Crédo Biblique 3

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Le Père, le Fils et le Saint Esprit :

Trois Personnes, un seul Dieu.

I  –  Le  Crédo  d’Israël  et  la  foi  au  Dieu  unique   2  

A) Dans l’Ancien Testament 2


B) Dans le Nouveau Testament 5

II  -­  Les  notions  de  «  nature  »  et  de  «  personne  »   9  

III  -­  La  Trinité,  Mystère  de  Communion  de  Trois  Personnes  divines  distinctes    
                                                       dans  l’unité  d’une  même  nature  divine…   10  

IV  -­  Les  relations  éternelles  d’origine  entre  le  Père,  le  Fils  et  l’Esprit  Saint   25  

A) Le Fils est éternellement engendré par le Père 25


1 – L’engendrement du Fils exprimé avec la notion de « gloire ». 31
2 – L’engrendrement du Fils exprimé avec la notion de « Nom ». 34
3 – Etre Fils c’est, de toute éternité, « se recevoir » de l’Amour du Père 35
4 – Engendrement du Fils par le Père : la conception virginale du Fils en Marie 40

B) L’Esprit Saint procède éternellement du Père et du Fils 41


1 – La primauté du Père sur l’Esprit Saint : 43
2 – Primauté du Père sur l’Esprit Saint avec la collaboration du Fils 46
3 – Primauté du Fils sur l’Esprit Saint, celle du Père étant fortement rappelée 47

4) « Je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la Vie »… 49

Annexes : 1 - Tout homme vit du Souffle de Dieu, l’Esprit Saint (Gn 2,4b-7) 53
2 - Le Nom divin appliqué en St Jean à Jésus : « JE SUIS ». 56
3 – La notion de « Gloire de Dieu ». 58
4 - Concile Vatican II ; Extraits de Lumen Gentium (Communion)
D. Jacques Fournier 60

1
I – LE CREDO D’ISRAËL ET LA FOI AU DIEU UNIQUE

A) Dans l’Ancien Testament

La confession d’un Dieu Unique est au cœur de la foi d’Israël :


Dt 6,4-9 : .dj;a, hw:hy“ Wnyheløa‘ hw:hy“ laer:c]yI [m'v]
« Écoute Israël Yahvé notre Dieu Yahvé un (dj;a, « un » ou « un seul ») ».

TOB : « ECOUTE, Israël ! Le SEIGNEUR1 notre Dieu est le SEIGNEUR UN ».

Et la note précise : « Ce verset est la première phrase de la profession de foi


traditionnelle d’Israël, désignée par son premier mot Shema’, « Ecoute ». Les manuscrits,
pour souligner ce verset capital, écrivent le début et la fin en caractères plus gros, rendus
ici par des majuscules. On pourrait aussi traduire : « Le SEIGNEUR est notre Dieu,
le SEIGNEUR est unique » (cf. Dt 4,35 ; Mc 12,29). La traduction habituelle dans
le Judaïsme est : « Le SEIGNEUR est notre Dieu, le SEIGNEUR est un ».

LXX (Septante) : ῎Ακουε, ᾿Ισραήλ· Κύριος ὁ Θεὸς ἡμῶν Κύριος εἷς ἐστι·
« Ecoute Israël, le Seigneur notre Dieu est le Seigneur un (εἷς « un » ou un seul) ».

« Écoute, Israël : Yahvé notre Dieu est le seul Yahvé » (BJ ; Osty).
Dt 6,5-9 (BJ) : « Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme
et de tout ton pouvoir.
Que ces paroles que je te dicte aujourd'hui restent dans ton cœur !
Tu les répéteras à tes fils,
tu les leur diras aussi bien assis dans ta maison que marchant sur la route,
couché aussi bien que debout ;
tu les attacheras à ta main comme un signe, sur ton front comme un bandeau ;
tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes. »
L’Ancien Testament affirme ainsi avec force l’unicité de Dieu :
1 Le Peuple Juif ne prononce jamais le Nom divin « hw:hy“, Yahvé », par respect… Lorsque le lecteur arrive
sur lui, il dit « yn:doa,} Maître, Seigneur ». Au départ, l’hébreu n’avait pas de voyelles : « hwhy». La bonne
prononciation se transmettait de génération en génération. Au sixième siècle, les Massorètes inventèrent
un système de voyelles et pour rappeler au lecteur qu’il doit dire « yn:doa} » et non « hwhy», ils mirent
les voyelles de « yn:doa} », « : » et «
} » qui est devenu « “ » sous les consonnes de « hwhy», ce qui donne au
final un mot qui, en fait, n’existe pas en hébreu : « hw:hy“, Yéh(o)va »…

2
2Sm 7,22 (cf. 1Ch 17,20) : « C'est pourquoi tu es grand, Seigneur Yahvé :
il n'y a personne comme toi et il n'y a pas d'autre Dieu que toi seul,
comme l'ont appris nos oreilles. »

1R 8,60 (extrait de la bénédiction de Salomon) : « Tous les peuples de la terre


sauront que Yahvé seul est Dieu, qu'il n'y en a point d'autre »…

Le Premier Livre des Rois (1R 18,20-40) rapporte cette joute entre le prophète
Elie et les quatre cent cinquante prophètes de Baal. Deux jeunes taureaux sont sacrifiés et
placés sur un bûcher. « Vous invoquerez le nom de votre dieu », leur dit Elie, « et moi,
j'invoquerai le nom de Yahvé : le dieu qui répondra par le feu, c'est lui qui est Dieu. »
Depuis le matin jusqu’en fin d’après midi, les prophètes de Baal l’invoquent à grands cris
et rien ne se passe. Elie demande à ce que l’on arrose ‘son’ taureau avec quatre jarres
d’eau, et cela par trois fois, puis il fit cette prière : « « Yahvé, Dieu d'Abraham, d'Isaac et
d'Israël, qu'on sache aujourd'hui que tu es Dieu en Israël, que je suis ton serviteur et
que c'est par ton ordre que j'ai accompli toutes ces choses. Réponds-moi, Yahvé,
réponds-moi, pour que ce peuple sache que c'est toi, Yahvé, qui es Dieu et qui convertis
leur cœur ! » Et le feu de Yahvé tomba et dévora l'holocauste et le bois, les pierres et
la terre, et il absorba l'eau qui était dans le canal. Tout le peuple le vit ; les gens
tombèrent la face contre terre et dirent : « C'est Yahvé qui est Dieu ! C'est Yahvé qui est
Dieu ! » »

Le Roi Ezéchias (716 – 687 av JC), lui, prie ainsi, associant la notion du Dieu
Unique à celle du Dieu Créateur :
2R 19,15.19 (cf. Is 37,16.20) : « Yahvé, Dieu d'Israël, qui sièges sur les chérubins,
c'est toi qui es seul Dieu de tous les royaumes de la terre,
c'est toi qui as fait le ciel et la terre »…
(19) Et maintenant, Yahvé, notre Dieu, sauve-nous de la main (de Sennachérib,
roi d’Assyrie), je t'en supplie,
et que tous les royaumes de la terre sachent que toi seul es Dieu, Yahvé ! »

Le prophète Isaïe proclame lui aussi très fortement le Dieu Unique, et il le


présentera également comme étant le Dieu créateur :

Is 48,10-12 : « C'est vous qui êtes mes témoins, oracle de Yahvé,

3
vous êtes le serviteur que je me suis choisi,
afin que vous le sachiez, que vous croyiez en moi
et que vous compreniez que c'est moi :
avant moi aucun dieu n'a été formé et après moi il n'y en aura pas.
Moi, c'est moi Yahvé, et en dehors de moi il n'y a pas de sauveur.
C'est moi qui ai révélé, sauvé et fait entendre,
ce n'est pas un étranger qui est parmi vous,
vous, vous êtes mes témoins, oracle de Yahvé, et moi, je suis Dieu,
de toute éternité je le suis »…

Is 44,6-8 : « Ainsi parle Yahvé, roi d'Israël, Yahvé Sabaot, son rédempteur :
Je suis le premier et je suis le dernier, à part moi, il n'y a pas de dieu.
Qui est comme moi ? qu'il crie, qu'il le proclame et me l'expose ;
depuis que j'ai constitué un peuple éternel,
ce qui va se passer, qu'il le dise, et ce qui doit arriver, qu'il le leur annonce.
Ne vous effrayez pas, soyez sans crainte,
dès longtemps ne vous l'ai-je pas annoncé et révélé ?
Vous êtes mes témoins. Y aurait-il un dieu à part moi ?
Il n'y a pas de Rocher, je n'en connais pas ! »

Is 45,5-6 : Je suis Yahvé, il n'y en a pas d'autre, moi excepté, il n'y a pas de Dieu.
Je te ceins, sans que tu me connaisses,
(6) afin que l'on sache du levant au couchant qu'il n'y a personne sauf moi :
je suis Yahvé, il n'y en a pas d'autre. (…)
(14) Ainsi parle Yahvé :
Les productions de l'Égypte, le commerce de Kush et les Sébaïtes,
ces gens de haute taille, passeront chez toi et t'appartiendront.
Ils marcheront derrière toi, ils iront chargés de chaînes,
ils se prosterneront devant toi, ils te prieront :
Il n'y a de Dieu que chez toi! il n'y en a pas d'autres, pas d'autre dieu. (…)
(18) Car ainsi parle Yahvé, le créateur des cieux :
C'est lui qui est Dieu, qui a modelé la terre et l'a faite, c'est lui qui l'a fondée ;
il ne l'a pas créée vide, il l'a modelée pour être habitée.
Je suis Yahvé, il n'y en a pas d'autre. (…)
(21) Annoncez, produisez vos preuves, que même ils se concertent !
Qui avait proclamé cela dans le passé,
qui l'avait annoncé jadis, n'est-ce pas moi, Yahvé ?
Il n'y a pas d'autre dieu que moi.
Un dieu juste et sauveur, il n'y en a pas excepté moi.
(22) Tournez-vous vers moi et vous serez sauvés, tous les confins de la terre,
car je suis Dieu, il n'y en a pas d'autre.

Le Psalmiste chantera lui aussi l’unicité de Dieu :

Ps 86,10 (cf. 72,18) : « Tu es grand et tu fais des merveilles, toi, Dieu, et toi seul. »

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Malachie (vers 450 av JC), en un très beau verset, unit les notions de création,
de paternité et d’unicité :
Ml 2,10 : « N'avons-nous pas tous un Père unique ?
N'est-ce pas un seul Dieu qui nous a créés ?
Pourquoi donc sommes-nous perfides l'un envers l'autre,
en profanant l'alliance de nos pères ? »

Le dernier des sept frères martyrs du Livre des Maccabées (vers 150 av JC) priera
ainsi :
2M 7,37 : « Pour moi,
je livre comme mes frères mon corps et ma vie pour les lois de mes pères,
suppliant Dieu d'être bientôt favorable à notre nation
et de t'amener par les épreuves et les fléaux à confesser qu'il est le seul Dieu.
… διότι μόνος (seul, unique) αὐτὸς Θεός ἐστιν »

La littérature de Sagesse proclame elle aussi le Mystère du Dieu unique :

Si 24,24 (Grec 248) : Ne cessez d'être forts dans le Seigneur,


attachez-vous à lui pour qu'il vous affermisse.
Le Seigneur tout-puissant est l'unique Dieu et il n'y a pas d'autre sauveur que lui.

B) Dans le Nouveau Testament

Jésus reprendra cette affirmation première de la foi d’Israël en un Dieu unique :

Mc 12,28-34 : Un scribe qui les avait entendus discuter,


voyant que (Jésus) leur avait bien répondu, s'avança et lui demanda :
« Quel est le premier de tous les commandements ? »
(29) Jésus répondit : « Le premier c'est :
Ἄκουε, Ἰσραήλ : κύριος ὁ θεὸς ἡμῶν, κύριος εἷς ἐστίν : (Identique à la Septante)
« Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur2, (Dt 6,4-5)
(30) et tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme,
de tout ton esprit3 et de toute ta force. »

2 La TOB indique d’autres traductions possibles : « est un seul Seigneur, est le seul Seigneur ».
3 Le texte hébreu a bien « … de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta force (.Úd<aom]Alk;b]W ; daom], force),
traduit par la Septante (Communauté Juive d’Alexandrie, 3° s av JC) : « καὶ ἐξ ὅλης τῆς δυνάμεώς σου, et de tout
ton pouvoir (force) ». St Marc rajoute donc « et de tout ton esprit (διάνοια : intelligence, pensée), καὶ ἐξ ὅλης
τῆς διανοίας σου ». St Matthieu n’a pas repris l’idée de force, « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de
tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit » (cf. Mt 22,34-40). St Luc reprend quant à lui l’ordre de

5
(31) Voici le second : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Lv 19,18)
Il n'y a pas de commandement plus grand que ceux-là.
(32) Le scribe lui dit : « Fort bien, Maître,
tu as eu raison de dire qu' Il est unique et qu'il n'y en a pas d'autre que Lui ;
(33) l'aimer de tout son cœur, de toute son intelligence (σύνεσις) et de toute sa force,
et aimer le prochain comme soi-même,
vaut mieux que tous les holocaustes et tous les sacrifices.
(34) Jésus, voyant qu'il avait fait une remarque pleine de sens, lui dit :
« Tu n'es pas loin du Royaume de Dieu. »
Et nul n'osait plus l'interroger.

Et dans l’Evangile selon St Jean, il déclare :


Jn 5,44 : πῶς δύνασθε ὑμεῖς πιστεῦσαι δόξαν παρὰ ἀλλήλων λαμβάνοντες,
Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez votre gloire les uns des autres,
καὶ τὴν δόξαν τὴν παρὰ τοῦ μόνου θεοῦ οὐ ζητεῖτε;
et ne cherchez pas la gloire qui vient du Dieu unique (μόνος, seul, unique).

En Jn 17,3, il parle, toujours avec μόνος, de « l’unique vrai Dieu », « le seul vrai
Dieu » (TOB), « le seul véritable Dieu » (BJ ; Osty),
Jn 17,3 : « La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent,
σε      τὸν μόνον ἀληθινὸν θεὸν...
toi, le seul véritable Dieu,
et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ.

Et St Paul, en reprenant le εἷς grec de la Septante pour Dt 6,4 écrit (Notons


le contexte qui pousse à traduire l’adjectif numéral εἷς par « un seul », ou « unique ») :
Rm 3,30 : … εἷς ὁ θεός,  
(Il n'y a) qu'un seul Dieu (TOB ; BJ ; « Il n’y a qu’un Dieu » Osty)
qui justifiera les circoncis en vertu de la foi
comme les incirconcis par le moyen de cette foi.

Ga 3,20 : ὁ δὲ θεὸς εἷς ἐστίν.


« Dieu est unique » (TOB).

l’Ancien Testament et rajoute la notion d’ « intelligence », de « pensée » : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de
tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit (καὶ ἐξ ὅλης τῆς ἰσχύος σου, καὶ ἐξ ὅλης
τῆς διανοίας σου) ; et ton prochain comme toi-même » (Lc 10,27).

6
1Co 8,4 : οἴδαμεν ὅτι οὐδὲν εἴδωλον ἐν κόσμῳ,
« Nous savons qu’une idole (n’est) rien dans le monde,
καὶ ὅτι οὐδεὶς θεὸς εἰ μὴ εἷς.
et que (il n’est) aucun Dieu si non le seul
(Osty : « Et qu’il n’y a de Dieu que l’Unique. »
BJ : « Et qu’il n’est de Dieu que le Dieu unique. »
TOB : « Et qu’il n’y a d’autre dieu que le Dieu unique. »)

« Le seul (μόνος) Dieu » est également confessé dans ces deux doxologies :

Rm 16,27 : … μόνῳ σοφῷ θεῷ διὰ Ἰησοῦ Χριστοῦ


… au Dieu unique, sage, par Jésus Christ
(TOB, Osty : à Dieu, seul sage ; BJ : à Dieu qui seul est sage)
[ᾧ] ἡ δόξα εἰς τοὺς αἰῶνας ἀμήν.
la gloire pour les siècles des siècles ! Amen.

1Tm 1,17 : Τῷ δὲ βασιλεῖ τῶν αἰώνων, ἀφθάρτῳ, ἀοράτῳ, μόνῳ θεῷ,


« Au Roi des siècles, Dieu incorruptible, invisible, unique
τιμὴ καὶ δόξα εἰς τοὺς αἰῶνας τῶν αἰώνων. Ἀμήν.
honneur et gloire pour les siècles des siècles ! Amen. » (BJ ; TOB ; Osty : « seul Dieu »)

Et un peu plus loin, la foi au Dieu unique est à nouveau confessée, avec celle en
l’unique médiateur, Jésus Christ. Notons à quel point la formulation générale pousse à
traduire le εἷς grec de la Septante par « un seul » :

1Tm 2,3b-6 : Dieu notre Sauveur, veut que tous les hommes soient sauvés
et parviennent à la connaissance de la vérité.
(5) Εἷς γὰρ θεός,
Car (il n’y a qu’) un seul Dieu (Formulation de la Septante, εἷς ; TOB ; BJ : « Dieu est unique » ;
Osty : « il n’y a qu’un Dieu », sous entendu « un seul »).
εἷς καὶ μεσίτης θεοῦ καὶ ἀνθρώπων, ἄνθρωπος χριστὸς Ἰησοῦς,
et un seul médiateur entre Dieu et les hommes, un homme, Jésus Christ,
qui s’est livré en rançon pour tous…

Notons que St Paul utilisera aussi l’adjectif numéral εἷς pour le Père, « εἷς θεὸς
ὁ πατήρ, un seul Dieu le Père, » et pour Jésus Christ, « εἷς κύριος, un seul Seigneur » :

1Co 8,5-6 : Car, bien qu'il y ait, soit au ciel, soit sur la terre, de prétendus dieux
– et de fait il y a quantité de dieux et quantité de seigneurs –,

7
(6) ἀλλ’ ἡμῖν εἷς θεὸς ὁ πατήρ, ἐξ οὗ τὰ πάντα, καὶ ἡμεῖς εἰς αὐτόν:
mais pour nous un seul Dieu, le Père, de qui (viennent) toutes choses,
et nous (nous sommes) pour lui ;
καὶ εἷς κύριος Ἰησοῦς χριστός, δι’ οὗ τὰ πάντα, καὶ ἡμεῖς δι’ αὐτοῦ.
Et un seul Seigneur Jésus Christ, par qui (sont) toutes choses,
et nous (nous sommes) par lui.

Et nous lisons également dans la Lettre aux Ephésiens :


Ep 4,6 : εἷς θεὸς καὶ πατὴρ πάντων,
Un seul Dieu et Père de tous,
ὁ ἐπὶ πάντων, καὶ διὰ πάντων, καὶ ἐν πᾶσιν.
qui (est) au-dessus de tous, et par tous, et en tous.

Nous voyons bien qu’en l’absence de toute précision, c’est « un seul Dieu »
qu’il entend proclamer en joignant εἷς à « θεὸς, Dieu », pour proclamer le Mystère du
Dieu Unique…

St Jacques emploiera également, à la suite de la Septante (Dt 6,4 : ῎Ακουε,


᾿Ισραήλ· Κύριος ὁ Θεὸς ἡμῶν Κύριος εἷς ἐστι·), l’adjectif numéral εἷς pour désigner
« le Dieu unique », « le seul Dieu » :
Jc 2,19 : Σὺ πιστεύεις ὅτι εἷς ἐστιν ὁ θεός,
(BJ) « Toi, tu crois qu'il y a un seul Dieu ?
Tu fais bien. Les démons le croient aussi, et ils tremblent. »

Enfin, concluons par les derniers versets de la Lettre de Jude :

Jd 24-25 : À celui qui peut vous garder de la chute


et vous présenter devant sa gloire, sans reproche, dans l'allégresse,
(25) μόνῳ θεῷ σωτῆρι ἡμῶν διὰ Ἰησοῦ χριστοῦ τοῦ κυρίου ἡμῶν
au Dieu unique (μόνος) notre Sauveur par Jésus Christ notre Seigneur
gloire, majesté, force et puissance
avant tout temps, maintenant et dans tous les temps! Amen.

En conclusion, la foi au Dieu unique peut donc être exprimée par le Nouveau
Testament avec l’adjectif « μόνος, seul, unique », un mot grec qui a donné « moine » en

8
français… Elle peut aussi reprendre la traduction grecque de l’Ancien Testament,
la Septante, avec l’adjectif numéral masculin εἷς. Appliqué aux deux termes masculins
singuliers « Θεὸς, Dieu », et (ou) « Κύριος, Seigneur », il prend alors le sens de μόνος,
« le seul, l’unique Dieu », « le seul, l’unique Seigneur ». Et avec St Paul, nous avons vu
qu’à la proclamation de ce « seul Dieu », de ce « seul Seigneur », se joint celle du « seul
Dieu Père » et du « seul Seigneur Jésus Christ ».
Nous pressentons le Mystère d’un seul Dieu en Trois Personnes, Mystère que
St Jean va exprimer avec une finesse inégalée en utilisant les différentes formes grecques
de cet adjectif numéral « un ». Mais avant de l’aborder, précisons, avec le Catéchisme de
l’Eglise Catholique, le vocabulaire que nous emploierons par la suite.

II - LES NOTIONS DE « NATURE » ET DE « PERSONNE »

Le « Catéchisme de l’Eglise Catholique » (CEC) écrit en effet :

- (251) Pour la formulation du dogme de la Trinité, l’Église a dû développer


une terminologie propre à l’aide de notions d’origine philosophique : « substance »,
« personne », « relation », etc. Ce faisant, elle n’a pas soumis la foi à une sagesse
humaine mais a donné un sens nouveau, inouï à ces termes appelés à signifier désormais
aussi un mystère ineffable, « infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons concevoir à
la mesure humaine ».

- (252) L’Église utilise le terme « substance » (rendu aussi parfois par « essence »
ou par « nature ») pour désigner l’être divin dans son unité, le terme « personne » pour
désigner le Père, le Fils et le Saint-Esprit dans leur distinction réelle entre eux, le terme
« relation » pour désigner le fait que leur distinction réside dans la référence des uns
aux autres.

9
Le terme de « personne » est donc employé pour désigner des êtres uniques qui, à
ce titre, ne peuvent qu’être en « face à face » les uns avec les autres. Une personne
ne peut pas être « dans » une autre personne…
Le terme de « nature » renvoie à ce que cette personne est en elle-même, ce par
quoi elle vit et s’exprime… Cette réalité par contre peut être commune à plusieurs
personnes distinctes, de telle sorte que toutes les richesses de l’un peuvent également
se retrouver dans l’autre…

Ces quelques précisions sont nécessaires pour aborder le Mystère de la Trinité, qui
« est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne. Il est le mystère de Dieu en
Lui-même. Il est donc la source de tous les autres mystères de la foi ; il est la lumière qui
les illumine. Il est l’enseignement le plus fondamental et essentiel dans la « hiérarchie
des vérités de foi ». « Toute l’histoire du salut n’est autre que l’histoire de la voie et
des moyens par lesquels le Dieu vrai et unique, Père, Fils et Saint-Esprit, se révèle,
se réconcilie et s’unit les hommes qui se détournent du péché » » (CEC & 234).

III - LA TRINITE, MYSTERE DE COMMUNION DE TROIS PERSONNES DIVINES


DISTINCTES DANS L’UNITE D’UNE MEME NATURE DIVINE…

Ce Mystère du Dieu Unique en Trois Personnes est évoqué, du moins pour le Père
et pour le Fils, dans le verset le plus court de l’Evangile selon St Jean :

Jn 10,30 : ἐγὼ καὶ ὁ πατὴρ ἕν ἐσμεν.


« Moi et le Père un nous sommes ».

En français, nous avons deux genres : le masculin et le féminin. En grec, il en


existe trois : le masculin, le féminin et le neutre.
1 – Le masculin renvoie à des personnes de sexe masculin, avec
énormément d’exceptions…
2 – Le féminin renvoie à des personnes de sexe féminin, avec énormément
d’exceptions…
3 – Le neutre renvoie au domaine des choses, des réalités non
personnifiées, avec énormément d’exceptions…

10
L’adjectif numéral « un » aura donc trois formes :

1 - εἷς ἄνθρωπος, « un homme », masculin singulier.


Mt 8,19 : « εἷς γραμματεὺς εἶπεν αὐτῷ,
un scribe dit à lui,…

2 - μία γυνὴ, « une femme », féminin singulier.


Mt 24,39-41 : « Tel sera l’avènement du Fils de l’Homme…
Deux femmes seront en train de moudre :
μία παραλαμβάνεται, καὶ μία ἀφίεται.
une est prise, et une est laissée. »

3 - ἕν βιβλίον, « un livre », neutre singulier.


Mt 5,18 : « Je vous le dis, en vérité :
avant que ne passent le ciel et la terre,
ἰῶτα ἓν
(pas) i (iota) un,
pas un point sur l'i, ne passera de la Loi, que tout ne soit réalisé. »

Rappelons notre verset de départ :


Jn 10,30 : ἐγὼ καὶ ὁ πατὴρ ἕν ἐσμεν.
« Moi et le Père un nous sommes ».

Jésus, le Fils, demande un masculin singulier. Souvenons-nous de St Paul


(1Co 8,6) : εἷς κύριος Ἰησοῦς χριστός, « un seul (εἷς) Seigneur Jésus Christ ».
Dieu, le Père, demande lui aussi un masculin singulier. Souvenons-nous encore de
St Paul (1Co 8,6) : εἷς θεὸς ὁ πατήρ, « un seul (εἷς) Dieu le Père »…
Et St Jean n’a pas employé ici le masculin singulier ! S’il l’avait fait, le contexte
aurait conduit à l’interprétation suivante : celui que l’on appelle « le Fils » (masculin) et
celui que l’on appelle « le Père » (masculin) sont en fait un seul et même individu,
une seule et même personne, ce qui est bien sûr contraire à la Révélation…
Il a donc utilisé la forme neutre (ἕν) qui renvoie, dans le contexte de notre verset,
à une réalité non personnifiée, ici à « la nature divine » : le Père et le Fils, bien différents
l’un de l’autre et donc en face à face, sont « un » en tant qu'ils partagent tous les deux
une seule et même « nature divine ».

11
Le Catéchisme de l’Eglise catholique écrit ainsi (& 200) : « Dieu est Unique :
il n’y a qu’un seul Dieu : « La foi chrétienne confesse qu’il y a un seul Dieu, par nature,
par substance et par essence. » »
« Nous croyons fermement et nous affirmons simplement qu’il y a un seul vrai
Dieu, immense et immuable, incompréhensible, Tout Puissant et ineffable, Père et Fils et
Saint Esprit : Trois Personnes, mais une Essence, une Substance ou Nature absolument
simple » (Concile de Latran IV ; Denzinger 800).

Remarquons la convention d’écriture :


la Nature divine est exprimée avec un N majuscule.
Nous adopterons cette convention qui n’existe pas
en fait dans les manuscrits grecs les plus anciens du
Nouveau Testament. Ils sont en effet écrits en lettres
majuscules, les mots collés les uns aux autres pour
gagner de la place, avec une ponctuation
minimale… Nos majuscules, pour certains termes
Codex Alexandrinus (5°s ; Jn 1,1-7) de la phrase, sont donc des interprétations…

St Jean nous offre trois affirmations explicites sur cette « nature divine » : elle est
« absolument simple » et tout à la fois « Amour » (lJn 4,8.16), « Lumière » (lJn 1,5) et
« Esprit » (Jn 4,24). L’exemple de la lumière du soleil peut nous aider : elle est
« absolument simple », invisible en elle-même, et pourtant, lorsqu’elle passe au travers
d’un prisme ou d’un nuage de fines gouttelettes d’eau, elle se révèle d’une richesse
extraordinaire, avec cette multitude de couleurs différentes qui la composent… Ainsi en
est-il de la nature divine, réalité « absolument simple » et tout à la fois infiniment riche.
En elle, tout se tient, ce qui est un principe de discernement au niveau de ses fruits…

Regardons ces trois affirmations de St Jean :

1 – 1Jn 4,8 : Ὁ μὴ ἀγαπῶν οὐκ ἔγνω τὸν θεόν :


Le ne pas aimant ne pas a connu Dieu
ὅτι ὁ θεὸς ἀγάπη ἐστίν.
Car Dieu amour est.

12
Pour ce verset, notons au passage le commentaire ajouté par le P. Max Zerwick
(S.J.), dans son « Analyse grammaticale du Grec du Nouveau Testament » (Edition
anglaise, Rome 1988) : « Note how the knowledge of God is always practical and
personal with the object of assimilation which however is only attainable through a
rebirth enabling man to participate in the nature of Him who is love ». « Notez comment
la connaissance de Dieu est toujours pratique et personnelle vis-à-vis de ‘l’objet à
assimiler’, qui, cependant, ne peut être atteint qu’à travers une nouvelle naissance qui
permet à l’homme de participer à Sa nature qui est amour »… La Bible de Jérusalem
donne en note pour Jn 10,14 : « La connaissance (de Dieu) procède non d’une démarche
purement intellectuelle, mais d’une « expérience » d’une présence ; elle s’épanouit
nécessairement en amour ». La connaissance de Dieu renvoie donc à une réalité de
l’ordre de la vie, qui est directement en nous le fruit de la Présence et de l’action de
l’Esprit Saint, cet Esprit qui est aussi Vie, Vie divine…

1Jn 4,16 : Καὶ ἡμεῖς ἐγνώκαμεν καὶ πεπιστεύκαμεν


Et nous nous avons connu et nous avons cru (à)
τὴν ἀγάπην ἣν ἔχει ὁ θεὸς ἐν ἡμῖν.
l’amour que a Dieu en (pour (BJ ; Osty) ; au milieu (TOB)) nous.
Ὁ θεὸς ἀγάπη ἐστίν,
Dieu amour est,
καὶ ὁ μένων ἐν τῇ ἀγάπῃ, ἐν τῷ θεῷ μένει, καὶ ὁ θεὸς ἐν αὐτῷ μένει.
et le demeurant en l’amour, en Dieu demeure et Dieu en lui demeure.

Nous avons donc ici par deux fois l’affirmation centrale de la Bible sur Dieu.
« Dieu est Amour », « Dieu n’est qu’Amour », écrit le P. François Varillon. « Tout est
dans le « NE QUE ». Dieu est-il Tout-Puissant ? Non, Dieu n’est qu’Amour, ne venez
pas me dire qu’il est Tout-Puissant. Dieu est-il, Infini ? Non, Dieu n’est qu’Amour,
ne me parlez pas d’autre chose. Dieu est-il Sage ? Non. A toutes les questions que
vous me poserez, je vous dirai : non et non, Dieu n’est qu’amour.
Dire que Dieu est Tout-Puissant, c’est poser comme toile de fond une puissance
qui peut s’exercer par la domination, par la destruction. Il y a des êtres qui sont puissants
pour détruire… Beaucoup de chrétiens posent la toute-puissance comme fond de tableau
puis ajoutent, après coup : Dieu est Amour, Dieu nous aime. C’est faux ! La toute-
puissance de Dieu est la toute puissance de l’amour, c’est l’amour qui est tout puissant !

13
On dit parfois : Dieu peut tout ! Non, Dieu ne peut pas tout, Dieu ne peut que
ce que peut l’Amour. Car il n’est qu’Amour. Et toutes les fois que nous sortons de
la sphère de l’amour nous nous trompons sur Dieu et nous sommes en train de fabriquer
je ne sais quel Jupiter.
J’espère que vous saisissez la différence fondamentale qu’il y a entre un tout-
puissant qui vous aimerait et un amour tout-puissant. Un amour tout-puissant, non
seulement n’est pas capable de détruire quoi que ce soit mais il est capable d’aller
jusqu’à la mort. J’aime un certain nombre de personnes, mais mon amour n’est pas tout-
puissant, je sais très bien que je ne suis pas capable de tout donner pour ceux que j’aime,
c’est-à-dire de mourir pour eux.
En Dieu, il n’y pas d’autre puissance que la puissance de l’amour et Jésus nous dit
(c’est lui qui nous révèle qui est Dieu) : « Il n’y pas de plus grand amour que de mourir
pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13). Il nous révèle la toute-puissance de l’amour en
consentant à mourir pour nous. Lorsque Jésus a été saisi par les soldats, ligoté, garrotté
au Jardin des Oliviers, il nous dit lui-même qu’il aurait pu faire appel à des légions
d’anges pour l’arracher aux mains des soldats. Il s’est bien gardé de le faire car
il nous aurait alors révélé un faux Dieu, il nous aurait révélé un tout-puissant au lieu de
nous révéler le vrai Dieu, celui qui va jusqu’à mourir pour ceux qu’il aime. La mort du
Christ nous révèle ce qu’est la toute-puissance de Dieu. Ce n’est pas une puissance
d’écrasement, de domination, ce n’est pas une puissance arbitraire telle que nous dirions :
qu’est ce qu’il mijote là-Haut, dans son éternité ? Non, il n’est qu’amour mais cet amour
est tout-puissant.
Je réintègre les attributs de Dieu (toute-puissance, sagesse, beauté…) mais ce sont
les attributs de l’amour. D’où la formule que je vous propose : « L’amour n’est pas
un attribut de Dieu parmi ses autres attributs mais les attributs de Dieu sont les attributs
de l’amour. » L’Amour est : Tout-Puissant, Sage, Beau, Infini…
Qu’est ce qu’un amour qui est tout puissant ? C’est un amour qui va jusqu’au bout
de l’amour. La toute-puissance de l’amour est la mort : aller jusqu’au bout de l’amour
c’est mourir pour ceux qu’on aime. Et c’est aussi leur pardonner. S’il y en a parmi vous
qui on l’expérience si douloureuse de la brouille à l’intérieur d’une famille ou d’un cercle
d’amis, vous savez à quel point il est difficile de pardonner vraiment. Il faut que l’amour

14
soit rudement puissant pour pardonner, ce qui s’appelle réellement pardonner. Il faut de
la puissance d’aimer !
Qu’est ce qu’un amour qui est infini ? C’est un amour qui n’a pas de limites. Moi,
je me heurte à des limites dans mon humain, dans mes amitiés humaines. L’Infini de
Dieu n’est pas un infini dans l’espace, un océan sans fond et sans rivage, c’est un amour
qui n’a pas de limites ! » (Extrait de « Joie de croire, joie de vivre » (Bayard Culture)).

2 – 1Jn 1,5 : Καὶ ἔστιν αὕτη ἡ ἀγγελία


Et est celle-ci la nouvelle
ἣν ἀκηκόαμεν ἀπ’ αὐτοῦ καὶ ἀναγγέλλομεν ὑμῖν, ὅτι
que nous avons entendue de lui et (que) nous annonçons à vous :
ὁ θεὸς φῶς ἐστίν, καὶ σκοτία ἐν αὐτῷ οὐκ ἔστιν οὐδεμία.
Dieu lumière est et obscurité en lui ne pas est aucune.

« Dieu est donc Lumière »… Jésus, en Jn 8,12, dira de lui-même, avec


cette particularité de dire « Je Suis, Ἐγώ εἰμι » qui renvoie à la révélation du Nom divin
« Je Suis » en Ex 3,14 (LXX) : Ἐγώ εἰμι τὸ φῶς τοῦ κόσμου.
« Je Suis la Lumière du monde ».

3 – Jn 4,24 (Jésus à la Samaritaine) :


Πνεῦμα ὁ θεός :
Esprit (est) Dieu (« Dieu est Esprit »)
καὶ τοὺς προσκυνοῦντας αὐτόν, ἐν πνεύματι καὶ ἀληθείᾳ
Et les adorant lui, en E(e)sprit et V(v)érité
δεῖ προσκυνεῖν.
il faut adorer.

Nous avons donc vu les trois grandes affirmations explicites de St Jean sur ce que
Dieu Est en Lui-même… En mettant en parallèle certains versets de son Evangile, de
ses Lettres et des écrits de St Paul, nous pouvons aussi dire :

- « Dieu est Vie ». En effet, « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) et c’est « l’Esprit
qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), « l’Esprit qui donne la vie » (Rm 8,2) car « l’Esprit est
Vie » (cf. Ga 5,25). « Dieu est donc Vie ».

15
Nous le retrouvons avec le thème de la Lumière : « Le Verbe était Dieu » (Jn 1,1)
et « en lui était la Vie, et la Vie était la Lumière des hommes » (Jn 1,4). La Vie est donc
Lumière, la Lumière est Vie, de telle sorte que St Jean peut aussi parler de « la Lumière
de la Vie » : « Je Suis la Lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans
les ténèbres, mais il aura la Lumière de la Vie » (Jn 8,12). « Dieu est Lumière »
(1Jn 1,5), et la Lumière est Vie ; nous retrouvons ainsi que « Dieu est Vie »…
St Jean écrira aussi : « Le Père a la Vie en lui-même » (Jn 5,26), et Jésus dira de
lui : « ὁ ζῶν πατήρ, le vivant Père », c’est-à-dire « le Père qui est vivant » (Jn 6,57)…
Le Père est donc Vie… Et Jésus dira : « Ἐγώ εἰμι ὁ ἄρτος ὁ ζῶν, Je Suis le pain
vivant » (Jn 6,51), « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6)… L’Esprit Saint, évoqué
par l’image de « l’eau vive » est aussi qualifié de « vivant », car littéralement nous avons
« ὕδωρ ζῶν », ou « τὸ ὕδωρ τὸ ζῶν » (Jn 4,10-11), c’est-à-dire « l’eau vivante »…
Le Père est donc Vie, le Fils est Vie et l’Esprit Saint est Vie…

- Nous pourrions dire aussi « Dieu est Paix » (Jn 14,27). Il est « le Dieu de
la Paix » (Rm 15,33 ; 16,20 ; 1Co 14,33 ; Ph 4,9 ; 1Th 5,23 ; Hb 13,20), le « Dieu de
l’Amour et de la Paix, ὁ θεὸς τῆς ἀγάπης καὶ εἰρήνης » (2Co 13,11).

- Et nous pourrions ajouter « Joie » (Jn 15,11), « Douceur », « Humilité »


(Mt 11,29), « Tendresse » (Ex 34,6 ; Jl 2,13, Ps 51,3 ; 116,5 ; Ne 9,31 ; Ba 2,27),
« Bienveillance » (2Ch 6,14 ; Tb 8,16), « Miséricorde » (Jr 3,12 ; Ep 2,4), « Patience »
(Rm 2,4), « Justice » (Is 30,18 ; 1Co 1,30), « Vérité » (Is 65,16 ; Ps 31,6 ; 1Jn 5,20),
etc… Et tout est ‘un’ en Lui, en sa « nature divine » « absolument simple » et infiniment
riche… « Dieu est la plénitude de l’Être » (CEC 213).

Nous avons vu deux Personnes divines : le Père, et le Fils. Il manque


la Troisième, l’Esprit Saint. Elle apparaît avec force à la fin de l’Evangile de Matthieu :
Mt 28,18-20 : S'avançant, Jésus (ressuscité) dit ces paroles (aux onze disciples) :
Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. (19) Allez donc, de toutes les nations
faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, (20) et
leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous
pour toujours jusqu'à la fin de l'âge.

16
L’expression « Saint Esprit », associée aux Personnes divines du Père et du Fils,
dans une formule qui les associe ensemble dans une seule et même action, ne peut
qu’être interprétée comme un Nom propre renvoyant à la Troisième Personne de
la Trinité. Une Personne divine ne peut, en effet, qu’être comparée, associée à une autre
Personne divine.
Il en est de même en Jn 14,15-17 :

Jn 14,15-17 (Jésus disait) : Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements ;


(16) et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet,
pour qu'il soit avec vous à jamais,
(17) l'Esprit de Vérité, que le monde ne peut pas recevoir,
parce qu'il ne le voit pas ni ne le reconnaît.
Vous, vous le connaissez, parce qu'il demeure auprès de vous…

Le mot « Paraclet » vient directement du grec « παράκλητος ». Or, le sens


premier de la préposition « παρά » est « auprès de ». Et « κλητος » vient du verbe
« καλέω » « appeler ». Le « παράκλητος, Paraclet » est donc « celui qui est appelé
auprès de », comme le médecin auprès du malade (cf. Lc 5,29-32), ou l’avocat auprès de
celui qui est accusé. St Jean emploie une fois ce terme pour Jésus, en le présentant
justement comme notre avocat à nous tous, nous qui sommes pécheurs, et donc
coupables, et donc encore susceptibles d’être « accusés » en toute vérité…

1Jn 2,1-2 : « Mes petits enfants, je vous écris pour que vous évitiez le péché.
Mais, si l'un de nous vient à pécher,
Παράκλητον ἔχομεν πρὸς τὸν πατέρα
nous avons un défenseur devant le Père : Jésus Christ, le Juste.
(2) Il est la victime offerte pour nos péchés,
et non seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux du monde entier. »

En Jn 14,15-17 nous voyons donc Jésus s’adresser à ses disciples pour les préparer
à sa mort prochaine. Bientôt s’achèvera sa vie dans la chair, à leurs côtés, en vrai homme
semblable à tous les hommes… Il va s’offrir sur une Croix pour le salut du monde entier,
il mourra, sera mis au tombeau et disparaîtra aux yeux de chair de ses disciples.

17
Mais le troisième jour, ils découvriront que le Père l’a ressuscité d’entre les morts par
la Toute Puissance de l’Esprit Saint (Rm 6,4 ; Ga 1,1 ; Rm 1,1-3 ; 1Co 15,1-8). Et c’est
désormais à leur foi qu’il s’offrira, invisible mais présent. « Je suis avec vous tous
les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Mais seul un cœur attentif pourra
reconnaître cette Présence en vivant « quelque chose » qui est de l’ordre de la Paix de
Dieu et de sa Vie…

Jn 14,19-20 : « Encore un peu de temps et le monde ne me verra plus.


Mais vous, vous verrez que je vis et vous aussi, vous vivrez.
(20) Ce jour-là, vous reconnaîtrez (parce que vous vivrez, et donc en vivant de cette Vie de Jésus)

que je suis en mon Père et vous en moi et moi en vous. »

Jésus le promet… Les disciples ne seront pas abandonnés et laissés à eux-mêmes.


A la prière du Fils, « Paraclet » et Défenseur de ses disciples (Jn 17,12), le Père enverra
« un autre Paraclet », un autre Défenseur pour qu’il soit avec eux « à jamais »…
Nous l’avons déjà vu avec St Matthieu, à une Personne divine, Jésus, le Fils, on ne peut
comparer qu’une autre Personne divine, l’Esprit Saint, « l’Esprit de Vérité » comme
l’appelle ici St Jean…
Le Catéchisme de l’Eglise Catholique déclare ainsi (& 243) : « Avant sa Pâque,
Jésus annonce l’envoi d’un « autre Paraclet » (Défenseur), l’Esprit Saint. A l’œuvre
depuis la création (cf. Gn 1,2), ayant jadis « parlé par les prophètes » (Symbole de Nicée-
Constantinople)4, il sera maintenant auprès des disciples (cf. Jn 14,17), pour les enseigner
(cf. Jn 14,26) et les conduire « vers la vérité tout entière » (Jn 16,13). L’Esprit Saint est
ainsi révélé comme une autre personne divine par rapport à Jésus et au Père ».

Nous percevons également la Personne divine « Esprit Saint » à l’œuvre dans


la vie de l’Eglise primitive lorsqu’elle s’adresse à Philippe (Ac 8,29 ; cf. 8,39), à Pierre
(10,19 ; 11,12), à l’Eglise d’Antioche (13,1-3), « envoyant en mission » Barnabé et Saul
(13,4), guidant cette mission (16,6-7), les avertissant des dangers à venir (20,23 ; 21,11),
prenant des décisions avec l’Eglise (15,28), établissant des gardiens pour la conduire
(20,28)…

4 Voir aussi Ac 1,16 ; 4,25 ; 28,25.

18
Faisons à nouveau maintenant une précision sur le vocabulaire que
nous employons.
Pour évoquer le Mystère de « la nature divine », la Bible dit très souvent,
d’une manière ou d’une autre, que Dieu est « Saint » (Lv 11,44-45 ; 19,2 ; 20,26 ; 21,8 ;
1P 1,16), « v/d“q; » en hébreu, un mot qui vient du verbe « vdq, séparer, mettre à part ».

Dieu est donc « saint » en tant qu’il est « séparé » de tout, « à part », « incomparable »
(Is 40,25), « unique », le seul à Être ce qu’Il Est. Mais cette notion de séparation, qui
renvoie à l’unicité de son Être, n’est pas à comprendre en termes de fracture,
d’éloignement… Au contraire, c’est bien parce que Dieu est le seul à Etre ce qu’Il Est
qu’il peut être présent à tous et partout… Le prophète Osée le présentera ainsi comme
étant « le saint au milieu de toi »…
Ainsi, à la différence des notions de fidélité, de loyauté... « la sainteté de Dieu »
n'indique pas un rapport de « Dieu avec... », mais renvoie directement à ce que Dieu est
en Lui même, à sa nature divine. Lorsque Dieu dit « Je Suis » (Ex 3,14) ou « Je suis
Saint » (Lv 11,44…), il dit en fait la même chose…

Os 11,9 : vyaiAaløw“ ykinOa; lae yKi


homme-et ne pas moi Dieu car car je suis Dieu et non un homme
(LXX) διότι ϑεὸς ἐγώ εἰμι καὶ οὐκ ἄνϑρωπος·
car Dieu Je Suis (Ex 3,14) et ne pas homme
v/dq; ÚB]r“qiB] ἐν σοὶ ἅγιος, au milieu de toi (je suis le) saint.

La sainteté « est donc plus qu'un attribut divin parmi d'autres, elle caractérise Dieu
même. Dès lors son Nom est saint...

Ps 33,21 : .Wnj]f;b; /vd“q; µveb] Dans le nom de sa sainteté notre confiance.

LXX Ps 32,21: ἐν τῷ ὀνόματι τῷ ἁγίῳ αὐτοῦ ἠλπίσαμεν.


En son saint nom nous avons espéré.

Am 2,7 : .yvid“q; µveAta, lLej' ˆ['m'l] C'est pourquoi est profané mon saint nom.

LXX : ὅπως βεβηλώσωσιν τὸ ὄνομα τοῦ ϑεοῦ αὐτῶν,


De telle sorte qu'ils profanent le nom de leur Dieu.

19
... et Yahvé jure par sa sainteté » (ou par Lui-même...) :

Am 4,2 : /vd“q;B] hwIhy“ yn:doa} [B'v]nI Le Seigneur Yahvé l'a juré par sa sainteté.
(LXX) : ὀμνύει κύριος κατὰ τῶν ἁγίων αὐτοῦ: Le Seigneur le jure selon « ses (réalités) saintes »

Am 6,8 : /vp]n"B] hwIhy“ yn:doa} [B'v]nI Le Seigneur Yahvé l'a juré par lui-même.
(LXX) : ὅτι ὤμοσεν κύριος καϑ' ἑαυτοῦ:

La langue elle-même reflète cette conviction quand, ignorant l'adjectif « divin »,


elle considère comme synonymes les noms de Yahvé et de Saint (Ps 71,22 ; Is 5,24 ;
Ha 3,3) »5.
Is 40,25 : .v/dq; rm'ayo hw<v]a,w“ ynIWyM]d"t] ymiAla,w.“
« A qui me comparerez-vous et (à qui) serai-je l'égal » dit le Saint ? (Réponse : à personne !)

« Dieu est donc Esprit » (Jn 4,24) et « Dieu est Saint ». Les deux mots « Esprit »
et « Saint », sont alors employés pour décrire ce que Dieu Est en Lui-même, pour
exprimer le Mystère de sa nature divine.
Ces deux mêmes mots peuvent aussi être réunis pour former un Nom propre, et
évoquer ainsi une Personne divine unique, « l’Esprit Saint ».
Ainsi, comme nous disons « le Père », Personne divine, « Est Esprit », ou
« le Fils », Personne divine, « Est Esprit », nous dirons « l’Esprit Saint », Personne
divine, « Est Esprit ». Et de même, comme nous disons « le Père », Personne divine, est
« Saint », « le Fils », Personne divine, est « Saint », nous dirons « l’Esprit Saint »,
Personne divine, est « Saint ». Et en mettant les deux ensembles, nous pouvons dire :

- « Le Père » (Personne divine) Est « Esprit Saint » (nature divine).


- « Le Fils » (Personne divine) Est « Esprit Saint » (nature divine).
- « L’Esprit Saint » (Personne divine) Est « Esprit Saint » (nature divine).

Ainsi, « l’Esprit Saint qui est la Troisième Personne de la Trinité, est Dieu, un et
égal au Père et au Fils, de même substance et aussi de même nature » (CEC 245 ; Concile
de Tolède XI en 675 : DS 527).

5 DE VAULX J., « Saint », Vocabulaire de théologie biblique (8° édition, Paris 1995) col. 1179.

20
Avec Jn 10,30, Jésus dit : « Moi et le Père, nous sommes un », unis l’un à l’autre
dans la Communion d’une même nature divine qui est tout à la fois « Amour »
(1Jn 4,8.16), « Esprit » (Jn 4,24) et « Lumière » (1Jn 1,5). Et ce qui est dit des deux
Personnes divines, le Père et le Fils, est bien sûr tout aussi vrai pour les Trois.
Ainsi, nous pourrions prolonger ce verset de St Jean et écrire : « Moi, le Père et l’Esprit
Saint, nous sommes un » dans la Communion d’une même nature divine…

Récapitulons avec le Catéchisme de l’Eglise Catholique (& 200 ; 253 et 254) :

• La Trinité est Une. Nous ne confessons pas trois dieux, mais un seul Dieu en
trois personnes : « la Trinité consubstantielle » (Concile de Constantinople II en 553 : DS 421).
« La foi chrétienne confesse qu’il y a un seul Dieu, par nature, par substance et
par essence. » Les personnes divines ne se partagent pas l’unique divinité mais chacune
d’elles est Dieu tout entier : « Le Père est cela même qu’est le Fils, le Fils cela même
qu’est le Père, le Père et le Fils cela même qu’est le Saint-Esprit, c’est-à-dire un seul
Dieu par nature » (Concile de Tolède XI en 675 : DS 530). « Chacune des trois personnes est
cette réalité, c’est-à-dire la substance, l’essence ou la nature divine » (Concile de Latran IV
en 1215 : DS 804). » Il s’agit donc de « confesser une seule nature ou substance du Père,
du Fils et du Saint Esprit, une seule puissance et un seul pouvoir, une Trinité
consubstantielle, une seule divinité adorée en Trois Personnes » (DS 421).

• Les personnes divines sont réellement distinctes entre elles. « Dieu est unique
mais non pas solitaire » (Fides Damasi : DS 71). « Père », « Fils », « Esprit Saint » ne sont
pas simplement des noms désignant des modalités de l’être divin, car ils sont réellement
distincts entre eux : « Celui qui est le Fils n’est pas le Père, et celui qui est le Père n’est
pas le Fils, ni le Saint-Esprit n’est celui qui est le Père ou le Fils » (Concile de Tolède XI en
675 : DS 530). Ils sont distincts entre eux par leurs relations d’origine : « C’est le Père qui
engendre, le Fils qui est engendré, le Saint-Esprit qui procède » (Concile de Latran IV en
1215 : DS 804). L’Unité divine est Trine. »

21
Nous pouvons maintenant préciser quelques expressions de St Jean :

1 – « Croyez ce que je vous dis : je suis dans le Père, et le Père est en moi »
(Jn 14,11). Souvenons-nous : « Celui qui est le Fils n’est pas le Père, et celui qui est
le Père n’est pas le Fils » (Concile de Tolède XI en 675 : DS 530). Le Père et le Fils sont
donc toujours en face à face : en tant que Personnes divines, elles ne peuvent être
l’une dans l’autre…

Par contre « le Père est cela même qu’est le Fils, le Fils cela même qu’est le Père »
affirme le même Concile de Tolède. Autrement dit, si « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5),
le Père est pleinement Lumière, le Fils est lui aussi pleinement Lumière, de telle sorte
que toute la Lumière qui est dans le Père est dans le Fils, et toute la Lumière qui est dans
le Fils est dans le Père alors même que le Père n’est pas le Fils et que le Fils n’est pas
le Père. Cette expression de St Jean, « Je suis dans le Père et le Père est en moi »,
renvoie donc à ce Mystère de Communion dans l’unique nature divine que vivent le Père
et le Fils de toute éternité. Et c’est ainsi que Jésus, « Lumière » (Jn 12,46 ; 8,12), alors
même qu’il n’est pas le Père, peut dire : « Qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14,9). En effet,
celui qui a « vu », reconnu dans la foi, la Lumière du Fils a « vu » au même moment
la Lumière du « Père des lumières » (Jc 1,17), du « Père de la gloire » (Ep 1,17)…

Des expressions identiques sont également appliquées aux disciples de Jésus dans
l’Evangile de Jean. A travers elles, nous pressentons le Mystère de la vocation commune
à tout homme : participer selon notre condition de créature à la Plénitude de la nature
divine (2P 1,4). Jésus dit ainsi : « Père, je ne prie pas pour eux seulement (les disciples qui

l’entourent avant sa Passion) mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi,
afin que tous soient un (ἕν). Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi
soient en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé. Je leur ai donné la gloire que
tu m'as donnée, pour qu'ils soient un (ἕν) comme nous sommes un (ἕν) : moi en eux et
toi en moi, afin qu'ils soient parfaits dans l'unité (εἰς ἕν), et que le monde reconnaisse
que tu m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé » (Jn 17,20-23).

22
2 – Souvenons-nous de cet extrait de St Jean où nous avons pressenti avec force
la Présence de l’Esprit Saint Personne divine (Jn 14,15-17). Le texte complet est
le suivant :
Jn 14,15-17 (Jésus disait) : Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements ;
(16) et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet,
pour qu'il soit avec vous à jamais,
(17) l'Esprit de Vérité, que le monde ne peut pas recevoir,
parce qu'il ne le voit pas ni ne le reconnaît.
Vous, vous le connaissez, parce qu'il demeure auprès de vous (παρ’ ὑμῖν)
et qu’il est en vous (ou : il sera en vous ; ἐν ὑμῖν ἔσται).

Les Trois Personnes divines distinctes apparaissent ici, et en tant que Personnes,
elles ne peuvent qu’être en face à face. Chacune d’entre elle vit et s’exprime avec
la Plénitude d’une seule et même « nature divine », et à ce titre, elles sont unies les unes
aux autres par un lien existentiel qui Est tout à la fois Amour, Esprit, Lumière et Vie.
Ainsi, alors même qu’elles sont en face à face, elles vivent en communion les unes avec
les autres. Et ce qui est vrai pour elles, Dieu a voulu que cela soit aussi vrai pour chacun
d’entre nous et pour nous tous en tant que personnes humaines créées…
De notre « Oui ! » dépend maintenant la pleine réalisation de ce projet divin :
la Communion de chacune des Trois Personnes divines et de nous tous dans l’unité
d’une seule et même nature divine…
Dans ce texte de Jn 14,15-17, l’Esprit Saint Personne divine « demeure auprès de
nous » comme toute autre Personne divine ou humaine, en côte à côte, en face à face.
Mais dès que l’on affirme « il est en vous », ou « il sera en vous », il ne s’agit plus
cette fois de la Personne divine « Esprit Saint » (Nom propre) mais de la nature divine
« Esprit Saint » (nom commun), en tant que « Dieu est Esprit », et que « Dieu est Saint ».
Et, répétons-nous, nous avons tous été créés pour participer pleinement, selon
notre condition de créature, à l’unique nature divine et cela par le Don gratuit de
cet Esprit Saint « nature divine » que Dieu ne cesse de proposer au libre assentiment de
notre liberté, de notre foi. Comblés par cet unique Esprit, nous serons alors tous en face à
face en tant que personnes uniques, mais aussi en communion les uns avec les autres,

23
« dans l’unité de l’Esprit, ἡ ἑνότης τοῦ πνεύματος   » (Ep 4,3), chacun participant
pleinement, en tant que créature, à la même nature divine, au même Amour, au même
Esprit, à la même Lumière, à la même Vie…

1Jn 1,1-3 : Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu,
ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé,
ce que nos mains ont touché du Verbe de vie ;
(2) – car la Vie s'est manifestée : nous l'avons vue, nous en rendons témoignage
et nous vous annonçons cette Vie éternelle,
qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue –
(3) ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons,
afin que vous aussi soyez en communion avec nous.
Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ.

1Co 1,7-9 : « Vous ne manquez d'aucun don de la grâce,


dans l'attente où vous êtes de la Révélation de notre Seigneur Jésus Christ.
(8) C'est lui qui vous affermira jusqu'au bout,
pour que vous soyez irréprochables au Jour de notre Seigneur Jésus Christ.
(9) Il est fidèle, le Dieu par qui vous avez été appelés à la communion de son Fils,
Jésus Christ notre Seigneur. »

2Co 13,13 (Noter la formule Trinitaire) : « La grâce du Seigneur Jésus Christ,


l'amour de Dieu
et la communion du Saint Esprit soient avec vous tous ! »

2P 1,1-4 : Syméon Pierre, serviteur et apôtre de Jésus Christ, à ceux qui ont reçu
par la justice de notre Dieu et Sauveur Jésus Christ une foi d'un aussi grand prix que la
nôtre, (2) à vous grâce et paix en abondance, par la connaissance de notre Seigneur !
(3) Car sa divine puissance nous a donné tout ce qui concerne la vie et la piété :
elle nous a fait connaître Celui qui nous a appelés par sa propre gloire et vertu. (4)
Par elles, les précieuses, les plus grandes promesses nous ont été données, afin que
vous deveniez ainsi participants de la divine nature, vous étant arrachés à la corruption
qui est dans le monde, dans la convoitise.

24
IV - LES RELATIONS ETERNELLES D’ORIGINE ENTRE LE PERE, LE FILS ET
L’ESPRIT SAINT

A) Le Fils est éternellement engendré par le Père

Nous allons maintenant aborder ces « relations d’origine » que nous proclamons
dans notre Crédo. Le Concile de Constantinople II (553 ap JC) précise « qu’il y a deux
générations du Dieu Verbe, l’une avant les siècles, du Père, intemporelle et incorporelle,
l’autre aux derniers jours, du même Verbe qui est descendu des cieux et s’est incarné de
la sainte et glorieuse Mère de Dieu toujours vierge, et qui a été engendré d’elle »
(DS 422). Nous verrons à quel point les deux sont en harmonie avec un seul et même
Mystère…
St Jean évoque cette « génération avant les siècles, intemporelle et incorporelle »
par le Père du Dieu Verbe, Jésus, le Fils. Elle est « intemporelle » car toujours en acte,
de toute éternité… Et « incorporelle » car elle concerne cette Personne divine que nous
appelons « le Fils » et qui, depuis toujours et pour toujours, est Dieu et donc « Esprit »
(Jn 4,24)… Notre Crédo déclare : « Né du Père avant tous les siècles, il est Dieu né de
Dieu, Lumière né de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu. Engendré, non pas créé,
(il est) de même nature que le Père »…

« Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), tel est, en Lui, le fondement de tout. A
cette affirmation première, il suffit de joindre cette phrase de Ste Thérèse de Lisieux, que
l’on retrouve en St Jean : « Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même ».
Mais appliqué à Dieu, ce principe doit être interprété au pied de la lettre : « Dieu
est Amour », et parce qu’ « Il n’Est qu’Amour » (P. François Varillon), il vit un acte
éternel : se donner en tout ce qu’Il Est… Dieu est ainsi éternellement Don de Lui-même,
gratuitement, par Amour, Don de tout ce qu’Il Est en Lui-même…
Cette réalité est évoquée très souvent dans la Bible et de multiples manières,
notamment par les images :

- Du « Soleil qui donne la grâce, qui donne la gloire » (Ps 84(83),12), et


cela gratuitement, parce qu’il est ce « Soleil qui brille sur les méchants et sur les bons »,
tout comme « la pluie tombe sur les justes et les injustes » (Mt 5,45).

25
- De la Source d’Eau Vive (Jr 2,13 ; 17,13 ; Ps 42-43 ; Is 12,2-3 ; cf. Ps 1).

- Du Rocher transpercé d’où jaillit l’Eau Vive de l’Esprit (Ex 17,5-6 ;


Nb 20,6-11 ; Dt 8,15 ; Sg 11,4 ; Ne 9,15 ; Ps 78,15.16.20 ; 105,41 ; Is 48,21), le Rocher
étant lui-même une image de Dieu (2Sm 22,32 ; Ps 18,3 ; 31,3 ; 71,3.26…). De
ce Rocher peut également jaillir le feu de ce même Esprit (Jg 6,21 ; Lc 3,16 ; Ac 2).

- Du Temple d’où jaillit un Fleuve immense (Ez 47,1-12 ; cf. Za 14,7-10).

Jésus crucifié et transpercé sur la Croix sera lui-même « Image du Dieu invisible »
(Col 1,15), du Dieu Source, du Dieu Don de Lui-même : de son côté ouvert ont jailli
l’eau et le sang (Jn 19,32-35), symboles du Don de sa Vie divine (cf. Lv 17,11.14),
du Don de l’Esprit qui est Vie et qui Vivifie quiconque accepte de le recevoir…
Il accomplit ainsi l’image du Rocher frappé (1Co 10,4), du Temple (cf. Jn 2,18-22) d’où
jaillissent « des fleuves d’eau vive… Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui
avaient cru en lui » (Jn 7,37-39). Et c’est bien parce que le Dieu Esprit est éternellement
Don de Lui-même que quiconque demande de tout cœur l’Esprit ne peut que le recevoir :
il est déjà donné ! Mais « demander » exprime alors le désir libre et conscient de
recevoir… Dans l’infini respect qu’il nous porte, Dieu ne nous comblera jamais de
force… Alors, « demandez, et vous recevrez… Car quiconque demande reçoit… Quel est
d'entre vous le père auquel son fils demandera un poisson, et qui, à la place du poisson,
lui remettra un serpent ? Ou encore s'il demande un œuf, lui remettra-t-il un scorpion ?
Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants,
combien plus le Père du ciel donnera-t-il l'Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »
(Lc 11,9-13). « Si tu savais le Don de Dieu, et qui est celui qui te dit « Donne-moi à
boire », c’est toi qui l’aurais prié et il t’aurait donné de l’Eau Vive », l’Eau Vive de
l’Esprit qui vivifie (Jn 4,10)…

Dieu Amour est donc éternellement Don de Lui-même, gratuitement, par Amour.
Et dans ce Mystère d’Amour, le Père a la primauté (CEC & 245) : « L’Église reconnaît
le Père comme « la source et l’origine de toute la divinité » (Concile de Tolède VI en
638 : DS 490) », « le principe sans principe » (Concile de Florence 1442 ; DS 1331).

26
Le Père est Amour ? Aimer c’est tout donner et se donner soi-même ? De toute
éternité, le Père se donne totalement au Fils, en tout ce qui le constitue, son Être et
sa Vie, et c’est par ce Don total qu’il fait de Lui-même qu’il l’engendre en Fils, « né du
Père avant tous les siècles, Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré non pas
créé, de même nature que le Père ».
Ce Mystère transparaît souvent en St Jean…

Jn 3,35 : ὁ πατὴρ ἀγαπᾷ τὸν υἱόν,


Le Père aime le Fils
καὶ πάντα δέδωκεν ἐν τῇ χειρὶ αὐτοῦ.
et toutes (choses) il a donné en la main de lui.
(ou il donne)

Notons le présent du verbe « aimer, ἀγαπάω », un présent éternel, valable depuis


toujours et pour toujours. Le verbe « donner, δίδωμι », lui, est au parfait grec, un temps
qui évoque une action passée dont les conséquences se font toujours sentir dans
le présent du texte. Dans le contexte divin, où il n’existe ni commencement ni fin,
cette action passée renvoie en fait à une action éternelle qui est mise en œuvre depuis
toujours et pour toujours : de toute éternité, « le Père aime le Fils » et cet Amour, avant
d’être pour nous Parole, est ‘acte éternel’, ‘Don éternel’ de tout ce que le Père est en
Lui-même… Le Fils fait chair (Jn 1,14), au moment où il parle, est ainsi le fruit éternel
de l’éternel acte du Père qui se donne totalement à Lui en tout ce qu’Il Est, et cela
gratuitement, par Amour… « Car c’est éternellement et sans commencement que le Fils
naît du Père… Tout ce que le Père est ou a, il l’a non pas d’un autre mais de soi, et il est
principe sans principe. Tout ce que le Fils est ou a, il l’a du Père, et il est principe issu
d’un principe » (Concile de Florence, 1442 ; DS 1331).

Jn 16,15 : « Tout ce qu’a le Père est à moi »...

Jn 17,10 : Père, « tout ce qui est à moi est à toi,


et tout ce qui est à toi est à moi »…

Notons aussi ce texte de St Luc où nous retrouvons ce principe éternel :

Lc 10,21-22 : Jésus tressaillit de joie sous l'action de l'Esprit Saint et il dit :

27
« Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre,
d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits.
Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir.
(22) Πάντα μοι παρεδόθη ὑπὸ τοῦ πατρός μου
Toutes (choses) à moi ont été données par le Père de moi
et nul ne sait qui est le Fils si ce n'est le Père, ni qui est le Père si ce n'est le Fils,
et celui à qui le Fils veut bien le révéler6.

St Jean, en Jn 3,35, utilise le verbe donner, δίδωμι, au parfait : πάντα δέδωκεν…


Et la Bible de Jérusalem, comme la TOB et Osty le traduisent par « remettre » :
« Le Père aime le Fils et il a tout remis dans sa main ».
St Luc utilise ici le verbe παραδίδωμι, à l’aoriste, un verbe composé de
la préposition παρά (sens premier : auprès de) et du verbe δίδωμι, « donner ». La Bible
de Jérusalem, la TOB et Osty le traduisent également par « remettre » : « Tout m’a été
remis par mon Père »… Nous voyons bien que la même réalité est évoquée ici : le Don
total du Père au Fils…

Le Père est Esprit, un Esprit qui est Vie ? Il aime le Fils et l’engendre à sa Vie,
en « Unique Engendré » (Bible de Jérusalem, Jn 1,14.18 ; 3,16.18), en lui donnant de toute
éternité la Plénitude de son Être et de sa Vie. Et c’est ainsi que le Fils, en tant qu’il se
reçoit du Père, est lui aussi Plénitude d’Esprit et de Vie comme Dieu seul peut l’être...
Jésus est donc « rempli d’Esprit Saint » par le Père (Lc 4,1), « un Esprit qui est Vie »
(Ga 5,25), « un Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,7) et cela, depuis toujours et pour
toujours…
Jn 5,26 : Ὥσπερ γὰρ ὁ πατὴρ ἔχει ζωὴν ἐν ἑαυτῷ,
Comme en effet le Père a (la) vie en lui-même
οὕτως καὶ τῷ υἱῷ ἔδωκεν ζωὴν ἔχειν ἐν ἑαυτῷ.
de même aussi au Fils il a donné (la) vie avoir en lui-même.

Jn 6,57 : « ζῶ διὰ τὸν πατέρα, je vis par le Père »…


Toute la rencontre de Jésus avec la Samaritaine est révélation de ce Mystère,
6 Et le Fils « Sauveur du monde » (Jn 4,42 ; 3,16-17) veut révéler le Père à tout homme (1Tm 2,3-6) : « Voilà ce
qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur, (4) lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à
la connaissance de la vérité. (5) Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ
Jésus, homme lui-même, (6) qui s'est livré en rançon pour tous. »

28
en actes et en paroles :
- En actes, car Jésus est « assis près du puits », comme il est de toute
éternité « près du Père », « tourné vers le sein du Père », « demeurant en son Amour »,
« recevant l’Esprit » (Jn 7,29 ; 1,18 ; 15,10 ; Ac 2,33), car le Père est pour lui « Source
éternelle d’Eau Vive » (Jr 2,13 ; 17,13), « l’Eau Vive » de « l’Esprit qui vivifie ».

- En paroles, car après avoir commencé à parler avec la Samaritaine,


bravant ainsi deux interdits (Un Juif ne parle pas à un Samaritain ; un homme n’engage jamais
la discussion avec une femme seule), il dit à la Samaritaine (Jn 4,10) :

A - « Si tu savais le Don de Dieu A – Jésus évoque le Don de Dieu


B - et qui est celui qui te dit : B - et dit à la Samaritaine :
C - Donne-moi à boire, C – « Donne-moi à boire »
B’ - c'est toi qui l'aurais prié B’ – en espérant qu’elle le lui dira un jour
A’ - et il t'aurait donné de l'eau vive. » A’ – pour qu’il puisse lui donner le Don de Dieu.

Pour le Fils, « Dieu », c’est le Père : « Si tu savais le Don du Père »… Et Lui,


Le Fils, il le connaît bien car c’est par ce Don total que le Père fait de Lui-même de toute
éternité qu’il l’engendre en Fils ! Et ce Don du Père, c’est la Plénitude de l’Esprit
« nature divine »… Voilà ce que Jésus est venu nous proposer au Nom de son Père…
Jésus est donc « rempli d’Esprit Saint » par le Père (Lc 4,1), et cela, depuis
toujours et pour toujours. Et puisque « Dieu Est Esprit » (Jn 4,24) et « Dieu est Amour »
(1Jn 4,8.16), ces deux mots « Esprit » et « Amour » renvoient à une seule et même
réalité, « la nature divine ». En effet, en Dieu, « une est la substance, une l’essence,
une la nature, une la divinité, une l’infinité, une l’éternité, et toutes choses sont une, là où
ne se rencontre pas l’opposition d’une relation » (Concile de Florence, 1442 ; DS 1331).
Tout est donc « un » en Dieu : Esprit, Amour, Lumière, Paix, Joie… En donnant
l’Esprit le Père donne donc l’Amour. Souvenons-nous de ce que le Père dit au Fils au
moment de son baptême par Jean-Baptiste, un épisode où les foules prennent conscience
que le Don de Dieu, l’Esprit Saint qui vient du Père, repose sur Jésus en plénitude :
Mc 1,9-11 : Et il advint qu'en ces jours-là Jésus vint de Nazareth de Galilée,

29
et il fut baptisé dans le Jourdain par Jean.
(10) Et aussitôt, remontant de l'eau, il vit les cieux se déchirer
et l'Esprit comme une colombe descendre vers lui,
(11) et une voix vint des cieux :
« Tu es mon Fils bien-aimé, en toi j’ai mis tout mon amour ».

L’Esprit descend « des cieux », c’est-à-dire du Père, « vers » Jésus, le Fils, et


il « demeure sur lui » (Jn 1,32), comme le déclare Jean Baptiste en St Jean :

Jn 1,32-34 : « J'ai vu l'Esprit descendre, tel une colombe venant du ciel,


et demeurer sur lui.
Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau,
celui-là m'avait dit : Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer,
c'est lui qui baptise dans l'Esprit Saint7. » »
Et moi, j’ai vu et je témoigne que celui-ci est le Fils de Dieu. »

Et c’est bien le Mystère éternel du Fils qui, en cet instant, se révèle… En effet,
avant même toute Parole, « l’Esprit descend » du Père et « demeure » sur Lui. Tel est
l’acte éternel que le Père accomplit envers son Fils : se donner totalement à Lui en tout
ce qu’Il Est, et Il Est Esprit… La Plénitude de l’Esprit du Père est donc dans le Fils…
Puis, « du ciel une voix se fit entendre », une Parole du Père qui révèle ce que ce dernier
fait pour le Fils depuis toujours et pour toujours : « C'est toi mon Fils bien-aimé ; en toi
j'ai mis tout mon amour » (Mc 1,11).
En effet, de toute éternité le Père aime le Fils, et il n’a qu’une Parole à lui dire :
« Je t’aime ! », « C’est toi mon Fils Bien-aimé ! » Mais pour le Père, avant d’être Parole
adressée au Verbe fait chair pour nous révéler le Mystère, cet Amour est acte, Don total
de Lui-même : « Je t’aime et donc je mets en toi éternellement tout ce que Je Suis, et

7 La Bible de Jérusalem écrit en note : « Cette expression définit l’œuvre essentielle du Messie, annoncée
dès l’Ancien Testament : régénérer l’humanité dans l’Esprit Saint. Parce que l’Esprit repose sur lui,
le Messie pourra le donner aux hommes »… Nous retrouvons ainsi la mission première du Fils : inviter
les hommes à se tourner avec lui de tout cœur vers le Père pour que nous puissions recevoir, comme Lui,
ce qu’il reçoit du Père de toute éternité, ce Don de l’Esprit Saint qui le constitue en Fils. Si nous acceptons
cette démarche rendue possible par l’Amour Pur de Dieu, un Amour qui pour nous pécheurs prend
inlassablement le visage d’une Miséricorde sans limite, nous serons pleinement ce que nous sommes déjà
aux yeux du Père : ses enfants, vivant de sa Plénitude, comme le Fils…

30
Je Suis Esprit, Je Suis Amour », « en toi j’ai donc mis tout mon amour » (AELF ;
Traduction Liturgique).
Le Père est « Lumière » (1Jn 1,5) ? Il se donne totalement au Fils en tout ce
qu’Il Est ; le Fils est donc lui aussi, « Lumière née de la Lumière », avec la même
Plénitude, en tant qu’il la reçoit du Père. Et c’est ainsi qu’il peut dire de lui-même :
« Je Suis la Lumière du monde » (Jn 8,12 ; cf. Jn 12,46), « et si Je Suis ce que Je Suis,
c’est que le Père me donne, de toute éternité, d’Être ce que Je Suis »…

1 – L’engendrement du Fils exprimé avec la notion de « gloire ».

Cet engendrement éternel du Fils par le Père apparaît aussi dans le Nouveau
Testament avec la notion de « gloire » qui, dans la Bible, renvoie à Dieu Lui-même, à
ce qu’Il Est, en tant qu’il se manifeste, d’une façon ou d’une autre (cf. Excursus en fin de
document). Ainsi, par exemple, lors de la Transfiguration, St Luc écrit :

Lc 9,28-32 : Prenant avec lui Pierre, Jean et Jacques,


Jésus gravit la montagne pour prier.
(29) Et il advint, comme il priait, que l'aspect de son visage devint autre,
et son vêtement, d'une blancheur fulgurante.
(30) Et voici que deux hommes s'entretenaient avec lui : c'étaient Moïse et Élie
(31) qui, apparus en gloire, parlaient de son départ, qu'il allait accomplir à Jérusalem.
(32) Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil. S'étant bien réveillés,
ils virent sa gloire et les deux hommes qui se tenaient avec lui.

St Matthieu parle, lui, de « lumière » (Mt 17,2) : « Et il fut transfiguré devant eux :
son visage resplendit comme le soleil et ses vêtements devinrent blancs comme
la lumière. » Notons le « comme » doublement répété… Les meilleurs mots pour décrire
ce qu’ils ont perçu étaient « soleil », « lumière », mais ce n’était ni le soleil de ce monde,
ni la lumière de ce monde… St Marc insistera sur ce point : « Ses vêtements devinrent
resplendissants, d'une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir
une blancheur pareille » (Mc 9,3). Lumière spirituelle de ce Dieu qui Est « Esprit » et
donc, par nature, invisible à nos yeux de chair… « On ne voit bien qu'avec le cœur.
L'essentiel est invisible pour les yeux » (Antoine de St Exupéry ; Le Petit Prince).

31
Et pourtant, il s’agit bien de « voir »… « Heureux les yeux qui voient ce que vous soyez…
Bien des prophètes et des rois ont voulu le voir et ne l’ont pas vu » (Mt 13,16-17).
Et de fait, Pierre dira au nom de tous : « Maître, il est heureux que nous soyons ici »
(Mc 9,5). Ce bonheur profond est le fruit de l’Esprit qui, en cet instant, a rempli leur
cœur et leur a donné de ‘voir’ l’invisible Lumière spirituelle : « En toi est la Source de
Vie, par ta Lumière, nous voyons la Lumière » (Ps 36,10). « Dieu est Esprit, Dieu est
Lumière », cette Lumière est celle de l’Esprit dont le fruit est notamment « la joie »
(Ga 5,22 ; Lc 10,21 ; Ac 13,52 ; Rm 14,17 ; Rm 15,13 ; 1Th 1,6).
Pour la Transfiguration, St Matthieu parle de « Lumière », St Luc de « gloire ».
Et les deux termes décrivent la même réalité : « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), sa nature
divine est « Lumière ». Jésus transfiguré était pleinement « Image du Dieu invisible »
(Col 1,15), « resplendissement de sa gloire, effigie de sa substance » (Hb 1,3).
« Ces deux métaphores », explique en note la Bible de Jérusalem, « expriment l’identité
de nature entre le Père et le Fils autant que la distinction des personnes. »
Lors de la Transfiguration, cette nature divine s’est manifestée en Jésus Christ,
vrai homme et vrai Dieu : « ils virent sa gloire. » La notion de « gloire de Dieu » est
donc inséparable de celle de « nature divine » : « la gloire de Dieu » est « la nature
divine » en tant qu’elle se manifeste. Pas de « gloire de Dieu » sans « la nature divine »
qui en est la source. Dans certains versets, on peut ainsi remplacer le mot « gloire » par
l’expression « nature divine », puisque, encore une fois, la Gloire de Dieu n’est que
la manifestation, d’une manière ou d’une autre, de sa nature divine.

Jn 1,14 : « Et le Verbe s'est fait chair et il a dressé sa tente parmi nous,


et nous avons contemplé sa gloire,
gloire qu'il tient du Père comme Unique-Engendré, plein de grâce et de vérité. »

Nous pressentons ici le Mystère de la génération éternelle du Fils par le Père :


« Et nous avons contemplé sa nature divine, nature divine qu'il tient du Père comme
Unique-Engendré ». « Né du Père avant tous les siècles, il est Dieu né de Dieu, vrai Dieu
né du vrai Dieu, de même nature que le Père » (Crédo), car, de toute éternité, « le Père
aime le Fils et lui donne tout », tout ce qu’Il est : sa nature divine et donc sa gloire…

32
Nous retrouvons ce Mystère dans la prière de Jésus à son Père, juste avant
sa Passion :

Jn 17,20-26 : « Père, je ne prie pas pour eux seulement »


(les disciples qui l’entourent en cet instant)
« mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi,
(21) afin que tous soient un, ἵνα πάντες ἓν ὦσιν.
Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi,
qu'eux aussi soient en nous,
afin que le monde croie que tu m'as envoyé.
(22) Je leur ai donné la gloire, la nature divine, que tu m'as donnée,
ἵνα ὦσιν ἕν, καθὼς ἡμεῖς ἕν ἐσμεν.
pour qu'ils soient un comme nous un nous sommes :
(23) moi en eux et toi en moi,
ἵνα ὦσιν τετελειωμένοι εἰς ἕν
afin qu'ils soient ‘ayant été rendus parfaits’ pour (être) un
et que le monde reconnaisse que tu m'as envoyé
et que tu les as aimés comme tu m'as aimé8.
(24) Père, ceux que tu m'as donnés9,
je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi,
afin qu'ils contemplent ma gloire, ma nature divine,
que tu m'as donnée
parce que tu m'as aimé avant la fondation du monde ».

8 Et le Père aime les hommes « comme » il aime, de toute éternité, le Fils, en se donnant à eux aussi
« comme » il se donne au Fils « avant tous les siècles », « l’engendrant ainsi en Fils de même nature que
le Père » par ce Don qu’il lui fait de tout ce qu’Il Est en Lui-même... C’est pourquoi Jésus nous invite,
envers et contre tout, toujours et partout, quel que soit notre état, notre misère, à « demeurer dans
son Amour » comme Lui « demeure dans l’Amour » du Père de toute éternité (Jn 15,9-10). Et c’est le Don
du Père reçu avec Jésus et par notre foi en Lui qui accomplira en nous son œuvre, et cela selon les besoins
propres à chacun…
9 Le Père a donné au Fils le monde à sauver (Jn 3,16-17 ; 4,42 ; 1Tm 2,3-6), et il attire tout homme à
son Fils, d’une manière ou d’une autre (cf. Jn 6,44.65 ; Lc 2,27). Aujourd’hui, le Christ ressuscité participe
lui aussi activement à cette « attirance » (Jn 12,32). Mais l’homme est libre… Celles et ceux qui consentent
à cet attrait vers la Vérité et l’Amour, permettront ainsi à Dieu d’accomplir en eux ce qu’il veut faire
au cœur de tout homme : combler sa créature de l’insondable richesse de sa divinité… Et Jésus évoque ici
tout spécialement celles et ceux qui ont dit « Oui ! »… Tous les autres n’en sont pas moins aimés, désirés,
cherchés, attirés, comblés s’ils sont, de tout cœur, de bonne volonté… « Gloria in altissimis Deo et in terra
pax in hominibus bonae voluntatis, Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes
de bonne volonté » (St Jérôme, Lc 2,14).

33
2 – L’engrendrement du Fils exprimé avec la notion de « Nom ».

Nous retrouvons encore cette même réalité de l’engendrement du Fils par le Père
avec la notion de Nom… Dans la Bible, en effet, « loin d’être une désignation
conventionnelle, le nom exprime pour les anciens le rôle d’un être dans l’univers »…
Pour Dieu, « le Nom, c’est Dieu même. Dieu s’identifie tellement à son Nom qu’en en
parlant il se désigne lui-même. C’est ce Nom qui est aimé (Ps 5,12), loué (Ps 7,18),
sanctifié (Is 29,23)… Le Temple est le lieu où « Dieu a fait demeurer son Nom »
(Dt 12,5), c’est là qu’on vient en sa présence (Ex 34,23) »10…
Pour Dieu, la notion de Nom renvoie donc directement au Mystère de ce qu’Il Est
en lui-même :
Jn 12,28 : « Père, glorifie ton Nom ! »

Jn 17,6 : « J'ai manifesté ton Nom aux hommes » c’est-à-dire « Qui tu Es ! »

Jn 15,21 : « Tout cela, ils le feront contre vous à cause de mon Nom,
parce qu'ils ne connaissent pas celui qui m'a envoyé. »

« Croire en son nom », c’est croire en ce qu’Il Est, et Dieu Est Amour, un Amour
par lequel nous sommes tous appelés à nous laisser engendrer par Lui à sa Vie et cela à
l’image du Fils, « l’Unique-Engendré » du Père (Rm 8,29 ; Jn 1,14.18 ; 3,16.18) :

Jn 1,12-13 : « A tous ceux qui l'ont accueilli,


il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom,
eux qui ne furent engendrés ni du sang, ni d'un vouloir de chair,
ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu. »

Jn 2,23 : « Comme il était à Jérusalem durant la fête de la Pâque,


beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu'il faisait. »

Jn 3,16-18 : « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils, l'Unique-Engendré,
afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle.

10 DUPONT J., « Nom », Vocabulaire de Théologie Biblique, col. 827-829.

34
(17) Car Dieu n'a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde,
mais pour que le monde soit sauvé par son entremise.
(18) Qui croit en lui n'est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé,
parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils Unique-Engendré de Dieu. »

Tout comme la notion de gloire, nous pouvons donc remplacer cette notion de
« nom », si le contexte le permet, bien sûr, par celle de « nature divine » :

Jn 17,11 : Père, « je ne suis plus dans le monde ;


eux sont dans le monde, et moi, je viens vers toi.
Père saint, garde-les dans ton Nom que tu m'as donné,
ἵνα ὦσιν ἕν, καθὼς ἡμεῖς.
pour qu'ils soient un comme nous. »

« Père saint, garde-les dans ton Nom que tu m'as donné », « dans ton Esprit que
tu m'as donné », « dans ta nature divine que tu m’as donnée, δέδωκάς μοι ». Nous
avons encore ici, comme en Jn 3,15, le parfait grec du verbe « donner, δίδωμι »,
un temps qui renvoie à une action passée dont les conséquences se font toujours sentir
dans le présent du texte… Dans le contexte des relations entre le Père et le Fils, cette
notion de passé renvoie à l’acte éternel du Père qui ne cesse de donner au Fils son Nom,
son Être, sa Vie, sa « nature divine Esprit Saint », l’engendrant ainsi en Fils « de même
nature que le Père »...

3 – Etre Fils c’est, de toute éternité, « se recevoir » de l’Amour du Père

Quelques versets du Nouveau Testament nous laissent également percevoir


ce Mystère en associant au Fils le verbe « recevoir »… Si le Père donne tout ce qu’Il Est
au Fils par Amour, de toute éternité, l’engendrant ainsi en Fils, ce dernier de son côté ne
fait que « recevoir » le Don du Père… Etre Fils, c’est donc avant tout « recevoir »
d’un Autre, du Père, son Être et sa Vie… Et telle est notre vocation à tous, ce que nous
sommes déjà aux yeux de Dieu puisque nous existons, ce que nous sommes tous appelés
à devenir en Plénitude par le libre assentiment de notre foi… L’Amour ne peut nous
imposer le meilleur… A nous d’accepter de le « recevoir » gratuitement, par Amour,

35
et cela d’autant plus « gratuitement » que nous sommes tous pécheurs, et donc indignes :
« Mon Dieu, je ne suis pas digne de te recevoir » (cf. Lc 7,6-7)… Mais l’Amour de Dieu
ne s’arrête pas à tout cela : le Père ne cherche, ne désire, ne poursuit et ne travaille
qu’au bonheur de tous ses enfants…

St Pierre, en se rappelant l’épisode de la Transfiguration du Christ, écrit dans


sa Seconde Lettre, en utilisant d’ailleurs les termes que St Marc emploie pour
le baptême de Jésus par Jean-Baptiste11 :
2P 1,16-18 : Ce n'est pas en suivant des fables sophistiquées que nous vous avons
fait connaître la puissance et l'Avènement de notre Seigneur Jésus Christ, mais après
avoir été témoins oculaires de sa majesté.
(17) Λαβὼν γὰρ παρὰ θεοῦ πατρὸς τιμὴν καὶ δόξαν
(Ayant reçu en effet d’auprès Dieu Père honneur et gloire)
Il reçut en effet de Dieu le Père honneur et gloire, lorsque la Gloire pleine de majesté
lui transmit une telle parole : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur. (18)
Cette voix, nous, nous l'avons entendue ; elle venait du Ciel, nous étions avec lui sur
la montagne sainte.

Λαβὼν est le participe aoriste de λαμβάνω, « recevoir, accueillir ; obtenir ;


prendre, saisir, s’emparer de »… Dans le contexte des relations Père – Fils, relations
d’Amour éternel, il ne peut s’agir, pour le Fils, que de « recevoir » le Don gratuit12 du
Père…
Le péché d’Adam et Eve, qui est de fait notre péché à tous, est au contraire de
vouloir « prendre » de nous-mêmes, par nous-mêmes, et pour nous-mêmes, ce qui,
pensons-nous, fera notre bonheur… Autrement dit, il s’agit d’atteindre le bonheur par
nous-mêmes et cela en dehors de toute relation avec Dieu, alors que le désir de Dieu pour
chacun d’entre nous est… notre bonheur ! Dieu, en effet, nous a tous créés pour cela :
que nous partagions sa propre Plénitude, une Plénitude de Vie (Jn 10,10), de Paix
(Jn 14,27, de Joie (Jn 15,11)…

11 On perçoit ici un lien entre Marc et Pierre, Marc ayant écrit son Evangile à Rome en écoutant Pierre…
12 Mt 10,8 : « δωρεὰν ἐλάβετε, δωρεὰν δότε ; vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement »… Ap 22,17 :
« ὁ θέλων λαβέτω ὕδωρ ζωῆς δωρεάν ; que celui qui veut (consent, désire) reçoive l’Eau de la Vie,
gratuitement ».

36
Mais pour que nous puissions bénéficier de ce qu’Il Est le seul à Être en
Lui-même, cela ne peut se faire qu’en relation avec Lui, dans l’Amour, avec Lui qui, de
son côté, par Amour, ne cesse de donner, de se donner, et il nous a tous créés pour que
nous soyons comblés par ce Don gratuit de l’Amour ! C’est pour cela qu’il nous invite
inlassablement à nous laisser réconcilier avec Lui, dans l’Amour (2Co 5,16-21). Il suffit
alors que nous acceptions d’être aimés, tels que nous sommes, gratuitement, aimés et
donc comblés par le Don de l’Amour qu’il s’agira alors non pas de « prendre », mais de
« recevoir », un même verbe en grec, nous l’avons vu, « λαμβάνω »… Et l’Amour nous
comblera au-delà de toutes nos attentes (Ep 3,20-21 ; 5,18 ; Col 2,9-10)…

Nous nous souvenons que cet épisode du baptême de Jésus est comme une photo
instantanée d’une réalité éternelle : le Père se donne au Fils en tout ce qu’Il Est, et Il Est
« Esprit » (Jn 4,24)… Et le Fils se « reçoit » du Père en tout ce qu’Il Est, revêtu
« d’honneur et de gloire » comme Dieu seul peut l’être…
Souvenons-nous aussi de la notion de « gloire » de Dieu, inséparable de celle de
« nature divine » : « Il reçut en effet de Dieu le Père la nature divine et l’honneur » qui
lui est propre, une réalité de toujours et pour toujours…

Dans le Livre des Actes des Apôtres, Pierre déclare, juste après la Pentecôte :

Ac 2,32-33 : « Dieu l'a ressuscité, ce Jésus ; nous en sommes tous témoins.


(33) Et maintenant, exalté par la droite de Dieu,
τήν τε ἐπαγγελίαν τοῦ πνεύματος τοῦ ἁγίου λαβὼν παρὰ τοῦ πατρός
la promesse de l’Esprit Saint ayant reçu d’auprès du Père,
ἐξέχεεν τοῦτο.
il l'a répandu13. C'est là ce que vous voyez et entendez. »

Jésus, le Fils, « ayant reçu d’auprès du Père l’Esprit Saint »… Mais c’est
précisément ce qu’il fait depuis toujours et pour toujours : « recevoir » du Père
cette Plénitude de l’Esprit qui est celle-là même du Père, et c’est ainsi qu’il est engendré
en Fils « de même nature que le Père »…

13En grec, ἐκχέω « verser (le sang, l’eau (Mt 26,28 ; Lc 5,38) ; l’Esprit (Rm 5,5 ; Tt 3,6)) ». Nous ne sommes
donc pas loin de « l’Eau Vive de l’Esprit » (Jn 4,10-14 ; 7,37-39).

37
Dans le Livre de l’Apocalypse, « les Anges », rassemblés autour « du trône » de
Dieu, des quatre « Vivants » (Symboles de la Présence du Dieu Vivant à tout l’univers visible et
invisible, le chiffre quatre renvoyant aux quatre points cardinaux), et des Vieillards, (les hommes qui
ont fini leur vie sur cette terre et qui sont désormais dans la Lumière éternelle de Dieu), louent le Fils,
« l’Agneau égorgé » :

Ap 5,11-14 : Et ma vision se poursuivit.


J'entendis la voix d'une multitude d'Anges
rassemblés autour du trône, des Vivants et des Vieillards
- ils se comptaient par myriades de myriades et par milliers de milliers ! -
(12) et criant à pleine voix :
Ἄξιόν ἐστιν τὸ ἀρνίον τὸ ἐσφαγμένον
Digne est l’Agneau égorgé
λαβεῖν τὴν δύναμιν καὶ πλοῦτον καὶ σοφίαν
de recevoir la puissance et la richesse et la sagesse
καὶ ἰσχὺν καὶ τιμὴν καὶ δόξαν καὶ εὐλογίαν.
et la force et l’honneur et la gloire et la louange.
(13) Et toute créature, dans le ciel, et sur la terre, et sous la terre, et sur la mer,
l'univers entier, je l'entendis s'écrier :
À Celui qui siège sur le trône, ainsi qu'à l'Agneau,
la louange, l'honneur, la gloire et la puissance dans les siècles des siècles !
(14) Et les quatre Vivants disaient : Amen ! ;
et les Vieillards se prosternèrent pour adorer.

Ainsi « l’Agneau », Jésus, le Fils, « reçoit », sous entendu du Père, les attributs
propres à Dieu seul : « la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire,
et la louange » qui lui revient.
St Jean en énumère sept, un chiffre qui symbolise la Plénitude.
St Jérôme a traduit « πλοῦτος, richesse » par « divinitatem, divinité », ce qui est
alors une allusion directe à l’engendrement éternel du Fils par le Père…
L’univers entier, toutes les créatures visibles et invisibles, se prosternent alors
devant le trône et devant l’Agneau comme on se prosterne devant Dieu seul…

38
Ce texte proclame donc avec force la divinité du Fils, en tant qu’il la reçoit, sous
entendu, du Père, le Père seul pouvant lui donner ce qui est propre à Dieu seul…

Ce verbe « recevoir » intervient bien sûr très souvent dans le Nouveau


Testament pour décrire l’attitude des disciples de Jésus qui, avec lui, se tournent
vers le Père (Jn 1,18) par leur conversion continuelle, pour recevoir avec le Fils ce
que le Fils reçoit du Père de toute éternité. Alors leur vocation s’accomplira, ils seront
fils « à l’image du Fils », en étant « engendrés » par le Don de l’Esprit qui vivifie à
la Plénitude de la Vie divine comme l’est « l’Unique Engendré » « né du Père avant tous
les siècles »…

Jn 1,12-13.16-17 : « Ὅσοι δὲ ἔλαβον αὐτόν,


« A ceux (qui) ont reçu lui,
ἔδωκεν αὐτοῖς ἐξουσίαν τέκνα θεοῦ γενέσθαι,
il a donné à eux pouvoir enfants de Dieu devenir,
(13) eux qui ne furent engendrés ni du sang, ni d'un vouloir de chair,
ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu.
(16) Ὅτι ἐκ τοῦ πληρώματος αὐτοῦ ἡμεῖς πάντες ἐλάβομεν,
« Car de (hors de) la Plénitude de lui nous tous nous avons reçu
καὶ χάριν ἀντὶ χάριτος.
et grâce après grâce.
(17) Car la Loi fut donnée par l'entremise de Moïse,
la grâce et la vérité advinrent par l'entremise de Jésus Christ. »

La grâce et la vérité renvoient ici à la Plénitude de Celui qui est « le Chemin,


la Vérité et la Vie » (Jn 14,6), cette Plénitude du Dieu Véritable qui est Vie tout entière
donnée pour notre Vie…

Ac 2,37-39 : « Frères, que devons-nous faire ?


(38) Pierre leur répondit : Repentez-vous,
et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ
pour la rémission de ses péchés,
καὶ λήμψεσθε τὴν δωρεὰν τοῦ ἁγίου πνεύματος.
et vous recevrez le don du Saint Esprit.

39
(39) Car c'est pour vous qu'est la promesse,
ainsi que pour vos enfants et pour tous ceux qui sont au loin,
en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera.

Ac 8,14-17 : Apprenant que la Samarie avait accueilli la parole de Dieu,


les apôtres qui étaient à Jérusalem y envoyèrent Pierre et Jean.
(15) Ceux-ci descendirent donc chez les Samaritains et prièrent pour eux,
ὅπως λάβωσιν πνεῦμα ἅγιον…
afin qu’ils reçoivent l’Esprit Saint…
(17) Alors Pierre et Jean se mirent à leur imposer les mains,
et ils recevaient l'Esprit Saint, καὶ ἐλάμβανον πνεῦμα ἅγιον.

4 – Engendrement du Fils par le Père : la conception virginale du Fils en Marie

Ce principe éternel de l’engendrement du Fils par le père préside à l’Incarnation


du Fils en Marie… Le Fils est celui qui se reçoit entièrement du Père en Tout ce qu’Il
Est, et cela de toute éternité ? Au jour de l’Incarnation, il en sera de même, et « l’Esprit
Saint » nature divine « viendra sur toi », Marie, « et la Puissance du Très Haut14 te
prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de
Dieu ».
Et tel est bien le Mystère du Fils : se recevoir en tout son être du Don éternel que
le Père, dans son Amour, fait de Lui-même, et le Père est Esprit (Jn 4,24), et le Père est
Saint. Ainsi, Jésus se reçoit-il du Père par le Don de l’Esprit Saint tout à la fois en « vrai
Dieu né du vrai Dieu », et, en vrai homme toujours « né du vrai Dieu », avec
la collaboration de Marie…
La conception virginale de la Vierge Marie est donc un Mystère inhérent
au Mystère de Dieu Lui-même…
Et de l’Esprit Saint et de Marie Sainte car « Comblée de Grâce », sanctifiée dès
le premier instant de sa conception de telle sorte qu’en elle « Dieu est Tout »
(1Co 15,28), naîtra « le Saint » en tout son être : le Fils, vrai Dieu et vrai homme…

14Noter le parallèle, fréquent dans le Nouveau Testament, entre l’Esprit Saint et la Puissance, la Force
(Lc 1,17 avec 1,15 ; 4,14 ; Ac 1,8 ; 10,38 ; Rm 1,4 ; 1Co 2,4 ; Ep 3,16 ; 1Th 1,5 ; 2Tm 1,7).

40
B) L’Esprit Saint procède éternellement du Père et du Fils

« Dieu Est Amour » (1Jn 4,8.16)… Le Père est donc « Amour », « Amour » qui se
donne totalement au Fils, en tout ce qu’Il Est et cela de toute éternité… Le Fils est donc
pleinement « Amour » lui aussi, comme le Père, en tant qu’il se reçoit de lui. Or « aimer,
c’est » pour Dieu Père et Fils, « tout donner et se donner soi-même » (Ste Thérèse de
Lisieux ; Jn 3,35) et cela au sens littéral, comme Dieu seul sait le faire.
Le Fils, en se recevant Lui-même tout entier du Père comme Etant Lui aussi
« Amour », va donc recevoir avec le Don de cet Amour pleinement divin la capacité de
« tout donner et de se donner soi-même », au sens littéral, comme Dieu seul peut le faire.

Nous pressentons cette réalité dans le discours de Pierre à la foule, le jour de


la Pentecôte :
Ac 2,32-33 : « Dieu l'a ressuscité, ce Jésus; nous en sommes tous témoins.
(33) Et maintenant, exalté par la droite de Dieu, il a reçu du Père l'Esprit Saint,
objet de la promesse, et l'a répandu. C'est là ce que vous voyez et entendez. »

Nous avons aussi « quelque chose » de ce Mystère en Jn 17,1-2, avec


le vocabulaire de « la vie ». Rappelons donc quelques versets de St Jean avant de les lire,
pour deviner en eux ce Don que le Fils fait de lui-même sur la base de ce qu’il reçoit
éternellement du Père, en Fils « né du Père avant tous les siècles, engendré non pas créé,
de même nature que le Père » :

Jn 5,26 : « Comme le Père a la vie en lui-même,


de même a-t-il donné au Fils d'avoir aussi la vie en lui-même. »
Jn 6,57 : « Je vis par le Père »…
Jn 6,63 : « C’est l’Esprit qui vivifie »…
Jn 17,1-2 : « Ainsi parla Jésus, et levant les yeux au ciel, il dit :
Père, l'heure est venue : glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie
(2) et que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair,
il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés ! »

41
Jésus donne la Vie qu’il a lui-même reçue du Père, une Vie qui est Esprit. Jésus
donne donc l’Esprit « nature divine » (Jn 4,24), cet Esprit qu’il reçoit du Père de toute
éternité, un Esprit par lequel le Père l’engendre en Fils « de même nature que le Père »,
« Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu »…

Et c’est « là » que notre Crédo nous invite à contempler « l’origine éternelle » de


la Troisième Personne divine, l’Esprit Saint :

• « Il procède du Père », du Don éternel que le Père fait de Lui-même.


Nous le percevons en Jn 15,26 :
« τὸ πνεῦμα τῆς ἀληθείας, ὃ παρὰ τοῦ πατρὸς ἐκπορεύεται »…
« L’Esprit de vérité, qui d’auprès du Père sort »…
TOB : « L’Esprit de vérité qui procède du Père »…

• … « et du Fils », du Don éternel que le Fils fait de Lui-même, sur la base


de ce qu’il reçoit du Père, sa capacité à donner étant encore un Don du Père…

Le Concile de Florence (1439 ; DS 1300-1301 ; CEC 246) déclare ainsi :


« Le Saint-Esprit est éternellement du Père et du Fils ; il tient son essence et son être
subsistant du Père et du Fils à la fois ; il procède éternellement de l'un et de l'autre
comme d'un seul principe… Le Fils aussi est le principe de la subsistance du
Saint-Esprit, aussi bien que le Père. Et puisque tout ce qui est du Père, le Père lui-même
l'a donné à son Fils unique en l'engendrant, sauf le fait d'être Père, ceci même que
le Saint-Esprit procède du Fils, le Fils lui-même le tient éternellement du Père par lequel
il a été aussi éternellement engendré. »

Le Père est pleinement Dieu, tout comme le Fils et l’Esprit Saint, au sens où
chacun d’eux vit et s’exprime, de toute éternité, avec la même Plénitude de l’unique
nature divine. « En raison de cette unité, le Père est tout entier dans le Fils, tout entier
dans le Saint Esprit, le Fils est tout entier dans le Père, tout entier dans le Saint Esprit,
le Saint Esprit, tout entier dans le Père, tout entier dans le Fils. Aucun ne précède l’autre
par son éternité ou ne l’excède en grandeur ou ne le surpasse en pouvoir. Car c’est
éternellement et sans commencement que le Fils naît du Père, éternellement et sans
commencement que le Saint Esprit procède du Père et du Fils.

42
Tout ce que le Père est ou a, il l’a non pas d’un autre, mais de soi, et il est principe
sans principe. Tout ce que le Fils est ou a, il l’a du Père et il est principe issu d’un
principe. Tout ce que le Saint Esprit est ou a, il l’a à la fois du Père et du Fils. Mais le
Père et le Fils ne sont pas deux principes du Saint Esprit, mais un seul principe, de même
que le Père, le Fils et le Saint Esprit ne sont pas trois principes de la créature, mais un
seul principe » (Concile de Florence ; DS 1331).
Ainsi, en tant « qu’engendré » par le Père, ce dernier ne peut qu’avoir, pour
le Fils, une primauté d’amour… Et il en est de même de l’Esprit Saint vis-à-vis du Père
et du Fils…
Cette primauté d’amour, nous la percevons parfois dans le Nouveau Testament,
notamment en St Jean. Remarquons la progression de sa pensée au fur et à mesure que
l’Esprit Saint est évoqué : Jn 14,15-17 ; 14,26 ; 15,26 ; 16,7-15.

1 – La primauté du Père sur l’Esprit Saint :

Jn 14,15-16 : « Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements15 ; et je prierai


le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu'il soit avec vous à jamais »...

Le Père donne le Paraclet aux hommes, comme il leur a aussi donné son Fils…

Jn 6,32-33.35 : « En vérité, en vérité, je vous le dis », déclare Jésus,


« non, ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain qui vient du ciel ;
mais c'est mon Père qui vous donne le pain qui vient du ciel, le vrai ;
(33) car le pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel
et donne la vie au monde… (35) Je Suis le Pain de Vie »…

Et le Fils et l’Esprit Saint n’ont qu’un seul désir : accomplir par amour et dans
l’amour « la volonté du Père » qui n’est qu’amour… Et le Père œuvre activement dans
l’accomplissement de cette volonté, en Serviteur du Fils et de l’Esprit Saint :

15 On se souvient que « le commandement » de Jésus est « vie », une invitation pressante à la « vie » :
« Je sais que son commandement », dit-il en parlant du Père, « est vie éternelle » (Jn 12,50). Et cette vie de Dieu
et en Dieu est amour. Elle ne peut donc se déployer pleinement que dans le cadre de l’amour, d’où
la mise en avant première du « commandement » de l’amour (Mt 22,34-40). Or l’amour, par sa nature
même, exclue toute contrainte, quelle qu’elle soit…

43
Jn 6,37-40 : « Tout ce que me donne le Père » disait Jésus « viendra à moi »,
car « nul ne peut venir à moi si le Père qui m'a envoyé ne l'attire » (Jn 6,44 ; cf. 6,65) ;
et celui qui vient à moi, je ne le jetterai pas dehors ;
(38) car je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté,
mais la volonté de celui qui m'a envoyé.
(39) Or c'est la volonté de celui qui m'a envoyé
que je ne perde rien de tout ce qu'il m'a donné, »
- et le Père a donné au Fils le monde à sauver (Jn 3,16-17 ; 1Tm 2,3-6 avec Jn 4,34) -
mais que je le ressuscite au dernier jour.
(40) Oui, telle est la volonté de mon Père, que quiconque voit le Fils et croit en lui
ait la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour.

Que Jésus soit « l’envoyé du Père » montre la primauté du Père sur le Fils, et
cet aspect est très fortement souligné en St Jean16. Jésus disait ainsi à ses disciples :

Jn 4,34 : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé


et de mener son œuvre à bonne fin. »
Jn 5,30 : « Je ne cherche pas ma volonté,
mais la volonté de celui qui m'a envoyé. »

L’amour ne regarde en effet que l’être aimé et ne cherche qu’à l’aimer davantage
en accomplissant ce qui lui plaît, ce qui lui fait plaisir. C’est ainsi que Jésus est tout
entier regard vers le Père, Serviteur du Père, en tout et pour tout :

Jn 8,28-29 : « Jésus leur dit donc : Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme,
alors vous saurez que Je Suis et que je ne fais rien de moi-même,
mais je dis ce que le Père m'a enseigné,
(29) et celui qui m'a envoyé est avec moi ;
il ne m'a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui plaît. »

16 Outre Jn 4,34 et 5,30, Jésus apparaît aussi comme étant l’envoyé du Père avec « πέμπω » en
Jn 5,23-24.37 ; 6,38.39.44 ; 7,16.18.28.33 ; 8,16.18.26.29 ; 9,4 ; 12,44-45.49 ; 13,20 ; 14,24.26 ; 15,21 ; 16,5.
Avec ἀποστέλλω : 3,17.34 ; 5,36.38 ; 6,29.57 ; 7,29 ; 8,42 ; 9,7 ; 10,36 ; 11,42 ; 17,3.8.18.21.23.25 ; 20,21.

44
Et même pour ce qui est de prendre la décision de « parler », Jésus le fait en
obéissance d’amour au Père :

Jn 7,16-18 : Jésus disait : « Ma doctrine n'est pas de moi, mais de celui qui m'a envoyé.
(17) Si quelqu'un veut faire sa volonté, il reconnaîtra si ma doctrine est de Dieu
ou si je parle de moi-même (ἢ ἐγὼ ἀπ’ ἐμαυτοῦ λαλῶ).
(18) Ὁ ἀφ’ ἑαυτοῦ λαλῶν, τὴν δόξαν τὴν ἰδίαν ζητεῖ :
Celui qui parle de lui-même cherche sa propre gloire ;
mais celui qui cherche la gloire de celui qui l'a envoyé,
celui-là est véridique et il n'y a pas en lui d'imposture. »

L’expression « je parle de moi-même » est ici « ἀπ’ ἐμαυτοῦ λαλῶ » ou « ἀφ’


ἑαυτοῦ λαλῶ ». Dans les deux cas en effet, ἀπ’ et ἀφ’ renvoient à la préposition ἀπὸ
dont le sens premier est « en partant de ». Le point de départ du fait que Jésus parle n’est
pas à chercher en lui-même mais dans le Père, tout comme la Parole même qu’il donne…
La même préposition apparaît lorsque Jésus dit qu’il n’est pas venu de lui-même, mais
c’est le Père, précise-t-il qui l’a envoyé :

Jn 7,28-29 : « Alors Jésus, enseignant dans le Temple, s'écria :


Vous me connaissez et vous savez d'où je suis
(καὶ ἀπ’ ἐμαυτοῦ οὐκ ἐλήλυθα) ;
et pourtant ce n'est pas de moi-même que je suis venu,
mais celui qui m'a envoyé est véridique.
Vous, vous ne le connaissez pas.
(29) Moi, je le connais, parce que je suis près de lui (ὅτι παρ’ αὐτοῦ εἰμι)
et c'est lui qui m'a envoyé. »

Et ce que nous venons de dire de Jésus est tout aussi valable pour l’Esprit Saint :

Jn 16,13 : οὐ γὰρ λαλήσει ἀφ’ ἑαυτοῦ,    


Il ne parlera pas de lui-même,
mais ce qu'il entendra, il le dira…

Et qu’entend-il ? La Parole du Père donnée par le Fils…

45
Jn 14,26 : « Lui vous enseignera tout
et vous rappellera tout ce que je vous ai dit ».
Jn 12,50 : « Or, ce que je dis, tel que le Père me l’a dit, je le dis ».
Jn 8,26 : « Celui qui m'a envoyé est véridique
et je dis au monde ce que j'ai entendu de lui ».
Jn 8,38.40 : « Je dis ce que j’ai vu chez mon Père…
Je vous ai dit la vérité que j’ai entendue de Dieu »17.
Jn 15,26 : « L’Esprit de Vérité qui vient du Père me rendra témoignage »…
Jn 16,14 : « Lui me glorifiera »…

En rappelant la Parole du Fils, en se faisant ainsi le Serviteur du Fils, « il rendra


témoignage au Fils », « il glorifiera le Fils », manifestant ainsi la primauté d’Amour que
le Fils a à ses yeux, Lui qui « procède du Père et du Fils » (Crédo)…
Même si le texte de St Matthieu n’est pas aussi précis que celui de St Jean, nous
percevons cette primauté du Père sur l’Esprit en Mt 10,19-20 : « Lorsqu'on vous livrera,
ne cherchez pas avec inquiétude comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire
vous sera donné sur le moment, car ce n'est pas vous qui parlerez, mais l'Esprit de
votre Père qui parlera en vous. »
De même en St Luc, lorsque Jésus tressaille de Joie sous l’action de l’Esprit Saint,
ce n’est pas à l’Esprit Saint qu’il rend grâce mais au Père (Lc 10,21-22) : « Jésus tressaillit
de joie sous l'action de l'Esprit Saint et il dit : Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre. »

2 – Primauté du Père sur l’Esprit Saint avec la collaboration du Fils

Jn 14,26 : « Le Paraclet, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom,


lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. »

Le Père est donc toujours premier, c’est Lui qui envoie l’Esprit Saint, mais le Fils
intervient lui aussi en tant que ce Paraclet est envoyé « en son nom »… La primauté du
Fils sur l’Esprit apparaît…

17Jésus est le témoin fidèle du Père. Tout entier « tourné vers le sein du Père » (Jn 1,18), il ne fait que dire ce
qu’il a vu en le regardant, ce qu’il a entendu en l’écoutant, en parfait témoin du Père : « Celui qui vient du
Ciel témoigne de ce qu’il a vu et entendu », dira Jean-Baptiste de Jésus (Jn 3,32), le « témoin fidèle » du Père
(Ap 1,5). Et le Père, tout regard vers le Fils, ne cesse de rendre témoignage au Fils avec l’Esprit Saint…

46
Notons qu’agir « au nom » de quelqu’un sous entend une priorité à définir selon
le contexte de ce quelqu’un vis-à-vis de celui qui agit en son nom18… Jésus dira ainsi
« Je suis venu au nom de mon Père » (Jn 5,43), envoyé par le Père, en obéissance
d’amour au Père (Rm 5,19 ; Hb 5,8) avec pleine autorité de sa part (Mc 1,22.27) pour
transmettre sa Parole et accomplir son œuvre (Jn 4,34 ; 10,25). Mais ici, c’est le Père qui
agit « au nom » du Fils…
Or Jésus a révélé que pour Dieu, être « Seigneur et Maître » de quelqu’un, c’est
« l’aimer jusqu’à l’extrême de l’amour », en lui lavant, par exemple, les pieds
(Jn 13,1-15), c’est-à-dire en accomplissant à son égard le service le plus humble qui soit,
dans la recherche de son seul bien... Et c’est aussi « donner sa vie » pour lui (Jn 15,13).
On pressent comment le Père est « Seigneur et Maître » de son Fils, en l’aimant jusqu’à
l’extrême de l’Amour. Déjà, il ne cesse de se donner tout entier à Lui pour l’engendrer en
Fils. Mais il se fait encore son Serviteur, en agissant pour lui de tout son Être, pour que
sa Mission porte tous ses fruits…
Le Fils lui dit : « Père, je t’ai glorifié sur la terre en menant à bonne fin l’œuvre
que tu m’as donné de faire » (Jn 17,4) ? Le Père déclare à son sujet : « Je l’ai glorifié et
de nouveau je le glorifierai » (Jn 12,28). C’est ainsi que le Père vit la primauté d’amour
à l’égard de son Fils, en étant tout entier pour Lui…

3 – Primauté du Fils sur l’Esprit Saint, celle du Père étant fortement rappelée

Jn 15,26 : Ὅταν ἔλθῃ ὁ παράκλητος,


Quand viendra le Paraclet,
ὃν ἐγὼ πέμψω ὑμῖν παρὰ τοῦ πατρός19,
que moi j’enverrai à vous près du Père,

18 En Mt 15,3 et 15,6, c’est la Tradition pervertie des Pharisiens qui a autorité, qui prime, sur la Parole de
Dieu.
19 Souvenons-nous en Jn 7,29, le Fils vivant dans la chair au milieu des hommes disait : « παρ’ αὐτοῦ
εἰμι : je suis près de lui », « παρ’ » étant l’abréviation de παρὰ. Ici, lorsqu’il évoque sa proximité avec
le Père après sa mort, sa résurrection, son ascension, il déclare encore : « Le Paraclet que je vous enverrai
d’auprès du Père, παρὰ τοῦ πατρός ». Dans la foi, Jésus était donc « près du Père » comme il le sera encore
après sa mort et sa résurrection, comme il l’est en fait depuis toujours… Or le Fils est la révélation
parfaite de ce que nous sommes tous appelés à vivre ! Il en est donc de même pour nous aujourd’hui
dans la foi ! Elisabeth de la Trinité écrivait ainsi : « C’est si bon cette Présence de Dieu ! C’est là, tout au
fond, dans le Ciel de mon âme, que j’aime le trouver puisqu’Il ne me quitte jamais… » « J’ai trouvé le ciel
sur la terre puisque le ciel c’est Dieu et Dieu est dans mon âme »… « Vous êtes vous-mêmes la retraite où
Il s’abrite, la demeure où il se cache ».

47
τὸ πνεῦμα τῆς ἀληθείας, ὃ παρὰ τοῦ πατρὸς ἐκπορεύεται,
l'Esprit de vérité, le près du Père il sort
ἐκεῖνος μαρτυρήσει περὶ ἐμοῦ :
celui-là rendra témoignage au sujet de moi

La primauté du Fils sur l’Esprit Saint est ici fortement soulignée, avec toujours,
pour le Fils, l’indication claire, dans sa Parole même, de la primauté du Père à son égard,
et de la primauté du Père sur l’Esprit Saint… Le Père est bien « la source et l’origine de
toute la divinité » (Concile de Tolède VI en 638 ; DS 490).

Nous avons la même logique dans l’œuvre de St Luc :

Lc 24,49 : Καὶ ἐγὼ ἀποστέλλω τὴν ἐπαγγελίαν τοῦ πατρός μου ἐφ’ ὑμᾶς
Et moi j’envoie la promesse du Père de moi sur vous.
Ac 2,33 : … τήν τε ἐπαγγελίαν τοῦ πνεύματος τοῦ ἁγίου
la promesse de l’Esprit Saint
λαβὼν παρὰ τοῦ πατρός, ἐξέχεεν τοῦτο…  
ayant reçu d’auprès du Père, il a répandu ceci…

L’expression « sur vous » en Lc 24,49 renvoie ici davantage à la grâce donnée,


mais nous pressentons ici l’autorité du Fils sur « l’envoi » de l’Esprit, avec à nouveau
l’ensemble rattaché au Père comme Source première de tout, « la promesse du Père »…
L’expression finale « sur vous » pointe davantage sur le fruit de cette action divine
au cœur des disciples, c’est-à-dire sur le Don de « l’Esprit Saint nature divine » proposé à
leurs cœurs : « Vous allez recevoir une force, celle de l'Esprit Saint qui descendra sur
vous » (Ac 1,8). Nous sommes très proches du baptême de Jésus où « l’Esprit Saint
descendit sur lui » (Lc 3,22)… Les disciples de Jésus sont donc appelés à vivre eux
aussi, selon leur condition de créature, ce que le Fils éternel du Père a vécu en
son humanité… Le Fils fait chair, est donc vraiment le modèle, l’exemple parfait de ce
que nous sommes tous appelés à vivre dès ici-bas, dans la foi et par notre foi… Il est
« le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,16). « Et nous savons qu'avec ceux qui l'aiment,
Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux qu'il a appelés selon son dessein. Car
ceux que d'avance il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l'image de son
Fils, afin qu'il soit l'aîné d'une multitude de frères » (Rm 8,28-29)…

48
Jn 16,7 : Jésus disait à ses disciples : « je vous dis la vérité : c'est votre intérêt que
je parte; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, je
vous l'enverrai, ἐὰν δὲ πορευθῶ,  πέμψω αὐτὸν πρὸς ὑμᾶς.

Ainsi, « l’origine éternelle de l’Esprit se révèle dans sa mission temporelle.


L’Esprit Saint est envoyé aux apôtres et à l’Église aussi bien par le Père au nom du Fils,
que par le Fils en personne, une fois retourné auprès du Père (cf. Jn 14,26 ; 15,26 ;
16,14). L’envoi de la personne de l’Esprit après la glorification de Jésus (cf. Jn 7,39)
révèle en plénitude le mystère de la Sainte Trinité » (CEC & 244).

4) « Je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la Vie »…

Ce que nous venons de voir du Fils vis-à-vis de son Père sera également vrai de
l’Esprit Saint vis-à-vis du Père et du Fils. « Dieu Est Amour » (1Jn 4,8.16), et donc :
• Sur la base de ce qu’il reçoit du Père de toute éternité, le Fils reçoit d’être
Lui aussi Amour, et il reçoit également avec ce Don la capacité de se donner Lui-même,
comme Dieu seul peut le faire.
• Sur la base de ce qu’il reçoit du Père et du Fils de toute éternité,
l’Esprit Saint reçoit d’être Lui aussi Amour, et il reçoit également avec ce Don
la capacité de se donner Lui-même, comme Dieu seul peut le faire.

« L’Esprit Saint », Troisième Personne de la Trinité, ne cesse donc lui aussi de se


donner Lui-même, de donner Tout ce qu’Il Est, Tout ce qu’il reçoit du Père et du Fils,
Tout ce qui le constitue lui aussi en « Seigneur » et « vrai Dieu », « de même nature
que le Père » et le Fils. Or « Dieu Est Esprit » (Jn 4,24), et Dieu Est « Saint »
(Lv 11,44-45 ; 19,2 ; 20,26 ; 21,8 ; 1P 1,16). « L’Esprit Saint » Personne divine ne cesse
ainsi de donner « l’Esprit Saint » nature divine, un Esprit qui est Amour, Lumière, Vie,
Paix… « L’Esprit Saint » (Personne divine) « se cache derrière ses dons » (P. Yves Congar),
des dons qui peuvent se résumer dans « le Don de Dieu » (Jn 4,10 ; Ac 8,20), le Don de
l’Esprit Saint nature divine (Jn 3,34 ; Ac 2,38 ; 10,45 ; 1Th 4,8 ; Hb 6,4), un Esprit qui
est Vie (Ga 5,25 ; 2Co 3,6 ; Jn 6,63). Et notre Crédo déclare : « Je crois en l’Esprit Saint
qui est Seigneur et qui donne la Vie »…

49
Chacun ensuite, en recevant ce Don unique de cette Vie unique, de cette nature
divine unique, donnera des fruits qui lui sont propres, selon ses talents et sa vocation.
Ce sont « les charismes » (1Co 12)… Mais tous, dans leur diversité, seront « amour, joie,
paix, patience, bonté, bienveillance, douceur » (Ga 5,22)…

« L’Esprit Saint » Personne divine donne donc « l’Esprit Saint » nature divine.
St Jean aborde ce Mystère du point de vue du Fils, à partir de ce que le Fils dit à
ses disciples :

Jn 16,12-15 (TOB) : J'ai encore bien des choses à vous dire


mais vous ne pouvez les porter maintenant ;
(13) lorsque viendra l'Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière.
Car il ne parlera pas de son propre chef, mais il dira ce qu'il entendra
et il vous communiquera tout ce qui doit venir.
(14) Il me glorifiera car il recevra de ce qui est à moi et il vous le communiquera.
(15) Tout ce que possède mon Père est à moi ;
c'est pourquoi j'ai dit qu'il vous communiquera ce qu'il reçoit de moi.

« οὐ γὰρ λαλήσει ἀφ’ ἑαυτοῦ, ἀλλ’ ὅσα ἂν ἀκούσει λαλήσει,


Il ne parlera pas de son propre chef, mais il dira ce qu'il entendra »…

Jésus lui aussi n’a pas parlé de son propre chef :


Jn 7,16-18 : « Ma doctrine n'est pas de moi, mais de celui qui m'a envoyé.
(17) Si quelqu'un veut faire sa volonté, il reconnaîtra si ma doctrine est de Dieu
ἢ ἐγὼ ἀπ’ ἐμαυτοῦ λαλῶ.
ou si je parle de mon propre chef.
(18) Ὁ ἀφ’ ἑαυτοῦ λαλῶν,
Celui qui parle de son propre chef cherche sa propre gloire ;
mais celui qui cherche la gloire de celui qui l'a envoyé,
celui-là est véridique et il n'y a pas en lui d'imposture.

Jésus ne faisait que donner des Paroles qu’il avait lui-même reçues du Père :
Jn 12,50 : « Ce que je dis, je le dis comme le Père me l’a dit ».

50
Jn 17,8 : Père, « les paroles que tu m’as données, je les leur ai données »…

L’Esprit Saint poursuivra auprès des disciples l’œuvre de Jésus :


Jn 14,26 : « Le Paraclet, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom,
lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. »

Et l’Esprit Saint « recevra ce qui est à moi » (16,14), dit le Fils, une réalité
éternelle en fait puisque l’Esprit Saint « procède du Père et du Fils ». Il reçoit donc du
Père et du Fils, « il reçoit de moi » (16,15 ; présent éternel), d’Etre ce qu’Il Est, et cela
depuis toujours et pour toujours…
« Il recevra ce qui est à moi et il vous le communiquera », mais précise aussitôt
Jésus, « tout ce que possède mon Père est à moi » en tant que le Père ne cesse de
se donner totalement au Fils, gratuitement, par amour, l’engendrant ainsi en Fils « vrai
Dieu né du vrai Dieu, de même nature que le Père »… « Tout ce que possède le Père »,
c’est donc la nature divine qu’il donne au Fils en l’engendrant en Fils, et le Fils à
son tour, en union avec son Père, donne cette nature divine à l’Esprit Saint, qui procède
ainsi du Père et du Fils « comme d’un unique principe » (CEC 248)… L’Esprit Saint
« recevra ce qui est à moi », en fait « il reçoit de moi » de toute éternité cette nature
divine qui le constitue lui aussi en « Seigneur » et vrai Dieu, « et il vous le
communiquera ».

Toute l’œuvre de l’Esprit Saint est donc de nous communiquer la nature divine
qu’il reçoit (du Père et) du Fils, une nature divine que le Fils Lui-même reçoit du Père
« avant tous les siècles »…
Et n’oublions jamais que les spécificités que nous pouvons attribuer à l’une ou
à l’autre des Trois Personnes divines (Seul le Fils s’est fait chair !) ne peuvent qu’être
considérées dans ce Mystère d’Unité dans l’Amour qui les unit de toute éternité…
« Moi et le Père nous sommes un », dans l’Être et dans l’action (Jn 10,30). « Moi,
le Père » et l’Esprit Saint, « nous sommes un », dans l’Être et dans l’action…
Le résultat pour celui ou celle qui dira un « oui » de tout cœur au Don de Dieu,
un « oui » qui engage toute sa vie, sera un « engendrement » à une vie nouvelle, la Vie
même de Dieu, la Vie éternelle, la Vie de cet Esprit « nature divine » qui Est Vie

51
(Ga 5,25 ; 2Co 3,6 ; Jn 6,63), celle pour laquelle Dieu nous a tous créés. « Je crois en
l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie » en donnant l’Esprit Saint nature
divine…
C’est ainsi qu’ « il vous communiquera tout ce qui doit venir », par delà notre
‘mort’… Et ce qui doit venir est Mystère de Communion avec Dieu dans l’unité
d’un même « Esprit Saint » nature divine, un « Esprit Saint » qui est « Lumière »
(1Jn 1,5) et Vie (Jn 8,12 ; 6,63)… « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie » (Ste Thérèse de
Lisieux)… Tel est « le Royaume des Cieux », un Mystère de Communion avec Dieu et
entre nous dans l’unité d’un même Esprit, d’une même Vie, celle de Dieu…
Et il commence dès maintenant sur cette terre, « en énigme » (1Co 13,12), dans la foi et
par notre foi, par l’accueil du Don de l’Esprit Saint…

Rm 14,17 : « Le Royaume de Dieu n'est pas affaire de nourriture ou de boisson,


il est justice, paix et joie dans l'Esprit Saint », « dans l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3).

Jn 1,12-13 : A tous ceux qui l'ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants
de Dieu, à ceux qui croient en son nom, (13) eux qui ne furent engendrés ni du sang, ni
d'un vouloir de chair, ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu.

Jn 3,5-8 : « En vérité, en vérité, je te le dis », disait Jésus à Nicodème, « à moins


de naître d'eau et d'Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. (6) Ce qui est né
de la chair est chair, ce qui est né de l'Esprit est esprit. (7) Ne t'étonne pas, si je t'ai dit :
Il vous faut naître à nouveau. (8) Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais
tu ne sais pas d'où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l'Esprit. »

Tt 2,4-7 : « Le jour où apparurent la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour


pour les hommes, (5) il ne s'est pas occupé des œuvres de justice que nous avions pu
accomplir, mais, poussé par sa seule miséricorde, il nous a sauvés par le bain de
la régénération et de la rénovation en l'Esprit Saint. (6) Et cet Esprit, il l'a répandu sur
nous à profusion, par Jésus Christ notre Sauveur, (7) afin que, justifiés par la grâce du
Christ, nous obtenions en espérance l'héritage de la vie éternelle. »

52
2P 1,3-4 (TOB) : « La puissance divine nous a fait don tout ce qui est nécessaire à
la vie et à la piété en nous faisant connaître celui qui nous a appelés par sa propre gloire
et sa puissance agissante. (4) Par elles, les biens du plus haut prix qui nous avaient été
promis nous ont été accordés, pour que par ceux-ci vous entriez en communion avec
la nature divine », « vous deveniez ainsi participants de la divine nature, vous étant
arrachés à la corruption qui est dans le monde, dans la convoitise » (BJ).

« Hâte-toi donc de devenir participant de l’Esprit Saint » (Grégoire de Naziance),


car telle est toute l’œuvre de l’Esprit Saint « Personne divine » : nous donner
gratuitement, par amour, l’Esprit Saint (nature divine), mais ce Don implore de nous un
choix continuel : renoncer de tout cœur, avec son aide, à tout ce qui lui est contraire…

Tout homme vit du Souffle de Dieu, l’Esprit Saint (Gn 2,4b-7)

Genèse 2,4b-7 : « Au temps où le Seigneur Dieu fit la terre et le ciel, il n'y avait
encore aucun arbuste des champs sur la terre et aucune herbe des champs n'avait encore
poussé, car Yahvé Dieu n'avait pas fait pleuvoir sur la terre et il n'y avait pas d'homme
pour cultiver le sol. Toutefois, un flot montait de terre et arrosait toute la surface du sol.
Alors le Seigneur Dieu modela l'homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines
une haleine de vie (néshamah : haleine, souffle) et l'homme devint un être vivant. »

Lorsque la Bible parle du « souffle de Dieu », elle utilise le terme (ruah): « un vent
de Dieu (BJ ; le souffle de Dieu (TOB)) tournoyait sur les eaux » (Gn 1,2).
Le sens premier de « ruah » est ‘vent’ (Gn 8,1 ; Ez 1,4), d’où parfois celui de
‘vanité’ (Qo 1,14). Mais lorsqu’il prend le sens de « souffle », il s’agit toujours du
« souffle de Dieu » qui est pour l’homme un principe de vie. Ainsi les deux expressions
« souffle de Dieu » ou « haleine de vie », décrivent les deux aspects d'un seul et unique
processus, celui par lequel Dieu donne la vie à l'homme. La ruah de Dieu est à l'origine
de l'apparition d'une « haleine de vie » (néshamah) en l'homme et cette « haleine de
vie », qui sort très concrètement de sa bouche par la respiration, va manifester à son tour
la présence de la ruah de Dieu à la racine de son être...

53
… donne son souffle (ruah) à….

Dieu l’homme

… qui devient un être vivant ayant une haleine (néshamah) de vie.

Le « souffle de Dieu » est ainsi la force vitale prêtée d'en haut, « un dynamisme
qui vient de Dieu et donne à l'homme d'exister, de vivre et d'agir »20.

Job déclare en 27,3 : « Oui, tant que mon haleine (néshamah) sera en moi,
et que le souffle (ruah) de Dieu sera dans mes narines ».

Job participe à la « propre ruah de Dieu » qui, en lui, est à l'origine de sa vie.
Au chapitre 34, il va insister sur le fait que ce souffle qui vient de Dieu demeure toujours
le souffle de Dieu. A ce titre, il n'est que « prêté » à l'homme qui, en son dernier jour,
le remettra entre les mains de Celui qui le lui a « prêté » (Ps 146,4; Qo 12,7; Ps 31,6 et
Lc 23,46)... « L'homme est un être au souffle d'emprunt ». Remettre entre les mains de
Dieu son esprit, c'est à la fois exhaler son dernier souffle et remettre à Dieu son unique
richesse, son être même.

Job 34,14-15 : « Si Dieu tournait vers lui son cœur,


s'il rassemblait vers lui son souffle et son haleine,
toute chair en même temps expirerait,
et l'homme retournerait à la poussière. »

20 POUDRIER R., Souffle de vie, l'Esprit Saint dans la Bible (Montréal 1997) p. 19.

54
Ainsi, cette « haleine de vie », ce « souffle de vie » qui est au principe de la vie de
l'homme reste donc toujours « le souffle de Dieu » qui jaillit de son cœur... L'homme est
ainsi présenté comme un être en état de continuelle dépendance vis-à-vis de son Créateur
dont il reçoit la vie instant après instant... Nous sommes ici au niveau existentiel le plus
simple et le plus profond... Si en Gn 2,7 Dieu a soufflé en l'homme pour faire de lui un
être vivant, il apparaît avec Job 34,14-15 que cette action n'est pas limitée au seul
premier instant : elle se poursuit tout au long de sa vie... Dieu a soufflé pour le créer et
Dieu ne cesse de souffler en lui pour le maintenir dans l'existence... A ce titre, l'homme
possède en lui-même ce souffle de Yahvé, non pas comme une réalité dont il pourrait se
rendre maître, mais comme "quelque chose" qu'il reçoit sans cesse de celui qui, instant
après instant, le maintient dans l'existence par son souffle... En tant que créature
spirituelle, l'homme ne vit et ne peut donc vivre que de Dieu et par Dieu...
« Il faut une présence permanente de la ruah de Yahvé dans l'homme, sinon, c'est
le retour à la poussière. « Tant qu'un reste de vie m'animera, que la ruah de Dieu passera
dans mes narines » (Job 27,3)... La ruah de Yahvé est vivifiante, alors que celle de
l'homme est vivifiée et reçue comme un don. L'existence et la vie de l'homme sont
totalement dépendantes de la ruah de Yahvé. Chaque respiration est le produit du souffle
de Dieu passant dans des narines humaines. "Yahvé insuffla dans ses narines une haleine
de vie et l'homme devint un être vivant" (Gn 2,7). La vie humaine est pénétrée de souffle
divin ». Tout homme, souvent sans le savoir, vit du souffle de Dieu... « Il faut souligner
fortement qu'il n'y a pas de ruah humaine sans la ruah de Dieu »21.

C'est cela qui fonde le respect absolu qu'on doit avoir pour l'homme et pour sa vie.
En effet, quand « Dieu décide : « Faisons l'homme à notre image et selon notre
ressemblance » (Gn 1,26), il présente l’homme comme ayant une nature apparentée à
celle de Dieu (Gn 9,6), tel un fils engendré par son père. Il faut au moins en conclure
qu' « être l'image » c'est « participer l'être » et la vie du « Dieu vivant » ».22

21 POUDRIER R., Souffle de vie, l'Esprit Saint dans la Bible p. 32 ; 19-20 et 36.
22 SPICQ C., « εἰκών, image", Lexique théologique du Nouveau Testament (Paris 1991) p. 429-431.

55
Le Nom divin appliqué en St Jean à Jésus : « Je SUIS ».

Au chapitre trois du Livre de l'Exode, Dieu se manifeste à Moïse au milieu d'un buisson
dans ce qu’il décrit comme « une flamme de feu ». « Moïse dit à Dieu :
« Voici, je vais trouver les Israélites et je leur dis :
Le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous.
Mais s'ils me disent: « Quel est son nom ? », que leur dirai-je ? »
Dieu dit à Moïse: « JE SUIS CELUI QUI SUIS. »
Et il dit : « Voici ce que tu diras aux Israélites :
JE SUIS m'a envoyé vers vous » (Ex 3,13-14).

St Jean reprend très souvent ce Nom divin « JE SUIS » pour l'appliquer à Jésus.
Il apparaît notamment quatre fois de façon absolue, avec la même force que dans le Livre de
l'Exode. En parlant ainsi, Jésus nous révèle qu'Il est Dieu comme son Père est Dieu :
• Jn 8,24 (cf. 8,18) : « Si vous ne croyez pas que JE SUIS,
vous mourrez dans vos péchés ».
• Jn 8,28 : « Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme,
alors vous saurez que JE SUIS et que je ne fais rien de moi-même,
mais je dis ce que le Père m'a enseigné »...
• Jn 8,58 : « En vérité, en vérité, je vous le dis,
avant qu'Abraham ait existé, JE SUIS. »
• Jn 13,19 (annonce de la trahison de Judas) : « Je vous le dis dès à présent,
avant que la chose n'arrive,
pour qu'une fois celle-ci arrivée, vous croyiez que JE SUIS ».

St Jean applique également ce Nom divin à Jésus en ajoutant juste après telle ou telle
précision qui nous permet de découvrir telle ou telle facette de son Mystère. Voici quelques
exemples :
• Jn 6,35 et 6,48 : « JE SUIS le pain de vie ».
• Jn 6,51 (cf 6,41) : « JE SUIS le pain vivant descendu du ciel ».
• Jn 8,12 : « JE SUIS la lumière du monde ».
• Jn 10,9 (cf. 10,7): « JE SUIS la porte. Si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé ».

56
• Jn 10,11 (10,14) : « JE SUIS le bon pasteur. »
• Jn 11,25 : « JE SUIS la résurrection et la vie.
Celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ».
• Jn 14,6 : « JE SUIS le Chemin, la Vérité et la Vie ;
personne ne va vers le Père sans passer par moi ».
• Jn 15,1 : « JE SUIS la vraie vigne, et mon Père est le vigneron »...
• Jn 15,5 : « JE SUIS la vigne, et vous, les sarments.
Celui qui demeure en moi et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit,
car hors de moi vous ne pouvez rien faire ».

Enfin, d'autres passages emploient eux aussi un « Je suis » identique au Nom divin, mais
le contexte invite à adopter une traduction différente. Néanmoins, St Jean continue dans ces
versets à faire allusion à la condition divine de Jésus :
• Jn 4,24-26 : « La Samaritaine dit à Jésus: « Je sais que le Messie doit venir,
celui qu'on appelle Christ. Quand il viendra, il nous expliquera tout ».
Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle » ».
Dans le texte grec, nous lisons littéralement: « JE SUIS LE PARLANT à toi »,
une expression très proche de « JE SUIS L’ÉTANT » (Ex 3,14 ; traduction grecque). Avec Jésus
et par Lui, Dieu ne cesse de nous parler… « Je suis avec vous tous les jours » (Mt 28,20).
Sa Présence silencieuse et toujours offerte à notre foi est Parole…

• Jn 6,20 (Mc 6,50 ; Mt 14,27) : Jésus marche sur la mer. Ses disciples le voient et
prennent peur. Jésus leur dit : « C'est moi. N'ayez pas peur ».
Littéralement, les trois évangélistes ont écrit : « JE SUIS. N'ayez pas peur ». L'allusion
est ici d'autant plus forte que, d'après l'Ancien Testament, Dieu seul est capable de fouler le dos
de la mer (Job 9,8 ; Ps 77,20).

• Jn 18,5 ; 18,6 et 18,8 : deux fois, Jésus demande à ceux qui viennent l'arrêter
dans le jardin de Gethsémani : « Qui cherchez-vous ? Ils répondent : Jésus le Nazôréen ». Et
Jésus leur dit à chaque fois : « C'est moi ! ». Littéralement, il leur dit : « JE SUIS ». Là encore,
l'allusion au Nom divin est très forte car St Jean précise que « lorsque Jésus leur eut dit : « C'est
moi ! » (« JE SUIS ! »), ils reculèrent et tombèrent à terre ». « Dans la Bible », écrit Xavier
Léon Dufour, « le recul et la chute visualisent l'impuissance des méchants face à
la toute-puissance de Dieu »…

57
La notion de « Gloire de Dieu »

DÒxa, « gloire », exprime dans la traduction grecque de l’Ancien Testament,

la Septante, le terme hébreux d/bK; qui appartient à la racine dbK : peser lourdement, être

lourd. Il signifie « ce qui donne du poids », « ce qui en impose », « ce qui donne de la


considération ». Pour l'hébreu donc, la gloire ne désigne pas tant la renommée que la valeur
réelle d'un être, estimée à son poids, et c'est ce poids qui définit ensuite l'importance de cet être
dans l'existence ; il peut provenir ou des richesses (Gn 13,2 : Abram était très riche en

troupeaux, en argent et en or, … daom] dbeK; µr:b]a'w“ ; 31,1 : Jacob apprit que les fils de Laban

disaient : « Jacob a pris tout ce qui était à notre père et c'est aux dépens de notre père qu'il a

constitué toute cette richesse », .hZ<h' dboKh; 'AlK;; Ps 49,16...), ou de la haute position sociale,
avec l'autorité qu'elle confère (Gn 45,13), ou de toute autre qualité qui contribue à distinguer un
homme dans une société. Ainsi, la gloire est par excellence l'apanage du roi; elle dit, avec sa
richesse et sa puissance, l'éclat de son règne (1 Ch 29,28 ; 2 Ch 17,5).
La notion de gloire s'articule donc autour de quatre points :
(1) Une réalité concrète ou une qualité possédée par une personne A...
(2) ... qui est, d'une façon ou d'une autre, « remarquable »...
(3) ... par une tierce personne B, qui, à sa vue, reconnaît sa valeur...
(4) ... et l'apprécie, en manifestant ou non une certaine considération.

A B

(2)
(1) (3)

(4)

Nous voyons que déjà, au simple niveau sémantique, la notion de gloire porte en
elle-même l'idée d'une manifestation d'un bien propre à un être, manifestation toute à
son honneur et qui tend à l'exalter, à le « glorifier » aux yeux de son entourage.

58
d/bK; appliqué à Dieu reprend cette même logique interne :

- 1 - La réalité à l'origine de toute manifestation ultérieure est ici « L'Etre divin » :


« Le fondement de cette gloire, c'est l'essence divine elle-même, laquelle est la perfection
absolue »23...

- 2 - Du point de vue de l'homme, l'expression « la gloire de Dieu » correspond :

a) A la grandeur étonnante, indescriptible et déroutante de Dieu qu'il manifeste


par ses actes de puissance, qu'ils soient créateurs ou libérateurs.
Ainsi, le premier correspond à la création de l'univers, oeuvre de puissance par excellente
puisque Dieu a fait tout cela à partir de rien... « Les cieux proclament la gloire de Dieu, le
firmament raconte l'œuvre de ses mains » (Ps 19, 2s).
Quand Dieu opéra signes et prodiges pour faire sortir son peuple d'Egypte, Moïse et
les Israélites « ont vu sa gloire et ses signes » (Nb 14,22s) par lesquels « il s'est glorifié »
aux dépens de Pharaon (Ex 14,18). « Au matin, vous verrez la gloire de Yahvé » déclarent Moïse
et Aaron à toute la communauté, « Yahvé vous donnera ce soir de la viande à manger, et au
matin, du pain à satiété » (Ex 16,6s). « Le Dieu de l'Alliance met sa gloire à sauver et à relever
son peuple ; sa gloire est sa puissance au service de son amour et de sa fidélité ».24

b) A un phénomène constaté à l'aide des sens et surtout de la vue ; par lui,


l'homme prend conscience que le Dieu vivant et saint est là, présent.
Nous sommes donc ici dans le domaine des manifestations divines où la gloire, « réalité
visible (Ex 16,10), est le rayonnement fulgurant de l'être divin » : lumière, éclat, beauté de
Dieu...

La réaction de l'homme face à ces manifestations de Dieu, qu'elles soient signes de


puissance ou révélation de l'éclat de l'Être divin est toujours la glorification de Dieu, composée
de reconnaissance, de respect, de louange...

D. Jacques Fournier

23 MICHEL A. « Gloire, I. Dans la théologie », Dictionnaire de Théologie Catholique VI 1387.


DESEILLE P., « Gloire de Dieu », Dictionnaire de Spiritualité VI (Paris 1967) 422: « La gloire de Dieu est
la splendeur de l'Etre par excellence. Dieu seul possède par lui-même valeur et puissance. »
VON BALTHASAR H.U., La Gloire et la Croix , III (Coll. Théologie n° 82, Ligugé 1974) p. 37: « Le "poids"
qui s'impose est celui du Sujet, et ainsi la divinité de Dieu même. »
24 MOLLAT D., « Gloire », Vocabulaire de Théologie Biblique (Paris 1962) 413-414.

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Dieu, Père de tout homme, veut que tout homme soit à l’image de son Fils,
uni à Lui
dans la communion d’un même Esprit, d’un même Amour, d’une même Vie…
(Concile Vatican II ; Extraits de Lumen Gentium)

1. Le Christ est la Lumière des nations ; aussi, en annonçant l'Evangile à toute créature
(cf. Mc 16, 15), le saint Concile réuni dans l'Esprit-Saint désire-t-il ardemment illuminer
tous les hommes de la lumière du Christ qui resplendit sur le visage de l'Eglise. Celle-ci,
pour sa part, est dans le Christ comme un sacrement ou, si l'on veut, un signe et
un moyen d'opérer l'union intime avec Dieu et l'unité de tout le genre humain…

Le dessein du Père qui veut sauver tous les hommes

2. Par une disposition tout à fait libre et mystérieuse de sa sagesse et de sa bonté, le Père
éternel a créé l'univers. Il a voulu élever les hommes jusqu'au partage de la vie divine. Et
une fois qu'ils eurent péché en Adam, il ne les abandonna pas ; sans cesse il leur offrit
des secours pour leur salut en considération du Christ rédempteur, « qui est l'image du
Dieu invisible, le premier-né de toute créature » (Col 1,15). D'autre part, ceux qu'il a
choisis, le Père avant tous les siècles les « a d'avance connus et prédestinés à reproduire
l'image de son Fils, pour que celui-ci soit le premier-né d'un grand nombre de frères »
(Rm 8,29). Et ceux qui ont foi dans le Christ, il a voulu les rassembler en la sainte Eglise
qui, préfigurée dès l'origine du monde, admirablement préparée dans l'histoire du peuple
d'Israël et l'ancienne Alliance, établie en ces temps qui sont les derniers, a été manifestée
par l'effusion de l'Esprit et sera glorieusement achevée à la fin des siècles. Alors
seulement, comme on peut le lire dans les saints Pères, tous les justes depuis Adam,
« depuis le juste Abel jusqu'au dernier élu » seront rassemblés auprès du Père dans
l'Eglise universelle.

L'universalité ou "catholicité" de l'unique Peuple de Dieu

13. Tous les hommes sont appelés à former le nouveau Peuple de Dieu. En conséquence,
ce peuple doit, sans cesser d'être un et unique, s'étendre au monde entier et en tous
les siècles afin que s'accomplisse le dessein de Dieu, qui au commencement créa
la nature humaine une et voulut ensuite rassembler en un seul corps ses enfants dispersés
(cf. Jn 11,52). A cette fin, Dieu envoya son Fils, qu'il constitua héritier de toutes choses
(cf. Hb 1,2), pour être Maître, Roi et Prêtre de l'univers, Chef du peuple nouveau et
universel des fils de Dieu. A cette fin aussi Dieu envoya l'Esprit de son Fils, Seigneur et
Vivificateur, qui est, pour toute l'Église et pour chacun des croyants, principe de réunion
et d'unité dans l'enseignement des Apôtres, dans la communion, dans la fraction du pain
et les prières.

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En toutes les nations de la terre subsiste l'unique Peuple de Dieu, puisque c'est de
toutes les nations qu'il tire ses membres, citoyens d'un Royaume dont le caractère n'est
pas terrestre, mais bien céleste. Car tous les fidèles épars à travers le monde sont en
communion les uns avec les autres dans l'Esprit-Saint, et ainsi « celui qui habite à Rome
sait que les Indiens sont ses membres ». Mais comme le Royaume du Christ n'est pas de
ce monde (cf. Jn 18,36), l'Eglise, Peuple de Dieu, en introduisant ce Royaume, n'enlève
rien au bien temporel des peuples, quels qu'ils soient ; au contraire, elle favorise et
assume, dans la mesure où ces choses sont bonnes, les talents, les richesses, les coutumes
des peuples et, en les assumant, les purifie, les renforce et les élève. Elle sait, en effet,
qu'il lui faut resserrer ses rangs autour de ce Roi, car c'est à lui que les nations ont été
données en héritage (cf. Ps 2,8), et c’est vers son royaume qu'afflueront richesses et
présents (cf. Ps 71/72,10 ; Is 60,4-7 ; Ap 21,24). Ce caractère d'universalité qui distingue
le Peuple de Dieu est un don du Seigneur lui-même qui porte l'Eglise catholique à
s'employer efficacement et sans arrêt à rassembler toute l'humanité et la totalité de
ses biens sous le Christ Chef, en l'unité de son Esprit.

Les non-chrétiens

16. Ceux qui n'ont pas encore reçu l'Evangile sont ordonnés de façons diverses au Peuple
de Dieu.
Et d'abord, le peuple qui reçut les alliances et les promesses et dont le Christ est né
selon la chair (cf. Rm 9,4-5) ; peuple élu de Dieu et qui lui est très cher en raison de
ses ancêtres, car les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance (Rm 11,28-29).
Mais le dessein de salut englobe aussi ceux qui reconnaissent le Créateur, et parmi
eux, d'abord, les Musulmans qui, en déclarant qu'ils gardent la foi d'Abraham, adorent
avec nous le Dieu unique, miséricordieux, qui jugera les hommes au dernier jour.
Quant à ceux qui cherchent le Dieu inconnu sous les ombres et les figures, Dieu
lui-même n'est pas loin d'eux non plus, puisqu'il donne à tous la vie, le souffle et toutes
choses (Ac 17,25-28), et que le Sauveur veut le salut de tous les hommes (cf. I Tm 2, 4).
En effet ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l'Evangile du Christ et son Eglise et
cependant cherchent Dieu d'un cœur sincère et qui, sous l'influence de la grâce,
s'efforcent d'accomplir dans leurs actes sa volonté qu'ils connaissent par les injonctions
de leur conscience, ceux-là aussi peuvent obtenir le salut éternel. Et la divine Providence
ne refuse pas les secours nécessaires au salut à ceux qui ne sont pas encore parvenus,
sans qu'il y ait de leur faute, à la connaissance claire de Dieu et s'efforcent, avec l'aide de
la grâce divine, de mener une vie droite. En effet, tout ce que l'on trouve chez eux de bon
et de vrai, l'Eglise le considère comme un terrain propice à l'Evangile et un don de Celui
qui éclaire tout homme (Jn 1,9), pour qu'il obtienne finalement la vie. Mais bien souvent
les hommes, trompés par le Malin, se sont abandonnés à la vanité de leurs pensées et ont
échangé la vérité divine pour le mensonge, en servant la créature à la place du Créateur
(cf. Rm 1,21.25). Ou encore, en vivant et mourant sans Dieu en ce monde, ils s'exposent
au plus grand désespoir. Aussi, en vue de promouvoir la gloire de Dieu et le salut de tous
ces hommes, l'Eglise, se souvenant du commandement du Seigneur qui dit : « Prêchez
l'Evangile à toute créature » (Mc 16,15), s'emploie-t-elle avec sollicitude à développer
les missions.
D. Jacques Fournier

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