Cours de Droits de L'homme Version Definitive
Cours de Droits de L'homme Version Definitive
Cours de Droits de L'homme Version Definitive
La première a trait au fait que la liberté est la première revendication de l’homme. L’être libre
se détermine par sa propre volonté et pour des raisons et des motifs qu’il choisit. Pour René
CAPITANT, « la liberté d’un être, c’est l’autodétermination de cet être ».
La deuxième est relative à la série d’évolutions historiques des libertés fondamentales dans des
contextes économiques différents. « S’en trouve consolider l’Etat de droit démocratique par la
protection des droits et libertés fondamentaux ». Marc VERDUSSEN relève que cette
consolidation se manifeste par un « élargissement du catalogue des droits fondamentaux
garantis par la Constitution. Ces modifications sont la marque d’une évolution dans la
représentation politique des valeurs fondamentales de la société »1 .
La troisième consiste à dire que la compréhension d’une matière aussi dense, riche et bien
structurée que les droits de l’homme nécessite une connaissance assez bonne d’un certain
nombre de concepts et de notions qui relèvent à la fois de la théorie générale du droit, du droit
constitutionnel et du droit international public. Notons aussi que la notion de droits de l’homme
est sans conteste l’une des notions les plus évoquée et débattue ces dernières années. Diffic ile
à cerner, la notion de droit de l’homme recouvre plusieurs acceptions. En effet, elle cohabite
avec des concepts assimilés tels que :« libertés fondamentales », « libertés publiques », « droits
fondamentaux » si bien que l’utilisation de l’une ou l’autre prête à équivoque. Le Professeur
Frédéric SUDRE pose ainsi le « constat que les termes de droits de l’homme et droits
fondamentaux apparaissent interchangeables »2 et qu’ils sont parfois indifféremment utilis és
par la doctrine3 . Les visionnaires réalistes comme René CASSIN ont œuvré inlassablement, à
l’échelle internationale, pour proclamer l’universalité des droits qui sont nommés au gré des
Les libertés sont « publiques » lorsqu’elles représentent une faculté d’agir et une sphère
d’autonomie opposables à la puissance publique. Pour certains auteurs, les libertés publiques
protègent les individus contre l’Etat alors que les libertés fondamentales les protègent
également contre les autres individus. Il s’agit ainsi de mettre en relief leur dimension verticale.
Techniquement, le droit des libertés fondamentales assurerait une protection verticale (contre
la puissance publique) et horizontale (contre l’ingérence des autres citoyens) alors que le droit
des libertés publiques n’aurait qu’une dimension verticale. Selon Jean RIVERO, les deux
notions de « droit de l’homme » et de « libertés publiques » sont voisines, mais pourtant
distinctes : elles ne se situent pas sur le même plan, d’une part, elles n’ont pas le même contenu,
d’autre part. Ainsi, « si les libertés publiques sont bien des droits de l'homme, tous les droits de
l'homme ne sont pas des libertés publiques ». Les libertés publiques correspondent à des droits
de l’homme que leur reconnaissance et leur aménagement par l’Etat ont été insérés en droit
4 Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, Déclaration américain e des droits et devoirs
de l’homme du 2 mai 1948.
5 L’article 1 §3 de la Charte de San Francisco prescrit le « respect des droits de l’homme et des libertés pour tous
appellation et vise les « droits fondamentaux de l’homme », tandis que l’alinéa 6 mentionne l’engagement des
Etats membres des Nations Unies en faveur du « respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ».
7 PICARD (E.), « Droits fondamentaux », in Denis ALLAND et Stéphane RIALS (dir.), Dictionnaire de la culture
fondamentales »,
9 Décision n°84-181 DC du 10 et 11 octobre 1984, Entreprise de presse
10 Décision n°93-325 DC du 13 août 1993, Maîtrise de l’immig ration
11 Décision n°85-198 DC du 13 décembre 1985, Loi modifiant la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 et portant diverses
la santé.
positif. Jean RIVERO explique que « ce qui rend publique une liberté quel qu’en soit son
objet, c’est l’intervention du pouvoir pour la reconnaître et l’aménager »13 . Les libertés
publiques sont alors des droits de l’homme d’une nature bien définie. Le contenu des droits
del’homme et des libertés publiques ne coïncide pas forcément. Les libertés publiques en France
comme au Gabon sont caractérisées par le rôle central de la loi, qui est la seule compétente pour
déterminer les conditions d’exercice de la liberté en fixant exclusivement les limites. Les
libertés publiques sont alors instituées par la loi formelle. Elles permettent un contrôle des
seules normes infra-législatives. En France, sous la IIIe République, par exemple, de
nombreuses libertés sont protégées par la loi14 .
Par une interprétation exégétique de son préambule, la Charte de San Francisco requiert un
ferme engagement dans la détermination des Etats « à proclamer leur foi dans les droits de
l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des hommes et des
femmes ». Les droits de l’homme sont ceux dont bénéficie l’individu en tant qu’être humain, ils
sont intrinsèques à la nature humaine. Ils « se définissent comme étant les prérogatives,
gouvernées par des règles que la personne détient en propre dans ses relations avec d'autres
personnes ou avec le Pouvoir »15 . Les droits de l’homme relèvent alors d’une conception
philosophique, politique et morale inspirée par la doctrine individualiste et libérale. Ils se
présentent comme un concept universel, dont l’étude prend appui sur l’ensemble des textes
internationaux, à travers les systèmes universels, régionaux voire nationaux au premier rang
desquels la Constitution qui « est la norme juridique suprême de l’Etat »16 , la norme suprême
incontestée de l’ordre juridique interne.
La notion de liberté fondamentale n’est pas nouvelle dans vocabulaire juridique français. On la
retrouve par exemple dans la jurisprudence relative à l’application de la théorie de voie de fait,
en matière de police ou de référé-liberté. L’expression de « libertés et droits fondamentaux de
valeur constitutionnelle » est également employée par le juge constitutionnel français. De
13 RIVERO (J.), Les libertés publiques, tome 1, « Les droits de l’homme », PUF, Thémis, 1991.
14 Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; la loi 1er juillet 1901 sur la liberté d’association.
15 MOURGEON (J.), Les droits de l’homme, coll. QSJ ?, n°1728, PUF, 1998, p.
16 KELSEN (H.), Théorie pure droit, par Charles Eisenmann, Buxelles, Bruylant, Paris, LGDJ, 1969, réédit, 1999,
p. 192-193.
même, la révision constitutionnelle de novembre 1993 introduit dans la Constitution le terme
de « libertés fondamentales ». Aux termes de l’article 53-1 de la Constitution française, « la
République peut conclure avec les Etats européens qui sont liés par des engagements identiques
aux siens en matière d’asile et de protection des Droits de l’homme et des libertés
fondamentales, des accords déterminant leurs compétences respectives pour l’examen des
demandes d’asile qui leur sont présentées (…) ».
Les glissements de significations ainsi que le passage d’une terminologie à l’autre est manife ste
dans les intitulés des enseignements. Les titres des manuels ont suivi cette évolution en
réservant une place variable à l’une ou l’autre de ces terminologies 17 . Patrick WACHSMANN
distingue à cet égard trois types d’attitudes de la part des auteurs des manuels. Il s’agit
notamment de celle des conservateurs « qui refusent de se plier au changement officiel de
terminologie et restent fidèles à l’intitulé traditionnel : libertés publiques »( ou droit de
l’homme18 , de celle des modérés qui ne « peuvent se résoudre à abandonner l’intitulé
traditionnel, mais » qu’« une sorte de mauvaise conscience par rapport aux exigences
officielles conduit à compléter par une référence aux droits fondamentaux »19 et enfin celle des
modernes « qui adoptent l’intitulé officiel »et analysent les libertés publiques comme une
« forme de consécration des droits de l’homme ».
Pour le Professeur Claude LECLERCQ, la notion de « droits fondamentaux » s'apprécie
plutôt par rapport au droit public interne de chaque Etat, étant admis que l'internationalisa tio n
des « droits de l'homme » limite la souveraineté étatique et l'arbitraire, toujours possible de
chaque Etat. Il lui adjoint, du reste, comme synonyme la notion de « libertés publiques »20 . Le
Professeur René DEGNI SEGUI estime, quant à lui, qu'un lien est déductible de
l'interpénétration entre ces différentes notions. Il existe un déterminant commun à ces notions.
Il s’agit de l'homme, de la personne humaine qui est le centre névralgique puisque c’est sa
dignité qui recherchée. La prise en compte de cette qualité conduit le juge sénégalais Kéba
M’BAYE à présenter les droits de l’homme comme « un ensemble cohérent de principes
juridiques fondamentaux s’appliquant partout dans le monde tant aux individus qu’aux peuples
et ayant pour but de protéger les prérogatives inhérentes à tout homme et à tous les hommes
17 CHAMPEIL-DESPLATS (V.), Des «libertés publiques » aux « droits fondamentaux » : effets et enjeux d’un
changement de dénomination, Jus Politicum, n°5-2010.
18 LOCHAK (D.), Les droits de l’homme, Editions, La Découverte, 2005, p. 49.
19 PONTIER (J.-M.), Droits fondamentaux et libertés publiques, 5e éd., Hachette, 2013.
20 Au sens du Pr LECLERCQ, « une liberté publique se présente comme un aspect circonscrit de la liberté, traduit
en droit par des textes constitutionnels et/ou internationaux et soumis à un régime de protection juridique précisé
par ces textes et d'autres textes subséquents qui visent, par des procédures appropriées, à faire valoir la liberté
ainsi définie », in Libertés publiques, 3e éd., Paris, Litec, 1996, p. 5.
pris collectivement en raison de l’existence d’une dignité attachée à leur être et justifiée par
leur condition humaine »21 . Selon le Professeur BEDJAOUI, les « droits fondamentaux »
sont des droits primaires, des droits premiers qui préexistent à toute formation sociale, à tout
droit et cela leur confèrent le caractère universaliste 22 . Les « droits fondamentaux » renvoient
donc à une certaine éthique, pour reprendre l'expression du Professeur Frédéric SUDRE. Il
pense que l'usage même du terme « droits de l'homme » renvoie plus au domaine de
l'« imaginaire »23 , et que c'est celui de « libertés publiques » qui sied au droit positif. Celles-ci
désignent de manière générale « les droits et facultés assurant la liberté et la dignité de la
personne humaine et bénéficiant de garanties institutionnelles »24 . Le Professeur Dominique
TURPIN abonde dans le même sens lorsqu'il considère que « parfois considérées comme
synonymes, les notions de « droits de l'homme » et de « libertés publiques » ne se recouvrent
pas totalement »25 . Il précise son idée en ajoutant que « la première [notion] est plus ancienne,
plus large, plus ambitieuse, mais moins précise, car plus philosophique ou politique [...] La
seconde est plus récente, plus modeste, mais aussi plus juridique, donc plus précise »26 .
En réalité, les deux notions de libertés publiques et de Droits de l’Homme ne se situent pas sur
le même plan. La notion de Droits de l’homme est héritée du droit naturel, intimement liée à la
personne humaine, indépendamment des pouvoirs publics, et celle de libertés publiques renvoie
aux libertés reconnues, garanties et protégées par le droit. Ces deux notions diffère nt
essentiellement par leur source et leur contenu.
En ce qui concerne les libertés publiques, elles ont pu être définies comme des Droits de
l’Homme reconnus par des textes et protégés juridiquement, désignant la consécration juridiq ue
des Droits de l’Homme, leur juridicisation. La notion de « libertés publiques » apparaît avec la
Constitution française du 14 janvier 1852, dont l'article 25 en confiait la garde au Sénat.
Ils découlent de la tradition jus naturaliste et ils sont portés par un esprit d’universalis me.
21 M’BAYE (K.), Les droits de l’homme en Afrique, Paris, Editions, A. Pedone, 1992, p. 25.
22 BEDJAOUI (M.), « La difficile avancée des droits de l'homme vers l'universalité », in R.U.D.H., V. 1, 1989, p.
9
23 Ibid,p. 10.
24 SUDRE (F.), MILANO (L.), SURREL (H.), Droit européen et international des droits de l’homme, PUF,
Collection, Droit fondamental, 14e édition, 2019.
25 TURPIN (D.), Libertés publiques et droits fondamentaux, Paris, Ed. du Seuil, Févr. 2004, p. 7.
26 Ibid., p. 7.
Contrairement aux libertés publiques, les droits de l’homme relèvent du droit naturel, c’est-à-
dire que l’homme possède un ensemble de droits inhérents à sa nature même et que l’on ne peut
méconnaître sans porter atteinte à celle-ci. Ils renvoient aux sources du jusnaturalisme, l'homme
étant, par son essence, titulaire d'un ensemble de droits inhérents à sa nature et ne pouvant être
méconnus sans qu'on ne porte atteinte à celle-ci. Il n'est donc pas besoin de reconnaissa nce
formelle de ces droits pour qu'ils s'imposent, car la notion de « droits de l'homme » peut
transcender sa reconnaissance par les textes27 . Ils existent en dehors de toute consécration
juridique.
Cependant, la reconnaissance textuelle est possible, puisque les droits de l'homme présentent
des critères qui permettent de voir « un droit, au sens propre du terme, dans une possibilité
reconnue à l'homme : un titulaire, un objet précis, un sujet auquel l'opposer ». Ce qui permettra
au demeurant de leur affecter la sanction susceptible de les faire entrer dans le droit positif28 . Il
y a donc une origine philosophique des droits de l’homme qui a permis l’émergence et la prise
en considération de la dignité et de l’universalité de chaque être humain. La proclamation de
ces droits suppose aussi la reconnaissance de l’identité des individus indépendamment de toute
référence à un statut ou de toute appartenance à un groupe.Les droits de l’homme inaliénab les,
imprescriptibles, transcendantaux, supérieurs et extérieurs à l’avènement de la société.
« La notion d’autodétermination découle du principe fondamental que les peuples et les individus ont
le droit de disposer d’eux-mêmes, indépendamment de toute influence étrangère ou extérieure » 29 .
Certains courants politiques, culturels, religieux et des États dans le monde contestent la
référence aux droits de l'homme. Ces contestations soulèvent la question de l'universalisme des
droits de l'homme. Pourquoi l'Occident qui a si longtemps ignoré les droits des populations au
moment de la colonisation met-il tant d'ardeur à défendre les droits de l'homme maintenant que
ces peuples ont recouvré leur souveraineté ? Les droits de l'homme ne constituent- ils pas une
forme moderne de la domination de l'Occident sur le reste du monde ?
27 VIGNON (Y.-B.), « La protection des droits fondamentaux dans les nouvelles constitutions africaines », Revue
nigérienne de droit, n° 3, déc. 2000, p. 80.
28 Ibid.
29 THOMAS (P.), ROBICHAUD AND (A.), HAZIF-THOMAS (C.), « Autodétermination et Droits de l’Homme et de la
Femme âgés », La Revue Francophone de Gériatrie et de Gérontologie XVIII(179), 2011, pp. 445-452.
L’expression « libertés publiques » est utilisée pour rendre compte de la consécration juridiq ue
des droits de l’Homme. Les libertés publiques traduisent, d'une certaine manière, le passage du
jusnaturalisme caractérisant les droits de l'homme au positivisme juridique, car elles sont
fortement consacrées par les textes. Ce sont des droits de l'homme que l'Etat reconnaît
formellement, aménage et insère dans le droit positif. Elles sont, à ce titre, « des droits de
l'homme reconnus, définis et protégés juridiquement ». L’adjectif « public » a pour rôle de
montrer que les libertés sont reconnues et protégées par l’Etat. L’expression « libertés publiques
» montre que les droits reconnus font partie du droit applicable dans un Etat. De ce fait elles
sont opposables à la puissance publique essentiellement à l’administration car générale me nt
c’est le législateur qui leur accorde la consécration juridique.
Les libertés publiques désignent une consécration juridique des droits de l’Homme caractérisée
par la place et le rôle de la loi. Les libertés publiques ont un statut législatif et sont opposables
essentiellement au pouvoir exécutif.
Les libertés et droits fondamentaux ont une consécration constitutionnelle et sont opposables
à tous les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
L’étude de la doctrine des libertés fondamentales révèle des classifications opérées entre les
droits de l’homme conduisant à hiérarchiser ces droits, en permettant de distinguer ceux qui
seraient essentiels et ceux qui le seraient moins30 . La catégorisation des droits opérée dans les
manuels révèle que la majeure partie de la doctrine adhère à la thèse de la dichotomie des droits
et libertés. Jean-Jacques SUEUR et Robert CHARVIN font figure d’exception en défendant
ardemment « une conception unitaire des droits de l’homme ». Ils reconnaissent que la
présentation traditionnelle de type dichotomique traduit une évolution bien réelle, mais en
tempèrent immédiatement la pertinence en relevant qu’il n’est pas exact historique me nt
d’opposer, terme à terme, les droits civils et politiques, encore appelés droits de la première
génération, et les droits économiques et sociaux dits de seconde génération31 .
30 VASAK (K.), « Les différentes typologies des droits de l’Homme », in Emmanuelle BRIBOSSIA, Ludovic
HENNEBEL, Classer les droits de l’Homme, Bruylant, 2004, p. 11-12 .
31 CHARVIN (R.), SUEUR (J.-J.), Droits de l’homme et libertés de la personne, Litec, 1994, p. 24-25.
aussi les principaux mécanismes de mise en œuvre prévus au niveau universel et régional pour
assurer leur respect.
Les droits de l’homme sont une matière fondamentale avec la promotion de l’Etat de droit au
niveau étatique. Au regard de cette importance, il est inadmissible de ne pas envisager cet
enseignement dans les programmes des facultés et écoles de droit.
La compréhension d’une matière aussi riche et bien structurée que la matière desdroits de
l’Homme nécessite une connaissance assez bonne d’un certain nombre deconcepts et de notions
qui relèvent à la fois de la théorie générale du Droit, du Droit constitutionnel et du Droit
International public. Toutefois et dans le cadre d’une première initiation à la matière, il
convient, dans un premier temps, de connaître le sens juridique des termes qui en composent le
nom ou la dénomination avant d’en donner la définition et les principales caractéristiques.
C’est « l’ensemble des droits qui conditionnent à la fois la liberté de l’Homme, sa dignité et
l’épanouissement de sa personnalité »32 . C’est l’ensemble des droits quipermettent de préserver
la dignité de l’Homme et lui permettent de se réaliser et devivre sa personne, de s’accomplir.
Leur objet est par conséquent directement etintimement lié à la liberté des personnes et au
respect de leur dignité humaine sansnulle autre raison ou fondement.
Trois remarques doivent être formulées concernant cette définition :
Premièrement, et malgré la clarté de cette définition, le contenu des droits de l’Homme ne fait
pas l’unanimité car la notion de dignité humaine varie suivant les époques, les cultures et les
conceptions. Les droits de l’Homme seront envisagés dans ce cours d’un point de vue
déterminé, celui de la conception onusienne.
Deuxièmement, et du point de vue de leur nature, les droits de l’Homme se subdivisent en deux
grandes catégories : des « droits à » et des « droits de ». Les« droits de » sont les droits de faire
quelque chose, des droits actifs en quelque sorte (droit de grève, droit de circuler, droit de
s’exprimer, droit de s’associer, droit de manifester…). Alors que les « droits à » sont des droits
à l’obtention de quelque chose, des droits passifs d’un certain point de vue (droit à la santé,
droit à l’éducation, droit à l’intégrité physique, droit à la sûreté…).
Troisièmement, une distinction importante doit être faite entre droits de l’Homme et libertés
publiques. Les libertés publiques peuvent en effet être définies comme « des pouvoirs
d’autodétermination, reconnus et organisés par l’Etat, par lesquels l’Homme, …choisit lui-
32 ROCHE (J.) et POUILLE (A.), Libertés publiques et droits de l’Homme, 13e éditions, 1999, p. 6.
même son comportement »33 (leur caractère publicfaisant référence à leur inscription et à leur
garantie par le Droit positif et non pas àleur utilisation par plusieurs personnes ; ces libertés
peuvent en effet être individuelles c’est-à-dire exercées par chaque personne individuelleme nt,
ou collectives). Tel que définis précédemment, les droits de l’Homme ne se ramènent pas
seulement à la revendication ou à l’exercice d’une liberté ; d’autres droits dont l’être humain
jouit lui permettent d’exiger de la société la satisfaction de ses besoins vitaux tels que le droit
au travail, à la sécurité sociale, à la santé, à la culture ou à l’instruction…etc. Dans ces derniers
cas par exemple, il s’agit bien de droits faisant partie des droits de l’Homme sans qu’il ne
s’agisse de libertés ; « leur reconnaissancepar le droit positif donne à l’Homme un pouvoir
d’exiger une créance, mais ne fondepas une liberté publique ».
La notion de droits de l’Homme englobe ainsi celle des libertés publiques qui n’en sont qu’un
aspect parmi d’autres. D’autres droits tels que le droit à la paix, au développement durable, à
l’égalité, à la non-discrimination, à un environnement sain et équilibré, font partie intégra nte
des droits de l’Homme mais ne sont pas des libertés.
Si, dans certains cas, les juges ne font pas référence directement à un texte pour énoncer un
droit ou une liberté, mais se réfèrent à une certaine conception de l’homme et des rapports entre
le pouvoir et les citoyens, le plus souvent l’énoncé des libertés a une base textuelle. Dans ce
contexte, des sources internationales se superposent aux sources nationales.
La Constitution française du 4 octobre 1958 a été élaborée dans un contexte marqué par la
Guerre d’Algérie et ne comporte pas de déclarations de droits fondamentaux. Néanmoins, cette
Constitution s’ouvre sur un préambule qui se contente de proclamer l’attachement du peuple
français à deux textes historiques: la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26
août 1789 et le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Par la suite, le Conseil
constitutionnel a comblé cette lacune par l’extension continue de la substance du « bloc de
constitutionnalité ».
La notion de « bloc de constitutionnalité » a été inventée par le Professeur Louis
FAVOREU34 . Elle est formée de plusieurs couches ou strates successives de normes de
référence du contrôle de constitutionnalité des lois.
Par une décision fondatrice du 16 juillet 1971 (Décision n°71-44 DC, Liberté d’association),
le Conseil constitutionnel reconnaît la valeur positive, une valeur juridique suprême tant de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 que du Préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946 en évoquant les « principes fondamentaux reconnus par les
lois de la République et solennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution ».
Dorénavant, pour désigner « l’ensemble des principes et règles » ayant valeur constitutionne lle,
on emploie volontiers l’expression doctrinale de « bloc de constitutionalité » qui comprend
plusieurs séries d’énoncés juridiques, de normes de référence du contrôle de constitutionnalité,
emboitées les unes dans les autres.Il faut à cet égard rappeler que le Conseil constitutionnel a
progressivement développé et mis en place une jurisprudence protectrice des droits
fondamentaux. De simple « juge de la répartition des compétences »35 , de simple « organe
régulateur de l’activité des pouvoirs publics »36 , il est devenu le garant de l’ordre juridique, le
« régulateur de l’activité normative du gouvernement législateur », l’«organe régulateur de
l’équilibre des pouvoirs », le protecteur des libertés fondamentales.
Il s’agit d’un texte historique, symbolique de la Révolution française. Depuis la décision n°71-
44 DC du 16 juillet 1971, Liberté d’association rendue par le juge constitutionnel français,
est la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 devenue une norme
de référence du contrôle de constitutionnalité. Ce texte fondamentalconsacre les « droits civils
34 FAVOREU (L.), « Définition du bloc de constitutionnalité », in Dictionnaire de droit constitutionnel, Paris, PUF,
1992, p. 87.
35 MELIN-SOUCRAMANIEN, Droit constitutionnel, Paris : Sirey, 2006, 25e édition, p. 507
36 Décision n°62-20 DC du 06 novembre 1962, Élection du Président de la République au suffrage universel direct,
Rec., p. 27.
et politiques » ou encore « droits-libertés» qui « ont pleine valeur constitutionnelle »37 et qui
supposent une abstention de l’État. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26
août 1789 énonce et garantit différents droits :
l’égalité, « principe gigogne », « principe matriciel » d’où découlent toute une série de
principes secondaires (égalité devant la loi, devant les charges publiques, égalité devant
le service public, égalité des sexes….
la liberté (droit naturel, inaliénable et imprescriptible, dans la mesure où il s’agit
d’une réalité logique liée à la qualité d’homme (article 2).
Elle consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui (article 4). Il est ainsi précisé que «
tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché » (article 5). De ce principe
découlent, se traduisent plusieurs libertés publiques (liberté individuelle, liberté d’opinion et de
religion).
Ainsi, les « droits-libertés » peuvent être individuels ou collectifs et offrent aux individus une
certaine autonomie et la possibilité d’agir sans soumission.
Etablie et proclamée « en présence et sous les auspices de l’Etre suprême », la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 tire sa célébrité justifiée des traits suivants :
L’universalité
Par sa dimension universelle, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août
1789 a pu constituer une source d'inspiration pour la rédaction d'autres instruments de
protection des droits fondamentaux, à l'instar de la Déclaration universelle des droits de
l'Homme (DUDH), adoptée le 10 décembre 1948 par l'Assemblée générale des Nations unies.
Les droits sont proclamés, non seulement pour les Français, mais pour tous les êtres humains.
L’Assemblée nationale française « reconnait » ces droits, elle n’en est pas l’auteur, ces droits
tiennent à l’Homme en tant qu’être humain, ils préexistent à leur constatation par une autorité.
La Déclaration est abstraite, elle énonce des droits généraux, sans envisager les procédures de
mise en œuvre, contrairement aux textes anglo-saxons. L’article 1er déclare : « les hommes
naissent libres et égaux en droits ». La généralité de l’affirmation, qui peut constituer une
faiblesse, lui garde aussi toute sa force dans le temps, et en fait un article d’exportation.
Aujourd’hui cette formule représente encore une attente et une espérance pour de nombreux
peuples à travers le monde.
L’individualisme
La Déclaration prend en compte uniquement les individus, elle n’envisage pas le groupe, et
d’autres textes proscrivent tous les groupements, considérés comme attentatoires à la liberté,
donc liberticides. L’Etat (appelé dans la Déclaration « association politique ») n’a qu’un seul
but : « la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme » (article 2).
En premier lieu à cause de son contenu. Long, il énumère expressément un certain nombre de
« principes particulièrement nécessaires à notre temps » tels que le droit de grève ou d’asile. Il
ajoute à cette énumération « les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et des règles floues puisqu’
indéterminées, « les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », qu’il
n’en précise pas.
En second lieu à cause de référence explicite qui y fait par le préambule de la Constitution
du4 octobre 1958, qui mentionne la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26
août 1789, « confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 ».
Le passage de l’Etat-gendarme à l’Etat-providence aussi appelé État social, ou État de bien être
(welfare state) qui s’effectue, en France, à partir de la fin du 19 e siècle, est un changeme nt
profond de l’attitude des citoyens à l’égard du pouvoir. Pendant longtemps, le rôle de l’État
devait se limiter à ses fonctions régaliennes : la justice, la police et la défense nationale, soit
un rôle d’État gendarme. Toute ingérence (intervention) de l’État dans les affaires privées
devait être refusée car elle risque de perturber le libre jeu du marché et donc de créer des
situations de crise.
Toutefois, cette période de libéralisme a conduit au développement de la misère
ouvrière (revenus très faibles, aucune protection sociale…).
Par ailleurs, le libéralisme n’a pas permis d’éviter les crises économiques. Cela a donné
naissance à une autre vision de l’État, sous l’impulsion de l’économiste J.-M. Keynes (on fera
référence à l’analyse keynésienne par opposition à l’analyse libérale) ; l’État devient garant de
l’intérêt général et se donne pour objectif de mettre la population à l’abri du besoin et du risque.
Il devient un État-providence. L’Etat n’est plus considéré, comme en 1789, malfaisant, il
devient celui dont on attend la satisfaction ou la réalisation d’exigences de plus en plus
nombreuses. Il n’est plus demandé à l’Etat de s’abstenir mais, au contraire, d’intervenir.
Une nouvelle conception des notions de droits et libertés
Le phénomène décrit plus haut retentit sur les conceptions des droits et libertés. D’une part, la
liberté reconnue à l’individu seul s’est, dans bien des cas, retournée contre lui.
L’industrialisation du 19e siècle a écrasé l’être humain qui, isolé, ne pouvait se défendre ; la
liberté a engendré l’inégalité. D’autre part, le progrès technique, avec les possibilités d’une
amélioration des conditions de vie, et les doctrines socialistes, qui font confiance à l’Etat pour
réformer la société, concourent à faire naître de nouvelles aspirations de citoyens, les droits -
créances. Ces derniers sont considérés comme une créance des personnes à l’égard de l’Etat et
de la société. Ils se différencient des libertés publiques par le fait qu’ils appellent une prise en
charge par l’Etat des personnes concernées, des dépenses, des institutions, des procédures.
Les droits contenus dans le Préambule de la Constitution française du 27 octobre
1946 :
Les droits économiques et sociaux
38Décision n°2003-485 DC du 4 décembre 2003 Loi modifiant la loi n°52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit
d’asile.
le principe de solidarité (« la Nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les
Français devant les charges qui résultent des calamités nationales ») ;
le droit à l’éducation (« la Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à
l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture ») ;
le principe de gratuité de l’enseignement public (« l’organisation de l’enseignement
public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l’Etat »).
Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR)
Au titre des principes destinés à garantir des libertés, ont été proclamées :
Le principe de l’indépendance de la juridiction administrative (Décision n° 80-119 DC
du 22 juillet 1980, Validation d’actes administratifs)
Le principe de la compétence de la juridiction administrative pour connaître de certains
contentieux (Décision n°86-224 DC, 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence)
Le principe de la compétence du juge judiciaire en matière de protection de la
propriété immobilière (Décision n°89-256 DC du 25 juillet 1989, « Urbanisme et
agglomérations nouvelles »).
La plupart des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ont été dégagés
par Conseil constitutionnel. Cependant, il est arrivé au Conseil d’Etat d’en faire de même. Sous
la IVe République, le Conseil d’Etat a consacré au rang de principes fondamentaux reconnus
par les lois de la République, la liberté d’association (CE, 11 juillet 1956, Amicale des
annamites de Paris). Par un arrêt Moussa Koné (CE, Ass., 3 juillet 1996, Koné), le Conseil
d’Etat, affirme le caractère de principe fondamental reconnu par les lois de la République du
principe selon lequel, l’Etat doit refuser une extradition lorsqu’elle est demandée dans un but
politique.
4. La Charte de l’environnement
Dans une décision d’Assemblée du 3 octobre 2008, (CE, Ass., 3 octobre 2008, Commune
d’Annecy), le Conseil d’Etat rappelle la valeur constitutionnelle de la Charte de
Il implique que lorsqu'un dommage est susceptible d’affecter l’environnement, les autorités
publiques doivent mettre en œuvre des procédures d’évaluation des risques et adopter des
mesures provisoires pour éviter la réalisation de ce dommage. L’intégration de ce principe dans
la Constitution a suscité un vif débat. Certains scientifiques (ex : l’Académie des sciences)
craignaient que cela ne constitue un frein à l’innovation. Pour d’autres, au contraire,
l’intégration du principe de précaution constituait un encouragement à la recherche en faveur
de la prévention et du traitement des risques environnementaux.
Enfin, la Charte consacre également le développement durable comme objectif des politiq ues
publiques (art. 6), l’environnement étant désormais reconnu « comme le patrimoine commun
de tous les êtres humains ».
40 Décision n°2006-540 DC du 27 juillet 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de
l'information, Rec., p. 88.
41 Ibid.
essentiel à la République »42 . « Outil à la fois malléable et symbolique »43 , « la notion d’identité
constitutionnelle de la France semble englober tout autant la défense des particularités
institutionnelles de la République que la protection des droits fondamentaux »44 . D’après Jean-
Éric CHOETTL, l’« identité constitutionnelle » « ne touche qu’à un petit nombre de matière
(laïcité, égalité d’accès aux emplois publics…) sur lesquelles il est douteux que l’Union entende
interférer »45 .
n°2007-58, p. 389.
46 Cour constitutionnelle italienne, 27 décembre 1973, n°183, Frontini e Pozzani c/ Ministère des finances, RTDE,
1974, p. 148
47 BVerfGE, 2 BvE 2/08, du 30 juin 2009, disponible dans sa version originale allemande et sa traduction sur le
site www.bundesverfassungsgericht.de
48 SIMON (D.), « La Cour de Karlsruhe et le traité de Lisbonne : oui mais…, Europe », août -septembre 2009,
Repère 8, p.
49 BARRIERE (A.-L.), ROUSSEL (B.), « Le traité de Lisbonne, étape ultime de l’intégration européenne ? Le
jugement du 30 juin 2009 de la Cour constitutionnelle allemande, notre Comité d’études des relations franco -
allemandes » (Cerfa), IFRI, septembre 2009, p. 3.
50 HAENEL (H.), Rapport d’information n°119 sur l’arrêt rendu le 30 juin 2009 par la Cour constitutionnelle
fédérale d’Allemagne au sujet de la loi d’approbation du traité de Lisbonne, Sénat, Commission des affaires
européennes, 26 novembre 2009, p. 33.
de souveraineté de l’État et de démocratie et les conséquences néfastes pour le projet européen
»51 . On peut également évoquer la jurisprudence du tribunal constitutionnel espagnol qui
consacre l’obligation impérative de respecter « principes fondamentaux de l’État social et
démocratique de droit établi par la Constitution nationale »52 . Cette évolution conduit un
certain nombre d’observateurs à se demander si l’on s’oriente « vers la reconnaissance d’un
droit à l’identité nationale pour les États membres de l’Union »53 . En tout état de cause,
interprétée strictement, le principe de l’identité constitutionnelle pourrait rapidement devenir
un obstacle incontournable à toute atteinte à « l’intangibilité de l’unité politique de l’État »54 .
Il s’agit des objectifs de valeur constitutionnelle qui doivent orienter l’action des pouvoirs
publics. Il va ainsi du maintien de l’ordre public, ou du droit de la personne de disposer d’un
logement décent.
Notons aussi que le Conseil d’Etat reconnaît une valeur constitutionnelle au Préambule de la
Constitution de 1958 et constitutionnalise ce faisant, la Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen. D’abord en 1959, le Conseil d’Etat considère que « les principes généraux du droit
résultant notamment du préambule s’imposent à toute autorité réglementaire même en l’absence
de dispositions législatives » (CE, 26 juin 1959, Syndicat des ingénieurs conseils). Ensuite,
dans un arrêt de Section du 12 février 1960 (CE, Sect., 12 février 1960, Société Eky), la Haute
juridiction pose le principe de l’unité de l’ensemble des normes constitutionnelles en leur
reconnaissant la même valeur juridique. Pour cela, il se réfère à plusieurs sources, l’article 6
de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, l’article 34 de la
Constitution du 4 octobre 1958.
51 VON UNGERN-STERNBERG (A.), « L’arrêt Lisbonne de la Cour constitutionnelle fédérale allemande, la fin
de l’intégration européenne ? », RDP 2010, p. 172.
52 Tribunal constitutionnel espagnol, Déclaration, 13 décembre 2004, F. J. n°2 (DTC n°1/2004) ; notamment L.
? », in La France, l’Europe et le monde, Mélanges en l’honneur de J. Charpentier, Paris, Pedone, 2008, p. 409
54 PIERRE-CAPS (S.), « La protection des minorités et l’ordre juridique français », Presses universitaires de
Au Gabon, en dehors du Préambule, deux textes constituent, au plan national, la source des
libertés fondamentales : le titre préliminaire de la Constitution du 26 mars 1991 et la Charte
nationale des libertés du 26 juillet 1990.
Il s’agit d’un texte historique, symbolique de la Révolution française consacrant les « droits
civils et politiques » ou encore « droits-libertés» supposant une abstention de l’État et
garantissant des droits fondamentaux tels que l’égalité, la liberté, la propriété, la sûreté et la
résistance à l’oppression.
La date de proclamation de cette Charte montre bien qu’elle est née une décennie avant le
déclenchement du mouvement de démocratisation que connait aujourd’hui le continent africain.
Si elle figurait déjà dans la Constitution de l’ancien régime du parti unique, il convient toutefois
relever le caractère inopérant de cette charte avant 1991. D’ailleurs, il n’existait pas d’organe
réellement indépendant pour effectuer le contrôle de constitutionnalité. Par ailleurs, la
Commission chargée de la promotion et la protection des droits de l’homme et des peuples en
Afrique n’a pas, en réalité, les moyens de ses ambitions. Or, ce texte fondamental auquel
renvoie le préambule de la Constitution du 26 mars 1991 n’est un texte superfétatoire pour des
raisons évidentes.
Commençons par rappeler que cette charte proclame des droits et des valeurs que l’on ne
rencontre pas dans d’autres instruments à caractère international. Ainsi, elle marque sa
spécificité lorsqu’elle proclame dans son préambule que « les Etats africains membres de
l’Organisation de l’Unité Africaine, partis à la présente convention qui porte le titre de
« Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples », tenant compte des vertus de leurs
traditions historiques et des valeurs de civilisation africaine qui doivent inspirer et caractériser
leurs réflexions sur la conception des droits de l’homme ».
Ce caractère particulier justifie pleinement son existence, car il s’agit d’une charte qui ne lie
que les seuls Etats africains. Les Etats sont conscients de la spécificité de certains droits qui
leurs sont communs et qui ne peuvent s’accompagner de l’épithète « universel ». Par exemple,
ni dans la DDHC, ni dans DUDH, il n’est fait allusion nulle part au droit au développement des
peuples. La DUDH effleure la question dans son article 29 alinéa 1e r qui fait référence au droit
au développement de l’individu.
Le juge constitutionnel gabonais a montré qu’il utilisera, tant que de besoin, cette charte comme
moyen de contrôle de constitutionnalité. Il n’a pas hésité dans sa décision du 18 août 1994,
« l’élection des députés à l’Assemblée nationale », de censurer les dispositions de la loi
organique du 11 mars 1993. Dans cette décision, la Cour a estimé que l’alinéa 2 de l’article 8
de la loi susmentionnée était contraire à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples de 1981 : « considérant qu’il s’ensuit que l’alinéa 2 de l’article susvisé (article 18 de
la loi du 11 mars 1993), en tant qu’il fait peser une contrainte morale sur le parlementaire
désireux de démissionner de son parti, porte gravement atteinte à une liberté fondamentale
reconnue par (…) la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ».
Pour mieux comprendre ce contrôle du juge il convient de rappeler que l’article 8 de la Charte
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples dispose que « la liberté de conscience, la
profession et la pratique libre de la religion sont garanties. Sous réserve de l’ordre public, il
ne peut être l’objet de mesures de contraintes visant à restreindre la manifestation de ces
libertés ».
Après la longue période du parti unique, la Conférence nationale qui s’est tenue à Libreville du
23 mars au 19 avril 1990, a formulé certaines recommandations qui ont ensuite été ratifiées
sous le terme de ‘‘Charte nationale des libertés’’ (loi n° 2/90 du 26 juillet 1990).La Charte
affirme, réaffirme ou confirme les droits suivants : l’égalité de tous les citoyens devant la loi,
sans distinction de sexe, d’origine, de race, d’opinion ou de croyance (article 2) ; le droit absolu
du peuple gabonais au multipartisme et à la démocratie (article 3) ; le droit de grève et le droit
de créer des associations à caractère politique ou syndical (article 4).La Charte (article 5),
réaffirme en outre les treize droits fondamentaux suivants : le droit à la vie et à la dignité ; le
droit à la propriété privée ; le droit à un logement décent ; le droit à la protection, en particulier,
de la mère, de l’enfant et d’un revenu minimum aux indigents ; le droit à l’intégrité physique et
morale, même en cas de garde à vue, de détention préventive ou de condamnation pénale ; le
droit à l’assistance d’un interprète devant les juridictions répressives ; le droit à l’égalité d’accès
aux emplois ; le droit des handicapés aux emplois ; le droit à la sécurité sociale et aux soins
médicaux ; le droit d’égal accès aux médias de l’Etat ; le droit à un environnement naturel, sain
et préservé ; le droit à l’éducation et à l’enseignement ; le droit à la conservation et à la
protection du patrimoine culturel national.
La Charte réaffirme aussi les quatre libertés fondamentales suivantes : la liberté d’aller et venir
à l’intérieur des frontières territoriales et d’en sortir ; la liberté de pensée, d’opinion et de
croyance ; la liberté d’association et de réunion ; la liberté de la presse.
Enfin, la Charte affirme, pour la femme, le droit à la contraception (article 6).
Il faut noter qu’au Gabon, la Charte nationale des libertés fait partie du bloc de
constitutionnalité. Elle a donc, de ce fait, une valeur constitutionnelle. C’est ce qu’a énoncé
la Cour constitutionnelle dans sa première décision n° 1/CC du 28 février 1992, relative à la
loi organique portant organisation et fonctionnement du Conseil National de la
Communication : « considérant que la conformité d’un texte de loi à la Constitution doit
s’apprécier non seulement par rapport au contenu des textes et normes de valeur
constitutionnelle énumérés dans le préambule de la Constitution, auxquels le peuple gabonais
a solennellement affirmé son attachement et qui constituent, avec la Constitution, ce qu’il est
convenu d’appeler bloc de constitutionnalité ».
Chapitre 2 : L’expression internationale des droits de l’homme et des libertés
La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamenta les,
adoptée à Rome le 14 novembre 1950, lie les Etats du Conseil de l’Europe qui l’ont ratifiée.
1. Les caractéristiques de la Convention
Formellement, la CEDH se présente comme une déclaration articulée en cinq titres précédés
d’un préambule, quatorze protocoles(dont le treizième, fait en 2002, est relatif à l’abolition de
la peine de mort en toutes circonstances) ayant été rajoutés au texte de 1950.Les Etats
signataires affirment, dans le préambule, que le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une
union plus étroite entre ses membres et que « l’un des moyens d’atteindre ce but est la
sauvegarde et le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Ils
déclarent que ces libertés fondamentales « constituent les assises mêmes de la justice et de la
paix dans le monde » et estiment que leur maintien repose essentiellement « sur un régime
politique véritablement démocratique, d’une part, et, d’autre part, sur une conception
commune et un commun respect des droits de l’homme ».
La CEDH énonce des droits et met en œuvre une procédure de protection de ces derniers. Ces
droits sont principalement les droits civils et politiques. Mais, d’une part, la Cour européenne
des droits de l’homme récuse une opposition tranchée entre les « droits de » et les « droits à »,
estimant que plusieurs droits ont « des prolongements d’ordre économique et social ». D’autre
part, ces droits sont mieux protégés pour les citoyens des Etats ayant ratifié la Convention, que
ceux résultant d’autres textes internationaux : les dispositions de la Convention sont
d’applicabilité directe ; le principe de réciprocité (qui autorise un Etat à suspendre ou à mettre
fin à l’application d’un traité si l’autre partie n’exécute pas ses obligations) ne joue pas ; tout
Etat membre peut saisir la Commission de « tout manquement » d’un autre Etat à l’égard de
l’une des obligations découlant de la Convention ; un droit de requête pour toute violation d’un
droit est reconnu à des groupements et même à de simples particuliers, ce qui est tout à fait
dérogatoire au droit international classique.
56 GREWE (C.), « Les droits intangibles », in Annuaire international de la justice constitutionnelle, 2011, 26-2010,
pp.437-452.
57 Ibid.
b) Les droits non intangibles
Outre les « droits intangibles », la Convention garantit les droits suivants : le droit à la liberté
et à la sureté (article 5) ; le droit pour toute personne à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et
impartial, établi par la loi(article 6) ; le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile
et de la correspondance ; le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; le droit à
la liberté d’expression (qui comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de
communiquer des informations ou des idées), le droit à la liberté de réunion pacifique et à la
liberté d’association ; le droit de se marier et de fonder une famille ; le droit pour toute personne
au respect de ses biens ; le droit à l’instruction ;le droit à des élections libres au scrutin secret ;
le droit de circuler librement et de choisir librement sa résidence et le droit de quitter n’importe
quel pays, y compris le sien ; le droit pour toute personne de ne pas être exclue du territoire de
l’Etat dont elle est le ressortissant, le droit de ne pas être privé du droit d’entrer sur le territoire
de l’Etat dont elle est le ressortissant.
Lors du sommet de Nice (7-9 décembre 2000), les représentants de l’Union ont adopté
officiellement une Charte des droits fondamentaux de l’Union, représentant les valeurs
communes des membres actuels et à venir de celle-ci. Les dispositions de la Charte s’adressent
aux institutions et aux organes de l’union ainsi qu’aux Etats membres uniquement lorsqu’ils
mettent en œuvre le droit de l’Union.
L’Union déclare se fonder « sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de
liberté, d’égalité et de solidarité ; elle repose sur le principe de la démocratie et le principe
d’Etat de droit », tout en contribuant « à la préservation et au développement de ces valeurs
communes dans le respect de la diversité des cultures et des traditions des peuples de l’Europe,
ainsi que de l’identité nationale des Etats membres ».
Outre la référence aux conventions déjà existantes, la Charte consacre des droits nouveaux :
dignité de la personne humaine ; intégrité de la personne humaine ; protection des données
personnelles ; liberté de la recherche ; droit d’asile ; protection des étrangers en cas
d’éloignement ; protection des enfants.
II. Les sources africaines : la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
(CADHP)
Les chefs d’Etat et de gouvernement des pays appartenant à l’Union Africaine (UA) (ex-OUA),
ont adopté le 28 juin 1981, à Nairobi (Kenya), la Charte africaine des droits de l’homme et
des peuples. Très longue (68 articles), cette Charte affirme que les Etats membres tiennent
compte « des vertus de leurs traditions historiques et des valeurs de civilisation africaine qui
doivent caractériser leurs réflexions sur la conception des droits de l’homme et des peuples ».
Elle considère que les droits impliquent l’accomplissement des devoirs, que « les droits civils
et politiques sont indissociables des droits économiques, sociaux et culturels (…), et que la
satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels garantit la jouissance des droits civils
et politiques ». Les Etats « s’engagent à éliminer le colonialisme, le néocolonialisme,
l’apartheid, le sionisme, les bases militaires étrangères d’agression et toutes formes de
discrimination, notamment celles fondée sur la race, l’ethnie, la couleur, le sexe, la langue, la
religion ou l’opinion politique ».
Les droits de l’homme, dans ce qu’ils ont de plus fondamental, sont nécessaire me nt
universalistes. Comme l’indique si bien Kéba MBAYE, le chef de file des experts chargés de
la rédaction de cette Charte, « par essence les droits de l’homme concernent tout homme et tous
les hommes ».
Une lecture attentive du texte permet, dès l’abord, de s’interroger sur l’association « homme »
et « peuples » dans le titre. Ce qui est déjà une curiosité.
La Charte africaine consacre six articles aux « droits des peuples ». La place généreuse
accordée à ces droits constitue la deuxième importante originalité de cet instrument juridiq ue.
Celui-ci proclame en effet non seulement les déjà classiques droits des peuples à
l’autodétermination politique (art. 19 et art. 20) et économique (art. 21), social et culturel et à
l’égale jouissance du patrimoine commun de l’humanité (art. 22), le droit des peuples à la paix
(art. 23) et le droit à un environnement satisfaisant et global (art. 24). Ces derniers droits sont
ceux que la doctrine désigne comme les droits de la solidarité.
Dans son ouvrage La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples58 , Fatsah
OUGUERGOU estime qu’il y aurait deux acceptions de la notion de peuple. La première,
déclarée, est celle du peuple constitutif de l’Etat, ou, en d’autres termes, la somme de ses
nationaux. Ainsi conçu, le peuple n’a jamais été appréhendé par le droit international comme
sujet de droit. C’est l’Etat qui le représente qui est seul considéré comme agent juridiq ue
international. La seconde, virtuelle, montre le souci de tenir compte de la pluralité ethnique des
Etats africains. Il n’est pas ainsi impossible que la Charte ait voulu prendre en considératio n
cette réalité et viser l’ethnie tout autant que le « peuple-Etat » quand elle parle de « peuples ».
La tentation collectiviste est d’autant plus perceptible que l’influence de l’environnement à
l’époque de l’adoption de la Charte était très hostile aux droits de l’homme.
La nature juridique conférée à la Charte peut surprendre, placée dans le contexte politique de
l’époque. Il s’agit en effet d’une convention régionale.
D’avoir opté pour la formule juridique de ‘‘charte’’ et non de celle de ‘‘déclaration’’, revient à
lui conférer une force contraignante que ne possède cette dernière. Il s’ensuit que la Charte, dès
son entrée en vigueur le 21 octobre 1986, a fait naitre à la charge des Etats parties, l’obliga tio n
d’assurer la jouissance et l’exercice des droits proclamés. Pour les Hautes Parties Contractantes,
la Charte renferme d’ailleurs, en son article premier, l’engagement expresse d’‘‘adopter’’ des
mesures législatives pour les appliquer.
Après l’Europe (en 1950) et l’Amérique (en 1969), c’est l’Afrique qui se préoccupe d’assurer
la protection internationale des droits de l’homme. Le résultat n’a pas été atteint sans diffic ultés,
car, l’idée d’un instrument de protection des droits de l’homme, conçu dès janvier 1961 par les
juristes africains, n’a pu voir le jour que le 28 juin 1981, soit vingt ans plus tard. La Charte a
été en effet le fruit de souffrances atroces des peuples africains qui ont atteint un seuil
intolérable en République Centrafricaine, en Guinée Equatoriale et en Ouganda. Ces trois
peuples ont en effet subi les dictatures violentes et sanglantes (notamment le massacre de
centaines d’enfants), respectivement de l’empereur Bokassa 1er, du président Macias N’guéma
et du maréchal Idi Amin Dada, dictatures sanctionnées par leur chute spectaculaire en 1978-
1979. Les réactions des peuples africains à la répression, ainsi que la répulsion ressentie par
58 OUGUERGOUZ (F.), La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, PUF, 1993.
leurs dirigeants face à ces horreurs n’ont pu que faire prendre conscience de la nécessité d’une
protection régionale des droits de l’homme.
Sont concernés ici la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 ainsi
que certains autres textes internationaux
A. Elaboration et contenu
La DUDH est une suite de la Charte des Nations Unies dont les signataires affirmaient, dans le
préambule, leur foi « dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de
la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations,
grandes et petites ». La Charte elle-même déclare que l’un des buts de l’ONU est de
« développer et encourager le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales »
(art. 2) et assigne à l’un des organes, le Conseil économique et social, le soin d’assurer le
« progrès des droits de l’homme ».
La DUDH commence par affirmer, dans son préambule, que « la reconnaissance de la dignité
inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables
constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ». La parenté de
la DUDH avec la Déclaration de 1789 est perceptible. Cette Déclaration porte en effet
l’empreinte française objective, celle d’un visionnaire, d’un « fantassin des droits de
l’homme », René CASSIN, l’un des principaux rédacteurs.
L’Assemblée générale des Nations unies a présenté la Déclaration comme « l’idéal commun à
atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que les individus et tous les organes de
la société, ayant cette Déclaration constamment à l’esprit, s’efforcent, par l’enseignement et
l’éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d’en assurer, par des mesures
progressives d’ordre national et international, la reconnaissance et l’application universelles
et effectives, tant parmi les populations des Etats membres eux -mêmes que parmi celles des
territoires placés sous leur juridiction ».
Proclamant que tous les êtres humains naissent « libres et égaux en dignité et en droits » et
doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité, la DUDH affirme d’abord
l’égalité « sans aucune distinction », notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de
religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de
fortune, de naissance ou de toute autre situation.
La DUDH énonce ensuite différents droits, que l’on peut classer en quatre catégories :
Une deuxième série de droits est constituée par les droits civils :
Le droit à une nationalité, nul ne pouvant être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit
de changer de nationalité ; droit de se marier et de fonder une famille, l’homme et la femme
ayant des droits égaux « au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution » ;
droit à la propriété.
Une troisième catégorie est représentée par des droits politiques et les libertés
intellectuelles :
Le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; droit à la liberté d’expression, « ce
qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir
et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque
moyen d’expression que ce soit » ; droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques ; droit
de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par
l’intermédiaire de représentants librement choisis.
B. La valeur de la DUDH
Elle s’apprécie aussi bien sur le plan politique que sur le plan juridique.
Malgré le vote très massif en sa faveur, malgré la générosité de ses dispositions, le DUDH du
10 décembre 1948 n’a pas le caractère universel auquel elle prétendait : certains Etats lui
reprochent son caractère trop occidental et l’estiment non conforme à leurs propres
conceptions ; tel est le cas d’un certain nombre d’Etats se réclamant d’un islam rigide.
La DUDH a une portée relative : elle n’a aucune valeur juridique en droit international et en
droit interne français, contrairement en droit interne gabonais.
En droit international, si la Cour internationale de justice (CIJ) y fait référence, elle la rattache
toujours à un autre instrument juridique conventionnel.
En droit interne français, pour qu’un traité soit applicable, il faut, du point de vue formel,
qu’il ait été régulièrement signé, approuvé ou ratifié, et publié. La DUDH a bien été publiée au
Journal officiel du 9 février 1949, mais n’a pas été ratifiée, et n’a donc aucune force,
valeurjuridique contraignante en droit français (CE, 21 décembre 1990, Confédération
nationale des associations familiales catholiques et autres).
En droit interne gabonais, la DUDH, conformément à la décision n° 1/CC du 28 février 1992,
fait partie du bloc de constitutionnalité, parce que citée dans le Préambule de la Constitutio n.
Elle a donc de ce fait une valeur constitutionnelle.
Pour donner plus de force à la Déclaration universelle des droits de l’homme et ainsi achever
de bâtir l’édifice dont la première pierre avait été posée vingt-ans auparavant, l’Assemb lée
générale de l’ONU a adopté, le 16 décembre 1966, trois textes constituant une étape importante
dans l’action internationale entreprise en faveur des droits de l’homme 60 : le « Pacte relatif aux
droits civils et politiques » et le « Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels »,
le « Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et
politiques » qui reprennent les droits de la DUDH et ont été ouverts à la signature des Etats.
Il est presque superflu de rappeler à quel point sont anciens les efforts entrepris en faveur d'une
action internationale pour les droits de l'homme, et de souligner que la fin de la seconde guerre
mondiale avait conféré à cette dernière une urgence toute particulière. Dès lors, ces pactes sont
nécessaires à la consolidation de l’œuvre universaliste et de synthèse dans ce domaine car la
charte de 1948 n’avait pas d’effets juridiques concrets. L'œuvre à entreprendre dans ce domaine
n'avait pas pour seule finalité la protection de l'homme, mais aussi celle de la paix, tant il est vrai qu' «
un droit véritable entre Etats est inséparable du respect de la personne humaine au sein de l'Etat »61 et
59 MOURGEON (J.), « Les pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme », Annuaire Français de Droit
Les enfants, littéralement exploités dans de nombreux pays encore (enfants réduits à la
servitude ou à l’état de simples objets, dans les ateliers, par le « tourisme sexuel », etc.), font
l’objet de tentatives de protection par des conventions. Après la Déclaration des droits de
l’enfant du 10 novembre 1959, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté à l’unanimité, le 30
novembre 1989, la « Convention internationale sur les droits de l’enfant ». Signée à New
York le 26 janvier 1990, cette convention est entrée en vigueur depuis le 2 septembre 1990.
D’autres catégories de personnes font l’objet de l’attention des organisations internationales :
les réfugiés et apatrides (Conventions de l’ONU du 28 juillet 1951 et du 28 septembre 1954),
les migrants (Convention du 18 décembre 1990 sur la protection des droits de tous les
travailleurs migrants et des membres de leur famille), les travailleurs(Conventions de
l’Organisation internationale du Travail [OIT] sur la liberté syndicale, les procédures de
négociation collective, les travailleurs ruraux, les représentants des travailleurs dans
l’entreprise, etc.) ; les femmes (Conventions de l’ONU du 20 décembre 1952 sur les droits
politiques de la femme et du 10 décembre 1962 sur le consentement au mariage, l’âge minimum
du mariage)
Quelles sont les différents droits et libertés énoncés dans les Déclarations, Chartes et autres
Pactes énumérés ci-dessus ? Plusieurs classifications sont possibles : droits de la première
génération / droits de la deuxième génération / droits de la troisième génération ; libertés
individuelles / libertés collectives, etc. Nous retiendrons celle qui consiste à distinguer les
libertés de l’être humain, les libertés de l’esprit et les libertés économiques et sociales.
Chapitre 1e r: Les droits et libertés de l’être humain
La plupart des droits et libertés de la personne n’ont été affirmés que récemment parce qu’ils
découlent des nouvelles possibilités scientifiques et techniques, et de l’évolution des idées sur
la liberté.
I. Le droit à la vie
Le droit à la vie fait l’objet de multiples consécrations solennelles tant sur le plan internatio na l
que sur le plan interne.
Ainsi, selon l’article 5 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme de 1948 « tout
individu a droit à la vie (…) ». L’article 2 de la Convention européenne de 1950 proclame
« le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi ». En France, l’article 16 du Code
civil dispose que « la loi (…) le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».
Bien évidemment dans des nombreux pays du monde, ce droit ne l’est pas pour tous ceux qui,
sont victimes d’une politique de racisme, de « purification ethnique », d’idéologies totalitaires
ou, plus simplement, de violences fratricides.
A vrai dire, les principales questions abordées, ici, à la fois sous l’angle de l’éthique, du droit
et de la déontologie, concernent l’usage et la mise en œuvre du droit à la vie, et la liberté
d’utilisation du corps humain. Il convient d’examiner successivement les aspects biologiq ues
et les aspects sociaux du droit à la vie.
A. Le commencement de la vie
Les progrès de l’exploration prénatale ont montré depuis longtemps que la vie commence bien
avant la naissance. Dès lors, peut-on considérer que la vie intra-utérine est bien celle à laquelle
se réfère le législateur lorsqu’il pose son droit de protection ?
On pourrait considérer en effet que la vie humaine protégée doit être assimilée entièrement à
celle de l’individu physiquement autonome, et qu’elle ne commence donc qu’à la naissance.
On pourrait, au contraire, estimer que la vie commence avec la fécondation, et que dès ce stade
initial, existe un être vivant sujet de droit.
On pourrait encore, en adoptant une solution médiane, considérer que la seule vie méritant
protection est celle de l’être ayant atteint un certain niveau de développement.
Ainsi, pour certains, les 14 premiers jours après la fécondation sont le stade du « pré-embryon »
qui ne peut être considéré véritablement comme un être vivant puisque, la nidification et
l’ébauche d’un système neural ne surviennent qu’au-delà du 15e jour. Pour d’autres, la vie à
protéger commencerait lors du passage de l’embryon au fœtus, soit selon l’opinion dominante
en France, à partir du deuxième mois.
Le droit, en réalité, n’a jusqu’à présent pas opéré un choix tranché entre les diverses
solutions.
En principe, jusqu’à sa naissance, l’enfant n’est pas une individualité distincte, il est partie
intégrante du système biologique de sa mère. Mais, à titre dérogatoire, le droit lui reconnaît
aussi une certaine capacité juridique dès avant sa naissance, afin de garantir ses intérêts après
celle-ci, notamment sur le plan successoral selon l’adage : « infans conceptus pro
natohabeturquoties de commodisejusagitur » (l'enfant conçu sera considéré comme né
chaque fois qu'il pourra en tirer avantage »). Ainsi, l’article 906 du Code civil français
prévoit que « pour être capable de recevoir une donation entre vifs, il suffit d’être conçu au
moment de la donation » et « pour recevoir par testament, il d’être conçu à l’époque du décès
du testateur », une présomption situant la conception entre le 180 e et le 300e jour précédant la
naissance.
Mais ces solutions prenant en compte le stade prénatal ne semblent pas pour autant consacrer
l’existence d’une personne juridique vivante dès la conception ; elles ne s’appliquent en effet
qu’à titre rétroactif après une naissance viable. Si bien que lorsqu’un évènement, fortuit ounon,
aboutit à empêcher la naissance d’un être vivant, les solutions retenues semblent exclure qu’il
ait existé une vie autonome à un quelconque moment. En témoigne les précautions sémantiq ues
prises pour régler, sur le plan de l’état civil, les enfants dits mort-nés. L’article 79 alinéa 1du
Code civil prévoit la rédaction d’un acte dit « d’enfant sans vie », « qui ne préjuge pas de savoir
si l’enfant a vécu ou non ». L’enfant est sans vie mais on évite soigneusement de dire qu’il est
mort, ce qui impliquerait qu’il ait eu une vie intra-utérine.
Des nombreux observateurs ont voulu voir dans ces aménagements la reconnaissance de la vie
dès la conception, mais en réalité, jusqu’à présent, la législation française pas entendu prendre
parti ouvertement sur l’épineuse question de la vie avant la naissance. On peut d’aille urs
remarquer que l’article 23 de la Déclaration des Droits précédant le projet de Constitution
rejeté par referendum en 1946 prévoyait expressément « le droit à la protection de la santé
dès la conception », alors que le préambule, toujours en vigueur, du texte devenu Constitutio n
de 1946se borne à garantir la protection de la santé de l’enfant.
Le flou des solutions retenues en France a jusqu’à présent permis d’éluder les problèmes
juridiques et éthiques posés par les possibilités, désormais multiples, de manipulation sur
l’embryon et le fœtus, et, en premier lieu, l’avortement.
C’est la mère (ainsi que les médecins, en cas d’avortement thérapeutique) qui décide libreme nt,
dans les limites fixées par la loi, indépendamment de toute prise en compte de l’existence d’un
être vivant distinct d’elle-même.
Le sort réservé aux embryons ou fœtus éliminés par interruption volontaire de grossesse se situe
dans la logique de cette analyse. Puisqu’ils ne sont des êtres vivants, les guides techniques sur
l’élimination des déchets hospitaliers les classent dans la catégorie des petits déchets
anatomiques devant être incinérés.
Alors que les lois bioéthiques de 1994 et 2004 auraient pu en être l’occasion, le législateur s’est
refusé à y introduire un statut des embryons, en se bornant à prévoir dans le Livre V du Code
pénal une section III intitulée « de la protection de l’embryon humain » réprimant certaines
pratiques considérées comme contraires à l’éthique biomédicale. Ainsi, les embryons
demeurant en surnombre après une fécondation in vitro peuvent, sous certaines conditions, être
détruits. Pudiquement, le législateur dit qu’il est « mis fin à leur conservation »64 .
Le Conseil constitutionnel français, saisi des arguments relatifs au sort des embryons, a bien
confirmé l’existence du principe constitutionnel du droit à la vie, mais a refusé de se prononcer
sur la détermination de son champ d’application. Il a en effet constaté que pour les embryons,
le législateur « a estimé que le principe du respect de tout être humain dès le commencement
de la vie ne leur était pas applicable » et donc qu’il ne lui appartient pas, puisqu’il « ne détient
pas un pouvoir d’appréciation et de décision identique à celui du parlement, de remettre en
cause, au regard de l’état des connaissances et des techniques, les dispositions ainsi prises par
le législateur »65 .
Alors que certaines cours d’appel avaient adopté une conception extensive de l’être vivant en
retenant la qualification d’homicide par imprudence pour l’atteinte involontaire à la vie d’un
fœtus, la Cour de cassation se retranchait derrière une interprétation stricte de la loi pénale. Elle
a censuré l’analyse des cours d’appel en jugeant que les faits incriminés n’entraient pas dans le
champ du Code pénal. Pour elle, en effet, l’incrimination d’homicide involontaire ne s’applique
pas « au cas de l’enfant qui n’est pas né vivant »66 . En revanche, elle est retenue lorsque
l’accident a provoqué un accouchement prématuré à la suite duquel l’enfant n’a vécu que
quelques instants du fait des lésions vitales irréversibles qu’il avait subies67 .
Contestée devant la Cour européenne de droits de l’homme, cette conception restrictive n’a pas
été jugée contraire à l’article 2 de la Convention, la Cour estimant que « le point de départ du
droit à la vie relève de la marge d’appréciation des Etats dont la Cour tend à considérer qu’elle
doit leur être reconnue dans ce domaine »68 .
B. La fin de la vie
4. L’euthanasie
Etymologiquement, elle consiste à donner une mort douce et sans souffrance pour abréger la
fin inéluctable d’un malade. Aucun texte applicable à notre juridique ne garantit pour l’insta nt
le droit d’y recourir. La CEDH avait été invitée, entre autres arguments, à en faire un corollaire
négatif du droit à la vie consacré par l’article 2 de la Convention, à l’occasion du recours,
largement relaté par les médias, d’une Anglaise atteinte d’une maladie incurable la conduisant
inéluctablement à la mort douloureuse, demandant que son mari ne soit pas poursuivi s’il
abrégeait ses souffrances. Toutefois, elle a refusé l’interprétation suggérée, en considérant que
« l’article 2 ne saurait, sans distorsion de langage, être interprété comme conférant un droit
diamétralement opposé, à savoir un droit à mourir ; il ne saurait davantage créer un droit à
l’autodétermination en ce sens qu’il donnerait à tout individu le droit de choisir la mort plutôt
que la vie » (CEDH, 29 avril 2002, Pretty c./Royaume-Uni) . Dans cette affaire, la Cour
Européenne des Droits de l’Homme reconnaît pour la première fois et en termes prudents que
les dispositions de l’article 8 de la Convention consacrent l’existence d’un droit à
l’autodétermination ; en conséquence de ce droit, la Cour admet que l’interdiction de la pratique
du suicide assisté par le droit pénal d’un Etat puisse constituer une ingérence dans le droit au
respect de la vie privée des personnes concernée par cette interdiction (article 8 § 1).
En réalité, il est difficile d’encadrer cette pratique par des règles juridiques précises. On constate
en effet en premier lieu qu’elle peut prendre des formes multiples :
L’euthanasie passive consiste à refuser l’acharnement thérapeutique et à écourter,
éventuellement, la vie du malade, en lui administrant des sédatifs pour le soulager
(renonciation à soigner ou à prolonger l’acharnement thérapeutique, fourniture des
moyens de la mort (aide au suicide).
L’euthanasie active consiste à donner délibérément la mort à un malade, avec ou sans
son accord ( geste provoquant la mort).
En second lieu, les motivations de l’euthanasie peuvent elles-mêmes être multiples : il est
difficile, parfois, pour expliquer un acte se réclamant d’une réaction de pitié, de faire la part
entre le geste purement altruiste, et le refus égoïste de supporter la souffrance d’autrui. Au
demeurant, l’humanisme peut être parfois invoqué pour dissimuler des motivations moins
avouables, notamment d’ordre économique (réduire les dépenses dues à des traitements
coûteux) ou médical (utiliser le cadavre à des fins diverses).
De plus, le caractère insupportable de la souffrance, lui aussi, est susceptible d’appréciatio ns
variables. Il est possible de prendre en compte la douleur résultant de la dégradation physique
du corps, mais on peut également considérer que certaines souffrances purement
psychologiques sont insupportables, si elles sont vécues comme telles.
Malgré la difficulté d’établir une réglementation de telles pratiques, certains Etats ont tenté de
les encadrer en admettant, généralement, une sorte de « suicide médicalement assisté ».
Ainsi, au Pays-Bas, l’euthanasie pratiquée par les médecins, d’abord simplement dépénalisé
en 1993, est désormais autorisée sous certaines conditio ns par la loi du 12 avril 2002.AuEtats -
Unis, l’Etat de l’Oregon a adopté le 8 novembre 1994, sous forme d’initiative populaire, une
loi « mourir dignement (DeathwithdignityAct) ». Ce texte institutionnalise l’aide au suicide, par
fournitures de produits létaux en l’entourant d’un luxe de précautions destinées à éviter les
dérives.
En Angleterre, en l’absence de loi, la Haute Cour de Justice et la Chambres des Lords se sont
fondées sur le droit à l’autodétermination du malade pour ouvrir la voie à l’euthanasie passive
par interruption de traitement sur demande du patient. L’euthanasie active reste encore interdite .
En France, l’euthanasie demeure interdite mais, en pratique, des médecins y recourent, dans
certains cas sans l’accord des malades ni de leurs proches. On a pendant longtemps considéré
que le développement des unités de soins dites palliatives permettaient de mieux concilier le
respect de la vie et l’accompagnement médical des mourants. C’est pourquoi l’euthanasie reste
interdite, notamment aux médecins. C’est une faute disciplinaire, et sur le plan pénal un
homicide ou une complicité d’homicide.
En réalité, malgré cette interdiction, l’euthanasie passive ou active est, semble-t-il, aussi
couramment pratiquée en France qu’ailleurs, mais généralement dans la discrétion. C’est sans
doute pourquoi, par réalisme, un avis controversé n°063 du 27 janvier 2000 du Comité national
d’Ethique avait suggéré que sa pratique limitée soit tolérée, avec le consentement de l’intéressé,
lorsqu’elle est le dernier moyen de faire face à l’inéluctable, en admettant une sorte
d’« exception d’euthanasie » dépénalisant le geste létal.
En France, la loi du 29 juillet 1994 a créé un nouveau titre dans le Code civil « Du respect du
corps humain». Ce texte crée un statut juridique du corps humain. Les grands principes du
corps humain se trouvent inscrits dans le Code civil. Les autres règles se trouvent notamme nt
dans le Code de la santé publique par exemple. L’article 16-1 alinéa 1er du Code civil dispose
que « chacun a droit au respect de son corps ». Cette loi avec une autre loi adoptée le même
jour forme un corpus juridique connu sous le nom de « lois Bioéthiques ». La loi du 6 août
2004, relative à la bioéthique, a réformé les lois de 1994 sans apporter de changement au Code
civil. Ces lois devraient se voir modifiées en 2009. Les lois de 1994 ont eu pour objet, d’une
part la protection de l’être humain contre les atteintes aux tiers, mais également contre les
atteintes que la personne peut se porter à elle-même. Il s’agit d’un principe déjà ancien : le corps
humain ne peut faire l’objet d’une convention à titre gratuit ou à titre onéreux. Le législateur a
apporté quelques dérogations à cette règle notamment en matière de dons d’éléments ou de
produits du corps humain, tel que le don de sang, de sperme ou d’organe ou en matière de
réglementation de l’expérimentation sur l’homme.
La loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain rétablit dans le code civil
l’article 16 dans la rédaction suivante : « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute
atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de
la vie ».
Le Conseil constitutionnel, saisi des deux lois concernant, d’une part, le respect du corps
humain, d’autre part, le don et l’utilisation des éléments et produits du corps humain,
l’assistance médicale, la procréation et le diagnostic prénatal, a déclaré que ces lois « énoncent
un ensemble de principes au nombre desquels figurent la primauté de la personne humaine, le
respect de l’être humain dès le commencement de sa vie, l’inviolabilité, l’intégrité et l’absence
de caractère patrimonial du corps humain ainsi que l’intégrité de l’espèce humaine » et que
ces « principes ainsi affirmés tendent à assurer le respect du principe constitutionnel de
sauvegarde de la dignité de la personne humaine ».
Le fait donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre sanctionné par la loi.
Selon l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme : « Nul ne peut être
jamais soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». La torture
est le fait de provoquer volontairement des souffrances aiguës chez une personne. Le traiteme nt
inhumain est celui qui provoque des souffrances graves sans atteindre à un tel degré que l’on
puisse parler de torture. Le traitement dégradant est l’agissement qui « humilie l’individu
grossièrement devant autrui ou le pousse à agir contre sa volonté ou sa conscience » (CEDH,
25 avril 1978, Tyrer c/ Royaume-Uni). A propos de l’attraction du « lancer des nains », le
Conseil d’Etat a déclaré légales les interdictions prononcées par des maires. Mais d’une façon
très innovante, la Haute juridiction administrative pose que « le respect de la dignité de la
personne humaine est une des composantes de l’ordre public » et « que l’autorité investie du
pouvoir de police municipal peut, même en l’absence de circonstances locales particulières,
interdire une attraction qui porte atteinte au respect de la dignité de la personne humaine »
(CE, Ass., 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge). Le Conseil d’Etat considère
alors que le maire pouvait interdire l’attraction même si la sécurité du nain était assurée, et
même si celui s’était prêté librement à l’exhibition contre rémunération. Le principe de dignité
de l’être humain acquiert ainsi son autonomie dans le système juridique.
Par ailleurs, « nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude » (art. 4-1 de la CEDH), et
nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire (art. 4-2). Selon la
convention de Genève de 1926, l’esclavage est la condition de l’individu sur lequel s’exercent
les attributs du droit de propriété. Le principe constitutionnel de « sauvegarde de la dignité de
la personne humaine » proscrit évidemment l’esclavage.
L’indisponibilité du corps humain, qui fait partie du même principe constitutionnel, a d’abord
été consacrée par la jurisprudence, et précisée ensuite par les lois de 1994. « Le corps humain,
ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial ».
Le principe de l’indisponibilité et à l’inviolabilité du corps humain connaît quelques
exceptions. Elles portent principalement sur le don et l’utilisation des éléments et produits du
corps humain à des fins médicales. A noter que les prélèvements d’éléments du corps humain
et la collecte de ses produits ne peuvent être pratiquées sans le consentement préalable du
donneur, ce consentement étant révocable à tout moment.
Le prélèvement d’organes sur une personne vivante ne peut être effectué dans l’inté rêt
thérapeutique direct d’un receveur. Le receveur doit avoir la qualité de père ou de mère, de fils
ou de fille, de frère ou de sœur du donneur. En cas d’urgence, le donneur peut être le conjoint.
Aucun prélèvement n’est possible sur une personne vivante mineure ou sur une personne
vivante majeure faisant l’objet d’une mesure de protection légale.
Le prélèvement d’organes sur une personne décédée ne peut être effectué qu’à des fins
thérapeutiques ou scientifiques et après que le constat de la mort a été établi. Ce prélèveme nt
est possible dès lors que la personne concernée n’a pas fait connaître, de son vivant, son refus.
Chacun de nous a le droit de garder secrète l'intimité de son existence, afin de ne pas être livré
en pâture à la curiosité publique. Personne ne peut donc s'immiscer dans ce domaine contre le
gré de l'intéressé. Cette liberté a toujours été menacée et l'est encore plus aujourd'hui, avec
l'accroissement de la pression sociale, la relâche de la contrainte morale et le développeme nt
des techniques de divulgation et d'investigation.
La protection de la vie privée a été affirmée en 1948 par la Déclaration universelle des droits
de l’homme des Nations unies (art. 12). En droit français, l’article 9 du Code civil, introduit
par la loi du 17 juillet 1970, dispose que « toute personne a droit au respect de sa vie privée ».
Par la suite, sa protection a été étendue par plusieurs décisions du Conseil constitutionnel, sur
le fondement de la liberté personnelle garantie par l’article 2 de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789.
la protection du domicile : par exemple, la police ne peut y pénétrer que dans certains
cas fixés par la loi ;
le secret professionnel et médical : un médecin ne peut révéler les éléments du dossier
médical d’une personne sans son consentement ;
la protection de l’intimité : des éléments concernant les relations amoureuses ou les
préférences sexuelles d’une personne ne peuvent être révélés ;
la protection du droit à l’image : il est interdit de reproduire l’image d’une personne
sans son autorisation.
Cette règle vaut pour tout un chacun et pas seulement les "personnes publiques". Il existe
néanmoins des limites tenant au cadre dans lequel une image a été réalisée. La protection n’est
pas la même pour une photographie prise lors d’une réunion publique (ex : réunion politiq ue).
En tout état de cause, la protection du droit à l’image est moins étendue que celle du droit à la
vie privée stricto sensu.
1. La protection du domicile
La protection du domicile est un droit qui relève de la sécurité et du bien-être personnel. Selon
le Code civil, le domicile est le lieu de localisation de la personne sur le plan juridique, c'est-à-
dire le lieu de sa vie civile et juridique. La personne exercera ses droits civiques et politiq ues,
sera un contribuable en fonction du lieu de son domicile ; les règles de compétence d'attributio n
territoriale des juridictions dépendent également du lieu du domicile du défendeur. Le domicile
est ainsi distinct de la résidence qui est le lieu où la personne demeure. Une personne peut avoir
plusieurs résidences contrairement au domicile qui est unique.
En matière pénale, le domicile est le lieu d'habitation de la personne, celui dans lequel elle a le
droit de se prétendre chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et
l'affectation donnée aux locaux.
a) La Convention européenne des droits de l’homme
Elle stipule dans son article 8-1 : « toute personne a droit au respect de sa vie privée et
familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Elle précise, dans son article 8-2 : « Il ne
peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que
cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société
démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sureté publique, au bien-être
économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la
protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».
b) Le droit français
c) Le droit gabonais
2. Le secret de la correspondance
aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des
dispositions relatives à la police judiciaire.
« La forme épistolaire des relations doit faire présumer la confidence, le besoin de secret »72 ,
écrivait GENY à propos des lettres missives. La correspondance privée se définit comme tout
message exclusivement destiné à une ou plusieurs personnes physiques ou morales,
déterminées et individualisées. Ainsi, toute correspondance entre deux personnes doit être
protégée au titre du secret, par les opérateurs dont l’activité consiste à acheminer, transmettre
ou transférer le contenu de ces correspondances. Tout comme un facteur n’a pas le droit d’ouvrir
un courrier postal, le fournisseur de messagerie électronique ou le fournisseur d’accès à internet
sont tenus de respecter le secret des courriers électroniques. Affirmé par l’article 8-1 de la
CEDH, le secret de la correspondance ne figure pas, étrangement, dans la Déclaration des droits
de l’homme. Il peut être considéré comme constitutionnalisé à travers la consécration de la
liberté individuelle par le Conseil constitutionnel. Le fait, commis de mauvaise foi, d’ouvrir, de
supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et
adressées à des tiers, ou d’en prendre frauduleusement connaissance, est puni de peines
d’emprisonnement et d’amendes.
Au Gabon, le secret de la correspondance est prévu par la Constitution. D’après son article 1 er,
5°), « Le secret de la correspondance, des communications postales, télégraphiques,
téléphoniques et télématiques est inviolable. Il ne peut être ordonné de restriction à cette
inviolabilité qu’en application de la loi, pour des raisons d’ordre public et de sécurité de
l’Etat ».
72 GENY (F.), « Des droits sur les lettres missives », S. 1911, 1, n° 83, p. 218.
potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la
criminalité et de la délinquance organisées ». La durée maximale des autorisations est quatre
mois. Une autorité administrative indépendante, la Commission nationale de contrôle des
interceptions de sécurité (CNCIS), veille à la légalité de ces dernières.
Les écoutes judiciaires sont ordonnées par un juge d’instruction dans le cadre d’une instructio n.
Celles-ci ne peuvent être prescrites qu’« en matière criminelle et en matière correctionnelle, si
la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d’emprisonnement ». La durée de l’écoute
ne peut excéder quatre mois, mais peut être renouvelée pour la même durée.
Les « écoutes sauvages », pratiquées pour le compte de particuliers ou de sociétés par des
agences privées sont illégales.
B. Le droit à l’intimité
« L'intimité n'est pas seulement un droit, elle présuppose quelque chose de préalable »73 . En
effet, la vie privée est la sphère d'intimité de la personne. Elle se définit par opposition à la
vie publique. Cette sphère a vocation à rester à l'abri des regards d'autrui. Le droit au respect de
la vie privée est protégé au titre des droits de la personnalité. Ainsi, la protection de l’intimité
concerne les relations amoureuses ou les préférences sexuelles d’une personne qui ne peuvent
être révélés.
1. Le droit au couple
La plupart des couples souhaitent une reconnaissance sociale. Celle-ci est réalisée d’abord par
le mariage entre un homme et une femme, qui implique des droits (notamment celui de fonder
une famille) et des obligations. Une loi du 15 octobre 1999 crée un « pacte civil de solidarité »
(Pacs) pouvant être conclu entre deux personnes physiques, quel que soit leur sexe, pour
organiser leur vie commune. Depuis la loi TAUBIRA de 2013, possibilité est reconnue aux
personnes de même sexe de contracter mariage.
Au Gabon, cette conception occidentale du couple n’a pas été retenue par le Constitua nt.
Affirmant son attachement aux valeurs traditionnelles et culturelles africaines, il a, dans sa
rédaction du 12 janvier 2018 (article 1e r, 14°)), admis que le mariage est une union entre deux
personnes de sexe différent : « la famille est la cellule de base naturelle de la société, le
mariage, union entre deux personnes de sexe différent, en est le support légitime. Ils sont placés
sous la protection particulière de l’Etat ».
Etre citoyen c’est se sentir membre d’une communauté, avec les devoirs que cela implique à
l’égard de celle-ci. Etre citoyen, c’est aussi être reconnu comme tel par la communauté. Les
Etats établissent une distinction entre leurs nationaux et les étrangers.
A. La liberté individuelle
1. La sureté
Depuis la Révolution française, de grands textes à portée nationale et internationale ont affir mé
le droit à la sûreté comme un droit fondamental de l’être humain : il s’agit de la Déclaration des
Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
de 1948 et de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés
Fondamentales de 1950. Désormais, assurer la sécurité sur le territoire français est une missio n
de l’État et de nombreuses lois ont pour objet la sécurité quotidienne des français.
La sûreté, conçue comme une garantie contre l’arbitre et inspirée de l’Habeas corpus
britannique, mais paradoxalement, elle n’a pas été définie en 1789. Il a fallu attendre la
Déclaration girondine du 26 février 1793. Aux termes de l’article 10 de cette déclaration : «
la sûreté consiste dans la protection accordée par la société à chaque citoyen pour la
conservation de sa personne, de ses biens, et de ses droits ». L’article 7 de la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen définit la sûreté personnelle et garantit à toute à personne,
quel que soit son état et son origine, de ne pas être arbitrairement détenue, de ne pas être détenue
hors des conditions prévues par la loi : « nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que
dans cas déterminés par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites ». L’article 8 précise que
« nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et
légalement appliquée » et l’article 9 qui énonce que « tout homme est présumé innocent jusqu’à
ce qu’il ait été déclaré coupable ». Ce droit est réaffirmé dans l'article 66 de la Constitution
de 1958 et, à l'échelle internationale, l'article 5 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l’Homme et des libertés fondamentales de 1950. Ces textes défendent une nécessaire protection
contre l'arbitraire et permettent l'exercice concret des droits fondamentaux.
Plus largement la notion de sûreté doit être élargie à celle de sécurité impliquant les
administrations de l'État responsables du respect des règles collectives et de la lutte contre les
infractions et les délits. La force publique organisée joue donc un rôle majeur pour le respect
du droit et des libertés. Dans le cadre des lois, elle en assure la mise en œuvre par ses actions
préventives ou répressives. La loi du 21 janvier 1995 (complétée par les lois sur la sécurité
intérieure, Lopsi et Lopsi2) réaffirme le rôle de l'État qui a « le devoir d’assurer la sécurité en
veillant, sur l’ensemble du territoire de la République, à la défense des institutions et des
intérêts nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l’ordre publics, à la
protection des personnes et des biens». En France, la sécurité intérieure est principale me nt
assurée par la police nationale et la gendarmerie. À ces deux corps, il convient d'ajouter les
polices municipales qui n'ont pas les mêmes droits. Les liens entre liberté, justice et sécurité
doivent être développés par l'étude de situations où gendarmes et policiers assurent à la fois
l'ordre et le respect des libertés. Ainsi, la transmission d'informations personnelles aux
institutions judiciaires est encadrée par des règles de droit.
La sureté est également consacrée par la législation gabonaise. L’article 1er de la Constitution
édicte en effet que « Nul ne peut être arbitrairement détenu.Nul ne peut être gardé à vue ou
placé sous mandat de dépôt s’il présente des garanties suffisantes de représentation, sous
réserves des nécessités de sécurité et de procédure.Tout prévenu est présumé innocent jusqu’à
l’établissement de sa culpabilité à la suite d’un procès régulier, offrant des garanties
indispensables à sa défense.Le pouvoir judiciaire, gardien de la liberté individuelle, assure le
respect de ces principes dans les délais fixés par la loi » (23°).
En somme, la sûreté s'inscrit dans le système juridique français et européen comme droit
individuel et collectif permettant l'égalité entre les citoyens. Son étude doit s'articuler autour de
deux grands axes : la sûreté comme droit fondamental de l'homme et le rôle des pouvoirs publics
pour garantir la sécurité.
La liberté visée à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme, inclut la liberté d’aller et
venir, mais celle-ci n’est pas précisée. Les dispositions européennes sont beaucoup plus
détaillées. Exemple, le protocole additionnel n° 4 de la Convention européenne des droits de
l’homme prévoit que toute personne qui se trouve régulièrement sur le territoire d’un Etat a le
droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence, que toute personne est libre
de quitter n’importe quel pays, y compris le sien, que l’exercice de ces droits ne peut faire
l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures
nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sureté publique, au
maintien de l’ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé
ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
Toutefois, en France, des restrictions peuvent être apportées à la circulation, sur le territoire,
des personnes condamnées pénalement (possibilité d’interdiction de séjour), des « personnes
exerçant une activité ambulante » (marchands ambulants, forains), des « caravaniers » et des
« nomades ».
Pour le Constituant gabonais (article 1 er, 3°), « la liberté d’aller et venir à l’intérieur du
territoire de la République Gabonaise, d’en sortir et d’y revenir, est garantie à tous les citoyens
gabonais, sous réserve du respect de l’ordre public ».
liberté d'association,
liberté d'éducation,
liberté de détenir et de porter des armes (Second amendement de la Constitution des
États-Unis),
liberté de mouvement,
liberté de la presse,
liberté de religion (ou de croyance),
liberté de pensée,
liberté d'expression.
1. Le droit à la nationalité
Selon l’article 18 du code civil : « est français l’enfant, légitime ou naturel, dont l’un des
parents au moins est français ». Si un seul des parents est français, l’enfant qui n’est pas né en
France a la faculté de répudier la qualité de Français dans les six mois précédant sa majorité et
dans les douze mois qui la suivent. Par ailleurs : « est Français l’enfant né en France de parents
inconnus » (art. 19 du code civil). Est également Français l’enfant né en France de parents
apatrides, l’enfant né en France de parents étrangers et à qui n’est attribuée par les lois
étrangères la nationalité d’aucun des deux parents.
Au Gabon, l’état du droit ne diffère pas fondamentalement de la situation qui prévaut en France.
2. La citoyenneté
Sauf exception, tout citoyen dispose du droit de suffrage. Ce dernier est le pouvoir et le droit
de participer à la vie politique du pays par la voir du vote. En France, comme au Gabon, il
n’existe pas de vote obligatoire : on considère que le droit de voter implique aussi celui de ne
pas voter.
II. Les droits et libertés des étrangers
En préalable, il faut indiquer que les étrangers ne disposent d'aucun droit à entrer dans un Etat.
Il n'existe donc pas de liberté de circulation transfrontalière. Les étrangers font l’objet de
mesures restrictives de leurs libertés. Ils doivent ainsi se soumettre à des règles qui peuvent
limiter leurs libertés individuelles. Cependant, les étrangers voient leurs droits assurés par un
certains nombres d’éléments et notamment par les principes généraux du droit dégagés par le
juge.
A. L’entrée et le séjour des étrangers en France et au Gabon
La politique des pouvoirs publics français à l’égard des étrangers est très variable selon les
moments de l’histoire : accueillante lorsque la France a besoin des étrangers (main-d’œuvre),
restrictive le plus souvent. Juridiquement, les autorités françaises disposent d’un pouvoir
étendu, et les étrangers sont soumis à un régime de police spécifique, ainsi que le déclare le
Conseil constitutionnel : « Les conditions d’entrée et de séjour peuvent être restreintes par des
mesures de police étendues et reposant sur des règles spécifiques » (CC, n° 93-325 DC des 12-
13 août 1993) et « aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle
n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le
territoire national » (CC, n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003).
Ces pouvoirs doivent être exercés en respectant les engagements internationaux de la France,
notamment la Convention européenne des droits de l’homme. De plus, par la loi
constitutionnelle du 25 novembre 1993 consécutive à la Convention de Schengen, la France a
consenti aux transferts de compétence nécessaires « à la détermination des règles relatives au
franchissement des frontières extérieures des Etats membres de la Communauté européenne »
(art. 88-2 de la Constitution).
Ce droit a été consacré d’abord par le Conseil d’Etat (8 décembre 1978, GISTI), puis le Conseil
constitutionnel (déc. n° 93-325 du 13 août 1993), la Cour européenne des droits de l’homme
(26 mars 1992, Beldjoudi c/ France). Après la loi du 24 août 1993, restrictive, la loi du 11 mars
1998 a reconnu à l’étranger séjournant régulièrement en France depuis au moins un an, le droit
d’être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple
mineurs de moins de dix-huit ans.
2. La liberté du travail
Elle est reconnue largement aux ressortissants de l’Union Européenne (UE), surtout dans le
secteur privé. La loi du 26 juillet 1991 exclut indirectement les ressortissants des pays de l’UE
des emplois de la défense, de la police, de la magistrature, de l’administration fiscale et de la
diplomatie.
Les étrangers hors UE disposent de droits beaucoup plus limités : la carte de séjour ne vaut pas
droit de pouvoir travailler (sauf, depuis 1988, pour l’étranger ayant obtenu l’asile territoria l).
Une autorisation de travail doit être demandée au préfet du département concerné.
3. Le droit d’association
Les étrangers ont le droit de participer à des associations, de constituer des associations
étrangères sans autorisation, d’adhérer au syndicat de leur choix (mais les membres des organes
de direction doivent être français), d’être délégués du personnel ou membres des comités
d’entreprise.
Les libertés de l’esprit, ou libertés intellectuelles, sont celles qui témoignent le mieux de la
capacité de créer des hommes, de leur diversité, de la grandeur humaine. Ce sont aussi les
libertés les plus sensibles aux atteintes des pouvoirs. Les détenteurs du pouvoir, et plus
particulièrement, du pouvoir politique, sont méfiants à l’égard de ces libertés. Les régimes
autoritaires et, à plus forte raison, totalitaires, cherchent à les restreindre, souvent les
suppriment. Même en démocratie, de telles atteintes ne sont pas excluent. C’est pourquoi les
citoyens doivent demeurer vigilants à l’égard du pouvoir.
Si l’histoire de toutes les sociétés est inséparable de pratiques religieuses, la liberté religie use
n’a été acquise que tardivement dans l’histoire. Aujourd’hui encore, elle n’existe pas dans tous
les pays. En France, la liberté religieuse n’a été reconnue qu’au terme de longs conflits.
I. La liberté de culte
La liberté de culte est la liberté, pour chaque citoyen, de pratiquer le culte de son choix.
La liberté cultuelle est consacrée par les normes juridiques les plus élevées de la hiérarchie. Elle
implique un cadre juridique particulier.
En affirmant qu’elle « respecte toutes les croyances », la Constitution consacre non seuleme nt
la liberté de croyance, mais aussi les pratiques cultuelles qui accompagnent nécessairement les
croyances religieuses.
La Convention européenne des droits de l’homme consacre la liberté de religion dans son
article 9. Ce droit à la liberté de religion « implique la liberté de changer de religion ou de
conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou
collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et
l’accomplissement des rites ».
La loi du 9 décembre 1905 affirme, dans son article premier, que « la République assure la
liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions
édictées (…) dans l’intérêt de l’ordre public ».
La Constitution gabonaise du 26 mars 1991 indique dans son article 1er que « la liberté de
conscience, de pensée, d’opinion, d’expression, de communication, la libre pratique de la
religion, sont garanties à tous, sous réserve du respect de l’ordre public ».
Le Conseil d'État a depuis longtemps lié la laïcité de l'État et sa neutralité. Dans son avis du
21 septembre 1972, relatif à la possibilité pour enseignant devenu ministre du culte de continuer
d'exercer ses fonctions, puis dans celui du 27 novembre 1989, et dans son Rapport public 2004,
le Conseil d'État a été clair en ce sens, ce qu'il a confirmé au contentieux dans l'arrêt Kherouaa
du 2 novembre 1992. En effet, dans cette décision, la Haute juridiction administrative a annulé,
parce que « générale et absolue », la disposition du règlement intérieur d’un établisse me nt
scolaire interdisant le « port du signe distinctif, vestimentaire ou autre, d’ordre religieux,
politique ou philosophique » (CE, 12 novembre 1992, Kerhouaa), mais a admis les
restrictions apportées par le règlement intérieur d’un autre établissement, dès lors que ces
restrictions n’avaient ni pour objet ni pour effet d’énoncer une interdiction générale et absolue
(CE, 10 mars 1995, M. et Mme Aoukili).
Après un vif débat public, le Parlement a adopté, le 15 mars 2004, une loi disposant, dans un
article unique : « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues
par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit »
(circulaire d’application du 18 mai 2004 reconnue légale dans l’arrêt CE, 8 août 2004,
Union française pour la cohésion nationale).
Parce que l’homme est un être relationnel, la liberté de communication est l’une des plus
fondamentales de toutes les libertés. Acquise dans de nombreuses sociétés après de durs
combats, mais non reconnue par tous les Etats, la liberté de communication est toujours à
défendre.
La protection du secret des sources journalistiques a été consacrée comme « pierre angulaire
de la liberté de la presse»par la CEDH dans sa célèbre décision Goodwin/RU. Il s’agit de
garantir la liberté d’informationdans une société démocratique.
Une presse libre est une condition d’une société libre, la garantie des autres libertés.
A. Fondements et valeur de la liberté de la presse
1. Les sources de la liberté de la presse
Les sources nationales
Elles sont les plus célèbres. Il s’agit de la Déclaration des droits de l’homme et de la loi du 29
juillet 1881. L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme dispose : « la libre
communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ;
tout citoyen peut donc perler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette
liberté dans les cas déterminés par la loi ». Après une évolution tumultueuse, la liberté de la
presse est définitivement instaurée en France par la loi du 29 juillet 1881.
Les sources internationales
Elles se trouvent dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH, 1948), la
Convention européenne des droits de l’homme (CEDH, 1950) et le Pacte international
relatifs aux droits civils et politiques (ONU, 1966). L’article 19 de la DUDH déclare : « tout
individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être
inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération
de frontières, les informations et les idées par quelque moyens d’expression que ce soit ». Selon
l’article 10-1 de la CEDH : « toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit
comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou
des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de
frontières ».
La liberté des lecteurs est directement visée par le Conseil constitutionnel dans sa décision de
1984. Celle-ci affirme que le pluralisme de la presse « est en lui-même un objectif de valeur
constitutionnelle », ce qui implique aussi, non plus l’abstention mais plutôt l’intervention du
législateur pour garantir ce pluralisme (d’où l’exigence de « transparence » concernant la
propriété et l’exploitation des journaux, la connaissance de leurs dirigeants, de leurs conditio ns
de financement, etc., mettant les lecteurs à même d’exercer leur choix de façon vraiment libre).
Dans sa décision du 11 janvier 199074 , le Conseil constitutionnel affirme que le « pluralisme
des courants d’idées et d’opinion (…) constitue le fondement de la démocratie ».
Historiquement, c’est par rapport au pouvoir politique que la presse revendique son
indépendance parce que ce dernier supporte mal ou n’admet pas la critique.
74 Décision
n° 89-271 DC du 11 janvier 1990, Loi relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification
du financement des activités politiques.
La liberté de publier, la plus large dans sa formulation, est double : c’est d’abord la liberté
d’informer, c’est-à-dire la liberté de porter à la connaissance des lecteurs, des citoyens, les faits
se rapportant à tout domaine de la connaissance et de la vie. C’est ensuite la liberté de
commenter, c’est-à-dire de porter une appréciation, qui est une forme de jugement, sur les faits.
Le pouvoir, tout pouvoir, éprouve du ressentiment à l’égard des jugements qui lui sont
défavorables.
La liberté d’imprimer est le corollaire obligé de la liberté de publier. Sans la liberté d’imprimer,
la liberté de la presse ne serait que la liberté d’expression. La loi du 29 juillet 1881 affirme que
l’imprimerie est libre alors que, jusque-là le régime applicable était un régime d’autorisatio n
préalable.
2. Le journaliste
Selon le code du travail, « le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation
principale, régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications
quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse et qui en tire le
principal de ses ressources ». Aujourd’hui comme hier, les journalistes sont les premiers visés
par les dictatures de toutes sortes. La loi française, en vue de garantir l’indépendance de la
presse, confère au journaliste certaines protections. La liberté du journaliste est garantie à
travers le droit de ne pas révéler ses sources d’informations(loi du 4 janvier 1993), la protection
des sources des journalistes est alors un droit nécessaire mais non absolu . Il s’agit d’une
revendiction ancienne. La protection des sources d’information des journalistes est considérée,
par eux, commomme une condition et garantie de la liberté d’information et du droit du public
à être informé sur des questions d’intérêt général. Elle est désormais juridiquement consacrée,
tant en droit français qu’en droit européen. Cette protection des sources journalistiques parut,
aux premiers intéressés, insuffisante. A leur demande, des dispositions nouvelles firent l’objet
de la loi du 4 janvier 2010. Alors, a notamment été introduit, à l’article 2 de la loi du 29 juille t
1881 « sur la liberté de la presse », le principe selon lequel « le secret des sources des
journalistes est protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public ». Les
circonstances et les modalités (journaliste témoin, réquisitions, perquisitions, transcription de
correspondances) selon lesquelles cette protection est assurée ont alors été diversifiées et
confortées.
Entre temps, par un arrêt du 27 mars 1996, Goodwin c. Royaume-Uni, la Cour européenne
des droits de l’homme (CEDH) avait notamment posé que « la protection des sources
journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse » ; que « l’absence
d’une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d’aider la presse à
informer le public sur des questions d’intérêt général » ; et que, « en conséquence, la presse
pourrait être moins à même de jouer son rôle indispensable de ‘chien de garde’ et son aptitude
à fournir des informations précises et fiables pourrait s’en trouver amoindrie ». Ces formules
ont été reprises dans différents arrêts de la même Cour relatifs aux droits (dispositio ns
législatives et interprétations judiciaires) français, belge, luxembourgeois, néerlandais, et, par
conséquence et nécessité, par les juridictions nationales… non sans quelques conditions et
limites cependant.
La liberté du journaliste est également garantie à travers la clause de conscience(elle leur donne
droit aux indemnités de licenciement en cas de démission motivée par la sauvegarde de leurs
intérêts moraux, en cas par exemple de changement notable dans le caractère ou l’orienta tio n
du journal ou périodique).
Il n’est pas de liberté sans limites, celles-ci sont une garantie de la liberté, à condition d’être
cantonnées et précisées.
Dans l’intérêt général, la liberté d’information est limitée par certaines interdictions. Leur
violation constitue un « délit de presse » puni par la loi. Exemples : interdictions de fausses
nouvelles ; interdiction de la diffamation (toute allégation ou imputation d’un fait qui porte
atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne) et de l’injure (toute expression
outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait) ;
interdiction des écrits racistes ou interdiction de négation des crimes contre l’humanité.
Enfin, pas plus qu’aucun autre, le droit à la protection des sources d’information des journalis tes
ne peut pourtant être absolu. Il doit nécessairement se concilier avec d’autres droits et intérêts
concurrents, individuels ou collectifs, et parfois s’incliner devant eux.Dans l’arrêt Goodwin
précité, la CEDH admet qu’il puisse, en certaines circonstances, être porté atteinte au secret
des sources des journalistes. Elle pose cependant qu’une « ordonnance de divulgation […] ne
saurait se concilier avec l’article 10 de la Convention » de sauvegarde des droits de l’homme,
consacrant le principe de la « liberté d’expression », que « si elle se justifie par un impératif
prépondérant d’intérêt public ».
La question de la liberté de l’activité se pose moins, désormais, pour le cinéma que dans le
domaine de l’audiovisuel.
Inventées à la fin du 19e siècle, la radio (1921), d’abord, la télévision (1964), ensuite, ont été
organisées dès leur naissance sous la forme d’un monopole d’Etat, jusqu’à l’affirmation, en
1986 de la liberté de la communication audiovisuelle. La loi du 30 septembre 1986, modifiée à
maintes reprises (en dernier lieu loi du 5 mars 2009) affirme dans son article premier : « la
communication audiovisuelle est libre ». La loi du 21 juin 2004 a ajouté à la précédente : « la
communication au public par voie électronique est libre » et « l’utilisation des moyens de
cryptologie est libre ». Pour le Conseil constitutionnel, cette liberté, rattachée à la Déclaratio n
des droits de l’homme, implique le respect du pluralisme. Celui-ci implique lui-même, d’une
part, que, comme dans la presse écrite, le législateur garantisse la pluralité des entreprises de
presse audiovisuelles, d’autre part, que le public puisse disposer « de programmes qui
garantissent l’expression de tendances de caractères différents dans le respect de l’impératif
d’honnêteté de l’information » (n° 217 DC précitée).
Mais cette liberté est une liberté contrôlée. En effet, la loi du 30 septembre 1986 modifiée,
institue un régime d’autorisation préalable pour les services de communication audiovisue lle
diffusés par voie hertzienne, de même que pour les services par câble.
B. La liberté cinématographique
Longtemps considérée avec suspicion par les pouvoirs publics, la liberté cinématographique est
une liberté largement contrôlée, mais en même temps, c’est une liberté favorisée parce que
bénéficiant de nombreuses aides75 . L’activité cinématographique (de la production à la
diffusion de films) obéit à un régime d’autorisation préalable. Un film ne peut être projeté sur
le territoire français s’il n’a pas obtenu l’autorisation préalable. Celle-ci porte le nom de visa.
La Constitution de 1791 déclarait : « Il sera créé et organisé une instruction publique commune
à tous les citoyens, gratuite à l’égard des parties d’enseignement indispensables pour les
hommes ». L’enseignement, en France, est marqué historiquement par une forte présence de
l’Etat, avec la volonté affichée des pouvoirs publics d’accroître l’autonomie des universités (loi
du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, LRU).
Cette naissance, en France, est caractérisée par l’absence de liberté. Organisé par Napoléon
1er(l’Université impériale, en 1806) sous un monopole d’Etat, l’enseignement a d’abord pour
but de former des sujets dociles. Si, à partir de 1830, le système se libéralise, l’enseigne me nt
public va rester marqué, jusqu’à aujourd’hui, par cet héritage centralisateur. Au cours du 19 e
siècle, les objectifs assignés aux structures d’enseignement s’étendent, passant de l’instruc tio n
publique(qui peut se résumer à l’acquisition de trois connaissances : lire, écrire, compter) à
l’enseignement (qui englobe des matières plus diversifiées) et, enfin, à l’éducation, qui a
ambitionné de former des citoyens et de faciliter l’insertion dans la société.
Le droit à l’éducation fait partie des droits économiques et sociaux que consacre le Préambule
de la Constitution de 1946. Selon ce texte : « l’organisation de l’enseignement public gratuit et
laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat ». Le droit de recevoir un enseignement existe
au profit de tous les enfants se trouvant sur le territoire, mais aussi des adultes qui souhaite nt
acquérir une formation qu’ils n’ont pas eue, ou perfectionner celle qu’ils ont acquise.
Le droit à l’éducation est également consacré par la Convention européenne des droits de
l’homme. Selon l’article 2 du protocole n° 1, adopté en 1952 : « nul ne peut se voir refuser le
droit à l’instruction ».
Enfin, la Résolution sur la liberté d'enseignement dans la communauté européenne (1984),
reprend les éléments essentiels des textes des Nations Unies tout en précisant que la liberté de
choix des parents ne doit pas se traduire pour eux par des contraintes financières : « le droit à
la liberté de l’enseignement implique l’obligation pour les Etats membres de rendre possible
également sur le plan financier l’exercice pratique de ce droit et d’accorder aux écoles les
subventions publiques nécessaires à l’exercice de leur mission et à l’accomplissement de leurs
obligations dans des conditions égales à celles dont bénéficient les établissements publics
correspondants, sans discrimination à l’égard des organisateurs, des parents, des élèves ou du
personnel; cela ne fait toutefois pas obstacle à ce qu’un certain apport personnel soit réclamé
aux élèves des écoles créées par l’initiative privée, cet apport traduisant leur responsabilité
propre et visant à conforter leur indépendance ».
En France , en dépit des évolutions observées au cours des dernières décennies, l'enseigne me nt
scolaire, et notamment l'école primaire, reste fondé sur les principes établis par les lois dites
" Ferry ". Ces principes ont été confirmés par la Constitution et le législateur. L’enseigne me nt
public est commandé par trois principes : le principe d’obligation, le principe de laïcité et le
principe de gratuité qui permettent « d'assurer l'avenir de la démocratie et (de) garantir la paix
sociale ».
A. Le principe d’obligation scolaire
Après une naissance difficile, l'obligation scolaire n'a jamais été remise en cause et a été
confortée par la suite. Le principe d’obligation scolaire exige que tous les enfants âgés de six
ans à seize ans, présents sur le territoire gabonais, bénéficient d’une instruction. Les modalités
de mise en œuvre de cette obligation sont laissées à la liberté des parents. Le non-respect de
cette obligation peut être sanctionné par la suppression des allocations, voire par des poursuites
judiciaires.
B. Le principe de gratuité
Le principe de gratuité, défendu afin que l’école soit ouverte à tous, démocratique, a été
consacré pour l’enseignement primaire en 1881, pour l’enseignement secondaire par diverses
lois ultérieures. Sa valeur constitutionnelle ne fait aujourd’hui aucun doute, compte tenu de la
disposition précitée du Préambule de la Constitution de 1946. Il implique l’absence de paiement
de droits d’inscription et la fourniture aux élèves des livres et cahiers.
Dans la réalité, ce principe reçoit plutôt une application nuancée, surtout dans le cas de
l’enseignement supérieur. Ici, la loi autorise la perception de droits d’inscription, et les étudiants
supportent la charge de l’achat des livres, transports, loyers, etc. ; un système de bourses pallie
partiellement cette absence de gratuité.
C. Le principe de laïcité
Le principe de laïcité est au fondement des systèmes éducatifs français et gabonais depuis la
fin du XIXe siècle. Ce principe garantit la liberté de conscience et protège la liberté de croire,
de ne pas croire et de changer de conviction. Le principe laïcité implique que l’école soit neutre
et ne prenne pas parti en matière politique, religieuse ou philosophique. Pour cette raison,
certains préfèrent parler de principe de neutralité. Le principe de laïcité interdit l’organisa tio n
de réunions politiques dans les locaux scolaires (CE, 8 novembre 1985, Ministre de
l’Education nationale c/ Rudent). Mais un groupement non politique peut organiser une
réunion, même sur des thèmes politiques (CE, 1e r mars 1993, Ministre de l’Education
nationale c/ Association des parents d’élèves de l’enseignement public).
Le principe de laïcité n'est pas toujours simple à appliquer. En témoigne, depuis la fin des
années 1980, la question du port de signes d'appartenance religieuse par les élèves -
essentiellement le foulard ou le voile pour les jeunes filles musulmanes, même si la question se
pose également pour d'autres religions (croix pour les chrétiens, kippa pour les juifs, etc.).
Depuis la rentrée 2004, la loi fixe une règle simple : seuls les signes d'appartenance discrets
sont tolérés. Ceux qui seraient ostentatoires (destinés à être vus, remarqués), en revanche, sont
interdits.
Les enseignants doivent respecter les opinions et convictions de leurs élèves et se garder de ce
qui pourrait les blesser (TC, 2 juin 1908, Girodet c/ Morizot). Les devoirs des enseigna nts
sont différents selon les cycles, c’est-à-dire l’âge des élèves ou étudiants. L’enseigne me nt
supérieur est, par définition, le domaine de la liberté d’expression, sinon il n’existe plus. Le
conseil constitutionnel a affirmé « la libre expression et l’indépendance des personnels » de
l’enseignement supérieur et a considéré qu’en ce qui concerne les Professeurs, la garantie de
l’indépendance résultait d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République (CC,
déc. n° 83-165 DC du 20 janvier 1984 ; protection étendue aux Maîtres de Conférences).
Les parents peuvent choisir soit dispenser eux-mêmes l’enseignement à leurs enfants, soit de
les placer dans un établissement d’enseignement, public ou privé.
Le législateur et le pouvoir réglementaire ont prévu et organisé certains droits des élèves dans
les établissements scolaires. Le décret du 30 août 1985 organise le droit de participation des
collégiens et lycéens au fonctionnement de l’établissement dans lequel ils se trouvent. Un décret
du 18 février 1991 reconnait la liberté de la presse et la liberté d’association aux lycéens, la
liberté d’expression et la liberté de réunion aux collégiens et lycéens.
Les élèves ont aussi des devoirs et doivent se plier aux règles de fonctionnement de leur
établissement, respecter leurs enseignants et les biens de l’établissement.
Chapitre 3: Les libertés économiques et sociales
Homo faber, l’être humain n’agit pas seulement en vue de se nourrir et de survivre mais aussi
en vue d’accroître ses richesses ou / et son pouvoir. Cela le conduit à affirmer ses droits, à
entreprendre, à travailler. Mais l’homme est aussi un être relationnel. Des motivations
multiples l’emmènent à se regrouper, temporairement ou en permanence, avec d’autres, et plus
particulièrement en vue de se défendre dans son travail.
I. Le droit de propriété
Depuis le 19e siècle, la propriété est au ccentre de la société libérale. Pas plus que les autres,
le principe de propriété n’est pas un droit absolu. es libéraux considèrent le droit de propriété
comme un droit fondamental. Bien qu’inviolable et sacré, il peut être limité ou supprimé sous
certaines conditions.
La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) déclare, dans son article
17 : « toute personne, seule ou en collectivité, a droit à la propriété. Nul ne peut être
arbitrairement privé de sa propriété ».
L’expropriation est une opération administrative par laquelle l’Etat impose à un particulier,
suivant une procédure spéciale légalement définie, de céder un immeuble à l’administration,
dans un but d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité.
L’expropriation est une atteinte inévitable (cf. la « nécessité publique », reconnue dès 1789
dans l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme) au droit de propriété. C’est une
atteinte grave puisqu’elle porte sur la composante la plus forte de celui-ci, les immeubles (mais
elle peut aussi porter sur les meubles, comme en témoigne l’expropriation de certains brevets).
L’évolution dans le sens toujours plus large de l’utilité publique, qui seule peut justifier
l’expropriation, est significative : le législateur comme le juge ont multiplié les cas d’utilité
publique, celle-ci ayant tendance à se fondre dans la notion plus large d’intérêt général. Le juge
administratif a développé une jurisprudence dite du « bilan coût-avantages » en considérant
« qu’une opération ne peut être légalement déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la
propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients qu’elle comporte ne sont
pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente » (CE, 28 mai 1971, Ville nouvelle Est).
En raison des atteintes qu’elle comporte au droit de propriété, l’expropriation relève, tant pour
le transfert de propriété que pour la fixation des indemnités, du juge judicia ire,
traditionnellement considéré comme le protecteur de la propriété privée.
3. Le cas des nationalisations
La nationalisation est une forme d’expropriation au profit de la nation, mais qui présente des
particularités : elle porte principalement sur des biens meubles(les actions) ; elle est décidée
par l’autorité politique (le législateur) et non par l’autorité administrative ; elle peut ne pas
être accompagnée d’une indemnisation (auquel il vaut mieux parler de confiscation ou de
spoliation).
L’article 34 de la Constitution range parmi les matières législatives la fixation des règles
concernant les nationalisations d’entreprises. Le Conseil constitutionnel a jugé que
l’appréciation portée par le législateur sur la nécessité d’une nationalisation ne pouvait, en
l’absence d’une erreur manifeste, être récusée. Le législateur a donc, constitutionnellement,
compétence pour décider de nationaliser une ou plusieurs entreprises, mais à condition de
respecter les règles et principes de valeur constitutionnelle.
Les nationalisations ne sont plus d’actualité, c’est la privatisation et la libéralisation des
monopoles qui sont à l’ordre du jour.
1. L’Ancien Régime
1. La liberté d’entreprendre
Dans sa décision du 16 janvier 1982, le Conseil constitutionnel déclare que« la liberté qui, aux
termes de l’article 4 de la Déclaration, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui,
ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées
à la liberté d’entreprendre ». La liberté d’entreprendre doit donc être considérée comme la
composante constitutionnelle de la liberté du commerce et de l’industrie.
C’est la possibilité, dans un système concurrentiel, de créer, sous les limites indiquées ci-après,
le commerce ou l’industrie de son choix. La valeur législative du principe a été consacrée au
moins à l’égard des collectivités territoriales locales : selon le code général des collectivités
territoriales, qui a repris sur ce point la loi du 2 mars 1982, les communes (art. L. 2252-1), les
départements (art. L. 3231-1), les régions (art. L. 4253-1) peuvent intervenir en matière
économique et sociale « à condition de respecter, notamment, la liberté du commerce et de
l’industrie ».
Aucune liberté n’est absolue. La liberté du commerce et de l’industrie, de plus, n’est pas une
des libertés fondamentales, ce qui justifie éventuellement que l’on puisse y porter des atteintes
plus prononcées qu’à l’égard de ces dernières. Des considérations morales sont à l’origine de
ces limitations légales, auxquelles s’ajoutent des limitations professionnelles et
conventionnelles.
Ces limites peuvent consister en une interdiction pure et simple de l’activité, au nom de
considérations morales (interdiction de la prostitution) ou sanitaires (interdiction du trafic des
stupéfiants).
Plus souvent, ces limites consistent en une réglementation de l’activité, prenant la forme,
notamment, d’une exigence d’autorisation préalable(agences de voyages, laboratoires
d’analyses médicales, …) ou de déclaration préalable(activités bancaires, d’assurances, …).
Consacrées par la loi, elles existent dans les professions organisées en « ordres » pour protéger
le public (exigence de compétences garanties par des diplômes, de garanties « morales »).
A. La liberté de réunion
La réunion, au sens juridique du terme, n’est pas la réunion au sens courant. Seules les
réunions publiques ont soulevé un problème.
Il résulte de la jurisprudence, tant du Conseil d’Etat que de la Cour de cassation, que trois
conditions doivent être réunies pour que l’on puisse parler de réunion : c’est un rassemblement
momentané[ce critère permet de distinguer la réunion de l’association ou de la société, qui
présente un caractère durable ou continu (CE, 6 août 1915, Delmotte et Senmartin)] ; concerté
ou organisé [non une rencontre fortuite entre individus ; ce critère permet de distinguer la
réunion de l’attroupement (Cass. crim., 13 décembre 1923, Castex)] et finalisé[« en vue de
l’échange d’idées ou la défense d’intérêts » (CE précité ; Cass., 23 juillet 1915). Ce critère
permet de distinguer la réunion des spectacles ; mais la distinction n’est pas toujours aisée
(par exemple, un film peut donner lieu à débat)].
La réunion privée n’étant pas considérée comme dangereuse pour l’ordre public, elle n’est pas
soumise à réglementation. Le lieu de la réunion, n’est pas déterminant pour la qualification : si
un rassemblement sur la voie publique ne peut jamais être une réunion privée, une réunion tenue
au domicile d’une personne privée peut être une réunion publique. Le critère déterminant de
distinction est la forme de l’invitation : est privée, la réunion à laquelle les participants sont
invités de manière personnelle et nominative (Cass., crim., 9 janvier 1869, Larcy).
2. Le régime juridique de la liberté de réunion
a) L’affirmation de la liberté
Reconnue par la loi du 14 décembre 1789 puis rapidement supprimée, décriée par les régimes
autoritaires qui succèdent à la Révolution, restaurée sous la IIeRépublique puis supprimée à
nouveau, la liberté de réunion est consacrée, après des hésitations, par la loi du 30 juin 1881.
La Cour européenne des droits de l’homme considère que les Etats doivent non seulement
s’abstenir de l’entraver mais, en outre, la protéger (21 juin 1988, Plattform ‘‘Arztefürdas
Leben’’ c/ Autriche). Est une atteinte grave et illégale à la liberté de réunion, le refus d’une
ville de laisser exécuter un contrat au motif que le groupement considéré aurait des « dérives
sectaires » (TA Paris, 13 mai 2004, Association cultuelle des Témoins de Jéhovah de France).
Le principe est que les réunions publiques sont libres dès lors qu’elles ne se tiennent pas sur
la voie publique. Les exigences posées par la loi ne sont pas de véritables entraves, mais des
restrictions tenant aux nécessités de la vie en société : les réunions ne peuvent se tenir au-delà
de vingt-trois heures. Le juge administratif contrôle les mesures d’interdiction de réunions.
Dans la célèbre affaire Benjamin (CE,Ass., 19 mai 1933, Benjamin), le juge a subordonné la
légalité d’une telle mesure, non à une simple menace à l’ordre public, mais à des risques d’une
ampleur telle que les forces de maintien de l’ordre ne seraient pas en mesure d’y faire face.
En temps de crise, la liberté de réunion est réduite. Des textes de circonstance ont restreint,
voire supprimé la liberté de réunion. Avec la « montée des périls », à partir de 1934, le juge
administratif se montre plus compréhensif à l’égard des mesures d’interdiction prises par les
autorités administratives (voir, par exemple : CE, 17 avril 1942, Wodel). La loi sur l’état de
siège autorise l’autorité militaire à interdire toute réunion (sauf cultuelle). La loi sur l’état
d’urgence donne aux préfets le pouvoir d’interdire des réunions « de nature à provoquer ou à
entretenir le désordre ».
B. Les manifestations et attroupements
A la différence des réunions, les manifestations et attroupements ont lieu sur la voie publique.
Leur régime est restrictif car ils sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public mais aussi
à des libertés des autres (liberté d’aller et venir, liberté du travail, etc.).
1. Les manifestations
Les manifestations sont des rassemblements sur la voie publique, souvent prémédités et parfois
spontanés, en vue de commémorer un évènement, d’exprimer un sentiment, fréquemment de
protester. Lorsque la manifestation se déplace, on parle de cortège ou de défilé.
Si le droit de manifester ne peut être considéré comme une liberté fondamentale, il résulte
clairement de l’article 431-1 du nouveau code pénal, qui punit « le fait d’entraver, d’une
manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice d’une liberté d’expression, du travail,
d’association, de réunion ou de manifestation », que la liberté de manifestation est consacrée
par la loi.
Le régime juridique des manifestations est défini par le décret-loi du 23 octobre 1935. Les
manifestations « conformes aux usages locaux » (on pense, notamment, aux processions
religieuses) sont libres. Les autres sont soumises à un régime de déclaration préalable, auprès
du maire ou du préfet, avec l’indication, donnée trois jours au moins et quinze jours au plus
avant le jour prévu pour la manifestation, des noms et domiciles de trois des organisateurs au
moins, du jour, de l’heure, du lieu et de l’itinéraire de la manifestation. L’administration peut
demander des modifications (de jour, de lieu, d’itinéraire, etc.) ; le juge exerce un contrôle
normal sur les interdictions. La loi du 8 juin 1970, dite « loi anti-casseurs », instituait une
responsabilité pénale collective à l’encontre des organisateurs et instigateurs, en cas de
manifestation ayant dégénéré en violences, dégradations ou pillages ; elle a été abrogée en
1981.
2. Les attroupements
Selon l’article 431-3 du nouveau code pénal : « Constitue un attroupement tout rassemblement
de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre
public ». Tout rassemblement n’est pas un attroupement : il n’acquiert ce caractère que s’il est,
ou à partir du moment où il est « susceptible de troubler l’ordre public ».
C. La liberté d’association
Condamnée par les révolutionnaires qui y voyaient une atteinte insupportable à la liberté, et,
ensuite, tantôt tolérée tantôt pourchassée selon l’arbitraire des dirigeants, la liberté
d’association n’a été reconnue qu’avec la loi du 1 er juillet 1901. Mais cette loi ne s’applique
pas à toutes les associations. En sont exemptées, les associations d’Alsace-Moselle (pour des
raisons historiques et territoriales, ces associations sont régies par un « droit local », plus
favorable), les associations cultuelles, les groupes de combat (formations paramilitaires et
autres) et les congrégations religieuses.
Selon l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901 : « L’association est la convention par laquelle
deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances
ou leur activité, dans un but autre que de partager des bénéfices ». Trois éléments constitutifs
définissent donc l’association : l’élément contractuel (l’association est un contrat) ; la durée ;
le caractère désintéressé, considéré par certains comme l’élément essentiel (la Cour de
cassation déclare : « la différence qui distingue la société de l’association consiste en ce que
la première comporte essentiellement comme condition de son existence la répartition entre
associés des bénéfices faits en commun tandis que la seconde l’exclut nécessairement », ch.
réunies., 11 mars 1914).
Saisi de la loi, votée par l’Assemblée nationale, qui modifiait la loi de 1901 en instituant, dans
certains cas, un régime de contrôle a priori de constitution de l’association, dévolu à l’autorité
judiciaire, le Conseil constitutionnel a jugé, dans une décision du 16 juillet 1971(déc. n° 71-
44 DC, GDCC), qu’au nombre des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la
République » (catégorie juridique faisant partie du « bloc de constitutionnalité ») il y avait lieu
de ranger le principe de la liberté d’association. Selon le Conseil, « en vertu de ce principe les
associations se constituent librement et peuvent être rendues publiques sous la seule réserve
du dépôt d’une déclaration préalable ».
Le principe de la liberté d’association implique que nul ne soit tenu d’adhérer, mais aussi que
l’association puisse refuser l’adhésion, ou subordonner celle-ci à un agrément. Le sociétaire
(l’adhérent) doit se conformer aux obligations fixées par les statuts de l’association, notamment
par ses cotisations. Il peut être exclu de l’association (selon les règles prévues par les statuts),
cette sanction pouvant être déférée au juge (administratif ou judiciaire). Il a des droits (de
participation, d’information, de communication des documents). Il peut aussi quitter
l’association.
A. La liberté syndicale
Si la liberté syndicale a été reconnue tardivement, son exercice comporte quelques restrictions.
1. Une liberté tardivement reconnue
Un syndicat est une association formée entre des personnes en vue de défendre des intérêts
communs de nature professionnelle.
Après la suppression du délit de coalition, la loi du 21 mars 1884 consacre la liberté syndicale,
les syndicats devant, selon la loi, avoir « exclusivement pour objet l’étude et la défense des
intérêts économiques, industriels, commerciaux ou agricoles ». Mais cette loi de 1884 ne
concerne pas la fonction publique : la liberté syndicale ne s’y appliquera qu’après 1946.
Le Préambule de la Constitution française du 27 octobre 1946 déclare : « tout homme peut
défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ».
Le Conseil constitutionnel a, très logiquement, consacré la valeur constitutionnelle de cette
liberté (CC, déc. n° 81-127 DC des 19-20 janvier 1981 ; n° 89-257 DC du 25 juillet 1989).
Mais selon Louis Favoreu et Loïc Philip, il convient de distinguer la « liberté syndicale », qui
est le droit d’adhérer ou de ne pas adhérer, du droit « droit syndical », qui est le droit
applicable aux syndicats et dont le législateur peut, en vertu de l’article 34 de la Constitution,
fixer les principes fondamentaux (GDCC).
La liberté syndicale implique le droit de « tout homme » d’adhérer à un syndicat. Elle implique
aussi le droit de ne pas adhérer. La liberté syndicale est aussi la liberté, comme dans toute
association, de se retirer à tout moment du syndicat.
B. Le droit de grève
La grève est une interruption collective concertée du travail en vue de soutenir une
revendication. Le juge a été amené à préciser qu’il n’y avait pas de grève en cas de
ralentissement du rythme de travail (« grève perlée »(Cass., soc., 6 janvier 1972) et, plus
généralement, lorsque le travail est effectué dans les conditions différentes de celles prévues
par les textes (Cass., soc., 23 novembre 1978).
L’attitude des pouvoirs publics a longtemps été hostile à la grève, en particulier dans
l’administration : le Conseil d’Etat la considérait comme un « acte illicite » justifiant la
révocation des agents ayant participé à la grève (CE, 7 août 1909, Winkell ; 22 octobre 1937,
Delle Minaire et autres).
Le droit de grève est reconnu par le Préambule de la Constitution de 1946 : « Le droit de grève
s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Le Conseil constitutionnel a affirmé
« qu’en édictant cette disposition les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est
un principe de valeur constitutionnelle » (CC, déc. n° 79-105 DC du 25 juillet 1979, GDCC).
Au Gabon, si la liberté syndicale a une valeur constitutionnelle (article 1er, 13°), le droit de
grève quant à lui, n’a pas une valeur constitutionnelle mais législative. C’est la loi, en effet,
d’après l’article 47 de la Constitution, qui « détermine les principes fondamentaux du droit
syndical, y compris les conditions d’exercice du droit de grève ».
Cette interdiction peut résulter de la loi : personnels de police (loi du 28 septembre 1948),
militaires (loi du 13 juillet 1972), magistrats (ordonnance du 22 décembre 1948).
L’interdiction peut aussi être prononcée par l’autorité administrative à l’égard des agents
« participant à l’action gouvernementale » (emplois supérieurs de l’administration : CE, 16
décembre 1966, Syndicat national des fonctionnaires des préfectures) ou « assumant des
fonctions d’autorité » (CE, 13 novembre 1992, Syndicat des ingénieurs de l’aviation civile).
Dans les services publics, la loi du 31 juillet 1963 interdit les « grèves surprises », les « grèves
tournantes », les grèves du zèle, et impose le dépôt d’un préavis de cinq jours francs avant tout
déclenchement d’une grève. Dans le secteur privé, le juge considère certaines formes de grève
comme des abus du droit de grève, par exemple, des « arrêts de travail répétés et de courte
durée » perturbant gravement le fonctionnement d’une entreprise (Cass., soc., 7 janvier 1988,
Fleuret et autres).
L’exercice de la grève, pour les personnes y ayant participé, la privation du traitement pour la
période afférente au temps d’arrêt de travail. Dans la fonction publique d’Etat, est appliquée
la règle du « trentième indivisible » : en cas de grève inférieure à une journée de travail, la
retenue est cependant d’une journée.
Le droit de réquisition
En cas de grève illicite(soit parce que les personnels n’ont pas le droit de grève, soit parce que
les modalités de la grève sont illicites), le juge judiciaire estime que l’employeur peut prendre
des sanctions allant jusqu’à la révocation. Dans la fonction publique, l’autorité administrative
hésite beaucoup plus à prendre des sanctions à l’égard des grévistes, qui peuvent contester,
devant le juge administratif, les mesures prises.
TROISIEME PARTIE
LA REGLEMENTATION DES DROITS ET LIBERTES
Dans les Etats démocratiques modernes, les libertés résultent des textes parce qu’elles sont
reconnues par les textes, qu’il s’agisse des constitutions, des lois ou des conventions
internationales. Mais il n’existe pas de liberté publique sans limites, parce que l’exercice des
libertés doit se concilier avec celui des libertés d’autrui et avec les exigences de la vie en
collectivité. Les libertés publiques s’exerçant dans le cadre d’un Etat, il existe un
ordonnancement des libertés publiques et différents régimes juridiques applicables.
Chapitre 1 : L’ordonnancement juridique des droits et des libertés
Dans un Etat de droit, les libertés publiques ont une valeur juridique qui détermine l’étendue
des compétences des autorités publiques.
Les droits et libertés doivent être replacés au sein de la hiérarchie des normes juridiques : en
effet, dans tout Etat, les normes sont hiérarchisées ; plus la place des droits et libertés sera
élevée dans la hiérarchie et plus la garantie de ces droits et libertés sera, semble-t-il, assurée.
Le Préambule de la Constitution de 1958 est très court mais, du point de vue des droits et
libertés, essentiel, car il récapitule à la fois la Déclaration des droits de l’homme et le
Préambule de 1946. La Constitution commence par cette phrase : « Le peuple français
proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la
souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et
complétée par le Préambule de la Constitution de 1946 ». La valeur reconnue au Préambule
de 1958 entraîne celle de la Déclaration des droits de l’homme et du Préambule de 1946.
En acceptant d’apprécier la compatibilité existant entre l’article 8 de la Déclaration des droits
de l’homme et l’article 34 de la Constitution, le Conseil d’Etat a reconnu la valeur juridique et
constitutionnelle de la Déclaration des droits de l’homme (CE,12 février 1960, Société Eky).
Le Conseil constitutionnel, à plusieurs reprises (déc. n° 70-39 DC du 19 juin 1970, et surtout
n° 71-DC du 16 juillet 1971), a reconnu la valeur juridique et constitutionnelle de la
Déclaration des droits de l’homme et du Préambule de 1946.
L’affirmation de valeur constitutionnelle de certaines libertés ne règle pas toutes les difficultés
dans la mesure où les principes constitutionnels de liberté doivent également être combinés
avec d’autres principes constitutionnels.
Les dispositions constitutionnelles relatives aux libertés sont représentées par la Déclaration
des droits de l’homme et le Préambule de 1946. Ces deux textes diffèrent par la philosophie qui
les anime : le premier est d’inspiration « libérale et individualiste », le second est d’inspiration
« socialisante ». L’un implique l’abstention de la puissance publique, l’autre appelle son
intervention. La mise en œuvre des droits économiques et sociaux peut contrecarrer certaines
libertés civiles et politiques. Comment concilier ces deux ensembles ? Le Conseil
constitutionnel, dans deux décisions (n° 132 du 16 janvier 1982 et n° 139 du 11 février 1982),
a jugé que le Préambule de 1946, qui réaffirme les droits et libertés consacrés par la
Déclaration des droits de l’homme, tend seulement à « compléter » ces derniers en formulant
des « principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre
temps ». L’idée de complémentarité exclut que le Préambule de 1946 puisse aller à l’encontre
de la DDHC : ce Préambule ne peut être interprété qu’en respectant la DDHC.
Les principes constitutionnels ne se rapportent pas tous aux libertés publiques et peuvent
éventuellement, le cas échéant, entrer en opposition avec ces dernières. Le juge fait prévaloir
les principes constitutionnels énonçant des libertés sur les autres principes constitutionnels.
Ainsi, le principe constitutionnel de « libre administration des collectivités locales »
(concernant les libertés locales) « ne saurait conduire à ce que les conditions essentielles
d’application d’une loi organisant l’exercice d’une liberté publique dépendent des décisions
des collectivités territoriales et ainsi puissent ne pas être les mêmes sur l’ensemble du
territoire » (déc. n° 77-87 DC du 23 novembre 1977).
3. La liberté contractuelle
Des droits et libertés peuvent avoir une valeur législative. Au cours de l’histoire, la liberté du
commerce et de l’industrie, issue des principes de 1791, a été considérée, tantôt comme ayant
valeur constitutionnelle, tantôt comme ayant valeur législative. Le Conseil constitutionnel a
reconnu valeur constitutionnelle à la liberté d’entreprendre (décision n° 81-132 du 16 janvier
1982) qu’il déduit de la Déclaration des droits de l’homme. Mais cette liberté se distingue de
la liberté du commerce et de l’industrie (cf. supra).
Peut-on concevoir des libertés qui n’auraient pas de valeur législative, mais seulement
réglementaire ? Dans un tel cas de figure, l’autorité administrative dispose d’un très large
pouvoir puisque, sous réserve du respect des procédures, elle peut fixer à son gré le régime de
l’activité, et cela bien que le juge puisse assurer une protection de l’activité en subordonnant
la réglementation administrative à certains principes (principe de proportionnalité par
exemple). Plus que de libertés, il vaut mieux parler, dans ce cas, de simples facultés. Tel est le
cas, par exemple, des décisions d’autorisation d’occupation du domaine public qui, par
définition, sont « précaires et révocables ».
L’évolution historique va dans le sens d’une protection croissante, le juge ayant tendance à
faire passer les activités du statut de facultés à celui de libertés, celles-ci « grimpant » quant à
elles dans la hiérarchie des normes pour se voir souvent reconnaître, aujourd’hui, une valeur
constitutionnelle effectivement garantie.
I. La compétence du législateur
Le législateur a longtemps été considéré comme le meilleur protecteur des libertés publiques.
Deux facteurs ont joué en ce sens.
L’un est historique, c’est la conjonction entre l’autoritarisme et l’exercice du pouvoir par un
homme. Ainsi que l’a déclaré Montesquieu, tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser.
L’exercice solitaire du pouvoir s’accompagne presque toujours derestrictions aux libertés. Les
assemblées parlementaires sont au contraire plus portées à respecter ces dernières, si, tout au
moins, elles sont relativement démocratiques : les élections libres entrainent le pluralisme, et
la majorité, pouvant devenir la minorité, est moins tentée de porter atteinte à celle-ci ; la
procédure contradictoire et le débat public dans l’élaboration des lois favorisent le respect des
libertés par l’autorité législative. Le bicamérisme est aussi considéré comme un facteur de
protection des libertés.
L’autre est l’héritage rousseauiste, en vertu duquel on considérerait que la loi est l’expression
de la volonté générale, que la loi ne peut mal faire : de cette affirmation découlait
l’incontestabilité de la loi. Il a fallu attendre la V e République pour que cette conception soit
battue en brèche et abandonnée.
Le législateur n’est pas forcément un protecteur. Il peut être aussi, d’une certaine manière,
un oppresseur. La confiance illimitée dans le législateur est injustifiée : l’histoire montre que
le législateur peut, lui aussi, porter atteinte aux libertés (exemples : Afrique du Sud lors de
l’apartheid, ou période des partis uniques en Afrique).
Malgré tout, aujourd’hui, dans les pays démocratiques, on peut espérer que l’intervention du
législateur est une garantie. Les garanties ne procèdent pas seulement des mécanismes
constitutionnels : les partis politiques, qui sont loin de fonctionner de manière démocratique,
confortent cependant, par leur représentation au Parlement, le rôle de garant de celui-ci :
l’opposition, peut-on pense, dénoncerait toute atteinte injustifiée aux libertés.
B. L’étendue de la compétence législative
La Constitution confie au législateur le soin de fixer les règles concernant « les droits civiques
et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ».
Il appartient au législateur, dans le cadre de la fixation de ces règles, de concilier l’exercice
de la liberté avec d’autres objectifs :
L’élargissement des pouvoirs des autorités de police en matière de contrôle d’identité a été
justifié par le Conseil constitutionnel par la nécessité de concilier la liberté individuelle avec
la protection de la sécurité des personnes et des biens (déc. n° 81-127 DC des 1ç et 20 janvier
1981) ;
S’agissant des immigrés, « il appartient au législateur d’apprécier les conditions dans
lesquelles les droits de la famille peuvent être conciliés avec les impératifs d’intérêt public,
s’agissant d’étrangers entrés irrégulièrement sur le territoire français », et le Conseil
constitutionnel a estimé que les exigences de la loi relative à la maîtrise de l’immigration « ne
sont pas de nature à porter des atteintes excessives à la liberté individuelle non plus qu’à
méconnaître le droit à la vie familiale » (CC, n° 93-325 du 12 août 1993).
L’ordre public est l’une des exigences qui permettent au législateur de réduire les libertés car,
sans la sauvegarde de l’ordre public, « l’exercice des libertés ne saurait être assurée » (CC,
n° 84-181 DC des 10-11 octobre 1984). Le débat sur la réglementation des « raves » (fêtes
techno clandestines) a illustré la tension toujours prête à renaître entre les nécessités de l’ordre
et les aspirations à la liberté.
Avant 1958, seul le législateur pouvait définir l’étendue des libertés publiques et en modifier
les conditions d’exercice. La nécessité d’adopter rapidement certains textes, l’engorgement du
Parlement, avaient certes incité ce dernier à opérer au profit du pouvoir réglementaire des
« délégations de pouvoir » qui avaient des incidences sur l’exercice de certaines libertés. Ces
délégations, inaugurées sous la IIIe République (« décret-lois »), se poursuivirent sous la 4e
République sous d’autres formes (lois cadres), et cela malgré l’article 13 de la Constitution de
1946 qui interdisait toute délégation du pouvoir législatif. Mais le Conseil d’Etat déclara, dans
un avis du 6 février 1953, que la matière des libertés publiques était « législative par nature »
et ne pouvait faire l’objet d’une délégation au pouvoir exécutif.
Si toutes les autorités administratives ne disposent pas d’un pouvoir de police, nombreuses sont
celles qui s’en voient reconnaître un, soit par délégation expresse de la loi, soit même en dehors
de toute délégation : la jurisprudence Labonne (CE, 8 août 1919), selon laquelle « il appartient
au chef de l’Etat, en dehors de toute délégation législative et en vertu de ses pouvoirs propres,
de déterminer celles des mesures de police qui doivent en tout état de cause être appliquées
dans l’ensemble du territoire », demeure applicable.
Les libertés peuvent être réglementées non seulement par les autorités de police générale mais
aussi par les autorités de police spéciale. Les premières sont les autorités réglementaires
précédemment citées, dont le pouvoir de police n’est qu’une expression du pouvoir
réglementaire. Les secondes, très nombreuses, sont instituées par le législateur au profit
d’autorités déterminées : police des étrangers et des publications étrangères au profit du
ministre de l’Intérieur, police cinématographique au profit du ministre chargé de la culture,
police des prix au profit du ministre des Finances, police des métaux précieux au profit du
ministre des Mines, etc.
Le régime juridique applicable à une liberté est constitué par les règles selon lesquelles cette
liberté peut s’exercer. Une distinction doit être faite entre les régimes applicables en temps
normal, et ceux appliqués en temps de crise.
Les temps de paix et d’harmonie sociale sont évidemment les plus propices à l’épanouissement
des libertés. Mais, même dans ce cas, les régimes applicables sont assez différenciés selon les
époques, les lieux et les régimes politiques.
Toutes les libertés s’exercent dans le cadre d’un régime juridique, qu’il soit libéral ou, au
contraire, restrictif.
I. Le régime préventif
C’est le plus restrictif, le plus sévère pour les libertés car l’autorité compétente intervient avant
que l’activité ne s’exerce, pour réglementer celle-ci. Le même régime préventif va à l’encontre
de l’idée de liberté et de démocratie (même s’il est décidé par le législateur) car alors, ce qui
est premier, ce n’est pas la liberté, c’est l’intervention du pouvoir (administratif ou politique) :
la liberté est l’exception, non la règle. Malgré cette incompatibilité, le régime préventif est
difficilement évitable dans certains domaines (mise sur le marché de nouveaux médicaments,
par exemple) dès lors qu’un intérêt public supérieur l’exige (ici la santé).
La plus radicale est l’interdiction. Dans ce cas, le problème est réglé par le vide : il n’y a pas
de liberté. Difficilement acceptable en démocratie, l’interdiction ne peut être admise que dans
des cas bien limités (par exemple interdiction du racolage et du proxénétisme, en vue de
protéger les personnes – la prostitution, quant à elle, n’est pas interdite - ; interdiction de la
fabrication et de la vente des stupéfiants, nuisibles à la santé ; interdiction du clonage
reproductif).
Une deuxième modalité du régime préventif, qui permet, elle, mais de manière restrictive,
l’exercice d’une liberté, est le régime de l’autorisation préalable. Ainsi que son nom l’indique,
ce régime est celui dans lequel l’accord de l’autorité administrative est requis pour exercer une
liberté. Celle-ci dépend étroitement de l’administration puisque, en l’absence d’autorisation,
l’action ou l’activité n’est pas possible. Le régime de l’autorisation préalable n’est donc guère
conforme à l’idée de liberté telle que nous l’entendons dans un régime démocratique, mais il
peut être inévitable (exemple attribution d’une fréquence pour émissions radio ou
télédiffusions). Le régime de l’autorisation préalable ne peut être décidé que par la loi.
Une troisième modalité du régime préventif est la déclaration préalable. Dans ce régime
juridique, l’exercice d’une liberté n’est possible qu’après que l’intention d’exercer a été
déclarée à l’administration, ce qui permet, à tout le moins, à l’administration, d’être informée
de l’existence de cette activité et, peut-être, de pouvoir mieux la surveiller. La liberté
d’association, les manifestations sur la voie publique (qui peuvent être interdites, si elles sont
de nature à troubler l’ordre public) sont ainsi soumises à un régime de déclaration préalable.
Malgré sa dénomination qui peut prêter à confusion, c’est le plus libéral des régimes juridiques
applicables aux libertés publiques : la liberté est première, elle s’exerce sans qu’il y ait
d’autorisation à demander ou de déclaration à faire. Le régime est répressif au sens juridique
(et non au sens courant) : cela signifie que l’autorité administrative n’intervient,
éventuellement, qu’après usage de la liberté, et seulement s’il y a abus de celle-ci, abus qui est,
au surplus, apprécié par le juge et non par l’administration. Le régime répressif est donc le
seul véritablement conforme à la démocratie puisqu’il reflète la confiance en l’individu et non
la suspicion à son égard.
De nombreuses libertés s’exercent dans le cadre du régime répressif, sans même que les
individus en aient conscience, précisément parce que l’exercice de ces libertés est naturel :
liberté d’aller et venir, liberté de correspondance, liberté de domicile, liberté de religion, etc.
Dans le régime répressif, non seulement l’autorité administrative ne peut intervenir que si un
abus de la liberté a été commis, mais, en outre, elle ne peut agir que sur le fondement d’un texte
l’autorisant à pratiquer cette interdiction : c’est le principe de la légalité des délits et des
peines. Pour que des « fautes » puissent être sanctionnées, encore faut-il que le législateur ait
qualifié d’infraction un comportement ou une activité et ait prévu des peines.
Si les libertés sont un des biens les plus précieux de l’homme, il faut bien reconnaître, quelques
regrets que l’on puisse en éprouver, qu’en période de crise grave certaines d’entre elles doivent
être limitées. « Salus populi supremalex », disaient les Romains, et mieux vaut un
amoindrissement de libertés qu’une suppression totale de celles-ci. C’est cette conciliation
difficile qu’essaient de réaliser tant les régimes constitutionnel et législatifs que la théorie
jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles.
Le régime de l’article 16, inspiré au Général de Gaulle par le désastre de 1940, est destiné à
éviter la paralysie des pouvoirs publics, à permettre au président d’agir rapidement et de se
substituer, éventuellement, au législateur. La mise en œuvre de l’article 16 est subordonnée à
une double condition : que, d’une part, soit les institutions de la République, soit
l’indépendance de la nation, soit l’intégrité du territoire, soit l’exécution de ses engagements
internationaux soient menacées d’une manière grave et immédiate ; que, d’autre part, le
fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels soit interrompu.
Les libertés publiques ne sont pas directement visées par l’article 16 mais il est évident que sa
mise en œuvre entraîne des restrictions à certaines libertés : la crise étant, par définition, grave,
des restrictions vont être apportées, sur tout ou partie du territoire, à certaines libertés comme
la liberté d’aller et venir, la liberté de réunion, etc.
Indépendamment de la guerre, pour laquelle des textes particuliers existent, d’autres situations
de crise peuvent se présenter.
L’état de siège, prévu originairement par une loi du 9 août 1849, modifiée à plusieurs reprises,
est cité par la Constitution qui dispose, en son article 36, que : « L’état de siège est décrété en
Conseil des ministres. Sa prorogation ne peut être autorisée que par le Parlement ».
En vertu de la loi, l’état de siège ne peut être déclaré qu’en cas de « péril imminent résultant
d’une guerre étrangère ou d’une insurrection à main armée » et peut être appliqué sur tout ou
partie du territoire national. Si la mise en œuvre de l’état de siège constitue un « acte de
gouvernement » (donc insusceptible de contrôle par le juge), les décisions prises dans le cadre
de l’état de siège peuvent, elles, être déférées au juge.
L’état de siège entraîne un transfert de pouvoirs de l’autorité civile à l’autorité militaire, la
première conservant cependant tous les pouvoirs qui n’ont pas été expressément transférés. Un
semblable transfert est opéré des juridictions de droit commun aux juridictions militaires. Les
autorités militaires disposent d’importants pouvoirs de police leur permettant de
perquisitionner de nuit comme de jour, d’interdire les publications et les réunions susceptibles
de causer des désordres, etc. Malgré ces restrictions, la loi cherche à préserver les libertés et
déclare, dans son article 11 : « Les citoyens continuent, nonobstant l’état de siège, à exercer
tous ceux des droits garantis par la Constitution dont la jouissance n’est pas suspendue ».
L’état d’urgence, prévu par une loi du 3 avril 1955, plusieurs fois modifiée, est plus restrictif
que le précédent. Les conditions de sa mise en œuvre sont plus vagues : il faut, soit un « péril
imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public », soit des « évènements présentant, par
leur nature ou par leur gravité, le caractère de calamité publique ».
Le régime de l’état d’urgence attribue des pouvoirs extrêmement étendus aux préfets et /ou,
selon les cas, au ministre de l’Intérieur, ce qui en fait un instrument dangereux pour les libertés
publiques : les préfets de département ont le droit d’interdire la circulation des personnes et
des véhicules dans les zones soumises à l’état d’urgence, de réglementer le séjour des
personnes ; le ministre de l’Intérieur peut assigner à résidence ; les uns et l’autre peuvent
ordonner la fermeture des salles de spectacles, débits de boissons, réunions (sauf les réunions
cultuelles). Ce régime, déjà très dur, peut être encore aggravé, l’état d’urgence aggravé
autorisant les autorités précitées à perquisitionner de jour et de nuit, à « prendre toutes
mesures » pour contrôler toutes publications, la radio, le cinéma, le théâtre, et autorisant le
gouvernement à créer des juridictions militaires.
Suite aux violences urbaines de 2005, un décret du 8 novembre 2005 a déclaré l’état d’urgence
sur le territoire métropolitain du 9 novembre 2005 au 3 janvier 2006. Le Conseil d’Eta a rejeté
les recours intentés contre le décret (CE, 14 novembre 2005, Rolin ; CE, 24 mars 2006, M.
Frédéric B.).
Si la théorie des circonstances exceptionnelles élaborée par le juge administratif emporte des
atteintes aux libertés, elle se distingue des régimes précédents par le strict contrôle que le juge
exerce sur l’administration.
Les origines de cette théorie tiennent aux circonstances de guerre, le juge ayant été amené à
élaborer ce que l’on a pu appeler une « légalité des temps de crise », l’idée étant que la
sauvegarde de l’intérêt public et, en définitive, des libertés elles-mêmes, justifie des atteintes à
ces dernières. Dans la décision Heyriès (28 juin 1918), le Conseil d’Etat admet, compte tenu
des circonstances de guerre, la suspension de la règle de la communication du dossier
préalablement à toute sanction. A propos du recours de « dames galantes » (28 février 1919,
Dames Dol et Laurent), le Conseil d’Etat admet des atteintes à la liberté d’aller et venir desdites
dames ainsi que des atteintes à la liberté du commerce et de l’industrie (des débits de boissons
qui recevaient leur visite et des intéressées elles-mêmes).
Si les circonstances exceptionnelles s’appliquent de manière privilégiée à la guerre, elles
peuvent également jouer en cas de calamités naturelles (éruption volcanique par exemple).
Les circonstances exceptionnelles, si elles sont reconnues par le juge, justifient des dérogations
aux règles en vigueur, dérogations qui peuvent constituer des atteintes aux libertés ou une
diminution des garanties des citoyens.
Ainsi, en est-il des règles de forme : une réquisition peut être régulière bien que toutes les
formes prescrites n’aient pas été respectées (CE, 9 novembre 1945, Société coopérative
agricole ‘‘L’Union agricole’’) ; un maire peut être renouvelé sans que soient respectées les
règles de la loi de 1884 (CE, 16 mai 1941, Courrent).
Ainsi en est-il, surtout, des dérogations aux règles de fond : une taxe peut être créée sans que
soient respectées les prescriptions légales (CE, 7 janvier 1944, Lecocq) ; un acte qui, en temps
normal, serait considéré comme une voie de fait sera « simplement » illégal (CE, 19 mai 1954,
Office publicitaire de France).
B. Le contrôle du juge
Le juge contrôle l’existence des circonstances exceptionnelles : il faut que le juge (et non
l’administration) estime que les circonstances sont effectivement exceptionnelles ; ces
circonstances doivent porter atteinte à une mission essentielle de la vie sociale qu’il importe
de maintenir à tout prix ; il faut que l’administration ne puisse pas faire face à ces missions en
utilisant les voies de droit normales.
Le juge contrôle les pouvoirs utilisés par l’administration au titre de ces circonstances
exceptionnelles. D’une part, l’utilisation de ces pouvoirs est strictement limitée à la période de
circonstances exceptionnelles telle que le juge l’a circonscrite. D’autre part, les mesures prises
en vertu de ces pouvoirs doivent être strictement proportionnées au but poursuivi.
QUATRIEME PARTIE
LA PROTECTION DES DROITS ET LIBERTES
La garantie des droits et libertés peut être facilitée par le système politique lui-même et, compte
tenu de la puissance de l’administration, par des exigences et des limitations imposées à celle-
ci.
La démocratie est le seul système dans lequel peuvent s’épanouir les libertés et, aujourd’hui,
on peut considérer qu’il n’existe qu’une forme de démocratie, celle qui était autrefois qualifiée
de libérale (par opposition à la « démocratie » marxiste, qui n’a jamais existée). La démocratie
est, en soi, une garantie pour les libertés par deux principes qui la commandent : l’existence
d’un Parlement et l’existence de partis politiques.
L’existence d’un Parlement comme garantie des libertés ne se confond pas avec la « démocratie
parlementaire » dans laquelle le Parlement, seul, disposerait du pouvoir.
A. Un Parlement élu
Les libertés dépendent de l’existence d’un Parlement élu dans le cadre d’élections libres et
disputées (c’est-à-dire une pluralité de candidats ou de listes). On peut penser, ou espérer, que
des citoyens informés, et attachés à leurs libertés, ne vont pas désigner des représentants
décidés à supprimer celles-ci. Ces élections ne sont protectrices des libertés que si elles ont
lieu au suffrage universel direct(pour une partie du Parlement au moins), libre et secret.
Il faut enfin que la Parlement dispose de pouvoirs, c’est-à-dire se voit reconnaître le pouvoir
non seulement de voter ou de refuser la loi après discussion, mais de questionner le
gouvernement et, éventuellement (en régime parlementaire), de le censurer. Tous les
Parlements des Etats démocratiques disposent de tels pouvoirs, même si la « rationalisation »
du parlementarisme ainsi que le fait partisan (existence des partis).
Phénomène récent dans l’histoire sous la forme où nous la connaissons, les partis politiques
jouent, à leur manière, un rôle de garant des libertés.
A. La pluralité de partis
Elle est, en soi, un gage, sinon de maintien des libertés, au moins d’avertisseur des dangers qui
menacent les libertés. Tout parti unique est dangereux pour les libertés : il se croit investi de
la mission de garder ou de transformer la société, et les opposants sont considérés avec
méfiance, voire comme des traitres à éliminer.
La pluralité des partis ayant la faculté, sans être inquiété par la pouvoir, de critiquer les thèses
officielles, de faire valoir un point de vue différent, est une condition de la démocratie et une
garantie des libertés. L’unanimité ne peut exister dans une société, ou alors elle est suspecte,
présumant que les libertés ont déjà été supprimées. La liberté d’expression, qui conditionne
bien d’autre libertés, est l’un des moyens pour les partis politiques d’affirmer d’autres choix
que ceux du pouvoir, de défendre, en même temps que leur liberté, celle des citoyens.
L’opposition a des droits, évidents, mais aussi des devoirs. Parmi ces derniers, il lui appartient
d’informer les citoyens de toutes les tentatives du pouvoir pour limiter les libertés et,
éventuellement, de les dénoncer. L’opposition doit chercher à éviter l’anesthésie de l’opinion
par des discours lénifiants du pouvoir, et les « coups de canif » que ce dernier est tenté, en
permanence, d’apporter aux libertés.
Parce qu’elle est l’instrument du pouvoir exécutif, dont ce dernier « dispose » (selon le terme
de l’article 20 de la Constitution), et parce qu’elle est un corps puissant et, en même temps,
largement anonyme, l’administration peut être dangereuse pour les libertés, même en
démocratie. Sa subordination juridique à l’autorité publique se double souvent d’une
autonomie de fait qui, sans mettre en cause les libertés, peut insidieusement les entraver. Pour
lutter contre cette tendance qui paraît inhérente à tout système administratif, le législateur a
développé, depuis quelques années, des règles, notamment procédurales, de protection de ceux
de que l’administration qualifie plus volontiers d’« administrés » que de citoyens.
Les exigences pesant sur l’administration en matière d’information ont été difficiles à mettre
en œuvre, et à faire accepter par l’administration.
La motivation peut apparaître comme une garantie pour les citoyens dans la mesure où ces
derniers sont constamment confrontés à de tels actes, qu’ils doivent respecter et qui peuvent
leur être défavorable. C’est pourquoi le législateur a, par une loi du 11 juillet 1979, reconnu
aux personnes physiques et morales le droit d’être informées des motifs (raisons) des décisions
administratives individuelles défavorables qui les concernent. La loi n’a pas donc institué une
exigence générale de motivation : seules certaines catégories d’actes doivent être motivées.
Parmi celles-ci figurent précisément les décisions restreignant l’exercice des libertés
publiques.
Le respect des droits de la défense (à distinguer de la défense devant les juridictions) est une
formalité préalable à l’édiction d’un acte administratif plus importante encore que la
précédente (motivation). Elle a été généralisée sous forme de principe général du droit par le
Conseil d’Etat, dans une célèbre décision de 1944 (CE, 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-
Gravier, à propos du retrait d’une autorisation de vendre des journaux dans un kiosque).
1. Application
L’obligation ainsi instituée s’applique, de manière privilégiée, aux sanctions, quelles qu’elles
soient : c’est le cas pour le retrait de nationalité (CE, 7 mars 1958, Epoux Speter), l’annulation
d’une prime (CE, 11 décembre 1992, Société Inefor). L’obligation s’applique également aux
mesures prises en considération de la personne (qui peuvent aussi être des sanctions) tel que
le refus d’agrément à une auto-école (CE, 4 mai 1962, Dame Ruard).
2. Contenu de l’obligation
Ces autorités administratives sont des structures sans personnalité morale, placées en dehors
de la hiérarchie administrative classique (mais rattachées au Premier ministre ou à un
ministre). Elles ont souvent été créées dans des domaines qui concernent les droits des individus
et, à ce titre, elles peuvent être considérées comme un mécanisme de protection de ces droits.
Plusieurs autorités administratives indépendantes ont été créées dans divers domaines. Parmi
celles-ci on peut citer le Défenseur des droits (issu de la réforme constitutionnelle du 23 juillet
2008, il a hérité des attributions du Médiateur de la République crée en 1973), dont le rôle est
de veiller au respect des droits et des libertés par les administrations de l’Etat, les collectivités
territoriales, les établissements publics ainsi que par tout organisme investi d’une mission de
service public ; la Commission nationale de l’informatique et des libertés(CNIL)(instituée par
la loi du 6 janvier 1978, elle a pour mission de veiller au respect, par les administrations, de
l’utilisation des données informatiques concernant les citoyens) ; la Commission d’accès aux
documents administratifs(CADA) (instituée par la loi du 17 juillet 1978, elle est chargée de
veiller au respect de la liberté d’accès aux documents administratifs) ; le Conseil supérieur de
l’audiovisuel (CSA)(crée en 1989, il assure le respect du principe d’égalité de traitement entre
usagers et veille au respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans
les médias publics).
I. Le statut du juge
Pour que les droits et libertés soient garantis, il est indispensable que le juge soit doté d’un
statut protecteur.
A. La compétence du juge
Il n’est de véritable garantie que si le juge est compétent, au sens courant du terme, c’est -à-
dire dispose d’une aptitude suffisante pour se prononcer sur les litiges qui lui sont soumis. La
compétence est assurée par le recrutement par voie de concours (sauf hypothèse du tour
extérieur). Les concours sont ouverts aux candidats ayant un diplôme de deuxième cycle de
l’enseignement supérieur. La compétence est également assurée par une formation dispensée
par une école (ENM, pour les magistrats de l’ordre judiciaire ; ENA, pour les magistrats de
l’ordre administratif).
B. L’indépendance du juge
L’indépendance des magistrats doit être assurée contre tous les pouvoirs et, au premier chef,
le pouvoir politique. Le Conseil constitutionnel a rappelé que « le principe d’indépendance (…)
est indissociable de l’exercice de fonctions judiciaires » (déc. n° 92-305 DC) et lie
l’indépendance et l’inamovibilité.
L’inamovibilité signifie, pour les magistrats, ne pouvoir être déplacés, même pour une
promotion, sans leur consentement, et ne pouvoir être jugés que par leurs pairs (Conseil
supérieur de la magistrature dans sa formation disciplinaire). L’inamovibilité ne concerne,
dans l’ordre judiciaire, que les magistrats du siège ; les magistrats du parquet sont
subordonnés hiérarchiquement au garde des Sceaux, ministre de la Justice. En ce qui concerne
la juridiction administrative, l’inamovibilité, garantie en fait, a été consacrée par une loi du 6
janvier 1986, complétée par une loi du 25 juin 1990 pour les membres des tribunaux
administratifs et des cours administratives d’appel.
L’indépendance du magistrat est plus difficile, voire impossible à assurer contre lui-même.
« L’inamovibilité est parfaite en ce qu’elle supprime la crainte, elle est insuffisante contre
l’ambition » (G. Burdeau).
L’institution de juges ayant mission de se prononcer sur des litiges ne suffit pas en soi à assurer
le respect des libertés : pour que celui-ci soit effectif, les caractères de la procédure
juridictionnelle sont déterminants.
A. L’accès à la justice
Le droit d’agir en justice est un droit ayant valeur constitutionnelle (CC, déc. n° 80 du 2
décembre 1980). Ce droit est reconnu à tous ceux qui résident sur le territoire de la République,
y compris les étrangers (CC, Déc. n° 93-325 DC des 12-13 août 1993).
Pour que la prétention du demandeur puisse être examinée au fond, il faut que son action soit
recevable, le droit français refusant l’actiopopularis (l’ « action populaire ») qui permettrait à
quiconque d’introduire une action sans conditions. La recevabilité est subordonnée à des
conditions tenant à la personne du requérant et à l’objet de sa requête. Selon la jurisprudence
administrative, la personne doit faire valoir un intérêt direct et personnel.
Des atténuations de plus en plus nombreuses ont été apportées, par le juge ou le législateur, à
l’exigence de l’intérêt personnel : si « nul ne plaide par procureur », les syndicats d’abord, les
associations ensuite, se voient reconnaître de plus en plus souvent le droit d’intenter un recours
dans un intérêt collectif, qui, parfois, coïncide effectivement avec l’intérêt général.
Le principe du respect des droits de la défense est d’abord essentiel en matière pénale, en
raison des sanctions privatives de libertés (et autrefois privatives de vie) qui peuvent être
prononcées. Selon le Conseil constitutionnel, ce principe « constitue un des principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République, réaffirmé par le préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution de 1958 »
(CC, déc. n° 89-260 DC du 28 juillet 1989).
Ce droit au respect des droits de la défense doit, pour ne pas être vidé d’une partie de sa
signification, jouer à toutes les phases de la procédure : lors de la phase de l’instruction, la
personne visée a droit à être mise en examen, pour connaître les griefs qui seront
éventuellement retenus contre elle ; lors de la garde à vue, qui peut être angoissante pour
l’intéressé, celui-ci a le droit de prévenir par téléphone un conjoint, un ascendant, un frère ou
une sœur, ou un employeur.
Les droits de la défense consistent d’abord, et essentiellement, à se faire assister par un avocat.
L’article 412 du nouveau code de procédure civile assigne à l’avocat la double fonction de
conseiller la personne en cause et de présenter sa défense. Celle-ci n’exclut pas la présence,
devant le juge, de la personne poursuivie, qui a le droit de se défendre elle-même.
Le principe du respect des droits de la défense existe aussi en matière non pénale. En matière
civile, le respect des droits de la défense se ramène au principe du contradictoire. Selon
l’article 14 du nouveau code de procédure civile, « nulle partie ne peut être jugée sans avoir
été entendue ou appelée ». Selon l’article 30 du même code, l’action en justice est « le droit
pour l’auteur d’une prétention d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise
bien ou mal fondée. Pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter le bien-fondé de cette
prétention ». Le principe du contradictoire a également été affirmé comme principe général du
droit par le juge administratif (CE, 12 octobre 1989, Rassemblement des nouveaux avocats de
France).
Une bonne justice est également celle qui protège le citoyen contre les criminels. Les pouvoirs
publics cherchent à adapter la justice aux formes nouvelles de délinquance et de criminalité.
D’où les dispositions (loi du 9 mars 2004) pour mieux lutter contre la criminalité organisée, la
cybercriminalité, etc., par exemple en légalisant certaines pratiques(l’infiltration), en facilitant
l’entraide judiciaire internationale (Interpol, Eurojust, créée en 2002), en consacrant le
« mandat d’arrêt européen » et en instituant les procédures de remise entre Etats membres
(voir les lois du 23 janvier 2006 et du 1er décembre 2008 sur la lutte contre le terrorisme).
Sur le plan international, la protection des droits et libertés se fait également par plusieurs
juridictions. En dehors de la Cour pénale internationale, on trouve essentiellement les
juridictions régionales (européennes / africaines) et les tribunaux pénaux internationaux.
L’objet premier de la CJUE n’est pas d’assurer le respect des libertés mais celui du droit dans
l’interprétation et l’application du traité de Rome. Ce faisant, elle a été amenée à préciser que
« le respect des droits fondamentaux fait partie intégrante des principes généraux du droit dont
la Cour de justice assure le respect » (CJCE, 17 décembre 1970, Internationale
Handelsgesellschaft). En affirmant qu’elle ne saurait « admettre des mesures incompatibles
avec les droits fondamentaux reconnus par les constitutions » des Etats membres, la CJCE
étend à l’ensemble des citoyens de l’Union Européenne les garanties dont disposent les
citoyens.
Le droit à un recours effectif devant une juridiction nationale. C’est aussi ce que la Cour
appelle le « droit à un tribunal » (CJCE, 21 février 1975, Golder c/Royaume-Uni). Pour la
France, le seul problème que pourrait soulever éventuellement cette exigence concerne le juge
administratif, compte tenu de l’irrecevabilité, devant celui-ci, des recours contre les actes de
gouvernement (qui sont, quantitativement, très marginaux) et les mesures d’ordre intérieur
(que le juge réduit de plus en plus).
Le droit à un procès équitable. Selon l’article 6-1 de la Convention : « Toute personne a droit
à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par
un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur
ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière
pénale dirigée contre elle ».
La France a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour, essentiellement en raison du non-
respect d’un délai « raisonnable ». Exemple : délai non-raisonnable de quatre ans et trois mois
mis par un tribunal administratif pour se prononcer contre le recours en indemnité d’une
personne hospitalisée (CJCE, 24 octobre 1989, H. c/France).
Il s’agit essentiellement de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP).
Elle est une juridiction régionale créée par les pays africains afin d’assurer la protection des
droits de l’homme et des peuples, des libertés et des devoirs en Afrique.
La Cour a été créée en vertu de l’article 1 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits
de l’homme et des peuples adopté le 10 juin 1998 à Ouagadougou par la Conférence des Chefs
d’Etat et de Gouvernement de l’Union Africaine (UA). Le Protocole est entré en vigueur le 25
janvier 2004 après avoir été ratifié par plus de quinze pays.
A ce jour, trente Etats seulement ont ratifié le Protocole. Il s’agit de l’Algérie, du Bénin, du
Burkina Faso, du Burundi, de la Côte d’Ivoire, des Comores, du Congo, du Gabon, de la
Gambie, du Ghana, du Kenya, de la Lybie, du Lesotho, du Mali, du Malawi, du Mozambique,
de la Mauritanie, de Maurice, du Nigéria, du Niger, du Rwanda, de la République arabe
sahraouie démocratique, de l’Afrique du Sud, du Sénégal, de la Tanzanie, du Tchad, du Togo,
de la Tunisie, de l’Ouganda et de la République du Cameroun.
Le Protocole établissant la Cour africaine prévoit qu’une fois qu’un Etat a ratifié le Protocole,
il doit aussi faire une déclaration spéciale acceptant la compétence de la Cour pour permettre
aux citoyens de la saisir directement. A ce jour, seuls neuf pays ont fait une telle déclaration.
Il s’agit du Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, le Malawi, le Mali,
la Tanzanie et la Tunisie.
La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et les différends dont elle est saisie
concernant l’interprétation et l’application de la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples, du Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme ratifié
par les Etats concernés.
La Cour a officiellement débuté ses activités en novembre 2006. En vertu du Protocole (article
5) et du Règlement intérieur de la Cour (article 33), la Cour peut recevoir des plaintes et/ ou
des requêtes qui lui sont soumises, soit par la Commission africaine des droits de l’homme et
des peuples ou par les Etats parties au Protocole ou des organisations intergouvernementales
africaines. Les organisations non gouvernementales jouissant du statut d’observateur auprès
de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et des individus ressortissants
des Etats qui ont fait une déclaration acceptant la compétence de la Cour peuvent également
saisir directement la Cour.
La Cour a rendu son premier jugement en 2009 suite à une requête datée du 11 août 2008
introduite par monsieur Michelot Yogogombaye contre la République du Sénégal. A la date du
30 novembre 2018, la Cour a reçu un total de 190 requêtes et en a tranché 48.
Par sa résolution 827 en date du 25 mai 1993, le Conseil de sécurité des Nations unies, agissant
en vertu du chapitre VII de la Charte, a institué un tribunal international chargé de juger les
personnes présumées responsables de violations graves du droit humanitaire international
commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (TPIY, siégeant à La Haye).
La résolution 827 faisait obligation aux Etats d’apporter « leur pleine coopération » au
tribunal international. La loi française du 2 janvier 1995 pose le principe de la compétence
universelle des juridictions françaises pour ces infractions, dès lors que l’auteur ou le complice
est trouvé sur le territoire français.
La CPI est chargée de juger mais aussi de prévenir les crimes majeurs dans le monde : crimes
de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes d’agression. Elle pourra
poursuivre les ressortissants des Etats ayant accepté la compétence de la Cour ou les individus
ayant commis des crimes dans un pays signataire, et n’interviendra que si la justice du pays
concerné ne peut s’exercer correctement.
Le statut est entré en vigueur le 1er juillet 2002.
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
RIVERO (J.), Les libertés publiques : les droits de l'homme, Tome1, P.U.F, Paris, 1995.
ROBERT (J.), Libertés publiques et droits de l'homme, 4ème édition, Montchrestien, Paris,
1988.
ROCHE (J.), POUILLE (A.), Libertés publiques, 12ème édition, Dalloz, Paris, 1997.