Les Choses Humaines Dossier Pedagogique
Les Choses Humaines Dossier Pedagogique
Les Choses Humaines Dossier Pedagogique
GAUMONT PRÉSENTE
UN FILM DE
YVAN ATTAL
D’APRÈSL’OUVRAGEDE KARINETUIL :« LES CHOSES HUMAINES » ÉDITIONS GALLIMARD PUBLIÉ AUX SCÉNARIO YAËL LANGMANN ET YVAN ATTAL
LE 1 DÉCEMBRE AU CINÉMA ER
SYNOPSIS
Un jeune homme est accusé d’avoir violé une jeune femme.
Qui est ce jeune homme et qui est cette jeune femme ?
Est-il coupable ou est-il innocent ? Est-elle victime ou uniquement
dans un désir de vengeance, comme l’affirme l’accusé ?
Les deux jeunes protagonistes et leurs proches vont voir leur vie,
leurs convictions et leurs certitudes voler en éclat mais…
N’y a-t-il qu’une seule vérité ?
-2-
ENTRETIEN AVEC YVAN ATTAL
Quels ont été les enjeux majeurs de l’adaptation du roman de Karine Tuil au format
cinématographique ?
Comme toute adaptation, se concentrer sur les raisons qui me poussent à adapter le livre,
faire de l’histoire que raconte Karine Tuil, la mienne. À donner au scénario la possibilité de
raconter l’histoire avec des enjeux et des codes cinématographiques.
Le livre et le film résonnent très fortement avec des débats actuels et des réflexions
sociétales - féminisme, consentement, culture du viol... Avez-vous craint qu’il suscite des
polémiques ? Cherchiez-vous à ce qu’il soit porteur de débats ?
Je ne suis pas fan des films à messages. En tout cas, ceux qui se définissent comme tels.
Dans tous les films, il y a une dimension sociale, politique, il faut que cela apparaisse entre
les lignes sans que jamais cela prenne le dessus sur l’émotion, le rire ou le suspens (en tout le temps, être très vigilant. Au cinéma, tout est signifiant : la musique, une valeur de
fonction du genre). Ce qui m’a touché, ce sont les dommages collatéraux, je me suis identifié plan plus ou moins grosse et la recherche de l’équilibre étaient mes principaux soucis. C’est
aux parents. Le père et la mère de la victime, le père et la mère de l’accusé. Il n’y a pas de au montage évidemment que tout s’affine.
polémique. Et puis, le sujet est clair : cette fille est violée, là-dessus, il n’y a pas débat.
Le film évoque le rôle des réseaux sociaux dans cette « culture de la honte » qui semble
La troisième partie du film est axée autour du procès, quel regard portez-vous sur l’univers s’instituer aujourd’hui. Comment, en tant que père de famille, percevez-vous ce phénomène
judiciaire ? Vous fascine-t-il ? Avez-vous été influencé par des films particuliers ? chez les adolescents ?
Je crois que j’aurais adoré être avocat, comme d’ailleurs souvent les avocats rêvent d’être Je ne sais plus quoi en penser. Il y a du bon et du vraiment moins bon. J’ai l’impression que
acteurs. J’ai joué Race au théâtre et je jouais un avocat. Je n’ai jamais eu un rôle aussi je suis d’une autre génération, je n’ai pas pris le train en marche. En conséquence, c’est
jubilatoire que celui-là. Par ailleurs, les films de procès m’ont toujours fasciné, 12 HOMMES difficile pour moi d’en parler, je ne les consulte que très rarement. Ce qui m’effraie en réalité,
EN COLÈRE, MUSIC BOX, LA VÉRITÉ pour n’en citer que quelques-uns. c’est l’anonymat, la possibilité de se cacher, la lâcheté.
La question du point de vue est centrale dans le film : comment la mise en scène permet- Vous faites le choix d’une fin ouverte qui ne tranche pas en faveur d’un parti et qui renvoie
elle de mettre en exergue la problématique de la focalisation ? À quelles difficultés la la scène de viol à la sphère du non-visible. Ce choix a-t-il été difficile à faire ?
variation des points de vue confronte un metteur en scène ? J’avais envie d’asseoir le spectateur au milieu du jury. Qu’il se pose les mêmes questions,
C’est une des raisons pour lesquelles ce film était très intéressant, car mettre en scène, c’est qu’il comprenne la difficulté de juger. Aucun juré au monde n’est présent au moment des
décider d’un point de vue. Je ne voulais pas être manichéen, il fallait être des deux côtés faits, tout lui est raconté. Je n’avais donc pas envie d’en dire plus.
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SOMMAIRE
PARTIE LETTRES
PROPOSITION 3 DE SÉQUENCE Niveau : 2nde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 13
................................................................................ p. 7 Objet d’étude : « le roman et le récit du XVIIIe au XXIe siècle »
Intérêt pédagogique du film en lien avec les programmes ............................................ p. 7 Les choses humaines de Karine Tuil, LES CHOSES HUMAINES de Yvan Attal : du roman au film
PROPOSITION 5 DE SÉQUENCE
PROPOSITION 2 DE SÉQUENCE Niveau : 2 nde
................................................... p. 12 Niveau : 1ère Spécialité Humanités Littérature Philosophie (HLP) .................................. p. 16
Objet d’étude : « le roman et le récit du XVIIIe au XXIe siècle » Objet d’étude : « la rhétorique judiciaire : autorité de la parole ou parole autoritaire ? »
• Comment le fait divers nourrit-il la fiction ? Étude des deux plaidoiries à la fin du livre et du film
• Quels sont les rapports entre fait divers et fiction ? Objectif : apprécier l’impact de la parole
• Quels liens entre le travail du romancier et celui du journaliste ?
• Comment le fait divers est-il porteur d’une vision du monde et de notre société ? Les 5 parties du discours rhétorique, Cicéron
« Les trois genres de l’art oratoire », Aristote, Rhétorique, III, 27
Objectif : réfléchir à la manière dont la romancière et le cinéaste transforment un fait divers
en interrogation sur l’être humain Groupement de textes complémentaires : discours judiciaires et enjeux sociaux . . . . . . . . . . . p. 28
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PARTIE PHILOSOPHIE ... ..... ...... .......... ........... ............ ......... ... ...... ..... ...... ........... ........... ............ ...... .... p. 32
Intérêt pédagogique du film en lien avec les programmes .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 32
CONCLUSION. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 42
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PARTIE DROIT ET GRANDS ENJEUX
DU MONDE CONTEMPORAIN ........................................................................................................... p. 43
Intérêt pédagogique du film en lien avec les programmes .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 43
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PARTIE LETTRES
INTÉRÊT PÉDAGOGIQUE DU FILM sur la puissance et le pouvoir des images ainsi que
sur leur manipulation.
EN LIEN AVEC LES PROGRAMMES C’est également dans le cadre de l’objet d’étude
« la littérature d’idées et la presse du XIXe siècle au
XXIe siècle » que l’étude conjointe du livre et du film
L’adaptation cinématographique par Yvan Attal du roman de Karine Tuil, Les choses trouvera sa place. Il sera ainsi pertinent de procéder
humaines (publié en 2019), peut trouver pleinement sa place dans la progression suivie en à l’étude des personnages, certes secondaires, mais
Lettres au lycée. néanmoins centraux que sont Jean et Claire Farel,
les parents du présumé coupable, appartenant à
1) En classe de 2nde, le B.O. recommande l’étude intégrale de deux romans et/ou récits la sphère médiatique. Le personnage de Jean nous
« inscrits dans une perspective historique et culturelle de l’évolution des formes pousse à nous interroger sur les liens entre pouvoir
narratives ». À ce titre, l’ouvrage de Karine Tuil témoigne de l’évolution narrative et médias. Ce Rastignac réinventé, dont la biographie
et stylistique du roman, en intégrant des textes protéiformes (comptes rendus est plus approfondie dans le roman, peut faire l’objet
d’interrogatoires, interviews ou encore plaidoiries). Patchwork narratif aux matériaux d’une étude particulière dans le cadre d’une étude
fictionnels, le roman se veut porteur d’un regard sur notre monde en reprenant à son transversale. Mais c’est également la présence littéraire
compte des questions d’une brûlante actualité (consentement, rôle des médias et enjeux et filmique des réseaux sociaux qui sera porteuse de
liés aux réseaux sociaux) tout en engageant des réflexions éthiques. C’est donc autant réflexions dans sa dimension critique.
d’un point de vue formel que thématique qu’il pourra faire l’objet d’une lecture intégrale
ou cursive dans le but d’offrir un aperçu de la littérature contemporaine et de ses enjeux. 2) En classe de 1ère, c’est dans le cadre de l’option de spécialité « Humanités,
Littérature et Philosophie » que l’étude du roman de Karine Tuil ainsi que celle du
C’est, par ailleurs, à l’aune d’une approche narratologique que l’étude du roman et de film de Yvan Attal trouveront leur place. En effet, le premier semestre est consacré
sa transposition peut être menée. L’alternance des points de vue domine le roman ainsi au thème : « les pouvoirs de la parole durant l’Antiquité et l’Âge classique ».
que le film et engage l’enjeu central de ceux-ci : n’y a-t-il qu’une seule vérité ? Peut- LES CHOSES HUMAINES permet une « mise en perspective de l’héritage antique et
on envisager que les approches et ressentis de Mila d’une part, et d’Alexandre d’autre médiéval et une réflexion sur sa transmission jusqu’à notre époque », tant les plaidoiries
part, soient incompatibles ? À ce titre, les choix de mise en scène opérés par Yvan Attal présentes aussi bien dans le livre que dans le film reprennent la construction et les
pourront être aisément exploités, rompant avec la linéarité du récit. La troisième partie, techniques de la rhétorique classique. Elles engagent une réelle réflexion sur ces outils :
notamment, est construite autour de flashbacks qui sont autant de réminiscences que relèvent-ils d’une forme de manipulation ? Constituent-ils un art oratoire proche de la
de réinterprétations de la soirée durant laquelle le drame a eu lieu. Que la vision de définition qu’en donnait Cicéron : « On naît poète, on devient orateur » ? Est-ce une parole
Mila soit juste ou non, le drame est indéniable puisque cette soirée fait vaciller la vie fallacieuse ? Des champs de réflexions tout autant philosophiques, éthiques et moraux qui
des deux jeunes gens et interroge perpétuellement les spectateurs et les spectatrices montrent la richesse et la profondeur de ces supports littéraires et cinématographiques.
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PARTIE LETTRES
PROPOSITION 1 DE SÉQUENCE
NIVEAU : 2NDE
Objet d’étude : « le roman et le récit du XVIIIe siècle au XXIe siècle »
OBJECTIF
• Montrer que le roman contemporain est un support de réflexion sur notre époque,
nos mœurs, nos habitudes, et propose une analyse sociologique de notre société.
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PARTIE LETTRES
6) Étude littéraire comparée - Du baron de Nucingen à Jean Farel : faites une recherche sur
le personnage de Frédéric de Nucingen dans la Comédie humaine de Balzac. Quels points
communs peut-on trouver entre Jean Farel et ce personnage romanesque ? Montrez les
CORPUS
liens entre les figures de pouvoir au XIXe siècle et aujourd’hui.
Le portrait de Jean Farel dans le roman / le début du film de Yvan Attal : on attirera parti-
culièrement l’attention des élèves sur les scènes dans lesquelles Jean Farel apparaît, filmé Dans un paragraphe argumenté, montrez que le personnage de Jean Farel est le support
aussi bien dans le cadre de son activité professionnelle que dans sa vie privée et sur la d’une satire concernant notre société et nos habitudes.
manière dont les deux approches sont imbriquées dans le traitement cinématographique
du personnage.
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PARTIE LETTRES
Extraits du livre
28
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PARTIE LETTRES
– Son compère du Tillet le vaut bien, dit Finot. Songez donc que du Tillet est un homme qui, en fait de naissance, n’en a que ce qui nous est indispensable pour exister, et que ce gars, qui n’avait pas un liard en 1814, est devenu ce que vous
le voyez ; mais ce qu’aucun de nous (je ne parle pas de toi, Couture) n’a su faire, il a eu des amis au lieu d’avoir des ennemis. Enfin, il a si bien caché ses antécédents qu’il a fallu fouiller des égouts pour le trouver commis chez un parfumeur
de la rue Saint-Honoré, pas plus tard qu’en 1814.
– Ta ! ta ! ta ! reprit Bixiou, ne comparez jamais à Nucingen un petit carotteur comme du Tillet, un chacal qui réussit par son odorat, qui devine les cadavres et arrive le premier pour avoir le meilleur os. Voyez d’ailleurs ces deux hommes :
l’un a la mine aiguë des chats, il est maigre, élancé ; l’autre est cubique, il est gras, il est lourd comme un sac, immobile comme un diplomate. Nucingen a la main épaisse et un regard de loup-cervier qui ne s’anime jamais ; sa profondeur
n’est pas en avant, mais en arrière : il est impénétrable, on ne le voit jamais venir, tandis que la finesse de du Tillet ressemble, comme le disait Napoléon de je ne sais qui, à du coton filé trop fin, il casse.
– Je ne vois à Nucingen d’autre avantage sur du Tillet que d’avoir le bon sens de deviner qu’un financier ne doit être que baron, tandis que du Tillet veut se faire nommer comte en Italie, dit Blondet.
– Blondet ?… Un mot, mon enfant, reprit Couture. D’abord, Nucingen a osé dire qu’il n’y a que des apparences d’honnête homme ; puis, pour le bien connaître, il faut être dans les affaires. Chez lui, la banque est un très petit département :
il y a les fournitures du gouvernement, les vins, les laines, les indigos, enfin tout ce qui donne matière à un gain quelconque. Son génie embrasse tout. Cet éléphant de la finance vendrait des députés au Ministère, et les Grecs aux Turcs.
Pour lui, le commerce est, dirait Cousin, la totalité des variétés, l’unité des spécialités. La banque envisagée ainsi devient toute une politique, elle exige une tête puissante, et porte alors un homme bien trempé à se mettre au-dessus des
lois de la probité dans lesquelles il se trouve à l’étroit.
– Tu as raison, mon fils, dit Blondet. Mais nous seuls, nous comprenons que c’est alors la guerre portée dans le monde de l’argent. Le banquier est un conquérant qui sacrifie des masses pour arriver à des résultats cachés, ses soldats sont
les intérêts des particuliers. Il a ses stratagèmes à combiner, ses embuscades à tendre, ses partisans à lancer, ses villes à prendre. La plupart de ces hommes sont si contigus à la politique qu’ils finissent par s’en mêler, et leurs fortunes y
succombent. La maison Necker s’y est perdue, le fameux Samuel Bernard s’y est presque ruiné. Dans chaque siècle, il se trouve un banquier de fortune colossale qui ne laisse ni fortune ni successeur. Les frères Pâris, qui contribuèrent à
abattre Law, et Law lui-même, auprès de qui tous ceux qui inventent des sociétés par actions sont des pygmées, Bouret, Baujon, tous ont disparu sans se faire représenter par une famille. Comme le temps, la banque dévore ses enfants.
Pour pouvoir subsister, le banquier doit devenir noble, fonder une dynastie comme les prêteurs de Charles Quint, les Fugger, créés princes de Babenhausen, et qui existent encore… dans l’Almanach de Gotha. La banque cherche la no-
blesse par instinct de conservation, et sans le savoir peut-être.
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PARTIE LETTRES
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PARTIE LETTRES
PROPOSITION 3 DE SÉQUENCE
NIVEAU : 2NDE
Objet d’étude : « le roman et le récit du XVIIIe au XXIe siècle »
Les choses humaines de Karine Tuil, LES CHOSES HUMAINES de Yvan Attal : du roman
au film
OBJECTIF
• Repérer les différentes focalisations.
Le travail sur la variation des focalisations est fondamental puisque les notions de vérité
et de vrai sont constamment interrogées dans le livre ainsi que dans le film. La question
du regard est essentielle pour appréhender tout autant l’ordre de la diégèse que pour se
pencher sur les enjeux de cette perception complexe et diffractée.
2) Dans le film, recomposez la chronologie des événements de la soirée en vous appuyant Objectif : un texte / film patchwork, repérer les différents matériaux narratifs.
sur la première et la troisième partie. Quelle peut être la fonction des flashbacks dans la
dernière partie ?
Paragraphe argumenté
Quelle focalisation est adoptée dans ces scènes ? Soyez précis.
• On trouve plusieurs retranscriptions dans le roman (procès-verbal de Mila p. 186-189,
3) Quels procédés cinématographiques permettent de varier les points de vue ? appel de Mila p. 214-215, témoignages et discours judiciaires dans la troisième partie).
Vous semblent-elles objectives ?
4) Comparez la fin du roman et celle du film. Pourquoi, à votre avis, Yvan Attal a-t-il choisi • Comment contribuent-elles à renforcer le réalisme du roman ?
de s’éloigner du roman ?
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PARTIE LETTRES
PROPOSITION 4 DE SÉQUENCE
NIVEAU : 2NDE
Objet d’étude : « la littérature d’idées et la presse du XIXe siècle au XXIe siècle »
OBJECTIF
Interroger le rôle des médias et plus particulièrement des réseaux sociaux dans la « culture
de la honte » mise en scène par le roman et le film.
B.O. : Les parcours construits par le professeur ménagent une place à la découverte
de l’histoire des idées, telle qu’elle se dessine dans les grands débats sur les
questions éthiques ou esthétiques. Ils prennent en compte l’influence des moyens
techniques modernes de communication de masse, du XIXe siècle à nos jours.
Ils peuvent, en seconde, s’appuyer sur des textes et documents appartenant
à des formes et des genres divers : chanson ou poème à visée argumentative,
récit, roman, discours, article, essai, plaidoirie, etc.
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PARTIE LETTRES
196
PROPOSITION 5 DE SÉQUENCE
NIVEAU : 1ÈRE SPÉCIALITÉ HUMANITÉS
LITTÉRATURE PHILOSOPHIE (HLP)
Objet d’étude : « La rhétorique judiciaire : autorité de la parole ou parole autoritaire ? »
OBJECTIF
Apprécier l’impact de la parole
1) En vous appuyant sur la troisième partie du film et du livre, détaillez l’organisation du 5) Reformulez chaque argument utilisé par l’avocat de la défense, d’une part, et l’avocat de
procès d’Alexandre. Comment cette organisation officielle favorise-t-elle la répartition de l’accusation, d’autre part, puis classez-les selon qu’ils relèvent du logos, de l’ethos ou du
la parole ? Vous paraît-elle à même de garantir l’équité entre les parties ? pathos.
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PARTIE LETTRES
6) En vous appuyant sur l’extrait de la Rhétorique, montrez que la parole judiciaire est bien
une parole d’autorité.
7) Selon vous, quelle plaidoirie est la plus efficace ? Justifiez votre point de vue en vous
appuyant précisément sur les textes.
Vous allez organiser le procès de Jean Farel en classe. Répartissez-vous les rôles (avocat
de la défense, avocat de l’accusé, avocat général, président du jury, témoins, accusés).
Pour rédiger les témoignages et plaidoiries, vous vous appuierez sur des passages précis
du livre et du film – épisodes, dialogues, prises de parole de Jean Farel.
Essai : Alexandre Farel gagne le premier prix au concours général de philosophie sur
le sujet « Les hommes sont-ils violents par nature ou à cause de la violence sociale ? ».
Répondez, à votre tour, à cette question sous la forme d’un essai rigoureusement organisé.
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PARTIE LETTRES
Extraits du livre
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PARTIE LETTRES
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PARTIE LETTRES
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PARTIE LETTRES
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PARTIE LETTRES
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PARTIE LETTRES
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PARTIE LETTRES
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PARTIE LETTRES
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PARTIE LETTRES
DOCUMENTS COMPLÉMENTAIRES
LES CINQ PARTIES DU DISCOURS RHÉTORIQUE 4. La péroraison III. Il y a donc, nécessairement aussi, trois genres de discours oratoires :
La péroraison est la conclusion du discours. Elle synthétise l’argumentation le délibératif, le judiciaire et le démonstratif. La délibération comprend
Réputé pour son éloquence, Marcus Tullius Cicero, plus connu sous le nom et en appelle aux sentiments de l’auditoire (pitié, indignation...), notamment l’exhortation et la dissuasion. En effet, soit que l’on délibère en particulier,
Cicéron, est à l’origine de plusieurs ouvrages consacrés à la rhétorique. par le recours au pathos. ou que l’on harangue en public, on emploie l’un ou l’autre de ces moyens.
Homme d’État romain qui vécut un siècle av. J.-C., cet orateur hors pair a La cause judiciaire comprend l’accusation et la défense : ceux qui sont
L’elocutio
formulé les cinq préceptes indispensables dans l’élaboration du discours en contestation pratiquent, nécessairement, l’un ou l’autre. Quant au
L’elocutio, ou le « style » dans l’acception moderne du terme, implique l’utilisation
rhétorique : l’inventio, la dispositio, l’elocutio, l’actio et la memoria. démonstratif, il comprend l’éloge ou le blâme.
d’images, de mots, de tournures de phrases et de figures de style adaptés. Pour
L’inventio Cicéron, l’elocutio se caractérise par quatre qualités : la correction, la clarté, IV. Les périodes de temps propre à chacun de ces genres sont, pour le
L’inventio, ou l’invention, c’est la capacité à trouver des idées et des l’élégance et la pertinence. Le style employé (simple, moyen ou élevé) doit être délibératif, l’avenir, car c’est sur un fait futur que l’on délibère, soit que
arguments qui vont faire mouche auprès de son auditoire, même si Cicéron adapté aux circonstances et au public. l’on soutienne une proposition, ou qu’on la combatte ; pour une question
ne l’aurait sans doute pas formulé de cette manière à son époque. Le but judiciaire, c’est le passé, puisque c’est toujours sur des faits accomplis
L’actio
est donc ici d’appuyer son propos en faisant appel à sa créativité mais aussi que portent l’accusation ou la défense ; pour le démonstratif, la période
L’actio, ou action oratoire, est la manière de mettre en geste son discours,
à sa culture, d’où l’intérêt de faire preuve de curiosité et de prendre soin principale est le présent, car c’est généralement sur des faits actuels que
de l’incarner devant son auditoire. Par la modulation de la voix, l’intonation
d’entretenir sa culture générale pour ne pas se retrouver à court d’arguments. l’on prononce l’éloge ou le blâme ; mais on a souvent à rappeler le passé, ou
et la gestuelle, l’orateur doit ainsi démontrer sa conviction afin de maintenir
à conjecturer l’avenir.
La dispositio l’attention et d’atteindre son objectif. Si l’actio fait défaut, l’argumentaire
La dispositio, ou l’organisation, correspond à la manière dont vous allez perdra inexorablement en efficacité, d’où l’importance de prendre la peine V. Chacun de ces genres a un but final différent ; il y en a trois, comme il y
assembler vos idées pour créer un discours cohérent. Ce dernier s’articule de bien travailler ce point en particulier. a trois genres. Pour celui qui délibère, c’est l’intérêt et le dommage ; car
autour d’une argumentation parfaitement structurée soutenue par des celui qui soutient une proposition la présente comme plus avantageuse, et
La memoria
connecteurs logiques explicites (« de plus », « au contraire », « d’autant celui qui la combat en montre les inconvénients. Mais on emploie aussi,
La memoria, ou la mémorisation, est la capacité à retenir son discours
plus que », « c’est pourquoi », « en admettant que », « c’est-à-dire », « par accessoirement, des arguments propres aux autres genres pour discourir
(informations, étapes, arguments…) sans avoir besoin de s’aider de notes.
exemple »…), ou implicites (pauses, alternances des temps, successions dans celui-ci, tel que le juste ou l’injuste, le beau ou le laid moral. Pour les
Pour y parvenir, l’orateur peut recourir à de diverses techniques, à l’image
logiques d’arguments…). questions judiciaires, c’est le juste ou l’injuste ; et ici encore, on emploie
des moyens mnémotechniques dont Cicéron s’aidait pour retenir des
accessoirement des arguments propres aux autres genres. Pour l’éloge ou
discours parfois longs et complexes.
On distingue quatre parties : le blâme, c’est le beau et le laid moral, auxquels on ajoute, par surcroît, des
«Les trois genres de l’art oratoire», Aristote, Rhétorique, III. 27 considérations plus particulièrement propres aux autres genres. [...] »
1. L’exorde « Des trois genres de la rhétorique : le délibératif, le judiciaire, le démonstratif. »
L’exorde a pour fonction d’attirer la bienveillance de l’auditoire (notamment
en accueillant les notations relatives à l’ethos), d’exposer le sujet du discours I. Il y a trois espèces de rhétorique ; autant que de classes d’auditeurs, et
et parfois d’en indiquer les articulations essentielles. il y a trois choses à considérer dans un discours : l’orateur, ce dont il parle,
l’auditoire. Le but final se rapporte précisément à ce dernier élément, je
2. La narration veux dire l’auditoire.
La narration expose les faits. Elle prend la forme d’un récit. C’est dire si elle
est importante dans les genres judiciaire et démonstratif. II. Il arrive nécessairement que l’auditeur est un simple assistant, ou un juge ;
que, s’il est juge, il l’est de faits accomplis ou futurs. Il doit se prononcer
3. La confirmation ou sur des faits futurs, comme par exemple, l’ecclésiaste ; ou sur des faits
La confirmation présente les arguments que l’on peut tirer des faits exposés accomplis, comme le juge ; ou sur la valeur d’un fait ou d’une personne
dans la narration et cherche éventuellement à anticiper de possibles contre- comme le simple assistant.
arguments.
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PARTIE LETTRES
1. 2.
L’invention La disposition
4.
L’action
(oratoire) 3.
L’élocution
5. Démonstration Arguments Logos Ethos Pathos
La mémoire
Prononciation Rédaction écrite Aspect argumentaire Aspect oratoire (gestes
effective du discours du discours du discours de l’orateur, ton, voix...)
Rhétorique
Source : Eduscol
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PARTIE LETTRES
Groupement de textes complémentaires : discours judiciaires et enjeux sociaux
EXTRAIT B L’Étranger, Albert Camus, plaidoyer de l’avocat de Meursault
L’après-midi, les grands ventilateurs brassaient toujours l’air épais de la salle et les petits éventails multicolores
EXTRAIT A Le Rouge et le Noir, Stendhal, le procès des jurés s’agitaient tous dans le même sens. La plaidoirie de mon avocat me semblait ne devoir jamais finir. À
un moment donné, cependant, je l’ai écouté parce qu’il disait : « Il est vrai que j’ai tué. » Puis il a continué sur ce
« Messieurs les jurés, ton, disant « je » chaque fois qu’il parlait de moi. J’étais très étonné. Je me suis penché vers un gendarme et je
lui ai demandé pourquoi. Il m’a dit de me taire et, après un moment, il a ajouté : « Tous les avocats font ça. » Moi,
L’horreur du mépris, que je croyais pouvoir braver au moment de la mort, me fait prendre la parole. Messieurs,
j’ai pensé que c’était m’écarter encore de l’affaire, me réduire à zéro et, en un certain sens, se substituer à moi.
je n’ai point l’honneur d’appartenir à votre classe, vous voyez en moi un paysan qui s’est révolté contre la
Mais je crois que j’étais déjà très loin de cette salle d’audience. D’ailleurs, mon avocat m’a semblé ridicule. Il a
bassesse de sa fortune.
plaidé la provocation très rapidement et puis lui aussi a parlé de mon âme. Mais il m’a paru qu’il avait beaucoup
« Je ne vous demande aucune grâce, continua Julien en affermissant sa voix. Je ne me fais point illusion, la moins de talent que le procureur. « Moi aussi, a-t-il dit, je me suis penché sur cette âme, mais, contrairement à
mort m’attend : elle sera juste. J’ai pu attenter aux jours de la femme la plus digne de tous les respects, de tous l’éminent représentant du ministère public, j’ai trouvé quelque chose et je puis dire que j’y ai lu à livre ouvert. »
les hommages. Madame de Rênal avait été pour moi comme une mère. Mon crime est atroce, et il fut prémédité. Il y avait lu que j’étais un honnête homme, un travailleur régulier, infatigable, fidèle à la maison qui l’employait,
J’ai donc mérité la mort, messieurs les jurés. Quand je serais moins coupable, je vois des hommes qui, sans aimé de tous et compatissant aux misères d’autrui. Pour lui, j’étais un fils modèle qui avait soutenu sa mère aussi
s’arrêter à ce que ma jeunesse peut mériter de pitié, voudront punir en moi et décourager à jamais cette classe longtemps qu’il l’avait pu. Finalement j’avais espéré qu’une maison de retraite donnerait à la vieille femme le
de jeunes gens qui, nés dans une classe inférieure, et en quelque sorte opprimés par la pauvreté, ont le bonheur confort que mes moyens ne me permettaient pas de lui procurer. « Je m’étonne, Messieurs, a-t-il ajouté, qu’on
de se procurer une bonne éducation, et l’audace de se mêler à ce que l’orgueil des gens riches appelle la ait mené si grand bruit autour de cet asile. Car enfin, s’il fallait donner une preuve de l’utilité et de la grandeur
société. de ces institutions, il faudrait bien dire que c’est l’État lui-même qui les subventionne. » Seulement, il n’a pas
» Voilà mon crime, messieurs, et il sera puni avec d’autant plus de sévérité, que, dans le fait, je ne suis point jugé parlé de l’enterrement et j’ai senti que cela manquait dans sa plaidoirie. Mais à cause de toutes ces longues
par mes pairs. Je ne vois point sur les bancs des jurés quelque paysan enrichi, mais uniquement des bourgeois phrases, de toutes ces journées et ces heures interminables pendant lesquelles on avait parlé de mon âme, j’ai
indignés… » eu l’impression que tout devenait comme une eau incolore où je trouvais le vertige.
À la fin, je me souviens seulement que, de la rue et à travers tout l’espace des salles et des prétoires, pendant
que mon avocat continuait à parler, la trompette d’un marchand de glace a résonné jusqu’à moi. J’ai été assailli
des souvenirs d’une vie qui ne m’appartenait plus, mais où j’avais trouvé les plus pauvres et les plus tenaces
de mes joies : des odeurs d’été, le quartier que j’aimais, un certain ciel du soir, le rire et les robes de Marie.
Tout ce que je faisais d’inutile en ce lieu m’est alors remonté à la gorge et je n’ai eu qu’une hâte, c’est qu’on
en finisse et que je retrouve ma cellule avec le sommeil. C’est à peine si j’ai entendu mon avocat s’écrier, pour
finir, que les jurés ne voudraient pas envoyer à la mort un travailleur honnête perdu par une minute d’égarement
et demander les circonstances atténuantes pour un crime dont je traînais déjà, comme le plus sûr de mes
châtiments, le remords éternel. La cour a suspendu l’audience et l’avocat s’est assis d’un air épuisé. Mais ses
collègues sont venus vers lui pour lui serrer la main. J’ai entendu : « Magnifique, mon cher. » L’un d’eux m’a
même pris à témoin : « Hein ? » m’a-t-il dit. J’ai acquiescé, mais mon compliment n’était pas sincère, parce que
j’étais trop fatigué.
Extrait du chapitre 4 de la deuxième partie de L’Étranger - Albert Camus
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PARTIE LETTRES
EXTRAIT C Le procès de Bobigny : la cause des femmes. La plaidoirie de maître Gisèle Halimi
« Monsieur le président, Messieurs du tribunal, Vous avez entendu à cette barre trois de ses signataires. J’en suis une moi-même. Trois cent quarante-trois femmes
(aujourd’hui, trois mille) ont dénoncé le scandale de l’avortement clandestin, le scandale de la répression et le
Je ressens avec une plénitude jamais connue à ce jour un parfait accord entre mon métier qui est de plaider, qui est
scandale de ce silence que l’on faisait sur cet avortement. Les a-t-on seulement inculpées ? Nous a-t-on seulement
de défendre, et ma condition de femme.
interrogées ? Je pense à Simone de Beauvoir, à Françoise Sagan, à Delphine Seyrig – que vous avez entendues –
Je ressens donc au premier plan, au plan physique, il faut le dire, une solidarité fondamentale avec ces quatre Jeanne Moreau, Catherine Deneuve… Dans un hebdomadaire à grand tirage, je crois, Catherine Deneuve est
femmes, et avec les autres. représentée avec la légende : « La plus jolie maman du cinéma français » ; oui certes, mais c’est aussi « la plus jolie
Ce que j’essaie d’exprimer ici, c’est que je m’identifie précisément et totalement avec Mme Chevalier et avec ces avortée du cinéma français » !
trois femmes présentes à l’audience, avec ces femmes qui manifestent dans la rue, avec ces millions de femmes Retournons aux sources. Pour que Marie-Claire, qui s’est retrouvée enceinte à seize ans, puisse être poursuivie
françaises et autres. pour délit d’avortement, il eût fallu prouver qu’elle avait tous les moyens de savoir comment ne pas être enceinte, et
Elles sont ma famille. Elles sont mon combat. Elles sont ma pratique quotidienne. tous les moyens de prévoir.
Et si je ne parle aujourd’hui, Messieurs, que de l’avortement et de la condition faite à la femme par une loi répressive, Ici, Messieurs, j’aborde le problème de l’éducation sexuelle.
une loi d’un autre âge, c’est moins parce que le dossier nous y contraint que parce que cette loi est la pierre de Vous avez entendu les réponses des témoins. Je ne crois pas que, sur ce point, nous avons appris quelque chose au
touche de l’oppression qui frappe les femmes. tribunal. Ce que je voudrais savoir, c’est combien de Marie-Claire en France ont appris qu’elles avaient un corps,
C’est toujours la même classe, celle des femmes pauvres, vulnérables économiquement et socialement, cette classe comment il était fait, ses limites, ses possibilités, ses pièges, le plaisir qu’elles pouvaient en prendre et donner ?
des sans argents et des sans relations qui est frappée. Combien ?
Voilà vingt ans que je plaide, Messieurs, et je pose chaque fois la question et j’autorise le tribunal à m’interrompre Très peu, j’en ai peur.
s’il peut me contredire. Je n’ai encore jamais plaidé pour la femme d’un haut commis de l’État, ou pour la femme
Il y a dans mon dossier une attestation de Mme Anne Pério, professeur dans un lycée technique, qui indique que,
d’un médecin célèbre, ou d’un grand avocat, ou d’un PDG de société, ou pour la maîtresse de ces mêmes messieurs.
durant l’année scolaire 1971-1972, il y a eu treize jeunes filles entre dix-sept et vingt ans en état de grossesse dans
Je pose la question. Cela s’est-il trouvé dans cette enceinte de justice ou ailleurs ? Vous condamnez toujours les ce lycée. Vous avez entendu, à l’audience, Simone Iff, vice-présidente du Planning familial. Elle est venue vous dire
mêmes, les « Mme Chevalier ». Ce que nous avons fait, nous, la défense, et ce que le tribunal peut faire, ce que quel sabotage délibéré les pouvoirs publics faisaient précisément de cet organisme qui était là pour informer, pour
chaque homme conscient de la discrimination qui frappe les mêmes femmes peut faire, c’est se livrer à un sondage prévenir, puisque c’est de cela qu’il s’agit.
très simple. Prenez des jugements de condamnation pour avortement, prenez les tribunaux de France que vous
Vous avez, Messieurs, heureusement pour vous, car je vous ai sentis accablés sous le poids de mes témoins et de
voudrez, les années que vous voudrez, prenez cent femmes condamnées et faites une coupe socio-économique :
leur témoignage, échappé de justesse à deux témoignages de jeunes gens de vingt ans et de dix-sept ans, mes deux
vous retrouverez toujours les mêmes résultats :
fils aînés, qui voulaient venir à cette barre. Ils voulaient vous dire d’abord à quel point l’éducation sexuelle avait été
- 26 femmes sont sans profession, mais de milieu modeste, des « ménagères » ; inexistante pendant leurs études. L’un est dans un lycée et l’autre est étudiant. Ils voulaient faire – il faut le dire –
- 35 sont employées de bureau (secrétaires-dactylos) : au niveau du secrétariat de direction, déjà, on a plus d’argent, mon procès. Mon procès, c’est-à-dire le procès de tous les parents. Car l’alibi de l’éducation sexuelle, à la maison,
on a des relations, on a celles du patron, un téléphone… ; il nous faut le rejeter comme quelque chose de malhonnête. Je voudrais savoir combien de parents – et je parle de
parents qui ont les moyens matériels et intellectuels de le faire – abordent tous les soirs autour de la soupe familiale
- 15 employées de commerce et de l’artisanat (des vendeuses, des coiffeuses…) ;
l’éducation sexuelle de leurs enfants. Mme Chevalier, on vous l’a dit, n’avait pas de moyens matériels, et elle n’avait
- 16 de l’enseignement primaire, agents techniques, institutrices, laborantines ; pas reçu elle-même d’éducation sexuelle. Je parle de moi-même et de mes rapports avec mes enfants. Moi, je n’ai
- 5 ouvrières ; pas pu le faire. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Mais je peux peut-être essayer de l’expliquer. Peut-être parce que,
- 3 étudiantes. entre les parents et les enfants, il y a un rapport passionnel, vivant, vivace, et c’est bon qu’il en soit ainsi ; peut-être
aussi parce que, pour les enfants, il y a cette image des rapports amoureux des parents et que cela peut culpabiliser
Autre exemple de cette justice de classe qui joue, sans la moindre exception concernant les femmes : les enfants et la mère ? Toujours est-il que l’on ne peut décider que les parents auront l’entière responsabilité de
le manifeste des 343.
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PARTIE LETTRES
Dans la logique de la contraception, je dis qu’est inscrit le droit à l’avortement. Quand la femme, avec l’ère industrielle, devient travailleur, elle est bien sûr – nous n’oublions pas cette analyse
fondamentale – exploitée comme les autres travailleurs.
Supposons que nous ayons une parfaite éducation sexuelle. Supposons que cela soit enseigné dans toutes les
écoles. Supposons qu’il y ait une contraception véritable, populaire, totale, gratuite. On peut rêver… Prenons une Mais à l’exploitation dont souffre le travailleur, s’ajoute un coefficient de surexploitation de la femme par l’homme,
femme libre et responsable, parce que les femmes sont libres et responsables. Prenons une de ces femmes qui et cela dans toutes les classes.
aura fait précisément ce que l’on reproche aux autres de ne pas faire, qui aura manifesté constamment, régulièrement, La femme est plus qu’exploitée. Elle est surexploitée. Et l’oppression – Simone de Beauvoir le disait tout à l’heure à
en rendant visite à son médecin, sa volonté de ne pas avoir d’enfants et qui se trouverait, malgré tout cela, enceinte. la barre – n’est pas seulement celle de l’économie.
Je pose alors la question : « Que faut-il faire ? » Elle n’est pas seulement celle de l’économie, parce que les choses seraient trop simples, et on aurait tendance à
J’ai posé la question à tous les médecins. Ils m’ont tous répondu, à l’exception d’un seul : « il faut qu’elle avorte ». Il schématiser, à rendre plus globale une lutte qui se doit, à un certain moment, d’être fractionnée. L’oppression est
y a donc inscrit, dans la logique de la contraception, le droit à l’avortement. Car personne ne peut soutenir, du moins dans la décision vieille de plusieurs siècles de soumettre la femme à l’homme. « Ménagère ou courtisane », disait
je l’espère, que l’on peut donner la vie par échec. Et il n’y a pas que l’échec. Il y a l’oubli. Supposez que l’on oublie sa d’ailleurs Proudhon, qui n’aimait ni les juifs ni les femmes. Pour trouver le moyen de cette soumission, Messieurs,
pilule. Oui. On oublie sa pilule. Je ne sais plus qui trouvait cela absolument criminel. On peut oublier sa pilule. comment faire ? Simone de Beauvoir vous l’a très bien expliqué. On fabrique à la femme un destin : un destin
Supposez l’erreur. L’erreur dans le choix du contraceptif, dans la pose du diaphragme. biologique, un destin auquel aucune d’entre nous ne peut ou n’a le droit d’échapper. Notre destin à toutes, ici, c’est
la maternité. Un homme se définit, existe, se réalise, par son travail, par sa création, par l’insertion qu’il a dans le
L’échec, l’erreur, l’oubli… monde social. Une femme, elle, ne se définit que par l’homme qu’elle a épousé et les enfants qu’elle a eus.
Voulez-vous contraindre les femmes à donner la vie par échec, par erreur, par oubli ? Est-ce que le progrès de la Telle est l’idéologie de ce système que nous récusons.
science n’est pas précisément de barrer la route à l’échec, de faire échec à l’échec, de réparer l’oubli, de réparer
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PARTIE PHILOSOPHIE
le fonctionnement légal des institutions judiciaires à la dimension morale de la justice.
Si les êtres humains étaient autorisés à faire tout ce qui leur passe par la tête, s’ils Pour autant, les institutions judiciaires semblent accorder plus de crédit à la présomption
étaient invités à satisfaire chacune de leurs pulsions sans qu’aucune instance d’innocence d’Alexandre qu’à la présomption de non-consentement de Mila. En ce sens, le
religieuse, morale ou juridique ne vienne les entraver dans leurs mouvements, film pose la question du mal, de sa provenance, de ses conditions sociales et économiques,
combien d’entre eux continueraient à être justes et vertueux ? À n’en pas douter, et celle des limites de sa sanction pénale.
bien peu ! C’est là pourquoi le droit existe, et avec lui l’ensemble des règles et
des lois gouvernant les rapports humains en société. Et c’est là aussi pourquoi • Le langage et la vérité, ensuite, dans la mesure où ce qui va permettre de déterminer
la justice n’est jamais tant une vertu morale qu’une institution légale chargée si Alexandre est coupable du crime dont on l’accuse dépend de la possibilité de pouvoir
d’appliquer et de faire respecter le droit, c’est-à-dire de déterminer si la limite déterminer la véracité des allégations faites par Mila à son encontre. Or, comme le viol
entre le permis et l’interdit a été franchie, et si le franchissement de cette limite (qu’on ne voit jamais dans le film) s’est passé en l’absence de témoin direct, celui-ci ne
mérite une sanction. peut être établi d’une manière certaine, mais renvoie chacun des protagonistes à la plus
ou moins grande crédibilité et autorité de sa parole. En ce sens, LES CHOSES HUMAINES
illustre avec beaucoup de finesse la fameuse phrase de Nietzsche : « Il n’y a pas de vérité,
il n’y a que des perspectives sur la vérité », tout en offrant sur cette considération une
perspective politique et féministe.
INTÉRÊT PÉDAGOGIQUE DU FILM • Le sujet et l’inconscient, puisque ce qui distingue, in fine, les deux versions des faits
EN LIEN AVEC LES PROGRAMMES que défendent Alexandre et Mila relève de dynamiques subjectives différentes. Dans le cas
Terminale (tronc commun) – Bac général et technologique d’Alexandre, cette dynamique met en jeu un mécanisme de déni qui lui permet de ne pas
être conscient de la portée de ses actes, alors que dans le cas de Mila, cette dynamique met
Thèmes : la justice, le devoir et la liberté, le langage et la vérité, le sujet, la conscience en jeu un traumatisme inconscient qui la paralyse et la prive de la possibilité de pouvoir
et l’inconscient. dire non à son agresseur.
Le film LES CHOSES HUMAINES permet d’aborder plusieurs thèmes philosophiques Ce faisant, LES CHOSES HUMAINES nous offre une occasion de méditer philoso-
d’importance, comme la justice et le devoir, le langage et la vérité, le sujet et l’inconscient. phiquement sur la notion de consentement, et plus globalement sur la manière
dont la voix des femmes a été muselée pendant des siècles et comment leur parole
• La justice et le devoir d’abord, dans la mesure où le personnage principal, se libère sous l’influence salvatrice de mouvements sociaux comme ceux de #Metoo
Alexandre Farel, dément le viol que Mila Wizman (fille du compagnon de sa mère) l’accuse ou #Balancetonporc.
d’avoir commis. Ceci permet de penser, à partir d’un exemple concret, les notions de
bien et de mal dans leur rapport à celles de faute et de culpabilité ; mais aussi d’opposer
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PARTIE PHILOSOPHIE
QUESTIONNEMENTS
• Ce qui est légal est-il nécessairement juste ?
• Qu’est-ce qui pousse les hommes à respecter les lois ?
• La justice a-t-elle pour but de venger la société ?
• Le besoin de justice n’exprime-t-il que la jalousie des déshérités ?
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PARTIE PHILOSOPHIE
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PARTIE PHILOSOPHIE
2. LA CULTURE DU VIOL :
GÉNÉALOGIE FÉMINISTE DU DROIT DU PLUS FORT
Notions du programme : le langage, la vérité
Les repères : vrai/probable/incertain ; objectif/subjectif
QUESTIONNEMENTS
• Le langage est-il un calque de la réalité ? Le langage, traduction d’une donnée ou mise
en forme du monde ?
• Le langage permet-il d’exprimer la vérité des choses ?
• Le langage est-il un instrument de pouvoir ?
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PARTIE PHILOSOPHIE ZOOM SUR FRIEDRICH NIETZSCHE, ET LA NOTION DE GÉNÉALOGIE
Friedrich Nietzsche (1844-1900) est un philosophe allemand dont l’œuvre toute entière est fondée sur l’idée que les
A. « Il n’y a pas de vérité, il n’y a que des perspectives sur la vérité. » hommes ne recherchent pas tant le bonheur que la puissance. « Ce que veut l’homme, ce que veut la moindre parcelle
de vivant, c’est un accroissement de puissance », écrit Nietzsche dans La Volonté de puissance. Car être le plus
puissant, c’est non seulement pouvoir s’arroger la possibilité de dominer les autres, et donc d’obtenir pour soi la même
Alors bien sûr, vous me direz : le problème avec la vérité, c’est qu’il y en a plusieurs, satisfaction, mais c’est aussi être celui qui donne aux choses, aux événements, leur sens, autrement dit leur “juste”
et ce n’est certainement pas Trump, ni les réseaux sociaux et leurs florilèges de fake interprétation. En ce sens, pour Nietzsche, le réel n’est jamais quelque chose qui existe en soi, par-delà les interprétations
news qui vous diront le contraire. Pourtant, chacun sait qu’au-delà des interprétations qu’on lui donne, mais le réel est le lieu d’une lutte fratricide entre des volontés de puissance qui cherchent à lui imposer
multiples, certains faits, certaines réalités, demeurent, et qu’une certaine adéquation leur propre interprétation, leur propre sens. Il ne faut pas se poser la question : « Qu’est-ce que c’est ? » ou : « Que
ou conformité entre un fait et son interprétation est toujours possible. C’est même s’est-il passé ? », mais : « Qui parle ? Au nom de quel désir, de quelle puissance, de quelle pulsion ? » C’est pourquoi,
cette possible coïncidence, entre un fait et son interprétation, que l’on nomme, en pour Nietzsche, le rôle du philosophe n’est pas de dire la “vérité”, de faire le partage entre le vrai et le faux, mais de
pratiquer une forme d’analyse historique, qu’il nomme « généalogie », et qui consiste à mettre en avant l’articulation
philosophie, vérité. Autrement dit, la vérité, ce n’est rien d’autre qu’une connaissance
généralement tenue secrète entre le sens qu’a reçu un “fait” historique, et la volonté de puissance qui le lui a donné.
conforme au réel, à ce qui s’est passé. Mais dire cela suffit-il à résoudre notre Or, pour Nietzsche, si l’on met en œuvre une telle généalogie de la morale, on s’aperçoit qu’il s’est produit, au cours de
problème ? Certainement pas ! Car dans ce cas, il nous faudrait encore pouvoir l’histoire, un renversement complet de perspective, que Nietzsche nomme « la révolte des esclaves dans la morale »,
définir ce qu’est un fait et ce qu’est le réel. Et puis, il nous faudrait ensuite pouvoir révolte qui a d’abord été portée par le peuple juif, puis par le christianisme, et qui s’efforce de mettre en avant non
dire comment le langage qui nous sert à parler de ces faits nous permet d’y avoir l’interprétation du plus fort, mais celle du plus faible.
authentiquement accès, ou bien si, par sa nature, il ne peut nous en donner qu’une
(Le droit des maîtres de donner des noms va si loin qu’il serait permis de voir dans l’origine du langage même une
image dégradée.
manifestation de la puissance des maîtres. Ils disent “telle chose est ceci ou cela” et marquant d’un son toute chose et
tout événement, ils se les approprient pour ainsi dire). Si telle est l’origine de l’opposition [entre “bon” et “mauvais”], il en
Dans LES CHOSES HUMAINES, ces problèmes que l’on pourrait croire abstraits, voire
résulte qu’il n’y a pas à priori de lien nécessaire entre le mot “bon” et les actions non égoïstes, comme le veut la superstition
métaphysiques, prennent une tournure tragique. Car si le problème, avec la vérité, de ces généalogistes de la morale. Au contraire, c’est seulement lorsque les jugements de valeur aristocratiques subissent
c’est qu’il y en a toujours plusieurs, comment nous sera-t-il possible de déterminer un déclin que peu à peu s’impose à la conscience humaine la fameuse opposition “égoïste/non égoïste”, – c’est, pour
ce qu’il s’est réellement passé dans le local à poubelles où Mila dit avoir été violée ? employer ma propre langue, l’instinct grégaire qui finit par trouver dans cette opposition à dire son mot (et aussi par
Comment nous sera-t-il possible de dire si oui ou non Alexandre dit la vérité quand trouver ses mots). Par la suite, il s’écoule encore beaucoup de temps avant que cet instinct ne l’emporte au point que
il affirme qu’il ne l’a pas violée, ou si oui ou non Mila dit la vérité quand elle affirme l’évaluation morale s’enlise et reste pour ainsi dire rivée à cette opposition (comme par exemple dans l’Europe
au contraire qu’Alexandre savait très bien ce qu’il faisait quand il l’a prise de force, d’aujourd’hui : on y voit régner, avec toute la puissance de l’idée fixe, de la maladie mentale, le préjugé selon lequel les
concepts “moral”, “non égoïste”, “désintéressé” seraient équivalents). »
puis humiliée en lui volant sa culotte ? À cette question, le philosophe Nietzsche L’histoire humaine serait une chose trop stupide sans l’esprit dont les impuissants l’ont animée : – allons droit à l’exemple
répond, dans un essai intitulé La Généalogie de la morale, par les mots « volonté de le plus frappant. Tout ce qui a été entrepris sur terre contre les “nobles”, les “puissants”, les “maîtres”, les “détenteurs
puissance ». du pouvoir”, n’est rien en comparaison de ce que les juifs ont fait contre eux : les juifs, ce peuple sacerdotal qui ne put en
définitive avoir raison auprès de ses ennemis et de ses vainqueurs que par le total renversement de leurs valeurs donc
par l’acte de vengeance intellectuel par excellence. C’était là la seule issue qui convînt à un peuple de prêtres, au peuple
QUESTIONS AUX ÉTUDIANTS de la vengeance sacerdotale la plus profondément ancrée. Ce sont les juifs qui, avec une effrayante logique, osèrent
retourner l’équation des valeurs aristocratiques (bon = noble = beau = heureux = aimé des dieux) et qui ont maintenu ce
• De quelle manière ce retournement des valeurs morales du maître est-il aussi à retournement avec la ténacité d’une haine sans fond (la haine de l’impuissance), affirmant “les misérables seuls sont les
l’œuvre dans LES CHOSES HUMAINES ? bons, les pauvres, les impuissants, les hommes bas seuls sont les bons, les souffrants, les nécessiteux, les malades, les
difformes sont aussi les seuls pieux les seuls bénis des dieux, pour eux seuls il y a une félicité, tandis que vous, les nobles
• De quelle manière l’opposition entre une morale des forts, des « bien nés », et une
et les puissants, vous êtes de toute éternité les méchants, les cruels, les lubriques, les insatiables, les impies, vous serez
morale des esclaves, est-elle mise en scène dans le film ? éternellement aussi les réprouvés, les maudits et les damnés !
• Dans quelle mesure le mouvement féministe, avec le mouvement #Metoo, peut-il (Friedrich Nietzsche, La Généalogie de la morale, p. 22-23, p. 31)
être considéré comme une expression d’une morale d’esclave ?
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PARTIE PHILOSOPHIE
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PARTIE PHILOSOPHIE
3. LA CULTURE DU VIOL :
REPENSER LE CONSENTEMENT À PARTIR DU TRAUMATISME
Notions du programme : la conscience, l’inconscient, le désir
Les repères : objectif/subjectif/intersubjectif
Auteurs : Sigmund Freud (les cas Emma, Dora) ; Jacques Lacan (Kant avec Sade)
QUESTIONNEMENTS
• L’idée d’inconscient exclut-elle celle de liberté ? L’idée d’inconscient contredit-elle
l’exigence morale ?
• Sur quelles raisons pouvons-nous nous appuyer pour admettre l’existence de
l’inconscient ?
• Peut-on connaître l’inconscient ? La conscience n’est-elle qu’un effet de l’inconscient ?
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PARTIE PHILOSOPHIE
ZOOM SUR FREUD ET LA NOTION DE COMPULSION DE RÉPÉTITION
A. Qu’est-ce que devenir conscient de son inconscience ? Sigmund Freud (1856-1939) est un neurologue et médecin autrichien connu pour avoir fondé la psychanalyse. La
psychanalyse est une pratique de soin qui passe exclusivement par un échange de paroles entre un médecin et
Être un sujet, avoir conscience de qui l’on est, de ce que l’on fait, de ce que l’on pense, de son/sa patient.e, échange qui lui-même se fonde sur deux idées centrales : la sexualité infantile et l’inconscient.
ce que l’on désire : en voilà une tâche difficile ! Ne passons-nous pas le plus clair de notre En parlant de sexualité infantile dans son livre Trois Essais sur la théorie sexuelle, Freud a attiré l’attention
temps à accomplir des actes d’une manière automatique ? À être assailli de pensées et de de ses lecteurs sur le fait que les enfants ne sont pas des êtres a-sexués, mais des êtres qui eux aussi sont
traversés par des besoins et des pulsions sexuelles qui les dépassent et qu’ils doivent apprendre à maîtriser
désirs auxquels nous voudrions échapper ? Pire même, quand nous faisons l’effort de faire
sous la conduite de leurs parents – et parfois aussi envers et contre leurs abus –, pour les rendre conformes
attention à qui nous sommes, à ce que nous voulons, à ce que nous faisons, à ce que nous aux attentes de la société. Or, comme ces pulsions ne sont pas facilement maîtrisables, elles entraînent toutes
désirons, voilà que nous nous découvrons étrangers à nous-mêmes ! Là où nous pensions sortes de situations traumatiques potentielles, toutes sortes de symptômes qui, selon Freud, peuvent nous laisser
être des sujets libres et autonomes, nous nous découvrons agis par des forces qui nous penser que derrière tout sujet conscient se cache un sujet inconscient qui, dans l’ombre, tire les ficelles de notre
restent pour l’essentiel inconnues. En somme, être un sujet, avoir conscience de qui l’on individualité. Or, dans le fonctionnement de ce sujet inconscient, le mécanisme de la compulsion de répétition
est revient-il à se savoir le produit de normes (extérieures) et de pulsions (intérieures) qui le définit en propre. L’enfant, en effet, dès l’instant qu’on lui a lu une histoire, ou qu’il a appris à faire quelque
chose, ne se lasse plus de la répéter. Car cette répétition le confirme dans son identité tout en lui donnant du
demeurent en nous inconscientes ? Cela limite d’une manière radicale notre prétention à
plaisir. Toutefois, la répétition n’est pas toujours aussi heureuse. Au contraire même, elle se révèle souvent
nous croire des êtres doués de volonté, c’est-à-dire capables de décider par eux-mêmes et pathologique quand elle nous fait rejouer à notre insu un traumatisme, multiplier les ruptures amoureuses,
pour eux-mêmes comment ils entendent se comporter avec les autres, et diriger leur vie. souffrir de troubles obsessionnels compulsifs, dépendre d’une drogue ou du sexe, ou bien nous rendre passifs,
silencieux et soumis là où nous aurions dû crier notre colère. Pour s’en défaire, il n’existe qu’une solution :
Dans LES CHOSES HUMAINES, l’inconscience viscérale du sujet vis-à-vis de lui-même apprendre à connaître l’origine de sa souffrance, de manière à pouvoir enrayer sa répétition. Voici comment
est visible partout. Elle l’est, bien sûr, à travers le personnage de Mila, qui a grandi sous Freud décrit cette compulsion de répétition :
l’influence des idées religieuses de sa mère qui voudrait que sa fille vienne vivre avec elle
dans une communauté de juifs orthodoxes, et qui conforme sa vie aux us et coutumes de Ce « retour éternel du même » ne nous étonne que peu, lorsqu’il s’agit d’une attitude active et lorsqu’ayant
cette communauté religieuse. Mais elle l’est aussi dans la manière dont Mila n’a pas pu découvert le trait de caractère permanent, l’essence même de la personne intéressée, nous nous disons que ce
dire à sa famille qu’elle avait été abusée sexuellement par le père d’une de ses amies, à trait de caractère, cette essence ne peut se manifester que par la répétition des mêmes expériences psychiques.
Mais nous sommes davantage frappés en présence d’événements qui se reproduisent et se répètent dans la
l’âge de 10 ans. Et elle l’est, enfin, dans la manière dont le traumatisme qu’elle a subi à vie d’une personne, alors que celle-ci se comporte passivement à l’égard de ce qui lui arrive, sans y intervenir
cet âge est venu la priver de la possibilité de dire non à Alexandre, quand celui-ci, pour d’une façon quelconque. On songe, par exemple, à l’histoire de cette femme qui avait été trois fois mariée et qui
respecter le bizutage mis en place par ses amis de promotion, s’est mis en tête de coucher avait perdu successivement chacun de ses maris peu de temps après le mariage, ayant juste eu le temps de lui
avec elle et de lui voler, pour l’humilier, sa culotte. Elle l’est encore dans le personnage prodiguer les soins nécessaires et de lui fermer les yeux. Dans son poème romantique, La Jérusalem délivrée,
d’Alexandre, qui lui aussi se doit, quelqu’en soit le coût, d’être un étudiant “brillant”, et donc Le Tasse nous donne une saisissante description poétique d’une pareille destinée. Le héros Tancrède tue, sans
“irréprochable” aux yeux de ses pairs s’il ne veut pas décevoir les ambitions démesurées s’en douter, sa bien-aimée Clorinde, alors qu’elle combattait contre lui sous l’armure d’un chevalier ennemi.
Après les funérailles de Clorinde, il pénètre dans la mystérieuse forêt enchantée, objet de frayeur pour l’armée
– pour ne pas dire la volonté de puissance – de ses parents. Cette inconscience viscérale
des croisés. Là il coupe en deux, avec son épée, un grand arbre, mais voit de la blessure faite à l’arbre jaillir
est aussi ce que Freud appelle « la compulsion de répétition ». du sang et, en même temps, il entend la voix de Clorinde, dont l’âme s’était réfugiée dans cet arbre, se plaindre
du mal que l’aimé lui a infligé de nouveau. En présence de ces faits empruntés aussi bien à la manière dont les
névrotiques se comportent au cours du transfert qu’aux destinées d’un grand nombre de sujets normaux, on
QUESTION AUX ÉTUDIANTS ne peut s’empêcher d’admettre qu’il existe dans la vie psychique une tendance irrésistible à la reproduction, à
• Essayez d’isoler dans le film les moments où les personnages sont pris dans des la répétition, tendance qui s’affirme sans tenir compte du principe du plaisir, en se mettant au-dessus de lui. Et
ceci admis, rien ne s’oppose à ce qu’on attribue à la pression exercée par cette tendance aussi bien les rêves
compulsions de répétition.
du sujet atteint de névrose traumatique et la manie que la répétition qui se manifeste dans les jeux des enfants.
• Ensuite, isolez, à l’intérieur de ces moments, les répétitions qui confirment le sens de leur (Sigmund Freud, Au-delà du principe de plaisir, p. 21).
individualité et les rendent joyeux, et celles qui semblent symptomatiques et les faire
revivre, à leur insu, des situations traumatiques.
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PARTIE PHILOSOPHIE
ZOOM SUR LACAN ET LE CONCEPT D’APRÈS-COUP
B. Du traumatisme au retour de l’angoisse
Jacques Lacan (1901-1981) est un psychiatre et psychanalyste français qui a repris l’ensemble des concepts
freudiens, et qui a tenté de leur donner une définition linguistique. À travers son “retour à Freud”, Lacan s’est efforcé
À l’intérieur de ce que nous répétons d’une manière compulsive, il est un type de répétition de penser les concepts de sexualité infantile, d’inconscient, de compulsion de répétition, de traumatisme et d’après-
que Freud isole comme étant à la fois le plus énigmatique et le plus inquiétant, à savoir : coup en prenant pour point de départ l’idée que l’inconscient est structuré comme un langage. Pour lui, une chaîne
notre tendance à répéter dans l’angoisse nos plus violents traumatismes. Un grand nombre signifiante ne cesse de répéter un nombre limité de signes, qui est accrochée à un traumatisme originel qui fonde
de soldats, par exemple, ne cessent de revivre dans leurs cauchemars les scènes les plus le sujet, bien que celui-ci ne puisse ni le dire, ni en prendre véritablement conscience. Cette chaîne est ce qui fonde,
violentes auxquelles ils ont été exposés. De la même manière, les femmes qui ont été pour Lacan, la subjectivité du sujet, tout autant que les relations intersubjectives entre des personnes d’une même
victimes d’un viol ne cessent de revivre dans l’angoisse la scène durant laquelle elles ont famille.
C’est pourquoi, pour Lacan, derrière tout symptôme qui se répète, il y a un fantasme qui s’actualise, et derrière tout
été violées. fantasme qui s’actualise, un traumatisme sexuel qui est venu faire effraction dans la vie psychique du sujet, et que
Cette répétition, nous dit Freud dans Inhibition, symptôme et angoisse, doit être comprise Lacan appelle : le réel.
comme une manière, pour le sujet, de maîtriser dans l’après-coup ce qui a été vécu la
Et pourquoi d’abord la répétition nous serait-elle apparue au niveau de ce qu’on appelle “névrose traumatique” ?
première fois passivement. Et pour ce faire, le sujet doit revivre cet événement dans Freud, contrairement à tous les neurophysiologues, pathologues et autres, a bien marqué que si cela fait problème
l’angoisse, car c’est précisément l’angoisse – qui n’est rien d’autre qu’un signal d’alerte que le sujet reproduise en rêve le souvenir par exemple du bombardement intensif d’où part sa névrose – ça ne
pour le sujet – qui a fait défaut lors du traumatisme initial, et cela dans la mesure exacte semble, à l’état de veille, lui faire ni chaud ni froid ! Quelle est cette fonction de la répétition traumatique si rien – bien
où ce qui est venu faire trauma pour le sujet s’est d’abord présenté à lui en le prenant loin de là ! – ne peut sembler la justifier du point de vue du principe du plaisir ? Maîtriser l’événement douloureux ?
au dépourvu, c’est-à-dire d’une manière soudaine et brutale. C’est précisément cette Qui maîtrise ? Où est ici le maître à maîtriser ? Pourquoi parler si vite quand précisément nous ne savons où situer
soudaineté qui a laissé le sujet dans un état de sidération dont il cherche inlassablement l’instance qui se livrerait à cette occasion de maîtriser ?
Freud, au terme de la série d’écrits dont je vous ai donné ici les deux essentiels Inhibition, symptôme et angoisse et
à sortir en revivant dans l’après-coup et dans l’angoisse l’événement traumatique initial.
Au-delà du principe de plaisir, nous indique que nous ne pouvons ici concevoir ce qui se passe au niveau des rêves
de la névrose traumatique qu’au niveau du fonctionnement le plus primitif – celui où il s’agit d’obtenir la liaison de
QUESTIONS AUX ÉTUDIANTS l’énergie. Alors, ne présumons pas d’avance qu’il s’agit là d’un écart quelconque ou d’une répartition de fonctions
telles que nous pouvons en trouver, à un niveau d’abord infiniment plus élaboré du réel. Au contraire, nous voyons
• Quel est le point de réel, c’est-à-dire le point qui a fait traumatisme pour Mila ? ici un point que le sujet ne peut approcher qu’à se diviser lui-même en un certain nombre d’instances. On pourrait
• Est-ce le moment de sa première agression sexuelle ? Ou bien celui de la deuxième dire ce qu’on dit du royaume divisé, c’est à savoir que toute unité du psychisme, prétendu psychisme “totalisant”,
“synthétisant“ – s’entend : vers la conscience – y périt.
agression et de son après-coup ?
Enfin – dans ces premiers temps de l’expérience où la remémoration, peu à peu, se substitue à elle-même, et
• Et comment ces deux agressions sont-elles reliées entre elles selon vous ? approchant toujours plus d’une sorte de focus, du centre où tout événement paraîtrait devoir se livrer – précisément
• Dans quelle mesure l’acte d’Alexandre peut-il lui-même être considéré comme étant à ce moment se manifeste ce que j’appellerai aussi... entre guillemets, car il faut changer aussi le sens des trois mots
de ce que je vais dire, il faut le changer complètement pour lui donner sa portée… “la résistance du sujet“, qui
l’expression d’une compulsion de répétition qui aurait été produite par la sexualité de
devient, à ce moment-là, répétition en acte.
son père ? C’est par ce que j’articulerai la prochaine fois que je réserve de vous montrer comment nous trouvons à nous
• Et dans quelle mesure, enfin, cette compulsion de répétition peut-elle, oui ou non, être approprier à ce propos les admirables IV e et V e chapitres du livre de la Physique d’Aristote, et tant qu’il tourne et
considérée comme un traumatisme ? manipule les deux termes absolument résistants à sa théorie, pourtant la plus élaborée qui ait jamais été faite, de la
fonction de la cause. Ce qu’on traduit improprement, respectivement par le “hasard“, la [tuché], et la “fortune“,
l’ [automaton] dit-il... Et nous qui savons ce que c’est, de nos jours, au point où nous en sommes de la
mathématique moderne, des machines, à savoir : précisément ce réseau de signifiants. Il s’agit – vous le
verrez – de voir le rapport, complètement à réviser et à définir autrement que ne le fait Aristote qui pourtant en parle
admirablement, entre : – l’ [automaton], – et ce qu’il désigne comme “la fortune“ : la [tuché], à définir
justement comme rencontre du réel.
(Jacques Lacan, « L’inconscient et la répétition », Les Quatre Concepts fondamentaux de la psychanalyse, p. 51-52)
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PARTIE PHILOSOPHIE
CONCLUSION
En nous permettant d’aborder les notions de justice et de devoir, de vérité et de
langage, de sujet et d’inconscient, le film LES CHOSES HUMAINES offre aux étudiants
de terminale une occasion sans pareille de réfléchir philosophiquement sur la manière
dont la sexualité vient déstabiliser la conception que nous nous faisons du sujet
humain, de sa conscience, de sa volonté, de sa liberté. Tout cela s’est amplifié grâce
aux mouvements sociaux comme #Metoo ou #Balancetonporc qui sont en train de
modifier en profondeur l’idée que notre sens de la justice se fait du consentement. Ce
que nous montre le film LES CHOSES HUMAINES, ce n’est pas tant que la justice peut
ne pas être conforme à la morale, que la vérité est par essence changeante, ou que la
conscience n’est qu’une illusion, mais que l’illégitimité potentielle de la justice, que la
versatilité de la vérité et que la fragilité de la conscience n’ont pas été mises au service
du respect de la vulnérabilité de l’autre, et de son consentement.
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PARTIE DROIT ET GRANDS ENJEUX DU MONDE CONTEMPORAIN
INTÉRÊT PÉDAGOGIQUE DU FILM
EN LIEN AVEC LES PROGRAMMES
Programme de terminale de DGEMC
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PARTIE DROIT ET GRANDS ENJEUX DU MONDE CONTEMPORAIN
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PARTIE DROIT ET GRANDS ENJEUX DU MONDE CONTEMPORAIN
LA COUR D’ASSISES
TEXTES
Article 231 du Code de procédure pénale
La cour d’assises a plénitude de juridiction pour juger, en premier ressort ou en appel, les
personnes renvoyées devant elle par la décision de mise en accusation.
Elle ne peut connaître d’aucune autre accusation.
La cour d’assises est une juridiction départementale non permanente qui juge les personnes
majeures et les mineurs de plus de 16 ans accusés de crime, de tentative et de complicité
de crime (exemples : meurtre, viol, vol à main armée...). Elle peut aussi juger des délits en
lien avec le crime (exemple : la non-dénonciation de crime).
Composée de magistrats professionnels et d’un jury constitué de citoyens tirés au sort,
elle se réunit chaque fois que cela est nécessaire. Pendant cette session, selon la gravité et
la nature des faits, une ou plusieurs affaires sont jugées.
Les audiences de la cour d’assises sont publiques à moins que la publicité soit dangereuse
pour l’ordre ou les bonnes mœurs, ou que l’accusé soit mineur au jour de l’ouverture des
débats.
On parle alors d’un « huis clos ».
Depuis la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption
d’innocence et les droits des victimes, un appel peut être porté devant une autre cour
d’assises pour que l’affaire soit réexaminée.
Dans tous les cas, l’arrêt de la cour d’assises d’appel peut lui-même faire l’objet d’un
pourvoi en cassation.
Source : www.justice.gouv.fr/publication/guide_jures_assises.pdf.
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PARTIE DROIT ET GRANDS ENJEUX DU MONDE CONTEMPORAIN
COURS
TÉMOIGNAGES DE JURÉS
L’organisation du système juridictionnel en matière pénale repose sur une répartition
Michèle M de compétences entre le tribunal de police, le tribunal correctionnel et la cour d’as-
Coupable, non coupable... C’était ma hantise. Ma grande peur était de participer à la sises. Chacune de ces juridictions est compétente en fonction de la gravité de l’infraction
condamnation de quelqu’un qui ne l’aurait pas mérité. Je redoutais l’erreur judiciaire. (contravention, délit ou crime).
La cour d’assises est une juridiction compétente en matière de crimes qui constituent
Paul D, chauffeur de bus, juré en 1999 sur des affaires de viol les infractions du Code pénal les plus graves (meurtres, viols, tortures ou actes de
En visitant la prison, je pensais que les accusés allaient peut-être s’y retrouver... Après barbarie).
tout, c’étaient eux qui s’étaient mis dans cette situation. Je devais seulement donner
mon avis et la majorité l’emporterait.
SCÈNE DU FILM
Jean-Claude A, enseignant, juré en 1994 sur une affaire de viol Fin du procès : annonce du verdict
J’ai été impressionné par le sérieux de tous les jurés. Tout le monde apportait une
pierre au jugement. Chacun parlait à sa manière, avec ses mots, mais tout le monde
disait quelque chose. Le sérieux de l’humain m’a réconforté. Des gens qui n’avaient QUESTIONS AUX ÉTUDIANTS
certainement pas en toutes circonstances des réactions positives ont su réagir, faire
• Quelle est la composition de la cour d’assises ?
face dignement. C’est, je pense, une situation où l’homme peut se hisser au-dessus
de ce qu’il est au quotidien. • Pourquoi des jurés d’assises ? Qui peut être désigné juré d’assises ?
• Quel est le rôle du juré d’assises et quel est celui du président de la cour d’assises ?
Source : Le guide pratique du juré d’assises, ministère de la Justice.
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PARTIE DROIT ET GRANDS ENJEUX DU MONDE CONTEMPORAIN
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Le statut de minorité se veut protecteur de l’adolescent : sa fonction première est d’éviter
que l’on abuse de la méconnaissance par l’intéressé des droits qu’il tient de la loi.
TEXTES
Article 388 al. 1 du Code code civil
« Le mineur est l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans
accomplis. »
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PARTIE DROIT ET GRANDS ENJEUX DU MONDE CONTEMPORAIN
COURS
Source et fondement de la protection des mineurs
L’infans est étymologiquement celui qui ne parle pas. Le droit a ainsi donné la parole à
l’enfant en mettant en place un arsenal juridique de protection important au niveau in-
ternational et national tel que la création de l’Unicef en 1948, ou encore l’adoption de la
Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) en 1989 qui a consacré la notion
d’intérêt supérieur de l’enfant = article 3.1.
L’enfant est ainsi considéré comme une personne titulaire de droits et d’obligations, mais
il a un statut juridique particulier car il est mineur (statut de minorité). Il est frappé juridi-
quement d’incapacité. Il ne peut pas exercer lui-même ses droits. Il peut cependant de-
mander, dès l’âge de 16 ans, à être émancipé.
SCÈNE DU FILM
Arrivée et audition de Mila au commissariat de police. Mila arrive au commissariat de po-
lice, accompagnée de sa mère, pour porter plainte. La mère assiste à l’audition de sa fille.
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PARTIE DROIT ET GRANDS ENJEUX DU MONDE CONTEMPORAIN
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PARTIE DROIT ET GRANDS ENJEUX DU MONDE CONTEMPORAIN
Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne Comment admettre qu’on a été abusé quand on ne peut nier qu’on a été consentant ?
d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise. Quand, en l’occurrence, on a ressenti du désir pour cet adulte qui s’est empressé d’en
profiter ?, pouvons-nous lire dans le livre de Vanessa Springora.
Article 227-27 du Code pénal Rappelons qu’en en droit français, le viol est défini comme « tout acte de pénétration
Hors les cas de viol ou d’agression sexuelle prévus à la section 3 du chapitre II du pré- sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne
sent titre, les atteintes sexuelles sur un mineur âgé de plus de quinze ans sont punies de de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise. »
cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende : Ces trois éléments : la violence, la contrainte et la surprise, auxquels il faut ajouter la
menace, caractérisent l’absence de l’expression du consentement de la victime, mineure
1° Lorsqu’elles sont commises par toute personne majeure ayant sur la victime une ou majeure.
autorité de droit ou de fait ;
C’est pourquoi le 25 novembre 2017, le président de la République s’est déclaré en faveur
2° Lorsqu’elles sont commises par une personne majeure qui abuse de l’autorité que lui d’un âge minimum de consentement fixé à 15 ans par souci de cohérence et de protec-
confèrent ses fonctions. tion de mineurs.
Dans le cadre du projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, notamment sur
« La pierre angulaire de ces infractions est donc l’absence de consentement de la victime. les mineurs, la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes
Plus précisément, aux termes de la loi, il faudra démontrer que l’atteinte sexuelle a été et la garde des Sceaux décident d’intégrer dans le texte un âge de non-consentement
imposée par “violence, contrainte, menace ou surprise“. sexuel, seuil en dessous duquel un enfant est automatiquement considéré comme non
consentant à un acte sexuel.
Source : Dalloz Actu Étudiant, Le billet, « Le consentement du mineur à un acte sexuel »,
20 novembre 2017 En mars 2018, le Conseil d’État a estimé qu’un âge minimum pourrait porter atteinte à la
présomption d’innocence et donc être jugé inconstitutionnel.
Suivant cet avis, le gouvernement abandonne cette mesure dans le projet de loi définitif.
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PARTIE DROIT ET GRANDS ENJEUX DU MONDE CONTEMPORAIN
Les jugements se feront au cas par cas. Pour prouver le non-consentement de la victime, • l’âge de la majorité sexuelle, considéré comme celui à partir duquel une personne
il faudra toujours préciser les notions de menace, surprise ou contrainte, mais la loi in- majeure peut avoir un rapport sexuel avec un mineur civil sans commettre une infrac-
tègre désormais la notion d’« abus de vulnérabilité ». La personne majeure devra prou- tion pénale. Il est de 15 ans, bien qu’aucun texte ne le définisse précisément comme
ver que la victime avait la maturité ou le discernement pour donner son consentement. tel hormis sous l’angle de l’aggravation des peines applicables en cas d’infraction
(articles 227-22, 227-23, 227-25, 227-26 et 227-28 du Code pénal).
Cependant, il est important de prévoir un seuil de consentement comme le réclament de
nombreuses associations. Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l’association Mé-
moire traumatique et victimologie, estime que cet âge minimal est un progrès dans la
Cette proposition de loi prévoit plusieurs situations dont la suivante :
protection de l’enfance dont on ne peut pas faire l’économie. Il est nécessaire que cela
revienne dans le débat. « b) Pour les relations sexuelles entre un mineur âgé entre 15 et 18 ans et un majeur ayant
une autorité de droit ou de fait
Maître Rodolphe Constantino, avocat de l’association Enfance et Partage, parle d’une af-
faire absolument scandaleuse : La justice française s’honorerait à revenir sur cette déci- Entre 15 et 18 ans, nous pouvons considérer qu’un mineur peut être en mesure d’entre-
sion et à renvoyer cet homme pour des faits de viol sur mineure de moins de 15 ans. Au- tenir volontairement une relation sexuelle avec un majeur, mais nous nous devons de
jourd’hui, on est dans cette situation absolument extraordinaire, qui est dénoncée depuis mettre une limite.
très longtemps par les associations de protection de l’enfance, à savoir que la définition du
En effet, il convient d’envisager également une présomption irréfragable de non-consente-
viol ou d’une agression sexuelle est exactement la même selon que l’on soit en présence
ment pour les mineurs de plus de quinze ans lorsque l’adulte est une personne ayant sur
d’un majeur ou d’un mineur. Quel que soit l’âge de la victime, en gros, elle est toujours mise
eux une autorité de droit ou de fait.
en situation par la justice d’avoir à faire la démonstration qu’elle n’était pas consentante.
Je crois qu’il est grand temps qu’on change cela. J’avais moi-même porté des propo- Source : exposé des motifs de la proposition de loi nº 2607 renforçant la répression des
sitions à des parlementaires, mais ça n’a jamais été entendu. Cette affaire est peut-être violences sexuelles et la protection des victimes
l’occasion de remettre ce débat sur le tapis.
Il existe en France trois âges de majorité distincts :
COURS
• l’âge de la majorité civile fixé à 18 ans depuis la loi n° 74631 du 5 juillet 1974, âge auquel
Les hypothèses suivantes : le fait de ne pas dire « Non ! », le fait qu’il n’y ait pas eu
notre société considère l’être humain civilement capable et responsable de ses actes ;
violence, contrainte, menace ou surprise, n’excluent pas l’absence de consentement. Ain-
• l’âge de la majorité pénale, soit celui à partir duquel un délinquant est soumis au droit si, « consentir » signifie accepter librement et en connaissance de cause l’acte sexuel.
pénal commun et ne bénéficie plus de l’excuse de minorité, qui s’établit également à Le consentement du mineur à un acte sexuel se pose alors. La loi du 21 avril 2021 a réso-
18 ans. Certains mineurs de plus de 16 ans peuvent être assimilés à des majeurs sur le lu le problème du consentement du mineur de moins de 15 ans. Il n’y a plus à établir une
plan pénal dans certaines circonstances particulières au regard de la gravité des faits violence, une contrainte, une menace ou une surprise pour constater et punir le viol ou
reprochés et/ou de récidive (article 202 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, l’agression sexuelle.
loi n° 2007-297 du 5 mars 2007) ;
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PARTIE DROIT ET GRANDS ENJEUX DU MONDE CONTEMPORAIN
La situation est différente dans le cas d’un mineur de 15 à 18 ans. Ce dernier peut avoir une
relation sexuelle avec un majeur mais le majeur, ne 2007-297. La relation sexuelle sera
cependant punissable au sens de l’article 227-27 dans deux cas :
1. Lorsqu’elles sont commises par toute personne majeure ayant sur la victime une
autorité de droit ou de fait ;
2. Lorsqu’elles sont commises par une personne majeure qui abuse de l’autorité
que lui confèrent ses fonctions.
SCÈNE DU FILM
Premier jour du procès : la présidente de la cour d’assises lit le chef d’accusation et
demande à Alexandre s’il reconnaît les faits. Alexandre lui répond qu’il ne les reconnaît
pas et ajoute que Mila était consentante.
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BIBLIOGRAPHIE
LA JUSTICE ET LE DROIT Nietzsche, Friedrich
• La Volonté de puissance. Paris : Gallimard, 1995.
Camus, Albert • La Généalogie de la morale. Paris : Livre de poche, 2000.
• L’Homme révolté. Paris : Gallimard, 1985.
• Le Mythe de Sisyphe. Paris : Gallimard, 1985. Quilliot, Roland
• La Vérité. Paris : Ellipse, 2018.
Hegel, Friedrich
• Principes de la philosophie du droit. Paris : Flammarion, 2021.
LE SUJET, L’INCONSCIENT
Kant, Emmanuel
• Métaphysique des mœurs. Paris : Flammarion, 2018. Brès, Yvon
• L’Inconscient. Paris : Ellipse, 2010.
Platon
• La République. Paris : Flammarion, 2016. Freud, Sigmund
• L’Apologie de Socrate. Paris : Flammarion, 2017. • Inhibition, symptôme et angoisse. Paris : Payot, 2014.
• Au-delà du principe de plaisir. Paris : Payot, 2010.
Samama, Guy (dir.)
• La Justice. Paris : Ellipse, 2001. Lacan, Jacques
• Les Quatre Concepts fondamentaux de la psychanalyse. Le Séminaire, livre XI.
Paris : Points, 2014.
LA VÉRITÉ ET LE LANGAGE • Écrits. Paris : Seuil, 1966.
Dorlin, Elsa
• Sexe, genre et sexualités : introduction à la philosophie féministe. Paris : PUF, 2021.
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COMMENT ORGANISER UNE PROJECTION
DU FILM POUR VOS ÉLÈVES ?
Il vous suffit de contacter la salle de cinéma la plus proche de votre établissement ou celle avec laquelle
vous avez l’habitude de travailler, pour réserver une séance. Cette projection pourra
avoir lieu aussi bien en amont qu’à partir de la date de sortie du film le 1er décembre.
Durée du film : 2h18
AUTEURS
Fred Baitinger
(professeur de philosophie)
Emmanuelle Soubeyre
(professeure de droit)
Esther Rozenblum
(professeure agrégée de lettres)
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