Artiste
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https://www.cecilendiaye.com
Elle développe une démarche artistique dans laquelle le design, l’artisanat et l'art cohabitent en
permanence dans un système de pensée engagé et responsable. Elle se nourrit en continu des
cultures locales, des traditions artisanales et des ressources disponibles dans son environnement,
et en fait sa propre lecture pour proposer de nouvelles narrations.
A travers son travail elle acquiert, documente et expérimente des connaissances et des techniques
traditionnelles sur le cuir en Afrique de l'Ouest.
Par ailleurs, Cécile Ndiaye a créé au Sénégal la maison de maroquinerie "Studio Wudé. Attachée
au mieux-être social et individuel par l'expression collective, la valorisation des compétences
endogènes et la capacité à créer de la valeur, elle ne cesse de faire évoluer les process de création
et d’organisation afin que Studio Wudé soit pour chaque artisan un lieu d'invention et
d'affirmation, un catalyseur de talents, un révélateur du possible. Qu’il soit un véritable
laboratoire de recherche au service du beau et de l’utile, un lieu de mémoire, de transmission et de
croisement, mais aussi d'invention, donnant naissance à de nouvelles esthétiques. Une passerelle
vers une singularité créative.
Les oeuvres de Cécile Ndiaye ont été présentées dans des musées et expositions en Afrique, en
Europe et aux États Unis (dont FITE 2018, Making Africa Blandon Museum of art Austin, Vitra
Museum Weil am Rhein, Musée Guggenheim Bilbao, CCCB Barcelona, Kunsthal Rotterdam,
Making Africa, High Museum of Art Atlanta, Albuquerque Museum, Muséum d’Histoire
Naturelle Le Havre, Salon Révélations Grand Palais Paris 2017).
(Work in progress)
J’achète des vestes en cuir compactées dans des ballots de 45 kg, dans le quartier des friperies à
Dakar. Dans ce lot j’y découvre des pièces en provenance d’Europe, de Mongolie, d’argentine, de
Chine, des Etats unis… une cartographie des grands lieux de tradition d’élevage, devenus
industriels.
Je commence un long travail de "dépeçage". Il faut d’abord enlever la doublure, le plus souvent
un textile polyester ou du moins d’une matière qui nous éloigne le plus possible de la bestialité.
Puis les mousses des épaulettes, les renforts et lacettes destinés à conditionner le mouvement ou
les faiblesses naturelles de la peau… parfois certaines coutures. Alors seulement le cuir s’offre à
moi dans sa vraie nature de peau. Petit à petit je me rapproche de la bête, révélant parfois une
cicatrice, des variations de densité, des rugosités…
A ce stade-là, il y a encore une veste ; sa coupe, ses coutures pourraient s’adapter indifféremment
à un autre textile, Le travail de Dé-construction se poursuit lorsque posée sur un buste je la
découpe en fines lamelles.
Par le trés lent travail de tressage je sculpte le cuir à même le buste, comme un prolongement du
corps, les formes qui apparaissent vont le modeler. Les parures ainsi créées, sont une seconde
peau, parfois un exosquelette, elles prolongent le corps autant qu’elles le prot ègent. En fonction
des cuirs travaillés les formes génèrent des contacts peau à peau sensuels et puissants…
Par ce travail je dé-construit la veste et le type de montage « à l’occidentale » le tout y est le fruit
de parties juxtaposées, faisant référence à une découpe rationnelle du corps humain.
Emmanchures encolures, parementures… au profit d’une construction organique, inspirée du
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vivant et des schémas de construction dans la nature : une combinatoire de données simples
répétées qui génère du complexe, et modèle la totalité cosmique.
Les bêtes sauvages étaient (au passé parce qu’il n’y en à plus) nos prédateurs naturels, à l’échelle
de notre corps. Cohabiter avec elles, nous confronte à notre vulnérabilité, et nous pousse à
l’humilité.
En intervenant sans limite, sur le vivant nous avons généré des forces qui remod èlent en
profondeur l’ensemble de la planète.
Les forces déployées par la nature pour nous ramener à notre vulnérabilité sont d’une tout autre
puissance, cette escalade est le résultat de la grande brutalité que nous avons déployé pour nous
positionner au sein du vivant.
Face à l'accélération des catastrophes, les forces brutales politiques nous guettent et le risque est
grand de voir une morale écologiste évoluer vers du fascisme environnemental.
Les créatures chimériques que je réalise sont mes super héros, parés de leur habit de puissance,
leur super pouvoir étant l'humilité, une force centrale pour maintenir un écosyst ème en équilibre.
"Tout système vivant revient spontanément à l’état d’équilibre au travers d’une série de processus
régulateurs, dans la limite de la capacité d’adaptation de ce système. Ce rééquilibrage permanent
doit prendre en compte deux paramètres : les ressources de l’organisme vivant et la nature du
milieu dans lequel il baigne "– La loi de l’homéostasie
Cécile Ndiaye allie nouvelles technologies et techniques ancestrales dans son travail, qu'elle
élabore en s'inspirant de la nature
Dans la série CARTOGRAPHIES elle réalise des boubous à partir de données géographiques
contemporaines du Sénégal.
La forme de ces boubous est générée par une recherche d’équilibre entre la découpe du cuir et les
tressages nécessaires pour modeler le vêtement à la mesure du corps.
Elle collabore avec Laurent malys Développeur, pour créer un programme de design génératif à
partir d’un code graphique défini (un motif en forme de spirale dans un diagramme de Voronoï).
Ce programme modifie le code graphique en fonction des données géographiques . Il est conçu
dans le but de découper le cuir sans produire de déchet.
La surface de cuir est découpée au laser en fonction de ces données qui témoignent
des prélèvements de l'homme sur son territoire, par exemple : Le prélèvement des
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eaux souterraines, la densité de population, les matériaux de construction. Tout comme
le territoire, le cuir se fragilise à mesure qu’il est découpé.
Dépecé, décharné, exploité, le cuir qui constitue ici la matière première symbolise le territoire, en
proie depuis des siècles à une exploitation prédatrice de la part de l'homme.
C'est alors que l'artiste Cécile Ndiaye intervient avec des savoir-faire traditionnels de tressage. La
tresse est ici un geste de résilience qui permet de corriger les altérations que la peau a subi afin
de trouver un nouvel équilibre. La peau nécessite une intervention lente, les gestes sont répétitifs
et ils vont progressivement former le vêtement.
Cette intervention sur le cuir est un parallèle à l'action réparatrice que l'homme pourrait avoir sur
le territoire.
Le vêtement ainsi obtenu interroge notre rapport à la matière, et par extension notre rapport
au territoire.
Ce projet puise son inspiration dans les résultats des recherches de la goélette Tara Expédition,
qui lors d'une mission a effectué des études sur la diversité de la vie planctonique, son évolution
et son impact sur le système terre.
L’océan compose Dakar, il traverse ce travail, et c’est de ce grand bleu qu’émerge ce projet ; de
l’enchantement que provoquent les formes fantasmagoriques que recèlent ses profondeurs.
Il cherche aussi ses racines dans les traditions de cet écosystème urbain, et ses modèles dans la
biodiversité océanique qui l’entoure, comme un écrin.
Les différentes séries de parures créées ces dernières années dans les ateliers de la maison Studio
Wude nous projettent dans une forme de biologie spéculative : « nous sommes des symbioses et
c’est cette dimension que nous entendons montrer dans notre approche de la matière. »
L’être est un écosystème capable de créer en tout lieu une oasis. Dès lors les frontières ne sont
plus les mêmes et surtout la notion de barrière de l’espèce vole en éclat. Nous sommes traversés
par ces règnes que nous portons en nous, dont nous sommes une synthèse en mouvement.
« Les corps des danseurs fusionnent avec les parures pour devenir un nouvel organisme aux
propriétés différentes, notre Théorie des règnes sensibles. »
Photographie : Antoine Tempé
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WAXOLOGIE
Ces bijoux de corps jouent avec l’érotisme subtil, typique de la lingerie sexy en Afrique de
l’Ouest, en ce qu’elle améliore tout en dissimulant le corps.
L’esthétique rappelle les planches anatomiques du 18 ème siècle.
Le wax qui donne son nom au travail est la clé qui permet la compréhension du travail. Le wax est
un tissu qui accompagne l’expansion coloniale, il sera après les indépendances, produit sur le
continent. À présent sa fabrication est délocalisée, nous n’en sommes que les consommateurs. Ce
tissu symbolise, le rapport à la souveraineté en Afrique. La réinterprétation créative et
constructive du wax dans waxologie -coupé et relié- libère de son contexte colonial, symbolisant
ainsi la réinvention d’une identité Africaine.
Photographie : Fabrice Monteiro
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