376 Transition Ecologique Citoyenne
376 Transition Ecologique Citoyenne
376 Transition Ecologique Citoyenne
Marcel Jollivet
Deux essais composent cet ouvrage. Le premier est fondé sur une
approche historique. Mais il n’a – il est important de souligner – aucune
prétention historienne. Il a seulement comme objectif de soumettre
le passé proche à quelques sondages afin de comprendre comment la
question de l’environnement en est venue à se poser dans les termes
où nous la vivons aujourd’hui, et de trouver des fils conducteurs utiles
pour nous guider dans notre recherche d’un avenir moins incertain.
Il n’est donc qu’une esquisse de ce que pourrait être une histoire appro-
fondie de cette question. Outre l’intérêt qu’il a d’apporter, malgré ses
limites, l’éclairage ici recherché, il attire l’attention sur l’importance
d’une appropriation collective de cette histoire pour mieux savoir mobi-
liser les énergies en vue de l’affrontement des incertitudes qui pèsent
sur l’avenir commun de l’humanité. Il atteindrait pleinement son but
s’il contribuait à susciter l’initiative d’en entreprendre l’écriture.
Le second s’appuie sur les échanges entre des militants associa-
tifs et des chercheurs au cours d’un Forum qui a eu lieu en 2011.
Il consiste en une lecture personnelle de ces échanges. Ce second
essai se situe dans le prolongement de l’idée qui parcourt le premier,
selon laquelle la société civile et la recherche (qui en est, si l’on y
pense bien, une composante, aussi particulière soit-elle) ont joué,
chacune à leur façon, le rôle moteur dans la prise de conscience
d’une nécessaire résistance face aux évolutions d’un système écono-
mique gouverné par des mécanismes ayant leurs logiques propres,
déconnectées de toute finalité sociétale. D’où l’intérêt et l’impor-
tance d’amener aujourd’hui les chercheurs et le puissant mouve-
ment associatif que suscitent les interrogations sur l’avenir commun
à trouver les voies qui leur permettront d’œuvrer ensemble à garder
prise. Et cela d’autant plus qu’au-delà de la très grande richesse des
débats et de la diversité des thèmes et des positions, ce qui frappe le
plus dans leur dialogue est la cohérence globale d’une réflexion, qui
s’apparente de ce fait à une pensée collective qui s’ignore.
Le choix a été fait, afin d’en alléger la lecture, de n’assortir
ces deux textes d’aucune note et de ne les accompagner d’aucune
7
pour une transition écologique citoyenne
bibliographie : c’est en ce sens que ce sont des essais. Cela dit, cha-
cun d’eux s’appuie sur des sources sans lesquelles il n’aurait pas
existé. Le second est, on vient de le voir, d’abord et avant tout
l’œuvre, d’une certaine manière collective, des intervenants du
Forum de 2011. L’ensemble des idées qui y sont développées est
le produit des échanges qu’ils ont animés. Ce sont leurs apports
qui ouvrent la porte aux commentaires généraux personnels qui
en accompagnent l’exposé. Il faut donc rendre à César ce qui lui
revient. Il n’en demeure pas moins, bien sûr, que la façon dont
leurs témoignages et leurs réflexions sont utilisés est de ma res-
ponsabilité. Au demeurant, la publication de cet essai n’aurait pas
pu être envisagée si une première version mise en ligne n’en avait
pas déjà été soumise à leur appréciation. Il reste que celles et ceux
des intervenants qui s’y reconnaîtront ont évidemment un droit de
réponse. Cet essai est aussi d’une certaine manière un appel à ce
qu’ils l’exercent.
Le premier essai, quant à lui, repose plus classiquement sur
la bibliographie. En exception à la règle choisie de ne pas la citer,
une référence et une source au moins ne peuvent pas manquer
d’être mentionnées : le livre de Catherine Larrère, Les Philosophies de
l’environnement, paru aux Puf en 1997 et l’encyclopédie Wikipédia,
outil précieux s’il en est. Ce qui donne l’occasion d’en saluer ici les
auteurs anonymes. Ce premier essai renvoie également en partie à
mon expérience professionnelle.
Chacun de ces deux textes, à sa façon, illustre la multiplicité des
canaux et des méandres souvent inattendus par lesquels passe une
résistance continue, et qui finit toujours par marquer des points, à
l’aveuglement collectif et aux « tendances lourdes » du système éco-
nomique. Le premier le fait grâce au recul historique qu’il donne. Le
second, coup de zoom sur le présent, le fait à travers les croisements
qu’il fait apparaître entre des citoyens, chercheurs, militants asso-
ciatifs ou pas, aux engagements multiples. Le façonnage de l’avenir
est affaire de tissage.
La meilleure façon de faire face aux inquiétudes de l’inconnu est
de se les approprier avec intelligence pour les affronter.
I. À LA RECHERCHE D’UN FIL
D’ARIANE
9
pour une transition écologique citoyenne
Dans cette tâche, s’en tenir à l’instant présent est faire comme
si les questions actuelles n’avaient pas de passé. C’est donc se priver
de ce que l’histoire nous apprend pour faire face aux dangers pres-
sentis, qui sont d’autant plus source d’inquiétudes qu’ils restent
largement inconnus. Nous sommes, comme Thésée, devant le laby-
rinthe. Il nous faut, comme lui, un fil d’Ariane qui nous permette
de nous débarrasser du Minotaure dévoreur d’enfants sans le payer
de notre vie, et recouvrer ainsi la liberté. C’est bien cette quête d’un
fil d’Ariane qui est la grande question contemporaine et qui traverse
débats et initiatives de toutes natures. Il est donc bon de revenir sur
ses pas, non pour revenir en arrière, mais pour sortir de la tyrannie
de la peur de l’inconnu et pouvoir aller librement de l’avant.
C’est l’exercice qui va être tenté ici, à partir de trois conven-
tions. La première porte sur la longueur donnée au fil d’Ariane :
ce sera celle des deux siècles hérités de ladite « révolution indus-
trielle » ; ils jouent un rôle décisif dans la création du monde que
nous vivons. La seconde est le choix de centrer l’analyse sur le cas
français, tout en le mettant en perspective par rapport à ce qui se
passe aux États-Unis, dans une période historique où le rôle de ce
pays est considéré ici comme fondateur, notamment à travers son
influence dans les organismes internationaux. La troisième porte
sur ce qui est attendu de cet exercice : on y cherchera ce qui peut
éclairer les tâtonnements actuels autour de la question environne-
mentale; l’objectif est d’identifier ce qui pourrait aider à penser un
fil d’Ariane permettant de les dépasser et à comprendre comment,
ainsi, retrouver un chemin libérateur. On verra que s’il est possible
d’en trouver un qui indique bien la direction à prendre, il n’aide pas
à éviter les écueils. Il en fait au contraire sa substance même. Si fil
d’Ariane il y a, il est composé de mille et un brins et tire sa consis-
tance de l’intensité de leurs entrelacements. C’est le tissu sociétal
dans son ensemble qui est en cause et qu’il s’agit donc de retisser.
L’enquête menée ici sur ces deux siècles ouvre deux pistes à la
quête de ce fil conducteur. En premier lieu, elle montre que trois
formes d’énergie parcourent la réflexion et les initiatives de toutes
natures concernant ce qui va devenir la question environnemen-
tale : la quête de connaissances qu’illustre la science, la quête
de sens que portent toutes les sociétés humaines et l’humanité
dans son ensemble et la quête de paix, au moins armée, qu’elles
10
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
11
pour une transition écologique citoyenne
12
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
13
pour une transition écologique citoyenne
14
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
15
pour une transition écologique citoyenne
16
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
17
pour une transition écologique citoyenne
18
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
19
pour une transition écologique citoyenne
20
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
21
pour une transition écologique citoyenne
22
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
la vie de bâton de chaise n’a rien à envier à celle de John Muir, même
si elle se situe sur un plan plus intellectuel. Comme ce dernier éga-
lement, il mêle approche naturaliste et sensible de la nature ; mais
il va beaucoup plus loin dans l’expérience directe qu’il s’en donne,
poussant jusqu’à la quête du dénuement et de l’immersion en elle.
Sa posture critique contre l’exploitation dont sont l’objet les res-
sources naturelles va de pair avec une attitude que l’on pourrait
qualifier d’anarchisme non violent sur le plan politique. De tous les
acteurs de cette scène américaine, il est celui qui ouvre le plus sur
la postérité. Il n’est pas abusif de le considérer comme le fondateur
de l’écologie politique. À ces noms, peuvent être accolés, sur des
registres fort différents montrant l’éventail couvert par cette sensi-
bilité naissante, ceux de l’écrivain Fenimore Cooper, le chantre de
la prairie et de Ralph Waldo Emerson, initiateur de la philosophie
dite « transcendantaliste » américaine, ami, protecteur et promoteur
de Thoreau jusqu’à leur rupture peu avant la mort de ce dernier.
Cette effervescence ne fut pas qu’un feu de paille, loin de là. Elle
ouvrit la voie à la mise en place d’une culture et d’une politique de
protection de la nature aux États-Unis. On l’a vu avec la politique
de protection des forêts, qui s’amplifia. Dans les années 1930, sur
ce parcours, s’impose tout particulièrement le nom d’Aldo Leopold,
qui reprend le flambeau à un moment où, sous la pression de l’im-
migration, la déforestation et l’exploitation des sols se font plus
intenses. Doté d’une solide formation universitaire en matière de
sylviculture et forestier de profession, il est aussi un grand amateur
de pêche et de chasse. Sa pensée peut être vue comme le produit
d’une symbiose entre les connaissances scientifiques qu’il tire de
sa formation universitaire et une éthique rigoureuse qui le guide
dans ses activités de chasseur et de pêcheur. Il est considéré comme
l’initiateur d’une conception de la protection de la nature fondée
sur l’idée d’une utilisation respectueuse des ressources naturelles.
Il poursuit le combat de ses prédécesseurs en contribuant à faire
classer la forêt de Gila en forêt nationale, en 1924. En 1935, il est
cofondateur de la Société des espaces naturels. Son livre, intitulé
Almanach d’un comté des sables, paru en 1949, juste après son décès,
est le premier manifeste en faveur d’une éthique (le terme est de lui)
environnementale. Il a eu une forte influence sur le mouvement des
idées en matière de protection de l’environnement aux États-Unis.
23
pour une transition écologique citoyenne
Un « melting-pot » de valeurs
Cette effervescence mérite doublement de retenir l’attention.
D’abord parce qu’elle est porteuse d’interrogations qui prennent à
contrepied le mouvement historique d’expansion que connaissent,
en ce milieu du XIXe siècle, les États-Unis : à l’échelle de ce pays, c’est
24
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
25
pour une transition écologique citoyenne
26
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
27
pour une transition écologique citoyenne
28
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
Son caractère peu amène et peu discipliné lui vaut une carrière
chahutée qui rappelle celles de Muir ou de Thoreau. Comme ces
derniers, il accorde une grande place à l’écriture. Comme eux aussi,
il fait de la nature le thème central de ses écrits. Il est féru d’his-
toire naturelle. Il aime accompagner Jean-Jacques Rousseau lors de
ses promenades dans les campagnes. Comme ces derniers enfin, il
magnifie la nature, qu’il voit comme un chef-d’œuvre d’harmonie
au point d’en faire un modèle d’utopie. D’où sa consternation quand
il découvre, lors d’une mission officielle qui lui a été confiée, que
l’« Isle de France » (l’actuelle île Maurice) dans laquelle il s’attend à
retrouver une nature originelle, est en proie à une forte déforesta-
tion, et le soin qu’il met à convaincre le gouverneur de la nécessité
de veiller à la préservation de ses richesses naturelles. Là encore, la
comparaison s’impose avec les motivations initiales des pionniers
américains. L’intérêt qu’il portait à la nature et la réputation qu’il
lui valait firent qu’il fut nommé par la Convention intendant du
Jardin royal des plantes médicinales (jardin, rappelons-le, créé en
1626 et poste qui fut occupé par Buffon). Fonction au demeurant
éphémère : il eut tout juste le temps de rédiger un mémoire en
faveur de la création d’une ménagerie. Mais on peut voir dans le
choix qu’il fait de s’y consacrer un intérêt pour la conservation du
patrimoine naturel et une modalité – purement muséographique
certes – d’une action en ce sens.
Mais là s’arrêtent les similitudes. Bernardin de Saint-Pierre est
un homme du Siècle des lumières. Comme Jean-Jacques Rousseau,
ce qui l’intéresse avant tout, c’est le débat sur la réforme morale
et – surtout – politique, qui émerge dans la France prérévolution-
naire. Cela dit, ce qui le guide lors de ses promenades dans la cam-
pagne avec son ami, c’est le spleen romantique attaché à une nature
rédemptrice. Si cette sensibilité ne débouche pas, en France, sur une
interrogation existentielle concernant les rapports des humains à
la nature, c’est bien elle pourtant qui se retrouve, un demi-siècle
plus tard, au cœur de nos premiers – les plus radicaux – auteurs
américains.
Dire que l’on ne retrouve pas en France l’équivalent du débat
qu’ouvrent ces derniers ne veut pas dire qu’il ne s’y passe rien. On
peut au contraire parler d’une voie proprement française de la décou-
verte de la question de la protection de la nature. Les fils en sont
29
pour une transition écologique citoyenne
30
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
31
pour une transition écologique citoyenne
32
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
33
pour une transition écologique citoyenne
34
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
35
pour une transition écologique citoyenne
36
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
37
pour une transition écologique citoyenne
38
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
39
pour une transition écologique citoyenne
40
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
41
pour une transition écologique citoyenne
42
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
43
pour une transition écologique citoyenne
44
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
45
pour une transition écologique citoyenne
46
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
ils captent l’attention parce que c’est à leur niveau que sont prises
les décisions de portée générale qui encadrent les grandes évolu-
tions de la société. Cela vaut tout particulièrement depuis que la
question environnementale est devenue une question politique
majeure. Mais ils ne sont pas les lieux de l’impulsion. Le rôle joué
par les pionniers américains est là pour nous le rappeler. L’exemple
américain est instructif jusque dans les détails : c’est l’amitié liant
Galen Clark et un sénateur qui est à l’origine du décret de 1864
d’Abraham Lincoln créant Yosemite et Mariposa comme premier
parc régional du pays ; c’est encore – et un demi-siècle plus tard
(1903) ! – après un véritable voyage initiatique où John Muir sert de
guide au président Théodore Roosevelt que ce parc est directement
placé sous la responsabilité des autorités fédérales.
C’est ce que montre aussi, sous un tout autre angle, l’histoire de
la recherche tant au niveau international qu’en France. Au niveau
international, on a vu combien elle est marquée par le rôle des
associations scientifiques et de l’Unesco à partir des années 1960.
Cette histoire s’est écrite d’abord dans l’univers des idées, culturel
par excellence, autonome s’il en est, mêlant connaissances, imagi-
naire et valeurs sociales. Il faut attendre 1972, date de la création du
PNUE, mais surtout 1988 et la création du GIEC, et enfin 2012 avec
la création de la Plateforme intergouvernementale scientifique et
politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (PIBSE/
IPBES), pour que le mouvement lancé dans les années 1960 au sein
de l’Unesco passe pleinement dans l’univers de l’action étatique.
Soit un demi-siècle de latence ! Cette temporisation est évidemment
à mettre en rapport avec l’ampleur des mutations à assumer.
En ce qui concerne la France, sans doute est-ce grâce au Jardin
royal créé par Louis XIII pour la conservation et l’étude des plantes
médicinales que le Muséum d’histoire naturelle y jouera son rôle.
Mais ce sont bien les idées et les personnalités intellectuelles des
« savants » pionniers qui y jouent le rôle moteur. Il est opportun de
citer ici notamment celles, trop méconnues, de Guy de la Brosse,
qui mena un combat de quatorze années pour imposer l’idée de ce
jardin, en butte à l’opposition de la Faculté de médecine. La trans-
formation de la Société d’acclimatation (créée, rappelons-le, dans le
cadre du Muséum) en Société nationale de protection de la nature
s’inscrit totalement dans la veine de ce combat.
47
pour une transition écologique citoyenne
48
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
49
pour une transition écologique citoyenne
50
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
51
pour une transition écologique citoyenne
52
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
aussi bien pour les pressions venant des forces sociales qui, pour une
raison ou pour une autre, manifestent leur mécontentement, que
pour les apports de la recherche porteurs d’une innovation dans un
secteur donné de la société, voire d’une vision supposant d’infléchir
son évolution d’ensemble. Dans les deux cas, le pouvoir politique
commence par une phase d’attentisme : il met les pressions qu’il
subit à l’épreuve de la répression et du temps ; il laisse les contro-
verses se développer dans les milieux scientifiques ou les innova-
tions induire les changements économiques et sociaux qu’elles ne
peuvent manquer de susciter. Il n’intervient que si l’ordre public,
voire la paix civile – dans la conception, bien sûr, qu’il a de l’un et de
l’autre –, s’avère en danger à un moment ou à un autre. Car telle est
sa mission fondamentale : faire en sorte que les antagonismes et les
tensions intrinsèques à toute vie en société ne l’emportent pas sur
la nécessaire cohésion de la société nationale. Il fait alors tout pour
reprendre la main. Et c’est alors que le rapport de force qu’ont créé
les forces sociales concernées devient décisif, car il est celui autour
duquel le pouvoir politique cherchera le consensus a minima qui lui
permettra d’atteindre son objectif. Le choix fait, la délibération en
vue de la mise en œuvre d’une politique publique doit alors encore
s’inscrire dans la temporalité propre aux règles de fonctionnement
du régime politique en place.
Cela dit, les deux exemples historiques relatés ici renvoient à un
passé bien passé. Ils illustrent l’État agissant dans des secteurs pré-
cis de son domaine régalien. Certes, les questions qu’il a à résoudre
sont source de conflits au sein de la société, des arbitrages sont donc
à faire. Mais les objectifs qu’il a à atteindre sont sectoriels, bien cir-
conscrits et clairs, les modalités de l’action qu’il a à entreprendre
sont simples et classiques (la loi et la réglementation). La question
de la transition écologique s’inscrit dans une tout autre dimension,
car il s’agit de se projeter dans un avenir plein d’incertitudes et
dont les contours sont on ne peut plus vagues, de n’entrevoir rien
de moins qu’un nouveau modèle de société et de fixer une direction.
La difficulté est d’autant plus grande que la situation actuelle
est caractérisée par une contradiction totale entre deux visions
extrêmes, prônant l’une la « décroissance », l’autre le saut dans le
monde connecté, incapables de dialoguer. Une société dualiste de
fait incorporant les deux options est en voie de constitution. Cela
53
pour une transition écologique citoyenne
54
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
55
pour une transition écologique citoyenne
56
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
57
pour une transition écologique citoyenne
58
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
59
pour une transition écologique citoyenne
60
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
61
pour une transition écologique citoyenne
strictes. Les qualités dont celles-ci ont fait preuve, de longue date,
pour faire avancer les connaissances sur tous les fronts en valident
les principes au point que ceux-ci ont force de loi au sein du monde
de la recherche. Mais, segment particulier de la société civile, ce
dernier en a à sa manière tous les traits, en l’occurrence marqués,
si ce n’est grossis, par le poids des enjeux découlant du rôle des
connaissances scientifiques dans la société. Sa finalité fondamen-
tale de produire ces connaissances en fait même un lieu intrin-
sèquement voué à un de ces traits majeurs : la liberté de pensée
est consubstantielle à l’esprit scientifique. Ainsi, condensé d’un
mélange de cultures scientifiques, de la diversité des points de vue
qui orientent et arment la faculté cognitive des disciplines, de la
diversité aussi des sensibilités, des imaginaires et des valeurs que
mettent en œuvre ces différents regards sur le réel, le monde de la
recherche est par destination le lieu du débat (et de la compétition !)
constamment ouvert. Il n’est donc pas surprenant que ce soit des
chercheurs eux-mêmes que soit venu le constat que la façon dont
les principes qui les gouvernent sont généralement appliqués pou-
vaient en faire des obstacles à la nécessité qu’impose la question
environnementale de saisir le système Terre comme un tout biophy-
sique, habitat de l’homme.
Il revient à la sphère du politique, lato sensu, de transformer tout
ce qui lui remonte de la société civile en des rapports de pouvoirs
ayant la légitimité de décider de ce qu’il convient d’inscrire dans
la loi, et les moyens de l’appliquer. L’importance de cette tâche fait
qu’elle est corsetée par les règles formelles qui régentent l’appareil
d’État. Si c’est bien du jeu de ces règles que sort la décision, celle-ci
n’en est pas moins totalement bornée à la fois à l’amont et à l’aval
par l’état de la société civile. C’est en fin de compte cette dernière
qui fixe les ambitions et les limites de l’action publique. Les marges
de manœuvre des États sont aujourd’hui d’autant plus étroites que
les sociétés civiles des sociétés contemporaines sont assujetties
tant dans leurs comportements que dans leurs imaginaires aux
mécanismes et aux dispositifs de mise en œuvre d’un capitalisme
de plus en plus strictement financier. L’État se heurte par ailleurs
directement à la puissance financière de ce dernier, et à sa volonté
de pouvoir absolu qu’implique sa logique aveugle de reproduc-
tion fondée sur la généralisation tant sociale que spatiale de son
62
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
63
pour une transition écologique citoyenne
64
À LA RECHERCHE D’UN FIL D’ARIANE
67
pour une transition écologique citoyenne
un diagnostic partagé
Quel que soit le domaine considéré, les constats d’où découlent
les débats procèdent d’une représentation très négative de la situa-
tion actuelle. Cette représentation est même empreinte de catastro-
phisme. Les forces agissantes actuelles sont vues comme conduisant à
une situation mettant purement et simplement en cause la capacité
pour l’humanité de vivre dans des conditions supportables sur la pla-
nète. Or c’est elle-même qui fait son propre malheur, puisque nous
devons considérer que nous sommes entrés dans l’« Anthropocène »,
c’est-à-dire l’ère où le premier facteur des transformations de la bios-
phère est l’action des hommes et que cette dernière est destructrice.
Nous sommes d’ores et déjà au cœur d’une crise écologique, résultat
68
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
69
pour une transition écologique citoyenne
70
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
71
pour une transition écologique citoyenne
La démocratie en question
L’ampleur des problèmes et l’urgence des solutions conduisent
à donner une place centrale dans les débats à la démocratie. C’est
la question même de la possibilité de son adaptation à la crise éco-
logique qui est posée. Et pour cause : cette crise qu’elle seule a la
légitimité de gérer et dont l’issue, en dernier ressort, dépend d’elle,
la met elle-même en crise, si bien qu’elle fait elle aussi partie du pro-
blème. En effet, cette issue et donc la transition qui y conduit seront
celles que les structures politiques en place prendront en charge :
c’est donc la conception de la transition voulue qui doit guider la
réflexion sur ce que ces structures doivent être pour permettre le
débat démocratique nécessaire et souhaitable pour l’atteindre. La
question de la nature de la transition doit donc être au cœur non
seulement du débat démocratique, mais du débat sur la démocratie.
C’est là que se situe la nécessité de son ouverture sur la société civile.
Cela s’impose d’autant plus que, non seulement la démocratie
représentative telle que nous la connaissons ne peut être récusée,
mais qu’elle est, au contraire un outil précieux et irremplaçable. Elle
est un système politique certes fragile, mais qui, toujours inachevé
72
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
73
pour une transition écologique citoyenne
74
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
75
pour une transition écologique citoyenne
Un impératif
Quelles que soient les modalités choisies, il est maintenant clair
qu’il est nécessaire de sortir la décision publique du règne de l’ex-
pert, de quelque compétence qu’il soit ; et même de l’élu. La gra-
vité des problèmes en cause et des éventuelles conséquences des
décisions politiques prises exige d’ouvrir plus largement l’espace
public à la controverse. Cela vaut bien sûr en premier lieu pour les
innovations, mais également, plus largement, pour les politiques
publiques en général. Cela exige de clarifier les rapports entre
controverses scientifiques, débat public et décision politique, de
sortir de l’idéologie du consensus et d’instaurer des procédures don-
nant aux conflits une place dynamique dans un processus démo-
cratique pragmatique conciliant stabilité et capacité constante
d’adaptation. Les débats autour des innovations sont un cas d’école
particulièrement parlant. Travailler dans ce sens montrerait que les
polémiques qu’elles suscitent résultent du choc de registres impli-
cites d’argumentation différents. Les expliciter clarifierait les diffé-
rentes alternatives s’offrant à la décision. Substituer la controverse
à la polémique est une exigence primordiale pour la qualité du
76
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
débat démocratique. Cela vaut aussi pour les décisions portant sur
les normes et les options de tous genres qui servent de fondements
aux politiques publiques.
Aller dans le sens de cette ouverture suppose de donner toute
leur place dans le débat aux associations, certes, mais aussi, aux
syndicats. En, effet, les exemples ne manquent pas qui montrent
que les revendications corporatives peuvent être en phase avec des
finalités d’intérêt général allant dans le sens de la transition écolo-
gique. Les syndicats ouvriers – certains d’entre eux au moins – recon-
naissent la nécessité de cette transition. Ils veulent simplement que
soient prises d’entrée en compte, dans la façon de la concevoir et
de la conduire, les répercussions qu’elle ne pourra manquer d’avoir
sur l’emploi, sur les conditions de travail et plus largement sur la
condition du salariat. Ils veulent, autrement dit, que ce soit une
transition juste. La question du travail et, plus largement, celle de
la condition ouvrière sont indissociables de la question de la tran-
sition écologique : seule une transition écologique sans violence
peut être juste. Une transition juste suppose un élargissement de
l’espace de la démocratie à la fois à toutes les formes de la société
civile organisée et à l’ensemble des citoyens.
La coupure actuelle entre la classe politique et les citoyens, et la
tendance de l’État à y répondre en se mettant dans une posture de
surplomb par rapport à la société affaiblissent la démocratie à un
moment où elle doit être plus forte que jamais. L’approfondissement
et l’élargissement de la place et du rôle de la société civile dans
le champ du politique sont les voies de la consolidation dont la
démocratie a besoin face aux épreuves auxquelles elle est – et va de
plus en plus être – confrontée. Sinon, le risque est grand de dérives
autoritaires.
77
pour une transition écologique citoyenne
78
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
79
pour une transition écologique citoyenne
80
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
81
pour une transition écologique citoyenne
82
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
83
pour une transition écologique citoyenne
tant que notion de base dans des recherches, elle a produit un cor-
pus de connaissances ouvrant à une compréhension des processus
individuels et collectifs de construction et de transformation des
représentations sociales d’une qualité de vie. Pour ces deux raisons,
il apparaît opportun d’en faire davantage usage dans les actions
visant à promouvoir un développement durable ; elle peut être
mobilisée pour donner un contenu à cette « promesse » qui lui fait
tant défaut. Comment construire un « récit » alternatif à celui que
continue d’alimenter le mode de développement actuel, tant dans
les sociétés dans lesquelles il règne d’ores et déjà que dans celles où
il « émerge », qui aspirent à le copier ? Comment faire en sorte que
la prise de conscience de la nécessité de préserver les ressources qui
font partie du patrimoine commun puisse se greffer sur les aspira-
tions à une meilleure qualité de vie ?
La réalisation de cette jonction est une des conditions absolues –
et, si elle se réalise, une voie royale – de l’accomplissement d’un pro-
jet alternatif d’établissement des humains sur la planète. Les aspects
des modes de vie qui sont mis en cause par les pollutions et les dégra-
dations des ressources et des milieux naturels (habitat, alimentation,
travail, loisirs…) et les problèmes de santé qui peuvent s’ensuivre
constituent autant de points noirs propices aux convergences entre
l’idée de qualité de vie et celle de développement durable. La prise de
conscience que les dégradations des conditions de travail procèdent
des mêmes causes que celles touchant l’environnement contribue-
rait à les renforcer. La notion de qualité de vie invite à donner du
contenu au pilier « social » du développement durable (et par là
même, de la crédibilité d’un développement durable parce que chan-
geant la vie). Une hybridation des vertus analytiques et opératoires
de la notion de qualité de vie et des idéaux sociétaux que contient
l’idée de développement durable établirait le pont indispensable à
l’action, qui permettrait la rencontre entre le réel et l’utopie. Cette
hybridation est possible comme en témoignent des initiatives prises
en ce sens sur le terrain sous le signe d’une « qualité de vie partagée ».
Une bonne illustration de l’intérêt de la notion de qualité de vie
est que son caractère multidimensionnel conduit à s’intéresser à
tous les aspects du fonctionnement de la société qui conditionnent
le vécu des citoyens et, partant de là, à en mettre en évidence
les logiques sociales. C’est ainsi qu’un examen des politiques en
84
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
85
pour une transition écologique citoyenne
86
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
87
pour une transition écologique citoyenne
88
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
un monde unifié
Comme on le voit, un aspect majeur du projet associatif est sa
dimension internationale. Plus même, quand il est porté par les
associations qui travaillent à ce niveau, il s’apparente à un véri-
table manifeste internationaliste. Les Forums sociaux mondiaux en
sont le creuset. S’y réalise une véritable rupture dans la façon de se
représenter les rapports entre les ex-pays dits du Nord et les ex-pays
dits du Sud.
Cette rupture est bien sûr due aux évolutions qui découlent des
formes récentes de la mondialisation. Ces évolutions perturbent les
oppositions qui fondaient la dichotomie classique entre pays aupa-
ravant dits « développés » et « sous-développés » (ou « en développe-
ment »). Ceux de ces derniers qui entrent dans la classe des « pays
émergents » connaissent les grandes transformations économiques
qui ont bouleversé les sociétés des premiers à partir du XIXe siècle,
dans leur phase d’industrialisation. Cela se passe à des degrés
variables selon les pays et, bien évidemment, dans les conditions du
XXIe siècle. Mais les conséquences sociales de l’exode rural, qui est le
89
pour une transition écologique citoyenne
phénomène majeur, y sont les mêmes que celles que les premiers
ont connues pendant plus d’un siècle, à savoir la dépossession et
le déracinement de populations entières, la prolétarisation qui
s’ensuit, une urbanisation sauvage, la paupérisation de certaines
zones rurales, la montée en puissance d’une classe possédante accu-
mulant les richesses et, au bout de tout cela, un accroissement des
inégalités sociales.
Pour ce qui est des pays dits « développés », ils voient les bases
sur lesquelles était fondée leur prospérité s’effondrer, en raison de
l’énorme différence entre les coûts de production dans ces écono-
mies « émergentes » et les leurs. Une bonne partie de ces différences
est due au coût de la force de travail. Il faut dire que celui-ci y est
le produit négocié de deux siècles d’accumulation du capital et de
combats de la classe ouvrière contre la classe des possédants, orga-
nisées l’une et l’autre pour cet affrontement, alors que cet affron-
tement ne fait que débuter dans les pays « émergents ». Mais une
transformation structurelle majeure change les règles du jeu de ce
face à face interne dans les pays anciennement industrialisés : tan-
dis que, grâce à sa mobilité, le capital trouve dans l’essor des pays
aux économies en développement rapide une échappatoire – c’est-
à-dire de nouvelles sources de profits – par rapport aux difficultés
qu’il rencontre pour s’y reproduire, la main-d’œuvre, elle, captive,
subit le choc sans pouvoir y parer. D’où, à travers le chômage, une
paupérisation, au sens large du terme, des classes populaires (et, de
plus en plus, des classes moyennes). L’accroissement des inégalités
sociales est donc le lot de tous les pays, déjà « industrialisés » ou en
passe de le devenir.
De ce fait, établir une coupure radicale entre les uns et les autres
perd de sa pertinence. Cette relativisation de la dichotomie héritée
du XXe siècle est accrue par la montée en puissance économique de
certains des pays dits alors « sous-développés », par la place crois-
sante qu’en conséquence ils prennent dans les échanges internatio-
naux et, nécessité oblige, par la place qu’il a fallu leur faire dans les
instances et dans les débats politiques qui concernent ces échanges
– et les désordres financiers qui les accompagnent. Ils n’hésitent
d’ailleurs pas à s’imposer – et collectivement, s’il le faut – à ce niveau
international de décision lorsqu’ils n’y sont pas invités. Mais cela
les coupe d’une solidarité qualifiée autrefois de « tiers-mondiste »,
90
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
91
pour une transition écologique citoyenne
De l’assistance au partenariat
Les principes qui fondent ce projet s’expriment à travers un
changement très significatif dans le vocabulaire. Cela se marque par
la distance prise à l’égard de la référence à l’« humanitaire ». C’est
avant tout la solidarité internationale qui est désormais mise en
avant et à laquelle il est fait appel. On retrouve là le rôle central de
la valeur de solidarité. L’expression « aide humanitaire » est de plus
en plus vue comme allant de pair avec l’idée d’une inégalité à com-
penser unilatéralement et comme induisant de ce fait celle d’une
dépendance : « La main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit. »
La référence à la solidarité implique au contraire une réciprocité
et un partenariat : il ne s’agit pas d’apporter ce qu’on estime être
la bonne parole ou de vouloir faire ce qu’on estime être le bien des
gens, il s’agit d’être à l’écoute et de faire ensemble et donc, de tenir
le plus grand compte des formes d’organisation collective des popu-
lations (les « communautés locales » ou « autochtones »), de leurs
cultures, de leurs savoirs et de leurs désirs. Cette attitude conduit
à prendre ses distances par rapport à la notion de « besoin », qui est
considérée comme imposée de l’extérieur, porteuse d’une vision
normative et, en fait, empreinte d’une conception « occidentale » de
la nature humaine ; et à lui substituer celle de « droits », dont celui,
primordial, de droit à la protection. Non pas de droits abstraits, eux
aussi, mais les droits revendiqués par les intéressés. Elle implique un
rejet de l’idée d’un modèle à suivre ou à promouvoir et marque, au
contraire, un souci de respecter la diversité des valeurs des popula-
tions et des itinéraires qu’elles souhaitent emprunter dans leur vie
en commun. D’où la place importante accordée aux « mouvements »
à travers lesquels les populations expriment les droits qu’elles
estiment être les leurs et luttent pour les obtenir. L’idée-force est
celle d’un « monde pluriel » à construire sur la base de ces droits en
créant des solidarités autour des combats des populations qui les
92
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
93
pour une transition écologique citoyenne
94
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
95
pour une transition écologique citoyenne
96
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
97
pour une transition écologique citoyenne
son intégrité (et ses évolutions propres, quand il s’agit, par exemple,
d’organismes biologiques ou d’intelligence artificielle) va créer. En
raison également des incidences qu’il faut en attendre sur le fonc-
tionnement de la société. Cette nécessité d’inscrire toute innova-
tion dans le temps – technique et social – doit occuper une place
majeure dans le débat public sur les innovations.
De fait, les alternatives qui pourraient être envisagées prennent
de plus en plus la tournure d’une rupture radicale, avec les difficul-
tés de tous ordres que cela entraîne, puisque l’itinéraire technique
emprunté s’installe dans une logique – que l’on pourrait qualifier
de « dérive » – sui generis. Les alternatives deviennent d’ailleurs, faute
des connaissances nécessaires à leur crédibilité, de plus en plus
limitées. Contraint par sa propre logique, le processus d’innovation
se coupe de plus en plus non seulement des connaissances alterna-
tives, mais aussi des évolutions et des mouvements de la société, et
ceci d’autant plus que les sommes investies sont conséquentes et les
infrastructures matérielles lourdes. Dans ces conditions, les termes
du débat public sont eux-mêmes déterminés par des pré-requis. Ou
bien ils procèdent carrément du principe de réalité, voire d’auto-
rité, appuyé sur la nécessité de préserver l’acquis ; ou bien, dans le
cas où une « consultation » des populations est organisée, ils servent
de justificatif à un processus, centré sur la question de l’« acceptabi-
lité », qui ne peut que viser en fait à trouver les voies pour faire pas-
ser le coup parti. Au-delà de restreindre et de contraindre le débat,
cela peut aller jusqu’à en biaiser totalement les termes. Ce sont là
les raisons qui justifient le refus radical du dialogue. Et donc au
minimum l’empêchement du débat public ou, forme extrême de
l’opposition, la désobéissance civile.
L’importance des enjeux portés par la question environnemen-
tale, l’ampleur des ruptures qu’elle oblige à envisager, la nécessité
de faire vite, mais aussi, plus généralement, la technicisation crois-
sante de toute la vie en société, qui conduit à parler de « démocratie
technique », font de la façon de concevoir et de conduire l’innova-
tion une des questions clés – et sans doute, la question la plus déci-
sive – du temps présent, mais aussi une des questions les plus vives
et les plus difficiles à traiter. Ce n’est pas un hasard si c’est une des
questions qui mobilisent le plus le mouvement associatif. Comment
prendre en compte l’inévitable « dépendance au sentier » qui résulte
98
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
99
pour une transition écologique citoyenne
100
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
101
pour une transition écologique citoyenne
102
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
103
pour une transition écologique citoyenne
104
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
105
pour une transition écologique citoyenne
106
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
107
pour une transition écologique citoyenne
108
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
109
pour une transition écologique citoyenne
110
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
111
pour une transition écologique citoyenne
112
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
113
pour une transition écologique citoyenne
114
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
115
pour une transition écologique citoyenne
116
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
117
pour une transition écologique citoyenne
118
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
119
pour une transition écologique citoyenne
120
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
121
pour une transition écologique citoyenne
122
POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE. VOIX CITOYENNES CROISÉES
125
pour une transition écologique citoyenne
1. Ce texte reprend les conclusions tirées par Bruno Villalba du Forum des associations sur la question
de la démocratie.
127
pour une transition écologique citoyenne
fini », nous rappelle Albert Jacquard, dans son livre portant ce titre.
Mais la démocratie continue, elle, de se vivre comme un projet sans
limites. Dès lors, comment la faire entrer dans un espace et dans
un temps qui voient l’accumulation des contraintes environnemen-
tales (dérèglement climatique, crise de la biodiversité, pression
démographique, déplétion des ressources non renouvelables…) ? On
peut avoir conscience des finitudes et décider de ne pas les franchir.
Les irréversibilités, en revanche, sont plus difficiles à cerner et, en
même temps, elles sont rédhibitoires : elles excluent tout retour en
arrière. Cela pèse sur les capacités d’imaginer de nouvelles solutions
démocratiques. À partir de là, trois questions peuvent émerger.
La première concerne la question de l’égalité. Le projet démocra-
tique ne peut se concevoir sans la volonté de réaliser cet idéal dont il
est porteur. C’est ainsi que l’égalité ne cesse d’étendre son domaine :
entre tous les hommes (le sacre du suffrage universel), puis les
femmes (autonomie du genre), entre les générations (solidarité
intergénérationnelle). De nouvelles revendications apparaissent :
entre humains et non-humains (les animaux, les écosystèmes, la
biosphère…), entre territoires (Nord-Sud, car les inégalités appa-
raissent de plus en plus insupportables), entre générations présentes
et à venir, etc. Mais voilà que finitudes et irréversibilités posent la
question des conditions de possibilité de l’égalité : comment répar-
tir au mieux les richesses non renouvelables ? Comment concilier
la volonté d’émancipation des peuples avec les contraintes clima-
tiques ? Comment rendre possible l’égale aspiration à la réussite
matérielle de sa vie et rendre dans le même temps possible l’accès à
des ressources réduites ? Il s’agit d’imaginer des politiques de lutte
contre les inégalités sociales qui incluraient davantage les inégalités
écologiques.
La deuxième interrogation porte sur les conditions de l’équité.
L’égalité se construit sur le principe d’une possibilité toujours
ouverte à tous d’accès à tous les biens ; ce qui suppose de mettre en
place de solides politiques volontaristes, au niveau national comme
international. L’exigence d’équité, quant à elle, met davantage en
question la possibilité et les conditions d’une répartition des biens au
regard des contraintes matérielles posées par les limites environne-
mentales. Est-il envisageable d’étendre le parc automobile à l’échelle
mondiale à la hauteur de ce qu’il est dans les pays du Nord ? Ou bien
128
POSTFACE - LA DÉmOCRATIE EN QUESTION FACE À LA CRISE ÉCOLOGIQUE
129
pour une transition écologique citoyenne
130
POSTFACE - LA DÉmOCRATIE EN QUESTION FACE À LA CRISE ÉCOLOGIQUE
131
pour une transition écologique citoyenne
133
pour une transition écologique citoyenne
134
POST-SCRIPTUm
introduction 9
Le diagnostic : Les trois voies de La Liberté 11
La recherche : La quête de connaissances 13
> Le grand tournant « culturel » des années 1970 15
> Les apports d’un mouvement associatif pionnier 16
> De nouveaux horizons pour la recherche 18
La société civiLe : La quête de sens 20
> Une histoire américaine 22
> Un « melting-pot » de valeurs 24
> Le mouvement est lancé 26
> Une histoire française 28
> Évolutions et continuités en quête d’une recherche impliquée 30
> Une longue et difficile confrontation 34
> Le film accéléré des années 1970 37
> Au-delà des contingences historiques 39
> Une « nébuleuse » verte 42
Le poLitique : La quête de paix 46
> Lenteurs et partis pris de l’État régalien 48
une aLLiance à inventer 54
> La « longue marche » est commencée 55
> Un terrain de prédilection pour le mouvement associatif 57
> Conscience avec science 57
137
pour une transition écologique citoyenne
introduction 67
un diagnostic partagé 68
> Quelles perspectives pour l’action associative ? 70
La démocratie en question 72
> Les raisons d’une remise en cause 74
> Des pistes pour des solutions 75
> Un impératif 76
pour une citoyenneté associative 77
> L’associationnisme : une exigence pour la démocratie 79
repères pour un déveLoppement soLidaire 81
> Le social et l’environnemental : même combat 81
> Inventer un nouveau mode de vie 82
> La solidarité comme horizon 85
un monde unifié 89
> De l’assistance au partenariat 92
du bon usage de La connaissance 95
> La cible majeure : l’innovation 96
> Les voies d’une « démocratie technique » 99
une recherche pour La transition 101
> Multiplier les « fronts » de recherche 103
> Un nouveau regard sur la recherche 105
> De nouvelles voies d’accès à des connaissances pour l’action 107
Les mots, outiLs de combat 111
> Une référence pour l’action associative ? 112
138
TAbLE DES mATIèRES
POST-SCRIPTUm 133