Groupement Textes Theatre 2 1
Groupement Textes Theatre 2 1
Groupement Textes Theatre 2 1
CORPUS :
LECTURES CURSIVES
Sophocle, Antigone
Ou une tragédie classique au choix : Andromaque de Racine /
EXPOSÉ S
Clacissisme
DEVOIRS DU GROUPEMENT
1
TEXTE 1 RACINE, PHÈDRE,(1677) ACTE I, SC 1
Hippolyte
Le dessein en est pris, je pars, cher Théramène1,
Et quitte le séjour de l'aimable Trézène.
Dans le doute mortel dont je suis agité,
Je commence à rougir de mon oisiveté.
Depuis plus de six mois éloigné de mon père,
J'ignore le destin d'une tête si chère;
J'ignore jusqu'aux lieux qui le peuvent cacher. Figure 1,Costume Phèdre pour la Comédie française,
1995
Feutre, crayon, gouache et pastels sur papier
Théramène
Et dans quels lieux, Seigneur, l'allez-vous donc chercher ?
Déjà pour satisfaire à votre juste crainte,
J'ai couru les deux mers que sépare Corinthe.
J'ai demandé Thésée2 aux peuples de ces bords
Où l'on voit l'Achéron3 se perdre chez les morts.
J'ai visité l'Elide4, et laissant le Ténare5,
Passé jusqu'à la mer qui vit tomber Icare6.
Sur quel espoir nouveau, dans quels heureux climats
Croyez-vous découvrir la trace de ses pas ?
Qui sait même, qui sait si le roi votre père
Veut que de son absence on sache le mystère ?
Et si lorsque avec vous nous tremblons pour ses jours,
Tranquille, et nous cachant de nouvelles amours,
Ce héros n'attend point qu'une amante abusée…
1
Théramène :
2
Thésée : Roi d’Athènes, l’un des plus grand héros de la Mythologie
3
Achéron : Fleuve grec. Dans la mythologie grecque, l'Achéron est une branche de la rivière souterraine du
Styx, sur laquelle Charon transportait en barque les âmes des défunts vers les Enfers.
4
Elide : région de la Grèce, située à l’Ouest de la péninsule du Péloponnèse sur la mer Ionienne
5
C’est le point le plus au sud de la Grèce continentale et du continent européen. Le Ténare est aussi un fleuve.
6
Dans la mythologie grecque, Icare est le fils de l'architecte athénien Dédale et d'une esclave crétoise,
Naupacté . Il est connu principalement pour être mort après avoir volé trop près du Soleil lorsqu’il s’est échappé
du Labyrinthe du Minotaure avec son père.
2
A RETENIR
Hippolyte
Cher Théramène, arrête, et respecte Thésée. Phèdre, titre éponyme de la pièce de Racine.
De ses jeunes erreurs désormais revenu, « Phaedra », la lumineuse. sa mère, Pasiphaé,
Par un indigne obstacle il n'est point retenu; s’était unie avec un taureau et donna le jour au
Et fixant de ses vœux l'inconstance fatale, Minotaure. Son père, Minos, descend de
Phèdre depuis longtemps ne craint plus de rivale. Jupiter, ce qu’elle rappelle elle-même : « J’ai
Enfin en le cherchant je suivrai mon devoir, pour aïeul le père et le maître des dieux [...] »
Et je fuirai ces lieux que je n'ose plus voir. (vers 1275). Mais ce père est devenu juge
suprême aux Enfers : « Minos juge aux Enfers
tous les pâles humains. » (vers 1280). De lui,
elle hérite à la fois la rigueur de sa propre
Théramène conscience qui la juge, mais aussi les ténèbres
Hé ! depuis quand, Seigneur, craignez-vous la présence qu’elle porte en elle, les sombres pulsions et les
désirs coupables qui l’agitent.
De ces paisibles lieux, si chers à votre enfance,
Et dont je vous ai vu préférer le séjour
Au tumulte pompeux d'Athènes et de la cour ?
Quel péril, ou plutôt quel chagrin vous en chasse ?
Hippolyte
LA PERIPHRASE
La périphrase est une locution ou une suite de mots qu'on emplo
Cet heureux temps n'est plus. Exemples :
Tout a changé de face - Le septième art (le cinéma)
Depuis que sur ces bord les dieux ont envoyé - Le pays du soleil levant (le Japon)
La fille de Minos et de Pasiphaé. - L'auteur des Rougon-Macquart (Émile Zola)
Théramène
Hippolyte
Il est seul.(Moralement)
Il est soumis à un destin particulier (par ses
Théramène
Hippolyte
A RETENIR
Une scène d’exposition est nécessaire pour que le spectateur comprenne la situation dans la quelle se trouve
les personnages. La scène d'exposition est un moment essentiel d'une pièce de théâtre.
Elle doit : donner tous les éléments nécessaires à la bonne compréhension de l'intrigue, préciser l'identité des
personnages et les liens qui les unissent,(Mais on ne présente que les personnages nobles) leurs rapports,
alors même que l'action est entamée et- se joue sur scène; d'autre part, il faut éveiller l'intérêt des spectateurs.
4
Questionnement
Une scène d’exposition
2. Qui ont les personnages absents mais dont le spectateur apprend l’existence ?
=> Thésée : Héros (sens grec), Roi d’Athènes , célèbre pour ses combats, ses victoires
bien qu'absentThésée à une présence obsédante. Son autorité plane sur le personnage d’Hyppolite
.
=> Phèdre : Parenté double de Phèdre : fille de Minos et de Pasiphaé
marâtre (Belle-mère) redoutable, mourante mais on ne sait pourquoi.
Racine n’oublie pas que, ayant fait de Phèdre le personnage principal de sa pièce, il faut en brosser le portrait :
- origines mythologiques : « fille de Minos et de Pasiphaé », Minos : ordre, justice, rigueur, et Pasiphaé :
désordre, folie, délire ; Phèdre, descendante du Soleil, donc haïe de Vénus (c’est elle (Vénus) qui est tenue pour
responsable de l’amour incestueux qu’elle éprouve pour Hyppolite).
- Lien avec la fatalité : ce sont les dieux, c'est-à-dire le destin, qui ont amené Phèdre. - Théramène évoque son
mal mystérieux, et son désir de mourir.
- On apprend la vive hostilité de Phèdre à l’encontre d’Hyppolite.
=> Aricie : pers romanesque, belle, prisonnière de Thésée
Elle est jeune. Hippolyte l’aime mais elle est l'ennemie de Thésée et donc elle doit aussi être l'ennemi
d'Hippolyte. Cet amour est donc impossible.
5
- climat de danger, de mort (« Dans le doute mortel où je suis agité... » v. 3 ; référence à
l'Achéron, le fleuve des Enfers (v. 12) ; « péril » et « chagrin » v. 33 ; « Cet heureux
temps [celui de l'enfance] n'est plus » v. 34) ; apparition du thème de la fatalité
tragique (« Aricie, / Reste d'un sang fatal conjuré contre nous [la famille et le clan de
Thésée] » v. 50-51) ;
- référence aux dieux mythologiques (« les dieux ont envoyé [Phèdre]... » v. 35, v. 96 ;
« Vénus » v. 61, « ses autels [ceux de Vénus] v. 64 ; « Minotaure » v. 82 ; « Hercule » v.
122 ; « Neptune » v. 131) ;
8. Synthèse
La scène d'exposition de Phèdre de Racine renseigne le lecteur ou le spectateur sur de nombreux
éléments, comme le lieu, l'époque, les personnages et leurs relations, le contexte et l'action. Elle joue
donc parfaitement son rôle de scène d'exposition ;. Elle est « in media res » car lorsque le rideau se
lève au début de la pièce, les personnages sont déjà dans un état de grande tension, pour ne pas dire
qu'ils sont à bout (Hippolyte veut fuir ; Phèdre veut mourir) et la tragédie racinienne nous fait assister
à l'éclatement d'une crise qui couvait depuis un certain temps déjà et qui est enfin parvenue au
Situation du passage :
Acte I :
Scène 1 : Début in medias res, la scène d'exposition se prolongera jusqu'à la Scène 3. (Voir texte 1)
Scène 2 : Oenone (nourrice et confidente de Phèdre) vient annoncer l'arrivée de Phèdre et demande à
ce qu'on les laisse seules.
Scène 3 : Phèdre apparaît mourante et ne veut dire l'origine de son mal. Oenone, effrayée de voir sa
maîtresse rongée par un mal secret , la conjure de parler. Phèdre qui souffre depuis des années –se
laisse ici peu à peu entraîner à l’aveu. Ce premier aveu va permettre à Oenone de jouer par la suite
un rôle actif dans les décisions de la reine.
Acte I,sc 3
PHEDRE
Puisque Vénus le veut, de ce sang déplorable
Je péris la dernière, et la plus misérable.
OENONE
Aimez-vous ?
PHEDRE
De l'amour j'ai toutes les fureurs.
OENONE
Pour qui ?`
PHEDRE
Tu vas ouïr le comble des horreurs.J'aime... A ce nom fatal, je tremble, je frissonne.J'aime...
OENONE
Qui ?
PHEDRE
Tu connais ce fils de l'Amazone,
Ce prince si longtemps par moi-même opprimé ?
OENONE
Hippolyte ! Grands Dieux !
PHEDRE
C'est toi qui l'as nommé.
OENONE
Juste ciel ! tout mon sang dans mes veines se glace.
O désespoir ! ô crime ! ô déplorable race !
Voyage infortuné ! Rivage malheureux,
Fallait-il approcher de tes bords dangereux ?
7
PHEDRE
Mon mal vient de plus loin. Mariage avec Thésée
A peine au fils d'Egée
Sous les lois de l'hymen je m'étais engagée,
Mon repos, mon bonheur semblait s'être affermi,
Athènes me montra mon superbe ennemi.
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ; Coup de foudre pour Hippolyte,
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue ;
Malédiction de Vénus
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler.
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D'un sang qu'elle poursuit tourments inévitables.
Par des voeux assidus je crus les détourner : Tentatives inutiles pour échapper à
Je lui bâtis un temple, et pris soin de l'orner ; la passion . 5Les exclamatives
De victimes moi-même à toute heure entourée, marquent le désespoir de Phèdre)
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée,
D'un incurable amour remèdes impuissants !
En vain sur les autels ma main brûlait l'encens :
Quand ma bouche implorait le nom de la Déesse,
Puissance de la passion, inevitable. Même devant l’autel de
J'adorais Hippolyte ; et le voyant sans cesse, Vénus, elle pense à Hippolyte : l’acte qui devait la racheter,
Même au pied des autels que je faisais fumer, le perd + encore : elle, adore Hippolyte au lieu d’adorer
J'offrais tout à ce Dieu que je n'osais nommer. Vénus ; glissement du v17 à 21 : déesse → Hippolyte → ce
Je l'évitais partout. O comble de misère ! dieu. Elle est consciente de ce blasphème (Cf. v.25 « j’étais
Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père. idolâtre »).
Contre moi-même enfin j'osai me révolter :
J'excitai mon courage à le persécuter. Autres tentatives pour échapper
Pour bannir l'ennemi dont j'étais idolâtre, à la passion : exil d’Hippolyte
J'affectai les chagrins d'une injuste marâtre ; (Vocabulaire de la torture)
Je pressai son exil, et mes cris éternels
L'arrachèrent du sein et des bras paternels.
Je respirais OEnone, et depuis son absence,
Légère amelioration apparente
Mes jours moins agités coulaient dans l'innocence.
mais en réalité sourdement la
Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,
De son fatal hymen je cultivais les fruits. passion fait son chemin
8
Et que tes vains secours cessent de rappeler
Un reste de chaleur tout prêt à s'exhaler.
Devoir maison
Transformez cette tirade en texte narratif.
Vous ferez ce récit à la 1° personne. C’est Oenone, qui bien longtemps après, fait le récit de
ce moment
L’influence terrible.
du jansénisme sur Racine
Vous commencerez votre texte par : « Phèdre était la « fille de Minos et de Pasiphaé » et
Le classicisme condamne tout excès, donc forcément toute passion. Les jansénistes quant à eux, croient à la
avaitetépousé
prédestination Thésée,
s’imposent roi d’Athènes.
une morale Celui-ciêtre
austère, espérant avait
élusunpar
fils, Hippolyte,
Dieu. né d’un précédent
Elevé à Port-Royal et nourri
d’œuvres mariage. J’étais sa suivante lorsque se produisirent de terribles évènements. Depuis des
grecques, Racine présente la passion comme un excès et une véritable maladie.
mois, Phèdre dépérissait…
Au XVIIème siècle, la France est une monarchie de droit divin. La religion d'état (ou la plus pratiquée et aussi
avec laquelle on applique parfois les lois, en clair l'état est religieux ) est le catholicisme.
Jansénistes:
TEXTE COMPLEMENTAIRE
Leurs noms N°2
vient du fait qu'ils étaient les disciples de Jansenius ( 1588-1638 ).
Les jansénistes appliquent un règlement sévère, et un état d'esprit quasi perpétuel de pessimisme. Ils
considèrent que l'Homme ne peut "mériter par ses actes le salut de son âme". Seuls des "élus" sont prédestinés
au paradis. C’est le pari de Pascal (1623-1662), philosophe du XVII, auteur des Pensées. Pour lui, on ne peut
Anouilh,
pas démontrerAntigone
l’existence de(1947)
Dieu et on ne peut avoir la foi que par la grâce : on a donc, selon lui, tout à gagner
Prologue (extrait)
à croire en l’existence de Dieu. Car nous ne savons pas si nous faisons partie des « élus ».Et nous dit Pascal ; »
« Pesons
Un décorle neutre.
gain et laTrois
perte en prenant
portes croix que Dieu
semblables. Auest. Estimons
lever ces deuxtous
du rideau, cas :les
si vous gagnez, voussont
personnages gagnez
en
tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagnez donc qu’il est, sans hésiter ».
scène. Ils bavardent, tricotent, jouent aux cartes. Le prologue se détache et s'avance.
9
de conduire les hommes. Si cela n'est pas un office sordide qu'on doit laisser à d'autres, plus frustes...
Et puis, au matin, des problèmes précis se posent, qu'il faut résoudre, et il se lève, tranquille, comme
un ouvrier au seuil de sa journée.La vieille dame qui tricote, à coté de la nourrice qui a élevé les deux
petites, c'est Eurydice, la femme de Créon. Elle tricotera pendant toute la tragédie jusqu'à ce que son
tour vienne de se lever et de mourir. Elle est bonne, digne, aimante. Elle ne lui est d'aucun secours.
Créon est seul. Seul avec son petit page qui est trop petit et qui ne peut rien non plus pour lui.Ce
garçon pâle, là-bas, qui rêve adossé au mur, c'est le Messager. C'est lui qui viendra annoncer la mort
d'Hémon tout à l'heure. C'est pour cela qu'il n'a pas envie de bavarder ni de se mêler aux autres... Il sait
déjà...Enfin les trois hommes rougeauds qui jouent aux cartes, leur chapeau sur la nuque, ce sont les
gardes. Ce ne sont pas de mauvais bougres, ils ont des femmes, des enfants, et des petits ennuis
comme tout le monde, mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à
l'heure. Ils sentent l'ail, le cuir et le vin rouge et ils sont dépourvus de toute imagination. Ce sont les
auxiliaires toujours innocents et satisfaits d'eux-mêmes, de la justice. Pour le moment, jusqu'à ce qu'un
nouveau chef de Thèbes dûment mandaté leur ordonne de l'arrêter à son tour, ce sont les auxiliaires de
la justice de Créon.Et maintenant que vous les connaissez tous, ils vont pouvoir vous jouer leur
histoire. Elle commence au moment où les deux fils d'Œdipe, Etéocle et Polynice, qui devaient régner
sur Thèbes un an chacun à tour de rôle, se sont battus et entre-tués sous les murs de la ville, Etéocle,
l'aîné, au terme de la première année de pouvoir ayant refusé de céder la place à son frère. Sept grands
princes étrangers que Polynice avait gagné à sa cause ont été défaits devant les sept portes de Thèbes.
Maintenant la ville est sauvée, les deux frères ennemis sont morts, et Créon, le roi a ordonné qu'à
Etéocle, le bon frère, il serait fait d'imposantes funérailles, mais que Polynice, le vaurien, le révolté, le
voyou, serait laissé sans pleurs et sans sépulture, la proie des corbeaux et des chacals. Quiconque osera
lui rendre les devoirs funèbres sera impitoyablement puni de mort.
Lire le texte
Petite biographie d’ Anouilh
Tragédie classique Anouilh
Définir ce qu’est Le Prologue
En une dizaine de lignes, expliquer en quoi ce prologue se différencie d’une
Attitude des personnages
scène Toujoursclassique.(niveau
d’exposition dignes Familière manière
de langue, (Garde jouent
dontaux les
cartes/
Ismène aime la danse)
informations sont données au spectateur, distance acteurs/spectateurs,
types de personnages…)
Dialogue/ récit Exposition : pers. Tjrs présentés par un Long récit du prologue, presentation
dialogue (plus rarement un monologue) d’un bloc. On y annonce que c'est une
mais toujours par les personnages eux- tragédie et que la mort d'Antigone et
mêmes d'Hémon est inéluctable
Présentation des On les découvre à travers les dialogues Pers. Présentés de manière organisée en
personnages entre les personnages fonction de leur proximité avec Antigone
Ecart pers/acteur Pas d’écart. On ne rappelle pas au Ecart entre actrice et son personnage.
spectateur qu’on est au théâtre "Elle pense. Elle pense qu'elle va être
(vraisemblable) Antigone tout à l'heure", "il va falloir
10
qu'elle joue son rôle jusqu'au bout..."
Distance Le spectateur « n’existe pas ». on ne " de nous tous, qui sommes là bien
spectateurs/acteurs parle aps de lui tranquilles à la regarder, de nous qui
n'avons pas à mourir ce soir"
Synthèse
Représentée pour la 1ère fois en 1944, la pièce d’Anouilh reprend la tragédie de Sophocle mais avec beaucoup de
liberté.
Emprunté à la tragédie antique, le prologue joue ici un rôle qui consiste à prévenir le public de ce qui va
arriver. S’il ne dévoile pas la suite, il commente, apprécie, informe. C’est sa fonction traditionnelle, reprise sous
une forme détournée
Ce prologue mélange les genres. Le ton est en décalage avec celui de la tragédie classique. Mais il donne une
explication de la tragédie accessible à tous. (rôle didactique)
Normalement, lors de la scène d'exposition, les personnages principaux et l'intrigue sont exposés par un
dialogue (ou plus rarement un monologue) qui ne s'adresse pas directement au public. Le spectateur apprend les
informations nécessaires par l’échange de paroles entre les personnages qui sont sur scène. Dans Antigone, cette
exposition est beaucoup plus schématique, elle est traitée d'une manière moderne, les personnages sont
présentés de manière organisée par ordre de proximité avec Antigone et l'un après l'autre.Tous les personnages
sont sur la scène, mais ils sont là comme s’ ils n'étaient pas encore en représentation mais en coulisses.C’est
du théâtre dans le théâtre.
11
Tous les personnages en scène sont au courant de la situation initiale.
Les personnages ne jouent pas mais sont présentés comme des acteurs se détendant avant l’entrée en scène,
alors qu’ils devraient plutôt se concentrer d’où les anachronismes :
tricoter, jouer aux cartes etc.
Le style très familier (c’est la petite maigre, là-bas…) nous étonne car nous savons que le registre de la tragédie
est soutenu … : « Voilà », « c’est la petite maigre qui est assise là-bas ».
Il y a plusieurs anachronismes qui apparaissent dans le prologue tel que le registre populaire (tricot, cartes, bal)
ou bourgeois du 20e siècle (antiquaires, reliures, flâneries, ouvriers).
- les trois gardes qui jouent aux cartes alors que les cartes n'existaient pas encore
- ils ont un chapeau au lieu d'un casque ;
- la reine tricote…
- les gardes nous parlent de leurs enfants et de leurs femmes, ce qui ne se faisaient pas dans la tragédie
classique. Pire, on nous dit qu'ils "sentent l'ail, le cuir et le vin rouge". Anouilh traite donc les gardes
sous un angle familier et leur donne le droit à la parole dans le texte, ce qui aurait été impensable dans
la tragédie classique .
- on nous dit qu'Ismène aime danser et rire, ce qui est joyeux, alors que la tragédie doit être tragique ;
Ce prologue marque un fort écart avec l'image classique que l'on a des personnages . Dans la tragédie
classique, on ne présente que les personnages nobles. (Hémon, Créon, Eurydice, Antigone et Ismène). Ici, tous
sont présentés. Mais en insistant sur leur apparence d’acteurs ce qui, bien sûr, ne prépare pas le spectateur à
la crédibilité, ne l’incite pas à la complicité avec les héros, mais au contraire à la distance émotive.
Tout au long de la pièce, Anouilh rappelle au public qu’il assiste à une représentation; il en dévoile les coulisses
et arrache aux acteurs leur masque.
Le vocabulaire du théâtre est utilisé ce qui ne nous permet pas d'oublier qu'on est au théâtre. Le suspense a
été "cassé". Mais, en même temps comme on connaît l'histoire, on a une sorte de supériorité par rapport aux
personnages.
Le narrateur, omniscient, présente tout ce qui se passe dans la tête du personnage ou de l’acteur (Antigone).
Nous avons donc une organisation d’interprétation au départ, tandis que la plupart des scènes d’exposition
doivent exciter notre curiosité mais ne doivent pas nous imposer de jugement. Le narrateur présente toute
l’intrigue, et même la fin de la pièce la mort d’Antigone et de Hémon, ce qui est contraire à toutes les
habitudes. Cette façon de présenter l’histoire nous incite à penser que le mythe a peut-être été revu par Anouilh
pour lui donner un autre sens.
Par ailleurs, il y a cet écart entre le personnage d'Antigone et son actrice : "Elle pense. Elle pense qu'elle va
être Antigone tout à l'heure", "il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout..." Le personnage d'Antigone a
un "sourire triste", des "yeux graves", elle est "noiraude", "renfermée", "maigre" et "petite", c'est l'image de
l'antihéros et tous ces adjectifs qualifiant Antigone connotent la mort, le tragique. Mais Anouilh dévalorise
Antigone physiquement et moralement, c’est pourquoi toujours dans le prologue (1947, 35), nous avons
recours à des termes, expressions et phrases comme : « petite maigre, qui ne dit rien ». Alors que chez Sophocle,
elle parle avec « force, justesse et profondeur »; ; Serait-elle stupide , masochiste et triste : « elle lui a dit oui (à
Hemon) avec un petit sourire triste » .
On notera aussi la distance entre spectateurs et acteurs : " de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la
regarder, de nous qui n'avons pas à mourir ce soir"
Anouilh choisit d’écrire sa pièce en prose dans un registre courant à familier alors que traditionnellement, les
tragédies sont écrites en vers et dans un registre soutenu.
La conception du pouvoir est différente : dans la tragédie classique, on se bat pour le pouvoir et ici, le pouvoir
est perçu comme un fardeau qu'il faut accomplir tous les jours. Ainsi, Créon se demande si ce n'est pas vain
de conduire les hommes. C'est un homme cultivé, il est assez ouvert et il a accepté par devoir le poste de roi.
Anouilh a voulu mettre plus d'humanité dans la tragédie.La pièce est désacralisée : le coté exceptionnel des
personnages de tragédie est remplacé par des personnages plus banals , plus proches des spectateurs .
L’Antigone de Sophocle était la jeune et pure héroïne qui, au nom de la justice et du sacré, s’oppose, quitte à en
mourir, à son oncle Créon, le tyran injuste et cruel.
Il n’en est pas du tout ainsi avec la reprise du mythe d’Antigone au 20e siècle, par Anouilh. Il place l’enjeu du
dialogue autour de l’idée de bonheur, tandis que Sophocle argumente sur ce qui est juste. Et on assiste à la
démolition de l’atmosphère de la tragédie dans l'Antigone d’Anouilh
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En conclusion, il est important de noter la désacralisation du mythe chez Anouilh. Le tragique moderne est
dans la résistance individuelle face à l´autorité, et dans le refus d´un bonheur fait d´acceptation et de
compromissions; le tragique antique était l´affrontement de deux idées de la justice, et une réflexion sur le
destin humain soumis à la volonté divine.
Titus
Je n'aurai pas, Madame, à compter tant de jours.
J'espère que bientôt la triste renommée
Vous fera confesser que vous étiez aimée.
Vous verrez que Titus n'a pu sans expirer…
Bérénice
Ah ! Seigneur, s'il est vrai, pourquoi nous séparer ?
Vers le commentaire :
13
a) Observez la ponctuation.
L’émotion de la reine se traduit par l’abondance des exclamations, des interrogations et le passage rapide d’un
état dans un autre.
b) Repérez le mode du verbe dans le premier vers. Que pouvez-vous en déduire ? Qu’essaie de faire
Bérénice ?
La tirade s’ouvre sur un vigoureux impératif et une apostrophe accusatrice : « Eh bien ! régnez, cruel ».
Bérénice réagit d’abord en croyant prendre Titus au mot et en prenant en compte son souci de la gloire.
d) Observez le rythme des vers. Y-a-t-il un changement ? Selon vous pourquoi ? Quel sentiment cela peut-
il indiquer ?
L’émotion submerge Bérénice lorsqu’elle prononce cet adieu raisonné, définitif : le ton, de ferme qu’il était, se
fait douloureux, élégiaque, plaintif. Bérénice alors, dans des vers au rythme très lent, très cadencé, à l’image
de leur tendresse partagée,
e) Sous quelle forme grammaticale Bérénice rappelle-t-elle à Titus les moments heureux?
Cette évocation est tout entière exclamative et interrogative (« songez-vous combien… », « comment
souffrirons-nous… », « Que le jour recommence… », v. 9, 11 et 13). Elle traduit la révolte devant la situation
présente, la nostalgie d’un amour parfait la peur d’un avenir qui va les séparer.
f) Comment Bérénice revient-elle à la trahison de Titus ? Comment marque-t-elle une feinte indifférence ?
Elle se reproche au fond tous ces « soins », . Bérénice tente alors la cruauté, cherche à dénier à Titus le
moindre amour pour elle, à l’enfermer dans l’indifférence. Elle l’appelle l’ingrat. Toujours à travers les
exclamations et interrogations (v. 16-18).
h) Pourquoi La dernière réplique de Bérénice dit le tragique absolu de la situation des deux amants :
14
un amour passionné les unit, un amour totalement réciproque, que tout en eux approuve et désire, et un devoir
impérieux qui leur impose de se séparer. Cet amour est condamné par un devoir patriotique, qu’un héros de
tragédie se doit de respecter, au nom de sa gloire. Bérénice pose une fausse question : elle ne demande pas «
pourquoi nous séparer ? », mais exprime la cruauté de cette séparation que le sens de l’honneur et de la gloire de
Titus lui imposent.
i) En quoi l’attitude de Bérénice correspond-elle bien à celle d’une héroine tragique selon la définition
qu’en donne Racine ?
les sépare ne peut concerner que les âmes d’exception, hors de l’ordre commun.
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CORNEILLE, LE CID, 1637-1660
On est au XI° siècle. A cette époque, une partie de l'Espagne est sous la domination arabo-musulmane
Les Maures ont débarqué trois siècles plus tôt dans la
péninsule ibérique et, depuis lors, semblent se plaire
sur les terres d'Al-Andalus, où ils ont développé une
culture originale, construisant mosquées aux mille
colonnes et palais aux jardins légendaires. (Alhambra
de Grenade par exemple)
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Pour écrire sa pièce, Corneille s'est inspiré d'un personnage réel : Rodrigo Diaz de Vivar , Espagnol
mieux connu sous son surnom : le Cid Campeador !
Rodrigo Diaz de Vivar est né dans le village de Vivar, à côté de Burgos, vers 1043, dans une famille de
petite noblesse castillane.
Un de ses compagnons de jeux est Sanche, fils aîné du comte de Castille Ferdinand Ier qui tente de
libérer son pays des «Maures». Les seigneurs chrétiens repliés dans les montagnes du nord ne cessent
d'éprouver l'amertume de la défaite et aspirent à reconquérir leurs terres. C'est la «Reconquista»
(Reconquête en langue castillane ou espagnole).
À la suite de son père, Rodrigo Diaz (Rodrigue en français) s'engage sur les champs de bataille, tant
contre les rivaux chrétiens de son roi que ses ennemis musulmans . À peine âgé d'une vingtaine d'années,
le voilà maniant l'épée lors du siège de Graus (Aragon) où il participe à la victoire de Ferdinand Le Grand
sur Ramire 1er d'Aragon, un autre roi chrétien.
Devenu roi de Castille, Sanche II offre le poste de chef des armées à son ami, dont les faits d'armes sont
déjà légendaires. Un combat singulier contre Martin Garcés, champion du roi de Navarre lui vaut son
premier surnom : Campeador ( maître d'armes ou maître du champ de bataille). Mais notre guerrier a
d'autres talents : il sait lire et écrire mais aussi s'exprime en arabe, la langue des envahisseurs.
Le vent tourne avec la mort de Sanche, assassiné devant Zamora (Castille-et-León) en 1072, certainement
sur ordre de son frère, Alphonse.
Devenu à son tour roi de Castille sous le nom d'Alphonse VI, celui-ci ne se montre pas ingrat envers
Rodrigo et lui donne la main d'une de ses parentes, Jimena (Chimène en français). Mais il ne tarde pas à
prendre ombrage de son ambition, de sa brutalité et de son absence de scrupules.
Contraint à l'exil en 1081, Rodrigo propose ses services aux roitelets tant chrétiens que musulmans qui se
disputent la péninsule en cette période troublée.
Si aujourd'hui vous voulez lui rendre visite, il faut vous rendre à la cathédrale de Burgos. Vous l'y verrez
aux côtés de Chimène et, bien sûr, d'une reproduction de son épée Tizona, jamais très loin.
Résumé de la pièce
Pauvre Chimène ! Son père, le comte de Gormas, s'apprête à lui choisir un époux. Don
Sanche ou don Rodrigue ? Elle préfèrerait sans aucun doute le second, un jeune homme
tout simplement parfait.
Mais les affaires de cœur et les affaires d'État ne font pas toujours bon ménage au XIe
siècle, à Séville. Voici ce qu'auraient dû se dire le père de Chimène et celui de Rodrigue
avant d'en venir aux mains.
Comme deux chenapans, ils n'ont rien trouvé de mieux que de s'envoyer des soufflets
pour régler leur crise de jalousie.
Peut-être un peu plus sage ou un peu plus vieux, don Diègue a préféré se retirer, vaincu
par l'âge : «O rage ! O désespoir ! O vieillesse ennemie !». Il préfère s'en remettre à la
fougue de son fils : «Rodrigue, as-tu du cœur ? [...] Va, cours, vole et nous venge».
Acte III : Mon juge est mon amour, mon juge est ma Chimène
Pendant ce temps Rodrigue, conscient qu'il a commis un acte que n'appréciera guère sa promise, se rend chez
elle pour mourir de ses mains. Mais la jeune fille refuse de se faire elle-même justice et le repousse : «Va, je
ne te hais point».(Litote)
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Acte IV : Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort / Nous nous vîmes trois mille en arrivant au
port.
Les Maures approchent de la ville : il est temps de partir au combat. Rodrigue décide de prendre la tête des
chevaliers pour revenir couvert de gloire et ainsi reconquérir à la fois le royaume et le cœur de Chimène.
La bataille fait rage toute la nuit, sous «cette obscure clarté qui tombe des étoiles». Finalement, «le combat
cessa faute de combattants» : devant le courage des Espagnols, les Maures ont fui.
Chimène, elle aussi, est repartie au combat : puisque Rodrigue s'obstine à ne pas être tué par les Mores, elle
demande au roi de lui imposer un duel contre le jeune don Sanche. Elle épousera bien sûr le vainqueur.
La querelle du Cid
Le Cid au centre
d'une bataille de
plumes
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qu’un autre : Chimène. Comment Chimène peut-elle continuer d’aimer celui qui est devenu le meurtrier de
son père, à moins d’être une fille dénaturée – un monstre ?
Pour les critiques, c’était signifier sans ambiguïté que la pièce ne pouvait avoir pour le public aucune
valeur exemplaire : on n’y trouvera seulement l’image de mauvaises moeurs que l’intrigue, par surcroît,
récompense à la fin au lieu d’en présenter le châtiment !
Ce blâme de la pièce au nom de l’immoralité de la conduite de Chimène se cristallise sur quelques scènes
qui semblent aux critiques particulièrement scandaleuses; et ce sont bien sûr les plus touchantes, les plus
captivantes, celles qui ont emporté sans réserve l’adhésion du public : les deux entrevues entre Rodrigue et
Chimène à l’acte III et à l’acte V.
Que l’amour puisse conduire ces deux amants, que tout devrait séparer à jamais, à se revoir à se parler
malgré tout, voilà qui scandalise les censeurs de Corneille, d’autant plus que les protestations de
soumission au devoir des deux héros ne peuvent dissimuler des mouvements de tendresse passionnée.
Finalement, Richelieu fait appel à sa toute nouvelle Académie française qui s'empresse de relever de
nombreuses irrégularités dans la pièce. Puis, après un an de controverse, il choisit l'apaisement. Peut-il faire
autrement, alors que la pièce ne cesse de triompher ? «Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue»...
Le coin Culture G.
Le 29 janvier 1635, le cardinal de Richelieu fonde
l'Académie française.
Son nom vient du jardin Akademos, à Athènes, où Platon
enseignait la philosophie.
La nouvelle Académie se voue à la langue française.
L'article 24 de ses statuts énonce : «La principale fonction
de l'Académie sera de travailler avec tout le soin et toute
la diligence possibles à donner des règles certaines à
notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de
traiter les arts et la science...»
Pour lesEn académiciens
1638, Richelieu, l’essentiel de de
soucieux l’intrigue
faire taire les railleries
autour deinvraisemblable
est parfaitement la jeune Académie, . l'engage à donner son
Pour eux,sentiment sur laprimer
il faut faire tragédiel’exigence
du «Cid», de qu'a donnée Corneille
un an plus
vraisemblance surtôt. C'est
celle del'unique
vérité etfois où l'Académie s'érige en
donc
réformerarbitre littéraire.
le sujet du Cid . Les solutions plus «
L’académie compte aujourd’hui 40 membres…Les
vraisemblables », selon eux, ont de quoi
Les deux versions du Cid : Etude comparée Actefaire
V, scenemembres
7: une « qu’on appelle « les immortels » et qui portent un
rirejoli fausse mort » du Comte, qui eût
costume vert…
permis de faire réapparaître Don
Définition de la tragi-comédie : « actionGormas souvent aucomplexe,
dénouement, pour autoriser
volontiers le
spectaculaire, parfois
mariage de sa fille avec Rodrigue ; ou bien
détendue par des intermèdes plaisants, où des personnages de rang princier voient leur amour
ou leur raison de vivre mis en péril par des uneobstacles
reconnaissance romanesqueheureusement
qui disparaîtront dévoilant à la au
dénouement1 » Guichemerre fin que Chimène n’est pas la fille du
Comte – et dès lors quel obstacle au mariage ?
La forme libre et débridée de la tragi-comédieFinalement,
répondceaux
qui critères
dans le sujet, aux yeux debaroque.
de l'esthétique
l’Académie, choque la vraisemblance
Définition de la tragédie : Œuvre dramatique autantenque la morale,
vers, c’est que le mariage
dont la composition de à des règles
est soumise
strictes (les trois unités), qui met en scène Chimène et Rodrigue
des personnages est, au
illustres, fond,
tirés de un mariage grecque ou
l'Antiquité
romaine, qui fait reposer l'action sur des d’amour.
conflits passionnels dans lesquels les personnages sont
déchirés et implacablement entraînés vers une catastrophe ou un destin désastreux.
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Acte V Scène 7
DON FERNAND, DON DIÈ GUE, DON ARIAS, DON RODRIGUE, DON ALONSE, DON SANCHE, L’INFANTE,
CHIMÈ NE, LÉ ONOR, ELVIRE.
L’INFANTE
Sèche tes pleurs, Chimène, et reçois sans tristesse
Ce généreux60 vainqueur des mains de ta princesse.
DON RODRIGUE
Ne vous offensez point, Sire, si devant vous
Un respect amoureux me jette à ses genoux.
Je ne viens point ici demander ma conquête :
Je viens tout de nouveau vous apporter ma tête,
Madame ; mon amour n’emploiera point pour moi
Ni la loi du combat, ni le vouloir du Roi.
Si tout ce qui s’est fait est trop peu pour un père61,
Dites par quels moyens il vous faut satisfaire.
Faut-il combattre encor mille et mille rivaux,
Aux deux bouts de la terre étendre mes travaux62,
Forcer63 moi seul un camp, mettre en fuite une armée,
Des héros fabuleux64 passer65 la renommée ?
Si mon crime par là se peut enfin laver,
J’ose tout entreprendre, et puis tout achever ;
Mais si ce fier honneur, toujours inexorable,
Ne se peut apaiser sans la mort du coupable,
N’armez plus contre moi le pouvoir des humains :
Ma tête est à vos pieds, vengez-vous par vos mains ;
Vos mains seules ont droit de vaincre un invincible ;
Prenez une vengeance à tout autre impossible.
Mais du moins que ma mort suffise à me punir :
Ne me bannissez point de votre souvenir ;
Et puisque mon trépas conserve votre gloire,
Pour vous en revancher66 conservez ma mémoire,
Et dites quelquefois, en déplorant mon sort :
« S’il ne m’avait aimée, il ne serait pas mort. »
CHIMÈNE
Relève-toi, Rodrigue. Il faut l’avouer Sire, Chimène (1637)
Je vous en ai trop dit pour m’en pouvoir dédire.
Rodrigue a des vertus que je ne puis haïr. Mais à quoi que déjà vous m’ayez condamnée,
Et quand un roi commande, on lui doit obéir. Sire, quelle apparence à ce triste hyménée,
Mais à quoi que déjà vous m’ayez condamnée, Qu’un même jour commence et finisse mon deuil,
Pourrez-vous à vos yeux souffrir cet hyménée ? Mette en mon lit Rodrigue, et mon père au cercueil ?
Et quand de mon devoir vous voulez cet effort, C’est trop d’intelligence avec son homicide,
Toute votre justice en est-elle d’accord ? Vers ses Mânes sacrés c’est me rendre perfide,
Si Rodrigue à l’État devient si nécessaire, Et souiller mon honneur d’un reproche éternel,
De ce qu’il fait pour vous dois-je être le salaire,
Et me livrer moi-même au reproche éternel D’avoir trempé mes mains dans le sang paternel. »
D’avoir trempé mes mains dans le sang paternel ? (v. 1831-1838)
DON FERNAND
Le temps assez souvent a rendu légitime
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Ce qui semblait d’abord ne se pouvoir sans crime :
Rodrigue t’a gagnée, et tu dois être à lui.
Mais quoique sa valeur t’ait conquise aujourd’hui,
Il faudrait que je fusse ennemi de ta gloire,
Pour lui donner sitôt le prix de sa victoire.
Cet hymen différé ne rompt point une loi
Qui sans marquer de temps lui destine ta foi67.
Prends un an, si tu veux, pour essuyer tes larmes.
Rodrigue, cependant68 il faut prendre les armes.
Après avoir vaincu les Mores sur nos bords,
Renversé leurs desseins, repoussé leurs efforts,
Va jusqu’en leur pays leur reporter la guerre,
Commander mon armée, et ravager leur terre :
À ce nom seul de Cid ils trembleront d’effroi ;
Ils t’ont nommé seigneur, et te voudront pour roi.
Mais parmi tes hauts faits sois-lui toujours fidèle :
Reviens-en, s’il se peut, encor plus digne d’elle ;
Et par tes grands exploits fais-toi si bien priser69
Qu’il lui soit glorieux alors de t’épouser.
DON RODRIGUE
Pour posséder Chimène, et pour votre service,
Que peut-on m’ordonner que mon bras n’accomplisse ?
Quoi qu’absent de ses yeux il me faille endurer,
Sire, ce m’est trop d’heur de pouvoir espérer.
DON FERNAND
Espère en ton courage, espère en ma promesse ;
Et possédant déjà le cœur de ta maîtresse,
Pour vaincre un point d’honneur qui combat contre toi,
Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi.
Fin de la pièce
61. Pour un père : pour racheter la mort d’un père. 62. Travaux : action héroïque. 63. Forcer : gagner par la force.
64. Fabuleux : de la mythologie. 65. Passer : surpasser, dépasser. 66. Pour vous en revancher : en contrepartie.
67. Lui destine ta foi : te donne à lui en mariage. 68. Cependant : pendant ce temps. 69. Priser : estimer.
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dénouement contraire à la bienséance et à la vraisemblance (une fille n'épouse pas le meurtrier
de son père.
Il y a également la suppression de l’allusion au « lit » dans la version de 1637 – v. 1834 –
jugée trop crue).
Cependant, on soulignera que, sous des apparences pudiques, le dénouement de 1660 n'est pas
Très différent de celui de 1637. Dans la version initiale, le mariage de Chimène et de
Rodrigue était différé mais conclu ; en 1660, Chimène émet un doute sur la possibilité même
d'épouser Rodrigue (« Pourrez-vous à vos yeux souffrir cet Hyménée ? ») mais la réponse du
roi ne change pas (« Rodrigue t'a gagnée, et tu dois être à lui », v. 1841) : Chimène épousera
donc Rodrigue. Les apparences sont sauves mais la bienséance reste fondamentalement
bafouée.
Une autre motivation a dû guider Corneille. En 1637, la pièce est une tragi-comédie :
conformément aux codes du genre et aux goûts de l'époque, le dénouement doit être heureux.
En 1660, la pièce est désormais une « tragédie » et se doit donc de proposer un dénouement
plus grave, potentiellement malheureux.
Version de 1660 : Chimène refuse d'entériner la décision royale et le roi diffère le mariage,
sûr que Chimène cédera finalement. Dans les deux cas, on assiste à une ouverture vers un
temps non scénique (connecteurs et marqueurs temporels : « hymen différé » v. 1845 ; « un
an », v. 1847 ; « laisse faire le temps », v. 1866 ; emploi du futur, v. 1853-1854).
é leur visage au Cid au théâtre, un nom domine tous les autres, celui de Gérard Philipe (ou Philippe).
ui limite ses déplacements sur scène, le jeune comédien obtient un triomphe à Avignon en 1951 dans la mise en scène de Jean Vilar, qui n'hésite pas à
ancer du foie, Gérard Philipe reste toujours fidèle à ce rôle qui a marqué sa carrière et l'histoire du théâtre français : à sa demande, il est enterré dans so
Les comédies de Corneille parlaient de l'amour et des conflits que celui-ci pouvait engendrer,
notamment lorsqu’il était aussi question d'argent.
Dans les tragédies, l'amour est remplacé par une valeur qui lui est supérieure — c'est du moins ce
que dit Corneille dans ses pièces — : l’honneur (et l’ambition) qui entre en conflit dans Le Cid avec
ce même amour 698 .Ce conflit entre l'ambition, ou l'honneur, le devoir, et l'amour créé chez 22les
personnages des tragédies une véritable crise intérieure qui correspond au dilemme cornélien
où, comme le dit André Stegmann, « quel que soit le choix, le résultat est douloureux ».
Vidéo G. Philippe
A retenir :
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