Bushveld Complex

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Le complexe du Bushveld

Jean-François Moyen

29 janvier 2007

Table des matières


1 Présentation générale 2
1.1 Extension géographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.2 Principales subdivisions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.3 Contexte et conditions de mise en place . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
a. Relations intrusives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
b. Contexte tectonique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

2 Stratigraphie des unités basiques litées 6


2.1 La Zone Marginale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
2.2 La Zone Inférieure (Lower Zone, LZ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
2.3 La Zone Critique (Critical Zone, CZ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
2.4 La Zone Principale (Main Zone, MZ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
2.5 La Zone Supérieure (Upper Zone, UZ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.6 Corps discordants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

3 Evolution magmatique de la partie basique du Complexe 13


3.1 Cristallisation fractionnée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
a. Une première approximation : un système à 3 composants . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
b. Evolution des magmas dans le système An–Fo–SiO2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
3.2 Réalimentations magmatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
a. Apports périodiques de magmas de composition constante . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
b. Changement de la composition des magmas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
c. Un exemple de discordance majeure dans le Complexe : le Merensky Reef . . . . . . . . . 17
3.3 Formation des chromites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
3.4 Le remplissage de l’intrusion du Bushveld . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
a. Magmatisme acide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
b. Premiers magmas basiques : Zones inférieure et Critique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
c. Un afflux magmatique majeur : la Zone Principale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
d. Les derniers magmas : sommet de la Zone Principale et Zone Supérieure . . . . . . . . . . 25

4 Les litages magmatiques à l’échelle de l’affleurement 28


4.1 Différents types de litages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
4.2 L’origine des litages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
a. Mélanges de magmas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
b. Processus mécaniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
c. Processus chimiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

5 Les niveaux minéralisés 33


5.1 Platinoïdes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
5.2 Vanadium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

1
Le complexe du Bushveldt

e complexe du Bushveld est peut-être le plus étonnant des objets géologiques Sud-Africains. C’est le plus
L grand complexe basique lité du monde ; le plus grand gisement de platinoïdes du monde. On y observe des
phénomènes magmatiques (cristallisation fractionnée, mélange, litages, etc.) qu’on ne peut le plus souvent que
déduire par des arguments indirects. L’ensemble s’est formé dans un temps très bref, de l’ordre de 5 Ma pour
l’ensemble de la Province magmatique, sans doute moins de 1 Ma pour la partie basique il y a environ 2053
Ma1 .

1 Présentation générale

1.1 Extension géographique

Le complexe occupe 65 000 km2 . Il s’étend sur 300 km d’Est en Ouest, et 200 km du Nord au Sud. Son épaisseur
totale est de 15 km environ. Diverses intrusions, dites “satellites”, sont également des complexes basiques lités,
formés au même moment : il s’agit en particulier du complexes de Molopo farms (13 000 km2 , au Sud du
Botswana ; 2044 ± 24 Ma,Krüger (1989)).

Fig. 1: Le Bushveld et ses intrusions périphériques (Source


inconnue)

Il est d’usage de différencier trois “lobes” dans le complexe. Le lobe Ouest est un arc de 300 km de long, de
Pretoria à Thabazimbi, en passant par Rustenburg et l’intrusion plus récente du Pilanesberg. Le lobe Est, plus
linéaire, est disposé selon une orientation Nord-Sud au Nord-Est de Middleburg, sur environ 100 km. Le lobe
Nord, le plus petit des trois, s’étend sur une petite centaine de kilomètres au Nord de Mokopane (Potgietersrus).
Il présente une “stratigraphie” légèrement différente des deux autres lobes, plus condensée.
Une grande partie du complexe du Bushveld n’affleure pas, et n’est connu que par géophysique ; elle est recouverte
de sédiments et laves plus récents.

1.2 Principales subdivisions

La Province magmatique du Bushveld2 est formé de trois grandes unités, qui sont par ordre chronologique :

1 Ce texte est essentiellement écrit à partir de divers documents publiés par le Groupe de Recherche sur le Bushveld de l’Université

du Witswatersrand, à Johannesburg. Toutes les données ne sont pas publiées dans la littérature internationale ; mais les documents
en question sont disponibles sur le web :
– Kinnaird (2006) se trouve à http ://www.largeigneousprovinces.org/Downloads/BushveldLIP.pdf ;
– Krüger (2004) et Kinnaird et al. (2002) se trouvent à http ://www.wits.ac.za/geosciences/Research/EGRI/Circulars/EGRI
Information Circulars.htm rapports 377 et 369 respectivement) ;
– Par ailleurs, le guide de “l’excursion virtuelle” dans le Bushveld (Cawthorn, n.d.) se trouve à
http ://www.wits.ac.za/geosciences/Research/Bushveld/bush_vft_home.htm

2 La terminologie “officielle” Sud-Africaine définit le “Complexe du Bushveld” comme étant formé de trois unités principales :

le groupe de Rooiberg, la Suite litée de Rustenburg et les granites de Lebowa. Mais la plupart des géologues utilisent ce terme
pour désigner la seule partie basique, et parlent par exemple de “Province magmatique du Bushveld” pour décrire l’ensemble des
formations associées ; c’est la terminologie qui sera utilisée ici (Krüger, 2004).

2
The Bushveld Large Igneous Province
By Judith A. Kinnaird
School of Geosciences, University of the Witwatersrand
Le complexe du Bushveldt
[email protected]

eous Complex

Compiled by

Judith Kinnaird, Johan ‘Moose’ Kruger and Paul Nex

Economic Geology Research Institute,


School of Geosciences, University of the Witwatersrand

Figure 1 Simplified geological map of the Bushveld Large Igneous Province, which includes the Rustenburg Layered
Suite, the Rooiberg
Fig.Volcanics
2: Carteandsimplifiée
the Lebowa
deGranite Suite du Bushveld (Kinnaird, 2006).
la Province

Overview of the Palaeoproterozoic Bushveld Igneous Province

TheGroupe
– Les rhyolites du Palaeoproterozoic Bushveld
de Rooiberg, Igneous
ainsi que Province in South
des filons Africa is comprisedassociés
de “microgranites” of: (Granophyre de Rashoop).
-
Elles se sont mises a suite
en of mafic
place entresills which ±
2061.8 intruded
5.5 etthe floor rocks
2057.3 ±2.8ofMa Transvaal
(Harmer Supergroup
& Armstrong, 2000). Leur extension
the bimodal
originale n’est- pas connue, maisbut elles
predominantly
recouvraientRooiberg Group volcanicune
probablement province:
zone one
deuxof àthe largest
trois fois pyroclastic
plus grande que
provinces on Earth covering at least 50 000 km2 and up to 3 km thick
l’actuel Complexe. Leur épaisseur maximum est de 3 km. C’est en fait une série complète, sub-alcaline et
- the Rustenburg Layered Suite, the largest and oldest mafic layered complex on Earth which covers an
tholéitique, allant de basaltes à des dacites et rhyolites s.s.
area of approximately 65,000 km2 and comprises anorthosites, mafic and ultramafic cumulates
– La “Suite Litée- de Rustenburg” (Rustenburg
the Lebowa Granite Suite Layered suite) représente la partie principale du Complexe. C’est
the Rashoop Granophyre Suite developed
un sill de 8 km- d’épaisseur de roches basiques at the contacts
et ultrabasiques betweenc’est
; souvent, the granites
à cetteand Rustenburg
unité Layered
qu’il est fait allusion
Suite which isdu
quand on parle du ‘Complexe comprised of metamorphosed
Bushveldt 3
”. Son âgesediments and intrusive
est de 2054.5 ± 1.5acidic
Ma rocks.
(Harmer & Armstrong, 2000).
– Les granites de variousde
- la Suite satellite
Lebowa intrusions
sontofdessimilar age including
granites roses,theà Molopo
grain Farms
fin à and Nkomati
moyen. - Uitkomst.
C’est un ensemble de sills,
formant au total 1.5 à 3.5 km d’épaisseur. Différents sills ont donné des âges entre 5057.5 ± 4.2 et 2053.4 ±
3.9 Ma(Harmer & Armstrong, 2000). Ils recoupent clairement les roches de la Suite de Rustenburg, et sont
donc plus jeunes. Ce sont des ganites alcalins (type A).
La Province magmatique est plissé, avec des plis de grande envergure qui le font légèrement onduler. Les pendages
ne dépassent guère des valeurs de plus d’une trentaine de degrés. il est enfin recouvert de sédiments plus récents,
appartenant aux Supergroupes du Waterberg et du Karoo.

1.3 Contexte et conditions de mise en place

a. Relations intrusives

Le Complexe du Bushveld affleure de façon discontinue, dans les lobes évoqués plus haut. Il semble néanmoins
probable qu’il s’agisse d’une intrusion continue en profondeur, c’est à dire que les lobes ne soient que la partie
affleurante d’un complexe encore plus grand, formant un sill, plat et arrondi (9 km d’épaisseur sur 300 de long

3 Dans le reste de ce texte, “complexe du Bushveld” sans autre précision désignera les seules unités basiques, la “suite litée de

Rustenburg”

3
Le complexe du Bushveldt

. Privince du Bushveld (Winter, 2002).


Fig. 3: Coupe schématique dans la
Figure 8. Simplified map of the Bushveld Complex showing the location of the various limbs: the easte
western, far western and northern limbs and the south-eastern limb, which is obscured by younger cov
(Kinnaird et al., 2004). The interpretation of the extent of the northern and south-eastern limbs is based
et 200 de large). Mais cette idée n’est pas confirmée
the gravity par laingéophysique,
data shown Figure 9. qui n’arrive à “voir” que des fragments
allongés, aussi larges que profonds, correspondant aux affleurements actuels (Krüger, 2004).

Fig. 4: Carte gravimétrique du Complexe du Bushveld (J :


Johannesburg). Kinnaird (2006)
Figure 9. Gravity map of the Bushveld Complex. J marks approximate location of Johannesburg
On en observe souvent le contact basal, mais rarement le sommet. Il est intrusif dans le contact entre les sédiments
du Supergroupe du Transvaal (plus rarement directement dans le socle archéen), et les Rhyolites de Rooiberg ;
cette interface lithologique a probablement joué un rôle majeur dans le piégeage des magmas à l’origine du
Complexe, et en particulier, en empechant leur éruption, a permis de former un complexe plutonique plutôt que
des trapps basaltiques. Le métamorphisme de contact à la base du Complexe, dans les roches du Supergroupe
du Transvaal, s’est déroulé dans des conditions de relativement basse pression, entre 2 et 4 kbar (e.g. Johnson
et al., 2003) ; comme l’épaisseur totale de la partie basique est de 8 km, on voit que son sommet ne devait pas
être très loin de la surface.
Des sills de dolérite ou de norite, d’épaissuer métrique, s’observent sous la base du complexe lui-même. Ils
indiquent que l’on a en fait affaire à un essaim de sills, dont l’un (bien situé dans une interface lithologique) a
pris une importance démesurée et a plus ou moins absorbé les autres.

b. Contexte tectonique

Des grands “linéaments” (des alignements, sans doute d’origine tectonique), à peu près Est–Ouest, découpent les
roches basiques du Complexe en plusieurs unités, aux caractéristiques et à l’épaisseur légèrement différentes. Il
s’agit probablement de failles, actives lors de la mise en place de l’intrusion. Au Nord, le Complexe est limité par
la zone de cisaillement de Palala (qui sépare les zones centrales et marginale Sud de la ceinture du Limpopo).

4
Le complexe du Bushveldt

Plus au Sud, le lobe Nord est séparé de la partie principale du complexe par le “linéament de Thabazimbi–
Murchison” ; un autre linéament parallèle borde le complexe au Sud. Le lobe Nord présente une stratigraphie
un peu différente (plus mince) de celle des deux lobes Est et Ouest.
L’époque de la formation du Bushveld correspond à celle du développement de la ceinture du Kheis, au paléo-
protérozoïque. Cette ceinture résulte probablement de la fermeture d’un bassin océanique entre les cratons du
Kaapvaal (± Zimbabwe, cf. chapitre ??) et du Congo, le long d’une zone de subduction orientée à peu près NE–
SW. Les linéaments qui guident la mise en place du Complexe sont donc obliques par rapport à cette subduction,
et peuvent s’interpéter comme des fractures ouvertes dans le continent en réponse à cette convergence (cf. figure
??, page ??).
Ceci étant, le Bushveld se situe à près d’un millier de kilomètres de la zone de subduction . Il n’est donc pas
probable qu’il s’agisse de magmatisme directement associé. L’hypothèse la plus fréquemment admise pour son
origine propose qu’il s’agisse d’un magmatisme de point chaud, associé à la remontée d’un diapir de manteau.
La remontée du diapir provoque sa fusion par décompression, ainsi que l’érosion thermique de la lithosphère, et
la fusion du manteau lithosphèrique, voire de la croûte inférieure. L’ensemble de ces magmas se mettent en place
de façon à peu près synchrone pour former d’abord les Rhyolites du groupe de Rooiberg (fusion de la base de la
croûte ?), puis immédiatement après le Complexe du Bushveld s.s. Le réchauffement de l’ensemble de la croûte,
sous l’effet en particulier de la mise en place de grands volumes de magmas, permet sa fusion et la formation
des granites de Lebowa.

5
Le complexe du Bushveldt

2 Stratigraphie des unités basiques litées


La stratigraphie du Complexe du Bushveld est étonnament continue ; on retrouve les mêmes unités sur des
centaines de kilomètres, même d’un lobe à l’autre. Seul le lobe Nord est un peu différent (globalement plus
mince). Cette continuité implique une évolution concomittante dans l’ensemble du Complexe, qui fonctionne
donc partout de la même manière, au même moment.

Le complexe du Bushveld est la partie à la fois la plus spectaculaire, la plus importante et la mieux connue de
l’ensemble due la Province. Il s’agit de roches ultrabasiques à basiques, sur une épaisseur de 8 km. L’essentiel
des roches présentent une texture cumulative : il ne s’agit pas tant de liquides magmatiques “gelés” sur place,
que de cristaux précipités au fond d’une grande chambre magmatique.

Fig. 5: Carte géologique du Complexe, montrant les différentes zones (Référence inconnue)

Il est d’usage de découper le Complexe en cinq zones, sur des bases pétrographiques et minéralogiques. Elles
sont présentées de bas en haut :

2.1 La Zone Marginale

Cette zone n’est pas systématiquement présente, mais peut atteindre 800 m d’épaisseur. C’est une zone formée de
norites à grain moyen (plus fin que la majeure partie du complexe), non litées. La zone marginale est composite,
et on peut par endroits reconnaître différentes intrusions successives ; elle est de nature assez similaire aux sills
mineurs que l’on trouve en-dessous, dans le Supergroupe du Transvaal. Elle représente probablement une zone
formée de différents sills périphériques, parfois avec une texture cumulative liée à une cristallisation in-situ ;
ces sills étaient suffisament rapprochés pour finir par ne former qu’une seule, même couche. En partie, la zone

6
Le complexe du Bushveldt

Fig. 6: Stratigraphie générale du Complexe du Bushveld (Eales & Cawthorn, 1996), et composition des principales phases
minérales.

marginale représente peut-être aussi des magmas de l’intrusion principale, figés contre l’encaissant froid lors de
leur mise en place.

7
2) Volcanic ro
Gabbro/diorites:
Le complexe du Bushveldt
Gabbro if:
Encadré 1 : La nomenclature des roches basiques An% > 50
et ultrabasiques

or magmatiques (classification de Streckesein), elles sont donc


La plupart des roches des unités litées du complexe du Bushveld sont soit des roches ultramafiques, soit des roches dont le seul
minéral clair est le plagioclase ; dans la classification des roches
dans le champ en bas à gauche (gabbros et diorites).
Les roches gabbroïques et ultramafiques bénéficient de leur M>35propre nomenclature :
Roches gabbroïques Pyroxene (not amphibole)
Les roches qui se situent dans le champ des gabbros et diorites du diagramme QAP, et qui répondent à un de ces critères (par
ordre de priorité en principe) : SiO2<52%
1. Teneur en An du plagioclase > 50% ;
2. Proportion de minéraux sombres > 35% ;
3. Le minéral sombre dominant est le pyroxène (et pas l’amphibole) ;
4. SiO2 < 52%. Sub-classification
sont des gabbros (dans le cas contraire, ce sont desfor gabbros
diorites).

IUGS modal classification


Le nom à attribuer à un gabbro peut être précisé en utilisant un diagramme modal pyroxène–plagioclase–olivine :

2) Volcanic ro
Gabbro/diorites:
Gabbro if:
An% > 50
or
M>35
Pyroxene (not amphibole)
SiO2<52%
Les “gabbros”, au sens du diagramme ci-dessus, peuvent à nouveau être subdivisés en fonction de la anture du pyroxène
présent. Si c’est de l’orthopyroxène uniquement, on parle de norite ; du clinopyroxène uniquement, de gabbro (s.s.) ; les deux,
de gabbro-norite.
Roches ultra-basiques Sub-classification
Les roches qui contiennent moins de 10 % de minéraux clairs sont des roches ultramafiques. Si elles contiennent plus de 40 %
for gabbros
d’olivine, ce sont des péridotites ; dans le cas contraire, ce sont des pyroxénites. Les deux sont nommées en utilisant un triangle
olivine–orthopyroxène–clinopyroxène :

Pyr

8
Le complexe du Bushveldt

2.2 La Zone Inférieure (Lower Zone, LZ)

Cette zone se compose de cumulats ultramafiques ; le plagioclase y est absent ou très rare. Sa limite supérieure
correspond à la disparition de l’olivine, et l’apparition du plagioclase. Elle se compose d’un niveau inférieur
d’orthopyroxénite ; un niveau intermédiaire de dunite et de harzburgite (plus ou moins continu, avec des inter-
calations de pyroxénites) ; et un niveau supérieur d’orthopyroxénite.
L’épaisseur de la LZ est assez variable. Elle est totalement absente par endroits ; ailleurs, elle peut atteindre jus-
qu’à 1300 m. Ces variations d’épaisseur reflètent probablement une topographie ondulée de la base de l’intrusion ;
la zone inférieure ne s’est déposée4 que dans les “vallées” de cette surface.

2.3 La Zone Critique (Critical Zone, CZ)

La Zone Critique (1500 m) est continue, présente dans la plus grande partie du complexe et spectaculairement
litée. Sa partie inférieure (CL Z, env. 500 m) est assez similaire à la Zone Inférieure, et se compose essentiellement
de cumulats d’orthopyroxénite. Sa partie supérieure (CU Z, env. 1000 m) est formés de “cycles” (8 sont identi-
fiés), plus ou moins complets, formés de cumulats répétant la même séquence depuis des roches ultramafiques
(chromitites, harzburgite, pyroxénite), passant à des norites, puis des anorthosites.
La définition de la limite supérieure de la CZ a quelque peu changé dans la littérature des 20 dernières années ; on
admet maintenant qu’elle se situe à la base du “Merensky Reef” (qui est donc rattaché à la Zone Principale).

2.4 La Zone Principale (Main Zone, MZ)

La zone principale est la plus épaisse (3000 m ) du Complexe. On l’observe presque partout. Elle se compose
principalement de gabbronorites5 , avec des éléments de pyroxénite et d’anorthosite. La Zone Principale est mal
litée. L’entrée dans la Zone Principale correspond à un “saut” important dans les compositions isotopiques du
Sr, traduisant l’arrivée d’un nouveau magma dans le sill. On distingue une Zone Principale Inférieure (2200 m),
et une Zone Principale Supérieure (800 m), séparées par un “niveau-repère” de pyroxénite.
A la base de la Zone Principale se trouve le “Merensky Reef”. Le terme est à l’origine un terme minier, qui désigne
la partie économiquement intéressante (minéralisée en platinoïdes) d’un ensemble de roches formant la base de
la MZ. C’est un niveau de 0.1 à 4 m d’épaisseur, extraordinairement continu, présent à la fois dans le lobe Est
et le lobe Ouest ; il peut être tracé sur environ 140 km, en continu, dans chacun des deux lobes. Un réflecteur
sismique qui semble lui correspondre peut s’observer par encroits jusqu’à 50 km “en aval” de l’affleurement.
Le Reef lui-même est formé de cumulats porphyroïdes d’orthopyroxénite, avec du plagioclase intercumulus ; et
de petits niveaux de chromitite, qui sont les zones les plus riches. Il est “discordant” sur le litage de la Zone
Critique.
Dans le lobe Nord, les zones inférieures et critiques sont manquantes. La base du Complexe, directement en
contact avec le Supergroupe du Transvaal, est connu sous le nom de “Platreef”. Le Platreef est hétérogène
(pyroxénite dominante, péridotite, norite), sans doute formé de plusieurs venues magmatiques ; il pourrait être
une sorte de “série condensée”, équivalente des zones inférieures et critiques dans le reste du complexe. Le
Platreef , lui aussi, est une source de platinoïdes.

4 Le terme peut surprendre, parlant de roches magmatiques ; mais il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit surtout de cumulats,

formés par précipitation de minéraux à la base d’une chambre magmatique ! Ils se sont donc bien “déposés”.
5 parfois exploité comme pierres ornementales : c’est alors un gabbro de couleur noire, où même les plagioclases sont d’allure

noire brillante

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Le complexe du Bushveldt

2.5 La Zone Supérieure (Upper Zone, UZ)

La Zone Supérieure (2000 m) est présente dans tout le complexe, et est formée des roches les plus différenciées :
gabbronorites, leucogabbros, anorthosites puis diorites près du sommet. Environ 25 couches de magnétitites (la
plus épaisse atteignant 6 m d’épaisseur) sont présentes dans les gabbronorites de la Zone Supérieure. La base de
la Zone Supérieure est définie par la première apparition de magnétite cumulative (elle est presque confondue
avec le premier niveau de magnétitite, la “Main Magnetite Layer”, une couche de 2 m d’épaisseur de magnétitite
riche en vanadium : 1.3 % en poids d’oxyde).
Cette définition, purement descriptive, est un peu insatisfaisante ; les données isotopiques en particulier suggèrent
que le changement important soit au niveau du marqueur pyroxénitique situé vers la fin de la Zone Principale.
En d’autre termes, pétrogénétiquement le haut de la Zone Principale serait à rattacher à la Zone Supérieure.

2.6 Corps discordants

Des pipes de 10–100 m de diamètre recoupent le litage du Complexe. Ils sont formés de roches très diverses
(allant de dunites à des anorthosites), mais les deux types les plus communs sont (1) des dunites et wehrlites
souvent pegmatoïdes, riches en fer (Iron-Rich Ultramafic Pipes, IRUP), dans la Zone Critique et la base de la
Zone Principale ; (2) des pipes riches en oxydes (sommet de la Zone Principale et Zone Supérieure). Ces pipes
représentent des circulations tardives de liquides et/ou de fluides, qui souvent réagissent avec leur enciassant ;
ils sont parfois minéralisés.

10
Le complexe du Bushveldt

Fig. 7: Photo aérienne de la Zone Inférieure dans le Nord du lobe Fig. 8: Log dans la Zone Inférieure à différents endroits du
Est (Olifants Through), en regardant vers l’Ouest ; les collines lobe Est, montrant les différences d’épaisseur de cette unité
allongées correspondent à des niveaux de pyroxénite, séparées (Cawthorn, n.d.)
par des dunites (dépressions). Les reliefs au fond et à droite de
la photo sont les dolimites de l’encaissant.

11
Le complexe du Bushveldt

Fig. 9: Carte géologique sur la ferme Mandaagshoek, dans la zone critique et jusqu’au Merensky Reef (jour 11, arrêt ??, page
??). Le haut stratigraphique est à l’Ouest (gauche), les gabbro-norites au-dessus du Merensky Reef appartiennent à la Zone
Principale (Cawthorn, n.d.).

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Le complexe du Bushveldt

3 Evolution magmatique de la partie basique du Complexe


La séquence décrite ci-dessus est le produit des interactions entre deux processus principaux : la cristallisation
fractionnée des liquides magmatiques, et l’apport de magmas “frais” dans le système, qui se mélangent aux
magmas plus ou moins différenciés déjà en place.

3.1 Cristallisation fractionnée

Les grands complexes basiques lités, comme le Bushveld, sont un des rares exemples pour lesquels des diagrammes
de phase suffisament simples pour être relativement faciles à comprendre et à représenter ont une réelle valeur
explicative.

a. Une première approximation : un système à 3 composants

Les compositions des roches du Bushveld peuvent à peu près se décrire par 3 composants principaux :
– Le plagioclase (Anorthite), CaAl2 Si2 O8 ;
– L’olivine (Forstérite), Mg2 SiO4 ;
– La silice (sous forme d’un quelconque de ses polymorphes), SiO2 .
Selon les cas, de 80 à 90 % en poids de la roche est formé par ces constituants ; approximer les magmas du
Bushveld à un système à 3 composants (An–Fo–SiO2 ) est donc assez raisonnable. Cependant, les limitations de
cette simplification sont très vite évidentes :
– Le calcium et l’aluminium apparaissent comme liés ensemble (dans le plagioclase). Le modèle ne prend pas
en compte le cas d’un excès d’aluminium (qui n’a en réalité jamais lieu), ni de calcium (on forme dans ce cas
du clinopyroxène, qui s’observe en particulier dans les norites de la Zone Principale).
– Le fer n’est pas pris en compte (en fait, il est plus ou moins implicitement supposé qu’il peut se substituer
librement pour du Mg dans l’olivine ou le pyroxène). L’existence de niveaux à magnétite montre que cette
approximation devient invalide, en particulier dans la Zone Supérieure.
– Le chrome n’apparait pas non plus, si bien que ce système simple n’est pas à même d’expliquer la formation
de niveaux à chromite.
Pour bien faire, il faudrait donc ajouter deux à trois composants (fer, chrome, et calcium non-lié au plagioclase ;
ou des dérivés les prenant en compte). Mais il est malheureusement impossible de représenter un système à 5
ou 6 composants de façon simple. . .

b. Evolution des magmas dans le système An–Fo–SiO2

Ce système n’est pas le plus simple des systèmes ternaires, car il n’est pas formé de trois binaires “simples”
avec eutectique ; le binaire Fo–SiO2 présente un composé intermédiaire, l’enstatite (orthopyroxène, MgSiO3 ). Ce
composé intermédiaire définit un “joint péritectique” ; le long de cette ligne, les réactions qui se déroulent (lors
de la cristallisation) impliquent la résorption de phases solides déjà présentes. Mais dans le cas de cristallisation
fractionnée, ou les minéraux sont extraits du système au fur et à mesure de leur formation, le problème est un
peu simplifié.
Le (ou les) liquides primitifs du Bushveld ont des compositions basaltiques, relativement proches du pôle Fo
(par exemple composition a dans le diagramme de la figure 10). Quand ils se refroidissent, ils atteignent donc le
liquidus dans le champ de l’olivine, c’est à dire que la réaction qui se déroule est Liq → F o + Liqn ouveau. Cette
réaction forme des cristaux de forstérite ; la composition du liquide résiduel s’appauvrit donc en forstérite, c’est
à dire, graphiquement, s’éloigne du coin “Fo” dans le triangle. On forme alors un cumulat à olivine, qui est une
dunite.

13
Le complexe du Bushveldt

Fig. 10: Diagramme de phase dans le système An–Fo–SiO2 . Les flèches grises et les points a à d correspondent à l’évolution
décrite dans le texte.

Quand la composition du liquide atteint le point b, le liquide est en équilibre à la fois avec de la forstérite, et
de l’enstatite. “Normalement”, il devrait se dérouler une réaction péritectique impliquant les trois composants
(Liq + F o → En), et la composition du liquide évoluerait le long du joint péritectique jusqu’à ce que l’olivine
soit épuisée. Mais en l’occurence, dans le cas de cristallisation fractionnée les cristaux sont retirés au fur et à
mesure de leur formation : l’olivine n’est donc plus présente pour réagir. La seule chose qui se passe alors est
que l’enstatite commence à précipiter : Liq → En + Liqn ouveau. On forme des cumulats d’orthopyroxénite.
Quand la composition du liquide résiduel atteint le point c, un nouveau changement a lieu ; le liquide est
maintenant en équilibre avec l’enstatite et l’anorthite. Ici, il s’agit d’un joint cotectique normal, on forme donc
ces deux minéraux par une réaction : Liq → En + An + Liqn ouveau. Les cumulats sont formés d’enstatite et de
plagioclase, et sont donc des gabbros (au sens large).
En théorie, cette dernière réaction devrait se dérouler jusqu’à l’arrivée à l’eutectique d, et à ce moment le
reste du liquide, en équilibre avec l’enstatite, l’anorthite et la silice, devrait cristalliser suivant la réaction
Liq → En + An + SiO2 . En réalité, quand on arrive dans cette partie du diagramme, la simplification à trois
composants commence à ne plus être valide ; les composants “mineurs” (fer, chrome, calcium. . .) ne le sont plus,
et l’approximation ne tient plus. Selon les cas, on va former de la magnétite, de la chromite, ou du plagioclase
(seul), donnant des cumulats de magnétitite, de chromitite ou d’anorthosite.
En dépit se sa simplicité, cette approximation à trois composants prédit relativement bien l’évolution observée :
– A l’échelle de l’ensemble du complexe, on observe bien une base formée de dunites, puis d’orthopyroxénites,
passant à des gabbros (puis des anorthosites) ;

14
Le complexe du Bushveldt

Fig. 11: Système quaternaire Fo-En-Di-SiO2 (Wilson, 1996). Quand on ajoute un quatrième composant (le clinopyroxène) au
système, il faut une représentation en 3 dimensions (au centre, avec 3 projections différentes autour). les trajets sont plus
difficiles à suivre ; le diagramme de la figure 10 est à la base du tétraèdre ; les liquides évoluent vers le “haut” (vers le pôle
Cpx) au fur et à mesure de leur différenciation, et finissent donc par atteindre une région ou le Cpx ne peut plus être ignoré.

– A l’échelle de chacun des cycles de la Zone Critique par exemple, c’est aussi une succession similaire qui
s’observe.
Empiriquement, on constate que la séquence typique d’évolution est la suivante :
– Péridotite (harzburgite, parfois dunite) ;
– Orthopyroxénite ;
– Norite ou anorthosite ;
– Gabbro-norite ;
– Gabbro (surtout ;
– Diorite (seulement dans la zone supérieure).

15
Le complexe du Bushveldt

3.2 Réalimentations magmatiques

L’autre processus important qui contribue à l’évolution du Complexe est la réalimentation périodique de la
chambre magmatique. L’apport de magmas frais (soit identiques au magma primitif déjà présent, soit différent)
permet de modifier la composition du liquide (en mélangeant le magma frais avec le liquide résiduel déjà présent),
ou simplement de “remettre à zéro” l’histoire de différenciation, et donc de se déplacer dans le champ des
compositions chimiques et de cristalliser un nouvel ensemble de minéraux.
Dans le Complexe du Bushveld, la réalimentation de l’intrusion en magmas frais est particulièrement bien mise
en évidence par les données chimiques (figures 12 et 13).

a. Apports périodiques de magmas de composition constante

Le rapport Mg# (c’est le rapport Mg/(Mg + Fe), ou Mg et Fe sont exprimés en proportions atomiques et non pas
massiques) diminue habituellement avec la différenciation : les liquides différenciés sont plus riches ferreux que
les liquides primitifs6 ; les cumulats sont toujours plus magnésiens que les liquides, mais suivent une évolution
parallèle. Dans la Zone Critique en particulier, on observe une évolution cyclique de ce rapport (figure ??),
avec un Mg# qui diminue régulièrement dans les unités de pyroxénite, avant d’augmenter brutalement dans les
niveaux à olivine. Chaque niveau (de cumulat) à olivine témoigne donc d’un nouvel afflux de magma primitif,
plus magnésien et plus riche en composant olivine ; il précipite des cumulats à olivine, puis à pyroxène (selon le
processus discuté plus haut), à Mg# de plus en plus faible ; puis du nouveau magma est injecté, et le processus
recommence.

b. Changement de la composition des magmas

L’argument le plus convainquant en faveur d’une telle évolution est fourni par la géochimie isotopique. Sur une
section verticale, on observe en effet des variations significatives du rapport (87 Sr/86 Sr)i nitial (noté aussi Sri ).
Or, ce rapport n’est pas modifié par les processus de cristallisation fractionnée : toutes les roches dérivant du
même magma initial devraient avoir le même rapport Sri , et inversement, des rapports Sri différents témoignent
de magmas d’origines différentes.
Dans le Bushveld (figure 13), on observe une évolution complexe de ce rapport de bas en haut. Dans les Zones
Inférieure et Critique, le rapport Sri est assez variable, mais globalement faible (0.705). Dans les Zones Principale
et Supérieure, il est plus élevé (0.709) et très constant. Il y a donc au moins deux types de magmas différents
(LZ et CZ d’une part, MZ et UZ d’autre part) ; et il est possible que les Zones Inférieure et Critique soient
elles-mêmes composites, formées de l’aggrégation de différents paquets de magma.
Il est possible de calculer (en faisant différentes hypothèses) la composition des liquides primitifs ayant formé
les différents cumulats. Les compositions ainsi prédites sont globalement basaltiques (50–55 % SiO2 ), mais de
plus en plus différenciées (ferreuses et riches en Ca) vers le sommet de l’intrusion. Ceci suggère que l’évolution
“‘de premier ordre” entre une base plutôt ultrabasique, et un sommet plus acide, correspond à un changement
progressif des apports en magmas plutôt qu’à une évolution in-situ. Ceci pourrait refléter, soit la fusion de sources
progressivement de plus en plus enrichies (ce qui est aussi cohérent avec l’évolution des signatures isotopiques
du Sr), soit l’existence d’un autre réservoir magmatique profond, dans lequel les magmas parentaux se seraient
déjà différenciés.
La nature des magmas calculés ne correspond pas à des basaltes typiques (ils sont plutôt trop magnésiens,
et souvent trop acides) ; elle évoquerait plutôt, soit des magmas d’affinité komatiitiques, soit boninitique (les
boninites sont des magmas siliceux et magnésiens, pauvres en TiO2 , qui sont probablement associés à des zones
de subduction ; or, une subduction était bien active sur la marge du craton, quoiqu’un peu loin (cf. page 5), à
cette période.

6 Ce qui ne veut pas dire qu’ils soient, dans l’absolu, plus riches en fer ; mais plutôt que la teneur en Mg diminue plus vite que

la teneur en Fe

16
Le complexe du Bushveldt

Lower Zone Critical Zone Main Zone Upper Zone


SiO2 55.70 48.50 50.70 49.32
TiO2 0.36 0.75 0.41 0.81
FeO(T) 8.80 12.41 9.14 12.77
MnO 0.09 0.19 0.17 0.19
MgO 12.44 7.57 9.21 6.08
CaO 6.96 11.15 11.14 10.83
Na2 O 2.02 2.17 2.52 2.94
K2 O 1.03 0.14 0.23 0.25
P2 O5 0.10 0.18 0.08 0.07
mg# 71.5 52.1 64.2 45.9
Cr 970 226 205 111
Ni 292 93 162 77
Sr 195 359 324 350

Tab. 1: Composition des différents liquides primitifs du Bushveld (Eales & Cawthorn, 1996, compilation d’après différentes
sources)

c. Un exemple de discordance majeure dans le Complexe : le Merensky Reef

On observe des discordances internes dans la chambre magmatique du Bushveld ; il n’est pas rare que des
niveaux supérieurs tronquent le litage de parties inférieures. Ces figures suggèrent elles aussi des réalimentations
magmatiques ; la nouvelle venue de magmas érode les cumulats solides, par des effets mécaniques — courants
intra-chambre—, thermo-chimiques —les cristaux formés sont remis en solution par les magmas chauds—. Un
bon exemple de ces relations s’observe au niveau du Merensky Reef, à la base de la zone principale, qui correspond
à une discordance majeure.
Le liquide formant la Zone Principale est plus primitif que le liquide résiduel présent à ce moment dans la
chambre magmatique ; il est donc plus dense, et ne peut pas ou difficilement monter au travers du liquide
résiduel. Initialement, ce liquide est donc piégé entre des cumulats, à la base ; et un liquide différencié, au
sommet.
Le liquide primitif s’insinue à sa base dans les cumulats ; ils les érode et réagit avec eux. A son sommet, il réagit
avec les liquides différenciés déjà présents (probablement des gabbros), pour former des orthopyroxènes (et des
chromites, voir plus bas). L’ensemble forme donc une couche d’orthopyroxènes et de chromites, qui précipite et
drape le niveau de cumulats précédents.
L’influx de magmas de la Zone Principale se poursuit ; les nouveaux magmas finissent par se mélanger et diluer
les magmas résiduels, et la séquence de précipitation reprend, d’abord des orthopyroxènes, puis divers gabbros.

17
Le complexe du Bushveldt

Fig. 12: Evolutions des rapports Mg# dans les Zones Inférieure et Critique (Eales & Cawthorn, 1996). Commentaire dans le
texte

18
Le complexe du Bushveldt

Fig. 13: Evolution de Sri dans le Bushveld (Eales & Cawthorn, 1996). Commentaires dans le texte.

19
Le complexe du Bushveldt

Fig. 14: Le Merensky Reef tronque les couches sous-jacentes – Wing and Cowell 1999 (Northam mine, Merensky Reef)

20
Le complexe du Bushveldt

Figure 26 Schematic diagram showing the formation of the Merensky Reef by an influx of hot de
Fig. 15: Précipitation de pyroxénite par mélange which
de magmas Fig.
reacted: with the 16:
floorFormation du Merensky
rocks (Kruger, 1992) Reef par apport de nouveaux
aggrandissement du diagramme de la figure 10. Un magma de magmas (Kinnaird, 2006).
composition a (type Zone Critique) évolue comme dans la fi-
gure 10 le lond du trajet gris clair jusqu’en b. Il se mélange
alors avec un nouveau magma, c, de composition “Zone Prin-
cipale” ; le mélange a la composition d, qui se trouve dans le
champ de l’orthopyroxène (et potentiellement à des tempéra-
tures assez froides pour être sous le liquidus du mélange). De
l’orthopyroxène précipite donc immédiatement.

Figure 27 Orthopyroxene En and plagioclase An values for Bushveld Igneous Complex


21
cumulates from the upper Critical Zone and lower Main Zone. Electron probe data from Kruger
(1983) and Mitchell (1986).
Le complexe du Bushveldt

3.3 Formation des chromites

Les niveaux de chromitite, qu’on trouve principalement dans la Zone Critique, semblent correspondre assez
systématiquement à des rapports Sri substantiellement plus élevés que ceux observés dans les roches voisines
(Kinnaird et al., 2002), impliquant donc des réalimentations en magmas. Ces niveaux sont donc liés à des
phénomènes de mélanges de magmas.
La solubilité de la chromite dans un magma dépend de sa nature : ce minéral est relativement soluble dans
des liquides basiques, et moins solubles dans des liquides acides. Lors d’une réalimentation de la chambre
magmatique, de nouveaux magmas riches en Cr sont injectés dans le magma résiduel, relativement acide. Les
deux magmas se mélangent ; on obtient donc un magma intermédiaire, mais sur-saturé en Cr ; de la chromite
précipite (Irvine, 1977).

Fig. 17: Précipitation de chromite lors de mélanges de


magmas (Naslund & McBirney, 1996). Dans un diagramme
SiO2 –Olivine–Chromite (notez les différences d’échelle sur les
deux axes !), le champ de la chromite s’élargit vers le pôle
SiO2 , traduisant sa plus faible solubilité dans les magmas
acides. Un magma A à gauche évolue sur le cotectique Ol-
Cr, formant des péridotites à chromite. Si on le mélange à un
magma felsique F , la composition M du mélange se trouve
dans le domaine où la chromite est la phase au liquidus ;
on précipite donc de la chromite, jusqu’à ce qu’on rejoigne
le cotectique olivine–chromite et qu’on recommence à for-
mer des péridotites chomifères. On continue ensuite jusqu’au
champ de l’orthopyroxène. On devrait alors suivre le cotec-
tique orthopyroxène–chromite et former ces deux minéraux ;
en réalité, on peut incorporer un peu de Cr dans le pyroxène,
si bien qu’on se retrouve plutôt au point C.
A droite, la même chose se passe si on mélange le magma
primitif A avec du magma différencié C, ou même B : le
mélange M 1 ou M 2 se situe dans le champ de la chromite.

Un modèle plus récent (Kinnaird et al., 2002) propose une variante de cette idée. Il repose sur la necessité d’un
composant très felsique, et aux rapports Sri très élevés (signature crustale) pour former les chromitites ; et sur la
contemporanéité de certains des magmas acides associés aux rhyolites de Rooiberg (les granophyres de Rashoop)

22
Horizontal Roof contact

Differentiation stage
Fractional crystallization of
initially homogenous
Exceptionally large single influx of a
Fe-rich gabbroic magma. Rich in S.

magmas
Pyroxenite Marker
Unconformity
Le complexe du Bushveldt
Very large influx of a significantly
different magma with an evolved norite -
gabbronorite composition. Magma was
cool & dense. Low in Cr and S.

Integration Stage
et du Complexe du Bushveld. Enfin, on observe que les couches de chromitite sont sont souvent “discordantes”

Multiple magma influxes


Merensky
sur les niveaux inférieurs ; ils les tronquent (érodent ?) Reef
et les recouvrent obliquement.
Merensky Reef
Unconformity
Repeated influxes of a harzburgitic to
noritic magma. Assymilation of roof-
rocks causes chromitite precipitation.
High in Cr & low in S

Basal Intrusive Contact


Sills and minor harzburgitic to noritic
Initial Sr-isotope ratio
intrusions. Dullstroom/Rooiberg age?

Figure 24 (a) Plot of initial 87Sr/86Sr ratio vs. height in the stratigraphy from the western limb o
Bushveld Complex (from Kruger, 1994). (b) Plot of En and An of the layered rocks from De Wit & K
(1990). The same general trends are present in the eastern and western lobes of the Bushveld Complex.

(a) (b) of chromitite formation resulting from a fountain of magma into the
Figure 25 Schematic diagram
chamber that partially melts roof rocks causing contamination and mixing (Kinnaird et al 2002)
Fig. 18: Rapports Sri dans les chromites de la Zone Critique Fig. 19: “Fontaine magmatique” et formation des chromitites
(Kinnaird, 2006) : ils sont toujours plus élevés que dans les (Kinnaird et al., 2002).
autres roches, pour lesquelles ces rapports évoluent lentement
le long de la colonne stratigraphique.

Dans ce modèle, un “couvercle” de magmas acides, crustaux (granophyres de Rashoop) aurait stagné au dessus
des magmas basiques du Complexe pendant sa formation, maintenu à l’état liquide en raison de sa nature plus
acide (liquidus et solidus plus bas), et ne se mélangeant que peu avec les magmas basiques en raison de sa faible
densité et de sa viscosité différente. Lors de l’injection de nouveaux magmas primitifs dans la chambre magma-
tique, des “fontaines” de magmas intra-chambre auraient fonctionnées, un peu comme les fontaines magmatiques
que l’on observe dans des volcans actifs ; les magmas primitifs auraient pu de cette façon monter à travers le
niveau de liquides basiques différenciés et atteindre le couvercle acide.
Là, le mélange de magmas acides, et de magmas basiques riches en Cr auraient amené à la saturation locale en
Cr, et à la précipitation de chromite dans le haut de la fontaine ; les cristaux denses, et le magma intersticiel,
seraient alors redescendus dans la chambre sous forme de courant denses (“turbidites”), érodant les couches de
cumulats précédentes et déposant un niveau de chromitite plus ou moins continu.

(c)

Figure 30. Initial strontium isotope ratios demonstrating higher Sri ratios for plagioclases within most
chromitites compared with the host silicates. (a) profile in lower-upper Critical Zone silicates and
chromitites from LG5 to MG4. Isotopic trend line illustrates slight upward decrease in initial strontium ratio
of silicate rocks from lower Critical Zone to upper Critical Zone. (b) Profile in upper Critical Zone silicates
from 10m below UG1 to 14m above UG3. Expanded inset illustrates upward decrease in initial ratios from
bottom to top of UG2. (c) Profile through the UG1 chromitite package, footwall anorthosite and hanging wall
pyroxenite. (Kinnaird et al., 2002).
23
dipping, wedge-shaped, cone-intrusions inferred from geophysical and other considerations (see Kruger, op.
cit. for a more detailed discussion and other references). Kruger’s model also implies that the first magmas
intruded immediately south of the Thabazimbi-Murchison Lineament (TML) and that a half-graben developed
that progressively deepened as more magma was added. This occurred as three to five major intrusive
episodes of different magma types and probably exploiting different feeders. These magmas now dominate
the Lower and Critical Zones, the Main Zone and the Upper Zone. This is clearly shown in the Sr-isotope
Le complexe du Bushveldt
(Figure 22) and mineral chemistry, and is confirmed by the major differentiation indexes of the dominant
minerals. The final intrusion of the Bushveld granites largely exploited the contact between the dense
3.4 Le Bushveld Complex de
remplissage rocksl’intrusion
and the overlying
dufelsite and granophyre.
Bushveld

Figure 21 Schematic N-S section through the Bushveld Complex illustrating the “half-graben” geometry and
Fig. 20: Coupe schématique montrant les relations entre les différentes zones du Complexe (Krüger, 2004). La géométrie
the importance of the Thabazimbi-Murchison Lineament as a structural feature. Note the increasing lateral
d’ensemble est un demi-graben limité par le linéament de Thabazimbi–Murchison (TML). Noter les discordances internes.
extent of the different zones from the bottom up (Kruger, 2004).

Le complexe du Bushveld s’est construit par l’injection et l’évolution de plusieurs venues magmatiques suc-
cessives, qui gonflent progressivement l’intrusion. Les données présentées ci-dessus permettent de proposer le
modèle suivant (Krüger, 2004) :

a. Magmatisme acide

Les premiers magmas mis en place sont les rhyolites de Rooiberg, et les granophyres (de Rashoop) associés. La
mise en place de ces laves aboutit au développement d’une couche de magma acide, coincée sous une carapace
de rhyolites.

b. Premiers magmas basiques : Zones inférieure et Critique

Les premiers magmas basiques injectés dans le système sont des magmas assez primitifs (capables de précipiter
de l’olivine et de l’orthopyroxène), aux rapports Sri bas, et sans doute riches en Cr. Ils correspondent à la Zone
Inférieure et à la base de la Zone Critique ; leurs interactions avec les magmas acides présents au sommet de la
chambre permettent la précipitation de niveaux de chromitite. Le magma suivant est légèrement plus différencié
(noritique, il précipite orthopyroxène et plagioclase), mais encore assez riche en Cr ; il forme la partie supérieure
de la Zone Critique, qui présente encore de nombreux niveaux de chromitite.
Cette partie du complexe est relativement moins étendue que le reste ; en particulier, elle n’existe pas dans
le lobe Nord, mais elle est à son maximum immédiatement au Sud du linéament qui sépare le lobe Nord des
deux autres (Thamazimbi–Murchison Lineament), ce qui suggère une géométrie en demi-graben, avec une faille
majeure séparant le lobe Nord des deux lobes Est et Ouest.
Pendant cette période, le complexe se construit par l’ajout de nombreuses venues magmatiques successives,
probablement avec plusieurs centres d’alimentation. Il est possible que à cette époque, on ait eu affaire à plusieurs
petites intrusions séparées, qui n’ont fusionné que plus tard. Ces magmas successifs interagissent entre eux,
cristallisent, etc., donnant naissance à une stratigraphie complexe, avec de multiples discordances internes. La
tendance globale est quand même à l’évolution vers des magmas plus différenciés vers le sommet (on passe de

24
Le complexe du Bushveldt

péridotites et pyroxénites dans la zone inférieure, à des norites à la base de la zone critique, à des anorthosites
à son sommet), témoignement d’un tarissement progressif des sources de magma.

c. Un afflux magmatique majeur : la Zone Principale

La formation de la Zone Principale se fait de façon sensiblement différente. Cette zone est “transgressive” et
discordante sur les zones précédentes : elle les recouvre et s’étend plus largement (lobe Nord en particulier). Sa
base correspond à une discordance majeure, accompagnée de mélanges de magmas, marquée par le Merensky
Reef.
Le magma de la Zone Principale est plus différencié que les précédents. Il est gabbro-noritique, a des rapports
Sri élevés (0.708) et est plus pauvre en Cr. A l’exception de sa base (Merensky Reef et alentours), marqués par
des réactions complexes, la Zone Principale est assez homogène, formée de gabbronorites faiblement litées.
Il n’y a donc à cette période pas ou peu d’indices de réalimentations multiples et d’évolution complexe, comme
on pouvait l’observer plus bas. Ici, il semble qu’il s’agisse simplement d’un grand volume de magmas, mis en
place en une seule fois, et cristallisant in-situ en ne se différenciant qu’assez peu.

d. Les derniers magmas : sommet de la Zone Principale et Zone Supérieure

Le dernier apport de magmas dans le Complexe est à nouveau transgressif sur les cumulats précédents, et s’étend
à son tour un peu plus loins vers le Sud et le Nord. Sa base correspond au marqueur pyroxénitique, vers le haut
de la Zone Principale.
Le magma qui se forme à ce moment est plus évolué que les précédents (ferro-gabbros) ; il est pauvre en Cr,
plus riches en incompatibles, mais son rapport Sri est un peu plus faible (0.707) que dans la Zone précédente.
La réapparition de pyroxénites à la base de cette venue magmatique s’explique probablement de nouveau par
des réactions entre magmas, comme présenté plus haut pour le Merensky Reef.
La Zone Supérieure est litée, avec un litage marqué en particulier par de gros niveaux de magnétitite. Il semble
possible d’expliquer ce litage par des phénomènes purement internes, liés à la différenciation (Krüger & Smart,
1987) et la diffusion dans le magma (cf. plus loin, section 4). Globalement, elle évolue vers le haut vers des
magmas plus différenciés (diorites).

25
Le complexe du Bushveldt

type was intruded during this time and may have varied over time from more ultramafic magmas in the initial
stages to more noritic magmas in the upper Critical Zone. Interaction of the influxes of new melt with a roof
melt, now represented by the granophyric rocks, resulted in variations in isotopic ratio and the production of
major chromitite layers. This process is schematically illustrated in Figure 25.

Floating Felsite and Granophyre

Horizontal Roof contact

Differentiation stage
Fractional crystallization of
initially homogenous
Exceptionally large single influx of a
Fe-rich gabbroic magma. Rich in S.

magmas
Pyroxenite Marker
Unconformity
Very large influx of a significantly
different magma with an evolved norite -
gabbronorite composition. Magma was
cool & dense. Low in Cr and S. Integration Stage
Multiple magma influxes

Merensky Reef Merensky Reef


Unconformity
Repeated influxes of a harzburgitic to
noritic magma. Assymilation of roof-
rocks causes chromitite precipitation.
High in Cr & low in S

Basal Intrusive Contact


Sills and minor harzburgitic to noritic
Initial Sr-isotope ratio
intrusions. Dullstroom/Rooiberg age?

Figure 24 (a) Plot of initial 87Sr/86Sr ratio vs. height in the stratigraphy from the western limb of the
Bushveld Complex (from Kruger, 1994). (b) Plot of En and An of the layered rocks from De Wit & Kruger
Fig. 21: Schéma résumant l’histoire de remplissage de la chambre magmatique du Bushveld (Krüger, 2004). A droite, dia-
(1990). The same general trends are present in the eastern and western lobes of the Bushveld Complex.
grammes résumant les teneurs en composant Enstatite (magnésien) dans les pyroxènes, et en composant Anorthite (calcique)
dans les plagioclases : l’un comme l’autre sont des indicateurs de différenciation, et mettent bien en évidence le contraste entre
la partie basse du complexe (multiples arrivées de magmas peu différenciés) et la partie haute (différenciation in-situ de grands
apports magmatiques).

Figure 25 Schematic diagram of chromitite formation resulting from a fountain of magma into the
chamber that partially melts roof rocks causing contamination and mixing (Kinnaird et al 2002)

26
Le complexe du Bushveldt

Encadré 2 : La réapparition de l’olivine dans la Zone Supérieure : la beauté des diagrammes de phase. . .
Le lecteur astucieux aura remarqué que, vers le haut de la Zone Supérieure, l’olivine refait son apparition (figure 6). Il s’agit
d’olivine riche en fer, très différente de l’olivine magnésienne présente dans la Zone Inférieure.
Les amateurs de diagrammes de phase (si la matière vous donne des boutons, passez votre chemin !) apprécieront l’élégance
de l’explication :

Si on considère un diagramme de phase qui sépare le fer et le magnésium, par exemple le diagramme SiO2 –Forstérite–Fayalite
(les deux composants de l’olivine), représenté au-dessus, on constate que le champ de l’orthopyroxène se pince du coté riche
en fer. Un liquide a évoluera donc en cristallisant de l’olivine (dont la composition change, ce qui explique le trajet courbe —
mais qui reste proche du pôle forstérite), jusqu’à atteindre le joint Ol–Opx au point b. Là, le magma cristallisera à la place de
l’orthopyroxène (pour les raisons expliquées plus haut, l’olivine étant retirée du magma). Le liquide s’éloigne donc de l’enstatite,
jusqu’à atteindre le point c, sur le joint pyroxène+silice, et forme alors ces deux minéraux ; avant d’atteindre le point d et
d’évoluer sur le joint olivine–silice ! On forme donc à ce moment de l’olivine (ferreuse), qui co-existe avec du quartz : exception
à la “règle” selon laquelle ces deux minéraux ne peuvent coexister.
Il est donc relativement facile d’expliquer la réapparition de l’olivine (fayalite) à la fin de la cristallisation, après les stades
pyroxénite et gabbros.

27
Le complexe du Bushveldt

4 Les litages magmatiques à l’échelle de l’affleurement


Si les variations minéralogiques à grande échelle peuvent sans doute s’expliquer par l’ensemble de processus
décrits précédemment, les roches du Complexe présentent des litages beaucoup plus fins, d’échelle centimétrique
ou métrique.

4.1 Différents types de litages

Le terme de litage magmatique est très général ; il recouvre en fait une grande variété de situations. Les litages
peuvent être plus ou moins continus ou discontinus, et se définir par différents éléments.

Fig. 22: Deux types de litage magmatique. A gauche : litage uniforme (anorthosite et chhromitite) à Dwars River, E.Bushveld
(jour 11, arrêt ??, page ??). A droite : litage gradationnel. Les deux photos reprises par Winter (2002).

Les lits magmatiques peuvent être uniformes, ou au contraire progressifs. A l’intérieur de lits uniformes, on
trouve partout (verticalement et horizontalement) les mêmes minéraux, avec la même taille (ou répartition de
tailles). Le passage d’une couche à la suivante est abrupt. A l’inverse, des litages “gradationnels” montrent des
changements progressifs (de minéralogie, de taille de grain. . .) à l’intérieur d’une couche, au point qu’on peut
parfois passer insensiblement d’une couche à la suivante. On peut aussi observer au sein de chaque couche une
évolution, répétée couche après couche.
Un litage peut être défini par
– Des variations modales (minéralogiques) : ce sont les proportions des différents minéraux qui changent (litage
modal)
– Des variations texturales (taille des grains).
– Des variations de composition des minéraux, qui ne sont pas forcément visibles à l’œil nu (par exemple, Mg#
dans des minéraux ferro-magnésiens) (litage cryptique).
Enfin, le litage peut être rythmique (à différents échelles), ou intermittent (plus ou moins aléatoire).

4.2 L’origine des litages

La formation des litages magmatiques reste un phénomène assez mal compris. Si des variations de composition à
grande échelle peuvent être facilement expliquées par les processus décrits plus haut (cristallisation fractionnée,
réalimentation et mélange de magmas), il est plus difficile d’expliquer de la même façon des litages réguliers

28
Le complexe du Bushveldt

centimétriques ou métriques (il est délicat d’invoquer des centaines de venues magmatiques successives, toutes
identiques en volume et en composition. . .).

a. Mélanges de magmas

Ce type de processus a été largement évoqué dans la partie précédente pour expliquer au moins une partie des
litages (en particulier, la formation des couches de chromitite) ; il n’est rappelé ici que pour mémoire.

b. Processus mécaniques

Ce sont des processus qui affectent un mélange liquide–cristaux, une fois que la cristallisation a commencé.
Différents mécanismes peuvent, soit séparer les cristaux du liquide (et donc former une couche de cristaux, au-
dessus de laquelle on trouve du liquide différencié qui à son tour cristallise) —c’est implicitement le mécanisme
évoqué pour former les cumulats décrits dans la section précédente ; soit séparer entre eux des cristaux de nature
différente.
Dans le premier cas, les niveaux de cumulats doivent avoir une composition cotectique, c’est à dire avec des
proportions minérales qui peuvent être formées lors d’un des épisodes de cristallisation du magma (dans l’exemple
développé plus haut, ce serait olivine, ou enstatite, ou enstatite + plagioclase dans des proportions définies).
C’est un bon test de la faisabilité de ce mécanisme.

Séparation gravitaire

C’est le mécanisme le plus simple possible. Les cristaux, généralement plus denses que le magma où ils se sont
formés, coulent au fond de la chambre magmatique et s’accumulent. On peut remarquer que dans ce cas, des
minéraux légers (feldpaths) devraient au contraire flotter sur le liquide, et former non pas un cumulat basal,
mais plutôt un “flottat”.

Compaction

Une variante du mécanisme précédent invoque un liquide partiellement cristallisé dans lequel les cristaux seraient
peu à peu tassés, expulsant ainsi le liquide intersticiel vers le haut pour former des niveaux de solides (avec
éventuellement un peu de liquide piégé) surplombés de liquide. On observe parfois en effet des structures de
perte de liquide (“dewatering pipes”) dans des cumulats.

Courants magmatiques

Il a été proposé que la chambre magmatique soit affectée de courants de magmas (en particulier, des courants
denses de mélange liquide + cristaux, ou simplement des courants de convection). Dans ce cas, il est apparement
possible de séparer mécaniquement les cristaux (qui vont être plaqués dans les zones à plus faible vitesse) des
liquides (qui vont rester dans le cœur des courants).

Tri gravitaire

Alors que les processus précédents ne séparent pas les différents cristaux déjà formés (on doit donc obtenir des
couches de proportions cotectiques), il est possible de séparer les différents minéraux en suspension dans un
magma ; c’est un simple effet de leur densités différentes, qui résulte en des vitesses de chute différentes dans le
magma. On peut de cette façon trier les minéraux en fonction de leur densité, les plus denses vers le bas.

29
Le complexe du Bushveldt

Fig. 23: Tri gravitaire dans un liquide avec un mélange de


cristaux en suspension (olivine, orthopyroxène et plagioclase).
Les différences de densité créent une stratification verticale
(elle dépend en fait également de facteurs comme la taille
des grains). Naslund & McBirney (1996).

c. Processus chimiques

Les processus chimiques affectent non plus la séparation de minéraux déjà formés, mais leur croissance elle-
même. Différents mécanismes peuvent conduire à des vitesses de croissance différentes dans différentes parties
d’un magma.

Gradient thermique

L’existence d’un gradient thermique vertical (le plus souvent) dans un volume de magma fait que les parties les
plus froides vont cristalliser plus de cristaux. Dans un système avec un eutectique, les cristaux sont de nature
différente du magma, on forme donc des couches enrichies en un minéral dans certaines parties (froides).

Variations de conditions redox

La variation d’autres paramètres (conditions redox, pression. . .) peut avoir des effets analogues. La figure ??
montre comment, selon les degré d’oxydation, on peut à partir d’un magma de la même composition cristalliser
soit un assemblage eutectique (olivine+orthopyroxène+anorthite), soit de la magnétite. On peut de cette façon
créer des niveaux de magnétitite pure dans un magma, à condition de créer des différences redox ; elles pourraient,
par exemple, se former par l’expulsion d’eau d’un magma en voie de cristallisation (si les minéraux sont tous
anhydres, l’eau se concentre dans le liquide résiduel jusqu’à excéder sa solubilité ; elle est alors expulsée du
système).

30
Le complexe du Bushveldt

Fig. 24: Effets d’un gradient thermique sur la formation de


litages magmatiques (Naslund & McBirney, 1996). La partie
basse du système (schématisée dans le coin des diagrammes)
est à plus basse température que la partie haute, et forme
donc plus de cristaux du composant A.

Fig. 25: Effet des conditions redox sur la stabilité de la ma-


gnétite. En haut, conditions oxydantes ; en bas, conditions
réductrices. Un magma réduit au point eutectique anorthite–
pyroxène–olivine (en bas) se trouve dans le champ de la ma-
gnétite si il passe en conditions oxydantes (en haut). Naslund
& McBirney (1996).

31
Le complexe du Bushveldt

Etablissement d’une stratification chimique par double convection

Le concept de “double convection” thermo-chimique, assez populaire dans les années 80 et 90, montre comment
il est possible de découper un corps de magma initialement homogène en une série de couches de compositions
différentes.

Fig. 26: Etablissement d’un système de double convection thermo-chimique (Winter, 2002).

Un tel processus est facile à mettre en évidence de façon expérimentale, par exemple en faisant convecter un
réservoir d’eau salée. Dans le réservoir au repos, un gradient de densité s’établit, avec de l’eau plus salée, plus
dense à la base. Les couches denses étant en bas, la stratification de densité est stable, et rien ne se passe.
Si on chauffe le système par la base, les couches chaudes du bas s’allègent. Elles ont donc tendance à remonter.
Mais au fur et à mesure qu’elles remontent, elles rencontrent de l’eau de moins en moins salée, de plus en plus
légère, si bien que très vite, il n’y a plus de différence de densité entre les pérticules d’eau qui remontent, et leur
environnement : le mouvement s’arrête là. Il se forme donc une petite couche convective, à la base du réservoir.
La chaleur diffuse assez bien dans l’eau. Elle quitte donc, par conduction, la couche convective, et pénètre
plus haut dans le réservoir : le même processus se reproduit. On arrive à découper le réservoir d’eau salée
en une superposition de petites couches indépendantes, chacune avec son propre système de convection, mais
chimiquement parfaitement isolée de ses voisines.
Chacune de ces couches individuelles peut ensuite créer son propre litage (par un des processus évoqués plus
haut), créant ainsi une série avec un litage rythmique (le même motif se répète), évoluant lentement vers le haut
(les couches évoluent progressivement). Dans le Bushveld, ce mécanisme a été proposé pour expliquer le litage
et les niveaux de magnétitite de la Zone Supérieure (Krüger & Smart, 1987).

32
Le complexe du Bushveldt

5 Les niveaux minéralisés


Le Complexe du Bushveld est la plus importante source du monde de platinoïdes (PGE, Platinum-Group Ele-
ments) ; c’est aussi une source importante de vanadium, nickel, chrome, et même de cuivre et d’or, qui sont des
sous-produits de l’exploitation des platinoïdes.

the Merensky Reef in the western Bushveld (from 20 - 210m); (3) its density; and (4) the
5.1 Platinoïdes
thickness of the unit, which on Lonmin varies from 0.7 to 1.3 m.

Fig. 27: Variations des teneurs en platinoïdes et des proportions des différents éléments dans le Bushveld (Kinnaird et al.,
2002). Figure 5: Geological map of the Bushveld Complex showing the different platinum group
metal concentrations in the various lobes. Data on PGM concentrations combined from
Buchanan (1988); Lee (1996); Barnard Jacobs Mellet (2000) plus personal communications
fromsont
Les platinoïdes mines. Locations
exploités dansoflescores AM38,
niveaux KF17 andde
de chromitite BK,
la discussed in thiset
Zone Inférieure, text are also
surtout shown.
de la Zone Critique
(UG2) et du Merensky Reef. Si le Merensky Reef a été, historiquement, le plus gros producteur de platinoïdes
du monde, Inc’est le niveau
addition UG2UG2
to the qui contient les réserves
and economic PGEles plus importantes,
mineralisation quoique
associated les teneurs
with y soient légè-
thin chromitite
rement plusstringers
faibles. Dans le lobe Nord, où les Zones Inférieure et Critique sont manquantes, les
at the base and top of the Merensky Reef, all other chromitites contain lower, but minéralisations
s’observentsignificant,
dans le Platreef, à la baseofdePGE’s.
la Zone 44,66,71,79,
Principale (donc un équivalent du to
Merensky Reef, sauf
concentrations However, there does seem be a variation in que
les magmas de la Zone Principale ont probablement interagi directement avec l’encaissant plutôt qu’avec des
PGE proportions in the chromitites according to the host rock. Whereas the Ru-Os-Ir group
cumulats pré-existants).
consistently occurs there is a low abundance of the Pt-Pd-Rh in the pyroxenite-hosted LG’s
44,66.
Les teneursand MG1- MG2.
en platinoïdes sont deInquelques
contrast, chromitites
grammes higher(entre
par tonne in the stratigraphic
4 et 10). succession (MG3,
MG4sont
Les platinoïdes and UG1), which occur in7 plagioclase-bearing rocks, are 8 more enriched in Pt-Pd-
44,66,79, présent dans des sulfides (de cuivre, plomb, zinc, etc .) : pyrrhotite, pyrite, pentlandite,
Rh. A relationship has also been noted between PGE content and modal
etc. associés aux chromites, parfois aux pyroxénites. L’association sulfides–platinoïdes chromite
est observée with dans
partout
the Pt-Pd-Rh declining
le monde, mais sa signification 77 relative to Ru-Os-Ir
et ses implications sont when
discutés. chromite constitutes more than 75%
66
volume of the rock. Scoon and Teigler subdivided chromitites into subgroups according
to their host and chemistry. Chromitites in harzburgite-pyroxenite cycles with Cr:Fe ratios
>1.8 have a low total PGE content (<1000 ppb) and (Pt+Rh+Pd)/(Ru+Ir+Os) <1. Chromitite
7 Quoique des analyses plus fines remettent en cause cette hypothèse : il se pourrait qu’une part importante des platinoïdes soit

sous forme deinmicro-inclusions


pyroxenite-norite-anorthosite cycles; with Cr:Fe <1.5 have a higher PGE content (1000-
dans les grains de chromite
5000sont
8 Ces métaux ppb) and
donc Pt+Rh+Pd/Ru+Ir+Os
exploités comme sous-produits>2.de l’exploitation des platinoïdes — en plus, évidemment, du chrome des
chromitites.
All chromitites beneath the Merensky Reef are poor in base metal sulphides in spite of
elevated PGE concentrations. Chromitites below MG2 have only trace sulphur, whereas
MG2-UG1 have 0.01-0.02% S.66 The chromitite
33 layers of the Bushveld Complex host
platinum group elements as platinum group minerals (PGM), which principally include the

6
Le complexe du Bushveldt

Les platinoïdes sont des éléments incompatibles dans la plupart des minéraux ; il n’y a que pour le souffre
(liquides, ou minéraux de souffre) qu’il ait une affinité significative. On peut dès lors envisager deux façons de
concentrer les platinoïdes :
– Par le biais de fluides hydrothermaux, riches en S, qui auraient donc le pouvoir de dissoudre les platinoïdes
présents dans toute la pile de cumulats traversée par ces liquides. Les liquides riches en S sont immiscibles
avec les liquides silicatés ; en arrivant à l’interface entre les cumulats et les magmas, les sulfites pourraient
donc précipiter, avec leur contenu en platinoïde.
– En formant des micro-gouttes de magmas riches en souffre par démixion d’un magma silicaté contenant des
traces de cet élément. Dès l’apparition de ces gouttelettes, on peut s’attendre à ce qu’elles absorbent les
platinoïdes, à forte affinité pour le souffre. Elles seraient ensuite entraînées, comme les chromites, et piégées
dans les niveaux de chromitite.

5.2 Vanadium

Le Vanadium est un élément qui se substitue pour le Fe3+ dans les minéraux ; il se concentre donc tout natu-
rellement dans les magnétites Fe2+ 0.Fe3+
2 O3 , où on peut en trouver plus de 1 %. Il a le comportement d’un
élément compatible, piégé dans les premiers solides (magnétite) retirés du liquide, et devient donc de plus en
plus rare vers le sommet de la pile magmatique. Le Vanadium est donc exploité dans les couches de magnétitite
de la base de la Zone Principale9 .

Références
Cawthorn, R.G. A virtual field trip in the Eastern Bushveld complex.
Eales, H.V., & Cawthorn, R.G. 1996. The Bushveld complex. Pages 181–229 of : Cawthorn, R.G. (ed), Layered
intrusions. Elsevier Science B.V.
Harmer, R.E., & Armstrong, R.A. 2000 (18th-21st November 2000). Duration of Bushveld Complex (sensu lato)
magmatism : constraints from new SHRIMP zircon chronology.
Irvine, T.N. 1977. Origin of chromitite layers in the Muskox intrusion and other stratiform intrusions : a new
interpretation. Geology, 5, 273–277.
Johnson, T., Brown, M., Gibson, R.L., Buick, I.S., & Cartwright, I. 2003. Partial melting of metapelitic rocks
beneath the Bushveld Complex, South Africa. Journal of Petrology, 44, 789–813.
Kinnaird, J. 2006. The Bushveld Large Igneous Province. Tech. rept.
http ://www.largeigneousprovinces.org/Downloads/BushveldLIP.pdf. University of he Witswatersrand.
Kinnaird, J., Krüger, F.J., Nex, P.A.M., & Cawthorn, R.G. 2002 (December 2002). Chromitites of the Bushveld
Complex - Processes of formation and PGE enrichment. Tech. rept. University of the Witswatersrand.
Krüger, F.J. 1989. The geochronoloy and Sr-isotopes geochemistry of the Molopo Farms Complex, Bushveld
magmatic province : a preliminary report. Tech. rept. Geological Survey of Botswana.
Krüger, F.J. 2004 (34). Filling the Bushveld complex magma chamber : lateral expansion, roof and floor inter-
action, magmatic unconformities, and the formation of giant chromites, PGE and Ti-V magnetitite deposits.
Tech. rept. University of the Witswatersrand.
Krüger, F.J., & Smart, R. 1987. Diffusion of trace elements during bottom crystallization of double-diffusive
convection systems : the magnetite layers of the Bushveld Complex. Journal of Volcanology and Geothermal
Research, 34, 133–142.
Naslund, H.R., & McBirney, A.R. 1996. Mechanisms of formation of igneous layering. Pages 1–44 of : Cawthorn,
R.G. (ed), Layered intrusions. Elsevier Science B.V.

9 Et le fer est un sous-produit évident de cette exploitation !

34
Wilson, A.H. 1996. The great dyke of Zimbabwe. Pages 365–402 of : Cawthorn, R.G. (ed), Layered intrusions.
Elsevier Science B.V.
Winter, J.D. 2002. An introduction to igneous and metamorphic petrology. 1st edn. Prentice Hall.

Ce document est un extrait du livret-guide écrit pour l’excursion organisée par l’association meta-odos au mois de Février
2007. Les références non liées sont des références à d’autres chapitres de ce document

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