Crédo Biblique 3
Crédo Biblique 3
Crédo Biblique 3
III
-
La
Trinité,
Mystère
de
Communion
de
Trois
Personnes
divines
distinctes
dans
l’unité
d’une
même
nature
divine…
10
IV - Les relations éternelles d’origine entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint 25
Annexes : 1 - Tout homme vit du Souffle de Dieu, l’Esprit Saint (Gn 2,4b-7) 53
2 - Le Nom divin appliqué en St Jean à Jésus : « JE SUIS ». 56
3 – La notion de « Gloire de Dieu ». 58
4 - Concile Vatican II ; Extraits de Lumen Gentium (Communion)
D. Jacques Fournier 60
1
I – LE CREDO D’ISRAËL ET LA FOI AU DIEU UNIQUE
LXX (Septante) : ῎Ακουε, ᾿Ισραήλ· Κύριος ὁ Θεὸς ἡμῶν Κύριος εἷς ἐστι·
« Ecoute Israël, le Seigneur notre Dieu est le Seigneur un (εἷς « un » ou un seul) ».
« Écoute, Israël : Yahvé notre Dieu est le seul Yahvé » (BJ ; Osty).
Dt 6,5-9 (BJ) : « Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme
et de tout ton pouvoir.
Que ces paroles que je te dicte aujourd'hui restent dans ton cœur !
Tu les répéteras à tes fils,
tu les leur diras aussi bien assis dans ta maison que marchant sur la route,
couché aussi bien que debout ;
tu les attacheras à ta main comme un signe, sur ton front comme un bandeau ;
tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes. »
L’Ancien Testament affirme ainsi avec force l’unicité de Dieu :
1 Le Peuple Juif ne prononce jamais le Nom divin « hw:hy“, Yahvé », par respect… Lorsque le lecteur arrive
sur lui, il dit « yn:doa,} Maître, Seigneur ». Au départ, l’hébreu n’avait pas de voyelles : « hwhy». La bonne
prononciation se transmettait de génération en génération. Au sixième siècle, les Massorètes inventèrent
un système de voyelles et pour rappeler au lecteur qu’il doit dire « yn:doa} » et non « hwhy», ils mirent
les voyelles de « yn:doa} », « : » et «
} » qui est devenu « “ » sous les consonnes de « hwhy», ce qui donne au
final un mot qui, en fait, n’existe pas en hébreu : « hw:hy“, Yéh(o)va »…
2
2Sm 7,22 (cf. 1Ch 17,20) : « C'est pourquoi tu es grand, Seigneur Yahvé :
il n'y a personne comme toi et il n'y a pas d'autre Dieu que toi seul,
comme l'ont appris nos oreilles. »
Le Premier Livre des Rois (1R 18,20-40) rapporte cette joute entre le prophète
Elie et les quatre cent cinquante prophètes de Baal. Deux jeunes taureaux sont sacrifiés et
placés sur un bûcher. « Vous invoquerez le nom de votre dieu », leur dit Elie, « et moi,
j'invoquerai le nom de Yahvé : le dieu qui répondra par le feu, c'est lui qui est Dieu. »
Depuis le matin jusqu’en fin d’après midi, les prophètes de Baal l’invoquent à grands cris
et rien ne se passe. Elie demande à ce que l’on arrose ‘son’ taureau avec quatre jarres
d’eau, et cela par trois fois, puis il fit cette prière : « « Yahvé, Dieu d'Abraham, d'Isaac et
d'Israël, qu'on sache aujourd'hui que tu es Dieu en Israël, que je suis ton serviteur et
que c'est par ton ordre que j'ai accompli toutes ces choses. Réponds-moi, Yahvé,
réponds-moi, pour que ce peuple sache que c'est toi, Yahvé, qui es Dieu et qui convertis
leur cœur ! » Et le feu de Yahvé tomba et dévora l'holocauste et le bois, les pierres et
la terre, et il absorba l'eau qui était dans le canal. Tout le peuple le vit ; les gens
tombèrent la face contre terre et dirent : « C'est Yahvé qui est Dieu ! C'est Yahvé qui est
Dieu ! » »
Le Roi Ezéchias (716 – 687 av JC), lui, prie ainsi, associant la notion du Dieu
Unique à celle du Dieu Créateur :
2R 19,15.19 (cf. Is 37,16.20) : « Yahvé, Dieu d'Israël, qui sièges sur les chérubins,
c'est toi qui es seul Dieu de tous les royaumes de la terre,
c'est toi qui as fait le ciel et la terre »…
(19) Et maintenant, Yahvé, notre Dieu, sauve-nous de la main (de Sennachérib,
roi d’Assyrie), je t'en supplie,
et que tous les royaumes de la terre sachent que toi seul es Dieu, Yahvé ! »
3
vous êtes le serviteur que je me suis choisi,
afin que vous le sachiez, que vous croyiez en moi
et que vous compreniez que c'est moi :
avant moi aucun dieu n'a été formé et après moi il n'y en aura pas.
Moi, c'est moi Yahvé, et en dehors de moi il n'y a pas de sauveur.
C'est moi qui ai révélé, sauvé et fait entendre,
ce n'est pas un étranger qui est parmi vous,
vous, vous êtes mes témoins, oracle de Yahvé, et moi, je suis Dieu,
de toute éternité je le suis »…
Is 44,6-8 : « Ainsi parle Yahvé, roi d'Israël, Yahvé Sabaot, son rédempteur :
Je suis le premier et je suis le dernier, à part moi, il n'y a pas de dieu.
Qui est comme moi ? qu'il crie, qu'il le proclame et me l'expose ;
depuis que j'ai constitué un peuple éternel,
ce qui va se passer, qu'il le dise, et ce qui doit arriver, qu'il le leur annonce.
Ne vous effrayez pas, soyez sans crainte,
dès longtemps ne vous l'ai-je pas annoncé et révélé ?
Vous êtes mes témoins. Y aurait-il un dieu à part moi ?
Il n'y a pas de Rocher, je n'en connais pas ! »
Is 45,5-6 : Je suis Yahvé, il n'y en a pas d'autre, moi excepté, il n'y a pas de Dieu.
Je te ceins, sans que tu me connaisses,
(6) afin que l'on sache du levant au couchant qu'il n'y a personne sauf moi :
je suis Yahvé, il n'y en a pas d'autre. (…)
(14) Ainsi parle Yahvé :
Les productions de l'Égypte, le commerce de Kush et les Sébaïtes,
ces gens de haute taille, passeront chez toi et t'appartiendront.
Ils marcheront derrière toi, ils iront chargés de chaînes,
ils se prosterneront devant toi, ils te prieront :
Il n'y a de Dieu que chez toi! il n'y en a pas d'autres, pas d'autre dieu. (…)
(18) Car ainsi parle Yahvé, le créateur des cieux :
C'est lui qui est Dieu, qui a modelé la terre et l'a faite, c'est lui qui l'a fondée ;
il ne l'a pas créée vide, il l'a modelée pour être habitée.
Je suis Yahvé, il n'y en a pas d'autre. (…)
(21) Annoncez, produisez vos preuves, que même ils se concertent !
Qui avait proclamé cela dans le passé,
qui l'avait annoncé jadis, n'est-ce pas moi, Yahvé ?
Il n'y a pas d'autre dieu que moi.
Un dieu juste et sauveur, il n'y en a pas excepté moi.
(22) Tournez-vous vers moi et vous serez sauvés, tous les confins de la terre,
car je suis Dieu, il n'y en a pas d'autre.
Ps 86,10 (cf. 72,18) : « Tu es grand et tu fais des merveilles, toi, Dieu, et toi seul. »
4
Malachie (vers 450 av JC), en un très beau verset, unit les notions de création,
de paternité et d’unicité :
Ml 2,10 : « N'avons-nous pas tous un Père unique ?
N'est-ce pas un seul Dieu qui nous a créés ?
Pourquoi donc sommes-nous perfides l'un envers l'autre,
en profanant l'alliance de nos pères ? »
Le dernier des sept frères martyrs du Livre des Maccabées (vers 150 av JC) priera
ainsi :
2M 7,37 : « Pour moi,
je livre comme mes frères mon corps et ma vie pour les lois de mes pères,
suppliant Dieu d'être bientôt favorable à notre nation
et de t'amener par les épreuves et les fléaux à confesser qu'il est le seul Dieu.
… διότι μόνος (seul, unique) αὐτὸς Θεός ἐστιν »
2 La TOB indique d’autres traductions possibles : « est un seul Seigneur, est le seul Seigneur ».
3 Le texte hébreu a bien « … de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta force (.Úd<aom]Alk;b]W ; daom], force),
traduit par la Septante (Communauté Juive d’Alexandrie, 3° s av JC) : « καὶ ἐξ ὅλης τῆς δυνάμεώς σου, et de tout
ton pouvoir (force) ». St Marc rajoute donc « et de tout ton esprit (διάνοια : intelligence, pensée), καὶ ἐξ ὅλης
τῆς διανοίας σου ». St Matthieu n’a pas repris l’idée de force, « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de
tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit » (cf. Mt 22,34-40). St Luc reprend quant à lui l’ordre de
5
(31) Voici le second : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Lv 19,18)
Il n'y a pas de commandement plus grand que ceux-là.
(32) Le scribe lui dit : « Fort bien, Maître,
tu as eu raison de dire qu' Il est unique et qu'il n'y en a pas d'autre que Lui ;
(33) l'aimer de tout son cœur, de toute son intelligence (σύνεσις) et de toute sa force,
et aimer le prochain comme soi-même,
vaut mieux que tous les holocaustes et tous les sacrifices.
(34) Jésus, voyant qu'il avait fait une remarque pleine de sens, lui dit :
« Tu n'es pas loin du Royaume de Dieu. »
Et nul n'osait plus l'interroger.
En Jn 17,3, il parle, toujours avec μόνος, de « l’unique vrai Dieu », « le seul vrai
Dieu » (TOB), « le seul véritable Dieu » (BJ ; Osty),
Jn 17,3 : « La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent,
σε τὸν μόνον ἀληθινὸν θεὸν...
toi, le seul véritable Dieu,
et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ.
l’Ancien Testament et rajoute la notion d’ « intelligence », de « pensée » : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de
tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit (καὶ ἐξ ὅλης τῆς ἰσχύος σου, καὶ ἐξ ὅλης
τῆς διανοίας σου) ; et ton prochain comme toi-même » (Lc 10,27).
6
1Co 8,4 : οἴδαμεν ὅτι οὐδὲν εἴδωλον ἐν κόσμῳ,
« Nous savons qu’une idole (n’est) rien dans le monde,
καὶ ὅτι οὐδεὶς θεὸς εἰ μὴ εἷς.
et que (il n’est) aucun Dieu si non le seul
(Osty : « Et qu’il n’y a de Dieu que l’Unique. »
BJ : « Et qu’il n’est de Dieu que le Dieu unique. »
TOB : « Et qu’il n’y a d’autre dieu que le Dieu unique. »)
« Le seul (μόνος) Dieu » est également confessé dans ces deux doxologies :
Et un peu plus loin, la foi au Dieu unique est à nouveau confessée, avec celle en
l’unique médiateur, Jésus Christ. Notons à quel point la formulation générale pousse à
traduire le εἷς grec de la Septante par « un seul » :
1Tm 2,3b-6 : Dieu notre Sauveur, veut que tous les hommes soient sauvés
et parviennent à la connaissance de la vérité.
(5) Εἷς γὰρ θεός,
Car (il n’y a qu’) un seul Dieu (Formulation de la Septante, εἷς ; TOB ; BJ : « Dieu est unique » ;
Osty : « il n’y a qu’un Dieu », sous entendu « un seul »).
εἷς καὶ μεσίτης θεοῦ καὶ ἀνθρώπων, ἄνθρωπος χριστὸς Ἰησοῦς,
et un seul médiateur entre Dieu et les hommes, un homme, Jésus Christ,
qui s’est livré en rançon pour tous…
Notons que St Paul utilisera aussi l’adjectif numéral εἷς pour le Père, « εἷς θεὸς
ὁ πατήρ, un seul Dieu le Père, » et pour Jésus Christ, « εἷς κύριος, un seul Seigneur » :
1Co 8,5-6 : Car, bien qu'il y ait, soit au ciel, soit sur la terre, de prétendus dieux
– et de fait il y a quantité de dieux et quantité de seigneurs –,
7
(6) ἀλλ’ ἡμῖν εἷς θεὸς ὁ πατήρ, ἐξ οὗ τὰ πάντα, καὶ ἡμεῖς εἰς αὐτόν:
mais pour nous un seul Dieu, le Père, de qui (viennent) toutes choses,
et nous (nous sommes) pour lui ;
καὶ εἷς κύριος Ἰησοῦς χριστός, δι’ οὗ τὰ πάντα, καὶ ἡμεῖς δι’ αὐτοῦ.
Et un seul Seigneur Jésus Christ, par qui (sont) toutes choses,
et nous (nous sommes) par lui.
Nous voyons bien qu’en l’absence de toute précision, c’est « un seul Dieu »
qu’il entend proclamer en joignant εἷς à « θεὸς, Dieu », pour proclamer le Mystère du
Dieu Unique…
En conclusion, la foi au Dieu unique peut donc être exprimée par le Nouveau
Testament avec l’adjectif « μόνος, seul, unique », un mot grec qui a donné « moine » en
8
français… Elle peut aussi reprendre la traduction grecque de l’Ancien Testament,
la Septante, avec l’adjectif numéral masculin εἷς. Appliqué aux deux termes masculins
singuliers « Θεὸς, Dieu », et (ou) « Κύριος, Seigneur », il prend alors le sens de μόνος,
« le seul, l’unique Dieu », « le seul, l’unique Seigneur ». Et avec St Paul, nous avons vu
qu’à la proclamation de ce « seul Dieu », de ce « seul Seigneur », se joint celle du « seul
Dieu Père » et du « seul Seigneur Jésus Christ ».
Nous pressentons le Mystère d’un seul Dieu en Trois Personnes, Mystère que
St Jean va exprimer avec une finesse inégalée en utilisant les différentes formes grecques
de cet adjectif numéral « un ». Mais avant de l’aborder, précisons, avec le Catéchisme de
l’Eglise Catholique, le vocabulaire que nous emploierons par la suite.
- (252) L’Église utilise le terme « substance » (rendu aussi parfois par « essence »
ou par « nature ») pour désigner l’être divin dans son unité, le terme « personne » pour
désigner le Père, le Fils et le Saint-Esprit dans leur distinction réelle entre eux, le terme
« relation » pour désigner le fait que leur distinction réside dans la référence des uns
aux autres.
9
Le terme de « personne » est donc employé pour désigner des êtres uniques qui, à
ce titre, ne peuvent qu’être en « face à face » les uns avec les autres. Une personne
ne peut pas être « dans » une autre personne…
Le terme de « nature » renvoie à ce que cette personne est en elle-même, ce par
quoi elle vit et s’exprime… Cette réalité par contre peut être commune à plusieurs
personnes distinctes, de telle sorte que toutes les richesses de l’un peuvent également
se retrouver dans l’autre…
Ces quelques précisions sont nécessaires pour aborder le Mystère de la Trinité, qui
« est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne. Il est le mystère de Dieu en
Lui-même. Il est donc la source de tous les autres mystères de la foi ; il est la lumière qui
les illumine. Il est l’enseignement le plus fondamental et essentiel dans la « hiérarchie
des vérités de foi ». « Toute l’histoire du salut n’est autre que l’histoire de la voie et
des moyens par lesquels le Dieu vrai et unique, Père, Fils et Saint-Esprit, se révèle,
se réconcilie et s’unit les hommes qui se détournent du péché » » (CEC & 234).
Ce Mystère du Dieu Unique en Trois Personnes est évoqué, du moins pour le Père
et pour le Fils, dans le verset le plus court de l’Evangile selon St Jean :
10
L’adjectif numéral « un » aura donc trois formes :
11
Le Catéchisme de l’Eglise catholique écrit ainsi (& 200) : « Dieu est Unique :
il n’y a qu’un seul Dieu : « La foi chrétienne confesse qu’il y a un seul Dieu, par nature,
par substance et par essence. » »
« Nous croyons fermement et nous affirmons simplement qu’il y a un seul vrai
Dieu, immense et immuable, incompréhensible, Tout Puissant et ineffable, Père et Fils et
Saint Esprit : Trois Personnes, mais une Essence, une Substance ou Nature absolument
simple » (Concile de Latran IV ; Denzinger 800).
St Jean nous offre trois affirmations explicites sur cette « nature divine » : elle est
« absolument simple » et tout à la fois « Amour » (lJn 4,8.16), « Lumière » (lJn 1,5) et
« Esprit » (Jn 4,24). L’exemple de la lumière du soleil peut nous aider : elle est
« absolument simple », invisible en elle-même, et pourtant, lorsqu’elle passe au travers
d’un prisme ou d’un nuage de fines gouttelettes d’eau, elle se révèle d’une richesse
extraordinaire, avec cette multitude de couleurs différentes qui la composent… Ainsi en
est-il de la nature divine, réalité « absolument simple » et tout à la fois infiniment riche.
En elle, tout se tient, ce qui est un principe de discernement au niveau de ses fruits…
12
Pour ce verset, notons au passage le commentaire ajouté par le P. Max Zerwick
(S.J.), dans son « Analyse grammaticale du Grec du Nouveau Testament » (Edition
anglaise, Rome 1988) : « Note how the knowledge of God is always practical and
personal with the object of assimilation which however is only attainable through a
rebirth enabling man to participate in the nature of Him who is love ». « Notez comment
la connaissance de Dieu est toujours pratique et personnelle vis-à-vis de ‘l’objet à
assimiler’, qui, cependant, ne peut être atteint qu’à travers une nouvelle naissance qui
permet à l’homme de participer à Sa nature qui est amour »… La Bible de Jérusalem
donne en note pour Jn 10,14 : « La connaissance (de Dieu) procède non d’une démarche
purement intellectuelle, mais d’une « expérience » d’une présence ; elle s’épanouit
nécessairement en amour ». La connaissance de Dieu renvoie donc à une réalité de
l’ordre de la vie, qui est directement en nous le fruit de la Présence et de l’action de
l’Esprit Saint, cet Esprit qui est aussi Vie, Vie divine…
Nous avons donc ici par deux fois l’affirmation centrale de la Bible sur Dieu.
« Dieu est Amour », « Dieu n’est qu’Amour », écrit le P. François Varillon. « Tout est
dans le « NE QUE ». Dieu est-il Tout-Puissant ? Non, Dieu n’est qu’Amour, ne venez
pas me dire qu’il est Tout-Puissant. Dieu est-il, Infini ? Non, Dieu n’est qu’Amour,
ne me parlez pas d’autre chose. Dieu est-il Sage ? Non. A toutes les questions que
vous me poserez, je vous dirai : non et non, Dieu n’est qu’amour.
Dire que Dieu est Tout-Puissant, c’est poser comme toile de fond une puissance
qui peut s’exercer par la domination, par la destruction. Il y a des êtres qui sont puissants
pour détruire… Beaucoup de chrétiens posent la toute-puissance comme fond de tableau
puis ajoutent, après coup : Dieu est Amour, Dieu nous aime. C’est faux ! La toute-
puissance de Dieu est la toute puissance de l’amour, c’est l’amour qui est tout puissant !
13
On dit parfois : Dieu peut tout ! Non, Dieu ne peut pas tout, Dieu ne peut que
ce que peut l’Amour. Car il n’est qu’Amour. Et toutes les fois que nous sortons de
la sphère de l’amour nous nous trompons sur Dieu et nous sommes en train de fabriquer
je ne sais quel Jupiter.
J’espère que vous saisissez la différence fondamentale qu’il y a entre un tout-
puissant qui vous aimerait et un amour tout-puissant. Un amour tout-puissant, non
seulement n’est pas capable de détruire quoi que ce soit mais il est capable d’aller
jusqu’à la mort. J’aime un certain nombre de personnes, mais mon amour n’est pas tout-
puissant, je sais très bien que je ne suis pas capable de tout donner pour ceux que j’aime,
c’est-à-dire de mourir pour eux.
En Dieu, il n’y pas d’autre puissance que la puissance de l’amour et Jésus nous dit
(c’est lui qui nous révèle qui est Dieu) : « Il n’y pas de plus grand amour que de mourir
pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13). Il nous révèle la toute-puissance de l’amour en
consentant à mourir pour nous. Lorsque Jésus a été saisi par les soldats, ligoté, garrotté
au Jardin des Oliviers, il nous dit lui-même qu’il aurait pu faire appel à des légions
d’anges pour l’arracher aux mains des soldats. Il s’est bien gardé de le faire car
il nous aurait alors révélé un faux Dieu, il nous aurait révélé un tout-puissant au lieu de
nous révéler le vrai Dieu, celui qui va jusqu’à mourir pour ceux qu’il aime. La mort du
Christ nous révèle ce qu’est la toute-puissance de Dieu. Ce n’est pas une puissance
d’écrasement, de domination, ce n’est pas une puissance arbitraire telle que nous dirions :
qu’est ce qu’il mijote là-Haut, dans son éternité ? Non, il n’est qu’amour mais cet amour
est tout-puissant.
Je réintègre les attributs de Dieu (toute-puissance, sagesse, beauté…) mais ce sont
les attributs de l’amour. D’où la formule que je vous propose : « L’amour n’est pas
un attribut de Dieu parmi ses autres attributs mais les attributs de Dieu sont les attributs
de l’amour. » L’Amour est : Tout-Puissant, Sage, Beau, Infini…
Qu’est ce qu’un amour qui est tout puissant ? C’est un amour qui va jusqu’au bout
de l’amour. La toute-puissance de l’amour est la mort : aller jusqu’au bout de l’amour
c’est mourir pour ceux qu’on aime. Et c’est aussi leur pardonner. S’il y en a parmi vous
qui on l’expérience si douloureuse de la brouille à l’intérieur d’une famille ou d’un cercle
d’amis, vous savez à quel point il est difficile de pardonner vraiment. Il faut que l’amour
14
soit rudement puissant pour pardonner, ce qui s’appelle réellement pardonner. Il faut de
la puissance d’aimer !
Qu’est ce qu’un amour qui est infini ? C’est un amour qui n’a pas de limites. Moi,
je me heurte à des limites dans mon humain, dans mes amitiés humaines. L’Infini de
Dieu n’est pas un infini dans l’espace, un océan sans fond et sans rivage, c’est un amour
qui n’a pas de limites ! » (Extrait de « Joie de croire, joie de vivre » (Bayard Culture)).
Nous avons donc vu les trois grandes affirmations explicites de St Jean sur ce que
Dieu Est en Lui-même… En mettant en parallèle certains versets de son Evangile, de
ses Lettres et des écrits de St Paul, nous pouvons aussi dire :
- « Dieu est Vie ». En effet, « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) et c’est « l’Esprit
qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), « l’Esprit qui donne la vie » (Rm 8,2) car « l’Esprit est
Vie » (cf. Ga 5,25). « Dieu est donc Vie ».
15
Nous le retrouvons avec le thème de la Lumière : « Le Verbe était Dieu » (Jn 1,1)
et « en lui était la Vie, et la Vie était la Lumière des hommes » (Jn 1,4). La Vie est donc
Lumière, la Lumière est Vie, de telle sorte que St Jean peut aussi parler de « la Lumière
de la Vie » : « Je Suis la Lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans
les ténèbres, mais il aura la Lumière de la Vie » (Jn 8,12). « Dieu est Lumière »
(1Jn 1,5), et la Lumière est Vie ; nous retrouvons ainsi que « Dieu est Vie »…
St Jean écrira aussi : « Le Père a la Vie en lui-même » (Jn 5,26), et Jésus dira de
lui : « ὁ ζῶν πατήρ, le vivant Père », c’est-à-dire « le Père qui est vivant » (Jn 6,57)…
Le Père est donc Vie… Et Jésus dira : « Ἐγώ εἰμι ὁ ἄρτος ὁ ζῶν, Je Suis le pain
vivant » (Jn 6,51), « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6)… L’Esprit Saint, évoqué
par l’image de « l’eau vive » est aussi qualifié de « vivant », car littéralement nous avons
« ὕδωρ ζῶν », ou « τὸ ὕδωρ τὸ ζῶν » (Jn 4,10-11), c’est-à-dire « l’eau vivante »…
Le Père est donc Vie, le Fils est Vie et l’Esprit Saint est Vie…
- Nous pourrions dire aussi « Dieu est Paix » (Jn 14,27). Il est « le Dieu de
la Paix » (Rm 15,33 ; 16,20 ; 1Co 14,33 ; Ph 4,9 ; 1Th 5,23 ; Hb 13,20), le « Dieu de
l’Amour et de la Paix, ὁ θεὸς τῆς ἀγάπης καὶ εἰρήνης » (2Co 13,11).
16
L’expression « Saint Esprit », associée aux Personnes divines du Père et du Fils,
dans une formule qui les associe ensemble dans une seule et même action, ne peut
qu’être interprétée comme un Nom propre renvoyant à la Troisième Personne de
la Trinité. Une Personne divine ne peut, en effet, qu’être comparée, associée à une autre
Personne divine.
Il en est de même en Jn 14,15-17 :
1Jn 2,1-2 : « Mes petits enfants, je vous écris pour que vous évitiez le péché.
Mais, si l'un de nous vient à pécher,
Παράκλητον ἔχομεν πρὸς τὸν πατέρα
nous avons un défenseur devant le Père : Jésus Christ, le Juste.
(2) Il est la victime offerte pour nos péchés,
et non seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux du monde entier. »
En Jn 14,15-17 nous voyons donc Jésus s’adresser à ses disciples pour les préparer
à sa mort prochaine. Bientôt s’achèvera sa vie dans la chair, à leurs côtés, en vrai homme
semblable à tous les hommes… Il va s’offrir sur une Croix pour le salut du monde entier,
il mourra, sera mis au tombeau et disparaîtra aux yeux de chair de ses disciples.
17
Mais le troisième jour, ils découvriront que le Père l’a ressuscité d’entre les morts par
la Toute Puissance de l’Esprit Saint (Rm 6,4 ; Ga 1,1 ; Rm 1,1-3 ; 1Co 15,1-8). Et c’est
désormais à leur foi qu’il s’offrira, invisible mais présent. « Je suis avec vous tous
les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Mais seul un cœur attentif pourra
reconnaître cette Présence en vivant « quelque chose » qui est de l’ordre de la Paix de
Dieu et de sa Vie…
18
Faisons à nouveau maintenant une précision sur le vocabulaire que
nous employons.
Pour évoquer le Mystère de « la nature divine », la Bible dit très souvent,
d’une manière ou d’une autre, que Dieu est « Saint » (Lv 11,44-45 ; 19,2 ; 20,26 ; 21,8 ;
1P 1,16), « v/d“q; » en hébreu, un mot qui vient du verbe « vdq, séparer, mettre à part ».
Dieu est donc « saint » en tant qu’il est « séparé » de tout, « à part », « incomparable »
(Is 40,25), « unique », le seul à Être ce qu’Il Est. Mais cette notion de séparation, qui
renvoie à l’unicité de son Être, n’est pas à comprendre en termes de fracture,
d’éloignement… Au contraire, c’est bien parce que Dieu est le seul à Etre ce qu’Il Est
qu’il peut être présent à tous et partout… Le prophète Osée le présentera ainsi comme
étant « le saint au milieu de toi »…
Ainsi, à la différence des notions de fidélité, de loyauté... « la sainteté de Dieu »
n'indique pas un rapport de « Dieu avec... », mais renvoie directement à ce que Dieu est
en Lui même, à sa nature divine. Lorsque Dieu dit « Je Suis » (Ex 3,14) ou « Je suis
Saint » (Lv 11,44…), il dit en fait la même chose…
La sainteté « est donc plus qu'un attribut divin parmi d'autres, elle caractérise Dieu
même. Dès lors son Nom est saint...
Am 2,7 : .yvid“q; µveAta, lLej' ˆ['m'l] C'est pourquoi est profané mon saint nom.
19
... et Yahvé jure par sa sainteté » (ou par Lui-même...) :
Am 4,2 : /vd“q;B] hwIhy“ yn:doa} [B'v]nI Le Seigneur Yahvé l'a juré par sa sainteté.
(LXX) : ὀμνύει κύριος κατὰ τῶν ἁγίων αὐτοῦ: Le Seigneur le jure selon « ses (réalités) saintes »
Am 6,8 : /vp]n"B] hwIhy“ yn:doa} [B'v]nI Le Seigneur Yahvé l'a juré par lui-même.
(LXX) : ὅτι ὤμοσεν κύριος καϑ' ἑαυτοῦ:
« Dieu est donc Esprit » (Jn 4,24) et « Dieu est Saint ». Les deux mots « Esprit »
et « Saint », sont alors employés pour décrire ce que Dieu Est en Lui-même, pour
exprimer le Mystère de sa nature divine.
Ces deux mêmes mots peuvent aussi être réunis pour former un Nom propre, et
évoquer ainsi une Personne divine unique, « l’Esprit Saint ».
Ainsi, comme nous disons « le Père », Personne divine, « Est Esprit », ou
« le Fils », Personne divine, « Est Esprit », nous dirons « l’Esprit Saint », Personne
divine, « Est Esprit ». Et de même, comme nous disons « le Père », Personne divine, est
« Saint », « le Fils », Personne divine, est « Saint », nous dirons « l’Esprit Saint »,
Personne divine, est « Saint ». Et en mettant les deux ensembles, nous pouvons dire :
Ainsi, « l’Esprit Saint qui est la Troisième Personne de la Trinité, est Dieu, un et
égal au Père et au Fils, de même substance et aussi de même nature » (CEC 245 ; Concile
de Tolède XI en 675 : DS 527).
5 DE VAULX J., « Saint », Vocabulaire de théologie biblique (8° édition, Paris 1995) col. 1179.
20
Avec Jn 10,30, Jésus dit : « Moi et le Père, nous sommes un », unis l’un à l’autre
dans la Communion d’une même nature divine qui est tout à la fois « Amour »
(1Jn 4,8.16), « Esprit » (Jn 4,24) et « Lumière » (1Jn 1,5). Et ce qui est dit des deux
Personnes divines, le Père et le Fils, est bien sûr tout aussi vrai pour les Trois.
Ainsi, nous pourrions prolonger ce verset de St Jean et écrire : « Moi, le Père et l’Esprit
Saint, nous sommes un » dans la Communion d’une même nature divine…
• La Trinité est Une. Nous ne confessons pas trois dieux, mais un seul Dieu en
trois personnes : « la Trinité consubstantielle » (Concile de Constantinople II en 553 : DS 421).
« La foi chrétienne confesse qu’il y a un seul Dieu, par nature, par substance et
par essence. » Les personnes divines ne se partagent pas l’unique divinité mais chacune
d’elles est Dieu tout entier : « Le Père est cela même qu’est le Fils, le Fils cela même
qu’est le Père, le Père et le Fils cela même qu’est le Saint-Esprit, c’est-à-dire un seul
Dieu par nature » (Concile de Tolède XI en 675 : DS 530). « Chacune des trois personnes est
cette réalité, c’est-à-dire la substance, l’essence ou la nature divine » (Concile de Latran IV
en 1215 : DS 804). » Il s’agit donc de « confesser une seule nature ou substance du Père,
du Fils et du Saint Esprit, une seule puissance et un seul pouvoir, une Trinité
consubstantielle, une seule divinité adorée en Trois Personnes » (DS 421).
• Les personnes divines sont réellement distinctes entre elles. « Dieu est unique
mais non pas solitaire » (Fides Damasi : DS 71). « Père », « Fils », « Esprit Saint » ne sont
pas simplement des noms désignant des modalités de l’être divin, car ils sont réellement
distincts entre eux : « Celui qui est le Fils n’est pas le Père, et celui qui est le Père n’est
pas le Fils, ni le Saint-Esprit n’est celui qui est le Père ou le Fils » (Concile de Tolède XI en
675 : DS 530). Ils sont distincts entre eux par leurs relations d’origine : « C’est le Père qui
engendre, le Fils qui est engendré, le Saint-Esprit qui procède » (Concile de Latran IV en
1215 : DS 804). L’Unité divine est Trine. »
21
Nous pouvons maintenant préciser quelques expressions de St Jean :
1 – « Croyez ce que je vous dis : je suis dans le Père, et le Père est en moi »
(Jn 14,11). Souvenons-nous : « Celui qui est le Fils n’est pas le Père, et celui qui est
le Père n’est pas le Fils » (Concile de Tolède XI en 675 : DS 530). Le Père et le Fils sont
donc toujours en face à face : en tant que Personnes divines, elles ne peuvent être
l’une dans l’autre…
Par contre « le Père est cela même qu’est le Fils, le Fils cela même qu’est le Père »
affirme le même Concile de Tolède. Autrement dit, si « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5),
le Père est pleinement Lumière, le Fils est lui aussi pleinement Lumière, de telle sorte
que toute la Lumière qui est dans le Père est dans le Fils, et toute la Lumière qui est dans
le Fils est dans le Père alors même que le Père n’est pas le Fils et que le Fils n’est pas
le Père. Cette expression de St Jean, « Je suis dans le Père et le Père est en moi »,
renvoie donc à ce Mystère de Communion dans l’unique nature divine que vivent le Père
et le Fils de toute éternité. Et c’est ainsi que Jésus, « Lumière » (Jn 12,46 ; 8,12), alors
même qu’il n’est pas le Père, peut dire : « Qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14,9). En effet,
celui qui a « vu », reconnu dans la foi, la Lumière du Fils a « vu » au même moment
la Lumière du « Père des lumières » (Jc 1,17), du « Père de la gloire » (Ep 1,17)…
Des expressions identiques sont également appliquées aux disciples de Jésus dans
l’Evangile de Jean. A travers elles, nous pressentons le Mystère de la vocation commune
à tout homme : participer selon notre condition de créature à la Plénitude de la nature
divine (2P 1,4). Jésus dit ainsi : « Père, je ne prie pas pour eux seulement (les disciples qui
l’entourent avant sa Passion) mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi,
afin que tous soient un (ἕν). Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi
soient en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé. Je leur ai donné la gloire que
tu m'as donnée, pour qu'ils soient un (ἕν) comme nous sommes un (ἕν) : moi en eux et
toi en moi, afin qu'ils soient parfaits dans l'unité (εἰς ἕν), et que le monde reconnaisse
que tu m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé » (Jn 17,20-23).
22
2 – Souvenons-nous de cet extrait de St Jean où nous avons pressenti avec force
la Présence de l’Esprit Saint Personne divine (Jn 14,15-17). Le texte complet est
le suivant :
Jn 14,15-17 (Jésus disait) : Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements ;
(16) et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet,
pour qu'il soit avec vous à jamais,
(17) l'Esprit de Vérité, que le monde ne peut pas recevoir,
parce qu'il ne le voit pas ni ne le reconnaît.
Vous, vous le connaissez, parce qu'il demeure auprès de vous (παρ’ ὑμῖν)
et qu’il est en vous (ou : il sera en vous ; ἐν ὑμῖν ἔσται).
Les Trois Personnes divines distinctes apparaissent ici, et en tant que Personnes,
elles ne peuvent qu’être en face à face. Chacune d’entre elle vit et s’exprime avec
la Plénitude d’une seule et même « nature divine », et à ce titre, elles sont unies les unes
aux autres par un lien existentiel qui Est tout à la fois Amour, Esprit, Lumière et Vie.
Ainsi, alors même qu’elles sont en face à face, elles vivent en communion les unes avec
les autres. Et ce qui est vrai pour elles, Dieu a voulu que cela soit aussi vrai pour chacun
d’entre nous et pour nous tous en tant que personnes humaines créées…
De notre « Oui ! » dépend maintenant la pleine réalisation de ce projet divin :
la Communion de chacune des Trois Personnes divines et de nous tous dans l’unité
d’une seule et même nature divine…
Dans ce texte de Jn 14,15-17, l’Esprit Saint Personne divine « demeure auprès de
nous » comme toute autre Personne divine ou humaine, en côte à côte, en face à face.
Mais dès que l’on affirme « il est en vous », ou « il sera en vous », il ne s’agit plus
cette fois de la Personne divine « Esprit Saint » (Nom propre) mais de la nature divine
« Esprit Saint » (nom commun), en tant que « Dieu est Esprit », et que « Dieu est Saint ».
Et, répétons-nous, nous avons tous été créés pour participer pleinement, selon
notre condition de créature, à l’unique nature divine et cela par le Don gratuit de
cet Esprit Saint « nature divine » que Dieu ne cesse de proposer au libre assentiment de
notre liberté, de notre foi. Comblés par cet unique Esprit, nous serons alors tous en face à
face en tant que personnes uniques, mais aussi en communion les uns avec les autres,
23
« dans l’unité de l’Esprit, ἡ ἑνότης τοῦ πνεύματος » (Ep 4,3), chacun participant
pleinement, en tant que créature, à la même nature divine, au même Amour, au même
Esprit, à la même Lumière, à la même Vie…
1Jn 1,1-3 : Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu,
ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé,
ce que nos mains ont touché du Verbe de vie ;
(2) – car la Vie s'est manifestée : nous l'avons vue, nous en rendons témoignage
et nous vous annonçons cette Vie éternelle,
qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue –
(3) ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons,
afin que vous aussi soyez en communion avec nous.
Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ.
2P 1,1-4 : Syméon Pierre, serviteur et apôtre de Jésus Christ, à ceux qui ont reçu
par la justice de notre Dieu et Sauveur Jésus Christ une foi d'un aussi grand prix que la
nôtre, (2) à vous grâce et paix en abondance, par la connaissance de notre Seigneur !
(3) Car sa divine puissance nous a donné tout ce qui concerne la vie et la piété :
elle nous a fait connaître Celui qui nous a appelés par sa propre gloire et vertu. (4)
Par elles, les précieuses, les plus grandes promesses nous ont été données, afin que
vous deveniez ainsi participants de la divine nature, vous étant arrachés à la corruption
qui est dans le monde, dans la convoitise.
24
IV - LES RELATIONS ETERNELLES D’ORIGINE ENTRE LE PERE, LE FILS ET
L’ESPRIT SAINT
Nous allons maintenant aborder ces « relations d’origine » que nous proclamons
dans notre Crédo. Le Concile de Constantinople II (553 ap JC) précise « qu’il y a deux
générations du Dieu Verbe, l’une avant les siècles, du Père, intemporelle et incorporelle,
l’autre aux derniers jours, du même Verbe qui est descendu des cieux et s’est incarné de
la sainte et glorieuse Mère de Dieu toujours vierge, et qui a été engendré d’elle »
(DS 422). Nous verrons à quel point les deux sont en harmonie avec un seul et même
Mystère…
St Jean évoque cette « génération avant les siècles, intemporelle et incorporelle »
par le Père du Dieu Verbe, Jésus, le Fils. Elle est « intemporelle » car toujours en acte,
de toute éternité… Et « incorporelle » car elle concerne cette Personne divine que nous
appelons « le Fils » et qui, depuis toujours et pour toujours, est Dieu et donc « Esprit »
(Jn 4,24)… Notre Crédo déclare : « Né du Père avant tous les siècles, il est Dieu né de
Dieu, Lumière né de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu. Engendré, non pas créé,
(il est) de même nature que le Père »…
« Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), tel est, en Lui, le fondement de tout. A
cette affirmation première, il suffit de joindre cette phrase de Ste Thérèse de Lisieux, que
l’on retrouve en St Jean : « Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même ».
Mais appliqué à Dieu, ce principe doit être interprété au pied de la lettre : « Dieu
est Amour », et parce qu’ « Il n’Est qu’Amour » (P. François Varillon), il vit un acte
éternel : se donner en tout ce qu’Il Est… Dieu est ainsi éternellement Don de Lui-même,
gratuitement, par Amour, Don de tout ce qu’Il Est en Lui-même…
Cette réalité est évoquée très souvent dans la Bible et de multiples manières,
notamment par les images :
25
- De la Source d’Eau Vive (Jr 2,13 ; 17,13 ; Ps 42-43 ; Is 12,2-3 ; cf. Ps 1).
Jésus crucifié et transpercé sur la Croix sera lui-même « Image du Dieu invisible »
(Col 1,15), du Dieu Source, du Dieu Don de Lui-même : de son côté ouvert ont jailli
l’eau et le sang (Jn 19,32-35), symboles du Don de sa Vie divine (cf. Lv 17,11.14),
du Don de l’Esprit qui est Vie et qui Vivifie quiconque accepte de le recevoir…
Il accomplit ainsi l’image du Rocher frappé (1Co 10,4), du Temple (cf. Jn 2,18-22) d’où
jaillissent « des fleuves d’eau vive… Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui
avaient cru en lui » (Jn 7,37-39). Et c’est bien parce que le Dieu Esprit est éternellement
Don de Lui-même que quiconque demande de tout cœur l’Esprit ne peut que le recevoir :
il est déjà donné ! Mais « demander » exprime alors le désir libre et conscient de
recevoir… Dans l’infini respect qu’il nous porte, Dieu ne nous comblera jamais de
force… Alors, « demandez, et vous recevrez… Car quiconque demande reçoit… Quel est
d'entre vous le père auquel son fils demandera un poisson, et qui, à la place du poisson,
lui remettra un serpent ? Ou encore s'il demande un œuf, lui remettra-t-il un scorpion ?
Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants,
combien plus le Père du ciel donnera-t-il l'Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »
(Lc 11,9-13). « Si tu savais le Don de Dieu, et qui est celui qui te dit « Donne-moi à
boire », c’est toi qui l’aurais prié et il t’aurait donné de l’Eau Vive », l’Eau Vive de
l’Esprit qui vivifie (Jn 4,10)…
Dieu Amour est donc éternellement Don de Lui-même, gratuitement, par Amour.
Et dans ce Mystère d’Amour, le Père a la primauté (CEC & 245) : « L’Église reconnaît
le Père comme « la source et l’origine de toute la divinité » (Concile de Tolède VI en
638 : DS 490) », « le principe sans principe » (Concile de Florence 1442 ; DS 1331).
26
Le Père est Amour ? Aimer c’est tout donner et se donner soi-même ? De toute
éternité, le Père se donne totalement au Fils, en tout ce qui le constitue, son Être et
sa Vie, et c’est par ce Don total qu’il fait de Lui-même qu’il l’engendre en Fils, « né du
Père avant tous les siècles, Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré non pas
créé, de même nature que le Père ».
Ce Mystère transparaît souvent en St Jean…
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« Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre,
d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits.
Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir.
(22) Πάντα μοι παρεδόθη ὑπὸ τοῦ πατρός μου
Toutes (choses) à moi ont été données par le Père de moi
et nul ne sait qui est le Fils si ce n'est le Père, ni qui est le Père si ce n'est le Fils,
et celui à qui le Fils veut bien le révéler6.
Le Père est Esprit, un Esprit qui est Vie ? Il aime le Fils et l’engendre à sa Vie,
en « Unique Engendré » (Bible de Jérusalem, Jn 1,14.18 ; 3,16.18), en lui donnant de toute
éternité la Plénitude de son Être et de sa Vie. Et c’est ainsi que le Fils, en tant qu’il se
reçoit du Père, est lui aussi Plénitude d’Esprit et de Vie comme Dieu seul peut l’être...
Jésus est donc « rempli d’Esprit Saint » par le Père (Lc 4,1), « un Esprit qui est Vie »
(Ga 5,25), « un Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,7) et cela, depuis toujours et pour
toujours…
Jn 5,26 : Ὥσπερ γὰρ ὁ πατὴρ ἔχει ζωὴν ἐν ἑαυτῷ,
Comme en effet le Père a (la) vie en lui-même
οὕτως καὶ τῷ υἱῷ ἔδωκεν ζωὴν ἔχειν ἐν ἑαυτῷ.
de même aussi au Fils il a donné (la) vie avoir en lui-même.
28
en actes et en paroles :
- En actes, car Jésus est « assis près du puits », comme il est de toute
éternité « près du Père », « tourné vers le sein du Père », « demeurant en son Amour »,
« recevant l’Esprit » (Jn 7,29 ; 1,18 ; 15,10 ; Ac 2,33), car le Père est pour lui « Source
éternelle d’Eau Vive » (Jr 2,13 ; 17,13), « l’Eau Vive » de « l’Esprit qui vivifie ».
29
et il fut baptisé dans le Jourdain par Jean.
(10) Et aussitôt, remontant de l'eau, il vit les cieux se déchirer
et l'Esprit comme une colombe descendre vers lui,
(11) et une voix vint des cieux :
« Tu es mon Fils bien-aimé, en toi j’ai mis tout mon amour ».
Et c’est bien le Mystère éternel du Fils qui, en cet instant, se révèle… En effet,
avant même toute Parole, « l’Esprit descend » du Père et « demeure » sur Lui. Tel est
l’acte éternel que le Père accomplit envers son Fils : se donner totalement à Lui en tout
ce qu’Il Est, et Il Est Esprit… La Plénitude de l’Esprit du Père est donc dans le Fils…
Puis, « du ciel une voix se fit entendre », une Parole du Père qui révèle ce que ce dernier
fait pour le Fils depuis toujours et pour toujours : « C'est toi mon Fils bien-aimé ; en toi
j'ai mis tout mon amour » (Mc 1,11).
En effet, de toute éternité le Père aime le Fils, et il n’a qu’une Parole à lui dire :
« Je t’aime ! », « C’est toi mon Fils Bien-aimé ! » Mais pour le Père, avant d’être Parole
adressée au Verbe fait chair pour nous révéler le Mystère, cet Amour est acte, Don total
de Lui-même : « Je t’aime et donc je mets en toi éternellement tout ce que Je Suis, et
7 La Bible de Jérusalem écrit en note : « Cette expression définit l’œuvre essentielle du Messie, annoncée
dès l’Ancien Testament : régénérer l’humanité dans l’Esprit Saint. Parce que l’Esprit repose sur lui,
le Messie pourra le donner aux hommes »… Nous retrouvons ainsi la mission première du Fils : inviter
les hommes à se tourner avec lui de tout cœur vers le Père pour que nous puissions recevoir, comme Lui,
ce qu’il reçoit du Père de toute éternité, ce Don de l’Esprit Saint qui le constitue en Fils. Si nous acceptons
cette démarche rendue possible par l’Amour Pur de Dieu, un Amour qui pour nous pécheurs prend
inlassablement le visage d’une Miséricorde sans limite, nous serons pleinement ce que nous sommes déjà
aux yeux du Père : ses enfants, vivant de sa Plénitude, comme le Fils…
30
Je Suis Esprit, Je Suis Amour », « en toi j’ai donc mis tout mon amour » (AELF ;
Traduction Liturgique).
Le Père est « Lumière » (1Jn 1,5) ? Il se donne totalement au Fils en tout ce
qu’Il Est ; le Fils est donc lui aussi, « Lumière née de la Lumière », avec la même
Plénitude, en tant qu’il la reçoit du Père. Et c’est ainsi qu’il peut dire de lui-même :
« Je Suis la Lumière du monde » (Jn 8,12 ; cf. Jn 12,46), « et si Je Suis ce que Je Suis,
c’est que le Père me donne, de toute éternité, d’Être ce que Je Suis »…
Cet engendrement éternel du Fils par le Père apparaît aussi dans le Nouveau
Testament avec la notion de « gloire » qui, dans la Bible, renvoie à Dieu Lui-même, à
ce qu’Il Est, en tant qu’il se manifeste, d’une façon ou d’une autre (cf. Excursus en fin de
document). Ainsi, par exemple, lors de la Transfiguration, St Luc écrit :
St Matthieu parle, lui, de « lumière » (Mt 17,2) : « Et il fut transfiguré devant eux :
son visage resplendit comme le soleil et ses vêtements devinrent blancs comme
la lumière. » Notons le « comme » doublement répété… Les meilleurs mots pour décrire
ce qu’ils ont perçu étaient « soleil », « lumière », mais ce n’était ni le soleil de ce monde,
ni la lumière de ce monde… St Marc insistera sur ce point : « Ses vêtements devinrent
resplendissants, d'une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir
une blancheur pareille » (Mc 9,3). Lumière spirituelle de ce Dieu qui Est « Esprit » et
donc, par nature, invisible à nos yeux de chair… « On ne voit bien qu'avec le cœur.
L'essentiel est invisible pour les yeux » (Antoine de St Exupéry ; Le Petit Prince).
31
Et pourtant, il s’agit bien de « voir »… « Heureux les yeux qui voient ce que vous soyez…
Bien des prophètes et des rois ont voulu le voir et ne l’ont pas vu » (Mt 13,16-17).
Et de fait, Pierre dira au nom de tous : « Maître, il est heureux que nous soyons ici »
(Mc 9,5). Ce bonheur profond est le fruit de l’Esprit qui, en cet instant, a rempli leur
cœur et leur a donné de ‘voir’ l’invisible Lumière spirituelle : « En toi est la Source de
Vie, par ta Lumière, nous voyons la Lumière » (Ps 36,10). « Dieu est Esprit, Dieu est
Lumière », cette Lumière est celle de l’Esprit dont le fruit est notamment « la joie »
(Ga 5,22 ; Lc 10,21 ; Ac 13,52 ; Rm 14,17 ; Rm 15,13 ; 1Th 1,6).
Pour la Transfiguration, St Matthieu parle de « Lumière », St Luc de « gloire ».
Et les deux termes décrivent la même réalité : « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), sa nature
divine est « Lumière ». Jésus transfiguré était pleinement « Image du Dieu invisible »
(Col 1,15), « resplendissement de sa gloire, effigie de sa substance » (Hb 1,3).
« Ces deux métaphores », explique en note la Bible de Jérusalem, « expriment l’identité
de nature entre le Père et le Fils autant que la distinction des personnes. »
Lors de la Transfiguration, cette nature divine s’est manifestée en Jésus Christ,
vrai homme et vrai Dieu : « ils virent sa gloire. » La notion de « gloire de Dieu » est
donc inséparable de celle de « nature divine » : « la gloire de Dieu » est « la nature
divine » en tant qu’elle se manifeste. Pas de « gloire de Dieu » sans « la nature divine »
qui en est la source. Dans certains versets, on peut ainsi remplacer le mot « gloire » par
l’expression « nature divine », puisque, encore une fois, la Gloire de Dieu n’est que
la manifestation, d’une manière ou d’une autre, de sa nature divine.
32
Nous retrouvons ce Mystère dans la prière de Jésus à son Père, juste avant
sa Passion :
8 Et le Père aime les hommes « comme » il aime, de toute éternité, le Fils, en se donnant à eux aussi
« comme » il se donne au Fils « avant tous les siècles », « l’engendrant ainsi en Fils de même nature que
le Père » par ce Don qu’il lui fait de tout ce qu’Il Est en Lui-même... C’est pourquoi Jésus nous invite,
envers et contre tout, toujours et partout, quel que soit notre état, notre misère, à « demeurer dans
son Amour » comme Lui « demeure dans l’Amour » du Père de toute éternité (Jn 15,9-10). Et c’est le Don
du Père reçu avec Jésus et par notre foi en Lui qui accomplira en nous son œuvre, et cela selon les besoins
propres à chacun…
9 Le Père a donné au Fils le monde à sauver (Jn 3,16-17 ; 4,42 ; 1Tm 2,3-6), et il attire tout homme à
son Fils, d’une manière ou d’une autre (cf. Jn 6,44.65 ; Lc 2,27). Aujourd’hui, le Christ ressuscité participe
lui aussi activement à cette « attirance » (Jn 12,32). Mais l’homme est libre… Celles et ceux qui consentent
à cet attrait vers la Vérité et l’Amour, permettront ainsi à Dieu d’accomplir en eux ce qu’il veut faire
au cœur de tout homme : combler sa créature de l’insondable richesse de sa divinité… Et Jésus évoque ici
tout spécialement celles et ceux qui ont dit « Oui ! »… Tous les autres n’en sont pas moins aimés, désirés,
cherchés, attirés, comblés s’ils sont, de tout cœur, de bonne volonté… « Gloria in altissimis Deo et in terra
pax in hominibus bonae voluntatis, Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes
de bonne volonté » (St Jérôme, Lc 2,14).
33
2 – L’engrendrement du Fils exprimé avec la notion de « Nom ».
Nous retrouvons encore cette même réalité de l’engendrement du Fils par le Père
avec la notion de Nom… Dans la Bible, en effet, « loin d’être une désignation
conventionnelle, le nom exprime pour les anciens le rôle d’un être dans l’univers »…
Pour Dieu, « le Nom, c’est Dieu même. Dieu s’identifie tellement à son Nom qu’en en
parlant il se désigne lui-même. C’est ce Nom qui est aimé (Ps 5,12), loué (Ps 7,18),
sanctifié (Is 29,23)… Le Temple est le lieu où « Dieu a fait demeurer son Nom »
(Dt 12,5), c’est là qu’on vient en sa présence (Ex 34,23) »10…
Pour Dieu, la notion de Nom renvoie donc directement au Mystère de ce qu’Il Est
en lui-même :
Jn 12,28 : « Père, glorifie ton Nom ! »
Jn 15,21 : « Tout cela, ils le feront contre vous à cause de mon Nom,
parce qu'ils ne connaissent pas celui qui m'a envoyé. »
« Croire en son nom », c’est croire en ce qu’Il Est, et Dieu Est Amour, un Amour
par lequel nous sommes tous appelés à nous laisser engendrer par Lui à sa Vie et cela à
l’image du Fils, « l’Unique-Engendré » du Père (Rm 8,29 ; Jn 1,14.18 ; 3,16.18) :
Jn 3,16-18 : « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils, l'Unique-Engendré,
afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle.
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(17) Car Dieu n'a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde,
mais pour que le monde soit sauvé par son entremise.
(18) Qui croit en lui n'est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé,
parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils Unique-Engendré de Dieu. »
Tout comme la notion de gloire, nous pouvons donc remplacer cette notion de
« nom », si le contexte le permet, bien sûr, par celle de « nature divine » :
« Père saint, garde-les dans ton Nom que tu m'as donné », « dans ton Esprit que
tu m'as donné », « dans ta nature divine que tu m’as donnée, δέδωκάς μοι ». Nous
avons encore ici, comme en Jn 3,15, le parfait grec du verbe « donner, δίδωμι »,
un temps qui renvoie à une action passée dont les conséquences se font toujours sentir
dans le présent du texte… Dans le contexte des relations entre le Père et le Fils, cette
notion de passé renvoie à l’acte éternel du Père qui ne cesse de donner au Fils son Nom,
son Être, sa Vie, sa « nature divine Esprit Saint », l’engendrant ainsi en Fils « de même
nature que le Père »...
35
et cela d’autant plus « gratuitement » que nous sommes tous pécheurs, et donc indignes :
« Mon Dieu, je ne suis pas digne de te recevoir » (cf. Lc 7,6-7)… Mais l’Amour de Dieu
ne s’arrête pas à tout cela : le Père ne cherche, ne désire, ne poursuit et ne travaille
qu’au bonheur de tous ses enfants…
11 On perçoit ici un lien entre Marc et Pierre, Marc ayant écrit son Evangile à Rome en écoutant Pierre…
12 Mt 10,8 : « δωρεὰν ἐλάβετε, δωρεὰν δότε ; vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement »… Ap 22,17 :
« ὁ θέλων λαβέτω ὕδωρ ζωῆς δωρεάν ; que celui qui veut (consent, désire) reçoive l’Eau de la Vie,
gratuitement ».
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Mais pour que nous puissions bénéficier de ce qu’Il Est le seul à Être en
Lui-même, cela ne peut se faire qu’en relation avec Lui, dans l’Amour, avec Lui qui, de
son côté, par Amour, ne cesse de donner, de se donner, et il nous a tous créés pour que
nous soyons comblés par ce Don gratuit de l’Amour ! C’est pour cela qu’il nous invite
inlassablement à nous laisser réconcilier avec Lui, dans l’Amour (2Co 5,16-21). Il suffit
alors que nous acceptions d’être aimés, tels que nous sommes, gratuitement, aimés et
donc comblés par le Don de l’Amour qu’il s’agira alors non pas de « prendre », mais de
« recevoir », un même verbe en grec, nous l’avons vu, « λαμβάνω »… Et l’Amour nous
comblera au-delà de toutes nos attentes (Ep 3,20-21 ; 5,18 ; Col 2,9-10)…
Nous nous souvenons que cet épisode du baptême de Jésus est comme une photo
instantanée d’une réalité éternelle : le Père se donne au Fils en tout ce qu’Il Est, et Il Est
« Esprit » (Jn 4,24)… Et le Fils se « reçoit » du Père en tout ce qu’Il Est, revêtu
« d’honneur et de gloire » comme Dieu seul peut l’être…
Souvenons-nous aussi de la notion de « gloire » de Dieu, inséparable de celle de
« nature divine » : « Il reçut en effet de Dieu le Père la nature divine et l’honneur » qui
lui est propre, une réalité de toujours et pour toujours…
Dans le Livre des Actes des Apôtres, Pierre déclare, juste après la Pentecôte :
Jésus, le Fils, « ayant reçu d’auprès du Père l’Esprit Saint »… Mais c’est
précisément ce qu’il fait depuis toujours et pour toujours : « recevoir » du Père
cette Plénitude de l’Esprit qui est celle-là même du Père, et c’est ainsi qu’il est engendré
en Fils « de même nature que le Père »…
13En grec, ἐκχέω « verser (le sang, l’eau (Mt 26,28 ; Lc 5,38) ; l’Esprit (Rm 5,5 ; Tt 3,6)) ». Nous ne sommes
donc pas loin de « l’Eau Vive de l’Esprit » (Jn 4,10-14 ; 7,37-39).
37
Dans le Livre de l’Apocalypse, « les Anges », rassemblés autour « du trône » de
Dieu, des quatre « Vivants » (Symboles de la Présence du Dieu Vivant à tout l’univers visible et
invisible, le chiffre quatre renvoyant aux quatre points cardinaux), et des Vieillards, (les hommes qui
ont fini leur vie sur cette terre et qui sont désormais dans la Lumière éternelle de Dieu), louent le Fils,
« l’Agneau égorgé » :
Ainsi « l’Agneau », Jésus, le Fils, « reçoit », sous entendu du Père, les attributs
propres à Dieu seul : « la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire,
et la louange » qui lui revient.
St Jean en énumère sept, un chiffre qui symbolise la Plénitude.
St Jérôme a traduit « πλοῦτος, richesse » par « divinitatem, divinité », ce qui est
alors une allusion directe à l’engendrement éternel du Fils par le Père…
L’univers entier, toutes les créatures visibles et invisibles, se prosternent alors
devant le trône et devant l’Agneau comme on se prosterne devant Dieu seul…
38
Ce texte proclame donc avec force la divinité du Fils, en tant qu’il la reçoit, sous
entendu, du Père, le Père seul pouvant lui donner ce qui est propre à Dieu seul…
39
(39) Car c'est pour vous qu'est la promesse,
ainsi que pour vos enfants et pour tous ceux qui sont au loin,
en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera.
14Noter le parallèle, fréquent dans le Nouveau Testament, entre l’Esprit Saint et la Puissance, la Force
(Lc 1,17 avec 1,15 ; 4,14 ; Ac 1,8 ; 10,38 ; Rm 1,4 ; 1Co 2,4 ; Ep 3,16 ; 1Th 1,5 ; 2Tm 1,7).
40
B) L’Esprit Saint procède éternellement du Père et du Fils
« Dieu Est Amour » (1Jn 4,8.16)… Le Père est donc « Amour », « Amour » qui se
donne totalement au Fils, en tout ce qu’Il Est et cela de toute éternité… Le Fils est donc
pleinement « Amour » lui aussi, comme le Père, en tant qu’il se reçoit de lui. Or « aimer,
c’est » pour Dieu Père et Fils, « tout donner et se donner soi-même » (Ste Thérèse de
Lisieux ; Jn 3,35) et cela au sens littéral, comme Dieu seul sait le faire.
Le Fils, en se recevant Lui-même tout entier du Père comme Etant Lui aussi
« Amour », va donc recevoir avec le Don de cet Amour pleinement divin la capacité de
« tout donner et de se donner soi-même », au sens littéral, comme Dieu seul peut le faire.
41
Jésus donne la Vie qu’il a lui-même reçue du Père, une Vie qui est Esprit. Jésus
donne donc l’Esprit « nature divine » (Jn 4,24), cet Esprit qu’il reçoit du Père de toute
éternité, un Esprit par lequel le Père l’engendre en Fils « de même nature que le Père »,
« Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu »…
Le Père est pleinement Dieu, tout comme le Fils et l’Esprit Saint, au sens où
chacun d’eux vit et s’exprime, de toute éternité, avec la même Plénitude de l’unique
nature divine. « En raison de cette unité, le Père est tout entier dans le Fils, tout entier
dans le Saint Esprit, le Fils est tout entier dans le Père, tout entier dans le Saint Esprit,
le Saint Esprit, tout entier dans le Père, tout entier dans le Fils. Aucun ne précède l’autre
par son éternité ou ne l’excède en grandeur ou ne le surpasse en pouvoir. Car c’est
éternellement et sans commencement que le Fils naît du Père, éternellement et sans
commencement que le Saint Esprit procède du Père et du Fils.
42
Tout ce que le Père est ou a, il l’a non pas d’un autre, mais de soi, et il est principe
sans principe. Tout ce que le Fils est ou a, il l’a du Père et il est principe issu d’un
principe. Tout ce que le Saint Esprit est ou a, il l’a à la fois du Père et du Fils. Mais le
Père et le Fils ne sont pas deux principes du Saint Esprit, mais un seul principe, de même
que le Père, le Fils et le Saint Esprit ne sont pas trois principes de la créature, mais un
seul principe » (Concile de Florence ; DS 1331).
Ainsi, en tant « qu’engendré » par le Père, ce dernier ne peut qu’avoir, pour
le Fils, une primauté d’amour… Et il en est de même de l’Esprit Saint vis-à-vis du Père
et du Fils…
Cette primauté d’amour, nous la percevons parfois dans le Nouveau Testament,
notamment en St Jean. Remarquons la progression de sa pensée au fur et à mesure que
l’Esprit Saint est évoqué : Jn 14,15-17 ; 14,26 ; 15,26 ; 16,7-15.
Le Père donne le Paraclet aux hommes, comme il leur a aussi donné son Fils…
Et le Fils et l’Esprit Saint n’ont qu’un seul désir : accomplir par amour et dans
l’amour « la volonté du Père » qui n’est qu’amour… Et le Père œuvre activement dans
l’accomplissement de cette volonté, en Serviteur du Fils et de l’Esprit Saint :
15 On se souvient que « le commandement » de Jésus est « vie », une invitation pressante à la « vie » :
« Je sais que son commandement », dit-il en parlant du Père, « est vie éternelle » (Jn 12,50). Et cette vie de Dieu
et en Dieu est amour. Elle ne peut donc se déployer pleinement que dans le cadre de l’amour, d’où
la mise en avant première du « commandement » de l’amour (Mt 22,34-40). Or l’amour, par sa nature
même, exclue toute contrainte, quelle qu’elle soit…
43
Jn 6,37-40 : « Tout ce que me donne le Père » disait Jésus « viendra à moi »,
car « nul ne peut venir à moi si le Père qui m'a envoyé ne l'attire » (Jn 6,44 ; cf. 6,65) ;
et celui qui vient à moi, je ne le jetterai pas dehors ;
(38) car je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté,
mais la volonté de celui qui m'a envoyé.
(39) Or c'est la volonté de celui qui m'a envoyé
que je ne perde rien de tout ce qu'il m'a donné, »
- et le Père a donné au Fils le monde à sauver (Jn 3,16-17 ; 1Tm 2,3-6 avec Jn 4,34) -
mais que je le ressuscite au dernier jour.
(40) Oui, telle est la volonté de mon Père, que quiconque voit le Fils et croit en lui
ait la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour.
Que Jésus soit « l’envoyé du Père » montre la primauté du Père sur le Fils, et
cet aspect est très fortement souligné en St Jean16. Jésus disait ainsi à ses disciples :
L’amour ne regarde en effet que l’être aimé et ne cherche qu’à l’aimer davantage
en accomplissant ce qui lui plaît, ce qui lui fait plaisir. C’est ainsi que Jésus est tout
entier regard vers le Père, Serviteur du Père, en tout et pour tout :
Jn 8,28-29 : « Jésus leur dit donc : Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme,
alors vous saurez que Je Suis et que je ne fais rien de moi-même,
mais je dis ce que le Père m'a enseigné,
(29) et celui qui m'a envoyé est avec moi ;
il ne m'a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui plaît. »
16 Outre Jn 4,34 et 5,30, Jésus apparaît aussi comme étant l’envoyé du Père avec « πέμπω » en
Jn 5,23-24.37 ; 6,38.39.44 ; 7,16.18.28.33 ; 8,16.18.26.29 ; 9,4 ; 12,44-45.49 ; 13,20 ; 14,24.26 ; 15,21 ; 16,5.
Avec ἀποστέλλω : 3,17.34 ; 5,36.38 ; 6,29.57 ; 7,29 ; 8,42 ; 9,7 ; 10,36 ; 11,42 ; 17,3.8.18.21.23.25 ; 20,21.
44
Et même pour ce qui est de prendre la décision de « parler », Jésus le fait en
obéissance d’amour au Père :
Jn 7,16-18 : Jésus disait : « Ma doctrine n'est pas de moi, mais de celui qui m'a envoyé.
(17) Si quelqu'un veut faire sa volonté, il reconnaîtra si ma doctrine est de Dieu
ou si je parle de moi-même (ἢ ἐγὼ ἀπ’ ἐμαυτοῦ λαλῶ).
(18) Ὁ ἀφ’ ἑαυτοῦ λαλῶν, τὴν δόξαν τὴν ἰδίαν ζητεῖ :
Celui qui parle de lui-même cherche sa propre gloire ;
mais celui qui cherche la gloire de celui qui l'a envoyé,
celui-là est véridique et il n'y a pas en lui d'imposture. »
Et ce que nous venons de dire de Jésus est tout aussi valable pour l’Esprit Saint :
45
Jn 14,26 : « Lui vous enseignera tout
et vous rappellera tout ce que je vous ai dit ».
Jn 12,50 : « Or, ce que je dis, tel que le Père me l’a dit, je le dis ».
Jn 8,26 : « Celui qui m'a envoyé est véridique
et je dis au monde ce que j'ai entendu de lui ».
Jn 8,38.40 : « Je dis ce que j’ai vu chez mon Père…
Je vous ai dit la vérité que j’ai entendue de Dieu »17.
Jn 15,26 : « L’Esprit de Vérité qui vient du Père me rendra témoignage »…
Jn 16,14 : « Lui me glorifiera »…
Le Père est donc toujours premier, c’est Lui qui envoie l’Esprit Saint, mais le Fils
intervient lui aussi en tant que ce Paraclet est envoyé « en son nom »… La primauté du
Fils sur l’Esprit apparaît…
17Jésus est le témoin fidèle du Père. Tout entier « tourné vers le sein du Père » (Jn 1,18), il ne fait que dire ce
qu’il a vu en le regardant, ce qu’il a entendu en l’écoutant, en parfait témoin du Père : « Celui qui vient du
Ciel témoigne de ce qu’il a vu et entendu », dira Jean-Baptiste de Jésus (Jn 3,32), le « témoin fidèle » du Père
(Ap 1,5). Et le Père, tout regard vers le Fils, ne cesse de rendre témoignage au Fils avec l’Esprit Saint…
46
Notons qu’agir « au nom » de quelqu’un sous entend une priorité à définir selon
le contexte de ce quelqu’un vis-à-vis de celui qui agit en son nom18… Jésus dira ainsi
« Je suis venu au nom de mon Père » (Jn 5,43), envoyé par le Père, en obéissance
d’amour au Père (Rm 5,19 ; Hb 5,8) avec pleine autorité de sa part (Mc 1,22.27) pour
transmettre sa Parole et accomplir son œuvre (Jn 4,34 ; 10,25). Mais ici, c’est le Père qui
agit « au nom » du Fils…
Or Jésus a révélé que pour Dieu, être « Seigneur et Maître » de quelqu’un, c’est
« l’aimer jusqu’à l’extrême de l’amour », en lui lavant, par exemple, les pieds
(Jn 13,1-15), c’est-à-dire en accomplissant à son égard le service le plus humble qui soit,
dans la recherche de son seul bien... Et c’est aussi « donner sa vie » pour lui (Jn 15,13).
On pressent comment le Père est « Seigneur et Maître » de son Fils, en l’aimant jusqu’à
l’extrême de l’Amour. Déjà, il ne cesse de se donner tout entier à Lui pour l’engendrer en
Fils. Mais il se fait encore son Serviteur, en agissant pour lui de tout son Être, pour que
sa Mission porte tous ses fruits…
Le Fils lui dit : « Père, je t’ai glorifié sur la terre en menant à bonne fin l’œuvre
que tu m’as donné de faire » (Jn 17,4) ? Le Père déclare à son sujet : « Je l’ai glorifié et
de nouveau je le glorifierai » (Jn 12,28). C’est ainsi que le Père vit la primauté d’amour
à l’égard de son Fils, en étant tout entier pour Lui…
3 – Primauté du Fils sur l’Esprit Saint, celle du Père étant fortement rappelée
18 En Mt 15,3 et 15,6, c’est la Tradition pervertie des Pharisiens qui a autorité, qui prime, sur la Parole de
Dieu.
19 Souvenons-nous en Jn 7,29, le Fils vivant dans la chair au milieu des hommes disait : « παρ’ αὐτοῦ
εἰμι : je suis près de lui », « παρ’ » étant l’abréviation de παρὰ. Ici, lorsqu’il évoque sa proximité avec
le Père après sa mort, sa résurrection, son ascension, il déclare encore : « Le Paraclet que je vous enverrai
d’auprès du Père, παρὰ τοῦ πατρός ». Dans la foi, Jésus était donc « près du Père » comme il le sera encore
après sa mort et sa résurrection, comme il l’est en fait depuis toujours… Or le Fils est la révélation
parfaite de ce que nous sommes tous appelés à vivre ! Il en est donc de même pour nous aujourd’hui
dans la foi ! Elisabeth de la Trinité écrivait ainsi : « C’est si bon cette Présence de Dieu ! C’est là, tout au
fond, dans le Ciel de mon âme, que j’aime le trouver puisqu’Il ne me quitte jamais… » « J’ai trouvé le ciel
sur la terre puisque le ciel c’est Dieu et Dieu est dans mon âme »… « Vous êtes vous-mêmes la retraite où
Il s’abrite, la demeure où il se cache ».
47
τὸ πνεῦμα τῆς ἀληθείας, ὃ παρὰ τοῦ πατρὸς ἐκπορεύεται,
l'Esprit de vérité, le près du Père il sort
ἐκεῖνος μαρτυρήσει περὶ ἐμοῦ :
celui-là rendra témoignage au sujet de moi
La primauté du Fils sur l’Esprit Saint est ici fortement soulignée, avec toujours,
pour le Fils, l’indication claire, dans sa Parole même, de la primauté du Père à son égard,
et de la primauté du Père sur l’Esprit Saint… Le Père est bien « la source et l’origine de
toute la divinité » (Concile de Tolède VI en 638 ; DS 490).
Lc 24,49 : Καὶ ἐγὼ ἀποστέλλω τὴν ἐπαγγελίαν τοῦ πατρός μου ἐφ’ ὑμᾶς
Et moi j’envoie la promesse du Père de moi sur vous.
Ac 2,33 : … τήν τε ἐπαγγελίαν τοῦ πνεύματος τοῦ ἁγίου
la promesse de l’Esprit Saint
λαβὼν παρὰ τοῦ πατρός, ἐξέχεεν τοῦτο…
ayant reçu d’auprès du Père, il a répandu ceci…
48
Jn 16,7 : Jésus disait à ses disciples : « je vous dis la vérité : c'est votre intérêt que
je parte; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, je
vous l'enverrai, ἐὰν δὲ πορευθῶ, πέμψω αὐτὸν πρὸς ὑμᾶς.
Ce que nous venons de voir du Fils vis-à-vis de son Père sera également vrai de
l’Esprit Saint vis-à-vis du Père et du Fils. « Dieu Est Amour » (1Jn 4,8.16), et donc :
• Sur la base de ce qu’il reçoit du Père de toute éternité, le Fils reçoit d’être
Lui aussi Amour, et il reçoit également avec ce Don la capacité de se donner Lui-même,
comme Dieu seul peut le faire.
• Sur la base de ce qu’il reçoit du Père et du Fils de toute éternité,
l’Esprit Saint reçoit d’être Lui aussi Amour, et il reçoit également avec ce Don
la capacité de se donner Lui-même, comme Dieu seul peut le faire.
49
Chacun ensuite, en recevant ce Don unique de cette Vie unique, de cette nature
divine unique, donnera des fruits qui lui sont propres, selon ses talents et sa vocation.
Ce sont « les charismes » (1Co 12)… Mais tous, dans leur diversité, seront « amour, joie,
paix, patience, bonté, bienveillance, douceur » (Ga 5,22)…
« L’Esprit Saint » Personne divine donne donc « l’Esprit Saint » nature divine.
St Jean aborde ce Mystère du point de vue du Fils, à partir de ce que le Fils dit à
ses disciples :
Jésus ne faisait que donner des Paroles qu’il avait lui-même reçues du Père :
Jn 12,50 : « Ce que je dis, je le dis comme le Père me l’a dit ».
50
Jn 17,8 : Père, « les paroles que tu m’as données, je les leur ai données »…
Et l’Esprit Saint « recevra ce qui est à moi » (16,14), dit le Fils, une réalité
éternelle en fait puisque l’Esprit Saint « procède du Père et du Fils ». Il reçoit donc du
Père et du Fils, « il reçoit de moi » (16,15 ; présent éternel), d’Etre ce qu’Il Est, et cela
depuis toujours et pour toujours…
« Il recevra ce qui est à moi et il vous le communiquera », mais précise aussitôt
Jésus, « tout ce que possède mon Père est à moi » en tant que le Père ne cesse de
se donner totalement au Fils, gratuitement, par amour, l’engendrant ainsi en Fils « vrai
Dieu né du vrai Dieu, de même nature que le Père »… « Tout ce que possède le Père »,
c’est donc la nature divine qu’il donne au Fils en l’engendrant en Fils, et le Fils à
son tour, en union avec son Père, donne cette nature divine à l’Esprit Saint, qui procède
ainsi du Père et du Fils « comme d’un unique principe » (CEC 248)… L’Esprit Saint
« recevra ce qui est à moi », en fait « il reçoit de moi » de toute éternité cette nature
divine qui le constitue lui aussi en « Seigneur » et vrai Dieu, « et il vous le
communiquera ».
Toute l’œuvre de l’Esprit Saint est donc de nous communiquer la nature divine
qu’il reçoit (du Père et) du Fils, une nature divine que le Fils Lui-même reçoit du Père
« avant tous les siècles »…
Et n’oublions jamais que les spécificités que nous pouvons attribuer à l’une ou
à l’autre des Trois Personnes divines (Seul le Fils s’est fait chair !) ne peuvent qu’être
considérées dans ce Mystère d’Unité dans l’Amour qui les unit de toute éternité…
« Moi et le Père nous sommes un », dans l’Être et dans l’action (Jn 10,30). « Moi,
le Père » et l’Esprit Saint, « nous sommes un », dans l’Être et dans l’action…
Le résultat pour celui ou celle qui dira un « oui » de tout cœur au Don de Dieu,
un « oui » qui engage toute sa vie, sera un « engendrement » à une vie nouvelle, la Vie
même de Dieu, la Vie éternelle, la Vie de cet Esprit « nature divine » qui Est Vie
51
(Ga 5,25 ; 2Co 3,6 ; Jn 6,63), celle pour laquelle Dieu nous a tous créés. « Je crois en
l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie » en donnant l’Esprit Saint nature
divine…
C’est ainsi qu’ « il vous communiquera tout ce qui doit venir », par delà notre
‘mort’… Et ce qui doit venir est Mystère de Communion avec Dieu dans l’unité
d’un même « Esprit Saint » nature divine, un « Esprit Saint » qui est « Lumière »
(1Jn 1,5) et Vie (Jn 8,12 ; 6,63)… « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie » (Ste Thérèse de
Lisieux)… Tel est « le Royaume des Cieux », un Mystère de Communion avec Dieu et
entre nous dans l’unité d’un même Esprit, d’une même Vie, celle de Dieu…
Et il commence dès maintenant sur cette terre, « en énigme » (1Co 13,12), dans la foi et
par notre foi, par l’accueil du Don de l’Esprit Saint…
Jn 1,12-13 : A tous ceux qui l'ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants
de Dieu, à ceux qui croient en son nom, (13) eux qui ne furent engendrés ni du sang, ni
d'un vouloir de chair, ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu.
52
2P 1,3-4 (TOB) : « La puissance divine nous a fait don tout ce qui est nécessaire à
la vie et à la piété en nous faisant connaître celui qui nous a appelés par sa propre gloire
et sa puissance agissante. (4) Par elles, les biens du plus haut prix qui nous avaient été
promis nous ont été accordés, pour que par ceux-ci vous entriez en communion avec
la nature divine », « vous deveniez ainsi participants de la divine nature, vous étant
arrachés à la corruption qui est dans le monde, dans la convoitise » (BJ).
Genèse 2,4b-7 : « Au temps où le Seigneur Dieu fit la terre et le ciel, il n'y avait
encore aucun arbuste des champs sur la terre et aucune herbe des champs n'avait encore
poussé, car Yahvé Dieu n'avait pas fait pleuvoir sur la terre et il n'y avait pas d'homme
pour cultiver le sol. Toutefois, un flot montait de terre et arrosait toute la surface du sol.
Alors le Seigneur Dieu modela l'homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines
une haleine de vie (néshamah : haleine, souffle) et l'homme devint un être vivant. »
Lorsque la Bible parle du « souffle de Dieu », elle utilise le terme (ruah): « un vent
de Dieu (BJ ; le souffle de Dieu (TOB)) tournoyait sur les eaux » (Gn 1,2).
Le sens premier de « ruah » est ‘vent’ (Gn 8,1 ; Ez 1,4), d’où parfois celui de
‘vanité’ (Qo 1,14). Mais lorsqu’il prend le sens de « souffle », il s’agit toujours du
« souffle de Dieu » qui est pour l’homme un principe de vie. Ainsi les deux expressions
« souffle de Dieu » ou « haleine de vie », décrivent les deux aspects d'un seul et unique
processus, celui par lequel Dieu donne la vie à l'homme. La ruah de Dieu est à l'origine
de l'apparition d'une « haleine de vie » (néshamah) en l'homme et cette « haleine de
vie », qui sort très concrètement de sa bouche par la respiration, va manifester à son tour
la présence de la ruah de Dieu à la racine de son être...
53
… donne son souffle (ruah) à….
Dieu l’homme
Le « souffle de Dieu » est ainsi la force vitale prêtée d'en haut, « un dynamisme
qui vient de Dieu et donne à l'homme d'exister, de vivre et d'agir »20.
Job déclare en 27,3 : « Oui, tant que mon haleine (néshamah) sera en moi,
et que le souffle (ruah) de Dieu sera dans mes narines ».
Job participe à la « propre ruah de Dieu » qui, en lui, est à l'origine de sa vie.
Au chapitre 34, il va insister sur le fait que ce souffle qui vient de Dieu demeure toujours
le souffle de Dieu. A ce titre, il n'est que « prêté » à l'homme qui, en son dernier jour,
le remettra entre les mains de Celui qui le lui a « prêté » (Ps 146,4; Qo 12,7; Ps 31,6 et
Lc 23,46)... « L'homme est un être au souffle d'emprunt ». Remettre entre les mains de
Dieu son esprit, c'est à la fois exhaler son dernier souffle et remettre à Dieu son unique
richesse, son être même.
20 POUDRIER R., Souffle de vie, l'Esprit Saint dans la Bible (Montréal 1997) p. 19.
54
Ainsi, cette « haleine de vie », ce « souffle de vie » qui est au principe de la vie de
l'homme reste donc toujours « le souffle de Dieu » qui jaillit de son cœur... L'homme est
ainsi présenté comme un être en état de continuelle dépendance vis-à-vis de son Créateur
dont il reçoit la vie instant après instant... Nous sommes ici au niveau existentiel le plus
simple et le plus profond... Si en Gn 2,7 Dieu a soufflé en l'homme pour faire de lui un
être vivant, il apparaît avec Job 34,14-15 que cette action n'est pas limitée au seul
premier instant : elle se poursuit tout au long de sa vie... Dieu a soufflé pour le créer et
Dieu ne cesse de souffler en lui pour le maintenir dans l'existence... A ce titre, l'homme
possède en lui-même ce souffle de Yahvé, non pas comme une réalité dont il pourrait se
rendre maître, mais comme "quelque chose" qu'il reçoit sans cesse de celui qui, instant
après instant, le maintient dans l'existence par son souffle... En tant que créature
spirituelle, l'homme ne vit et ne peut donc vivre que de Dieu et par Dieu...
« Il faut une présence permanente de la ruah de Yahvé dans l'homme, sinon, c'est
le retour à la poussière. « Tant qu'un reste de vie m'animera, que la ruah de Dieu passera
dans mes narines » (Job 27,3)... La ruah de Yahvé est vivifiante, alors que celle de
l'homme est vivifiée et reçue comme un don. L'existence et la vie de l'homme sont
totalement dépendantes de la ruah de Yahvé. Chaque respiration est le produit du souffle
de Dieu passant dans des narines humaines. "Yahvé insuffla dans ses narines une haleine
de vie et l'homme devint un être vivant" (Gn 2,7). La vie humaine est pénétrée de souffle
divin ». Tout homme, souvent sans le savoir, vit du souffle de Dieu... « Il faut souligner
fortement qu'il n'y a pas de ruah humaine sans la ruah de Dieu »21.
C'est cela qui fonde le respect absolu qu'on doit avoir pour l'homme et pour sa vie.
En effet, quand « Dieu décide : « Faisons l'homme à notre image et selon notre
ressemblance » (Gn 1,26), il présente l’homme comme ayant une nature apparentée à
celle de Dieu (Gn 9,6), tel un fils engendré par son père. Il faut au moins en conclure
qu' « être l'image » c'est « participer l'être » et la vie du « Dieu vivant » ».22
21 POUDRIER R., Souffle de vie, l'Esprit Saint dans la Bible p. 32 ; 19-20 et 36.
22 SPICQ C., « εἰκών, image", Lexique théologique du Nouveau Testament (Paris 1991) p. 429-431.
55
Le Nom divin appliqué en St Jean à Jésus : « Je SUIS ».
Au chapitre trois du Livre de l'Exode, Dieu se manifeste à Moïse au milieu d'un buisson
dans ce qu’il décrit comme « une flamme de feu ». « Moïse dit à Dieu :
« Voici, je vais trouver les Israélites et je leur dis :
Le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous.
Mais s'ils me disent: « Quel est son nom ? », que leur dirai-je ? »
Dieu dit à Moïse: « JE SUIS CELUI QUI SUIS. »
Et il dit : « Voici ce que tu diras aux Israélites :
JE SUIS m'a envoyé vers vous » (Ex 3,13-14).
St Jean reprend très souvent ce Nom divin « JE SUIS » pour l'appliquer à Jésus.
Il apparaît notamment quatre fois de façon absolue, avec la même force que dans le Livre de
l'Exode. En parlant ainsi, Jésus nous révèle qu'Il est Dieu comme son Père est Dieu :
• Jn 8,24 (cf. 8,18) : « Si vous ne croyez pas que JE SUIS,
vous mourrez dans vos péchés ».
• Jn 8,28 : « Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme,
alors vous saurez que JE SUIS et que je ne fais rien de moi-même,
mais je dis ce que le Père m'a enseigné »...
• Jn 8,58 : « En vérité, en vérité, je vous le dis,
avant qu'Abraham ait existé, JE SUIS. »
• Jn 13,19 (annonce de la trahison de Judas) : « Je vous le dis dès à présent,
avant que la chose n'arrive,
pour qu'une fois celle-ci arrivée, vous croyiez que JE SUIS ».
St Jean applique également ce Nom divin à Jésus en ajoutant juste après telle ou telle
précision qui nous permet de découvrir telle ou telle facette de son Mystère. Voici quelques
exemples :
• Jn 6,35 et 6,48 : « JE SUIS le pain de vie ».
• Jn 6,51 (cf 6,41) : « JE SUIS le pain vivant descendu du ciel ».
• Jn 8,12 : « JE SUIS la lumière du monde ».
• Jn 10,9 (cf. 10,7): « JE SUIS la porte. Si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé ».
56
• Jn 10,11 (10,14) : « JE SUIS le bon pasteur. »
• Jn 11,25 : « JE SUIS la résurrection et la vie.
Celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ».
• Jn 14,6 : « JE SUIS le Chemin, la Vérité et la Vie ;
personne ne va vers le Père sans passer par moi ».
• Jn 15,1 : « JE SUIS la vraie vigne, et mon Père est le vigneron »...
• Jn 15,5 : « JE SUIS la vigne, et vous, les sarments.
Celui qui demeure en moi et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit,
car hors de moi vous ne pouvez rien faire ».
Enfin, d'autres passages emploient eux aussi un « Je suis » identique au Nom divin, mais
le contexte invite à adopter une traduction différente. Néanmoins, St Jean continue dans ces
versets à faire allusion à la condition divine de Jésus :
• Jn 4,24-26 : « La Samaritaine dit à Jésus: « Je sais que le Messie doit venir,
celui qu'on appelle Christ. Quand il viendra, il nous expliquera tout ».
Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle » ».
Dans le texte grec, nous lisons littéralement: « JE SUIS LE PARLANT à toi »,
une expression très proche de « JE SUIS L’ÉTANT » (Ex 3,14 ; traduction grecque). Avec Jésus
et par Lui, Dieu ne cesse de nous parler… « Je suis avec vous tous les jours » (Mt 28,20).
Sa Présence silencieuse et toujours offerte à notre foi est Parole…
• Jn 6,20 (Mc 6,50 ; Mt 14,27) : Jésus marche sur la mer. Ses disciples le voient et
prennent peur. Jésus leur dit : « C'est moi. N'ayez pas peur ».
Littéralement, les trois évangélistes ont écrit : « JE SUIS. N'ayez pas peur ». L'allusion
est ici d'autant plus forte que, d'après l'Ancien Testament, Dieu seul est capable de fouler le dos
de la mer (Job 9,8 ; Ps 77,20).
• Jn 18,5 ; 18,6 et 18,8 : deux fois, Jésus demande à ceux qui viennent l'arrêter
dans le jardin de Gethsémani : « Qui cherchez-vous ? Ils répondent : Jésus le Nazôréen ». Et
Jésus leur dit à chaque fois : « C'est moi ! ». Littéralement, il leur dit : « JE SUIS ». Là encore,
l'allusion au Nom divin est très forte car St Jean précise que « lorsque Jésus leur eut dit : « C'est
moi ! » (« JE SUIS ! »), ils reculèrent et tombèrent à terre ». « Dans la Bible », écrit Xavier
Léon Dufour, « le recul et la chute visualisent l'impuissance des méchants face à
la toute-puissance de Dieu »…
57
La notion de « Gloire de Dieu »
la Septante, le terme hébreux d/bK; qui appartient à la racine dbK : peser lourdement, être
troupeaux, en argent et en or, … daom] dbeK; µr:b]a'w“ ; 31,1 : Jacob apprit que les fils de Laban
disaient : « Jacob a pris tout ce qui était à notre père et c'est aux dépens de notre père qu'il a
constitué toute cette richesse », .hZ<h' dboKh; 'AlK;; Ps 49,16...), ou de la haute position sociale,
avec l'autorité qu'elle confère (Gn 45,13), ou de toute autre qualité qui contribue à distinguer un
homme dans une société. Ainsi, la gloire est par excellence l'apanage du roi; elle dit, avec sa
richesse et sa puissance, l'éclat de son règne (1 Ch 29,28 ; 2 Ch 17,5).
La notion de gloire s'articule donc autour de quatre points :
(1) Une réalité concrète ou une qualité possédée par une personne A...
(2) ... qui est, d'une façon ou d'une autre, « remarquable »...
(3) ... par une tierce personne B, qui, à sa vue, reconnaît sa valeur...
(4) ... et l'apprécie, en manifestant ou non une certaine considération.
A B
(2)
(1) (3)
(4)
Nous voyons que déjà, au simple niveau sémantique, la notion de gloire porte en
elle-même l'idée d'une manifestation d'un bien propre à un être, manifestation toute à
son honneur et qui tend à l'exalter, à le « glorifier » aux yeux de son entourage.
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d/bK; appliqué à Dieu reprend cette même logique interne :
D. Jacques Fournier
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Dieu, Père de tout homme, veut que tout homme soit à l’image de son Fils,
uni à Lui
dans la communion d’un même Esprit, d’un même Amour, d’une même Vie…
(Concile Vatican II ; Extraits de Lumen Gentium)
1. Le Christ est la Lumière des nations ; aussi, en annonçant l'Evangile à toute créature
(cf. Mc 16, 15), le saint Concile réuni dans l'Esprit-Saint désire-t-il ardemment illuminer
tous les hommes de la lumière du Christ qui resplendit sur le visage de l'Eglise. Celle-ci,
pour sa part, est dans le Christ comme un sacrement ou, si l'on veut, un signe et
un moyen d'opérer l'union intime avec Dieu et l'unité de tout le genre humain…
2. Par une disposition tout à fait libre et mystérieuse de sa sagesse et de sa bonté, le Père
éternel a créé l'univers. Il a voulu élever les hommes jusqu'au partage de la vie divine. Et
une fois qu'ils eurent péché en Adam, il ne les abandonna pas ; sans cesse il leur offrit
des secours pour leur salut en considération du Christ rédempteur, « qui est l'image du
Dieu invisible, le premier-né de toute créature » (Col 1,15). D'autre part, ceux qu'il a
choisis, le Père avant tous les siècles les « a d'avance connus et prédestinés à reproduire
l'image de son Fils, pour que celui-ci soit le premier-né d'un grand nombre de frères »
(Rm 8,29). Et ceux qui ont foi dans le Christ, il a voulu les rassembler en la sainte Eglise
qui, préfigurée dès l'origine du monde, admirablement préparée dans l'histoire du peuple
d'Israël et l'ancienne Alliance, établie en ces temps qui sont les derniers, a été manifestée
par l'effusion de l'Esprit et sera glorieusement achevée à la fin des siècles. Alors
seulement, comme on peut le lire dans les saints Pères, tous les justes depuis Adam,
« depuis le juste Abel jusqu'au dernier élu » seront rassemblés auprès du Père dans
l'Eglise universelle.
13. Tous les hommes sont appelés à former le nouveau Peuple de Dieu. En conséquence,
ce peuple doit, sans cesser d'être un et unique, s'étendre au monde entier et en tous
les siècles afin que s'accomplisse le dessein de Dieu, qui au commencement créa
la nature humaine une et voulut ensuite rassembler en un seul corps ses enfants dispersés
(cf. Jn 11,52). A cette fin, Dieu envoya son Fils, qu'il constitua héritier de toutes choses
(cf. Hb 1,2), pour être Maître, Roi et Prêtre de l'univers, Chef du peuple nouveau et
universel des fils de Dieu. A cette fin aussi Dieu envoya l'Esprit de son Fils, Seigneur et
Vivificateur, qui est, pour toute l'Église et pour chacun des croyants, principe de réunion
et d'unité dans l'enseignement des Apôtres, dans la communion, dans la fraction du pain
et les prières.
60
En toutes les nations de la terre subsiste l'unique Peuple de Dieu, puisque c'est de
toutes les nations qu'il tire ses membres, citoyens d'un Royaume dont le caractère n'est
pas terrestre, mais bien céleste. Car tous les fidèles épars à travers le monde sont en
communion les uns avec les autres dans l'Esprit-Saint, et ainsi « celui qui habite à Rome
sait que les Indiens sont ses membres ». Mais comme le Royaume du Christ n'est pas de
ce monde (cf. Jn 18,36), l'Eglise, Peuple de Dieu, en introduisant ce Royaume, n'enlève
rien au bien temporel des peuples, quels qu'ils soient ; au contraire, elle favorise et
assume, dans la mesure où ces choses sont bonnes, les talents, les richesses, les coutumes
des peuples et, en les assumant, les purifie, les renforce et les élève. Elle sait, en effet,
qu'il lui faut resserrer ses rangs autour de ce Roi, car c'est à lui que les nations ont été
données en héritage (cf. Ps 2,8), et c’est vers son royaume qu'afflueront richesses et
présents (cf. Ps 71/72,10 ; Is 60,4-7 ; Ap 21,24). Ce caractère d'universalité qui distingue
le Peuple de Dieu est un don du Seigneur lui-même qui porte l'Eglise catholique à
s'employer efficacement et sans arrêt à rassembler toute l'humanité et la totalité de
ses biens sous le Christ Chef, en l'unité de son Esprit.
Les non-chrétiens
16. Ceux qui n'ont pas encore reçu l'Evangile sont ordonnés de façons diverses au Peuple
de Dieu.
Et d'abord, le peuple qui reçut les alliances et les promesses et dont le Christ est né
selon la chair (cf. Rm 9,4-5) ; peuple élu de Dieu et qui lui est très cher en raison de
ses ancêtres, car les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance (Rm 11,28-29).
Mais le dessein de salut englobe aussi ceux qui reconnaissent le Créateur, et parmi
eux, d'abord, les Musulmans qui, en déclarant qu'ils gardent la foi d'Abraham, adorent
avec nous le Dieu unique, miséricordieux, qui jugera les hommes au dernier jour.
Quant à ceux qui cherchent le Dieu inconnu sous les ombres et les figures, Dieu
lui-même n'est pas loin d'eux non plus, puisqu'il donne à tous la vie, le souffle et toutes
choses (Ac 17,25-28), et que le Sauveur veut le salut de tous les hommes (cf. I Tm 2, 4).
En effet ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l'Evangile du Christ et son Eglise et
cependant cherchent Dieu d'un cœur sincère et qui, sous l'influence de la grâce,
s'efforcent d'accomplir dans leurs actes sa volonté qu'ils connaissent par les injonctions
de leur conscience, ceux-là aussi peuvent obtenir le salut éternel. Et la divine Providence
ne refuse pas les secours nécessaires au salut à ceux qui ne sont pas encore parvenus,
sans qu'il y ait de leur faute, à la connaissance claire de Dieu et s'efforcent, avec l'aide de
la grâce divine, de mener une vie droite. En effet, tout ce que l'on trouve chez eux de bon
et de vrai, l'Eglise le considère comme un terrain propice à l'Evangile et un don de Celui
qui éclaire tout homme (Jn 1,9), pour qu'il obtienne finalement la vie. Mais bien souvent
les hommes, trompés par le Malin, se sont abandonnés à la vanité de leurs pensées et ont
échangé la vérité divine pour le mensonge, en servant la créature à la place du Créateur
(cf. Rm 1,21.25). Ou encore, en vivant et mourant sans Dieu en ce monde, ils s'exposent
au plus grand désespoir. Aussi, en vue de promouvoir la gloire de Dieu et le salut de tous
ces hommes, l'Eglise, se souvenant du commandement du Seigneur qui dit : « Prêchez
l'Evangile à toute créature » (Mc 16,15), s'emploie-t-elle avec sollicitude à développer
les missions.
D. Jacques Fournier
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