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LE PROBLÈME DE SOCRATE
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DU MÊME AUTEUR

Socrale el la légende platonicienne, un vol. in-8a carré, «Biblio-


thèque de Philosophie contemporaine », Paris, P. U. F., 1952.
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BIBLIOTHÈQUE DE PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE


HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE ET PHILOSOPHIE GÉNÉRALE
Section diRiGÉE pAR ÉmîLeBRéHIER

LE PROBLEME
DE
SOCRATE
LE SOCRATE HISTORIQUE
ET LE SOCRATE DE PLATON
PAR

V. DE MACALHÀES'VILHENA
ATTAChÉ AUCENTRE NATioNAl de LA RECHERCHE SCiENTifQUE
DOCTEUR ÈS LETTRES
OUVRAGE PUBLIÉ AVEC LE CONCOURS
DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE


108, BouLEVARd SAÎNT-GERMAiN, PARIS
1952
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DÉPOT LÉGAL
lre édition 4e trimestre 1952
TOUS DROITS
de traduction, de reproduction et d'adaptation
réservés pour tous pays.
COPYRIGHT
by Presses Universitaires de France, 1952
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A MONSIEUR PIERRE-MAXIME SCHUHL,


en lémoignage d'affectueuse gralilude
el de respectueuse admiration.
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« In jeder verwickelteren wissen-


schaftlichen Frage ist die umfassende
Einsicht in die Schwierigkeiten die
Vorbedingung der Erkenntnis, mag
dabei auch die Möglichkeit der Lösung
noch weiter gerückt, schon Gewonn-
enes in Frage gestellt scheinen. »
JULIUS STENZEL (1).

«The history of criticism is mainly


the history of error. s
THOMAS HARDY.

(1) Literarische Form u. philos. Gehalt des platon. Dialoges, in Studien


zur Entwicklung der platonischen Dialektik von Sokrates zu Aristoteles 2,
Leipzig, 1931, p. 123.
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PRÉFACE

Le travail que nous publions aujourd'hui n'esl certes pas l'en-


quête ample et complète que l'immense étendue du sujet exige. Ses
vues sonl restreintes et son intention limitée. Poinl n'est besoin de
dire que nous ne saurions, en un espace aussi étroitement mesuré,
recouvrir toute la réalité. Ces recherches n'ont d'autre but que\
d'esquisser une introduction historique à l'étude du problème de
Socrate. Problème beaucoup trop vaste qu'il a fallu limiter. Nous
n'avons eu en vue que la seule face du sujet indispensable à l'in-
telligence des difficultés mêmes de la question. Car, si dans l'état
acluel de la recherche historique il ne peut plus s'agir de résoudre
les problèmes à tout prix, du moins faut-il les poser dans toute
leur ampleur et en faire voir la teneur et la portée.
L'essentiel pour nous était d'examiner les possibililés de savoir
quelle existence hislorique il convient de reconnaître à Socrate.
Au reste, il s'agissail en somme de faire le point des questions
qui ponctuent l'histoire du problème socratique et d'entreprendre
l'examen des procédés susceptibles de conduire à une solution.
Tout cela avait pour bul de recueillir et de grouper sous certains
chefs les matériaux indispensables à l'analyse des deux questions
suivantes : quelle est l'authenticité des témoignages qui ont été
transmis sur Socrate? La connaissance du Socrate historique, du
Socrate «tel qu'il fut », est-elle possible?
L'objet ainsi délimité, il a paru que la méthode la plus adéquate
à la nalure d'un tel travail devrait nous permettre de voir comment
le problème se définit historiquement, quelles conjectures ont été
faites el quelles raisons on a avancées en leur faveur, quelles objec-
tions leur ont été adressées, comment des analyses successives ont
écarté certaines erreurs commises, posé nombre de nouveaux pro-
blèmes el suscité de nouvelles hypothèses, et, enfin, quelle a été la
signification des témoignages, la situation respective de leurs
auteurs
riens. les uns par rapport aux autres, chez les principaux histo-
En concevant et en réalisant le présenl ouvrage, nous avons en
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dernier ressorl voulu élablir un invenlaire des données el des pers-


pectives acluelles de la question et apporter ainsi des éclaircisse-
ments souhaitables en vue d'une élude approfondie du phénomène
hislorique du socralisme, dont la nature reste à déterminer. Dans
notre pensée, l'analyse du problème comporle, en fait, deux séries
de recherches. La première concerne la possibilité de connaître le
Socrate historique, et c'esl elle que nous publions aujourd'hui. La
seconde, que nous aimerions entreprendre plus lard et pour laquelle
nous avons amorcé ici nombre de matériaux, chercherait à retrouver
les physionomies les plus significatives du socratisme à travers
les miroirs brisés des traditions socratiques qu'enfante l'histoire.
Notre lhèse complémentaire sur Socrate et la légende platonicienne
n'esl qu'un premier apport à l'élude de celle dernière question.
L'essai sur Aristophane et le Socrate historique qui le suivra
de près en est le deuxième.
Il apparaît de plus en plus clairement qu'avant d'entamer
tout essai pour retrouver les lignes essentielles du socralisme à
travers les supposés témoignages qui nous sont parvenus, il faudra
examiner avec le plus grand soin les problèmes que souleva la
prétention de savoir ce qu'a pu être historiquemenl Socrate, le
Socrate d'où est sortie la dramatis persona aux multiples visages
que nous connaissons. Dès lors, deux questions du plus haut
intérêt onl été laissées délibérément de côté dans la présente élude :
l'exposé du socratisme historique, l'interprétation de la résonance
qu'il a trouvée et de sa signification objective. Il ya à cela plusieurs
raisons, et la première esl que seule une réponse aux questions
préalables sur l'historicité des témoignages et sur la possibililé
d'alleindre une connaissance historique nous permellrait de l'en-
visager. Plutôt que d'aller au-devant de nouveaux échecs ou de
s'inscrire dans une suite sans cesse accrue d'interprétations plus
ou moins vraisemblables, mais dont les soubassemenls demeurent
en général, et dans les meilleurs cas, à l'état implicite, mieux vau-
dra tenir d'abord pour acquis dans quelle mesure on esl aujour-
d'hui à même de parvenir à une connaissance de Socrate qui
réponde pleinement aux besoins de l'histoire.
Pourtant, réflexion faile, il ne s'agit d'ailleurs pas là du seul
intérêt qu'il y a à rattacher la question déballue au besoin d'ap-
profondir toujours davantage un despoints d'inflexion qui marquent
la suite des connaissances humaines. Ce besoin et cet intérêt sont,
certes, assez évidents : Socrate occupe une place par trop consi-
dérable dans le schéma classique du «progrès de la conscience
humaine » pour qu'on puisse négliger la question de savoir ce
qu'il a pu êlre réellement par-delà toute transposition littéraire.
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Mais ce n'esl qu'un des aspects imporlants d'une question qui


en comporte d'innombrables. La signification du problème socra-
tique n'est pas épuisée par là. Outre cet intérêt historique, la ques-
tion présente un intérêt théorique dont la portée est aussi considé-
rable. Même si l'on n'esl pas assez hégélien pour vouloir restaurer
philosophiquement la réalité de l'histoire, se retournant vers le
cas de Socrate et rouvrant son dossier, la crilique historique est
en droit d'aspirer à une prise de conscience plus nette de la nature
du «fait historique », de la teneur et de l'étendue du pouvoir el
des limites du pouvoir de ce mode de vie scientifique qu'esl l'His-
toire. Le problème socralique nous permet de saisir sur le vif ce
pouvoir et ces limites ainsi que la structure de la construction
historique, et en éclaire les inlentions.
A celle lueur, ce problème loujours renouvelé, et où tant dechoses
sont encore à découvrir, apparaît à l'historien comme un experi-
mentum crucis de l'enquête historique, plus qu'ailleurs visible..
C'est bien cela : le fail que les aspects sur lesquels ce problème
appelle l'attention ont de frappantes implications et imbrications
historiographiques, qui ne peuvent plus être minimisées, lui confère
dans le moment présent, une valeur d'exemple et d'expérimenla-
tion pralique précieuse. Ainsi comprise, la question socratique,
étant un problème majeur d'histoire dont l'importance intrinsèque
n'est nullement niable, est en même temps, pour la pari qui lui
revienl dans le perpétuel ajustement des méthodes et des procédés
de l'observation, de la critique et de l'analyse historiques, une
question qui soutient aulant qu'elle vérifie les principes de la science
en cette matière. C'est pourquoi le problème doil être posé aussi.
Ce double intérêt : historique et historiographique commandait
donc, dans notre esprit, et le choix du sujet el la détermination
de la recherche. Cela même engage les résultats el la signification
de ce travail.
Le problème posé est en effet de ceux qu'il n'est pas facile de
résoudre. Il vaut la peine de s'y arrêter.
L'insuffisante élaboration théorique des questions concernanl la
recherche scientifique dans le domaine de l'histoire de la philo-
sophie et l'absence presque complète de littérature sur ces ques-
tions, non seulement sont à l'origine de nombreuses incertitudes et
de graves erremenls de la critique, ainsi que l'histoire du problème
de Socrate en administre la preuve, mais encore rendent extrême-
ment difficile aux chercheurs l'application correcte de la méthode
hislorique pour une appréciation exacte des queslions philoso-
phiques.
Le fait que la pluparl des criliques ne se soient pas arrêlés d'une
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façon suffisammenl concrète el attentive sur le processus d'élabo-


ration scientifique de ces problèmes constitue, à n'en pas douter,
une entrave sérieuse à la progression dans l'approfondissement
des problèmes qui nous sont posés. Cela témoigne du fait que
la mise en relief des questions centrales el directrices dans le domaine
des fondements gnoséologiques de l'Histoire ne peut avoir pour
conséquence que de poser dans toute son acuité aux historiens
de la philosophie le problème de l'objet, des tâches et des méthodes
de la recherche dont on peut attendre les effets, en des sens les plus
divers, sur la question de Socrate.
L'accomplissement de celle charge exige qu'on se rallie à des
positions idéologiques sciemment définies, qu'on se place résolu-
ment sous des points de vue qui entraînent obligatoirement une
base méthodologique et théorique. Il est par ailleurs indispensable
de noter leur importance. C'esl à quoi répond, pour l'essenliel,
le deuxième chapitre de l'introduction.
Au reste, il n'en est pas moins patent que si d'un côlé ceux
qui travaillent sur Socrate n'attachent pas encore suffisamment
d'attention à l'aspect lhéorique de leur travail par rapport à la
production hislorique dans d'autres domaines et en fonction de la
situation des travaux théoriques dans le domaine de l'historio-
graphie; de l'autre côté ceux qui se sont le plus hardiment alla-
qués aux thèmes fondamentaux du travail historique ont presque
toujours négligé d'envisager ces thèmes, ou ne les ont traités que
d'une manière assez faible, non pas seulement par rapport à
l'histoire de la philosophie dans sa stricte spécificité (ce qui fut
déjà signalé par L. Robin) (1), mais également et en particulier
par rapport à la question socratique.
Il en découle donc que l'étude théorique de nombre de problèmes
méthodologiques qui sont posés dans l'élaboration de celle question
est évidemmenl en relard sur la pratique de l'historien. Tout cela
indique la nécessité, en l'état actuel de la critique, d'étayer les
lignes essentielles qui se dégagent de ce qui est connu et aussi
de généraliser la très riche expérience accumulée, afin de mieux
saisir les contours et les ressorts internes des grands problèmes
qu'il importe de continuer à travailler dans tous leurs détails el
leurs rapporls. C'est dire la difficulté et l'élendue du sujet.
(1) Léon ROBIN, Sur la notion d'histoire de la philosophie, in Bull. de
la Soc. franç. de philosophie, XXXVI, n° 3, Paris, 1936, p. 103; cf. p. 11.
L. ROBIN, aussi bien dans cette communication que dans l'article L'histoire
et la légende de la philosophie, in R. Philos., noS 9-10, 1935 (= La Pensée
hellénique, Paris, 1942, p. 10 et suiv.) qui est à son origine, a eu justement
raison d'évoquer plus d'une fois, à titre d'exemple, le cas de Socrate.
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Il ne faut pas se dissimuler qu'un examen d'ensemble de toute


la queslion dans les conditions actuelles apparaît comme quasi
impossible. Cela tient à l'abondance el à l'éparpillement des
recherches chaque jour plus nombreuses portant sur un domaine
extrêmement vaste, touchant des problèmes très variés; mais cela
tient aussi — l'un ne va pas sans l'autre — à ce que le méfait
de l'isolemenl des spécialistes, « le cancer de la spécialisation »
fermée, esl venu se greffer sur le développement anarchique des tra-
vaux. Il esl pourtant très symptomatique que l'ampleur des diffi-
cultés renconlrées conduil à abandonner de plus en plus des posi-
tions spécialisées étroites, à un moment où tendent à s'effacer les
délimilalions traditionnelles entre les domaines du savoir. Le déve-
loppemenl de « la juste connexion des divers domaines de la con-
naissance » a d'ailleurs rendu plus floues les limites barranl le
passage d'un domaine de recherches à l'aulre. Des problèmes spé-
ciaux intéressant les cercles les plus larges de savants sont à lout
moment soulevés. Des connaissances étendues, des compétences x
diverses, des alliances entre des branches en apparence fort éloignées
de l'arbre de la science sonl devenues nécessaires pour répondre
aux problèmes nouveaux, pour combler des lacunes fâcheuses,
pour éviter des démarches infructueuses, des équivoques el des con-
tresens. Nous pouvons constater aujourd'hui que seule une
équipe de spécialistes de formation différente est assez forte pour
s'allaquer aux questions complexes mises en branle par l'affaire
socratique et parvenir à dominer l'ensemble de la question. Le
problème de Socrate offre le vaste champ d'un travail collectif
pour un grand nombre de chercheurs.
Dans l'attente que ce problème puisse être envisagé dans les
meilleures conditions requises, c'est une œuvre d'artisan que nous
livrons aujourd'hui. Puisse-t-elle par sa nature même de tour
d'horizon préliminaire rendre tant soit peu évidents les blancs
qui restent entiers sur la carte et faire en même temps ressortir
les obstacles qui se dressent devant une interprétation exacte du
socralisme. En essayant de fournir l'aperçu général des récentes
recherches qui sont venues s'inscrire dans l'essaim d'innombrables
coups de sonde d'un travail d'érudition exceptionnellement impo-
sant, nous avons voulu produire un cadre de références qui éclaire
les perspectives et donne en quelque sorte les grandes lignes d'un
programme qui n'est pas encore réalisé aujourd'hui, en vue d'une
avance laborieuse sur les traces de l'action et de la pensée socra-
tiques dans toute sa valeur et sa mesure.
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Au seuil de cet ouvrage, nous voudrions dire toute notre reconnais-


sance aux maîtres donl la bienveillance nous a été si précieuse et
n'a cessé d'encourager nos efforts. Tout particulièrement, nous lenons
à remercier M. Émile Bréhier, membre de l'Institut, professeur
honoraire à la Sorbonne, qui donna une première impulsion à
ce travail, M. Pierre-Maxime Schuhl, notre directeur de thèse,
pour l'obligeance exlrême et la vigilance critique donl il a fail
preuve à notre égard, et MM. Henri Gouhier, Alexandre Koyré
et Jean Wahl qui ne nous ont jamais ménagé leurs conseils. A
M. Raymond Bayer qui, dès notre arrivée en France, nous a
orienté vers le doctorat d'État et nous a depuis également encouragé
et aidé, nous sommes très reconnaissant. A M. Georges Le Gentil,
professeur honoraire à la Sorbonne, nous devons aussi lémoigner
notre profonde gratitude, ainsi qu'à MM. Pierre Hourcade et
Pierre Amado, directeur et sous-directeur de VInstitut français
au Portugal, auxquels nous sommes redevables d'avoir pu pour-
suivre nos recherches en France lorsque nous dûmes quitter l'Uni-
versilé de Coimbra. Mme Georgette Lévy et M. Daniel Lacroix
nous ont obligeamment prêté un concours amical et exercé. Nous
voulons enfin rappeler celui qui par son amour paternel sut toujours
nous diriger vers ce but. Que tous ils veuillent bien agréer ici
l'expression de nos vifs remerciements.

Nous tenons également à remercier le Conseil de la Faculté des Lettres


de l'Université de Paris d'avoir bien voulu retenir nos thèses pour une
demande de subvention pour l'impression et le Centre national de la
Recherche scientifique de nous l'avoir accordée.
Cette thèse ayant d'abord été déposée dactylographiée en 1947, nous avons
pu tenir compte, pour l'impression, des critiques et des suggestions qui nous
ont été faites lors de sa soutenance en mars 1949. Nous avons pu également
profiter du retard dans la publication pour la mise à jour de nos références.
Enfin, nous tenons à cœur de témoigner la reconnaissance que nous
éprouvons envers MM. Victor Goldschmidt, É. Lablénie, I. Meyerson et
Jean-Pierre Vernant qui nous ont amicalement aidé dans la correction des
épreuves.
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INTRODUCTION

LE PROBLEME DU SOCRATE HISTORIQUE

PLATON (1).
«Socrates [...] is a problematic
figure to us because he was so even
to his followers. »
F. M. CORNFORD (2).

1. ÉTAT PRÉSENT DU PROBLÈME.

Il est toujours d'un intérêt puissant de revenir à des problèmes


maintes fois débattus, ne fût-ce que pour en percevoir l'entière
perspective, pour prendre en dernier ressort la mesure de l'évolu-
tion zigzaguante et contrastée des idées.
Or, s'il est vrai que l'histoire n'est en aucune manière défini-
tivement écrite, de nos jours moins que jamais aucun problème
n'est au point mort. De toutes parts, le travailleur intellectuel,
l'historien entre autres, est sollicité à inventorier les constats
déjà épurés et éprouvés qui s'accumulent et à les remettre en
place, à reviser et à refaire nombre de vues et de conjectures
antérieures qui s'avèrent discutables et ont été justement dis-
cutées, à révoquer en doute, voir élaguer des légendes largement
répandues.
Bien des conceptions depuis longtemps accréditées et dont on
ne croyait plus la légitimité contestable se sont vues dévalori-
sées.
(1) Banq., 216 c-d :-paroles d'Alcibiade au sujet de Socrate.
(2) The Athenian Philos. Schools. I. The Philos, of Socrates, in The Ancient
Cambridge Hislorg, vol. VI, London, 1933, p. 303.
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Il en est ainsi de tous les problèmes. Aux données présentes,


le juste éclairage du passé n'est pas forcément celui qui a été
fait. Est-ce un hasard s'il est temps pour nous de repenser le
« cas » de Socrate? L'effort d'éclaircissement idéologique qui se
poursuit y oblige. Tout réclame une nouvelle mise au point, à la
lumière des récentes investigations. Socrate, pas plus que d'autres
créateurs d'histoire qui sont aussi des créatures de légende, ne
résiste à cette vague de la critique qui s'affirme d'année en
année.
La querelle des historiens et philosophes à son endroit, la
persévérance des heurts entre la méfiance sceptique des uns et
l'âpreté dogmatique des autres nous entraînent sur les chantiers
où s'opère le renouvellement de la recherche historique. C'est
assez dire que la question socratique — vexalissima quaeslio s'il
en est — appelle une mise au point inévitable. Une fois de plus
nous y sommes ramenés.
Il faut le reconnaître dès l'abord et sans détours : le problème
de Socrate se pose encore aujourd'hui; mieux même, aujourd'hui
plus que jamais Socrate est pour nous un problème.
Tout semble porter à croire que nous devons renoncer à la
prétention de savoir avec rigueur et assurance ce que fut Socrate
et ce qu'il a pensé. Au soir de sa vie, Diels a rejoint Friedlânder :
le nom de Socrate cache une letzle Unerkennbarkeil (1). Récem-
ment encore, un auteur, à la suite de Brunschvicg, concluait
avec la vision la plus sombre qu'une fois les difficultés délimitées
et définies, les résultats de la critique se résument ainsi : au
sujet de Socrate nous savons seulement que nous ne savons
rien (2). De son côté, Joël a écrit : « Wir wissen, dass wir
nichts wissen (3). »
(1) P a u l FRIEDLÂNDER, Platon. I. Eidos. P a i d e i a . Logos, Berlin, 1928,
p. 65. P o u r ce qui est de H e r m a n n Diels, cf. A. E. TAYLOR, Socrales, London,
1935, p. 17.
(2) F. ROMERO, Sobre la Historia de la Filosolia, T u c u m à n , 1944, p. 13
et 16; cf. L. BRUNSCHVICG, Le Progrès de la Conscience dans la philosophie
occidentale, I, Paris, 1927, p. 4. E n dernier lieu, Olof GIGON, Sokrales. Sein
Bild in Dichlung und Geschichle, Bern, 1947, inter alia, p. 13 : « J e strenger
die Methode ist, n a c h der die F o r s c h u n g die überlieferten T e x t e auf den
geschichtlichen Sokrates hin befragt, desto offenkundiger wird es, dass
wir letzten Endes über seine PersÕnlichkeit und Lehre k a u m ein Minimum
wissen »; comp. p. 16. Voir plus bas p. 93. Dans un article intitulé Une
nouvelle i n t e r p r é t a t i o n du problème socratique (in Mnemosyne, S. IV,
vol. IV, Leiden, 1951, p. 30-39), Mlle C.-J. DE VOGEL vient de critiquer
vigoureusement la thèse de M. Gigon; comp. A. MADDALENA dans la Riv.
Stor. Filos., IV, 2, 1949, p. 149-153.
(3) Karl JOËL, Geschichte der antiken Philosophie, Tübingen, 1921, p. 7.
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L ' é t a t a c t u e l de la q u e s t i o n a q u e l q u e p e u d é p a s s é la p h a s e
i n i t i a l e d e l ' i r o n i e s o c r a t i q u e : l a r é f u t a t i o n (1). D ' u n g r a n d
n o m b r e d'études minutieuses e t très s a v a n t e s qui o n t été faites,
a u t e r m e d e l o n g u e s e t s a g a c e s d é m a r c h e s , il f a u t c o n c l u r e q u e
le p l u s s o u v e n t o n n ' a o b t e n u q u ' u n r é s u l t a t n é g a t i f , t o u t a u
plus a-t-on acquis des données p e r m e t t a n t u n travail construc-
tif.
S o c r a t e , p a r a î t - i l , d i s a i t q u e l ' h o m m e se p u r i f i e d e s o n e r r e u r
q u a n d il a l a c o n s c i e n c e d e c e q u ' i l s a i t i g n o r e r , e t il a j o u t a i t ,
s'il f a u t e n c r o i r e les t é m o i g n a g e s e n n o t r e p o s s e s s i o n : s a v o i r
q u e l ' o n n e s a i t p a s e s t le c o m m e n c e m e n t d e l ' a u t h e n t i q u e
s a v o i r . N o u s s o m m e s a u j o u r d ' h u i s o u s ce r a p p o r t i n f i n i m e n t
p l u s s a v a n t s q u e n o u s n e l ' é t i o n s il y a q u e l q u e s d i z a i n e s o u
quelques c e n t a i n e s d ' a n n é e s ; n o u s s a v o n s t e l l e m e n t bien ce q u e
nous ignorons de Socrate q u e nous atteignons p r e s q u e la véritable
s a g e s s e : l ' i g n o r a n c e s a v a n t e q u i se c o n n a î t , c h è r e à P a s c a l . E n
toute vérité, à quoi sont parvenus t a n t de critiques sinon à
p o u s s e r le l e c t e u r , a t t e n t i f e t c a r t é s i e n , à « s e r e n d r e c o m p t e
d e s p r o b l è m e s q u i é c h a p p e n t a u p r é t e n d u s a v o i r »?
P r i m a t a c i e , il y a c e r t e s d e q u o i ê t r e s c e p t i q u e . I l a r r i v e s a n s
d o u t e u n m o m e n t — a s s u r e - t - o n — o ù l e s fils s o n t à c e p o i n t
e m m ê l é s q u ' i l v a u t m i e u x r e n o n c e r à les d é n o u e r . M a i s n ' y a-t-il
p o i n t d ' a u t r e issue possible q u e l ' e n l i s e m e n t d a n s la v o i e de la
r e n o n c i a t i o n ? C e r t a i n e m e n t n o n , si l ' o n s ' o b s t i n e à n e p a s e n v i -
s a g e r le p r o b l è m e d e s s o u r c e s d a n s t o u t e s o n a m p l e u r , c ' e s t - à - d i r e
s a n s r e s t r e i n d r e la r e c h e r c h e a u x seuls P l a t o n , X é n o p h o n e t
A r i s t o t e . P a s p l u s d ' a i l l e u r s q u e si l ' o n s e r a l l i e à l a p o s i t i o n d e
K i r k e g a a r d , à c o u p sûr u n e des plus é t r a n g e s et des plus déconcer-
t a n t e s qui aient jamais été prises : de p a r sa n a t u r e m ê m e
Socrate est inconnaissable; sans c o m m u n e mesure, sa p e r s o n n a l i t é
n ' o f f r e p a s d e p r i s e a u x h i s t o r i e n s (2).

(1) Cette exigence de la méthode socratique est particulièrement mise


en lumière par Platon dans le Soph., 230 a-d. Cf. PROCLUS, Commentarius
in Plalonis Parmenidem, I, 7 (Procli Philosophi opera inedita, éd. V. Cousin,
Paris, 1864). Dans son étude sur Socrate (apud Moralistas Griegos, Buenos-
Aires, 1941, sp. p. 69-74). M. MONDOLFO a parfaitement analysé et mis en
valeur le rôle et la teneur de la réfutation socratique en tant que premier
moment de la méthode.
(2) C'est ce que M. Jean Wahl vient de rappeler dans un cours en Sor-
bonne : Socrate était un existant et c'est sans doute pour cela, dit Kirkegaard,
que nous savons si peu au sujet de Socrate, notre ignorance au sujet de
Socrate est la preuve qu'il y avait là quelque chose qui doit nécessairement
échapper aux historiens, une sorte de lacune nécessaire dans l'histoire de la
philosophie, par laquelle se manifeste que quand il y a existence il ne peut
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Mais cette position extrême mise à part, car elle n'a pas trop
pesé sur la fortune des recherches socratiques, même ceux qui
pensent qu'aucune figure n'est pour nous plus énigmatique que
Socrate et admettent a priori qu'ils se trouvent placés devant
un des problèmes qui ne seront jamais résolus, reconnaissent
cependant que cette figure occupe une position beaucoup trop
centrale dans l'histoire pour que l'on renonce à avoir une con-
ception de sa personnalité et de sa pensée (1).
Attirant de nouveau l'attention sur ce problème et sur ses dif-
ficultés, M. Mondolfo a dernièrement déclaré que quelques-unes
demeureront certainement insolubles (2); il rappelle, pour les
faire siennes, les paroles de Brochard, au début du siècle : « La
physionomie de Socrate, en raison même de l'incertitude et de
l'insuffisance de nos moyens de connaissance, ne cessera pas
d'avoir pour tous les chercheurs l'attrait d'une énigme à déchif-
frer, et sans doute le dernier mot sur cette question ne sera
jamais dit (3). » Toutefois, M. Mondolfo ajoute avec raison qu'on
aurait tort de tirer de cette prévision facile, vérifiée jusqu'à pré-
sent et qui sera selon toute probabilité confirmée dans l'avenir,
la conclusion que l'effort des historiens a été inutile (4).
M. Mondolfo prend soin de préciser que ce n'est pas en scep-
tique qu'il faut envisager la question. Même là où un problème
historique p'admet pas de solution définitive, il reste toujours
aux historiens une tâche à accomplir : s'efforcer de parvenir
y avoir réellement connaissance. Socrate est non seulement la protestation
contre ce qui est établi, suivant le mot de Kirkegaard, c'est-à-dire contre
l'État, contre les idées communes, mais il est incommensurable, il est sans
relations, sans prédicat. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas
le connaître »(J. WAHL, 1848-1948. Cent années de l'histoire de l'idée d'exis-
tence. I. Kirkegaard-Jaspers, Paris, 1949, p. 21; ronéotypé). Cf. J. WAHL,
Études kirkegaardiennes, Paris, 1938 (19492).
(1) Cf. Piero MARTINETTI, Socrate, in Riv. Filos., n° 1, 1939, p. 9. Sur le
besoin d'une interprétation historique de Socrate, voir aussi W. WINDEL-
BAND, Ueber Sokrates, in Prtlludien. Aufsâlze u. Reden zur Philos. u. ihrer
Gesch., I, Tübingen, 1921, p. 57. W. JAEGER, Paideia, II, New-York, 1943,
p. 13 et suiv. Jan PATOCKA, Remarques sur le problème de Socrate, in
Rev. Philos., nos 4-6, 1949, p. 188-189. Comp. L. BRUNSCHVICG, Le Progrès
de la conscience dans la philosophie occidentale, I, Paris, 1927, p. 4, et
Léon ROBIN, Fins de la culture grecque, in Critique, III, nos 15-16, 1947,
p. 212.
(2) Rodolfo MONDOLFO, Sôcrates, in Moralislas Griegos, Buenos-Aires,
1942, p. 61 et suiv.
(3) Victor BROCHARD, L'Œuvre de Socrate, in Année Philos., XII, 1902,
p. 1 (= Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne2, Paris,
1926, p. 34).
(4) MÛNDOLFO,loc. cit., p. 61-62.
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à une solution plus satisfaisante que celles qui ont été trouvées
antérieurement, et telle qu'elle puisse constituer un point d'ap-
pui solide pour des recherches ultérieures (1).
A dire vrai, peut-être n'est-ce pas bien là toute la question.
Il ne suffit pas, en effet, d'enregistrer les échecs et de vouloir
passer outre. Dans pareils cas une question préjudicielle doit
être posée et ne peut pas ne pas se poser : celle de la raison
même de ces échecs. Le besoin de l' «auto-critique » la plus
rigoureuse s'impose aux chercheurs. Il est de toute évidence
nécessaire de déceler la racine de ses échecs pour les surmonter,
de découvrir les sources des contradictions et des divergences
dont font état les critiques eux-mêmes en prolongeant ainsi
jusqu'à nous le caractère hétérogène des témoignages immé-
diats.
C'est dans cet esprit que nous avons entendu l'avertissement
de Stenzel qui sert d'exergue à ce travail. La large vue d'en-
semble des difficultés dont il est question ne mettra pas seule-
ment en doute des résultats déjà acquis; même si elle éloigne
la solution, elle ne cessera pas pour autant de guider nos pas,
soit en nous écartant des faux problèmes et des fausses routes,
soit en nous aiguillant vers des voies moins risquées et plus
fécondes.
Il serait trop long de dresser la liste complète des interpré-
tations du sens «véritable » du socratisme proposées au long du
temps (2), mais il est réconfortant de constater que de cette
multiplicité se dégagent certaines données éclaircissantes. C'est
qu'en dépit des contradictions multiples qui semblent écarter à
jamais la possibilité d'un consensus omnium, en dépit de nom-
breux échecs aujourd'hui évidents, l'historien de la question
socratique n'est pas forcé d'admettre qu'il se trouve dans la
situation «d'un joueur d'échecs qui continue à déplacer ses pièces
alors qu'il est déjà mat ».
Si les démarches le plus souvent tentées sont devenues impos-
sibles ou du moins inefficaces, la sagesse conseille un δεύτερος
πλοῦς (3) que le Socrate platonicien n'eût peut-être pas désa-
voué. Et c'est bien l'intention de notre tentative. Nous nous
proposons d'étudier chacune des sources prises à part pour
(1) Ibid., p. 61-62.
(2) Voir par exemple l'analyse qu'A. HOFFMANN a donné des difficultés
des diverses conceptions de Socrate, dans Zum Problem der Sokratesdar-
stellung, addition à la Gesch. der Philos., de GERCKE (Einleitung i. d. Alter-
tumswissens., hrsg. V. A. Gercke, u. Ed. Norden, II, 64, Leipzig, 1936).
(3) Cf. Phédon, 99 d.
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en déterminer séparément le degré probable d'historicité. Renon-


çant dès l'abord à les accorder toutes, comme aussi à les super-
poser éclectiquement dans un assemblage factice et hybride (1),
nous devrons plutôt essayer de dégager les différentes images
dans leur diversité même, car chacune nous propose de Socrate
un visage qui a été tenu pour vrai. Et que l'on en convienne :
ils le sont d'une certaine façon. La vérité de chacun d'eux tient
à ce qu'il a joué un rôle historique qu'on aurait tort de mécon-
naître. Si les différentes sources ne s'accordent point à nous
présenter un seul visage de Socrate qui soit le Socrate authen-
tiquement vrai, le Socrate qui a réellement existé en chair et en
sang, elles s'accordent toutes néanmoins, par le fail même de leur
variété, avec toutes les contradictions qui leur sont propres, à
témoigner qu'un événement historique d'une portée suffisam-
ment grande pour s'être répercuté de façon peu usuelle — tra-
duite littérairement avec ampleur — s'est produit en Grèce
pendant une assez longue période (2). Si, ce qui n'est pas prouvé
au départ, la personnalité réelle de Socrate nous échappe, la cri-

(1) C'est aussi ce que, dans une certaine mesure, vient de reconnaître
M. Olof Gigon, lorsqu'il écrit : «Es ist noch kein Bild des Sokrates gezeichnet
worden, das ernsthaft hatte beanspruchen dùrfen, geschichtlich getreu oder
gar endgültig zu sein. Von nahezu jeder Aussage über Sokrates lâsst sich
mit guten Gründen auch das Gegenteil behaupten. Jede scheinbar klar
umrissene Darstellung des Sokrates, seines Lebens und seiner Lehre ist
bei nâherem Hinsehen erkauft umden Preis rücksichtsloser Beseitigung oder
Bagatellisierung einer ganzen Reihe von Zeugnissen, die ohne Widerspruch
nicht einsbezogen werden kônnten » (Sokrates. Sein Bild in Dichlung u.
Gesch., Bern, 1947, p. 12-13).
(2) L'ouvrage d'ensemble qui étudierait les différentes sortes de légendes
qui perpétuent le nom de Socrate n'est malheureusement pas encore écrit.
Dans son Aischines von Sphettos, Studien zur Literaturgesch. der Sokratiker,
Berlin, 1912, où les critiques du «cas Socrate »ont tant à apprendre, H. DITT-
MARnous donne néanmoins des renseignements très précieux sur d'importants
aspects. Cependant l'ouvrage d'E. DUPRÉEL,La Légendesocratique, Bruxelles,
1922, qu'il convient dorénavant de rapprocher de celui beaucoup plus
nuancé d'O. GIGON, Sokrates. Sein Bild in Dichlung u. Gesch., Bern, 1947,
appelle les plus expresses réserves. Voir encore quelques indications sommai-
rement exquissées dans notre Socrate et la légende platonicienne, ch. 1. Notons
à ce propos que ZELLERreleva avec soin les passages d'auteurs anciens posté-
rieurs aux socratiques où l'on trouve des traits et des anecdotes qui, sur
plusieurs points, sont en accord parfait avec les portraits idéalisés de Socrate
fixés par les disciples : Philos. der Griechen, II, J5, 1922, p. 67. Outre l'étude
de G. C. FIELD dans Plato and his Contemporaries2, Oxford, 1948, p. 214-
238, voir les références rassemblées dans l'appendice Doxographia socratica,
(in Socrate et la légende platonicienne), concernant les écrivains anciens qui
dans la période post-aristotélicienne se sont plus ou moins occupés de
Socrate. -
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tique a encore à faire avec le socratisme, mouvement aux actes


et aux visages très divers.
Le problème cesse par là d'être une question isolée. En reliant
l'étude du fait Socrate à l'analyse du complexe que fut le phé-
nomène à la fois philosophique, pédagogique, politique et social
du socratisme, en subordonnant celui-ci, par l'intersection d'en-
quêtes multiples et diverses, aux données réelles et générales
des conditions du lieu et du temps, du milieu lolal au sein
duquel il est né et s'est développé, la question socratique se
trouve de la sorte replacée dans le processus de l'histoire et
devient d'une façon concrète, dans le cadre d'une situation
déterminée, un problème d'histoire relevant en premier lieu,
certes, d'une discussion détaillée des sources, et non pas seu-
lement des majeures; mais relevant aussi et surtout, par-delà
les minuties de l'érudition (1), de la reconstitution d'un courant
important d'action et de pensée qui, en dépit des formes par-
ticulières, souvent divergentes, qu'il a prises, joua un rôle
déterminant non seulement dans l'histoire antique, mais aussi
dans la constitution d'une tradition idéologique qui, de nos
jours encore, n'a pas entièrement disparu.
Pour se représenter l'importance de l'événement que fut
Socrate, il faut savoir ce qu'est devenue sa pensée dans les
rameaux les plus vigoureux du socratisme, il faut mesurer à
sa juste valeur l'étendue et la teneur des mouvements qui sont
nés de lui. Ainsi le problème du Socrale hislorique devient dans
toute son ampleur le problème historique du socralisme; ce qui
redonne alors un sens précis et efficace aux efforts de l'histo-
rien, d'apparence désespérés.
- Le débat renaît, mais il n'est plus le même.

Au demeurant, un point semble désormais acquis : tout ou


presque tout ce qui a trait à Socrate est un sujet de discussion. Ce
qui demeure attesté, c'est que les points sur lesquels il a été pos-

(1) Que pour l'essentiel la présente étude s'en tienne à l'humble détail
de ces minuties de l'érudition historique n'enlève rien à ce que nous venons de
dire. Pour l'instant nous n'en sommes qu'au premier stade de nos recherches.
Il y a peut-être lieu de rappeler ici ces paroles de Romain Rolland que nous
avons citées par ailleurs : «Lorsque nous serons au terme, vous jugerez ce
que valait notre effort. Comme dit un vieux proverbe : «La fin loue la vie,
«et le soir le jour. »HEGEL a eu déjà beau jeu de dénoncer les risques de
l'érudition historiciste : voir notamment Werke, vol. I, p. 168; vol. XIII,
p. 9, 23 et suiv., 53, 168. Comp. L. ROBIN, La Pensée grecque el les origines
de la pensée scientifique, nouv. éd., Paris, 1948, p. 4.
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sible d'établir une communauté de vues sont très peu nombreux.


Un doute pèse encore sur les faits les plus saillants de sa
biographie et sur les traits essentiels de son caractère, mais
le principe d'orientation de sa pensée est également un motif
de discussion. Les critiques n'ont pas encore décidé si dans toute
sa vie il ne s'est occupé que des questions morales, si à quelque
moment il fut athée et s'il fut condamné en tant que tel; si
par ailleurs il se trouve dans Socrate des traces de profonde et
sincère religiosité : on ne sait pas au juste quelle représenta-
tion il se faisait des fins dernières (1), et nous ne sommes
pas autrement fixés sur la vraie nature et l'exacte signification
de son δαιόνιον (2). On reste toujours rêveur à la seule

(1) On a beaucoup étudié Socrate devant le problème de la mort. Indi-


quons seulement, parmi les travaux récents : P. DUNCAN, Immortality of
the Soul in the Platonic Dialogues and Aristotle, in Philosophy, XVIII,
68, 1942, p. 304-323. R. GUARDlNI,Der Tod des Sokrales. Eine Interpre-
tation der platon. Schriften Euthyphron, Apologie, Kriton u. Phaidon, Godes-
berg, 1947. En dernier lieu, voir E. DE STRYCKER, Socrate et l'au-delà
d'après l'Apol. platonicienne, in Les Études classiques, XVIII, n° 3, Namur,
1950, p. 269-284, pour qui, en substance, « les réserves de ]'Apologie ne
portent pas sur la doctrine même de l'immortalité, mais sur la valeur des
traditions imagées qui décrivent l'autre vie » (p: 28). La conjecture selon
laquelle Socrate a cru véritablement à une survie après la mort a été
soutenue tout récemment encore par E. EHNMARK dans l'étude : Socrates
and the Immortality of the Soul, publiée dans Eranos Rud., Gôteborg,
1946, p. 105-122. La même vue avait naguère été soutenue notamment
par Ch. A. BRANDIS, Gesch. der Entwicklung der griech. Philos., Berlin,
1862, p. 244. Par contre, on se souvient que, pour V. BROCHARD (dans Le
Devenir dans la philosophie de Platon, en collab. avec L. DAURIAC, in
Biblio. Cong. Philosophie, IV, 1, 1900, réimp. dans Êtud. de philosophie
ancienne et de philoso-phie moderne2, Paris, 1926, p. 102), «il y a tout lieu de
penser que les doutes prêtés [dans l'Apologie] à Socrate, au Socrate de
l'histoire, ne lui ont pas été prêtés gratuitement ».Pour plus de précisions
sur l'attitude à l'égard de la mort dans Phéd., 68 a, ainsi que sur les
rapports entre epwç et γάμος, voir en particulier J. MEWALDT, Liebestod
bei Platon, in Anzeiger d. Akad. d. Wissens. in Wien, LXXX, 1943, p. 85-
97. Sur tout ce qui précède, sont encore à consulter les ouvrages mentionnés
à propos des notions de l'âme et de l'immortalité de l'âme : voir plus
bas, p. 51-54, 59-60.
(2) Pour les différents cas d'intervention du démon rapportés par Pla-
ton et Xénophon, voir pour le premier : Apol., 31 c et suiv. (cf. 27 c et
suiv., 40 a et suiv.; Euthyd., 272 e et suiv.; Euthyph., 3 b-c; Rep., 496 c;
Alcib. I, 103 a, 105 d et suiv., 124 c; 127 e; Théél., 151 a; Phèdre, 242 b-c;
pour le second, on retiendra : Mém., I, 1, 2 et suiv., 4, 14 et suiv.; IV, 3,
12, 13; 8, 1et suiv.; 13, 12; Banq., VIII, 5; Apol., 4 et suiv., 12 et suiv.
Parmi les nombreux textes anciens ultérieurs sur le 8oapi6vtov de Socrate,
nous ne retiendrons ici, outre la première lettre pseudo-socratique, que :
PLUTARQUE, Ilepl TOUΣωϰράτους δαιμονίυ (cf. H. POURRAT, Le Sage
et son Démon, précédé de « Le Démon de Socrate » de Plutarque, trad.
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idée de vouloir atteindre le fond de son enseignement — s'il


en fit (1). Et on n'est pas plus assuré de savoir comment se
posent en termes réels ses rapports avec les grands courants
intellectuels de l'époque : la tragédie, le naturalisme et la sophis-
tique (2), ni quelle solution devrait recevoir le problème de
d'Ed. des Places, Paris, 1950). CICÉRON, Divin, I. APULÉE, De deo Socralis.
Maxime DE TYR, Ilepl TOU Σωϰράτους δαιμονίου. PROCLUS, In Platoni
primum Alcib. OLYMPIODORE, In primum Alcib. Cf. De Socratis daemonio
quae antiquis temporibus fuerint opiniones, in Comm. philol. Jenens, VIII,
2, Leipzig, 1909, p. 125-183. ZELLER, Philos. d. Griech., II, J6, 1922, p. 80.
Th. GOMPERZ, Griech. Denker, IP, Leipzig, 1912, p. 70 et suiv. Voir plus
bas p. 45.
(1) Voir PLATON, Apol., 33 a : èycô 8g διδάσϰαλος (xèv οὐδενὸς n&rtor'
ἐγενόμην; cf. Lachès, 186 c, 200 a-201 c; Rép., 338 b; Théét., 151 b et suiv.
Comp. ESCHINE, XIXt 8rj xal èyà> oùSèv μάθημα ἐπισιτάμενος, 8 διδάξας &v-
θρωπον ὠϕελήσαιμ᾽ àv, oacoç ξυνὼν av ἐϰείνῳ 8ttX Tà èpav βελτίω
rongeai (JEschines Socratis reliquiis, ed. et comm. instr. H. Krauss, Leipzig,
1911, fr. 4. ARISTIDE, Or., XLVI). Le caractère savant et ascétique du
cercle qui s'est constitué autour de Socrate a été souvent mis en évidence;
voir sur tout ceci H. GOMPERZ, Die sokratische Frage als geschichtliches
Problem, in Hist. Zeilschrift, CXXIX, 3, Wien, 1924, p. 377-423. Quelques
traits marquants de la communauté socratique ont été étudiés en rapport
avec les données des saillies aristophanesques, notamment par J. BURNET,
Plato's Phaedo, Oxford, 1911, mais surtout par A. E. TAYLOR, The ϕροντισ-
TTjpiov, in Varia Socratica, Oxford, 1911, p. 129-177, auxquels il faut joindre
une curieuse page de BURNET (dans Philos., apud The Legacg of Greece 7,
ed. Livingstone, Oxford, 1942, p. 74) dans laquelle, et contre la tendance
générale de ses recherches socratiques (cf. aussi p. 61), il fait appel aux
Mém. (I, 6) pour corroborer Aristophane; rapprocher encore de BURNET,
Plalonism, Berkeley, 1928, p. 23-24. Sur la nature du cercle socratique,
voir aussi des indications partielles dans l'appréciation donnée par
G. C. FIELD, Plato and his Conlemporaries2, London, 1948, p. 8-11. Pour
situer Socrate par rapport à l'histoire de l'activité scolaire philosophique
en Grèce, voir WILAMOWITZ, Antigonos von Karystos, Berlin, 1881, sp.
p. 263 et suiv. E. HEITZ, Die Philosophenschulen Athens, in Deutsche Rev.,
1884, p. 326 et suiv. H. DIELS, Ueber die âltesten Philosophenschulen der
Griechen, apud Philos. Aufsdtze zum Jubildum Zellers, Leipzig, 1886, p. 241
et suiv. (cf. p. 257 l'attribution, fondée dans Mém., III, 14, 1, 4, 5, à l'école
socratique de l'institution du repas en commun; rapprocher ZELLER, Philos.
der Griechen, II, 15, 1922, p. 62). H. USENER, Die Organisation d. wissens.
Arbeit, in Vorlrdge u. Aufsdtze, Leipzig, 1907, p. 69-102. Consulter encore,
pour de plus amples détails sur l'Académie platonicienne et les autres écoles
qui se réclament de Socrate, l'Appendice du présent ouvrage.
(2) a) Socrate et la tragédie : à notre connaissance ce sujet n'a pas encore
i fait l'objet d'une étude systématique. Le plus souvent il ne fut effleuré
qu'à propos d'Euripide. Pour la question prise en général, voir les ouvrages
d'ensemble sur la tragédie, mentionnés page 338, mais en particulier
W. SCHMID, Gesch. der griech. Literatur, I, 3, apud Handb. Altert., VII,
1, 3, München, 1940, p. 263, 281 et suiv. (sur Socrate et Euripide, voyez
sp. p. 263, 275, 316, 324, 461, 693, 824, 858). Sur l'hostilité de Socrate
envers la tragédie, voir ARISTOPHANE, Grenouilles, v. 1491-1495. D'après
une tradition fondée sur des textes d'auteurs comiques (Aristophane,
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Suite de la note 2 de la page 15


fr. 376 K; cf. Gren., v. 1491; Teleclide, fr. 39, 40 K) et r é p a n d u e — cita-
tions à l ' a p p u i — p a r Diog. LAËRCE (II, 18), Euripide, p o u r sa Welt-
anschauung, ne fut q u ' u n écho de la pensée propre de Socrate; Mnésilochus
et Callias en particulier font du philosophe le m a î t r e et le collaborateur
assidu du poète tragique. On se souvient, à ce propos, que W. NESTLE
nous a d o n n é des analyses fort intéressantes sur le point de vue philoso-
p h i q u e proposé p a r Euripide : Euripides, der Dichter der griech. Aujklarung,
S t u t t g a r t , 1901, et Die philos. Quellen d. Euripides, Leipzig, 1902; comp.
aussi du même, Die E n t w i c k l u n g d. griech. A u f k l â r u n g bis auf Sokrates,
in Neue J a h r b . , IV, 1899, p. 177-203 ( = Griech. Weltanschauung, S t u t t -
gart, 1946, p. 13 et suiv.), Politik u. A u l k l d r u n g in Griechenland im A u s -
gang des 5. J a h r b . v. Ch., ibid., 1909, p. 1 et suiv. ( = Griech. Well., p. 92
et suiv.), et, en dernier lieu, Vom Mythos zum Logos2, S t u t t g a r t , 1942,
p. 496-503, auxquels il f a u t joindre ZELLER-NESTLE, Philos. der Griechen, 16,
p. 1456 et suiv. Le lecteur y t r o u v e r a des vues équitables et mesurées sur le
problème maintes fois soulevé des relations entre Socrate et Euripide qu'il
y a u r a i t t a n t d ' i n t é r ê t p o u r nous à bien connaître. Voir encore K. SCHENKL,
Die politischen A n s c h a u u n g e n d. Eurip., in Zeilschrift t. ôsterreich. Gymna-
sien, X I I , Wien, 1862. E. KOHLER, Die Philos. d. E u r i p . , I : Anaxagoras
u. E u r i p . , Bôkeb., 1873. WILAMOWITZ, Einleitung i. d. Tragôdie, a p u d E u r i -
pides Herakles, Berlin, 1889 (zweite Bearb., Berlin, 1930). et Griech. Tra-
gôdie, IV, 1923, p. 367 et suiv. P. DECHARME, E u r i p i d e et l'esprit de son
théâtre, Paris, 1893. E. ROHDE, Psyche, I P , 1903, p. 247 et suiv. A. W. VER-
RALL, E u r i p i d e s the Ralionalist, Cambridge, 1905. P. MASQUERAY, E u r i p i d e
et ses idées, Paris, 1908. J . BAUMANN, Neues zu Sokrates, Aristoteles, E u r i -
pides, Leipzig, 1912. Max POHLENZ, A u s Platos Werdezeit, Berlin, 1914,
p. 154. E. DUPRÉEL, L a Légende socratique et les sources de Platon, Bruxelles,
1922, p. 412-413. A. LEVI, Le idee religiose di Euripide e la sua concezione
della vita, in Rendi. 7. Lomb., S. II, L X I I , 1929, p. 909-919. G. MURRAY,
E u r i p i d e s a n d his Age 10, London, 1937, sp. p. 45-59. W. JAEGER, Paideia,
11, Oxford, 1946, p. 332-357 (cf. p. 479-481), et W. ZURCHER, Die Darstellung
d. Menschen in D r a m a d. E u r i p . , Basel, 1947. A noter, enfin, Bruno SNELL,
Das früheste Zeugniss über Sokrates, in Phil., XCVI, 1948, p. 125-134,
sur des allusions au socratisme dans EURIPIDE (en particulier Médée, 1077
et suiv., et Hippolyte, 380 et suiv.). P o u r les fragments d'Euripide, voir
A. NAUCK, F r a g m . Tragic. Graec.2, Leipzig, 1889, et H. VON ARNIM, Supple-
mentum Euripideum, Bonn, 1912.
b) Socrate et la recherche scientifique : question qui n ' a pas cessé de sou-
lever de vives disputes. Sources immédiates : les loci classici se t r o u v e n t
chez PLATON, Apol., 19 c, 26 d; Phéd., 96 a-l00 a; chez XÉNOPHON, Mém.,
I, 1, 11; IV, 7, 2-8 (cf. IV, 2, 24 et suiv.); chez ARISTOTE, Metaph., A 6,
987 b 1-2. E n dépit de l'opinion la plus suivie selon laquelle on ne doit
accorder la moindre créance au Socrate d'Aristophane, la comédie des
Nuées t i e n t ici sa place (cf. les Scholia). Des témoignages postérieurs a u x
socratiques et à Aristote o n t contribué particulièrement à répandre cette
idée selon laquelle Socrate ne se serait j a m a i s adonné aux recherches phy-
siques : entre autres, Démétrius de Byzance a p u d DIOG. LAËRCE, II, 21.
CICÉRON, Tusc. disp., V, 4, 10; Acad., I, 4, 15; II, 39, 123; Rep., I, 10; De
fin., V, 29, 87. SÉNÈQUE, Ep., 71, 7; SEXTUS EMPIRICUS, Adv. Math., V I I ,
8 et suiv.). AULU-GELLE, Noct. ait., X I V , 6, 5 (références relevées
p a r ZELLER, Philos. der Griechen, II, J5, 1922, p. 134). Sur le
problème qui nous occupe, trois questions se t r o u v e n t être singulière-
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Suite de la note 2 de la page 15. -


ment arides et délicates : primo, celle des concordances et discordances
des témoignages (notamment entre des passages du Phédon et des Nuées,
de l'Apol. et du Phéd., du Phéd. et de la Métaph., et même entre diffé
rents passages des Mém.; secundo, toutes sortes de difficultés soulevées
par l'exégèse de ce qu'on appelle communément «le récit auto-biogra-
phique du Phéd. », au nombre desquelles se trouve la question épineuse
entre toutes de la réaction de Socrate à l'œuvre d'Anaxagore; tertio, l'his-
toricité des traits scientifiques mis sur le compte de Socrate dans les
Nuées. Ce n'est pas ici notre affaire d'examiner le fond du problème. De
toute façon, il apparaît que c'est peut-être sur ce sujet que se font jour
le plus de contradictions et de divergences. Les travaux dans ce domaine
sont nombreux. Nous nous bornons à un bref rappel. Sur l'état antérièur
de l'ensemble du problème, nous détachons, pour leur importance : A. BOECK,
De Socratis rerum physicarum studio, Berolino, 1838 (réimp. dans Kleine
Schriften, IV, Berlin, 1874, p. 430-436). F. SCHLEIERMACHER, Gesamm.
Werke, III, 2, Berlin, 1838, p. 305-307. Ch. A. BRANDIS, Handb. der Gesch.
der griech. rômischen Philos., II, p. 34 et suiv., et Die Entwicklung d. griech.
Philos., I, Berlin, 1862, p. 236. H. RITTER, Gesch. d. Philos., II, Hamburg,
p. 48 et suiv., 64 et suiv. E. ALBERTI, Sokrates, Gôttingen, 1869, p. 13 et
suiv., 93 et suiv., 98 et suiv. ZELLER, Philos. d. Griechen, II, 15, 1922, p. 49-
52, 132-141. Th. GOMPERZ, Griech. Denker, 113, Leipzig, 1912, p. 72 et suiv.
E. BOUTROUX, Socrate fondateur de la science morale, in Êtud. d'hist.
de la philosophie4, Paris, 1925, p. 19-27, 35-36. Pour ce qui est des publi-
cations plus récentes, sont à retenir, entre autres : sur l'intérêt du Socrate
première-manière pour les sciences de son temps, surtout J. BURNET, Plato's
Phaedo, Oxford '(19111), 1937, p. XXXVII-XLII et ad 96 a et suiv.; Early
Greek Philos.3, London, 1920, p. 361 (cf. p. 31); Plato's Euthyphro, Apology
and Crito, Oxford, 1924, p. 91; Platonism, Berkeley, 1928, p. 23-24, 38.
A. E. TAYLOR, Varia Socratica, Oxford, 1911, sp. p. 129 et suiv.; Socrales,
London, 1935, et A. D. WINSPEAR-T. SILVERBERG, Who was Socrales?
New-York, 1939; cf. cependant A. CHIAPELLI, Il naturalismo di Socrate
e le prime Nubi di Aristofane, in Rendi. Accad. Lincei, 1886, p. 284-302,
et Nuove ricerche sul naturalismo di Socrate, in Archiv G. Philos., IV, 1891,
p. 369-413. Par contre, dans la dernière édition de Philos. der Griechen rédigée
de sa main, ZELLERtient ferme que même dans sa jeunesse Socrate ne s'est
jamais appliqué à l'étude de la nature (II, 14, 1889, p. 132-141). Le texte
essentiel auquel se heurte la conjecture zellérienne et auquel Taylor et
Burnet accordèrent depuis le mieux de leur attention est évidemment celui
du Phéd., 96 a et suiv. Et on sait à quelles discussions a donné lieu la ques-
tion de savoir si l'on doit ici ajouter foi au récit platonicien : on peut consul-
ter, pour connaître les difficultés qu'il faut essayer de résoudre, les auteurs
qui ont le plus vivement combattu la thèse de l'historicité du Socrate de
Platon (voir le relevé des références dans notre Socrate et la légende plato-
nicienne, p. 31-32; rappelons ici néanmoins R. HACKFORTH, The Compo-
sition o/ Plato's Apol., Cambridge, 1933, p. 147-171, et A. K. ROGERS, The
Socratic Problem, New Haven, 1933, p. 82-113. Nous reparlerons encore
de ces discussions et de la représentation que nous nous sommes faite du
texte platonicien en question. Pour le moment, notons qu'au problème que
pose l'interprétation du passage cité plus haut sont consacrés en particu-
lier les travaux suivants : W. J. GOODRICH, On «Phaed. »,96 A-102 A, and
on the ∆εύτερος TCXOUÇ, 99 D, in Class. Rev., XVII, 1903, p. 381-384.
N. R. MURPHY, Aeûrepoç πλοῦς in the Phaed., in Class. Quart., XXX,
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Suite de la noie 2 de la page 15.


1936. R. VAN POTTELBERGH, De sokratische zoekmethode volgens Platoons
Phaidoon, 101 D, in R. Phil. Hist., 1944, p. 236-245. On consultera aussi
avec fruit : R. HIRZEL, Der Dialog, I, Berlin, 1896, p. 232 et suiv. TAYLOR,
Philos. Studies, London, 1934, p. 34 et suiv., et C. J. DE VOGEL, Een Keer-
punt in Plat08 Denken, Amsterdam, 1936, p. 49-55. Ici, il faut se souvenir
encore, comme on le sait, de la question qui a fait couler beaucoup d'encre
des rapports de Socrate et d'Anaxagore (retenir notamment le thème de
la confrontation du voijç anaxagoréen et de la socratique qui mérite
réflexion; se rappeler aussi le rapprochement institué par P. TANNERY entre
les espèces d'Anaxagore et les εἴδη socratico-platoniciennes : Pour l'hisl.
de la science hellène2, Paris, 1930, p. 301-302 : « Mais si la théorie des
Idées est incontestablement une création originale, où trouvera-t-on dans
les doctrines antérieures quelque chose qui en soit réellement plus voisin
que la conception d'Anaxagore? » et encore : « La doctrine d'Anaxagore [...]
aboutit naturellement à la constitution de la théorie des Idées platoni-
ciennes »). Les sources, on se le rappelle, se trouvent dans PLATON, Apol.,
26 d, et surtout dans le Phéd., 96 c et suiv.; cf. cependant Gorg., 465 d;
Crat., 400 a, 409 a et suiv., 413 c; Grand Hippias, 281 c, 283 a; Lois, 967 b-d.
XÉNOPHON, Mém. IV, 7, 6. Outre les commentaires dans les éditions cri-
tiques de ces dialogues ad. loc. et dans les travaux concernant Anaxagore
(voir la bibliographie), indiquons seulement : E. ALBERTI, Sokrales, Gôt-
tingen, 1869, p. 13 et suiv. Ed. ZELLER, Philos. der Griechen, II, J5, 1922,
sp. p. 49-51, 132-140. H. MAIER, Sokrales, Tübingen, 1913, p. 157 et suiv.,
431 et suiv.). L. R. SHERO, Apology, 26 D-E, and the Writings of Anaxa-
goras, in Class. Weekly, XXXV, 1941-1942, p. 219-220. — Il va de soi,
d'ailleurs, qu'il faudrait approfondir, dans la mesure des matériaux dispo-
nibles, la question des rapports de Socrate avec chacun des autres grands
penseurs d'inspiration naturaliste. A ce propos, notons en passant quel-
ques brèves indications : 1° Socrate et Héraclite : Crat., 440 b-d; Théét.,
160 d-e; comp. DIOG. LAËRCE, II, 22; IX, Il (voir ZELLER, op. cit., II, 1°,
1922, p. 49 et suiv.); cf. le passage de Démétrius rapporté par DIOG. LAËRCE,
IX, 37. 2° Socrate et Empédocle : voir notamment A. FOUILLÉE, La Phi-
losophie de Socrate, I, Paris, 1874, p. 59-60. E. BIGNONE, Empedocle, Torino,
1916, p. 660 et suiv. J. BURNET, Early Greek Philos.3, London, 1920, p. 203
(cf. Plato's Phaedo, Oxford, 1937, ad 96 b 4). 3° Socrate, Zénon et Par-
ménide : le locus classicus est évidemment le début du Parm. Outre le
problème des liens qui rattachent la doctrine de Socrate à celle des éléates
(sans oublier les problèmes soulevés par le socratisme-éléatique des méga-
riques), la question se pose toujours de la rencontre éventuelle de Socrate
avec Zénon et Parménide, ce qui est un des points les plus délicats de
l'historicité du Socrate de Platon. Ce sujet demande à être examiné de
près. Nous ne pouvons le faire ici; voir dans Aristophane et le Socrale
historique notre pensée sur ce point. Le problème de leur rencontre fut
examiné dans le détail par A. E. TAYLOR, Parmenides, Zeno and Socrates,
in Proceed. Arist., N. S. XIV, 1915-1916, p. 234-289 (= Philos. Studies,
London, 1934, p. 28-90), et Note on the Historical Situation assumed
in the « Parmenides », apud The Parm. o/ Plato, Oxford, 1934, p. 124-
128 (cf. p. 6). Selon J. BURNET (Early Greek Philos.3, London, 1920,
p. 256), la véracité de la rencontre se trouve confirmée par un fait signi-
ficatif: « The well-known passage of the Phaedo (97 b 8 sqq.) distinctly
implies that Anaxagoras had left Athens when Sokrates was still quite
young. He hears of his doctrine only at second hand (from Archelaos?) and
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Suite de la note 2 de la page 15.


he at once procures the book of Anaxagoras and reads it. If Anaxagoras
had still been at Athens, it would have been a simple matter for Sokrates
to seek him out and question him, and it would have made an excellent
subject for a platonic dialogue. The fact thaï Plato does ma/ce Sokrates
meet Parmenides and Zeno and does not make him meet Anaxagoras is
clearly significant. » Cf. p. 169, 311. Le passage est souligné par nous.
De Burnet, voir encore : Greek Philos. Thales to Plato.5, London, 1932,
p. 133 et suiv.; cf. p. 82 et suiv. 4° Socrate et Démocrite : faute de maté-
riaux pour l'examen des rapports de ces deux penseurs, l'étude reste à faire
de la confrontation des conceptions morales socratiques et démocritéennes;
pour connaître les aspects de l'éthique de Démocrite qui peuvent être mis
enrapport avec la pensée communément attribuée à Socrate dans ce domaine,
sont à consulter, en plus des ouvrages d'ensemble portant sur l'histoire de la
morale grecque (de Leop. Schmid, Th. Ziegler, M. Heinze, Heinrich Gomperz,
Max Wundt, O. Dittrich, E. Howald) : Fr. LÔRTZING, Ueber die ethischen
Fragmente des Demokritos, Berlin, 1873. R. HIRZEL, Unters. zu Ciceros phi-
los. Schriften, Leipzig, 1877, 1883, et Demokritos ethische Hauptschrift
Ilepl εὐθυμίας aus Seneca «De tranquill. anima »rekonstruiert, in Hermes,
XIV, 1879, p. 354 et suiv. F. KERN,Ueber Demok. von Abdera u. d. Anfange
der griechischen Moralphilos., in Zeitschrift /. Philos., 1880, p. 1 et suiv.
M. HEINZE, Der Eudamonismus i. d. griech. Philos., 1883, ch. IV. W. KAHL,
Demok. in Ciceros philos. Schriften, 1889. P. NATORP, Die Ethica des Demok.
Text. u. Unters., Marburg, 1893 (cf. Forschungen zur Gesch. des Erkennt-
nissproblems im Altertum, Berlin, 1884, p. 164-208, et Demokrit-Spuren bei
Plato, in Archiv G. Philos., III, 1890, p. 515-531). Karl VORLANDER, in
Zeitschr. für Philos., 1896, p. 253 èt suiv. J. FERBER, Ueber die wissens.
Bedeutung der Ethik Demokrits, ibid., 1908, p. 82 et suiv. A. DYROFF, Demo-
kritstudien, 'München, 1899. H. LAUE, De Democriti fragmentis ethicis, Gôt-
tingen, 1921. W. WINDELBAND et A. GOEDEKEMEYER, Gesch. der abend-
ldndischen Philos. im Altertum4 (apud lIandb. Altert., V, 1, 1), München,
1923, p. 81 et suiv., mais surtout p. 87-90. F. ENRIQUES et DE SANTILLANA,
Stor. del pensiero scientifico, I, Milano, 1932, p. 192 et suiv. (cf. p. 184 et
suiv.). H. LANGERBECK, ∆όξις ἐπιρυσμίη Studien zu Demokrits Ethik u.
Erkenntnislehre, Berlin, 1935. V. E. ALFIERI, Gli atomisti. trammenti e testi-
monianze, Bari, 1936, p. 54-55, 180 et suiv., et passim. R. MONDOLFO,
Moralistas Griegos, Buenos-Aires, 1941, passim (par exemple 49-57, 116-
118, 130-134). L. A. STELA, Valore e posizione storica dell'etica di Demo-
crito, in Soph., X, 1942, p. 207-258 et, enfin, G. VLASTOS, Ethics and Phy-
sics in Democritus, in Philos. Rev., LIV, 1945, p. 578-592; LV, 1946, p. 53-
64. Il faut sans doute rapprocher, pour d'autres détails sur des questions
avoisinantes, les travaux qu'instituent la confrontation des conceptions
philosophiques démocritéennes et platoniciennes prises en général; voir
les références bibliographiques, p. 281. Mais il serait intéressant également
d'étudier à ce sujet la contamination entre la pensée de Protagoras et
celle de Démocrite, évoquée par V. BROCHARDdans un important chapitre
des Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne2, Paris, 1926,
p. 23-33; cf. ZELLER, Philos, d. Griecll., I4, p. 1053, et WILAMOWITZ,Platon,
I4, Berlin, 1948, p. 56. A noter aussi qu'on a déjà relevé les ressemblances
entre l'hédonisme des socratiques de Cyrène et les théories morales de
Démocrite. Pour des questions chronologiques ayant trait aux rapports de
Socrate et de Démocrite, cf. Aurelio COVOTTI, 1 Presocratici, Napoli, 1934,
p. 285 et suiv. —Les fragments éthiques de Démocrite, réunis d'abord par
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Suite de la note 2 de la page 15.


Valentin Rose, sont désormais accessibles dans DIELS-KRANZ, Vorsokr., et
en dernier lieu, dans F. ENRIQUES et M. MAZZIOTTI,Le doltrine di Democrilo
d'Abdera, lesti e commenti, Bologna, 1948; cf. pour la trad. des textes et
des témoignages surtout V. E. ALFIERI, op. cit., et W. CAPELLE,Die Vorso-
kratilcer, Stuttgart, 1940. 5° Tout particulièrement, en ce qui concerne les
rapports de Socrate avec la médecine, il faut se souvenir de nombreux et
très importants passages des Dialogues : voir entre autres les textes relevés
par H. MAIER, Sokrates, Tübingen, 1913, p. 180-181. La question est traitée
dans l'ouvrage riche en vues intéressantes et souvent neuves de H. NOHI,,
Sokrales u. d. Ethik, Leipzig, 1904, p. 33-51 ainsi que dans les Varia Socra-
tica, de- TAYLOR, Oxford, 1911, p. 77 et suiv. et dans Platon u. d. Medizin,
d'E. HOFFMANN apud ZELLER,Philos. der Griechen, II, 1", 1922, sp. p. 1074-
1076 et 1085-1086. Mais il y a encore lieu de rappeler l'importante intro-
duction mise en tête de l'édition des œuvres hippocratiques deW. H. S. Joncs
pour la collection Lœb. Il est évident qu'il faudra envisager cette question
en rapport avec celle de la place que tient la médecine dans les œuvres
de Platon. Sur ce point, voir notamment l'étude de M. Paul KUCHARSKI,Lu
«Méthode hippocratique »dans le «Phèdre », in REG, LII, n° 245, 1939,
p. 301-357; à retenir encore les travaux de Max POHLENZ et d'E. HOFF-
MANN, Platon u. d. Medizin, dans Hermès, LUI, 1918, p. 405 et suiv.,
et dans Sokr. Zeit., VIII, 1920, p. 301 et suiv. (cf. HOFFMANN apud ZELLER,
Philos, d. Griechen, II, l5, Leipzig, 1922, p. 1070-1086), ainsi que celui
de Walter KRANZ, Platon über Hippocrates, in Phil., 96, 1944, p. 193-
200. W. JAEGER revient mainte et mainte fois sur ce thème dans Paideia,
II et III, New-York, 1943-1944 (voir les index). Citons encore : F. POSCHEN-
RIEDER, Die platon. Dialoge in ihrem Verhaltnis zu den hippokr. Schriften,
Landshut, 1882. A. KEUS, Ueber philos. Begriffe u. Theorien i. d. hippokr.
Schriften, Kôln, 1914. J. SCHUMACHER, Antike Medizin. I. Die natur-
philos. Grundlagen der Medizin i. d. griech. Antike, Berlin, 1940, et enfin
W. A. HEIDEL, Hippocratic Medecine. Ils Spirit and Method, New-York,
1941. Il n'est pas superflu de rappeler le bref opuscule de F. CAPPELERI,
Socrate e Ippocrate nel Protagora di Platane, Locri, 1947. Le recueil lu
plus utile des textes médicaux grecs demeure le Corpus Medicorum Grac-
corum, Acad. Berolini, ed. J. L. Heiberg. Pour tout ce qui précède, on rap-
prochera des ouvrages ci-dessus mentionnés : H. MAIER, Sokrates, Tûbin-
gen, 1913, p. 165 et suiv.). ZELLER-HOFFMANN, op. cit., W. D. Ross,
Aristolle's Metaphysics, I, Oxford, 1924, p. 159. Th. DEMAN, Le Témoi-
gnage d'Aristote sur Socrate, Paris, 1942, p. 75-76, auxquels se joignent
naturellement et nombre de travaux sur le Socrate du Aristophane et les
recherches sur les accointances de Socrate avec Archélaos ; sur ce dernier
point, voir plus bas p. 24. Il va de soi d'ailleurs que l'intelligence de
ces deux questions est en rapport avec notre connaissance de Diogène
d'Apollonie, ainsi que nous le verrons dans notre étude plus haut annoncée.
Pour les emprunts du Socrate des Nuées aux théories de Diogène, déjà
le mémoire de Hermann DIELS, apud Berl.-AKSB, 1891, mais aussi
P.-M. SCHUHL, Essai sur la formation de la pensée grecque2, Paris, 1949,
p. 371. Sur Diogène en tant que source pour les Mém. de XÉNOPHON, I, 4,
et IV, 3, voir Ad. BUSSE, Xenophons Schutzschrift u. Apol. des Sokra-
tes, in Rhein. Mus., LXXXIX, 1930, p. 202; cf. W. THEILER, Zur
Gesch. der teleologischen Nalurbetrachtung bis auf Aristoteles, Zurich, 1925,
p. 14 et suiv., 36 et suiv.; cf. Sh. O. DICKERMANN, De argumentis qui-
busdam ap. Xenophont. Plat. Arist. obviise structura hominis et anim. petitis,
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Suite de la note 2 de la page 15.


Halis, 1909, comp. l'analyse du deuxième passage ci-dessus des Mém. qu'a
faite K. JOËL, Der echte u. d. xenophon. Sokrales, I, Berlin, 1893, p. 94, 118-
165, 547-550; II, 1, 1901, p. 380 et suiv., 491-492. La question de la conta-
mination de la pensée de Socrate et de celle de l'Apollonien n'est pas sans
appeler les questions soulevées par les rapports de Diogène et d'Euripide :
voir à ce sujet NESTLE, Unters. üb. d. philos. Quellen d. Eurip., in Phil.
Suppl., 1899-1901, p. 571 et suiv., et Euripides, Stuttgart, 1901, p. 162 et .
suiv. Lire sur le physiologue d'Apollonie : F. PANZERBIETER, Diog. Apollo-
nisles, Leipzig, 1830. Fr. SCHLEIERMACHER, Ges. Werke, III, 2, Berlin, 1838,
p. 149 et suiv. (cf. Gesch. der Philos., apud op. cit., III, 4,1, p. 77). E. KRAUSE,
Diog. v. Apoll., Posen, 1908-1909. ZELLER-NESTLE, Philos. der Griechen,
I6, 1920, p. 338 et suiv. ZELLER-MONDOLFO, Filosot. dei Greci, II, Firenze,
1938, p. 258-287 (voir p. 277 sur Aristophane, Socrate et Diogène), et,
pour le dernier état de la question, H. DILLER, Die philosophiegeschichtliche
Stellung des Diog. v. Apoll., in Hermes, 1941, p. 359 et suiv. Il va de soi
aussi que le problème de l'attitude socratique à l'égard des ϕυσιολόγοι est
à envisager en rapport avec celle que pose, à l'époque, la crise de la science
et la critique qu'en ont faite les sophistes (cf. sur la sophistique et la science,
A. REY, La Science dans l'antiquité, III, Paris, 1939, p. 46-67). Il semble
bien que c'est à ce prix qu'on pourra sous ce rapport discerner la position
et la signification historique du socratisme.
c) Socrate et les sophistes : le plus souvent la question n'est envisagée que
partiellement à l'occasion de deux problèmes particuliers, à savoir l'histo-
ricité de la caricature donnée dans les Nuées d'Aristophane, où Socrate
tient sa place parmi les sophistes (en attendant d'y revenir dans notre Aris-
tophane et le Socrate historique, à paraître prochainement, qu'il nous soit
permis de renvoyer aux références bibliographiques relevées dans Socrate
et la légende platonicienne, ch. 1); et la teneur et la portée de la présenta-
tion et de la critique, dans les dialogues platoniciens, des thèmes et des pro-
cédés sophistiques contrastés avec ceux qui font l'originalité et la valeur de
Socrate : notamment doctrines du savoir et de la vertu et structure de la
dialectique. Atout le moins, on trouvera chez H. MAIER(Sokrales, Tubingen<,
1913, sp. p. 253-262) les vues générales sur l'ensemble du problème. Il y
a toutefois lieu de souhaiter une monographie plus systématique et plus
poussée dans le détail. Hormis les ouvrages d'un caractère général consacrés
soit à Socrate, soit aux sophistes, soit encore les travaux qui traitent plus
particulièrement de la représentation des sophistes chez Platon (cf. plus bas
p. 118), sont à lire, pour des indications et des renseignements utiles, entre
autres, H. SIEBECK, Ueber Sokrates Verhâltnis zur Sophistik, in Unters. zu
Philos. der Griechen2, Freiburg, 1888; comp. du même, Das Problem d.
Wissens b..Sokrates u. der Sophistik, Halle, 1870. A. AALL, Sokrates Gegner
oder Anhânger der Sophistik? in Philos. Abhandl. Max Heinze gewidmet,
Berlin, 1906, p. 1-14. A. LASSON, Sokrales u. d. Sophisten, Berlin, 1909.
R. RICHTER, Sokrates u. d. Sophisten, in Grosse Denker, hrsg. v. E. von
Aster, Leipzig, 1912, p. 75 et suiv. P. HELMS, Sofisterne Sokrates og de en
sidige sokraliske Retninger, Kjobenhavn, 1929. B. BÔHM,Sokrates im 18.
Jahrhundert, Leipzig, 1929, p. 159 et suiv. E. HOFFMANN, Der padagogische
Gedanke bei den Sophisten u. Sokrates, in Neue Jahrb. /. Wiss. u. Jugend-
bildung, 1930, p. 59-68. MONDOLFO apud ZELLER, Filosot. dei Greci, I, 2,
Firenze, 1938, p. 83 et suiv.; voir aussi la position intéressante et nuancée
d'Aldo MiELi, L'Opéra dei sofisti e la personalità di Socrate, in Archeion,
1929. Consulter les indications données plus loin (p. 79,175) sur la thèse selon
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Suite de la note 2 de la page 15.


laquelle Socrate aurait été un sophiste. Les études de H. VONARNIM(Sophis-
tik, Rhetorik, Philos, in ihren Kampf um die Jugendbildung, apud Leben
u. Werke d. Dio v. Prusa, Berlin, 1898, p. 4-114) et de H. GOMPERZ (Sophis-
lik u. Rhelorik, Leipzig, 1912) et, sous un mode mineur, celle de W. Suss
(Ethos. Studien zur ait. griech, Rhel., Leipzig, 1910) restent nécessaires pour
compléter les travaux cités ci-dessus. Tout particulièrement en ce qui con-
cerne les traditions interprétatives ayant trait aux rapports entre la sophis-
tique et les socratiques, il faut maintenant consulter l'analyse par endroit
assez nouvelle qu'en a faite M. O. GIGON dans le dernier chapitre de son
Sokrates, Bern, 1947, p. 209-315. Il est évidemment superflu d'insister sur
le besoin d'une suite d'analyses mettant à profit les données qui nous sont
parvenues sur les rapports de Socrate avec chacun des sophistes. Pour ne
rien dire de ce qui a trait aux plus représentatifs, consignons ici simplement :
a) Sur Socrate et Prodicos, F. G. WELCKER, Prodikos, der Vorgânger des
Sokrates, in Rhein. Mus., I, 1833, p. 1-39, 533-643 (= Kleine Schriften, II,
Bonn, 1845, p. 393-541) et en particulier sur Socrate et la synonymie de
Prodicos, ZELLER, Philos. der Griechen, 11, p. 1062 et suiv. H. GOMPERZ,
op. cit., p. 90 et suiv. Sur le point qui nous occupe, les recherches de Karl
JOËL sur Prodicos restent toujours à consulter : Der echte u. d. xenophon.
Sokrates, surtout II, 1, Berlin, 1901, p. 125-206, 253-284, 287, 296 et suiv.,
304 et suiv., 307, 330 et suiv., mais encore I, 1893, p. 147 et suiv., 161, 351
(comp. du même, Gesch. der antiken Philos., I, Tübingen, 1921, p. 686 et
suiv.); voir également ZELLER-NESTLE, Philos. d. Griechen, I, 28, Leipzig,
1920, p. 1311 et suiv. b) Sur Socrate et Antiphon, JOËL,D. eclite u. d. xenoph.
Sokrates, II, 1, p. 212; II, 2, p. 638-639, 677 (cf. p. 629-704), mais il faut con-
fronter, sur l'état actuel du «cas Antiphon », J. STENZEL s. voce Antiphon
dans PAULY-WISSOWA, RE, Supp. V, 1924, et, surtout, E. BIGNONE, Studi
sul pensiero antico, Napoli, 1938, p. 1-226 (plus spécialement l'étude sous le
titre Antitonte sofista eilproblema della sofistica nella storia del pensiero greco,
p. 1-159). —Pour un exposé général, systématique et précis, des problèmes
soulevés par la reconstitution et l'interprétation du mouvement sophistique,
indispensable à l'intelligence du «cas Socrate », il faut lire ZELLER-NESTLR,
op. cit., I, 26, 1920, p. 1278 et suiv. (pour tout ce qui est de l'influence de la
sophistique, voir p. 1439-1459). W. WINDELBAND-A. GÔDECKEMEYER,
Gesch. der abendlandischen Philos. im Altertum 4, apud Handb. Altcrt. V,
1, 1,München, 1923, p. 69et suiv.; à noter également que l'important ouvrage
de W. SCHMIDdéjà cité (Gesch. der griech. Lit., I, 3, München, 1940, p. 12-216)
apporte désormais un exposé très détaillé des matériaux et de la bibliogra-
phie (comp. vol. I, 5, 1948). Parmi les travaux les plus récents où la question
est examinée dans le détail, une attention particulière doit être accordée à
l'important ouvrage de W. NESTLE, Vom Mythos zum Logos 2, Stuttgart,
1942, p. 249-447 (qu'il convient de suppléer par plusieurs études du même
auteur, maintenant rassemblées soit dans Griech. Weltanschauung, Stuttgart,
1946, p. 13 et suiv., 92 et suiv., 124 et suiv., 138 et suiv., 165 et suiv., soit
dans Griech. Studien, Stuttgart, 1948, sp. p. 195 et suiv., 240 et suiv., 253
et suiv., 321 et suiv. 403 et suiv., 430 et suiv. 451 et suiv.), ainsi qu'un volume
riche en aperçus originaux, I Sofisti de Mario UNTERSTEINER, Torino, 1949
(cf. l'édition critique des fragments des sophistes que ce savant vient d'entre-
prendre pour la maison La Nuova Italia, de Florence, ainsi que le très bel
essai, Le Origini sociali délia sofistica, inclus dans les Mélanges Mondolfo :
Studi di Filos. greca, a cura di V. E. ALFIERIe M.UNTERSTEINER,Bari, 1950,
p. 121-180). Le livre de DUPRÉEL, Les Sophistes, Neuchâtel-Bruxelles, 1948,
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ses accointances avec les sectes orphiques et pythagoriciennes


et l'Apollon delphique (1). Et sur la question de savoir s'il
fut en fait un aùxoupyoç irvjç ϕιλοσοϕίας, selon le mot de Xéno-
Sulte de la note 2 de la page 15.
est sujet à la plus forte caution. Par contre, il est à souhaiter que les nom-
breuses études qu'Adolfo LEVIa consacrées à ce sujet et qui se trouvent encore
éparses dans différentes publications (voir la bibliographie) soient dans un pro-
che avenir recueillies envolume. Pour la critique des principes et des méthodes
d'éducation des sophistes confrontés avec ceux de Socrate, se reporter par
exemple à Martin SCHANZ,Beitrâge zur vorsokratischen Philos. aus Platon.
I. Die Sophisten, GÕttingen, 1867; à H. RAEDER, Platon u. d. Sophisten,
Kjobenhavn, 1939, et à W. JAEGER, qui aussi bien dans Humanism and
Theology, Milwaukee, 1943, p. 36 et suiv., que dans Paideia, 11, Oxford, 1946,
p. 286-331, 475-479, et II et III, New-York, 1943-1944, passim, s'attaque
avec force à l'opposition de ces deux types d'humanisme : celui des sophistes
et celui des philosophes, tels Socrate, Platon et Aristote; on peut joindre
aussi Maria T. ANTONELLI, I Sofisti in Platone, Torino 1946, et Gallo GALLI,
Socrate, in Due studi di filos. greca, Torino, 1950, p. 5 et suiv., 16 et suiv.,
et alia. Au reste, il n'est pas superflu d'en rapprocher l'attitude de Xénophon
à l'égard de la sophistique : à propos du passage Cynegiticus, XIII, 6, voir
les travaux de G. KAIBEL, de J. MEWALDT et de G. KÔRTE, publiés dans
Hermes, XXV, 1890, p. 581-597; XLVI, 1911, p. 70-92; LIII, 1918, p. 317,
ainsi que ceux de L. RADERMACHERdans Rhein. Mus., LI, 1896, p. 596-629,
et LII, 1897, p. 13-41, mais surtout l'importante étude de W. NESTLE, Xeno-
phon u. d. Sophistik, in Phil., XCIV, 1940, p. 31 et suiv. (= Griech. Stud.,
Stuttgart, 1948, p. 430-450) sur l'ensemble de la question. Citons, enfin,
pour d'autres questions, qui plus ou moins touchent encore à notre sujet,
Th. KLETT, Die Verhâltnisse d. Isokrates z. Sophistik, Ulm, 1880. H. GOM-
PERZ, Isokrates u. d. Sokratiker, in Wiener Studien, XXVII, 2, 1905, p. 163-
207; XXVIII, I, 1906, p. 1-42. NESTLE, Sophocles u. d. Sophistik, in Class.
Phil., V 1910, p. 129 et suiv. (= Griech. Stud., 1948, p. 195-225). Du même
Thukydides u. d. Sophistik, in Neue Jahrb., XXXIII, 1914, p. 649-685
(= Griech. Stud., 1948, p. 321-373). Fr. RITTELMEYER,Thukyd. u. d. Sophis-
tik, Leipzig, 1915. Il va sans dire que l'examen approfondi de la question
qui nous occupe doit encore tenir compte non seulement de ce que nous
savons par exemple de la polémique de Socrate contre les sophistes selon
le témoignage d'EscHiNE, Callias, fr. XVI-Krauss, mais encore de tout ce
qui est connu sur la position des socratiques dit «mineurs »à l'égard de la
sophistique; ainsi, sur les rapports d'Antisthène avec les sophistes, voir
Ch. CHAPPUIS, Antisthène, Paris, 1854, p. 173-174.
(1) Sur Socrate, l'orphisme et le pythagorisme : voir plus bas p. 46-47. Sur
Socrate et Delphes (voyage de Socrate à Delphes, Socrate et le temple de
Delphes, l'inscription delphique, l'oracle et l'origine de l'enquête socratique,
date et vérité historique de la réponse de l'oracle), les sources sont: PLATON,
Apol., 20 eet suiv.; Alcib. I, 124 b, 127 a; Prot., 343 a-b; Phèd., 229 e, 230 a.
XÉNOPHON, Mém., IV, 2, 24; Anab., III, 1 et suiv. ARISTOTE,Fr. 1-Rose =
Fr. 4 ed. Berlin, 1475 a 2-5. PLUTARQUE, Ad. Col., 20, Fr. 2-Rose = Fr. 3ed.
Berlin, 1474 b 10-12. DIOG. LAËncE, II, 23 PAUSANIAS, X, 24. Le caractère
historique de l'oracle fut nié dès l'antiquité par COLOTÈSapud PLUTARQUE,
op. cit., 17, 1, et par ATHÉNÉE, Deipnosoph., V, 218 e; sur ce dernier point,
voir K. JOËL,D. echte u. d. xenophon. Sokr., p. 77 et suiv. Cf. Ph. E. LEGRAND,
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phon (1), ou le disciple d'un maître renommé comme le prétend


une tradition ultérieure (-2), la critique, estime-t-on, est égale-
ment privée des moindres prises. Autant d'embarras pour déci-

dans Mélanges Perrot, Paris, 1902, p. 215 et suiv. Pour toutes ces questions,
lire en plus des pages souvent-citées de Zeller, de Th. Gomperz et de Burnet :
Ad. BUSSE, Sokrates, Berlin, 1914, p. 106 et suiv. H. GOMPERZ,Die Anklage
gegen Sokrates in ihrer Bedeutung f. d. Sokratesforschung, in Neue Jahrb.,
LIII, 1924, p. 163 et suiv. A. E. TAYLOR, Socrates, London, 1935, p. 76-83.
L. BIEBER, Θεῖος àvTjp, Wien, 1936, 90 et suiv. Sur ce point l'étude de NESTLE,
Sokrates u. Delphi, in Griech. Studien, Stuttgart, 1948, p. 174-185, se recom-
mande par sa rédaction serrée et son allure condensée. Citons également
J. ELMORE, Note on the Episode of the Delphic Oracle in Plato's Apology,
in Trans. and Proceed. o/ the American Phil., XXXVIII, 1907. R. HERZOG,
Das delphische Orakel als ethischer Preisrichter, apud E. HORNEFFER, Der
junge Platon, I, Giessen, 1922, p. 167 et suiv. R. HACKFORTH,The Composi-
tion ofPlato's Apology, Cambridge, 1933, p. 88-104. L'ouvrage de Th. DEMAN,
Le Témoignage d'Aristote sur Socrate, Paris 1942, p. 43-48, apporte aussi
à ce thème quelques précisions non négligeables, notamment en ce'qui
concerne la socratica aristotélicienne (voir notre analyse de la question,
infra, Ire partie, ch. 3, sp. p. 292-293. Lire, en dernier lieu, O. GIGON,Sokrates,
Berlin, 1947, p. 95 et suiv. Pour l'ensemble des problèmes ayant trait à
l'oracle et les questions qui s'y rattachent, il nous suffit de renvoyer à
DEMPSEY, The Delfic Oracle, Oxford, 1918; à C. M. SMERTENKO, The Poli-
tical Relations of the Delfic Oracle, Univ. of Oregon Studies, Humanities
Series, I, 1935; à H. W. PARKE, A History of the Delfic Oracle, Oxford, 1939;
et à C. LANZANI, L'Oracolo delfico, Genova, 1940. Enfin, sur le fonctionne-
ment de l'oracle delphique, on se plaira à consulter de Pierre AMANDRYson
livre intitulé La Mantique apollinienne à Delphes, Paris, 1950; plus parti-
culièrement sur le rôle moral et religieux de l'Apollon de Delphes, voyez
WILAMOWITZ, Der Glaube der Hellenen, II, Berlin, 1932, p. 34 et suiv.
Une interprétation ingénieuse du dieu socratique de l'Apol. de PLATON(35
d, 37 e, 40 b et 42 a; comp. l'Apol. de XÉNOPHON, 13) est donnée par
H. GOMPERZdans son étude Die Anklage gegen Sokrates in ihrer Bedeutung
für die Sokratesforschung, in NeueJahrb., LIII, 1924, p. 168 et suiv.
(1) XÉNOPHON, Banq., I, 1, 5. Sur ce, voir H. WEISSENBORN, De Xeno-
phontis in commentaris scribendis fide historica, Jena, 1910, p. 31 et suiv.
W. KRANZ, Gesch. d. griech. Philos., Leipzig, 1941, p. 113; comp. W. NESTLE,
Vom Mythos zum Logos2, Stuttgart, 1942, 579-580. Les textes ci-dessus
appellent une comparaison : PLATON, Lachès, 186 c.
(2) D'après une tradition largement établie, dès l'antiquité, Socrate a
bien été disciple d'Archélaos. Parmi de nombreux textes que nous avons,
citons : Ion de Chios, Aristoxène et Dioclès apud DIOGÈNE LAËRCE, II, 3,
19, 23 (cf. Théophraste dans Doxographi graeci de H. DIELS, Berlin 1879,
p. 479; Athénée, V, 216); Timon dans les Stromates, de CLÉMENT Ier, 302,
V, 4; cf. Praep. euang., X 14; THEODORÈTE, Graec. affect curalio, IV, 489;
SEXTUS EMPIRICUS, Adv. Math. IX, 36.0; SUIDAS s. voce Σωϰράτης; saint
AUGUSTIN, De Civil. Dei, VIII, 2. Voir avant tout DIELS-JVRANZ, Vorsokr.
ch. 60 (4. éd., ch. 47) et plus particulièrement 60 A3, Al, § 16, A2, A5, A7.
En dépit des protestations d'un ZELLER (Philos. der Griechen, II, 11, 1922,
p. 45 et suiv., cf. 11,p. 931) et d'un H. DITTMAR(Aischines von Sphetfos,Ber-
lin, 1912, p. 171), de nombreux érudits parmi lesquels ALBERTI(Sokrates, Gôt-
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der des motifs réels de sa vocation (1). On connaît, par contre,


avec précision, quelques circonstances extérieures de sa vie :
on sait qu'il prit part à trois batailles (2), à certains actes pu-
tingen, 1869, p. 37 et suiv.), A. FOUILLÉE (La Philosophie deSocrate, I, Paris,
1874, p. 3-23, pour la question générale des premières études de Socrate,
—les références sont parfois inexactes; sur Archélaos : p. 13 et suiv., 57),
A. CHIAPPELLI (Nuove ricerche sul naturalismo di Socrate, in Archiv G. Phi-
los., IV, 1891, p. 369 et suiv.), Th. GOMPERZ(Griechische Denker, Il, Leipzig,
1912, p. 37), J. BURNET, (Early Greek Philos.3, London, 1920, p. 358, et
Greek Philos. Thaïes to Plalol, London, 1932, p. 124-125, 147), L. ROBIN(La
Pensée grecque2, Paris, 1932, p. 189), R. HACKFORTH The Composition of
Plato's Apol. Cambridge, 1933, p. 147 et suiv. 152-153), H. MAIER (Sokrates,
Tübingen, 1913, p. 165-166) et W. JAEGER (Paideia, II, New-York, 1943,
p. 28) se sont prononcés en faveur de la tradition qui fait de Socrate l'élève
d'Archélaos. Voir aussi Ad. BUSSE, Sokrates, Berlin, 1914, p. 79 et suiv. et
84; du même, Aus den Lehrjahren des Sokrates, in Sokr. Zeit., VII, 1919,
p. 86-90. D'autre part, une tradition remontant notamment à PLATON (Prot.,
341 a: Mén., 96 d; cf. Crai., 384 b) fait de Socrate un disciple du sophiste
Prodicos. Voir les textes assemblés dans ZELLER, Philos. d. Griech., I5,
p. 1062. Sur Soerate et Prodicos, cf. supra, p. 22. Et encore au témoignage de
PLATON,Socrate eut pour maîtres de «musique »Damon (Alcib.1, 118d) et
Connos (Méne., 235 e-236 a; Euthyd., 272c, 295 d). Voir sur Damon : PLATON,
Alcib. 1, 118 c: Lach., 180 c-d, 197d, 200 a-b; Rép., 400 b-c, 424 c. XÉNOPHON,
Mém., I, 2, 46. ISOCRATE, Dis., XV. PLUTARQUE, Péricl., 4. Sur Aspasie,
Conos, Prodicos et Damon maîtres de Socrate, voir BussE, Sokrates, 1914,
p. 74 et suiv., 82. Socrate et Aspasie : PLATON, Ménex., 235 e. XÉNOPHON,
Econ., III, 4; Mém., II, 6, 36. Eschine dans CICÉRON, De inv., I, 31, et dans
MAXIMEDETYR, XXXVIII, 4. ATHÉNÉE, XIII, 599 a. Voir en particulier
H. DITTMAR, Aischines von Sphettos, 1912, p. 10 et suiv. (cf. WILAMOWITZ
dans Hermes, 1900, p. 551 et suiv.), Socrate et Diotime : surtout PLATON,
Banq., 201 d. et suiv., et, naturellement, les commentaires sur le dialogue
platonicien. Sur l'enseignement reçu par Socrate, voir K. F. HERMANN,De
Socratis inagistris et disciplina juvenili, Marburg, 1837 (cf. les remarques du
même auteur sur la genèse de la pensée socratique et les phases de son déve-
loppement dans Gesch. u. System der platon. Philos., Heidelberg, 1839, I,
p. 50, 94-98; II, p. 233 et suiv.). ZELLER, Philos. der Griechen, II, P, 1922,
p. 47-51. Par ailleurs, Xénophon le tient en géométrie pour disciple de Théo-
dore de Cyrène. Enfin, un représentant typique de la thèse selon laquelle
Socrate n'a pas eu de maîtres dans sa jeunesse est Heinr. RITTER, Hist. de la
philo. ancienne, trad. franç., II, Paris, 1858, p. 15.
(1) Les différentes traditions et interprétations concernant la vocation
philosophique de Socrate ont fait l'objet d'une analyse de M. O. GIGONdans
son ouvrage dernièrement paru, Sokrates, Bern, 1947, p. 93-112, qui est à
rapprocher de l'article du même auteur, Antike Erziihlungen über die Beru-
fung zur Philos., in Mus. Relvet., 1946, p. 1-21, où des textes anciens sont
examinés en vue de la connaissance des circonstances dans lesquelles le phi-
losophe a été amené à embrasser la carrière philosophique. Signalons de
Karl HOLL, Die Gesch. des Worts Beruf, in Berl. AKSB, XXIX, 1924.
(2) Campagnes militaires de Socrate : à Potidée (PLATON, Banc., 219 e,
et CHARM., 153 a), à Amphipolis (Apol. 28 e, ét DIOG. LAËRCE, II, 22), à
Délion (Lach., 181 a, et Banq., 220 e et suiv.; comp. Criton, 52 b; voir
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blics de la vie athénienne (1); on sait l'admiration et l'ami-


tié sinon l'amour — ce singulier « amour grec » — qu'il éveilla
chez ceux qui le suivirent et s'affirmèrent ses disciples (2);
on connaît les noms d'un certain nombre de gens qui l'entou-
aussi Antisthène dans ATHÉNÉE, V, 216 b; cf. PLUTARQUE, Alcib., 7; DIOG.
LAËRCE, II, 22 et suiv.; STRABON, IX, 2, 7.)
(1) PLATON, Apol., 32 a-c. XÉNOPHON, Mém., I, 1, 18; 2, 21 et suiv.;
IV, 4, 2. Sur l'attitude de Socrate vis-à-vis des affaires publiques, voir par
exemple PLATON, Apol., 29 c-30 d et suiv., 31 c-d et suiv., 33 a, 36 c. Cf.
Gorg., 473 e, 521 c et suiv.; Banq., 216 a, Rép., 496 c et suiv. XÉNOPHON,
Mém., I, 6, 15; III, 6; IV, 2, 6 et suiv. Sur Socrate et le procès des vainqueurs
aux Arginuses (PLATON, Apol., 32 b-c. XÉNOPHON Mém., I, 1, 18 et IV, 4
2; Hell., I, 7, 14 et suiv. DIODORE, XIII, 10 et suiv.). Cf. G. GROTE, A Hisl.
o/ Greece, VIII, London, 1850, p. 238-285. WINSPEAR-SILVERBERG, Who was
Sokrales?, New-York, 1939, p. 65 et suiv. J. HATZFELD, Socrate au procès des
Arginuses, in REA, XIII, 1940, p. 165-171; cf. du même auteur Alcibiade,
Paris, 1940, p. 236, 325-329, 332, 334. Sur le milieu où vécut Socrate, on trou-
vera un exposé utile dans l'introduction d'E. MuLLER à son ouvrage Sokrates
geschildert von seinen Schülern, I, Leipzig, 1911, p. 1-100. Voir aussi de prÓ-
cieuses indications dans Ed. MEYER, Gesch. des Altertums, IV2, p. 435 et
suiv., et dans WILAMOWITZ, Platon : Leben u. Werke4, hrsg. v. B. Snell,
Berlin, 1948, passim. Des vues très perspicaces sur les rapports sociaux de
Socrate chez A.-D. WINSPEAR-T. SILVERBERG, Who was Socrales?, New-
York, 1939. Cf. plus loin p. 76-77 les références concernant l'attachement
de Socrate à la Cité.
(2) Sur l'importance de l'epcoç -au point de vue socratique : PLATON, Lysis
en entier, le Banquet et le Phèdre; ESCHINE DE SPHETTOS cité par Aristide
(Disc., XLV, 34, Fr. 4 Krauss; sur ce, cf. A. E. TAYLOR, Philos. Studies,
London, 1934, p. 13-15). XÉNOPHON, Mém., II, 4-6; Banq., VIII, 7 et suiv.,
12 (cf. Mém., I, 2, 29 et suiv., 3, 8 et suiv.). PLUTARQUE, De educ. puer., 15.
Comp. l'idéal de l'amitié dans les cercles socratico-platoniciens : en dehors
de Platon qui, aux dires de GOMPERZ (Griech. Denker, IP, Leipzig, 1912,
p. 320), consacra à Dion « une épitaphe inspirée par le souvenir d'un senti-
ment passionné »(Lettre VII, 226, 238 d, 333 e, 346 b), voir par exemple ARIS-
TOTE, Elegia ad Eudemo, apud Anthologia Lyrica, edidit E. Diehl (Teubner),
Leipzig, 1923, I, p. 99 (sur la question controversée de l'élégie : WILAIIIOWITZ,
Aristoteles u. Athen, II, Berlin, 1893, p. 412 et suiv.). Quant à la conception
que Platon s'était faite de l'amour dans le Lysis, dans le Banquet et le Phèdre,
le livre de base reste celui de L. RoBiN : La Théorie platonicienne de VAmour2,
Paris, 1933, en particulier p. 1-52; pour l'interprétation de la théorie et de la
place qu'elle occupe dans la philosophie platonicienne : p. 121-229; la ques-
tion envisagée au point de vue purement historique : p. 53-120. Toutefois il
ne faut pas perdre de vue que, dans les importantes notices de ses éditions
du Banquet et du Phèdre pour la coll. Budé, L. Robin a revisé sur plusieurs
points la position prise jadis dans sa petite thèse. Il faudra aussi consulter les
excellents commentaires de C. RITTER, Platon. Liebe dargestellt durch Ueber-
setzung u. Erlauterung d. cc Symposion », Tübingen, 1931, et de R. G. DURY,
The « Symposion » of Plato ed. with Critical Notes and Comment.2, Cambridge,
1932, ainsi que l'étude de G. KRÜGER, Einsicht u. Leidenschalt. Das Wesen
d. platon. Denkens, Frankfurt, 1939 (19482), et W. JAEGER, Pairleia, II,
New-York, 1943, ch. 8. Mentionnons également ici J. STENZEL, Platon der
Erzieher, Leipzig, 1928, p. 191-218. Le travail de BROClIARD Sur le « Ban-
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rèrent (1) et de quelques-uns de ceux qui n ' o n t point caché


hostilité ou méfiance à son endroit, on sait q u ' u n procès fut
dressé contre lui et qu'il fut condamné. On n'ignore pas la
date de sa m o r t (2) et on croit connaître son âge approximatif
au m o m e n t de la γραϕή (3), mais on n'est pas sûr du jour
de sa naissance (4). Les véritables motifs de l'acte judiciaire

quel »dePlàton, réimp. dans les Études dephilosophie ancienne2, 1926, p.60-94,
reste toujours à lire; en particulier les réflexions sur la fonction essentielle
de l'amour, à savoir : enseigner la vertu (p. 81 et suiv.), qui sont à rapprocher
de la confrontation instituée (dans La Morale de Platon, op. cit., p. 170-180
et 182-183) entre les doctrines platoniciennes et socratiques de la vertu;
à noter que pour Brochard la théorie proposée par le Socrate du Banquet
«'appartiont surtout à Platon » (p. 76, 84-85). —Par ailleurs, on trouvera
un bon exposé des rapports de l'âme avec l'amour, au point de vue platoni-
cien, dans l'ouvrage précité de M. ROBIN, p. 167-229; plus spécialement
p. 183-187 : pour les rapports de l'amour avec la dialectique; p. 189-194 :
l'amour comme méthode philosophique. —Pour un rappel sommaire des
antécédents de la théorie platonicienne de l'Amour, de curieuses pages dans
H. JEANMAIRE, Couroi et Courètes, Lille, 1939, p. 456-460. La conception
péripatéticienne de l'amitié est exposée par CICÉRON dans son dialogue Lae-
lius. Sur l'ensemble de ce thème : ZELLER, Philos. der Griechen, II, 15, 1922,
p. 68-69, 131-132, en particulier sur le prix et l'essence de l'amitié (voir aussi
p. 237 sur l'attitude de Xénophon à l'égard de l'amour grec, et p. 609 et
suiv. sur le développement platonicien). L. DUGAS, L'Amitié antique d'après
les mœurspopulaires et les théories desphilosophes, Paris, 1894. R. LAGERBORG,
Die platon. Liebe, Leipzig, 1926. W. ZIEBI, Der Begriff d. Philia b. Platon,
Breslau, 1927. J. STENZEL, Platon der Erzieher, Leipzig, 1928, p. 191-248.
M. H.-E. MEIER, Hist. de l'amour grec dans l'antiquité, augmentée d'un choix
de documents originaux et de dissertations complémentaires par L. R. DE
POGEY-CASTRIES,Paris, 1930. Il y a lieu enfin d'ajouter : E. SCHACHER,Stu-
dien zu den Ethiken d. Corpus Aristotelicum. II : Quellen- u. problemgesch.
Untersuchungen zur Grundlegung der ϕιλία - Theorie bei Aristoteles u. im
frühen Peripatos, Paderborn, 1940. W. JAEGER, Paideia, II, New-York,
1943, p. 174-197, 397-400. Ad. LEVI, La Teoria della «piXîa nel Liside, in
Giorn. Meta., V, no 3, 1950, p. 285-296. M. H.-I. MARROU a parfaitement
mis en lumière cet aspect dans sa récente Rist. de l'éducation dans l'anti-
quité, Paris, 1948, p. 55 et suiv. Outre ce que nous venons de citer, voir enfin
les références de la littérature du XVIII siècle sur la question, dans B. BOHM,
Sokrates im 18. Jahrhund., Berlin, 1929, p. 157.
(1) Nous en parlerons dans l'appendice sur les socratiques.
(2) Sur ce point, voir Démétrius de Phalère et Apollodore apud DIOG.
LAËRCE., II, 4, 4. DIODORE, XIX, 37, 6. PLATON, Phéd., 59 d. XÉNOPHON, -
Mém., IV, 8, 2. Pour le texte de Démétrius (fr. 98, 153) voir F. WEHRLI,
D. Schule d. Aristoteles. IV. Demetrios v. Phaleron, Basel, 1949, p. 25-34; sur
| ce, commentaires p. 65 et 78.
(3) Voir à ce sujet PLATON, Apol., 17 d; comp. Criton, 52 e.
(4) Les témoignages sont : Apollodore apud DIOG.LAËRCE., lac. cil. PLU-
TARQUE,Quaest. conv., VIII, 1, 1. ELIEN, Hist. Var., II, 25. Cf. sur les diffi-
cultés concernant la date de naissance de Socrate, J. STENZEL, Sokrates als
Philosophen, in PAULY-WISSOWA, RE, III Al, 1927, 811, 26 et suiv. Sur la
vie de Socrate, voir A. WESTERMANN, Vitar. scriptores Graeci, 1845, p. 440
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et la signification exacte des termes de l'accusation sont aussi


matière à controverse (1). Et l'on ne s'accorde pas d'avan-
tage sur la teneur authentique de son plaidoyer (2), — s'il en

et suiv., et W. CRÕNERT, Herkulan. Bruchstücke einer Gesch. des Sokrates


u. seiner Schule, in Rhein. Mus., LV, 1902, p. 285-300. Pour de plus amples
détails sur la vie de Socrate, voir ZELLER, Philos. der Griechen, II, 15, 1922,
p. 44et suiv., et W. SCHMID, Gesch. der griech. Literatur, III, 1(Handb. Alterl.,
VII), München, 1940, p. 236-247. En particulier, pour les questions chronolo-
giques le concernant, voir F. JACOBY, Apollodors Chronik, Berlin, 1902,
p. 284 et suiv. Sur la date de l'exécution, voir C. ROBERTet K. PRAECIITER,
dans Hermes, XXI, 1886, p. 168 et suiv. et XXXIX, 1904, p. 473 et suiv.
Pour l'iconographie de Socrate, voir STENZEL, op. cil., III Al, 888 55 et
suiv. jîîu
(1) Le texte de l'accusation fut rapporté par DIOG. LAËRCE (II, 40), sous
l'autorité de Phavorinus, lequel l'aurait puisé aux archives athéniennes de
Metroon : àSixel Σωϰρϱάτης OÔC;JLÈVrj πόλις νομίζει, θεοὺς oô νομίζων, crêpa
8s xaivà δαιμόνια sÊaYjyoûfjievoç. ἀδιϰεῖ 8è: xal xoùç vsouç διαϕθείρων. Ce
même texte se trouve chez Xénophon (Mém., I, 1, 1; cf. Apol., 10), à ceci
près que le mot εἰσϕέρων remplace celui de εἰσηγούμενος. Cf. PLATON,Apol.,
24, qui intervertit l'ordre des griefs. Pour les questions concernant la trans-
mission du texte de la ϕραϕή, voir par exemple Ed. MEYER,Gesch. des Aller-
tums, V, p. 227. A. MENZEL, Untersuchungen zum Sokrates-Prozess, apud
Sitz. Wien. Akad., CXLV, 1902, p. 7et suiv. J.-H. LIPSIUS,Das allische Recht
u. Rechtsverlahren, Leipzig, 1905, II, p. 363. —Les questions que pose la
détermination du sens et de la portée des termes de la plainte ont donné lieu
à toute une littérature qu'il serait oiseux de dénombrer ici. Des détails plus
étendus se trouvent dans les ouvrages mentionnés dans la note suivante.
Indiquons seulement ici à propos de quelques-uns des points que renferment
le plus de difficultés : a) au sujet des lois sur l'ἀσέϐεια au moment du procès :
A. MENZEL, op. cil., p. 18 et suiv. (cf. R. PÔHLMANN,Sokrates u. sein Volle,
Munchen, 1899, p. 122). J.-H. LIPSIUS, op. cil., p. 248 et suiv., 359 et suiv.,
363 et suiv., et alia, H. MAIER, Sokrates, 1913, 3Epartie, ch. 7, sp. p. 467 et
suiv.; cf. WILAMOWITZ, Aristoteles u. Athen, II, Berlin, 1893, p. 217 et suiv.
(Cf. sur les définitions philosophiques de l'ἀσέϐεα, PLATON, Lois, X, 885 b.
ARISTOTE, Des biens et des maux, 7, 1251 a, 31 et suiv. POLYBE, XXXVII,
l-c).; b) au sujet de 6goùc; νομίζειν : R. HACKFORTH, The Composilion of
Plaio's Apol., Cambridge, 1933, p. 59 et suiv. J. TATE, More Greek for
Atheism, in Class. Rev., LI, 1937, p. 3-6; c) au sujet de l'introduction des
ϰαινὰ δαιμόνια : A. E. TAYLOR, Varia Socratica, Oxford, 1911, passim.
C. PHILLIPSON, The Trial of Socrales, London, 1928, p. 285-290; d) au sujet
d'εἰσηγούμενους : A. S. FERGUSON,The Impiety of Socrates, in Class. Quart.,
VII, 1913, p. 157 et suiv.; et enfin : e) au sujet de &a<p0opà τῶν VZW) :
A. MENZEL, op. cit., 24 et suiv., 245 et suiv. R. HACKFORTH, op. cit., p. 71
et suiv.
(2) Sur la vexatissima quaestio de savoir si l'Apologie platonicienne est
le réel discours de Socrate, le bibliographie est aussi particulièrement abon-
dante. Hormis les ouvrages d'une portée générale, on ne peut plus renvoyer
ici qu'à M. SCHANZ, Dialoge Plaios. III. Apologie, Leipzig, 1893, p. 68 et
suiv.; à I. BRUNS, Das literar. Porirât der Griechen, Berlin, 1896, liv. III,
ch. 1(où nous relevons cette phrase «Er [le Socrate de Platon dans l'ApologieJ
sagt die Wahrheit, aber er erzâhlt sie wie ein Mârchen »); à Th. GOMPERZ,
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Suite de la note 2 de la page 28. 1


Griech.Denker, IP, Leipzig, 1912p. 81-89; à K. JOËL,Der echte u. d. xenophon.
Sokrales, I, 1893, p. 477 et suiv; II, 2, 1901, p. 811 et suiv.; et à WILAMO-
WITZ, Die xenophon. Apol., in Hermes, XXXII, 1897, p. 99 et suiv.; et
Platon Leben u. Werke4, Berlin, 1948, p. 124 et suiv., et alia; pour les études
anciennes, voir encore W. CHRIST, O. STÂHLIN, W. SCHMID, Griech. Litera-
turgesch., I6, München, 1912, p. 675, qu'il convient maintenant de comp. à
W. SCHMID, Gesch. der griech. Literatur, III, 1, 1940, p. 243-246. Outre
ce dernier ouvrage, l'état actuel de la question se trouve chez H. GOMPERZ,
Die Anklage gegen Sokrates u. i. Bedeutung f. die Sokratesforschung,
in Neue Jahrb., LUI, 1924, p. 129-173; Die Verteidigung d. Sokrates, in
Wiener Studien, 1934, p. 39 et suiv.; Sokrates Haltung vor seinen Richtern-
ibid., LIV, 1936. R. FRESE, Die «aristophanische Anklage »in Platons Apo,
logie, in Phil., 1926, p. 376-390. Erwin WOLFF, Platons Apologie, Berlin
1929. J. MoRR,Dte Entstehung der platon. Apol., Reichenberg, 1929. J. HUM-
BERT, Polycrates, l'Accusation de Socrate et le Gorgias, Paris, 1930. R. HACK-
FORTH, The Composition of Plato's Apologg, Cambridge, 1933, et, en dernier
lieu, chez E. EHNMARK, Socrates and the Immortality of the Soul, dans les
Mélanges Rudberg, Gôteborg, 1946, p. 105-122, déjà cités, et chez G. GALLI,
L'Apologia di Socrate, in Paideia, Arona, 1947, p. 273-292, qui conclut à
l'essence socratique du discours, Platon ayant prêté une forme artistique.
Dans Rhetorische gemeenplaatsen in de voorrede van de Apologia Socratis,
in Phil. Stud., 1942, p. 87-94, J. DEFRAINE a mis particulièrement en évi-
dence les lieux communs des exordes des orateurs attiques qui se retrouvent
dans le προοίμιον del'Apologie; comp. l'analyse d'E. WOLFF(Plalos Apologie,
Berlin, 1929, p. 1et suiv.) sur les procédés rhétoriques dans le discours pla-
tonicien. L'historicité du récit de Platon a été soutenue entre autres par HOR-
NEFFER (Der junge Platon. I. Sokrates u. d. Apol., Giessen, 1922; cf. Platon
gegen Sokrates, Leipzig, 1904), Burnet, Taylor, et Phillipson, et contestée par
Schanz, R. v. Pohlmann, M. Pohlenz, E. Wolff (comp. J. B. Bury et Hack-
forth; de celui-ci, voir op. cil., passim, mais surtout p. vu et suiv., 1et suiv.,
145-176) et, en dernier lieu, par W. Schmid; une position intermédiaire est
soutenue notamment par Bruns et par Wilamowitz. —Le problème de l'his-
toricité de l'Apologie de XÉNOPHONet de la partie des Mémorables qu'il est
convenu d'appeler depuis Maier la Schutzschrift a été examiné dans le détail
en particulier par H. VON ARNIM, Xenophons Memorabilien u. Apol. des
Sokrates, apud Danske Vidensk., VIII, 1, 1923; par Ad. BUSSE, Xenophons
Schutzschrift u. Apol. des Sokrates, in Rhein. Mus., LXXXIX, 1930,
p. 222-229 (qui trouve dans cette Apol., une mosaïque d'expressions, de
phrases et de pensées prises dans d'autres écrits de Xénophon); par
E. EDELSTEIN, Xenophon. u. platon. Bild d. Sokrales, Berlin, 1935, p. 138-
150; par W. SCHMID, Gesch. d. griech. Literatur, III, 1, 1940, p. 223 et
suiv., 246 (cf. 268-270), et enfin, par O. GIGON,Xenophons Apol. d. Sokrates,
in Rhein. Mus., CLXXIX, 1930, p. 210 et suiv. Pour l'authenticité de
l'Apol., communément attribuée à XÉNOPHON, voir la notice d'E. C. MAR-
CHANT dans les Xenophontis Opera Omnia, II, Oxford, 1900. La thèse de
l'inauthenticité, soutenue naguère par WILAMOWITZ(dans l'article Die xeno-
phon. Apol., in Hermes, XXXII, 1897, mais légèrement atténuée depuis
dans son Platon, Ira, Berlin, 1920, p. 50), a paru plus solide à L. ROBIN(voir
La Pensée hellenique, Paris, 1942, p. 92) et à K. VONFRITZ, Zur Frage der
Echtheit der xenophon. Apol. des Sokrates, in Rhein. Mus., LXXX, 1,
1931, p. 36-68. L'opinion adverse, que la critique suit plus généralement
se trouve notamment chez von Arnim, chez H. Gomperz et chez Ad. Busse,
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Suite de la note 2 de la page 28.


op. cit. — Pour ce qui concerne les questions des rapports des deux Apol.,
et de celle communément attribuée à Xénophon avec les Mém. et avec les
deux Banq., voir plus bas p. 214, 226-8. — Parmi les éditions de l'Apologie
de PLATON, relevons, par l'importance de leurs commentaires, outre celle
de Schanz déjà citée, celles de Hermann (avec les scholies anciens), de
Schleiermacher, de Adam, de Burnet, de Croiset et de Valgimigli. Pour
l'Apologie de XÉNOPHON, voir notamment les éditions de Marchant. — Sur
les conditions extérieures du procès et en général pour les questions qu'il
soulève, sont à consulter : ZELLER, Philos. der Griechen, II, J6, 1922, p. 191
et suiv. H. E. MEIER, G. I. SCHÔRMANN, Der allische Prozess2, p. 160 et suiv.,
181 et suiv. (cf. J. H. LIPSIUS, Das altische Recht u. Rechtsverlahren, mit
Benützung des allischen Prozesses von Meier u. Schôrmann, Leipzig, 1905).
DAREMBERG-SAGLIO, Dictionnaire des Antiquités, II, p. 184 et suiv. A. MEN-
ZEL, Untersuch. zum Sokrates-prozess, apud Sitz. Wien. Akad., CXLV,
1902. H. MAIER, Sokrates, Tübigen, 1913, p. 463 et suiv. P. K. BISOUKIDES,
'H δίϰη TOÛ Σωϰράτους, Berlin, 1918. M. ALSBERG, Der Prozess des Sokrates
im Lichte moderner Jurisprudenz u. Psychologie, Mannheim, 1926, J. B. BURY,
The Trial of Socrates, in RAP, 1926 (cf. du même auteur, The Age of Illu-
mination. The Life and Death of Socrates, in C. A. H., V, 1933). G. PHI-
LIPSON, The Trial of Socrates, London 1928, J. O. LOHBERG, The Trial of
Socrates, in Class. Journal, XXIII, 1928, p. 601 et suiv. E. DERENNE, Les
Procès d'impiété intentés aux philosophes, Liége, 1930, p. 71 et suiv., 123 et suiv.
U. E. PAOLI, Studi sul processo altico, Padova, 1933, (qui étudie notamment
l'aspect juridique du procès), et enfin, W. A. OLDFATHER, Socrates in Court,
in Class. Week., XXXI, 1939. W. SCHMID, Gesch. der griech. Literatur, III,
1, 1940, p. 242-247. G. TAROZZI, La Coscienza giuridica, in Riv. Intern. di
Filos. del Diritto, 1947. Il nous paraît, à propos du conflit de Socrate avec
l'État et de la contradiction entre sa critique du jugement porté contre lui
et sa soumission aux lois de la Cité, qu'il est juste de rappeler le travail
d'I. DÜRING, Socrates Valedictory Words to his Judges, apud Eranos Rud.,
1946, p. 90-104. Pour tous renseignements concernant les personnes des
accusateurs, voir plus particulièrement : a) au sujet de IvIélétos, voir PLATON :
Apol., 19 c, 23 e, 24 b et suiv., 25 c et suiv., 26 b et suiv., 27 a et suiv., 28 a,
34 a, 36 a, 37 b; Euthyp., 2 b et suiv., 5 a et suiv., 12 e, 15 e; Théét., 210 d,
XÉNOPHON, Apol., 11, 19 et suiv.; Mém., IV, 4, 4, et 8, 4; Schol. ad Plat.
Apol., 18 b; THEMIST., Or., 20, p. 293, Dindorf; lire U. KAHRSTEDT, dans
PAULY-WISSOWA, R. E., 15, 503, 58 et suiv.; b) au sujet de Lycon, voir
PLATON, Apol., 23 e, la scholie sur ce passage et XÉNOPHON, Banq.; lire
WILAMOWITZ, Platon, II, p. 48; c) au sujet d'Anytos, outre les passages pla-
toniciens (Apol., 18 b, 23 e, 25 b, 28 a, 29 c, 30 b, 31 a, et alia; Ménon, 90 a
et suiv.) et ceux de XÉNOPHON (Apol., 29; Mém., début et Hell., II, 3, 42
et 44), voir encore ISOCRATE, Adv. Callim., 23; LYSIAS, Adv. Agor., 78;
Adv. Dard., 8 et suiv.; ARISTOTE, Rép. de Athen., 27; PLUTARQUE, Vil Alcib.,
4; Amalor., 17. 27; Coriol., 14; De malign. Herodi, 26. 6; DIODORE, XIII,
64; Satyros apud ATHÉNÉE, Deipnosoph., XII, 534 c; ELlEN, Var. Hist.,
II, 13; DIOG. LAËRCE., II, 38 et 43 (cf. VI, 9 et suiv. sur une attaque d'Anthis-
thène contre Anytos); LIBANIUS, Apol. Sobrat., passim; Schol. ad Plat.
Apol., 18 b; TUEMIST., 01'., 20, p. 293, Dindorf; DION CHRISOST., Or.,55,
in fine. Sur les passages précités d'Aristote et de Diodore, voir WILAMOWITZ,
Aristoteles u. Athen, I, Berlin, 1893, p. 128 et suiv. Lire sur Anytos : W. ALY,
Anytos, der Anklâger des Sokrates, in Neue Jahrb., XXXI, 1913, p. 169-193.
K. V. FRITZ, Zur Frage d. Echtheit d. xenoph. Apol. d. Sokr.,- in Rhein.
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fit un (1), — ni sur le nombre des voix qui l'ont condamné (2);
la question de savoir pourquoi Socrate ne v o u l u t jamais écrire
nous laisse encore en face des mêmes incertitudes (3).

Suite de la note 2 de la page 28.


Mus., LXXX, 1, 1931, p. 43 et suiv. WILAMOWITZ, Platon. Leben u. Werke*,
1948, p. 1J8-119, 217, 528; cf. H. DITTMAR, Aischines von Sphettos, Leipzig,
1912, p. 91 et suiv., 307 et suiv., et H. MAIER, Sokrates, 1913, p. 469. En par-
ticulier sur la présence et le rôle d'Anytos dans le Ménon, voir M. POHLENZ,
Aus Plalos Werdezeit, Berlin, 1913, p. 190. P. FRIEDLANDER, Platon, II,
Berlin, 1930, p. 276-277, 290-291. E. GRASSI, Il problema della metafis. pla-
tonica, Bari, 1932, p. 153-161. Pour ce qui est du rapport entre la scène
d'Anytos dans le Ménon et le réquisitoire de Polycrate, cf. R. HIRZEL,
Polycrate's Anklage u. Lysias' Verteidigung des Sokrates, in Rhein. Museum,
XLII, p. 249 et suiv.; signalons enfin sur le discours d'Anytos et l'accu-
sation de Polycrate : ZELLER, Philos. der Griechen, II, P, 1922, p. 192 et
suiv.
(1) La possibilité qu'aucun plaidoyer ne fût prononcé par Socrate au tri-
bunal a été notamment suggérée par Heinr. GOMPERZ, op. cit., mais une
telle vue ne semble pas avoir été retenue. Rappelons à ce propos que, d'après
une tradition ancienne, l'orateur Lysias (cf. fr. CXII, CXIII; TH., Or.,
22, 8 et suiv.) aurait offert à Socrate d'écrire pour lui un plaidoyer, ce que
Socrate n'accepta pas. Les témoignages sur l'affaire furent relevés par
ZELLER (Philos. du Griechen, II, 15, 1922, p. 194). Il s'agit de DIOG. LAÊRCE,
II, 40 et suiv. CICÉRON, De Oral., I, 54. QUINTILIEN, Inst. Or., II, 15, 30;
XI, 1, 11. VALÈRE MAXIME, VI, 4, 2. STOBÉE, Anth., 7, 56. Voir C. MULLER,
Fragm. Orat. Attic., p. 290 et suiv. L'Apologie de Socrate, de LYSIAS, a fait
l'objet d'une intéressante étude de R. HIRZEL, Polykrates' Anklage u.
Lysias' Verteidigung d. Sokrates, in Rhein. Mus., XLII, p. 249 et suiv.;
voir également les pages que lui a consacré Fr. BLASS dans son fameux
ouvrage Die attische Beredsamkeit, 12, 1887, p. 351.
(2) Comp. DIOG. LAËRCE, II, 41 : ϰατεδιϰάσθη διαϰοσίαις ὀγδοήοντα
[AIF 7rXetoci τῶν ἀπολυοσῶν, et PLATON, Apol., 36 a, où il est dit
qu'un déplacement de trente voix en faveur de Socrate aurait suffit à
l'acquitter. Cf. WILAMOWITZ, Platon, II, p. 49, pour une correction du
texte de Diogène Laërce.
(3) Sur Socrate et l'éducation livresque, voir entre autres : XÉNOPHON,
• Mém., I, 6, 14; IV, 2, 1; IV, 7, 3; 5. PLATON, Phédon, 98 b. Pour ce
qui est du premier de ces textes, voir notamment H. DIELS, Ueber die
âltesten Philosophenschulen der Griechen, apud Philos. Aufsalze Ed. Zeller
gewidmet, Leipzig, 1887, p. 257-258. K. JOËL, Der echte u. d. xenophon.
Sokrates, II, 2, 1901, p. 1012 et suiv. H. MAIER, Sokrales, Tübingen, 1913,
p. 172-177, 193-195. Au reste, Socrate n'écrivit point, ainsi que l'attestent, en
dehors du silence des disciples immédiats suivis par toute l'antiquité, plu-
sieurs textes, parmi lesquels CICÉRON, De orat., III, 16, 60. DIOGÈNE LAËRCE,
I, 16. PLUTARQUE, Alex. virt., I, 4. Cf. cependant sur les tentatives poétiques
à la veille de sa mort : PLATON, Phédon, 60 c; cf. Phèdre, 274 c et suiv.
(sur ce dernier point, voir les remarques de Martin SCHANZ, dans Sokrates
als vermeintl. Dichter. Ein. Beitrage zur Erklârung des Phaidon, in Hermès,
XXIX, 1894, p. 597-603); comp. DIOG. LAËRCE, II, 42 : ἀλλὰ xat παιᾶνα
ϰατά τινας ἐποίησεν, et ATHÉNÉE, XIV, 628 / (== BERG, Poelae lyr. Gr.,
II', p. 287). En ce qui concerne la traduction syrienne d'un dialogue sur
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Pareillement, aucun accord n'a pu intervenir sur la question


de savoir lequel de ses ἑταῖροι a su le mieux recueillir son véri-
table héritage et l'enrichir dans le sens le plus conforme à l'ins-
piration originale. Quel est le sens précis des options fonda-
mentales qu'il proposa pour réaliser cette assomption des valeurs
humaines qui devaient être l'âme et la substance du message
socratique? Question incertaine encore. Sait-on davantage ce
qu'il fut humainement? Ignorerait-on que sur l'intention véri-
table de l'ironie qui lui est communément imputée l'incertitude
de la pensée n'est pas moindre (1)? Non point. Et tout ceci, évi-
demment, si nous laissons de côté la thèse « hérétique » et
l'âme gratuitement mis sur le compte de Socrate, voir V. RYSSEL, dans
Rhein. Mus., 48, 1893, p. 175-195. —Le texte des sept épîtres apocryphes
attribuées à Socrate, transmis dans la collection des epistulae socraticorum,
forgée probablement au début du me siècle ou à la fin du ue a. C., fut publié
par R. HERCHER, Epistolographi Graeci, Paris (Didot), 1873, p. 609-616,
et par L. KÔHLER, Die Briefe d. Sokrates u. d. Sokratiker, Leipzig, 1928,
avec traduction et commentaires. Pour la description de la collection, voir
R- BENTLEY, Disertations upon the Epistles of Phalaris, Themistocles, apud
Bentley's Works, ed. by Dyce, II, 1836, p. 189 et suiv. W. OBENS,Quae
aclale Socratis et Socraticorum epistulae, quae dicuntur, scriptae sint, Münster,
1912. J. HARWARD,The Platonic Epistles, Cambridge, 1932, p. 79-86. I. SYKU-
TRIS, Die Briefe d. Sokrates u. d. Sokratiker. Studien z. Gesch. d. Kultur d.
Altertums, Paderborn, 1933. Cf. également, Const. RITTER, Neue Untersu-
chungen über Platon, München, 1910, p. 379 et suiv. — Soulignons ici un
détail : on a prétendu à cet égard (O. GIGON, Sokrates, Bern, 1947, p. 17-18;
comp. E. DUPRÉEL, La Légende socratique, Bruxelles, 1922) que la convic-
tion aux termes de laquelle Socrate n'aurait rien écrit est déjà un élément
de légende. Mais, à la réflexion, il ne faut pas nous dissimuler que c'est là
une hypothèse qu'aucune donnée ne confirme. Le problème est susceptible
d'une solution plus vraisemblable et moins hasardeuse (voir notre approche
de cette solution dans Socrate et la légende platonicienne, p. 69-72). —
Pour ce qui est des hypothèses traditionnelles, voir entre autres : K. JOËL,
Der X6yoç Σωϰρατϰός, in Archiv G. Philos., IX, 1896, p. 50. H. MAIER,
Sokrates, Tübingen, 1913, p. 172 et suiv., 295. John BURNET, Platonism, Ber-
keley, 1928 (comp. les remarques de A. E. TAYLOR, lors de sa recension de
cet ouvrage : Mind, XXXVIII, n° 115, 1930, p. 385-388). René SCHAERER,
La Question platonicienne, Neuchâtel, 1938, p. 251-252. G. BASTIDE, Lq
Moment historique de Socrate, Paris, 1939, p. 83-84. Ed. SCHWARTZ, Cha-
rakterkopfe aus der Antike, nouv. éd., Leipzig, 1943, p. 56. W. JAEGER, Pai-
deia, II, New-York, 1943, p. 16, 18, et, enfin, A. TOVAR, Vida de SÓcrates,
Madrid, 1947, p. 75-76, 90, 111, 181, 399.
(1) Nous ne nous arrêterons pas à marquer, après SCHLEIERMACHER
(Gesch. der Philos., apud Gesamm. Werke, III, 4, 1, Berlin, 1839, p. 83
et suiv.) et ZELLER (Philos. der Griechen, II, J6, 1922, p. 120 et suiv.), le
sens et la portée de l'ironie socratique. Bornons-nous à renvoyer à G. RUD-
BERG, Der platon. Sokrates, in Symb. Oslo., VII, 1928, p. 7; voir encore
M. F. SCIACCA, Il significati e i limiti dell' ironie di Socrate, in Logos,
fasc. 1, Roma, 1937. W. SCHMID, Gesch. der griech. Lit., III, 1, 1940, p. 222,
230, 256 et 268. En dernier lieu : W. BÜCHNER, Ueber den Begriff der Eiro-
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certainement invraisemblable aux termes de laquelle le per-


sonnage de Socrate n'est que le « prête-nom » d'une légende,
thèse qui réduit à une fiction littéraire la vie, l'œuvre et la
mort de Socrate (1).
La personnalité réelle de Socrate aura-t-elle en fait été tota-
lement ou partiellement absorbée par sa personnalité littéraire?
Quelle est la part de vérité dans le type socratique que la légende
a depuis longtemps construit? Sera-t-il possible de distinguer la
personne de Socrate du personnage qui porte son nom? Où finit So-
crate, où commence la fiction? Quelle valeur et quelle signification
lui attribuèrent ses contemporains? A quoi doit-on son influence?
Les anciens ont-ils eu tort de voir en Eschine le plus fidèle des
socratiques (2)? Que faut-il penser des répliques des non-socra-
tiques, tels que Lysias, Théodecte, Démétrius de Phalère (3), ou
neia, in Hermes, LXXVI, 4, 1941, p. 339-358. Quant à l'ouvrage de Sôren
KIRKEGAARD, Der Begriff der Ironie mit stàndiger Rücksicht über Sokrates
(1841), trad. all., München, 1929, on ne peut dire qu'il éclaire utilement
le sujet. A noter que l'ironie socratique est absente des écrits xénophon-
tiques : cf. par exemple Alex. GRANT, Xenophon, Edinburgh, 1914, p. 88.
(1) Comme le dit en termes exprès M. Eugène DUPRÉEL. Cette pensée
s'inscrit dans les travaux suivants : Socrate et l'hist. de la philos, grecque,
in Rev. de l' Univ. de Bruxelles, XXVI, 1920, p. 42-63; Socratisme et plato-
nisme, in Soc. Philos., 1921, p. 263-273, mais surtout La Légende socratique
et les sources de Platon, Bruxelles, 1922; cf. Les Thèmes de Protagoras et les
« dissoi logoi », in Rev. Neoschol., 1921, p. 26-40. Comp. en dernier lieu Les
Sophistes, Bruxelles-Neuchâtel, 1948. — Pour ne pas passer sous silence un
autre point de vue non moins singulier, signalons en passant par simple
intérêt historique que même la conjecture selon laquelle « Socrate était
un fou » n'a pas manqué d'être soutenue. C'est ce que LÉLUT s'efforça de
démontrer en tirant argument de la croyance de Socrate à la réalité et la
personnalité de son δαιμόνιον, mais dépassant ce qu'autorise le témoignage
des textes : Le Démon de Socrate, Paris, 1836 (cf. Ed. ZELLER, Philos. der
Griechen, II, 15, 1922, p. 77, et R. PÔHLMANN, Sokratische Studien, in Sitz.
Bay. Akad., München, 1906, p. 126 et suiv.). Comparer P. DESPINE, Le
Somnambulisme de Socrate, in R. Philos., IX, 1880 (cf. A. FOUILLÉE, La
Philosophie de Socrate, II, Paris, 1874, p. 324). Rappelons à ce propos l'inter-
prétation psychanalytique de Socrate proposée par H. GOMPERZ, Psycholog.
Beobachtung an griech. Philosophen (Parmenides, Sokrates), Wien-Zürich,
1924; comp. E. HOWALD, Platons Leben, Zürich, 1923.
(2) ARISTIDE, Or., 45, p. 24 et suiv. Dind., 46, p. 295. Cf. DIOG. LAËRCE,
II, 60. Sur ce, voir P. NATORP, Ueber d. Dialog Aspasia, in Phil., 52, 1892,
p. 489 et suiv. H. DITTMAR, Aischines von Sphettos, Leipzig, 1912, p. 247
et suiv. A. E. TAYLOR, TEschines of Sphettus, in Phil. Studies, London,
1934, sp. p. 9 et suiv. J. BURNET, Platonism, Berkeley, 1928, p. 22; Philos.,
apud The Legacy of Greece', ed. by R. Livingstone, Oxford, 1942, p. 79-80.
Dans un sens opposé, G. C. FIELD, Plato and his Contemporaries2, London,
1948, p. 156. En dernier lieu, voir J. PATOCKA, Remarques sur le problème
de Socrate, in R. Philos., nos 4-6, Paris, 1949, p. 201 et suiv.
(3) Sur la ZcùxpocToûç ἀπολογία et sur le Σωϰράτης de Démétrius de
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Libanius, soit a u x médisances des comiques et des péripatéticiens,


soit a u x réquisitoires réels ou supposés d'Anytos? Alcibiade (1),

Phalère (fr. 91-98), voir pour les textes (fr. 91, DIOG. LAËRCE, IX, 57; fr. 92,
DIOG.LAËRCE, IX, 15; fr. 93, LAËRCE, IX, 37; fr. 9Z.LAËRCE, IX, 15; fr. 93,
LAËRCE, IX, 37; fr. 94, ATHÉNÉE,XIII, 555 d (cf. ARISTOXÈNE, fr. 57);
fr. 95, PLUTARQUE, Aristide, I; fr. 96, ibid., XXVII (cf. ARISTOXÈNE,
fr. 58); fr. 97, ibid., V; fr. 98, DIOG. LAËRCE, II, 44; fr.l 53. DÉMÉTRIUS):
F. WEHRLI, Die Schule des Aristoteles, IV. Demetrios von Phaleron, Basel,
1949, p. 24-25 et 34; pour les commentaires de ces textes, voir WEHRLI, op.
cit., p. 63-65. Nous y relevons les remarques suivantes au sujet des deux
écrits socratiques précités de Démétrius : «Gegen die Gleichsetzung beider
Schriften (Herweig, Ostermann, Martini) hat Jacoby zu F 40-45 Bedenken,
er môchte eine Rede und einen Dialog unterscheiden und diesem fr. 94,97
zuweisen, Dabei ergeben sich aber Schwierigkeiten, denn an der Diskussion,
ob Myrto Tochter oder Urenkelin des Aristeides sei (fr. 94-95), kann Sokrates
unmôglich beteiligt sein, weil D. sie mit Argumenten aus persÕnlichen
Erfahrung führt (cf. BAYER, p. 152). Anderseits weist man die ausfürhlich
behandelte Einzelheit auch nicht gerne dem Prolog einer dialogischen
Schrift zu, und wenn der Dialog nach Sokrates als Gegenstand der Unter-
haltung heissen sollte, wâre D. einer der Gesprâchsteilnehmer und der
Abstand von der Apologie gering. So bleibt die Identitât beider Schriften
das Wahrscheinlichere. — Die Tradition ist gegeben mit den Apologien
von Platon, Xenophon, Lysias, etc.; innerhalb des Peripatos mochte eine
Verteidigung des Sokrates sich gegen die Anwürfe des Aristoxenos richten
(ARISTOXENOS, fr. 51-60). Sie wurde zum Angriff gegen die Athener, welche
überhaupt mit keinem Philosophen ausgekommen sein sollen. Ob D. dabei
der eigenen Vertreibung gedachte? Dann nâhme die Schrift einen persôn-
lich hochst aktuellen Bezug; mit der 'Aθηναίων ϰαταδρομή (fr. 131-138)
wird man sie aber nicht gleichsetzen »(op. cit., p. 63-64). —Les fragments
de Démétrius de Phalère et la doxographie le concernant se trouvent ras-
semblés chez Carl MÜLLER, Fragm. histor. graecorum, II, Paris, 1848, p. 362
et suiv.; chez F. JACOBY, Die Fragmente der griechischen Historiker, II,
1929-1930, n° 228, et, plus récemment, chez F. WEHRLI, op. cil., p. 9-44
(doxographie p. 9-20; frag. p. 21-44). Pour toutes questions touchant à
Démétrius, voir : H. DOHRN,De vila et rebus Demetrii Phalerei Peripatetici,
Kiel, 1825. Ch. OSTERMANN, Commentatio de Demetrii Phalerii vila, rebus
gestis et scriptorum reliquiis, Hersfeld-Fulda, 1847-1857. Th. HERWIG, Ueber
Demetrius Phalerus, Rinteln, 1850. K. A. PAPASIS, Demetrius u. die Stadt
Athen, Erlangen, 1893. E. MARTINI, S. voce Demetrius dans PAULY-WIS-
SOWA,RE. D. COHEN,De Demetrio Phalereo, in Mnemosyne. LIV, Leiden,
1926, p. 88. E. BAYER,Demetrios Phalereus der Athener, Tübingen, 1942. J.
LACROIX, Demetrios de Phalère, Liége, 1942-1943. S. Dow-A. H. TRAVIS,
Demetrios of Phaleron and his Lawgiving, in Hesperia, XII, 1943, p. 144,
et, enfin, les commentaires de WEHRLI, op. cil., p. 49-89.
(1) Littérature socratique sur Alcibiade : outre les passages bien connus
de PLATON (Alcib. I, 103 a-104 a et suiv., 105 d, 106 e, 118 c, 121 a;
Euthyd., 275 a et suiv.; Prot., 309 a; Gorgias, 481 d, 519 a; Banq., 215 a
et suiv.; cf. Rep., 494 b, de PSEUDO-PLATON, Alcib. II, passim) et de XKNO-
PHON (Mém., I, 2, 12 et suiv., 39 et suiv.), voir, sur les fragments d'Eschine
(les dialogues Alcib. et Axiochos), H. DITTMAR, Aischines von Sphettos,
Berlin, 1912, p. 97 et suiv., et sur ceux d'Antisthène, A. G. WINCKELMANN,
Antisthenis Fragmenta, Zürich, 1842, p. 17 et suiv. K. JOËL, Der echte u. d.
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Critias et Isocrate (1) ont-ils eu raison de se réclamer de Socrate?


Et quelle place faut-il leur assigner dans le mouvement socra-
tique? Quelle signification doit-on accorder aux multiples réver-
bérations de l'idéal socratique dont témoigne toute la pensée
antique? Autrement dit, existe-t-il un élément commun à
Socrate et à tous les rameaux socratiques (2)? D'où proviennent
les contradictions et les divergences qui se sont fait jour
au sein du courant socratique? Et aussi : où passe la ligne
xenophon. Sokrates, II, 1, Berlin, 1901, p. 397; II, 2, p. 651, 663, 719, et
DITTMAR, op. cil., p. 68 et suiv. On relève également de nombreuses allusions
à Alcibiade en rapport avec Socrate dans l'Apol. de LIBANIUS aux endroits
suivants : 35, 136-137, 142, 150, 160. Se rappeler encore, au sujet d'Euri-
pide sur Alcibiade, Les Suppliantes. Cf. ARISTOPHANE, Les Grenouilles,
1427 et suiv., 1446 et suiv. PLUTARQUE, Alcib., 11 (sur ce point, voir G. Mup-
RAY, Euripides and his Age10, London, 1937, p. 111-115, et le livre de
HATZFELD mentionné ci-dessous, p. 330-331). Pour des références plus
anciennes, voir plus loin l'appendice. Sur la question prise en général,
voir l'excellent ouvrage de Jean HATZFELD, Alcibiade. Étude sur l'histoire
d'Athènes à la fin du Ve siècle, Paris, 1940 (19512).
(1) Dans le Phèdre, 278 e, 279 b, Platon mentionne Isocrate parmi les
compagnons de Socrate. Comp. ce que l'orateur lui-même dit du philosophe
dans Busiris, 5 et 6. La vénération qu'il professait à l'égard de Socrate est
attestée par OLYMPIODORE dans son Commentaire sur le Gorgias. On y lit,
IlpàÇ. XLI : « Après sa mort [de Socrate], Isocrate désolé conduisit les
jeunes gens à Anitus et à Mélitus : Chargez-vous de cette jeunesse, leur dit-il,
instruisez-la, maintenant que Socrate n'est plus » : δέξασθε, παιδεύσατε
αὐτοὺς ὑμεῖς Σωϰράτης oùx STI èaTLV (voir V. COUSIN, Fragments de phi-
losophie ancienne, Paris, 1856, p. 364). On trouvera dans Isokrates u. d.
Sokratik, de H. GOMPERZ (in Wiener Studien, 2, 1905, p. 163-207; XXVIII,
1, 1906, p. 1-42) une assez vivante présentation du problème dont fait
état le titre de l'étude, et en particulier de la teneur des Xoyoi éristiques et
des différentes sortes d'éristiques. L'auteur rappelle en outre le caractère éris-
tique de la dialectique dont se sont servis les socratiques; de fines remarques
aussi sur Isocrate et les X6yot Σωϰρατιϰοί ainsi que sur les sources des
connaissances socratiques d'Isocrate et sur l'influence de Socrate qu'en
témoignent les écrits isocratiques. Cette influence solidement établie par
H. Gomperz dans l'étude ci-dessus mentionnée fut encore dernièrement
reconnue par JAEGER (Paideia, III, New-York, 1944, p. 50, 301-302, 316;
cf. p. 133). Il serait peut-être bon de rappeler, sur d'autres aspects, W. VOLLN-
HALS, Ueber d. Verhaltnis d. Rede des Isokrates ITspl ἀντιδόσεως zu Pla-
tons Apologie des Sokrates, 1897, et O. M. FEDDERSEN, De Xenophontis
Apologia et Isocratis Antidosi quaestiones duae Socratis litem attinentis,
Jena, 1907. — Mentionnons à ce propos, bien que la question n'ait qu'un
rapport lointain avec le sujet traité ici, deux études concernant l'attitude
d'Isocrate vis-à-vis de la sophistique : Th. KLETT, Die Verhâltnisse des
Isokrates zur Sophistik, Ulm, 1880, et W. NESTLE, Spuren der Sophistik bei
Isokrates, apud Griechische Studien, Stuttgart, 1948, p. 451-501.
(2) Ce problème a retenu l'attention beaucoup moins qu'il n'aurait fallu.
A ce propos, voir cependant les réflexions d'Ettore BIGNONE sur les liens
entre les cyniques, les cyrénaïques et Socrate : Studi sul pensiero antico,
Napoli, t938, e. 44-51.
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de démarcation entre Socrate et les socratiques? A u t a n t de


questions, parmi beaucoup d'autres, que les critiques se sont
posées et se posent encore.

Rien ne p a r a î t plus divers que les positions des critiques


à l'égard de Socrate. Que n'a-t-on pas dit de lui?
P a r m i tous ceux qui pensent et vivent la philosophie, aucun
ne fut porté si h a u t dans la consécration universelle. E n t r é
v i v a n t dans le P a n t h é o n de l'histoire, il est pour la plupart
une sorte de symbole, en dehors et au-dessus de la réalité his-
torique. Figure fascinante d'une grandeur peu commune, le
plus « p u r héros», il est un Sage et u n juste, et de surcroît le plus
digne d'être compté parmi les hommes. C'est le plus grand
qui soit. L ' â m e tendue de générosité, il avait trouvé dans
son esprit une certitude et prononça le « premier cri vrai de la
conscience humaine ». Ainsi il ouvrit à la méditation des pers-
pectives insoupçonnées. Ce qu'il représente à son origine et
dans son essence, c'est « la libre dignité de l'homme ». Il est le
premier qui ait dit la Vérité. Socrate a donné à l'esprit, à ce
qui dans l'homme est le plus universel : la Raison, son s t a t u t
et son programme. Ce grand m a r t y r des opinions hardies est
le premier qui ait osé voir où est la juste fierté de l'homme et
a pris le courage de le dire et de lui rester fidèle. Plus que per-
sonne, Socrate est celui qui, même en mourant, ne s'est pas
laissé distancer par la vie : p a r le fait même de sa mort, sa vie
serait devenue modèle ou, pour parler grec, un παράδειγμα. Il
fut, avec un ou deux autres, celui qui, dans la vie intellectuelle
de l'humanité, incarne t o u t ce qu'il y a de meilleur dans le
ϕιλόοϕος βίος, et il reste, par-dessus les siècles, le type achevé
du génie philosophique. E n dernier ressort, ce symbole n'est
pas à proprement parler un passé, mais tous les passés, la source
commune à t a n t de courants spirituels, de quelque nom qu'ils
soient revêtus. Socrate est p a r t o u t où sont des images où se
transfigurent « l'amour et la volonté indéfectible de Savoir, de
Justice et de Vérité» d'une perennis philosophia dont il est l'in-
carnation symbolique (1).
Ce m y t h e historique, qui décline à l'horizon, est encore de notre
temps celui de nombre d'esprits cultivés. Mais, pour ceux qui ont

(1) C'est ce dont témoignent les propos souvent tenus par d'innombrables
auteurs qui se sont penchés sur la figure de Socrate, pour en faire ressortir
l'immense rayonnement. La valeur symbolique de Socrate a notamment
inspiré à M. A. DIÈS des pages d'une très belle allure poétique dans sa confé-
rence sur le Socrate de Platon qui, publiée en 1913 dans la Rev.Philos. théol.,
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travaillé à éclairer le problème de Socrate, il ne garde plus, dans sa


candeur naïve, que l'intérêt d'un stade depuis longtemps dépassé.
Ce mythe a un revers. Comme dans toute légende, un moment
est venu où le symbole a changé de signe. Avec Nietzsche,
de type positif qu'il avait presque toujours été, Socrate devint
un symbole négatif : tout compte fait, il est un de ceux, avec
les chrétiens, Rousseau et quelques autres, à qui échoit la plus
lourde responsabilité dans le cheminement de la déchéance
humaine. Il est le prototype de l'homme décadent : on le retrouve
à l'origine de « l'immaculée connaissance », décharnée, séparée
de la vie, qui s'accomplit dans l'effondrement de l'individua-
lité qu'accable la double nature exaspérée de l'homme mo-
derne : «la lucidité conquise par la raison, la vitalité spontanée
de la nature ». Socrate apporte une valeur opposée au surhomme
nietzschéen (1).
p. 412-431, est aujourd'hui accessible dans son Aulour de Platon, I, Paris,
1927, p. 156-181 (le symbolisme de Socrate y est décrit p. 175-181; cf. p. 174).
(1) La thèse de Nietzsche est, de nos jours, bien trop connue pour qu'il
faille insister. On sait également la place que Socrate tient, à côté de Wagner
et de Schopenhauer, dans l'ensemble de ses préoccupations concernant la
critique générale de la décadence européenne. (Sur cette critique et le rôle
qu'elle a joué dans le développement de l'idéologie bourgeoise allemande,
voir G. LUKÁcs, Nietzsche, in La Littérature internat., n. 9, 1935, p. "66-79;
cf. H. LEFEBVRE, Nietzsche, Paris, 1939, et L'Existentialisme, Paris, 1946,
p. 142-159.) —Au sujet de la position de Nietzsche devant la culture grecque
prise en général, on lira avec intérêt les très fines analyses de Mikhail
LIFSCHITZ, J. J. Winkellmann and the Three Epochs of the Bourgeois
Weltanschauung, in Philos. Phen. Res., VII. 1, 1946, sp. p. 63-72; il faut
aussi consulter l'ouvrage de A. H. J. KNLGHT, Some Aspects of Life and
Work of Nietzsche, and particularly of his Connexion with Greek Literature
and Thought, Cambridge, 1933, que l'on pourra rapprocher de quelques-
unes des considérations de F. COPLESTON dans son livre un peu trop ten-
dancieux, Fr. Nietzsche Philos. of Culture, London, 1942, p. 39, 49, 51-66
(recensé par nous dans Biblos, XIX, Coimbra, 1943, p. 519-521). A noter,
R. MONDOLFO,El genio helenico y los caracteres de sus creaciones espiriluales,
Tucumàn, 1943, p. 17-18. Nietzsche, comme l'on sait, mentionne le nom de
Socrate dans de nombreux passages au long de ses œuvres. Les principales
mentions, toutefois, se trouvent dans «Das Problem d. Sokrates », chapitre
de GÕtzendammerung, dans Wille zur Macht, dans l'écrit qui constitue
les réflexions originaires de l'œuvre de 1873 sur les origines de la tragé-
die : Sok-rates u. d. griech. Tragôdie, dans Die Geburt d. Tragodie aus dem
Geisle d. Musik et dans Die Philos. im tragischen Zeilalter d. Griechen.
Comme indication de tous les passages où NIETZSCHE parle de Socrate dans
les Gesam. Werke, voir le très utile volume de Richard ŒHLER, Nielzsche-
Register, Alphabetisch-Syslemat. Uebersicht über Nietzsche Gedankenwelt nach
Begriffen u. Namen aus dem Text entwickelt, Stuttgart, 1943, p. 425-428.
Les passages relatifs à Platon qu'il est utile d'en rapprocher sont mentionnés
dans les pages 365-369 . L'attitude de Nietzsche en face de Socrate est
particulièrement analysée dans les quatre études suivantes : H. HASSE,
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Le mythe construit par des amplifications successives se


trouve renversé.
Mais il est clair que ceci se rapporte, par-dessus l'ébranle-
ment général des valeurs bourgeoises annoncées par Nietzsche (1),
à tout ce que les traditions anciennes ramènent de fange et de
ragots éculés avant et après le procès (2). La défaveur envers
Socrate, dans un cas comme dans l'autre, correspondait, au
point de vue du développement historique, à un besoin polé-
mique. Tout comme son contraire, l'ardeur apologétique. Mais
rares sont ceux qui ont fait trop de crédit à cette sorte de sources,
tel un Aristoxène qui plus qu'aucun autre a jeté le premier
trouble dans l'image d'Épinal, fidèlement calquée de la mytho-
poïesis. Aussi nous déclare-t-on : Socrate n'a été qu'un piètre
philosophe, un niais, à propos de qui toute une hagiographie
Das Problem d. Sokrales b. Fr. Nietzsche, Leipzig, 1918. K. HILDEBRANDT,
Nietzsches Hampt mit Solcrates u. Platon, 1922. E. SPRANGER, Nietzsche über
Sokrates, in 40. Jahrteier Th. Boreas, Athen, 1939, et Walter A. KAUF-
MANN, Nietzsche's Admiration for Socrates, in J. Hist. Ideas, IX, 4, 1948,
p. 472-491. Cf. également W. JAEGER, Paideia, II, New-York, 1943, p. 15-
16. Il y aurait lieu encore de rappeler W. NESTLE, Fr. Nietzsche u. d. griech.
Philos., in Neue Jahrb., XXIX, 1912, p. 554 et suiv. (= Griech. Welt-
anschauung, Stuttgart, 1946, p. 255 et suiv., sp. p. 267 et suiv.). —Nous en
reparlons plus amplement dans notre Socrate et la légende platonicienne,
ch. I.
(1) Au premier rang desquelles le rationalisme de type classique, avec
tout ce qu'il exprime et honore, y compris ses héros les plus significatifs.
Socrate était évidemment du nombre. Rien de plus utile à cet égard que
de se reporter à l'ouvrage fondamental, fort documenté et toujours pertinent,
de M. Georges FRIEDMANN, La Crise du Progrès. Esquisse d'histoire des
idées. 1895-1935, Paris, 1936. Le lecteur y trouvera les éléments suffisants
pour juger de ce tournant; sur les premières dissonances dans l'appréciation
des «valeurs spirituelles »au seuil du siècle, voir en particulier p. 40 et suiv.,
134 et suiv.; quelques indications aussi dans le même sens dans notre Pro-
gressa. HistÓria Breve de uma Ideia, Coimbra, 1939.
(2) Les assertions des anciens défavorables à Socrate sont rassemblées
par J. LUZACdans ses Lectiones atticae. De διγαμίᾳ Socratis, publiées à Leyde
en 1809. Cf. ZELLER, Philos. der Griechen, II, P, 1922, p. 55, 63-66. —
Pour les attaques subies par Socrate avant le procès, voir en plus des textes
des comiques : PLATON, Apol., 22 e, 32 c, et suiv.; XÉNOPHON, Mém., I, 2,
31 et suiv.; IV 4, 3. Ici, il suffit de signaler le fait; nous reviendrons dans le
détail à cette question. A cet égard, nous ne saurions oublier cependant la
question obscure du prétendu repentir des Athéniens au sujet de l'exécution
de Socrate : ZELLER, op. cit., II, l", 1922, p. 110, et suiv., ainsi que Th. GOM-
PERZ, Griechische Denker, II3, Leipzig, 1912, p. 95. H. MAIER, lui aussi,
se range à cette opinion : Sokrales, Tübingen, 1913, p. 110. Les renseigne-
ments ainsi tenus pour très incertains et même invraisemblables (le mot
est de Zeller) se trouvent dans les passages suivants : DIODORE, XIV, 37,
in fine; PLUTARQUE, De invid., 6; SUIDAS, S. voce MéXvjToç; DIOG. LAËRcE,
II, 43, et VI, 9; TUÉMISTIUS, Or. XX, 239 c; TERTULIEN, Apologel., 14;
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et une synonymique ont brodé une enluminure cultuelle dans le


plus parfait esprit de l'arétalogie. Autrement dit, il ne s'agit
plus d'exploits d'un héros divinisé; et ce n'est que juste, estiment
ceux qui se rattachent aux ébauches historiques ou prétendues
telles de l'école péripatéticienne (1) et font état de toutes
imputations du même genre, d'où qu'elles viennent, dont foi-
sonne l'antiquité. Socrate n'apparaît plus que sous l'aspect d'un
philistin au regard torve, d'un roué sophiste, maître en canail-
lerie et dans l'art de finasser en justice, d'un débauché inculte
prêtant à usure et se plaisant dans la crasse et dans la guenille.
C'est le dénigrement sur toute la ligne. Les excès des uns appellent
et expliquent ceux des autres. Ainsi le mythe perd son beau
masque fardé d'exaltation outrancière et révèle les dessous des
querelles anciennes d'avant et d'après l'époque post-aristoté-
licienne. Mais ce refus du portrait épique n'est pas en mesure
de saisir ni d'expliquer la dialectique de sa propre position et
de celle aux antipodes de laquelle elle se place. L'insignifiance
même à laquelle ces attaques haineuses réduisent Socrate rend
inconcevable la violence des polémiques. Et il est clair, au moins
en ce qui concerne Aristoxène et les péripatéticiens de la même
période (2) ainsi que les écrivains chrétiens hostiles au paga-
SAINT AUGUSTIN, Civ. Dei, VIII, 3 (d'après ZELLER, /oc. laud.). Voir aussi
ESCHINE, Contre Timarque, 173.
(1) L'historiographie philosophique ancienne fait l'objet du tout récent
ouvrage de M. Mario DAL PRA, La Storiografla filos. antica, Milano, 1950;
pour les péripatéticiens, voir p. 81-94, 230-245. Rappelons néanmoins sur
les recherches des péripatéticiens concernant l'histoire littéraire et la bio-
graphie, l'ouvrage bien connu de Fr. LEo, Die griechisch-rômische Biographie,
Leipzig, 1902, p. 103 et suiv., 316 et suiv. Sur Socrate dans la tradition
post-aristotélicienne, on trouvera de bonnes indications dans Socrates and
Plato in Post-Aristotelian Tradition, de G. C. FIELD, dans Class. Quart.,
XVIII, 1924, p. 127 et suiv., et XIX, 1925, p. 1 et suiv., réimp. récemment
dans le livre de FIELD, Plato and his Conlemporaries2, London, 1948, p. 214-
238. Cf. D. TARRANT,The Pseudo-Platonic Socrates, in Class. Quart., XXXII,
1938, p. 167 et suiv., et W. SCHMID, Gesch. der griech. Liter., III, I, Mün-
chen, 1940, p. 235, où il est dit : «Bedeutungslos sind nacharistotelische
Zeugnisse », et p. 275 et suiv.
(2) Ces fragments, recueillis jadis d'ans C MÜLLER, Histor. Graec. Fragm.,
II, Paris, 1841-1870, se trouvent maintenant édités par F. WEHRLI, Die
Schule d. Aristoteles. Texte u. Komm., Basel, 1944-1949 (cinq tomes parus
jusqu'à ce jour, portant sur Dicéarque, Aristoxène, Cléarque, Démétrius
de Phalère et Straton). —En ce qui concerne notamment Aristoxène, voir
une judicieuse appréciation du caractère plutôt littéraire qu'historique de
ses Biot dans Fr. LEO, Die griechisch-rômische Biographie, Leipzig, 1901,
p. 102 et suiv. : les Vies sont des récits librement composés qui, sous l'in-
fluence de l'école d'Isocrate, recherchent nettement un effet rhétorique. Il
faut signaler aussi R. HIRZEL, Der Dialog, Leipzig, 1895, p. 335. G. V. J&n
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nisme de l'Athénien (1), qu'il n'est point question pour eux de


rétablir la vérité, faussée par la légende (2). Il reste vraisem-
blable que ce n'est là encore qu'une affabulation intéressée pre-
nant le contre-pied d'une autre qui ne l'était pas moins. La
réaction sur le même plan à ces deux exaspérations systéma-
tiques et illimitées n'est véritablement venue que récemment :
Socrate n'est ni le pur esprit désincarné, le symbole sans ombres,
que toute une tradition remontant jusqu'à la Renaissance a
fixé, qui au siècle des lumières acquit les plus larges faveurs
de tous les esprits éclairés (3), et dont la majorité des exé-
dans PAULY-WISSOWA, R. E., II, 1057. J. GEFFCKEN, in Hermes, LXIV,
1929, p. 91 et suiv. (cf. H. DITTMAR, Aischines von Sphettos, 1912, p. 215).
Comp. notre Socrate et la légende platonicienne.
(1) Voir les références dans notre appendice Doxographia socratica, ouvrage
précité. Sur la question générale de l'utilisation des classiques et le rôle de
la culture païenne dans la pensée chrétienne, comp. par exemple le songe
célèbre de saint Jérôme : Epist., 22,30, apud Corpus Scriptorum Ecclesias-
licorum Latinorum, vol. LIV, Vindobonae, 1910, et la réponse aux reproches
de l'oratéur romain Magnus : Epist., 70, op. cil., vol. XXII, col. 664-668.
A ce propos, il sera intéressant aussi de se reporter à l'analyse qu'au point
de vue chrétien donne M. H.-I. MARROU, de l'opposition des Pères de
l'Église à la culture païenne classique, dans sa thèse Saint Augustin et la
fin de la culture antique, Paris, 1937, p. 339-356. Les textes apologétiques,
dans Patrologia graeca et Patrol. latina, de MIGNE.
(2) L'élaboration de «l'histoire légendaire de la philosophie grecque» a
été abordée avec beaucoup de fantaisie et de hardiesse et aussi quelques
vues très pénétrantes par E. DUPRÉEL, La Légende socratique, Bruxelles,
1922, en particulier p. 397 et suiv. Mais l'ensemble du problème reste à
examiner avec le sérieux indispensable.
(3) Particulièrement significatifs sont, de ce point de vue, le drame de
Voltaire sur Socrate, son article dans le Dictionnaire, et les nombreuses
allusions de la Profession de foi du vicaire savoyard, de ROUSSEAU (voir
notamment dans l'édition critique par P.-M. Masson, Fribourg, 1914, les
pages 207, 263, 285, 291, 293). Au reste, Socrate jouit d'une vogue considé-
rable dans l'ordinaire de la pensée européenne du XVIII siècle; plus parti-
culièrement son nom revient sans cesse dans toute la littérature allemande
de l'époque des «éclairés »aux romantiques et aux classiques : Hamann,
Mendelssohn, Jacobi, Herder, Klopstock en parlent; de ce dernier, voir
notamment le passage célèbre de la Messiade, VII, v. 399-449. Mais l'ou-
vrage le plus représentatif de l'époque à cet égard reste celui du philosophe
éclairé Moses MENDELSSOHN,Leben u. Charakter des Sokrates als Einleitung
zer seinem Phaedo, Berlin, 1767, lequel d'ailleurs ne peut plus nous inté-
resser qu'à ce titre documentaire, en raison de son manque total de perspec-
tive historique. On n'a pas voulu faire moins que prêter à Socrate toutes les
préoccupations du bonheur humain, de l'immortalité de l'âme envisagée
sous l'angle de l'eudémonisme, de la religion rationnelle et du rationalisme
éthique, du «bon sens », de la tolérance, de l'éclectisme et du cosmopoli-
tisme qui définissent l'idéal humain de la philosophie populaire de l'Auf-
klarung germanique. Cette idéalisation de Socrate au XVIII siècle est déjà
nettement visible chez W. G. TENNEMANN qui, s'élevant avec véhémence
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)
gètes reste si encombrée, — ni le symbole purement négatif
que Nietzsche a accablé, avec tout le poids de sa renommée (1).
Quelques auteurs, tels que A. D. Winspear et Tom Silverberg,
ont essayé hardiment de résoudre la contradiction entre la repré-
sentation que se sont faite de Socrate ses détracteurs : Aris-
tophane et les comiques, le rhéteur Polycrate, le polygraphe
tarantin et autres, et celles qui nous sont transmises par la tra-
dition apologétique (2). Il n'est pas douteux que leur contribu-
tion soit des plus ingénieuses sous beaucoup de rapports et
oblige à la réflexion, notamment pour ce qui est de la reprise
et de l'approfondissement de l'indication célèbre que F. A. Wolf
donna en son temps : « Es ist ein sehr gewôhnlicher Irrtum wenn
man in weiter Zeitferne ein Leben eines unermüdet fortstre-
benden, und ihn in jeder Periode seiner Tâtigkeit in guter
Uebereinstimmung mit sich selbst findet (3). » Par quoi l'on voit
que, si la pensée de Socrate n'est pas arrêtée dès ses débuts,
mais se développe et se transforme avec tout sqn contexte
historique — subissant son influence et en même temps l'in-
fluençant (4) — il ne serait pas invraisemblable de voir un
Socrate misodemos, disons aristocratisant, idéaliste et déçu par
l'étude de la nature, se succéder à un -Socrate première manière
philodemos, disons rattaché aux tendances démocratiques de la
sophistique, et physiologue d'inspiration matérialiste (5). Et il est
certain que le Socrate que ces auteurs nous offrent est vivant,
suggestif au plus haut degré, absolument différent des descrip-
contre la condamnation qui l'a frappée, voit avant tout en lui «l'homme
qui avait fait du droit le seul principe de son action et jamais ne s'en était
départi » (Gesch. der Philos., II, Leipzig, 1798, p. 39 et suiv.). — Le livre
de B. BÔHM,Sokrates im 18. Jahrh. : Studien zum Werdegang des modernen
PersÕnlichkeitsbewusstseins, Leipzig, 1929, nous apporte une riche infor-
mation sur ce chef. Quelques indications très brèves dans P. HAZARD,
La Pensée européenne au XVIIIe siècle, Paris, 1946, t. I, p. 84, 158, 205,
230, et t. II, p. 213. Voir plus loin, p. 127, 131, 305.
.(1) L'écrivain portugais OLIVEIRA-MARTINS également l'a pensé et l'a
affirmé avec force dans son livre 0 Helenismo e a Civilizaçào Cristâ, Lisboa,
s. d., par des expressions souvent semblables à celles de Nietzsche et à
la même époque; mais tout indique que Martins ne l'avait pas connu. Voir
plus loin, p. 174-175.
(2) A. D. WINSPEAR-T.SILVERBERG, Who Was Socrates? New-York, 1939.
(3) F. A. WOLF, Nubes, Nürenberg, 1811. Cf. WINSPEAR-SILVERBERG, op.
cit., p. 89-90, qui rappellent aussi W. D. Ross, The Problem of Socrates, in
Proceed. of the Class. Assoc., London, 1933, p. 9.
(4) Gestaltend- umgestaltend, suivant l'expressive formule de W. DILTHEY
dans Erlebniss u. Dichlung, Leipzig, 1929, p. 183.
(5) Voir notre Aristophane et le Socrate historique, à paraître prochai-
nement.
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tions traditionnelles. D'après eux, Socrate n'est pas le pur rêveur


contemplatif, sorte de génie intemporel, symbole abstrait et
surhumain du pur intellectuel, ermite spirituel éloigné de la
réalité vivante de l'Athènes de Périclès, mais un participant
actif des luttes politico-sociales et idéologiques de la cité et qui
a sciemment pris parti.
Mais si cette réaction contre le « préjugé métaphysique » qui
consiste à considérer un philosophe seulement en tant que créa-
teur d'un système de pensée et non comme une figure histo-
rique concrète (1), avec tout l'effort qu'elle comporte pour placer
Socrate, dans son milieu lolal, tel que le dessinent les problèmes
sociaux fondamentaux de son temps, n'est que toute récente
et n'a guère encore réussi à s'imposer (2), en revanche sont
légion ceux qui depuis toujours s'appliquent à assigner à Socrate
sa place dans l'histoire abstraite des idées et se demandent ce
qui donne à Socrate sa véritable dimension, sa manière d'être
particulière.
Ici surtout les avis sont extrêmement partagés. On nous a
dit, à propos de la tournure essentielle de son esprit, de ce
qui est en fin de compte sa substance et son âme, que Socrate
est au premier chef le-plus grand rationaliste de son temps (3).
Aussi bien semble-t-il que ce qui donne la mesure de son esprit,
ce sont les traits qui font de lui le représentant typique de
l'idéal rationaliste de culture, sorte de personnification logique
et scientifique de l'esprit attique et défenseur exemplaire d'une
éthique basée sur la raison autonome (4).
(1) Cf. A. D. WINSPEAR, The Genesis o/ Plato's Thought, New-York,
1940, p. 187; comp. p. 111.
(2) En dépit de son incontestable originalité (ou peut-être à cause d'elle),
Who n'as Socrales? est pratiquement passé inaperçu. Voir cependant le
fort bon compte rendu que lui consacre Abraham EDEL dans Science a. So-
ciety, III, 4, New-York, 1939, p. 542-544. Comparer les nombreux passages
concernant Socrate dans le livre plus haut cité de Winspear, sur Platon
(voir les références dans l'index).
(3) Comme le fait observer, entre une foule d'autres, Ed. SCHWARTZ
dans son Sokrates u. Platon, apud Charakterkople aus der Anlike, nouv.
éd., Leipzig, 1943, p. 54-73 (l'affirmation ci-dessus se frouve à la p. 59;
cf. p. 60-61); 19503. Comp. BERGSON : « Jamais la raison n'aura été placée
plus haut » (Les deux sources de la morale et de la religion5S, Paris, 1948,
p. 59).
(4) C'est la thèse rendue fameuse par Karl JOËL dans Der echle u. d.
xenophon. Sokrates, Berlin, 1893-1903; voir plus particulièrement sur ce
point ch. 1, p. 171-202: «Allgemeine Charakteristik und Erklârung des
sokratischen Princips. »L'auteur y étudie successivement : a) «Das sokra-
tische Princip in seiner allgemein systematischen Deutung als Rational-
ismus » (p. 171-184); b) « Das sokratische Princip in seinen âusseren
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Mais l'avis contraire est derechef tout aussi répandu : Socrate


est cet homme illuminé et mystagogue qui a su atteindre les
profondeurs de la ferveur religieuse et ainsi a contribué plus que
tout autre dans le monde païen à préparer la voie à la trans-
formation du sentiment religieux (1). Ce que les uns regardent
comme la suite normale et l'aboutissement régulier d'un effort
rationnel pleinement conscient de lui-même, d'autres s'efforcent
de l'expliquer par la présence — et la prédominance — en Socrate
d'éléments supra-rationnels. Et sur ce point, la diversité des
jugements est assez grande. Tandis que, pour quelques-uns, ce
qui définit en fait la religiosité de Socrate, c'est son fond mysté-
rieux et obscur d'influences orientales (2), pour d'autres, l'obéis-
Bedingungen als attische Geistesphilosophie »(p. 184-196); et c) «Der sokra-
tische Rationalismus als historisch erste Form der Geistesphilosophie »
(p. 196-202). Pour une idée rapide des idées de Joël sur Socrate, voir sa
Gesch. der anliken Philos., I, Tübingen, 1921, p. 730 et suiv., laquelle
apporte par ailleurs des corrections à l'ouvrage précédent. Mentionnons
également les importants articles Der À6yoç ScùxpaTixéç, in Archiv G. Phi-
los., VIII, 1895, p. 466-483, et IX, 1896, p. 50-65, et Die Auffassung der
kynischen Sokratik, ibid., XX, 1-2, p. 1-24 et 145-170.
(1) Le caractère profondément religieux de Socrate a déjà été entrevu au
moment de la réaction du Slurm und Drang contre VAufklûrung, par J.
G. HAMANN dans un livre qui fit scandale : les Sokratische Denkwürdigkeiten,
parus en 1759, et suivis peu après par les Wolken, ein Nachspiel Sokratischer
Denkwürdigkeiten recueillis dans Hamann's Schriften, hrsg. v. Fr. Roth,
Berlin, 1821 (comment. par GŒTHE dans Aus meinem Leben. Dichlung und
Wahrheit, III, 12, apud Sammt. Werke, XXIV, Leipzig, s. d., p. 46 et suiv.;
voir aussi R. UNGER, Hamann und die Aufklarung2. B. BÔHM, Sokrales in
18. J ahrh., Berlin. 1929, s. p. 258 et suiv., et enfin le recueil Sturm u. Drang.
Kritische Schriften, hrsg. v. E. Lœwenthal, Heidelberg, 1949). Il a été exa-
miné par ZELLER (Philos. der Griechen, II, l3, 1875, p. 61, 69 et suiv., 143 et
suiv.; 15, 1922, p. 66, 72, 172 et suiv.); par BOUTROUX (Socrate fondateur de
la science morale (1883), réimp. dans les études d'hist. de la philosophie2, Paris,
1925, sp. p. 11, 64 et suiv.); il fut signalé aussi, et surtout, par A. LABRIOLA
(La Dottrina di Socrate secondo Senofonte, Platone ed Aristotele, in Alli
Sc. M. P., VI, 1871) qui cependant refuse à Socrate tout mysticisme (voir
dans l'édition publiée par les soins de B. CROCE sous titre Socrate11, Bari,
1947, p. 30 et suiv., 62-63); par Ernst HORNEFFER (Der junge Platon, I,
Geissen, 1922, p. 48, 105; cf. Platon gegen Sokrales, Leipzig, 1904) qui, de
son côté, exalte le prophétisme sublime de Socrate; par G. MÉAUTIS (Aspects
ignorés de la religion grecque, Paris, 1925, p. 101 et suiv.) qui se range
aussi à cette opinion et ne s'en écarte que sur un point de détail; par
P. MARTINETTI (Socrate, in Riv. di Filos., n° 1, 1939); et plus récemment
par R. MONDOLFO (Sôcrates, in Moralislas Griegos, Buenos-Aires, 1941,
p. 61-107); et par L. ROBIN (La Morale antique2, Paris, 1947, p. 27-31).
Mentionnons enfin, pour un rappel critique des travaux anciens, le mémoire
de Richard POHLMANN, Sokratische Studien, in Sitzungsb. der Kônigl.
Bayer. Akad. der Wissens., Philos.-philol.-hist. Kl., München, 1906, p. 49
et suiv.
(2) On a rarement porté aussi loin cette thèse que ne le fit Carl FRlEs:
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Suite de la note 2 de la page 43.


la façon la plus fructueuse d'approcher la vérité et d'éclaircir la figure pro-
blématique entre toutes de Socrate est d'admettre qu'elle nous apparaît
revêtue d'ornements orientaux, indiens en particulier. Le Socrate historique
fut rapidement enrobé de traits puisés dans ces sources. Platon, chez qui
on décèle l'influence des anecdotes dialoguées des Upanishads et des dialogues
de Bouddha —plus spécialement dans la collection intermédiaire Majjhima-
nikayo du canon pâli — jusque dans la forme même de l'art du dialogue
(ainsi qu'en témoignent les introductions poétiques et les procédés employés
pour reproduire les entretiens de Socrate avec les disciples), s'est visiblement
inspiré de la légende bouddhique pour fixer celle qu'il nous a transmise de
Socrate. ARISTOXÈNE et PAUSANIAS (IV, 32, 4) notamment se seraient fait
écho de ces rapports avec l'Orient. Par surcroît, il est désormais logique
d'établir, estime Fries, une corrélation entre le héros platonicien et les
sophistes d'une part, et le sage Yajfiavalkya et les brahmanes de l'autre.
Même les traits ascétiques du sage prêtés par Platon à Socrate dans le Ban-
quet et dans le Phèdre ainsi que l'intérêt porté à l'agôn rhétorique et à l'arrêt
des entretiens avant que le thema probandum ne soit démontré ou encore
les mythes d'Er et de l'Ëros créateur du monde (pour ne parler que de ceux-ci)
seraient dus à des influences exotiques. Tel est essentiellement le point de
vue audacieux et fort risqué de FRIES dans Das philos. Gesprâch von Hiob
bis Platon, Tübingen, 1904, et dans ZurVorgeschichte der platon. Dialogform,
in Rhein. Mus., LXXXII, 1933, p. 98-114;comp. J. GEFFCKEN,Platon u.
der Orient, in N. Jahrb. Wissens., 1929, p. 517-528. Voir par contre P. FRIED-
LÂNDER, Platon, I, Berlin, 1928, p. 190, qui détaille les dissemblances entre
la dialectique socratico-platonicienne d'une part, et de l'autre les dialogues
bouddhiques et les Upanishads. D'autres auteurs encore ont avancé des
conjectures sensiblement analogues, quant au fond, à celles de Fries, bien que
beaucoup moins poussées dans le détail, ainsi que nous le verrons plus loin,
p. 92 et suiv. Certains, tel OLDENBERG,Buddha. Sein Leben, seine Lehre,
seine Gemeinde6, Berlin, 1906, et Ueber d. Religiondes Veda und d. Buddhis-
mus, in Deutsche Rundschau, 1898, ont bien relevé des correspondances et des
parallélismes entre la pensée indienne et la philosophie grecque notamment
pour ce qui a trait à Socrate, mais se sont gardés d'y voir des influences
quelconques. Au reste, la question des influences orientales dans l'interpré-
tation du socratisme fut envisagée, de l'angle particulier des tendances
orientalistes d'Antisthène, par K. JOËL, Der echte u. d. xenophon. Sokrales,
1893-1901, passim. Au fait, c'est tout le problème des rapports de la culture
grecque et des cultures orientales que ces thèses soulèvent, et ce n'est que
sous cet éclairage d'ensemble qu'elles pourront être saisies et jugées. Ici, il
suffit de rappeler sur cette question la longue note très fouillée et mesurée
de M. R. MONDOLFO dans son édition de La Filos. dei Greci, de ZELLER,
I2, Firenze, 1943, p. 63-99 (cf. p. 35-63), et qui est en outre augmentée
d'une riche bibliographie critique. (Cf. ZELLER-NESTLE, Philos. den
Griechen, I3, 1919, p. 29 et suiv.). La question des rapports de Platon avec
l'Orient, qui a des incidences certaines sur les thèses orientalistes touchant
le problème de Socrate, a donné lieu dans les dernières années à d'impor-
tants travaux. Citons J. BIDEZ, Platon, Eudoxe de Cnide et l'Orient, in Bull.
Acad. Belg., Ve série, XIX, 1933, n03 6-9, p. 195-218, et noa 10-12, p. 273-
319, et Eos ou Platon et l'Orient, Bruxelles, 1945 (avec le compte rendu que
lui a consacré le P. A.-J. FESTUGIÈREdans la R. Philolog., 1947, sous le titre
Platon et l'Orient); J. KERSCHENSTEINER, Platon u. der Orient, Stuttgart,
1945 (qui nie avec force toute trace d'influences étrangères, sans excepter
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sance à la voix énigmatique de son démon (1) est incontestable-


ment ce qui dénote le mieux la piété de celui qui exerçait sur
l'agora athénienne son métier de « danseur solo à la gloire de
Dieu (2) ».
Tout concourt à mettre en évidence que Socrate accorda
toujours dans ses actes, sinon dans sa pensée, la plus vive
attention aux préoccupations d'ordre religieux; de tous côtés
on se plaît maintenant à le reconnaître. Toujours est-il que,
lorsqu'on cherche à définir l'authenticité de la religion socra-
tique de façon plus précise, on se heurte cependant à de grandes
difficultés. Au fait, E. Bréhier a parfaitement raison de dire que
Suite de la note 2 de la page 43.
la forme ni le contenu des mythes); S. PETREMENT, Le dualisme chez Platon,
les gnostiques et les manichéens, Paris, 1947. Rappelons encore R. REIT-
ZENSTEIN, Plato u. Zarathustra, Leipzig, 1927 (cf. l'ouvrage de cet auteur
en collaboration avec H. SCHAEDER, Studien zum antiken Synkretismus
aus Iran u. Griechenland, Leipzig, 1926); le travail précité de Geffcken
ainsi que l'étude de W. NESTLE, Der Orient u. d. griech. Philos., in
Griech. Weltanschauung, Stuttgart, 1946, p. 76-91 (sur Platon sp. p. 86-89).
(1) Sur le sens et la teneur du signe démonique de Socrate, on trouvera
des détails étendus dans Fr. SCHLELERMACHER, Platons lVerke. Ueber-
setzung u. Einleitung, I, 2, p. 432 et suiv. A. FOUILLÉE, La Philosophie de
Socrate, II, Paris, 1874, p. 226-316. ZELLER, Philos. der Griechen, II, 14,
1889, (= 1922), p. 74 et suiv. K. JOËL, op. cil., I, 1893, inter alia, p. 70-89,
168 et suiv. A. WILLING, De Socratis daemonio quae antiquis temporibus
fuerint opiniones, in Comm, philol. Jenens, VIII, 2, Leipzig, 1909, p. 125-
183. H. KESTERS, Il δαιμόνιον di Socrate, in Boll. di Filol. Classica, XIV,
p. 34-40, 52-57. Des références à des travaux plus anciens sur la question se
trouvent chez J. BRUCKER, Historia philosophiae, I, Leipzig, p. 543 et suiv.
Nous avons déjà rappelé l'importance que HAMANN attribuait au démon
socratique : Sokratische Denkwürdigkeiten, in Harnann' s Schriften, I, 1821;
parmi les extraits de cet ouvrage récemment traduits en français (P. KLOS-
SOWSKI, Les Méditations bibliques de Hamann, Paris, 1948), concernent
l'interprétation du démon ceux des pages 225-226. On trouvera par
ailleurs un exposé récent de la question, et notamment des diverses tra-
ditions à ce sujet, dans GIGON, Sokrates, Bern, 1947, p. 110-112, 163-178.
— La liste des principaux textes anciens concernant le δαιμόνιον socra-
tique a été donnée plus haut page 15.
(2) L'idée et l'expression sont de KIRKEGAARD. Il est bien connu que le
mystique et littérateur danois a souvent fait des allusions à Socrate dans ses
écrits. En dehors de l'ouvrage connu par sa traduction allemande sous le
titre Der Begriff der Ironie mit stândiger Rücksicht aul Sokrates, München,
1929, qui reste sous ce rapport le plus significatif, on trouvera ses vues sur
Socrate soit dans les Miettes philosophiques (trad. franç., Paris, 1947, p. 45
et suiv.), soit dans Crainte et tremblement (trad. franç., Paris, 1935) où Socrate
est plus spécialement envisagé en tant que « héros tragique intellectuel »,
ou plus précisément comme le représentant typique de la «foi »intellectuelle,
dans la mesure où celle-ci a conscience de la problématicité infinie de l'in.,
tellect. Revenant à la question, dans Maladie mortelle, plusieurs pages sont
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sur l'aspect religieux de la pensée de Socrate il faut bien s'en-


tendre (1).
Les sources dont on dispose sont placées sous le signe de la
diversité. E t il en est de même des interprétations. Si les uns
assurent que la chose essentielle dans l'εὐσέβεια était, pour
Socrate, l'observance des règles cultuelles a y a n t l'estampille
officielle, d'autres estiment qu'il y a p l u t ô t lieu de parler d'adhé-
sion de Socrate à une religio non licita avec toutes les pratiques
irrégulières qu'elle comporte, et à cela, tient justement, ajoute-
t-on, le bien-fondé de l'ἀσέβεια qui lui a été imputée (2); d'autres
à leur t o u r sont à même de dire que « Socrate fait l'effet d'avoir
consacrées à la confrontation de Socrate et de la doctrine chrétienne de la
faute. —L'interprétation kirkegaardienne de Socrate a fait l'objet d'une
étude assez approfondie de J. HIMMELSTRUP, Sôren Kirkegaards Sokrates-
aunassung, 1929. On trouvera des indications assez brèves et quelques
extraits dans le livre si averti et si alerte sur Socrate d'Antonio BANFI (Mi-
lano, 19442, p. 339-346). Signalons également à ce propos que le Sokrales de
H. KUHN (Berlin, 1934) n'est pas sans rapports avec des intuitions de
Kirkegaard. En français, à notre connaissance, la seule étude jusqu'à
présent où il soit question du Socrate kirkegaardien est le cours (ronéo-
typé) de M. WAHL, déjà cité : 1848-1948. Cent années de l'histoire de l'idée
d'existence. Kirkegaard-Jaspers, Paris, 1949, p. 20 et suiv. et passim.
(1) E. BRÉHIER, Histoire de la philosophie, I, Paris, 1938, p. 92.
(2) Le représentant le plus en vue de cette opinion est évidemment A. E.
TAYLOR; c'est lui du moins qui l'a le mieux étayée : Varia Socratica, Oxford,
1911, en particulier l'essai intitulé The Impiely of Socrates, p. 1-3, mais tout
le volume est à lire sous ce rapport. Suivant lui, l'impiété d&Socrate, c'est
son orphisme (sur ce point, voir plus spéc. les p. 166-167) et son pythago-
risme (passim). Taylor affirme en propres termes (p. 17 et 22) que Socrate
est présenté expressément dans le Phédon et dans le Gorgias comme un
adepte de la doctrine orphico-pythagoricienne de l'âme et comme un affilié
à la société secrète qu'est la secte pythagoricienne. Deux beaux exposés des
vues de Taylor sur la question se trouvent également, quoique beaucoup
moins fouillés, dans l'article que publia de lui en 1936 l'Encyclopaedia Bri-
lanica14s. voceSocrates et dans l'ouvrage homonyme paru à Londres en 1935.
John BURNETa accueilli avec faveur la thèse de Taylor et l'adopte, partielle-
ment du moins; il ne s'en éloigne, en dernière analyse, que sur le point de
l'orphisme de Socrate qu'il se refuse d'accepter. Ace propos, il suffit de rap-
peler, en plus de son édition critique du Phédon (Oxford, 1911), ses articles
dans l'Encyclopaedia o/ Religion and Ethics, de HASTING, aux mots Socrates
et Pythagorianism, ainsi que sa Greelt Philos. Thales to Plato6, London, 1932;
Platonism, Berkeley, 1928, p. 22-25; comp. également les pages qu'il con-
sacre à Socrate dans Philos, apud The Legacy of Greece7, ed. by R. Living-
stone, Oxford, 1942, p. 73-80 (cf. 60-61). Par contre, A. K. ROGERS (The
Socratic Problem, New-Haven, 1933), qui a précisément intitulé un chapitre
de son livre Socrates the Myslic (op. cil., p. 114-137), tout en acceptant l'or-
phisme de Socrate (voir sp. p. 129 et suiv.), s'élève contre son pythagorisme
(voir sp. p. 144 et suiv.). A rapprocher les tendances orphiques d'Antis-
thène; sur ce dernier point, voir F. DÜMMLER, Akademika, Giessen, 1889,
p. 87. Mention spéciale doit être faite à ce propos à la position plus nuancée
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coordonné en une synthèse très vivante les différentes formes


ou les différents moments de la religion (1) ».
La position véritable de Socrate devant les deux courants en
lesquels depuis le vie siècle se partage la religion grecque, à
savoir le courant légaliste de la religion civique et la tendance
• proprement mystique de la foi intérieure (2), se trouve mise en
question. Ceux qui font crédit à Xénophon penchent plus natu-
rellement vers la première (3); ceux qui font plutôt confiance
à Platon, vers la seconde (4). Or, à cet égard, tandis que pour
quelques-uns l'attachement de Socrate aux rites, aux prescrip-
tions légales et aux dieux de la cité est incontestablement ce qui
semble le préoccuper par-dessus tout, sinon exclusivement,
en cette matière (5), pour d'autres le projet que Socrate avait
rêvé de réaliser dans sa vie c'était d'opérer une réforme profonde

de Winspear et de Silverberg dans leurs ouvrages déjà cités. Il en sera ques-


tion dans notre Aristophane et le Socrate historique. Voir l'affirmation de
l'athéisme de Socrate dans Hubert RocK, Aristophanischer u. geschichtlicher
Sokrates, in Archiv G. Philos., N. F., XVIII, 3, 1912, p. 274, et Der
unverfalschte Sokrates, Innsbruck, 1903, et dans J. TATE, More Greek for
Atheism, in Class. Rev., LI. 1937, p. 3-6. Comp. A. S. FERGUSON, The
Impiety of Socrates, in Class. Quart., VII, 1913, p. 157-175. Sur ce qui
précède, voir supra, p. 23, les références au sujet de la signification des
termes de la plainte contre Socrate déposée aux greffes d'Athènes.
(1) C'est ce que dit M. Louis GERNET : Le Génie grec dans la religion,
Paris, 1932, p. 384-386 (avec la collaboration d'A. BOULANGER). Et M. Ger-
net, ayant noté dans une allusion à peine voilée aux opinions de Taylor et
de Burnet : «Il y a des chances pour que le vrai Socrate, si nous le connais-
sions, ne se laissât pas aussi facilement définir et emprisonner » (p. 385),
remarque en même temps : «Ce qui demeure attesté, c'est une religiosité
qui trouve moyen de s'alimenter un peu partout et de tirer d'une matière
plutôt hétérogène et parfois ingrate des richesses originales d'émotion :
religiosité troublante, rare sans doute en son temps, qui reste grecque néan- -
moins par une certaine fidélité à la religion civique et par la sérénité d'un
optimisme sans fadeur et sans mollesse » (p. 386).
(2) Sur ce, voir M. P. NILSSON, Gesch. der griech. Religion, I, apud
Handb. Altert., V, 2, 1, München, 1941, p. 578.
(3) S'appuyant en particulier sur les Mémorables, notamment : I, 1, 2
et suiv.; 3, 1; IV, 3, 16 et suiv.; 4, 25; 6,2 et suiv., et aussi sur l'Apol., 11.
Mais le renvoi à Platon serait aussi possible.
(4) Les sources majeures seraient alors en premier lieu l'anecdote du
Banquet (229 b et suiv.), le Phédon, ainsi que tous les textes ayant trait
au δαιμόνιον. D'aucuns feraient même valoir quelques passages des Nuées
d'A!uSTOPHANE.
(5) Attachement de Socrate à la religion civique : cf. R. PÔHLMANN,
Sokratische Studien, in Sitz. Bay. Ak., 1906, p. 112 et suiv. Socrate, sou-
ligne A. LABRIOLA(Socrate4, Bari, 1947), ne s'est jamais départi de la concep-
tion traditionnelle de la religion positive, p. 149 et suiv., mais surtout
p. 151, 153, 157.
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des croyances (1); ou en un mot, transformer l'homme en modi-


fiant l'échelle des valeurs. Là encore, ne manque-t-on d'avertir,
des précisions sont nécessaires : Socrate est-il un zélateur sin-
cère de la foi?
Parmi ceux qui voient la clé de la situation religieuse de
Socrate non dans l'affirmation du νόμος πόλεως, mais dans
la découverte d'une spiritualité nouvelle, il y en a qui s'at-
tardent à réduire les exigences religieuses de Socrate à un schéma.
Non seulement il s'était dressé contre les institutions d'an-
tan et était, en fait, un ποιητὴς Oscov, mais aussi des concep-
tions du doul des entre la divinité et l'homme avaient des contours
tellement précis, à en juger d'après les témoins, qu'on ne s'abu-
serait pas de parler jusque d'une théologie de Socrate, ce qui
revient à scruter en lui, par delà Platon, le père authentique
de la théodicée, voire de la théologie classique (2).
Et il en est d'autres qui, sans vouloir non plus le ramener
de force à des sectes ou à des communautés établies (puisqu'il
paraît plus équitable de reconnaître que Socrate ne se laisse pas
enfermer dans de tels cadres), posent la question tout autrement.
Le véritable mérite personnel auquel Socrate doit sa place dans
l'histoire de la vie religieuse, c'est d'avoir été une belle âme très
pieuse, animée d'un enthousiasme prophétique et d'une ardente
dévotion (3). Au reste, il fut l'homme béni des dieux, le mission-
(1) Cf. G. ZUCCANTE, Socrate. Fonte. Ambienle. Vita. Dottrina, Milano,
1909, p. 118.
(2) Cette attitude vis-à-vis de Socrate est très manifeste dans les œuvres
de HUMMEL,De theologia Socratis in Xenophon. Comment. tradita, Gottingae,
1839; d'A. FOUILLÉE, La Philosophie de Socrate, Paris, 1874, sp. II, p. 39-
167; de Gustave d'EICHTHAL, Socrate et notre temps. Théologie de Socrate.
Dogme et providence, Paris, 1881. Cf. A. LABRIOLA, Socrate4, Bari, 1947,
p. 149 et suiv. — L'évolution des vues philosophiques anciennes qui
touchent aux aspects particuliers et multiples de la constitution de la
théologie classique a fait l'objet de deux importants travaux, au moins :
l'un déjà vieilli sur beaucoup de points, mais qui n'a pas perdu son inté-
rêt, est l'imposant ouvrage d'Edward CAIRD, The Evolution of Theo-
logy in the Greek Philos., Glasgow, 1903 (nouv. éd., 1923), l'autre vient à
peine de paraître : c'est The Theology of the Early Greek Philosophers, de
W. JAEGER (Oxford, 1947). Cf. cependant R. K. HACK, God in Greek
Philos. to the Time of Socrates, Princeton, 1931, et encore Friedrich SOLMSEN,
The Theology of Plato, Ithaca, N.-Y., 1942 (recensé par le P. DES PLACES,
dans la REG, LIX-LX, 1946, 1947, p. 461-466). Voir aussi J. WEBB, Studies
in the History of Naltiral Theology, Oxford, 1915. En dernier lieu, rappelons
l'excellente étude de M. Victor GOLDSCHMIDT, Theologia, in REG, LUI,
n08 294-298, 1950, p. 20-42.
(3) L'importance de la flamme prophétique de Socrate a été hautement
revendiquée, entre autres, par Horneffer et Méautis : voir les références
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naire divin qui tient de sa vocation son rôle philosophique (1).


Plus que le chef d'une secte organisée — fût-elle le θίασος
orphique ou celui des pythagoriciens — ou le précurseur d'une
théologie ultérieure — fût-elle la chrétienne (2) — Socrate était
précédemment données; en sus de Hamann, voir aussi VOLQUARDSON,Das
Dâmonium des Sokrates, Kiel, 1862, sp. p. 71.
(1) C'est l'idée qui, s'appuyant sur des textes bien connus (PLATON,Apol.,
21 e : rè TOU 0eou rapi 7rXetcTOU ποιεῖσθαι; 23 a : xal ϕαίνεται TOUTOV
Xéyeiv τὸν Σωϰράτη, προσεχρῆσθαι Sè TW ἑμῷ ὀνόματι è[xk παράδειγμα
ποιούμενος; 23 c : 8Kx TTJV TOU Osou XaTpeÊav; cf. 28 e-29 a-d, 30 a-c 33 c;
ainsi que Phéd., 85 b, et Théét., 150 c), est exprimée dans Erwin WOLFF,
Platos Apologie, Berlin, 1929, p. 84. Cette pensée est par ailleurs tout à fait
conforme à celle qu'a énoncée jadis George GROTE, A Hist. of Grece, VIII,
London, 1850; dans l'édition de 1907 (Everyman's Libr.), vol. IX, p. 8 et 15;
et encore du même,voir Plato and the other Companions ofSocrates, London,
1865 (voir plus bas, p. 169 et suiv.). BERGSON, lui aussi, le considère comme
un missionnaire religieux engagé dans la recherche philosophique et obéis-
sant à l'ordre d'un dieu, qui écrit : «Socrate enseigne parce que l'oracle
de Delphes a parlé. Il a reçu une mission... Sa mission est d'ordre religieux
et mystique »(Les deux Sources de la morale et de la religion58, Paris, 1948,
p. 60). Comp. le jugement qu'avait jadis porté LABRIOLA: «La filosofla e
l'intuizione religiosa facevano in lui una sola e medesima cosa »(Socrate \
Bari, 1947, p. 1 5 0 ) . .
(2) Ceux-là ne font pas défaut quyinclinèrent à démêler en lui plutôt y
qu'un esprit profondément imbu des croyances polythéistes et anthropo-
morphiques de la religion olympienne, le philosophe qui mit le premier en
avant l'idée d'un monothéisme spiritualiste nettement dirigé, par beaucoup
de ses traits les plus caractéristiques, vers le christianisme, dont il est bien
une sorte de préfiguration. Parmi ces traits, il est à peine nécessaire de noter
l'engouement pour le mysticisme et l'ascétisme, les conceptions de l'immor-
talité de l'âme et de la providence, la critique voilée du polytéisme tradi-
tionnel et la tendance vers l'unité divine (sur ce dernier point, voyez XÉNO-
PHON, Mém., I, 4, 5, 7, 17 : 6 è1; ἀρχῆς ποιῶν ἀνθρώπους — cocpoû TIVOÇ
δημιουργοῦ xal ϕιλοζῴου — rèv TOU 0EOU ὀϕθαλμὸν, T7JV TOU 6e:oG cpp6-
vïjoiv; cf. IV, 3, 13; sur Socrate, le monothéisme et le polythéisme, voir
v. g. J. DENIS, Hist. des idées morales dans l'antiquité, I, Paris, 1856, p. 79._
ZELLER, Vortrtige u. Abhandlungen, Leipzig, 1865, p. 3 et suiv., et Philos.
d. Griechen, II, l5, 1922, p. 184 et suiv. R. PETTAZZONI, Dio, formazione
del monoteismo nella storia della religione, Roma, 1922, et Zeller, Meyer et
Rohde sul monoteismo nella religione greca, in Studi i Materiali di Stor.
della Religione, Firenze. A. LABRIOLA, Socrate4, Bari, 1947, p. 153 et suiv.;
cf. HUMMEL,De theologia Socratis in Xenoph. comment. tradita, Gottingae,
1839). Cette thèse qui reprend des idées souvent émises depuis les pères
apologétiques du ne siècle qui poussaient jusqu'à voir dans l'idéal socra-
tique la première manière de parler du christianisme et en Socrate le pre-
mier martyr pré-chrétien et dont on retrouve la trace aussi bien dans le
courant catholique que dans les divers rameaux réformistes, voire érasmien,
luthérien et piétiste, est partagé par beaucoup d'écrivains modernes. Pour
les références, voir la note de la page 305-306, sur Socrate et le Christ. Cf.
aussi Ad. HARNACK,Wesen des Christentums, p. 33. Th. DEMAN, Socrate et
Jésus1, Paris, 1944. Par ailleurs, personne n'ignore la page célèbre où Rous-
seau compare et oppose Socrate à Jésus.
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par excellence un de ces témoins d'une foi nouvelle qui ont porté
la formation de l'être intérieur à son plus haut période. Bref, le
fondateur d'une religion philosophique qu'anime son indéfec-
tible aspiration vers la source d'une perfection toujours plus
haute (1). Mais si l'on en croit d'autres, la particularité de Socrate
consiste en ce qu'il fut essentiellement un maître de vie intérieure
qui assurément a fait figure de contemplatif (2) ; de plus, il
demeure possible qu'il faille lui attribuer une technique d'as-
cèse (3).
C'est bientôt dit, mais là ne s'arrêtent point ces mouvements
pendulaires. Aux positions extrêmes s'opposent, ici comme
ailleurs, ceux qui, plus portés au compromis, veulent tout unir
et croient aussi que chez Socrate le souci de l'intelligibilité n'est
pas sans rompre tout lien avec la vie purement instinctive.
A le bien comprendre, Socrate n'échappe guère à toute emprise
des tendances mystiques, irrationnelles et sentimentales; mais
il parvint à s'imposer, comme une seconde nature, les exigences
de la raison. S'il admit la foi à côté de la raison, s'il ne bannit
pas plus les penchants inintellectuels que la maîtrise de soi,
c'est qu'un singulier amalgame de rationalisme et de mysti-
cisme constitue l'intimité de son être (4). A cela tient que, à en
(1) On retrouve cette idée, sous des formes plus ou moins modifiées, et
d'autres analogues chez de nombreux auteurs. Par exemple, Alfred CROISET,
dans VHist. de la littérat. grecque, t. IV2, Paris, 1900, p. 200, et dans le
Manuel d'hist. de la litterai. grecque 10, Paris, 1900, p. 423, semble, pour
l'essentiel, rejoindre cette position. De même, Paul DECHARME, La Cri-
tique des traditions religieuses chez les Grecs, Paris 1904, p. 182 et suiv.; voir
sp. p. 184.
(2) Telle est la conception du P. A.-J. FESTUGIÈRE, Contemplation et vie
contemplative selon Platon, Paris, 1936, en particulier p. 69, 72-73, 123-131
(195l2); voir encore du même auteur son petit livre Socrate, Paris, 1934.
Comp. aussi A. JAGU, Épictète et Platon, Paris, 1946, p. 97-111, où l'ascétisme
socratico-platonicien est mis en parallèle avec celui du stoïcisme romain;
sur l'ascèse de Socrate et l'ascèse chrétienne, voir l'étude d'E. BICKEL, dans
les Neue Jahr., XXXVII, 1916, p. 448 et suiv. Cf. encore L. BIELER, ©eïoç
àvTjp, I, Wien, 1935, p. 60 et suiv.
(3) C'est l'interprétation dont le premier des livres ci-dessus mentionnés
du P. Festugière nous a donné un exemple caractéristique. Pareillement,
A. E. TAYLORqui, à l'occasion de ses recherches sur le Socrate d'Aristophane,
avait livré à un examen pénétrant et approfondi cet aspect de la trou-
blante religiosité de Socrate : The ϕροντιστήριον, in Varia Socratica, 1911,
p. 129-177 (commenté par M. A. DIÈS dans Autour de Platon, I, Paris,
1927, p. 141-142; comp. les remarques du P. Ed. DES PLACES dans la REG,
LI, 1938, p. 387 et suiv.). Sur les éléments orphiques et mystiques qu'on
relève dans le Socrate des Nuées (en particulier dans l'épisode de l'initiation
de Strépsiade), voir notamment les réflexions de J. E. HARRISON dans
Prolegomena to the Study of Greek Religion2, Cambridge, 1908, p. 512 et suiv.
(4) Ce point fut relevé nommément par W. NESTLE dans sa Gesch. der
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juger par de nombreux témoignages, Socrate ne s'est pas voulu


distinct de ces deux courants qui, d'un bout à l'autre, traversent
l'histoire de la pensée grecque (1). Il se tient au confluent des
deux. C'est ce que lui donne sa force et ce par quoi il excelle.
Sans s'en tenir à ce dernier parti, si délibérément attachés
qu'ils soient à expliquer d'avantage les caractères les plus essen-
tiels de la pensée religieuse socratique, de grands spécialistes
en la matière tels Burnet, Taylor, Cornford, Mondolfo, Jaeger,
Pohlenz et beaucoup d'autres encore, ont mis avec assez de
netteté l'accent sur la portée et la teneur qu'a eues la notion
de dans l'ensemble des vues de Socrate. Certains, accep-
tant l'idée que toute la pensée de Socrate est axée sur cette
notion que le mot âme traduit assez imparfaitement, assument
que l'originalité de Socrate consiste en ce qu'il a découvert l'idée
de l'âme au sens psychologique et moral (2), sinon métaphy-
griech. Liferafur, I, Berlin-Leipzig, 1923, p. 130; du même, voir également.
Die griech. Religiositâl in ihren Grundzügen u. Hauptverlretern von Homes
bis Proklos, II, Berlin-Leipzig, 1933, qui, cependant, met surtout l'accent
sur l'inspiration mystique du sage Athénien. Les vues les plus récentes de
NESTLE à ce sujet se trouvent dans Vom Mythos zum Logos. Die Selbslerû-
faliung des griech. Denkens, von Homer bis auf die Sophistik und Sokrales\
Stuttgart, 1942, p. 529-538 et passim. Cf. également l'essai : Das neue Sokra-
tesbild, qui nous est maintenant accessible apud Griech. Weltanschauung.
Stuttgart, 1946, p. 165-176. A remarquer d'ailleurs que, dans L'Ion de
Platon (in Mnem., XI, 1943, p. 233-262), W. J. VE-RDENIUS s'explique sur la
différence entre la connaissance rationnelle et irrationnelle selon Socrate;
cf. du même auteur, Platon et la poésie, ibid., XII, 1944, p. 118-150.
(1) Sur l'histoire de ces deux courants opposés contradictoires, celui
de la pensée mystique et celui de la pensée rationnelle, on ne peut plus
renvoyer qu'à l'Essai sur la formation de la pensée grecque. Introduction
historique à une étude de la philosophie platonicienne, Paris, 1934 (nouv. éd.
revue et amplifiée, 1949), de M. P.-M. SCHUHL, qui étudie de façon utile
et complète cette question. Le livre bien connu de F. M. CORNFORD, Front
Religion to Philosophy : A Study on the Origin of Western Speculation,
London, 1912, fort curieux dans son ensemble, n'est pas sans présenter
des vues souvent risquées. Cf. NESTLE, Vom Mgthos zum Logos2, Stuttgart,
1942.
(2) L'interprétation psychologique exclusive de la selon Socrate est
celle qui réduit l'âme à la faculté à laquelle obéit le θυμός. Cette vue qui
était déjà courante au moment où FOUILLÉE présenta son Mémoire sur la
Philosophie deSocrate (cf. l'extrait du rapport deVACHEROTà l'Académie des
sciences morales et politiques, apud La Philosophie de Socrate, de FOUILLÉB,
t. 1, Paris, 1874, p. 405), se trouve également sous plusieurs formes dans de
nombreux ouvrages spécialement consacrés à l'histoire de la psychologie.
Peut-être est-il équitable de rappeler en cet endroit A. Ed. CHAIGNET, Hist.
de la psychol. des Grecs, I, Paris, 1887, p. 135, 138, 167, pour qui la pensée
de Socrate se réduirait à une psychologie. Cf. H. SLEBECK, Gesch. der
Psychol., I, Gotha, 1880-1884. Voir aussi F. WILDAUER,Sokrates' Lehre VOla
Willen, Innsbruck, 1877.
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UNIVERSITÉ DE PARIS — FACULTÉ DES LETTRES ,

Nom du Candidat : DE MAGALHÃES-VILHENA


Prénom : Vasco, Manuel

Date de la soutenance :
Numéro d'ordre :
(Ces deux menlions seront complétées par le service de la Bibliothèque.)

DE M A G A L H A E S - DE MAGALHÃES-
VILHENA (V.) — Le pro- VILHENA (V.) — Le pro-
blème de Socrate. Le Socrate blème de Socrate. LeSocrate
historique et le Socrate de historique et le Socrate de
Platon —Paris, Presses Uni- Platon. -Paris, Presses Uni-
versitaires de France (1952) versitaires de France (1952)
in-8°, VIII-568 pages.
Th. Lei. Paris, 1949. Th. Let. Paris, 1949.
(No .........................
\ " L , VIII-568 pages. ) />v' ;>, (No ..........................)
*v.1
DE VEAGALHÂES- DE MAGALHÃES-
VILHEiïA (V.) — Le pro- VILHENA (V.) — Le pro-
blème de^ocrate. Le Socrate blème de Socrate. LeSocrate
historique et le Socrate de historique et le Socrate de
Platon. -Paris, Presses Uni- Platon. —Paris, Presses Uni-
versitaires de France (1952) versitaires de France (1952)
in-8°, VIII-568 pages. in-8°, VIII-568 pages.
Th. Let. Paris, 1949. Th. Let. Paris, 1949.
(N° ; (N° ;
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