Détention Par La Police

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Détention par la police association pour

Guide pratique de monitoring la prévention

Détention par la police - Guide pratique de monitoring


de la torture
« Dans la mesure où la police dispose de pouvoirs spéciaux, tels
que l’usage légitime de la force, le sort de la personne détenue
est entièrement aux mains des agent•e•s responsables de
l’application des lois. Ce déséquilibre du rapport de forces crée
une situation à risque, dans laquelle des abus et des actes de
torture peuvent être commis. »
Avant-propos du Professeur Juan E. Méndez
Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture
∙ Détention par la
La torture et les mauvais traitements surviennent le plus souvent aux
premiers stades de la détention : lors de l’arrestation, du transport et police
des interrogatoires de police. Pour prévenir les abus, les États sont
toujours plus enclins à autoriser des visites régulières et inopinées Guide pratique de
dans des postes de police par des visiteurs indépendants. Ce manuel
constitue une réponse à la demande croissante de conseils spécifiques monitoring
sur la méthodologie et le suivi de ce genre de visites. Plusieurs expert.e.s
reconnu.e.s dans le domaine de questions policières et de la prévention
de la torture ont contribué à cette publication. Elle constitue un outil
indispensable pour toute organisation ou personne chargée d’effectuer
des visites de monitoring dans des postes de police.

ISBN 978-2-940337-54-5 30.- CHF 25.- €

APT · C.P. 137 · 1211-Genève 19 · Suisse · www.apt.ch FR


Détention par la police
Guide pratique de monitoring
Détention par la police - Guide pratique de monitoring
Titre original en anglais : Monitoring Police Custody - A practical guide
Publié en 2013 par l’Association pour la prévention de la torture
Pour des copies de cette publication et plus d’informations:
Association pour la prévention de la torture
C.P. 137 . CH - 1211 Genève 19
Tél : +41 (0)22 919 21 70
[email protected] . www.apt.ch

L’Association pour la prévention de la torture (APT) est une organisation


indépendante non-gouvernementale basée à Genève, qui œuvre dans le monde
entier en faveur de la prévention de la torture et autres mauvais traitements.
L’APT a été fondée en 1977 par le banquier et avocat suisse Jean-Jacques Gautier.
Depuis, l’APT est devenue une organisation leader dans son domaine. Son
expertise et ses conseils sont demandés par des organisations internationales,
des gouvernements, des institutions des droits humains et d’autres acteurs.
L’APT a joué un rôle central dans la mise en place de normes et de mécanismes
internationaux et régionaux visant à prévenir la torture, tels que le Protocole
facultatif à la Convention des Nations unies contre la torture.
L’APT œuvre pour un monde dans lequel nul ne serait soumis à la torture ou
autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

© 2013 , Association pour la prévention de la torture (APT). Tous droits réservés. Le


contenu de cette publication peut être librement cité ou réimprimé, à condition de
citer la source. Les demandes d’autorisation de reproduction et/ou de traduction de
la publication doivent être adressées à l’APT.
ISBN 978-2-940337-54-5
Traduction française : Salvatore Sagues et Sara Dezaley
Mise en page : Anja Härtwig, APT
Impression : Imprimerie Villi(R), France

Couverture : L’APT tient à remercier M. Wim Pietersen, agent de police aux Pays Bas,
pour nous permettre d’utiliser certaines images provenant de sa collection d’écussons
de police. Pour de plus amples informations : www.wikacollection.com
Images chapitre 1 & 3 : © APT/Chiara Tamburini
Image chapitre 2 : © APT/Delmi Alvarez
Table des matières

Table des matières


Table des matières iii
Remerciements vii
Avant-propos ix
Note sur la version française xi
Abréviations principales xiii
Introduction 1

Chapitre I :
Monitoring de la police : enjeux et contexte 5
1. Les pouvoirs de la police et les droits humains 6
1.1. La police et les droits humains 6
1.2. Les pouvoirs de la police et les risques encourus par
les détenu·e·s 7
1.3. Personnes en situation de vulnérabilité 10
1.4. Détention par la police 12
1.5. Corruption au sein de la police 14
2. Les spécificités du monitoring des postes de police 15
2.1. Le monitoring de la police au sens large 15
2.2. Entretiens individuels 16
2.3. Principales caractéristiques des visites de monitoring dans les
postes de police 18
3. Monitoring préventif : un cadre analytique 19
3.1. Monitoring des lieux de détention : Principes de base 26

Chapitre II : Visiter les postes de police 27

Partie A. Préparation d’une visite 28

iii
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

1. Recherche et recueil d’informations 28


1.1. Lois et règlements 28
1.2. Registres 29
1.3. Informations pertinentes 30
1.4. Contacts avec d’autres sources 30
1.5. Gestion du lieu visité 31
Table des matières

2. Préparation opérationnelle 31
2.1. But de la visite 31
2.2. Composition de l’équipe de visite 32
2.3. Questions de logistique 33
2.4. Personnes de contact 34
3. Préparation matérielle 34
3.1. Code vestimentaire 34
3.2. Documents d’identité et équipement 35
4. Préparation psychologique 35

Partie B. Mener une visite 38


1. Arrivée au poste de police 38
1.1. Arriver ensemble 38
1.2. Premiers contacts 38
1.3. Délais et obstruction 39
1.4. Prévenir le déplacement des détenu·e·s 41
1.5. Trianguler les informations 42
2. Entretien initial avec la personne responsable
du poste de police 44
2.1. Objectifs de l’entretien initial 45
3. Observation générale des lieux 48
4. Examen des registres de détention et autres documents 56
4.1. Ordres et instructions au niveau local 57
4.2. Registres de détention 57

iv
Table des matières

4.3. Informations à chercher lors de l’examen des registres


de la détention 60
4.4. Autres informations 65
5. Entretiens individuels avec des personnes privées de liberté 69
5.1. Confidentialité des entretiens 71
5.2. Entretiens effectués individuellement ou en binôme 71

Table des matières


5.3. Choisir les personnes avec qui s’entretenir 72
5.4. Détenu·e·s « représentant un danger » 74
5.5. Lieu des entretiens 74
5.6. Commencer les entretiens 75
5.7. Travailler avec un.e interprète 79
5.8. Poser les bonnes questions 80
5.9. Conclure les entretiens 83
6. Entretiens avec le personnel de police et autres personnes 85
7. Questions spécifiques 88
7.1. Soins médicaux 88
7.2. Problématiques diverses 93
8. Entretien final avec la personne responsable
du poste de police 96

Partie C. Après la visite 97


1. Rapports internes 98
2. Rapports de visites 99
3. Rapports thématiques 100
4. Rapports annuels 101
5. Rédiger des recommandations 101
6. Suivi des recommandations, y compris par le biais d’un dialogue
avec d’autres personnes et institutions 104

v
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Chapitre III : Normes internationales relatives aux


pouvoirs de la police et à la détention par la police 107
1. Traitement 112
1.1. Torture et autres mauvais traitements 112
1.2. Détention au secret 119
Table des matières

1.3. Usage de la force et des armes à feu 123


1.4. Moyens de contrainte 127
1.5. Arrestation 130
1.6. Fouilles 133
1.7. Interrogatoires 135
1.8. Transferts 139
1.9. Participation de la police aux expulsions forcées 142
2. Garanties fondamentales 146
2.1. Droit à l’information 146
2.2. Notification de privation de liberté à des proches ou à un tiers 150
2.3. Accès à un médecin 153
2.4. Accès à un.e avocat.e 158
3. Procédures juridiques 163
3.1. Durée de la détention par la police 163
3.2. Accès à un.e juge 164
3.3. Procédure de contrôle des modalités de libération 169
4. Garanties procédurales 171
4.1. Enregistrement audio-vidéo 171
4.2. Registres de détention 173
4.3. Mécanismes de plaintes 177
4.4. Inspection et monitoring 180
5. Conditions matérielles 183
6. Personnels de police 188
6.1. Code de conduite 188
6.2. Recrutement 191
6.3. Formation 192
6.4. Uniformes et identification 195
vi
Remerciements

Remerciements
Au nom de l’APT, je souhaite exprimer ma gratitude aux expert·e·s et
membres du personnel qui ont contribué à cette nouvelle publication.
La première version de ce texte a été rédigée par Michael Kellett, ancien
membre de la police, expert indépendant en matière de questions policières
et membre du Comité de l’APT.
Le texte a été revu par Auro Fraser, ancien membre du personnel de l’APT qui
travaille actuellement au sein du Bureau du Haut-Commissariat aux droits
de l’homme en Colombie. Auro a également formulé des commentaires très
utiles sur la dernière version de ce document. Jonathan Beynon, médecin et
consultant en droits humains, a fourni une contribution substantielle sur les
aspects médicaux du texte. Marcellene Hearn et Matthew Sands, conseillers
juridiques de l’APT, ont également contribué à l’élaboration du chapitre III.
Enfin et surtout, le présent guide n’aurait pu être élaboré sans le travail de
recherche, de rédaction et de coordination d’ensemble mené par Jean-
Sébastien Blanc, conseiller en monitoring des lieux de détention de l’APT.
Le projet de document a été discuté lors d’une rencontre, modérée par
Jean-Sébastien Blanc et Tanya Norton (conseillers en monitoring des lieux
de détention de l’APT), qui s’est tenue à Genève les 3 et 4 mai 2011. Je tiens à
remercier les expert·e·s suivant·e·s dont les précieux commentaires fournis
durant et après la rencontre se sont révélés essentiels :
• Silvia Casale, ancienne présidente du Comité européen pour la
prévention de la torture et du Sous-Comité pour la prévention de
la torture des Nations unies ;
• Ralph Crawshaw, ancien membre de la police et expert indépendant
en matière de questions policières ;
• Charbel Mattar, conseiller en matière de torture et de questions
policières au sein du ministère de l’Intérieur du Liban ;
• Hernán Vales, membre du Secrétariat du Sous-Comité pour la
prévention de la torture des Nations unies.

vii
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Le projet de texte final a également été revu par d’autres expert·e·s dont les
commentaires nous ont permis d’élargir la portée de ce manuel :
• Maggie Beirne, ancienne directrice du Committee on the
Administration of Justice et membre du Conseil consultatif de l’APT ;
• Donche Boshkovski, conseiller en matière de prévention de
la torture au sein du mécanisme national de prévention de la
Macédoine ;
Remerciements

• Amanda Dissel, déléguée de l’APT en Afrique du Sud ;


• Anna Lawson, experte en matière des droits des personnes vivant
avec un handicap ;
• Walter Suntinger, membre du mécanisme national de prévention
autrichien et membre du Conseil de l’APT.
Je tiens également à exprimer ma gratitude à Emma-Alexia Casale-Katzman,
qui a édité le présent manuel.
Enfin, je remercie Juan E. Méndez, Rapporteur spécial des Nations unies sur
la torture, qui a accepté de rédiger l’avant-propos de ce document.

Mark Thomson
Secrétaire général de l’APT

viii
Avant-propos

Lorsqu’une personne est arrêtée par la police, elle se retrouve dans une

Avant-propos
situation particulièrement vulnérable. Dans la mesure où la police dispose
de pouvoirs spéciaux, tels que l’usage légitime de la force, le sort de la
personne détenue est entièrement aux mains des agent·e·s responsables
de l’application des lois. Ce déséquilibre du rapport de forces crée une
situation à risque, dans laquelle des abus et des actes de torture peuvent
être commis.
La torture est une des plus graves violations des droits fondamentaux. Elle
peut détruire la dignité, le corps et l’esprit d’une personne, et elle a des
répercussions de grande ampleur sur la société dans son ensemble. Malgré
sa prohibition absolue aux termes du droit international, le recours à la
torture et autres mauvais traitements reste répandu. Ces actes terribles sont
souvent commis à huis clos, à l’abri de tout regard extérieur. C’est la raison
pour laquelle le monitoring indépendant des lieux de privation de liberté
joue un rôle crucial dans la prévention de toutes sortes de violations.
En tant que Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, j’ai
appelé les États à ouvrir les lieux de privation de liberté à une surveillance
extérieure afin de renforcer les efforts visant à éradiquer la torture dans le
monde entier. J’ai fait pression pour accroître le nombre de ratifications du
Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui garantit la transparence
dans tous les lieux de détention grâce à un système unique comprenant des
organes de visite tant au niveau international que national.
En 2004, l’APT a publié un guide pratique sur le monitoring des lieux de
détention. Ce document visait à renforcer les capacités des personnes
effectuant ce type de visites, notamment dans les prisons. Ce guide a,
depuis lors, été traduit en 17 langues et est utilisé dans le monde entier.
Cependant, les praticien·ne·s ont exprimé le besoin de conseils plus
spécifiques en matière de monitoring préventif de la police, notamment
en ce qui concerne la surveillance du comportement de la police et des
lieux placés sous son autorité. Le nouveau manuel de l’APT constitue donc
une contribution bienvenue en la matière car il offre un cadre clair pour
ix
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

comprendre les spécificités de la détention par la police. Il fournit une


méthodologie détaillée pour effectuer des visites dans les postes de police
ainsi que des conseils sur la manière d’analyser l’état de mise en œuvre des
normes internationales pertinentes. Ce manuel sera d’une grande utilité
pour les organes de monitoring chargés de visiter les lieux de détention
placés sous l’autorité de la police.
Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir avant que les services de police
Avant-propos

dans le monde entier ne traitent toutes les personnes avec humanité et


dans le respect de leur dignité. J’espère sincèrement que cette publication
contribuera à nous rapprocher de ce but, en favorisant des changements
dans les pratiques tout en modifiant les mentalités et les attitudes
individuelles.

Professeur Juan E. Méndez


Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants
22 août 2012

x
Note sur la version française

Note sur la version française


La version originale de ce guide a été rédigée en anglais et la présente
édition française est donc le fruit d’une traduction à partir de l’original.
Aussi bien dans la version anglaise que française du guide, l’APT s’est efforcée
d’utiliser un langage non marqué du point de vue du genre grammatical,
afin de pourvoir à l’égalité de droit et de fait entre les femmes et les hommes.
Une telle approche nous semble particulièrement importante pour les
questions touchant à l’univers de la privation de liberté, où les femmes et
autres minorités ont souvent été rendues invisibles. Nous espérons que
l’usage d’un tel langage contribuera à corriger ce malentendu.
Pour ne pas avoir à réécrire les substantifs et les adjectifs faisant leur féminin
en « e », l’APT a opté pour un système consistant à utiliser le point centré
(par exemple : « les détenu·e·s »). Cette approche permet d’éviter lourdeurs
et répétitions, même si cela n’a pas été possible partout. Ainsi, nous avons
conservé le terme « visiteurs » des lieux de détention, pour éviter des
lourdeurs, mais il va de soi qu’il inclut aussi bien les femmes que les hommes.
Le terme anglais de « monitoring », bien accepté dans la langue française,
a été conservé. Par contre, celui de « monitors », faisant référence aux
personnes appelées à conduire des visites dans les lieux de privation de
liberté, a été systématiquement traduit par « visiteurs ».
Enfin, en ce qui concerne le vocabulaire lié à la police, les termes les plus
génériques ont été privilégiés. Ainsi, les « postes de police » se réfèrent à
tous les lieux sous son autorité, indépendamment de leur taille ou statut au
sein de l’institution de la police. Les personnes amenées à mettre en œuvre
les fonctions policières, sont quant à elles désignées tout au long du guide
par le terme d’ « agent·e·s de police ».

xi
Abréviations principales

AG Assemblée générale des Nations unies

Abréviations
APT Association pour la prévention de la torture
CADH Convention américaine relative aux droits de l’homme
(connue aussi sous le nom de « Pacte de San José »)
CADHP Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (connue
aussi sous le nom de « Charte de Banjul »)
CAT Comité contre la torture des Nations unies
CCRAL Code de conduite pour les responsables de l’application des lois
CDE Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant
CDH Conseil des droits de l’homme
CEDH Convention européenne des droits de l’homme (anciennement
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales)
CEEP Code européen d’éthique de la police
CEPT Convention européenne pour la prévention de la torture et
des peines ou traitements inhumains ou dégradants
CIPPDF Convention internationale des Nations unies pour la protection
de toutes les personnes contre les disparitions forcées
CPT Comité européen pour la prévention de la torture et des
peines ou traitements inhumains ou dégradants
CDPH Convention des Nations unies relative aux droits des personnes
handicapées
EPP Ensemble de principes des Nations unies pour la protection
de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de
détention ou d’emprisonnement
ERM Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus
des Nations unies
xiii
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

ONG Organisation non-gouvernementale


ONU Organisation des Nations unies
OPCAT Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations
Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants
PBPA Principes et pratiques optimales relatifs à la protection des
personnes privées de liberté dans les Amériques
Abréviations

PBRF Principes de base des Nations unies pour le recours à la


force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de
l’application des lois
PIDCP Pacte international relatif aux droits civils et politiques
PFTD Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus
RB Règles des Nations unies concernant le traitement des femmes
détenues et les mesures non privatives de liberté pour les
femmes délinquantes (connues sous le nom de « Règles de
Bangkok »)
RIG « Lignes directrices de Robben Island » (Lignes directrices et
de mesures d’interdiction et de prévention de la torture et des
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en
Afrique)
RPE Règles pénitentiaires européennes
RPMPL Règles des Nations unies pour la protection des mineurs privés
de liberté
SARPCCO Organisation régionale de coopération des chefs de police en
Afrique australe
SPT Sous-Comité des Nations unies pour la prévention de la
torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants
RST Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture
UNCAT Convention des Nations unies contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
GTDA Groupe de travail sur la détention arbitraire

xiv
Introduction

Pourquoi un guide sur la police ?

Introduction
Les visites inopinées et régulières effectuées dans les lieux de détention
pour surveiller le traitement et les conditions de détention des personnes
privées de liberté constituent l’un des moyens les plus efficaces de prévenir
la torture et autres mauvais traitements. L’Association pour la prévention
de la torture (APT) élabore des outils avec pour objectif de renforcer les
capacités des organes de monitoring. Le manuel de l’APT, Visiter un lieu de
détention : Guide pratique,1 a déjà été traduit en 17 langues ; cependant,
c’est durant les premières phases de la détention que le recours à la torture
est le plus fréquent. C’est la raison pour laquelle de nombreux professionnels
ont souligné le besoin de disposer d’un guide spécifique en matière de
monitoring des postes de police2 et du comportement des agent·e·s. Si la
méthodologie relative aux visites présentée dans ce manuel comporte de
nombreuses similitudes avec les approches en matière de monitoring dans
les autres lieux de détention, y compris les prisons, elle a été élaborée afin
de constituer un outil ciblé et spécifique complétant le document Visiter un
lieu de détention : Guide pratique. Plutôt que de présenter une série de règles
à suivre dans chaque situation, ce manuel vise à proposer des conseils et
des informations sur les meilleures pratiques pouvant être adaptées aux
besoins dans des contextes spécifiques.

1 APT, Visiter un lieu de détention : guide pratique, Genève, avril 2004. Disponible sur : http://
www.apt.ch/content/files_res/Monitoring%20Guide%20FR.pdf
2 Les termes de « police » et d’« agences chargées de l’application de la loi » sont souvent
utilisés de manière interchangeable. Cependant, le présent manuel utilise uniquement
le terme de « police » car le terme d’« agences chargées de l’application de la loi » est
souvent considéré comme ayant une acception plus étroite alors que l’éventail des
fonctions de la police est plus large que la seule application de la loi.

1
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Public cible
Le présent manuel a l’ambition d’être utile à toute personne chargée d’effectuer :
• des visites de monitoring dans des postes de police et/ou autres
locaux sous l’autorité de la police ;
• des activités de prévention relatives au travail de la police.
Cet outil est avant tout destiné à être utilisé par les membres des Mécanismes
Introduction

nationaux de prévention (MNP) qui opèrent conformément au Protocole


facultatif à la Convention des Nations unies contre la torture (OPCAT). Ce
dernier donne mandat aux MNP de couvrir tous les types de lieux où des
personnes sont, ou pourraient être, privées de liberté, y compris les postes
de police.
Il est également destiné à d’autres organisations et personnes ayant le
mandat ou le pouvoir de visiter de tels lieux, y compris les mécanismes
de visites internationaux et régionaux, les commissions nationales des
droits de l’homme, les organisations de la société civile, les visiteurs non
professionnels et les parlementaires.
Les informations contenues dans ce manuel seront utiles aux
• autorités responsables des postes de police ;
• personnel travaillant dans les postes de police ;
• personnel médical ;
• avocat·e·s ;
• autres professionnels ayant la possibilité de visiter les postes de
police.
Ce manuel s’adresse aux organes et personnes qui ont déjà accès aux postes
de police dans le cadre de leur mandat ou suite à un accord spécifique. Par
conséquent, il ne traite pas du problème de l’obtention d’un accès aux lieux
sous l’autorité de la police.
Les lecteurs et lectrices garderont à l’esprit que l’APT encourage et
recommande une approche globale et intégrée du monitoring des lieux
de privation de liberté. Le monitoring des postes de police devrait toujours
être considéré à la lumière du travail de monitoring des autres lieux de
détention ; lorsqu’un organe de monitoring est chargé exclusivement de
visiter les postes de police, ses membres chercheront à travailler de concert
avec les mécanismes chargés de visiter d’autres types de lieux de détention,
en particulier les prisons.

2
Introduction

Structure du guide
Ce manuel est composé de trois chapitres principaux. Le chapitre I présente
le contexte dans lequel s’effectue le monitoring de la police, en soulignant
les pouvoirs de la police et les rapports entre ces pouvoirs et certaines
questions de droits humains. Ce chapitre présente également les dimensions
clé du monitoring des locaux et autres lieux utilisés par la police, en offrant
un cadre analytique permettant de comprendre les questions soulevées par

Introduction
le monitoring de la détention dans une perspective globale.
Le chapitre II examine la méthodologie relative à la conduite de visites de
monitoring. La partie A traite de la façon de préparer ces visites. La partie B
porte sur la conduite de ces visites. La partie C présente des activités
essentielles en matière de suivi.
Le chapitre III présente et examine les normes nationales et internationales
les plus pertinentes en matière de détention par la police. Structuré de
manière thématique, ce chapitre peut être utilisé comme un manuel
autonome. Pour chacune des questions traitées (par exemple le recours à
des instruments de contrainte), le chapitre comprend des références aux
documents juridiques pertinents, un commentaire expliquant ce que ces
normes impliquent pour les équipes chargées des visites, ainsi que des
conseils pratiques (« points de repère »).

3
Chapitre I
Monitoring de la police : enjeux et
contexte
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

1. Les pouvoirs de la police et


les droits humains

1.1. La police et les droits humains


Les organismes de police se présentent généralement comme un service,
une force ou une combinaison entre ces deux fonctions. La distinction entre
un service et une force peut être décrite comme suit :
« La “ perspective axée sur la force ”, ou perspective verticale, se
manifeste clairement dans une approche du maintien de l’ordre
I autoritaire utilisée par de nombreux organismes de police. L’autre
perspective est celle d’une police agissant en tant que prestataire
de services destinés aux communautés situées dans leurs secteurs
d’opérations. Cette perspective “ axée sur le service ”, ou perspec-
tive horizontale, se manifeste dans les actions de “ maintien de
l’ordre communautaire ” et autres actions connexes : il s’agit d’un
Monitoring de la police : enjeux et contexte

maintien de l’ordre axé sur la résolution des problèmes et orienté


vers l’obtention de renseignements ».1

Malgré cette différence conceptuelle, il est généralement reconnu2 que les


principales fonctions de la police ont trait aux actions visant à :
• assurer la tranquillité publique et maintenir la loi et l’ordre dans une
société donnée ;
• protéger et respecter les droits et libertés fondamentaux des
personnes ;
• prévenir, détecter et combattre le crime ;
• fournir une assistance et des services à la population.
La police - qu’elle soit perçue par le public comme un service ou comme une
force - doit jouer un rôle essentiel dans la protection des droits humains.
La police est chargée d’assurer la sécurité et la sûreté des personnes par le
biais de l’application des lois ; aux termes du droit international, les agent·e·s
de police sont tenu·e·s de respecter pleinement les droits humains, tout en
ayant l’obligation de protéger les droits humains contre toute violation com-
mise par d’autres personnes. Par nature et de par ses fonctions essentielles,
1 Anneke Osse, Understanding Policing: a resource for human rights activists, Amnesty
International Pays-Bas, 2006, p.26. Disponible sur : http://www.amnesty.org.uk/uploads/
documents/doc_22360.pdf
2 Voir, notamment, Code européen d’éthique de la police (CEEP), p.7. Disponible sur https://
wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=224465&Site=CM

6
Chapitre I - Monitoring de la police : enjeux et contexte

la police doit agir activement afin que toutes les personnes puissent jouir de
leurs droits humains. Il est, à cet égard, important d’avoir une compréhen-
sion positive du rôle de la police afin de favoriser un dialogue constructif
entre les organes de monitoring et la police, dialogue qui est à la base du
monitoring préventif.
Si les agent·e·s de police sont tenu·e·s de protéger et de respecter les droits
fondamentaux des personnes, leurs propres droits doivent être, au même
titre, respectés et réalisés. Par conséquent, lorsque des agent·e·s semblent
responsables de violations de droits humains, y compris de mauvais traite-
ments, les visiteurs garderont à l’esprit qu’il est possible que les membres de
la police soient eux-mêmes victimes d’abus. Une telle situation peut avoir un
impact important sur le traitement de détenu·e·s. Par exemple, de très mau-
I
vaises conditions de travail ne constituent pas seulement une atteinte aux
droits économiques et sociaux des agent·e·s, elles peuvent aussi accroître la
corruption ou contribuer à d’autres comportements préjudiciables envers
les personnes placées sous leur garde. Dans le cadre de leurs efforts visant

Monitoring de la police : enjeux et contexte


à comprendre les causes profondes des mauvais traitements, y compris les
problèmes systémiques dans les postes de police, les équipes de monito-
ring adopteront une stratégie globale prenant en compte les besoins et
les difficultés de la police. Le dialogue entre les visiteurs et les agents·e·s à
propos des problèmes auxquels ils ou elles sont confronté·e·s peut entraî-
ner une plus grande ouverture aux critiques ; par conséquent, il constitue
souvent un outil de négociation important.

1.2. Les pouvoirs de la police et


les risques encourus par les détenu·e·s
Il est particulièrement important d’effectuer une surveillance indépendante
des deux éléments suivants :
• le mandat de maintien de l’ordre confié à la police ;
• les activités menées par la police afin de prévenir, détecter et
combattre le crime.
Afin de remplir le mandat confié à la police, les agent·e·s chargé·e·s de l’ap-
plication des lois sont dotés d’une série de pouvoirs, y compris ceux de
• interpeller les personnes et demander une preuve de leur identité ;
• arrêter des personnes ;
• effectuer des fouilles ;

7
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

• contrôler les manifestations ;


• détenir des personnes ;
• interroger des personnes ;
• mener des enquêtes ;
• recourir à la force dans certaines conditions.
Dans l’exécution de ces fonctions, il est possible que les agent·e·s de police
abusent de leurs pouvoirs et commettent des violations des droits humains.
Il est, par conséquent, essentiel de soumettre le comportement de la police
à un monitoring adéquat et impartial.
I Le recours légal à la force est une fonction légitime de la police dans la
mesure où les agent·e·s opèrent parfois dans un environnement dangereux
et ont le droit de protéger à la fois la population et de se protéger eux-
mêmes et elles-mêmes. Cependant, chaque fois que la force est utilisée, il
y a un risque d’abus, d’autant plus que l’État - et, par conséquent, la police
- est traditionnellement considéré comme détenant le monopole de l’usage
Monitoring de la police : enjeux et contexte

légitime de la force physique.


Les abus commis par la police peuvent survenir pour de nombreuses rai-
sons, notamment parce qu’il est difficile de respecter le principe de propor-
tionnalité lorsqu’il y a recours à la force ; les violations des droits humains
peuvent résulter d’une évaluation erronée d’une situation donnée. Il peut
également y avoir des abus lorsque des agent·e·s outrepassent leurs pou-
voirs en recourant à un usage excessif de la force afin d’intimider, d’extor-
quer des informations ou pour d’autres motifs. Cela peut également résulter
d’une culture de l’impunité régnant dans certains contextes - il s’agit de
la situation la plus difficile à aborder pour les équipes de monitoring qui
s’efforcent de lutter contre la torture ou autres mauvais traitements. Dans
de tels cas, les agent·e·s qui commettent des violations des droits humains
savent qu’ils ou elles ne seront pas poursuivi·e·s en justice ou soumis·e·s à
des sanctions disciplinaires.
Outre l’usage de la force, les principaux risques ont trait aux modalités d’uti-
lisation de la contrainte et à la façon dont les fouilles sont effectuées. Ces
risques peuvent également découler d’une culture policière caractérisée
par un profilage ethnique discriminatoire.
Pour une personne détenue par la police, les risques d’être victime d’abus
sont particulièrement élevés durant les premières heures de sa détention :
c’est la phase durant laquelle les détenu·e·s sont les plus vulnérables et c’est
alors que les membres de la police sont soumis à la pression la plus forte

8
Chapitre I - Monitoring de la police : enjeux et contexte

afin d’obtenir des informations de la part des personnes arrêtées. Certaines


garanties jouent un rôle crucial dans la prévention des abus, particulière-
ment durant les toutes premières heures de la détention. Ces garanties
fondamentales incluent notamment le fait de :
• informer les détenu·e·s de leurs droits ;
• assurer l’accès à un·e avocat·e ;
• notifier l’arrestation d’une personne aux membres de sa famille et/
ou à un tiers ;
• permettre l’examen de la personne détenue par un médecin afin
de confirmer ou d’exclure d’éventuelles allégations de mauvais
traitements et de fournir une assistance médicale, le cas échéant. I
Ces garanties fondamentales permettent ainsi de prévenir les abus, tout en
réduisant les risques de fausses allégations portées contre la police.
Dans les systèmes juridiques qui accordent une place centrale aux aveux, les
personnes arrêtées par la police encourent des risques accrus d’être soumis

Monitoring de la police : enjeux et contexte


à la torture et autres mauvais traitements. Les techniques policières fondées
sur l’aveu représentent un risque accru pour les détenu·e·s, par rapport à
celles s’appuyant sur les éléments de preuve rassemblés à l’issue d’un pro-
cessus minutieux de recueil d’informations étayées. En effet, les approches
fondées sur l’aveu encouragent souvent indirectement des pratiques illé-
gales et contribuent à une culture d’abus au sein de la police.
De plus, les études menées sur ces questions montrent clairement que
l’obtention d’informations sous la contrainte aboutit souvent à de faux
aveux et, par conséquent, retarde la détection et la prévention efficaces
de la criminalité. Le recueil d’éléments de preuve est rarement une tâche
facile car il implique souvent la reconstruction étape par étape d’une série
d’événements. Cependant, en règle générale, dans les systèmes judiciaires
privilégiant les éléments de preuve, la population accorde une plus grande
confiance à la police, ce qui confère à celle-ci une plus grande légitimité. Par
conséquent, les équipes de monitoring souhaitant effectuer une analyse
globale des causes profondes de la torture et autres mauvais traitements,
devraient prendre en compte la structure générale du système juridique et
son fonctionnement (voir Chapitre II, Partie A, Section 1.1).
En cas d’état d’urgence, les pouvoirs de la police peuvent être étendus et
les libertés individuelles limitées, mais ce type de situation doit être stric-
tement encadré par la constitution et se conformer pleinement aux prin-
cipes de légalité, de nécessité et de proportionnalité. Aucune circonstance

9
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

exceptionnelle, y compris en cas de danger public exceptionnel, ne peut


être invoquée pour justifier le recours à la torture. Il est essentiel que les
garanties fondamentales, comme le droit d’habeas corpus et l’interdiction
de détenir des personnes dans des lieux de détention non officiels, ne
soient pas suspendues en cas de proclamation de l’état d’urgence car c’est
souvent dans ces moments-là qu’elles s’avèrent plus cruciales que jamais.

1.3. Personnes en situation de vulnérabilité


La police joue un rôle clé pour la protection et le respect des droits des per-
sonnes, en particulier celles qui sont considérées comme étant en situation
I de vulnérabilité3 en raison à la fois de leur statut dans une société donnée et
du contexte social dans lequel elles se trouvent (par exemple les enfants, les
femmes, les minorités sexuelles, les personnes vivant avec un handicap et les
migrant·e·s). Lorsque des personnes ou groupes vulnérables sont arrêté·e·s
et détenu·e·s par la police, ils ou elles doivent bénéficier d’une protection
particulière ; il peut être nécessaire de prendre des mesures afin de répondre
Monitoring de la police : enjeux et contexte

à leurs besoins et demandes spécifiques. Par exemple, il peut être nécessaire


que la police autorise des personnes handicapées à garder constamment
leurs béquilles afin de conserver leur mobilité et ce, même lorsque les
agent·e·s craignent que cela ne pose un risque en termes de sécurité.
Dans certains pays, il est fréquent que la police contribue aux processus
de stigmatisation prévalant au sein de la société au lieu de protéger les
personnes en situation de vulnérabilité. Par exemple, les migrant·e·s et les
personnes étrangères vivant dans des sociétés xénophobes, les populations
LGBTI4 dans des sociétés homophobes ainsi que les personnes souffrant de
maladie mentale ou de déficience intellectuelle dans des systèmes juri-
diques privilégiant l’aveu encourent davantage de risques d’être soumis à
des mauvais traitements par la police ; ces personnes feront l’objet d’une
attention particulière de la part des organes de monitoring.
Les besoins et la protection additionnels requis par les groupes socialement

3 Selon l’APT, la vulnérabilité est liée, dans la plupart des cas, à un statut de minorité
qui accroît le risque de stigmatisation et de mauvais traitements : ainsi, les personnes
peuvent être vulnérables dans un contexte donné et pas dans un autre. Par exemple, les
femmes peuvent être vulnérables à la fois parce qu’elles représentent, dans le monde
entier, un pourcentage beaucoup plus faible de la population détenue et parce que,
de manière générale, les autorités chargées de la détention sont en majorité de sexe
masculin ; de ce fait, les femmes détenues sont davantage exposées à la discrimination
et aux mauvais traitements durant leur détention.
4 Personnes lesbiennes, gay, bisexuelles, transgenres et intersexes.

10
Chapitre I - Monitoring de la police : enjeux et contexte

marginalisés n’impliquent nullement que les détenu·e·s issus du groupe


« majoritaire » doivent être l’objet de discrimination ; cela signifie plutôt
que les pratiques habituelles et les structures doivent être aménagées de
manière raisonnable afin de respecter les droits des détenu·e·s qui seraient,
dans le cas contraire, désavantagé·e·s ou mis·e·s en danger.
Les personnes détenues par la police risquent également d’être l’objet
d’abus de la part d’autres détenu·e·s. Si les détenu·e·s sont conduits dans
une cellule sans que la police n’effectue au préalable une évaluation des
risques, cela peut entraîner des bagarres, des viols, d’autres types de vio-
lence ou même la mort. Les problèmes d’ordre racial et ethnique ainsi que
l’orientation sexuelle, sont parmi les facteurs principaux qui contribuent
à la violence dans les cellules des postes de police. Il est inacceptable que
I
la police consente tacitement à des comportements préjudiciables entre
codétenu·e·s. Par conséquent, les visiteurs accorderont une attention par-
ticulière aux situations dans lesquelles la police a, ou pourrait avoir, « fermé
les yeux » sur des cas de violence entre codétenu·e·s. La police est tenue de

Monitoring de la police : enjeux et contexte


veiller à ce que ce type de violence ne se produise pas.
En ce qui concerne les personnes vivant avec un handicap, la police doit
s’adapter à leurs besoins en instituant des « aménagements raisonnables ».
Aux termes de la Convention des Nations unies relative aux droits des per-
sonnes handicapées, on entend par
« les modifications et ajustements nécessaires et appropriés n’im-
posant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en
fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux
personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, sur la base de
l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes
les libertés fondamentales. »5

Les autorités chargées de la détention sont tenues d’effectuer des aména-


gements raisonnables dans le cas où des détenu·e·s handicapé·e·s seraient,
en l’absence de cet aménagement, désavantagé·e·s par rapport aux locaux,
aux structures, au régime ou au traitement habituels dans les postes de
police ou d’autres lieux placés sous l’autorité de la police. Il y a discrimination
illégale dans toutes les situations où cette obligation n’est pas respectée.
Dans certains cas, même si ce n’est pas systématique, le degré de souffrance
enduré par la personne handicapée peut même atteindre le niveau mini-
mal de gravité constitutif d’un non-respect du droit fondamental de ne pas

5 Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), Art. 2.
disponible sur : http://www2.ohchr.org/french/law/disabilities-convention.htm

11
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

être soumis à des mauvais traitements. Lorsque la police exerce de manière


intentionnelle une discrimination à l’encontre de personnes handicapées,
un tel traitement peut s’assimiler à la torture ou autres mauvais traitements.

1.4. Détention par la police


Dans la plupart des pays, les pouvoirs de détention6 conférés à la police
répondent à deux objectifs principaux :
• Interroger des personnes à l’encontre desquelles il existe des motifs
raisonnables de penser qu’elles ont commis des infractions et/ou
I maintenir ces personnes en détention pendant que d’autres éléments
de preuve susceptibles d’étayer une inculpation à leur encontre sont
recueillis. On appelle cela la détention avant inculpation ;
• Se porter garant de la sécurité juridique en veillant à ce que les
personnes inculpées soient traduites devant un tribunal. On
appelle cela la détention après inculpation.7
Monitoring de la police : enjeux et contexte

En outre, des personnes peuvent être détenues par la police :


• Afin d’assurer leur propre sécurité. (Par exemple, les enfants
signalés comme portés disparus de leur domicile, en attendant
leurs parents ou tuteurs/tutrices, et les personnes ayant des
problèmes psychiatriques jusqu’à ce qu’elles soient examinées par
un médecin ou transférées vers un hôpital. Ce type de détention est
parfois appelé détention protectrice. Les personnes sous l’emprise
de l’alcool, de narcotiques ou d’autres drogues peuvent également
relever de cette catégorie).8
6 Les termes « détention », « arrestation » et « garde à vue» sont parfois employés de
manière interchangeable. Cependant, sauf indication contraire, ces termes visent à
décrire la période de temps allant du contact initial entre la police et la personne privée
de liberté jusqu’à la libération du détenu ou son transfert visant à le placer sous le
contrôle d’un autre organe. De même, les termes « appréhension » et « arrestation » sont
utilisés de manière interchangeable, bien que le terme « arrestation » puisse être compris
dans certains des documents juridiques cités dans le présent guide comme se limitant
aux arrestations pour des motifs de nature criminelle.
7 Cela peut également inclure les personnes qui ont été (i) placées en détention dans un
centre de détention provisoire dans l’attente du procès ou (ii) condamnées et détenues
dans une prison, mais qui ont été, de nouveau, placées en détention provisoire par la
police dans le cadre d’une enquête complémentaire portant sur un crime pour lequel
elles ont été inculpées ou sur d’autres crimes.
8 La police ne poursuit pas toujours l’objectif d’inculper ces personnes d’une infraction
contre l’ordre public. Dans certains cas, les agent·e·s attendent que la personne se
remette de son intoxication avant de la laisser partir avec un avertissement.

12
Chapitre I - Monitoring de la police : enjeux et contexte

• Dans l’attente d’une décision administrative. (Par exemple, des


migrant·e·s en situation irrégulière dans l’attente de leur expulsion.
Dans certains pays, on appelle cela une détention administrative).9
Les autres catégories de personnes pouvant être détenues par la police,
mais qui sont généralement détenues en prison, comprennent notamment :
• Les détenu·e·s qui ont comparu devant un tribunal et qui sont en
attente de jugement. Il s’agit alors d’une détention avant jugement
ou détention provisoire.
• Les détenu·e·s reconnus coupables en attente de leur peine. On
parle de détention avant condamnation.
• Les détenu·e·s condamné·e·s.10 On parle de détention punitive. I
À l’exception des établissements destinés à détenir des personnes dans l’at-
tente d’un procès et d’une condamnation et ceux où des personnes purgent
des peines administratives, la plupart des postes de police sont conçus pour
détenir des personnes durant de courtes périodes et uniquement aux fins

Monitoring de la police : enjeux et contexte


de l’enquête préliminaire. Cependant, la durée de cette « courte période »
peut varier de quelques heures à environ une semaine ; en général, cette
période est destinée à accorder suffisamment de temps aux enquêtes préli-
minaires, conformément à la législation du pays concerné.11
Cependant, dans certains pays, des personnes sont détenues par la police
plus longtemps que prévu par la loi ; en général, cela est dû au manque de
place dans le système pénitentiaire. Comme les postes de police sont rare-
ment conçus pour détenir des personnes pendant de longues périodes de
temps et, étant donné que les agent·e·s ne sont en général pas formé·e·s de
manière adéquate pour ce genre de détention, ces situations engendrent
de grands risques de mauvais traitements et entraînent des conditions de
détention insatisfaisantes ; les équipes de visite prendront soin de traiter de
manière approfondie ces questions. L’inspection des conditions matérielles

9 Ce terme ne doit pas être confondu avec un même terme, utilisé dans d’autres pays,
notamment dans les États de l’ancienne Union soviétique, où les personnes reconnues
coupables d’infractions mineures, telles que des infractions au code de la route, peuvent
être condamnées à de courtes périodes de détention par la police. Il faut noter que,
dans certains pays, ce terme peut également être utilisé pour décrire d’autres formes de
détention par la police.
10 Dans un très petit nombre de pays, la police est également chargée de l’administration
des prisons.
11 Le présent document ne traite pas des formes ou des lieux de détention illégaux. Si
des visiteurs découvrent de telles situations, ils doivent clairement faire savoir que les
normes internationales s’y appliquent également.

13
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

de détention, leur conformité avec les normes internationales et la durée de


la détention dans des lieux destinés à détenir des personnes pour une courte
durée constituent une composante essentielle des visites préventives.
Le présent guide vise à traiter principalement de la situation des personnes
qui sont détenues avant ou après leur inculpation et de celles qui sont pla-
cées en détention protectrice ou administrative. Il est cependant en grande
partie également pertinent pour les autres types de détention par la police.12

1.5. Corruption au sein de la police

I Durant leurs entretiens avec les détenu·e·s ou avec le personnel tra-


vaillant dans les lieux de détention, les équipes de monitoring peuvent
parfois recueillir des allégations faisant état de corruption au sein de la
police. Il est important de noter que la corruption existe sous une forme
ou sous une autre, et dans une ampleur plus ou moins grande, au sein
des forces/services de police dans le monde entier. La corruption est
Monitoring de la police : enjeux et contexte

souvent liée à la torture, à d’autres mauvais traitements et aux violations


des droits humains. La corruption peut prendre la forme de frais exigés
de manière illégale pour des services censés être gratuits (comme le
fait de recevoir des visites ou de consulter un médecin), ou elle peut
engendrer des privilèges pour certain·e·s détenu·e·s (par exemple l’as-
signation d’une meilleure cellule en échange d’un dessous de table),
pour ne mentionner que ces deux exemples. Les personnes privées de
liberté sont, en particulier, exposées à des pratiques de corruption car
elles ne sont pas, dans la plupart des cas, en mesure de les dénoncer ou
de se défendre. Les visiteurs seront également conscients du fait que
les pratiques de corruption peuvent être discriminatoires (par exemple,
elles peuvent cibler des détenu·e·s ayant peu de moyens économiques).
Selon la nature et la récurrence des allégations de corruption, il peut
être nécessaire que les équipes de visite examinent ces questions de
plus près et les mentionnent dans leurs rapports et au cours de leur
dialogue avec les autorités. De plus, la question de la corruption devrait
être abordée dans les rapports thématiques qui analysent le fonction-
nement de la police au niveau national.

12 Les personnes impliquées dans le monitoring des prisons devraient tenir compte
du principe généralement reconnu selon lequel la police ne doit pas se substituer
au personnel pénitentiaire, sauf dans les cas d’urgence. Voir, par exemple, CEEP, §11.
Disponible sur https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=224465&Site=CM

14
Chapitre I - Monitoring de la police : enjeux et contexte

2. Les spécificités du monitoring


des postes de police

2.1. Le monitoring de la police au sens large


Aux fins du présent guide, le terme « poste de police » renvoie au bâti-
ment ou groupe de bâtiments au sein desquels les membres de la police
mènent leurs activités. Cela inclut tout espace (pas seulement la cellule ou
les cellules au sens traditionnel du terme) où des personnes sont privées de
liberté durant une période de temps donnée. Il peut également s’agir des
bureaux administratifs et d’autres locaux à partir desquels les enquêteurs
et enquêtrices ou d’autres unités opèrent. Le terme doit donc être compris
I
de manière large ; il doit pouvoir également englober les autres agences
de l’application des lois qui exécutent une fonction de police, telles que les
locaux de la police des frontières, les unités de la police financière et les ser-
vices de renseignements remplissant des fonctions d’application des lois.

Monitoring de la police : enjeux et contexte


Ces lieux peuvent être significativement différents du type de lieux décrits
dans ce manuel. Les établissements gérés par les services de la douane et de
l’immigration et par d’autres organes de l’application des lois comparables
qui sont habilités à priver des personnes de leur liberté présentent néan-
moins certaines caractéristiques communes.
Ce manuel ne vise pas à décrire les divers types d’institutions qui exercent
des fonctions de police, comme les gendarmeries, les militsia, les carabine-
ros ou la guardia civil ; il est, au contraire, axé sur le monitoring de la police,
quelle que soit la terminologie utilisée pour désigner cette entité dans un
pays donné.
Il est cependant essentiel de ne pas considérer que les « postes de police »
incluent uniquement des espaces physiques et il faut, en toutes circons-
tances, tenir compte du fait qu’à partir du moment de son arrestation
jusqu’à celui de sa libération ou de son transfert, toute personne détenue
risque d’être soumis à des mauvais traitements. Par conséquent, même si à
des fins de clarté et de simplicité, le Chapitre II de ce manuel est consacré
aux visites de monitoring dans les postes de police, les équipes de visite
ne devraient pas limiter leurs visites aux espaces physiques, mais devraient
également prendre en compte les pratiques et procédures adoptées par la
police. Les contrôles d’identité, les interpellations, le comportement de la
police durant les manifestations (tel que le fait de contenir les manifestants,
parfois appelé en anglais « kettling »), les fouilles corporelles, les fouilles
de biens et propriétés, les interrogatoires et autres activités de la police ne

15
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

font pas, dans la plupart des cas, l’objet d’un monitoring direct de la part
des organes de visite car ils ne relèvent pas des visites des postes de police.
Néanmoins, ces activités présentent des risques et il est important que les
visiteurs recueillent des informations à leur sujet. Ce type d’informations
peut être recueilli durant des entretiens individuels avec des détenu·e·s
dans des postes de police, même s’il est souvent plus facile de collecter des
informations relatives au comportement de la police durant des entretiens
rétrospectifs avec des personnes privées de liberté et incarcérées dans des
prisons et auprès de celles qui ont été libérées.
Le schéma ci-dessous ne constitue pas une représentation précise du pro-
I cessus de la détention ; il cherche plutôt à représenter une vision générique
des étapes, des garanties et des risques principaux en matière de détention
par la police.
Monitoring de la police : enjeux et contexte

2.2. Entretiens individuels


Le fait de s’entretenir avec des personnes détenues par la police soulève
plusieurs difficultés. Les détenu·e·s peuvent être réticent·e·s à l’idée de
parler ouvertement aux membres des équipes de monitoring pour diverses
raisons :

16
Chapitre I - Monitoring de la police : enjeux et contexte

• Ils ou elles peuvent être en état de stress intense en raison de


l’incertitude relative à leur situation et du caractère récent de leur
arrestation.
• Ils ou elles peuvent craindre d’être victimes de représailles
physiques et mentales ou d’être puni·e·s par la police, après le
départ des visiteurs.
• Ils ou elles peuvent craindre que leur collaboration avec les visiteurs
ait des répercussions négatives sur les décisions relatives à leur
libération ou à l’avancement de l’enquête les concernant.
• Ils ou elles peuvent craindre d’être identifié·e·s comme des sources
d’information, notamment si d’autres personnes sont présentes I
lors de l’entretien.
Par conséquent, les équipes de visite détermineront s’il ne leur sera pas plus
facile d’obtenir des informations sur le traitement général des détenu·e·s
dans les postes de police auprès de personnes qui ont déjà été transférées
en prison ou auprès de personnes remises en liberté.

Monitoring de la police : enjeux et contexte


Lorsqu’ils s’entretiennent avec des personnes détenues par la police, les
visiteurs seront également conscients du fait que ces personnes sont expo-
sées à un risque de sanctions et de représailles de la part du personnel de
la police13: étant donné qu’en général seul un petit nombre de personnes
sont détenues en même temps dans un poste de police, il peut être facile
d’identifier la source des informations recueillies par les équipes de visite. Le
même problème se pose dans les postes de police remplis à leur capacité
maximale lorsque les visiteurs n’effectuent que quelques entretiens. Par
conséquent, si la présence visible d’observateurs/observatrices externes
indépendant·e·s peut être rassurante pour des détenu·e·s très isolé·e·s, les
visiteurs prendront toujours de grandes précautions lorsqu’ils effectuent
des entretiens individuels. Les équipes de monitoring pourront adopter un
processus de sélection fondé sur le principe du « tout ou rien » : de manière
générale, ils s’entretiendront soit avec toutes les personnes détenues dans
un poste de police au moment de la visite, soit avec aucune d’entre elles.
S’ils estiment que le risque de sanctions est particulièrement élevé, les visi-
teurs pourront envisager la possibilité de n’effectuer aucun entretien.14
13 Voir Atténuer les risques de sanctions liés au monitoring de détention (Monitoring des lieux
de détention - Briefing N°4), APT, Genève, janvier 2012. Disponible sur http://www.apt.
ch/content/files_res/Briefing4_fr.pdf
14 Voir Visites préventives de lieux de détention : comment sélectionner les personnes pour les
entretiens (Monitoring des lieux de détention - Briefing N°2), APT, Genève, avril 2009.
Disponible sur http://www.apt.ch/content/files_res/Briefing2_fr.pdf

17
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

11 Il est plus difficile de recueillir des informations durant des


entretiens avec des personnes détenues par la police qu’avec
des personnes incarcérées dans une prison, en raison du niveau
élevé de stress, de peur et d’incertitude ainsi que du risque non
négligeable de sanctions et de représailles. Les entretiens seront
effectués en prenant de grandes précautions. La sécurité des déte-
nu·e·s doit constituer une préoccupation prioritaire lors des visites
dans les postes de police et elle ne doit pas être subordonnée au
besoin/désir de recueillir des informations. Les équipe de visite
devront peser toutes les décisions à l’aune du principe central en
matière de monitoring des droits humains : « Ne pas nuire ».

I 2.3. Principales caractéristiques des visites de


monitoring dans les postes de police
En principe, toutes les visites dans des lieux placés sous l’autorité de la
police devraient être inopinées. La possibilité de mener de telles visites ino-
pinées dépend du contexte ainsi que du mandat de l’organe de monitoring
Monitoring de la police : enjeux et contexte

concerné. Le caractère inopiné de ces visites est particulièrement important


dans les lieux tels que les postes de police où les risques de mauvais traite-
ments et de déplacement de détenu·e·s sont plus grands que dans d’autres
lieux de détention. Les postes de police sont généralement des lieux relati-
vement petits, ils contiennent peu de détenu·e·s par rapport aux prisons et
ils connaissent un roulement de détenu·e·s important. L’effet de surprise y
est donc particulièrement efficace, compte tenu notamment du risque que
les détenu·e·s soient déplacé·e·s hors du poste de police avant l’arrivée des
équipes de monitoring si la visite est annoncée à l’avance.
Les organes de monitoring qui visitent les postes de police de manière
régulière s’efforceront, dans la mesure du possible, d’effectuer leurs visites
à différentes heures de la journée, de la semaine et du mois. Une visite dans
un poste de police un mardi à 11 heures du matin sera différente d’une visite
effectuée à minuit durant un week-end ou pendant un jour férié. Pendant
le week-end et les jours fériés, la situation générale dans un poste de police
peut être plus tendue, les juges peuvent ne pas être disponibles, il peut
y avoir un plus grand nombre d’arrestations et le nombre d’agent·e·s en
service peut également différer. Il est souvent plus difficile d’organiser des
visites en dehors des heures de travail pour des raisons de commodité et de
sécurité. Il est également possible que les agent·e·s avec lesquel·le·s l’équipe
tient particulièrement à s’entretenir ne soient pas en service au moment de
la visite.

18
Chapitre I - Monitoring de la police : enjeux et contexte

Cependant, il est important de prévoir des visites à différents moments du


jour ou de la semaine, afin d’être en mesure de surveiller la situation ordinaire
du poste de police et de pouvoir identifier tout changement inhabituel par
rapport à la routine. Par exemple, les visites effectuées à différents moments
sont souvent le meilleur moyen d’identifier des problèmes tels que :
• l’absence d’agent·e·s de police de sexe féminin durant le service de
nuit ;
• le fait que le local médical est verrouillé et que les clés ne sont pas
facilement accessibles ; ou
• le fait que le personnel travaillant de nuit adopte un comportement
différent envers les détenu·e·s. I
Enfin, bien que les postes de police soient en général de taille relative-
ment petite, il est important que les visiteurs consacrent suffisamment de
temps à la visite de ces lieux. Les entretiens destinés à instaurer un rapport
de confiance avec la personne en charge et le personnel de la police, les

Monitoring de la police : enjeux et contexte


entretiens auprès des détenu·e·s, ainsi que tout événement imprévu repré-
sentent autant d’opportunités qui risquent d’être perdues si le programme
de monitoring est trop rigide.

3. Monitoring préventif : un cadre analytique


Un monitoring préventif efficace des centres de détention gérés par la police
- fondé sur des visites régulières et inopinées des postes de de police - faci-
lite le recueil d’informations de première main ; ces informations peuvent
ensuite servir de base pour identifier et analyser les facteurs qui entraînent,
ou qui ne parviennent pas à prévenir, la torture, les mauvais traitements et
d’autres atteintes à la dignité humaine des détenu·e·s.
Si les personnes privées de liberté sont au cœur du processus de monito-
ring préventif, l’objectif est de comprendre le fonctionnement des postes
de police en tant que système et non de porter uniquement attention à
la situation des personnes qui s’y trouvent détenues lors des visites. Il est
inutile de préciser que, si la situation d’une personne ou d’un groupe de
personnes soulève des préoccupations particulières, il peut être nécessaire
d’entreprendre une démarche immédiate ; cependant, le but principal des
visites est de parvenir à des changements systémiques.
Un objectif clé du monitoring préventif consiste à formuler des recomman-
dations concrètes, par le biais d’un dialogue constructif avec les autorités, afin

19
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

• d’atténuer ou d’éliminer les facteurs de risque ;


• de proposer des mesures préventives.
Une telle approche a un caractère prospectif et contribue, sur le long terme,
à favoriser un environnement dans lequel le risque de torture se voit réduit.
Dans le cadre d’une approche préventive, le monitoring n’est pas une fin en
soi. Si les visites permettent aux mécanismes de monitoring de recueillir des
informations de première main, elles ne constituent qu’un des nombreux
maillons dans la chaîne d’une stratégie préventive globale. Les organes
effectuant des visites dans les postes de police devraient aller au-delà des
I informations factuelles recueillies dans des établissements spécifiques
et s’efforcer d’identifier les causes profondes éventuelles à la fois des pro-
blèmes et des risques de torture et autres mauvais traitements. Les pro-
blèmes identifiés au cours d’une visite spécifique sont souvent le résultat de
facteurs externes plus larges ; par exemple, la surpopulation dans un centre
de détention géré par la police peut être le symptôme d’un système judi-
ciaire lent et surchargé. Il est donc essentiel d’effectuer une analyse allant
Monitoring de la police : enjeux et contexte

au-delà des informations factuelles recueillies lors de visites individuelles : les


équipes de monitoring analyseront également le cadre juridique en vigueur,
les politiques publiques ainsi que les institutions et les acteurs impliqués.

Cadre juridique
Pour faire en sorte que les équipes de visite aient la capacité de mener des
analyses exhaustives pendant et après des visites spécifiques, il est essentiel
que ses membres comprennent bien le cadre juridique pertinent. Les visiteurs

20
Chapitre I - Monitoring de la police : enjeux et contexte

examineront en particulier la législation nationale, telle que le Code pénal, le


Code de procédure pénale et la législation relative à la police ainsi que toutes
les procédures opérationnelles régissant la détention par la police. Il convient
d’examiner les textes juridiques pertinents pour déterminer s’ils intègrent de
manière adéquate les normes internationales telles que le Code de conduite
pour les responsables de l’application des lois (CCRAL)15 et les Principes de base
sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’ap-
plication des lois (PBRF).16 Il est également important de bien comprendre les
questions telles que les pouvoirs de la police en matière d’arrestation ainsi
que le droit à une assistance juridique et à la sécurité juridique. Cette exi-
gence est particulièrement importante pour les organes opérant aux termes
de l’OPCAT17 qui ont également pour mandat de formuler des recommanda- I
tions sur les projets de loi et sur les législations en vigueur.

Politiques publiques
Les politiques publiques sont des éléments importants de réponse à des
problèmes spécifiques dans une société donnée ; elles peuvent accroître

Monitoring de la police : enjeux et contexte


ou diminuer les facteurs de risque pour les personnes détenues par la
police. Le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants (SPT), qui est le mécanisme
international de prévention mis en place par l’OPCAT, décrit son approche
préventive comme étant centrée autour du besoin
• « de prendre en considération, de manière plus large, les cadres
réglementaires et la politique générale concernant le traitement
des personnes privées de liberté et établir un dialogue avec ceux
qui en sont responsables » ; et
• de « s’intéresser à la manière dont ces dispositions sont appliquées ».18
Il en va de même pour les organes nationaux chargés du monitoring de la
police. Les politiques en matière de criminalité, de sécurité, de maintien de
l’ordre, de justice des mineur·e·s, de consommateurs et consommatrices de

15 Disponible sur http://www2.ohchr.org/french/law/code_de_conduite.htm


16 Disponible sur http://www2.ohchr.org/french/law/armes.htm
17 Disponible sur http://www.admin.ch/ch/f/as/2009/5449.pdf
18 Approche du Sous-Comité pour la prévention de la torture concernant la notion de prévention
de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants au sens
du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants, Doc. ONU CAT/OP/12/6, 20 décembre 2010,
Principe directeur 5(2). Disponible sur http://www2.ohchr.org/english/bodies/cat/
opcat/ConceptPrevention.htm

21
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

drogue, de migrant·e·s, de sans abris et de nombreuses autres questions


similaires peuvent avoir un impact sur le risque de torture et sur les condi-
tions de détention. Les visiteurs identifieront clairement les politiques qui
peuvent avoir un impact - positif ou négatif - en fonction des contextes dans
lesquels ils opèrent. Par exemple, les politiques relatives à la lutte contre
la criminalité, telles que le recours à des quotas en matière d’arrestations
ou des politiques de « tolérance zéro », peuvent conduire à une augmen-
tation du nombre des arrestations et, par conséquent, à une surpopulation
des lieux où sont détenues des personnes dans l’attente de leur procès. De
même, les politiques publiques relatives à la réinsertion des consommateurs
et consommatrices de drogue peuvent également permettre d’orienter
I ces personnes hors du système de justice pénale afin qu’ils ou elles soient
pris·e·s en charge par des établissements et processus de santé publique.
Il est important de noter que certains pays peuvent disposer d’une politique
de lutte contre la torture et d’autres mauvais traitements sans que celle-ci
soit inscrite dans la législation. Il est donc essentiel d’avoir une bonne com-
Monitoring de la police : enjeux et contexte

préhension des politiques publiques afin d’identifier les éventuels facteurs


de risque et causes profondes de la torture et autres formes de mauvais
traitements, ainsi que des pratiques permettant d’atténuer ces risques.

Institutions et acteurs principaux


L’analyse des institutions et des acteurs clé est une condition essentielle
pour permettre aux équipes de visite d’effectuer un travail efficace, car elle
améliore leur compréhension non seulement de la police, mais également
des tribunaux, des institutions d’aide juridique, des organisations de la
société civile travaillant sur la question de la détention par la police et des
autres organes ayant des responsabilités en matière de surveillance. Les
postes de police sont une composante plus large d’un ensemble d’entités
administratives rattachées à des ministères qui définissent l’orientation des
politiques gouvernementales. La direction de la police et la culture institu-
tionnelle dominante (par exemple, la police se perçoit-elle comme faisant
partie d’une force ou d’un service ? Le maintien de l’ordre est-il fondé sur
une approche autoritaire ou communautaire ?) ont une incidence extrême-
ment importante sur les facteurs de risque en matière de torture et autres
mauvais traitements.
L’évaluation des facteurs de risque devrait également reposer sur une ana-
lyse des questions relatives à la structure et au fonctionnement internes tels
que le recrutement, la formation, le système de promotion, les capacités,
les mécanismes de monitoring et de plaintes, les plans opérationnels et les

22
Chapitre I - Monitoring de la police : enjeux et contexte

ressources financières. Par exemple, si la police n’est pas dotée d’un nombre
suffisant de véhicules, des personnes détenues par la police risquent de
ne pas pouvoir se présenter devant un tribunal ; cela peut conduire à une
prolongation de la détention avant jugement, ce qui accroît le risque de
surpopulation et par conséquent la vulnérabilité des détenu·e·s aux mau-
vais traitements et à des conditions de détention non respectueuses de
leur dignité. Dans d’autres cas, le transfert des détenu·e·s des locaux de la
police vers la prison est confié à des sociétés privées ; si aucun contrôle ins-
titutionnel n’est mis en place, ces détenu·e·s peuvent être soumis·e·s à des
transferts d’une durée interminable du fait des pratiques de réduction des
coûts imposées par ces sociétés contractantes.
Les organes de monitoring accorderont une attention particulière au fonc-
I
tionnement des mécanismes de contrôle internes à la police. En principe,
ces mécanismes doivent être les premiers à réagir aux signaux d’alerte, de
façon à y répondre avant que la situation ne s’aggrave. L’analyse des modali-
tés de réponse de ces mécanismes de contrôle internes est une clé d’entrée

Monitoring de la police : enjeux et contexte


pouvant être extrêmement pertinente pour mettre en lumière à la fois les
obstacles et les avancées dans la mise en place d’une culture de respect des
droits humains au sein de l’institution dans son ensemble.
Les relations entre la police et d’autres acteurs peuvent influer sur les
conditions et le traitement de détenu·e·s. L’analyse de ces relations peut
également contribuer à identifier des allié·e·s potentiel·le·s pour favoriser
des changements positifs. La question centrale que les visiteurs devraient
se poser lorsqu’ils effectuent de telles analyses est la suivante : « Que fait
cette institution afin de prévenir la torture ? ». Il est essentiel de cartogra-
phier les éventuelles « structures de l’impunité », à savoir les réseaux intra
et inter-institutions qui permettent que des actes de torture soient commis
en restant impunis.
Dans la mesure où il peut y avoir de grandes différences entre les divers
lieux sous l’autorité de la police, il convient d’examiner deux dimensions
essentielles :
• la gestion/administration de ces établissements ;
• leur fonctionnement effectif.

Administration et gestion
Il n’est pas rare que les équipes de monitoring négligent d’examiner l’ad-
ministration et la gestion des postes de police, alors que la protection
des droits des détenu·e·s est conditionnée par une bonne administration.

23
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

En effet, ces deux dimensions influent directement sur les perceptions et


les pratiques du personnel et donc sur la protection des détenu·e·s. Il est
essentiel de connaître les modalités de gestion du poste de police ainsi que
les systèmes et processus en vigueur, afin d’avoir une compréhension adé-
quate du contexte plus général de son fonctionnement. Par exemple, outre
les protocoles et les procédures régissant au niveau national la gestion des
postes de police, la personne en charge d’un poste de police donné, ou son
personnel, peut mettre en place des processus d’enregistrement ou des
mécanismes spécifiques destinés à répondre aux difficultés rencontrées au
quotidien dans l’établissement en question. De même, la police peut légiti-
mement être amenée à limiter le contact des personnes suspectes avec des
I personnes extérieures aux fins d’une enquête, mais les modalités d’adop-
tion et de réexamen de cette décision varient souvent d’un poste de police
à un autre. Il arrive souvent que ces particularités ne soient décelées qu’en
posant des questions précises : les réponses à ces questions peuvent révéler
des exemples de bonnes pratiques ou fournir des informations pertinentes
en matière de prévention de la torture. Pour ce faire, il faudrait, avant d’ef-
Monitoring de la police : enjeux et contexte

fectuer une visite de monitoring, obtenir le plus d’informations possible sur


la chaîne de responsabilités administratives ainsi que sur les mécanismes,
les protocoles et les directives en vigueur dans le poste de police en ques-
tion. Ainsi, pendant leur visite, les équipes de monitoring pourront analyser
le fonctionnement, la mise en œuvre et l’efficacité de ces procédures et éva-
luer toute autre mesure ad hoc et spécifique à ce poste de police.

Fonctionnement
L’analyse du fonctionnement des postes de police s’effectue principalement
pendant les visites de monitoring. Le présent manuel s’attache principale-
ment à la façon de mener une telle analyse de manière efficace (voir particu-
lièrement le Chapitre II). L’analyse devrait inclure l’expérience effectivement
vécue par les détenu·e·s, la manière dont ils ou elles sont traité·e·s, les condi-
tions de leur arrestation et détention, du traitement de leur cas, et de leur
libération. En général, les règlements, les registres et les processus varient
d’un lieu à l’autre. Il est donc important d’examiner à la fois la manière dont
les agent·e·s impliqué·e·s accomplissement leur travail en pratique ainsi que
les difficultés auxquelles ils ou elles sont confronté·e·s. Un grand nombre de
données sur lesquelles s’appuient ces analyses sont recueillies par le biais
d’entretiens avec :

24
Chapitre I - Monitoring de la police : enjeux et contexte

• des personnes anciennement ou actuellement détenues ;


• des agent·e·s travaillant à un niveau opérationnel et administratif ;
• d’autres acteurs pertinents.
Il faudrait également examiner les cas spécifiques d’abus présumés ainsi
que les problèmes relatifs aux conditions matérielles et autres facteurs en
les évaluant et en les comparant à la lumière des législations, des politiques
publiques et des dispositifs institutionnels et administratifs pertinents.
Cependant, les visites représentent le moyen le plus efficace d’obtenir des
preuves tangibles de :
• la manière dont est gérée la détention dans des lieux spécifiques ; I
• les situations à risque ;
• les cas dans lesquels les normes de droits humains ne sont pas
efficacement ou pleinement mises en œuvre.

Monitoring de la police : enjeux et contexte

25
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

3.1. Monitoring des lieux de détention :


Principes de base
Le monitoring des lieux de détention par le biais de visites est une tâche
délicate et sensible. Pour des raisons tenant à la fois à l’éthique et à l’ef-
ficacité, il est important que les personnes menant ces visites prennent
en compte et respectent les principes de base suivants : 19
• Ne pas nuire
• Garder la tête froide
I • Respecter les autorités et le personnel
• Respecter les personnes privées de liberté
• Être crédible
• Respecter la confidentialité
• Respecter la sécurité
Monitoring de la police : enjeux et contexte

• Être cohérent·e, persévérant·e et patient·e


• Être exact·e et précis·e
• Être sensible
• Être objectif/·ve
• Se comporter avec intégrité
• Être visible.

19

19 Ces principes sont inspirés par les dix-huit principes de base de monitoring identifiés
dans le chapitre V du Manuel de formation sur le monitoring des droits de l’homme
des Nations unies (Série sur la formation professionnelle N°7), Haut-Commissariat aux
droits de l’homme, Genève, 2001. Disponible sur http://www.ohchr.org/Documents/
Publications/training7part1fr.pdf. Ces principes sont examinés de manière plus
approfondie dans APT, Visiter un lieu de détention : guide pratique, Genève, avril 2004.
Disponible sur : http://www.apt.ch/content/files_res/Monitoring%20Guide%20FR.pdf

26
Chapitre II
Visiter les postes de police
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Ce chapitre examine plus en détail la manière d’effectuer une visite de


monitoring d’un poste de police. Comme nous l’avons vu dans le Chapitre I,
les visites de monitoring ne sont qu’une des composantes d’une approche
préventive globale ; elles en constituent cependant un élément central,
en ce qu’elles permettent aux équipes de monitoring d’obtenir des infor-
mations de première main sur la situation réelle dans des postes de police
spécifiques.
Le Chapitre II présente les trois étapes principales du processus de monito-
ring, qui sont d’égale importance : la préparation d’une visite, la conduite
d’une visite et le suivi de cette visite. La partie B, consacrée à la conduite des
visites, peut s’appliquer à la majorité des contextes, mais les visiteurs feront
preuve de flexibilité afin de s’adapter aux spécificités des lieux visités.

Partie A. Préparation d’une visite

Le processus de monitoring ne commence pas simplement au moment où


l’équipe de visite pénètre dans le poste de police. L’équipe ne peut effec-
tuer une visite efficace qu’en la préparant de manière adéquate. La durée
de cette préparation dépend des objectifs spécifiques de la visite et du

II niveau d’expérience de l’équipe ; dans tous les cas, la préparation devrait


être menée de manière approfondie. La préparation d’une visite comporte
quatre phases clé :
1. Recherche et recueil d’informations ;
2. Préparation opérationnelle ;
Visiter les postes de police

3. Préparation matérielle ;
4. Préparation psychologique.

1. Recherche et recueil d’informations


Avant toute visite de monitoring, l’équipe s’assurera que chacun·e des
membres possède le même niveau d’information et est pleinement formé·e
à ce type de travail.

1.1. Lois et règlements


Comme souligné dans le Chapitre I, la première étape de la préparation
consiste à effectuer des recherches sur le cadre législatif et réglementaire
relatif à la détention par la police applicable dans le lieu qui va être visité.

28
Chapitre II - Visiter les postes de police

Pour être pleinement efficace, l’équipe devrait avoir une compréhension de


base des éléments suivants :
• code de conduite de la police nationale (le cas échéant) et autres
règlementations régissant les procédures de police ;
• droits des personnes détenues ;
• organisation et structures de la police et d’autres organes de
l’application des lois qui font l’objet d’un monitoring par l’équipe ;
• pouvoirs accordés à la police en matière de détention des personnes ;
• durée pendant laquelle la police est habilitée à détenir des personnes ;
• procédures appliquées durant la phase d’arrestation et lors de
l’arrivée d’une personne au poste de police ;
• procédures en vigueur et règlements relatifs aux interrogatoires
menés par la police.
Il est également essentiel que l’équipe ait une bonne connaissance de toutes
les normes universelles et régionales pertinentes (voir le Chapitre III). De
même, les équipes de monitoring devraient bénéficier d’une connaissance
adéquate des protections spécifiques dont bénéficient certaines catégories
particulières de personnes, notamment les femmes, les migrant·e·s dans

II
l’attente d’une décision relative à leur demande d’asile, les mineur·e·s, les
personnes vivant avec un handicap, les membres de minorités religieuses
ou ethniques et autres groupes en situation de vulnérabilité.

1.2. Registres

Visiter les postes de police


L’équipe de visite devrait bien connaître les types de registres et autres
documents utilisés pour consigner les données d’ordre personnel et autres
informations connexes sur les personnes détenues par la police (voir Cha-
pitre II, Partie B, Section 4 ci-dessous). Les visiteurs tiendront compte du fait
que divers types de registres peuvent être utilisés dans les postes de police
et que ceux-ci peuvent différer de manière significative d’un poste à l’autre
ou même au sein d’une même structure. L’équipe devrait donc savoir quels
sont les registres et documents que la police est tenue de conserver aux
termes de la loi ou du règlement intérieur. Elle devrait également être infor-
mée de la tenue d’autres registres ou documents qui ne sont pas requis par
la loi ou le règlement et dont l’existence a été observée durant des visites
précédentes.
11 Voir Chapitre III, Section 4.2.

29
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

1.3. Informations pertinentes


Les recherches préparatoires viseront à recueillir toutes les informations
internes et externes disponibles sur l’établissement qui va être visité, y com-
pris des données sur tout problème ou allégation spécifique qui a été relevé,
soit depuis la dernière visite, soit dans les semaines et les mois précédents,
s’il s’agit de la première visite effectuée dans ce lieu par l’organe de monito-
ring. Les sources d’information utiles pour ces recherches sont notamment
les articles et recommandations provenant des médias, des ONG, d’organes
universels ou régionaux (en particulier les recommandations adressées aux
autorités) ainsi que les rapports officiels auxquels l’équipe de visite a accès.
Il est important de prendre soigneusement note des types d’abus, des lieux
spécifiques au sein de l’institution où des mauvais traitements auraient été
commis ainsi que des formes de mauvais traitements allégués. Il est égale-
ment essentiel de vérifier si les mauvais traitements allégués sont d’ordre
physique et identifier les types d’instruments ou ustensiles qui auraient été
employés. Ceci est particulièrement important lorsque ces instruments sont
apparemment inoffensifs ou si la manière dont ils sont utilisés n’est pas immé-
diatement évidente ; par exemple, les masques à gaz ou les tuyaux d’eau à
haute pression peuvent être utilisés pour maltraiter des détenu·e·s. Le fait
d’être conscient de l’existence de problèmes actuels ou antérieurs peut aider
II les membres de l’équipe à être attentifs à la présence de ces instruments lors
de la visite du poste de police. En cas de recours à des méthodes de mauvais
traitements d’ordre psychologique, l’équipe devrait également être préparée
à examiner, par exemple, les lieux où un isolement cellulaire ou encore une
privation de lumière ou autre privation sensorielle peuvent être imposés.
Visiter les postes de police

L’analyse ne devrait pas se limiter au lieu visité, mais devrait aussi inclure
des informations générales sur les diverses pratiques pouvant entraîner
des abus de la part de la police. Cela permettra aux équipes de monitoring
d’évaluer si ces pratiques se retrouvent dans le lieu qu’ils sont en train de
visiter et s’il existe des facteurs susceptibles de les atténuer.
Lorsque les visiteurs ont accès aux plaintes - qu’il s’agisse de plaintes sou-
mises directement à l’organe de monitoring ou transmises à un médiateur
ou à une structure similaire - celles-ci constituent également une source
importante d’informations à recueillir avant une visite.

1.4. Contacts avec d’autres sources


Dans l’idéal, la recherche préparatoire ne devrait pas se limiter à une lec-
ture passive de rapports et d’informations externes. Il peut être très utile
30
Chapitre II - Visiter les postes de police

de rencontrer d’autres acteurs, tels que des ONG, des avocat·e·s qui repré-
sentent des détenu·e·s, des parents, des membres de services chargés des
affaires internes et de l’éthique professionnelle, le personnel des hôpitaux,
des juges, des forums de police de proximité et des médecins ayant été
amenés à traiter des détenu·e·s. Tout acteur ayant affaire avec la police de
manière régulière peut détenir des informations utiles.

1.5. Gestion du lieu visité


Il est également utile de connaître, dans la mesure du possible, l’identité de la
personne en charge et des officiers supérieurs du poste de police que l’équipe
prévoit de visiter ainsi que d’autres officiers supérieurs dans la région, afin
d’être en mesure d’établir des relations constructives avec eux. Étant donné
que le maintien de l’ordre repose habituellement sur une structure relative-
ment hiérarchique, les agent·e·s de rang subalterne souhaitent généralement
avoir l’assurance que l’équipe de visite agit avec l’accord de leur hiérarchie.
Ces liens noués avec la hiérarchie peuvent également aider à résoudre
d’éventuelles difficultés telles que le manque de coopération ou l’absence
de mise en œuvre des recommandations. Il est également utile d’avoir des
informations actualisées sur la rotation du personnel à un niveau supérieur
car ces changements peuvent aboutir à des modifications dans l’attitude
des membres de la police à l’égard des détenu·e·s. Par exemple, l’attitude II
d’« intransigeance » face aux criminels transmise par un nouveau ou une
nouvelle chef·fe à ses subordonné·e·s peut conduire à une augmentation
des mauvais traitements allégués.

Visiter les postes de police


2. Préparation opérationnelle
Les visites de monitoring ne sont jamais une affaire de routine. Chaque
visite sera planifiée avec soin. La présence de l’équipe de monitoring ne
constitue jamais un événement routinier ni pour les personnes détenues
dans le poste de police ni pour les agent·e·s qui y travaillent, quelles que
soient la fréquence et la régularité de ces visites. Si les équipes de monito-
ring effectuent leur visite de manière routinière, il y a fort à craindre que des
éléments importants échappent à leur attention.

2.1. But de la visite


L’équipe de visite fixera à l’avance le but de sa visite. L’équipe cherche-t-elle
à effectuer une visite approfondie du lieu de détention dans l’objectif de

31
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

recueillir des informations générales ? Ou veut-elle plutôt se concentrer sur


un thème spécifique qui sera exploré lors des visites menées dans une série
de postes de police ? Une visite thématique peut consister, par exemple, à
examiner dans quelle mesure les détenu·e·s sont notifié·e·s de leurs droits,
ou bien la façon dont les droits des mineur·e·s sont respectés. L’équipe
peut également effectuer une visite de suivi afin de vérifier si les recom-
mandations formulées précédemment ont été mises en œuvre. L’objectif
de la visite peut même être de vérifier des informations recueillies durant
des visites dans d’autres lieux de détention, tels que les prisons. Le but de
la visite va orienter la manière dont l’équipe va procéder et elle sera donc
définie à l’avance de manière précise.

2.2. Composition de l’équipe de visite


Les objectifs, la taille du poste de police et les ressources humaines dispo-
nibles au sein de chaque mécanisme de visite vont, dans une large mesure,
déterminer le nombre de personnes participant aux visites, même si la
taille de l’équipe est également fonction de la disponibilité des membres
de l’équipe. De manière générale, les équipes devraient comprendre deux
personnes au minimum : en effet, les équipes devraient être suffisamment
importantes pour réaliser, dans le temps imparti, les principaux objectifs que
II l’organe de visite s’est assigné. Cependant, l’équipe ne devrait pas non plus
comprendre trop de visiteurs. Les postes de police et les différents locaux
que les membres de l’équipe vont probablement demander à visiter sont,
en général, de surface peu étendue. La présence d’un nombre important
de personnes étrangères au lieu de détention peut être ressentie comme
envahissante, avoir un effet intimidant, et risque de perturber inutilement
Visiter les postes de police

aussi bien les agent·e·s que les détenu·e·s. De plus, si les rôles des visiteurs
ne sont pas clairement définis et respectés, une équipe trop nombreuse ne
peut que compliquer le travail de monitoring qui doit être mené.
Pour autant, les équipes devraient représenter un éventail d’expertise afin
de s’assurer la coopération aussi bien des détenu·e·s que du personnel
chargé du maintien de l’ordre. Il faut donc que la composition de l’équipe
soit aussi diverse et multidisciplinaire que possible. Les objectifs de la visite
influencent également la composition de l’équipe ; par exemple, si un des
objectifs vise à analyser l’accès à un traitement médical, il est essentiel que
l’équipe compte un médecin.1 De même, s’il existe une probabilité raison-

1 La présence d’un médecin est toujours recommandée ; elle permet (i) l’examen immédiat
de toute personne faisant état de traumatisme physique ou mental et (ii) à l’équipe
d’avoir une compréhension approfondie de tout système de santé en place. Lorsque

32
Chapitre II - Visiter les postes de police

nable que les visiteurs rencontrent des détenu·e·s (ou des membres de la
police) appartenant à une ethnie particulière ou parlant une langue mino-
ritaire, il est souhaitable que l’équipe comprenne une personne de cette
même ethnie ou parlant cette même langue minoritaire. Il est également
toujours recommandé d’inclure des personnes de sexe masculin et de sexe
féminin dans les équipes ; c’est essentiel lorsqu’il est probable que l’équipe
rencontre des détenu·e·s des deux sexes.
Les rôles et les responsabilités au sein de l’équipe devraient être définis
à l’avance. Il est important, en particulier, de nommer un·e responsable
de l’équipe qui sera chargé·e d’organiser la visite. Ce·tte responsable fera
office de porte-parole, présentera les membres de l’équipe à la personne
en charge du poste de police et dirigera l’entretien avec cette dernière au
début et à la fin de la visite.

2.3. Questions de logistique


Il est recommandé de prendre soigneusement en compte les questions
d’ordre logistique ; si la personne responsable de l’équipe n’est pas chargée
de coordonner les aspects logistiques de la visite, un autre membre sera
explicitement affecté à ce rôle. Celui-ci inclut l’organisation du transport,
de la nourriture et du logement, le cas échéant. Une visite spécifique peut
faire partie d’une mission plus large comprenant une série de visites dans II
plusieurs lieux de détention dans la même région, ce qui accroît la longueur
de la mission et la lourdeur de la tâche en termes logistiques.
Dans le cas où la visite est notifiée au préalable, un membre de l’équipe
(la personne en charge ou tout autre personne spécifiquement désignée)

Visiter les postes de police


veillera à ce que les informations soient correctement transmises à la (ou
aux) personne(s) concernée(s).

les organes de monitoring ne comptent pas de médecins parmi leurs membres, ils
peuvent envisager d’organiser une formation leur permettant de savoir comment
examiner des questions médicales et de santé en l’absence d’expertise professionnelle.
Cependant, cela ne peut en aucun cas pleinement compenser l’absence d’un médecin
au sein de l’équipe. Voir Visites des lieux de détention : Quel rôle pour les médecins et autres
professionnels de la santé ?, APT, Genève, 2008. Disponible à l’adresse suivante : http://
www.apt.ch/content/files_res/RoleForPhysiciansFr.pdf. NB : Les commissariats de police
ne sont pas censés conserver des dossiers/registres médicaux car ceux-ci doivent être
confidentiels et ne doivent pas être consultés par la police. Cependant, dans certains
pays, certains dossiers médicaux sont conservés dans les commissariats de police : dans
ce cas, les dossiers doivent être tenus par des fonctionnaires de police disposant d’une
formation médicale.

33
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

2.4. Personnes de contact


Il est utile, autant que possible, que les visiteurs aient une personne de
contact à un niveau supérieur au sein de l’institution ou du ministère
concerné ; ce contact peut être saisi en cas de problème, idéalement avec
son accord préalable. Par exemple, si l’équipe rencontre des difficultés
à obtenir l’accès au poste de police, les visiteurs peuvent téléphoner à la
personne de contact pour lui demander d’autoriser directement leur entrée
dans ce lieu. Le fait de disposer d’un tel contact peut faire toute la différence
si l’accès au lieu semble compromis.

3. Préparation matérielle

3.1. Code vestimentaire


Dans le cadre du travail de monitoring de la détention, il est extrêmement
important de penser à la manière dont on est perçu ; les visiteurs cherche-
ront tout particulièrement à éviter de donner une image erronée ou sus-
ceptible de desservir le travail de l’équipe, car de telles perceptions peuvent
porter atteinte à l’efficacité de leur travail.

II La question du caractère « adéquat » du code vestimentaire a des implica-


tions d’ordre culturel et comporte certains risques. Il n’existe pas de règle
d’or applicable à chaque pays ou dans chaque situation. Il est important
de donner une image d’autorité, de professionnalisme et d’indépendance :
le code vestimentaire est souvent particulièrement important en ce qui
concerne les interlocuteurs(trices) principaux(ales) des équipes de monito-
Visiter les postes de police

ring, car il peut influer substantiellement sur leur attitude. Ainsi, les visiteurs
seront pris davantage au sérieux s’ils prennent la peine de se vêtir confor-
mément au contexte du poste de police visité.
Étant données les conditions difficiles dans les lieux de détention dans de
nombreux pays, les équipes de visite peuvent, à juste titre, préférer adopter
un style vestimentaire plus décontracté, surtout si la visite a lieu en été ou
lorsqu’il fait chaud et humide. Cependant, les questions d’image et de per-
ception sont importantes ; ces facteurs sont particulièrement importants
pour les membres de la police car ces derniers soulignent leur image et
leur statut en revêtant des uniformes et insignes de grade. Même chez les
agent·e·s en « civil », le rang est souvent indiqué et confirmé par le code
vestimentaire ; plus un membre de la police occupe une place élevée dans
la hiérarchie, plus il s’habillera de manière formelle.

34
Chapitre II - Visiter les postes de police

Le port de bijoux peut poser une série de problèmes. Pour des raisons évi-
dentes, il n’est pas approprié que les personnes visitant des lieux de déten-
tion soient habillées de manière ostentatoire ou soient parées de bijoux. De
plus, cela peut fournir à la police une raison de s’opposer à une visite en pré-
textant du risque que cela pose pour la sécurité de la personne tout autant
que pour ses possessions. Enfin, il faut souvent prendre en compte des ques-
tions d’ordre culturel. Par conséquent, la question du port de bijoux, que ce
soit par des hommes ou des femmes, devrait être soigneusement examinée.
Les organes de monitoring dont les membres portent un uniforme spécial
(par exemple certains MNP portent des chemises spéciales, des insignes
ou d’autres symboles d’identification) veilleront à ce que leurs uniformes
et symboles n’aient pas un caractère militariste et que ceux-ci ne puissent
pas être facilement confondus avec ceux d’autres institutions étatiques ; en
d’autres termes, les organes de monitoring devraient marquer soigneuse-
ment leur indépendance et, par conséquent, leur légitimité.

3.2. Documents d’identité et équipement


Il est aussi important de veiller à ce que les membres de l’équipe de visite
apportent avec eux l’équipement approprié, leurs cartes d’identité ainsi
que des copies de tous les documents d’accréditation, les autorisations et
les pièces d’identité nécessaires pour effectuer la visite ; ceux-ci peuvent II
inclure une autorisation écrite délivrée par le ministère approprié ou le ou la
chef·fe de la police, une copie de la loi accordant l’accès du lieu de détention
à l’organe de visite et toute autre correspondance importante avec le per-
sonnel de l’établissement visité. Tous les documents nécessaires devraient

Visiter les postes de police


être apportés lors de chaque visite, même si l’équipe se rend régulièrement
au poste de police en question.2

4. Préparation psychologique
Avant de visiter un poste de police, il est important de réfléchir soigneuse-
ment à tous les aspects de la visite. Cela inclut les tâches les plus simples
qui, dans les autres domaines de la vie quotidienne, se font automatique-
ment sans aucun processus décisionnel conscient. Les visiteurs devraient

2 L’équipement utile durant une visite donnée dépend dans une grande mesure du contexte,
des objectifs et des modalités de la visite en question, mais il peut inclure les éléments
suivants : une copie des documents d’accréditation de l’équipe, une liste récapitulative des
questions à examiner, un questionnaire à utiliser lors des entretiens avec les détenu·e·s, un
stylo et un carnet de notes, un mètre à ruban, un thermomètre, une lampe de poche, etc.

35
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

prennent le temps de réfléchir à leurs attitudes et à celles des agent·e·s qui


les recevront. Il est important de projeter une image qui facilite le travail à
faire en tenant toujours compte des facteurs suivants :
• De par leur nature, les activités des équipes de monitoring ont un
caractère extrêmement intrusif ; elles représentent une intrusion
dans des secteurs et des lieux qui sont rarement, voire jamais, soumis
à une surveillance indépendante. C’est particulièrement le cas pour la
police, dont la culture est souvent imprégnée du secret – parfois par
nécessité – et d’une suspicion à l’égard des personnes extérieures. Par
conséquent, l’arrivée de l’équipe de visite risque d’être traitée avec
méfiance. Même si l’établissement visité est administré de manière
adéquate et n’est l’objet d’aucune allégation de mauvais traitements
et même si les droits des détenu·e·s sont scrupuleusement respectés,
il est probable que l’accueil ne sera pas enthousiaste. Cela dit, les
visiteurs ne devraient pas partir du principe que les agent·e·s se
montreront hostiles ou suspicieux(ses) car cela peut créer, en soi, une
dynamique malsaine.
• Les visites de monitoring ne sont pas considérées comme un exercice
de routine par la police. L’arrivée inopinée de visiteurs qui peuvent
s’entretenir avec les détenu·e·s, examiner les dossiers, inspecter les
II conditions matérielles et passer un temps considérable dans les
locaux pour accomplir cette tâche peut être perçue, au minimum,
comme un dérangement. Les agent·e·s, y compris les officiers
supérieurs, devront interrompre leurs activités pour s’occuper des
visiteurs - ou au moins ils ou elles s’estimeront obligés de le faire.
• Si la visite est effectuée dans un lieu de détention jamais visité par le
Visiter les postes de police

passé, ou par une nouvelle équipe de visiteurs, il peut être utile que
l’équipe examine en détail, avant la visite, les problèmes éventuels
qui pourraient surgir et les manières dont ils pourraient être résolus.
Il peut même s’avérer utile de mener des activités de jeux de rôle afin
de faciliter les débats sur la façon dont l’équipe drevrait répondre à
l’impolitesse, à une obstruction totale ou au contraire aux tentatives
de « récupérer » la visite de la délégation par une amabilité excessive.
La délégation s’entendra ainsi, à l’avance, sur la politique à suivre
afin d’écourter une visite si l’un des membres de l’équipe l’estime
nécessaire ; ces discussions sensibles ne peuvent pas facilement être
menées en présence de détenu·e·s ou de membres de la police et
il faut donc décider à l’avance de la manière de faire face à ce type
d’éventualités.

36
Chapitre II - Visiter les postes de police

• Les visiteurs devront apprendre à projeter une image d’autorité et


de confiance dans leurs rapports avec la police. Les agent·e·s sont
habitué·e·s à avoir le contrôle et à exercer le pouvoir. Le personnel de
la police appartient à une institution de nature hiérarchique et s’en
remet dans ses pratiques routinières aux officiers supérieurs. Dans
leurs rapports avec la population, les membres de la police sont
habitués à prendre l’initiative et à être respectés. Pendant les visites,
les membres de l’équipe de monitoring devront prendre l’initiative
sans être dirigés par les agent·e·s ; ils affirmeront leur présence et leur
mandat, tout en se trouvant sur le « territoire de la police ». Pour ce
faire, durant les préparatifs, il pourra être utile que l’équipe discute de
la manière d’établir son autonomie et d’affirmer son indépendance
sans que son attitude soit perçue comme agressive ou hostile.
• Enfin, il est important que les visiteurs gardent l’esprit ouvert et
restent vigilants en tout temps.

II

Visiter les postes de police

37
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Partie B. Mener une visite

En général, les visites régulières des lieux de détention, y compris les postes
de police, sont effectuées dans un ordre logique qui comprend les étapes
décrites ci-dessous. Cet ordre peut être interchangeable en fonction des
objectifs de la visite :
• Arrivée et entretien initial avec la personne responsable du poste de
police.
• Visite des lieux.
• Entretiens avec les détenu·e·s et le personnel.
• Analyse des registres de détention, autres registres et documents.
• Entretien final avec la personne en charge de l’établissement.
Chacune de ces étapes est décrite en détail ci-dessous. Cependant, les
équipes de visite ne devraient pas considérer cette séquence comme un
modèle rigide et devraient toujours faire preuve de flexibilité ; il est impor-
tant de réagir à toute situation susceptible de surgir pendant une visite, et
de modifier, le cas échéant, les plans et l’ordre habituel des activités.

II 1. Arrivée au poste de police

1.1. Arriver ensemble


Une visite ne devrait pas commencer, sauf circonstances exceptionnelles,
avant que tous les membres de l’équipe ne soient arrivés. Le jour de la visite,
Visiter les postes de police

les membres de l’équipe devraient arriver ensemble au poste de police. Le


fait d’arriver de manière séparée, par intervalles, revient à annoncer la visite,
ce qui n’est pas souhaitable. Cela peut également porter atteinte à la crédi-
bilité, l’efficacité et l’autorité de l’équipe.

1.2. Premiers contacts


Le premier contact entre l’équipe de visite et la police est extrêmement
important. Pendant les premières minutes, les visiteurs vont influer sur l’opi-
nion que les agent·e·s vont se faire d’eux et, surtout, la manière dont les
membres de la police vont se comporter à leur égard.
Une fois arrivé avec toute son équipe à l’entrée du poste de police, le ou la
responsable désigné·e sera prêt·e à produire les documents d’accréditation

38
Chapitre II - Visiter les postes de police

de l’équipe et à indiquer à (ou aux) agent·e·s affecté(e·s) à l’entrée (ou au


bureau d’accueil) du poste l’identité de l’organe de monitoring qu’il ou elle
représente, le but de la visite et leur volonté de parler immédiatement avec
la personne responsable de ce lieu de détention. Tous les autres membres
du groupe auront leurs documents d’accréditation à portée de la main et
seront en mesure de les produire sur demande.

1.3. Délais et obstruction


Après avoir présenté leurs documents d’accréditation, les membres de
l’équipe de visite sont, dans la très grande majorité des cas, autorisés à
passer devant le poste de garde et orientés ou escortés vers le bureau de
réception, à moins que l’équipe n’y ait accès directement. Une fois arrivés
là, les membres de l’équipe de monitoring devront probablement attendre
qu’un officier supérieur soit appelé pour les recevoir. Dans de nombreux cas,
le délai d’attente est minimal et acceptable ; cependant, l’équipe devrait
être prête à attendre un certain temps avant d’être reçue dans le cas où le
garde ou l’agent·e affecté·e à la réception est très occupé.
Les visiteurs sont parfois confrontés à des délais d’attente longs et inaccep-
tables. Ils peuvent faire face à des manœuvres d’obstruction évidente ou à
un refus total de leur accorder l’accès au lieu de détention. Dans de tels cas,
les visiteurs seront conscients du fait que l’agent·e concerné·e peut ne pas II
agir de sa propre initiative. Cet·te agent·e peut simplement obéir aux ordres,
ou à ce qu’il ou elle pense être une manière d’agir appropriée.
Les visiteurs garderont à l’esprit que, dans tous les pays, la police consti-
tue une organisation disciplinée dotée d’une structure hiérarchique claire.

Visiter les postes de police


Même les services de police les plus modernes conservent, par nécessité, des
uniformes et des insignes de grade. La discipline et l’obéissance à l’autorité
sont la norme. Le jugement individuel est souvent activement découragé.
Par conséquent, si un·e agent·e subalterne reçoit l’ordre de ne pas autori-
ser les visiteurs à pénétrer dans le poste de police avant que la personne
responsable de ce lieu n’ait été informée de leur présence et soit arrivée
pour les rencontrer, il ou elle refusera l’entrée à l’équipe de visite. Dans de
telles circonstances, monter le ton ne produira que peu d’effets, si ce n’est
d’aboutir à ce que l’équipe perde de sa crédibilité ; de plus, cela ne peut que
contribuer à tendre l’atmosphère une fois l’accès finalement accordé.
Il est cependant approprié et même important dans de telles circonstances
que la personne en charge de l’équipe fasse preuve de fermeté en déclarant
que l’équipe n’acceptera pas cette situation.

39
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

• La personne responsable de l’équipe demandera le nom de l’agent·e


à qui elle a à faire. Cependant, cela devrait être fait sans aucune
allusion de menace. Cette étape sera plutôt considérée comme un
moyen d’établir au moins un contact de base avec la personne. Si
cette dernière refuse de donner son nom, il n’est pas judicieux
d’insister. Si elle accepte, cela vaut la peine d’essayer d’entamer une
conversation afin d’utiliser ce temps d’attente pour établir un lien.
L’agent·e peut avoir une impression favorable de l’équipe et être
disposé·e à l’aider lors de la prochaine visite.
• Il faut tenter de vérifier si la décision de l’agent·e de refuser l’accès
à l’équipe découle d’ordres spécifiquement reçus ou si, en absence
d’un ordre contraire, l’agent·e suppose qu’il ou elle doit refuser
l’entrée du lieu.
• Dans la première hypothèse, la personne responsable de l’équipe
devrait s’enquérir de l’identité de l’agent·e responsable et demander
à lui parler sans délai, soit en personne, soit par téléphone.
• Dans tous les cas, la personne en charge de l’équipe devrait
demander à parler immédiatement à un officier supérieur. Il est
souvent important d’éviter de faire perdre la face (bien que les
meilleures méthodes pour y parvenir varient souvent en fonction
II des contextes culturels). Par conséquent, les délégations insisteront
sur leurs droits d’effectuer cette visite tout en tentant simultanément
de ne pas mettre dans l’embarras les agent·e·s qui n’étaient pas au
courant des pouvoirs conférés à l’équipe de monitoring.
• Le ou la responsable de l’équipe précisera, poliment et calmement,
que le refus d’accorder l’accès à ce lieu pose un problème grave et que
Visiter les postes de police

cette question sera soulevée avec le ou la responsable hiérarchique


approprié·e au quartier général de la police ou au sein du ministère
pertinent.
Si cette approche ne permet pas à l’équipe d’arriver à ses fins, et qu’aucun
signe ne lui est donné qu’elle aura accès rapidement au poste de police, les
visiteurs peuvent alors décider de téléphoner eux-mêmes à un·e responsable
hiérarchique. Comme proposé ci-dessus (voir Partie A, Sections 1.5 et 2.4), pour
résoudre ce genre de difficultés, il peut s’avérer utile de connaître la structure
hiérarchique de l’établissement et l’identité des officiers supérieurs, ou d’avoir
établi à l’avance un point de contact avec un·e responsable hiérarchique.
Quand les visiteurs rencontrent la personne en charge du poste ou l’agent·e
qui a donné l’instruction de refuser l’accès au lieu, la personne en charge de

40
Chapitre II - Visiter les postes de police

l’équipe devrait émettre une protestation ferme mais polie. Le cas échéant
(à savoir si l’organe de monitoring est un MNP ou s’il existe un protocole
d’accord octroyant l’accès aux postes de police), la personne responsable
de l’équipe devrait aussi spécifier que refuser l’accès constitue une viola-
tion du mandat de l’organe de monitoring. En temps voulu, les équipes de
monitoring devraient également soulever cette question auprès des autori-
tés pertinentes telles que désignées dans l’instrument régissant l’action des
visiteurs. Afin que le problème fasse l’objet d’un suivi par la suite, il est utile,
bien que cela ne soit pas toujours possible, d’identifier les agent·e·s impli-
qué·e·s dans ce refus (en notant leurs noms, numéros de carte d’identité ou
le tableau de service). Lors de la collecte de ces informations, les visiteurs
peuvent également indiquer de la manière la plus précise possible l’usage
qu’ils feront de ces informations, y compris si ces données seront utilisées
afin de déposer plainte auprès d’autorités supérieures. Bien que cela puisse
entraver l’évolution de la relation entre l’équipe de monitoring et le person-
nel de la police impliqué, il est important que l’organe de monitoring fasse
preuve de son engagement à la transparence.

1.4. Prévenir le déplacement des détenu·e·s


Les visiteurs ont parfois des raisons de soupçonner que leur venue n’en-
traîne une tentative de déplacer des détenu·e·s - soit avant que l’équipe
n’obtienne l’accès à ce lieu ou pendant que les membres sont en réunion
II
avec la personne en charge. Dans ce cas (et dans l’hypothèse où l’équipe
est suffisamment nombreuse), il faudrait songer à la possibilité de deman-
der à un ou deux membres de l’équipe de rester à l’extérieur, au niveau des
entrées situées sur les côtés ou à l’arrière du poste de police afin d’empêcher

Visiter les postes de police


le déplacements de détenu·e·s ou au moins de les documenter. Une fois que
le reste de l’équipe a réussi à négocier l’entrée du lieu de détention et que
les membres estiment que la situation à l’intérieur du poste est normalisée,
les « observateurs(trices) » peuvent les rejoindre en utilisant des méthodes
sur lesquelles ils se seront accordés à l’avance (généralement, un coup de
téléphone pour se rencontrer devant l’entrée principale).
De telles manœuvres seront effectuées de manière discrète. De plus, comme
ces procédures peuvent sérieusement porter atteinte au dialogue construc-
tif avec les autorités chargées de la détention, les équipes de monitoring n’y
recourront que s’il existe des raisons valables de soupçonner que des déte-
nu·e·s seront déplacé·e·s hors du poste de police pour les dissimuler aux
visiteurs. Les visiteurs peuvent également choisir d’effectuer la visite comme
prévu, faire croire qu’ils ont fini et revenir une heure ou deux plus tard afin

41
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

de vérifier si les détenu·e·s « manquant·e·s » n’ont pas été ramené·e·s.


Dans tous les cas, les équipes de visite garderont à l’esprit qu’un délai d’at-
tente excessivement long avant l’octroi de l’accès dans le lieu à visiter peut
résulter de tentatives de dissimuler le déplacement de détenu·e·s ou des
abus de la police. Si ce type de dissimulation est fréquent, il est souvent
possible d’obtenir davantage d’informations sur ce problème au cours d’en-
tretiens avec des détenu·e·s, que ceux-ci soient effectués :
• dans le poste de police avec des personnes actuellement détenues ;
• à un stade ultérieur dans une prison où sont incarcérées des
personnes précédemment détenues dans ce poste de police ; ou
• à un stade ultérieur avec des personnes qui étaient détenues dans ce
lieu et qui ont été libérées.3
Cependant, dans de nombreux pays, ce type de pratique de la part de la
police est inconnu ou rare. Par conséquent, en cas d’allégations de ce genre
d’actions, les visiteurs ne devraient pas hésiter à agir, mais ils le feront uni-
quement s’il existe des motifs raisonnables. De plus, ils s’efforceront de
traiter cette question avec tact et discrétion. Il existe, en effet, un risque
élevé de rupture des relations entre la police et les membres de l’équipe de
monitoring.
II 1.5. Trianguler les informations
Le monitoring préventif requiert la triangulation de toutes les informations
pertinentes et disponibles afin d’avoir une compréhension claire de la situa-
tion d’un lieu de détention donné, et y identifier en particulier les principaux
Visiter les postes de police

risques de torture et autres mauvais traitements. Aucune information ne


devrait être prise au sérieux sans avoir été recoupée. Par ailleurs, durant les
visites, les équipes de monitoring effectueront diverses tâches pour avoir
une image aussi claire que possible de la situation. Toutes les informations
obtenues auprès d’agent·e·s de police et recueillies dans les registres ou
lors d’entretiens avec des détenu·e·s seront comparées pour identifier tout
recoupement ou contradiction.

3 Le principe « Ne pas nuire » servira de repère éthique durant toute la visite.

42
Chapitre II - Visiter les postes de police

´ ´
´ ..

Par exemple, si les agent·e·s citent un règlement particulier, les visiteurs


demanderont à en voir une copie. Ils vérifieront ensuite avec les détenu·e·s
si les procédures établies sont respectées. De même, si les visiteurs sont
informés du fait que certaines cellules ne sont jamais utilisées, ils cherche-
ront des indices laissant supposer le contraire en cherchant des restes de
nourriture, des vêtements ou d’autres signes d’une occupation récente.
Les visiteurs peuvent également s’enquérir auprès d’autres détenu·e·s à II
propos de cette cellule ou poser les mêmes questions à différents agent·e·s
afin de voir si leurs réponses sont cohérentes. Les équipes de monitoring
sont appelées à faire preuve de créativité et de persistance, en croisant les
informations relatives au quotidien et au fonctionnement dans cet établis-

Visiter les postes de police


sement. Cela signifie également que si les membres de l’équipe de moni-
toring se séparent durant la visite, ils se retrouveront périodiquement pour
échanger et croiser les informations.
Les observations des visiteurs ont une importance cruciale ; l’observation de
ce qui se passe dans un lieu de détention est un aspect essentiel de la col-
lecte d’informations fiables. Celles-ci seront ensuite triangulées et croisées
avec d’autres types de données. Ce travail va au-delà de la simple observa-
tion passive des conditions matérielles : il implique une approche proac-
tive visant à recueillir des informations empiriques étayées pour mettre en
lumière les aspects particuliers de processus importants (tels que les visites
de membres de la famille ou la distribution de nourriture).
Les visiteurs feront appel à tous leurs sens durant les visites : ils seront
attentifs à ce qu’ils entendent, voient, sentent, goûtent et touchent car cela

43
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

constitue une composante importante de leur analyse globale. Les visiteurs


seront attentifs, tout au long de leur visite, notamment aux informations
et aux signes qui peuvent être vus mais qui sont souvent ignorés, tels que
le langage corporel, les silences durant les entretiens, le fait que des per-
sonnes tentent d’éviter le contact avec les visiteurs ou que d’autres désirent
absolument parler. Ils porteront également une attention particulière aux
dynamiques de groupe et à la manière dont les détenu·e·s interagissent
avec le personnel de la police ; il est intéressant d’évaluer aussi le niveau
sonore dans les différents locaux, et noter les attitudes du personnel.
Les équipes de monitoring seront également sensibles à l’évolution des condi-
tions matérielles selon les moments de la journée ; par exemple, une visite de
jour ne révèle pas nécessairement des problèmes relatifs à l’éclairage et/ou au
chauffage qui ne peuvent être perceptibles que la nuit.

2. Entretien initial avec la personne responsable


du poste de police
La rencontre initiale avec la personne en charge du poste de police consti-
tue une partie importante de la visite. Elle offre l’occasion aux visiteurs
d’expliquer leur travail et méthodologie et d’établir la base d’un dialogue
II constructif et continu qui facilitera la prévention à long terme. Cette ren-
contre ne devrait donc pas être considérée comme un exercice de routine
qu’il s’agit d’expédier à la hâte afin que les visiteurs puissent s’atteler à leur
travail « réel » d’inspection des lieux de détention et d’entretiens avec les
détenu·e·s. Cette réunion revêt une importance aussi grande que chacune
des autres composantes de la visite et elle peut avoir des bénéfices signi-
Visiter les postes de police

ficatifs sur le long terme. Cependant, il est important que les équipes de
monitoring tiennent compte du fait que la personne en charge du poste
de police peut tenter de transformer cet entretien initial en opération de
promotion (par exemple en faisant une longue présentation, y compris un
diaporama, ou en invitant les membres de l’équipe à déjeuner) et ce, au
détriment du bon déroulement de la visite.
Il y a différentes manières de gérer cette réunion initiale. Si les visiteurs
disposent de peu de temps, ils peuvent, à l’issue des présentations prélimi-
naires, se séparer en laissant la personne responsable de l’équipe continuer
l’entretien tandis que le reste de l’équipe commence les tâches opération-
nelles. L’équipe peut également décider de ne pas se séparer et proposer
de s’entretenir de nouveau avec la personne en charge à la fin de la visite.
Lorsque la visite est organisée dans le cadre d’une série régulière de visites

44
Chapitre II - Visiter les postes de police

effectuées par un MNP ou un autre organe de monitoring, cette option peut


certainement être considérée comme une pratique normale et elle consti-
tue souvent une utilisation efficace de temps. En général, il est recommandé
que la personne responsable de l’équipe de monitoring ait une conversa-
tion initiale avec le chef du poste de police tandis que les autres membres
de l’équipe restent debout pour bien indiquer qu’ils sont sur le point de
commencer leur visite.

2.1. Objectifs de l’entretien initial

2.1.1. Présenter le mandat de l’organe de monitoring et la métho-


dologie de la visite
Il est tout à fait possible que la personne en charge du poste de police ne sache
pas ce qui est attendu d’elle durant une visite de monitoring. Les membres
des équipes de visite devront donc expliquer soigneusement les objectifs de
leur visite et ce dont ils auront besoin pour la mener à bien. S’il s’agit de la
première visite dans un poste de police, ou si le ou la responsable du poste
de police n’a pas eu affaire avec cet organe de monitoring dans le passé, il
est essentiel d’expliquer brièvement le mandat et les pouvoirs de l’organe. Il
est également utile de répéter ces informations de base lors des rencontres
suivantes. L’équipe mettra particulièrement l’accent sur son droit à mener des
entretiens individuels avec les détenu·e·s (et toute autre personne rencon- II
trée durant la visite) (voir Chapitre II, Partie B, Section 5) car c’est souvent une
requête à laquelle s’opposent les responsables de postes de police. Ce droit
devrait donc être souligné explicitement dès le début de la visite.
Le ou la responsable de l’équipe présentera également tous les membres de

Visiter les postes de police


l’équipe de visite en indiquant leur nom et en identifiant leur(s) domaine(s)
d’expertise et/ou d’expérience spécifiques. Les interprètes seront éga-
lement présenté·e·s. Il peut être nécessaire de présenter à nouveau leurs
documents d’accréditation.
Enfin, les visiteurs devraient solliciter un nouvel entretien avec le ou la res-
ponsable à la fin de la visite afin de discuter des conclusions préliminaires
ou de mettre formellement terme à la visite. Dans l’idéal, l’équipe de moni-
toring indiquera la durée prévue de la visite.

2.1.2. Nouer le contact


Les visiteurs s’efforceront de projeter une image de confiance, d’autorité
et d’expertise professionnelle pour s’assurer la coopération de la personne

45
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

responsable du poste de police. Ils devront tout autant s’efforcer d’établir


une relation positive qui facilitera le dialogue constructif. Cela requiert
d’excellentes aptitudes interpersonnelles et diplomatiques ainsi que de la
patience et de l’humilité et ce, quelle que soit l’attitude de la personne en
charge.
Pendant les visites, il est important de s’enquérir des conditions de vie et
de travail des agent·e·s ainsi que des difficultés auxquelles ils ou elles sont
confronté·e·s. Leurs conditions de travail ont parfois un impact immédiat
(souvent négatif) sur le traitement de détenu·e·s ; le recueil d’informations
sur ces conditions relève donc directement du mandat des organes de
monitoring. De manière indirecte, le fait de s’enquérir des conditions de
travail peut également contribuer à gagner la confiance de la personne en
charge4: en effet, les rapports de monitoring, lorsqu’ils mentionnent ces
éléments, peuvent en retour devenir des sources de soutien utiles pour les
responsables de postes de police ou autres autorités cherchant à améliorer
les conditions de vie et de travail des agent·e·s de police.
Les visiteurs devraient également souligner qu’ils ne sont nullement hos-
tiles envers la police et qu’au contraire, leur travail est un moyen utile et
efficace de prévenir les allégations malveillantes et sans fondement à l’en-
contre de membres de la police. La coopération est le meilleur moyen d’aller
II de l’avant pour les deux parties et cela devrait être souligné.5

2.1.3. Obtenir les informations nécessaires


Lorsqu’il s’agit d’une première visite dans un poste de police, il est impor-
tant d’examiner la plupart des questions fondamentales suivantes :5
Visiter les postes de police

• Capacité et ressources du poste ;


• Nombre de membres du personnel (données ventilées par sexe,
grade, appartenance ethnique et autres facteurs pertinents
selon le contexte) ;
• Grades, responsabilités et, si possible, noms des responsables
hiérarchiques du poste ;

4 Il est important de soulever les questions relatives aux conditions de travail également
avec d’autres membres de la police rencontrés durant la visite, notamment ceux qui sont
affectés à la zone de détention ; les réponses peuvent différer de celles données par la
personne en charge du lieu.
5 À ce stade, les visiteurs peuvent également demander quelles autres personnes peuvent
leur fournir des informations utiles ou une assistance durant leur visite

46
Chapitre II - Visiter les postes de police

• Nombre d’agentes de police, en service au moment de la visite,


et également durant les différents services de jour et de nuit, y
compris durant les weekends et les jours fériés ;
• Durée et horaires des services (élément important car si les
agent.e.s travaillent de nombreuses heures d’affilée, ils ou elles
s’épuisent et deviennent tendu.e.s, ce qui peut contribuer à
détériorer la situation) ;
• Nombre et catégories de personnes actuellement et récemment
détenues ;
• Problèmes spécifiques soulevés par des personnes actuellement
et récemment détenues ;
• Nombre de cellules et informations sur les catégories de
détenu.e.s incarcéré.e.s dans chacune d’entre elles. Il faut tout
particulièrement relever si les hommes, les femmes et les
mineur.e.s sont détenu.e.s séparément et quels aménagements
sont mis en place pour répondre à des besoins spéciaux (tels
que ceux des personnes vivant avec un handicap ou ayant des
besoins particuliers) ;
• Procédures prévues lorsque les cellules sont en pleine capacité ;
• Locaux prévus pour l’interrogatoire des détenu.e.s ; II
• Mécanismes de contrôle pour surveiller le déroulement des
interrogatoires ;
• Procédures prévues lorsqu’un.e détenu.e requiert des soins
médicaux et informations sur un cas récent en la matière ;

Visiter les postes de police


• Principaux types de registres utilisés pour consigner les
informations relatives aux détenu.e.s et identité de la personne
chargée de cet enregistrement ;
• Modalités d’enregistrement des plaintes ;
• Personne(s) en charge des cellules (il est possible qu’il y ait un.e
agent.e de détention et un.e autre agente chargé.e du registre de
la détention) ;
• Nature des incidents survenus (le cas échéant) avec des
personnes actuellement et récemment détenues ;
• Principales difficultés dans la gestion de l’établissement et tout
succès ou difficulté dans les efforts visant à les surmonter ;

47
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

• Problèmes auxquels le personnel a été récemment confronté.


Dans les visites de suivi, les équipes de monitoring peuvent s’enquérir
• des progrès accomplis depuis la dernière visite ;
• si et de quelle manière les problèmes ont été surmontés ;
• des nouveaux problèmes qui sont survenus.

3. Observation générale des lieux


Lorsque les visiteurs sont prêts à débuter la partie opérationnelle de la visite
et à commencer l’observation générale des lieux, ils demanderont à être
conduits dans les quartiers de détention ou d’autres parties du poste de
police qu’ils souhaitent visiter. En fonction de la taille de l’établissement
et de l’importance de l’équipe, les visiteurs peuvent décider de se répartir
en groupes. Lorsque les circonstances le permettent, il est souvent utile
de commencer la visite en se rendant dans le maximum de locaux pos-
sible au sein du poste de police (y compris des parties apparemment non
pertinentes telles que les toilettes et les entrepôts) et d’identifier ensuite
ceux qui feront l’objet d’un examen plus minutieux. Il peut arriver que les
II visiteurs décident de ne pas indiquer à l’avance qu’ils désirent visiter des
pièces situées à l’extérieur des quartiers de détention. Par exemple, si des
informations indiquent que des armes ou d’autres instruments, qui seraient
utilisés à des fins de torture ou autres mauvais traitements, sont entreposés
dans un local particulier, les visiteurs peuvent décider de s’y rendre immé-
diatement ; ils peuvent sinon signaler simplement qu’ils visiteront le local en
Visiter les postes de police

question à la toute fin de la visite dans l’espoir de réduire ainsi le risque que
ces instruments ne soient enlevés ou dissimulés.
À ce stade, les membres de l’équipe peuvent également préciser toutes les
catégories de personnel avec lesquelles ils souhaitent s’entretenir outre les
responsables des quartiers de détention. Par exemple, ils peuvent décider
de s’entretenir, en fonction des objectifs de la visite, avec les agent·e·s de la
police judiciaire, les agent·e·s de détention, les membres de la brigade des
mineur·e·s ou les membres de la brigade des stupéfiants. Il est important
que les visiteurs s’efforcent de perturber le moins possible le travail quoti-
dien de la police.
En fonction du nombre de personnes placées en détention et de la taille
du groupe qui visite la zone des cellules, l’équipe de monitoring pourra à

48
Chapitre II - Visiter les postes de police

nouveau se répartir en petits groupes ; par exemple, un ou deux membres


peuvent examiner les registres de détention, tandis que d’autres peuvent
inspecter les cellules et s’entretenir avec les détenu·e·s. Il est souvent judi-
cieux de commencer par examiner de manière approfondie le registre (ainsi
que tout registre de plaintes) avant de se rendre dans les cellules car les
informations recueillies durant ces activités préparatoires peuvent aider les
visiteurs à cibler ou à traiter en priorité les lieux à observer et les personnes
avec qui s’entretenir. La manière de procéder des visiteurs dépend de la
taille de l’équipe et du temps disponible.

Accompagnement par la police


Dans l’idéal, les équipes de monitoring effectueront leur visite sans être
accompagnés par des agent·e·s afin de montrer aux détenu·e·s leur indé-
pendance vis-à-vis des autorités. En pratique, cependant, les visiteurs
sont souvent accompagnés par des membres de la police à la fois pour
des raisons pratiques et de sécurité. Après l’entretien initial, la personne
en charge du poste de police peut chercher à accompagner les visiteurs ;
le ou la porte-parole de l’équipe devrait tenter de l’en dissuader. Dans
beaucoup de cas, le fait d’être accompagné par la personne en charge
peut nuire à la capacité de l’organe de monitoring d’établir un contact
avec les détenu·e·s. Néanmoins, si la personne responsable insiste sur II
sa présence, les visiteurs ne sont pas habilités à l’en empêcher, si ce
n’est lors des entretiens en privé avec les détenu·e·s. Si les membres de
l’équipe sont encadrés par des agent·e·s tout au long de la visite, ils iden-
tifieront des stratégies et des manières appropriées de se distancier de
l’institution policière : dans de telles situations, il est essentiel de faire en

Visiter les postes de police


sorte que les membres de l’équipe apparaissent aux yeux des détenu·e·s
comme appartenant à un organe crédible, légitime et indépendant.

La disposition des lieux au sein des postes de police peut différer signifi-
cativement d’un pays à l’autre et au sein d’un même État, mais certaines
caractéristiques de base et zones essentielles (précisées ci-dessous) sont
communes à la plupart des locaux utilisés par la police.

Aire d’accueil
La manière de recevoir les personnes qui se rendent dans un poste de police
et la disposition de l’aire d’accueil en elle-même constituent des indicateurs
très utiles de l’atmosphère générale et du fonctionnement global de la

49
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

structure. Le poste de police peut être doté d’un bureau d’accueil auprès
duquel l’agent·e en service reçoit les détenu·e·s arrivant au poste ; cette
personne recueille généralement les données personnelles de l’individu
ainsi qu’un compte rendu des circonstances ayant conduit à son arrestation.
Les détenu·e·s y sont généralement fouillé·e·s ; si c’est le cas, leurs effets
personnels sont disposés sur un bureau afin d’en établir une liste et ils ou
elles doivent apposer leur signature sur le registre. Il est possible qu’à leur
arrivée dans l’aire d’accueil, les visiteurs y trouvent des détenu·e·s. Il se peut
aussi qu’il y ait une pièce voisine destinée à procéder aux fouilles, à prendre
la photo des détenu·e·s ainsi que leurs empreintes digitales et à vérifier les
pièces d’identité.

Aire d’attente
Cet espace peut être composé d’une « cage » ou d’une grande cellule dans
laquelle des personnes sont détenues pendant de courtes périodes en
attendant que leur cas soit traité, dans l’attente de leur transfert vers un
tribunal, ou encore avant d’être interrogées. En général, cette aire d’attente
se trouve dans le champ de vision de l’agent·e de détention. Si le poste de
police est adjacent à un tribunal, certaines cellules peuvent être affectées à
la détention de personnes en attente de comparution ; dans certains pays,
ces cellules peuvent se trouver au sein du tribunal et être reliées au poste
II de police par un tunnel. En outre, les gardes responsables de ces cellules
peuvent ne pas être des agent·e·s de police, mais appartenir au personnel
pénitentiaire ou même à celui de services de sécurité privés.

Local médical
Visiter les postes de police

Il est possible qu’il y ait un local où les détenu·e·s peuvent être examiné·e·s
par un médecin ou un·e assistant·e médical·e. Il peut également y avoir un
lieu où sont entreposés des instruments destinés à effectuer des tests d’al-
coolémie sur les conducteurs soupçonnés d’être sous l’emprise de l’alcool,
même si ces appareils ne se trouvent généralement pas dans une pièce
distincte.

Salles d’interrogatoire
Il s’agit de pièces dans lesquelles les détenu·e·s sont interrogé·e·s par des
enquêteurs(-trices). Ces locaux peuvent être situés dans les quartiers de
détention ou dans d’autres parties du bâtiment. Dans certains postes de
police, les interrogatoires ont lieu dans des bureaux équipés de matériel
d’enregistrement ; dans d’autres cas, des bureaux ordinaires (tels que ceux

50
Chapitre II - Visiter les postes de police

utilisés par les enquêteurs(-trices)) peuvent être utilisés pour les interroga-
toires. Les visiteurs tiendront compte du fait que les interrogatoires peuvent
également être effectués dans des pièces qui ne sont pas officiellement
affectées à cet effet ; c’est souvent le cas lorsque des agent·e·s recourent
à des méthodes d’interrogatoire abusives. Les équipes de visite resteront
vigilantes sur ce point.
Les bureaux d’interrogatoire feront l’objet d’un examen méticuleux : une
attention particulière sera accordée au nombre de sièges et à leur état et
disposition, notamment en ce qui concerne ceux destinés aux personnes
interrogées. Les visiteurs noteront également tout autre équipement spéci-
fique, tel que des « cages » visant à détenir des personnes, des miroirs sans
tain, tout matériel de contrainte, ainsi que l’aspect général de la pièce (on
relèvera, par exemple, si des mesures ont été prises afin de rendre celle-ci
particulièrement intimidante).
11 Voir Chapitre III, Section 2.6

Quartiers de détention
Une partie importante des visites est souvent consacrée à l’examen des
quartiers de détention qui contiennent les cellules. Cette zone est souvent
située au rez-de chaussée ou au sous-sol ; ce lieu peut disposer d’une entrée
séparée, loin de l’entrée publique menant au bâtiment principal. L’agent·e II
de détention a généralement le rang de sergent ou alors est un·e inspec-
teur-trice ou un·e agent·e de rang équivalent. Cependant, dans certains
pays, cette fonction est attribuée à des responsables hiérarchiques plus
haut gradés, en particulier dans les structures plus grandes.

Visiter les postes de police


Il est souvent utile pour les visiteurs de dessiner un croquis de cette zone
afin de mieux comprendre la disposition du lieu qu’ils visitent. Cependant,
l’équipe de monitoring sera attentive aux craintes de la police en termes
de sûreté et de sécurité ; il est toujours préférable de souligner le caractère
confidentiel de tels matériels.
Pour les moniteurs, les priorités sont de :
• inspecter les conditions matérielles dans les quartiers de détention
et dans les cellules ;
• déterminer comment les détenu·e·s sont traité·e·s.
La plupart des postes de police ne comptent pas plus d’une demi-douzaine
de cellules, bien que certaines structures plus importantes situées dans des

51
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

grandes villes peuvent en compter une trentaine ou plus. Dans ce type de


grands bâtiments, il peut être utile d’évaluer le positionnement de l’agent·e
de détention par rapport aux cellules ; s’il ou elle est stationné·e à une cer-
taine distance des cellules, il ou elle peut ne pas entendre des détenu·e·s qui
appelleraient à l’aide.
Il est également important que les équipes de visite évaluent, dans l’en-
semble du poste de police, le degré de facilité d’accès aux divers locaux
pour les personnes utilisant des fauteuils roulants ou souffrant d’un handi-
cap moteur. Il est aussi important d’examiner quels sont les aménagements
prévus, le cas échéant, pour les personnes vivant avec d’autres handicaps
(tels que des troubles visuels ou auditifs).

Cellules
Le nombre de cellules6 dépend de la taille du poste de police et est égale-
ment fonction de la taille et de la nature de la communauté qu’il dessert.
La taille des cellules varie souvent ; certaines peuvent être conçues pour
un seul·e détenu·e, d’autres pour deux personnes ou plus. Il peut y avoir
des secteurs séparés pour les femmes ou les mineur·e·s. L’aménagement
des cellules varie d’un pays à l’autre ; le mobilier peut inclure un lit ou un
banc et éventuellement des toilettes. Dans certains cas, les cellules peuvent
II contenir des lits proches du sol afin d’empêcher que des détenu·e·s en état
d’ébriété ne se blessent en tombant. Dans d’autres contextes, les cellules
peuvent être des structures apparemment provisoires fabriquées en tôle
ondulée ou avec des matériaux similaires ; ces cellules n’ont souvent pas de
toilette et peu ou pas de meubles.
Visiter les postes de police

Il est possible que le premier contact entre l’équipe de visite et les déte-
nu·e·s ait lieu dans une cellule au moment où les visiteurs effectuent leur
visite d’ensemble du poste. Dans la plupart des cas, la porte de la cellule sera
ouverte par un·e surveillant·e qui, en fonction des règlements en vigueur,
peut d’abord fouiller le(s) occupant·e(s) avant de permettre aux visiteurs
d’entrer. Ce n’est généralement pas une prise de contact idéale mais les visi-
teurs seront conscients du fait que les agent·e·s suivent des procédures de
sécurité strictes ; toute tentative de contourner ces procédures peut aboutir
à tendre les relations entre l’équipe de visite et le personnel de police. Ceci
étant dit, cette première rencontre offre l’opportunité aux visiteurs de se

6 Les personnes participant à des visites de monitoring noteront le fait que les cellules
peuvent être situées dans différents lieux au sein d’un même poste de police. Dans
certains pays, chaque département d’un grand commissariat de police peut disposer de
sa propre aire de détention.

52
Chapitre II - Visiter les postes de police

présenter brièvement et d’exposer leur mandat et les raisons de leur visite.


Ils peuvent demander aux détenu·e·s s’ils ou elles désirent avoir un entre-
tien en privé et convenir du meilleur moment et du lieu pour cet entretien
(voir Chapitre II, Partie B, Section 5.4 ci-dessous). Les visiteurs peuvent aussi
exposer brièvement le déroulement et les objectifs de ces entretiens.
11 Il est très important que tant les équipes de monitoring que les
agent·e·s tiennent compte du fait qu’il appartient aux visiteurs - et
non à la police – de choisir quelles cellules visiter et avec quel·le·s
détenu·e·s s’entretenir.

Sanitaires et accès à l’eau potable


L’équipe de visite devrait également inspecter les toilettes, les salles de bains
et autres sanitaires, afin d’évaluer leur fonctionnement ainsi que leurs condi-
tions d’accès. Les visiteurs noteront à quelle fréquence et à quelles condi-
tions les détenu·e·s sont autorisé·e·s à les utiliser en pratique. Les organes de
monitoring vérifieront aussi l’accès des détenu·e·s à l’eau potable.

Cuisines et conservation de la nourriture


L’équipe de visite devrait visiter toutes les aires de cuisine où de la nourriture
est préparée ou conservée. Les visiteurs analyseront la disponibilité, l’acces-
sibilité et le caractère adéquat7 de la nourriture. Ils vérifieront aussi s’il existe
un registre contenant les informations relatives à la nourriture fournie aux
II
détenu·e·s. Dans certains pays, la nourriture est apportée par les familles
des détenu·e·s ou alors les détenu·e·s doivent acheter leurs repas auprès
des agent·e·s de police. Les conséquences de telles situations feront partie
de l’analyse des organes de monitoring.

Visiter les postes de police


Bureaux, quartiers d’habitation/de repos et espaces de stockage
Dans un poste de police, les bureaux peuvent inclure
• Les bureaux affectés aux enquêtes criminelles, les bureaux des
enquêteurs(-trices) et/ou des inspecteurs(-trices) :
• Les bureaux des officiers supérieurs ;
• Les bureaux administratifs.
Chaque fois que cela est possible, les visiteurs s’efforceront de se rendre

7 Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale N°12,
Doc. ONU E/C.12/1999/5, Genève, 12 mai 1999. Disponible sur http://www1.umn.edu/
humanrts/esc/french/general_comments/12_gc.html

53
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

dans les bureaux des enquêteurs(-trices)et de s’entretenir avec certain·e·s


d’entre eux ou elles, en particulier lorsque ces bureaux sont utilisés pour
interroger des détenu·e·s.
En fonction des termes de leur mandat, les équipes de visite peuvent égale-
ment exiger l’ouverture d’armoires, de dépôts et autres locaux. La question
de savoir si l’exercice de cette prérogative doit être systématique revien-
dra au bon jugement des visiteurs. Les informations obtenues de la sorte
peuvent ne pas se révéler d’une valeur suffisante pour justifier les éven-
tuels effets négatifs de cette décision sur les relations de l’équipe avec les
agent·e·s et sur le degré de coopération.
Des principes similaires s’appliquent aux dortoirs et quartiers privés situés
dans les postes de police qui comprennent des quartiers d’habitation ou de
repos. L’équipe de visite ne devrait pas pénétrer dans ces lieux sans un motif
valable. Elle devrait cependant accepter de s’y rendre ses membres y sont
invités par la police. Il est généralement adéquat et bénéfique de manifester
un intérêt pour les conditions de travail et/de vie des agent·e·s de police.
Si, au cours d’une visite, les visiteurs trouvent des indices les laissant penser
qu’il y a eu recours à la torture ou à d’autres mauvais traitements, ou si ils
voient des armes ou d’autres instruments qui ont été, selon eux, utilisés afin

II de torturer ou maltraiter des détenu·e·s, ils prendront les mesures néces-


saires pour réagir selon les termes de leur mandat. Par exemple, si les visi-
teurs trouvent une batte de base-ball, une matraque en caoutchouc ou un
instrument similaire dans le bureau d’un·e enquêteur(-trice) et si la présence
de cet objet corrobore des allégations de mauvais traitements dans ce poste
de police, il est tout à fait approprié qu’ils demandent l’ouverture des tiroirs
Visiter les postes de police

de bureau, des armoires de classement et d’autres espaces personnels dans


le bureau à des fins d’inspection. Il appartient aux équipes de visite de
décider si une telle recherche doit être étendue à d’autres bureaux dans le
même département, ou ailleurs dans le poste de police, et cette décision se
fondera sur les informations en leur possession et les termes précis de leurs
mandat et stratégie de monitoring.
11 Si les visiteurs ont de forts soupçons que des éléments de
preuve concernant le recours à la torture ont été dissimulés, et
qu’ils décident sur cette base de demander l’ouverture d’espaces
personnels, ils devraient toujours s’assurer que cette opération se
déroule en présence d’un officier supérieur. Cela peut contribuer
à éviter des allégations selon lesquelles l’équipe de visite aurait
endommagé ou pris illégalement des biens ou placé elle-même
des éléments de preuve. Dans certains cas, d’autres autorités

54
Chapitre II - Visiter les postes de police

nationales devraient immédiatement être appelées afin de traiter


cette situation. Pendant la préparation des visites, les organes de
monitoring examineront la manière d’agir dans l’hypothèse d’un
tel scénario, en accordant une attention particulière aux possibles
implications juridiques de leurs découvertes.

L’objectif général du monitoring des lieux de détention est d’encourager


des changements systémiques positifs afin de réduire le risque de torture
et d’autres mauvais traitements à l’avenir ; cependant, il faut saisir toute
opportunité de prendre des actions immédiates pour prévenir toute situa-
tion concrète de torture ou autres graves abus.

Autres lieux potentiellement intéressants


En fonction de leur taille et de leur emplacement, les postes de police
peuvent aussi contenir les zones suivantes8:
• vestiaires où les membres de la police peuvent entreposer leurs
uniformes et équipement personnel ;
• Salle de communication, de contrôle et/ou radio ;
• dépôt d’armes ;
• cantines, salles à manger et cuisines ;
• aire de repos où les agent·e·s peuvent prendre leurs pauses ; II
• bureaux des enquêteurs(-trices) travaillant sur les scènes de crime et/
ou du personnel technique de la police ;
• salle de conférence où le personnel prenant son service est informé
des derniers événements et renseignements obtenus ;

Visiter les postes de police


• salle de rédaction de rapports où les agent·e·s peuvent effectuer
leurs tâches administratives ;
• dépôts contenant les pièces à conviction pour le tribunal ou les
objets perdus (qui doivent être dûment étiquetés) ;
• garage où sont entreposés et entretenus les véhicules de la police ;
• véhicules de police, y compris ceux adaptés au transport des détenu·e·s.
La capacité et la décision de pénétrer dans ces lieux et de les inspecter
dépendent entièrement du mandat des équipes de visite et de la relation
qu’elles auront établie avec les autorités.
11 Voir Chapitre III, Section 3

8 Cette liste ne vise pas à l’exhaustivité.

55
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Utilisation par l’équipe de visite de bureaux au sein de postes de police


Il est probable que, durant leur visite, les membres de l’équipe sou-
haitent se réunir à un moment donné pour :
• examiner soigneusement les registres ou les dossiers ;
• croiser les informations recueillies jusque-là, en particulier s’ils
visitent un grand poste de police.
Les quartiers de détention ne sont pas idéaux en raison de leur taille ou
parce qu’ils sont bondés. Les visiteurs peuvent donc demander à pou-
voir utiliser un bureau. Il est pratique et souhaitable que les membres
de l’équipe travaillent à l’abri des regards afin de pouvoir librement
examiner les problèmes et les informations recueillies. Cependant,
l’agent·e escortant l’équipe peut décider de demeurer présent. Pour
encourager cet officier à partir sans risquer de l’offenser, les visiteurs
peuvent lui indiquer qu’ils auront sans doute besoin d’un certain temps
pour se concerter et qu’ils ne veulent pas le retenir indûment loin de
ses obligations. Si l’agent·e ne saisit pas l’allusion, les visiteurs risquent
de devoir accepter sa présence. Si des questions confidentielles doivent
être discutées, un des membres de l’équipe peut tenter de le distraire.

II Par ailleurs, si avant de débuter une visite, les visiteurs pensent qu’ils
vont probablement avoir besoin de passer du temps seuls à inspecter
des documents ou à discuter de leurs observations, ils peuvent choisir
d’évoquer cette question avec la personne reponsable du poste de
police pendant la réunion initiale et demander si un bureau privé peut
être mis à leur disposition.
Visiter les postes de police

4. Examen des registres de détention et autres


documents
Cette section examine, sans prétendre à l’exhaustivité, un éventail de
registres et de documents susceptibles de se trouver dans un poste de
police. Seuls certains des registres et documents présentés ci-dessous
devraient être examinés lors de chaque visite. Par ailleurs, les visiteurs
tiendront compte du fait que les types de documents qu’ils sont habilités à
examiner peuvent être limités par leur mandat.
À mesure que les membres de l’équipe se familiarisent avec les registres de
la détention, le type d’informations qui y sont contenues et la manière dont

56
Chapitre II - Visiter les postes de police

elles sont compilées, ils peuvent plus facilement remarquer les éléments
importants manquants ou les entrées inhabituelles. En règle générale, les
registres qui ne sont pas remplis avec exactitude ou qui contiennent un
grand nombre d’erreurs et/ou de lacunes devraient éveiller des soupçons.
Si, en soi, le manque de rigueur de la police en la matière n’est pas accep-
table, il peut aussi indiquer d’autres problèmes plus graves.
11 Les visiteurs ne devraient pas se contenter d’établir une liste de
tous les documents existants dans un lieu de détention donné puis
vérifier si les entrées ont bien été remplies ou non. Ils devraient
aussi analyser les informations contenues dans les registres à la
lumière des normes pertinentes. Si des registres bien tenus ne
sont pas une garantie que les détenu·e·s sont traité·e·s de manière
équitable et si, à l’inverse des registres mal tenus ne sont pas à
coup sûr un signe de pratiques abusives, ces documents repré-
sentent des indicateurs importants qui seront intégrés dans le
processus de triangulation de l’information.

11 Voir Chapitre III, Section 2.9

4.1. Ordres et instructions au niveau local


Il est utile de demander à voir les copies des ordres et des instructions adop-
tés au niveau du poste de police, en matière d’administration des zones II
contenant les cellules. En principe, les visiteurs ont pris connaissance de
la législation et/ou des règlements nationaux régissant ces questions au
moment de la préparation de la visite, mais les responsables d’un poste de
police particulier peuvent avoir émis des instructions supplémentaires. Les

Visiter les postes de police


principales questions à examiner incluent le nombre maximum de personnes
susceptibles d’être détenues en même temps dans une cellule, la fréquence
des fouilles et les questions relatives à la propreté. Les instructions portant
sur ces questions sont souvent fixées au mur ou sur un panneau d’affichage ;
les membres de l’équipe devraient donc prendre le temps de les examiner.

4.2. Registres de détention


Les registres varient en complexité et en exhaustivité selon les pays et
même d’un poste à un autre. Certains sont très rudimentaires et contiennent
très peu d’informations autres que le nom, l’adresse, la date de naissance
et l’heure d’arrivée de chaque détenu·e ; d’autres contiennent des données
relatives à chaque étape de la détention (par exemple les heures auxquelles
la nourriture est fournie et la promenade est autorisée). Le personnel d’un

57
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

poste de police donné peut décider qu’il est utile de tenir un registre séparé
afin d’y consigner tous les transferts de détenu·e·s du poste vers un hôpi-
tal ; cependant, il est possible qu’un poste de police voisin ne tienne pas ce
type de registre. Par conséquent, les équipes chargées des visites devraient
connaître le type de registres et de documents que la police est tenue
de conserver aux termes de la loi et/ou du règlement interne et ceux qui
ont été notés lors de visites précédentes, mais qui ne sont pas requis par
la législation ou le règlement. Ces registres « officieux » peuvent souvent
receler de nombreuses informations utiles. De plus, ces documents peuvent
représenter des exemples de bonnes pratiques qui peuvent être soulignés
en tant que tels et diffusés. Pour autant, les visiteurs garderont à l’esprit que
la protection de données personnelles doit être assurée en toutes circons-
tances et que l’existence de tels registres contrevient éventuellement à la
législation relative à la protection de ces données.
L’examen approfondi des registres de détention constitue un des aspects
les plus importants des visites de monitoring des postes de police. Les
informations collectées seront soigneusement croisées avec les données
recueillies durant les entretiens avec les détenu·e·s, le personnel et le ou la
responsable du poste. Il s’agit là d’une composante essentielle du processus
de triangulation (voir Chapitre II, Partie B, Section 1.4 ci-dessus).

II Dans les postes de police, les équipes de monitoring trouvent habituelle-


ment un document général relatif à la détention assorti d’entrées chrono-
logiques relatant les arrivées et les libérations, ainsi que des dossiers indi-
viduels sur chaque détenu·e. La comparaison des informations contenues
dans ces deux types de documents est souvent très utile. Les registres de
détention fournissent des informations précises en ce qui concerne les
Visiter les postes de police

mouvements de toutes les personnes détenues au sein et à l’extérieur du


poste de police. Ils constituent, à ce titre, une des garanties les plus impor-
tantes contre les disparitions forcées et la détention arbitraire.
Ces registres fournissent également une vue d’ensemble des mouvements
des agent·e·s au sein et autour de la zone des cellules. Par exemple, les
agent·e·s peuvent être tenu·e·s de se rendre une fois par heure dans les cellules
et de consigner ces rondes dans un registre. Cependant, les visiteurs seront
attentifs au fait que la police remplit parfois ces registres après coup ; ceux-ci
ne constituent donc pas toujours un compte rendu précis de la situation.
La manière dont sont tenus les registres de détention - leur degré d’exacti-
tude, de détail et de mise à jour - est particulièrement révélatrice de l’atti-
tude du personnel du poste envers les détenu·e·s. Les lacunes dans la tenue

58
Chapitre II - Visiter les postes de police

de ces registres peuvent souligner divers problèmes relevant du mandat


des équipes de monitoring, qu’il s’agisse des politiques mises en œuvre ou
de problèmes systémiques. Cependant, celles-ci tiendront compte du fait
que des registres précis et bien tenus ne constituent pas en soi des garanties
contre les abus ou les mauvais traitements. La priorité, d’un point de vue
préventif, est l’examen du type d’informations qui y sont compilées ainsi
que l’analyse que peuvent en faire les visiteurs en croisant ces informations
avec les données provenant de divers registres et en triangulant ces obser-
vations avec d’autres sources d’information.
Durant la conversation initiale avec la personne en charge du poste de
police, il est utile d’identifier l’agent·e responsable de la tenue des divers
registres ainsi que celui ou celle qui est chargé·e de garder la (ou les) clé(s)
du (des) lieu(x) où ces documents sont entreposés au cas où ceux-ci sont
rangés sous clé lorsqu’ils ne sont pas utilisés. Il est fréquent que cette clé soit
impossible à localiser lorsque la personne responsable n’est pas en service,
notamment la nuit ou durant le week-end. Cependant, la police est tenue
par le droit international de tenir des registres appropriés et à jour9; cela
implique que les registres doivent être accessibles à toute heure du jour et
de la nuit. C’est également une des raisons pour lesquelles les organes de
monitoring devraient visiter les postes de police à des heures et à des jours
différents.
II
11 L’analyse des registres de détention, y compris l’identification
des groupes susceptibles de se trouver dans des situations de
vulnérabilité, peut être extrêmement utile pour sélectionner les
détenu·e·s avec lesquel·le·s l’équipe souhaite s’entretenir.

Visiter les postes de police


Quels que soient les normes, les règlements et les pratiques adoptés au
niveau national, les équipes de monitoring peuvent utiliser les principes
consacrés par la Convention des Nations unies pour la protection de toutes
les personnes contre les disparitions forcées (CIPPDF)10 comme base pour
évaluer les informations contenues dans les registres, même si cet instru-
ment n’a un caractère contraignant qu’à l’égard des États qui l’ont ratifié.
Aux termes de cette convention, les données suivantes doivent être consi-
gnés dans les registres pour chaque personne privée de liberté :

9 Comme le prescrit, par exemple, la Déclaration sur la protection de toutes les personnes
contre les disparitions forcées, Doc. ONU A/RES/47/133, 18 décembre 1992, Art. 10.3.
Disponible sur http://www.unhchr.ch/huridocda/huridoca.nsf/%28Symbol%29/A.
RES.47.133.Fr?OpenDocument
10 Voir l’article 17.3 de cet instrument. Disponible sur http://www2.ohchr.org/french/law/
disappearance-convention.htm

59
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

• l’identité de la personne ;
• la date, l’heure et le lieu où cette personne a été privée de liberté
ainsi que l’identité de l’autorité qui a privé cette personne de liberté ;
• l’autorité qui a ordonné cette privation de liberté et les motifs de la
privation de liberté ;
• l’autorité responsable de la supervision de la privation de liberté ;
• le lieu de privation de liberté, la date et l’heure de l’admission dans
le lieu de privation de liberté et les autorités responsables du lieu de
privation de liberté ;
• les données relatives à l’état de santé de la personne privée de liberté ;
• en cas de décès durant la privation de liberté, les circonstances du
décès, les détails de l’enquête sur la cause et les circonstances du
décès ainsi que la destination des dépouilles ;
• la date et l’heure de la libération ou du transfert vers un autre lieu de
détention, la destination de ce transfert et l’autorité responsable du
transfert (si la personne n’a pas été libérée).
Étant donné que ces informations essentielles contribuent à la protection
des droits des détenu·e·s contre le risque de violations des droits humains,
le fait que certaines entrées des registres de détention soient incomplètes
II ou imprécises devrait être soulevé par les visiteurs dans leur dialogue avec
les autorités.

Registres informatisés
Les visiteurs seront également conscients du fait que, dans certains pays,
Visiter les postes de police

il n’existe que peu ou pas de registres en format papier : ceux-ci peuvent


être entièrement informatisés. Il est, par conséquent, utile qu’au moins un
membre de l’équipe de monitoring dispose d’une expertise en matière de
technologies de l’information. Il est aussi utile que tous les membres de
l’équipe soient familiarisés avec les types de systèmes informatiques utilisés
par la police.

4.3. Informations à chercher lors de l’examen des


registres de la détention

Nom
Les membres de l’équipe vérifieront que chaque personne détenue fait l’ob-
jet d’une entrée distincte. La meilleure pratique consiste à ouvrir une entrée

60
Chapitre II - Visiter les postes de police

dès l’arrivée d’un·e détenu·e dans un poste de police. Les retards, omissions
ou incohérences doivent soulever des préoccupations pour deux raisons :
• Les détenu·e·s dont la présence n’est pas enregistrée dans un poste
sont souvent davantage exposé·e·s au risque de torture, d’autres
mauvais traitements ou de disparition forcée ;
• L’enregistrement inexact de la durée de détention peut aboutir à ce
qu’une personne soit détenue plus longtemps que le délai autorisé
par la loi.
Les visiteurs considéreront avec grande prudence tous les cas de détenu·e·s
n’ayant fait l’objet d’aucun enregistrement. Ils porteront ces cas à l’attention
de l’agent·e de détention, de la personne en charge et/ou d’autres officiers
supérieurs ; cela devrait être fait le plus vite possible. L’équipe mentionnera
également en détail ces cas dans son (ses) rapport (s), ainsi que toute expli-
cation donnée à cet égard par le personnel de police.

Dates et heures
Les membres de l’équipe vérifieront que toutes les dates et heures sont enre-
gistrées avec exactitude. Pendant les visites, il est recommandé de vérifier
l’exactitude du système de comptabilisation du temps officiellement mis en

II
place dans le poste : toute tendance à enregistrer de manière approximative
les dates et les heures sera notée car cela entraîne un risque de non-respect
des délais légaux en matière de durée de la détention. Les registres dans
lesquels les heures semblent avoir été systématiquement arrondies à la
période des cinq ou dix minutes les plus proches (par exemple, si les entrées
suivent le modèle 11h 25, 11h 40, 12h 15) peuvent indiquer que les heures

Visiter les postes de police


indiquées sont imprécises.
Les visiteurs se méfieront également des registres indiquant que les déte-
nu·e·s sont systématiquement libéré·e·s à la fin de la période de détention
légalement autorisée. Si, dans un pays donné, la police est habilitée à détenir
des personnes pendant une durée initiale de 24 heures, et que la plupart des
détenu·e·s ont été libéré·e·s exactement 24 heures après leur arrestation, les
visiteurs rechercheront en priorité des informations supplémentaires pour
élucider cette question.
Il est également important d’examiner si les durées enregistrées sont réa-
listes. Par exemple, si une personne est enregistrée comme ayant été arrê-
tée à un emplacement situé à une distance importante du poste de police
et si le registre indique que cette même personne est arrivée cinq minutes
après son arrestation, cela devrait susciter des soupçons.

61
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Les visiteurs vérifieront également que les entrées sont inscrites par ordre
chronologique : une personne arrêtée à 16 heures ne doit pas apparaître
dans le registre avant une personne arrêtée à 15h 50. Si les membres de
l’équipe trouvent des contradictions dans l’ordre chronologique, ils soulè-
veront ce problème avec l’agent·e de détention et la personne en charge du
lieu. Il est également utile que les visiteurs croisent l’heure de l’arrestation
indiquée dans le registre de détention général avec l’heure inscrite dans le
dossier de la personne détenue ainsi qu’avec les informations consignées
dans d’autres registres et/ou avec l’agent·e de détention, le cas échéant.
Les membres de l’équipe vérifieront que les entrées fournissent effective-
ment les informations requises. Par exemple, si un espace dans un registre
est prévu pour y inscrire la date et l’heure de transfert d’un suspect ainsi que
la méthode de transfert (par exemple vers un tribunal ou un autre poste de
police), les visiteurs s’assureront que toutes ces données ont été consignées.
Si ce n’est pas le cas, ils pourront demander pourquoi elles n’ont pas été
enregistrées.

Informations fournies aux détenu·e·s


Les membres de l’équipe vérifieront aussi quels types d’informations sont
fournis aux détenu·e·s, ainsi que le moment auquel ces informations ont
II été données. De plus, les visiteurs s’assureront que les détenu·e·s aussi bien
que les agent·e·s de police ont signé les entrées prévues à cet effet dans les
registres. Tout·e détenu·e doit bénéficier des garanties suivantes :
• Des informations sur ses droits ;
• La possibilité de faire en sorte que sa détention soit notifiée à un
Visiter les postes de police

proche ou à un tiers ;
• Un accès à un·e avocat·e ;
• Un accès à un médecin.11

Modifications douteuses
Les équipes de monitoring vérifieront qu’aucune erreur manifeste n’a été
effacée dans les entrées des registres. Ils peuvent ainsi parfois constater que
des erreurs ont été recouvertes d’« encre blanche » ou de liquide correcteur,
rendant ces pages complètement illisibles. Si les raisons de ces modifica-
tions peuvent être totalement innocentes, ce genre de pratique doit être
évité ; cela peut, en effet, susciter des soupçons laissant penser que des

11 Voir Les normes du CPT, CoE Doc. CPT/Inf/E (2002) 1, 2002 (révisé en 2011), p.9. Disponible
sur http://www.cpt.coe.int/fr/docsnormes.htm

62
Chapitre II - Visiter les postes de police

informations correctes mais « gênantes » ont été intentionnellement dissi-


mulées. Les bonnes pratiques suggèrent de tracer les erreurs d’un seul trait
de manière à ce que les informations originelles restent visibles et lisibles.
Les informations correctes doivent alors être ajoutées au-dessus ou immé-
diatement après la correction. La personne faisant la correction doit quant à
elle parapher ou signer l’entrée.

Aspects systémiques
Les visiteurs ne devraient pas limiter leur examen des registres de détention
aux seules personnes détenues au moment de leur visite, mais ils devraient
aussi examiner les registres contenant des données plus anciennes. L’exa-
men de ces autres données permet d’avoir une vue d’ensemble plus large
de la tenue générale des registres dans un poste de police - au-delà des
informations relatives aux seules personnes qui y sont actuellement déte-
nues. En outre, les informations portant sur des cas précédents peuvent
révéler des constantes systémiques importantes ; par exemple, il est utile
de savoir comment l’établissement en question fait face à une situation où
le nombre de détenu·e·s excède le nombre de places officiellement prévues
dans le poste. Les agent·e·s peuvent indiquer aux membres de l’équipe que
les cellules de leur poste ne sont jamais surpeuplées, mais un examen des
registres sur plusieurs mois peut révéler que cette assertion est fausse.
Lors de visites de postes de police durant les week-ends ou en dehors des
II
heures ouvrables, il est souvent judicieux de demander, au tout début de la
visite, à avoir accès aux registres archivés. En effet, il se peut que ces docu-
ments soient rangés sous clé dans un dépôt et que seule une personne
en possède la clé. Comme cette personne peut ne pas être en service au

Visiter les postes de police


moment de la visite, les agent·e·s peuvent devoir prendre des dispositions
pour faire venir la clé au poste.

État de santé des détenu·e·s


Le registre de détention doit indiquer l’état de santé de chaque détenu·e à
son arrivée au poste de police. L’état de santé initial de cette personne doit
être déterminé par
• les réponses données par la personne détenue à une série de
questions types posées par l’agent·e de détention ;
• les observations directes de l’agent·e de détention.
L’état de santé initial de la personne détenue doit être enregistré à côté de
la date et de l’heure de cette évaluation.

63
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Cette pratique protège à la fois les détenu·e·s et les agent·e·s de police, notam-
ment en identifiant les éventuels risques pour la santé et la sécurité encourus
par les personnes durant leur détention. Par exemple, l’agent·e de détention
doit demander si la personne détenue a une maladie ou une blessure et
enregistrer la réponse donnée. Si la réponse est affirmative, l’agent·e doit
chercher à obtenir de plus amples informations afin de déterminer si le ou
la détenu·e est actuellement suivi·e par un médecin ou prend régulièrement
des médicaments. Il est important d’enregistrer les maladies (par exemple
l’asthme, le diabète, l’épilepsie et des problèmes cardiaques) qui nécessitent
une prise régulière de médicaments. L’agent·e doit également noter si les
détenu·e·s qui doivent prendre régulièrement des médicaments en portent
sur eux ou non, et s’ils ou elles en ont une quantité suffisante pour couvrir à la
fois la période de leur détention dans le poste de police et, le cas échéant, la
durée de leur transfert vers un autre lieu de détention. Si un·e détenu·e doit
prendre régulièrement des médicaments, l’agent·e de détention doit l’orien-
ter vers un médecin ou un· e infirmier(ère) afin qu’ils ou elles puissent vérifier
son état de santé et, si nécessaire, prescrire des médicaments.
Les agent·e·s de détention peuvent aussi noter si, à leur avis, un·e détenu·e
est sous l’emprise d’une substance toxique, que ce soit une drogue ou l’al-
cool. Ces personnes doivent alors être orientées vers un professionnel de

II la santé. La consommation d’alcool ou de drogues peut être un facteur de


risque d’automutilation, de comportement violent ou même de suicide ;
l’intervention médicale peut donc être nécessaire à des fins préventives.
Les agent·e·s de détention peuvent aussi observer qu’un·e détenu·e pré-
sente un handicap physique, une maladie mentale, ou une forme de défi-
cience intellectuelle pouvant être aggravés par la détention ; si c’est le cas,
Visiter les postes de police

la personne détenue doit être orientée vers un professionnel de la santé.


Dans certains pays, le système de santé local peut fournir des services de
soins spécifiques pour les détenu·e·s (par exemple pour les personnes sous
l’emprise d’une substance toxique ou présentant des troubles psychiques),
une fois que leur cas a été notifié par l’agent·e de détention, ou qu’un·e
infirmier(ère) ou un médecin transfère cette personne vers ces services de
soins. Il existe souvent des systèmes visant à faire en sorte que les personnes
souffrant de problèmes mentaux ne soient pas détenues par la police mais
soient orientées vers des établissements d’évaluation et de traitement de ces
problèmes de santé au niveau local. Les mesures intérimaires adoptées pour
protéger ces personnes peuvent être notées dans le dossier de détention
des détenu·e·s en question (par exemple la personne peut être placée sous
étroite surveillance afin de réduire le risque de suicide ou d’automutilation).
64
Chapitre II - Visiter les postes de police

Les visiteurs devraient croiser ces informations et vérifier que les procédures
ont été respectées (par exemple, si la surveillance étroite et régulière de l’état
de santé des détenu·e·s est confiée à un·e infirmier(ère) ou à un médecin).

4.4. Autres informations


Il est probable que les informations suivantes soient également notées dans
le registre de détention ou dans d’autres registres.12

4.4.1. Contact avec le monde extérieur

Appels téléphoniques et visites


Il est possible qu’il existe un registre consignant les appels téléphoniques
effectués par la personne détenue ou en son nom. Si c’est le cas, ce registre
doit préciser les appels effectués par chaque détenu·e, ou en son nom, vers
des
• avocat·e·s, en particulier si leurs services sont assurés aux frais de l’État ;
• médecins ou infirmier(ères) ;
• travailleurs sociaux, établissements de santé mentale, programmes
de traitement de la toxicomanie et organes similaires ;
• consulats et/ou interprètes dans le cas de ressortissant·e·s étrangers
ou étrangères placé·e·s en détention ;
II
• aumôniers ou tout autre personnel religieux.
Il devrait également y avoir un registre des visites aux détenu·e·s ; celui-ci
devrait préciser, le cas échéant, à laquelle des catégories énumérées ci-des-

Visiter les postes de police


sus appartient chaque visiteur.

Contrôle et inspections
Les visiteurs analyseront les informations relatives à l’heure et à la date des
visites d’inspection des quartiers de détention par des officiers supérieurs,
des mécanismes de contrôle internes, des juges et des procureurs. Ces infor-
mations peuvent inclure des commentaires sur les conditions de détention
au moment de la visite ainsi que le nombre de personnes détenues et éven-
tuellement le nom de celles-ci.
12 Les visiteurs noteront les cas où ces informations ne sont pas enregistrées,
particulièrement si ces données sont pertinentes aux fins de leur visite. De plus, le
fait d’inclure une recommandation sur cette question dans le rapport de visite, ou de
mentionner ce problème au cours du dialogue avec les autorités peut encourager de
meilleures pratiques à l’avenir.

65
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

S’il existe un organe national d’inspection, tel qu’un MNP ou une ONG, qui
est habilité, ou autorisé, à avoir accès aux postes de police, leurs visites
doivent être consignées dans un registre. Les inspections par des institu-
tions internationales ou régionales doivent également être consignées.

Tribunaux et procureurs
L’équipe de visite demandera également à consulter le registre des dossiers
envoyés au Parquet et aux tribunaux ainsi que les noms des personnes concer-
nées par ces dossiers. Ces registres doivent préciser la date à laquelle les déte-
nu·e·s ont été transféré·e·s au tribunal ou ont été présenté·e·s devant un·e juge.

4.4.2. Registre des incidents

Incidents et blessures
Les visiteurs analyseront les registres consignant tous les cas d’incidents sur-
venus dans les quartiers de détention. Il s’agit, par exemple, des tentatives de
suicide, des cas d’automutilation de détenu·e·s et des troubles de tous ordres.
Toute allégation de contusions ou d’autres blessures physiques qui seraient
survenues avant l’arrivée des détenu·e·s dans les quartiers de détention doit
également être consignée ; le registre doit clairement indiquer si le dom-
mage allégué est lié à un mauvais traitement précédemment infligé par la
II police (par exemple durant le transport vers le poste de police) ou à des évé-
nements sans rapport avec l’arrestation. Les plaintes faisant état de violences
commises par d’autres détenu·e·s devraient également y être enregistrées.

Usage de la force
Visiter les postes de police

Toute information relative à un recours à la force et à des moyens de


contrainte (par exemple le gaz poivré ou des gaz lacrymogènes ou de type
CS) sera vérifiée et analysée à la lumière des registres consignant les inci-
dents et les blessures.

4.4.3. Registre des procédures et opérations de la police

Fouilles
L’équipe de visite demandera également à consulter le registre des fouilles
corporelles. Ce document doit indiquer, pour chaque cas, l’identité de
l’agent·e habilité·e à autoriser de telles fouilles et préciser qui a effectué
celles-ci. En examinant ce type de registre ou en discutant de la question des
fouilles avec les agent·e·s de police et les détenu·e·s, les visiteurs devraient
toujours établir la nature des fouilles ainsi que le nombre et le sexe du

66
Chapitre II - Visiter les postes de police

personnel de police impliqué dans cette opération. Le même genre d’infor-


mations eu égard aux fouilles effectuées sur les personnes qui visitent des
détenu·e·s au poste de police devrait également y être recueilli.

Entretiens enregistrés
Dans les pays où les entretiens sont enregistrés sur des supports électro-
niques, la police doit tenir un registre de toutes les bandes vidéo et audio
ainsi que des CD ou autres supports de stockage de données utilisés par
l’agent·e chargé·e de l’interrogatoire. Les membres de l’équipe vérifieront
que ce registre fournit, pour chaque enregistrement, des informations rela-
tives à la personne détenue ayant fait l’objet d’un interrogatoire. Les registres
peuvent également inclure l’heure à laquelle le support de stockage a été
remis à la personne chargée de l’interrogatoire et l’heure à laquelle les
supports vierges ont été rendus. Dans les cas où un·e agent·e extérieur·e
au poste contrôle la manière dont sont effectués les interrogatoires, il est
important de vérifier l’exactitude et l’exhaustivité des informations figurant
dans le registre tenu par cette personne et évaluer si (et dans quelles circons-
tances) celle-ci choisit (ou non) d’intervenir au cours de ces interrogatoires ;
cette personne est la mieux placée pour immédiatement arrêter ou prévenir
la torture et les visiteurs évalueront, le cas échéant, sa volonté de s’opposer
aux actions de ses collègues, plutôt que de simplement les enregistrer.

Empreintes digitales et photographies


II
Les membres de l’équipe examineront également les registres contenant
toutes les empreintes digitales et les photos de personnes prises par la
police. La police conserve souvent une copie des photos des personnes

Visiter les postes de police


détenues et il peut être utile de les examiner si les visiteurs soupçonnent
qu’une personne a été agressée et a reçu des coups au visage. Cependant, il
se peut que ces blessures n’aient pas été causées par la police, ou du moins
pas par les agent·e·s affecté·e·s dans ce poste de police ; il est recommandé
de croiser les éléments de preuve photographique faisant état de blessures
et les registres écrits détaillant la date et le lieu où aurait eu lieu l’incident à
l’origine de cette blessure (voir plus haut Chapitre II, Partie B, Section 4.4.2).

Articles confisqués par la police


Des registres des drogues, armes interdites, biens volés et autres articles
confisqués par la police devraient aussi être tenus. Ces registres doivent
indiquer l’heure et la date de la saisie ainsi que le nom de la personne déte-
nue dont les biens ont été confisqués et le sort réservé à ces objets.

67
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Registre des biens personnels


Les équipes de visite vérifieront aussi les registres relatifs aux biens person-
nels saisis par la police. L’heure et la date de la saisie ainsi que le nom de la
personne détenue concernée doivent toujours être consignés. Les registres
doivent être signés à la fois par la police et par le ou la détenu·e propriétaire
de ces articles.

Témoins et autres visiteurs


De même, les membres de l’équipe vérifieront les registres consignant les
noms des personnes qui se rendent dans un poste de police sans être for-
mellement détenues. Ce registre peut inclure l’identité de tous les visiteurs
ou seulement de ceux qui ont été interrogés dans le cadre d’enquêtes crimi-
nelles ou pour d’autres questions liées à des opérations de police.

Besoins spéciaux
Le personnel peut tenir un registre de tout aménagement raisonnable
nécessaire pour répondre aux besoins des détenu·e·s ayant un handicap
physique ou mental. Ce registre peut permettre aux agent·e·s de consigner
par écrit des informations sur des détenu·e·s ayant des besoins spéciaux (par
exemple si une personne a de graves problèmes d’audition ou est affectée
II par le syndrome de la Tourette ou par des troubles similaires susceptibles de
troubler l’ordre). Dans la plupart des pays, la législation nationale contient
des dispositions prévoyant la fourniture d’une assistance supplémentaire
aux détenu·e·s ayant des besoins spéciaux ; si tel est le cas, les registres
doivent indiquer la manière dont ces dispositions ont été respectées (par
exemple en assurant un soutien fourni par une personne adéquate ou un
Visiter les postes de police

professionnel de la santé, une personne parlant le langage des signes ou


un·e interprète).

Plaintes déposées contre la police


Les registres consignant les plaintes contre la police seront aussi analysés.
Ceux-ci peuvent indiquer des tendances en matière de mauvais traitements
ou d’autres violations, ou mettre en lumière le fait qu’un nombre plus élevé
de plaintes concerne les actes commis par en agent·e en particulier. Il est
important de vérifier les actions qui ont été prises suite à ces plaintes et
comment les responsables hiérarchiques s’appuient sur ces plaintes afin de
mener des actions préventives visant à l’élimination des abus.

68
Chapitre II - Visiter les postes de police

5. Entretiens individuels avec des personnes


privées de liberté
Les entretiens avec les personnes détenues dans des postes de police
constituent une des tâches essentielles des équipes de visite ; c’est égale-
ment l’une des plus complexes. Cette tâche devrait être conçue et mise en
œuvre soigneusement. Si ce travail est mal effectué, les membres de l’équipe
risquent de recueillir des informations incomplètes ou d’être délibérément
induits en erreur ; cela peut même mettre les détenu·e·s en danger.
Les entretiens individuels constituent la pierre angulaire de quasiment
toutes les visites dans un lieu de détention. Ils remplissent deux fonctions
clé :
• ils offrent aux détenu·e·s la possibilité de parler librement à une
personne extérieure ;
• ils permettent aux visiteurs de recueillir des informations de première
main sur le traitement des détenu·e·s et les conditions de détention.
Les membres de l’équipe tiendront compte des problèmes suivants tout au
long de leur visite, mais particulièrement pendant les entretiens :
• Les personnes détenues par la police souffrent souvent d’un grand
stress. Elles peuvent être choquées, effrayées, confuses, traumatisées, II
déséquilibrées, mentalement perturbées, violentes, dépressives, sous
l’influence de drogues ou de l’alcool ou présenter des vulnérabilités
dues à leur âge ou à leur appartenance à un groupe socialement
marginalisé ou stigmatisé. Les détenu·e·s peuvent être amené·e·s

Visiter les postes de police


à ne pas dire la vérité aux visiteurs ou faire de fausses allégations
relatives au traitement dont ils ou elles ont fait l’objet.
• Dans le cadre du monitoring préventif de la détention, les visiteurs
ne devraient pas se préoccuper de l’innocence ou de la culpabilité
des personnes privées de liberté à moins que cette question ne soit
liée à une violation flagrante et évidente de l’application régulière
de la loi.
• Les personnes privées de liberté peuvent percevoir les visiteurs comme
une source d’aide. Elles peuvent donc être amenées à dire ce que, à leurs
yeux, les visiteurs veulent entendre et ce, afin d’obtenir leur aide. Un
aspect clé de ce travail consiste à effectuer des entretiens en testant la
véracité des propos des détenu·e·s et à croiser les informations chaque
fois que possible. À l’inverse, les détenu·e·s peuvent considérer les

69
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

visiteurs comme faisant partie d’une structure étatique dans laquelle


on ne peut pas avoir confiance. Il est crucial d’expliquer clairement le
mandat de l’organe de visite à la fois pour éviter de susciter de faux
espoirs et pour établir une relation de confiance.
• Une fois qu’ils ont expliqué le mandat de l’organe de visite, les
membres de l’équipe s’assureront d’obtenir le consentement éclairé
de la personne détenue pour pouvoir s’entretenir avec elle en privé.
Si le ou la détenu·e refuse, pour quelque raison que ce soit, cette
décision doit être respectée.
• Il est important que les visiteurs soient sensibles aux impératifs de
la police et du système judiciaire en tenant compte du fait que les
membres de la police disposent d’un temps limité pour achever leurs
enquêtes et qu’ils sont généralement sous pression. Par exemple,
si les agent·e·s ont besoin de temps pour interroger une personne
détenue, les membres de l’équipe s’efforceront de s’entretenir avec
un·e autre détenu·e ou d’entreprendre une autre tâche de monitoring,
telle que l’analyse des registres. Cependant, de manière générale, ils
devraient chercher de nouveau à s’entretenir avec cette personne
plus tard au cours de la visite. Les visiteurs doivent être prêts à faire
preuve de flexibilité et à modifier leur plan d’action, en cas de besoin,

II afin d’éviter d’interférer dans les enquêtes, tout en s’assurant d’être


en mesure de mener à bien leur travail.
• La police recourt fréquemment à des informateurs(-trices) ; dans les
postes de police, les informateurs(-trices) peuvent être placé·e·s dans
des cellules avec des suspects pour rapporter ce qui est dit et ce qui
est fait. Par conséquent, si au cours d’un entretien, une personne fait
Visiter les postes de police

état de mauvais traitements ou d’autres conduites inappropriées de


la part de la police, elle peut être mise en danger si l’entretien avec
des visiteurs est effectué en présence et à portée de voix d’autres
détenu·e·s.
• Pour de nombreuses raisons, les récits donnés en présence d’autres
détenu·e·s peuvent ne pas être exacts, même si un.e informateur
(-trice) n’a pas été sciemment « placé.e » parmi les détenu·e·s. Les
entretiens sont considérés comme étant individuels uniquement
lorsque les visiteurs s’entretiennent avec un·e seul·e détenu·e et
qu’aucune autre personne n’est en mesure d’entendre ou d’observer
la conversation. Si plus d’un·e détenu·e participe à un entretien,
celui-ci doit dès lors être considéré comme un entretien de groupe,
avec ses modalités propres.

70
Chapitre II - Visiter les postes de police

5.1. Confidentialité des entretiens


La confidentialité est un des principes centraux de tout monitoring préventif.
Afin de protéger les détenu·e·s et d’instaurer un climat de confiance, il est extrê-
mement important de veiller au respect de la confidentialité et d’expliquer
aux détenu·e·s comment les informations qu’ils ou elles fournissent seront
utilisées. Les visiteurs consacreront suffisamment de temps à expliquer ce
que la confidentialité implique. Avant de poursuivre un entretien, ils veilleront
également à obtenir le consentement de la personne détenue. Les membres
de l’équipe s’assureront alors que l’entretien est effectivement mené hors de
portée de voix et de préférence hors du champ visuel de toute autre personne.
Les visiteurs peuvent surprendre le personnel de la police en train d’écouter
à la porte de la pièce choisie pour mener les entretiens. Dans de tels cas,
ils réaffirmeront poliment mais fermement leur mandat ; si deux visiteurs
s’entretiennent avec un·e détenu·e, l’un·e d’eux/elles peut quitter la cellule
et parler à l’agent·e de police concerné·e, afin de garantir le caractère privé
de l’entretien tout en profitant de cette opportunité pour obtenir des infor-
mations de l’agent·e en question.
Si la confidentialité ne peut être garantie pour une raison ou une autre
durant un entretien individuel, les visiteurs examineront la possibilité de ne
mener aucun entretien. Dans de tels cas, les visiteurs prendront en compte
l’opinion de la personne détenue avant de prendre une décision quant à la
II
poursuite de l’entretien ; si un·e détenu·e semble pleinement conscient·e
des risques qu’il ou elle encourt et préfère néanmoins poursuivre l’entre-
tien, les membres de l’équipe ne devraient que dans des cas exceptionnels
refuser à un·e détenu·e l’occasion de parler et d’être écouté·e.

Visiter les postes de police


5.2. Entretiens effectués individuellement ou en
binôme
Dans la plupart des organes de monitoring, les visiteurs effectuent les entre-
tiens individuellement ou en binôme (par équipes de deux). Il ne devrait
jamais y avoir plus de trois personnes, interprète compris·e, participant à un
entretien, car cela risque de submerger et d’intimider la personne détenue
tout en rendant la conduite de l’entretien plus difficile. Il est particulièrement
utile de mener des entretiens en binôme dans les situations où les visiteurs
s’attendent à recevoir des plaintes, car il est plus facile d’exercer à deux un
jugement indépendant sur le bien-fondé de ces allégations. Cette solution
peut également être utile lorsque l’organe de visite forme une nouvelle

71
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

personne. Quand un poste de police fait l’objet de visites régulières, cette


question est peut-être moins importante.
Lorsque les membres de l’équipe travaillent en binôme, les bonnes pra-
tiques suggèrent d’adopter la division des tâches suivantes :
• Un membre agit comme principal interlocuteur et pose la plupart
des questions.
• Le deuxième membre prend des notes, mais seulement après avoir
obtenu le consentement de la personne avec laquelle l’équipe
s’entretient. Il faut expliquer à l’avance à la personne détenue que
des notes seront prises et souligner leur caractère confidentiel.
• La personne qui prend les notes n’interrompt pas celle qui mène
l’entretien en posant d’autres questions, à moins qu’elle n’y soit
invitée à le faire, car cela peut perturber son ou sa collègue et
intimider la personne qui est interrogée.
• Lorsque la personne qui conduit l’entretien a fini de poser toutes ses
questions, celle qui prend des notes est invitée à reprendre des points
spécifiques afin d’obtenir plus d’informations sur ce que la personne
détenue a dit et à soulever de nouveaux points. La personne qui
prend des notes a souvent l’avantage de pouvoir se concentrer sur
II les informations fournies sans devoir penser aux questions qu’il faut
poser ; par conséquent, elle remarque souvent des détails qui ont
échappé à celle qui mène l’entretien et qui peuvent (le cas échéant)
être explorés par la suite.
• Il peut être utile d’alterner les rôles dans les entretiens suivants, bien
que l’équipe puisse décider le contraire pour ses propres raisons.
Visiter les postes de police

5.3. Choisir les personnes avec qui s’entretenir


Étant donné que les postes de police sont habituellement de petites struc-
tures comprenant un nombre limité de détenu·e·s, les visiteurs applique-
ront généralement le principe du « tout ou rien »13 dans la sélection des
personnes avec qui s’entretenir : les membres de l’équipe devraient choisir
soit de parler avec toutes les personnes privées de liberté soit avec aucune
d’entre elles, afin de réduire le risque de sanctions ou des représailles.14

13 Voir Visites préventives de lieux de détention : comment sélectionner les personnes pour les
entretiens (Monitoring des lieux de détention - Briefing N°2), APT, Genève, avril 2009, p.5.
Disponible sur http://www.apt.ch/content/files_res/Briefing2_fr.pdf
14 Voir Atténuer les risques de sanctions liés au monitoring de détention (Monitoring des lieux

72
Chapitre II - Visiter les postes de police

Dans la plupart des postes de police, le nombre de détenu·e·s n’est pas assez
élevé pour justifier des critères de sélection plus élaborés. Cependant, dans
les structures qui comptent un grand nombre de détenu·e·s, il n’est pas
possible de s’entretenir avec tout le monde ; les visiteurs décideront donc
avec quel·le·s détenu·e·s ils ou elles veulent parler. Ce choix peut être opéré
de manière aléatoire ou en fonction d’un examen préalable du registre
de détention. Le choix peut aussi être basé sur d’autres critères définis à
l’avance par l’équipe de visite ; par exemple, la visite peut être focalisée sur
les mineur·e·s détenu·e·s ou sur les membres de groupes habituellement
marginalisés ou stigmatisés (par exemple des minorités ethniques, des
délinquants sexuels, des travailleurs ou travailleuses du sexe ou des per-
sonnes soupçonnées de crimes liés au terrorisme). Cependant, il est impor-
tant de veiller à ce que ce processus de sélection soit perçu comme objectif,
afin de ne pas mettre en danger les détenu·e·s, une fois les visiteurs partis.
11 Il appartient toujours aux visiteurs, et non aux membres de la
police, de choisir avec quel·le·s détenu·e·s l’équipe de visite va
s’entretenir.

Quelle que soit l’option choisie par les visiteurs, ceux-ci tiendront compte
du fait que toutes les personnes détenues ne sont pas forcément dispo-
nibles pour un entretien : certain·e·s peuvent être interrogé·e·s par la police ;
d’autres peuvent être examiné·e·s par un docteur ou un· e infirmier(ère) ; II
certain·e·s peuvent être au tribunal ou en train de s’entretenir avec leurs avo-
cat·e·s ; d’autres encore peuvent être en train de dormir.15 De plus, toutes les
personnes détenues ne souhaitent pas forcément s’entretenir avec l’équipe
de visite et il est nécessaire d’obtenir au préalable leur consentement. La

Visiter les postes de police


décision d’un·e détenu·e de donner ou de refuser un tel consentement doit
être respectée ; les membres de l’équipe portent atteinte à l’efficacité et à
la légitimité de leur travail s’ils sont perçus comme cherchant à obtenir des
informations à tout prix ou à contraindre des personnes à participer à ces
entretiens. Le respect du principe du consentement éclairé contribue à dis-
tinguer les équipes de monitoring de la police.

de détention - Briefing N°4), APT, Genève, janvier 2012. Disponible sur http://www.apt.
ch/content/files_res/Briefing4_fr.pdf
15 Les détenu·e·s doivent être autorisés à se reposer ; dans certains pays, la nature et la
durée du repos sont fixées par la loi afin que les détenu·e·s soient protégé·e·s contre des
interrogatoires coercitifs et des procédures similaires. Le fait d’interrompre des périodes
de repos peut être préjudiciable pour les détenu·e·s et créer des problèmes juridiques
pour la police ; par conséquent, les visiteurs éviteront de réveiller les détenu·e·s qui
dorment à moins que ce ne soit considéré comme absolument nécessaire dans un cas
particulier et que cette décision puisse être justifiée ultérieurement de manière objective.

73
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Il peut arriver que, lors de la visite des visiteurs, aucune personne ne soit
détenue dans le poste de police. La visite devrait tout de même se pour-
suivre afin d’évaluer les conditions matérielles et le registre de détention.
L’équipe peut également s’entretenir avec les agent·e·s en service. Par
ailleurs, les visiteurs peuvent découvrir que des personnes sont en réalité
détenues dans le poste de police.

5.4. Détenu·e·s « représentant un danger »


Il arrive que les visiteurs soient informés qu’un·e détenu·e en particulier
est dangereux(-euse) et que, par conséquent, ils ne soient pas autorisés
à rester seuls avec cette personne ou que la porte de la cellule ne puisse
même pas être ouverte. Cela peut être dû au risque de violence ou d’éva-
sion, ou parce que la personne détenue souffre d’une maladie conta-
gieuse. Les visiteurs demanderont toujours des éléments de preuve justi-
fiant une telle décision. Ces éléments seront vérifiés autant que possible
lors d’entretiens avec d’autres détenu·e·s ou en croisant ces informations
avec les registres et documents se trouvant dans le poste de police.
Après avoir pris connaissance de ces éléments de preuve, les visiteurs
décideront de la marche à suivre ; les équipes de visite tiendront
II compte du fait que l’expérience indique que les personnes en charge
du monitoring sont rarement en danger dans ce type de situation. Les
visiteurs peuvent décider de rejeter les conseils de la police ou tenter de
parvenir à un compromis ; par exemple, ils peuvent demander à parler
à la personne détenue en laissant cette dernière dans le champ visuel
de l’agent·e mais hors de portée de voix. Les visiteurs garderont à l’es-
Visiter les postes de police

prit que, dans la négociation de tout compromis, la diplomatie est plus


efficace que la confrontation. Les agent·e·s peuvent ne pas toujours
avoir raison lorsqu’ils ou elles émettent de tels avertissements mais ils
ou elles peuvent agir en toute bonne foi. Il appartient en fin de compte
aux membres de l’équipe de décider de s’entretenir ou non avec des
détenu·e·s « représentant un danger » et, en cas de problème, ils en
assumeront aussi la responsabilité : cet élément devrait clairement être
souligné durant les négociations.

5.5. Lieu des entretiens


Il important de bien réfléchir au lieu où se tiendront les entretiens, en par-
ticulier afin de respecter le principe de confidentialité. Certains visiteurs

74
Chapitre II - Visiter les postes de police

peuvent souhaiter rester dans la cellule avec le ou la détenu·e ; d’autres


peuvent préférer aller ailleurs. Dans les postes de police, les possibilités sont
généralement limitées. Il faut que tous et toutes les participant·e·s à l’entre-
tien se sentent à l’aise et, le mieux pour ce faire est de s’asseoir ensemble
dans une pièce bien éclairée où la personne avec laquelle l’équipe va s’en-
tretenir ne se sente pas intimidée. Il est probable qu’il y ait un lieu affecté
aux réunions au sein ou à proximité des quartiers de détention ; les visi-
teurs peuvent décider d’utiliser cette pièce à condition que les détenu·e·s
s’y sentent à l’aise. S’il y a une cour d’exercice, cet espace peut également
être approprié, en fonction des conditions météorologiques. Les membres
de l’équipe seront conscients du fait que certaines pièces, notamment les
bureaux des officiers supérieurs, peuvent rappeler des expériences trauma-
tiques à certain·e·s détenu·e·s ou elles peuvent être simplement associées
à une autorité abusive. Ne pas prendre en compte cet aspect peut porter
atteinte à l’image d’indépendance de l’équipe de visite. Il faudra aussi garder
à l’esprit la présence possible de caméras ou de microphones, en particulier
si l’équipe utilise une pièce affectée aux interrogatoires de police.
11 En règle générale, les entretiens doivent être effectués dans un
lieu où la personne détenue se sent le plus à l’aise possible.

5.6. Commencer les entretiens II


Pour effectuer des entretiens, il est essentiel que les membres de l’équipe
obtiennent le consentement éclairé des personnes avec lesquelles ils
souhaitent s’entretenir. Lorsque les visiteurs entrent dans la cellule d’un·e
détenu·e, une fois le départ de l’agent·e, les membres de l’équipe se pré-

Visiter les postes de police


senteront, donneront leurs noms et fonctions et expliqueront leur mandat.
Ils vérifieront ensuite que la personne détenue accepte de leur parler, si ce
consentement n’a pas été fourni précédemment. Si un·e interprète aide les
visiteurs, ceux-ci expliqueront clairement que :
• l’interprète est lié·e par une obligation de confidentialité au même
titre que l’équipe de visite ;
• l’interprète travaille pour l’équipe de visite et n’est pas un·e employé·e
de la police ou n’est aucunement lié·e à celle-ci de quelque manière
que ce soit.
La grande majorité des détenu·e·s accepte de parler aux visiteurs, même
si c’est à contrecœur ou avec quelque crainte initiale. Cependant, si un·e
détenu·e indique ne pas désirer parler à l’équipe, aucune pression ne doit

75
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

être exercée sur cette personne pour lui faire changer d’avis. Si les visiteurs
ont expliqué qui ils sont, s’ils ont souligné leur indépendance et la confi-
dentialité de toute conversation qu’ils peuvent avoir avec les détenu·e·s, ils
ont fait tout ce qu’ils pouvaient. Les membres de l’équipe remercieront les
détenu·e·s qui refusent de parler avec eux pour le temps qu’ils ou elles leur
ont accordé et ils poursuivront leur travail.
Pendant les entretiens, les visiteurs cherchent à obtenir des informations de
première main sur la perception que les détenu·e·s ont de leur détention
et de leur traitement par la police. Dans le cadre de leur visite, les visiteurs
ont souvent des objectifs spécifiques (par exemple évaluer si et comment la
police recourt à la force pendant une arrestation ou si les détenu·e·s peuvent
avoir accès à un·e avocat·e en pratique) et ils orienteront leurs entretiens
en conséquence. Les membres de l’équipe sont parfois amenés à revoir
leurs objectifs initiaux sur la base des informations reçues. Les informations
recueillies durant les entretiens seront alors triangulées avec les informa-
tions collectées auprès d’autres sources afin de vérifier leur exactitude et
crédibilité.
Au cours d’un entretien avec un·e détenu·e (ou des détenu·e·s) dans un
poste de police, les visiteurs devraient :

II •

se présenter ;
rassurer la personne détenue quant au caractère confidentiel des
informations collectées durant l’entretien, à moins d’un accord
contraire ;
• gagner la confiance de la personne détenue ;

Visiter les postes de police

recueillir certaines données essentielles relatives à cette personne ;


• obtenir des informations détaillées sur les situations ou séries
d’événements éventuellement complexes ;
• poser des questions visant à vérifier et à clarifier les informations
données ;
• répondre à toute fausse attente du ou de la détenu·e eu égard à leur
visite.
Tout cela devrait être accompli dans un laps de temps relativement court.

Fournir les informations nécessaires


Les membres de l’équipe fourniront à la personne avec laquelle ils désirent
s’entretenir toutes les informations nécessaires afin que celle-ci puisse
choisir de manière informée si, et selon quelles modalités, elle accepte de
76
Chapitre II - Visiter les postes de police

participer à l’entretien. Durant la phase initiale, les visiteurs se présenteront


individuellement et expliqueront la nature et le mandat de leur organe de
monitoring. Ils expliqueront les processus adoptés pour mener à bien leur
travail de monitoring et d’entretiens et présenter les objectifs de la visite
ainsi que l’importance particulière d’effectuer des entretiens individuels
avec des détenu·e·s.
Plutôt que de fixer un délai ou de dire exactement combien de temps
durera l’entretien (ce qui est difficile à déterminer à l’avance), les visiteurs
peuvent préciser qu’ils doivent prendre en compte la question du temps car
ils doivent s’entretenir avec autant de personnes que possible. Les membres
de l’équipe peuvent également expliquer que le fait de s’entretenir avec un
maximum de détenu·e·s constitue une bonne protection contre d’éven-
tuelles sanctions.
Les visiteurs expliqueront dans quelle mesure ils peuvent respecter la
confidentialité des informations reçues et ne pas cacher les risques que la
personne pourrait encourir suite à cet entretien.

Instaurer un climat de confiance


L’entretien ne devrait pas débuter par une communication d’informations à
sens unique. Les membres de l’équipe chercheront à engager une conver-
sation et peuvent même commencer à discuter de questions sans rapport II
avec le contexte de la détention afin de mettre les détenu·e·s à l’aise. À
cette fin, il peut être bon de parler de questions anodines, mais cela se
fera en tenant compte du contexte spécifique. Par exemple, si les visiteurs
remarquent que le ou la détenu·e est en train de lire un livre, ils peuvent

Visiter les postes de police


en parler. D’autres préfèrent poser des questions non intrusives pour nouer
le contact. Le contexte dicte les thèmes susceptibles d’être appropriés et
efficaces afin de briser la glace. Le fait de discuter de l’environnement direct
(la cellule) ne constitue généralement pas une menace pour la plupart des
détenu·e·s. L’instauration d’un climat de confiance varie bien entendu énor-
mément en fonction du sexe, de l’âge, de l’origine sociale, de l’appartenance
ethnique, de la langue maternelle, de la maturité, etc. de la personne déte-
nue (tout autant que des visiteurs). Les membres de l’équipe réfléchiront à
ce problème avant et pendant les visites et adapteront leurs pratiques en
conséquence.
Il est important d’instaurer un climat de confiance parce que les détenu·e·s
peuvent redouter les conséquences de leur décision de parler aux visiteurs.
Cependant, pour ce faire, la simple assurance du caractère confidentiel de

77
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

l’entretien ne suffit pas. Il faut adopter un style personnel amical et empa-


thique et ce, aussi bien dans les mots choisis que dans la communication
non verbale. Par exemple, il est important d’éviter de se tenir debout dans la
cellule alors que la personne détenue est assis sur un banc. Il est tout aussi
essentiel de faire preuve de patience et d’empathie, même lorsque le ou la
détenu·e a tendance à la digression. Les membres de l’équipe garderont à
l’esprit que les personnes qui ont été torturées ou maltraitées sont trauma-
tisées ; elles peuvent ne pas vouloir parler de ce qui leur est arrivé, en parti-
culier si elles ont été victimes d’abus sexuels. Les expressions du visage, la
manière dont les visiteurs sont assis et les gestes qu’ils font avec leurs stylos
et calepins peuvent donner des impressions négatives aux détenu·e·s ; il est
essentiel que les membres de l’équipe s’efforcent en permanence de « s’ob-
server » eux-mêmes (et d’observer leurs mots et actions) du point de vue de
la personne détenue.
Durant les entretiens, les visiteurs montreront qu’ils sont réellement intéres-
sés par les opinions des détenu·e·s. L’écoute n’est pas une activité passive : le
langage corporel est, à cet égard, particulièrement important. Il appartient
aux visiteurs de savoir dans quelle mesure le contact visuel est approprié -
ou non - dans chaque contexte, en prenant en compte le fait que les normes
relatives au contact visuel varient en fonction des divers groupes culturels

II et ethniques. Les visiteurs réfléchiront avec soin à chaque aspect de leur


propre communication non verbale (par exemple si et quand ils font oui de
la tête). Par ailleurs, si un·e interprète assiste les visiteurs, il est essentiel que
ceux-ci s’adressent à la personne détenue et non pas à l’interprète.

Évaluer la situation
Visiter les postes de police

Durant leur entretien avec un·e détenu·e, les membres de l’équipe devraient
évaluer plusieurs éléments : le comportement de la personne avec laquelle
ils s’entretiennent, les informations fournies, le danger éventuel encouru
par le ou la détenu·e suite à sa participation à cet entretien, ou si le ou la
détenu·e a peur de sanctions ou de représailles. La personne détenue peut
avoir été l’objet de menaces visant à la dissuader de parler aux visiteurs,
ou elle peut, au contraire, avoir été contrainte de participer à cet entretien.
Dans ce dernier cas de figure, il est possible qu’on ait demandé à la per-
sonne de rassurer les visiteurs et de dire que tout allait bien, même si ce
n’est pas le cas. Chacune de ces situations requiert une réponse différente.
Lorsqu’il y a soupçon de contrainte ou de non-respect de la confidentialité
d’un entretien, les visiteurs peuvent chercher à encourager les détenu·e·s
à communiquer des informations sensibles par écrit ou grâce à un dessin.

78
Chapitre II - Visiter les postes de police

Les membres de l’équipe s’assureront que les personnes avec lesquelles ils
s’entretiennent comprennent l’objet de l’entretien. Si ce n’est pas le cas, les
visiteurs chercheront à déterminer si c’est une question de langue, si cela
résulte de difficultés psychologiques, d’un problème conceptuel, d’une
question de distraction ou d’un problème auditif. Les visiteurs peuvent alors
adapter en conséquence leurs ton et style de conversation.
Les membres de l’équipe seront également attentifs à l’état psychologique
des détenu·e·s et évalueront à quel moment la poursuite d’un entretien
peut être préjudiciable. Par exemple, si la personne commence à manifes-
ter des signes sérieux de traumatisme, les visiteurs prendront une décision
quant à la manière de conduire l’entretien, voire envisager la possibilité de
ne pas le conduire.16

5.7. Travailler avec un.e interprète16


Si l’équipe de visite travaille avec un.e interprète, il est extrêmement
important que le rôle de celui-ci ou celle-ci soit clairement précisé
aussi bien durant les pourparlers avec les autorités responsables du
lieu de détention que pendant les entretiens individuels avec les déte-
nu.e.s. L’organe de monitoring sera également conscient du fait que la
présence d’interprètes soulève des questions de sécurité d’une autre
nature parce que ces personnes peuvent être perçues comme n’ayant
II
pas le même degré de protection que celui conféré par le mandat de
l’organe de visite aux autres membres de l’équipe.
Il est important que l’interprète ne mène en aucun cas la conversation.

Visiter les postes de police


Cela devrait être le cas y compris lorsque le ou la même interprète
participe à plusieurs visites de monitoring. Tout d’abord, ce n’est pas le
travail de l’interprète.
Deuxièmement, si l’interprète est le ou la seul.e à prendre la parole, les
agent.e.s de police risquent de le ou la considérer comme la personne
responsable du groupe ; si cette impression peut être corrigée en temps
utile, dans certains pays, elle peut être la source de difficultés pour l’in-
terprète à l’avenir, particulièrement si cette personne est originaire de la
même localité ou région que celle où est situé le poste de police.

16 La manière de travailler des membres de l’équipe de visite avec des interprètes est analysée
dans Faire appel à des interprètes pour le monitoring des lieux de détention (Monitoring
des lieux de détention - Briefing N°2), APT, Genève, mai 2009. Disponible sur http://
tortureprevention.ch/fr/resources/n3-using-interpreters-in-detention-monitoring/

79
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

La police peut considérer que les relations entre l’interprète et l’organe


de monitoring sont d’un ordre qui excède un service d’assistance lin-
guistique professionnel et neutre ; s’il en est ainsi, la police peut prendre
des mesures de représailles. Troisièmement, si les visiteurs délèguent la
responsabilité de mener le dialogue avec la police ou les détenu.e.s à
l’interprète, ils peuvent perdre le contrôle de ce qui est dit.
De plus, si l’équipe de visite travaille avec le ou la même interprète de
manière suivie, ou durant un certain nombre de visites, cette personne
sera familiarisée avec la série de questions généralement utilisée durant
les entretiens ; dans certains cas, les interprètes peuvent anticiper la
question suivante et la poser sans qu’on le lui ait demandé. Dans cette
hypothèse, il est recommandé d’en discuter avec l’interprète après la fin
de l’entretien ou à quelque autre moment approprié.
Bien que l’interprète fasse clairement partie de l’équipe, son rôle sera
expliqué à toutes les personnes que l’équipe rencontre à chaque
étape de la visite. Il est recommandé que les visiteurs communiquent
à l’avance aux interprètes les termes ou les expressions clé qui seront
employés de manière répétée pendant la visite (en particulier si ces per-
sonnes travaillent pour la première fois sur des questions de monitoring
II préventif).
Il faut également prendre en compte le fait que les interprètes peuvent
éveiller les soupçons de la police en particulier si l’interprète et le ou la
détenu.e appartiennent à une même minorité marginalisée. Les déte-
nu.e.s peuvent également se méfier des interprètes : une langue ou une
Visiter les postes de police

appartenance ethnique communes ne dénotent pas forcément d’autres


points communs. Afin d’effectuer des visites de monitoring efficaces, il
est donc essentiel de bien choisir les interprètes, en gardant à l’esprit
le principe « Ne pas nuire ». La présence d’un•e interprète ne doit pas
exposer les détenu.e.s à d’autres risques de mauvais traitements. Dans
le même temps, les interprètes ne doivent subir aucune forme de repré-
sailles pour avoir collaboré avec l’organe de monitoring.

5.8. Poser les bonnes questions


Il n’est pas recommandé de lancer une série de questions immédiatement
après la présentation de l’équipe. En général, la meilleure manière de
procéder consiste à poser des questions relativement ouvertes, telles que

80
Chapitre II - Visiter les postes de police

« Comment êtes-vous arrivé ici ? » et de laisser la personne détenue raconter


son histoire avec ses propres mots.17 C’est particulièrement important en ce
qui concerne les jeunes gens ou les personnes en situation de vulnérabilité.
Si le ou la détenu·e s’interrompt, il est facile de lui faire reprendre le cours de
son récit en lui demandant simplement : « Qu’est-ce qui est arrivé ensuite ? ».
Il ne faut poser d’autres questions que lorsque la personne a achevé son récit.
Il est important de poser les questions dans un ordre logique et de poser
toutes les questions prévues même si la personne a déjà répondu à cer-
taines d’entre elles dans le cadre de son récit. Les détenu·e·s peuvent parfois
faire preuve de confusion dans les dates et les heures et un ordre logique de
questions peut révéler des contradictions ou inciter la personne à se rappe-
ler des événements qu’elle a oubliés ou qu’elle a décrits de manière erronée
précédemment.
La formulation la plus adéquate des questions dépend des caractéristiques
de la personne avec laquelle on s’entretient. Le contenu des questions,
quant à lui, est cependant défini sur la base des objectifs de la visite et des
problématiques que les visiteurs visent à analyser.
Les membres de l’équipe formuleront très soigneusement leurs questions.
Même s’ils connaissent la réponse (par exemple, ils peuvent savoir qu’un·e
détenu·e a été examiné·e par un médecin parce qu’ils ont consulté le
registre médical), ils éviteront de donner l’impression qu’ils s’attendent à II
une réponse spécifique. Une question ouverte sur l’accès à un médecin peut
aboutir à une réponse qui contredit les informations déjà en possession des
visiteurs (telles que les informations recueillies suite à l’examen des registres
ou après avoir parlé avec les agent·e·s). Des questions ouvertes permettent

Visiter les postes de police


aux visiteurs de creuser davantage ces questions et, le cas échéant, de
remettre en cause les informations fournies par les détenu·e·s ou la police.

Les questions ouvertes encouragent les détenu·e·s à creuser leur


mémoire pour relater un récit exact et fiable. Cette approche permet
donc de réduire la possibilité de suggestion (c’est-à-dire qu’elle réduit
le risque de voir les détenu·e·s donner les réponses que, selon eux ou
elles, les visiteurs veulent entendre, au lieu de dire la vérité).

17 Pour autant, des questions fermées assez simples telles que « Depuis combien de
temps êtes-vous ici » sont tout à fait inoffensives ; elles représentent également un
bon moyen de démarrer les entretiens. Étant donné qu’il n’existe pas de règle d’or en
matière d’entretiens avec des détenu·e·s, l’expérience de l’équipe de visite déterminera
la manière de conduire ces entretiens.

81
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

En règle générale, il vaut mieux éviter les questions fermées ainsi que les
questions suggestives. Les questions fermées sont celles qui requièrent
des réponses simples sur la base d’un nombre limité d’options ; en effet,
beaucoup de questions fermées appellent une réponse par oui ou par
non. Les questions fermées peuvent être utiles pour la vérification de
faits, mais elles seront utilisées avec soin et parcimonie. Les questions
suggestives, quant à elles, contiennent généralement - ou suggèrent
fortement - la réponse attendue ; par exemple, il vaut mieux demander
« Vous a-t-on dit quelque chose lorsque vous êtes arrivé·e au poste de
police ? ». En effet, « Vous a-t-on dit que vous pouviez avoir un·e avo-
cat·e lorsque vous êtes arrivé au poste de police ? » est une question
fermée tandis que « La police ne vous a-t-elle pas dit que vous pouviez
avoir un·e avocat·e ? » est une question suggestive qui est inappropriée.
11 Les membres des équipes de monitoring ne devraient
jamais poser de questions suggestives qui insinuent ouverte-
ment qu’un·e détenu·e a été torturé·e ou maltraité·e.

En règle générale, il vaut mieux poser des questions commençant par


les mots « qui », « quoi », « où », « quand », comment » ou « pourquoi ».

II Si un·e détenu·e montre des signes évidents de blessures, il est impératif -


et parfaitement approprié - de s’enquérir de l’origine de ces blessures. De
même, si les visiteurs sont en possession d’informations suggérant que la
personne détenue a des blessures qui ne sont pas visibles, ils poseront des
questions à ce sujet. Cependant, il ne faut pas poser de questions sollicitant
Visiter les postes de police

une allégation selon laquelle un·e détenu·e a été torturé·e ou maltraité·e,


à moins qu’il n’existe des éléments de preuve en ce sens ou que le ou la
détenu·e indique, même si c’est de manière oblique, que cela a été le cas.
Il faut éviter de poser plusieurs questions en même temps (par exemple
« Que s’est-il passé lorsque vous êtes arrivé·e au poste de police ; vous a-t-on
dit que vous pouviez avoir un·e avocat·e et quelqu’un vous a-t-il informé·e
que vous aviez été arrêté·e ou avez-vous été simplement fouillé·e et placé·e
en cellule ? »). De telles questions provoquent la confusion chez les déte-
nu·e·s et nécessitent de poser de nouvelles questions car les personnes
interrogées n’apportent en général que des réponses partielles.
Il y a de nombreuses raisons expliquant pourquoi un·e détenu·e fournit
un récit apparemment contradictoire : les contradictions ne signifient pas
nécessairement qu’un·e détenu·e ne dit pas la vérité (ou, à tout le moins,

82
Chapitre II - Visiter les postes de police

qu’il ou elle ne cherche pas, en fait, à dire la vérité). Le choc, le traumatisme


et la désorientation peuvent entraîner de la confusion. De plus, les déte-
nu·e·s peuvent s’efforcer de fournir des réponses « conformes », c’est-à-dire
celles qu’ils ou elles pensent que les visiteurs attendent. Si l’on détecte des
incohérences dans le récit de la personne détenue, il faut essayer de com-
prendre quelles en sont les raisons. Cela peut se faire :
• en posant la même question de manière différente :
• en posant des questions invitant à donner davantage de précisions ;
• en comparant les réponses données à différentes questions portant
sur le même point ;
• en attirant, de manière neutre, l’attention sur des contradictions
apparentes.
Certaines informations peuvent également être croisées avec d’autres entre-
tiens ou d’autres sources d’informations - en respectant dûment l’obligation
de confidentialité. Cependant, les visiteurs ne doivent en aucun cas accuser
un·e détenu·e de mensonge. Les informations qui ne sont pas considérées
comme crédibles seront simplement enregistrées en tant que telles.
Il est essentiel d’être méthodique en recueillant les informations. Pour ce
faire, il est recommandé de :
• planifier et se préparer soigneusement ;
II
• suivre le plan adopté (à moins qu’il n’y ait de bonnes raisons de
dévier de celui-ci) ;
• s’assurer que les questions sont posées dans un ordre logique ;

Visiter les postes de police


• allouer du temps pour les réponses ;
• relier et vérifier les réponses.

5.9. Conclure les entretiens


Il faut mettre un terme à l’entretien lorsque les membres de l’équipe esti-
ment qu’ils ont obtenu toutes les informations pertinentes susceptibles
d’être collectées ou si, à un moment donné, ils perçoivent que la personne
détenue souhaite arrêter l’entretien. À la fin de l’entretien, on lui deman-
dera si elle désire ajouter quelque chose. Les visiteurs la remercieront pour
le temps accordé. Ils peuvent estimer nécessaire de réitérer les assurances
données précédemment en matière de confidentialité des entretiens.
Les visiteurs consacreront autant de soin et de temps à la clôture d’un

83
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

entretien qu’ils n’en ont mis pour le débuter. C’est particulièrement impor-
tant si le contenu de l’entretien a été traumatisant et bouleversant pour
la personne détenue ; par exemple, si celle-ci a fait état d’allégations de
torture ou autres mauvais traitements. Le fait de rouvrir des blessures peut
affecter l’état psychologique d’un·e détenu·e et les membres de l’équipe
seront attentifs à ce risque.
Les détenu·e·s peuvent parfois poser des questions spécifiques sur leur cas.
À de rares occasions, les détenu·e·s peuvent même demander aux visiteurs
de transmettre à un·e ami·e ou à un parent un message (souvent apparem-
ment anodin) ou de rendre un service tout aussi apparemment simple ou
innocent. Les membres de l’équipe n’accepteront en aucun cas ce type
de demandes en précisant clairement que cela est interdit. Si les visiteurs
acceptent de transmettre des messages de la part des détenu·e·s, ils peuvent
faire l’objet d’allégations de tentative d’interférence dans une enquête ou
dans le cours de la justice. Une telle démarche peut ainsi porter atteinte à la
crédibilité de l’organe de visite dans son ensemble. Les détenu·e·s peuvent
également demander aux visiteurs leur opinion ou des conseils sur leur
cas, en tant qu’expert·e·s externes. Il est crucial de comprendre que de tels
conseils outrepassent le mandat des équipes de visite; le cas échéant, cela
sera également clairement expliqué aux détenu·e·s.

II Si les détenu·e·s indiquent qu’ils ou elles souhaitent déposer une plainte


officielle sur le traitement qu’ils ou elles ont subi de la part de la police ou
sur leurs conditions de détention, les visiteurs peuvent en fonction de leur
mandat :
• conseiller aux détenu·e·s d’entrer en contact avec le bureau du
Visiter les postes de police

médiateur ou de la médiatrice, ou un mécanisme de plainte


indépendant similaire ;
• référer directement le cas de ces détenu·e·s à l’un ou à plusieurs de
ces organes.
Les visiteurs peuvent aussi, avec le consentement des détenu·e·s, informer
l’agent·e de détention qu’un·e ou plusieurs détenu·e·s souhaitent déposer
plainte.18
Lors de la clôture de l’entretien, il est important que les visiteurs s’assurent
qu’ils n’ont pas fait naître de faux espoirs chez les détenu·e·s ; il ne faut pas
18 Il est recommandé que les organes de monitoring, et notamment les MNP, établissent
une distinction entre le monitoring préventif et les fonctions relatives au suivi de
plaintes. Le monitoring préventif vise à identifier les défaillances systémiques plutôt qu’à
traiter des cas individuels (même si ces derniers informent le travail des visiteurs).

84
Chapitre II - Visiter les postes de police

que ces personnes aient l’impression que la visite des membres de l’équipe
de monitoring aboutira directement à une amélioration de leur situation
individuelle. Il est cependant important de souligner qu’ils ont apporté une
contribution utile au travail de l’équipe de visite. Dans certains cas, notam-
ment lorsque l’organe de monitoring dispose d’une présence permanente
dans le pays, il peut être utile de donner aux détenu·e·s les numéros de
contact de l’équipe de monitoring ou du siège de l’organe de monitoring.

6. Entretiens avec le personnel de police et


autres personnes
Les agent·e·s de police constituent une source importante d’informations
pour les visiteurs. Les informations fournies par ces personnes représentent
un élément clé dans le processus de triangulation car elles contribuent à
avoir une compréhension globale du lieu visité. Il est essentiel que l’équipe
de visite saisisse toutes les occasions qui s’offrent à elle de s’entretenir avec
la police, en particulier avec les agent·e·s subalternes, en faisant preuve en
permanence d’empathie. Autant que possible, les entretiens seront conduits
en privé, selon les mêmes critères que ceux adoptés avec les détenu·e·s ;
cependant, il vaut souvent mieux mener des entretiens avec le personnel
de police de manière spontanée et occasionnelle plutôt que formellement.
Il est également important d’examiner le point de vue des agent·e·s sur le
II
fonctionnement de leur structure. Leur opinion peut être tout à fait diffé-
rente de celle communiquée aux membres de l’équipe par le ou la respon-
sable hiérarchique du poste lors de leur entretien initial. La manière dont les
agent·e·s perçoivent leur travail et les difficultés auxquelles ils ou elles sont

Visiter les postes de police


confronté·e·s au quotidien peut révéler des tendances systémiques aussi
bien positives que négatives.
Les visiteurs constatent souvent que les agent·e·s font d’abord preuve
d’une certaine méfiance, voire parfois d’hostilité. Pour établir un climat de
confiance, il est essentiel que les membres de l’équipe exercent les mêmes
compétences relationnelles que celles sur lesquelles ils s’appuient dans leurs
relations avec les détenu·e·s. Les membres de la police présentent presque
toujours aux visiteurs une liste de doléances touchant divers domaines :
salaires peu élevés ; surcharge de travail ; manque de ressources ; difficul-
tés suscitées par la pression exercée par leurs supérieurs hiérarchiques qui
exigent des « résultats ». Ces facteurs systémiques augmentent le niveau de
stress et entraînent de mauvaises conditions de travail, ce qui peut accroître
le risque de mauvais traitements à l’encontre des détenu·e·s.

85
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Tout en posant des questions aux agent·e·s, les visiteurs devraient les
encourager à poser des questions à l’équipe de monitoring. Les agent·e·s
peuvent poser des questions quelque peu cyniques telles que « Et nos
droits humains à nous ? ». Les membres de l’équipe de visite peuvent alors
expliquer que cette question les préoccupe au même titre que celle relative
aux droits humains des détenu·e·s ; il est important que les agent·e·s soient
convaincu·e·s que les visiteurs ne sont pas « l’ennemi ». Les membres de la
police doivent être encouragés à réaliser que les droits humains ne sont pas
conçus pour compliquer leur travail mais qu’ils constituent, au contraire, un
élément central et essentiel de leurs activités professionnelles quotidiennes.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que la plupart des membres de la police
choisissent cette carrière pour des raisons honorables et qu’ils veulent
accomplir de manière professionnelle un travail de bonne qualité ; le rôle
des organes de monitoring consiste également à les aider à accomplir cet
objectif.
11 Les équipes de monitoring garderont à l’esprit que le person-
nel de la police peut également encourir des risques de sanctions
ou de représailles de la part de responsables hiérarchiques pour
s’être entretenus avec des visiteurs indépendants. L’équipe pren-
dra donc toutes les mesures appropriées pour protéger le person-
II nel de la police contre toute forme de représailles résultant de leur
interaction avec l’équipe de visite.

Questions clé à poser au personnel


• Combien de membres du personnel travaillent au sein du poste
Visiter les postes de police

de police (i) au moment de la visite et (ii) au total ? Quel est


habituellement le ratio personnel/ détenu.e.s ?
• Quels sont les grades des personnes impliquées dans les
différentes phases du processus de détention ?
• Combien y a-t-il de femmes au sein du personnel (i) au moment
de la visite et (ii) au total ? Quel est habituellement le ratio
personnel de police féminin/détenu.e.s ? Quels niveaux d’autorité
le personnel de police féminin détient-il ?
• Que se passe-t-il lorsqu’une détenue est amenée au poste de
police alors qu’il n’y a aucune agente de police en service à ce
moment-là (par exemple durant le week-end) ?

86
Chapitre II - Visiter les postes de police

• Quelles sont les procédures prévues pour les rotations de


service ? Comment les informations sont-elles échangées entre
l’équipe qui quitte son service et celle qui la relève19?
• Quelles sont les procédures appliquées lorsqu’un•e détenu•e
arrive dans le centre de détention ?
• Quelles sont les procédures pour répondre à l’arrivée d’un nombre
important de détenue.s à des moments de forte affluence ?
• Quelles sont les procédures en matière d’examens médicaux ?
• Quels sont les derniers circulaires/mémorandums ministériels
provenant du quartier général ou les règlements les plus récents ?
• Quelles sont les règles standard en matière d’utilisation de la force ?
• Quelles méthodes de désescalade sont utilisées avant tout
recours à la force ?
• Comment le personnel de police décrit-il son contact avec les
détenu.e.s ?
• Les détenu.e.s sont-ils/elles informé.e.s de l’existence de
procédures permettant le dépôt de plaintes ? Si tel est le cas, de
quelle manière ?
• Quels aménagements sont prévus pour les personnes ayant un
handicap mental, des difficultés d’apprentissage ou d’autres
II
formes d’incapacité physique ou sensorielle ?
• À quelle fréquence le personnel vérifie-t-il la situation des
détenu.e.s dans l’aire de détention ? Ces vérifications sont-elles
consignées dans un registre ?

Visiter les postes de police


• Est-ce que les agent.e.s de détention peuvent entendre ce qui
se passe dans les cellules ? Si un.e agent•e entend l’appel d’un.e
détenu.e, comment doit-il ou elle répondre aux termes de la
procédure ? Cette procédure est-elle respectée en pratique ?
• Quelles sont les difficultés les plus graves auxquelles le personnel
est confronté ?
19

19 Par exemple, est-ce que les agent·e·s sont informé·e·s des besoins d’un·e détenu·e
susceptibles de requérir une protection additionnelle ou un traitement différent,
tels qu’un·e détenu·e ayant un handicap pour lequel ou laquelle des aménagements
raisonnables peuvent se révéler nécessaires ou des détenu·e·s ayant un régime
alimentaire particulier ?

87
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

• Comment les membres du personnel décriraient-ils une journée


de travail type ?
• Quel est le salaire moyen ? À quel moment les employé.e.s
reçoivent-ils ou elles leur salaire ? Leur salaire est-il versé en
temps et en heure ?
• Des possibilités de formation continue sont-elles proposées au
sein du service ?

Enfin, il faut souligner que de nombreux autres professionnels sont suscep-


tibles de travailler dans les postes de police : tous et toutes ne sont pas res-
ponsables de la détention. Certain·e·s peuvent n’avoir aucun lien direct avec
la détention. Dans un poste de police, il peut y avoir des enquêteurs(-trices),
des médecins, des infirmiers(ères), des psychologues et d’autres types
de personnel. Bien que, dans la plupart des cas, le personnel médical ne
travaille pas de manière permanente dans un poste donné, celles et ceux
qui exercent dans des postes de police détiennent généralement des infor-
mations importantes sur ces lieux de détention. Si ces personnes sont pré-
sentes au moment de la visite, cela vaut la peine de s’entretenir avec elles. De
même, d’autres personnes qui ne travaillent pas pour la police (tels que les
II membres de la famille des détenu·e·s, les aumôniers, les membres d’autres
organes de visite et des prestataires) mais qui sont présentes pendant la
visite peuvent également s’avérer être des sources utiles d’informations.

7. Questions spécifiques
Visiter les postes de police

7.1. Soins médicaux


Il est rare que des personnels de santé tels que des médecins ou des infir-
miers(ères) soient affectés à temps plein dans un poste de police à moins
que cette structure ne soit particulièrement grande ou soit située au sein
d’un large complexe abritant le quartier général de la police. Dans ce cas,
la fonction du personnel de santé peut consister, en premier lieu, à soigner
les membres de la police. Il est probable sinon qu’aucun personnel de santé
ne soit présent au moment d’une visite inopinée ; les visiteurs peuvent, par
conséquent, décider de demander à l’agent·e responsable s’il est possible
qu’un membre du personnel médical travaillant régulièrement dans ce
poste de police vienne les rencontrer. Il est également possible de rencon-
trer le personnel de santé ailleurs, dans un lieu où ces personnes estiment

88
Chapitre II - Visiter les postes de police

pouvoir parler plus librement. Bien entendu, le meilleur interlocuteur en la


matière est le membre de l’équipe de visite qui est médecin, si celle-ci en
compte un.

7.1.1. Examens médicaux


Dans le cadre du système de justice criminelle, un médecin peut se voir
demander d’examiner un·e détenu·e pour deux raisons principales.
Tout d’abord, les médecins peuvent se voir demander :
• d’intervenir en cas d’urgence ; ou
• d’évaluer l’état d’une maladie existante ou soupçonnée afin de
déterminer s’il faut fournir d’urgence des médicaments ou un autre
traitement, ou transférer la personne vers une autre structure de
santé.
Ces interventions sont généralement initiées par des agent·e·s. Cependant,
les visiteurs détermineront si, lorsque des détenu·e·s demandent à voir un
médecin, la police accède promptement à cette requête et si les détenu·e·s
peuvent avoir leur mot à dire sur le choix du médecin (par exemple, les déte-
nues préfèrent souvent être examinées par une femme médecin).
Par ailleurs, dans certains pays, il peut être demandé à des médecins d’exer-
cer leur compétence en médecine légale, afin d’évaluer l’état de santé du ou II
de la détenu·e en relation avec les causes de son arrestation ; par exemple,
la police peut demander à un médecin d’évaluer la présence (et le type) de
blessures qui auraient été causées lors d’une agression ainsi que des signes
d’intoxication ou d’éventuels éléments de preuve d’agression sexuelle.

Visiter les postes de police


Les membres de l’équipe demanderont à visiter la pièce dans laquelle sont
effectués les examens médicaux. Ils noteront également le type d’équi-
pements disponibles. Les examens médicaux doivent avoir lieu en privé
et sans utilisation de quelque contrainte que ce soit. Si un·e détenu·e en
particulier suscite des préoccupations d’ordre sécuritaire exceptionnelles
et pressantes, des agent·e·s de police peuvent rester à proximité, ou même
dans le champ visuel, mais ne doivent pas être à portée de voix. Toutes les
informations à caractère médical seront croisées lors des entretiens indivi-
duels et par le biais de l’analyse des dossiers et registres.

7.1.2. Personnel médical


En général, les détenu·e·s se trouvant dans les postes de police reçoivent
des soins médicaux fournis par :

89
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

• des médecins généralistes locaux ;


• des médecins appelés à se rendre dans un poste de police au cas par
cas ; ou
• des médecins travaillant dans des cliniques ou hôpitaux locaux dans
lesquels les détenu·e·s peuvent être transporté·e·s en cas de besoin
d’examens ou de traitements complémentaires.
Dans certains pays, les infirmiers(ères) peuvent constituer le premier point
de contact entre des détenu·e·s et le système de soins ; cependant, les
détenu·e·s doivent être autorisés à demander l’assistance de médecins, qui
supervisent le travail des infirmiers(ères), ou à être orientés vers eux.
Dans certains pays, la police dispose de son propre service de soins ; si c’est
le cas, le personnel médical de la police peut également être chargé de trai-
ter les détenu·e·s. Les visiteurs détermineront quels sont les responsables
hiérarchiques de ce personnel et s’il opère indépendamment de la police. Le
personnel médical relevant du ministère de la Santé est probablement plus
indépendant que celui travaillant au sein du même ministère que la police.
En tous les cas, il est important de vérifier si le personnel de santé a été
formé pour traiter des questions particulières qui surgissent dans le cadre
de la détention par la police ; par exemple, le personnel de santé doit être
II formé dans les domaines suivants :
• le traitement devant être apporté aux personnes souffrant de
troubles mentaux et aux consommateurs et consommatrices de
drogue ;
• la documentation médicale en matière de torture et autres mauvais
Visiter les postes de police

traitements.20

7.1.3. Orientations vers des professionnels de la santé


Le registre de détention doit inclure la date et l’heure à laquelle l’agent·e de
détention, ou la personne détenue elle-même, a demandé une consultation
avec un médecin. De même, la date et l’heure à laquelle l’agent·e de déten-
tion a demandé une consultation avec d’autres professionnels de santé, tels
que celles et ceux travaillant au sein de services de santé mentale ou de pro-
grammes de traitement des consommateurs et consommatrices de drogue,
20 Voir Le Protocole d’Istanbul : Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines
ou traitements, cruels, inhumains ou dégradants (Série sur la formation professionnelle
N°8), Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, Genève, 1999
(révisé en 2004). Disponible sur http://www2.ohchr.org/french/about/publications/
docs/8rev1_fr.pdf

90
Chapitre II - Visiter les postes de police

devraient figurer dans le registre. L’agent·e de détention doit également


noter la date et l’heure de la consultation médicale ainsi que les informa-
tions relatives à tout transfert vers un centre de soins, un hôpital ou une
autre structure locale et tout retour éventuel vers le lieu de détention. Les
membres de l’équipe chercheront à vérifier ces informations (et déterminer
si les consultations ou les transferts ont effectivement eu lieu), notamment
auprès des détenu·e·s qui se trouvent encore dans le poste de police.
L’équipe se renseignera sur les procédures en place en cas d’urgence médi-
cale, lorsque par exemple l’état de santé d’un·e détenu·e exige un transfert
urgent vers l’hôpital le plus proche. L’équipe peut également demander
quelle a été la dernière situation de ce type et comment elle a été traitée. De
même, les visiteurs pourront demander si des personnes sont décédées en
détention au cours de la dernière année ou depuis la dernière visite. Il est
important de connaître les procédures prévues pour enquêter sur un décès
en détention ainsi que les conclusions des enquêtes éventuelles.

7.1.4. Dossiers médicaux


Les médecins et les infirmiers(ères) qui sont appelés à examiner des déte-
nu·e·s doivent tenir des dossiers médicaux précis et à jour. Ces dossiers
doivent rester confidentiels car ils peuvent traiter de questions n’ayant pas
de rapport avec la détention de la personne concernée. La police ne doit pas
être autorisée à y avoir accès. Par conséquent, il peut être nécessaire que les
II
visiteurs contactent le personnel médical concerné pour pouvoir examiner
ces dossiers. Cependant, dans certains pays, la police dispose d’un système
de registres informatisés dans lesquels les dossiers médicaux peuvent être
conservés sur une interface sûre, dont l’accès, protégé par un mot de passe,

Visiter les postes de police


est limité aux professionnels de la santé.
Lorsqu’ils agissent dans le cadre plus traditionnel de leurs rapports entre méde-
cin et patient·e·s, les médecins doivent expliquer aux détenu·e·s que seules
seront divulguées à la police les informations relatives à leur santé qui sont
nécessaires pour assurer leur protection durant la détention ; par exemple, les
médecins doivent signaler à la police si un·e détenu·e est diabétique et s’il ou
elle doit suivre un régime particulier ou recevoir des injections d’insuline quo-
tidiennes. La police peut tenir un registre séparé ou indiquer sur les dossiers
individuels des personnes détenues si celles-ci doivent prendre des médica-
ments ou suivre un autre traitement spécifique prescrit par un médecin. Ce
document est distinct du dossier médical ; il doit plutôt constituer un outil
pratique permettant à la police de veiller à ce que les détenu·e·s reçoivent
leurs médicaments ou puissent suivre un régime alimentaire spécifique.

91
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Lorsqu’ils agissent en qualité d’experts médico-légaux, les médecins sont


pour l’essentiel chargés de recueillir des éléments de preuve d’ordre médi-
cal susceptibles d’être utilisés dans des procédures judiciaires ; les méde-
cins doivent expliquer aux détenu·e·s que ces informations seront traitées
différemment que les autres informations médicales d’ordre personnel. En
fonction de la législation nationale, ces informations sont communiquées à
la police et/ou aux autorités judiciaires ; elles peuvent donc être divulguées
dans le cadre d’une procédure judicaire éventuelle.

7.1.5. Stocks de médicaments et matériels de premiers secours


Étant donné que le personnel de santé n’est généralement pas basé dans
les postes de police, tout médicament destiné à un·e détenu·e spécifique
doit être clairement étiqueté avec le nom de la personne détenue ainsi que
la quantité et la fréquence à laquelle ce produit a été prescrit. Tous les médi-
caments doivent être conservés sous clé. La clé doit être disponible dans le
poste de police à tout moment du jour et de la nuit, y compris durant les
week-ends et les jours fériés.
Un kit de premiers secours doit également être conservé dans le poste de
police et il doit être facilement accessible. Dans certains pays, les postes
de police peuvent disposer de défibrillateurs cardiaques. Dans ce cas, les
II agent·e·s de police doivent être formé·e·s à leur utilisation : de plus, un·e
agent·e formé·e à cet effet doit être en service à tout moment du jour et de
la nuit, y compris durant les week-ends et les jours fériés.

7.1.6. Allégations de torture et autres mauvais traitements


Les médecins et infirmiers(ères) chargés d’examiner les détenu·e·s peuvent
Visiter les postes de police

être amené·e·s à traiter des personnes qui ont été soumises à la torture ou
autres mauvais traitements, y compris la violence sexuelle ainsi qu’à des
violences commises par d’autres détenu·e·s. Les professionnels de la santé
sont tenus par une obligation professionnelle et éthique de documenter
tout signe physique ou psychologique ou tout symptôme de mauvais trai-
tements ou de torture, non seulement lorsqu’un·e patient·e se plaint direc-
tement de mauvais traitements, mais également quand un médecin ou
un(e) infirmier(ère) soupçonne des cas de mauvais traitements. Surtout, les
médecins et infirmiers(ères) sont également tenus de signaler leurs consta-
tations et soupçons. Les mécanismes internes de transmission des informa-
tions dont ils ou elles disposent pour ce faire doivent protéger l’identité de
la victime et de toute personne impliquée dans le signalement de cas de
mauvais traitements. Cependant, toutes les parties doivent être conscientes

92
Chapitre II - Visiter les postes de police

que toute information médicale documentant des cas de torture ou autres


mauvais traitements peut être utilisée dans le cadre d’éventuelles procé-
dures judiciaires.
Les visiteurs évalueront dans quelle mesure le personnel médical est
conscient de ses responsabilités à cet égard et quels sont, le cas échéant, les
mécanismes de transmission des informations prévus par la loi et les règle-
ments régissant le lieu de détention. À cet égard, les membres de l’équipe
examineront plus particulièrement la façon dont les dossiers médicaux et
autres éléments de preuve pertinents (par exemple les examens médicaux)
sont traités et conservés, eu égard au principe de confidentialité et de pro-
tection des victimes. Les visiteurs chercheront également à connaître la
date à laquelle ces mécanismes de transmission des informations ont été
utilisés le plus récemment et quels ont été les résultats des cas traités.
11 Voir Chapitre III, Section 2.3

7.2. Problématiques diverses

7.2.1. Sûreté et sécurité


Les visiteurs seront conscients des considérations relatives à la sûreté et la
sécurité tout au long de leur visite dans des postes de police, particulière-
ment lorsqu’ils sont en contact avec des détenu·e·s. Ils seront attentifs aux
II
dangers qui pèsent sur leur propre sûreté et sécurité ainsi que sur celles de
leurs collègues, des détenu·e·s, des agent·e·s de police et des membres du
public.

Visiter les postes de police


Les simples règles présentées ci-dessous visent à réduire le risque d’incidents :
• Les visiteurs devraient savoir en toutes circonstances où se trouvent
les autres membres de l’équipe et être informés de leurs mouvements
dans le poste de police.
• Lorsqu’ils s’entretiennent avec un·e détenu·e, les visiteurs devraient
s’assurer, autant que possible, qu’ils sont plus proches de la porte que
le ou la détenu·e.
• Si, durant un entretien, les membres de l’équipe de monitoring
doivent quitter la pièce avant que celui-ci ne soit terminé, ils
prendront avec eux tous leurs effets personnels, même s’ils ne
s’absentent que quelques instants. Les visiteurs ne devraient jamais
laisser des cartables ou de petits articles (comme des stylos) dans les
cellules ou les pièces dans lesquelles ont lieu les entretiens.

93
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

• En entrant ou en quittant la pièce où a lieu l’entretien, les visiteurs


devraient, en règle générale, marcher légèrement derrière la
personne détenue et lui permettre d’entrer et de sortir avant elle.
• À la fin d’un entretien, les membres de l’équipe ne devraient jamais
laisser un·e détenu·e sortir seul·e de la pièce. Ils devraient, au
contraire, sortir et indiquer aux agent·e·s qu’ils ont fini l’entretien et
que le ou la détenu·e peut donc être ramené·e dans sa cellule.
• Les visiteurs ne devraient jamais donner d’objets aux détenu·e·s, en
particulier des allumettes, des briquets ou des stylos.
• Les visiteurs devraient éviter de s’entretenir avec des détenu·e·s
qui sont sous l’emprise de l’alcool, de la drogue ou de toute autre
substance intoxicante. Si l’équipe comprend un médecin, les visiteurs
lui demanderont de vérifier, le cas échéant, l’état de santé du ou de
la détenu·e.
• Si les membres de l’équipe prévoient de s’entretenir avec plusieurs
détenu·e·s en même temps dans une cellule ou un autre lieu, tel que
la cour d’exercice, ils devraient le faire en compagnie d’un·e autre
collègue.
11 La règle d’or est de faire preuve de bon sens. Il est très peu

II probable que des incidents surviennent, il est donc inutile d’être


anxieux(-se) ou effrayé·e. Si les visiteurs font preuve de nervosité,
celle-ci va se communiquer aux détenu·e·s et aux agent·e·s, por-
tant ainsi atteinte à l’efficacité du travail de monitoring.

7.2.2. Instruments potentiellement utilisés pour torturer


Visiter les postes de police

Pendant leur visite dans les postes de police, les visiteurs seront attentifs à
ce qui se passe autour d’eux, notamment dans les aires de détention. Si les
agent·e·s sont avertis par avance de l’arrivée de l’équipe de visite, il est pro-
bable que tout élément clairement compromettant aura été enlevé. Cepen-
dant, ce n’est pas toujours le cas et les visiteurs peuvent trouver des objets
tels que des bandeaux, des battes de base-ball et des câbles électriques qui
ont été utilisés pour frapper les détenu·e·s.
Les membres de l’équipe chercheront surtout les objets (armes et instru-
ments) pouvant servir à torturer. Les visiteurs s’enquerront de la raison de la
présence de tout objet de ce type, notamment si ce dernier est aperçu dans :
• les aires de détention ;
• les pièces dans lesquelles peuvent se trouver les détenu·e·s à un
moment donné au cours de leur détention ;
94
Chapitre II - Visiter les postes de police

• les bureaux des enquêteurs(-trices).


Si un article a été saisi comme élément de preuve, il doit normalement
porter une étiquette ou quelque autre marque d’identification. Dans le cas
contraire, les visiteurs demanderont la date à laquelle il a été saisi et dans
quelles circonstances. Les équipes de monitoring se méfieront des excuses
selon lesquelles les membres de la police auraient « oublié » ou n’auraient
« pas eu le temps » de compléter les formulaires nécessaires afin d’étiqueter
des objets comme éléments de preuve.
11 Il n’existe pas de liste exhaustive d’instruments pouvant être
utilisés pour infliger des mauvais traitements physiques ou autres.
Les visiteurs resteront en permanence vigilants et attentifs tout
au long de leur visite à toute information, observation ou élément
inattendus, notamment lors de leurs entretiens individuels avec
les détenu·e·s.

7.2.3. Assister aux interrogatoires menés par la police


Il peut parfois arriver que les visiteurs soient invités - généralement par un
officier supérieur - à assister à l’interrogatoire d’un suspect par un enquê-
teur. L’équipe de visite devrait toujours refuser une telle proposition. En
effet, si l’interrogatoire a déjà commencé, celui-ci sera interrompu par l’arri-
vée des membres de l’équipe. S’il n’a pas commencé, il est fort peu probable II
que l’enquêteur(-trice) accepte l’idée de mener son travail en présence de
visiteurs. Ceux-ci ne risquent pas seulement de distraire l’enquêteur dans
son travail mais ils peuvent également perturber le suspect et son avocat·e,
si il ou elle est présent·e. Les membres de l’équipe n’interféreront dans le
processus de l’enquête. En outre, les visiteurs garderont à l’esprit que, s’ils

Visiter les postes de police


assistent à un interrogatoire, ils peuvent devenir des témoins et, par consé-
quent, être appelés à témoigner dans le cadre de procédures judiciaires.
Si les visiteurs estiment qu’il est nécessaire d’observer un interrogatoire, ils
pourront, dans les pays où les interrogatoires des suspects sont enregistrés
en vidéo ou en audio, demander à avoir accès à ces enregistrements, qui
sont en général conservés dans le poste de police. En règle générale, le fait
de regarder ou d’écouter des enregistrements d’interrogatoires peut s’avé-
rer très utile pour le monitoring préventif.

95
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

8. Entretien final avec la personne responsable


du poste de police
L’équipe de monitoring devrait toujours avoir un entretien final avec la
personne en charge du poste de police. L’équipe y peut présenter à cette
occasion quelques indications sur ses premières constatations. Cependant,
lorsque les visiteurs ne souhaitent pas soulever certaines questions à cette
étape de leur travail, ces rencontres peuvent simplement servir à mettre
formellement fin à la visite. Il est compréhensible et parfaitement approprié
que les visiteurs préfèrent éviter d’évoquer des conclusions définitives avant
d’avoir eu le temps de réfléchir et de débattre de leurs constatations avec
d’autres collègues. Pour autant, les agent·e·s peuvent être frustré·e·s – voire
trouver impoli – que les équipes de monitoring arrivent, effectuent leur
visite et partent ensuite simplement sans faire part d’aucune réaction.
Si les visiteurs souhaitent émettre des critiques envers des supérieurs hié-
rarchiques suite à leurs observations, il est important de ne pas exprimer
de telles opinions devant des agent·e·s subalternes. Les institutions de la
police sont des organisations à la discipline quasi-militaire : les critiques
d’officiers supérieurs devant leurs subordonné·e·s seront perçues comme
très indélicates.
II Si les conclusions et recommandations principales doivent être adressées,
dans un rapport formel, aux autorités chargées de la détention, cet entre-
tien final offre l’occasion de soulever les questions les plus urgentes et d’ex-
pliquer à nouveau le processus de préparation de rapports par l’organe de
monitoring. Par ailleurs, les équipes de monitoring s’efforceront d’utiliser
cet entretien pour renforcer leurs relations avec la police en soulignant l’ap-
Visiter les postes de police

proche coopérative inhérente au monitoring préventif.


11 Tout au long de l’entretien final, les visiteurs tiendront compte
du principe « Ne pas nuire ». Ils feront preuve de prudence en évo-
quant des éléments qui pourraient être utilisés afin de découvrir
l’identité de la personne qui a fourni ces informations, notam-
ment lorsqu’il s’agit d’un·e détenu·e en particulier. Il faut éviter
à tout prix que les détenu·e·s fassent l’objet de sanctions ou de
représailles.

96
Chapitre II - Visiter les postes de police

Partie C. Après la visite

Les visites ne représentent pas une fin en soi, mais plutôt la première étape
d’un processus à long terme visant à améliorer le traitement des détenu·e·s
ainsi que les conditions de détention par le biais d’un dialogue coopératif
avec les autorités.
Après avoir effectué une visite, les équipes de monitoring sont invitées à
mener deux activités très importantes. La première consiste à évaluer la
manière dont l’équipe a effectué sa visite. Cette tâche est aussi importante
que l’examen des constatations de la visite. Chaque équipe et chaque
groupe de visiteurs peuvent faire un compte rendu de leur travail à l’issue de
chaque visite. Les visiteurs pourront améliorer la qualité de leur travail futur
en réfléchissant, à titre individuel et en tant qu’équipe, aux points positifs et
négatifs de leur dernière visite. La deuxième tâche clé consiste à rédiger un
rapport de visite et à formuler des recommandations. Ce travail devrait être
mené à bien peu après la visite. Le rapport sera alors soumis à la personne
responsable du lieu de détention ainsi qu’aux autorités supérieures, si cela
semble approprié. Les rapports bénéficient de davantage de crédibilité aux
yeux de la police et d’autres parties intéressées s’ils sont soumis rapidement.
Une autre stratégie courante consiste à rédiger un rapport interne. Celui-ci
n’est pas transmis aux autorités de police, mais sert de base pour l’élabora- II
tion d’un rapport général, fondé sur une série de visites, qui sera publié ou
au moins envoyé aux autorités pertinentes et aux responsables des centres
de détention concernés.
11 Si les équipes de monitoring soupçonnent que les détenu·e·s

Visiter les postes de police


risquent de faire l’objet de représailles ou de sanctions pour avoir
été en contact avec l’organe de visite, il est recommandé de mener
une visite de suivi dans le même poste de police peu de temps
après la première visite. Si une telle visite risque de ne pas être
efficace parce que les détenu·e·s en question ont été libéré·e·s
ou transféré·e·s vers un autre lieu de détention, les membres de
l’équipe peuvent tenter de visiter ces derniers dans le lieu où ils ou
elles se trouvent alors afin de vérifier leur situation.

Rapports
Les visites devraient être suivies de rapports crédibles adressés aux auto-
rités appropriées. Les rapports devraient inclure des recommandations
pratiques sur les changements à mettre en œuvre. La mise en œuvre de ces
recommandations sera surveillée étroitement.

97
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Le degré de confidentialité de ces rapports varie en fonction des stratégies


des organes de visite et de leurs obligations envers l’État concerné. Les rap-
ports peuvent avoir un caractère confidentiel ou public, ou ils peuvent être
rendus publics en étant assortis d’annexes confidentielles. Il est également
possible de soumettre un rapport pour commentaires à l’État concerné
avant de le rendre public.
11 Les mécanismes de visite s’assureront toujours que les infor-
mations à caractère personnel concernant des détenu·e·s ne sont
mentionnées qu’avec le consentement formel de ces personnes.
Ils veilleront également à ce que les communications générales et
le contenu des rapports (y compris les rapports de visite, théma-
tiques et annuels) ne mettent en danger la sécurité de personne.

1. Rapports internes
Comme dans le cas des visites dans d’autres types de lieux de détention, les
informations recueillies pendant les visites dans les postes de police seront
analysées, classées et archivées afin de pouvoir être utilisées aussi efficace-
ment que possible. Le classement logique et systématique des informations
permet aux équipes de visite d’identifier des points de référence et des indi-

II cateurs relatifs à l’évolution, dans le temps, des conditions de détention dans


les postes de police qui sont régulièrement visités. Il fournit également aux
mécanismes de monitoring un aperçu complet des questions thématiques
ou des tendances qui se retrouvent dans des postes de police différents.
Les équipes de visite peuvent rédiger un rapport de visite individuel, dans
un format standard. Ces rapports, ainsi que toutes les notes prises pendant
Visiter les postes de police

les visites, alimentent la mémoire institutionnelle de l’organe de visite ; ils


constituent un point de départ utile pour l’organisation et la préparation de
visites ultérieures.
Les rapports internes devraient inclure, au minimum :
• des informations générales sur le poste de police ;
• des informations générales sur la nature de la visite ;
• les informations clé recueillies pendant la visite (par exemple les
principaux problèmes identifiés, les actions de suivi qui doivent être
entreprises et les points à vérifier lors de la visite suivante) ;
• les informations confidentielles qui ne sont pas destinées à être
divulguées, mais qui doivent être enregistrées dans l’optique de
visites de suivi éventuelles.
98
Chapitre II - Visiter les postes de police

2. Rapports de visites
Les rapports constituent probablement l’outil le plus important dont dis-
pose un organe de visite afin de protéger les personnes détenues et amé-
liorer leur situation. Les rapports consacrés à une seule visite dans un seul
poste de police présenteront les faits et les questions essentiels découlant
de la visite ainsi que tous les points importants évoqués lors de l’entretien
final avec le chef de l’établissement. Ces types de rapports de visite peuvent
être relativement brefs et seront envoyés peu de temps après la visite. Cela
renforce le dialogue avec les autorités en fournissant une réaction écrite et
officielle. Ces rapports de visite seront également envoyés rapidement aux
autorités responsables du lieu visité afin que :
• les recommandations soient diffusées de manière à pouvoir être
mises en œuvre et ;
• l’organe de monitoring soit pris au sérieux et perçu comme
professionnel par la police.
Les organes de monitoring devraient débattre régulièrement de la confi-
dentialité des rapports de visite ; la publication systématique de ce type de
documents peut saper le dialogue constructif engagé par les organes de
monitoring avec les autorités. Pour cette raison, certains organes de moni-
toring transmettent initialement leurs rapports aux autorités de manière II
confidentielle ; ces rapports ne sont rendus publics que par la suite en étant
assortis de la réponse ou de la position des autorités.
Les rapports de visite devraient contenir un chapitre présentant des infor-
mations générales qui incluent (au minimum) :

Visiter les postes de police


• des informations détaillées sur la composition de l’équipe de visite ;
• la date et l’heure de la visite ;
• les objectifs spécifiques de la visite ;
• une évaluation de la manière dont les informations ont été recueillies
et vérifiées avant, pendant et après la visite.
Les bonnes pratiques suggèrent d’organiser le corps du rapport de manière
thématique plutôt que chronologique. Il devrait, au minimum, présenter
clairement les principaux sujets de préoccupations concernant :
• le traitement des détenu·e·s ;
• les mesures de protection employées ;
• les conditions matérielles observées ;

99
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

• les questions relatives au personnel de la police.


Pour chacun de ces thèmes, le rapport devrait :
• décrire la situation objectivement observée ;
• présenter une analyse des risques ;
• formuler des recommandations.
Les rapports devraient toujours présenter une analyse des constatations à la
lumière des normes internationales de droits humains ou cadres juridiques per-
tinents. Les rapports devraient également souligner les exemples de bonnes
pratiques et mentionner les aspects des conditions de détention qui sont
adéquats. Cela contribue à consolider une approche coopérative, démontre
l’impartialité de l’organe et facilite l’acceptation de critiques plus négatives.
Une extrême prudence est requise en ce qui concerne le signalement d’allé-
gations de torture, de mauvais traitements ou de toute autre situation que
l’équipe de visite n’a pas observées directement. La terminologie adoptée
devrait clairement établir la différence entre ce qui « est arrivé » et ce qui est
allégué ou signalé (c’est-à-dire entre les faits et les affirmations ou les infor-
mations rapportées). À cet égard, l’objectif fondamental est d’encourager
les autorités à prendre des mesures efficaces pour enquêter sur ces asser-

II
tions, appliquer des sanctions, le cas échéant, et prendre toutes les mesures
nécessaires afin d’éviter que de tels actes ne se reproduisent.

3. Rapports thématiques
Suite aux visites, des rapports thématiques peuvent également être rédigés.
Visiter les postes de police

Ceux-ci traitent généralement de plusieurs postes de police, en accordant


une attention spécifique à une question ou un ensemble de questions
donnés (par exemple l’accès à un·e avocat·e ou les abus liés aux fouilles). Dans
des nombreux cas, les questions identifiées lors des visites ne concernent
pas un seul poste de police mais relèvent de déficiences systémiques. Ainsi,
un problème particulier observé dans un poste de police peut révéler des
défaillances dues à
• la culture institutionnelle de la police (du fait, par exemple, de problèmes
généralisés de corruption, de profilage ethnique, de l’absence de
toute sensibilité par rapport aux questions de genre, ou de pratiques
généralisées et ancrées de mauvais traitements et de torture) ;
• des secteurs particuliers de la police (par exemple les brigades des
stupéfiants).

100
Chapitre II - Visiter les postes de police

Les rapports thématiques vont au-delà des situations identifiées dans


le cadre des visites pour examiner les problèmes systémiques dans une
perspective globale. Les rapports qui évitent de « pointer le doigt » sur des
postes de police donnés ont tendance à favoriser les réformes systémiques,
en allant au-delà de la simple application de sanctions contre un poste spé-
cifiquement identifié.

4. Rapports annuels
Un grand nombre de mécanismes effectuant des visites dans des postes de
police sont également chargés de la visite d’autres structures. C’est le cas
des MNP mis en place aux termes de l’OPCAT. Dans le cas de ces organes et
d’autres, les conclusions clé relatives aux conditions de détention dans les
postes de police seront très probablement incluses dans un rapport annuel
de portée plus large.21
Lorsque des organes publient régulièrement des rapports de visite, le corps
de leur rapport annuel peut synthétiser des problèmes clé relatifs aux dif-
férents types de lieux de détention (par exemple les postes de police) ou
il peut analyser des questions thématiques transversales. En général, une
section séparée de nature analytique plutôt que factuelle est consacrée aux
conditions de détention et au traitement des détenu·e·s dans les postes de
police. II
5. Rédiger des recommandations22
La qualité et l’utilité des recommandations formulées suite à des visites dans

Visiter les postes de police


des lieux de détention peuvent être évaluées à l’aune des dix critères du
double modèle SMART qui sont reliés les uns avec les autres et se renforcent
mutuellement.

21 Aux termes de l’article 23 de l’OPCAT, les États parties « s’engagent à publier et à diffuser les
rapports annuels des mécanismes nationaux de prévention ». Disponible sur http://www.
admin.ch/ch/f/as/2009/5449.pdf
22 La manière de rédiger des recommandations est examinée de manière approfondie dans
le document Faire des recommandations efficaces (Monitoring des lieux de détention -
Briefing N°1), APT, Genève, novembre 2008. Disponible sur http://www.apt.ch/content/
files_res/Briefing1_fr.pdf

101
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Specific (Spécifique) : Chaque recommandation traite d’une seule


question spécifique

Measurable (Mesurable) : L’évaluation de la mise en œuvre de chaque


recommandation est aussi aisée que possible.

Achievable (Atteignable)23: Chaque recommandation est réaliste et


réalisable.

Results-oriented (Réaliste) : Les actions suggérées mènent à des résul-


tats concrets.

Time-bound (Inscrite dans le Temps) : Chaque recommandation men-


tionne un échéancier de mise en œuvre réaliste.
+

Solution-suggestive (Suggérant des solutions) : Chaque fois que cela


est possible, les recommandations proposent des solutions crédibles.

Mindful of prioritisation, sequencing and risks (Consciente des


priorités, du séquençage et des risques) : Lorsqu’il y a beaucoup de
II recommandations, les plus urgentes sont traitées en priorité. Les moins
urgentes peuvent être réservées pour des rapports ultérieurs.

Argued (Argumentée) : Les recommandations sont basées sur des élé-


ments de preuve et une analyse objective et de haute qualité. Elles se
réfèrent aux normes pertinentes.
Visiter les postes de police

Real-cause responsive (Répondant aux causes réelles) : Les recomman-


dations traitent les causes des problèmes, plutôt que leurs symptômes.

Targeted (Ciblée) : Les recommandations sont adressées à des institu-


tions ou des responsables d’institution spécifiques plutôt qu’aux « auto-
rités » de manière à souligner le (ou les) acteur(s) à qui il incombe de les
mettre en œuvre.
23

23 Il peut parfois également être utile d’inclure des recommandations qui ne sont pas
nécessairement réalisables sur le court terme mais qui peuvent inspirer une stratégie
sur le long terme. Néanmoins, en règle générale, les recommandations devraient être
réalistes et réalisables.

102
Chapitre II - Visiter les postes de police

Exemple d’une recommandation pauvrement formulée concernant


les fouilles à nu
Les fouilles à nu doivent être effectuées de manière proportionnée,
notamment en ce qui concerne les femmes.

Version SMART
Il ne faut recourir aux fouilles à nu que lorsque cela est strictement
nécessaire et conformément aux principes de nécessité, du caractère
raisonnable et de proportionnalité. Les fouilles à nu doivent être effec-
tuées en deux étapes pour faire en sorte que la personne ne se retrouve
jamais entièrement nue.
Comme le précise la Règle 19 des Règles des Nations Unies concernant
le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de
liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok), les fouilles effectuées sur
des femmes « ne doivent être réalisées que par du personnel féminin
dûment formé ».
Il faut immédiatement mettre un terme aux fouilles qui ne se confor-
ment pas à ces principes.
Le/a Chef.fe de la police doit adopter et diffuser dans un délai de six
mois un règlement interne décrivant clairement les critères régissant
II
les modalités, la responsabilité et le monitoring des fouilles corporelles.
Le ministère de l’Intérieur et l’Institut national de formation de la police
doivent faire en sorte que le programme de formation de l’école de

Visiter les postes de police


police traite des modalités appropriées en matière de fouilles à nu.
Cette question doit également être incluse dans des modules de for-
mation continue. Ces ajouts et changements au programme d’études
doivent être réalisés avant le début de la prochaine année de formation
(c’est-à-dire dans les dix mois à venir).

En pratique, il peut être difficile de rédiger des recommandations respectant


les dix critères SMART. Cependant, les organes de visite sont invités à prendre
le temps d’examiner soigneusement tous ces critères. Il est essentiel d’éla-
borer de bonnes recommandations ; en effet, des recommandations bien
formulées, particulièrement celles qui incluent des informations susceptibles
de servir ultérieurement d’indicateurs de progrès, fournissent une base solide
pour assurer un dialogue continu avec les autorités et permettent aux organes
de visite d’assurer de manière plus efficace le suivi de leur mise en œuvre.
103
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

6. Suivi des recommandations, y compris par le


biais d’un dialogue avec d’autres personnes
et institutions
Une fois que les rapports de visite ont été soumis aux autorités concernées,
il est primordial d’entamer un dialogue sur la mise en œuvre des recom-
mandations contenues dans les rapports. Il est également essentiel que les
organes de monitoring ciblent le niveau hiérarchique approprié (à savoir le
poste de police, l’autorité locale ou régionale, ou le ministère) ou d’autres
autorités pertinentes (par exemple le ministère de la Justice ou le ministère
de la Santé). Les organes de visite identifieront également d’autres acteurs
qui peuvent diffuser ces recommandations ou contribuer à leur mise en
œuvre.
Les réponses spécifiques et les réactions générales des autorités suite aux
rapports aident les organes de monitoring à adapter leurs programmes de
visite. Au cours des visites suivantes, les mécanismes de monitoring véri-
fieront si les réponses officielles aux rapports de visite reflètent la situation
sur le terrain. Ils examineront également si des mesures ou des actions ont
été entreprises suite aux recommandations formulées dans les rapports
précédents.
II Les organes de monitoring sont invités à trouver des moyens d’instau-
rer et de préserver le dialogue avec les autorités et d’autres institutions
importantes. Les rapports constituent une bonne manière de soutenir un
dialogue continu, mais ils ne sont pas suffisants. Les stratégies complémen-
taires peuvent inclure les actions suivantes :
Visiter les postes de police

• Organiser de manière régulière des réunions et des tables rondes


avec les autorités pertinentes afin de débattre des recommandations
des organes de monitoring et d’autres questions relatives à la
conduite de la police et à la détention.
• Rappeler aux autorités qu’elles ont l’obligation de répondre
aux rapports et aux recommandations de certains organes de
monitoring ; elles sont en outre tenues d’y répondre dans un délai
raisonnable. Dans l’idéal, l’ensemble des mécanismes de monitoring
opérant dans un même pays doivent bénéficier de cette obligation
qu’ont les autorités de réagir à leurs rapports ; de plus, cette obligation
doit être consacrée par la législation nationale ou d’autres cadres
juridiques pertinents (par exemple le code national de la police). Il est
recommandé de convenir avec les autorités d’un calendrier de mise

104
Chapitre II - Visiter les postes de police

en œuvre des recommandations ; cela contribue souvent à assurer


un engagement réel en faveur de ce dialogue bilatéral.
• Mener un dialogue constructif et soutenu avec d’autres secteurs clé
(par exemple des parlementaires, la société civile, des organisations
régionales ou internationales, ou les médias) qui peuvent jouer
un rôle important dans la promotion de la mise en œuvre de
recommandations. Il est possible que d’autres institutions disposent
de leviers essentiels dans le cas où les autorités se montrent réticentes
à tenir compte des rapports et des recommandations proposées.
• Mener des débats avec d’autres publics cibles (tels que des syndicats
de la police ou des associations du personnel).
De telles pratiques contribuent à établir et à soutenir un dialogue construc-
tif qui va au-delà des visites spécifiques en influant sur la prise de décisions
politiques. Par exemple, si l’organe de monitoring bénéficie d’une bonne
notoriété et a gagné la confiance des autorités, cela le mettra en position
d’être consulté avant l’adoption de lois afin de veiller à ce que la nouvelle
législation respecte les normes de droits humains. De même, les organes
de monitoring peuvent être impliqués dans des débats importants portant,
par exemple, sur la construction de nouveaux postes de police afin de veil-
ler à ce que ceux-ci soient construits conformément au droit international
relatif aux droits humains. II
Le dialogue mené par les organes de monitoring avec les acteurs pertinents
et, en particulier, avec les médias, devrait être intégré à une stratégie de
communication plus large, allant au-delà de la publication des rapports. En
d’autres termes, le dialogue et la communication ne devraient pas simple-

Visiter les postes de police


ment être réactifs ; sur le long terme, les organes de visite gagnent en visi-
bilité et en crédibilité grâce à des initiatives de communication proactives
et diverses. Enfin, cela peut avoir un impact très important sur la rapidité et
l’efficacité avec lesquelles les recommandations sont mises en œuvre.
11 Le fait de gagner la confiance des autorités pertinentes met les
organes de monitoring en position d’être consultés avant la mise
en œuvre de décisions politiques. Cet élément est essentiel à la
réussite à long terme de l’approche préventive. Dans l’idéal, il est
recommandé d’œuvrer à la promotion de l’ensemble des droits
humains concernés plutôt que de réagir uniquement à des inci-
dents et à des questions spécifiques relatives à la police.

105
Chapitre III
Normes internationales relatives
aux pouvoirs de la police et à la
détention par la police
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Le chapitre III de ce guide peut être utilisé comme une section autonome. Il
présente un cadre pratique basé sur les principales normes internationales
et régionales relatives à la police. Ce chapitre propose des conseils pra-
tiques et généraux sur certains aspects spécifiques du travail des équipes
de monitoring, avant les visites dans les postes de police (c’est-à-dire durant
la préparation), pendant les visites et après les visites afin d’assurer un suivi
efficace de leur travail. Les normes examinées ci-dessous portent soit spéci-
fiquement sur la détention par la police, soit sur certaines dimensions géné-
rales de la détention applicables à la détention par la police.

Détention par la police : résumé des principaux types de risques et des


garanties fondamentales1
Normes internationales

III
Les normes sont réparties en six catégories représentant les six dimensions
principales que les organes de visite sont invités à examiner. Ces questions
font chacune l’objet d’une section différente de ce chapitre et sont réparties
de la manière suivante :
1 Ce schéma ne constitue pas une représentation exacte du processus de détention ; il
présente plutôt une vision générique des étapes, des risques et des garanties essentiels.

108
Chapitre III - Normes internationales

Le traitement des personnes détenues par la police


Torture et autres mauvais traitements
Détention au secret
Usage de la force et des armes à feu
Moyens de contrainte
Arrestation
Fouilles
Interrogatoires
Transferts
Participation de la police aux expulsions forcées
Garanties fondamentales
Droit à l’information
Notification de la privation de liberté à des
proches ou à un tiers
Accès à un médecin
Accès à un.e avocat.e
Procédures juridiques

Normes internationales
Durée de la détention par la police
Accès à un.e juge
Procédure de contrôle des modalités de
libération

Garanties procédurales

Enregistrement audio-vidéo
Registres de détention
Mécanismes de plaintes
Inspection et monitoring

Conditions matérielles III


Personnels de police

Code de conduite
Recrutement
Formation
Uniformes et identification

109
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Dans chaque section, un tableau inclut la citation exacte des extraits des
normes les plus pertinentes. D’autres normes additionnelles figurent au bas
du tableau à titre de référence. Celui-ci est assorti d’un commentaire qui
précise les implications pratiques de ces normes pour les organes de moni-
toring. Chaque section se conclut par un encadré qui fournit aux visiteurs
des conseils pratiques (« points de repère ») pouvant être utilisés comme
une liste récapitulative des questions à soulever durant les entretiens avec
des détenu·e·s ou des membres de la police.

Remarque sur les normes décrites ci-dessous


Ce chapitre ne contient pas une liste exhaustive de l’ensemble des normes
relatives à la détention par la police, mais il présente plutôt une sélection
des plus pertinentes. Les normes figurant dans ce chapitre incluent celles
énoncées dans les traités internationaux et régionaux des droits humains,2
les instruments internationaux et régionaux non contraignants3 (tels que
les déclarations, les résolutions et les principes) et les lignes directrices et
autres déclarations adoptées par des organes internationaux et régionaux
de droits humains.
Dans chaque tableau, les normes internationales sont présentées avant
les normes régionales, les normes contraignantes sont énumérées avant
Normes internationales

les normes non contraignantes et les normes spécifiques avant les normes

2 Les traités n’ont un caractère contraignant qu’à l’égard des États qui ont accepté d’être
liés à ces instruments par le biais d’une ratification ou adhésion. Néanmoins, même
lorsqu’un État n’a pas accepté d’être lié par un traité donné, celui-ci peut être cité en tant
que norme internationale.
3 « L’expression « droit non contraignant » (ou « soft law ») se réfère à des documents qui
ne sont pas contraignants en droit international (c’est-à-dire dont le statut est inférieur
à celui d’un traité conclu en vertu de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traités). Les instruments juridiquement non contraignants comprennent les résolutions
d’organes tels que l’Assemblée générale de l’ONU et le Conseil des droits de l’homme
ainsi que des plans d’action, des codes de conduite, des principes directeurs, des règles

III ou déclarations de principes adoptés lors de rencontres régionales ou internationales


d’experts. La jurisprudence émanant des organes de traité ainsi que leurs observations
finales peuvent aussi être considérées comme étant du droit non contraignant (soft law).
Ces instruments et recommandations ont une force morale indéniable et offrent aux États
une orientation concrète pour leurs pratiques. Leur valeur dépend du nombre d’États qui
les ont reconnus et acceptés et, même s’ils n’ont aucun effet contraignant, ils peuvent
être considérés comme énonçant des objectifs et des principes largement acceptés au
sein de la communauté internationale », Prévenir la torture : Guide pratique à l’intention des
Institutions nationales des droits de l’homme, APT, Forum Asie Pacifique des Institutions
nationales des droits de l’homme et Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de
l’homme, Doc. ONU HR/PUB/10/1, Genève, mai 2010, p.6 (note 12). Disponible à l’adresse
suivante : http://www.apt.ch/content/files_res/PreventingTortureNHRI_Fr.pdf

110
Chapitre III - Normes internationales

générales. Le cas échéant, les normes relatives à des groupes spécifiques


(par exemple les femmes, les mineur·e·s ou des personnes vivant avec un
handicap) sont incluses à la fin du tableau.
Il convient de noter qu’il existe encore peu de normes internationales
s’appliquant spécifiquement à la police. Les normes en vigueur relatives à
la police peuvent donc présenter des lacunes. De même, les normes péni-
tentiaires peuvent n’être que partiellement applicables à la détention par
la police. Les membres des équipes de monitoring garderont cet élément à
l’esprit en lisant ce chapitre.
Les normes pénitentiaires ne sont pas entièrement similaires à celles tou-
chant la détention par la police (notamment en ce qui concerne l’interpella-
tion) et ce, pour diverses raisons :
• La police se retrouve généralement face à des personnes inconnues,
tandis que même les personnes nouvellement admises en prison
arrivent avec des pièces d’identité ; le manque d’information et le
caractère imprévisible marquant la rencontre initiale entre la police
et les personnes nouvellement appréhendées peuvent accroître la
tension et augmenter les risques pour les deux parties.
• Dès les premiers instants de la période de privation de liberté, les

Normes internationales
agent·e·s ont, en général, affaire à une (ou des) personne(s) qui se
trouvent dans un état de grande tension. Du fait du caractère volatile
de cette situation, le maintien de l’ordre est souvent plus difficile
pour la police que pour le personnel pénitentiaire.
• Les lieux où les agent·e·s privent initialement des personnes de
leur liberté ne présentent souvent pas de garanties ni en termes de
sécurité (risques d’évasion) ni en termes de sûreté (risques d’abus).
Les interpellations sont par ailleurs parfois effectuées par un·e
agent·e seul·e. De plus, il arrive souvent que les interpellations se
fassent dans l’espace public et les agent·e·s doivent alors prendre en
compte les risques encourus par d’autres membres du public.
III
Les visiteurs consulteront également les lois, les règlements et les normes
pertinents adoptés au niveau national. De nombreux États ont incorporé
dans leur droit national tout ou partie des normes internationales ou régio-
nales. En outre, les lois et normes nationales peuvent être plus complètes
que les dispositions du droit international.
Ce chapitre n’inclut pas la jurisprudence régionale ou nationale afin de
préserver l’objectif du manuel qui vise à être un outil pratique. Cependant,

111
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

les lecteurs et lectrices sont encouragé·e·s à examiner la jurisprudence per-


tinente lorsqu’ils ou elles élaborent des recommandations adressées aux
1 autorités concernées.

1. Traitement
Le respect de la dignité des personnes détenues doit constituer la valeur
éthique fondamentale aussi bien pour le personnel des postes de police
que pour les organes de visite. Ce principe fondamental est clairement
énoncé à l’article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
Traitement

(PIDCP) : « Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec
le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ».
Surtout, la torture et les traitements ou peines cruels, inhumains ou dégra-
dants sont absolument proscrits et ne peuvent être justifiés en aucune
circonstance.
Parmi les mesures qui peuvent s’assimiler, dans certaines circonstances, à
la torture ou à des traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants
figurent l’isolement cellulaire, le recours à des instruments de contrainte
et l’usage de la force ou l’utilisation d’armes à feu. Le recours à de telles
mesures doit par conséquent être assorti d’une série de garanties destinées
à veiller à ce que celles-ci ne soient pas utilisées de manière à constituer
un acte de torture ou autres mauvais traitements. Les mécanismes de visite
accorderont une attention particulière à ces questions.

1.1. Torture et autres mauvais traitements


Normes pertinentes
« Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants. En particulier, il est interdit de soumettre une
personne sans son libre consentement à une expérience médicale ou
scientifique. »
PIDCP, Art. 7

« Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de


l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure
ou de tout autre état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la
torture. »
UNCAT, Art. 2

112
Chapitre III - Normes internationales

« Tout État partie veille à ce que les autorités compétentes procèdent


immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu'il y a des motifs
raisonnables de croire qu'un acte de torture a été commis sur tout terri- 1
toire sous sa juridiction. »
UNCAT, Art. 12

« Les personnes privées de liberté sont protégées contre tout type de


menaces et d’actes de torture, d’exécution, de disparition forcée, de
peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, de violence
sexuelle, de châtiments corporels, de châtiments collectifs, d’interven-

Traitement
tion forcée ou de traitement coercitif, de méthodes ayant pour finalité
d’anéantir la personnalité ou de réduire les capacités physiques ou men-
tales de la personne. »
PBPA, Principe I

ÖÖVoir aussi
• PIDCP, Art. 4, 10
• UNCAT, Art. 1, 4, 13
• BPP, Principe 6
• CCLEO, Art. 2, 5
• CEDH, Art. 3
• Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de
la torture, Art. 1, 2
• CADHP, Art. 4, 5
• Charte arabe des droits de l’homme, Art. 8
• CEEP, §36
• Code de conduite des agents de police (SARPCCO), Art. 4
• Principes relatifs aux moyens d'enquêter efficacement sur la
torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants pour établir la réalité des faits, Art. 1, 2
• Résolution de l’AG/ONU, A/RES/64/153, §6.

113
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Personnes handicapées

1 « Les États Parties prennent toutes mesures législatives, administratives,


judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher, sur la base de
l’égalité avec les autres, que des personnes handicapées ne soient sou-
mises à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants. »
CDPH, Art. 15(2)

Mineur.e.s
Traitement

« Nul enfant ne doit être soumis à la torture ni à des peines ou traitements


cruels, inhumains ou dégradants. Ni la peine capitale ni l'emprisonne-
ment à vie sans possibilité de libération ne doivent être prononcés pour
les infractions commises par des personnes âgées de moins de dix-huit
ans ».
CDE, Art. 37

ÖÖVoir aussi
• RPJDL, Annexe, §87(a)

Commentaire
L’UNCAT définit la torture comme tout acte par lequel une douleur ou des
souffrances aiguës, physiques ou mentales sont intentionnellement infli-
gées à une personne ; cette douleur ou souffrance doivent être infligées à
des fins spécifiques, telles que le fait d’obtenir de la victime ou d’une tierce
personne des renseignements ou des aveux, de la punir, de l’intimider ou de
faire pression sur elle ou sur une tierce personne, ou pour tout autre motif
fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit. De plus, cet acte
doit être infligé par un·e agent·e de la fonction publique ou toute autre per-
sonne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement
exprès ou tacite.
La torture peut prendre des formes très différentes, y compris des décharges
électriques, des coups, des coups sur la plante des pieds, la suspension dans
des positions douloureuses, le viol, la suffocation, des brûlures de cigarette,
l’intimidation, le simulacre d’exécution, ou la privation de nourriture, de
sommeil ou de communication.
Les premières phases de la détention, et particulièrement au moment de
l’arrestation, de l’interrogatoire et de l’enquête, sont celles où les risques de

114
Chapitre III - Normes internationales

torture et autres mauvais traitements sont les plus élevés. C’est particulière-
ment le cas dans les pays où la torture est utilisée afin d’obtenir des aveux.
Pour les visiteurs, la torture constitue l’un des domaines les plus difficiles à 1
traiter et cela requiert une méthodologie, une préparation et une formation
particulières. La conduite d’entretiens avec des personnes qui ont été sou-
mises à la torture constitue une tâche extrêmement difficile ; les équipes de
monitoring qui visitent les postes de police peuvent être amenées à ren-
contrer les personnes qui ont été soumises très récemment à de tels actes.

Traitement des allégations de torture

Traitement
Lors d’entretiens individuels, les visiteurs peuvent être amenés à prendre
connaissance d’allégations relatives au traitement subi par les détenu·e·s
durant leur arrestation ou leur transfert dans un véhicule de la police, ou
infligé dans des postes de police (par exemple pendant des interrogatoires).
Cependant, certain·e·s détenu·e·s peuvent se montrer réticent·e·s à l’idée de
faire part immédiatement de ces allégations, soit en raison du traumatisme
subi ou par crainte de sanctions ou de représailles. Par contre, une fois que
la personne détenue en question a été libérée ou transférée dans un autre
lieu, les visiteurs se trouveront dans des circonstances plus favorables pour
recevoir des allégations relatives à des actes de torture ou autres mauvais
traitements survenus durant la détention par la police.
Les personnes qui ont été soumises à la torture ou autres mauvais traite-
ments éprouvent souvent beaucoup de difficultés à parler de ces expé-
riences extrêmement traumatisantes. Lorsqu’ils recueillent des informa-
tions relatives à ces expériences, les visiteurs sont appelés à faire preuve
d’une grande sensibilité. Ces personnes devraient recevoir une formation
spéciale afin de
• savoir quel comportement adopter face aux allégations ;
• savoir intuitivement jusqu’où peuvent aller leurs questions ;
• déceler à quel moment l’intervention d’un spécialiste est nécessaire.
Il est souvent difficile de trouver le juste équilibre entre l’obtention d’in-
formations et la nécessité d’éviter le risque de traumatiser à nouveau les
personnes durant les entretiens.
Il est important que le personnel médical faisant partie de l’équipe de visite
documente aussi vite que possible les allégations de torture ou autres mau-
vais traitements. Cela doit être fait par le biais d’un examen médical prenant
en compte les éléments de preuve aussi bien physiques que psychologiques.

115
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Cependant, il n’appartient généralement pas aux membres de l’équipe de


décider si le traitement qu’aurait subi un·e détenu·e constitue un acte de
1 torture.
Pour assurer la protection des victimes, il est essentiel que les visiteurs
demandent si et comment ils peuvent utiliser ces allégations ou les autres
informations fournies. Si l’organe de monitoring a le mandat de donner
suite aux plaintes, les allégations de mauvais traitements seront transmises
aux autorités administratives ou pénales ayant la responsabilité d’enquêter
sur ces affirmations (sauf en cas de doutes sérieux quant à leur véracité).
En cas de démarches initiées à titre individuel, il faut veiller soigneusement
Traitement

à ce que les détenu·e·s et ancien·ne·s détenu·e·s ne fassent pas l’objet de


sanctions ou de représailles. Les visiteurs mettront en place des procédures
relatives à la transmission des allégations ne mettant en danger ni les vic-
times ni les auteurs présumés de crimes.
Les organes de monitoring préventif doivent généralement transmettre
ces cas à d’autres structures (telles que le bureau du médiateur) qui ont un
mandat spécifique de traiter d’allégations individuelles.

Prohibition de l’utilisation des déclarations obtenues sous la torture4


Les déclarations faites suite à des actes de torture ne doivent pas être décla-
rées recevables ou être invoquées comme un élément de preuve dans une
procédure judiciaire, à l’exception de celles qui sont lancées à l’encontre
de personnes accusées de torture. Cette prohibition inclut les déclarations
faites par des accusés ou d’autres témoins.
La présence d’un·e avocat·e dès les premières phases de la détention et
particulièrement au cours des interrogatoires, constitue une garantie essen-
tielle contre les aveux extorqués sous la contrainte. En 2003, le Rapporteur
spécial des Nations unies sur la torture a recommandé que les aveux faits en
l’absence d’un·e avocat·e ou d’un·e juge « ne devraient avoir force probante
devant la cour qu’en tant qu’élément de preuve à l’encontre des personnes
accusées de les avoir obtenus par des moyens illégaux ».5

4 Voir notamment l’article 15 de l’UNCAT, l’article 14(3g) du PIDCP, et le §41 de l’Observation


générale N°32 du Comité des droits de l’homme de l’ONU, Doc. ONU CCPR/C/GC/32, 23
août 2007. Disponible à l’adresse suivante : www2.ohchr.org/english/bodies/hrc/docs/
gcart14_fr.doc
5 Recommandations générales du RST, Doc. ONU E/CN.4/2003/68, 17 décembre 2002,
§26(e). Disponible à l’adresse suivante : http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/
TestFrame/0e9c21b3f8c77b60c1256cbb0037197c?Opendocument

116
Chapitre III - Normes internationales

Violences entre détenu·e·s


Les visiteurs tiendront compte du fait que la police a une obligation de
prise en charge des détenu·e·s et elle est tenue de protéger toute personne 1
détenue contre les agissements de ses codétenu·e·s. Elle ne doit pas ignorer
les actes de violence (par exemple les coups et la violence sexuelle) subis
par des personnes de la part de leurs codétenu·e·s. Il arrive souvent que les
victimes ne signalent pas les actes de violence commis par des codétenu·e·s
par crainte de représailles. Les membres de groupes de minorités ethniques,
raciales et autres sont souvent particulièrement exposés à ce type de vio-
lences. Dans certains pays et dans certains lieux de détention, le personnel

Traitement
peut tolérer des actes de violence entre détenu·e·s, en considérant que les
problèmes entre détenu·e·s sont leurs « affaires » et qu’ils ou elles doivent les
résoudre comme ils ou elles peuvent. Cependant, les visiteurs garderont à
l’esprit que le consentement tacite de la police face à ces actes peut s’assimi-
ler à de la torture ou autres mauvais traitements. Dans les petites structures
de police, les agent·e·s peuvent également avancer l’argument selon lequel
il est impossible d’éviter les violences entre détenu·e·s, du fait du nombre
limité de cellules. Cela ne constitue aucunement une excuse valable car
cela enfreint l’obligation de prise en charge des détenu·e·s qui incombe à la
police. De même, les arguments d’ordre financier et logistique ne peuvent
justifier aucun type de violence à l’encontre de personnes privées de liberté.

Points de repère
En cas d’allégations de torture ou autres mauvais traitements, les
visiteurs devraient généralement recueillir les types d'informations
suivants :
• L’identité complète de l’auteur de l’allégation et l'identité de la
victime (s’il s’agit de personnes différentes).
• Des informations détaillées sur l’autorité en charge de la
détention.
• La date, l’heure et le lieu où ont été commis les mauvais
traitements.
• Les coordonnées de l'autorité (ou des autorités) responsable(s)
des mauvais traitements.
• Les circonstances des mauvais traitements.
• Les coordonnées de tout témoin des mauvais traitements.

117
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

• Une description détaillée des mauvais traitements (y compris

1 les actes allégués, la façon dont ils ont été perpétrés, la durée
des mauvais traitements, à quelle fréquence et par qui ils ont été
infligés) ainsi que le (ou les) effet(s) physiques et psychologiques
observés sur la victime.
Si l'équipe de visite comprend du personnel médical, celui-ci devrait
également s’efforcer de documenter :
• Les éléments de preuve physiques.
• Les éléments de preuve psychologiques.
Traitement

• Tout besoin de traitement médical.


• Si des actions de suivi ont été ou sont mises en œuvre, qui a été
informé des allégations et qu’en est-il résulté ?
• Les détenu•e•s peuvent-ils ou elles déposer des plaintes
administratives, disciplinaires et/ou pénales ?
• Lorsqu’une plainte a été déposée, quelles ont été ses suites ?
Quelles ont été les conséquences pour le(s) auteur(s) de ces actes
et pour la (ou les) victime(s) ?
• La personne qui a fait l'allégation a-t-elle donné son autorisation
pour que la plainte soit transmise ? A-t-elle émis des réserves
quant à sa transmission ?
• Le fait allégué a-t-il fait l’objet d’une réaction officielle ?
• Cette allégation est-elle un cas isolé ou les visiteurs peuvent-ils
identifier un type récurrent de mauvais traitements ?
• Si des pratiques récurrentes sont identifiées, concernent-elles
des phases de risque spécifiques (tels que l’arrestation, les
transferts ou les interrogatoires), ou une unité de police ou un
poste de police spécifiques ?

118
Chapitre III - Normes internationales

1.2. Détention au secret6


Normes pertinentes 1
« 1. Nul ne sera détenu en secret.
2. Sans préjudice des autres obligations internationales de l'État partie en
matière de privation de liberté, tout État partie, dans sa législation :
a) Détermine les conditions dans lesquelles les ordres de privation de
liberté peuvent être donnés ;
b) Désigne les autorités habilitées à ordonner des privations de liberté ;

Traitement
c) Garantit que toute personne privée de liberté sera placée uniquement
dans des lieux de privation de liberté officiellement reconnus et contrô-
lés »
CIPPDF, Art. 17(1-2)

[Les États devraient] « [i]nterdire l’usage de lieux de détention non


autorisés et veiller à ce que l’enfermement d’une personne dans un lieu
de détention secret ou non officiel par un agent public soit considéré
comme un délit »
RIG, Partie II, §23

« Toute personne détenue ou emprisonnée a le droit [de] disposer de


possibilités adéquates de communiquer avec le monde extérieur, sous
réserve des conditions et restrictions raisonnables que peuvent spécifier
la loi ou les règlements pris conformément à la loi. »
BPP, Principe 19

« Le manque coactif de communication de personnes privées de liberté


et la privation secrète de liberté sont en toutes circonstances interdites
par la loi, parce qu’elles constituent des formes de traitement cruel et
inhumain. Les personnes privées de liberté sont seulement détenues
dans des lieux de privation de liberté officiellement reconnus. »
PBPA, Principe III(1)

6 Par souci de simplicité, cette section se réfère uniquement à la détention au secret.


Cependant, les visiteurs seront conscients du fait que les « lieux non officiels de
détention », la « détention au secret » et la « détention secrète » représentent des concepts
différents, quoique étroitement liés. Dans le présent manuel, la « détention au secret »
inclut les cas dans lesquels « le détenu ne peut communiquer avec quiconque d’autre
que les personnes qui le détiennent et éventuellement ses codétenus ». Dans certains

119
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

ÖÖVoir aussi

1 •

CIPPDF, Art. 18, 19, 2, 22
Déclaration des Nations unies sur la protection de toutes les
personnes contre les disparitions forcées, Art. 10(1)
• Résolution de l’AG/ONU, Doc. ONU A/RES/66/150, §22
• Comité des droits de l’homme - Observation générale N°20 sur
l’Art. 7 du PIDCP, §11
• Comité des droits de l’homme - Observation générale N°29 sur
l’Art. 4 du PIDCP, §13(b)
Traitement

• Rapport du RST, Doc. ONU A/59/324, §22


• Rapport du Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et
des avocats, Doc. ONU A/63/271, §24-25
• Convention interaméricaine sur les disparitions forcées, Art. XI(1)
• Étude conjointe sur les pratiques mondiales concernant le recours
à la détention secrète dans le cadre de la lutte contre le terrorisme,
Doc. ONU A/HRC/13/42, passim
ÖÖVoir aussi les normes relatives à l’isolement cellulaire
• BR, Règle 22 (Femmes)
• RPJDL, Annexe (Mineur.e.s), §67
• Comité des droits de l’homme - Observation générale N°20 sur
l’Art. 7 du PIDCP, §6
• Rapport du RST, Doc. ONU A/66/268, III(A), III(C), IV(86)
• 21e Rapport général du CPT, CoE Doc. CPT/Inf (2011) 28, pp.37-50
• PBPA, Principe XXII

cas, la « détention au secret » inclut des situations dans lesquelles la personne détenue
a « certains contacts directs avec des autorités judiciaires réellement indépendantes ».
Voir, Incommunicado, Unacknowledged and Secret Detention Under International Law, APT,
Genève, mars 2006, pp.1-2. Disponible à l’adresse suivante : http://www.apt.ch/index.
php?option=com_docman&task=doc_download&gid=280&Itemid=260&lang=en. La
« détention au secret » désigne une détention qui est à la fois au secret et non reconnue.
Des détentions peuvent être définies comme « au secret » y compris dans des lieux
qui ne sont pas des lieux de détention secrets ou non officiels. Voir Étude conjointe sur
les pratiques mondiales concernant le recours à la détention secrète dans le cadre de la
lutte contre le terrorisme, Doc. ONU A/HRC/13/42, 19 février 2010, §8-10. Disponible à
l’adresse suivante : http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/14session/A.
HRC.13.42_fr.pdf

120
Chapitre III - Normes internationales

Commentaire
Si, de manière générale, les postes de police constituent des lieux de déten-
tion officiellement reconnus, il se peut que les visiteurs aient connaissance 1
de lieux secrets ou officieux au sein d’un poste de police où des personnes
sont également détenues (par exemple dans une cave ou dans une pièce
secrète). Il est interdit de détenir des personnes dans des lieux non offi-
ciels et cela ne peut se justifier en aucune circonstance, y compris dans
un contexte de conflit armé ou d’état d’urgence.7 En pratique, cependant,
dans les situations de conflits armés, des personnes peuvent être privées de
liberté tout d’abord durant les combats, puis dans des locaux de détention

Traitement
temporaires, situés dans des zones de combats et, par la suite seulement,
dans des lieux de détention officiels.
Les visiteurs peuvent également être amenés à rencontrer des personnes qui,
bien que détenues dans une partie officielle du poste, sont maintenues au
secret. La détention au secret accroît le risque de torture et d’autres violations
graves des droits humains. Elle peut en effet constituer en elle-même une
torture ou un traitement cruel, inhumain et dégradant, non seulement pour
la personne détenue mais également pour la famille ou les amis de celle-ci.8
La détention au secret peut être autorisée dans des circonstances extrême-
ment limitées et spécifiques. Une telle détention doit, au minimum, être :
• spécifiquement autorisée par la législation nationale ;
• d’une très courte durée ;
• manifestement nécessaire et proportionnée à des fins spécifiques et
limitées ; et
• supervisée par un·e juge.
Les personnes détenues au secret doivent pouvoir avoir accès à un·e avo-
cat·e et à un traitement médical indépendant.9 Étant donné le caractère très

7 Étude conjointe sur les pratiques mondiales concernant le recours à la détention secrète dans
le cadre de la lutte contre le terrorisme, op. cit. Voir aussi article 17 (1-2) de la Convention
internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées,
adoptée le 20 décembre 2006, entrée en vigueur le 23 décembre 2010. Disponible à
l’adresse suivante : http://www2.ohchr.org/french/law/disappearance-convention.htm
8 Étude conjointe sur les pratiques mondiales concernant le recours à la détention secrète dans
le cadre de la lutte contre le terrorisme, op. cit., §34-35. Voir aussi Observation générale N°20
du Comité des droits de l’homme sur l’article 7 du PIDCP, 10 mars 1992, §11. Disponible à
l’adresse suivante : http://ccprcentre.org/doc/PIDCP/General%20Comments/HRI.GEN.1.
Rev.9%28Vol.I%29_%28GC20%29_fr.pdf
9 Incommunicado, Unacknowledged and Secret Detention Under International Law, APT, op. cit.

121
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

restrictif des conditions dans lesquelles la détention au secret est autorisée,


il peut être utile que les membres de l’équipe consultent un·e expert·e juri-
1 dique s’ils rencontrent des personnes qu’ils soupçonnent être détenues au
secret ou dont la détention n’est pas reconnue.
11 La question de l’isolement cellulaire peut ne pas avoir la
même pertinence pour les postes de police que pour les prisons
ou d’autres lieux de détention de longue durée. Dans la plupart
des pays, les personnes détenues par la police sont libérées ou
transférées vers d’autres lieux de détention officiels dans un laps
de temps de quelques jours, conformément à la législation natio-
Traitement

nale en vigueur. Toutefois, dans certains contextes, les personnes


sont détenues par la police pendant une période bien plus longue
que celle prévue par la loi. De surcroît, dans certains pays et ce,
en raison de la surpopulation des lieux de détention officiels, les
postes de police font office de prisons. Dans ces circonstances, les
normes en vigueur concernant l’isolement cellulaire s’appliquent
pleinement aux cas de détention par la police.

Points de repère
• La personne a-t-elle été détenue au secret ? Si c’est le cas,
pendant combien de temps et pour quels motifs ?
• La personne a-t-elle été traduite sans délai devant un·e juge ?
• La personne a-t-elle été en mesure de s’entretenir en privé avec
un·e avocat·e ?
• La personne a-t-elle été en mesure de communiquer avec le
monde extérieur ?
• La personne est-elle autorisée à recevoir des visites de sa famille ?
• Si la personne détenue est un ressortissant étranger, a-t-elle eu
la possibilité de communiquer avec des représentants de son
gouvernement ?

122
Chapitre III - Normes internationales

1.3. Usage de la force et des armes à feu


Normes pertinentes 1
« Les responsables de l'application des lois peuvent recourir à la force
seulement lorsque cela est strictement nécessaire et dans la mesure
exigée par l'accomplissement de leurs fonctions.
Commentaire :
a) Cette disposition souligne que les responsables de l'application des lois ne
doivent qu'exceptionnellement avoir recours à la force ; quoique cette disposi-
tion implique que les responsables de l'application des lois peuvent être autori-

Traitement
sés à recourir à la force, dans la mesure où cela est raisonnablement considéré
comme nécessaire vu les circonstances, pour empêcher un crime, ou pour arrê-
ter ou aider à arrêter légalement des délinquants ou des suspects, il ne peut être
recouru à la force au-delà de cette limite.
b) Le droit national restreint généralement le recours à la force par les respon-
sables de l'application de la loi, conformément à un principe de proportionnalité.
Il est entendu que l'interprétation de la présente disposition doit tenir compte
de ces principes nationaux de proportionnalité. La présente disposition ne doit
en aucun cas être interprétée comme autorisant un usage de la force hors de
proportion avec le but légitime poursuivi.
c) L'emploi d'armes à feu est considéré comme un moyen extrême. Tout devrait
être entrepris pour exclure l'emploi d'armes à feu, spécialement contre des
enfants. D'une manière générale, il ne faut pas avoir recours aux armes à feu,
si ce n'est lorsqu'un délinquant présumé oppose une résistance armée ou, de
toute autre manière, met en danger la vie d'autrui, et lorsque des moyens moins
radicaux ne suffisent pas pour maîtriser ou appréhender le délinquant présumé.
Chaque fois qu'une arme à feu a été utilisée, le cas doit être signalé prompte-
ment aux autorités compétentes. »
CCLEO, Art. 3

« Les responsables de l'application des lois, dans l'accomplissement de


leurs fonctions, auront recours autant que possible à des moyens non
violents avant de faire usage de la force ou d'armes à feu. Ils ne peuvent
faire usage de la force ou d'armes à feu que si les autres moyens restent
sans effet ou ne permettent pas d'escompter le résultat désiré. »
PBRF, §4

123
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

« Lorsque l'usage légitime de la force ou des armes à feu est inévitable,


les responsables de l'application des lois :
1 a) En useront avec modération et leur action sera proportionnelle à la
gravité de l'infraction et à l'objectif légitime à atteindre ;
b) S'efforceront de ne causer que le minimum de dommages et d'atteintes
à l'intégrité physique et de respecter et de préserver la vie humaine ;
c) Veilleront à ce qu'une assistance et des secours médicaux soient fournis
aussi rapidement que possible à toute personne blessée ou autrement
affectée ;
Traitement

d) Veilleront à ce que la famille ou des proches de la personne blessée ou


autrement affectée soient avertis le plus rapidement possible. »
PBRF, §5

« Une réglementation régissant l'usage des armes à feu par les respon-
sables de l'application des lois doit comprendre des directives aux fins
ci-après :
a) Spécifier les circonstances dans lesquelles les responsables de l'ap-
plication des lois sont autorisés à porter des armes à feu et prescrire les
types d'armes à feu et de munitions autorisés ;
b) S'assurer que les armes à feu ne sont utilisées que dans des circons-
tances appropriées et de manière à minimiser le risque de dommages
inutiles ;
c) Interdire l'utilisation des armes à feu et des munitions qui provoquent
des blessures inutiles ou présentent un risque injustifié ;
d) Réglementer le contrôle, l'entreposage et la délivrance d'armes à feu
et prévoir notamment des procédures conformément auxquelles les res-
ponsables de l'application des lois doivent rendre compte de toutes les
armes et munitions qui leur sont délivrées ;
e) Prévoir que des sommations doivent être faites, le cas échéant, en cas
d'utilisation d'armes à feu ;
f) Prévoir un système de rapports en cas d'utilisation d'armes à feu par des
responsables de l'application des lois dans l'exercice de leurs fonctions. »
PBRF, §11

124
Chapitre III - Normes internationales

« Les responsables de l'application des lois ne doivent pas, dans leurs


relations avec des prévenus ou condamnés incarcérés, avoir recours à la
force sauf lorsque cela est indispensable au maintien de la sécurité et de 1
l'ordre dans les établissements pénitentiaires, ou lorsque la sécurité des
personnes est menacée. »
PBRF, §15

« Les responsables de l'application des lois ne doivent pas, dans leurs


relations avec les prévenus ou condamnés incarcérés, avoir recours aux
armes à feu, sauf en cas de légitime défense ou pour défendre des tiers
contre une menace immédiate de mort ou de blessure grave, ou lorsque

Traitement
ce recours est indispensable pour prévenir l'évasion d'un prévenu ou
condamné incarcéré présentant le risque visé au principe 9. »
PBRF, §16

Armes à impulsions électriques (AIE)


« La mise au point et l'utilisation d'armes non meurtrières neutralisantes
devraient faire l'objet d'une évaluation attentive afin de réduire au mini-
mum les risques à l'égard des tiers et l'utilisation de telles armes devrait
être soumise à un contrôle strict. »
CCRAL, Art. 3

« Le CPT considère que l’utilisation d’armes à impulsions électriques


devrait être soumise aux principes de nécessité, de subsidiarité, de pro-
portionnalité, d’avertissement préalable (lorsque cela s’avère possible) et
de précaution. Ces principes impliquent, entre autres, que les fonction-
naires qui se voient délivrer de telles armes doivent recevoir une forma-
tion adéquate à leur utilisation. S’agissant plus spécifiquement des AIE
capables de lancer des projectiles, les critères régissant leur utilisation
devraient s’inspirer directement de ceux applicables aux armes à feu. »
Normes CPT, p.101, §69

ÖÖVoir aussi
• ERM, §54
• PBRF, §1
• Rapport du RST, Doc. ONU E/CN.4/2006/6, §38
• Rapport du RST, Doc. ONU E/CN.4/2004/56, §44
• CEEP, §37
• PBPA, Principe XXIII
• SARPCCO, Code of Conduct for Police Officials, Art. 3
125
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Commentaire
L’usage de la force et des armes à feu constitue l’un des pouvoirs coerci-
1 tifs de la police. Dans la mesure où cet usage de la force ou d’armes à feu
entraîne des risques d’abus, de telles mesures ne peuvent être appliquées
légitimement que lorsque les principes de légalité, de nécessité et de pro-
portionnalité sont strictement respectés.
Chaque fois que la force est utilisée, que ce soit au moment de l’arresta-
tion ou durant la détention par la police, les équipes de monitoring sont
confrontées à la difficulté d’évaluer si cet usage a été excessif.
Traitement

L’équipe de visiteurs devra adopter une perspective globale en examinant


si l’usage de la force et d’armes à feu constitue une réponse exceptionnelle
ou habituelle dans des situations données. Durant les entretiens individuels,
les visiteurs chercheront à évaluer (le cas échéant) l’ampleur de l’usage de
la force et des armes à feu durant les manifestations ou rassemblements
publics.10
Les visiteurs examineront si les instructions et les restrictions relatives à
l’usage de la force et des armes à feu sont incluses dans les réglementations
régissant la police. Ils chercheront également à savoir quelle formation les
personnels de police reçoivent en matière de techniques de contrôle et de
contrainte leur permettant de maintenir l’ordre tout en évitant de se blesser
et d’infliger des blessures aux détenu·e·s et ce, sans recourir à l’usage de la
force et des armes à feu.
Tout incident impliquant l’usage de la force ou d’armes à feu doit être consi-
gné par écrit dans un registre et faire l’objet d’une enquête.

Points de repère
• Existe-t-il des règlements spécifiant à quel moment, dans quelles
circonstances et à quels membres de la police des armes à feu
peuvent être délivrées ?
• Existe-t-il des règlements définissant les types d’armes à feu et
de munitions autorisés /interdits ?
• Comment le contrôle du stockage et de la délivrance d’armes à
feu et de munitions est-il régulé et géré en pratique ?

10 Rapport du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires,


Doc. ONU A/HRC/17/28, 23 mai 2011, pp.11-12. Disponible à l’adresse suivante : http://
ap.ohchr.org/documents/dpage_f.aspx?m=96

126
Chapitre III - Normes internationales

• À quelle fréquence surviennent des incidents impliquant l’usage


de la force, selon
‚‚ les détenu·e·s ;
1
‚‚ les registres ;
‚‚ le personnel ;
‚‚ d’autres sources ?
• De quelle manière l’usage des armes à feu est-il signalé ?
• Existe-t-il des procédures pour s’assurer que la police rende des

Traitement
comptes en cas d’usage de la force et d’armes à feu ?
• Existe-t-il des éléments de preuve d’un usage excessif de la
force à l’encontre d’un groupe de personnes en situation de
vulnérabilité ?
• En cas d’utilisation d’armes à impulsions électriques, quelles
garanties sont mises en place ? Le personnel est-il doté d’une
formation spécifique à l’usage de ces armes ?

1.4. Moyens de contrainte


Normes pertinentes
« Les instruments de contrainte tels que menottes, chaînes, fers et cami-
soles de force ne doivent jamais être appliqués en tant que sanctions.
Les chaînes et les fers ne doivent pas non plus être utilisés en tant que
moyens de contrainte. Les autres instruments de contrainte ne peuvent
être utilisés que dans les cas suivants :
a) Par mesure de précaution contre une évasion pendant un transfère-
ment, pourvu qu'ils soient enlevés dès que le détenu comparaît devant
une autorité judiciaire ou administrative ;
b) Pour des raisons médicales sur indication du médecin ;
c) Sur ordre du directeur, si les autres moyens de maîtriser un détenu ont
échoué, afin de l'empêcher de porter préjudice à lui-même ou à autrui ou
de causer des dégâts ; dans ce cas le directeur doit consulter d'urgence le
médecin et faire rapport à l'autorité administrative supérieure. »
ERM, §33

127
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

« Le modèle et le mode d'emploi des instruments de contrainte doivent


être déterminés par l'administration pénitentiaire centrale. Leur applica-
1 tion ne doit pas être prolongée au-delà du temps strictement nécessaire. »
ERM, §34

« [L]’utilisation de techniques ou d’instruments de contrainte destinés


à maîtriser un détenu peut constituer un acte de torture ou une autre
forme de mauvais traitement lorsqu’elle se produit dans des conditions
dégradantes ou douloureuses. […] [L’]utilisation de techniques ou d’ins-
truments de contrainte ne doit jamais constituer une sanction. »
Traitement

Rapport du RST, Doc. ONU E/CN.4/ 2004/56, §45

ÖÖVoir aussi
• BR, Règle 24
• RPJDL, Annexe, §63-65

Commentaire
L’usage de moyens de contrainte, de même que l’utilisation de la force, fait
partie des pouvoirs coercitifs auxquels la police est habilitée à avoir recours
dans l’exercice de ses fonctions. La police dispose d’une certaine marge
d’appréciation discrétionnaire dans l’usage de moyens de contrainte lors
de la période initiale de privation de liberté. Cette latitude est due au vide
actuel dans les normes internationales en matière d’usage des moyens de
contrainte par la police en particulier. Toutefois, lorsqu’un·e détenu·e arrive
dans une installation sécurisée, l’usage des moyens de contrainte doit cesser
si la personne est non violente et ne représente aucun risque pour les autres
ou pour elle-même.
Il est absolument interdit d’utiliser des moyens de contrainte tels que des
chaînes et des fers. Les moyens de contrainte autorisés doivent être utilisés
uniquement à titre exceptionnel. Ils ne doivent jamais être utilisés comme
châtiment.
Dans les cellules individuelles, le recours à des moyens de contrainte n’est
en aucun cas justifié. Si une personne est considérée comme représentant
un risque pour elle-même, elle doit faire l’objet d’une prise en charge médi-
cale et, le cas échéant, être transférée vers une installation plus appropriée.
Dans les cellules multiples, si une personne représente un risque, elle doit
être déplacée dans une cellule individuelle où les moyens de contrainte ne
sont pas nécessaires.
128
Chapitre III - Normes internationales

Immédiatement après l’arrestation et/ou durant le transfert dans les véhi-


cules de police, la police peut utiliser des moyens de contrainte d’une
manière qui peut blesser délibérément les détenu·e·s (par exemple en ser-
rant volontairement trop fort les menottes aux poignets). Bien que cela soit
1
difficile à vérifier, il s’agit ici clairement d’un exemple de zone grise qui devra
être examinée par les visiteurs.
Le rôle des médecins dans l’utilisation de moyens coercitifs constitue une
question particulièrement sensible. L’Ensemble des règles minima pour le
traitement des détenus et d’autres règles précisent que les médecins peuvent
donner leur avis médical sur certaines mesures. Ainsi que le précise explici-

Traitement
tement le CPT, en cas d’usage de moyens de contrainte à leur encontre, les
détenu·e·s ont le droit d’être examiné·e·s immédiatement par un médecin.
Cette règle ne doit en aucun cas être interprétée comme équivalant à exiger
d’un médecin qu’il atteste qu’un·e détenu·e « est apte à subir une punition ».11
Pour une question de principe, le fait de mener des entretiens alors que des
détenu·e·s sont l’objet de moyens de contrainte est incompatible avec le
mandat d’une équipe de visite qui vise à faire en sorte que le respect de la
dignité humaine soit assuré dans les lieux de détention.

Points de repère
• Dans quelles situations, les moyens de contrainte sont-ils
autorisés ?
• Des moyens de contrainte ont-ils été utilisés durant l’arrestation ?
Si c’est le cas, leur usage était-il autorisé et a-t-il été consigné ?
• Pendant combien de temps les moyens de contrainte sont-ils
imposés ?
• Y a-t-il des éléments de preuve attestant que l’usage des moyens
de contrainte est disproportionné dans le cas de groupes
particuliers de personnes ?
• Dans quelles circonstances les menottes sont-elles utilisées ?
Existe-t-il des indices selon lesquels les menottes ont été
délibérément utilisées de manière à causer des blessures ou des
douleurs à la personne détenue ?

11 Les normes du CPT, CoE Doc. CPT/Inf/E (2002) 1, 2002 (révisé en 2011), p.51, op. cit, §73.

129
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

• Les moyens de contrainte ont-ils été retirés dès que la personne

1 a été placée dans un lieu de détention (tel qu’une cellule de


poste de police) ?
• Les moyens de contrainte sont-ils utilisés comme forme de
châtiment ?
12

1.5. Arrestation12
Traitement

Normes pertinentes
« Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne
peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire. Nul ne
peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs, et conformément
à la procédure prévus par la loi. »
PIDCP, Art. 9(1)

« 2. Sans préjudice des autres obligations internationales de l'État partie


en matière de privation de liberté, tout État partie, dans sa législation :
a) Détermine les conditions dans lesquelles les ordres de privation de
liberté peuvent être donnés ;
b) Désigne les autorités habilitées à ordonner des privations de liberté »
CIPPDF, Art. 17(2)

« Toute personne a droit à la liberté personnelle et à une protection


contre tout type de privation illégale ou arbitraire de liberté. »
PBPA, Principe III

« 1. Tout État établit dans sa législation nationale des règles qui per-
mettent de désigner les agents du gouvernement habilités à ordonner
des privations de liberté, fixent les conditions dans lesquelles de tels
ordres peuvent être donnés et prévoient les peines qu'encourent les
agents du gouvernement qui refusent sans justification légale de fournir
des informations sur une privation de liberté.

12 Dans ce manuel, le terme « arrestation » se réfère au moment et au processus conduisant


à la privation de liberté d’une personne, que cela soit pour des motifs pénaux ou
administratifs.

130
Chapitre III - Normes internationales

2. Tout État veille de même à ce qu'un contrôle strict, s'effectuant selon


une hiérarchie bien déterminée, s'exerce sur tous ceux qui procèdent
à des appréhensions, arrestations, détentions, gardes à vue, transferts 1
et emprisonnements, ainsi que sur les autres agents du gouvernement
habilités par la loi à avoir recours à la force et à utiliser des armes à feu. »
Déclaration des Nations unies sur la protection de toutes les personnes
contre les disparitions forcées, Art. 12

ÖÖVoir aussi
• BBP, Principe 2

Traitement
• ECHR, Art. 5
• CADH, Art. 7
• Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Art. 6
• Charte arabe des droits de l’homme, Art.14
• Déclaration du Caire sur les droits de l'homme en Islam, Art. 20
• PBPA, Principes III, IV, IX
Mineur.e.s
« Nul enfant ne (sera) privé de liberté de façon illégale ou arbitraire.
L'arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant doit être en
conformité avec la loi, n'être qu'une mesure de dernier ressort, et être
d'une durée aussi brève que possible ».
CDE, Art. 37(b)

Commentaire
Tous les cas de privation de liberté doivent respecter le principe de légalité
et ne pas être arbitraires. La police ne doit procéder à des arrestations que
pour des motifs qui sont spécifiés dans la loi nationale. De plus, elle doit
respecter toutes les procédures relatives aux arrestations qui sont prévues
par la loi. Dans la plupart des systèmes juridiques, cela signifie que la police
ne peut arrêter des personnes qu’avec un mandat d’arrêt, au moment de la
perpétration du crime ou immédiatement après. De surcroît, les personnes
ne doivent pas être la cible d’une arrestation, d’un contrôle routier ou de
fouille pour des raisons discriminatoires telles que le profilage racial ou
ethnique.13 Les équipes de monitoring examineront les lois, règlements et

13 Le profilage ethnique discriminatoire est défini comme « le traitement moins favorable


d’une personne par rapport à d’autres se trouvant dans une situation similaire (en d’autres

131
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

procédures relatives aux arrestations et à la privation de liberté. Ils pourront


ensuite évaluer si, durant une période donnée, ces textes ont été dûment
1 respectés pour toutes les personnes placées en détention ; l’équipe déter-
minera, au moment de la préparation de la visite, la période sur laquelle
portera cette vérification.
Il est peu probable que les visiteurs soient présents au moment de l’arres-
tation d’une personne mais ils garderont à l’esprit que le risque d’abus est
particulièrement élevé à ce moment-là. Il existe, en particulier, un risque
d’utilisation excessive de la force (voir Chapitre III, Section 1.3 ci-dessus) ou
que des moyens de contrainte soient utilisés de manière prohibée (voir Cha-
Traitement

pitre III, Section 1.4 ci-dessus). Les conditions et modalités des arrestations,
notamment le nombre d’agent·e·s participant à chaque opération (que ce
soit deux officiers de police ou une brigade entière), l’équipement utilisé
(matériel léger ou militaire), et le moment de l’arrestation (au milieu de la
nuit ou durant l’après-midi) sont des indicateurs utiles pour déterminer à la
fois les circonstances de l’arrestation et le comportement de la police durant
ces opérations. Les membres de l’équipe s’efforceront aussi de recueillir,
durant les entretiens individuels, des informations sur la manière dont les
arrestations se sont déroulées.

Points de repère
• Quelles sont les procédures régissant les arrestations ?
• Quelles autorités sont autorisées à ordonner ou procéder à des
arrestations ?
• Les procédures régulant les arrestations ont-elles été respectées
dans le cas des détenu·e·s rencontré·e·s durant la visite ?
• Y a-t-il eu un mandat d’arrêt ? (NB : Ce n’est pas toujours
nécessaire.)
• Les détenu·e·s ont-ils ou elles été informé·e·s des raisons de leur
arrestation ?

termes “discriminatoire”) par exemple, dans le cadre de l’exercice de compétences de


police telles que des contrôles et des fouilles ; une décision d’exercer des compétences de
police basées uniquement ou principalement sur la race, l’origine ethnique ou la religion
de la personne ». Pour des pratiques de politique plus efficaces : Guide pour comprendre
et prévenir le profilage ethnique discriminatoire, Agence des droits fondamentaux de
l’Union européenne, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg,
2010, p.15. Disponible à l’adresse suivante : http://fra.europa.eu/sites/default/files/
fra_uploads/1133-Guide-ethnic-profiling_FR.pdf

132
Chapitre III - Normes internationales

• Les détenu·e·s ont-ils ou elles été informé·e·s de leurs droits au


moment de leur arrestation ?
Y a-t-il eu usage de la force durant les arrestations ? Si tel est le
1
cas, l’usage de la force a-t-il été consigné ?
• Y a-t-il eu recours à des mesures de contrainte durant l’arrestation ?
Si tel est le cas, ces mesures ont-elles été consignées ?
• Y a-t-il des raisons de soupçonner l’existence d’un profilage racial
ou ethnique dans le cadre de ces arrestations ?
14

Traitement
1.6. Fouilles
Normes pertinentes
« Lorsqu’elles sont pratiquées conformément à la loi, les fouilles corpo-
relles […] doivent obéir aux critères de nécessité, de rationalité et de pro-
portionnalité. Les fouilles corporelles des personnes privées de liberté et
des visiteurs des lieux de détention sont réalisées dans des conditions
sanitaires adéquates, par du personnel qualifié du même sexe, et doivent
être compatibles avec la dignité humaine et le respect des droits fon-
damentaux. À cette fin, les États membres utilisent des moyens option-
nels qui prennent en compte les procédés et matériel technologiques
ou autres méthodes appropriées. Les fouilles intrusives vaginales et
anales sont interdites par la loi. Les inspections ou fouilles pratiquées à
l’intérieur des unités et installations des lieux privatifs de liberté, doivent
être réalisées par l’autorité compétente, conformément à une procédure
régulière et dans le respect des droits des personnes privées de liberté. »
PBPA, Principe XXI

« [L]es personnes privées de liberté ne devraient être fouillées que par du


personnel de même sexe et […] toute fouille impliquant qu'un détenu se
dévête, devrait être effectuée hors de la vue du personnel de surveillance
du sexe opposé ; ces principes s’appliquent a fortiori aux mineurs. »
Normes CPT, p. 71, §2614

14 Cette norme est similaire à celle s’appliquant aux femmes, p.77, §23.

133
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Femmes

1 « Des mesures concrètes doivent être effectivement prises pour préser-


ver la dignité et l’estime de soi des détenues pendant les fouilles corpo-
relles, qui ne doivent être réalisées que par du personnel féminin dûment
formé aux méthodes de fouille appropriées et conformément aux procé-
dures établies. »
BR, Règle 19

« D’autres méthodes de détection utilisant, par exemple, des scanners


doivent être conçues pour remplacer les fouilles à nu et les fouilles cor-
Traitement

porelles intégrales et éviter ainsi les effets psychologiques, et éventuelle-


ment physiques, préjudiciables de telles fouilles. »
BR, Règle 20

ÖÖVoir aussi
• PIDCP, Art. 17
• Comité de droits de l’homme, Observation générale N°16 sur
l’Art. 17 du PIDCP, §3-4, 8
• CEEP, §41

Commentaire
La décision de procéder à une fouille corporelle doit toujours respecter les
principes de nécessité, de caractère raisonnable et de proportionnalité.
En effet, ce type de fouilles entraîne des risques d’abus, soit parce que ces
fouilles sont inutiles, soit parce qu’elles ont été effectuées de manière inap-
propriée. Les membres de l’équipe demanderont aux personnes détenues
les raisons pour lesquelles ces fouilles ont été effectuées et la manière dont
elles se sont déroulées.
Les membres du personnel chargés d’effectuer des fouilles corporelles
doivent être formés pour procéder à de tels actes. Par ailleurs, toutes les
fouilles doivent respecter une procédure très rigoureuse. Les détenu·e·s ne
devraient jamais être obligé·e·s de se déshabiller entièrement ; les fouilles
corporelles doivent se dérouler en deux étapes. Tout d’abord, la police
doit demander à la personne détenue d’enlever ses vêtements au-dessus
de la ceinture. Puis, une fois qu’elle a remis ses vêtements, la police doit lui
demander d’enlever tous les vêtements au-dessous de la ceinture.
Chaque fois que cela est possible, il faut privilégier des alternatives aux

134
Chapitre III - Normes internationales

fouilles à nu : les autorités doivent être encouragées à envisager des options


telles que l’usage des appareils à rayons X.
Les visiteurs accorderont une attention particulière aux fouilles qui ciblent 1
des groupes pouvant faire l’objet de discrimination (par exemple les
femmes, les mineur·e·s, les minorités ethniques ou raciales, les personnes
vivant avec un handicap et les LGTBI15).

Points de repère
• Existe-t-il des procédures spécifiant la manière dont les fouilles

Traitement
corporelles doivent être effectuées ?
• Les personnels de police sont-ils formés à la conduite des fouilles
corporelles ?
• Les fouilles à nu sont-elles menées en deux étapes ?
• Existe-t-il d’autres méthodes de détection pour remplacer les
fouilles à nu ?
• Les femmes sont-elles fouillées exclusivement par un personnel
féminin ?
• Les fouilles sont-elles pratiquées hors de la vue du personnel de
surveillance de l’autre sexe ?
• Existe-t-il des indices selon lesquels certaines personnes ou
certains groupes particuliers sont confrontés à des formes de
discrimination ou d’abus en matière de fouilles corporelles ?

1.7. Interrogatoires
Normes pertinentes
« Tout État partie exerce une surveillance systématique sur les règles, ins-
tructions, méthodes et pratiques d'interrogatoire et sur les dispositions
concernant la garde et le traitement des personnes arrêtées, détenues
ou emprisonnées de quelque façon que ce soit sur tout territoire sous sa
juridiction, en vue d'éviter tout cas de torture. »
UNCAT, Art. 11

15 Personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes.

135
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

« 1. Il est interdit d'abuser de la situation d'une personne détenue ou


emprisonnée pour la contraindre à avouer, à s'incriminer de quelque
1 autre façon ou à témoigner contre toute autre personne.
2. Aucune personne détenue ne sera soumise, pendant son interroga-
toire, à des actes de violence, des menaces ou des méthodes d'interro-
gatoire de nature à compromettre sa capacité de décision ou son discer-
nement. »
BPP, Principe 21

« 1. La durée de tout interrogatoire auquel sera soumise une personne


Traitement

détenue ou emprisonnée et des intervalles entre les interrogatoires ainsi


que le nom des agents qui y auront procédé et de toute autre personne
y ayant assisté seront consignés et authentifiés dans les formes prescrites
par la loi.
2. La personne détenue ou emprisonnée ou son conseil, lorsque la loi
le prévoit, auront accès aux renseignements visés au paragraphe 1 du
présent principe. »
BPP, Principe 23

« À mesure que de nouvelles méthodes de prévention (par exemple,


l’enregistrement vidéo de tous les interrogatoires […]) sont découvertes,
mises en œuvre et jugées efficaces, l’article 2 permet de s’appuyer sur les
autres articles et d’élargir le champ des mesures requises pour prévenir
la torture. »
CAT, Observation générale N°2 sur l’article 2 UNCAT, §14

« L'accès à un avocat pour les personnes détenues par la police devrait


comprendre […] le droit pour la personne concernée de bénéficier de la
présence de l'avocat durant les interrogatoires. »
Normes CPT, p.6, §38

[Les États devraient] « [p]rendre des dispositions pour qu’un procès-ver-


bal intégral de tous les interrogatoires soit dressé, dans lequel doit figurer
l’identité de toutes les personnes présentes à l’interrogatoire, et examiner
la possibilité d’utiliser des enregistrements d’interrogatoires sur bande
audio ou vidéo ».
RIG, Partie II, §28

136
Chapitre III - Normes internationales

« [L]a date et le lieu des interrogatoires, ainsi que les noms de toutes les
personnes y assistant doivent être inscrits sur un registre et ces rensei-
gnements doivent également être disponibles aux fins de la procédure 1
judiciaire ou administrative »
Comité des droits de l’homme -
Observation générale N°20 sur l’Art. 7 du PIDCP, §11

ÖÖVoir aussi
• Rapport du RST, Doc. ONU E/CN.4/2003/68, §26(g)
• CEEP, §50

Traitement
Commentaire
Tout comme l’arrestation, l’interrogatoire est l’un des moments où le risque
de mauvais traitements ou d’abus à l’encontre des détenu·e·s est le plus
élevé. Dans les situations où la police dispose de faibles capacités en matière
d’enquêtes criminelles, le risque de recours à de mauvais traitements est
bien plus important. Des procédures claires relatives aux modalités des
interrogatoires représentent une garantie importante de protection.
En raison du risque d’abus, tous les interrogatoires doivent commencer par
l’identification de toutes les personnes présentes. Dans l’idéal, les interro-
gatoires doivent être enregistrés et de préférence vidéo-enregistrés (voir
Chapitre III, Section 2.7 ci-après). La consignation par écrit de l’interroga-
toire doit préciser l’identité de toutes les personnes présentes, l’heure et le
lieu de l’interrogatoire ainsi que la durée de l’interrogatoire et de ses éven-
tuelles interruptions. L’avocat·e de la personne détenue doit être autorisé·e
à assister à l’interrogatoire. La pratique qui consiste à bander les yeux des
personnes durant l’interrogatoire doit être expressément interdite.16
Conformément aux recommandations générales du CPT, les règles ou direc-
tives en matière d’interrogatoires doivent traiter des questions suivantes :
« l’information du détenu sur l’identité (nom et/ou matricule) des personnes
présentes lors de l’interrogatoire ; la durée autorisée d’un interrogatoire ; les
périodes de repos entre les interrogatoires ; les pauses pendant un inter-
rogatoire ; les lieux dans lesquels les interrogatoires peuvent se dérouler ;
s’il peut être exigé du détenu de rester debout pendant l’interrogatoire ;

16 Les normes du CPT, CoE Doc. CPT/Inf/E (2002) 1, 2002 (révisé en 2011), op. cit., p.6, §38.
Voir aussi Rapport du RST, Doc. ONU E/CN.4/2003/68, 17 décembre 2002, §26(g).
Disponible à l’adresse suivante : http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/
TestFrame/0e9c21b3f8c77b60c1256cbb0037197c?Opendocument

137
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

les interrogatoires de personnes qui sont sous l’influence de drogues, de


l’alcool, etc. »17
1 De plus, les membres de la police doivent recevoir une formation appropriée
sur la manière d’interroger les témoins et les personnes soupçonnées d’une
infraction pénale. L’objectif d’un interrogatoire ne doit en aucun cas être
d’obtenir des aveux : son but doit être d’obtenir des informations précises et
fiables afin de découvrir la vérité sur les questions couvertes par l’enquête.18
Bien que les visiteurs ne soient quasiment jamais présents durant un inter-
rogatoire (voir Chapitre II, Section 7.2.3), ils peuvent, au cours des entretiens
individuels, essayer de recueillir des informations sur la manière dont les
Traitement

interrogatoires sont menés et chercher à savoir si les personnes détenues


ont été forcées de faire des aveux : les membres de l’équipe peuvent obtenir
des informations cruciales après que les interrogatoires ont eu lieu, que ce
soit dans le poste de police, ou lors d’entretiens ultérieurs avec les détenu·e·s
qui ont été libéré·e·s ou transféré·e·s dans des centres de détention. Le cas
échéant, les visiteurs peuvent recommander une meilleure supervision des
interrogatoires.
Lorsqu’une personne détenue par la police souhaite faire état de violations
physiques ou mentales subies au cours d’un interrogatoire, les membres
de l’équipe n’oublieront pas de recueillir également des informations
« neutres » relatives à l’interrogatoire et qui peuvent être d’une grande uti-
lité pour confirmer (ou infirmer) ces allégations ; par exemple, les visiteurs
peuvent recueillir des informations utiles sur l’heure, la durée, et le lieu de
l’interrogatoire ainsi que les noms des personnes présentes.

Points de repère
• Existe-t-il des directives, des règlements ou des codes de
conduite pour les interrogatoires de police ?
• Existe-t-il un registre des interrogatoires ? Si tel est le cas, ce
registre consigne-t-il le nom de la (des) personne(s) menant
l’interrogatoire, ainsi que la durée de l’interrogatoire et des
interruptions éventuelles ?

17 Les normes du CPT, op. cit, p.7, §39.


18 Les normes du CPT, op. cit., p.10, §34.

138
Chapitre III - Normes internationales

• Tous les interrogatoires sont-ils consignés ou enregistrés par


vidéo ? Si tel est le cas, quelles sont les politiques concernant
la conservation et le stockage des enregistrements ? Qui est 1
responsable des enregistrements ?
• L’autorité de police responsable de l’enquête est-elle la même
que celle qui est responsable de la détention ?
• Quelles étaient les circonstances de l’interrogatoire ?
• Quelle est la durée de l’interrogatoire ?
• À quoi ressemble la pièce où a lieu l’interrogatoire (à savoir, est-

Traitement
elle plutôt intimidante ou neutre) ?
• Est-ce que l’avocat·e de la personne détenue (le cas échéant)
était présent·e durant l’interrogatoire ?
• La personne a-t-elle eu les yeux bandés ou était-elle cagoulée
durant l’interrogatoire ?
• La personne a-t-elle fait état d’allégations de violences physiques
durant l’interrogatoire ?
• La personne a-t-elle souffert ou souffre-t-elle encore
actuellement de violences psychologiques exercées durant
l’interrogatoire (telles que des menaces) ?

1.8. Transferts
Normes pertinentes
« 1) Lorsque les détenus sont amenés à l'établissement ou en sont extraits,
ils doivent être exposés aussi peu que possible à la vue du public, et des
dispositions doivent être prises pour les protéger des insultes, de la curio-
sité du public et de toute espèce de publicité.
2) Le transport des détenus dans de mauvaises conditions d'aération ou
de lumière, ou par tout moyen leur imposant une souffrance physique,
doit être interdit.
3) Le transport des détenus doit se faire aux frais de l'administration et sur
un pied d'égalité pour tous. »
ERM, §45

139
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

« Des caméras de surveillance pourraient être installées dans divers lieux


(couloirs d’accès aux cellules, itinéraire suivi par l’escorte et la personne
1 à éloigner jusqu’au véhicule utilisé pour le transfèrement vers l’avion,
etc.). »
Normes CPT, p.49, §44

ÖÖVoir aussi
• Normes CPT, p.7, §40 et p.20, §57
• Rapport du RST (visite au Pakistan), Doc. ONU E/CN.4/1997/7/
Add.2, §106
Traitement

Commentaire
Les transferts comprennent les déplacements du lieu de l’arrestation vers le
poste de police et ceux du poste vers tout autre lieu, y compris un tribunal
ou des lieux de détention provisoire. Les visiteurs garderont à l’esprit que
ces transferts peuvent être effectués dans des véhicules spéciaux ou dans
des voitures de police.
Les organes de visite peuvent être amenés à négliger la question des trans-
ferts durant leurs visites ; cependant, ces phases critiques devraient faire
l’objet d’une attention particulière durant les entretiens individuels avec les
détenu·e·s. Durant ces transferts, les détenu·e·s sont entre les mains de la
police sans aucune surveillance ; par conséquent, le risque d’abus est parti-
culièrement élevé. Le nombre important de cas allégués de mauvais traite-
ments durant les transferts démontre l’importance d’assurer des garanties
de protection durant ces processus. Il existe des exemples de détenu·e·s
ayant été blessé·e·s car des agent·e·s ont conduit le véhicule de manière
délibérément brutale ou encore parce qu’ils ou elles ont été laissé·e·s à
l’intérieur du véhicule exposés en plein soleil durant des heures avec les
fenêtres fermées. Durant le transfert, la police peut aussi avoir recours à des
moyens de contrainte illégaux.
Les autorités de l’État doivent s’assurer que les détenu·e·s et leurs escortes
sont surveillé·e·s durant toute la durée du transport. Elles doivent aussi s’as-
surer que les moyens de transport sont sécurisés et adaptés à l’objectif des
transferts. Des procédures doivent être mises en place pour consigner des
informations détaillées sur tous les transferts.
Les organes de surveillance peuvent prendre connaissance de cas de déte-
nu·e·s soumis·e·s à des transferts répétés ou à des transferts vers des lieux se

140
Chapitre III - Normes internationales

situant à une distance importante de leur domicile, qui ont pu être effectués
à titre punitif ou comme moyen de pression pour leur extorquer des aveux
ou des informations. Il faut également tenir compte de l’éventualité de ce
type d’abus.
1
Points de repère
• Les véhicules de transport sont-ils équipés de telle sorte que les
détenu·e·s ne soient pas exposé·e·s au regard du public durant
les transferts ?
• Les véhicules sont-ils équipés de manière à minimiser les

Traitement
blessures subies par les détenu·e·s en cas d’accident ? Est-il
possible d’évacuer rapidement les détenu·e·s du véhicule en cas
d’urgence ?
• Le véhicule est-il équipé d’un système adéquat d’éclairage,
de chauffage, de ventilation, d’air conditionné et y a-t-il
suffisamment de place pour les personnes détenues dans le
véhicule ? L’équipement fonctionne-t-il ?
• Dans le cas de longs trajets, des pauses sont-elles prévues et
effectivement concédées ?
• Le dossier de transfert précise-t-il le motif du transfert et les
coordonnées du lieu d’arrivée ?
• Le dossier médical de la personne détenue est-il rattaché aux
documents de transfert ?
• Y a-t-il un processus visant à informer, préalablement à tout
transfert, la personne détenue concernée et son avocat·e ?
• Quelles ont été les conditions générales du transfert ?
• Quelle a été la durée du transfert ?
• Quelles ont été les méthodes de confinement/d’entrave utilisées
durant le transfert ?
• Quel était le degré de confort du ou de la détenu·e durant le
transfert ?
• Les effets personnels du ou de la détenu·e l’ont-ils accompagné·e
durant le transfert ?
• La personne détenue a-t-elle reçu de la nourriture et à boire
durant le transfert (NB : Ce n’est pas forcément nécessaire et
dépend avant tout de la durée du transport)

141
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

• Le personnel chargé du transfert a-t-il été physiquement en

1 mesure d’observer le ou la détenu·e durant le trajet ? Une


communication mutuelle a-t-elle été possible ?

1.9. Participation de la police aux expulsions forcées


Normes pertinentes
« Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque
manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie
Traitement

ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa


nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses
opinions politiques. »
Convention relative au statut des réfugiés, Art. 33

« 1. Les autorités de l’État d’accueil sont responsables des escortes de


rapatriement agissant sous leurs instructions, qu’il s’agisse de fonction-
naires ou d’employés d’une société privée.
2. Le personnel chargé des escortes devrait être soigneusement sélec-
tionné et formé de manière appropriée, notamment en ce qui concerne
l’utilisation adéquate des méthodes de contrainte. Il conviendrait de
communiquer aux membres de l’escorte toute information relative à la
personne à éloigner susceptible de les aider à procéder à l’éloignement
en toute sécurité ; ils devraient également être à même de communiquer
avec elle. Les États membres sont encouragés à s’assurer qu’au moins un
membre de l’escorte soit du même sexe que la personne à éloigner.
3. Il conviendrait d’établir un contact entre les membres de l’escorte et la
personne à éloigner avant l’éloignement proprement dit.
4. Les membres de l’escorte devraient être identifiables ; le port de
cagoules ou de masques devrait être interdit. Sur demande, les membres
de l’escorte devraient s’identifier d’une manière ou d’une autre auprès de
la personne à éloigner. »
Principes directeurs du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur le
retour forcé, Principe directeur 18

142
Chapitre III - Normes internationales

« 1. Seules sont acceptables les formes de contrainte constituant une


réponse strictement proportionnée à la résistance réelle ou raisonnable-
ment escomptée de la part de la personne éloignée, afin de contrôler 1
cette personne.
2. Les techniques de contrainte et les procédés coercitifs risquant d’obs-
truer les voies respiratoires partiellement ou totalement, de même que le
maintien de la personne éloignée dans une position risquant de provo-
quer l’asphyxie ne doivent pas être utilisés.
3. Les membres de l’escorte devraient recevoir une formation qui porte
sur les moyens de contrainte pouvant être utilisés et les conditions de

Traitement
leur utilisation ; dans le cadre de leur formation spécialisée, les membres
de l’escorte devraient être informés des risques liés à l’emploi de chaque
technique. Si la formation n’est pas offerte, il conviendrait au moins que
des règlements ou des directives définissent les moyens de contrainte,
les circonstances dans lesquelles ils peuvent être utilisés et les risques
inhérents à leur utilisation.
4. L’administration de médicaments aux personnes au cours de leur éloi-
gnement doit s’effectuer uniquement sur décision médicale prise à la
lumière de chaque cas particulier. »
Principes directeurs du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur le
retour forcé, Principe directeur 19

ÖÖVoir aussi
• Observation générale N°1 du CAT sur l'article 3 de l’UNCAT dans le
contexte de l'Art. 22
• Principes directeurs du Comité des ministres du Conseil de
l’Europe sur le retour forcé, Principe directeur 17
• Normes CPT, pp.67-68, §32-36

Commentaire
Dans certaines situations, la police procède à des expulsions forcées de
migrant·e·s notamment par des opérations de reconduite par avion. Les
expulsions forcées sont de plus en plus courantes dans les pays industria-
lisés. Dans certains pays, les MNP ou les ONG surveillent la manière dont
ces expulsions sont effectuées. Les normes en vigueur sont principalement
d’origine européenne et proviennent du CPT et du Comité des ministres
du Conseil de l’Europe ; par conséquent ces normes n’engagent que les

143
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

États membres du Conseil de l’Europe. Néanmoins, elles peuvent servir de


référence pour d’autres régions concernées par le problème des expulsions
1 forcées.
Les équipes de monitoring qui observent les expulsions forcées vérifieront
si les formes de contrainte employées pour contrer des actes de résistance
de la part des personnes soumises à expulsion respectent le principe de
proportionnalité. Le CPT a clairement indiqué que « l’utilisation de la force et/
ou de moyens de contrainte susceptibles de provoquer une asphyxie posturale
ne devrait constituer qu’un ultime recours et qu’une telle utilisation, dans des cir-
constances exceptionnelles, doit faire l’objet de lignes directrices, afin de réduire
Traitement

au minimum les risques pour la santé de la personne concernée ».19


Au moins un membre du personnel d’escorte doit être du même sexe que
la personne expulsée.
Toute personne faisant l’objet d’une expulsion doit pouvoir bénéficier d’un
examen médical préalable avant toute opération d’expulsion. De même,
« toute personne ayant fait l’objet d’une opération d’éloignement avortée
devrait faire l’objet d’un examen médical, dès son retour en détention ».20 Dès
qu’elles atteignent leur pays de destination, les personnes expulsées de
force devraient passer un examen médical. Ces mesures représentent éga-
lement des garanties importantes pour les personnels chargés des escortes
contre toute allégation infondée.

Points de repère
• Les personnels de police participant aux expulsions ont-ils été
sélectionnés de manière appropriée ? Ont-ils reçu une formation
adéquate ?
• L’utilisation de moyens de contrainte est-elle l’objet de directives
visant à réduire au maximum les risques d’abus ?
• Est-il possible, en cas d’urgence, d’enlever immédiatement les
moyens de contrainte entravant la liberté de mouvement de la
personne expulsée ?

19 Les normes du CPT, CoE Doc. CPT/Inf/E (2002) 1, 2002 (révisé en 2011), op. cit, p.46, §34.
20 Rapport au Gouvernement des Pays-Bas relatif à la visite effectuée aux Pays-Bas du 10 au 21
octobre 2011, CoE Doc. CPT/Inf (2012) 21, Strasbourg, 9 août 2012, p.63. Disponible à
l’adresse suivante : http://www.cpt.coe.int/documents/nld/2012-21-inf-eng.htm

144
Chapitre III - Normes internationales

• Les personnes expulsées bénéficient-elles d’un examen médical


préalable avant leur départ ? Au cas où l’expulsion est annulée
en cours de réalisation, les personnes passent-elles également 1
un examen médical lorsqu’elles sont remises en détention ?
• Si un traitement médical est administré, cela se fait-il sous
l’autorité d’un médecin ?
• Quelles sont les modalités d’expulsion, à partir du moment
où la personne est emmenée par la police depuis le centre de
détention jusqu’à ce que la personne arrive dans le pays de

Traitement
destination ?
• Parmi les personnels de police escortant la personne expulsée,
y a-t-il au moins une personne du même sexe que la personne
expulsée ?

145
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

2. Garanties fondamentales

2.1. Droit à l’information


Normes pertinentes
Information sur les motifs d’arrestation et d’accusation

2 « Tout individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des


raisons de cette arrestation et recevra notification, dans le plus court
délai, de toute accusation portée contre lui. »
PIDCP, Art.9(2)
Garanties fondamentales

[Les États devraient]


« 25. Prendre des dispositions pour que toute personne détenue soit
immédiatement informée des motifs de sa détention ;
26. Prendre des dispositions pour que toute personne arrêtée soit mmé-
diatement informée des charges portées contre elle ».
RIG, Partie II, §25-26

Information sur les droits


« 1) Lors de son admission, chaque détenu doit recevoir des informa-
tions écrites au sujet du régime des détenus de sa catégorie, des règles
disciplinaires de l'établissement, des moyens autorisés pour obtenir des
renseignements et formuler des plaintes, et de tous autres points qui
peuvent être nécessaires pour lui permettre de connaître ses droits et ses
obligations et de s'adapter à la vie de l'établissement.
2) Si le détenu est illettré, ces informations doivent lui être fournies ora-
lement. »
ERM, §35

« Toute personne se verra fournir, au moment de l'arrestation et au début


de la détention ou de l'emprisonnement ou peu après, par les autorités
responsables de l'arrestation, de la détention ou de l'emprisonnement,
selon le cas, des renseignements et des explications au sujet de ses droits
ainsi que de la manière dont elle peut les faire valoir. »
BBP, Principe 13

146
Chapitre III - Normes internationales

« Toute personne qui ne comprend ou ne parle pas suffisamment bien


la langue utilisée par les autorités responsables de son arrestation, de sa
détention ou de son emprisonnement a le droit de recevoir sans délai,
dans une langue qu'elle comprend, les renseignements visés dans le
principe 10, le §2 du principe 11, le §1 du principe 12 et le principe 13 [rela-
tifs au droit de la personne détenue à l’information en matière de ses droits et
des motifs de son arrestation et détention] et de bénéficier de l'assistance,
gratuite si besoin est, d'un interprète dans le cadre de la procédure judi- 2
ciaire qui fait suite à son arrestation. »
BBP, Principe 14

Garanties fondamentales
« Afin qu'il en soit bien ainsi [que les personnes placées en garde à vue
soient informées explicitement et sans délai de tous leurs droits] le CPT
estime qu'il convient de remettre systématiquement aux personnes
détenues par la police, dès le tout début de leur garde à vue, un formu-
laire précisant de façon simple ces droits. De plus, il faudrait demander
aux personnes concernées de signer une déclaration attestant qu'elles
ont bien été informées de leurs droits. »
Normes CPT, p.9, §16

ÖÖVoir aussi
• PIDCP, Art. 14(3)
• BBP, Principes 10, 16
• Principes de base relatifs au rôle du barreau, §5
• ECHR, Art. 5
• CADH, Art. 7(4)
• Charte arabe, Art. 14(3)
• PBPPA, Principe V
• Rapport du Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et
des avocats, Doc. ONU A/HRC/8/a, §27

Commentaire
Les personnes qui sont privées de liberté ont le droit de recevoir plusieurs
types d’informations. Tout d’abord, au moment de l’arrestation, elles ont le
droit d’être informées de la raison de leur arrestation et de la nature des
charges éventuelles retenues à leur encontre. Deuxièmement, elles ont éga-
lement le droit de recevoir des informations sur leurs droits (c’est-à-dire le

147
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

droit de contester le fondement de leur détention, et le droit d’avoir accès


à un médecin et un·e avocat·e). Troisièmement, si, au moment de l’arresta-
tion, il n’existe aucune charge pénale à l’encontre de la personne détenue
mais que des chefs d’inculpation sont retenus par la suite, cette personne
a alors le droit d’être informée des charges à ce moment-là.21 S’agissant des
informations sur la nature des éventuelles charges retenues contre elles, les
personnes détenues doivent connaître au moins « tous les éléments de l’ac-
2 cusation et de l’affaire : preuves, délai et autres parties impliquées. Le droit
de toute personne d’être informée de la nature et des motifs de l’accusation
portée contre elle doit se traduire par des informations détaillées, fournies
sans délai et de manière compréhensible ».22 Ces informations doivent être
fournies dès que des charges sont retenues à l’encontre d’une personne.
Garanties fondamentales

Les personnes conduites au poste de police sont souvent confuses


et effrayées ; leur vulnérabilité doit être prise en considération par les
agent·e·s dans la manière dont ces informations sont transmises. Les déte-
nu·e·s doivent recevoir les informations dans une langue qu’ils ou elles
comprennent.
Durant les entretiens, les membres de l’équipe examineront dans quelle
mesure :
• les détenu·e·s sont informé·e·s de leurs droits et obligations ;
• ils ou elles ont été informé·e·s des raisons de leur arrestation ;
• ils ou elles ont été informé·e·s des éventuelles charges retenues à leur
encontre.
Les visiteurs détermineront aussi si les méthodes utilisées pour transmettre
l’information sont appropriées. Par exemple, les visiteurs examineront :
• si l’information a été fournie dans un langage simple et clair ;
• si la langue utilisée a été comprise par la personne détenue ;
• dans quelle mesure le ou la détenu·e a compris ce message et a eu
accès ultérieurement aux informations dont il ou elle a besoin.

21 Rapport du Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, Doc. ONU
A/63/271, 12 août 2008, §24-25. Disponible à l’adresse suivante : http://www.un.org/
french/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/63/271
22 Rapport du Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, op. cit., §24-25.

148
Chapitre III - Normes internationales

Points de repère
• Les règlements spécifiques à un lieu de détention donné sont-ils
disponibles dans plusieurs langues ? Si tel est le cas, quels sont
les critères de sélection des langues ?
• Des affiches, fascicules et autres matériels de sensibilisation
relatifs aux droits des détenu·e·s sont-ils disponibles dans le
poste de police ? 2
• Au moment de son arrestation et/ou arrivée au poste de police,
quelles informations la personne détenue a-t-elle reçues ?
• De quelle manière cette information a-t-elle été transmise ?

Garanties fondamentales
• Les informations ont-elles été fournies de manière claire et
facilement compréhensible pour le ou la détenu·e ?
• L’information a-t-elle été fournie dans une langue comprise par
le ou la détenu·e ?
• La personne détenue a-t-elle été informée du motif de son
arrestation ?
• Si des charges ont été retenues après l’arrestation de la personne
détenue, celle-ci a-t-elle été informée de leur nature ?
• Les informations fournies par la police spécifient-t-elles
clairement les droits additionnels dont bénéficient les mineur·e·s
(tels que le droit d’informer sans délai de leur détention un
membre de sa famille ou un adulte de confiance ainsi que le
droit de bénéficier de leur présence durant tout interrogatoire) ?
• Dans les cas de personnes de nationalité étrangère, l’information
a-t-elle été donnée dans une langue qu’elles comprennent ?
Ont-elles été informées de leur droit de communiquer avec leurs
représentants consulaires ?
• Les cas d’illettrisme et de handicaps sont-ils pris en considération ?

149
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

2.2. Notification de privation de liberté à des


proches ou à un tiers
Normes pertinentes
« Un prévenu doit immédiatement pouvoir informer sa famille de sa déten-
tion et se voir attribuer toutes les facilités raisonnables pour pouvoir com-
2 muniquer avec celle-ci et ses amis et recevoir des visites de ces personnes,
sous la seule réserve des restrictions et de la surveillance qui sont nécessaires
dans l'intérêt de l'administration de la justice, de la sécurité et du bon ordre
de l'établissement. »
ERM, §92
Garanties fondamentales

« 1. Dans les plus brefs délais après l'arrestation et après chaque transfert
d'un lieu de détention ou d'emprisonnement à un autre, la personne
détenue ou emprisonnée pourra aviser ou requérir l'autorité compétente
d'aviser les membres de sa famille ou, s'il y a lieu, d'autres personnes de
son choix, de son arrestation, de sa détention ou de son emprisonne-
ment, ou de son transfert et du lieu où elle est détenue.
2. S'il s'agit d'une personne étrangère, elle sera aussi informée sans délai
de son droit de communiquer par des moyens appropriés avec un poste
consulaire ou la mission diplomatique de l'État dont elle a la nationalité
ou qui est autrement habilité à recevoir cette communication confor-
mément au droit international, ou avec le représentant de l'organisation
internationale compétente si cette personne est réfugiée ou est, d'autre
façon, sous la protection d'une organisation intergouvernementale.
3. Dans le cas d'un adolescent ou d'une personne incapable de com-
prendre quels sont ses droits, l'autorité compétente devra, de sa propre
initiative, procéder à la notification visée dans le présent principe. Elle
veillera spécialement à aviser les parents ou tuteurs.
4. La notification visée dans le présent principe sera faite ou autorisée
sans délai. L'autorité compétente pourra néanmoins différer une notifi-
cation pendant une période raisonnable si des besoins exceptionnels de
l'enquête l'exigent. »
BPP, Principe 16

150
Chapitre III - Normes internationales

« Le droit pour une personne détenue par la police de pouvoir informer


un proche ou un tiers de sa situation, doit, en principe, être garanti dès
le tout début de sa détention. Bien évidemment, le CPT reconnaît que
l'exercice de ce droit peut être soumis à certaines exceptions, destinées à
protéger les intérêts légitimes de l'enquête policière. Toutefois, de telles
exceptions doivent être clairement définies et strictement limitées dans
le temps, et le recours à de telles exceptions doit être entouré de garan-
ties appropriées (par exemple, tout délai dans l’information d’un proche 2
ou d’un tiers doit être consigné par écrit avec les raisons l’ayant motivé, et
subordonné à l’aval d’un fonctionnaire supérieur de police n’ayant aucun
lien avec l’affaire en question ou d’un procureur). »

Garanties fondamentales
Normes CPT, p.13, §43

Femmes
« Avant ou au moment de leur admission, les femmes ayant à leur charge
des enfants doivent être autorisées à prendre pour eux des dispositions,
dont éventuellement l’obtention d’une suspension raisonnable de leur
détention, compte tenu de l’intérêt supérieur des enfants. »
BR, Règle 2(2)

ÖÖVoir aussi
• ERM, §38, 44(3)
• BPP, Principe 19
• Déclaration des Nations unies sur la protection de toutes les
personnes contre les disparitions forcées, Art. 10(2)
• Observation générale N°2 du CAT sur l’article 2 de l’UNCAT, §13
• PBPA, Principe 5
• RIG, Partie II, §31

Commentaire
Le droit d’un·e détenu·e d’informer un proche ou un tiers de son arrestation,
détention ou transfert ainsi que de son lieu de détention constitue une garan-
tie essentielle contre les mauvais traitements et la détention au secret. Cette
notification doit être faite dès la privation de liberté. Le Rapporteur spécial
sur la torture recommande que les proches soient informés - en toutes cir-
constances - de l’arrestation et du lieu de détention dans les 18 heures.23
23 Recommandations générales du Rapporteur spécial sur la torture, Doc.ONU E/CN.4/2003/68,
17 décembre 2002, §g. Disponible à l’adresse suivante : http://www.unhchr.ch/Huridocda/

151
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Il est important que les membres de la police reçoivent pour instruction


d’informer les détenu·e·s de leur droit de notification à un tiers. Ils doivent
également donner aux détenu·e·s la possibilité de le faire effectivement.
Les visiteurs vérifieront si la police remplit bien ses obligations en pratique.
Cependant, il faut souligner que le droit international n’exige pas qu’un·e
détenu·e soit autorisé·e à parler directement avec un proche (car cela peut
constituer une entrave au déroulement de l’enquête) : de ce fait, la police a
2 simplement l’obligation de communiquer aux proches de la personne (ou à
un tiers) le fait que cette personne est détenue et le lieu de cette détention.
Il est important que les visiteurs vérifient si les personnes étrangères ont le
droit de contacter un proche ou encore le consulat de l’État dont elles sont
Garanties fondamentales

ressortissantes.
Les équipes de monitoring vérifieront que les personnes mineures et les
personnes souffrant de handicaps mentaux sont l’objet d’un traitement par-
ticulier car cette catégorie de personnes peut avoir besoin de l’intervention
d’une autorité compétente pour notifier en leur nom leur détention à leurs
proches ou à un tiers.

Points de repère
• Les personnes détenues par la police ont-elles eu la possibilité
d’informer un proche ou un tiers de leur arrestation ?
• Toutes les personnes détenues sont-elles systématiquement
informées par la police de ce droit spécifique ?
• À quel moment les détenu·e·s ont-ils ou elles la possibilité
d’informer un proche ?
• Les personnels de police reçoivent-ils l’instruction d’informer les
détenu·e·s de ce droit ?
• Est-ce que les détenu·e·s étrangers ou étrangères ont l’occasion
de contacter la mission diplomatique du pays dont ils ou elles
sont les ressortissant·e·s ? Ce droit est-il expliqué aux détenu·e·s
dans une langue qu’ils ou elles comprennent ?
• Si le ou la détenu·e est la seule personne pourvoyant aux besoins
de la famille, quelles sont les procédures en place pour s’assurer
que les personnes dépendantes de lui ou d’elle sont prises en
charge ?

Huridoca.nsf/TestFrame/0e9c21b3f8c77b60c1256cbb0037197c?Opendocument

152
Chapitre III - Normes internationales

• Qui est chargé de contacter les proches ou un tiers lorsque


les détenu·e·s sont des enfants ou des personnes souffrant de
handicaps mentaux ou autres ?

2.3. Accès à un médecin


Normes pertinentes 2
« 24. Toute personne détenue ou emprisonnée se verra offrir un examen
médical approprié dans un délai aussi bref que possible après son entrée

Garanties fondamentales
dans le lieu de détention ou d'emprisonnement; par la suite, elle bénéfi-
ciera de soins et traitements médicaux chaque fois que le besoin s'en fera
sentir. Ces soins et traitements seront gratuits.
25. Toute personne détenue ou emprisonnée ou son conseil a, sous la
seule réserve des conditions raisonnablement nécessaires pour assurer
la sécurité et le maintien de l'ordre dans le lieu de détention ou d'empri-
sonnement, le droit de demander à une autorité judiciaire ou autre un
deuxième examen médical ou une deuxième opinion médicale.
26. Le fait qu'une personne détenue ou emprisonnée a subi un examen
médical, le nom du médecin et les résultats de l'examen seront dûment
consignés. L'accès à ces renseignements sera assuré, et ce conformément
aux règles pertinentes du droit interne. »
BPP, Principes 24-25-26

« Les personnes détenues par la police devraient jouir du droit for-


mellement reconnu à l'accès à un médecin. En d'autres termes, il faut
toujours appeler sans délai un médecin si une personne demande un
examen médical ; les policiers ne doivent pas chercher à filtrer de telles
demandes. En outre, le droit à l’accès à un médecin devrait inclure celui
de bénéficier, si la personne détenue le souhaite, d’un examen effectué
par le médecin de son choix (en plus de tout autre examen effectué par
un médecin appelé par la police).
Tous les examens médicaux de personnes détenues par la police doivent
se dérouler hors de l'écoute des membres des forces de l'ordre et, sauf
demande contraire du médecin intéressé dans un cas particulier, hors de
leur vue.

153
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Il importe également que les personnes remises en liberté après une


détention par la police, sans être présentées à un juge, soient en droit
de demander directement un examen/certificat d'un médecin légiste
certifié. »
Normes CPT, p.13, §42

« Il importe également de ne pas dresser de barrières entre les personnes


2 qui allèguent des mauvais traitements (qui peuvent avoir été remises en
liberté sans avoir été présentées à un procureur ou à un juge) et les méde-
cins qui sont en mesure d’établir des certificats médico-légaux reconnus
par les autorités de poursuite et de jugement. Par exemple, l’accès à de
Garanties fondamentales

tels médecins ne devrait pas être subordonné à l’autorisation préalable


d’une autorité d’enquête. »
Normes CPT, p.84, §30

Femmes
« Si une détenue demande à être examinée ou traitée par une femme
médecin ou une infirmière, sa demande doit être satisfaite dans la mesure
du possible, sauf lorsque la situation exige une intervention médicale
d’urgence. Si l’examen est effectué par un homme, contrairement aux
desiderata de la détenue, un membre du personnel du sexe féminin doit
y assister. »
BR, Règle 10(2)

« 1. Le personnel médical est le seul présent lors des examens médicaux,


sauf si le médecin estime que les circonstances sont exceptionnelles ou
qu’il demande la présence d’un membre du personnel pénitentiaire pour
des raisons de sécurité ou encore si la détenue demande expressément
une telle présence comme indiqué au paragraphe 2 de la règle 10 ci-dessus.
2. Si la présence d’un membre du personnel pénitentiaire non médical est
nécessaire lors d’un examen médical, il devrait être fait appel à une femme
et l’examen doit être réalisé de manière à garantir le respect de la vie privée,
la dignité et la confidentialité. »
BR, Règle 11

154
Chapitre III - Normes internationales

ÖÖVoir aussi
• ERM, §10
• BR, Règles 6-9
• Comité des droits de l’homme, Observation générale N°20 sur
l’Art. 7 du PIDCP, §11


Observation générale N°2 du CAT sur l’article 2 de l’UNCAT, §13
Rapport du RST, Doc. ONU E/CN.4/2003, §26(g)
2
• RIG, Partie II, §31
• RPJDL, §49-55

Garanties fondamentales
• PBPA, Principe IX(3)

Commentaire
Le droit d’accès à un médecin n’est pas seulement essentiel pour les déte-
nu·e·s qui ont besoin de soins médicaux, mais représente également une
garantie fondamentale contre les mauvais traitements pour toute personne
détenue par la police. Il est fondamental que ce droit soit accordé dès le
début de la détention.
Lorsqu’une personne demande un examen médical, « les policiers ne doivent
pas chercher à filtrer de telles demandes ». La personne détenue doit avoir le
droit d’être examinée par un médecin de son choix, en plus de tout autre
examen effectué par un médecin appelé par la police.24
Les examens médicaux doivent toujours être menés en respectant le prin-
cipe de la confidentialité médicale. Le SPT recommande que :
« aucune personne n’appartenant pas au corps médical autre que
le patient ne devrait être présente. Dans des cas exceptionnels,
si un médecin le demande, des dispositions spéciales de sécurité
peuvent être considérées comme pertinentes, par exemple, le fait
de placer un policier à proximité. Le médecin devrait consigner
les résultats de son examen, de même que les noms de toutes les
personnes présentes. Cependant, les policiers devraient toujours
être placés hors d’audition, et de préférence hors de vue, d’un
examen médical. »25

24 Les normes du CPT, CoE Doc. CPT/Inf/E (2002) 1, 2002 (révisé en 2011), op. cit., p.13, §42.
25 Rapport sur la visite du SPT aux Maldives, Doc. ONU CAT/OP/MDV/1, 26 février 2009, §111.
Disponible à l’adresse suivante : http://www2.ohchr.org/english/bodies/cat/opcat/docs/
CAT-OP-MDV-1_fr.pdf

155
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Le SPT recommande également que :


« Tout examen médical de routine soit effectué en utilisant un for-
mulaire officiel sur lequel figurent a) les antécédents médicaux,
b) la description par la personne examinée de toute violence
subie, c) le résultat de l’examen physique approfondi, y compris
une description de toute blessure et d) si le médecin a été formé
à cela, une évaluation de la cohérence interne des informations
2 recueillies aux trois premiers alinéas. La fiche médicale devrait
être remise au détenu ou à son avocat sur sa demande. »26

Le fait de consigner les blessures subies par les personnes détenues par la
police est une garantie importante contre la torture et autres mauvais trai-
Garanties fondamentales

tements. Un examen médical doit aussi être pratiqué en cas d’allégations de


torture ou autres mauvais traitements, en particulier lorsque ces allégations
concernent des mauvais traitements psychologiques, tels que le recours à
l’isolement cellulaire, à la privation sensorielle, ou aux menaces. Lorsque les
détenu·e·s sont remis·e·s en liberté par la police sans avoir été traduit·e·s
devant un·e juge, ils ou elles doivent avoir le droit de demander à bénéficier
d’un examen médical effectué par un médecin légiste agréé.

Points de repère
Examen médical
• Quel est le système prévu pour orienter les détenu.e.s vers un
centre médical en cas d’urgence ?
• Le registre de détention mentionne-t-il (i) la date et l’heure
auxquelles le médecin ou l’infirmier(ère) ont été appelés ; et
(ii) la date et l’heure de l’éventuel examen ou du transfert de la
personne détenue vers un centre médical local ?
• Les détenues ont-elles eu la possibilité de voir une femme
médecin ou une infirmière ? Sont-elles informées qu’elles ont le
droit de faire une telle demande ?
• La personne détenue a-t-elle été examinée par un membre du
personnel médical dès son arrivée dans le poste ? Si tel est le cas,
à quelle heure et pour quelle raison ?
• La personne détenue s’est-elle vue proposer de bénéficier d’un
examen (additionnel) par un médecin de son choix ?

26 Rapport sur la visite du SPT aux Maldives, §112.

156
Chapitre III - Normes internationales

• L’examen a-t-il été pratiqué par un médecin/infirmier(ère) au


poste de police ou après le transfert vers un centre médical ?
• Combien de temps la personne détenue a-t-il eu à attendre
jusqu’à ce que l’examen médical ait lieu ?
• Est-ce que l’examen s’est déroulé hors de portée de voix et de
vue des autorités chargées de l’application des lois ?
• La personne détenue était-elle soumise à un quelconque moyen 2
de contrainte durant l’examen médical ?
• Un.e interprète était-il disponible le cas échéant ?

Garanties fondamentales
Traitement médical
• Comment sont conservés les médicaments qui doivent être
régulièrement administrés aux détenu.e.s (par exemple, dans
un placard fermé à clé, avec une étiquette portant le nom de la
personne concernée et indiquant l’heure des prises ainsi que la
posologie des doses) ? Qui a accès à ces médicaments ?
• Y a-t-il un registre séparé pour l’administration des médicaments ?
Si tel n’est pas le cas, les dates de chaque administration du
traitement sont-elles signalées dans le registre de détention de
l’intéressé ?
• La personne détenue a-t-elle reçu des soins médicaux ? Si tel est
le cas, ces soins ont-ils été prodigués gratuitement ?
Dossiers médicaux
• Les dossiers médicaux des détenu.e.s sont-ils confidentiels ?
Les dossiers sont-ils accessibles uniquement aux médecins/
infirmiers(ères) ?
• À quelles informations médicales la police a-t-elle accès ?
• Y a-t-il une procédure officielle applicable aux situations dans
lesquelles un.e détenu.e souhaite porter plainte pour mauvais
traitements ? Quel est le rôle du personnel de santé dans cette
procédure ?
• Existe-t-il un registre des incidents dans lequel la police peut
consigner tout acte de violence ou autres incidents ?
• En cas d’allégations de mauvais traitements, le dossier médical
de la personne détenue comporte-t-il des éléments de preuve
susceptibles de corroborer ces allégations ?

157
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Les professionnels de santé


• Les professionnels de santé sont-ils toujours disponibles ? Y a-t-il
une continuité du personnel de santé ?
• Les professionnels de santé qui traitent les personnes détenues
par la police sont-ils indépendants de la police ? Les membres du
personnel de santé sont-ils sous la responsabilité du ministère
2 de la Santé ou celle du ministère de l’Intérieur ? De qui les
professionnels de santé relèvent-ils directement ?
• Y a-t-il une politique de gestion clinique régissant la fourniture
de soins de santé dans les postes de police ?
Garanties fondamentales

• Le personnel de santé reçoit-il une formation continue ?


Problèmes de santé spécifiques
• Y a-t-il une procédure permettant d’identifier les détenu.e.s
atteint.e.s de maladie mentale et de les orienter vers des services
de soins appropriés ?
• Quelles sont les garanties en place pour prévenir les suicides et
autres formes d’automutilation ?
• Existe-t-il une procédure pour demander un traitement ou un
soutien pour les cas d’addictions ou d’abus d’alcool ou d’autres
drogues ?
• La police recherche-t-elle des conseils, lorsque cela est
nécessaire, auprès de professionnels de santé quant aux
mesures éventuelles qui devraient être prises pour améliorer les
conditions de détention des détenu.e.s avec un handicap ?
• En cas d’urgence médicale exigeant le transfert urgent d’un•e
détenu.e vers une clinique ou un hôpital, quelle est la procédure
prévue ?

2.4. Accès à un·e avocat·e


Normes pertinentes
« Toute personne privée de liberté sera autorisée à communiquer avec
[…] son conseil […] et à recevoir [sa] visite ».
CIPPDF, 17(2d)

158
Chapitre III - Normes internationales

« Si une personne détenue n'a pas choisi d'avocat, elle aura le droit de
s'en voir désigner un par une autorité judiciaire ou autre dans tous les cas
où l'intérêt de la justice l'exige, et ce sans frais si elle n'a pas les moyens
de le rémunérer. »
BPP, Principe 17(2)

« 1. Toute personne détenue ou emprisonnée doit être autorisée à com-


muniquer avec son avocat et à le consulter. 2
2. Toute personne détenue ou emprisonnée doit disposer du temps et
des facilités nécessaires pour s'entretenir avec son avocat.
3. Le droit de la personne détenue ou emprisonnée de recevoir la visite

Garanties fondamentales
de son avocat, de le consulter et de communiquer avec lui sans délai ni
censure et en toute confidence ne peut faire l'objet d'aucune suspension
ni restriction en dehors de circonstances exceptionnelles, qui seront
spécifiées par la loi ou les règlements pris conformément à la loi, dans
lesquelles une autorité judiciaire ou autre l'estimera indispensable pour
assurer la sécurité et maintenir l'ordre. […]
5. Les communications entre une personne détenue ou emprisonnée et
son avocat, mentionnées dans le présent principe, ne peuvent être rete-
nues comme preuves contre la personne détenue ou emprisonnée, sauf
si elles se rapportent à une infraction continue ou envisagée. »
BPP, Principle 18

« Un prévenu doit être autorisé à demander la désignation d'un avocat


d'office, lorsque cette assistance est prévue, et à recevoir des visites de
son avocat en vue de sa défense. Il doit pouvoir préparer et remettre à
celui-ci des instructions confidentielles. A cet effet, on doit lui donner,
s'il le désire, du matériel pour écrire. Les entrevues entre le prévenu et
son avocat peuvent être à portée de la vue, mais ne peuvent pas être à
la portée d'ouïe d'un fonctionnaire de la police ou de l'établissement. »
ERM, §93

« Toute personne privée de liberté a le droit d’être défendue et assistée


par un avocat, nommé par elle, par sa famille, ou fourni par l’État ; de
communiquer avec son défenseur de façon confidentielle, sans interfé-
rence ou censure, et sans retards ou limites de temps injustifiés, à partir
du moment de son arrestation ou de sa détention, et obligatoirement
avant sa première déclaration devant l’autorité compétente. »
PBPA, Principe V

159
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

« Le droit à l'accès à un avocat ne devrait pas être limité aux personnes


soupçonnées d'une infraction pénale mais devrait s’étendre à toute per-
sonne contrainte légalement de se rendre - ou de rester - dans un établis-
sement de police, par exemple en qualité de “ témoin ” ».
Normes CPT, p.12, §41

ÖÖVoir aussi
2 • Observation générale N°2 du CAT sur l’art. 2 de l’UNCAT, §13
• Principes de base relatifs au rôle du barreau, §1, 5-8
• Comité des droits de l’homme, Observation générale N°20 sur
l’Art. 7 du PIDCP, §11
Garanties fondamentales

• Rapport du RST, Doc. ONU A/57/173, §18


• Rapport du RST, Doc. ONU E/CN.4/2003/68, §26(g)
• Rapport du RST, Doc. ONU A/56/156, §34
• RIG, Partie II, §31
• Normes CPT, p.6, §36-38, p.9, §15

Commentaire
De par leur simple présence dans le poste de police, les avocat·e·s consti-
tuent une garantie contre les mauvais traitements, en particulier durant
les premières heures de la détention, qui sont les plus critiques. En cas de
violations, les avocat·e·s peuvent conseiller les détenu·e·s sur les éventuels
mécanismes de plaintes et de recours.27
Le CPT a déclaré que l’accès à un·e avocat·e est une garantie fondamentale
« dès le tout début de la privation de liberté, quelle que soit la description qui
peut en être donnée dans le système légal concerné (appréhension, arrestation,
etc.) ».28 De plus, ce droit doit s’étendre à « toute personne contrainte légale-
ment de se rendre - ou de rester - dans un établissement de police, par exemple
en qualité de “ témoin ” ».29 Si certaines normes précisent simplement que
l’accès à un·e avocat·e doit être rendu possible « sans délai », l’APT estime
qu’il est préférable d’appliquer les normes les plus strictes et de garantir
l’accès à un·e avocat·e dès les tout premiers instants de la détention.30

27 Les normes du CPT, op. cit., p.11, §41.


28 Les normes du CPT, p.6, §36.
29 Les normes du CPT, p.11, §41.
30 Garanties juridiques pour prévenir la torture. Le droit d’accès à un avocat pour les personnes

160
Chapitre III - Normes internationales

Le CPT reconnaît que :


« dans le but de préserver le cours de la justice, il peut être excep-
tionnellement nécessaire de retarder pendant un certain temps
l’accès d’une personne détenue à l’avocat de son choix. Néan-
moins, cela ne devrait pas avoir pour conséquence le refus total
du droit à l’accès à un avocat pendant la période en question. En
pareil cas, il convient d’organiser l’accès à un autre avocat indé-
pendant dont on peut être certain qu’il ne portera pas atteinte
aux intérêts légitimes de l’enquête policière ». 31 2
Le droit d’accès à un·e avocat·e doit inclure la présence de celui-ci ou celle-ci
durant tout interrogatoire.32 Le SPT a souligné le fait que « [l]a présence d’un

Garanties fondamentales
avocat lors des interrogatoires de police peut non seulement dissuader les poli-
ciers de recourir à des mauvais traitements ou autres violences mais peut aussi
les protéger en cas d’allégations de mauvais traitements infondées ».33
Les personnes privées de liberté doivent systématiquement être informées
par la police de leur droit à un·e avocat·e. Elles doivent aussi « disposer du
temps et des moyens nécessaires à cet effet ». Il est essentiel que ces consulta-
tions puissent avoir lieu hors de portée de voix, et si possible hors de portée
de vue, des responsables de l’application des lois.34
Enfin, si un·e détenu·e n’a pas choisi d’avocat·e, ce dernier ou cette dernière
doit être désigné·e d’office. Si le ou la détenu·e ne dispose pas de moyens
financiers suffisants pour régler les honoraires de son avocat·e, ceux-ci
doivent être pris en charge par l’État.
Cette norme fondamentale est difficile à faire respecter dans les situations
où il n’y a pas d’avocat·e disponible, ou lorsqu’il n’existe aucun programme
officiel d’aide juridique dans le pays. Dans de telles situations, des organes
de monitoring peuvent recommander, comme l’a proposé le SPT dans le cas
du Bénin, que la police autorise les détenu·e·s à demander qu’un tiers (tel
que du personnel d’ONG spécialement formé ou du personnel para-légal)
soit présent lors de leur interrogatoire.35
privées de liberté, (Legal Briefing N°2), APT, Genève, mars 2010, pp.5-7. Disponible à
l’adresse suivante : http://www.apt.ch/content/files_res/LegalBriefing2_LawyersFr.pdf
31 Les normes du CPT, p.9, §15.
32 Les normes du CPT, p.6, §38 ; Le droit d’accès à un avocat pour les personnes privées de liberté,
APT, p.8 (qui cite ces sources).
33 Rapport sur la visite du SPT aux Maldives, §62.
34 Principes de base relatifs au rôle du barreau des Nations unies, 27 août au 7 septembre 1990,
Principes 5 et 8. Disponible à l’adresse suivante : http://www2.ohchr.org/french/law/
barreau.htm
35 Rapport sur la visite du SPT aux Maldives, mars 2011, Doc. ONU CAT/OP/BEN.1,15 mars 2011,
161
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Points de repère
• Quels locaux sont mis à disposition des détenu·e·s pour
s’entretenir avec leur avocat·e ? Les rencontres ont-elles lieu en
privé ?
• Combien de temps les personnes détenues sont-elles autorisées
à voir leur avocat·e ?
2 • Les témoins qui sont convoqués au poste de police ont-ils les
mêmes droits s’agissant de l’accès à un·e avocat·e ?
• La personne détenue a-t-elle été informée de son droit à voir
un·e avocat·e ? Si tel est le cas, combien de temps après son
Garanties fondamentales

arrestation la personne a-t-elle été informée de ce droit ?


• Est-ce que l’avocat·e était présent·e durant l’interrogatoire par la
police ?
• Est-ce que la personne détenue a eu accès à l’avocat·e de
son choix ? Si tel n’est pas le cas, la police lui a-t-elle donné la
possibilité d’avoir accès à une aide juridique gratuite ?
• Si l’accès à un·e avocat·e a été retardé, quelles en étaient les
raisons ? Le retard et les motifs de ce retard ont-ils été consignés
par écrit ?

§86. Disponible à l’adresse suivante : http://www2.ohchr.org/english/bodies/cat/opcat/


docs/CAT.OP.BEN.1_fr.doc

162
Chapitre III - Normes internationales

3. Procédures juridiques

3.1. Durée de la détention par la police


Normes pertinentes
« Le paragraphe 3 de l'article 9 prévoit que toute personne arrêtée ou
détenue du fait d'une infraction pénale sera traduite “dans le plus court
délai” devant le juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer
les fonctions judiciaires. Des délais plus précis sont fixés par la législa-
tion dans la plupart des États parties et, de l'avis du Comité, ces délais ne

Traitement
doivent pas dépasser quelques jours. »
Observation générale 8(16) du Comité des droits de l’homme 3
sur l’article 9, §2

« Les prévenus ne devraient être placés dans des centres de détention


relevant de la responsabilité des fonctionnaires chargés de les interro-
ger ou d’enquêter à leur sujet que dans l’attente de l’établissement d’un

Procédures juridiques
mandat de détention provisoire dont la durée a été fixée par la loi à 48
heures maximum. Ensuite, ils devraient être immédiatement transférés
dans un centre de détention provisoire dépendant d’une autre autorité
et n’avoir aucun contact non surveillé avec les fonctionnaires chargés de
l’interrogatoire ou de l’enquête. »
Rapport du RST, Doc. ONU E/CN.4/2003/68, §26

ÖÖVoir aussi
• Rapport du RST, Doc. ONU A/HRC/13/39/Add.5, §156

Commentaire
Toute personne arrêtée ou détenue du chef d’une infraction pénale doit
être traduite sans délai et en personne devant un·e juge ou une autorité
judiciaire qui prendra la décision de la libérer ou de la transférer vers un
centre de détention provisoire. Le droit d’être traduit devant un·e juge ou
une autorité judiciaire, de même que le droit général de tout·e détenu·e
de contester le fondement de sa détention (habeas corpus) contribuent à
prévenir que des personnes ne soient détenues par la police durant une
période excédant la durée autorisée par la législation nationale. Dans cer-
tains contextes toutefois, il est tout à fait habituel que la police détienne des
personnes durant une période excédant la durée légale. Dans la plupart des
pays, cette durée légale est de 24 à 72 heures. Le SPT a recommandé que
163
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

« la période initiale de garde à vue soit la plus courte possible » ; après cela, les
détenu·e·s doivent être placé·e·s dans des centres de détention provisoire.36

Points de repère
• Quelle est la durée maximale de la détention par la police
autorisée par la loi ?
• Quelle est la durée moyenne de la détention dans le poste de
police visité/ dans les différents postes de police visités ?
• Combien de temps la personne a-t-elle été détenue dans le
Traitement

poste de police ?

3 • L’heure de l’arrestation a-t-elle été correctement consignée par


écrit ?
• Si des charges pénales sont retenues à l’encontre de la personne
détenue, celle-ci a-t-elle été traduite sans délai devant un·e juge
ou une autre autorité judiciaire ?
Procédures juridiques

• Si la durée de détention par la police excède celle autorisée par


la loi, quels motifs ont été avancés pour justifier la prolongation
de cette détention ?
• La personne concernée a-t-elle eu la possibilité de contester
cette durée de détention plus longue (illégale) par un recours en
habeas corpus ?

3.2. Accès à un·e juge


Normes pertinentes
Habeas corpus
« Quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a
le droit d'introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue
sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la
détention est illégale. »
PIDCP, Art. 9(4)

36 Rapport sur la visite du SPT aux Maldives, §78.

164
Chapitre III - Normes internationales

« Sans préjudice des autres obligations internationales de l'État partie en


matière de privation de liberté, tout État partie, dans sa législation :
[…]
Garantit à toute personne privée de liberté et, en cas de soupçon de dis-
parition forcée, la personne privée de liberté se trouvant dans l'incapacité
de l'exercer elle-même, à toute personne ayant un intérêt légitime, par
exemple les proches de la personne privée de liberté, leurs représentants
ou leurs avocats, en toutes circonstances, le droit d'introduire un recours
devant un tribunal afin que celui-ci statue à bref délai sur la légalité de la
privation de liberté et ordonne la libération si cette privation de liberté

Traitement
est illégale. »
CIPPDF, Art. 17(2f) 3
« 1. La personne détenue ou son conseil aura le droit d'introduire à tout
moment un recours, conformément au droit interne, devant une autorité
judiciaire ou autre afin de contester la légalité de la mesure de détention
et d'obtenir sa mise en liberté sans délai, si cette mesure est irrégulière.

Procédures juridiques
2. La procédure mentionnée au paragraphe 1 du présent principe doit
être simple et rapide et elle doit être gratuite pour les personnes déte-
nues impécunieuses. L'autorité responsable de la détention doit présen-
ter sans retard déraisonnable la personne détenue devant l'autorité saisie
du recours. »
BPP, Principe 32

Arrestation ou détention du chef d'infractions pénales : droit d’être


traduit sans délai devant un.e juge ou une autorité judiciaire
« Tout individu arrêté ou détenu du chef d'une infraction pénale sera tra-
duit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habili-
tée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et devra être jugé dans un
délai raisonnable ou libéré. La détention de personnes qui attendent de
passer en jugement ne doit pas être de règle, mais la mise en liberté peut
être subordonnée à des garanties assurant la comparution de l'intéressé
à l'audience, à tous les autres actes de la procédure et, le cas échéant,
pour l'exécution du jugement. »
PIDCP, Art. 9(3)

165
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

« Toute personne détenue du chef d'une infraction pénale est, après


son arrestation, traduite dans les meilleurs délais devant une autorité
judiciaire ou autre, prévue par la loi. Cette autorité statue sans retard sur
la légalité et la nécessité de la détention. Nul ne peut être maintenu en
détention en attendant l'ouverture de l'instruction ou du procès si ce
n'est sur l'ordre écrit de ladite autorité. Toute personne détenue, lors-
qu'elle est traduite devant cette autorité, a le droit de faire une déclara-
tion concernant la façon dont elle a été traitée alors qu'elle était en état
d'arrestation. »
BPP, Principe 37
Traitement

« Évidemment, le juge doit prendre les mesures appropriées s'il y a des


3 indications de mauvais traitements par la police. A cet égard, à chaque
fois que des personnes soupçonnées d'une infraction pénale comparais-
sant devant un juge à l'issue de la détention par la police, allèguent avoir
été maltraitées, le juge doit consigner les allégations par écrit, ordonner
immédiatement un examen médico-légal et prendre les mesures néces-
Procédures juridiques

saires pour que les allégations soient dûment vérifiées. Il convient de suivre
cette approche que la personne concernée porte ou non des blessures
externes visibles. De plus, même en l'absence d'une allégation explicite
de mauvais traitements, il appartient au juge de demander un examen
médico-légal dès lors qu'il y a d'autres raisons de croire qu'une personne
comparaissant devant lui a pu être victime de mauvais traitements. »
Normes CPT, p.14, §45

ÖÖVoir aussi
• PIDCP, Art. 9(4)
• Comité des droits de l’homme, Observation générale N°29 sur
l’article 4 du PIDCP, §15-16
• Conseil des droits de l’homme, Résolution 13/19, Doc. ONU A/
HRC/RES/13/19, §5
• Rapport du RST, Doc. ONU E/CN.4/2004/56, §39
• Rapport du RST, Doc. ONU A/59/324, §22
• Convention interaméricaine sur les disparitions forcées, Art. XI(1)
• PBPA, Principe V
• Étude conjointe sur les pratiques mondiales concernant le recours
à la détention secrète dans le cadre de la lutte contre le terrorisme,
Doc. ONU A/HRC/13/42, §292(B)

166
Chapitre III - Normes internationales

Commentaire
Les situations que les équipes de monitoring rencontrent le plus fréquem-
ment durant leurs visites dans des postes de police sont celles de personnes
ayant été arrêtées ou détenues du chef d’une inculpation pénale. Ils peuvent
par ailleurs être amenés à rencontrer des personnes détenues pour d’autres
raisons. Cette section fournit des informations concernant deux formes
de supervision judiciaire de la détention qui sont distinctes, tout en étant
interconnectées.

Arrestation ou détention du chef d’une infraction pénale : droit d’être

Traitement
traduit sans délai devant un juge ou une autorité judiciaire
Tout individu « arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale » doit être
traduit « dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée
3
par la loi à exercer des fonctions judiciaires ».37
La signification du terme « dans le plus court délai » a été explicitée par les
juridictions et les organes de traité comme n’excédant pas plus de quelques

Procédures juridiques
jours.38 Les visiteurs consulteront leur code de procédure pénale national
car la plupart des États disposent de lois précisant le délai pendant lequel
une personne peut être détenue avant d’être traduite devant un·e juge ou
une autorité judiciaire : cette durée peut-être plus courte que celle actuelle-
ment retenue par le droit international.
L’obligation de traduire rapidement et en personne devant un·e juge les
personnes arrêtées du chef d’infractions pénales est une garantie impor-
tante contre la torture et les mauvais traitements dans les postes de police.
Le Rapporteur spécial sur la torture a précisé que l’autorité judiciaire doit
non seulement se prononcer sur la légalité de la détention d’un individu,
mais elle peut également « veiller à ce que la personne détenue jouisse de tous
ses droits, notamment celui de ne pas être soumise à la torture ou à d’autres
formes de mauvais traitements ».39 Le ou la juge ou l’autorité judiciaire doivent

37 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), article 9(3). Disponible à
l’adresse suivante : http://www2.ohchr.org/french/law/ccpr.htm. Dans les États qui ont
adopté la Convention américaine relative aux droits de l’homme (CADH), cette protection
s’applique à toutes les formes de détention, et non pas seulement à la détention du chef
d’une infraction pénale (voir l’art. 7(5) de cet instrument).
38 Voir, par exemple, Louise Doswald-Beck, Human Rights in Times of Conflict and Terrorism,
Oxford University Press, Oxford, 2011, p.287.
39 Rapport du Rapporteur spécial sur la torture, Doc. ONU E/CN.4/2004/56, 23 décembre
2003, §39. Disponible à l’adresse suivante : http://ap.ohchr.org/documents/alldocs.
aspx?doc_id=9120

167
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

ordonner une enquête et un examen médico-légal en cas d’allégation de


torture ou s’il existe une quelconque raison de croire que des actes de tor-
ture ou autres mauvais traitement ont été commis (y compris en l’absence
d’allégation de mauvais traitements).

Tous types de détention : habeas corpus


Le droit international relatif aux droits humains prévoit que toute personne
privée de liberté pour quelque motif que ce soit (par exemple, détention
administrative ou détention pour infraction de la législation sur l’immigra-
tion) a le droit de contester les raisons de sa détention. Chaque détenu·e :
Traitement

« a le droit d’introduire un recours devant un tribunal afin que


3 celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne
sa libération si la détention est illégale. »40

Ce droit est souvent appelé droit d’habeas corpus.


La personne détenue doit être présente devant la juridiction durant cette
procédure.41
Procédures juridiques

Le droit d’habeas corpus a été défini comme un droit intangible et il ne


saurait être suspendu même dans des cas d’urgence tels que des attaques
terroristes ou des conflits armés.42

Points de repère
• La personne détenue a-t-elle eu la possibilité de contester les
motifs de sa détention ?
• Si la personne est détenue du chef d’une infraction pénale, a-t-
elle été informée de son droit à être traduite devant un·e juge ou
une autre autorité compétente ?

40 PIDCP, Art. 9(4).


41 Nigel Rodley et Matt Pollard, The Treatment of Prisoners under International Law, Oxford
University Press, Oxford, 2009, p.475.
42 Judicial Guarantees in States of Emergency, Inter-American Court of Human Rights, Advisory
Opinion OC-9/87, 6 octobre 1987. Disponible à l’adresse suivante : http://www1.umn.edu/
humanrts/iachr/b_11_4i.htm; Nigel Rodley and Matt Pollard, The Treatment of Prisoners
under International Law, Oxford University Press, Oxford, 2009, pp.481-91. Dans la Charte
arabe des droits de l’homme (Art.4(2)), le droit à l’habeas corpus figure explicitement parmi
les droits intangibles, voir Charte arabe des droits de l’homme, adoptée le 15 septembre
1994 (révisée en 2004), entrée en force le 24 janvier 2008. Disponible à l’adresse suivante :
http://www.unifr.ch/iiedh/assets/files/DC-doc-externe/dc-chartearabe-fr.pdf

168
Chapitre III - Normes internationales

• La personne détenue a-t-elle été traduite devant un·e juge en


personne (et non pas, par exemple, par vidéo conférence) ? Si tel
n’est pas le cas, quelles sont les raisons qui ont été invoquées ?
• Si la personne détenue a été traduite devant un·e juge, combien
de temps après le début de la détention cela s’est-il fait ?
• La personne a-t-elle eu la possibilité de signaler tout mauvais
traitement ou de déposer plainte ?
• La personne détenue a-t-elle eu la possibilité de faire une
déclaration ?

Traitement
• Le cas échéant, un·e interprète a-t-il ou elle été mis·e à la
disposition des personnes étrangères ou issues de minorités
nationales ?
3

3.3. Procédure de contrôle


des modalités de libération

Procédures juridiques
Normes pertinentes
« Tout État partie prend les mesures nécessaires pour que la remise en
liberté d'une personne se déroule selon des modalités qui permettent de
vérifier avec certitude qu'elle a été effectivement libérée. Tout État partie
prend également les mesures nécessaires pour assurer l'intégrité physique
et le plein exercice de ses droits à toute personne au moment de sa remise
en liberté, sans préjudice des obligations auxquelles elle peut être assujettie
en vertu de la loi nationale. »
CIPPDF, Art.21

« Toute personne privée de liberté doit être libérée dans des conditions
qui permettent de vérifier avec certitude qu'elle a été effectivement
relâchée et, en outre, qu'elle l'a été de telle manière que son intégrité
physique et sa faculté d'exercer pleinement ses droits sont assurées. »
Déclaration sur la protection de toutes les personnes
contre les disparitions forcées, Art. 11

Commentaire
Il est important que la police dispose de procédures régulant le proces-
sus de libération. Il doit notamment exister une procédure permettant de
confirmer que la personne a effectivement été libérée. C’est une protection
169
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

importante contre les disparitions forcées. De plus, les personnes doivent


être libérées dans des conditions assurant leur intégrité physique. Par
exemple, les détenu·e·s ne doivent pas être libéré·e·s tard dans la nuit dans
une zone dangereuse ou livré·e·s à eux-mêmes ou elles-mêmes dans une
zone reculée sans aucun moyen de rentrer chez eux ou chez elles.

Points de repère
• Le poste de police tient-il des registres des personnes transférées
ou libérées ?
Traitement

• Quelles sont les procédures mises en œuvre lorsqu’une personne


détenue par la police est remise en liberté ?
3 • Existe-il une procédure pour les détenu·e·s en situation de
vulnérabilité visant à s’assurer qu’ils ou elles sont remis·e·s en
liberté en toute sécurité ?
Procédures juridiques

170
Chapitre III - Normes internationales

4. Garanties procédurales

4.1. Enregistrement audio-vidéo


Normes pertinentes
« À mesure que de nouvelles méthodes de prévention (par exemple,
l’enregistrement vidéo de tous les interrogatoires […]) sont découvertes,
mises en œuvre et jugées efficaces, l’article 2 permet de s’appuyer sur les
autres articles et d’élargir le champ des mesures requises pour prévenir
la torture ».
Observation générale N°2 du CAT sur l’article 2 de l’UNCAT, §14

« L'enregistrement électronique (c'est-à-dire audio et/ou vidéo) des audi-


tions par la police représente, pour les personnes détenues, une impor-
tante garantie supplémentaire contre les mauvais traitements. Le CPT
note avec satisfaction que l'introduction de tels systèmes est envisagé
dans un nombre de plus en plus important de pays. De tels systèmes
peuvent fournir un compte-rendu complet et authentique du processus
d’interrogatoire et, par là, grandement faciliter les enquêtes en cas d'allé-
4
gations de mauvais traitements. Ceci est tant dans l'intérêt des personnes
ayant été maltraitées par la police que dans celui des policiers confrontés

Garanties procédurales
à des allégations non fondées de mauvais traitements physiques ou de
pression psychologique. L'enregistrement électronique des auditions par
la police réduit aussi la possibilité, pour des personnes mises en cause de
nier de façon mensongère qu'elles avaient fait certaines déclarations. »
Normes CPT, p.9, §36

ÖÖVoir aussi
• Rapport du RST, Doc. ONU E/CN.4/2003/68, §26(g)
• Rapport du RST, Doc. ONU A/56/156, §34

Commentaire
L’enregistrement vidéo peut représenter une protection importante à la fois
pour les détenu·e·s et pour la police, à condition que son usage soit régulé
par des procédures claires. Les visiteurs garderont à l’esprit que leur utilisa-
tion peut donner lieu à certains abus, en particulier eu égard à l’intimité des
détenu·e·s et au respect de leur dignité. En général, l’enregistrement vidéo
est utilisé à deux fins distinctes :

171
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

• pour assurer le monitoring général de ce qui se passe dans les postes


de police ;
• pour enregistrer les interrogatoires de police.

Monitoring des postes de police


Dans la mesure où l’utilisation de systèmes CCTV (système de télévision en
circuit fermé) dans les lieux de privation de liberté est relativement récente,
les normes actuelles régissant leur utilisation sont peu nombreuses. Pour
autant, le recours à de tels systèmes d’enregistrement est en augmentation.
Les membres de l’équipe examineront la manière dont ces systèmes sont
utilisés dans les postes de police. Dans certains pays, les postes de police ont
installé des systèmes de surveillance CCTV pour enregistrer tout ce qui se
passe dans l’aire de réception, les cellules, les couloirs et autres lieux.
Lorsqu’ils examinent l’utilisation des systèmes de surveillance CCTV, les visi-
teurs tiendront compte des droits à l’intimité des détenu·e·s. Les membres
de l’équipe détermineront si certaines zones comme les douches et les toi-
lettes sont couvertes par les caméras. Le cas échéant, ils pourront formuler
4 des recommandations à ce propos. Les visiteurs seront aussi être attentifs au
fait que les zones non couvertes par l’équipement de surveillance peuvent
présenter des risques particuliers.
Garanties procédurales

Les visiteurs identifieront la personne qui est chargée du stockage des


enregistrements et déterminer s’il existe un registre mentionnant les dates
et heures des enregistrements ; ce registre doit aussi préciser l’identité des
personnes présentes. Il est également important de déterminer le sexe
du personnel autorisé à surveiller les caméras CCTV dans les zones où des
femmes sont détenues.

Enregistrement des interrogatoires


Si les visiteurs ont la capacité légale de le faire, ils peuvent décider d’exa-
miner les enregistrements, en particulier en cas d’allégations de mauvais
traitements. Si les interrogatoires sont enregistrés, la (les) caméra(s) doivent
enregistrer les images de toutes les personnes présentes dans la pièce et
non pas seulement de la personne interrogée.

172
Chapitre III - Normes internationales

Points de repère
• Si un système CCTV est utilisé dans le poste de police, où se
trouvent exactement les caméras ?
• Quelles zones ne sont pas couvertes par le système CCTV ?
• Qui est autorisé à visionner les bandes ? Quelle est la politique en
ce qui concerne les questions de genre et de respect de l’intimité ?
Comment cette politique est-elle appliquée en pratique ?
• Les interrogatoires sont-ils enregistrés ? Si c’est le cas, les visiteurs
ont-ils accès à ces enregistrements ?
• Qui est chargé de la conservation des bandes ?
• Y a-t-il un registre précisant les dates et heures où les
enregistrements ont été faits ? Indique-t-il également l’identité
des personnes figurant dans l’enregistrement ?
• La durée des enregistrements correspond-elle à celle qui est
indiquée dans le registre ? Les enregistrements se déroulent-ils
en temps réel continu ou y a-t-il des interruptions qui ne sont pas 4
signalées ?

Garanties procédurales
4.2. Registres de détention
Normes pertinentes
« 3. Tout État partie s'assure de l'établissement et de la tenue à jour d'un
ou de plusieurs registres officiels et/ou dossiers officiels des personnes
privées de liberté, qui sont, sur demande, rapidement mis à la disposition
de toute autorité judiciaire ou de toute autre autorité ou institution com-
pétente habilitée par la législation de l'État partie concerné ou par tout
instrument juridique international pertinent auquel l'État concerné est
partie. Parmi les informations figurent au moins :
a) L'identité de la personne privée de liberté ;
b) La date, l'heure et l'endroit où la personne a été privée de liberté et
l'autorité qui a procédé à la privation de liberté ;
c) L'autorité ayant décidé la privation de liberté et les motifs de la priva-
tion de liberté ;
d) L'autorité contrôlant la privation de liberté ;

173
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

e) Le lieu de privation de liberté, la date et l'heure de l'admission dans


le lieu de privation de liberté et l'autorité responsable du lieu de pri-
vation de liberté ;
f) Les éléments relatifs à l'état de santé de la personne privée de liberté ;
g) En cas de décès pendant la privation de liberté, les circonstances et les
causes du décès et la destination des restes de la personne décédée ;
h) La date et l'heure de la libération ou du transfert vers un autre lieu de
détention, la destination et l'autorité chargée du transfert. »
CIPPDF, Art. 17(3)

« 1. Seront dûment consignés :


a) Les motifs de l'arrestation ;
b) L'heure de l'arrestation, l'heure à laquelle la personne arrêtée a été
conduite dans un lieu de détention et celle de sa première comparu-
tion devant une autorité judiciaire ou autre ;
c) L'identité des responsables de l'application des lois concernés ;
4 d) Des indications précises quant au lieu de détention.
2. Ces renseignements seront communiqués à la personne détenue ou, le
cas échéant, à son conseil, dans les formes prescrites par la loi. »
Garanties procédurales

BPP, Principe 12

« Le fait qu'une personne détenue ou emprisonnée a subi un examen


médical, le nom du médecin et les résultats de l'examen seront dûment
consignés. L'accès à ces renseignements sera assuré, et ce conformément
aux règles pertinentes du droit interne. »
BPP, Principe 26

ÖÖVoir aussi
• ERM, §7
• BPP, Principe 23(1)
• BR, Règle 3
• Déclaration des Nations unies sur la protection de toutes les
personnes contre les disparitions forcées, Art. 10(2-3)
• CAT, Observation générale N°2 sur l’article 2 de l’UNCAT, §13
• Comité des droits de l’homme, Observation générale N°20 sur
l’Art. 7 du PIDCP, §11

174
Chapitre III - Normes internationales

• Conseil des droits de l’homme, Résolution 10/10, A/HRC/RES/10/10,


§4
• Rapport du RST, Doc. ONU E/CN.4/2003/68, §26(g)
• Rapport du Groupe de travail sur les détentions arbitraires, Doc.
ONU A/HRC/7/4, §84
• PPBA, Principe IX (2)
• RIG, Part II, §30
• Normes CPT, p.7, §40

Commentaire
Les équipes de monitoring devraient systématiquement demander à avoir
accès au registre de détention car c’est une partie intégrante de toute visite.
L’examen des registres est, au même titre que les entretiens individuels
avec les détenu·e·s et le personnel, l’inspection des lieux et les observa-
tions directes des visiteurs, essentiel pour la triangulation des données qui
permettra aux membres de l’équipe d’avoir une pleine compréhension du 4
poste de police visité.
Les registres présentant un intérêt particulier pour les équipes de visiteurs
comprennent notamment ceux qui consignent :

Garanties procédurales
• l’usage de la force et des armes à feu ;
• les mesures disciplinaires ;
• les incidents ;
• les interrogatoires ; et,
• les déplacements des personnes à l’intérieur et à l’extérieur du poste
de police.
Il est important que les mécanismes de visite se familiarisent avec les
registres et leurs dénominations officielles. Ils devraient également être
capables de déterminer si ces documents n’ont pas été remplis de manière
adéquate.
Si aucun registre n’est disponible, ou si les registres existants ne sont pas
tenus de manière adéquate, les organes de monitoring devraient, de
manière générale, faire des suggestions et des recommandations aux auto-
rités sur l’importance de tenir des registres de détention de manière rigou-
reuse et sur les obligations nationales et internationales incombant à la
police en matière de tenue des registres. En principe, chaque service/ force
175
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

de police nationale doit élaborer un système d’enregistrement normalisé et


uniforme afin de consigner de manière exhaustive toutes les informations
clé concernant la privation de liberté d’une personne. Les personnels de
police doivent être formés à l’utilisation appropriée et systématique de ces
systèmes d’enregistrement. Ce registre unifié doit au minimum comporter
toutes les informations énumérées ci-dessus.43
Dans certains contextes, l’un des objectifs explicites du programme de
visites peut être de protéger les personnes contre les disparitions forcées.
Dans de tels cas, le suivi de l’information figurant dans les registres est cru-
cial. Les visites de suivi doivent s’attacher à vérifier les informations relatives
à la libération et/ou au transfert vers d’autres lieux de détention. Cette véri-
fication peut avoir lieu durant une visite dans d’autres lieux de détention, en
s’entretenant avec les proches des détenu·e·s ou avec les détenu·e·s qui ont
déjà été libéré·e·s.

Points de repère
4 • Quels sont les registres disponibles dans le poste de police ?
• Y a-t-il des registres relatifs à l’usage de la force et des armes à
feu ? Y a-t-il des registres consignant les mesures disciplinaires ?
• Existe-t-il des registres consignant les incidents éventuels ? Tous
Garanties procédurales

les incidents importants sont-ils consignés ?


• Existe-t-il des registres recensant les mouvements de personnes
au sein et à l’extérieur du poste de police ? Les entrées et les
sorties sont-elles rigoureusement consignées dans des registres ?
• Qui est responsable des registres ? Qui a accès à ces registres ?
• Comment l’information consignée dans ces registres est-elle
utilisée ?
• Si la personne détenue en fait la demande, les registres lui sont-
ils communiqués à elle ou à son avocat·e ?

43 Les normes du CPT, CoE Doc. CPT/Inf/E (2002) 1, 2002 (révisé en 2011), op. cit., p.7, §40.

176
Chapitre III - Normes internationales

4.3. Mécanismes de plaintes


Normes pertinentes
« Tout État partie assure à toute personne qui prétend avoir été soumise
à la torture sur tout territoire sous sa juridiction le droit de porter plainte
devant les autorités compétentes dudit État qui procéderont immédia-
tement et impartialement à l'examen de sa cause. Des mesures seront
prises pour assurer la protection du plaignant et des témoins contre tout
mauvais traitement ou toute intimidation en raison de la plainte déposée
ou de toute déposition faite. »
UNCAT, Art. 13

« (1) Toute personne détenue ou emprisonnée, ou son conseil, a le droit


de présenter une requête ou une plainte au sujet de la façon dont elle
est traitée, en particulier dans le cas de tortures ou d'autres traitements
cruels, inhumains ou dégradants, aux autorités chargées de l'administra-
tion du lieu de détention et aux autorités supérieures, et, si nécessaire,
aux autorités de contrôle ou de recours compétentes. […] 4
(3) Le caractère confidentiel de la requête ou de la plainte est maintenu si
le demandeur le requiert.
(4) Toute requête ou plainte doit être examinée sans retard et une réponse

Garanties procédurales
doit être donnée sans retard injustifié. En cas de rejet de la requête ou de
la plainte ou en cas de retard excessif, le demandeur est autorisé à saisir
une autorité judiciaire ou autre. Ni la personne détenue ou emprisonnée
ni aucun demandeur aux termes du paragraphe 1 du présent principe ne
doit subir de préjudice pour avoir présenté une requête ou une plainte. »
BPP, Principe 33

« Les responsables de l'application des lois qui ont des raisons de penser
qu'une violation du présent Code s'est produite ou est sur le point de
se produire signalent le cas à leurs supérieurs et, au besoin, à d'autres
autorités ou instances de contrôle ou de recours compétentes. »
CCLEO, Art. 8

177
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

ÖÖVoir aussi
• BR, Règle 25(1)
• Rapport du RST, Doc. ONU A/HRC/13/39/Add.5, §110-112
• Avis du Commissaire aux droits de l'homme sur le règlement
indépendant et efficace des plaintes contre la police, CoE Doc.
Comm DH (2009)4
• « Combattre l’impunité » in CoE Doc. CPT/Inf (2004)28, §25-42

Commentaire
Les mécanismes de plaintes sont des composantes essentielles de toute
police professionnelle et responsable. Les visiteurs examineront donc la
disponibilité et l’efficacité de ces mécanismes. Les plaintes peuvent concer-
ner divers types de problèmes relatifs au comportement de la police, allant
d’allégations de violations de droits humains aux plaintes concernant le
caractère inadéquat du travail effectué par la police.
4 Il existe des mécanismes à différents niveaux. Le premier consiste générale-
ment en un mécanisme interne de plaintes par le biais duquel des plaintes
peuvent être déposées auprès de la direction du poste/ département de
police et font l’objet d’une enquête interne par une unité de police. Cepen-
Garanties procédurales

dant, le travail de ce mécanisme peut présenter des faiblesses en raison du


manque d’indépendance de la police et de son fort « esprit de corps ».
Il est également possible de déposer officiellement une plainte pénale ; c’est
cependant la police qui peut être chargée de mener l’enquête consécutive à
cette plainte. Il est donc important qu’une unité spéciale au sein de la police
soit chargée d’enquêter sur ces plaintes. Dans l’idéal, il devrait y avoir un
organe chargé de l’examen des plaintes au sein de la police qui soit totale-
ment indépendant.
Les systèmes de plaintes doivent être visibles et facilement accessibles : des
informations sur les mécanismes de plainte doivent être disponibles et affi-
chées dans les postes de police. Il doit être possible de déposer plainte non
seulement en personne mais également par téléphone ou par écrit.
Par ailleurs, il peut y avoir un système de renvoi systématique et automa-
tique des cas de décès ou de blessures graves survenus en détention par la
police vers des mécanismes appropriés pour qu’une enquête soit immédia-
tement ouverte.

178
Chapitre III - Normes internationales

Quel que soit le système en place, les enquêtes consécutives à des plaintes
déposées à l’encontre de la police doivent remplir les critères suivants44:
• Indépendance : Il ne doit y avoir aucune relation institutionnelle ou
hiérarchique entre ces mécanismes et la police qu’ils sont chargés de
superviser.
• Rigueur : Les mécanismes doivent avoir la capacité d’examiner tous
les faits et de prendre toutes les mesures nécessaires pour réunir des
éléments de preuve.
• Rapidité : Les enquêtes doivent être effectuées sans délai et de
manière efficace.
• Contrôle par le public : Les procédures et processus de décision
doivent être ouverts et transparents.
• Implication de la victime : La (ou les) victime(s) doivent être
impliquées dans le processus.
Les équipes de monitoring viseront également à déterminer si le dépôt de

4
la plainte a conduit à une forme quelconque de sanction.
À la fin de l’enquête - que celle-ci soit de nature pénale ou disciplinaire – le
ou la plaignant·e doit être informé·e par écrit de la résolution de la plainte. Il
ou elle doit pouvoir faire appel.

Garanties procédurales
Points de repère
• Quelles sont les modalités permettant aux personnes privées de
liberté de porter plainte ?
• Est-ce que les détenu·e·s ont accès à ces procédures de plaintes
(y compris les personnes étrangères ou les illettrées ou encore
celles qui souffrent de handicaps intellectuels, psychosociaux ou
sensoriels) ?
• La confidentialité est-elle respectée ?
• La procédure est-elle transparente ?
• Le système est-il suffisamment flexible pour répondre aux
besoins des détenu·e·s ?
• Est-il possible pour un tiers de déposer plainte au nom d’un·e
détenu·e ?

44 Ces critères ont été élaborés principalement par la Cour européenne des droits de
l’homme, le CPT et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

179
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

• Les plaignant·e·s reçoivent-ils ou elles une réponse rapide traitant


de leur plainte sur le fond ?
• Des statistiques sur les réponses apportées aux plaintes sont-
elles consignées, analysées et prises en compte ?
• Combien de plaintes ont été déposées au cours des derniers
trois/six/douze mois ? Quelle est la proportion de ces plaintes par
rapport à l’effectif moyen des détenu·e·s dans le poste de police ?
• Quels sont les types de plaintes en cours ?
• Quelle est l’issue la plus fréquente ? Quelle est l’issue la plus
fréquente en cas d’appels ?
• Quel pourcentage de plaintes s’est conclu en faveur du ou de la
plaignant·e ?
• Y a-t-il des règlements à l’intention des agent·e·s de police en
matière de gestion des plaintes ?
• Y a-t-il eu des allégations de représailles ou de sanctions pour
4 avoir porté plainte ?

4.4. Inspection et monitoring


Garanties procédurales

Normes pertinentes
« (1). Chaque État Partie autorise les mécanismes visés aux art. 2 et 3 à
effectuer des visites, conformément au présent Protocole, dans tout lieu
placé sous sa juridiction ou sous son contrôle où se trouvent ou pour-
raient se trouver des personnes privées de liberté sur l’ordre d’une auto-
rité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou
tacite (ci-après dénommé lieu de détention). Ces visites sont effectuées
afin de renforcer, s’il y a lieu, la protection desdites personnes contre la
torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. »
OPCAT, Art. 4

« (2) Sans préjudice des autres obligations internationales de l'État partie


en matière de privation de liberté, tout État partie, dans sa législation :
[…]
e) Garantit l'accès aux lieux de privation de liberté de toute autorité et
institution compétentes habilitées par la loi, si nécessaire avec l'autorisa-
tion préalable d'une autorité judiciaire. »
CIPPDF, Art.17(2e)

180
Chapitre III - Normes internationales

« (1) Afin d'assurer le strict respect des lois et règlements pertinents, les
lieux de détention doivent être inspectés régulièrement par des per-
sonnes qualifiées et expérimentées, nommées par une autorité compé-
tente distincte de l'autorité directement chargée de l'administration du
lieu de détention ou d'emprisonnement et responsables devant elle.
2. Toute personne détenue ou emprisonnée a le droit de communiquer
librement et en toute confidence avec les personnes qui inspectent les
lieux de détention ou d'emprisonnement conformément au paragraphe 1
du présent principe, sous réserve des conditions raisonnablement néces-
saires pour assurer la sécurité et le maintien de l'ordre dans lesdits lieux. »
BPP, Principe 29

Femmes
« Les services d’inspection, les missions de visite ou de contrôle ou
les organes de supervision chargés de suivre les conditions de détention
et le traitement des détenues doivent comprendre des femmes. »
BR, Règle 25(3)

Personnes handicapées
4
« La société civile – en particulier les personnes handicapées et les orga-
nisations qui les représentent – est associée et participe pleinement à la

Garanties procédurales
fonction de suivi. »
CDPH, Art. 33(3)

ÖÖVoir aussi
• ERM, §55
• CDPH, Art. 16(3)
• Observation générale N°2 du CAT sur l’article 2 de l’UNCAT, §13
• Rapport du RST, Doc. ONU E/CN.4/2003/68, §26(f)
• Étude conjointe sur les pratiques mondiales concernant le recours
à la détention secrète dans le cadre de la lutte contre le terrorisme,
Doc. ONU A/HRC/13/42, §292(a)
• Normes CPT, p.14, §50

Commentaire
Pour garantir les droits des personnes privées de liberté, il est nécessaire
de mettre en place tout un éventail de systèmes d’inspection complémen-
taires internes et externes. Les détenu·e·s doivent avoir la possibilité de

181
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

communiquer librement et confidentiellement avec ces mécanismes d’ins-


pection. Les visiteurs, en tant que membres du mécanisme de monitoring,
représentent l’un de ces systèmes et leurs inspections constituent l’un des
moyens les plus efficaces de prévenir la torture. Afin d’être aussi efficaces
que possible, les visites effectuées par les membres de l’équipe seront à la
fois régulières et inopinées. En outre, les équipes de visites pourront s’entre-
tenir individuellement avec les personnes détenues.45
Les mécanismes de visite s’efforceront de recruter des personnes ayant des
profils aussi divers que possible, en tenant compte de l’importance d’assurer
un équilibre entre les sexes et de disposer de divers types d’expertise et
expériences professionnelles.
Les mécanismes surveilleront dans quelle mesure les autorités des lieux de
détention tiennent compte de leurs observations et recommandations.

Points de repère

4 • Existe-t-il des mécanismes internes d’inspection ? (NB : Dans


certains pays, il peut n’y avoir qu’un seul organe de ce type, voire
pas du tout).
• Quels sont le mandat et la composition de ce(s) mécanisme(s)
Garanties procédurales

(par exemple, en ce qui concerne l’équilibre entre les sexes et la


formation professionnelle des membres) ?
• À quelle fréquence les inspections ont-elles lieu ? Sont-elles
inopinées ?
• Est-ce que les détenu·e·s peuvent avoir un accès confidentiel à
ces mécanismes ?
• Ces mécanismes peuvent-ils recevoir et examiner des plaintes ?
• Qui a accès aux rapports des mécanismes d’inspection ? Les
rapports sont-ils rendus publics ?
• Quels ont été les résultats des inspections effectuées à ce jour ?

45 Les normes du CPT, CoE Doc. CPT/Inf/E (2002) 1, 2002 (révisé en 2011), op. cit., p.16, §50.

182
Chapitre III - Normes internationales

5. Conditions matérielles

Normes pertinentes
« 84. (1) Tout individu arrêté ou incarcéré en raison d'une infraction à la loi
pénale et qui se trouve détenu soit dans des locaux de police soit dans
une maison d'arrêt, mais n'a pas encore été jugé, est qualifié de "prévenu"
dans les dispositions qui suivent. […]
86. Les prévenus doivent être logés dans des chambres individuelles,
sous réserve d'usages locaux différents eu égard au climat. […]
90. Tout prévenu doit être autorisé à se procurer, à ses frais ou aux frais
de tiers, des livres, des journaux, le matériel nécessaire pour écrire, ainsi
que d'autres moyens d'occupation, dans les limites compatibles avec l'in-
térêt de l'administration de la justice et avec la sécurité et le bon ordre de
l'établissement. »
ERM, §84(1), 86, 90

« La police doit garantir la sécurité des personnes placées en garde à vue,


veiller à leur état de santé et leur assurer des conditions d’hygiène satisfai-
santes et une alimentation adéquate. Les cellules de police prévues à cet
effet doivent être d’une taille raisonnable, disposer d’un éclairage et d’une
ventilation appropriés, et être équipées de manière à permettre le repos. »
CEEP, §56
5
« Toutes les cellules de police doivent être propres et d'une taille raisonnable
eu égard au nombre de personnes que l'on peut y placer et, elles doivent
bénéficier d'un éclairage adéquat (c'est-à-dire suffisant pour lire en dehors
des périodes de repos) ; de préférence, les cellules devraient bénéficier de

Conditions matérielles
lumière naturelle. De plus, les cellules doivent être aménagées de façon
à permettre le repos (par exemple un siège ou une banquette fixe), et les
personnes contraintes de passer la nuit en détention doivent disposer d'un
matelas et de couverture propres. Les personnes détenues par la police
doivent avoir accès à des toilettes correctes dans des conditions décentes et
disposer de possibilités adéquates pour se laver. Elles doivent avoir accès à
tout moment à de l'eau potable et recevoir de quoi manger à des moments
appropriés, y compris un repas complet au moins chaque jour (c'est-à-dire
quelque chose de plus substantiel qu'un sandwich). Les personnes déte-
nues par la police pendant 24 heures ou plus devraient, dans la mesure du
possible, se voir proposer un exercice quotidien en plein air. »
12e Rapport général du CPT, §47

183
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Femmes
« Les locaux hébergeant les détenues doivent comporter les installations
et les fournitures nécessaires pour répondre aux besoins spécifiques des
femmes en matière d’hygiène, notamment des serviettes hygiéniques
fournies gratuitement, et doivent être régulièrement approvisionnés en
eau pour les soins personnels des femmes et de leurs enfants. »
BR, Règle 5

« Les femmes et les enfants privées de liberté reçoivent régulièrement les


articles indispensables aux besoins sanitaires propres à leur sexe. »
PBPA, Principe XI

ÖÖSVoir aussi
• ERM, §4, 9-14, 20
• CDPH, article 9
• PBPA, Principes XI, XII, XVII
• 2e Rapport général du CPT, §42-43

Commentaire
En principe, la détention par la police doit être de courte durée ; on peut
5 donc s’attendre à ce que les conditions matérielles dans les postes de police
soient plus rudimentaires que dans les prisons. Pour autant, les cellules
de police devraient disposer d’une source de lumière et d’une ventilation
naturelles et doivent être à une température appropriée selon le climat et
la saison. Si une personne doit passer une nuit en cellule, celle-ci doit être
Conditions matérielles

équipée d’un matelas et de couvertures. Les toilettes doivent être propres


et hygiéniques et l’accès aux toilettes ne doit être soumis à aucune attente.
Les détenu·e·s doivent avoir accès à de l’eau potable ainsi qu’à une nourri-
ture présentant une valeur nutritive adéquate.
Plus la cellule est petite, moins la personne doit y passer de temps. Le critère
suivant (entendu au sens d’un niveau souhaitable plutôt que d’une norme
minimale) est actuellement utilisé par le CPT dans l’appréciation des cellules
de police individuelles, pour un séjour dépassant quelques heures : les cel-
lules doivent avoir environ 7 m² avec 2 m ou plus entre les murs et 2,50 m
entre sol et plafond.46

46 2e Rapport général d’activités du CPT couvrant la période du 1er janvier au 31 décembre 1991,
CoE Doc. CPT/Inf (92) 3, 13 avril 1992. Disponible à l’adresse suivante : http://www.cpt.

184
Chapitre III - Normes internationales

Les visiteurs tiendront compte du fait que les postes de police sont parfois
utilisés pour des périodes de détention bien plus longues que celles considé-
rées comme acceptables par la loi. En effet, dans la plupart des cas, les locaux
de la police ne sont pas adaptés pour une détention longue ou moyenne.
Dans de telles situations, les conditions matérielles doivent être équivalentes
aux normes minimales relatives à la détention provisoire à long terme.
Les États parties à la Convention relative aux droits des personnes handica-
pées ont l’obligation, aux termes de l’article 9, de veiller à garantir l’accessi-
bilité des lieux publics aux personnes handicapées. Les visiteurs devraient
donc vérifier que des aménagements raisonnables sont prévus pour les
personnes handicapées ; par exemple, les membres de l’équipe peuvent
vérifier que certaines cellules et toilettes sont accessibles aux usagers de
fauteuils roulants.

Points de repère
Cellules
• Quelle est la taille des cellules ? Quelle est leur capacité officielle ?
Combien de personnes se trouvaient-elles dans chaque cellule
au moment de la visite ? Les registres et autres dossiers révèlent-
ils des variations significatives à cet égard ? Si c’est le cas, quel
était le nombre maximum de personnes détenues en même
temps dans une cellule ?
5
• Que se passe-t-il si le nombre de personnes détenues excède les
capacités autorisées ?
• La température dans les cellules est-elle adéquate par rapport

Conditions matérielles
à la saison et au climat ? Y a-t-il un système de chauffage/
ventilation ? Fonctionne-t-il correctement ?
• Les cellules disposent-elles de lumière naturelle et de ventilation ?
La lumière électrique fonctionne-t-elle ? Si tel est le cas, y a-t-il
suffisamment de lumière pour lire ? Est-ce que les détenu.e.s ont
la possibilité d’éteindre ou de réduire la lumière artificielle (le cas
échéant) ? Sinon, est-ce qu’ils ou elles peuvent demander que
cela soit fait pour leur permettre de dormir la nuit ? Si tel est le
cas, quel est le procédé pour ce faire et dans quelle mesure est-il
efficace ?

coe.int/fr/annuel/rap-02.htm

185
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

• Y a-t-il des lits, des matelas, des couvertures et des coussins ?


Sont-ils propres ? Quelles mesures sont prises pour laver et
nettoyer la cellule ?
• Y a-t-il une sonnette ou un avertisseur sonore dans chaque
cellule pouvant être utilisés pour demander l’aide d’un garde en
cas de (i) besoin d’aller aux toilettes (si la cellule n’en possède
pas) (ii) maladie, ou (iii) urgence ? Ce système fonctionne-t-il ?
Nourriture et eau
• À quelle fréquence la nourriture est-elle fournie ? Quel type de
nourriture est fourni à chaque étape de la détention (par exemple
les détenu.e.s reçoivent-ils ou elles des repas chauds au moins
une fois par jour) ? Les exigences diététiques spéciales (régime
végétarien, exigences religieuses, prescriptions médicales) sont-
elles satisfaites ?
• Qui paie pour la nourriture des détenu.e.s ? La police s’appuie-
t-elle sur les proches des détenu.e.s pour fournir ou payer la
nourriture ?
• La personne a-t-elle reçu de la nourriture ? A-t-elle reçu un repas
chaud ?
• La personne a-t-elle un accès direct à de l’eau potable ?
5 Douche et toilettes
• Quelles sont les conditions d’accès aux toilettes ?
• Les toilettes fonctionnent-elles et sont-elles hygiéniques ?
Si des latrines à seau sont utilisées, celles-ci sont-ils vidées
Conditions matérielles

régulièrement ?
• Quelles sont les conditions d’accès aux douches ? Les douches
fonctionnent-elles et sont-elles hygiéniques ?
• L’intimité des détenu.e.s est-elle respectée ?
• Des articles de toilettes sont-ils fournis aux détenu.e.s
(notamment serviettes et papier toilette) ou bien doivent-ils ou
elles se procurer/payer leur propre matériel ?
Exercice
• Y a-t-il une cour d’exercice ? Est-elle de taille suffisante pour
accommoder les usages qui en sont fait et le nombre de
détenu.e.s l’utilisant en même temps ?

186
Chapitre III - Normes internationales

• Quel est le droit des détenu.e.s en matière d’exercice physique ?


Est-ce que les détenu.e.s font de l’exercice seul.e.s ou avec d’autres
? Combien de temps les détenu.e.s sont-ils ou elles autorisé.e.s à
faire de l’exercice physique chaque jour ?
Groupes en situation de vulnérabilité
• Les femmes et les mineur.e.s sont-ils ou elles détenu.e.s dans des
cellules séparées de celles des hommes adultes ?
• Existe-t-il des aménagements spécifiques pour les femmes et
autres groupes se trouvant dans des situations de vulnérabilité ?
• Les femmes reçoivent-elles des kits d’hygiène ?
• Est-il tenu compte des risques encourus par les détenu.e.s
LGBTI lorsqu’ils ou elles partagent la même cellule que d’autres
détenu.e.s ?
• Est-ce que les détenu.e.s font l’objet d’un examen lors de leur
admission pour déterminer s’ils ou elles constituent un risque
pour les autres détenu.e.s ? Si cela est nécessaire, existe-t-il des
cellules séparées pour assurer la sécurité des détenu.e.s ?
• Des aménagements raisonnables ont-ils été faits pour répondre
aux besoins des personnes handicapées ?
Autres 5
• Est-ce que les détenu.e.s ont reçu du matériel de lecture ?
• Y a-t-il des aménagements raisonnables pour accommoder les
pratiques religieuses ?
• Les cellules de détention peuvent-elles être évacuées en toute
Conditions matérielles
sécurité en cas d’urgence ?
• Si les détenu.e.s sont autorisé.e.s à écrire des lettres, leur
fournit-on du matériel à cet effet ?
• Si les vêtements d’un.e détenu.e sont saisis pour les besoins d’une
enquête médico-légale, un vêtement de rechange est-il fourni ?
• Un vêtement de rechange est-il fourni aux détenu.e.s ?

187
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

6. Personnels de police

6.1. Code de conduite


Normes pertinentes
« (2) Les agents de la fonction publique doivent veiller à s'acquitter correc-
tement et efficacement de leurs obligations et fonctions, conformément
à la loi ou aux règles administratives, et ce en toute intégrité. Ils doivent
à tout moment s'assurer que les biens de l'État dont ils sont responsables
sont gérés de la façon la plus utile et la plus efficace.
(3) Les agents de la fonction publique doivent faire preuve de vigilance,
d'équité et d'impartialité dans l'accomplissement de leurs fonctions,
notamment dans leurs relations avec le public. Ils ne doivent à aucun
moment accorder un traitement préférentiel indu ou faire preuve de
discrimination à l'égard d'un groupe ou individu particulier ni user abusi-
vement du pouvoir et de l'autorité dont ils sont investis. »
Code international de conduite des agents de la fonction publique (ONU),
Principe I(2-3)

« 8. La population exige que l’intégrité des agents de police soit sans


reproche. Les agents de police devront, donc, se comporter de manière
digne et éviter toute conduite qui pourrait compromettre son intégrité et
porter ainsi atteinte à la confiance de la population aux Forces/Services
de police.
10. Les agents de police devront, à tout moment, accomplir les obligations
leur imposées par la loi, de manière consciente avec un degré élevé de res-
ponsabilité et d’intégrité, tel que requis dans le cadre de leur profession.
6 11. Les agents de police devront s’assurer qu’ils traitent toutes les per-
sonnes avec courtoisie et que leur conduite est exemplaire et conformes
aux exigences de la profession et de la population qu’ils servent. »
Code de conduite des agents de police (SARPCCO), Art. 8, 10, 11
Personnels de police

« 16. Les personnels de police doivent être, à tous les niveaux de la hié-
rarchie, personnellement responsables de leurs actes, de leurs omissions
ou des ordres donnés à leurs subordonnés.
17. L’organisation de la police doit comporter une chaîne de commande-
ment clairement définie. Il doit être possible dans tous les cas de déter-
miner le supérieur responsable en dernier ressort des actes ou omissions
d’un membre des personnels de police.

188
Chapitre III - Normes internationales

18. La police doit être organisée de manière à promouvoir de bons rap-


ports avec la population et, le cas échéant, une coopération effective
avec d’autres organismes, les communautés locales, des organisations
non gouvernementales et d’autres représentants de la population, y
compris des groupes minoritaires ethniques.
19. Les services de police doivent être prêts à fournir aux citoyens des
informations objectives sur leurs activités, sans pour autant dévoiler
des informations confidentielles. Des lignes directrices professionnelles
régissant les rapports avec les médias doivent être élaborées.
20. L’organisation des services de police doit comporter des mesures effi-
caces propres à garantir l’intégrité des personnels de police et leur com-
portement adéquat dans l’exécution de leur mission, en particulier le res-
pect des libertés et des droits fondamentaux de la personne consacrés,
notamment, par la Convention européenne des Droits de l’Homme. »
CEEP, 16-18, 20

ÖÖVoir aussi
• Code international de conduite des agents de la fonction publique
(ONU), Doc. ONU A/RES/34/169, Art.1
• CEEP §1, 12

Commentaire
Les normes éthiques sont la pierre angulaire d’une bonne gouvernance. Un
code national de conduite ou code d’éthique aide à informer et orienter la
conduite de la police. Ce code permet aussi de s’assurer que les membres de
la police se fondent sur un socle éthique commun dans l’exécution de leurs
fonctions. Le code d’éthique fournit un cadre favorisant un comportement
professionnel dans toutes les tâches de la police. Il renforce également le
6
sens de responsabilité individuelle de la part de chaque personne travaillant
pour la police. Cela peut être consolidé par une déclaration officielle faite
par chaque nouvelle recrue lors de sa nomination (par exemple sous forme
Personnels de police

d’une prestation de serment).


Les codes de conduite adoptés par les Nations unies et au niveau régional
fournissent un cadre solide pour tous les États souhaitant adopter un code
national d’éthique et/ou de conduite de la police. Les codes de conduite
peuvent constituer des documents autonomes ou être intégrés aux législa-
tions nationales relatives à la police.

189
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

Indépendamment de l’existence ou non d’un code national d’éthique, les


organes de monitoring accorderont une attention particulière au compor-
tement des personnels de police : la manière dont ceux-ci et celles-ci rem-
plissent leurs tâches joue un rôle essentiel dans le climat général régnant
dans les postes de police. Leur comportement à l’égard des détenu·e·s
dépend en grande partie des instructions formelles et informelles qu’ils
reçoivent. Les agent·e·s sont influencé·e·s par l’approche et le comporte-
ment de leur propre hiérarchie, par les déclarations faites par les politiciens
et les médias, ainsi que par l’attitude générale du public envers les déte-
nu·e·s. S’il existe un code de conduite, celui-ci pourra être utile pour orienter
le comportement des personnels de police, en particulier si ceux-ci ont le
sentiment que leur hiérarchie ne respecte pas les normes en matière de
droits humains. La manière dont les codes de conduite sont rédigés (par
exemple s’ils mettent l’accent sur la dignité humaine ou s’ils ont un style
plutôt militariste) peut aussi être un indicateur utile pour évaluer la culture
institutionnelle de la police.

Points de repère
• Existe-t-il un code national de conduite et/ou d’éthique pour la
police ? Si tel est le cas, les personnels de police sont-ils informés
de son existence ? L’utilisent-ils comme base pour orienter leurs
pratiques ?
• Quel est le contenu du code ? En quelle(s) langue(s) est-il rédigé ?
Sa terminologie reflète-t-elle les langues principales parlées par
la police dans le pays ?
• S’il n’existe pas de code d’éthique national, les personnels de
6 police sont-ils informés de l’existence des codes des Nations
unies et des codes régionaux de conduite ?
• Comment la chaîne de commandement est-elle organisée au
sein de la force/du service de police ?

Personnels de police

De quelle manière les activités de la police sont-elles évaluées à


l’aune du code de conduite ?

190
Chapitre III - Normes internationales

6.2. Recrutement
Normes pertinentes
« Les pouvoirs publics et les autorités de police doivent s'assurer que tous
les responsables de l'application des lois sont sélectionnés par des pro-
cédures appropriées, qu'ils présentent les qualités morales et les aptitu-
des psychologiques et physiques requises pour le bon exercice de leurs
fonctions. »
PBRF, §18

« 22. Les personnels de police, quel que soit leur niveau d’entrée dans la
profession, doivent être recrutés sur la base de leurs compétence et expé-
rience personnelles, qui doivent être adaptées aux objectifs de la police.
23. Les personnels de police doivent être en mesure de faire preuve de
discernement, d’ouverture d’esprit, de maturité, d’un sens de la justice,
de capacités à communiquer et, le cas échéant, d’aptitudes à diriger et à
organiser. Ils doivent en outre avoir une bonne compréhension des pro-
blèmes sociaux, culturels et communautaires.
24. Les personnes qui ont été reconnues coupables d’infractions graves
ne doivent pas exercer de fonctions dans la police.
25. Les procédures de recrutement doivent reposer sur des critères objec-
tifs et non discriminatoires, et intervenir après l’indispensable examen
des candidatures. Il convient en outre d’appliquer une politique visant
à recruter des hommes et des femmes représentant les diverses com-
posantes de la société, y compris des groupes minoritaires ethniques,
l’objectif ultime étant que les personnels de police reflètent la société au
service de laquelle ils se trouvent. »
CEEP, §22-25 6
Commentaire
Personnels de police

Les procédures de recrutement représentent une dimension essentielle de


toute institution policière. Il peut être très instructif pour les visiteurs d’exa-
miner les procédures de recrutement, dans la mesure où celles-ci reflètent
probablement les valeurs régissant l’organisation interne de la police. Par
exemple, si une campagne de recrutement véhicule une image de la police
soulignant l’usage de la force, cela peut indiquer que l’institution se conçoit
plus comme une force que comme un service. Les critères de recrutement,
tels que les exigences minimales en matière d’éducation, de genre, d’âge,

191
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

de taille etc. peuvent aussi être révélatrices de la culture institutionnelle de


la police. La composition de la police, notamment la présence de minorités
en son sein, devrait idéalement être représentative de toute la population.
Certains organes de monitoring, tels que les MNP, sont habilités à faire des
commentaires et à formuler des recommandations sur le processus de
recrutement, les procédures en vigueur en matière de recrutement ainsi
que les éventuelles discriminations dans les procédures de recrutement de
nouvelles recrues.

Points de repère
• Quelles sont les procédures relatives au recrutement et à la
sélection du personnel de police ?
• Quels sont les principaux critères de recrutement ? Quels sont les
motifs d’exclusion de candidats éventuels ?
• Quel est le ratio hommes/femmes au sein de la police ?
• Le cas échéant, quel est le ratio de groupes minoritaires au sein
de la police ?
• Le service /la force de police dans son ensemble reflètent-t-ils le
profil démographique du pays ?
• Quels messages explicites et implicites sont relayés dans les
campagnes de recrutement de la police ?

6.3. Formation

6 Relevant standards
« 1. Tout État partie veille à ce que l'enseignement et l'information concer-
nant l'interdiction de la torture fassent partie intégrante de la formation
du personnel civil ou militaire chargé de l'application des lois, du person-
nel médical, des agents de la fonction publique et des autres personnes
Personnels de police

qui peuvent intervenir dans la garde, l'interrogatoire ou le traitement de


tout individu arrêté, détenu ou emprisonné de quelque façon que ce soit.
2. Tout État partie incorpore ladite interdiction aux règles ou instructions
édictées en ce qui concerne les obligations et les attributions de telles
personnes ».
UNCAT, Art. 10

192
Chapitre III - Normes internationales

« Les États parties prennent les mesures requises pour assurer qu'une atten-
tion spéciale est accordée à l'interdiction de la torture dans la formation
des agents de police et d'autres fonctionnaires chargés de la garde des
personnes privées provisoirement ou définitivement de leur liberté, lors des
interrogatoires, détentions et arrestations. »
Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture,
Art. 7(1)

« Le personnel des lieux de privation de liberté reçoit une instruction


initiale et une formation périodique spécialisée, un accent particulier
étant mis sur le caractère social de leur fonction. La formation du per-
sonnel doit comprendre, au moins, une formation aux droits humains,
aux droits, devoirs et interdictions dans l’exercice de leurs fonctions ; et
aux principes et règles nationales et internationales relatives à l’usage de
la force, des armes à feu, ainsi qu’à la force physique. À ces fins, les États
membres de l’Organisation des États Américains encouragent la création
et la mise en œuvre de programmes d’apprentissage et d’enseignement
spécialisés, avec la participation et la coopération d’institutions de la
société civile et de l’entreprise privée. »
PBPA, Principe 20(7)

« 28. La formation générale initiale devrait de préférence être suivie de


périodes régulières de formation continue et de formation spécialisée,
et, le cas échéant, de formation aux tâches d’encadrement et de gestion.
[…].
30. La formation des personnels de police doit pleinement intégrer la
nécessité de combattre le racisme et la xénophobie. »
CEEP, §28, 30

Mineur.e.s
6
« Le personnel doit recevoir une formation qui lui permette de s'acquitter
de manière efficace de ses tâches en matière de réadaptation, et qui com-
Personnels de police

porte, en particulier, une formation dans les domaines de la psychologie


de l'enfant, de la protection de l'enfance et des normes internationales
relatives aux droits de l'homme et aux droits de l'enfant, notamment les
présentes Règles. »
RPMPL, §85

193
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

ÖÖVoir aussi
• PBRF, §18
• RIG, Partie II, §46
• CEEP, §26, 27, 29
• 2e Rapport général du CPT, CoE Doc. CPT/Inf (92) 3, §60-61

Commentaire
Un personnel qualifié et bien formé constitue la base d’un système de police
fonctionnant de manière adéquate ; les mécanismes de visite chercheront
à obtenir des informations sur la formation dispensée et évaluer si elle est
adéquate. La fourniture d’une formation appropriée est une garantie solide
contre les mauvais traitements. Pour être adéquats, les programmes de for-
mation de la police doivent être axés sur des valeurs d’éthique et de respect
des droits humains. Cela est particulièrement important pour les modules
de formation opérationnelle portant sur :
• la manière de mener les interrogatoires ;
• le recours aux moyens de contrainte ;
• les compétences techniques (par exemple l’usage de la force et des
armes à feu).
Le programme d’enseignement doit également comporter une formation sur :
• la communication interpersonnelle ;
• la prévention des troubles ;
• la gestion non violente des conflits ;
• la gestion du stress.
6 Ces compétences peuvent permettre aux agent·e·s de maîtriser des situa-
tions qui pourraient sinon dégénérer en violences.
Tout le personnel doit pouvoir bénéficier d’une formation continue sans
Personnels de police

discrimination de sexe, d’âge et de rang. La participation à la formation


continue et au développement professionnel devrait pouvoir conduire à
une promotion. Si tel n’est pas le cas, les visiteurs pourront envisager de
mener une recherche sur le système de promotion et les bases de celui-ci :
durée de service, obtention de « résultats » et autres critères.
Outre l’opportunité de suivre des formations continues, le personnel de
police doit avoir accès à un soutien psychologique et à la possibilité d’un
débriefing, en particulier suite à des incidents violents.
194
Chapitre III - Normes internationales

Points de repère
• Quels types de formation de base les nouvelles recrues reçoivent-
elles ? Combien de temps dure la formation ? Quels domaines et
sujets couvre-t-elle ?
• Quelles sont les opportunités de suivre une formation continue ?
Les personnels de police choisissent-ils de suivre ces formations ?
Qui y a accès ? (par exemple y a-t-il des restrictions fondées sur
le rang, le genre, ou l’appartenance à une minorité ethnique) ?
• Les personnels de police reçoivent-il une formation particulière
sur la manière de gérer des personnes et groupes en situation
de vulnérabilité, tels que les mineur·e·s ou les personnes avec un
handicap mental ?
• La formation comporte-t-elle une approche du maintien de
l’ordre fondée sur le genre ?
• La formation couvre-t-elle les plaintes, l’inspection et le
monitoring (y compris le monitoring externe par des mécanismes
de visites) ?

6.4. Uniformes et identification


Normes pertinentes
« 14. La police et ses personnels en uniforme doivent normalement être
facilement reconnaissables. […]
45. Les personnels de police doivent normalement, lors d’interventions,
être en mesure d’attester leur qualité de membre de la police et leur
identité professionnelle. »
6
CEEP, §14, 45
Personnels de police

195
Détention par la police : Guide pratique de monitoring

« [L]e CPT souhaite clairement souligner qu’il a de sérieuses réserves en


ce qui concerne la pratique observée dans de nombreux pays consistant
pour des membres des forces de l’ordre ou des agents pénitentiaires à
porter des masques ou des cagoules lors d’arrestations, d’interrogatoires
ou d’interventions en cas de troubles dans les prisons ; celle-ci fait à
l’évidence obstacle à l’identification de suspects potentiels si et lorsque
des allégations de mauvais traitements sont formulées. Cette pratique
devrait être strictement contrôlée et seulement utilisée dans des cas
exceptionnels dûment justifiés ; cette pratique ne se justifie que rare-
ment, si jamais, dans un contexte pénitentiaire. »
14e Rapport général du CPT, §34

Commentaire
Étant donnés les pouvoirs considérables, en particulier coercitifs, détenus
par la police, il est important d’identifier facilement les agent·e·s au moyen
de leur uniforme. Afin de promouvoir leur responsabilité individuelle vis-à-
vis du public, certains services/ forces de police ont introduit la règle consis-
tant à faire figurer sur la poitrine des agent·e·s leur numéro d’identification.
Dans certains cas, les personnels de police peuvent être en civil ; toutefois
ils doivent être en mesure d’attester leur qualité de membre de la police
au moyen d’un insigne ou d’un autre document officiel d’identification.
Dans une optique de prévention, les visiteurs peuvent décider de vérifier
les règlements et la pratique relatives à l’utilisation de vêtements civils ainsi
que les moyens permettant d’identifier individuellement les agent·e·s.
Les membres de la police ne doivent pas dissimuler leur visage avec des
6 masques lorsqu’ils agissent à titre officiel. Il existe un risque que de mau-
vais traitements soient infligés en toute impunité si les victimes ou autres
témoins ne sont pas en mesure d’identifier les personnes potentiellement
responsables de ces violations. La pratique du port de la cagoule doit être
strictement contrôlée, ainsi que le recommande le CPT (voir les normes
Personnels de police

citées ci-dessus).

196
Chapitre III - Normes internationales

Points de repère
• Quelle est l’image renvoyée par la police au travers des
uniformes ?
• Les agent·e·s sont-ils ou elles en mesure, lorsque cela leur est
demandé, d’attester leur qualité de membre de la police ?
• Y a-t-il des règlements relatifs au port de masques et de cagoules
qui précisent clairement les circonstances exceptionnelles dans
lesquelles leur usage est autorisé ?
• Est-ce que les détenu·e·s sont en mesure d’identifier les personnes
qui ont procédé à leur arrestation et à leur interrogatoire ?
• Des membres de la police portaient-ils des cagoules ou des
morceaux de tissu cachant leur visage pendant qu’ils procédaient
à l’arrestation du ou de la détenu·e ? Les portaient-ils durant le
(ou les) interrogatoire(s) ?

6
Personnels de police

197
Notes
Notes
L'APT tient à remercier la Fondation de Bienfaisance de la Banque Pictet &
Cie pour son soutien à la réalisation de la version française de ce guide.
Détention par la police association pour
Guide pratique de monitoring la prévention

Détention par la police - Guide pratique de monitoring


de la torture
« Dans la mesure où la police dispose de pouvoirs spéciaux, tels
que l’usage légitime de la force, le sort de la personne détenue
est entièrement aux mains des agent•e•s responsables de
l’application des lois. Ce déséquilibre du rapport de forces crée
une situation à risque, dans laquelle des abus et des actes de
torture peuvent être commis. »
Avant-propos du Professeur Juan E. Méndez
Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture
∙ Détention par la
La torture et les mauvais traitements surviennent le plus souvent aux
premiers stades de la détention : lors de l’arrestation, du transport et police
des interrogatoires de police. Pour prévenir les abus, les États sont
toujours plus enclins à autoriser des visites régulières et inopinées Guide pratique de
dans des postes de police par des visiteurs indépendants. Ce manuel
constitue une réponse à la demande croissante de conseils spécifiques monitoring
sur la méthodologie et le suivi de ce genre de visites. Plusieurs expert.e.s
reconnu.e.s dans le domaine de questions policières et de la prévention
de la torture ont contribué à cette publication. Elle constitue un outil
indispensable pour toute organisation ou personne chargée d’effectuer
des visites de monitoring dans des postes de police.

ISBN 978-2-940337-54-5 30.- CHF 25.- €

APT · C.P. 137 · 1211-Genève 19 · Suisse · www.apt.ch FR

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