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Source: ALLEMAND, Frédéric, "L'éclatement du système monétaire de Bretton Woods", dans ALLEMAND,
Frédéric, L'Union économique et monétaire: origine, fonctionnement et futur. Sanem: CVCE, Coll. Dossier
thématique, 2013. CVCE, 2013.
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Date de dernière mise à jour: 06/07/2016
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L'éclatement du système monétaire de Bretton Woods
Pour sortir les États-Unis de la récession, la Réserve fédérale américaine pratique une politique
monétaire accommodante à partir du début de l'année 1971. La situation est inverse dans les pays de
la CEE confrontés à une situation de surchauffe caractérisée par un niveau élevé d'inflation. Les
banques centrales, dont la Bundesbank en premier chef, pratiquent des politiques monétaires
restrictives. Le différentiel des taux d'intérêt américain et européens entraînent des afflux de dollars
en Europe, exerçant une pression à la hausse sur les monnaies européennes et le mark en particulier.
La pression des marchés s'accroît début mai sur l'Allemagne1 et les pays dont les économies lui sont
liées (Pays-Bas, Belgique et Suisse). Cela oblige cette dernière à acheter massivement des dollars
avec une opération record d'un milliard de dollars achetés le 5 mai 19712. Comme en 1969, le
gouvernement décide finalement de fermer les marchés de change. Le président de la Commission
propose la mise en place d'une action concertée des banques centrales et la convocation du comité
monétaire. Le Conseil est également convoqué à la demande des Pays-Bas. Il s'agit d'éviter toute
mesure unilatérale au profit de mesures communautaires, sous peine de défaire le peu que la
première étape de l'UEM a déjà réalisé. L’Allemagne s'engage à suspendre ses décisions à la tenue
de ces réunions. Afin d'épuiser la spéculation des marchés, elle propose à ses partenaires un
flottement général des monnaies européennes. Le Conseil du 9 mai 1971 approuve la proposition de
Bonn, tout en précisant le caractère exceptionnel de ce choix et le «caractère incompatible dans des
circonstances normales d'un système de taux de change flottants à l'intérieur avec le bon
fonctionnement de la Communauté.»3 À l'ouverture des marchés le 10 mai, les autorités allemandes
et néerlandaises laissent flotter, à titre temporaire, leurs monnaies; la Belgique n'intervient plus sur
la partie libre de son marché des changes4. Un mécanisme de compensation monétaire est mis en
place dans le secteur agricole de la Communauté européenne pour préserver le système de prix
uniques des fluctuations trop importantes entre les monnaies des États membres. Les autorités
américaines témoignent d'une totale indifférence. À Paris le 12 mai 1971, le chef des conseillers
économiques du président américain , Paul McCracken, explique que «les États-Unis ne sont pas
plus responsables que les autres pays de la crise actuelle et n'ont pas d'action particulière à
proposer.»5
Le mark et le florin s'apprécient par rapport au dollar. Le retour à une parité fixe associée à des
marge de fluctuation étroite est prévu pour intervenir dans un délai d'un an. Les appels en faveur de
la poursuite de l'intégration monétaire se multiplient de la part des responsables politiques
européens. La mise en œuvre des éléments relatifs à la politique économique pendant la première
étape continue. Les budgets économiques des États membres sont examinés au sein de groupe
d'experts du Conseil.
L’accalmie est de courte durée. Le flottement des monnaies européennes est annonciatrice de la fin
du système de Bretton Woods.
1 Après que plusieurs directeurs d'instituts économiques allemands aient fait savoir publiquement que la seule façon de
réduire les entrées de capitaux en Allemagne était de laisser flotter le mark. Indiqué par STRANGE, Susan, The Dollar
Crisis 1971, International Affairs, avril 1972, vol. 48, n°2, p. 200.
2 HETZEL, Robert L., Germany Monetary History in the Second Half of the Twentieth Century: From the Deutsche
Mark to the Euro, Federal Reserve Bank of Richmond Economic Quaterly, Spring 2002, vol. 88, n°2, p. 40.
3 Résolution du Conseil du 9 mai 1971 concernant la situation monétaire, Bull. CE 6-1971, pp. 26-27.
4 Pour certaines transactions, le cours de la monnaie s'établit librement, tandis que pour d'autres, les autorités monétaires
interviennent.
5 Cité dans Bull. CE 7-1971 p. 131.
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La suspension de la convertibilité du dollar en or
Les déficits extérieurs américains se traduisent par une accumulation de dollars dans les réserves
des banques centrales étrangères, notamment celles européennes et du Japon. Pour différentes
raisons, celles-ci commencent à demander le paiement de leurs dollars en or auprès des autorités
américaines. Or, en ce printemps 1971, les réserves d'or détenues par la Réserve fédérale
américaines sont à leur plus bas niveau depuis 1936. En complément, alors qu'elle est généralement
excédentaire, la balance commerciale se révèle aussi déficitaire – ce qui témoigne d'une baisse de
compétitivité de l'économie américaine... et d'une absence de «solidarité» des Européens, critiqués
par le secrétaire d’État au Trésor américain, pour avoir réduit leurs achats de matériels militaires
américains. Début août, les États-Unis doivent emprunter 600 millions de dollars au FMI sur leur
part d'or6. Les tensions s'accentuent à nouveau sur les marchés européens et sur celui japonais.
Finalement, le 15 août 1971, le président Nixon annonce la suspension temporaire de la
convertibilité en or du dollar, la mise en place d'une taxe de 10 % sur les importations et des
allègements fiscaux pour les investissements internes.
Les régimes de flottement appliqués par les Etats membres de la CEE à compter d'août 1971 (déjà
en vigueur pour le mark allemand et le florin néerlandais depuis mai 1971) conduisent à une
appréciation des monnaies européennes par rapport aux parités exprimées en dollars. Fin octobre, la
hausse du taux de change s'établit à 9,7 % pour le mark, 8,1 % pour le florin, 7,3 % pour le franc
belge, 4 % pour la livre sterling ou encore de 2,4 % pour le franc français. Les travaux en vue de la
réalisation par étapes de l'union économique et monétaire se poursuivent s'agissant de la
coordination des politiques économiques et budgétaires. Les évolutions en matière monétaire et de
libéralisation des capitaux sont conditionnées aux avancées des négociations monétaires
internationales. Celles-ci progressent difficilement pendant tout l'automne. Bonn privilégie un
élargissement des marges de fluctuation vis-à-vis du dollar (ce qui en permettra la dépréciation et la
réduction du déficit des paiements) et un rétrécissement des marges entre les monnaies
européennes. Pour sa part, la France défend un système de changes fixes et ajustables, une
modification du prix de l'or, une dévaluation du dollar, ainsi que le contrôle des capitaux. De leur
côté, les États-Unis jugent qu'il est temps que les Européens prennent à leur charge la stabilisation
du système monétaire international et qu'ils procèdent à une réévaluation de la parité de leurs
monnaies. Le compromis nécessite plusieurs réunions du groupe des Dix, une rencontre entre Willy
Brandt et Georges Pompidou les 3 et 4 décembre 1971 à Paris, ainsi qu'entre Henry Kissinger et le
président français les 13 et 14 décembre 1971 aux Açores.
L'accord est finalisé le 18 décembre 1971 dans les locaux de la Smithsonian Institution, à
Washington. L'inconvertibilité du dollar est maintenue, l'once d'or est augmentée de 35 dollars à
38 dollars, ce qui représente en fait une dévaluation du dollar de 8,6 %. Les principales monnaies
européennes sont réévaluées de sorte à rééquilibrer les échanges entre ces pays et les États-Unis
sans trop affecter les échanges intracommunautaires. Ce réalignement conduit à une réévaluation de
6 % du mark par rapport au franc français. Les parités vis-à-vis du dollar sont élargies de ±1% à
±2,25 %. Les taxes américaines aux importations sont abrogées. Le nouveau système rétablit la
stabilité de l'ordre monétaire international sans résoudre les causes des déséquilibres antérieurs7. La
dévaluation du dollar est jugée insuffisante. «I hope it last three months» dit Paul Volcker, le
président de la Federal Reserve Bank, en aparté de la signature de l'accord.
6 STRANGE, Susan, The Dollar Crisis 1971, International Affairs, avril 1972, vol. 48, n°2, p. 203.
7 RAE, Michelle, International Monetary Relations between the United States, France and West Germany in the 1970s,
Dissertation submitted in partial fulfillment for the requirements of the of Doctor of Philosophy, Texas A&M niversity,
August 2003, pp. 128 et s.
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européenne par rapport au dollar est de 4,5 %. Cela signifie que les fluctuations entre deux
monnaies européennes peuvent atteindre 9 % en cas de retournement de leurs cours par rapport au
dollar! De telles marges rendent impraticable la politique agricole commune et menacent plus que
jamais le fonctionnement du marché commun. De façon complémentaire, des négociations
commerciales s'ouvrent entre les États-Unis et la CEE les 21 et 22 décembre 1971.
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