Actes Compiles pdf2
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Sommaire 1
Programme 2
Introduction 3
Gérer les races animales locales en biens communs : dispositifs, crises et leviers de
la coopération 77
milieu (D. Boichard, INRA Jouy) tion locale (F. Mercier, éleveur biolo- Mardi 4 novembre : portes ouvertes en élevages biologiques
gique)
12h05 : Sélection des ruminants et MATIN : visite ferme 1, rdv à 10h sur place (hors groupe organisé)
agriculture biologique : quelques 17h20 : Points de vue d’éleveurs sur Ferme des Clautres (Guy de Saint Vaury)
possibilités et pistes à partir des dis- les obstacles et leviers d’action dans
23 230 BORD-SAINT-GEORGES 05 55 65 72 23 - 06 21 20 77 28
positifs de sélection actuels (M. Bro- les dispositifs de gestion des races
chard, Institut de l’Elevage) animales (J. Bessin, Confédération APRES-MIDI
Paysanne) Visite ferme 2 (en groupe)
12h40 : Repas bio Rdv à 13h gare de Châteauroux pour départ groupé ou 14h15 sur place
17h55 : Synthèse de l’état actuel des Le Grand Metrot (Véronique et Guy Pénin, EARL Le Metrot)
14h00 : Les schémas de sélection connaissances en épigénétique ain- 36 140 AIGURANDE 02 54 06 45 81
génétique répondent-ils aux besoins si que des questionnements (M-C.
des productions biologiques dans Favé, vétérinaire) Intervention aux Bordes (en groupe)
les filières avicoles (D. Guémené, Quelle sélection du troupeau de vaches allaitantes conduit en AB ?
Syndicat des Sélectionneurs Avi- 19h00 : Fin Ferme expérimentale des Bordes
coles et Aquacoles Français) Site du Domaine Neuf 36 120 JEU-LES-BOIS
20h00 : Dîner (en option)
Gratuites. Organisées par les sélectionneurs en bio des races charolaises
et limousines. Contact : [email protected]
Introduction
Etienne LEGRAND (Co-président de la Commission Elevage de l’ITAB)
Aujourd’hui, les schémas de sélection ne sont pas toujours adaptés à l’agriculture biologique,
en particulier pour les systèmes très pâturants.
Le constat est fait qu’il n’existe pas aujourd’hui en France de travaux de sélection animale
spécifiques à certains types de productions, comme les productions sous cahier des charges
d’une manière générale, y compris l’élevage biologique.
De nombreuses avancées ont pourtant déjà été amorcées sur la sélection végétale en
agriculture biologique, et d’autres pays ont déjà entamé des démarches sur la génétique en
élevage biologique, ce qui est notamment le cas du FiBL dont une partie des travaux seront
présentés au cours de ces Journées Techniques.
Des pistes restent à construire à partir de l’existant, et ce constat a également été soulevé
par le rapport de l’INRA sur les agricultures à hautes performances. Le manque de travaux
dans ce domaine y est identifié comme un verrou au développement d’une agriculture
biologique performante et la volonté de développer le volet génétique s’inscrit sans conteste
dans le Plan ambition Bio.
Il s’agit tout d’abord d’échanger et de mieux se connaitre entre les différents acteurs qui
interviennent en sélection animale et en AB ; leur permettre de de se rencontrer, et
d’envisager des perspectives communes de progrès techniques pour répondre aux attentes
des éleveurs en l’AB.
Il s’agira également de présenter un état des lieux sur les besoins des éleveurs biologiques
et sur les acquis de la sélection génétique, en particulier en ce qui concerne ses aspects les
plus susceptibles d’intéresser l’Agriculture Biologique. Cela se traduira notamment par des
conférences en plénière sur différents sujets.
INTRODUCTION
L’amélioration génétique des animaux est un secteur d’activité qui se situe à l’amont des
filières de production animale. Les acteurs de ce secteur ont pour mission la fourniture des
types génétiques les mieux adaptés aux conditions de milieu physique, économique et social
dans lesquelles les animaux seront exploités tout au long de chaque filière, du producteur au
consommateur. Dès lors, trois questions essentielles se posent (i) quels choix faire en
matière d'objectifs de sélection, (ii) quelles sont les méthodes les plus adéquates pour
atteindre rapidement et au moindre coût ces objectifs et (iii) quelle organisation est-il
nécessaire de mettre en œuvre pour cela ? Les éléments de réponse à ces trois questions
vont être au cœur de la présente communication. Au préalable, nous traiterons de la
domestication et donnerons une vision de l’évolution de l’état des ressources génétiques
animales et des pratiques d’amélioration des animaux depuis cette époque. Dans une
dernière partie, nous verrons quelles sont les marges de manœuvre offertes par la génétique
pour appuyer le développement de systèmes de production sous cahier des charges.
La domestication des animaux peut être définie comme une évolution des rapports entre les
humains et certaines espèces : à une prédation, se substitue une relation dont les espèces
domestiquées tirent elles-mêmes profit. Certes, dans cette relation, l'homme garde l'essentiel
du pouvoir de décision en ce qui concerne les étapes essentielles de la vie, y compris la
mort. Mais la domestication ne peut pas se résumer, comme le font certaines associations
de défense des animaux, à une domination de l’homme sur les animaux : c’est une
association, faite de labeur partagé, même si ce partage semble inégal. Ce faisant, par ses
pratiques de choix et d’utilisation des reproducteurs, l’homme est capable d’orienter
l’évolution des populations d’animaux domestiques. Pour une analyse détaillée, voir les
travaux de la Société d’Ethnozootechnie ainsi que Rognon et al. (2009).
Dès les années 1970 en France, des programmes de conservation des races menacées ont
été mis en place, coordonnés dès le départ à l’échelle nationale dans le cas des bovins et
des porcs. Aujourd’hui, sur l’ensemble des espèces animales d’élevage, on compte en
France plus de 130 races bénéficiant de mesures conservatoires impliquant des acteurs très
diversifiés (Lauvie et al., 2011). Depuis 1999, une cryobanque nationale permet de
conserver sur le long terme des collections patrimoniales de matériel génétique des espèces
d’élevage (Duclos, 2010). En parallèle, dès le milieu des années 1980, une stratégie
nationale de gestion des ressources génétiques animales, microbiennes et végétales a été
développée (voir par ex., Collectif, 2006) sous l’égide du Bureau des Ressources
Génétiques (BRG) dont les missions sont aujourd’hui poursuivies par la Fondation Française
pour la Recherche sur La Biodiversité (FRB).
A partir des années 1980, on a assisté à une intensification des opérations de sélection tout
particulièrement au sein des races numériquement les plus importantes. Le gain d'efficacité
des programmes de sélection a été permis par la maîtrise des méthodes artificielles de
reproduction, d'une part, et l'accroissement des capacités de calcul numérique, d'autre part,
les méthodes d'analyse génétique des performances devenant de plus en plus
sophistiquées. La fin du XXème siècle a vu le développement spectaculaire des outils de la
biologie moléculaire et leurs premières applications à grande échelle en sélection, dont la
sélection génomique est l’aboutissement actuel (collectif, 2010 ; Le Mézec et Mattalia, 2010).
Un regard sur les dernières décennies permet de montrer que les objectifs de sélection
évoluent dans le temps (pour une synthèse relative aux bovins laitiers, voir Verrier et al.,
2010 ; Le Mézec et Mattalia, 2010). Schématiquement, l’amélioration de la productivité a
constitué un objectif majeur dans les années 1960 à 1970 : quantité de lait par lactation,
nombre d’œufs, vitesse de croissance, … Dès les années 1970, les caractéristiques des
produits ont été prises en compte : taux de matière protéique et de matière grasse du lait,
poids et composition de l’œuf, taux de viande maigre dans les carcasses, etc. A partir des
années 1980/1990, les caractères dits ‘fonctionnels’, c’est-à-dire qui facilitent l’élevage et la
reproduction des animaux, ont été progressivement intégrés jusqu’à représenter ensemble la
moitié des objectifs et des efforts de sélection : fertilité, taille de portée (pour les espèces
concernées), longévité, résistance à certaines maladies, etc. Dans les années à venir, on
peut pronostiquer, d’une part, l’intégration de nouvelles caractéristiques des produits, comme
celles issues de l’analyse fine de la composition du lait, par exemple, et, d’autre part, la
poursuite de la tendance à rechercher des animaux fonctionnels, robustes et autonomes.
Le recueil de l’état civil repose le plus souvent sur les déclarations des éleveurs. Il
s’accompagne de protocoles de vérification à l’aide des marqueurs moléculaires, au titre de
sondage chez les bovins et obligatoires dans plusieurs cas, comme les futurs reproducteurs
d’insémination artificielle, les jeunes chevaux de certaines races, etc.
Les marqueurs moléculaires sont des sites polymorphes sur l’ADN, en général sans fonction
biologique connue, et il en existe plusieurs types. Chez les animaux, on a longtemps utilisé
les microsatellites, peu nombreux dans le génome mais très polymorphes. Aujourd’hui, on
utilise à grande échelle des marqueurs dits SNP (Single Nucleotide Polymorphism) : chaque
marqueur est peu polymorphe (2 allèles seulement) mais on peut en observer des dizaines
ou des centaines de milliers sur un même animal. Le génotypage d’un animal, c’est-à-dire la
détermination des deux allèles qu’il porte à chaque marqueur, requiert un prélèvement
biologique (prise de sang, …) puis l’extraction de l’ADN et son analyse automatique.
La valeur génétique d’un animal n’est toutefois pas accessible directement, pour la simple
raison que l’on ne connaît en général pas tous les gènes gouvernant un caractère donné. Si
nous ne pouvons pas connaître la valeur génétique vraie d’un animal, nous pouvons
l’estimer : l’évaluation génétique consiste à estimer cette valeur génétique. Cette procédure
est très généralement désignée par le terme d’indexation, les index de valeur génétique
représentant la valeur génétique estimée des animaux et servant à classer les candidats à la
sélection selon leur mérite (d’où le terme d’index). Les index permettent de comparer la
valeur génétique d’animaux ou de groupes d’animaux dans l’espace (entre troupeaux,
régions, voire pays) et dans le temps (entre années).
L’évaluation génétique passe par l’analyse statistique des données zootechniques, selon des
méthodes élaborées. A notre époque, la méthode de choix reconnue sur le plan international
est celle du BLUP (Best Linear Unbiased Predictor) appliquée à un modèle dit ‘animal’. Le
calcul des index requiert toujours de disposer de performances mesurées sur au moins une
partie des animaux. Dès lors que les liens généalogiques sont connus (grâce à l’état civil), il
est possible d’évaluer des animaux qui n’ont pas de performances propres mais dont on
connaît des apparentés avec performances. C’est ainsi que, chez les ruminants laitiers,
l’évaluation génétique des mâles d’insémination était fondée jusqu’à une époque récente, ou
est encore fondée, selon l’espèce et la race, sur la base des performances de leur filles
(évaluation sur descendance). De même, dans les souches de poules pondeuses, les coqs
sont évalués sur la base des performances de leurs sœurs (évaluation sur collatéraux).
Comme toute prédiction, l’évaluation génétique comporte une part d’incertitude, dont
l’ampleur est appréciée à l’aide du Coefficient de Détermination (CD). Le CD d’un index de
valeur génétique varie de 0, dans le cas où l’on ne disposerait d’aucune information, à 1 (ou
100%), dans le cas où l’on connaîtrait parfaitement la valeur génétique de l’animal à évaluer.
Pour un animal donné, la valeur de l’index peut fluctuer au fur et à mesure que l’on accumule
de l’information au cours de la vie de l’animal : à sa naissance, on ne connaît que ses
Le progrès génétique qu’il est possible d’obtenir sous sélection dépend, d’une part, de
paramètres biologiques de l’espèce considérée (rythme de reproduction, fécondité des
reproducteurs, etc.) et, d’autre part, des méthodes de sélection appliquées. Par méthode de
sélection, on entend la nature des épreuves que l’on fait passer au candidat et la nature de
l’information qui va être mobilisée prioritairement pour fonder le choix des reproducteurs.
Ainsi, une sélection fondée sur la performance propre est désignée par le terme de sélection
massale ; une sélection fondée sur la performance des descendants est désignée sous le
terme d’épreuve de la descendance ; une sélection fondée principalement sur l’information
génomique est simplement désignée par le terme de sélection génomique ; etc.
D’une part, des plans de croisement sont destinés à créer une nouvelle race à partir
d’anciennes (création de races ou lignées synthétiques, beaucoup de races actuelles sont
historiquement issues d’un tel processus) ou à intégrer des gènes extérieurs au sein d’une
population, voire de substituer par croisements successifs une race à une autre (croisement
d’absorption). Dans tous ces cas, le recours au croisement est passager dans le temps et,
une fois le processus achevé, la population résultante est conduite en race pure.
D’autre part, des plans de croisement sont destinés à procréer une génération terminale
d’animaux qui n’auront pas vocation à devenir reproducteurs. Ces plans de croisement sont
souvent employés en production de viande, une lignée maternelle étant principalement
sélectionnée sur les aptitudes de reproduction et une lignée paternelle étant principalement
sélectionnée sur les aptitudes de croissance et de muscularité. Ici, on doit avoir recours
systématiquement à des reproducteurs des races parentales qui constituent les ‘ingrédients’
du plan de croisement.
D’un côté, les ‘petits’ animaux, comme les volailles, les lapins et les poissons, représentent
des coûts d’élevage et d’entretien relativement modérés. Par ailleurs, ces espèces se
renouvellent rapidement (intervalle de génération de 9 mois à 2 ans) et leurs femelles sont
très fécondes. Dans ces conditions, une même personne morale peut investir dans des
cheptels nombreux pour conduire un programme d’amélioration et les perspectives de retour
sur investissement se situent à un horizon raisonnable. C’est ainsi que, dans ces espèces, la
sélection est principalement le fait de firmes privées, très peu nombreuses à l’échelle
mondiale dans le cas des volailles. La diffusion des reproducteurs s’effectue selon une
organisation pyramidale, depuis les entreprises jusqu’aux producteurs via des éleveurs-
D’un autre côté, les ‘gros’ animaux, comme les ruminants et les équidés, représentent des
coûts d’élevage et d’entretien élevés, ils se renouvellent lentement (intervalle de génération
de 4 à 12 ans) et leurs femelles sont peu fécondes. Dans ces conditions, il est impossible
pour une même personne morale d’investir dans des cheptels nombreux et les perspectives
de retour sur investissement sont trop lointaines. Dans ces espèces, les programmes de
sélection ne peuvent être conduits que par une mutualisation des moyens entre les très
nombreux éleveurs détenant les cheptels, éleveurs qui sont à la fois producteurs et
sélectionneurs (ou contributeurs aux programmes). La sélection est donc organisée de façon
collective, les éleveurs étant impliqués dans les décisions de sélection, et elle est le fait
d’entreprises de sélection, sous forme d’unions de coopératives ou de groupements, et
d’organismes de sélection, sous forme associative.
L’espèce porcine relève à la fois des deux catégories : en matière de coûts, le porc est un
‘gros’ animal mais, en matière de renouvellement et reproduction, il s’agit d’un ‘petit’ animal.
Ainsi, dans cette espèce, les deux formes d’organisation, privée et collective, cohabitent. En
France et en Allemagne, par exemple, le cheptel en sélection est détenu aux deux tiers par
le secteur collectif et pour un tiers par le secteur privé.
Dans le cadre d’une sélection privée, l’entreprise est seule responsable des différentes
étapes d’un programme : d’éventuelles erreurs, soit dans la définition des objectifs de
sélection, du fait par exemple d’une insuffisante concertation avec les autres acteurs des
filières, soit dans la réalisation technique des étapes suivantes, peuvent rapidement faire
l’objet d’une sanction commerciale. Dans le cadre d’une sélection collective, les différentes
étapes et les différentes opérations techniques ne sont généralement pas assurées par les
mêmes acteurs, ce qui nécessite un important travail de coordination.
Parmi les raisons zootechniques, la principale est l’adaptation des animaux au système
d’élevage induit par le cahier des charges. Par exemple, il est cohérent que soit inscrit dans
les cahiers des charges d’AOP fromagères de montagne l’usage de races originaires de
montagne, comme l’Abondance et la Tarentaise chez les bovins, en particulier si le système
d’élevage promu par le produit implique la transhumance vers des pâturages d’altitude. De
même, il est logique d’inscrire dans le cahier des charges de productions de poulets à
longue durée d’engraissement des types génétiques à croissante lente (Verrier et al., 2005 ;
Tixier-Boichard et al., 2006). Une autre raison zootechnique réside dans la qualité des
produits (composition du lait, adiposité de la carcasse, etc.). Dans ce cas, toutefois, le lien
est généralement moins fort que dans le cas de l’adaptation, du fait de différences entre
races qui sont souvent faibles au regard de la variation intra-race ou qu’il est plus difficile
d’établir, comme par exemple en ce qui concerne les qualités gustatives de la viande (Tixier-
Boichard et al., 2006).
Entre autres choses, le cahier des charges ‘AB’ implique l’interdiction ou l’usage modéré
d’un certain nombre d’intrants. Un faible impact environnemental et l’absence de résidus
dans les produits sont privilégiés par rapport à la recherche de la productivité. Dans ces
conditions, le bon sens voudrait que soient privilégiés des types génétiques robustes,
autonomes et présentant une bonne résistance aux maladies. Bien évidemment, il existe des
élevages où il se produit du lait ‘AB’ avec des vaches Holstein ou du porc ‘AB’ avec du
Large-White … Cependant, les types génétiques hautement spécialisés ne semblent pas les
mieux indiqués pour des productions sous cahier des charges ‘AB’, du fait d’un métabolisme
principalement orienté vers la fonction de production.
Dans le cas, de loin le plus fréquent donc, d’une race impliquée dans plusieurs filières
différenciées, une question qui est souvent posée est celle de la possibilité de subdiviser la
population d’animaux en vue du conduire plusieurs programmes de sélection vers des
objectifs correspondant chacun à une filière particulière. La réponse du généticien à une telle
question est généralement négative. En effet, l’efficacité d’un programme repose, entre
autres, sur la capacité de travailler sur de grands effectifs d’animaux. Hormis le cas de
populations au cheptel très nombreux, la subdivision d’une race afin de poursuivre des
objectifs différents induit une perte substantielle d’efficacité au sein de chacun des deux
sous-ensembles d’animaux. Il est alors préférable, d’une part, de s’accorder sur des objectifs
globaux à l’échelle de la race (même si l’obtention d’un compromis recèle des difficultés) et,
d’autre part, de veiller à maintenir une bonne diversité de reproducteurs mis en marché, afin
qu’autour d’objectifs d’ensemble, les éleveurs des différentes filières puissent trouver les
animaux correspondant à leurs objectifs propres (voir par exemple Lambert-Derkimba et al.,
2010, pour une illustration en bovins laitiers dans les Alpes du Nord).
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et des méthodes de sélection des bovins laitiers. Bulletin de l’Académie Vétérinaire de
France, n° 163, 73-78.
INTRODUCTION
La génétique est une composante essentielle du système de production : en effet, les
performances exprimées, pour l’ensemble des caractères, résultent à la fois du génotype, du
milieu et de leur interaction. Un premier choix est donc celui de la race ou du type génétique
en rapport avec le mode de production choisi, le niveau de performance cible et la filière de
valorisation. Ce choix initial est essentiel car les évolutions intra-type génétique ne peuvent
être ensuite que très progressives, au fur et à mesure du renouvellement des générations.
Nous aborderons de façon synthétique les questions suivantes dans cet article, en se basant
sur l’exemple des bovins laitiers, une production pour laquelle la sélection est conduite intra
race et en mobilisant un dispositif collectif lourd et difficilement adaptable à des objectifs
diversifiés.
Le choix de la race est un point crucial. Il est pourtant souvent peu réfléchi, car souvent
imposé ou influencé par d’autres critères d’environnement, d’histoire ou de culture. Chez les
bovins, les volumes de vente de femelles sont généralement réduits, de sorte qu’un
changement est également coûteux. Quand on est engagé avec un type génétique, on n’en
change guère. Pourtant, tous les animaux ne correspondent pas à tous les systèmes. En
France, on dispose d’une large palette de races bovines laitières avec des caractéristiques
très variées. Si on se limite aux trois principales (Holstein : 70%, Montbéliarde : 18%,
Normande : 10%), voici leurs principales caractéristiques. Bien sûr d’autres races peuvent
être utilisées, dès lors que l’on a accès aux femelles.
En production laitière, le croisement est un système très peu utilisé en France et dans le
monde tempéré. En effet, il est difficile à mettre en œuvre de façon durable, tant à l’échelle
du troupeau que de la population. En effet, dans ses versions les plus courantes, utilisées
par exemple chez le porc ou la volaille, la population est stratifiée avec différents étages :
race pure support de la sélection, multiplication, production. Cette solution n’est pas
envisageable en bovins laitiers compte tenu du potentiel de reproduction très limité des
femelles. Rien n’empêche cependant un éleveur de pratiquer le croisement dès lors qu’il ne
souhaite plus contribuer au processus de sélection. La première génération (F1) est en
général très attractive car elle donne des animaux aux performances favorables qui
bénéficient d’un niveau génétique intermédiaire entre les deux races parentales et d’un effet
d’héterosis positif pour la plupart des caractères. Ainsi, par exemple, des F1 Holstein x
Montbéliardes produisent presque autant que des Holsteins mais présentent la même fertilité
que les Montbéliardes. Toute la difficulté est de construire une politique au-delà de cette
première génération. Les ¾ ressemblent à la race majoritaire et bénéficient beaucoup moins
des avantages des F1 (perte de la moitié de l’héterosis et apparition de pertes de
recombinaison) (Dezetter et al, 2014). Si l’objectif est de changer de race sans coût excessif
mais avec le temps, on peut utiliser le croisement d’absorption et l’on obtient des 7/8 et des
15/16 aux troisième et quatrième générations, respectivement. Si l’on souhaite conserver
constamment des animaux croisés, des politiques de croisement rotatif de long terme
peuvent être appliquées, basées sur l’utilisation de trois races de mâles, une femelle d’un
père de race A et de grand-père maternel de race B étant accouplée à un mâle de race C.
Ce croisement est sans doute une option robuste sur la durée, même s’il n’y a pas
d’expérience significative en France actuellement et si le cheptel est constamment
hétérogène avec des animaux de composition proche de 1/7, 2/7 et 4/7 de chacune des
races après la 5-6ème génération. Une option plus simple est de tourner sur deux races
seulement, une femelle d’un père de race A étant accouplée à un mâle de race B et le
cheptel étant constitué de femelle de composition (1/3 et 2/3 des deux races).
La sélection est un processus de long terme. Les premiers effets d’une décision ne sont
observés qu’à la génération d’après et, chez les bovins, il faut souvent une dizaine d’années
pour observer pleinement les résultats de la sélection. Il faut donc définir l’objectif de
sélection avec une vision prospective des besoins. Le choix des caractères sélectionnés et
de leurs pondérations économiques doit se baser autant que possible sur les conditions
techniques et économiques anticipées à un horizon d’une dizaine d’années.
Enfin, pour comparer facilement deux caractères, on n’utilise pas la pondération par unité de
mesure mais la valeur d’un écart-type génétique de chaque caractère, c’est-à-dire la valeur
de ce qui est susceptible d’être modifié par la sélection pour un effort donné. A titre indicatif,
dans les différentes races laitières, l’écart type génétique est de l’ordre de 500 kg de lait, 20
kg de matière grasse, 14 kg de matière protéique par lactation, 2,5 g/kg de taux butyreux,
1,4 g/kg de taux protéique, 5% de réussite à l’insémination, 7 jours d’intervalle vêlage 1ère
insémination, 6% d’incidence de mammite par lactation, une augmentation/diminution
relative de 40% des numérations cellulaires, 0,5 lactation de durée de vie productive, etc. Ce
sont les valeurs économiques de ces écarts types qu’il faut comparer pour juger de
l’importance relative de différents caractères.
Après ces rappels généraux, abordons la question posée lors de ce séminaire : les poids
économiques de chaque caractère sont-ils constants entre systèmes de production ? S’ils
sont différents, entraînent-ils des différences marquées d’objectifs entre systèmes. Le poids
économique d’un caractère (pour un caractère marchand) est classiquement défini comme la
différence de revenu marginal dans un système donné, lorsque ce caractère varie, toutes
autres conditions égales par ailleurs.
Les poids économiques peuvent varier entre systèmes pour deux raisons principales : (a) les
niveaux moyens des différents caractères sont différents et on constate généralement que la
pondération d’un caractère augmente lorsque son niveau moyen est plus limitant ; (b) les
opportunités et les contraintes des systèmes peuvent être différentes : par exemple une
filière de qualité bénéficie en général de prix plus élevés des produits ; un système de quota
réduit la valorisation de la productivité ; un système basé sur le pâturage augmente
fortement le poids de la fertilité, caractère essentiel pour la maîtrise de la saisonnalité ; le
format est une composante relativement neutre dans les systèmes où l’alimentation est
abondante mais devient un inconvénient quand l’alimentation est limitante.
Les calculs d’objectifs de sélection réalisés dans le passé (Colleau et Regaldo, 2001) et plus
récemment dans le cadre du projet Osiris (Guerrier et al, 2013) sur une gamme assez large
de systèmes de production ont montré que les poids économiques de chaque caractère
étaient en général assez stables entre systèmes et entre races, une des raisons principales
étant la fréquente compensation entre les deux effets (a) et (b) ci-dessus. Les systèmes
moins productifs et bénéficiant de prix élevés favorisent une forte valorisation de la
production. Mais par ailleurs, la fertilité et la résistance aux mammites ont des pondérations
élevées car ces caractères correspondent à de fortes contraintes des systèmes.
Les objectifs de sélection ont beaucoup évolué au cours du temps, avec une pondération
croissante des caractères fonctionnels et un poids devenu minoritaire de la production. En
La qualité du lait est incluse de très longue date dans l’objectif de sélection. Du fait d’un
antagonisme génétique entre quantité de lait et taux (corrélation génétique de l’ordre de -0,3
à -0,4), une sélection sur la quantité de lait tendrait à abaisser les taux. Depuis les années
70, la quantité de lait n’est donc plus explicitement dans l’objectif, au profit des quantités de
matière grasse et protéique, ce qui a permis en première approche une augmentation de
productivité à taux constants. Jusqu’à la fin des années 80, taux butyreux et protéique ont
été considérés globalement sous le terme de taux de matière utile. S’il a bien rempli ses
fonctions, ce critère a présenté cependant l’inconvénient d’être plus favorable au taux
butyreux, plus variable et moins lié à la quantité de lait, qu’au taux protéique. A la fin des
années 80, le dispositif a été adapté pour tenir compte des deux composantes
indépendamment l’une de l’autre. Du fait des quotas, la valeur économique différentielle du
taux butyreux est faible ou nulle, voire négative. Son impact dans l’objectif de sélection a
varié au cours du temps, mais est resté faible ou nul. La sélection réalisée au cours des
années 90 est allée au-delà de l’objectif et a d’abord conduit à une baisse forte du taux
butyreux, avant qu’il ne se stabilise. La sélection sur le taux protéique a été marquée, avec
un gain régulier au cours du temps, en dépit de formules de paiement du lait pas aussi
favorables qu’on aurait pu le souhaiter. Toutefois, la variabilité génétique du taux protéique
n’est pas très élevée de sorte que la marge de progrès n’est pas considérable sur ce critère.
Nous reviendrons sur ces aspects en partie 5.
Le raisonnement précédent de définition d’un objectif suppose que le progrès réalisé sous
l’effet d’une sélection donnée est constant quel que soit le système de production. En cas
d’interaction forte, le classement entre reproducteurs peut être différent et justifier des
adaptations. Il est évident que des interactions considérables existent entre milieux très
contrastés comme par exemple les milieux tempérés et tropicaux, liées aux différences
climatiques, de pression pathogène ou d’alimentation. Dans une région donnée, par exemple
à l’échelle européenne, c’est une hypothèse qu’il faut vérifier. Aucune analyse génétique n’a
été réalisée, à notre connaissance, pour comparer l’agriculture biologique aux autres
systèmes, faute de pouvoir différencier les élevages dans les bases de données nationales.
Par contre, de nombreuses analyses ont été réalisées pour mesurer les interactions
génotype x milieu entre milieux contrastés, définis selon différents critères. Citons deux
exemples :
(b) l’analyse des résultats par typologie de troupeaux permet de mesurer l’impact de la
génétique dans les différents milieux. En France, des travaux anciens avaient été publiés par
Bonaïti et al (1982ab). Des travaux plus récents ont été conduits dans le cadre de la thèse
de B. Huquet (2012). Les interactions existent mais se traduisent davantage par des effets
d’échelle que par des changements de classement. Deux raisons expliquent ces effets
d’échelle : d’une part la variabilité, d’autre part l’héritabilité augmentent généralement avec la
moyenne. Par exemple, une différence génétique laitière conduit à des différences
exprimées plus importantes quand le niveau de production est élevé que quand il est plus
faible ; un écart génétique de résistance aux mammites s’exprime par des différences de
fréquences de mammites ou de taux cellulaires plus élevées lorsque la fréquence de
mammites est élevée dans le troupeau ; même constatation pour la longévité, pour laquelle
la différence exprimée est plus forte quand le risque de réforme est plus élevé.
Chez les bovins laitiers une nouvelle méthode de sélection est mise en œuvre depuis 2009,
sur la base de l’information du génome. Cette approche repose sur l’analyse et l’utilisation de
la variabilité naturelle du génome entre individus. L’ADN d’un individu est extrait à partir d’un
de ses tissus (le plus souvent du sang, du sperme ou une biopsie d’oreille) et analysé par
une technologie de puce à ADN permettant de déterminer le génotype de l’individu pour un
grand nombre de marqueurs simultanément répartis sur tout le génome (de 7000 à 777 000
selon la puce, chez les bovins). Ces marqueurs génétiques n’ont pas d’effet biologique
propre mais ils ont un effet apparent du fait de leur proximité avec des gènes influençant le
caractère analysé. Cet effet apparent est estimé par l’analyse des relations entre marqueurs
Quel impact pour un système de production donné ? On peut supposer que la plupart des
caractéristiques mentionnées sont favorables à la plupart des systèmes : la variabilité
génétique sera mieux gérée ; le choix des reproducteurs sera plus large et diversifié, avec un
niveau élevé sur tous les caractères ; la sélection sur les caractères fonctionnels sera plus
forte, grâce à une meilleure précision des index.
Une bonne précision d’index suppose une très grande population de référence. Comme
auparavant, il n’est donc pas envisagé de partitionner la population en lignées sélectionnées
sur des objectifs différents. La perte de précision liée à l’analyse d’une petite fraction de la
population serait bien supérieure à la perte liée à d’éventuelles interactions. Par contre,
l’éleveur aura beaucoup plus de choix dans les caractéristiques des taureaux proposés par
les entreprises de sélection.
Jusqu’à présent, la sélection intra-troupeau sur la voie mère fille restait limitée, du fait d’une
pression faible (presque toutes les femelles nées étaient gardées pour le renouvellement) et
d’une précision basse des index, voire l’absence d’index en début de carrière ou pour les
caractères les moins héritables. L’ouverture de l’évaluation génomique aux femelles et la
baisse régulière de son coût permettent d’envisager la mise en place d’une sélection réelle
intra troupeau. Cependant, pour disposer d’une pression suffisante, il est indispensable de
procréer davantage de femelles par mère choisie, ce qui n’est possible aujourd’hui que par
l’usage de semence sexée. Cette option donne plus de souplesse aux éleveurs souhaitant
maitriser davantage leur objectif de sélection, tout en étant rentable à un horizon court, de
l’ordre de 4 à 5 ans.
Comme mentionné précédemment, la voie génétique a d’autant plus d’impact sur la maîtrise
des mammites que le niveau cellulaire moyen du troupeau est élevé, la réponse étant plutôt
multiplicative qu’additive. La figure 1 illustre cette situation.
La composition fine du lait est un sujet récent en sélection, qui a longtemps été limité par
l’impossibilité de la mesurer à grande échelle. Dans le cadre du projet PhenoFinLait
(Brochard et al, 2014 ; Boichard et al, 2014) ont été développées des équations de prédiction
du profil en acides gras et en protéines du lait à partir des spectres en moyen infra-rouge
utilisés par les laboratoires d’analyses pour la prédiction des taux butyreux et protéiques. Les
prédictions sont suffisamment précises pour une trentaine d’acides gras et les 6 protéines
majeures. Les acides gras saturés et les protéines présentent des héritabilités élevées,
tandis que les insaturés sont plus sensibles à l’alimentation. Ces études ouvrent des
perspectives importantes sur la sélection de composants particuliers du lait. Mais cette
possibilité ne deviendra une réalité que si l’objectif à atteindre est clairement défini et si des
incitations importantes sont mises en œuvre.
La génomique a permis de mettre en évidence les régions du génome (ou QTL, pour
quantitative trait locus) responsables de la variabilité génétique d’un caractère. Plusieurs
dizaines de QTL affectant les taux sont cartographiés souvent finement. Plusieurs sont
complètement caractérisés jusqu’à l’identification des mutations causales. Parmi ces QTL,
l’un est particulièrement exceptionnel par ses effets. Il s’agit du gène DGAT1, codant pour
l’enzyme responsable de la transformation des di-glycérides en tri-glycérides. Localisé sur le
chromosome 14, ce gène a un effet majeur sur le taux butyreux avec près de 7g/kg entre
homozygotes opposés, et 30 à 40% de la variance génétique expliquée en race Holstein. Il
affecte principalement les acides gras saturés mais également l’ensemble de la composition
du lait, y compris le taux protéique, ainsi que la quantité de matière grasse (dans la même
direction) et la quantité de lait (dans le sens opposé). Plusieurs autres gènes ont été
complètement identifiés, comme GHR, affectant les deux taux par une plus ou moins grande
dilution du lait. Le locus des caséines a un effet marqué sur le taux protéique. Le locus de la
β-lactoglobuline affecte la synthèse de cette protéine et par conséquent le rapport caséinique
(=caséines/protéines) du lait. Ce locus a aussi un effet majeur sur le taux d’acides gras poly-
insaturés dans le lait.
L’accès aux informations de composition fine permet de prédire les évolutions de profil en
fonction de la sélection actuellement pratiquée. En effet, même si la composition fine n’est
pas dans l’objectif actuel, elle peut varier sous l’effet de la sélection, si elle est corrélée à des
caractères de l’objectif. On constate ainsi qu’une augmentation du taux butyreux
s’accompagne en général d’une augmentation des acides gras saturés et plus
particulièrement du C16:0. Au contraire, la sélection pour la productivité laitière
s’accompagne en général d’un taux relatif d’acides gras insaturés plus élevé, probablement
dû à la mobilisation corporelle plus forte et plus longue des animaux. Les acides gras
saturés, issus d’une synthèse dans la mamelle à partir de précurseurs à courte chaine
provenant du rumen, sont positivement corrélés entre eux, à l’exception du C16:0. Les
acides gras saturés et insaturés sont négativement corrélés entre eux. L’indice de
désaturation en position 9 de la chaine de carbone, défini comme le rapport entre les
produits de désaturation et leurs précurseurs, apparait comme assez héritable. Deux gènes
sont identifiés comme affectant fortement le profil en acides gras du lait. D’une part, DGAT1
affecte pratiquement tous les acides gras : l’allèle augmentant le taux butyreux augmente
également la fraction de tous les acides gras saturés et diminue celle des insaturés. Par
ailleurs, SCD, codant pour la ∆9-désaturase, affecte fortement le taux de désaturation.
Jusqu’à une date récente, l’aptitude fromagère des laits n’a pas fait l’objet d’efforts
particuliers en sélection au-delà de l’effort sur le taux protéique. Cela s’expliquait aussi par le
manque de prédicteurs faciles à mesurer à l’échelle de l’échantillon de lait. Connu depuis
longtemps pour son effet sur l’aptitude fromagère, le locus de la caséine κ n’a jamais fait
Ces nouveaux outils devraient être disponibles à l’avenir en sélection et ouvriront des
perspectives importantes pour la maîtrise de la composition du lait par la génétique.
BIBLIOGRAPHIE
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> HUQUET B., LECLERC H., DUCROCQ V., 2012. Modelling and estimation of genotype by
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RESUME
L'application des principes de l’Agriculture Biologique (AB) a pour conséquence d'exposer
les animaux à un environnement contraint du fait des restrictions sur les intrants. On
recherchera donc des animaux « robustes » dans différentes dimensions et acceptions.
Notons que ces conditions peuvent se retrouver également dans des systèmes d’élevage
dits conventionnels et parmi les élevages supports des dispositifs d’amélioration génétiques.
Les animaux les plus adaptés aux élevages AB se caractériseraient par une certaine
robustesse et longévité dans un contexte de production moins « contrôlé ». Une partie de
ces aptitudes sont, plus ou moins récemment, prises en compte dans les dispositifs de
sélection. Leur part est croissante dans les objectifs de sélection (50% de l’ISU holstein
depuis 2012). Est-ce que d’autres caractères spécifiques sont à considérer ? Est-ce que les
caractères en sélection sont à prioriser différemment pour les élevages AB par rapport à
l’ensemble des élevages ? Est-ce que ces caractères s’expriment de façon équivalente dans
tous les milieux ?
INTRODUCTION
Les dispositifs de sélection actuels en ruminant sont des dispositifs collectifs s’appuyant sur
différents réseaux d’éleveurs. Cette construction collective originale par rapport à la sélection
végétale, oblige à des consensus à trouver entre les éleveurs supports et/ou utilisateurs
recouvrant une grande diversité de situations. Quelques systèmes dominent généralement et
par le passé une sélection centrée sur les caractères de production a pu engendrer dans
certaines races une dégradation de la robustesse des animaux. De la diversité des élevages
supports peut néanmoins émerger une meilleure adaptation à la diversité et aux évolutions
des besoins des éleveurs et des conditions de production. Ainsi même si des consensus
larges restent nécessaires pour la gestion des populations raciales, des perspectives
d’adaptation à des besoins spécifiques sont possibles.
Après un examen de besoins spécifiques pour une sélection la plus adaptée possible au
mode de production AB, nous nous attacherons à présenter différentes possibilités et limites
Plusieurs de ces caractères sont pris en compte dans les dispositifs de sélection actuels
avec une priorité croissante ces dernières années sur les caractères dits fonctionnels. A titre
d’exemple, la nouvelle évaluation « vie productive » en bovin allaitant, ou encore l’arrivée
d’une évaluation sur la résistance aux mammites cliniques en bovin lait. Parallèlement, avec
l’émergence de la sélection génomique, la perspective d’ouvrir le nombre de caractères
disponibles pour la sélection a conduit à la naissance de plusieurs programmes R&D en
particulier dans le domaine de la santé des animaux (mortalité des jeunes, paratuberculose,
résistance au parasitisme, santé des onglons…) (Brochard et al, 2013).
D’autres domaines restent à explorer et le sont de plus en plus : la qualité intrinsèque des
produits, le bien-être animal et l’impact sur l’environnement. Le premier domaine est
déterminant pour l’efficacité économique et environnementale de la transformation des
produits. Le deuxième domaine est en lien étroit avec la capacité des animaux à rester en
bonne santé, mais il peut aussi concerner des caractères relatifs aux conditions et
spécificités de l’élevage (sans cornes / écornage, docilité / rapport à l’éleveur). Le troisième
domaine, au-delà de critères directs du type dégagement de méthane entérique (impact
carbone) dont la définition (unité d’expression : par animal, par litre, par lactation…) est très
discutée, la question la plus cruciale à traiter est la notion d’efficacité, par exemple le
rapport : [quantité de protéines produites pour l’homme] / [quantité de protéines, valorisables
directement en alimentation humaine, ingérées].
Les objectifs de sélection sont définis au niveau racial pour optimiser les efforts de sélection,
mais on peut se demander si les spécificités des élevages AB sont telles que les caractères
devraient être priorisés différemment. Dans ce cas il pourrait y avoir intérêt à construire un
index de synthèse spécifique. Les méthodes s’appuyant sur des simulations bio-
économiques des élevages, telles que celles développées dans le cadre du programme
CASDAR OSIRIS (Guerrier et al, 2013) permettent de comparer la hiérarchie économique
des caractères selon le système considéré. Il est possible en particulier de comparer un
système conventionnel à un système AB, sur des bases technico-économiques strictes. La
hiérarchisation peut également intégrer d’autres considérations, d’ordre sociétal par
exemple, et/ou non nécessairement marchandes (à ce jour, certains critères peuvent
changer de statut en devenant marchand dans quelques années : nouveau critère de
paiement du produit, rémunération ou taxation d’externalités). Cette démarche innovante a
été amorcée grâce au projet ANR-CASDAR COSADD (Dockès et al, 2011). Le projet
CASDAR OSIRIS correspond peu ou prou à une poursuite de ce type de travaux et à une
traduction opérationnelle pour les cinq filières de ruminants laitiers et allaitants.
Si l’on constatait une priorisation suffisamment différente, alors une synthèse propre aux
systèmes AB pourrait être construite permettant une hiérarchie spécifique des reproducteurs
pour les éleveurs utilisateurs en système AB. Cela n’implique pas nécessairement la
construction d’un programme de sélection spécifique.
Les dispositifs de sélection actuels en ruminants sont ouverts (le recrutement des
reproducteurs se fait parmi l’ensemble des animaux disposant d’évaluations génétiques en
France voire à l’étranger selon les races) et généralistes (non spécifiques du système
d’élevage). Il s’agit de communautés d’éleveurs portant collectivement des programmes de
sélection, depuis la définition des objectifs de sélection jusqu’à la création du progrès
génétique, en passant par la production des données nécessaires aux évaluations
génétiques (Verrier, 2014). Cette construction collective basée sur le consensus n’est pas
antinomique avec une stratégie d’utilisation propre à chaque éleveur. A titre d’exemple,
classiquement dans les espèces allaitantes il y a nécessité de combiner un objectif long
terme d’évolution de la population et des besoins courts termes de production de groupes
d’éleveurs utilisateurs, en exploitant la variabilité intra-génération (ex. ISEVR, IVMAT en race
limousine, Boulesteix et al, 1998).
i : il faut une base de sélection (de recrutement des candidats) la plus large possible et avoir
une pression de sélection élevée.
R : il faut une évaluation génétique fiable et précise, donc s’appuyant sur des bases de
données larges et des protocoles de testage et collecte de performances solides
σA : il faut une population variable pour les caractères d’intérêts
T : intervalle de génération, faire tourner rapidement les générations.
Force est de constater que toutes les populations ne sont pas égales, et par ailleurs que
l’investissement peut être conséquent. Par exemple le coût rapporté au taureau en bovin lait
en situation de testage sur descendance est évalué à 30 à 50k€/animal. Et cette estimation
ne tient pas compte de l’ensemble des coûts (évaluations génétiques réalisées sur fond
publics, collecte des performances majoritairement dans le cadre d’adhésion des éleveurs
aux services de contrôle de performance…).
Une évaluation de l’intérêt (gain de progrès génétique pour les éleveurs) et des coûts d’un
dispositif dédié par rapport à la valorisation d’un programme de sélection préexistant (§2.1 et
2.2), est donc à faire avant de construire un dispositif spécifique (Nauta et al, 2012).
Que l’on veuille définir la hiérarchie technico-économique des caractères (en sélection ou à
sélectionner) ou identifier des interactions génotype x milieu (c'est-à-dire une expression du
potentiel génétique différente selon le mode de conduite, AB vs conventionnel), un préalable
indispensable est de disposer de références technico-économiques dans la diversité des
types d’élevage. Plus précisément, il conviendrait de disposer pour un nombre suffisant
d’éleveurs en mode de production AB et au moins autant en mode conventionnel (pour une
race donnée), de données de reproduction, de performances, de généalogies, ainsi que de
références économiques (ex. : réseaux d’élevages).
Plusieurs cas-types issus des réseaux d’élevages existent et sont valorisables pour ce genre
de travaux. En revanche, à ce jour, même si des données techniques existent, probablement
en nombre suffisant dans les principales races de ruminants, dans les systèmes nationaux
d’information génétique (SNIG), le mode de production n’est pas connu. Les données des
élevages en mode AB (en contrôle de performance), sont valorisées indifféremment des
autres données sans possibilité de réaliser des études spécifiques.
Pour les races à faibles effectifs, la production de références via les dispositifs classiques de
collecte de données s’avère difficile, aussi d’autres approches sont à imaginer à la manière
de l’approche « cas-type » développée récemment dans le cadre du projet CASDAR
VARAPE (orienté vers des valorisations en filières courtes).
Concernant l’étude des interactions génotype x milieu, dans le cadre du projet CASDAR
GENESYS, une comparaison a été faite entre élevages sur la base de leur niveau
d’intensification (estimé à partir des données de production : lait et quantités) d’une part, et
une approche systèmes (hauts vs bas intrants) x races (normande et holstein,
expérimentation Inra, domaine de Borculo, Le Pin-au-Haras) d’autre part. L’expérimentation
races x systèmes met en évidence une adaptation non équivalente des races aux systèmes.
Les normandes supportent mieux le système bas intrants que les holsteins mises en
difficulté par une période de reproduction très resserrée, de 13 semaines (Leclerc et al,
2014). En revanche, il n’apparait pas d’interactions génotype x milieu de type reclassement
(classement des reproducteurs s’inversant selon le milieu) pour les caractères de production
entre élevages intensifs et extensifs. Les différences génétiques sont néanmoins exacerbées
en système d’élevage intensif (Hucquet et al, 2012). Ces travaux ne portent pas
spécifiquement sur le mode de conduite, mais établissent des premières références facilitant
l’extension à des comparaisons AB vs conventionnels.
3.4 Développer des références pour l’utilisation en élevage des outils disponibles
Il faut également considérer toutes les possibilités d’adaptation en élevage (cf. §2.1). Les
leviers disponibles s’enrichissent d’une part de l’augmentation du nombre de caractères
disponibles (en particulier concernant les caractères fonctionnels) et de l’apparition de
nouveaux outils (évaluation génomique et semences sexées). Des programmes
d’information et de formation sont déployés et à déployer pour garantir une bonne
appropriation et une valorisation de ces nouvelles possibilités.
En parallèle, bien que plusieurs travaux aient été réalisés récemment sur le croisement (pour
l’élevage) à la fois à l’échelle nationale (en valorisant les données des élevages suivis en
contrôle de performance, Dezetter et al, 2014) et à l’échelle locale à partir d’expériences
d’éleveurs, les références sont à enrichir et à valoriser auprès des éleveurs pour que chacun
puisse définir sa propre stratégie.
CONCLUSION
En filigrane une question importante se pose, c’est l’établissement de références spécifiques
aux élevages en mode de production AB et comparables à celles des autres élevages. Des
sources de données existent et pourraient être mobilisées.
L’inconnue principale est le rapport entre la variabilité des systèmes (incluant les modes de
valorisation économique), des orientations et des visions de l’animal souhaitable au sein des
éleveurs en mode de production AB et les différences existantes entre ce groupe d’élevages
et les élevages actuellement support aux dispositifs génétiques (réseau généraliste
recouvrant une grande hétérogénéité de systèmes). Il y a, en effet en France, une grande
diversité de systèmes d’élevage (plaine / montagne ; bas / haut niveau d’intrant ; différences
pédo-climatiques), quel que soit le mode de production (conventionnel ou AB).
Quelques premiers travaux (COSADD, OSIRIS, GENESYS) ont contribué à produire des
références, néanmoins d’autres études sont à imaginer, telles que le projet déposé au
printemps 2014 conjointement par l’Inra, l’ITAB, les Organismes de Sélection (montbéliard,
normand, bleue du Nord) et l’Institut de l’Elevage à l’appel d’offre CoreOrganic+ pour établir
ce type de références en races mixtes (interactions GXE, caractères de robustesse et de
mixité, index de synthèse « AB »).
Il n’y a pas une solution unique mais une diversité de solutions à mobiliser différemment
selon son système, sa filière, sa race et ses objectifs.
REMERCIEMENTS
Remerciements à Jean-Michel ASTRUC, Laurent JOURNAUX, Gilles LAGRIFFOUL,
Pascale LE MEZEC et Delphine PINARD pour leur relecture critique.
RESUME
Dans cet article, les caractéristiques des schémas de sélection actuels sont décrites dans un
premier chapitre, puis les besoins de l’élevage biologique pour les filières avicoles sont
définis et mis en regard avec les choix qui sont actuellement proposés aux éleveurs dans un
second chapitre. Enfin, nous évoquerons des perspectives d’évolution liées à l’actualité.
La sélection, qui implique un choix des reproducteurs pour procréer la génération suivante,
est intimement liée au processus de domestication. Les pratiques de sélection peuvent être
empiriques, s'appuyer sur des représentations culturelles ou des connaissances issues
d’organisations de schémas de sélection complexes et d'une démarche rigoureuse.
Globalement, on distingue la sélection massale de la sélection généalogique pour les
génotypes chair utilisés en filière biologique, auxquelles il faut maintenant éventuellement
ajouter la sélection génomique pour certaines pondeuses.
La sélection généalogique, quant à elle, prend bien compte des caractères intrinsèques de
l’animal, mais aussi de ceux d’ascendants et/ou de collatéraux. Des approches
mathématiques permettent ensuite d’estimer des paramètres génétiques dont l’héritabilité,
qui correspond à la part de la composante génétique dans la variabilité observée d’un
caractère. L’amélioration génétique du cheptel par sélection consiste donc à mettre à
l’épreuve des candidats à la sélection avant de choisir ceux qui sont le plus susceptibles de
faire évoluer favorablement la moyenne d’un caractère d’intérêt. Les caractères sélectionnés
et donc les lignées varient selon le type de production (chair ou ponte, production standard
ou sous signe de qualité, etc…). Par contre, les éleveurs de reproducteurs ne sont pas
spécialisés et produisent des reproducteurs pour différentes filières au sein des mêmes
structures avec mixité des produits conventionnels et biologiques.
L’organisation des filières avicoles, à l’instar de la filière porcine, est dite pyramidale avec
une séparation entre des étages sélection, multiplication et production et une démultiplication
des effectifs associée à des croisements successifs. Les sélectionneurs gèrent donc
plusieurs populations (ou génotypes) grand parentaux pures, dont le produit du croisement
est commercialisé sous le terme de parentales. Selon que la lignée parentale soit destinée à
être utilisée comme mâle ou femelle dans le croisement terminal, les sélectionneurs
fourniront des parentales du sexe idoine aux accouveurs ou multiplicateurs qui réalisent des
croisements pour obtenir un produit terminal. Les volailles font donc l'objet de programmes
de croisement faisant intervenir initialement au sommet de la pyramide, 3 ou 4 lignées
différentes (Fig.1). La durée du processus d’obtention des poussins mis en place au sein
d’élevages commerciaux "chair" (étage de production) ou d’élevage de poulettes pour
produire de futures poules pondeuses d’œufs de consommation, à partir des lignées
sélectionnées est donc plus ou moins long selon le degré de complexité du plan de
croisement (2, 3 ou 4 voies) et l’importance des volumes produits pour une filière spécifique.
Les poussins actuellement en élevage résultent donc de programmes de sélection datant de
de 3 à 5 ans (Fig. 1). Cette organisation permet d’appliquer une forte pression de sélection
qui correspond au rapport entre le nombre de candidats testé et le nombre reproducteurs
retenus, et de bien diffuser le progrès génétique en le démultipliant à chaque étage. Les
animaux issus de ces croisements sont généralement sensiblement plus performants que la
moyenne de leurs géniteurs sur de nombreux caractères. Cet avantage résulte de l’effet
d’hétérosis, historiquement décrit sous le terme de "vigueur hybride", correspondant à la
notion populaire de recours à du sang neuf. Un des inconvénients de cette méthode est que
les populations efficaces d'un génotype sont d’effectifs limités et que le risque de réduction
Concrètement la diversité des génotypes observés sur le terrain pour le poulet de chair à
croissance lente, au nombre d’une 40aine, résulte du croisement d’une parentale femelle,
avec des mâles issus de différents génotypes parentaux qui transmettront le phénotype
désiré au produit terminal. Ainsi, la femelle est le plus souvent porteuse d’allèles récessifs,
c'est-à-dire qui ne s'expriment pas si l'autre parent apporte un allèle dit “dominant“. Lors du
croisement de cette parentale avec des mâles porteur d’un allèle dominant pour le caractère
concerné, le produit aura alors les caractéristiques phénotypiques héritées de son père
(couleur des pattes, du sous plumage, du plumage,…). Les efforts de sélection et
notamment le coûteux contrôle de la ponte, sont ainsi concentrés sur les génotypes
constituant la parentale femelle. Plusieurs lignées peuvent aussi être sélectionnées
indépendamment à partir d’une même population d’origine. Une telle approche permet par
exemple de sélectionner des caractères d’intérêt présentant des antagonismes génétiques
(améliorer l’un va détériorer l’autre). Les lignées qui auront "divergé" sur les caractères
d'intérêts économiques sont ensuite recroisées, ce qui permet d'obtenir un terminal amélioré
tout en étant de "race pure". Tel est le cas pour la Gauloise blanche, plus connue sous son
appellation commerciale de Poulet de Bresse.
La production de poulet de chair est la seule filière de production biologique dans le secteur
animal qui ait établi une restriction à l’utilisation de la génétique disponible sur un critère
génétique, correspondant à des génotypes dits à croissance lente, l’utilisation des races
locales n’y est pas aujourd’hui spécifiquement privilégiée. Les races locales, moins
productives, sont de fait difficilement exploitables dans les circuits commerciaux actuels,
c'est-à-dire en dehors des marchés de niche, plus rémunérateurs. Des cheptels d’une 15aine
de races locales faisant l’objet d’une production ont été constitués et sont gérés sur le plan
génétique par le SYSAAF afin de minimiser l’évolution de la diversité génétique. En effet si la
France est riche de races locales, cette richesse n’est malheureusement en rien garante du
maintien de la diversité génétique au sein de ces populations. Une initiative conjointe de
l’ITAVI et du SYSAAF, actuellement en cours au niveau national en concertation avec le
Ministère en charge de l’Agriculture dans le cadre de la mise en application de la nouvelle
programmation des MAE (Mesures Agroenvironnementales), pourrait favoriser la mise en
place de programmes de gestion génétique de ces races et accroitre leur disponibilité pour la
production à moyen terme.
Le recours à des croisements entre des races locales et des lignées commerciales pour la
production est fréquent dans certaines filières animales pour lesquelles il est perçu
positivement, notamment au regard de sa contribution à sauvegarder les races concernées.
Sous réserve de mettre en place des schémas de sélection dédiés, cette démarche qui est
généralement très décriée en filière avicole pourrait sans doute contribuer à la sauvegarde
Qu’il s’agisse d’une race locale ou d’une lignée à diffusion mondialisée, la gestion des
programmes de sélection implique nécessairement une traçabilité sans faille chez les
sélectionneurs. En France, ceux-ci sont contrôlés dans le cadre d’audits de conformité au
référentiel RefAvi-SYSAAF1 (SYSAAF, 2014) qui ont pour objet de s’assurer de leurs bonnes
pratiques, tant dans le domaine sanitaire que génétique. Il implique en particulier le respect
de conditions d’élevage sécurisées (élevage en claustration, sas, douche, marche en avant,
démarche préventive, etc…), ainsi que la mise en place d’effectifs minimum et le recours
obligatoire à la sélection généalogique, afin de garantir une gestion optimisée de la diversité
génétique. C’est d’ailleurs pour ces motifs que les lignées pures grand-parentales, dont les
produits terminaux sont utilisés pour les productions Label Rouge, doivent obligatoirement
être sélectionnées conformément à ce référentiel. Cette obligation est stipulée dans les
Notices Techniques de l’INAO2 qui sont-elles mêmes référencées dans les 2 arrêtés
concernant les productions de volailles Label Rouge (Arrêtés 2006). Concrètement, les
modalités de mises en œuvre de cette obligation règlementaire font l’objet d’une convention
tripartite établie entre le SYNALAF3, les Organismes de Contrôle et le SYSAAF. Les filières
biologiques, qui utilisent globalement les mêmes génotypes, bénéficient donc indirectement
de cette démarche qui correspond a priori à l’éthique de l’Agriculture biologique. Néanmoins
l’application de cette démarche ne constitue pas une obligation au sein des filières
biologiques alors que la préservation de la diversité génétique est une valeur qui y prônée.
Au-delà de cette obligation résultant de la volonté d’accéder à un marché de produits sous
signe de qualité, les adhérents sélectionneurs avicoles du SYSAAF, aujourd’hui au nombre
de 17, doivent avoir au moins une lignée conforme à ce référentiel pour pouvoir faire état
d’une reconnaissance au titre de "sélectionneur SYSAAF", et ce quel que soit le marché
auquel leurs poussins sont destinés.
1
SYndicat des Sélectionneurs Avicoles et Aquacoles Français (Figure : 2)
2
Institut National des Appellations d'Origine, désormais appelé Institut National de l'Origine et de la Qualité
3
SYndicat NAtional des Labels Avicoles de France
La question est donc de savoir si les besoins des producteurs biologiques sont identiques à
ceux des productions "Label-Rouge" et fermière, ou si des besoins spécifiques résultent de
l’application des cahiers des charges de l’agriculture biologique. Certains des besoins qui
résultent des conditions d’élevage sont indéniablement partagés comme l’illustre l’exemple
de la mortalité évoqué précédemment. Sachant que les règles en vigueur au regard des
possibilités d’utilisation de traitements allopathiques sont plus drastiques en élevage
biologique, tel est également le cas pour la résistance aux maladies et aux parasitismes.
C’est également vérifié pour les caractéristiques comportementales, notamment le
comportement exploratoire ainsi que les interactions sociales agonistiques et antagonistes et
leurs éventuelles conséquences (picage, cannibalisme) (Chapuis, 2009, 2010 ; Guémené et
al., 2009). Certains besoins spécifiques peuvent résulter de pratiques aujourd’hui très
marginales, comme par exemple le souhait de disposer de races mixtes, c'est-à-dire à
double fin (chair et ponte), ou encore la capacité à exprimer le comportement d’incubation
dont on cherche par ailleurs à limiter l’expression en élevage conventionnel. Des besoins
plus spécifiques concernant l’ensemble de cette filière résultent par contre de différentes
exigences règlementaires actuelles ou en discussion comme l’origine et la nature des
matières premières entrant dans la composition de l’aliment, le respect de l’ensemble des
règles d’une exploitation biologique, dont un accès au plein air obligatoire des reproducteurs
biologiques pour la production des poussins mis en œuvre dans la filière.
Avant de voir si les programmes de sélection actuels peuvent répondre aux besoins
spécifiques de cette filière, il faut s’interroger quant aux raisons pour lesquelles aucun
sélectionneur ne propose de génotype spécifique ? Pour répondre à cette question, il faut
évaluer ce que représente ce marché pour les intervenants en amont de la production.
L’éventualité d’un tel approvisionnement simultané des filières ponte et chair en poussins
issus de races mixtes à partir d’un même cheptel impliquerait toutefois de déroger à l’Arrêté
Salmonelles 2008 qui précise les conditions permettant l'inscription à la charte sanitaire
officielle: "A compter du 1er octobre 2008, les œufs à couver d'animaux de l'espèce Gallus
gallus de la filière ponte sont traités de manière entièrement séparée de ceux de la filière
chair. Cette séparation concerne les locaux qui doivent être dédiés et tous les flux. La
gestion alternée dans le temps dans les mêmes locaux n'est pas autorisée. La gestion des
troupeaux de reproducteurs et le ramassage des œufs à couver sont organisés de manière à
cloisonner totalement les deux filières dans le cas des sociétés d'accouvage commercialisant
des poussins des souches chair et ponte". Ce texte qui précise les modalités de
fonctionnement du couvoir, exclut donc de facto cette possibilité. La mise en application des
exigences plus exigeantes, applicables aux pondeuses, devrait faciliter l’obtention de régime
dérogatoire.
2.4 Adéquation de l’organisation actuelle des sites de sélection pour répondre aux
besoins des éleveurs biologiques
Afin de protéger leur cheptel en particulier d’un point de vue sanitaire, les sélectionneurs
élèvent aujourd’hui leurs futurs reproducteurs du noyau de sélection en claustration totale,
depuis l’éclosion jusqu’à la réforme, même si les produits terminaux doivent avoir accès à un
parcours. En outre, afin de pouvoir quantifier les différents caractères d’intérêts par des
mesures individuelles, les futurs reproducteurs sont le plus souvent placés en cages
individuelles, du moins pendant une partie de leur vie. Ces reproducteurs sont également
soumis à un protocole de prophylaxie conventionnel et nourris ad libitum avec un aliment
complet conventionnel jusqu’à leur première pesée afin qu’ils expriment leur potentiel
génétique de croissance réel, même s’il s’agit de produire in fine des poulets de chair à
"croissance lente" ou des pondeuses, destinés à la production biologique. L’hypothèse sous-
jacente forte est que la hiérarchie des animaux sera conservée si l’on change
d’environnement et que les animaux écartés de la sélection en claustration ne se seraient
pas non plus bien comportés dans des conditions de type label ou biologique. Ce postulat a
CONCLUSION
Les productions avicoles biologiques s’inscrivent actuellement selon différentes dynamiques
structurelles, dans le cadre de filières courtes ou organisées. Il en résulte une variabilité des
pratiques d’élevage et des besoins en termes de génétique à mettre en oeuvre. Néanmoins,
les besoins d’une majorité des éleveurs biologiques travaillant en filières organisées, soit
environ 90%, sont largement partagés avec les éleveurs conventionnels de type Label
Rouge, à l’exception notable de l’adaptation à un régime alimentaire composé à partir de
matières 1ères biologiques.
Une adéquation parfaite des génotypes aux différents besoins des éleveurs biologiques,
éventuellement contradictoires, peut relever de l’utopie. Néanmoins les sélectionneurs par
Jusqu’à ce jour, en dépit du fait que seuls des génotypes à croissance lente peuvent être
utilisés en productions biologiques, in fine seul le mode d’élevage des poussins détermine
leur statut biologique, puisqu’il n’existe pas de génotypes spécifiquement dédiées à l’élevage
biologique, ni de réglementation définissant précisément ce qu’est un poussin biologique.
Actuellement, les éleveurs de reproducteurs sont donc en capacité de produire
simultanément des poussins pour les différents types de productions dans des conditions
économiques et techniques viables, notamment sur le plan sanitaire. Les discussions
relatives à l’évolution du règlement Européen en cours concernent en particulier les
conditions d’élevage des reproducteurs pour l’approvisionnement des filières biologiques et
donc l’obligation de respecter le cahier des charges biologiques pour la production de
poussins aux différents maillons de la filière. Pour légitimes qu’elles soient ; les propositions
faites pour ce nouveau règlement pourraient en cas d’adoption compromettre les possibilités
d’approvisionnement en poussins correspondant peu ou prou aux besoins actuels des
éleveurs et par conséquent mettre durablement en cause le développement de la filière.
BIBLIOGRAPHIE
> Agence Bio 2014. L'agriculture biologique, chiffres clés - Edition 2013.
http://www.agencebio.fr/ http://www.agencebio.org/les-chiffres-cles
> Arrêté du 1er décembre 2006 portant homologation de la notice technique définissant les
critères minimaux à remplir pour l’obtention d’un label rouge « volailles fermières de chair
présentées en frais, surgelé, transformé, entier et découpe pour les espèces suivantes :
poulets de chair, chapon, poularde, pintade, chapon de pintade, dinde à rôtir, dinde de
découpe, oie, canard de Barbarie, canard Pékin, caille ».
> Arrêté du 14 novembre 2006 portant homologation de la mise à jour de la notice
technique définissant les critères minimaux à remplir pour l’obtention d’un label « œuf ».
> Arrêté du 26 février 2008 relatif à la lutte contre les infections à Salmonella de l’espèce
Gallus gallus en filière ponte d’œufs de consommation et fixant les modalités de
déclaration des salmonelloses aviaires visées à l’article D.223-1 du code rural, dans ces
mêmes troupeaux.
INTRODUCTION
Par Denis FRIC
Il est difficile d’avoir la charge de résumer en 10 minutes le travail du FiBL sur la sélection
d’animaux adaptés aux conditions locales de l’élevage. Pour rester le plus « objectif
possible », cette synthèse reprend quelques écrits d’Anet Spengler sur le sujet.
Les approches du FiBL pour l’élevage et la sélection des vaches laitières Bio a toujours
reposé sur :
• Un élevage et une sélection adaptés aux conditions locales
• La sélection des caractères liés à la santé
• L’encouragement de la monte naturelle
Pour la production de lait et de viande basée sur les herbages et en agriculture bio, les
bovins devraient être sélectionnés de manière à être bien adaptés aux conditions locales, en
particulier aux fourrages de base que la ferme peut produire (Figure 1). Des instruments de
vulgarisation sont à disposition pour évaluer l’adéquation des vaches à leur milieu.
Figure 1 – Les bovins devraient être sélectionnés de manière à être bien adaptés aux
conditions locales, en particulier aux fourrages de base que la ferme peut produire (Photo: ©
FiBL, Claudia Schneider)
C’est en principe assez facile de répondre: la production journalière de lait par animal devrait
correspondre au potentiel de production de lait du fourrage de la ferme (y compris les 10 %
de concentrés). Mais on ne peut pas faire tout le temps ce calcul, et la gestion de
l’affouragement et la capacité d’adaptation des vaches jouent aussi un rôle. Voilà pourquoi le
FiBL a développé un «Formulaire d’évaluation pour une sélection de vaches laitières
conforme aux conditions locales», à l’aide duquel on peut estimer l’adéquation de chaque
troupeau à son milieu. Il est constitué d’un questionnaire concernant le troupeau et d’un
questionnaire concernant l’exploitation agricole. La réponse à chaque questionnaire fournit
des points. Si les conditions de production sont excellentes, le nombre de points est élevé
pour l’exploitation, on peut produire du fourrage de qualité et élever des animaux assez
exigeants et à hautes performances. De même, en présence d’animaux à haute productivité,
on a un nombre de points élevé pour le troupeau.
Si le nombre de points du troupeau est plus élevé que le nombre de points de l’exploitation,
cette ferme ne peut pas bien répondre aux besoins des animaux. Et dans la situation
contraire, l’exploitation n’utilise pas tout son potentiel de production. Il faut donc tendre à un
équilibre entre les points de l’exploitation et les points du troupeau.
Dans le cadre du projet « Sélection bio dans les Grisons », qui a été conduit sur 99
exploitations, les fermes avec un équilibre entre l’évaluation du troupeau et l’évaluation des
conditions locales avaient un nombre de traitements vétérinaires par animal inférieur, une
durée d’utilisation des animaux supérieure et un intervêlage plus court que dans les
exploitations avec des animaux trop exigeants au regard de ce que pouvaient leur offrir les
conditions locales. Les résultats concernant l’intervêlage ont également été confirmés dans
une autre étude du FiBL portant sur 72 exploitations bio.
Si le troupeau exige davantage que ce que les conditions locales peuvent offrir, l’éleveur
peut faire évoluer son type de vaches en direction d’une vache à deux fins, en croisant ses
animaux avec une race adéquate pour cela, ou bien en achetant des animaux (veaux
d’élevage) d’une telle race. Il peut également tenter d’améliorer les conditions de
l’exploitation, par exemple en utilisant de manière plus ciblée les différents fourrages de
base. Ces fourrages doivent être stockés et accessibles séparément, et les balles d’ensilage
de différentes provenances et qualités doivent être identifiées comme telles. Il faut avoir
assez d’animaux consommant du fourrage grossier autres que les vaches laitières, de
manière à pouvoir réserver les meilleurs fourrages aux vaches, surtout durant les cents
premiers jours de la lactation. Enfin il faut prendre tout le temps nécessaire pour affourrager
les vaches de manière ciblée et individuelle.
Si l’on sélectionne les vaches sur leur aptitude à bien valoriser le fourrage grossier, il est
important de vérifier leur état d’embonpoint (BCS). Toutes les vaches devraient être
• Des caractères de productivité : les trois premières lactations sont prises en compte
de façon pondérée (20% pour la première, 30% pour la seconde et 50% pour la
troisième) ; la persistance de la lactation qui permet de mesurer la régularité des
lactations ; l’augmentation de la productivité qui permet de donner une chance
supplémentaire aux bêtes tardives qui développent leur potentiel de croissance, leur
capacité d’ingestion des fourrages et donc leurs réserves de performances tout au
long des trois premières lactations.
• Des caractères de constitution : la durée d’utilisation donc la longévité des animaux ;
la proportion de veaux nés vivants qui détermine la vitalité des veaux et le
déroulement des mises-bas ; les caractéristiques de fécondité ; la teneur en cellules
qui donne une idée de la santé de la mamelle ; les critères externes (format 20%,
membres 35%, mamelle 30%, trayons 15%)
Cette démarche allait dans le sens d’un principe de base de l’Agriculture Biologique :
produire en respectant la nature et l’éthique ; son but était de favoriser la santé, la
longévité et la rentabilité des vaches laitières.
Pourtant en 2014, suite à des modifications des critères pris en compte dans la sélection de
la vache Brune, le groupe des éleveurs Bio de la race Brune et le FiBL décident de ne plus
publier la VEGE pour la race Brune.
Braunvieh Schweiz a révisé ses valeurs d’élevage. Les caractères purement productifs
perdent de l’importance – au bénéfice de caractères comme la fécondité, le nombre de
cellules et la persistance.
Figure 2 – Les nouvelles valeurs d’élevage globales de la race Brune favorisent les vaches pas
trop grandes et bonnes pour le pâturage. Ici, Heidi, la mère du taureau d'IA Rico (Photo: ©
FiBL, Anet Spengler)
Braunvieh Schweiz a révisé la valeur d’élevage globale (VEG) pour la race Brune (RB). Et
c’est la première fois qu’il y a une VEG spécifique pour la race Brune originale (RBO). Le but
était que les nouvelles valeurs d’élevage montrent mieux les points forts fonctionnels des
taureaux et de diminuer un peu la pondération des performances de production. La
fécondité revêt une importance particulièrement grande avec 15 % pour la RB et 14
pourcent pour la RBO. La VEG de la RBO tient compte non seulement de la performance
laitière et des caractères fonctionnels, mais aussi des performances d’engraissement.
Charnure et accroissement net des veaux et bœufs d’étal contribuent à la VEG avec
20 % au total. La VEG des deux races ne tient plus compte de la grandeur de l’ossature afin
de contrer la pression de sélection vers des bêtes grandes et lourdes. Allant tout à fait
dans la direction de la production laitière basée sur les herbages, une nouvelle valeur
d’élevage pâture (VEP) a été créée pour donner davantage de poids aux caractères
importants pour l’élevage au pâturage: dans la VEP, la fécondité et le nombre de cellules
sont pondérées plus fortement et la quantité de protéine moins fortement que dans la VEG.
Le poids corporel, un indice tiré des valeurs d’élevage pour la hauteur à la croupe, la
profondeur du corps et la longueur du bassin, sont pondérés négativement dans la VEP car
les vaches petites et compactes mettent mieux en valeur les fourrages grossiers et ont une
meilleure efficience de la production laitière. La pondération de ce caractère est de 10 %.
Vu que la VEGE et la VE cellules étaient jusqu’à maintenant les principaux critères pour
octroyer la feuille de trèfle à des taureaux d’IA de la race Brune, de nouveaux critères ont dû
être définis: à partir de la nouvelle estimation des valeurs d’élevage en août 2014, le label
feuille de trèfle est maintenant donné aux taureaux RB qui ont une VF > 100, une VEG > 100
et un VE cellules > 95. Ces valeurs sont les mêmes pour les taureaux RBO sauf la VF > 95,
plus basse parce que la base est nettement plus haute pour la RBO que pour la RB. Ces
critères pour l’octroi de la feuille de trèfle sont valables cette année, mais pour l’année
prochaine ils seront réexaminés en détail et réadaptés si nécessaire.
2.3 Réactions
Cette position peut faire poser de nombreuses questions. Certes, le poids de l’agriculture
biologique en France n’est pas la même qu’en Suisse, mais il est intéressant de se livrer à
quelques comparaisons :
• le tableau 1 indique les critères utilisés dans la pondération de la VEG (Valeur
d’Elevage Globale) de la race Brune
• le tableau 2 indique les critères utilisés pour la VEE (Valeur d’Elevage
Ecologique)
• la figure 3 indique en France les critères actuels de l’ISU en France pour la
vache Brune.
Dans la VEE, les caractères de la productivité laitière, des quantités des matières grasse et
azotée, de la teneur en protéines, de la persistance et de l’augmentation de la productivité
représentent 40%, alors que les caractères de la constitution, tels que la durée d’utilisation,
la proportion des veaux nés vivants, le taux de non-retour des filles, le délai de mise à la
reproduction, la teneur en cellules et l’extérieur représentent 60% (Tableau 2).
Tableau 2 – Pondération relative des caractères dans la valeur d’élevage écologique (VEE)
Caractère Pondération
Rendement laitier 8%
Quantité mat. Grasse 7%
Quantité protéines 6%
Teneur mat. Grasse 3%
Teneur protéines 8%
Durée d’utilisation 8%
Persistance 20%
Teneur en cellules 2%
TNR filles 2%
Délai mise reproduction 2%
Aptitude à la traite 9%
Extérieur 25%
Le conseil d’administration de l’OES BGS a adopté la nouvelle formule de l’ISU après l’étude
de la réponse à la sélection avec différentes options. Dans la figure 3, on observe que le
nouvel ISU permet un progrès génétique équivalent sur la quantité de lait, un progrès
toujours notable des taux, et un rééquilibrage des index CEL et FER. L’ancienne pondération
prenait insuffisamment en compte la fertilité pour éviter une dégradation de ce critère dans le
temps.
L’objectif de sélection est bien de générer des vaches productives, rentables, et faciles à
vivre. Les caractères fonctionnels, en plus des taux, sont les atouts de notre race Brune, et
nous devons consolider cet avantage.
3 RAPPELS DE VOCABULAIRE
Les index fonctionnels, dont l’amélioration permet de diminuer les coûts de production et
d’augmenter la productivité du travail, concernent quatre familles d’aptitudes.
• FER (Fertilité des vaches) traduisant la fertilité post-partum des filles du taureau
(l’index ne décrit pas la fécondance de la semence), et FERG (Fertilité des
génisses) ;
• IVIA1 (Intervalle vêlage/première insémination) : l’indexation sur les caractères de
fertilité est complétée par l’intervalle entre le vêlage et la première insémination
artificielle, qui traduit l’aptitude au retour en cyclicité post-partum.
La longévité fonctionnelle :
• LGF traduisant l’aptitude des filles d’un taureau à avoir une longue carrière laitière
indépendamment de leur niveau de production, dans l’objectif de diminuer les
réformes involontaires (réforme d’un animal pour une autre raison que son niveau de
production).
L’évaluation des caractères morphologiques repose sur l’examen de chaque animal avec
une table de pointage spécifique à chaque race, et concerne jusqu’à 30 indicateurs
élémentaires, mesurés à la toise ou notés sur une échelle linéaire de 1 à 9.
Des index globaux sont calculés pour les caractéristiques générales de morphologie. Ils
synthétisent des index élémentaires en fonction des objectifs de sélection de chaque race.
• MO (Morphologie) et MA (Mamelle)
• CO (Corps) ME ou AP (Membres ou Aplombs)
Au-delà des caractères de production (lait, MG, MP, TB, TP) permettant d’optimiser les
recettes, la rentabilité économique de la production laitière dépend aussi de la limitation des
charges (frais vétérinaires, frais d’élevage et de reproduction, réformes pour causes autres
que la production,…).
Dans le cadre d’un raisonnement économique global, l’ISU est un index adapté et complet,
combinant les caractères de production (INEL), les caractères fonctionnels (comptage
cellulaire, fertilité et longévité) et la synthèse des caractères morphologiques. La pondération
entre ces différents critères est spécifique à chaque race selon les objectifs de sélection
qu’elle s’est définie.
A titre d’exemple, l’ISU de la race Prim’Holstein est composé à 35% des caractères de
production (INEL) ; 22% de reproduction, 18% santé de la mamelle ; 15% de morphologie ;
5% de longévité fonctionnelle et 5% de vitesse de traite.
REMERCIEMENTS
Merci à Anet Spengler Neff pour sa collaboration et pour les différents documents sur
lesquels se basent ce résumé.
INTRODUCTION
La robustesse qualifie la capacité d’un système (le troupeau ou l’animal) à faire face à des
perturbations. Cette propriété est déterminante dans un contexte de production caractérisé
par une instabilité des prix et du climat (Åby et al., 2012). Pour les systèmes bovins laitiers à
bas intrants, tels que les élevages en agriculture biologique, la robustesse est une propriété
d’autant plus importante que ces systèmes sont particulièrement exposés aux perturbations,
imprévisibles en fréquence et en nature. Identifier les leviers d’action de l’éleveur pour
accroître la robustesse de son élevage aux aléas est ainsi un enjeu important. Pour y
répondre, des travaux de recherche ont été initiés pour mesurer la robustesse de façon
opérationnelle. Un de leurs intérêts repose sur l’identification de phénotypes intéressants en
termes de capacités adaptatives des animaux, en vue de raisonner la sélection génétique de
la robustesse et définir des pratiques d’élevage tenant compte des capacités productives et
adaptatives des animaux (Lee et al., 2009). Cette synthèse a pour objectif de proposer
quelques principes qui nous paraissent importants à adopter pour mettre en œuvre une
évaluation quantitative de la robustesse au niveau de l’animal et du troupeau, en prenant
pour exemple les élevages bovins laitiers.
1 LE CONCEPT DE ROBUSTESSE
La robustesse d’un animal ou d’un troupeau doit être appréhendée de façon globale, en
prenant en compte conjointement plusieurs traits ou caractères de production et en
caractérisant les processus adaptatifs impliqués dans les réponses aux perturbations (Blanc
et al., 2010). Cela implique que la robustesse à un niveau d’organisation donné (par exemple
le troupeau), va dépendre des propriétés adaptatives intrinsèques des niveaux sous-jacents
(i.e les animaux), mais aussi de la façon dont ceux-ci sont organisés et pilotés au sein du
système (pratiques d’élevage) (Blanc et al, 2013).
2 LA ROBUSTESSE DE L’ANIMAL
La dégradation de la fertilité des vaches laitières ces dernières décennies (Boichard et al,
2005), parallèlement à l’augmentation du niveau de production laitière, met en évidence
l’existence d’une corrélation génétique négative entre ces caractères (Royal et al., 2002).
Par conséquent, évaluer la robustesse du seul point de vue de la production laitière conduit
à ignorer les conséquences éventuelles d’une perturbation de l’environnement sur d’autres
fonctions biologiques importantes (par exemple la reproduction). Dans un contexte de
ressources limitées, le maintien d’une fonction donnée provoque inévitablement une
dégradation des autres fonctions. Ainsi, en condition de ressources limitantes, un animal
sélectionné pour une fonction donnée, comme la production laitière, va exprimer un
compromis (ou trade-off), privilégiant l’allocation des ressources disponibles vers la
production laitière plutôt que vers les autres fonctions (comme la reproduction, l’immunité, le
maintien de l’état corporel). Par conséquent, l’évaluation de la robustesse au niveau de
l’animal doit intégrer ces compromis pour rendre compte des effets conjoints d’une
perturbation sur différentes fonctions (évaluation multicritères).
2.2 Les compromis entre fonctions peuvent évoluer au cours de la vie de l’animal
Dans la mesure où ils sont orientés par la sélection génétique, les compromis entre fonctions
sont principalement évalués entre les générations d’individus, comme l’illustrent les
corrélations génétiques négatives observées entre le niveau de production laitière et les
caractères de fertilité chez la vache laitière haute productrice (Pryce et al., 2004). Ces
compromis ont cependant un niveau d’expression variable au cours du temps, selon l’âge et
le stade physiologique de l’animal. En effet, bien que les capacités d’adaptation soient
largement déterminées par une composante génétique, l’accumulation d’expériences par
l’animal au cours de sa vie peut également jouer un rôle dans l’aptitude des animaux à faire
face à des perturbations. L’expérience accumulée lors d’expositions successives à des
perturbations module les réponses innées de l’animal. Un grand nombre d’exemples montre
que les conditions environnementales, notamment nutritionnelles, peuvent changer de façon
durable l’expression des gènes (plasticité phénotypique) (Gluckman et al., 2007). Cette
plasticité contribue de façon importante à la longévité de l’animal et peut s’exprimer de
différentes façons : comportements d’apprentissage, adaptation de l’efficacité métabolique
ou changement d’expression des gènes. Finalement, le temps lui-même pourrait être une
ressource qui offre à l’animal un degré de liberté supplémentaire afin de mieux ajuster les
compromis entre fonctions dans des environnements limitants ou perturbés. Chez la vache
laitière, l’augmentation de la durée de l’intervalle vêlage-insémination fécondante est à la fois
héritable et positivement corrélée au niveau de production (Royal et al., 2002), ce qui
suggère que la sélection a changé le profil temporel des priorités relatives entre fonctions (la
priorité pour la fonction de reproduction est maintenue, mais avec un délai). De ce fait, la
robustesse d’un animal doit être évaluée en intégrant une dimension temporelle.
2.3 Exemple de profils de robustesse basés sur l’étude des compromis entre fonctions
Le défi à relever pour l’évaluation de la robustesse repose sur le développement de
méthodes capables d’intégrer plusieurs caractères de l’animal et leurs évolutions conjointes
(co-dynamiques) (Ollion et al., 2013). Une telle approche a été menée récemment à partir de
jeux de données issus des unités expérimentales Inra du Pin-au-Haras (61) et de Mirecourt
(88). La production laitière et la reproduction ainsi que l’état corporel des vaches ont été
analysés durant les 3 premiers mois post-partum. Quatre types de profils de compromis
entre fonctions ont été identifiés (Figure 1). La période d’analyse correspond à la période
bien connue de déficit énergétique postpartum associée à l'insuffisante capacité d’ingestion
des animaux en début de lactation. Cette période représente le contexte de ressources
limitées évoqué dans les paragraphes précédents.
3 LA ROBUSTESSE DU TROUPEAU
Au niveau du troupeau, les individus vont exprimer différentes réponses face à une
perturbation en raison notamment de la diversité des profils de compromis entre fonctions,
comme illustré précédemment. Ainsi, nous considérons que la robustesse du troupeau
résulte de la combinaison des robustesses individuelles et de leurs interactions avec la
conduite de l’éleveur (Ollion et al., 2013, Puillet et al., 2013).
La deuxième source de variabilité d’intérêt est la diversité des réponses individuelles aux
perturbations. Notre hypothèse est qu’un troupeau composé d’animaux présentant des
profils de robustesses diversifiés sera plus robuste et plus apte à stabiliser son
fonctionnement (production laitière et renouvellement) s’il est soumis à des perturbations de
nature variée. Pour illustrer cette propriété, nous avons simulé la production de 4 troupeaux
ayant des compositions contrastées de profils de robustesse, selon l’aléa considéré
(nutritionnel, thermique, sanitaire) : 100% de vaches de type 1, 100% de vaches de type 2,
100% de vaches de type 3 et mixité avec 1/3 de chaque type (Tableau 1).
La production laitière globale des troupeaux a été simulée sur 50 ans et pour 40 répétitions
aléatoires de séquences de perturbation (1 perturbation tous les 3 ans). En moyenne, sur
l’ensemble des simulations, la production laitière annuelle des vaches diffère peu entre
troupeaux (Mixte : 7488 kg / vache / an, Type 1 : 7508 ; Type 2 : 7493, Type 3 : 7464).
Cependant, les troupeaux homogènes (1 seul type de robustesse) présentent un coefficient
de variation de la production laitière plus élevé (15 vs 12%) et plus variable que celui obtenu
pour le troupeau mixte (figure 2). La présence de différents types adaptatifs dans le
troupeau mixte permet de mieux tamponner les variations de production dans un
environnement comportant des perturbations variées.
20
15
10
Dans la mesure où l’éleveur maîtrise une part de la diversité des types de robustesse et des
stades physiologiques au sein de son troupeau, il apparait évident qu’il dispose de leviers
pour raisonner et construire la robustesse de son troupeau et donc de son système
d’élevage compte tenu de la diversité des perturbations auxquelles le système peut être
exposé et de leur risque d’occurrence. L’éleveur peut ainsi adapter ses pratiques en jouant
sur la diversité des individus qui composent le troupeau, ainsi que sur les rythmes de
reproduction des femelles afin d’en accroître la robustesse. Il a ainsi été montré que le
ralentissement du rythme de reproduction de femelles de ruminants conduisant à une
moindre sollicitation biologique des femelles permet une meilleure survie en cas de
perturbation (Tichit et al., 2004). Aussi, en élevage laitier intensif, « l’impasse » sur la
fonction de reproduction pour les femelles conduites en lactation longue (Douhard et al., in
press) peut être envisagée comme un levier du compromis entre production et reproduction.
CONCLUSION
La robustesse est une propriété de l’animal et du troupeau qui rend compte de leur capacité
à faire face aux perturbations de leur environnement. Sa mesure et son évaluation posent de
nouvelles questions à la zootechnie car l’enjeu n’est plus d’évaluer ou de prédire les
BIBLIOGRAPHIE
> Åby, B.A., Aass, L., Sehested, E., Vangen, O. 2012. Livest. Sci., 150, 80-93
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4
Centre d’Étude et Terre d'Accueil des Blés : basé dans le Lot et Garonne, il développe d'importants travaux de
Les premiers chercheurs publics qui sont venus travailler avec ces paysans sélectionneurs
furent toutes des chercheuses. Les premières rencontres furent pleines d'enthousiasme,
mais aussi parfois émaillées d'échanges rugueux lorsque des paysans refusaient d'admettre
qu'une affirmation fut « vraie » du seul fait qu'elle soit un résultat scientifique, ou lorsque les
chercheurs demandaient aux paysans comment leur affirmations pouvaient être vérifiées.
Les échanges ne devinrent productifs qu'à partir du moment où chacun a reconnu la
légitimité du savoir de l'autre, bien qu'il soit totalement différent du sien, tout autant que sa
propre incapacité à le produire ou même à comprendre son processus de construction. Si le
paysan reste le seul expert de son champ, le seul à même de savoir quelle plante s'y trouve
bien tout en lui offrant ce qu'il attend d'elle, le chercheur reste le seul expert de sa discipline,
à même d'apporter des savoirs venus d'ailleurs et des connaissances issues d'outils que les
paysans ne maîtrisent pas. Cette complémentarité commence dès la construction du
programme de recherche participative qui n'est souvent que l'indication d'un cheminement,
d'une manière de marcher ensemble et non du point d'arrivée ou autre but du chemin. Une
difficulté inattendue émerge alors : faire semblant de savoir par avance où mènera ce
chemin afin de rentrer dans le format d'appels à projet de recherche dont la formulation n'est
pas une question ouverte mais induit déjà la réponse attendue. Cet exercice ne peut pas
réussir sans la construction de complicités implicites qui exigent que le chercheur découvre
le champ, qu'il ressente les ambiances, les lumières, les couleurs, les formes, les sons, les
odeurs, les analogies empiriques (quel gros mot scientifique!)... qui permettent au paysan de
laisser émerger ses intuitions, mais aussi les dynamiques de cet écosystème plein de vies
qui l'obligent à requestionner ses choix jour après jour. Elles nécessitent aussi que le paysan
découvre le laboratoire et l'ensemble des contraintes qui s'imposent au chercheur payé pour
publier et non pour répondre à ses interrogations individuelles. Elles restent indispensables
lors de chaque étape du programme où certains choix sont longuement négociés tandis que
d'autres sont arrêtés sans discussion par l'une ou l'autre des parties seule à même d'en
décider.
Chaque année de nouveaux caractères apparaissent parmi les plantes ressemées dans un
même champ. Si choisir les plus belles plantes, celles qui paraissent localement mieux
adaptées, peut diminuer leur diversité, choisir un grand nombre de ces plantes, poussant
dans des parties différentes du même champ ou de plusieurs champs, garantit leur
adaptation à la variabilité des conditions de culture et augmente constamment la diversité :
c'est ainsi que se sont développées les sélections massales au terroir enrichies de temps à
autres par les échanges de semences entre communautés, voire par quelques croisements
dirigés. Ces sélections paysannes traditionnelles dites évolutives sont très lentes, mais leur
dispersion dans tous les territoires garantit à la fois une bonne adaptation locale et une très
grande diversité globale.
L'amélioration des plantes de l'ère industrielle développe en très peu de temps des
dizaines de milliers de croisements dirigés entre des semences paysannes collectées sur
toute la planète et conservées au sein des banques de gènes du CGIAR. Le paysan-
sélectionneur est remplacé par les sélectionneurs professionnels. La sélection sort du
champ, où chaque nouvelle plante devait s'adapter et se réorganiser sous les contraintes de
l'environnement local, pour rejoindre la station expérimentale aux conditions de culture
artificiellement homogénéisées, dites « de confort ». Cette extraordinaire accélération du
brassage génétique au niveau mondial génère un nombre impressionnant de plantes
nouvelles qu'aucune sélection paysanne traditionnelle n'aurait pu faire apparaître en si peu
de temps. Mais au lieu d'augmenter la diversité des plantes cultivées, elle les adapte toutes
au même paquet technologique (engrais et pesticides chimiques, mécanisation, souvent
irrigation) issu de l'extraction des énergies fossile et destiné à augmenter la productivité des
monoculteurs industriels. Les millions de variétés populations paysannes lentement
adaptées à la multitude de terroirs et de conditions de culture existantes, chacune riche
d'une grande diversité et variabilité intravariétale, sont remplacées dans chaque grande
région agricole du monde par quelques variétés homogènes et stables ayant perdu toute
diversité et plasticité intravariétale. Ce rétrécissement de la diversité du pool génétique utilisé
remplace la durabilité et la résilience des variétés traditionnelles par l’obsolescence
programmée des nouvelles variétés DHS incapables de s'adapter au moindre changement.
L'accélération de la production constante de nouvelles innovations devient un impératif qui
immobilise des investissements de recherche colossaux, jusqu'à 15 % du budget des
entreprises semencières sans compter les investissements publics. L'efficacité de cette
centralisation de la sélection d'innovations de plus en plus éphémères redistribuées selon un
schéma pyramidal descendant atteint aujourd'hui ses limites : pollutions multiples et toxicité
de plus en plus insupportables des nitrates et des pesticides chimiques ; contournement de
plus en plus rapide par les pathogènes et les adventices des nouveaux pesticides ou des
nouvelles résistances sélectionnées ; épuisement des sols qui relâchent dans l’atmosphère
au détriment du climat tout le carbone stocké dans l'humus stable par des centaines
d'années d'agriculture paysanne ; appauvrissement de la qualité des aliments gavés de
protéines et de sucres grossiers issus de l'excès d'engrais chimiques et dépourvus des
nutriments essentiels issus de la lente adaptation locale des plantes qui a été supprimée...
De plus, tout comme l'épuisement du réservoir de microbes susceptibles d'offrir de nouveaux
antibiotiques à l'industrie pharmaceutique l'a soudain privée de nouvelles innovations au
Seules les sélections paysannes au champ permettront de reconnecter les plantes cultivées
avec la diversité et la variabilité des conditions de culture. Mais face à l'accélération actuelle
des changements climatiques, économiques et sociaux, les sélections paysannes locales
traditionnelles sont trop lentes. La sélection participative peut leur permettre de gagner en
efficacité. Elle facilite l'accès des paysans aux semences locales traditionnelles disparues de
leurs champs et enfermées dans les collections du CGIAR, qui constituent pour eux une bien
meilleure base de sélection que les variétés commerciales modernes. Le chercheur amène
de nouvelles connaissances scientifiques permettant notamment d'organiser des
programmes collectifs à grande échelle, mais aussi les outils permettant d'accélérer les
échanges de savoirs et de savoir-faire de paysan à paysan au-delà des continents. Souvent,
quelques graines exotiques aux caractéristiques particulièrement intéressantes suivent ces
échanges. Le rôle d'animation des chercheurs et des techniciens de terrain permet de
passer d'expériences locales isolées à des échanges en réseaux polycentrés mobilisant des
centaines de paysans répartis sur de vastes territoires. Tant que l'outil technique et le savoir
scientifique ne remplacent pas « l’œil du paysan » et l'objectif d'adaptation locale, leur
complémentarité est gagnante.
Ces quelques réflexions sur la sélection participative de semences paysannes peuvent sans
doute aider à questionner le travail engagé sur les sélections animales paysannes ? A-t-on
fait le bilan :
- du remplacement de la diversité génétique interne des races locales reposant sur de
nombreux mâles - et non uniquement des femelles - nés, vivant et adaptés
localement, par des races « améliorées » par quelques mâles élites élevés hors des
fermes dans les conditions de confort des stations d'insémination ?
- du remplacement des réseaux polycentrés d'échanges de reproducteurs entre
éleveurs tous sélectionneurs par la centralisation de la sélection de reproducteurs
mâles, ou de leur semence, diffusés dans les élevages selon un schéma pyramidal
descendant ?
- du remplacement de l’œil de l'éleveur par les contrôles statistiques des performances
économiques et désormais par leurs marqueurs génomiques ?
- de la déconnexion grandissante entre la sélection centralisée et la diversité des
écosystèmes locaux ?
- du remplacement des systèmes pastoraux par l'élevage hors sol ?
- de la sélection de la capacité d'un ruminant à produire sans ruminer, en ingurgitant
toujours plus d'aliments concentrés ? de l'adaptation de tels animaux à l'agriculture
biologique ?
La remise en question actuelle de la notion de race doit-elle déboucher sur une sélection
génomique protégée par des brevets, sur la création de lignées hybrides protégées par des
marques commerciales et la détention privée des souches, ou bien sur le retour à la diversité
génétiques intra-raciale de « populations » animales localement adaptées par le travail
collectif et constant des éleveurs ? Autant de questions déterminantes pour l'avenir de
l'élevage biologique. L'implication de chercheurs et de vétérinaires dans des programmes de
sélection participative à la ferme aiderait grandement les éleveurs à y répondre.
RESUME
La Brune est une race laitière bovine originaire de Suisse, aujourd'hui mondialisée et
sélectionnée comme la Holstein. Mais 500 éleveurs suisses résistent depuis 50 ans, en
refusant la sélection « Brown-Swiss » venue des États-Unis, et en pratiquant une sélection
paysanne basée sur la monte naturelle, les performances et le comportement des vaches au
pâturage de montagne. Une sélection alternative, par et pour les éleveurs, qui leur permet
d'accéder à une génétique adaptée à l'élevage bio et herbager, privilégiant les qualités
d'élevage aux performances laitières excessives. Une expérience reconnue, réussie et
exemplaire qui préserve une grande diversité génétique intra-race. La brune originale
s'exporte y compris en France où quelques éleveurs y retrouvent les qualités d'adaptation,
de mixité et de rusticité nécessaires à leurs élevages. Les éleveurs suisses de brunes
originales sont peu attentifs aux index de toutes sortes ; l'arrivée de l'indexation génomique
leur pose question sans modifier leurs pratiques, pour l'instant.
INTRODUCTION
À la ferme biologique du Pont de l'Arche, dans le bocage angevin, nous élevons depuis 1978
des Brunes des Alpes : une vache laitière d’origine suisse, aux belles cornes en lyre.
Majoritaire dans les Alpes germaniques, elle s’est exportée un peu partout en Europe et
dans le monde depuis plusieurs siècles – en France surtout en Côte-d’Or et Aveyron. Un
succès lié à ses bonnes performances laitières, sa grande rusticité et ses facultés
d'adaptation. Pendant que les Européens continuent à sélectionner la Brune en vache mixte
herbagère et montagnarde, les Américains y sélectionnent très tôt une laitière de plaine,
spécialisée et haute productrice avec une alimentation concentrée (ensilage-céréales-soja) :
la « Brown-Swiss », dont la morphologie et les performances sont très proches de la
Holstein. Avec la vulgarisation de l'insémination artificielle (IA), la génétique américaine
débarque en Europe dans les années 70, en pleine intensification laitière. Les premières
vaches issues des taureaux Brown-Swiss donnent beaucoup plus de lait, ont une meilleure
mamelle, mais restent rustiques et solides. Les éleveurs les plus réticents se laissent
convaincre. Et très vite cette génétique américaine monopolise les schémas de sélection et
modifie radicalement la Brune européenne, passant ainsi d'un type mixte lait-viande à un
type laitier.
Comme l’immense majorité des éleveurs français de brunes, nous avons acheté la semence
des «meilleurs» taureaux américains d’IA à un prix élevé. Il n’y avait pas d’alternative
1996, avec les débuts d'internet, les rencontres sur les salons agricoles et l'ouverture à la
concurrence du marché de la sélection animale, je découvre la brune allemande. Une
sélection très laitière mais plus attentive à la diversité génétique, qui recherche un type de
taille moyenne, sans soucis. Bref, une sélection pragmatique, avec une indexation sur les
performances bouchères pour ceux qui souhaitent préserver la mixité. C'est de cette
sélection allemande que sortira dans les années 90 et 2000 quelques taureaux d'excellence
issus d'origines inutilisées : un apport salvateur de sang nouveau pour la brune européenne
jusqu'ici américanisée avec toujours les mêmes souches.
Nous utilisons quelques années cette génétique allemande, néanmoins je la trouve trop
laitière pour notre élevage, trop imprégnée des souches américaines. Les élevages de
sélections sont au maïs-soja et copient la sélection américaine. Je souhaite également
retrouver plus de mixité car nous élevons tous les veaux mâles en veau de lait sous la mère
jusqu'à 3 mois. Leur viande est vendue en direct, comme celle des jeunes vaches de
réforme. Je continue mes recherches et découvre une sélection atypique : la brune originale
suisse.
Depuis les années 70, 500 éleveurs suisses ont gardé, de haute lutte, l'« Original Braunvieh
»: la brune d'origine ou « brune originale », environ 8 500 vaches sélectionnées par des
éleveurs refusant la moindre utilisation de la génétique américaine, afin de préserver les
qualités d’une race rustique et adaptée au pâturage d’altitude. 60% de la reproduction est
menée en monte naturelle avec 400 taureaux – 1 taureau pour 22 vaches ! - d’où une
grande diversité de la voie mâle et donc une faible consanguinité. Les taureaux s’échangent,
de très nombreux concours permettent aux éleveurs de se retrouver devant les fruits de leur
choix. Certains sélectionnent des petites vaches sans soucis pour les alpages ingrats,
d’autres d’imposantes vaches productives qui dépassent parfois les 10 000 kg de lait par
lactation sur de grasses prairies de trèfles. Mais ces vaches très hautes productrices
commencent à 5000-6000 kg en 1ère lactation. Les taureaux d'IA sont issus pour moitié du
testage et pour l'autre moitié des meilleurs taureaux de monte naturelle comme le taureau
Rico, issu lui-même d'un taureau de monte naturelle et d'une vache montagnarde bio de 16
ans à 5800 litres de lait par lactation (3900 litres en 1ère lactation) – pâturage et foin de
prairies naturelles sans légumineuses + 300 kg de concentré par an. Et pourtant c'est un des
meilleurs taureaux de la race, améliorateur en lait à partir de la 2ème lactation, taux, viande,
longévité, fertilité, avec des mamelles dans la moyenne mais qui restent hautes sur les
En 2014, l'écart génétique officiel entre la brune originale et l'ensemble de la brune suisse
(américanisée) c'est un écart type de potentiel lait en moins (440kg), pour un écart type en
plus sur tous les caractères dits secondaires (longévité, cellules, fertilité, persistance, vitesse
de traite), deux écart types en plus sur la musculature, les valeurs bouchères, le bassin. Les
taux (TP et TB) sont identiques. Seuls défauts : la facilité de vêlage est moins bonne (veaux
plus lourds à la naissance) et les mamelles moins bien attachées. Deux défauts historiques
qui s'atténuent fortement d'année en année.
À ces qualités, s'ajoutent le prix d'achat des veaux brune d'origine trois fois plus cher que
leurs homologues brown-swiss. Les jeunes vaches sont également très recherchées comme
vaches allaitantes, ce qui permet de valoriser les vaches avec des défauts de mamelle ou
avec une production laitière insuffisante. L'état fédéral suisse octroie des aides spécifiques
aux éleveurs de brune originale ainsi qu'à leur association qui édite un journal trimestriel et
organise de nombreux échanges et concours.
Tout ceci explique une augmentation continue des effectifs de brune originale en Suisse
depuis 10 ans. En Suisse, en Allemagne, en Autriche, en Italie, en Amérique du sud, la
Brune originale est maintenant reconnue et a de plus en plus de succès... Deux taureaux
sont aujourd’hui au catalogue français d’IA ; les éleveurs ont maintenant le choix entre
l’excès et l’équilibre, entre la sélection industrielle et la sélection paysanne.
Depuis 1998, nous utilisons avec succès des semences de taureaux brune d'origine
importées de suisse. Elles donnent naissance à de magnifiques veaux plus vigoureux qui
deviennent de belles vaches plus solides et plus calmes, mais tout autant productives, sauf
en première lactation, sagesse de la sélection paysanne pour préserver la jeune vache d’un
excès de bonté préjudiciable à son avenir ! En une ou deux générations nous retrouvons des
vaches équilibrées et des veaux de lait bien musclés (en moyenne 125 kg de carcasse à 3
mois avec un classement R, parfois O). La fertilité et la longévité se sont améliorées avec 6
vaches de 10 à 15 ans parmi le troupeau de 25 vaches.
Le sexage et la génomique ont fait leur apparition en brune originale respectivement en 2013
et 2014. Le sexage n'a que peu de succès, et restera probablement marginal car les veaux
mâles de cette race mixte sont bien valorisés, et l'excellente longévité de la race nécessite
peu de renouvellement femelle.
L'indexation génomique a divisé les éleveurs. Pour ses défenseurs, les valeurs génomiques
sur les jeunes taureaux peuvent permettre de sécuriser la monte naturelle, en évitant à
l'éleveur de tomber sur un taureau ayant un défaut majeur, comme cela arrive parfois, ou
encore d'oser certaines ascendances moins éprouvées.
Pour autant les éleveurs de brune d'origine restent critiques à l'égard des index, et d'autant
plus sur les premières indexations génomiques qui leurs semblent souvent étranges.
Plusieurs éleveurs, même les plus farouches partisans, notent des décalages flagrants avec
les qualités des ascendants, ou du taureau lui-même (ex: taureau négatif partout sauf pour
les membres, et pourtant l'éleveur voit dans le taureau les membres comme seule faiblesse
!). Un manque de fiabilité qui semble dû au petit nombre d'individus de la population et à sa
grande diversité génétique.
Les éleveurs sont également critiques sur le risque de perte de diversité génétique en
sélectionnant toujours les mêmes combinaisons de marqueurs, donc les même
combinaisons de gènes. Autre source d'inquiétude : la nouvelle valeur marchande des
animaux qui résulte de ces valeurs génétiques supposées.
Curieux et prudents avec la génomique, les éleveurs de brunes originales, y compris les plus
jeunes et les plus productivistes, restent farouchement attachés à leur sélection basée sur la
monte naturelle, l'observation des vaches sans artifices chez les éleveurs de confiance et la
fine connaissance des lignées maternelles et paternelles.
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RESUME
Le dispositif national de sélection génétique animal mis en place dans les années soixante a
permis l'extension de races sélectionnées pour leurs performances en terme de production. Il
en a résulté une uniformisation et une intensification des pratiques d'élevage, rétrécissant
ainsi la diversité génétique animale entre les races et intra-races. La limitation durable de
cette érosion nécessite d'en comprendre la cause, et passe donc par une remise en question
des techniques de l’amélioration génétique. L'objectif de cette étude a été d'analyser les
raisons pour lesquelles des éleveurs contestent les dispositifs de sélection dominants et de
contribuer à la caractérisation de pratiques d'élevage paysan qui vont dans le sens du
maintien de cette diversité, et ainsi de mettre en lumière des obstacles et des leviers
d’actions pour la reconnaissance et la mise en place de pratiques se basant sur la diversité
génétique. Les éléments clés qui ressortent concernent la trop grande importance donnée à
la génétique et le manque de prise en compte des savoir-faire des éleveurs dans les
dispositifs. L'adaptabilité des animaux à l'environnement, via la recherche de « rusticité » et
les pratiques d'élevage durable, passant par la recherche d'autonomie, sont des critères
indispensables aux yeux de nombreux éleveurs, ainsi que la considération des liens établis
entre l'éleveur et ses animaux dont les enjeux identitaires sont non négligeables.
A partir de la seconde moitié du XXème siècle, les pratiques de sélection sont transformées
radicalement: la génétique quantitative est adoptée. La simplification du cheptel par une
réduction du nombre de races et l’augmentation de leur spécialisation est recommandée
(mise en place de la reconnaissance des races ayant un intérêt pour la production, extension
de l’insémination artificielle, pas d’agrément pour l’insémination artificielle des races
condamnées). C’est dans ce contexte d’intensification, de spécialisation et de
standardisation, que la Loi sur l’élevage du 28 décembre 1966 est votée. Elle organise
l’amélioration génétique autour de la notion de race en prônant l’utilisation à grande échelle
des outils de la sélection génétique. Et c'est le Ministère de l'Agriculture par le biais de la
CNAG (Commission Nationale d'Amélioration Génétique) qui détermine les races pour
La Loi d’orientation Agricole du 5 janvier 2006 modifie aujourd’hui le cadre réglementaire sur
l’organisation de la sélection : alignement vis-à-vis des règles de concurrence des marchés
européens, ouverture de l’organisation de la sélection animale aux innovations scientifiques
dans le domaine de la génomique.
Par contre c'est intéressant de noter que contrairement au domaine végétal où les
agriculteurs sont seulement des utilisateurs de semences certifiées, la coopération entre les
organismes de recherche et les éleveurs-sélectionneurs est indispensable du fait simplement
qu'une seule personne ne peut pas détenir suffisamment d'individus pour réaliser un progrès
génétique.
Donc, parce qu’on ne peut pas se passer de la participation des éleveurs, la Loi sur l'élevage
a mis en place des UPRA, aujourd'hui les OS, dans lequel les éleveurs sont chargés
d'organiser le programme de sélection. Cela n'est par contre pas le cas pour les éleveurs de
porcs et de volailles dont la sélection est principalement le fait des entreprises privées.
L'importance accordée à la carrière/la longévité des mères et donc de la voie femelle est
quelque part le seul point de contrôle des éleveurs. En effet, le modèle de sélection a
privilégié un dispositif organisé autour de la voie mâle, où seule une élite (une élite
d'éleveurs-sélectionneurs et une élite de mâles améliorateurs) est à l'origine de la création et
de la diffusion du progrès génétique. La sélection sur la base de cette élite et donc sur la
base d'un effectif restreint comparé à l'ensemble de la population est le point de départ de la
perte de diversité génétique. Par exemple, dans le cas des ovins lait, l'organisation de la
sélection repose sur la conception d'un schéma de forme pyramidale, séparant les éleveurs-
sélectionneurs des éleveurs-utilisateurs dont le noyau de sélection ne représente que 20%
de la population totale. En vaches laitières, on pourrait imaginer que la variabilité génétique
de la population reste plus importante étant donné que la majorité des élevages sont aux
contrôles laitiers et qu'il est donc possible qu'un nombre plus élevé d'élevages fournisse des
taureaux. Pourtant il y a de plus en plus d'inquiétudes liées au faible nombre d'ancêtres
desquels proviennent les animaux (privilégier les mâles améliorateurs via les classements,
sans prendre suffisamment en compte leur ascendance).
Sachant que les OS sont les seules structures officielles qui gèrent les orientations que doit
prendre une race (comme le définit la Loi sur l’Élevage, il ne peut y avoir qu'une seule
structure par race -les races porcines et avicoles étant des cas à part-), les choix de
sélection doivent être uniques pour l'ensemble de la race et ils reposent sur un consensus à
l'échelle de la filière. Mais vu la diversité des systèmes d'élevage, un consensus est difficile à
obtenir et dans ce cas c'est la majorité qui l'emporte. Cette majorité d'éleveurs vendent leurs
produits (viande ou lait) à une filière de commercialisation longue qui les pousse à obtenir
des animaux à hauts rendements. Les éleveurs qui ne se retrouvent pas dans ce système
sont donc très vite en dehors de toute possibilité décisionnelle.
La législation actuelle empêche également d'avancer vers des pratiques plus autonomes. La
certification de la voie mâle, l’identification électronique et la sélection génétique sur la
résistance à la tremblante sont trois outils sources de contestations et de questionnements
pour les éleveurs, parce qu’ils contribuent à la « normalisation » des élevages. Par exemple,
on peut supposer que si les gènes de sensibilité à la tremblante n'ont pas été éliminés au
cours du temps par les éleveurs c'est qu'ils seraient liés à d'autres caractères d'intérêts qu'il
serait certainement dangereux d'éliminer...
La génomique questionne aussi les éleveurs. Le but est de sélectionner des jeunes taureaux
selon leur profil d’ADN, avant qu’ils ne soient testés sur descendance et ainsi combiner
progrès génétique et variabilité dans les origines. Pourtant, n'est-ce pas risqué de partir du
principe qu'en acquérant des connaissances parfaites sur le génotype (les gènes), on
prétend connaître le phénotype (l'expression de ces gènes) ? La génétique explique-t-elle
tout? Quelle place à l'effet terroir : les pratiques des éleveurs et leur environnement?
3.1 Autonomie
Pour beaucoup d’éleveurs, l’autonomie est le critère primordial sur lequel ils construisent leur
système: elle influence largement le dispositif de gestion de leur troupeau. Le degré
d’indépendance d’une exploitation ou d’un territoire vis-à-vis de l’extérieur pour l’alimentation
de son troupeau, est primordial du point de vue de l’adaptation des animaux aux territoires
exploités et donc pour le maintien de la biodiversité. Une biodiversité qui se situe à l’échelle
d’un territoire dans lequel la typicité des milieux correspond à un type d’animal.
3.2 Rusticité
On parle de « rusticité » pour exprimer la capacité d'adaptation des animaux à
l'environnement et aux pratiques d'élevage. Les éleveurs qui font le choix de plus
Les OS ne peuvent pas encore prendre en compte ce caractère parce qu'il n'est pas encore
mesurable. Les objectifs de sélection sont complètement conditionnés par les connaissances
scientifiques, du coup pour que le caractère « rustique » soit pris en compte dans les
schémas de sélection, ça nécessite qu'il soit tout d'abord objectivé, c'est-à-dire rendu
mesurable, quantifiable et diffusable.
Pourtant, chaque éleveur porte des points de vue différents sur les aptitudes de leurs
animaux, chaque éleveur se construit une représentation de ce que la notion de rusticité
peut vouloir dire. La rusticité ne peut donc pas se dissocier de l'éleveur qui en parle.
L'objectiver et donc la caractériser d'un point du vue génétique dans une perspective de
sélection, ne ferait que réduire ce lien que crée l'éleveur avec ses animaux.
Par contre il existe des pratiques plus globales qui permettent justement de maintenir un
certain niveau de rusticité via le maintien de la diversité génétique. Les éleveurs vont par
exemple éliminer dans leur cheptel les animaux qui ne conviennent pas, le but étant la
recherche d'un équilibre entre la suppression des animaux inintéressants et le maintien
d'une diversité la plus large possible. La sélection de type massale répond à cette
exigence. Elle dépend de la capacité à reconnaître des caractères à garder ou à éliminer
mêlant plusieurs lignées génétiques différentes et permet de retenir au fil des générations les
animaux et les groupes d'animaux les plus dynamiques et les plus adaptés. C’est une
technique très efficace pour sélectionner des caractères influencés par des facteurs
environnementaux.
Ainsi, des éleveurs se permettent de garder des animaux qui ne sont pas très bons au
niveau production car ils peuvent rééquilibrer le troupeau en apportant d’autres critères tout
aussi intéressants (facilité de mise bas, bonne santé, bonne fertilité, bon instinct maternel,
etc.). Pour ces éleveurs, la productivité se joue donc à l’échelle du troupeau et suivant la
conduite de l’élevage. Le travail de l’éleveur est donc d’essayer de maintenir le potentiel qui
lui convient et cela majoritairement en apportant une alimentation équilibrée qui est au mieux
valorisée.
Au sein de l'association des Bergers Fromagers Rhônalpins, des fermes de la région ont
entamé une réflexion dans ce sens, en se retrouvant d’abord pour confronter leurs objectifs.
Toute la complexité est de savoir repérer et exprimer la diversité dans le troupeau, tout en
préservant une certaine homogénéité qui exprime l'adaptation du troupeau au territoire mais
en évitant l'uniformité ! Dans cette pratique d'élevage, il semble important de confronter nos
points de vues entre éleveurs sur les critères de sélection massale : conformation et format ;
adaptation à la marche ; résistance au froid et qualité de la toison ; forme de la mamelle et
facilité de traite ; résistance au parasitisme ; capacité à reconstruire ses réserves
corporelles... Ce travail à faire entre éleveurs est important aussi pour déboucher sur un
réseau pour se fournir en mâles reproducteurs (« non certifiés ») et donc s'entendre sur les
critères de choix des mâles et garder un certain nombre d'agneaux pour porter la diversité
des lignées présentes. Un des critères qui ressort comme fil directeur pour le choix des
mâles est le fait de privilégier les critères de longévité des mères et de leur persistance. Une
vieille brebis est une brebis qui a traversé toutes les difficultés tout en continuant à produire
Parmi les difficultés que les éleveurs de l'association rencontrent pour créer une pratique de
sélection alternative, on peut citer la hantise de perdre l'acquis productif surtout en
production laitière où les performances sont très visibles (volume de lait). De plus que les
caractères de productivité sont plus héritables que ceux de la fécondité et « longévité » et
que ces caractères sont souvent opposés. Il y a aussi le souci de la consanguinité qui est
d'autant plus important que le réseau d'éleveurs est petit.
BIBLIOGRAPHIE
> LABATUT J., 2010 - Construire la biodiversité. Processus de conception de « biens
communs », Presse des Mines, Collection Économie et gestion
> Pellegrini P., 1999 - De l’idée de race animale et de son évolution dans le milieu de
l’élevage, Ruralia n°5
> Lauvie A., 2007 - Gérer les populations animales locales à petits effectifs : approche de la
diversité des dispositifs mis en œuvre, Thèse en gestion des ressources génétiques
animales, AgroParistech et INRA
> Séminaire du 25 novembre 2010 à SupAgro Montpellier - La rusticité, l’animal, la race, le
système d’élevage?, coédition Association Française de Pastoralisme, Agropolis
international et Cardère éditeur
> BESSIN J., 2012 - Maintien de la biodiversité animale domestique : pratiques paysannes et
points de vue d’éleveurs sur les obstacles et leviers d’action dans les dispositifs de gestion
des races animales, Mémoire de fin d’étude diplôme Ingénieur Agronome, Montpellier
SupAgro
> PORCHER J., 2011 - Vivre avec les animaux, une utopie pour le 21ème siècle, éditions la
découverte
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RESUME
Considérant les gènes comme des lettres de l’alphabet ; le choix des lettres, l’agencement
en mots, et ensuite la construction de phrases, composent une histoire, des histoires
différentes.
Le texte ne fait pas la représentation. Une histoire écrite, vient le temps de sa mise en
scène. L’identité, la voix, l’humeur du lecteur, du conteur ou/et de l’acteur ; le lieu
d’expression ; les personnes et personnalités de l’auditoire, offrent une diversité de mise en
scène de cette histoire. Elles deviennent alors des histoires de vie, des histoires vécues, et
non plus seulement des histoires rapportées et entendues.
Par ce qu’elle replace le matériel d’écriture génétique dans son environnement plus large, et
s’intéresse au processus d’expression des gènes, l’épigénétique nous éclaire sur les
influences de l’environnement sur l’expression des gènes. Une carte génétique donnée, c’est
une multitude d’histoires de vie possibles, sans modifications de la séquence nucléotides
(ADN) composant les gènes.