Anne Catherine Emmerich - La Vie de Jésus Christ - Tome 1
Anne Catherine Emmerich - La Vie de Jésus Christ - Tome 1
Anne Catherine Emmerich - La Vie de Jésus Christ - Tome 1
EMMERICH
VIE DE NOTRE
SEIGNEUR
JÉSUS-CHRIST
TOME I
AVANT PROPOS
DU TRADUCTEUR
Il faut examiner :
1. Si la personne favorisée n’a jamais demandé ou désiré des
visions ; et si au contraire elle a prié Dieu de la conduire par la voie
commune et n’a accepté les visions que par obéissance, un pareil
désir, d’après saint Vincent Ferrier, proviendrait d’un orgueil secret
et d’une curiosité téméraire : il indiquerait en outre une foi faible et
mal assurée.
2. Si elle a reçu constamment de son guide spirituel l’ordre de
communiquer ses visions à des hommes instruits et clairvoyants.
3. Si elle a toujours pratiqué l’obéissance absolue envers ses
directeurs et si, à la suite de ses visions, elle a fait des progrès dans
l’humilité et l’amour de Dieu.
4. Si elle a recherché de préférence les personnes les moins
disposées à lui donner croyance et si elle a aimé ceux qui lui avaient
donné des chagrins et des peines.
5. Si son âme a joui d’un calme et d’un contentement parfaits et si
son cœur a toujours été plein d’un zèle ardent pour la perfection.
6. Si son directeur n’a jamais eu à lui reprocher certaines
imperfections.
7. Si elle a reçu la promesse que Dieu exaucerait ses justes
demandes et si, s’adressant à lui avec une pleine confiance, elle a
obtenu d’être exaucée en quelque point important.
8. Si ceux qui étaient en relations avec elle, ont été excités à aimer
Dieu davantage lorsque l’endurcissement de leur cœur n’y mettait
pas obstacle.
9. Si les visions lui ont été départies le plus ordinairement après
une longue et fervente prière, ou après la sainte Communion, et si
elles ont allumé en elle un ardent désir de souffrir pour Dieu.
10. Si elle a crucifié sa chair et s’est réjouie dans la tribulation, au
milieu des contradictions et des souffrances.
11. Si elle a aimé la solitude et fui le commerce des hommes, si elle
a montré un détachement parfait de toutes choses. Aussi dans la
bonne et la mauvaise fortune elle a toujours conservé la même
tranquillité d’âme, et si enfin des hommes instruis n’ont pas aperçu
dans ses visions quelque chose qui s’écartât de la règle de la foi ou
qui pût paraître répréhensible d’une façon quelconque.
Ces douze points renferment les règles les plus sûres et les plus
dignes de confiance, et il a fallu, pour les établir, toute l’expérience
d’un grand nombre de docteurs aussi savants qu’éclairés dans les
voies de la vie spirituelle. La mesure dans laquelle les conditions qui
y sont exigées se rencontrent chez une personne favorisée de grâces
extraordinaires est aussi, selon Benoit XIV, celle de l’assurance avec
laquelle on peut conclure en faveur de la véracité de cette personne,
de la confiance qu’elle mérite et en même temps de celle que
méritent ses visions.
Maintenant, le lecteur ne sera pas surpris moins agréablement que
l’éditeur quand il pourra se convaincre, à l’aide de la biographie
donnée par Clément Brentano et aussi de la présente introduction
que ces conditions sont remplies de la manière la plus incontestable
dans toute l’existence d’Anne-Catherine, et cela si parfaitement
qu’elles ne se rencontrent au même degré que chez les grands saints.
En premier lieu, les visions ne furent jamais pour Anne-Catherine,
l’objet de ses désirs, mais une source de douleurs et de tribulations
indicibles, au point que souvent elle pria Dieu instamment de les lui
retirer. En outre, la grâce de la contemplation lui fut départie à un
âge si tendre que ce désir n’aurait pu naître en elle : c’est pourquoi sa
première ouverture sur les visions qui lui ont été envoyées est celle
d’un enfant plein de naïveté qui n’en soupçonne pas la portée. En
second lieu, Anne-Catherine ne pouvait être décidée à communiquer
ce qu’elle avait vu que par les ordres réitérés de son guide spirituel.
En troisième lieu, lorsque ses confesseurs rejetaient ses visions et
ne se donnaient pas la peine d’examiner quelle valeur elles pouvaient
avoir, elle s’efforçait d’y mettre fin par tous les moyens possibles.
Mais la lutte dans laquelle elle s’engageait par là avec son guide
invisible, dont les exigences ne s’arrêtaient pas devant les idées
erronées des confesseurs, était pour elle la cause de souffrances
impossibles à décrire. En quatrième lieu, cela ne l’empêchait pas de
chercher uniquement des confesseurs dont elle n’avait à attendre que
de la sévérité et des humiliations journalières, parce qu’elle laissait à
Dieu le soin de les persuader, s’il le jugeait convenable, de la réalité
des dons gratuits qui lui étaient accordés.
De plus, elle résistait toujours autant qu’elle le pouvait à toute
tentative qui pouvait avoir pour objet de la soulager ou d’améliorer
sa situation matérielle : car du reste pour tous ceux qui lui
occasionnaient des ennuis ou des tribulations, il n’y avait chez elle
que charité, patience et mansuétude. Enfin, pour ce qui touche les
autres points, il n’est pas nécessaire de les énumérer ici suivant leur
ordre, parce que l’introduction doit s’en occuper longuement et d’une
manière très détaillée.
Pour le moment l’éditeur se bornera à faire remarquer que Dieu,
dans ses desseins impénétrables, permit qu’Anne-Catherine, dans les
dernières années de sa vie, fût deux fois soumise à une enquête
provoquée par les autorités spirituelle et temporelle, sur la réalité de
ses stigmates et d’autres phénomènes merveilleux qui se
produisaient chez elle. On ne peut pas rendre ce qu’elle eut à souffrir
à cette occasion : car le siècle des lumières sembla vouloir décharger
toute sa colère sur la pauvre religieuse, qui flétrissait sa prétendue
sagesse comme un aveuglement déplorable et une vanité insensée.
Mais Anne-Catherine, au milieu de ces souffrances, resta encore
l’image de son divin fiancé ! Elle supporta tout en silence et absorbée
en Dieu, et se réjouit d’avoir eu, par l’ignominie de la croix, une
ressemblance de plus avec son Rédempteur.
Nous passerons maintenant au dernier des douze points, celui qui
traite de la conformité des visions avec la règle de foi de l’Eglise ; car
il est juste de lui donner une attention toute particulière quand on
s’occupe de visions qui renferment en même temps des révélations.
Benoit XIV, à cet égard, s’en réfère principalement au vénérable P.
Suarez, lequel établit, comme premier principe, qu’en matière de
révélations, la question de leur conformité à la règle de la foi et des
mœurs doit être la base de tout examen ultérieur, de telle sorte que si
l’on découvre quelque chose qui soit en contradiction avec l’Ecriture
et la tradition, avec les décisions doctrinales de l’Eglise et
l’interprétation unanime des saints Pères et des théologiens, la soi-
disant révélation doit être rejetée comme mensonge et illusion
diabolique.
Il en doit être ainsi, même quand il s’agit de révélations qui, à la
vérité, ne portent pas atteinte à la foi, mais présentent des choses
impliquant contradiction ou propres seulement à satisfaire une vaine
curiosité, qui peuvent être considérées comme le produit de
l’imagination humaine, ou qui évidemment ne sont pas en rapport
avec la sagesse et les autres attributs de Dieu.
Le pape Benoit XIV soulève ensuite une question difficile : « Que
faut-il penser d’une soi-disant révélation où se rencontrent des
choses qui paraissent contraires, non pas précisément à la tradition
unanime des Pères et des théologiens, mais à ce qu’on appelle
communis sententia (le sentiment commun) ; qui sont tout à fait
nouvelles, qui donnent comme révélés des points sur lesquels l’Eglise
n’a pas encore donné de décision doctrinale ? » S’appuyant sur des
autorités imposantes, Benoit répond qu’il n’y a pas là motif suffisant
pour rejeter, sans autre examen, une pareille révélation comme
imaginaire et trompeuse ; car, ajoute-t-il :
1°Une chose qui paraît contraire au sentiment le plus commun
peut être soutenue à l’aide d’une appréciation plus approfondie et
plus judicieuse, et trouver à s’appuyer sur des autorités respectables
et des raisons solides.
2°Une révélation n’est pas fausse en soi, par cela seul qu’elle fait
connaître un mystère ou une circonstance de la vie du Sauveur ou de
sa sainte Mère, dont l’Ecriture sainte, la tradition ou les écrits des
saints Pères ne font pas mention.
3°On ne se met pas nécessairement en contradiction avec les
décisions du Saint Siège ou avec les Pères et les théologiens, par cela
seul qu’on explique une chose qu’ils n’expliquent pas ou sur laquelle
ils se taisent absolument.
4°Enfin, on ne doit pas poser à la toute puissance de Dieu des
limites en dehors desquelles il lui serait interdit de révéler à un
particulier ce qui, comme point de controverse théologique, reste
encore soumis au jugement de l’Eglise.
Afin que le lecteur puisse aussi se faire une juste idée de ce que
Dieu exigeait d’Anne-Catherine, sa fidèle servante, pour les grâces
inconcevables qui lui avaient été départies pour le bien de son Eglise,
on donnera ci après le compte rendu du mois de janvier 1822,
d’après le journal du pèlerin. Qu’on veuille bien, en le lisant, avoir
toujours présent à l’esprit que les maladies qui y sont décrites étaient
endurées par un corps qui portait déjà les douloureux stigmates de
Jésus Christ, et qui, en outre, souffrait d’autres lésions occasionnées
par des accidents extérieurs, et dont chacune était mortelle.
Mais le résultat qu’elles auraient du avoir était suspendu d’une
façon miraculeuse, afin que dans les cruelles maladies qui se
succédaient sans relâche, elles servissent à élever chaque douleur à
sa plus haute puissance. Enfin le lecteur pourra conclure facilement
lui-même du rapport suivant, qu’aucun mal ne venait assaillir
isolément Anne-Catherine, mais qu’il y avait toujours action
commune des formes de maladie les plus diverses, souvent les plus
opposées, lesquelles étant imposées à la patiente pour une fin toute
spirituelle, se trouvaient entre elles dans un rapport plutôt spirituel
que physique.
CHAPITRE PREMIER
Remarque de l’éditeur.
Plus d’un lecteur pourra d’abord trouver étrange que les visions de
ce chapitre lui montrent déjà le Sauveur enseignant et opérant des
miracles, tandis qu’on est généralement habitué à se représenter la
prédication de Jésus et son action miraculeuse comme ne
commençant qu’après son baptême. Il pourrait facilement arriver
qu’on voulût voir là une contradiction entre les visions et les saints
Evangiles, parce que saint Jean (II, 11), rapporte que le Sauveur a
donné commencement à ses miracles par le changement de l’eau en
vin a Cana.
Cette contradiction toutefois n’est qu’apparente, et il est facile de
l’expliquer. En effet, c’est dans les quatre mois qui, d’après les
visions, se sont écoulés depuis la mort de saint Joseph jusqu’au
baptême de Jésus dans le Jourdain, que tombe l’action publique de
Jean Baptiste, le précurseur chargé de préparer les voies du
Seigneur. Celui-ci commença à baptiser et à prêcher sur les bords du
Jourdain, à peu près au moment même où Jésus, encore inconnu et
regardé seulement comme un saint docteur et un prophète à cause de
la charité inexprimable, de la majesté et de la mansuétude qui se
manifestaient dans sa personne, parcourait la Judée, la Pérée et la
Galilée, allant même jusqu’à Sidon et à Sarepta.
Dans ces courses le Sauveur suivait les traces des anciens
prophètes, visitait tous les lieux où il s’était passé quelque chose de
figuratif se rapportant à lui, afin de donner leur accomplissement à
toutes les promesses, à toutes les préparations, à toutes les figures.
En même temps il pratiquait les œuvres de charité les plus pénibles
et les plus humbles qu’il ne devait plus opérer de la même manière
dans les années de prédication qui devaient suivre, parce que son
temps devait être autrement employé : mais surtout il adressait à
Jean tous ceux qui l’écoutaient, les exhortant à aller au Jourdain et à
recevoir le baptême de la main de Jean. Dans cette période, le
Sauveur ne parle nulle part de lui-même, il ne révèle nulle part qu’il
est le Messie annoncé par Jean. Il parle uniquement de Jean, de la
pénitence qu’il prêche et de son baptême.
À cela correspond aussi le caractère du petit nombre de guérisons
miraculeuses dont parlent les visions de cette période. Elles font
partie de ces prodiges que Maldonat et après lui Cornélius a Lapide
rangent parmi ceux que Jésus a opérés plus secrètement et sans avoir
directement en vue de se manifester comme le Messie attendu.
Quant aux miracles opérés dans ce dernier but, le Sauveur leur a
donné commencement à Cana, ainsi que cela est expliqué en son lieu
d’après les visions de la manière la plus profonde : mais à vouloir
affirmer que le miracle de Cana fut la première de toutes les
opérations miraculeuses de Jésus, on serait aussi peu croyable, dit
Maldonat, qu’en prétendant que la première instruction de Jésus
après son baptême fut aussi la première qu’il eût jamais faite.
__________________________
(7 juin.) Jésus est allé dans la grotte où Jean fut d’abord conduit
par Elisabeth. Il a passé ensuite une petite rivière que Jean aussi
avait traversée. Je le vis seul et en prières, comme s’il se préparait à
sa carrière de prédication.
(12 juin.) Je vis Jésus dans ces derniers jours aller à l’orient de la
mer de Galilée, entre Pella et la contrée de Gergesa. Il fait de petits
voyages, et partout il se montre secourable. Il va visiter tous les
malades et même les lépreux : il les console, arrange leur couche, les
exhorte à prier, leur indique un régime et des remèdes, et tous
l’admirent. J’ai vu aussi dans un endroit deux personnes qui avaient
connaissance des prophéties de Siméon et d’Anne, et qui lui
demandèrent si c’était de lui qu’il s’agissait. Ordinairement des gens
qui l’avaient pris en affection l’accompagnaient d’un lieu à l’autre.
Les possédés devenaient tranquilles près de lui.
Je l’ai vu cette nuit au bord d’un petit torrent (le Hiéromax) qui
tombe dans le Jourdain au dessous de la mer de Galilée, non loin de
cette montagne escarpée de laquelle, plus tard, il précipita les
pourceaux dans la mer. Au bord du torrent était une rangée de
petites huttes en terre, semblables à des cabanes de bergers ; il s’y
trouvait des gens qui construisaient des bateaux sur le rivage et qui
ne pouvaient pas en venir à bout. Je vis Jésus aller à eux et les
conseiller amicalement ; et je vis apporter des poutres, mettre la
main à leur travail, leur montrer divers procédés à employer, et
pendant le travail les exhorter à la charité et à la patience, etc.
(20 juin.) J’ai vu Jésus plusieurs autres fois depuis que je l’avais
vu sur la rive orientale de la mer de Galilée, mais j’ai toujours tout
oublié. Il revint sur le bord occidental, et je le vis cette nuit dans un
petit endroit composé de maisons dispersées et situé sur un plateau
élevé, entre deux collines, non loin de Capharnaüm, de Magdalum et
de Domna, au nord-est de Séphoris. Il s’y trouvait une synagogue.
Les habitants étaient des gens dont personne ne s’occupait ; toutefois
ils n’étaient pas méchants. Abraham avait possédé là des prairies
pour les bêtes destinées aux sacrifices ; Joseph et ses frères gardaient
leurs troupeaux dans les environs, et c’est dans cette contrée que
Joseph fut vendu.
Le lieu s’appelle Dothaïm et doit être distingué de Dothan, qui est
à environ quatre lieues de Samarie. C’était maintenant un petit
endroit peu habité : mais le terroir était bon, et il s’y trouvait de
nombreux pâturages qui s’étendaient de plain pied jusqu’à la mer de
Galilée. Il y avait là une grande maison, comme une maison de fous,
où demeuraient plusieurs possédés. Ils étaient furieux et se battaient
à outrance lorsque Jésus arriva. Personne ne pouvait en venir à bout.
Jésus entra pour les visiter et s’entretint avec eux.
Alors ils devinrent parfaitement paisibles. Il leur fit une
exhortation, et ils sortirent tranquillement de cette maison pour s’en
retourner chez eux. Les habitants étaient très étonnés de cela, ils ne
voulaient plus laisser partir Jésus et on l’invita à un mariage. J’y ai
vu pratiquer les mêmes usages qu’à Cana. Il n’assista à la fête que
comme un étranger qu’on honore. Il tint des discours bienveillants et
pleins de sagesse, et donna des avis aux fiancés. Ceux-ci dans la
suite, se joignirent aux disciples lors de l’apparition sur le mont
Thebez.
(14 juillet.) Jésus restera encore quelque temps ici ; il ira ensuite
au baptême de Jean. Il se tient principalement chez de vieux juifs
pieux logés dans les murs de Sarepta, qui vivent là par suite d’un vieil
usage, et pour honorer le souvenir d’Elie. Ils se livrent à la
méditation et à l’interprétation des prophéties et prient beaucoup
pour l’avènement du Messie. Jésus leur donne des instructions sur le
Messie et sur le baptême de Jean. Ils sont pieux, mais ils ont
beaucoup d’idées fausses : ils croient, par exemple, que le Messie doit
venir avec une pompe mondaine. Jésus va souvent prier seul dans la
forêt voisine de Sarepta il enseigne dans la synagogue, et s’occupe
aussi à instruire les enfants.
Le jour suivant, la Sœur vit Jésus enseigner dans divers endroits
où il y avait beaucoup de païens il exhortait les juifs à ne pas se mêler
avec les païens. Il y avait là des gens de bien, il y en avait aussi de très
mauvais. ― Jésus n’est accompagné de personne, si ce n’est parfois
de quelques habitants du pays. Je le vois souvent enseigner en plein
air devant des hommes et des femmes, sur de petits tertres ou sous
des arbres.
La saison est telle dans ce pays, qu’il me semble toujours être au
mois de mai, parce que dans ta Terre-Promise les semailles faites
pour la seconde récolte sont en ce moment au même point où elles
sont chez nous au mois de mai. On ne coupe pas ici le blé si près de
terre : on prend la tige avec la main un peu au-dessous de l’épi, et on
la coupe à peu près une coudée plus bas. On ne bat pas le grain : les
petites gerbes sont posées verticalement, et on fait passer dessus un
rouleau placé entre deux bœufs. Le grain est beaucoup plus sec qu’ici
et se détache très-facilement. Cela se fait en plein air, ou bien dans
une grange ouverte de tous côtés, et couverte seulement d’un toit de
paille.
Dans ces derniers jours je vis Jésus aller au nord-est de Sarepta,
dans un endroit peu éloigné du champ de bataille où Ezéchiel, ravi en
esprit, eut la vision dans laquelle il vit les ossements des morts se
ranger en ordre dans une grande plaine, puis se revêtir de nerfs et de
chair, après quoi il vint un souffle qui leur inspira l’esprit et la vie. Il
me fut expliqué que les os qui se rassemblaient et se recouvraient de
chair étaient la figure du baptême de Jean et de son enseignement,
tandis que l’esprit et la vie qui venaient les animer signifiaient la
rédemption de Jésus et la descente du Saint-Esprit.
Jésus consola les habitants de ce lieu qui étaient très-languissants
et très-abattus, et il leur expliqua aussi la vision d’Ezéchiel.
De là il se dirigea encore plus au nord, jusque dans la contrée où
Jean était venu d’abord en sortant du désert. C’est un petit village de
bergers où Noémi résida assez longtemps avec sa fille Ruth. Elle avait
laissé un si bon souvenir, que ces gens en parlaient encore. Plus tard
elle demeura à Bethléem. Le Seigneur prêcha ici avec beaucoup de
chaleur. Le temps approche où il doit se diriger vers le midi, puis se
rendre à Samarie pour son baptême.
Le village des bergers est arrosé par un petit cours d’eau derrière
lequel se trouvait, à une grande élévation, le puits du désert de Jean.
Près de ce puits, le chemin descend à pic vers le champ de bataille
d’Ezéchiel ; on descend là à une grande profondeur : cela rappelle
l’endroit par où Adam et Eve furent chassés du Paradis. Sur leur
chemin les arbres devenaient toujours plus petits et plus rabougris ;
ensuite il n’y avait plus que des broussailles, et tout autour d’eux était
stérile et désolé. Le Paradis était aussi élevé que le soleil, et il
descendit comme derrière une montagne qui parut s’élever devant
lui.
Le Sauveur passa par le chemin que suivit Élie lorsqu’en partant
du torrent de Khrit, il alla à Sarepta. Il revient du village des bergers
à Sarepta. Il enseigne ça et là sur sa route et passe devant Sidon. De
Sarepta il ira bientôt au midi pour son baptême. Il célèbre encore le
sabbat à Sarepta.
(Du 27 au 29 juillet.) Après la clôture du sabbat, Jésus partit de
Sarepta pour se diriger vers la Galilée et Nazareth. Il enseigna ça et
là : en dernier lieu, je le vis enseigner sur une colline. ― Elle dit
encore : Jésus est en route pour Nazareth. Il enseigne ça et là. Il a
quelquefois des compagnons. Quelquefois il erre seul pendant la
nuit. Il marche maintenant les pieds nus ; il a avec lui ses sandales,
qu’il met lors qu’il entre dans un village. ― Il est à présent dans les
vallées qui sont vis à vis du mont Carmel. Il est venu une fois très
près de la route qui va de cette contrée en Egypte mais il s’est
détourné vers le levant. ― Je crois qu’il va à Nazareth, puis à Samarie
et au baptême. Ce voyage durera bien encore deux semaines.
La mère de Dieu, Marie de Cléophas, la mère de Parménas et deux
autres femmes, sont aussi en route pour Nazareth. La maison de
Marie est toujours silencieuse et bien en ordre : je vois la chambre où
Jésus dormait et priait habituellement.
Des femmes de Jérusalem sont aussi en route pour Nazareth : ce
sont Séraphia (Véronique), Jeanne Chusa, encore une autre,
comment s’appelle-t-elle donc ? Et le fils de Véronique qui plus tard
se joignit aux disciples. Ils vont, je crois, pour visiter Marie. Je les ai
déjà vus à l’occasion des voyages annuels à Jérusalem.
Il y a trois endroits où les familles pieuses vont prier tous les ans,
ce que faisaient aussi Joseph et Marie. C’est au temple de Jérusalem,
à Bethléem, près du Térébinthe, à un endroit où l’on célèbre un fait
de l’Ancien Testament, je ne sais plus lequel {18}, et au mont Carmel,
où se trouve aussi un oratoire. ― La famille d’Anne et d’autres
personnes pieuses y passent ordinairement en revenant de
Jérusalem : c’est en général au mois de mai. Il est arrivé là à Élie
quelque chose qui a rapport au Messie.
Je ne m’en souviens pas distinctement à présent : mais je pense
que le prophète eut là la Vision d’une grande figure de femme : c’était
quelque chose qui se rapportait à la sainte Vierge. Il y avait aussi là
une fontaine et une grotte d’Elle où la pierre était tendre : c’était
comme une chapelle. ― Il venait toujours là de temps en temps des
juifs pieux qui priaient pour l’avènement du Messie : il y avait aussi
des anachorètes juifs : il y eut plus tard des ermites chrétiens.
(30 juillet.) J’ai été cette nuit et suis encore aujourd’hui dans la
contrée du mont Thabor : Jésus est dans une petite ville située sur le
revers occidental de la montagne, et il enseigne dans l’école sur le
baptême de Jean. Il a cinq compagnons. Quelques-uns seront plus
tard ses disciples futurs. J’ai su le nom de quelques-uns. J’ai très-
bien vu le pays et toute la montagne.
La Mère de Dieu et les autres femmes sont a Nazareth : il en est de
même de Véronique, qui est partie précédemment de Jérusalem avec
ses compagnes, et qui a pris les saintes femmes à Capharnaüm. Il y a
avec elle Jeanne Chusa, une sœur de la prophétesse Anne, qui est
attachée au service du temple, et un fils de Véronique, qui plus tard
alla en France.
(19 août.) Jésus fut le jour du sabbat dans une école entre
Nazareth et Séphoris. Les saintes femmes de Nazareth étaient
présentes, ainsi que la femme de Pierre et celles de quelques autres
des futurs apôtres. Plusieurs de ceux-ci qui avaient reçu le baptême
de Jean, étaient venus également pour le sabbat. Il n’y avait là que
quelques maisons et une école : cet endroit n’était séparé que par une
borne d’héritage de l’ancienne maison de sainte Anne. Je ne sais plus
si elle était habitée maintenant.
Ceux des futurs apôtres qui étaient venus là pour l’entendre
étaient Pierre, André, Jacques le Mineur et Philippe, tous disciples
de Jean. Philippe était de Bethsaïda, il était assez intelligent et avait à
s’occuper de certains travaux de bureau. Parmi les femmes était
l’épouse d’un frère de la femme de Pierre. Jésus ne séjourna pas dans
cet endroit : il n’y prit pas son repas, il ne fit qu’enseigner. ― Les
apôtres ont vraisemblablement célébré le sabbat dans le voisinage :
car les juifs vont souvent pour le sabbat dans d’autres lieux que celui
de leur résidence ils sont venus en cet endroit parce qu’ils ont appris
que Jésus y était. Jésus ne Leur parla pas en particulier.
(22 août.) Avant hier et hier Jésus enseigna ici. Ce soir aussi, je le
vis enseigner dans la synagogue et exhorter au baptême. Les femmes
se tenaient en arrière, mais dans une tribune élevée. ― Je vis Jésus
enseigner ici dans deux synagogues, l’une plus spacieuse et plus
élevée, l’autre plus petite. Dans la plus grande étaient les pharisiens :
ils étaient mécontents et murmuraient contre Jésus. Les femmes
étaient présentes à cette instruction. ― Dans l’autre synagogue qui
était plus petite, il n’y avait pas de place réservée aux femmes : il y fut
traité amicalement. C’était vraisemblablement l’école des Esséniens.
Un des trois disciples qui allaient avec Jésus en ce temps-là était
fils d’une des trois veuves et s’appelait Eustache. Il était essénien. Je
le vois maintenant sortir d’une grotte du Carmel et aller vers Jésus.
C’est une figure pour me montrer ce qu’il est.
(25 août.) Je vis Jésus bien accueilli ici. Il alla à la synagogue pour
enseigner : beaucoup de personnes étaient venues des environs, pour
l’entendre. Je vis aussi beaucoup d’idiots et de possédés sur le
chemin devant la ville, et sur divers points de la route. Lorsque Jésus
passa, ils redevinrent paisibles et furent délivrés de leurs accès, et je
vis de côté et d’autre des gens qui disaient : « Cet homme doit avoir
un pouvoir semblable à celui des anciens prophètes, pour que ces
malheureux deviennent tranquilles lorsqu’il se montre. » Car ces
gens sentaient qu’il les secourait, quoiqu’il ne leur fît rien, et ils
vinrent à lui dans l’hôtellerie pour le remercier. Il enseigna et exhorta
à aller au baptême de Jean. Il parla cette fois, avec beaucoup de force
tout à fait à la façon de Jean.
(29 août.) Je n’ai vu Jésus dans aucune ville ; pendant tout ce jour,
il enseigna dans une vallée, sous des arbres, à un endroit où
anciennement des esséniens ou des prophètes avaient enseigné. Il y
avait là un siège de gazon élevé, entouré de petits bancs de terre où
l’on pouvait s’asseoir pour écouter. Environ trente personnes se
tenaient autour de Jésus. Le soir, je vis le Seigneur avec ses
compagnons à une lieue de Nazareth, dans le petit endroit avec une
synagogue où il avait été dernièrement avant d’aller à Séphoris. On
l’accueillit très-amicalement. Il fut reçu dans une grande maison
précédée d’une cour. On lui lava les pieds ainsi qu’aux disciples : on
leur prit leurs habits de voyage pour les nettoyer et les battre, et on
leur prépara un repas. Jésus enseigna dans la synagogue. Les
femmes étaient à Nazareth.
(30 août.) Le jeudi 30, je vis Jésus et ses disciples à environ quatre
lieues du précédent endroit, dans une ville de Lévites, appelée Kedès
(I Paralip., VI, 72), ou Kision (Josué, XXI, 28). Quand Jésus arriva
dans ce pays, il était suivi d’environ sept possédés qui proclamaient
sa mission et son histoire encore plus clairement que ceux de
Séphoris. ― Il vint de la ville à sa rencontre de vieux prêtres et des
jeunes gens en longs vêtements blancs ; car quelques-uns de ceux qui
l’accompagnaient, étaient arrivés avant lui à la ville.
Jésus ne guérit pas ici les possédés, et les prêtres les enfermèrent
dans une maison pour qu’ils ne causassent pas de trouble. J’ai su que
Jésus les guérit plus tard, après son baptême. Le Seigneur fut très
bien accueilli ici ; mais comme il voulait enseigner, ils lui
demandèrent quelle mission il avait pour cela, lui, fils de Joseph et
de Marie. J’entendis Jésus répondre d’une manière évasive, que
Celui qui l’avait envoyé, et dont il tirait son origine, se manifesterait
lors de son baptême.
Il dit encore plusieurs choses à ce sujet et touchant le baptême de
Jean sur une hauteur au milieu de la ville ; il y avait là, comme sur la
colline voisine de Thébez, un lieu destiné à l’enseignement, qui
n’était pas tout à fait en plein air, mais sous une tente ou sous un
hangar recouvert de joncs. ― Il y avait à peu de distance plusieurs
autres lieux habités. Elle reconnaît les noms de Késiloth, Césarée,
etc : le Seigneur passa la nuit dans cet endroit.
(31 août.) Jésus traversa aujourd’hui une contrée habitée par des
bergers, où plus tard, après la seconde pâque, si je ne me trompe, il
guérit un lépreux. Il enseigna dans diverses bourgades. ― Le soir,
Jésus vint pour le sabbat à Jezraël, un endroit consistant en divers
groupes de maisons séparés par des jardins, de vieux édifices et
d’anciennes tours. Il y passe une grande route, appelée route Royale.
Plusieurs de ses compagnons l’avaient précédé. Il en était venu trois
avec lui.
Il se trouvait dans cet endroit de stricts observateurs de la loi
juive : ce n’étaient pas des esséniens, on les nommait Naziréens. ―
Ils avaient fait des vœux pour un temps plus ou moins long et
s’abstenaient de certaines choses. Ils possédaient une grande école et
un certain nombre de maisons. Les jeunes gens vivaient en commun
dans une maison, les jeunes filles dans une autre : les gens mariés
faisaient aussi pour un temps assez long vœu de continence, et alors
les hommes couchaient dans une maison voisine de celle des jeunes
gens, les femmes dans la maison des jeunes filles.
Ces gens portaient tous des vêtements gris et blancs. ― Leur
supérieur portait un long vêtement gris, bordé par en bas de fruits et
de houppes blanches, et une ceinture grise avec des lettres blanches :
il avait autour du bras une bande d’étoffe grise et blanche, fort
épaisse et comme tressée ; c’était comme une serviette tordue : il y
avait un bout assez court qui pendait et qui était terminé par des
bouffettes. Cet homme portait en outre un collet ou un petit
manteau, à peu près comme Argos l’essénien, mais qui était de
couleur grise et ouvert par derrière au lieu de l’être par devant. Une
plaque de métal poli était assujettie sur le devant, et on le fermait par
derrière avec des espèces de lacets ou de cordons.
Des morceaux d’étoffe tailladés recouvraient les épaules. ― Ils
avaient un bonnet noir et brillant en forme de bourrelet, avec des
lettres tracées sur le devant : il était surmonté d’un bouton ou d’une
pomme. Ces gens avaient des chevelures et des barbes longues,
épaisses et frisées. ― Je leur trouvais une grande ressemblance avec
un des apôtres, mais je ne savais plus lequel. Enfin, je me rappelai
que saint Paul portait les cheveux comme eux et était habillé de
même, lorsqu’il persécutait encore les chrétiens.
Je le vis aussi plus tard avec des naziréens : il l’était lui-même. Ils
laissaient croître leurs cheveux jusqu’à ce que leur vœu fût accompli ;
alors ils les coupaient et les brûlaient en guise de sacrifice ; ils
sacrifiaient aussi des colombes. L’un pouvait se charger d’accomplir
le vœu de l’autre. ― Jésus célébra le sabbat avec eux. Jezraël est
séparé de Nazareth par des montagnes. Il y a à peu de distance une
fontaine, près de laquelle Saul campa autrefois avec son armée.
JEAN BAPTISE.
(Mai 1821.) Je vis que Jean eut une révélation sur le baptême, et
que par suite de cette révélation, un peu avant de sortir du désert, il
construisit une fontaine à peu de distance des lieux habités.
Avant que Jean eut commencé à creuser cette fontaine, je le vis
devant sa grotte, au côté occidental d’un rocher escarpé. À sa gauche
était un ruisseau, peut-être une des sources du Jourdain, qui prend
naissance dans une grotte au pied du Liban, entre deux montagnes ;
on voit ce ruisseau quand on est tout auprès ; à sa droite était une
place unie, ayant le désert de tous les côtés : c’était là que devait être
la fontaine. Jean avait un genou en terre : sur l’autre, il tenait un long
rouleau d’écorce, sur lequel il écrivait avec un roseau. Un soleil
ardent brillait sur sa tête.
Il regardait le Liban, qui était au couchant par rapport à lui.
Pendant qu’il écrivait ainsi, il fut comme frappé d’immobilité : je le
vis tout absorbé et comme ravi en extase. Je vis debout devant lui un
homme qui, pendant son extase, écrivait et dessinait beaucoup de
choses sur le rouleau. Lorsque Jean revint à lui, il lut ce qui était sur
le rouleau et commença à travailler à la fontaine avec beaucoup
d’ardeur. Pendant qu’il travaillait, le rouleau était par terre,
maintenu avec deux pierres qui le tenaient étendu, et il y regardait
souvent, car tout ce qu’il avait à faire semblait y être indiqué.
À l’occasion de la fontaine et de sa situation, je vis ce qui suit de la
vie du prophète Élie. Le prophète s’était assis tout chagrin, à cause
d’une faute commise dans le désert, et il s’endormit. Alors il vit en
songe un enfant qui le poussait avec un petit bâton, et près de lui une
fontaine dans laquelle il craignait de tomber ; car je le vis, à la suite
du coup, rouler à quelque distance. Je vis ensuite un ange le réveiller
et lui donner à boire. Cela se passa au lieu même où maintenant Jean
creusait la fontaine.
Je connus la signification des diverses couches de terre à travers
lesquelles Jean creusait la fontaine et de tous les travaux qu’il fit
pour l’achever. Tout se rapportait à la dureté et à d’autres mauvaises
qualités du cœur qu’il devait vaincre chez les hommes, afin que la
grâce du Seigneur pût agir sur eux. Je fus informée alors que ce
travail qu’il faisait, ainsi que toute sa vie et toutes ses actions, était
un symbole et une figure ; en tout cela, non-seulement il était instruit
par l’Esprit-Saint de ce qu’il avait à faire, mais encore il faisait
réellement ce que signifiaient ces travaux, parce que Dieu exauçait la
bonne intention qu’il y joignait. C’était le Saint-Esprit qui le poussait
à tout cela, comme les prophètes.
Il enleva le gazon circulairement et creusa avec beaucoup de soin
et d’adresse dans le sol dur et marneux un bassin spacieux, de forme
ronde, qu’il garnit de différentes pierres, excepté au milieu, à
l’endroit le plus profond, où il avait creusé jusqu’à une petite veine
d’eau. De la terre qu’il avait rejetée il fit autour du bassin un rebord
où il y avait cinq coupures. En face de quatre de ces brèches il planta,
à égale distance autour du bassin, quatre tiges minces, dont le haut
était couvert de feuilles vertes.
Elles étaient de quatre espèces différentes et chacune signifiait
quelque chose. Au milieu du bassin, il planta un arbre d’une espèce
particulière avec des feuilles effilées et des bouquets de fleurs en
forme pyramidale avec un fruit à pointe épineuse déjà noué. Cet
arbre, un peu flétri, avait été longtemps devant sa grotte.
Les quatre tiges qui étaient alentour me semblaient être celles
d’arbustes élancés qui portaient des baies. Il en entoura le pied de
terre un peu exhaussée. Lorsqu’en creusant le bassin il fut arrivé à
l’eau, à l’endroit où ensuite l’arbre du milieu fut planté, il creusa une
rigole allant du ruisseau qui était près de sa grotte jusqu’au bassin ;
après quoi je le vis cueillir des roseaux dans le désert, les ajuster les
uns au bout des autres, conduire ainsi l’eau du ruisseau dans le
bassin et recouvrir de terre ce conduit qui pouvait être fermé.
Il avait pratiqué un sentier à travers les broussailles jusqu’à la
brèche qui se trouvait en face, dans le rebord du bassin. Ce sentier
faisait le tour du bassin entre le rebord et les quatre arbres qu’il avait
plantés en face des quatre coupures du rebord, à la coupure qui
formait l’entrée, il n’y avait pas d’arbre. De ce côté seulement la
fontaine était dégagée, des autres côtés elle n’était séparée des
broussailles et des rochers que par le sentier qui en faisait le tour. Il
planta sur les petits tertres de gazon qui étaient au pied des quatre
arbres une plante qui ne m’est pas inconnue. {27}
Je l’aimais beaucoup quand j’étais enfant, et lorsque je la trouvais,
je la plantais dans le voisinage de notre maison. Elle a une tige
grosse, assez élevée, porte des globules d’un rouge brun et elle est
très efficace contre les abcès et les maux de gorge, comme je l’ai
éprouvé aujourd’hui. Il plaça encore à l’entour des plantes de toute
espèce et de petits arbustes.
Pendant tous ces travaux, il regardait de temps en temps sur le
rouleau d’écorce étendu devant lui et prenait ses mesures avec un
bâton : car il me semblait que tout y était indiqué, même les arbres
qu’il plantait. Je me souviens d’y avoir vu figuré l’arbre du milieu ;
j’ai eu aussi la signification de tout cela, mais je l’ai oubliée.
Il travailla ainsi plusieurs semaines et ce ne fut que quand il eut
fini, qu’une petite veine d’eau commença à sourdre au fond du
bassin. L’arbre du milieu, dont les feuilles étaient flétries et
noirâtres, reverdit ; Jean prit dans un vase fait d’un grand morceau
d’écorce d’arbre et enduit de poix aux côtés, de l’eau d’une autre
source qu’il versa dans le bassin. Cette eau venait d’une source {28}
qui avait jailli du rocher près d’un de ses séjours antérieurs, lorsqu’il
avait frappé le rocher avec son petit bâton.
J’ai oublié ce qui avait pu se passer d’important à cette occasion.
J’appris aussi qu’en ce lieu où il avait séjourné antérieurement, il
n’avait pas pu creuser de fontaine, parce que là il n’y avait que le roc
pur ; et cela aussi avait sa signification. Il fit ensuite arriver du
ruisseau dans le bassin autant d’eau qu’il était nécessaire : quand il y
en avait surabondance, elle coulait par les ouvertures sur le sol
environnant et rafraîchissait les plantes.
Je vis ensuite que Jean descendit dans l’eau jusqu’à la ceinture,
saisit d’une main l’arbre du milieu et avec son bâton, qu’il avait
surmonté d’une croix et d’une banderole, frappa dans l’eau de
manière à la faire rejaillir au-dessus de sa tête. Je vis que dans ce
moment il vint sur lui d’en haut une nuée lumineuse et comme une
effusion du Saint-Esprit, et que deux anges parurent au bord du
bassin et lui dirent quelque chose. Je vis cela comme la dernière
chose qu’il fit dans le désert.
En juin 1820, entre autres fragments de la vie de Jean-Baptiste,
elle raconta la vision suivante :
Je le vis une autre fois près d’une fosse desséchée dans le désert.
C’était alors un homme robuste parvenu à l’âge viril. Il paraissait
prier et il descendit sur lui une clarté, comme une nuée lumineuse,
qui me sembla venir de la hauteur où sont les eaux sur la montagne
des prophètes ; c’était comme un courant d’eau lumineuse et
brillante qui tombait sur lui et de là dans le bassin.
Pendant qu’il regardait cette effusion, je ne je vis plus sur le bord
du bassin, mais dans le bassin même ; il était inondé de l’eau
lumineuse, et le bassin en était tout rempli ; je le vis ensuite de
nouveau se tenir sur le bord, comme au commencement. Je ne je vis
pas descendre ni remonter, et je crois que c’était peut-être une vision
qu’il eut pour lui faire connaître qu’il devait commencer à baptiser,
ou bien un baptême spirituel qu’il reçut dans la vision.
J’ai vu la fontaine dont j’ai parlé servir encore après la mort de
Jésus. Lorsque les chrétiens étaient en fuite, on baptisait là des
voyageurs et des malades ; on venait aussi y prier. À cette époque, au
temps de Pierre, la fontaine était entourée d’un mur.
Jésus visite les lieux où s’est arrêtée Marie dans son voyage à
Bethléem et pendant la fuite en Egypte. ― Il va à Maspha, à Dibon,
à Sukkoth, à Béthanie.
(28 septembre.) Jésus, marchant plus vite que Lazare, arriva deux
heures avant lui au lieu où Jean baptisait. Le jour commençait à
poindre lorsqu’il se trouva dans le voisinage de ce lieu, au milieu
d’une troupe de gens qui allaient aussi au baptême. Il faisait route
avec eux et ils ne le connaissaient pas : toutefois ils le regardaient
attentivement, car il y avait en lui quelque chose qui les frappait.
Quand ils arrivèrent, il était tout à fait jour. Une multitude
considérable était rassemblée et Jean prêchait avec beaucoup de feu
sur l’approche du Messie, sur la pénitence et sur ce qu’il devait se
retirer bientôt. Jésus se tenait au milieu de la foule des auditeurs.
Jean eut le sentiment de sa présence ; il le vit et fut rempli d’une joie
et d’une ardeur inaccoutumées : mais il n’interrompit pas son
discours et se mit ensuite à baptiser.
Il avait déjà donné le baptême à plusieurs personnes et il était
environ dix heures lorsque Jésus, confondu dans les rangs des
néophytes, descendit aussi à son tour au réservoir. Alors Jean
s’inclina devant lui et dit : « J’ai besoin d’être baptisé par vous et
c’est vous qui venez à moi ? ». Jésus lui répondit : « Laissez faire, car
il convient que nous accomplissions toute justice, que vous me
baptisiez et que je sois baptisé par vous. »
Il lui dit aussi : « Vous recevrez baptême du Saint-Esprit et du
sang. » Alors Jean l’invita à le suivre à l’île. Jésus répondit qu’il le
ferait, mais qu’alors il fallait porter dans l’autre bassin de l’eau dont
tous avaient été baptisés ; que tous ceux qui étaient ici avec lui
fussent aussi baptisés là et que l’arbre auquel il se tiendrait fût
transplanté plus tard au lieu ordinaire du baptême afin que tous
fissent comme lui.
Le Sauveur suivit donc Jean et deux de ses disciples André et
Saturnin (André était venu ici de Capharnaüm avec les neuf disciples
et compagnons du Seigneur dont il a été parlé plus haut) il se rendit
sur l’île en passant le pont et entra dans une petite tente dressée au
côté oriental de la fontaine baptismale pour qu’on pût s’y déshabiller
et s’y rhabiller. Les disciples vinrent avec lui sur l’île, mais les
hommes se tinrent au bout du pont pendant qu’une grande foule se
pressait sur le rivage. Trois hommes environ pouvaient se tenir sur le
pont à côté les uns des autres : Lazare était l’un de ceux qui se
trouvaient le plus en avant.
La fontaine baptismale était dans une excavation octogone,
descendant en pente douce, au fond de laquelle un rebord également
octogone entourait la fontaine elle-même : celle-ci était en
communication avec le Jourdain par cinq conduits souterrains. L’eau
entourait le rebord tout entier et entrait dans la fontaine par des
brèches qu’on y avait laissées.
Trois de ces coupures étaient visibles au côté septentrional de la
fontaine par où l’eau entrait, les deux autres par où l’eau s’écoulait,
placées au côté méridional, étaient recouvertes, car c’était là le lieu
de la cérémonie et celui par lequel on avait accès à la fontaine : c’est
pourquoi l’on n’y voyait pas l’eau circuler autour du rebord. De ce
côté, des marches recouvertes de gazon conduisaient jusqu’à la
fontaine en descendant la pente de l’excavation qui avait à peu près
trois pieds de hauteur.
Au sud-est, sur le bord de l’eau était une pierre triangulaire d’un
rouge brillant encastrée dans le rebord de la fontaine : un des côtés
était tout contre l’eau et la pointe était tournée vers la terre. Ce côté
du rebord auquel les marches conduisaient était un peu plus élevé
que celui du nord où étaient les trois ouvertures pour laisser arriver
l’eau. Du côté du sud-ouest on descendait par une marche sur l’autre
partie du rebord qui était un peu plus basse et c’était par là
seulement qu’on pouvait y arriver. Dans la fontaine même, devant la
pierre triangulaire, s’élevait un arbre verdoyant à la tige élancée.
L’île n’était pas parfaitement unie, mais un peu plus élevée au
milieu : elle était en partie sur fond de rocher ; il y avait aussi des
places où le sol était moins dur. Elle était couverte de gazon. Au
milieu s’élevait un arbre dont les branches s’étendaient au loin ; les
douze arbres plantés autour de l’île s’unissaient par le sommet aux
branches de cet arbre qui était au centre, et entre ces douze arbres il
y avait une haie formée de plusieurs petits arbustes.
Les neuf disciples de Jésus qui avaient toujours été avec lui dans
les derniers temps descendirent à la fontaine et se tinrent sur le
rebord. Jésus ôta son manteau dans la tente, puis sa ceinture et une
robe de laine jaunâtre, ouverte par devant et qui se fermait avec des
lacets, puis cette bande de laine étroite qu’on portait autour du cou,
croisant sur la poitrine et qu’on roulait autour de la tête la nuit et par
le mauvais temps.
Il lui restait encore sur le corps une chemise brune faite au métier
avec laquelle il sortit et descendit au bord de la fontaine où il l’ôta en
la retirant par la tête. Il avait autour des reins une bande d’étoffe qui
enveloppait chacune des jambes jusqu’à la moitié des pieds. Saturnin
reçut tous ces vêtements et les donna à garder à Lazare, qui se tenait
au bord de l’île.
Alors Jésus descendit dans la fontaine où l’eau lui venait jusqu’à la
poitrine. Il avait le bras gauche passé autour de l’arbre, et il tenait la
main droite sur sa poitrine ; la bandelette qui ceignait les reins était
détachée aux extrémités, et flottait sur l’eau. Jean était debout au
bord méridional de la fontaine : il tenait un plat avec un large rebord,
à travers lequel couraient trois cannelures : il se baissa, puisa de l’eau
et la fit couler en trois filets sur la tête du Seigneur. Un filet coula sur
le derrière de la tête, un autre sur le milieu, le troisième sur le front
et le visage.
Je ne sais plus bien les paroles que Jean prononçait en
administrant le baptême, mais c’étaient à peu près celles-ci : « Que
Jéhova, par les chérubins et les séraphins, répande sa bénédiction
sur toi, avec la sagesse, l’intelligence et la force. » Je ne sais pas bien
si ce furent précisément ces trois derniers mots ; mais c’étaient trois
dons pour l’esprit, l’âme et le corps ; et là dedans était aussi compris
tout ce dont chacun avait besoin pour rapporter au Seigneur un
esprit, une âme et un corps renouvelés.
Pendant que Jésus sortait de la fontaine, André et Saturnin, qui se
tenaient auprès de la pierre triangulaire, à la droite du précurseur,
l’enveloppèrent d’un drap, pour qu’il s’essuyât, et lui passèrent une
longue robe baptismale de couleur blanche {34} ; et, quand il fut
monté sur la pierre rouge triangulaire qui était à droite de la
fontaine, ils lui mirent la main sur les épaules pendant que Jean la
lui mettait sur la tête.
Quand cela fut fait, au moment où ils se préparaient à remonter
les degrés, la voix de Dieu se fit entendre au dessus de Jésus, qui se
tenait, seul, en prière, sur la pierre. Il vint du ciel un grand bruit,
comme le bruit du tonnerre, et tous les assistants tremblèrent et
levèrent les yeux en haut. Une noce blanche et lumineuse s’abaissa,
et je vis au-dessus de Jésus une forme ailée resplendissante, dont la
lumière l’inonda comme un fleuve. Je vis aussi comme le ciel ouvert,
et l’apparition du Père céleste sous sa forme accoutumée, et
j’entendis, dans la voix du tonnerre, ces paroles : « C’est mon Fils
bien-aimé en qui je me complais ».
Jésus était tout inondé de lumière, et on pouvait à peine le
regarder : toute sa personne était transparente ; je vis aussi des anges
autour de lui.
Je vis, à quelque distance, Satan paraître au-dessus des eaux du
Jourdain : c’était une forme noire et ténébreuse, semblable à un
nuage, et, dans ce nuage, je vis s’agiter des dragons noirs et d’autres
bêtes hideuses qui se pressaient autour de lui. Il semblait que,
pendant cette effusion de l’Esprit-Saint, tout ce qu’il y avait de mal,
de péché, de venin dans le pays tout entier, se montrât sous des
formes visibles, et se retirât dans cette figure ténébreuse comme
dans sa source. C’était un spectacle horrible, mais rehaussant l’éclat
indescriptible, la joie et la clarté qui se répandaient sur le Seigneur et
sur l’île.
La sainte fontaine brillait jusqu’au fond, et tout était transfiguré.
On vit alors les quatre pierres sur lesquelles l’arche d’alliance avait
reposé, resplendir joyeusement au fond de la fontaine : sur les douze
pierres où s’étaient tenus les lévites, se montrèrent des anges en
adoration ; car l’esprit de Dieu avait rendu témoignage, devant tous
les hommes, à la pierre vivante et fondamentale, à la pierre angulaire
de l’Eglise, pierre choisie et précieuse, autour de laquelle nous
devons être posés comme des pierres vivantes pour former un édifice
spirituel, un sacerdoce saint, afin de pouvoir offrir à Dieu, par son
fils bien aimé en qui il se complaît, un sacrifice spirituel qui lui soit
agréable.
Cependant Jésus remonta les degrés et se rendit sous la tente
voisine de la fontaine ; Saturnin lui porta ses habits que Lazare avait
gardés, et Jésus s’en revêtit. Il sortit alors de la tente, et, entouré de
ses disciples, il alla sur la partie découverte de l’île, près de l’arbre du
milieu. Pendant ce temps, Jean parlait au peuple, en faisant éclater
sa joie, et il rendait témoignage de Jésus, proclamant qu’il était le
Fils de Dieu et le Messie promis.
Il rappela toutes les promesses faites aux patriarches et aux
prophètes, lesquelles se trouvaient accomplies maintenant ; il parla
de ce qu’il avait vu, de la voix de Dieu que tous avaient entendue, et
déclara qu’il se retirerait bientôt, lorsque Jésus reviendrait ; il dit
encore que l’arche d’alliance s’était reposée en ce lieu, lorsque Israël
avait pris possession de la Terre-Promise, et qu’en ce même lieu,
celui qui était le sceau à l’alliance avait reçu le témoignage de son
Père, le Dieu tout-puissant. Il dit à tous d’aller à lui désormais, et
proclama bienheureux le jour où l’attente d’Israël avait été remplie.
Pendant ce temps, il était encore venu beaucoup de personnes
parmi lesquelles se trouvaient des amis de Jésus ; je vis dans la foule
Nicodème, Obed, Joseph d’Arimathie, Jean Marc et d’autres encore.
Jean invita André à annoncer dans la Galilée que le Messie avait reçu
le baptême. Jésus, déclara simplement que Jean avait dit la vérité ; il
ajouta qu’il allait s’éloigner pour un peu de temps ; qu’ensuite tous
les malades et les affligés pourraient venir à lui ; qu’il voulait les
consoler et les secourir ; jusque-là, ils devaient se préparer, puis il
entrerait dans le royaume que lui avait donné son Père céleste. Jésus
dit cela sous forme de parabole, prenant pour comparaison un fils de
roi, qui avant de prendre possession de son trône, se retire à l’écart,
demande l’assistance de son père, et se recueille, etc.
Il y avait parmi les assistants quelques pharisiens qui
interprétaient ces paroles de la façon la plus ridicule. Ils disaient :
« Il n’est peut-être pas le fils du charpentier, mais l’enfant substitué
de quelque roi, qui maintenant va partir, rassembler ses gens et
entrer à Jérusalem. » Cela leur paraissait étrange et extravagant, etc.
Jean continua, ce jour-là, à baptiser tous les assistants sur l’île,
dans la fontaine baptismale de Jésus. La plupart étaient des gens qui
plus tard se réunirent aux disciples de Jésus. Ils se mettaient dans
l’eau qui entourait le rebord de la fontaine, et Jean, debout sur ce
rebord, les baptisait.
Quant à Jésus, il quitta ce lieu avec les neuf disciples et quelques
autres qui se joignirent à lui ici. Lazare, André et Saturnin le
suivirent. Ils avaient, par son ordre, rempli une outre d’eau de la
fontaine où il avait été baptisé, et ils la portaient avec eux. Les
assistants se jetèrent aux pieds de Jésus, et le supplièrent de rester
avec eux. Il leur promit de revenir et s’en alla.
(11 octobre.) Le 11 octobre, Jésus alla deux lieues plus loin avec ses
disciples, et arriva près d’une ferme qui avait été l’avant-dernier
séjour de Marie avant Bethléem, dont elle pouvait être éloignée
d’environ quatre lieues. Des hommes de cette maison vinrent à sa
rencontre et se prosternèrent devant lui sur le chemin, pour l’inviter
à venir chez eux. On l’y accueillit avec beaucoup de joie. Ces gens
allaient presque journellement à la prédication de Jean et ils savaient
ce qui s’était passé de merveilleux au baptême de Jésus. On lui
prépara un repas et un bain chaud ; ils lui avaient aussi préparé une
belle couche. Jésus enseigna ici comme à l’ordinaire.
La femme qui, trente ans auparavant, reçut ici la sainte Famille,
vivait encore. Elle habitait seule dans le bâtiment principal, ses
enfants demeuraient près de là, et lui envoyaient sa nourriture.
Quand Jésus se fut baigné, il alla visiter cette femme, elle était
aveugle et tout à fait courbée depuis plusieurs années. Jésus parla de
la miséricorde et de l’hospitalité, des œuvres incomplètes et de
l’amour-propre. Il lui représenta le triste état où elle était, comme un
châtiment de péchés de ce genre. Elle fut très-émue, se confessa
coupable, et Jésus la guérit. Il lui prescrivit de se mettre dans l’eau
où il s’était lavé. Alors elle recouvra la vue, et redevint droite et bien
portante. Il lui défendit de parler de cela à personne.
Ces gens lui demandèrent en toute simplicité quel était le plus
grand de lui ou de Jean. Il répondit : « celui auquel Jean rend
témoignage. » Ils parlèrent aussi de l’énergie et du zèle de Jean, puis
de la belle taille et de la robuste apparence de Jésus. Jésus leur dit
que, dans moins de quatre ans, ils ne verraient plus rien d’apparent
en lui, et ne le reconnaîtraient plus, tant ce corps serait défiguré. Il
parla de l’ardeur et du zèle de Jean, le comparant à un homme qui
frappe à la porte de ceux qui dorment avant l’arrivée du maître, à un
ouvrier qui fraye le chemin à travers le désert pour que le roi puisse
passer, à un torrent d’eau qui nettoie le lit du fleuve.
(12 octobre.) Le matin, dès l’aube du jour, Jésus partit avec ses
disciples et une troupe de gens qui s’étaient réunis ici à lui ; il se
dirigea vers le Jourdain, qui pouvait être à trois lieues de distance, si
ce n’est davantage. Le Jourdain coule dans une large vallée qui
s’étend bien à une demi-lieue de chaque côté. La pierre de l’arche
d’alliance, placée dans l’endroit clos de murs où l’on avait célébré la
fête dont il a été parlé, se trouvait à une lieue à peu près en avant de
l’endroit où Jean baptisait, quand on allait directement vers
Jérusalem.
La cabane de Jean, près des douze pierres, était dans la direction
de Bethabara, un peu plus au nord que la pierre de l’arche d’alliance.
Les douze pierres elles-mêmes étaient à une demi-lieue de l’endroit
où l’on baptisait, dans la direction de Galgala. Galgala est sur le côté
occidental de la hauteur à un point où elle s’abaisse un peu.
Du bassin baptismal de Jean, on avait une belle vue sur les deux
rives en amont du fleuve, où la fertilité était très-grande. Le district
le plus renommé par les agréments du paysage, l’abondance des
fruits et la richesse du sol se trouvait au bord de la mer de Galilée ; ici
et ; autour de Bethléem, c’étaient plutôt des champs de blé des
prairies, des plantations de dourra, d’ail et de concombres.
Jésus avait déjà passé la pierre de l’arche d’alliance, et, se trouvant
à un quart de lieue de la cabane de Jean, où celui-ci enseignait, il
passa devant une ouverture de vallée, à un endroit d’où l’on pouvait
voir Jean dans le lointain. Jésus ne fut en vue du précurseur que
pendant deux minutes. Mais Jean fut saisi de l’esprit. Il montra Jésus
du doigt et s’écria : « Voici l’agneau de Dieu, qui efface les péchés du
monde, etc. » Jésus passa outre ; ses disciples étaient en groupes
séparés, en avant et en arrière. La troupe qui s’était adjointe à lui en
dernier lieu, venait ensuite. On était au commencement de la
matinée. Beaucoup de personnes ayant entendu les paroles de Jean
coururent de ce côté, mais Jésus était déjà passé. Ils le suivirent de
leurs acclamations, mais ils ne lui parlèrent pas autrement.
Lorsque ces gens revinrent, ils dirent à Jean qu’il allait bien du
monde avec Jésus. Ils avaient aussi entendu dire que ses disciples
avaient déjà baptisé ; qu’allait-il advenir de tout cela ? Jean leur
répéta encore une fois qu’il quitterait bientôt ce lieu pour faire place
à Jésus, car il n’était que le précurseur et le serviteur. Cela ne plaisait
pas beaucoup à ses disciples ; ils étaient un peu jaloux des disciples
de Jésus.
Jésus dirigea sa marche vers le nord-ouest, laissa Jéricho à droite,
et alla vers Galgala, qui était à environ deux lieues de Jéricho. Sur
son chemin, il s’était arrêté dans plusieurs endroits, où les enfants
l’accompagnaient en chantant des cantiques de louange, ou bien
couraient dans les maisons pour faire venir leurs parents.
On appelait Galgala toute la plaine située à une certaine élévation
au-dessus du niveau de la vallée du Jourdain, et elle est entourée
dans une circonférence de cinq lieues, de ruisseaux qui vont se jeter
dans le fleuve. Mais l’endroit nommé Galgala, dont Jésus s’approcha
avant le soir, s’étend sur une longueur d’environ une lieue dans la
direction de la contrée où séjournait le précurseur. Les maisons sont
disséminées et il y a des jardins dans les intervalles.
Jésus entra d’abord en avant de la ville, dans un lieu considéré
comme saint, où l’on menait les prophètes et les docteurs renommés.
Ce fut là que Josué communiqua aux enfants d’Israël quelque chose
que Moïse, avant de mourir, avait fait connaître à Eléazar et à lui.
C’étaient six malédictions et six bénédictions. La colline où les
Israélites furent circoncis était voisine de ce lieu et entourée d’un
mur.
Je vis à cette occasion la mort de Moïse. Il mourut sur une petite
colline escarpée, qui est au milieu des montagnes de Nébo, entre
l’Arabie et Moab. Le camp des Israélites s’étendait au loin à
l’entoure : seulement quelques postes s’avançaient dans la vallée qui
tournait autour de la colline. Cette colline était toute recouverte
d’une plante verte comme le lierre, qui venait en touffes assez
semblables à celles du genévrier. Moïse s’en servait pour s’aider à
monter. Josué et Eléazar étaient près de lui. Je ne sais plus bien tout
ce qui se passa là. Je crois qu’il eut une vision de Dieu que les autres
ne virent pas.
Il donna à Josué un rouleau où étaient écrites six malédictions et
six bénédictions, qu’il devait faire connaître au peuple lorsqu’il serait
entré dans la Terre-Promise. Ensuite, les ayant embrassés, il leur
ordonna de se retirer sans regarder derrière eux. Alors il se mit à
genoux les bras étendus, et il tomba mort sur le côté. Je vis la terre
s’ouvrir pour ainsi dire sous lui, et se refermer après l’avoir reçu
comme dans une belle sépulture. Lorsque Moïse apparut sur le
Thabor au moment de la transfiguration de Jésus, je le vis venir de
cet endroit. Josué lut au peuple les six bénédictions et les six
malédictions.
Plusieurs amis de Jésus étaient venus l’attendre ici ; c’étaient
Lazare, Joseph d’Arimathie, Obed, le fils d’une des veuves de
Nazareth, et d’autres encore. Il y avait ici une hôtellerie. On lava les
pieds au Seigneur et ses compagnons, et on leur offrit quelque chose
à manger.
Jésus fit une instruction devant une grande foule d’auditeurs,
parmi lesquels il y en avait plusieurs qui voulaient aller au baptême
de Jean ; c’était près du bras du fleuve, où l’on avait ménagé, contre
la rive qui s’élevait en terrasse et qui était coupée par des marches,
un emplacement pour se baigner ou faire ses ablutions. Un pavillon
était étendu au-dessus, et il y avait à l’entour des jardins d’agrément
avec des arbres, des massifs de verdure et du gazon. Saturnin et, je
crois, deux autres disciples auxquels Jean se joignit, baptisèrent ici
après une instruction de Jésus sur le Saint Esprit. Il parla de ses
divers attributs, et dit à quels signes on pouvait reconnaître qu’on
l’avait reçu.
Le baptême de Jean était précédé d’une exhortation générale à la
pénitence, puis d’une protestation de repentir et d’une promesse de
ne plus pécher. Au baptême de Jésus, il n’y avait pas seulement
confession des péchés en général, mais chacun s’accusait à part et
confessait ses vices dominants, puis Jésus adressait des exhortations
et disait souvent leurs péchés en face à ceux que l’orgueil ou la
mauvaise honte retenait, afin de les porter par là à la contrition.
Jésus enseigna encore sur le passage du Jourdain et sur la
circoncision qui avait eu lieu ici, ajoutant que le baptême s’y donnait
maintenant pour ce motif, afin qu’il opérât la circoncision du cœur
chez ceux qui le recevaient ; il parla aussi de l’accomplissement de la
loi, etc.
Ceux qu’on baptisait ici n’entraient pas dans l’eau ; ils courbaient
seulement la tête au-dessus ; on ne les revêtait pas non plus d’une
robe baptismale, on se bornait à leur mettre un drap blanc sur les
épaules. Les disciples n’avaient pas une écuelle avec trois rainures
comme Jean, mais ils puisaient trois fois avec la main dans un bassin
placé devant eux Jésus avait béni l’eau et y avait versé de celle de son
baptême. Lorsque les baptisés, qui étaient bien au nombre de trente,
sortirent de là, ils étaient très-émus et très-joyeux, et disaient qu’ils
sentaient bien maintenant qu’ils avaient reçu le Saint-Esprit.
Jésus alla à Galgala pour le sabbat, suivi des acclamations de la
foule.
Le jour du sabbat, je vis Jésus, accompagné d’une suite
nombreuse, aller à la synagogue de Galgala. Elle était située dans la
partie orientale de la ville, du reste, très-grande et très-ancienne. Elle
était en forme de carré long, avec des pans coupés : par conséquent,
elle était plutôt octogone. Elle avait trois étages où étaient des écoles
placées l’une au-dessus de l’autre. Autour de chaque étage régnait
une galerie extérieure, et les escaliers montaient au dehors le long
des murs. Au-dessus, dans les pans coupés de l’édifice, se trouvaient
des niches dans lesquelles on pouvait se tenir et d’où l’on voyait à
une grande distance autour de soi.
La synagogue était dégagée de deux côtés et bordée de petits
jardins. Devant l’entrée étaient un vestibule et une chaire, comme au
temple de Jérusalem. Elle était précédée d’une cour antérieure avec
un autel en plein air où on avait sacrifié autrefois : il y avait aussi des
places couvertes pour les femmes et les enfants. On retrouvait là les
traces de toute une organisation semblable à celle du temple ; on
voyait que l’arche d’alliance y avait séjourné et qu’on y avait sacrifié.
Dans l’école d’en bas, où tout était particulièrement bien disposé,
il y avait, à l’extrémité qui correspondait à l’emplacement du Saint
des Saints dans le temple, une colonne octogone autour de laquelle
étaient des tablettes avec des rouleaux d’écritures. Plus bas s’étendait
une table qui entourait la colonne, et au-dessous se trouvait un
caveau ou l’Arche d’alliance avait reposé. Je ne sais pas si cette
colonne était déjà là à cette époque : je crois qu’elle fut placée plus
tard pour indiquer la sainteté de ce lieu qui était encore révéré. Cette
colonne était d’une belle pierre blanche polie.
Jésus enseigna dans l’école d’en bas, devant le peuple, les prêtres
et les docteurs. Il dit, entre autres choses, que le royaume promis
avait d’abord été fondé ici, qu’on y avait pratiqué plus tard une
idolâtrie abominable, si bien qu’il s’y trouvait à peine sept justes.
Ninive était cinq fois plus grande, et il n’y avait que cinq justes.
Galgala avait été épargnée par Dieu ; mais maintenant il ne fallait
pas qu’ils repoussassent la promesse d’un envoyé de Dieu au
moment où elle s’accomplissait ; il fallait faire pénitence et renaître
par le baptême, etc. Il ouvrit alors les écrits qui étaient devant la
colonne, et y lut des textes qu’il commenta.
Il enseigna ensuite les jeunes gens au second étage, et puis les
enfants au troisième. Etant descendu, il enseigna encore les femmes,
sous une halle qui était sur la place, et il s’entretint ensuite avec les
jeunes filles. Il traita ici de la chasteté et de la discipline, de la
curiosité qu’il fallait surmonter, de la décence dans les habillements,
dit qu’il fallait cacher sa chevelure et porter un voile sur la tête, au
temple et à l’école. Il parla de la présence de Dieu et de celle des
anges dans les lieux sanctifiés, et dit que les anges eux-mêmes
voilaient leur visage.
Il dit encore qu’au temple ou à l’école, ils étaient présents parmi
les hommes ; il expliqua en outre pourquoi les femmes devaient avoir
la tête voilée. Je l’ai oublié. Jésus fut très-affectueux envers les
enfants : il les bénit et les prit dans ses bras : ils montraient
beaucoup de penchant pour lui. Sa présence ici causa en général
beaucoup de satisfaction et de joie ; lorsqu’il quitta l’école, le peuple
faisait entendre devant lui et derrière lui des acclamations dont le
sens était à peu près celui-ci : « Que la promesse s’accomplisse,
qu’elle reste avec nous, qu’elle ne nous quitte pas. »
Le 14, après que Jésus eut enseigné à Galgala, on voulait lui
amener des malades, mais il s’y refusa, disant que ce n’était pas le
lieu ni le moment, qu’il devait s’en aller, qu’il était appelé ailleurs.
Lazare et les amis de Jérusalem étaient retournés chez eux. Il fit dire
à la sainte Vierge en quel endroit il irait la trouver avant de s’en aller
au désert, je crois que c’était à Corozaïm. Les saintes femmes
n’étaient plus à Thébez, elles étaient déjà en route pour l’endroit où
elles devaient se rencontrer avec Jésus. Mais elles n’allèrent pas à
Capharnaüm, parce qu’on y tenait beaucoup de propos sur leurs
fréquents voyages.
Le 29, elle dit : J’ai vu aujourd’hui Jésus tout épuisé de ses luttes
et plongé dans la tristesse, en considérant la grandeur des pertes et
l’inutilité de ses efforts pour le salut d’un bien grand nombre
d’hommes.
(27 décembre.) Capharnaüm n’est pas tout contre le lac, mais sur
la hauteur, sur le côté méridional d’une montagne qui forme une
vallée au couchant du lac, à l’endroit où le Jourdain s’y jette.
Bethsaïde est un peu au-dessus de l’entrée du Jourdain dans le lac.
Aujourd’hui Jésus accompagné d’André, de Saturnin et de quelques
autres disciples de Jean, alla de la maison de pêcheur voisine de
Tarichée à Capharnaüm, ils cheminaient par groupes séparés.
Ils prirent à l’est de Magdalum la route voisine du lac, arrivèrent
par la vallée devant Capharnaüm et laissèrent Bethsaïde à droite.
André rencontra en chemin son demi-frère Jonathan et Philippe qui,
je crois, étaient venus au-devant de lui par suite de son message.
Toutefois ils ne se réunirent pas à Jésus sur ce chemin. Ils allèrent
avec André en avant ou en arrière de Jésus, ce dont je ne me
souviens plus bien. J’entendis seulement André leur parler d’un ton
très-animé et pour raconter tout ce qu’il avait vu de Jésus : il leur dit
que c’était vraiment le Messie, que, s’ils voulaient le suivre, ils
n’avaient pas besoin de le lui demander, qu’ils devaient seulement
s’examiner pour savoir s’ils le désiraient du fond du cœur, et qu’alors
il indiquerait par un signe ou par un mot s’il les admettait.
Les saintes femmes et Marie n’étaient pas à Capharnaüm, mais
chez Marie, dans la vallée qui est en avant de Capharnaüm en face du
lac, et elles y célébraient la fête. Les fils de Marie de Cléophas,
Jacques le Majeur, Jean son frère et Pierre étaient déjà arrivés là de
Gennabris, comme aussi les fils des trois veuves et d’autres futurs
disciples. Khased (Nathanaël), Thomas, Barthélémy et Matthieu
n’étaient pas là. Il s’y trouvait du reste plusieurs autres parents et
amis de la sainte Famille, qui tous étaient invités à Cana pour les
noces et qui célébraient ici le sabbat parce qu’ils avaient entendu
parler de l’arrivée de Jésus.
Jésus logeait avec André, Saturnin, quelques disciples, Lazare et
Obed, dans une maison qui appartenait à Nathanaël le fiancé. Il y
avait sur le devant une salle ouverte : les appartements étaient sur le
derrière. Les parents de Nathanaël ne vivaient plus : ils lui avaient
laissé du bien. Cette maison lui appartenait et il y résidait quand il
avait des affaires à Capharnaüm.
Les futurs disciples venus de Gennabris se tenaient encore à
distance avec une certaine crainte ; car d’une part, ils hésitaient entre
l’autorité qu’avait auprès d’eux le jugement de Nathanaël Khased, et
les grandes choses qu’André et les autres disciples de Jean leur avait
dites de Jésus. D’autre part la timidité les retenait et aussi ce
qu’André leur avait dit, qu’ils n’avaient pas besoin de s’offrir, qu’ils
devaient seulement écouter ses enseignements qui ne manqueraient
pas de produire sur eux leur effet. Les fils de Cléophas, ceux qu’on
appelait les frères de Jésus, allèrent le trouver. Il enseigna et parla
dans la salle antérieure.
L’homme qui avait attendu Jésus pendant deux jours, vint le
trouver ici. Il se jeta à ses pieds et dit qu’il était le serviteur d’un
homme de Cadès. Son maître suppliait Jésus de venir guérir son petit
garçon qui avait la lèpre et qui était possédé d’un démon muet. Cet
homme était un serviteur très-fidèle et il exprima la douleur de son
maître en homme qui prenait une grande part. Jésus lui répondit
qu’il ne pouvait pas aller avec lui, qu’il fallait pourtant venir en aide à
ce petit garçon, car c’était un enfant innocent.
Il dit au serviteur qu’il fallait que son maître se couchât sur son fils
les bras étendus et fît une certaine prière ; qu’alors la lèpre se
retirerait de lui : que lui, le serviteur, devait après cela s’étendre à
son tour sur l’enfant et lui souffler dans la bouche : qu’alors une
vapeur bleuâtre sortirait de l’enfant qui recouvrerait la faculté de
parler. J’ai oublié ce qu’il lui dit de plus, mais j’ai vu le père et le
serviteur guérir l’enfant de la manière indiquée.
L’ordre était donné au père et au serviteur de s’étendre sur l’enfant
malade pour certaines raisons cachées dont je ne me souviens plus
bien clairement. Cet enfant n’était pas né d’une union légitime ; il
semblait qu’il fût le fils du serviteur et de la femme de son maître,
sans que celui-ci le sût. Mais Jésus le savait. Chacun d’eux devait
prendre une dette de l’enfant. Je ne puis pas expliquer cela
clairement, non plus que la manière mystérieuse dont cela se fit.
La ville de Cadès {43} était à environ six lieues au nord de
Capharnaüm, près des confins de Tyr, à l’ouest de Panéas : c’était
une ancienne capitale des Chananéens, et maintenant une ville libre
où des gens poursuivis par la justice se réfugiaient. Elle confinait à
un pays appelé Kaboul qui avait été donné par Salomon au roi des
Phéniciens. Ce pays m’apparaît ordinairement avec quelque chose de
sombre, d’obscur et de sinistre, et j’ai toujours vu Jésus l’éviter
quand il allait du côté de Tyr et de Sidon. Je crois qu’il s’y commettait
beaucoup de vols et d’assassinats.
Noces de Cana.
(Du 31 décembre au 5 janvier 1822.)
(31 décembre.) Jésus logea avec ses disciples les plus intimes, et
notamment avec ceux qui plus tard furent ses apôtres, dans une
maison à part où Marie avait aussi logé lors de son premier séjour.
Cette maison appartenait à la tante du fiancé, laquelle était fille de
Sobé, sœur de sainte Anne. C’était l’une des trois veuves dont il a été
parlé plusieurs fois : celle d’entre elle qui avait trois fils. Pendant
toute la cérémonie elle tint la place de la mère du fiancé.
Ce jour-là tous les autres conviés des deux sexes arrivèrent : tous
les parents de Jésus vinrent de Galilée. Jésus seul amena vingt-cinq
de ses disciples. Le mariage était regardé par lui comme une affaire
qui le touchait personnellement, et il s’était chargé des frais d’une
partie des fêtes qui devaient l’accompagner. C’était pour cela que
Marie était allée si tôt à Cana où elle aidait à faire les préparatifs.
Entre autres choses, Jésus s’était chargé de fournir tout le vin pour
les noces : voilà pourquoi Marie lui dit avec tant de sollicitude que le
vin manquait.
Quoique Jésus, âgé de douze ans, lors du banquet donné aux
enfants chez sainte Anne après son retour du temple, eût dit au
fiancé, après quelques paroles mystérieuses sur le pain et le vin, qu’il
assisterait un jour à ses noces, cet événement avec sa haute et
mystérieuse signification, a pourtant aussi ses causes extérieures,
prises en apparence dans la marche ordinaire des choses. Il en est de
même de la part prise par Jésus à ces noces.
Marie avait déjà envoyé plusieurs messagers à Jésus pour le prier
de venir à ces noces : on tenait, ainsi qu’il arrive fréquemment parmi
les hommes, des propos contre Jésus dans sa famille et parmi ses
connaissances : sa mère, disait-on, était une veuve délaissée : il
courait à droite et à gauche dans le pays et ne s’inquiétait pas d’elle ni
de sa famille.
C’est pour cela qu’il voulut venir à ces noces avec ses amis et faire
honneur à ce mariage. C’est pourquoi aussi il avait fait venir Marthe
et Lazare pour aider Marie dans ses arrangements, et Lazare faisait
cette partie des frais dont Jésus s’était chargé, ce qui n’était su que de
Jésus et de Marie, car le Sauveur avait une grande confiance dans
Lazare ; il acceptait volontiers ses dons, et celui-ci de son côté était
heureux de tout donner.
Jésus s’était chargé de fournir une partie du festin, c’était un
second service composé de plats recherchés, de fruits, d’oiseaux et
d’herbes de toute espèce. Il avait été pourvu à tout cela. Je vis aussi
Véronique arriver de Jérusalem et porter à Jésus une corbeille
remplie de fleurs magnifiques et toute espèce de sucreries
artistement préparées.
Le père de la fiancée était un homme aisé, il dirigeait une grande
entreprise de transports ; il avait le long de la grande route des
magasins, de vastes hôtelleries et des étables pour les caravanes, et il
employait beaucoup de monde.
Ces jours-ci, Jésus s’entretint souvent en particulier avec les
disciples qui furent plus tard ses apôtres et qui étaient logés dans la
même maison que lui. Les autres disciples n’étaient pas présents à
tout ce qu’il leur disait. Ils se promenaient beaucoup dans les
environs ; alors Jésus faisait différentes instructions aux disciples et
aux conviés, et les futurs apôtres communiquaient à leur tour aux
autres les enseignements qu’ils avaient reçus de lui.
Ces promenades que faisaient les conviés donnèrent plus de
facilité pour faire les préparatifs de la fête sans dérangements :
cependant plusieurs disciples et Jésus lui-même étaient souvent
dans la maison et s’occupaient à disposer ceci ou cela, d’autant plus
que plusieurs d’entre eux devaient avoir quelque chose à faire dans la
cérémonie nuptiale.
Jésus voulait à cette fête se faire connaître de tous ses parents et
amis : il voulait que tous ceux qu’il avait choisis jusqu’alors fissent
connaissance entre eux et avec les siens, ce à quoi se prêtait la grande
liberté de rapports qui s’établit dans une fête.
Les noces commencent le soir du troisième jour après l’arrivée de
Jésus. Les épousailles doivent avoir lieu le mercredi matin. Les fêtes
de la dédicace du temple finissent ce soir.
{1} Peut-être y aurait il lieu de faire quelques réserves à propos de la comparaison établie
par l'écrivain allemand entre Anne-Catherine Emmerich et Marie d'Agreda, quoique ses
critiques, si l'on y regarde bien, ne tendent en rien à diminuer la vénération due à la sainte
religieuse espagnole, et s'adressent surtout à la traduction française, fort défectueuse en
effet, de la Cité mystique de Dieu.
{2} Dans un avant propos qui précède la seconde partie de la vie de N. S. J. C., l'éditeur
allemand a répondu aux principales objections qu'ont fait naître certains passages de la
première partie. La traduction de cette réponse sera mise en tête du tome troisième, qui ne
tardera pas à paraître. Du reste, l'approbation que Mgr l'évêque de Limbourg, l'un des
plus illustres champions de l'indépendance de l'Eglise en Allemagne, a bien voulu donner à
tous les volumes publiés jusqu'à présent, est une garantie suffisante qu'il ne s'y trouve rien
de sérieusement attaquable au point de vue de l'orthodoxie.
{3} C'est le nom que Clément Brentano se donne ordinairement dans son journal, ce qui
fait qu'on continue ici à le designer de cette manière.
{4} Dans son grand ouvrage de servorum Dei beatificatione. lib. m, c. 51, 52 et 53.
{5} Acta Sanctorum 17 septembris.
{6} Alban Stolz s'exprime ainsi dans le récit de son séjour à Jérusalem. Pendant que nous
faisions le chemin de la Croix, le père Wolfgang nous dit qu'il résidait à Jérusalem depuis
six ans et qu'il avait fait des saints lieux l'objet de ses études. À cette occasion ; il avait
consulté le livre bien connu d'Anne-Catherine Emmerich : la douloureuse passion, et il n'y
avait encore rien trouvé qui fut en contradiction avec la topographie réelle de la ville
sainte. J'ajouterai que feu le docteur Hug qui, comme tout le monde le sait, n'étendait pas
plus loin qu'il ne faut le domaine de la foi, disait un jour dans une de ses leçons : « Il est
étrange que la religieuse de Dulmen décrive avec tant de vérité et d'exactitude les lieux
témoins de la Passion du Christ : ses dires concordent parfaitement avec les descriptions
données par Flavius Josèphe. » Visite chez Sem, Cham et Japhet par Alban Stolz.
{7} Gœrrès dit à ce sujet : « L'extase n'a pas pu la préserver du faux goût de son temps. Le
mauvais style italien qui commençait à régner dans les églises, s'était répandu au delà des
Alpes comme une maladie contagieuse et l'Espagne en avait été atteinte comme les autres
pays : il a aussi trouvé entrée dans le livre de Marie d'Agreda. L'élégance empesée,
l'enflure et la fausse emphase le déparent trop souvent et les longues moralités qui figurent
à la fin de chaque chapitre le rendent encore plus prolixe. » Mystique, t. II, p. 352.
{8} Vraisemblablement le vase contenant le saint mystère de l'arche d'alliance, sur lequel
beaucoup de détails seront communiqués dans les visions relatives à la bénédiction des
patriarches et à l'arche d'alliance.
{9} En août 1821, un médecin qui était enlacé dans les liens magiques d'une somnambule
vint à Dulmen, dans l'idée qu'il trouverait une ressemblance entre celle-ci et Anne-
Catherine. Mais la Sœur rejeta toutes les communications de la somnambule comme
chimériques et illusoires : le docteur ne se laissa pas persuader ; il échappa toujours à
Anne-Catherine comme un homme ensorcelé. Elle eut alors une vision touchant la
somnambule et vit que ni elle ni le docteur n'avaient de mauvaises intentions, mais que
Satan les retirait tous deux du droit chemin par les prestiges du somnambulisme. Elle vit
que le docteur filait un fil sortant de la somnambule, que celle-ci y faisait un nœud et que le
docteur l'avalait. Elle vit qu'il y avait dans son intérieur un nuage sombre, que rien en lui
ne prenait d'accroissement et que tout restait sans mouvement : que cependant il lui venait
souvent à l'esprit qu'il avait quelque chose à vomir.
{10} Les roses et les fleurs sont toujours chez Anne-Catherine les symboles ; de grandes
souffrances.
{11} C'est-à-dire qu'elle possédait la force de surmonter le dégoût pour l'amour de Dieu :
car Anne-Catherine, malgré son humble condition et sa pauvreté, avait un sentiment si
extraordinairement délicat, touchant la pureté et la propreté extérieure, que tous ses sens
se révoltaient quand il se trouvait près d'elle quelque chose de sale ou qui répandit une
mauvaise odeur. Il devait donc lui être très pénible de sucer des plaies, mais sa charité
surmontait tout.
{12} Acta sanctorum. 14 aprilis, c. 5.
{13} Comme Anne-Catherine désignait ordinairement le Saint Père sous le nom du berger,
elle appelait les cardinaux et les prélats des valets de bergers ou valets en chef. Celui dont il
est ici question est della Genga, qui fut plus tard Léon XII.
{14} Sailer fit sa première visite à Anne-Catherine dans l'automne de 1818. Il en parla ainsi
à Kellermann, alors majordome de la maison de Stolberg. Elle est extrêmement réservée
sur tout ce que Dieu lui communique dans ses visions : c'est l'humilité même. La candeur et
la simplicité qu'elle met dans ses récits sont déjà, à elles seules, ses meilleures et ses plus
sûres lettres de créance. (Extrait d'un manuscrit de Kellermann).
Anne-Catherine parlant plus tard au docteur Wesener de la visite de Sailer, lui dit qu'elle
en avait retiré beaucoup de consolation et un grand profit pour son âme. (Extrait du
journal de Wesener.)
{15} C'était le 28 octobre 1818 qu'elle avait fait la première ouverture à ce sujet : « Je vais
vous faire plaisir, dit-elle, j'ai rêvé une fois que deux hommes bruns venaient me voir : ils
parlaient autrement qu'on ne fait ici : ils me montraient beaucoup d'amitié et de confiance
et restèrent très longtemps avec moi. Je crus que c'étaient des Juifs. Le pèlerin ajoute :
« C'étaient Christian et Clément. »
{16} Les commentateurs les plus autorisés de l'Ecriture admettent également que ce ne fut
pas dans sa douzième année que Jésus alla à Jérusalem pour la première fois.
{17} Que le lecteur ne s'étonne pas de voir le Sauveur dans son enseignement toucher à des
objets qui y semblent si étrangers. De ce nombre sont précisément ces sciences qui ont le
plus souvent pour résultat de faire pécher l'homme par orgueil, si bien qu'au lieu de le
conduire à Dieu, elles l'en éloignent et le précipitent dans des ténèbres de plus en plus
épaisses. Lors donc que le Sauveur daigne s'en occuper dans son enseignement, il présente
une expiation pour cette sorte d'orgueil et de présomption, et montre en même temps quel
doit être le point de départ et le but de toute science pour qu'elle puisse être mise au service
de Dieu et devenir par là méritoire.
Remarquons ici une fois pour toutes, ce qui n'échappera pas au lecteur attentif, que,
d'après les visions, les actes et les opérations du Sauveur suivent un ordre progressif
merveilleux. Ainsi, par exemple, de même que le Dieu fait homme passe, afin de tout expier
et de tout sanctifier, par tous les degrés de l'âge et du développement humain jusqu'à la
parfaite virilité, se soumettant lui-même à l'ordre sous lequel, comme législateur suprême,
il a placé l'homme ; de même aussi il révèle d'une manière correspondante à cet ordre les
mystères de son action rédemptrice et acquiert sur chaque degré de nouveaux mérites
d'une valeur infinie pour le salut de tous. Si donc le lecteur rencontre quelque chose qui lui
paraisse d'abord difficile à concevoir, l'étude comparée des détails lui donnera une vue de
l'ensemble où les difficultés disparaîtront.
{18} La narratrice croit qu'il s'agit de Maraha, nourrice d'Abraham, dont il sera parlé plus
au long ailleurs.
{19} Ce ne fut que le 11 septembre, qu'elle dit le nom de ce lieu, Kimki. Parmi les noms
d'hommes elle pouvait penser entre autres à Chamaam; Kimean ou Kimhan, (II Reg. XIX,
37, etc.)
{20} On montre aujourd'hui la montagne du précipice à une demi-lieue au midi de
Nazareth. Nazareth doit donc avoir changé de place, ou bien l'indication donnée par la
Sœur est peu précise.
{21} Il y a plus de détails à ce sujet dans les visions relatives à la bénédiction des
patriarches et au mystère de l'arche d'alliance.
{22} Les récits intercalés ici sur la fuite en Egypte, la vie en Egypte le massacre des
Innocents, le retour d'Egypte, etc., ont été placés dans la vie de la sainte Vierge.
{23} C'est ainsi qu'elle prononça ce nom.
{24} Tout cela se trouve rapporté dans les visions relatives à la vie de la sainte Vierge.
{25} Il est à remarquer, à propos de ces explications, qu'elle commença en juillet 1820, par
la troisième année, le récit de la prédication de Jésus, qui fut continué jusqu'à son
ascension, tandis que le récit de la première année commença en 1821, pour arriver, lors
de la mort, en 1824, au point d'où elle était partie en 1820. De là vient qu'en plusieurs
endroits elle fait mention d'événements postérieurs.
{26} Cet incident est raconté en détail dans la vie de la sainte Vierge.
{27} Sur un dessin qu'on lui montre, elle reconnaît cette plante pour le telephium
purpureum ou sedum Linnoei, (Vulg : Orpin, ou herbe à la coupure). Elle en parla comme
d'un remède contre les ulcères scrofuleux, intérieurs et extérieurs, spécialement au cou.
Bouillie avec de la marjolaine dans de l'eau et du vin, et appliquée comme cataplasme, elle
résout les ulcères invétérés : on en fait aussi des gargarismes pour le mal de gorge.
{28} Ne serait ce pas cette source qu'étant enfant, il avait fait jaillir avec son bâton,
lorsqu'il avait vu dans une vision Jésus souffrir de la soif pendant la fuite en Egypte ?
{29} On lira plus bas une autre description plus détaillée de cet endroit.
{30} Marie, la Vierge très pure, conçue sans péché, n'avait pas besoin du sacrement de la
régénération, mais elle le voulut afin de recevoir comme mère de tous les régénérés les
sacrements de la nouvelle alliance, ainsi qu'elle avait fait auparavant ceux de l'ancienne, et
afin d'avoir dans sa gloire suprême le caractère indélébile du sacrement de baptême.
{31} Ce Bethabara est le même lieu qui est appelé Béthanie au delà du Jourdain, dans Saint
Jean, 1, 28.
{32} La narratrice communiqua l'apparition de l'île du baptême comme ayant eu lieu
avant la fête de trois jours : mais l'éditeur l'a placée ici parce qu'elle se lie à ce qui suit
immédiatement
{33} Peut-être le séjour de Jean en ce lieu fut-il cause qu'elles furent remises au jour ou
restaurées plus tard : saint Jérôme notamment raconte que sainte Paule étant allée à
Galgala, y avait vu ces pierres. Eusèbe aussi en fait mention dans son Onomasticon à
l'article Galgala, comme existant encore de son temps. Quelques Pères de l'Eglise croient
que lorsque Jean Baptiste dit aux pharisiens : « Dieu peut de ces pierres susciter des
enfants à Abraham, » il leur montra ces mêmes pierres. Jean Moschus, dans la vie des
anciens Pères, livre II, chapitre XI, dit que l'abbé Agiodule avait obtenu de Dieu la grâce de
voir les douze pierres érigées dans le Jourdain.
{34} Auparavant on ne mettait sur les baptisés qu'un drap blanc de petite dimension, mais
à partir du baptême de Jésus, on en employa un plus grand.
{35} Cette tour a été décrite en détail dans la Vie de la sainte Vierge.
{36} Ce qui concerne cette grotte se trouve tout au long dans la Vie de la sainte Vierge.
{37} Dans le Voyage à Jérusalem du franciscain Ant. Gonzalez, Anvers, 1673, on lit
première partie, page 556 ; qu'à un mille d'Hébron, dans la direction de Jérusalem, à
gauche du chemin, il est allé dans un village appelé Village de Marie, où la sainte Vierge
s'est arrêtée lors de sa fuite en Egypte. Il est situé sur une hauteur et il y a encore une église
entière avec trois arcades et trois portes. Sur le mur on voit encore une peinture
représentant Marie avec l'Enfant, montée sur un âne et conduite par saint Joseph : au bas
de la montagne sur laquelle sont l'église et le village, se trouve une belle fontaine appelée la
fontaine de Marie.
{38} La narratrice ne se souvient plus quel désert des enfants d'Israël. Marie la Silencieuse
comparait avec l'état de Madeleine. Elle dit à ce sujet : « C'était un affreux endroit. Les
Israélites y vinrent après avoir fait quelque chose de mal, et Aaron dit que personne n'y
avait jamais mis le pied : ils n'y restèrent que onze jours. »
{39} Il s'agit ici de ceux qui, lors de la première sortie du Sauveur, le suivirent jusqu'à
Hébron. Cependant alors la narratrice n'en mentionna que deux.
{40} Dans les visions communiquées jusqu'ici, Satan démasqué par la prière apparaît
toujours sous une forme hideuse qui correspond au mensonge dont il est convaincu. C'est
comme dans la vie de ce monde où le menteur quand il est surpris et confondu se montre
un peu différent de ce qu'il est l'ordinaire.
{41} Lieu où habitait la narratrice.
{42} Arbela était à environ une lieue et demie au sud ouest de Tibériade, près du lac de
Génésareth.
{43} Cadès ou Kedès de Nephtali s'appelait Cidissus au temps de saint Jérôme.
{44} Joan I, 45, 51.
{45} Voyez ci-dessus, page 147.