SMIA Chap1

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Printemps 2017

Chap 1, Analyse 3 (SMIA)

Cours d’Analyse 3, Chapitre I.


B. Bouya & A. Hanine
Chapitre 1

Formule de Taylor et applications

Fixons un point x0 ∈ R et soit I un intervalle ouvert contenant x0 . Considérons une fonction


f : I 7→ R dérivable au point x0 . Nous savons très bien que le graphe C ( f ) de f admet une droite
tangente au point x0 , dont l’équation est un polynôme de degré 1. Nous voulons maintenant
faire mieux, nous nous demandons alors si c’est possible d’approcher C ( f ) au voisinage de
x0 par, cette fois, un parabole, autrement dit par un graphe d’un polynôme de degré 2 ! La
formule de Taylor, du nom du mathématicien Brook Taylor, permet en effet l’approximation
d’une fonction plusieurs fois dérivable au voisinage d’un point par un polynôme de degré assez
grand que nous souhaitons. La figure suivante illustre le cas de la fonction exponentielle au
voisinage de 0.

y
y = exp( x) 2
y = 1 + x + x2 + x6
3

2
y = 1 + x + x2

y = 1+ x

1
0
1 x

1
Formule de Taylor et applications 2

1. Dérivées successives
Dans toute la suite, nous désignons par I un intervalle ouvert de R et par f : I → R une fonction
réelle. Une fonction est dite de classe C 0 sur I si tout simplement elle est continue sur I, dans
ce cas nous écrivons f ∈ C 0 ( I ). L’ensemble de toutes les fonctions réelles qui sont continue sur
I est noté par C 0 ( I ).

1.1. Les classes C n ( I ) et C ∞ ( I ).


On dit que la fonction f est de classe C 1 sur I si f est dérivable sur I et sa dérivée f 0 est
continue sur I, dans ce cas nous écrivons f ∈ C 1 ( I ). Si de plus f 0 est dérivable sur I, on dit alors
que f est deux fois dérivable sur I. La dérivée de f 0 est appelée la dérivée seconde de f et est
souvent notée par f 00 ou f (2) . Plus généralement, pour n Ê 2, on dit que f est n fois dérivable sur
I si f est n − 1 fois dérivable et que la ( n − 1) ième dérivée, notée par f (n−1) , est aussi dérivable,
nous avons ³ ´0 ³ ´0
f 0 = f (1) , f (1) = f (2) , ··· , f (n) = f (n+1) .

On peut aussi utiliser la notation classique suivante

dn f
f (n) ( x) = ( x ), x ∈ I.
dx n

Définition 1

Soit n un entier naturel. La classe C n ( I ) est l’ensemble de toutes les fonctions n fois
dérivable sur I et dont les n ième dérivées sont toutes continues sur I.
(a) Une fonction f de l’ensemble C n ( I ) est dite de classe C n sur I.
(b) Si f ∈ C n ( I ), pour tout n ∈ N, on dit alors que f est de classe C ∞ sur I. La classe
C ∞ ( I ) est donc c’est l’ensemble des fonctions admettant des dérivées supérieurs de
tout ordre.

D’après cette définition, nous déduisons que,

C 0 ( I ) ⊃ C 1 ( I ) ⊃ · · · ⊃ C ∞ ( I ),

et que
C ∞(I ) = C n ( I ).
\
n∈N

Exemples :
– Les polynômes sont de classe C ∞ (R).
– Les fonctions rationnelles sont de classe C ∞ sur leur domaine de définition.
– La fonction suivante (
x2 sin( 1x ) si x ∈ R \ {0},
f ( x) =
0 si x = 0.

est dérivable sur R mais n’est pas de classe C 1 (R).


Formule de Taylor et applications 3

1.2. Opérations élémentaires sur les dérivées.


Soit f et g deux fonctions réelles définie sur I, nous pouvons montrer facilement par récurrence
la propriété suivante.

Propriété 1

Si f et g sont n fois dérivable sur I et si λ ∈ R alors f + g et λ f sont n fois dérivable sur I et

( f + g)(n) = f (n) + g(n) (λ f )(n) = λ f (n)

Nous déduisons alors que la classe C n ( I ) est un espace vectoriel, pour tout n ∈ N.

La formule de Leibniz

Soit n Ê 1 un entier naturel. Si f et g sont n fois dérivables sur I , alors leur produit f g est
aussi n fois dérivable sur I, et on a la formule de Leibniz
à !
n n
( f g)(n) = f (i) g(n− i)
X
i =0 i
à !
n
où les nombres entiers sont les coefficients binômiaux :
i
à !
n n!
= .
i i !( n − i )!

Démonstration de la formule de Leibniz. On considère l’hypothèse de récurrence suivante ;

Hn : Si f et g sont deux fonctions dérivables à l’ordre n sur I , alors le produit f g est aussi
à !
n n
dérivable à l’ordre n sur I et on a ( f g)(n) = f (i) g(n− i) .
X
i =0 i

L’hypothèse de récurrence H n , pour n = 1, provient du simple fait que le produit de deux


fonctions dérivable est aussi dérivable et de plus

( f g)0 = f 0 g + f g0 .

Fixons maintenant un entier naturel n Ê 1 et supposons que H n est vérifiée. Soient f et g deux
fonctions dérivables à l’ordre n + 1 sur I . D’après notre supposition, f et g sont donc dérivables
à l’ordre n sur I, ainsi que leur produit et
à !
n n
( f g)(n) = f (i) g(n− i) .
X
i =0 i

Les fonctions f i et g n− i pour i ∈ {0, 1, . . . , n} sont dérivables ( car f et g sont n + 1 fois dérivables)
donc ( f g)(n) est dérivable. Par conséquent le produit f g est aussi n + 1 fois dérivable. Nous
rappelons la formule suivante, dite du triangle de Pascal,
à ! à ! à !
n n n+1
+ = .
i−1 i i
Formule de Taylor et applications 4

Nous avons
à ! à !
³ ´0 n n ³ ´0 X n n ³ ´
( f g)(n+1) = ( f g)(n) f (i) g(n− i) = f (i+1) g(n− i) + f (i) g(n+1− i)
X
=
i =0 i i =0 i
à ! à !
n n n n
f (i+1) g(n− i) + f (i) g(n+1− i)
X X
=
i =0 i i =0 i
à ! à !
nX +1 n n n
(i) (n+1− i)
f (i) g(n+1− i)
X
= f g +
i =1 i − 1 i =0 i
"Ã ! Ã !#
n n n
= f (n+1) g + f g(n+1) + f (i) g(n+1− i)
X
+
i =1 i − 1 i
à !
nX +1 n + 1
= f (i) g(n+1− i) .
i =0 i

Ceci entraine que l’hypothèse H n+1 est satisfaite. Ainsi, la formule de Leibniz est démontée.
Nous terminons cette section par la proposition suivante, que nous pouvons déduire à partir de
la propriété 1 et de la formule de Leibniz.

Proposition 1

L’ensemble C n ( I ), où n ∈ N, muni de l’addition et de la multiplication habituelle des fonc-


tions, est une algèbre.

Exercice. Montrer qu’une fonction f ∈ C n ( I ) est inversible dans l’algèbre C n ( I ) si et seulement


si elle ne s’annule pas sur I.

2. Fonctions convexes
Tout d’abord, on cherchera à se familiariser avec la notion de la convexité, et ensuite nous allons
établir le lien avec les fonctions dérivables. Rappelons que pour tous points a, b ∈ I tels que
aÉb

[a, b] = {(1 − λ)a + λ b : λ ∈ [0, 1]}


= {λa + (1 − λ) b : λ ∈ [0, 1]}
= {λ1 a + λ2 b : λ1 , λ2 ∈ [0, 1] et λ1 + λ2 = 1} .

Définition 2

On dit que f est convexe sur I si pour tous points x, y ∈ I et tout scalaire λ ∈ [0, 1],

f (λ x + (1 − λ) y) É λ f ( x) + (1 − λ) f ( y).

On dit aussi que f est concave si − f est convexe.

Autrement dit, la fonction f est convexe si l’image du barycentre est plus petite que le ba-
rycentre des images. Notons aussi que dans la définition de la convexité, nous n’avons pas
supposer que la fonction f est continue.
Formule de Taylor et applications 5

Exercices. Soit f une fonction réelle et convexe sur I.


1. Montrer que f est convexe si et seulement si pour tous points x, y ∈ I et tous scalaires
λ1 , λ2 ∈ [0, 1] vérifiant λ1 + λ2 = 1, on a

f (λ1 x + λ2 y) É λ1 f ( x) + λ2 f ( y).

2. Montrer que f ∈ C 0 ( I ).
Interprétation géométrique de la convexité. La figure suivante représente une courbe
convexe C ( f ) d’une fonction réelle f coupée par une droite en deux points d’abscisses x et y.
L’image par f d’un point entre x et y est toujours plus petite que son image par la droite.

C (f )
Une droite coupant C ( f )

x y

Exemples de fonctions convexes.

y
y = ( x − 1)2
y = exp( x)

1
0
1 x

y = − ln( x)

2.1. L’inégalité de Jensen


Une fonction f est convexe sur un intervalle I si et seulement si pour tous points x1 , x2 , · · · , xn ∈ I
et tous scalaires λ1 , · · · , λn ∈ [0, 1] vérifiant ni=1 λ i = 1, on a
P

à !
n
X n
X
f λi xi É λ i f ( x i ), (1.1)
i =1 i =1
Formule de Taylor et applications 6

où n Ê 1 est un entier naturel, c’est l’inégalité de Jensen.


Exercice. Montrer par récurrence (1.1).
Démonstration. Pour n = 1, l’inégalité de Jensen est trivial, sans même supposer la convexité
de f . Pour n Ê 2, nous allons la montrer par récurrence. Remarquons que pour n = 2, l’inégalité
(1.1) n’est autre que la définition de la convexité. Supposons maintenant que (1.1) est bien
réalisé pour un entier fixe n Ê 2, et montrons la pour n + 1. Pour cela, on considère des points
x1 , x2 , · · · , xn+1 ∈ I et des scalaires λ1 , λ2 · · · , λn+1 ∈ [0, 1] vérifiant ni=+11 λ i = 1. Dans le cas où
P

λn+1 = 0, on en déduit le résultat trivialement de notre hypothèse de récurrence. Dans le cas où


λn+1 6= 0, il est claire que
nX
−1
αn = 1 − λ i 6= 0
i =1

On pose
λn λn+1
Xn = xn + xn+1 .
αn αn
Puisque
λn λn+1
+ = 1,
αn αn
donc X n ∈ I et d’après notre hypothèse de récurrence

λn λn+1
f (X n) É f ( xn ) + f ( xn+1 ). (1.2)
αn αn

Nous avons
nX
+1 nX
−1
λi xi = λ i x i + λn xn + λn+1 xn+1
i =1 i =1
nX −1
= λ i x i + αn X n .
i =1

Maintenant, nous appliquons encore une fois notre hypothèse de récurrence au points
x1 , x2 , · · · , xn−1 , X n ∈ I et aux scalaires λ1 , λ2 · · · , λn−1 , αn ∈ [0, 1], nous obtenons
à ! à !
nX
+1 nX
−1
f λi xi = f λ i x i + αn X n
i =1 i =1
nX
−1
É λ i f ( x i ) + α n f ( X n ). (1.3)
i =1

Les inégalités (1.2) et (1.3) nous donne


à !
nX
+1 nX
+1
f λi xi É λ i f ( x i ).
i =1 i =1

Ceci termine la démonstration de l’inégalité de Jensen.

2.2. Critères de convexité


Nous commençons par la propriété suivante.
Formule de Taylor et applications 7

Propriété 2 : Critère de la pente croissante.

La fonction f est convexe sur I si et seulement si pour tout point z ∈ I , la fonction φ z définie
par
f ( x) − f ( z )
φ z ( x) = , x ∈ I \ { z}, (1.4)
x−z
est croissante.

Démonstration. Pour montrer que φ z est croissante, nous prenons deux points x, y ∈ I \ { z}
tels que x < y et nous considérons les trois cas suivants

x < z < y, x< y<z et z < x < y.

Pour chaque cas, la démonstration se déduit facilement du fait que pour tous points a, b, c ∈ I
tels que a < c < b, l’inégalité suivante
f ( c ) − f ( a) f ( b ) − f ( c )
É
c−a b−c
est satisfaite si et seulement si
b−c c−a
f ( c) É f ( a) + f ( b).
b−a b−a
Nous allons maintenant se servir de la propriété 2 pour démontrer la propriété suivante.

Propriété 3 : Critère de la dérivée.

Supposons que la fonction f est dérivable sur I . Alors f est convexe sur I si et seulement
si f 0 est croissante sur I.

Démonstration. Soit y ∈ I. Puisque f est dérivable, on peut calculer que

0 f 0 ( x)( x − y) − ( f ( x) − f ( y))
φ y ( x) = , x ∈ I \ { y}.
( x − y)2
0
Pour que φ y Ê 0 il est nécessaire et suffisant que

f 0 ( x)( x − y) − ( f ( x) − f ( y)) Ê 0, x ∈ I \ { y}.

Ceci veut dire que lorsque x < y


f ( y) − f ( x)
f 0 ( x) É
y− x
et lorsque y < x
f ( x ) − f ( y)
É f 0 ( x).
x− y
Par conséquent, la fonction f est convexe sur I si et seulement si pour tous points x, y ∈ I
vérifiant x < y, on a
f ( y) − f ( x)
f 0 ( x) É É f 0 ( y). (1.5)
y− x
Le résultat de la propriété 3, se déduit de (1.5) et du théorème d’accroissements finis.
Formule de Taylor et applications 8

Proposition 2 : Critère de la dérivée seconde.

Soit f une fonction deux fois dérivable sur un intervalle I . Alors f est convexe si et seule-
ment si f 00 Ê 0 sur I.

Démonstration. Il découle directement de la propriété 3.

2.3. Inégalités de Convexité

Proposition 3 : Convexité et Extremum.

Soit f une fonction convexe et dérivable sur un intervalle I. S’il existe un point x0 ∈ I tel
que f 0 ( x o ) = 0, alors f admet un minimum global en x o sur I .

Exemples.
1. Pour tous points x1 , x2 , · · · , xn ∈ R, on a
à !2
n n
x2k .
X X
xk Én
k=1 k=1

La démonstration repose sur le fait que la fonction x 7→ x2 est convexe puisque f "( x) = 2 Ê
0. Il suffit maintenant d’appliquer l’inégalité de Jensen pour tous scalaires λ1 , λ2 , · · · , λn ∈
n
X
[0, 1] vérifiant λk = 1, on obtient alors
k=1
à !2
n n
λk x2k ,
X X
λk xk É
k=1 k=1

et puis considérer le cas particulier lorsque λk = n1 .


2. Pour tous nombres a, b, c > 0
a b c 3
+ + Ê . (1.6)
b+c a+c a+b 2
Pour montrer l’inégalité (1.6), on peut remarquer d’abord que (1.6) est équivalente à dire
que pour tous nombres a, b, c > 0 tels que a + b + c = 1, on a
a b c 3
+ + Ê .
1−a 1−b 1− c 2
x
Ensuite, on applique la formule de Jensen à la fonction suivante f : x 7→ , dont on peut
1− x
vérifier facilement sa convexité puisqu’il est de classe C ∞ sur son domaine de définition
et en particulier f ∈ C 2 (]0, 1[).
Exercice. Montrer que pour tous points x1 , x2 , · · · , xn > 0, on a
n
Y 1 1 Xn
xkn É xk .
k=1 n k=1

Autrement dit, la moyenne géométrique et toujours plus petit que la moyenne arithmétique.
Pour la démonstration, on peut appliquer l’inégalité de Jensen à la fonction ln .
Formule de Taylor et applications 9

3. Formule de Taylor
Comme ce qui précède, nous désignons toujours par I un intervalle ouvert de R et par f : I → R
une fonction réelle. Nous désignons aussi par n un entier naturel.

3.1. Préliminaire
Nous commençons d’abord par le cas simple d’une fonction polynôme.

Proposition 4

Un polynôme est entièrement déterminé par les valeurs de ses dérivées en un seul point.

Démonstration. Soit P le polynôme de degré n suivant


n
a k xk , x ∈ R.
X
P ( x) =
k=0

Suivez les étapes de l’exercice suivant pour en conclure le résultat de la proposition 4.


Exercice. Fixons un point x0 ∈ R.
1. Montrer par récurrence que

P (k) (0)
ak = , pour tout k ∈ {0, 1, · · · , n}.
k!
2. Déduire que
n P (k) (0)
xk , x ∈ R.
X
P ( x) =
k=0 k !
3. A l’aide d’un changement de variable simple (une translation), montrer que
n P (k) ( x )
0
( x − x0 )k , x ∈ R.
X
P ( x) =
k=0 k!

Définition 3 : Polynôme et Reste de Taylor

Considérons une fonction f de la classe C n ( I ) et fixons un point x0 ∈ I.


(a) Le polynôme suivant
n f (k) ( x )
0
( x − x0 )k ,
X
P n ( x) = x ∈ I, (1.7)
k=0 k !

s’appelle le polynôme de Taylor de f à l’ordre n au point x0 .


(b) La fonction suivante
R n ( x) = f ( x) − P n ( x), x ∈ I, (1.8)

est appelée le reste de Taylor de f à l’ordre n au point x0 .

Exercice. Polynômes de Taylor pour certaines fonctions usuelles de classe C ∞ . En calculons les
dérivées n ième au point 0, montrer le tableaux suivant.
Formule de Taylor et applications 10

Fonction Polynôme de Taylor au point 0


xn
exp( x) 1+ x +···+
n!
x3 (−1)n 2n+1
sin( x) x − +···+ x
3! (2 n + 1)!
x2 (−1)n 2n
cos( x) 1− +···+ x
2 (2 n)!
1
1 + x + x2 + · · · + x n
1− x
1
1 − x + x2 + · · · + (−1)n x n
1+ x
α(α − 1) α(α − 1) · · · (α − n + 1)
(1 + x)α 1 + αx + x2 + · · · + xn
2 n!
x2 xn
ln(1 − x) −x − −···−
2 n
x2 (−1)n−1 n
ln(1 + x) x − +···+ x
2 n

Définition 4 : Formule de Taylor

Soit f une fonction de la classe C n ( I ) et soit x0 un point de I. La formule de Taylor de f à


l’ordre n au point x0 est la suivante

f ( x) = P n ( x) + R n ( x), x ∈ I, (1.9)

où P n et R n sont respectivement le polynôme et le reste de Taylor.

Dans la suite, nous allons donner différentes expressions de la fonction reste de Taylor R n .

3.2. Formule de Taylor avec reste intégral


Pour que l’expression de R n soit sous forme intégrale, dans le théorème suivant nous exigeons
plus de régularité sur la fonction f , nous obtenons alors ce qu’on appelle formule de Taylor avec
reste intégral.

Théorème 1 : Formule de Taylor avec reste intégral

Soit f : I → R une fonction de classe C n+1 . Fixons un point x0 ∈ I. Alors


x f (n+1) ( t)
Z
f ( x) = P n ( x) + ( x − t)n dt, pour tout point x ∈ I, (1.10)
x0 n!

où P n représente le polynôme de Taylor de f à l’ordre n au point x0 , défini par (1.7).

Exercice. A l’aide d’un changement de variable de type translation, montrer que (1.10) est
équivalente à dire que pour tout h ∈ I − { x0 }

f 00 ( x0 ) 2 f (n) ( x0 ) n h f (n+1) ( x0 + u)
Z
0
f ( x0 + h) = f ( x0 ) + f ( x0 ) h + h +···+ h + ( h − u)n du,
2! n! 0 n!
où I − { x0 } = { x − x0 : x ∈ I }.
Formule de Taylor et applications 11

Exemple. Il est bien connu que la fonction exponentielle est de classe C ∞ sur R, et la dérivée
n ième de la fonction exponentielle coïncide avec elle même. Pour un point fixe x0 ∈ R, nous
obtenons
e x0 x et
Z
x x0 x0
e =e + e ( x − x0 ) + · · · + ( x − x0 ) n + ( x − t)n dt, ∀ x ∈ R.
n! x0 n!
En particulier, lorsque x0 = 0, nous déduisons la formule de Taylor, avec reste intégral, de la
fonction exponentielle au point 0

xn x et
Z
x
e = 1+ x +···+ + ( x − t)n dt, x ∈ R. (1.11)
n! 0 n!
Démonstration du Théorème 1. Nous allons montrer par récurrence que
x f (k+1) ( t)
Z
f ( x) = P k ( x) + ( x − t)k dt, pour tout k ∈ {0, 1, · · · , n}. (1.12)
x0 k!

Pour k = 0, l’égalité (1.12) devient


Z x
f ( x) = f ( x0 ) + f 0 ( t) dt,
x0

ce qui est évident lorsque f ∈ C 1 ( I ). Si n = 0, alors le théorème est prouvé puisque f ∈ C 1 ( I )


d’après les hypothèses. Si n Ê 1, nous adoptons dans ce cas un raisonnement par récurrence,
nous supposons alors que (1.12) est vérifiée pour un certain indice k tel que 0 É k < n et nous
montrons la pour k + 1. Sachant par hypothèse que f ∈ C n+1 ( I ) et puisque k + 2 É n + 1, alors
f ∈ C k+2 ( I ). Une intégration par parties nous donne
¸x Z x
x ( x − t) k ( x − t)k+1 ( x − t)k+1
Z ·
(k+1) (k+1) (k+2)
f ( t) dt = −f ( t) + f ( t) dt
x0 k! ( k + 1)! x0 x0 ( k + 1)!
f (k+1) ( x0 ) ( x − t)k+1
Z x
k+1
= ( x − x0 ) + f (k+2) ( t) dt. (1.13)
( k + 1)! x0 ( k + 1)!

En substituons l’intégral figurant à (1.12) par le terme de la droite de l’égalité (1.13), nous
déduisons alors que (1.12) est aussi vérifiée pour l’indice k + 1 au lieu de k, comme voulu. Ceci
termine la démonstration du Théorème 1.

3.3. Formule de Taylor-Lagrange


La formule de Taylor-Lagrange est appelé aussi la formule de Taylor avec reste f (n+1) ( c), elle
nécessite moins de régularité (sur f ) que la formule précédente de Taylor avec reste intégral.

Théorème 2 : Formule de Taylor-Lagrange

Soit f : I → R une fonction de classe C n et telle que f (n) est dérivable sur I. Fixons un point
x0 ∈ I. Pour tout point x ∈ I, il existe un point c entre x0 et x (dépendant de x) tel que :

f (n+1) ( c)
f ( x) = P n ( x) + ( x − x0 )n+1 , (1.14)
( n + 1)!

où P n représente le polynôme de Taylor de f à l’ordre n au point x0 , défini par (1.7).


Formule de Taylor et applications 12

L’expression « c entre x0 et x » dans le Théorème 2 signifie que c ∈] x0 , x[ dans le cas où x0 < x


et c ∈] x, x0 [ dans le cas où x < x0 . Lorsque n = 0, nous retrouvons exactement le théorème des
accroissements finis.
Démonstration. Puisque la fonction f (n) est dérivable sur I, alors, d’après le théorème des
accroissements finis, il existe un c entre x0 et x vérifiant

f (n) ( x) − f (n) ( x0 ) = f (n+1) ( c)( x − x0 )

Considérons la fonction ϕn définie sur I par

( x − x0 )n+1
ϕ n ( x) = .
( n + 1)!
Pour prouver l’égalité (1.14), il suffit de montrer que

R n ( x) = f (n+1) ( c)ϕn ( x). (1.15)

où R n est la fonction reste du Taylor, défini par (1.8). En calculons la dérivée n ième par rapport
à la variable x, nous obtenons pour R n

R (n)
n ( x) = f
(n)
( x) − f (n) ( x0 )

et pour ϕn
ϕ(n)
n ( x) = ( x − x0 ).

Par conséquent
R (n)
n ( x) = f
(n+1)
( c)ϕ(n)
n ( x), x ∈ I. (1.16)

Fixons un entier k ∈ {1, · · · , n}. Remarquons que

R (k
n
−1)
( x0 ) = ϕ(k
n
−1)
( x0 ) = 0. (1.17)

Supposons maintenant que

R (k)
n ( x) = f
(n+1)
( c)ϕ(k)
n ( x), x ∈ I. (1.18)

En intégrant (1.18) Z x Z x
R (k)
n ( t) dt = f (n+1)
( c) ϕ(k)
n ( t) dt, (1.19)
x0 x0
et puis en utilisant (1.17), nous obtenons

R (k
n
−1)
( x) = f (n+1) ( c)ϕ(k
n
−1)
( x), x ∈ I. (1.20)

Ainsi, nous avions montrer par récurrence que (1.16) implique (1.15). Ce qui termine la preuve
du Théorème 2.
Exemple. Reprenons l’exemple précédent (1.11) de la fonction exponentielle. Une simple appli-
cation du Théorème 2 à cette fonction au point 0 nous donne

xn exp c n+1
ex = 1 + x + · · · + + x , x ∈ R,
n! ( n + 1)!
Formule de Taylor et applications 13

où c est un point entre 0 et x.


Dans le but de savoir à quelle degré le polynôme P n est proche de la fonction f au point x0 ,
nous avons besoin d’estimer le reste de Taylor. La formule de Taylor-Lagrange nous dit que
pour estimer le reste de Taylor d’ordre n d’une fonction f au point x0 , il suffit de connaitre la
dérivée ( n + 1) ième de f au voisinage de x0 . Le corollaire suivant nous donne un résultat de ce
genre.

Corollaire 1

Soit f : I → R une fonction de classe C n et telle que f (n) est dérivable sur I. Supposons de
plus que
sup | f (n+1) ( x)| = M < ∞.
x∈ I

Fixons un point x0 ∈ I, alors

| x − x0 |n+1
| f ( x ) − P n ( x )| É M , ∀ x ∈ I. (1.21)
( n + 1)!

L’inégalité (1.21) est une estimation de la fonction R n , le reste de Taylor défini par (1.8).
Exercice. Pouvons-nous utiliser le Théorème 1.10 pour déduire l’inégalité (1.21) ?
Application. Approximation de la valeur de la fonction sin au point 0, 01. Nous avons

sin0 ( x) = cos x, sin00 ( x) = − sin x, sin(3) ( x) = − cos x et sin(4) ( x) = sin x.

Donc
sin(0) = 0, sin0 (0) = 1, sin00 (0) = 0 et sin(3) (0) = −1.

Appliquant la formule de Taylor-Lagrange à la fonction sin au point 0 à l’ordre 3, nous obtenons

x3 sin( c) 4
sin( x) = x − + x , x ∈ R,
3! 4!
pour un certain point c entre 0 et x. Par conséquent
¯ 3 ¶¯¯ 4
x ¯É x ,
µ
x ∈ R.
¯
¯sin( x) − x −
¯ 3! ¯ 4!
Pour le cas particulier où x = 0, 01, nous déduisons
¯ 3 ¶¯¯ −8
¯sin(0, 01) − 0, 01 − (0, 01) ¯ É 10 .
µ
¯
¯ 3! ¯ 4!
Par conséquent ¯ 3 ¶¯¯
¯sin(0, 01) − 0, 01 − (0, 01) ¯ É 10−9 .
µ
¯
¯ 3! ¯

(0, 01)3
On dit alors que la valeur p = 0, 01 − est une valeur approché de sin(0, 01) à 10−9 prés.
3!
Ainsi notre approximation p de sin(0, 01) donne au moins 8 chiffres exacts après la virgule.

3.4. Formule de Taylor-Young


Formule de Taylor et applications 14

Théorème 3 : Formule de Taylor-Young

Soit f : I → R une fonction de classe C n et soit x0 ∈ I . Alors pour tout x ∈ I on a :

f ( x) = P n ( x) + ( x − x0 )n ε( x),

où ε est une fonction définie sur I, et telle que

lim ε( x) = 0.
x → x0

Démonstration. Appliquons la formule de Taylor-Lagrange à l’ordre n − 1. Pour tout x ∈ I , il


existe c = c( x) compris entre x0 et x tel que
f (n) ( c( x))
f ( x) = P n−1 ( x) + ( x − x0 )n ,
n!
où P n−1 est le polynôme de Taylor de f à l’ordre n − 1 au point x0 . Donc
f (n) ( x0 )
f ( x) = P n−1 ( x) + ( x − x0 )n + ( x − x0 )n ε( x),
n!

f (n) ( c( x)) − f (n) ( x0 )
ε( x) = .
n!
Puisque f (n) est continue et que c( x) −−−−→ x0 alors ε( x) −−−−→ 0, et ainsi le théorème 3 est prouvé.
x → x0 x → x0

3.5. Exemple.
Nous allons calculer les polynômes de Taylor au point 0 pour la fonction
1
f ( x) = , x > −1.
1+ x
La fonction f est de classe C ∞ . Nous avons
−1 2 −6
f 0 ( x) = , f 00 ( x) = , et f (3) ( x) = .
(1 + x)2 (1 + x)3 (1 + x)4
Il est facile de montrer par récurrence que
(−1)n n!
f (n) ( x) = , ∀ n ∈ N.
(1 + x)n+1
En particulier
f (n) (0)
= (−1)n , ∀ n ∈ N.
n!
Par conséquent
n
(−1)k x k , ∀ n ∈ N.
X
P n ( x) =
k=0
Voici donc les trois premiers polynômes de Taylor de f au point 0 :

P1 ( x) = 1 − x, P 2 ( x) = 1 − x + x2 , et P 3 ( x) = 1 − x + x2 − x3 .

Sur la figure, les graphes des polynômes P1 , P2 et P3 s’approchent de plus en plus au graphe
de f au voisinage de 0.
Formule de Taylor et applications 15

y
y = 1 − x + x2

1
0 y = 1+1 x
1 x

y = 1− x

y = 1 − x + x2 − x3

4. Résumé du Chapitre I
4.1. Fonctions convexes
Soit f : I 7→ R une fonction convexe, où I =]a, b[ est un intervalle de R.
– Inégalité de Jensen. Pour tous points x1 , x2 , · · · , xn ∈ I et tous scalaires λ1 , λ2 , · · · , λn ∈
[0, 1] vérifiant ni=1 λ i = 1, l’inégalité de Jensen suivante
P
à !
n
X n
X
f λi xi É λ i f ( x i ),
i =1 i =1

est satisfaite, où n Ê 1 est un entier naturel.


– Le cas d’une fonction convexe et dérivable. La fonction f est convexe si et seulement
si f 0 est croissante sur I . S’il existe un point x0 ∈ I tel que f 0 ( x0 ) = 0, alors x0 est un
minimum global pour f , ceci veut dire que

f ( x) Ê f ( x0 ), ∀ x ∈ I.

– Le cas d’une fonction convexe et deux fois dérivable. La fonction f est convexe si
et seulement si f (2) Ê 0.

4.2. Formule de Taylor


Pour une fonction f de classe C n ( I ), nous avons les formules suivantes.
– Formule de Taylor avec reste intégral. Si f (n) ∈ C 1 ( I ), alors pour tous points a, b ∈ I,
f (2) (a) f (n) (a) 1 b (n+1)
Z
2 n
0
f ( b) = f (a) + f (a)( b − a) + ( b − a) + · · · + ( b − a) + f ( t)( b − t)n dt.
2 n! n! a
Formule de Taylor et applications 16

– Formule de Taylor-Lagrange. Si f (n) est dérivable sur I, alors pour tous points a, b ∈ I,
il existe un point c, entre a et b, vérifiant

f (2) (a) f (n) (a) f (n+1) ( c)


f ( b) = f (a) + f 0 (a)( b − a) + ( b − a )2 + · · · + ( b − a) n + ( b − a)n+1 .
2 n! ( n + 1)!

– Majoration de la fonction reste de Taylor. Si f (n) est dérivable sur I, et telle que
n o
sup | f (n+1) ( t)| = M < ∞,
t∈[a,b]

alors, pour tous points a, b ∈ I,


¯ 2 n n+1
¯ f ( b) − f (a) + ( b − a) f 0 (a) + ( b − a) f (2) (a) + · · · + ( b − a) f (n) (a) ¯ É M ( b − a)
µ ¶¯
¯ ¯
.
¯ 2 n! ¯ ( n + 1)!

– Formule de Taylor-Young. Soit x0 ∈ I , alors il existe une fonction ε : I 7→ R telle que

lim ε( x) = 0,
x→ x0

et vérifiant

f (2) ( x0 ) f (n) ( x0 ))
f ( x) = f ( x0 ) + f 0 ( x0 )( x − x0 ) + ( x − x0 )2 + · · · + ( x − x0 )n + ( x − x0 )n ε( x),
2 n!
pour tout x dans I.
– Polynômes de Taylor pour certaines fonctions usuelles de classe C ∞ .
Fonction Polynôme de Taylor au point 0
xn
exp( x) 1+ x +···+
n!
x3 (−1)n 2n+1
sin( x) x − +···+ x
3! (2 n + 1)!
x2 (−1)n 2n
cos( x) 1− +···+ x
2 (2 n)!
1
1 + x + x2 + · · · + x n
1− x
1
1 − x + x2 + · · · + (−1)n x n
1+ x
α(α − 1) 2 α(α − 1) · · · (α − n + 1) n
(1 + x)α 1 + αx + x +···+ x
2 n!
2 n
x x
ln(1 − x) −x − −···−
2 n
x2 (−1)n−1 n
ln(1 + x) x − +···+ x
2 n

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