs primaires (P1, P2, P3),
d’un calculateur secondaire S1, de trois actionneurs (ServoCtrl_G, ServoCtrl_B et
ServoCtrl_Y), d’un module de commande secours (BCM) et de deux composants
permettant d’alimenter le module de secours en énergie (BPS_B et BPS_Y).
AR_entetedroit Fiabilité de mission d’un avion — Evaluation stochastique en opération 17

Les calculateurs sont connectés aux actionneurs, qui font mouvoir la surface. S1
et P1 sont connectés à l’actionneur ServoCtrl_G, P2 est connecté à ServoCtrl_B, et
P3 à ServoCtrl_Y. La connexion entre un calculateur et un actionneur forme une
ligne de commande qui peut agir sur la surface. On distingue les lignes de
commande suivantes :
- PL1: connecte P1 et ServoCtrl_G
- PL2 : connecte P2 et ServoCtrl_B
- PL3 : connecte P3 et ServoCtrl_Y
- SL : connecte S1 et ServoCtrl_G
Il y a aussi la ligne de commande secours BCL qui est formée de BCM, BPS_B,
BPS_Y, ServoCtrl_Y et ServoCtrl_B.

Figure 9 Structure du système

Initialement le calculateur secondaire S1, le module de commande secours BCM,


BPS_B et BPS_Y sont inhibés. La surface est alors contrôlée par les trois lignes de
commande primaire (PL1, PL2, PL3). Lorsque ces trois lignes de commande
primaire sont défaillantes, S1 est activé et SL prend la commande. Si cette dernière
défaille aussi, les composants BCM, BPS_B et BPS_Y sont activés pour assurer la
commande. Trois modes de contrôle peuvent ainsi être distingués : la commande par
les calculateurs primaires (PC), la commande par S1 (SC) et la commande par les
équipements de secours (BC). La Figure 10 résume les trois modes de contrôle.

Figure 10 Modes de contrôle et lignes de commande associées

Exigences opérationnelles associées : Selon (MMEL, 2008) :


E1 : la défaillance d'un des composants P2, ServoCtrl_G, ServoCtrl_Y,
ServoCtrl_B, BCM, BPS_B ou BPS_Y est un « Nogo ».
18 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche

E2 : les défaillances de P1, P3 et S1 sont « Goif » :


- P3 et S1 doivent être opérationnels en cas de défaillance de P1.
- P1 et S1 doivent être opérationnels en cas de défaillance de P3.
- P1, P2 et P3 doivent être opérationnels en cas de défaillance de S1.
Il n'existe aucune exigence liée aux profils des missions concernant ce système
dans les documents applicables.

5.2. Spécification du modèle système

Le méta-modèle est utilisé pour spécifier le modèle système. Tous les


composants système ont des comportements similaires et sont représentés à l'aide
des éléments relatifs à SysComponent (Figure 5). Le nom de chaque composant est
utilisé comme identifiant (id). Pour chaque composant x, une variable d'état est
considérée, avec un domaine défini par l'ensemble {ok, failed}, la valeur initiale est
« ok ».
Pour les événements à associer, nous considérons un événement de défaillance
qui modifie l'état de « ok » vers « failed », et un événement de maintenance qui
restaure l'état à « ok ». Nous supposons que l'événement de défaillance se produit en
vol. Pour cela, nous utilisons un objet d’interface CP (instance de CurrentProcess -
Figure 7) entre les deux parties du modèle, qui donne des informations sur la partie
de la mission en cours d’exécution. Il est aussi utilisé dans l'expression de la garde
de l’événement de maintenance pour spécifier l’information d'autorisation de la
maintenance (CP_M). Par exemple pour le composant P1, les événements sont
définis comme suit :
Evénement de défaillance :
name: P1_failure
guard: state=ok and CP-type=flight; effect state=failed
TTOdistrib: distribLaw=exponential, parameter: lambda=txP1
Evénement de maintenance :
name: maintainP1
guard: state= failed and id ∈ CP-M; effect state=ok
TTOdistrib: distribLaw=deterministic, parameter: t=1
Pour le calculateur secondaire et les composants de commande de secours, les
scénarios d'activation et de désactivation sont représentés. L'activation et la
désactivation dépendent de l'état des lignes de commande primaires. Celles-ci sont
représentées en utilisant des instances de Dependency. PL1, PL2, PL3 représentent
respectivement l'état de la connexion entre P1 et ServoCtrl_G, l'état de la connexion
entre P2 et ServoCtrl_B, et l'état de la connexion entre P3 et ServoCtrl_Y. Les
variables d'état associées (PL1-stateInfo, PL2-stateInfo et PL3-stateInfo) ont
l'ensemble {ok, failed} comme domaine et leurs valeurs sont déterminées par la
fonction de combinaison suivante (relation), en utilisant PL1 comme exemple :
PL1-stateInfo = ok si P1-state=ok et ServoCtrl_G-state=ok
AR_entetedroit Fiabilité de mission d’un avion — Evaluation stochastique en opération 19

PL1-stateInfo = failed sinon


Il est à noter que cette expression représente juste une formule pour déterminer
l'état de la ligne. Dans la pratique, et selon le formalisme choisi pour la construction
du modèle, on peut définir directement la valeur de PL1-stateInfo dans la
spécification des événements qui modifient les états de P1 et ServoCtrl_G.
Les exigences exprimées à la fin du § 5.1 sont relatives aux composants système
et sont applicables quel que soit le profil de mission. Elles sont exprimées en tant
qu’exigences minimales (Min_Sys_Req), auxquelles peuvent s’ajouter des
exigences spécifiques à une mission donnée. Elles sont exprimées en utilisant les
éléments définis dans la Figure 6.
L'attribut reference n'est pas utilisé ici car il est à utiliser uniquement dans le
contexte des mises à jour du modèle. Les exigences sont considérées comme
satisfaites initialement (status=satisfied). L'expression de Min_Sys_R est formulée
comme la conjonction des exigences E1 et E2 (voir § 5.1).
E1: Les exigences opérationnelles liées à « Nogo » sont exprimées comme suit :
P2 = ok ∧ ServoCtrl_G =ok ∧ ServoCtrl_Y =ok ∧ ServoCtrl_B =ok ∧
BCM =ok ∧ BPS_B =ok ∧ BPS_Y =ok
E2: Les exigences opérationnelles liées aux « Goif » sont exprimées comme suit :
- (P1=ok) ∨ (S1=ok ∧ P3=ok);
- (P3=ok) ∨ (S1=ok ∧ P1=ok);
- (S1=ok) ∨ (P1=ok ∧ P2=ok ∧ P3 =ok).
La conjonction de E1 et E2 donne Min_Sys_Req.
Min_Sys_Req = { P2=ok ∧ ServoCtrl_G =ok ∧ ServoCtrl_Y =ok ∧
(
ServoCtrl_B=ok ∧ BCM=ok ∧ BPS_B=ok ∧ BPS_Y =ok ∧
(1)
(P1 =ok ∨ (S1 =ok ∧ P3 =ok)) ∧
(P3 =ok ∨ (S1 =ok ∧ P1 =ok)) ∧
(S1 =ok ∨ (P1 =ok ∧ P2=ok ∧ P3 =ok)) }

En utilisant les lignes de commande, dont les états sont des combinaisons d'états
des composants de base, l'expression devient :
Min_Sys_Req = { PL2 =ok ∧ BCL =ok ∧
(2)
(PL1 =ok ∨ (PL3 =ok ∧ SL =ok)) ∧
(PL3 =ok ∨ (PL1 =ok ∧ SL =ok)) ∧
(SL =ok ∨ (PL1 =ok ∧ PL3 =ok)) }.

5.3 Spécification du modèle mission

Le profil de la mission est spécifié en utilisant les éléments définis dans le §4.2.
Nous considérons p vols par jour, pendant d jours. Il faut créer des instances de
CompleteFlight correspondant à ces vols. Pour leur identification (id), une
20 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche

numérotation suffit. Pour chaque instance, une période au sol est considérée, avec
gpd comme durée estimée. La période au sol comprend une période d'activités de
maintenance planifiée dont la durée SM_Time peut être considérée comme
déterministe avec une valeur smd. Les activités de maintenance planifiée sont
prolongées par des activités de maintenance non planifiée, qui ont généralement lieu
lorsque les conditions d’autorisation du vol ne sont pas satisfaites. Les autres
activités au cours de la préparation du vol sont considérées comme ayant une durée
donnée oad.
Les périodes de vol suivant les périodes au sol sont divisées en trois phases
dénommées Taxing_to_Takeoff, In_Flight et Landing, décrites comme suit :
Taxing_to_Takeoff : duration: distribLaw=deterministic, parameter: t=ttd
In_Flight : duration: distribLaw=deterministic, parameter: t=ifd
Landing : duration: distribLaw=deterministic, parameter: t=ld

Les variables ttd, ifd et ld sont les durées estimées pour ces phases.
Nous supposons que les activités de maintenance ont lieu tous les soirs.

6. Le modèle dans le formalisme SAN

Le modèle SAN représente une implémentation exécutable de la spécification


précédente, basée sur les éléments du méta-modèle. Une brève description du
formalisme SAN est donnée en annexe. La structure du modèle en SAN du cas
d'étude est donnée dans la figure 11. Le modèle système est lui même composé de
trois modèles correspondant aux trois modes de contrôle PC, SC et BC présentés
dans §5.1 et du modèle des exigences système. Dans ce qui suit, nous présentons
trois exemples de modèles associés au contrôle primaire (PC), aux exigences
système et à la mission.

Figure 11 Structure du modèle SAN


AR_entetedroit Fiabilité de mission d’un avion — Evaluation stochastique en opération 21

6.1 Le modèle SAN du contrôle primaire en SAN

Le modèle SAN du contrôle primaire, PC, est donné à la Figure 12. Les activités
x_failure représentent les événements de défaillance du composant x. Leur
activation est conditionnée par la présence d'un jeton dans la place flight. Les
activités Maintainx représentent la maintenance et leur activation est conditionnée
par la présence d'un jeton dans la place CP_M. La place flight (respectivement,
CP_M) représente le fait que l’avion est en phase de vol (respectivement, en période
de maintenance). Leurs marquages sont gérés dans le modèle mission. Pour des
raisons de clarté, certaines places impliquées dans les prédicats ou fonctions des
portes d'entrée ne sont pas explicitement reliées à ces dernières sur la représentation
graphique.

Figure 12 Modèle du contrôle primaire, PC

Les transitions représentant les activités de maintenance (Maintainx) sont à


gauche des places et les événements défaillance (x_failure) à droite. Les portes
d'entrée associées contrôlent leurs franchissements. Par exemple, les portes d'entrée
IGP1F et IGMP1 sont définies comme suit :
IGP1F Prédicat : P1->Mark() && flight->Mark() Fonction : P1->Mark()=0;
PL1->Mark()=0;
IGMP1 Prédicat : P1->Mark()==0 && CP_M ->Mark() Fonction : P1->Mark()=1;
if(ServoCtrl_G->Mark()) PL1->Mark()=1;
Chaque place Plii=1,2,3 représente l'état de la ligne PLi. PLi a un jeton quand les
places Pi et ServoCtrl_x correspondantes sont marquées. Les marquages des places
CP_M et flight sont utilisés dans les prédicats des portes d'entrée pour activer les
activités de maintenance et de défaillance, comme expliqué plus haut.
22 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche

6.2 Le modèle des exigences système en SAN

Le modèle de l'expression des exigences constitue l’interface entre le modèle de


mission et le modèle système. Il est donné dans la Figure 13. La place Min_Sys_Req
représente la satisfaction des exigences. Le franchissement des activités instantanées
Fulfilled et Not_ Fulfilled permet de mettre à jour la place en fonction des
changements d’état des lignes de commande (satisfaction de l’expression 2 du §5.2).

6.3 Le modèle mission en SAN

Dans cette étude de cas, il est supposé pour des raisons d'illustration que la
mission est composée de vols identiques. Le modèle mission est présenté dans la
Figure 13, ainsi que sa composition avec le modèle système. Sa partie supérieure
modélise les phases d’un vol et sa partie inférieure représente les activités au sol,
lors d’une escale.

Figure 13 Aperçu du modèle stochastique

Un vol est représenté par trois phases Taxing_to_Takeoff, In_Flight et Landing.


Pendant le décollage Taxing_to_takeOff le vol peut être annulé et il peut être dérouté
pendant la phase In_Flight. Les portes d'entrée AbortCondition et
DiversionCondition définissent les conditions conduisant à l’occurrence de ces
interruptions. Le modèle de la partie au sol décrit la préparation pour le prochain
AR_entetedroit Fiabilité de mission d’un avion — Evaluation stochastique en opération 23

vol. Le début de la préparation est représenté par le marquage des places


Ground_Preparation et Scheduled_Maintenance, indiquant que la phase au sol a
commencé avec les tâches de maintenance planifiée (contrôles de routine, par
exemple). Lorsque ces tâches sont terminées (franchissement de l’activité
SM_Time), la place Dispatchability est marquée. L'activité instantanée Allow peut
alors être franchie si les exigences pour autoriser le vol, exprimées dans
Dispatch_Condition, sont satisfaites. Sinon l'activité instantanée
Require_Maintenance est tirée car l'action corrective nécessite des tâches de
maintenance (indiqué par la condition No_Dispatch). La place Dispatchability reste
marquée jusqu'à ce que l’action corrective réussisse (le prédicat de
Dispatch_Condition devient vrai) et le vol est autorisé. Dans cette représentation, la
satisfaction des conditions pour autoriser le vol consiste à tester le marquage de la
place Min_Sys_Req. Jusque-là, le temps prévu pour la phase au sol pourrait être
dépassé (franchissement de l'activité GroundPeriod_duration mettant le jeton dans
place Pending_Departure) et le délai de retard maximum tolérable
(Max_tolerated_time) pourrait être dépassé. Un retard ou une annulation peut ainsi
advenir. L’activité temporisée Next_flight_preparation représente les autres activités
(embarquement des passagers, traitement des bagages ...) qui peuvent consommer du
temps, occasionnant un retard.
La place Profile (à droite) est une place étendue représentant la liste des vols à
effectuer. La porte d'entrée reliée à cette place indique s’il y a un prochain vol à
effectuer ou non.
La gestion de la maintenance est telle que la place MProg représente des listes
qui déterminent, pour chaque période au sol, les composants à réparer. La place
CP_M identifie le composant à réparer et elle est utilisée dans le modèle système
pour autoriser la maintenance.

7. Exemples de résultats

Pour traiter le modèle et obtenir les mesures SR et MR, il faut définir les
paramètres du modèle (marquages initiaux des places, les lois de distribution des
activités temporisées). Dans le but de préserver la confidentialité industrielle, les
valeurs numériques utilisées dans cette partie de l’article ont été sélectionnées pour
former un ensemble cohérent, sans correspondre aux valeurs réelles issue de
l’observation du système étudié.
Afin d’obtenir des exemples de résultats d'évaluation, nous avons supposé que
les événements de défaillance ont des distributions exponentielles. Les taux de
défaillance sont supposés entre 10-4/h et 10-6/h.

7.1 Fiabilité système SR

La mesure SR, évaluée à partir du modèle système, correspond à la probabilité


que la place Min_Sys_Req reste marquée depuis l’instant initial. SR peut aider à
l'attribution d'une mission à l'avion, en considérant, par exemple, que sa valeur ne
24 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche

doit pas être inférieure à un seuil acceptable (appelé exigence minimale de fiabilité,
notée MRR). MRR est fixée par la compagnie aérienne, en accord avec l'avionneur.
Par souci d'illustration, nous avons considéré MRR = 0,975. La courbe A de la
Figure 14 montre la fiabilité du système, obtenue en traitant le modèle système. Elle
montre que la durée maximale de mission, sans activités de maintenance, doit être
inférieure à 95 heures de vol, pour respecter le seuil MRR = 0,975. Cette évaluation
suppose que tous les composants du système sont opérationnels au début de la
mission. La courbe B de la même figure suppose que le calculateur P1 est défaillant
au début de la mission. Elle montre que, pour satisfaire MMR= 0,975, la durée
maximale de mission, sans activités de maintenance, doit être inférieure à 45 heures
de vol.

Figure 14 Fiabilité système

7.2 Fiabilité de mission MR

La mesure fiabilité de mission, MR, est évaluée en considérant à la fois


Min_Sys_Req et M_Prof_Req. MR correspond à la probabilité de ne pas avoir de
jeton dans les places Delay Or Cancellation, Back to Ramp et Diverted de la
Figure 15. MR est évaluée, en général, au début d'une mission et après l’occurrence
d'un événement majeur pour vérifier si une action préventive devrait être entreprise,
et à quel moment.
Pour des fins d'illustration, nous considérons une mission typique, d’une durée
de 84h, composée de 4 vols identiques par jour sur une semaine. Nous supposons
que les activités temporisées du modèle de mission ont des durées déterministes. Il
est à noter que différentes distributions peuvent être spécifiées. Chaque vol dure
3 heures. La durée prévue pour une période au sol est de 1,5 heures pendant la
journée et 7,5 heures à la fin de la journée (après 4 vols).
Nous examinons d’abord l'impact de la défaillance d’un composant lors de la
mission pour montrer comment les résultats de la réévaluation pendant la mission
aident à planifier la maintenance du composant. Ensuite, nous montrons l'impact des
changements de profil de mission et comment la réévaluation de la fiabilité de
mission aidera dans la réaffectation de mission.
AR_entetedroit Fiabilité de mission d’un avion — Evaluation stochastique en opération 25

7.2.1 Occurrence d'une défaillance de composant

La seule défaillance de P1 ou de S1 n’empêche pas la réalisation d’une mission.


Cependant, la défaillance simultanée des deux composants peut conduire à un état
global de « Nogo ». La courbe 0 de la Figure 15-a montre la fiabilité de mission,
MR, telle qu'évaluée avant la réalisation de la mission, en supposant que tous les
composants sont opérationnels au début. On peut voir qu'à la fin de la mission, MR
reste supérieure à MRR.
La courbe 0 est la même dans toutes les Figures de 15-a à 15-e, et pour la
Figure 16. La courbe 1 de la Figure -b correspond au cas où P1 a été diagnostiqué
comme défaillant à la fin du jour 2. MR est réévaluée en considérant i) comme
temps initial le jour suivant (i.e., jour 3), et ii) P1 défaillant à l'instant t = 0. On peut
voir que MR est inférieure à MRR à partir du jour 5. Ce résultat montre que P1 doit
être réparé avant la fin de la mission afin de respecter l'exigence MRR=0,975. Trois
cas peuvent être envisagés : P1 est réparé à la fin du jour 3, à la fin du jour 4, ou à la
fin du jour 5. Les Figures 15-c et 15-d correspondent respectivement aux cas où P1
est réparé à la fin du jour 3 et le jour 4. On peut constater que dans les deux cas, MR
reste supérieure à MRR pour l'ensemble de la mission. Le cas où la réparation a lieu
à la fin du jour 5 donne une MR inférieure à MRR, en jour 7. Les résultats ci-dessus
montrent que, en cas de défaillance de P1 au jour 2, P1 doit être réparé avant le
cinquième jour, en fonction d’où et quand la maintenance peut avoir lieu.
La courbe 4 de la Figure 15-e correspond au cas où P1 a été diagnostiqué comme
défaillant à la fin du jour 4. MR est donc réévaluée en considérant i) comme temps
initial (t = 0), le jour 5, et ii) P1 défaillant à l'instant t = 0. On peut voir que la
nouvelle évaluation est toujours supérieure à MRR à la fin de la mission prévue. La
mission peut être poursuivie sans maintenance jusqu'à son terme, à moins qu'un
nouvel événement se produise, dans quel cas une nouvelle évaluation est nécessaire.
Les résultats ci-dessus méritent deux commentaires majeurs :
- Nous avons supposé des distributions exponentielles pour tous les évènements de
défaillance des composants pour montrer que les changements opérationnels
induiront des changements perceptibles dans les résultats. Avec l'approche de
modélisation utilisée et les outils disponibles, il est possible d'envisager d'autres
distributions et de prendre en compte le vieillissement des composants impliqués
dans l'analyse (voir (Tiassou 2013)). Cependant, le vieillissement est un
processus très lent. La variation durant un vol et même une mission est
généralement très faible, voire nulle, et l’impact de cette variation sur les
mesures évaluées n’est pas perceptible.
- MR est égale à 1 au début de chaque nouvelle évaluation, car le système est
complètement inspecté après la détection d'une défaillance d'un composant, et il
est globalement dans un état opérationnel au moment où la mission est reprise.
26 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche

Figure 15 Impact de la défaillance et de la maintenance de P1 sur la fiabilité de la


mission
AR_entetedroit Fiabilité de mission d’un avion — Evaluation stochastique en opération 27

7.2.2 Défaillance du calculateur secondaire S1

Les courbes 5 et 6 de la Figure 16 montrent la réévaluation de MR après la


défaillance du calculateur secondaire S1 pendant les jours 2 et 4 respectivement. Ces
courbes sont à comparer respectivement aux courbes 1 et 4 de la Figure 15-b et 15-e.
La courbe 5 est en dessous de la courbe 1 et la courbe 6 est en dessous de la courbe
4. Cela signifie que S1 a un impact plus négatif sur la fiabilité de mission que P1.
Cela est dû au fait que le taux de défaillance de P1 est supérieur à celui de S1. Les
exigences sont telles que l'un des calculateurs P1 et S1 doit être opérationnel pour
pouvoir réaliser la mission. Par conséquent, le risque d'interrompre la réalisation de
la mission est plus élevé lorsque S1 est défaillant que lorsque P1 l’est.

Figure 16 Impact de la défaillance de S1 pendant la mission

L’opération d’un avion dépend de divers facteurs externes. En particulier,


certains événements imprévus, qui n’affectent pas forcément directement l'avion lui-
même, peuvent entraîner des changements dans la mission initiale. Par exemple, on
peut attribuer à un avion de nouveaux vols de durées différentes, ou des vols
supplémentaires qui ont été initialement attribués à un autre avion qui doit aller en
maintenance. De tels changements nécessitent une réévaluation de la fiabilité de
mission. Pour illustrer l'impact des changements dans le profil de la mission, nous
avons considéré quatre profils PR0 à PR3, définis à la Figure 17.
PR1 à PR3 supposent des re-planifications de mission à partir du jour 2. La
Figure 18 montre que les valeurs de fiabilité pour PR1 sont inférieures à celles de
PR0 au bout de 6 jours. Toutefois, l'exigence de fiabilité (MRR = 0,975) est toujours
satisfaite. Cela signifie que la nouvelle mission est acceptable. Pour PR2
(Figure 19), MR devient inférieure à MRR. Cela signifie que la nouvelle mission
n'est pas acceptable après le jour 6. On peut envisager d'adapter ce nouveau profil
afin d'améliorer la fiabilité de mission. Une possibilité d’ajustement pourrait
correspondre à PR3. Avec le profil ajusté PR3, MRR est à nouveau satisfaite.
28 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche

PR0

PR1

PR2

PR3

Figure 17 Profil de mission

Figure 18 Changement de mission de PR0 à PR1

Figure 19 Ajustement de mission de PR2 à PR3


AR_entetedroit Fiabilité de mission d’un avion — Evaluation stochastique en opération 29

8. Conclusion

Dans cet article, nous avons présenté un modèle qui peut être utilisé pour évaluer
la fiabilité opérationnelle des avions avant et durant la réalisation d’une mission de
plusieurs jours. Les procédures actuelles d’autorisation de vol concernent le vol en
cours et le prochain vol uniquement. Nos travaux visent à les compléter par des
évaluations stochastiques, afin de couvrir la totalité d’une mission constituée de
plusieurs vols successifs.
Nous avons développé une approche de modélisation permettant de satisfaire cet
objectif en tenant compte des spécificités des systèmes avion et de la façon dont les
missions sont réalisées. L'approche considère en plus de la construction du modèle
de fiabilité opérationnelle, la mise en place d'une base commune pour aider à la
construction de modèles correspondant à différentes familles d’avions. Une
caractéristique importante qui a guidé le développement de l’approche proposée
dans cet article concerne la facilité de mettre à jour le modèle en opération. Pour ce
faire, un méta-modèle a été proposé comme support de construction de modèles
stochastiques pouvant être facilement mis à jour et traités pour obtenir les résultats
d’évaluation. Ce méta-modèle a été utilisé pour construire le modèle correspondant à
un sous-système d’avion et pour présenter des exemples de résultats issus du
traitement du modèle.
Le cas d'étude illustre l'utilisation du modèle de fiabilité i) pour évaluer la
fiabilité opérationnelle d’un avion avant et pendant sa mission, et ii) pour ajuster
l’évaluation lorsque des changements significatifs, affectant les états des composants
système ou le profil de la mission, se produisent. L’analyse des résultats montre
comment l'évaluation peut aider à planifier la maintenance ou à ajuster une mission,
suite à l’occurrence des changements durant la réalisation de la mission.
L'évaluation de fiabilité opérationnelle en service pourrait être utile à tout
système dont l’opération nécessite une certaine surveillance. Les résultats obtenus
représentent donc une base préliminaire qui devrait stimuler le développement de
nouveaux moyens, intégrant de plus en plus l’évaluation de la sûreté de
fonctionnement dans l’aide à l’exploitation optimale des systèmes.

Annexe : Le formalisme SAN

Les réseaux d'activités stochastiques sont une extension des réseaux de Petri. Le
formalisme consiste en quatre objets fondamentaux : les places, les activités, les
portes d'entrée et les portes de sortie. Les activités sont l'équivalent des transitions
en réseaux de Petri. Elles sont soit temporisées ou instantanées. Les activités
temporisées ont une durée et une loi de distribution associée. Les activités
instantanées représentent des actions qui s’exécutent immédiatement après
activation. Les portes d'entrée sont utilisées pour contrôler l'activation des activités
et pour définir les changements de marquage après le franchissement d’une activité.
Chaque porte d'entrée est définie avec un prédicat d'activation et une fonction. Les
portes de sortie sont comme les portes d'entrée et sont utilisées pour modifier l'état
30 Acronyme Revue. Volume 1 – n° 1/2012 AR_entetegauche

du système après le franchissement d’une activité. Une porte de sortie est définie
seulement avec une fonction. Les fonctions définissent les changements de
marquage à appliquer après le franchissement d’une activité. Les portes d'entrée et
de sortie sont représentées graphiquement par des triangles (voir Figure 20).
Une activité est activée lorsque les prédicats de toutes les portes d'entrée reliées à
l'activité sont vrais, et toutes les places connectées en entrée ont un marquage non
nul. Une fois activée, une durée est échantillonnée pour déterminer le temps avant
son franchissement. Quand une activité est tirée, l'état du modèle est mis à jour en
soustrayant des jetons aux places connectées en entrée vers les places connectées en
sortie, et en exécutant les fonctions des portes d'entrée et de sortie.
L’outil Möbius permet la construction de modèles composés. En effet, pour un
grand système, il peut être utile de construire le modèle global à partir de sous
modèles moins complexes. Ceci est possible en utilisant les opérateurs « Join » et
«Replicate». L'opérateur « Join » permet de combiner plusieurs modèles partageant
un certain nombre de variables d'état. L'opérateur « Replicate » est utilisé pour créer
des copies de modèle ; les copies sont combinées en un modèle global. Les copies
peuvent avoir des variables d'état partagées.

Figure 20 Portes d'entrée et de sortie

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