Lecture Cursive Première
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Vous allez sélectionner un de ces trois recueils poétiques et lire pour la rentrée :
Introduction au recueil par l’auteur en 1988 : «Ces poèmes ont été écrits lorsque
j'avais quinze ans, avant et après la manifestation du 8 mai 1945. J'étais interne au collège de Sétif .Ce jour-là,
c'était la fête, la victoire contre le nazisme. On a entendu sonner les cloches, et les internes ont été autorisés à
sortir. Il était à peu près dix heures du matin. Tout à coup j'ai vu arriver au centre de la ville un immense cortège.
C'était mardi, jour de marché, il y avait beaucoup de monde, et même des paysans qui défilaient avec leurs
vaches... A la tête du cortège, il y avait des scouts et des camarades du collège qui m'ont fait signe, et je les ai
rejoints, sans savoir ce que je faisais. Immédiatement, ce fut la fusillade, suivie d'une cohue extraordinaire, la foule
refluant et cherchant le salut dans la fuite. Une petite fille fut écrasée dans la panique. Ne sachant où aller, je suis
entré chez un libraire. Je l'ai trouvé gisant dans une mare de sang. Un ami de mon père qui passait par là me fit
entrer dans un hôtel plein d'officiers qui déversaient des flots de propos racistes. Il y avait là mon professeur de
dessin, une vieille demoiselle assez gentille, mais comme je chahutais dans sa classe, ayant parlé une fois de faire la
révolution comme les Français en 1789, elle me cria : «Eh bien, Kateb, la voilà votre révolution, alors, vous êtes
content?»J'ai filé sans répondre. Il y avait partout des soldats en position de tir. Plus question de retourner au
collège. Mon père étant gravement malade, j'ai décidé de le rejoindre dans le village de Bougâa, à 45 Km de
Sétif ...Les gens arrivaient de partout; les rumeurs les plus folles couraient, certains disaient que les Turcs avaient
débarqué à Bougie, d'autres qu'on avait pris Alger. Jamais je n'avais vu tant de monde... A l'arrivée du car
se trouvaient mes amis de l'école française, «ça y est, leur ai-je dit, le peuple s'est soulevé! »Je ne savais même plus
à qui je parlais. Dans la nuit, on a entendu des coups de feu. La folle du village a été tuée près de l'église, et dès le
lendemain on a vu arriver les tirailleurs sénégalais. Le 13 mai, au matin, j'ai été arrêté par des inspecteurs qui mont
conduit à la prison de la gendarmerie. Et là, j'ai commencé à comprendre les gens qui étaient avec moi, les gens du
peuple. Autour de la prison, on entendait les coups de feu, les exécutions sommaires avaient lieu en plein jour.
Devant la mort, on se comprend, on se parle plus et mieux. Quelques jours après, nous avons été transférés à la
prison de Sétif, puis au camp de concentration, un immense terrain vague entouré de barbelés, où je suis resté
plusieurs mois. A ma libération, j'ai traversé une période d'abattement. J'étais exclu du collège, mon père agonisait,
et ma mère perdait la raison. Je restais enfermé dans ma chambre, les fenêtres closes, plongé dans Baudelaire. Puis
mon père m'a persuadé, pour changer d'air, d'aller à Annaba, où nous avions des parents. Là, ce fut le deuxième
choc, l'amour. J'ai rencontré Nedjma. J'ai vécu près de huit mois avec elle. C'était le bonheur absolu. Mais, en
même temps, j'étais fasciné par les militants, les gens que j'avais connus en prison, et que je retrouvais,
immanquablement. Il y a eu en moi un déchirement entre Nedjma et mes camarades. Et puis, elle était déjà
mariée, j'étais trop jeune pour elle, je savais bien qu'il fallait rompre, mais c'était difficile. En ce temps-là, j'ai
commencé à boire. Un matin, après une nuit blanche, j'ai fait l'ouverture d'un bar. Un colosse blond, coiffé d'un
chapeau, m'a rejoint au comptoir. Comme nous étions les deux seuls clients, nous avons engagé la conversation. Il
m'a demandé ce que je faisais.
Cet homme extraordinaire, mon premier éditeur s'appelait Carlavan. Il était en faillite, après avoir dirigé
l'imprimerie du «Réveil bônois», journal du soir à Annaba. Comme il lui restait un stock de papier, il a décidé de
finir en beauté, en publiant un jeune poète inconnu. C'est ainsi qu'il a imprimé «Soliloques» en mille exemplaires
qu'il m'a remis, sans rien me demander en échange. Ces poèmes de jeunesse datent de presque un demi-siècle. On
y retrouve deux thèmes majeurs : l'amour et la révolution, dans une première ébauche de l'œuvre qui allait suivre.
En un mot, «Soliloques», ce n'est pas encore «Nedjma», mais c'est son acte de naissance.»
2) Hosties Noires, Léopold Sédar Senghor (1948)
Thiaroye
Prisonniers noirs je dis bien prisonniers français, est-‐ce donc vrai que la France n’est plus la France ?
Est-‐ce donc vrai que l’ennemi lui a dérobé son visage ?
Est-‐ce vrai que la haine des banquiers a acheté ses bras d’acier?
Et votre sang n’a-‐t-‐il pas ablué la nation oublieuse de sa mission d’hier?
Dites, votre sang ne s’est-‐il mêlé au sang lustral de ses martyrs?
Vos funérailles seront-‐elles celles de la Vierge-‐Espérance?
Sang, sang ô sang noir de mes frères, vous tachez l’innocence de mes draps
Vous êtes la sueur où baigne mon angoisse, vous êtes la souffrance qui enroue ma voix
Paroles est un recueil de 95 poèmes de Jacques Prévert (1900-1977) publié pour la première fois en 1946. Ce sont
des poèmes de formes variées (en vers, en prose), avec une place donnée à l’oralité. Il critique le pouvoir en place,
l’horreur de la guerre, le clergé et s’attache à parler d’un Paris
populaire.
Voici un exemple :
L’Automne :